2es journées de formation continue : JFK 2009
La kinésithérapie post-opératoire dans le cancer du sein
La validation du traitement du « gros bras »
J EAN -C LAUDE F ERRANDEZ
L e rôle de la kinésithérapie est important à différen-
tes étapes de la vie des patientes opérées d’un can-
cer du sein [1]. Ce rôle n’aurait jamais été si important
si l’anatomie du système lymphatique du sein et d’une
partie du membre supérieur n’avait eu un point com-
mun.
La stratégie du traitement du cancer du sein est com-
plexe. Le statut d’envahissement des nœuds lymphati-
ques est déterminant pour le traitement complémen-
taire. Ce statut est obtenu par curage axillaire ou
prélèvement du « ganglion sentinelle ». Ces deux pro-
cédures modifient le drainage du membre supérieur. Il
s’en suit des modifications qui sont à la base de l’indi-
cation de la kinésithérapie.
La rééducation post-opératoire
La rééducation post opératoire [1] poursuit un but sim-
ple : conserver ou recouvrir l’amplitude de l’épaule.
Celle-ci doit être récupérée au plus vite pour réaliser la
radiothérapie de façon confortable. La position d’irradia-
tion nécessite a minima une abduction de 90/110° et une
rotation externe du bras (figure 1). Un risque de limita-
tion de la flexion de l’épaule existe. L’observation des
écoulements lymphatiques orientent les techniques uti-
lisées, celles-ci ne devant pas les aggraver. Elles justifient
Figure 1. Position de radiothérapie pour cancer du sein.
Consultation de la lymphologie
Institut Sainte Catherine, 84000 Avignon, France.
E-mail : jc.ferrandez@wanadoo.fr
Kinesither Rev 2009;(85-86):19-92
MOTS CLÉS
Bandages
Cancer du sein
Drainage manuel
Thrombose lymphatique superficielle
d’une rééducation de l’épaule à type de posture. La mi-
nimisation des mouvements limite la durée de ces com-
plications et permet de récupérer une amplitude sans
violence. Il s’agit d’une récupération de l’amplitude de
l’épaule et non d’une musculation. Aucune perte mus-
culaire n’est apparue pendant le temps d’hospitalisation.
La mise en posture vers une amplitude maximale, sans
mouvements actifs répétés, évite toute irritation. L’asso-
ciation d’une expiration plus longue permet la mobili-
sation du creux axillaire et de la cicatrice du curage.
Á la sortie du service, une raideur plus franche s’installe
fréquemment, elle est synchrone de l’apparition des cor-
dons lymphatiques liée à l’obstruction des collecteurs.
Cette obstruction crée le tableau de thromboses lympha-
tiques superficielles. Leur rééducation est comparable à
la précédente : mise en tension par posture. De plus, des
drainages manuels exécutés avec la pulpe des doigts sont
effectués sur les collecteurs (figure 2). Ce choix est basé
sur l’observation échographique des collecteurs concer-
nés [1]. Les images de collecteurs ainsi traités ont dé-
montré qu’au moins jusqu’au 60e jour post-opératoire,
ces vaisseaux pouvaient conserver des lumières perméa-
bles (figure 3). Cet aspect hypo-échogène témoigne de
l’absence de matériel fibrineux et impose de considérer
Figure 2. Manœuvres spécifiques de DLM pour les thromboses
lymphatiques superficielles.
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Congrès
les collecteurs comme perméables. Il s’agit d’en conser-
ver l’intégrité anatomique. À l’inverse, les techniques
proposées pour rompre ces cordons permettent d’obte-
nir un gain d’amplitude, mais au prix d’une section des
collecteurs. Ces ruptures diminuent le capital lymphati-
que restant et pourraient augmenter le risque de lym-
phœdème. L’attitude qui consiste à les épargner permet
d’obtenir, par étirement doux, la même amplitude en
conservant leur anatomie. Cette stratégie semble préfé-
rable et recommandable.
La rééducation du lymphœdème
La physiothérapie est le traitement conservateur re-
commandé par la Société internationale de lympholo-
gie. Il est basé sur l’association de plusieurs techniques :
drainage lymphatique manuel, bandages de déconges-
tion et pressothérapie pneumatique. Il faut noter l’ap-
parition de nombreuses modifications sur ces modes
d’applications de nos techniques.
Les données actuelles validées sont les suivantes :
– les techniques abdominales d’appel à visée de vidange
de la citerne de Pecquet sont inutiles du fait de
l’inexistence de celle-ci ;
– la stimulation manuelle spécifique des nœuds lym-
phatiques n’a pas encore fait l’objet de validations ;
– la simplification des techniques de drainage manuel
a été tirée des données de la physiologie [2] qui
confirment l’absence d’effet du massage sur le flux
lymphatique des zones saines, ces données ayant été
retrouvées par les mesures rhéoplétysmographiques
[3]. Le temps passé à distance de la zone de l’œdème,
s’il correspond à un temps agréable du fait du contact
reçu par la patiente, n’enrichit pas le résultat de dé-
congestion ;
Figure 3. Échographie d’un collecteur dilaté et perméable par
oblitération axillaire.
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Kinesither Rev 2009;(85-86):19-92
Figure 4. 3 types de bandage de lymphœdème réalisé avec
seulement 2 bandes.
– la direction du déroulement des manœuvres est égale-
ment particulière dans le lymphœdème. Les modifica-
tions des voies lymphatiques après radio-chirurgie sont
connues par la lymphographie directe. L’application des
manœuvres de drainage doit tenir compte de l’anarchi-
sation de ces nouveaux trajets. La validation du DLM sur
ces voies a été validée par la lymphographie isotopique ;
– les résultats de la décongestion sont connus par diffé-
rentes publications. L’une des dernières [4] est l’étude
prospective multipraticien réalisée par l’Association
Française des Masseurs-Kinésithérapeutes pour la re-
cherche et le Traitement des affections Lymphovei-
neuses (AKTL). Les résultats rapportent 76 cas de trai-
tement ambulatoire réalisé par 18 kinésithérapeutes.
Les résultats ont porté sur la diminution des circonfé-
rences du membre. Elle est obtenue à tous les niveaux
du membre avec des différences significatives à l’avant
bras et au bras. L’avant bras se décongestionne mieux
que le bras, confirmant des travaux antérieurs ;
– la comparaison de l’efficacité de différents bandages de
décongestion a permis de démontrer que dans la prati-
que courante, les bandages simplifiés (figure 4), réalisés
avec seulement 2 bandes, sont à préférer aux bandages
traditionnels utilisant plus de bandes. En définitive, ré-
éducation post opératoire et traitement du lymphœ-
dème sont maintenant réalisés de façon simplifiée.
RÉFÉRENCES
[1]. Ferrandez JC, Serin D. Rééducation et cancer du sein. 2e
Edit. Elsevier-Masson, Paris, 2006.
[2]. Gashev AA, Zawieja DC. Physiology of human lymphatic
contractility: a historical perspective. Lymphology 2001;34:
124-34.
[3]. Theys S, Jamart J, Popierlaz M, Deltombe T, Schoevaerdts JC.
Le drainage lymphatique manuel: rétrograde versus
antérograde. Ann Kinésither 1999;26:270-4.
[4]. Ferrandez JC, Bourassin A, Debeauquesne A, Philbert C.
Étude prospective ambulatoire multipraticien du lymphœdème
du membre supérieur après cancer du sein – À propos de 76
cas. Oncologie 2005;7:316-22.