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Introduction Tableau 1. – Principales causes des décès évitables chez les polytrau-
matisés (52 sur 246 traumatisés consécutifs décédés, soit 21 % des dé-
La traumatologie constitue un problème majeur de santé publique. cès). D’après29.
L’évaluation de la gravité est un élément important de la prise en Cause évitable Nombre (%)
charge initiale des polytraumatisés qui détermine les moyens
Indication chirurgicale non posée 25 (48 %)
préhospitaliers nécessaires et surtout l’orientation vers une structure
Délai avant la chirurgie trop important 21 (40 %)
apte à les prendre en charge. Les plans d’organisation des soins Erreur de réanimation 5 (10 %)
actuellement en vigueur au niveau national (Schéma régional Lésion non diagnostiquée 4 (8 %)
d’organisation sanitaire [SROS]) n’ont guère pris en compte les
La somme est supérieure à 100 %, plusieurs causes pouvant être présentes chez le même patient.
particularités de la prise en charge de ces patients. Notamment, le
plus haut niveau d’organisation d’une structure d’urgence, le Service
d’accueil des urgences (SAU) ne répond pas forcément aux critères Évaluation de la gravité
nécessaires pour la prise en charge des polytraumatisés les plus
graves. La nécessité d’un bilan lésionnel complet et rapide rend
La définition classique d’un polytraumatisé est celle d’un patient
souhaitable la prise en charge des polytraumatisés dans des centres
atteint de deux lésions ou plus, dont une au moins menace le
disposant d’un plateau technique complet, car celle-ci ne s’improvise
pronostic vital. Cette définition n’a pas d’intérêt pratique en urgence
pas et nécessite une équipe particulièrement rodée et entraînée.
car elle suppose que le bilan lésionnel ait déjà été effectué. À la
Certaines études ont montré que jusqu’à 30 % des décès des patients
phase initiale, un traumatisé grave est un patient dont une des
traumatisés auraient pu être évités par une meilleure prise en charge
lésions menace le pronostic vital ou fonctionnel, ou bien dont le
(Tableau 1). [ 9 , 2 9 ] La stratégie de demande des examens
mécanisme ou la violence du traumatisme laissent penser que de
complémentaires et l’organisation de l’équipe selon un plan
telles lésions existent. Il est donc très important d’inclure la notion
préétabli sont au centre de cette prise en charge. [3, 13] de mécanisme et la violence du traumatisme dans la notion de
traumatisme grave, au moins lors de la phase initiale de l’évaluation.
À titre d’exemple, un défenestré de trois étages n’ayant
apparemment qu’une fracture de cheville est un polytraumatisé
B. Vivien (Praticien hospitalier)
O. Langeron (Praticien hospitalier) jusqu’à preuve du contraire, c’est-à-dire jusqu’à la réalisation d’un
Département d’anesthésie-réanimation, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de bilan lésionnel complet et rapide.
l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
B. Riou (Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service) L’évaluation de la gravité peut avoir plusieurs objectifs. Il peut s’agir
Adresse e-mail: bruno.riou@psl.ap-hop-paris.fr
Service d’accueil des urgences, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, université Pierre et Marie
soit de prédire la mortalité à l’aide d’un score « ad hoc », soit de
Curie 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. réaliser un triage des patients. [42, 43]
SCORES DE GRAVITÉ
Tableau 2. – Critères de Vittel : critères de gravité pour le triage des
Les scores de gravité sont destinés surtout à prédire la mortalité et patients traumatisés. D’après43
supposent une utilisation sur une population de patients plus que
sur des individus. Il s’agit de définir une probabilité de survie (Ps) Cinq étapes d’évaluation Critères de gravité
et donc de prédire, pour un groupe de patients, le nombre de décès Variables physiologiques Score de Glasgow < 13
attendu et de le comparer au nombre de décès réellement observé. Pression artérielle systolique < 90 mmHg
Ce sont des outils épidémiologiques permettant de comparer Saturation en O2 < 90 %
l’efficacité de systèmes ou de structures de soins ou des outils de Éléments de cinétique Éjection d’un véhicule
recherche clinique [42, 43] dont l’inconvénient est d’être calculée a Autre passager décédé dans le même véhicule
Chute > 6 m
posteriori.
Victime projetée ou écrasée
Actuellement, le plus utilisé et le plus performant reste le Trauma Appréciation globale (déformation du véhicule, vitesse
Related Injury Severity Score (TRISS). [5, 7, 10] La méthode TRISS a été estimée, absence de casque, absence de ceinture de
sécurité)
la base de l’étude Major Trauma Outcome Study (MTOS) qui a Blast
inclus plus de 200 000 patients provenant de 150 hôpitaux nord- Lésions anatomiques Trauma pénétrant de la tête, du cou, du thorax, de
américains. [11] Le TRISS est établi à partir de l’âge, de la nature du l’abdomen, du bassin, du bras ou de la cuisse
traumatisme (fermé versus pénétrant), du Revised Trauma Score Volet thoracique
(RTS) (qui comprend la pression artérielle systolique, le score de Brûlure sévère, inhalation de fumées associée
Glasgow, et la fréquence respiratoire), et les lésions anatomiques Fracas du bassin
Suspicion d’atteinte médullaire
évaluées par l’Injury Severity Score (ISS). L’ISS est basé sur un Amputation au niveau du poignet, de la cheville, ou
catalogue régulièrement révisé des lésions anatomiques décrivant au-dessus
plus de 2 000 lésions cotées de 1 (mineure) à 6 (constamment Ischémie aiguë de membre
mortelle). [7] Réanimation préhospitalière Ventilation assistée
Remplissage > 1 000 ml de colloïdes
En routine, il est recommandé de calculer le TRISS. La réalisation de Catécholamines
diagramme Preliminary Outcome Evaluation (PRE) en portant l’ISS Pantalon antichoc gonflé
en abscisse et le RTS en ordonnée et un isobare de Ps de 50 % permet Terrain (à évaluer) Âge > 65 ans
de distinguer les patients qui ont une survie inespérée ou au Insuffisance cardiaque ou coronarienne
contraire un décès inattendu. Ces calculs permettent, au sein d’un Insuffisance respiratoire
hôpital, un contrôle qualité interne sur les décès. Par ailleurs, pour Grossesse (deuxième et troisième trimestres)
Trouble de la crase sanguine
permettre d’évaluer les résultats d’une structure, d’autres calculs
statistiques sont utilisés : [7, 26] le score W est la différence entre le La présence d’un seul critère suffit à caractériser la gravité du traumatisme, sauf pour le terrain où il s’agit d’une
pourcentage des survivants (ou des morts) prévu et celui réellement évaluation cas par cas. Par ailleurs, des critères de gravité extrême étaient définis car associés à une mortalité très
élevée : pression artérielle systolique < 65 mmHg (mortalité : 65 %), score de Glasgow = 3 (mortalité : 62 %), et
observé, le score Z détermine si cette différence est significative. Le saturation en O2 < 80 % ou imprenable (mortalité 76 %).
Mortalité (%)
bilan initial et de prévenir cette équipe de l’arrivée de ce patient. Il
est alors possible de préparer le matériel nécessaire à une prise en 50
charge rapide et de prévenir les intervenants potentiellement
concernés par la prise en charge de ce patient. Dans certains cas, des
25
dispositions particulières doivent être prises avant l’arrivée du
patient, en fonction du type de transport utilisé (préparation d’une
hélistation), ou du type de traumatisme (circulation extracorporelle 0
dans les plaies du cœur). < 32 32-33 33-34 > 34
Figure 3 Principes du
bilan lésionnel initial.
qui présentent un traumatisme crânien grave, un scanner cérébral débuter par le bilan osseux puis poursuivre avec le scanner qui
est indiqué. Cette notion de gravité du traumatisme crânien reposait permet alors des explorations additionnelles sur les vertèbres
essentiellement sur un score de Glasgow inférieur à 8. Actuellement, fracturées ou sur C7-T1 si celles-ci n’ont pu être visualisées. Si le
cette notion doit être modifiée pour deux raisons : premièrement de patient est instable sur le plan hémodynamique ou grave sur le plan
nombreux traumatisés sont maintenant sous sédation dès la phase neurologique, il convient de débuter par le scanner. Le risque est
préhospitalière, et le score de Glasgow devient inopérant ; alors, après un bilan radiologique montrant des fractures vertébrales
deuxièmement, des travaux récents ont clairement montré l’intérêt ou ne permettant pas de visualiser la charnière cervicodorsale, d’être
du scanner cérébral précoce chez des traumatisés crâniens dont le obligé de retourner au scanner pour un complément de bilan.
score de Glasgow est supérieur à 8 mais pour lesquels le Certaines équipes ont proposé de réaliser, au cours du scanner, des
topogrammes de face et de profil, afin d’éviter cette situation. En
traumatisme crânien a été jugé violent. Chez 1 138 patients
effet, dans 85 % des cas, le topogramme est jugé suffisant pour
traumatisés ayant un examen neurologique normal, Rizzo et al. [45]
éliminer des lésions rachidiennes et il peut être complété par des
ont observé dans 25 % des cas des lésions au scanner. coupes sur des vertèbres douteuses. En fait, l’arrivée des scanners
Par quel examen commencer, radiographie standard ou scanner ? Si multibarrettes permet d’envisager à terme la suppression du bilan
le patient est hémodynamiquement stable, il est préférable de radiographique standard du rachis étant donné la qualité et la
Figure 4 Importance
du scanner dans le bilan lé-
sionnel.
A. Hématome extradu-
ral gauche avec effet de
masse et engagement
cérébral.
B. Hémothorax trau-
matique et contusion
pulmonaire.
C. Fracture splénique.
D. Fracture d’une ver-
tèbre dorsale avec frag-
ment osseux intraca-
nalaire.
E. Hématome rétropé-
ritonéal refoulant le
rein gauche.
F. Traumatisme hépati-
que sévère avec mise en
évidence d’un saigne-
ment actif au sein de
l’hématome sous-
capsulaire.
rapidité d’obtention des images du rachis, incluant les topogrammes multibarrettes devraient limiter les indications d’artériographie aux
de face et de profil, souvent nécessaires pour la stratégie chirurgicale seuls patients nécessitant une embolisation.
orthopédique (Fig. 5). Devant un traumatisme thoracique, la fibroscopie bronchique doit
être largement pratiquée et devenir systématique lorsque le patient
AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES est intubé. Elle permet en effet de diagnostiquer l’inhalation
D’autres examens complémentaires peuvent être nécessaires. bronchique très fréquente en cas de perte de conscience, des
L’artériographie joue un rôle parfois important : diagnostic des hémorragies intrabronchiques en rapport avec une contusion
causes d’ischémie aiguë des membres ou pour l’embolisation des pulmonaire, et les ruptures trachéobronchiques qui peuvent se
traumatismes graves du bassin. [1] En revanche, l’aortographie pour révéler tardivement. De plus, la fibroaspiration permet parfois de
le diagnostic des ruptures de l’isthme de l’aorte est de moins en désobstruer une bronche (sécrétions, caillots) et donc de prévenir
moins pratiquée devant la supériorité de l’ETO et la facilité une atélectasie.
d’obtention d’une angiographie au cours du scanner spiralé avec Le bilan lésionnel complet et la chirurgie urgente qui s’en dégage
injection de produit de contraste. [24] Là encore, les scanners doivent être terminés au plus tard dans les 24 heures qui suivent
CHIRURGIE
Les polytraumatisés nécessitent le plus souvent un traitement
chirurgical, ne serait-ce qu’en raison de la fréquence des lésions
orthopédiques. Plusieurs principes méritent d’être mis en exergue.
Premièrement, plusieurs interventions chirurgicales peuvent être
nécessaires simultanément et il est parfois nécessaire de faire des
choix stratégiques. Les interventions d’hémostase sont donc
généralement prioritaires. Dans l’étude de Thomason et al., [54] chez
des polytraumatisés en hypotension artérielle, la neurochirurgie est
rare (2,5 %) alors que la chirurgie d’hémostase abdominale et/ou
thoracique est fréquente (25 %) et prioritaire. Deuxièmement,
certaines lésions associées peuvent contre-indiquer des interventions
chirurgicales. Ainsi la chirurgie du rachis est-elle contre-indiquée
devant une contusion pulmonaire sévère, et la chirurgie pour
rupture de l’isthme aortique est volontiers différée en présence d’un
traumatisme crânien sévère. Des techniques endovasculaires sont
maintenant parfois proposées pour le traitement des ruptures de
l’isthme de l’aorte en cas de contre-indication à la chirurgie
conventionnelle. Troisièmement, avant une chirurgie prolongée,
comme la chirurgie orthopédique, il convient de s’interroger pour
savoir si le bilan lésionnel a été suffisant et si un monitorage de la
pression intracrânienne est ou non nécessaire en raison d’un
traumatisme crânien sévère.
Figure 5 Importance du scanner dans le bilan ostéoarticulaire.
A. Exemple de topogramme rachidien obtenu au cours d’un scanner.
B. Reconstruction d’un traumatisme du bassin. Bilan tertiaire
l’admission. Éventuellement, des investigations complémentaires et
La prise en charge initiale des polytraumatisés se caractérise par une
des gestes chirurgicaux complémentaires peuvent être différés, mais
rapidité d’exécution et des choix stratégiques qui privilégient les
ceux-ci doivent être idéalement planifiés pendant ces 24 premières
lésions menaçant le pronostic vital. Toutefois, de nombreuses lésions
heures. C’est notamment le cas de la chirurgie maxillofaciale et du
traumatiques peuvent passer inaperçues lors de l’examen clinique
traitement chirurgical des traumatismes du bassin.
initial et se traduire par des complications ou des séquelles
redoutables, sources de handicaps pour le patient. Il est donc
PRISE EN CHARGE HÉMODYNAMIQUE
nécessaire de réexaminer soigneusement le polytraumatisé, par
À la phase initiale, l’hypotension artérielle traduit une hypovolémie exemple après 24 heures ou lorsqu’il quitte la zone de déchocage
d’origine hémorragique et/ou une compression endothoracique des pour être admis dans une unité de réanimation, afin de rechercher
cavités cardiaques dans la plupart des cas. Toutefois, deux ces lésions oubliées (Tableau 5). Certains ont même proposé de
phénomènes interviennent rapidement, compliquant l’analyse de la réaliser des scintigraphies osseuses afin de repérer les lésions
situation hémodynamique dans la phase secondaire. Lorsque le choc orthopédiques passées inaperçues lors de l’examen initial. [52]
hémorragique est intense et surtout prolongé, la relation pression
Au cours de ce bilan tertiaire, il est également souhaitable de
artérielle/volémie est altérée [16] et le recours à un vasoconstricteur
s’enquérir des antécédents précis du patient souvent négligés ou
devient nécessaire. Par ailleurs, le choc hémorragique et traumatique
ignorés à la phase initiale, et notamment des médicaments pris
est responsable d’un syndrome inflammatoire réactionnel sévère
chroniquement par le patient, de son mode de vie (tabagisme,
(SIRS), qui se caractérise par une vasodilatation périphérique et une
alcoolisme, toxicomanie). [33] Le contact avec le psychiatre traitant est
fonction cardiaque modérément altérée. [17, 49] Trois facteurs
important dans le cadre de la prise en charge des tentatives de
permettent de prédire le risque de défaillance multiviscérale : l’âge
suicides. Enfin, ce bilan est l’occasion de se préoccuper des
supérieur à 55 ans, un ISS supérieur à 25, et une transfusion
conditions de couvertures sociales de ce patient et de rédiger le
supérieure à 6 unités dans les 12 premières heures. [47]
document essentiel qu’est le certificat descriptif des lésions initiales.
Il n’est alors plus souhaitable de se baser uniquement sur des
éléments simples de monitorage comme la pression artérielle dans
cette phase. Il convient alors de préciser le remplissage ventriculaire Tableau 5. – Principales lésions traumatiques habituellement
« oubliées » dans le bilan d’un polytraumatisé
et la fonction cardiaque, soit par échographie, soit par cathétérisme
et de s’aider de variables cliniques importantes (diurèse) et de - Lésions oculaires (port de lentilles de contact)
variables biologiques (pH, lactates). L’objectif est de rationaliser - Lésions abdominales non hémorragiques
l’utilisation d’un vasoconstricteur (noradrénaline) et de justifier le - Lésions des organes génitaux externes
recours moins fréquent à un inotrope (adrénaline). Le recours à - Lésions périnéales
l’adrénaline est surtout nécessaire lors des chocs hémorragiques - Ruptures rectales (trauma du bassin)
- Lésions ligamentaires du genou
prolongés, en cas de contusion ventriculaire droite ou pulmonaire - Lésions des extrémités (mains, pieds)
sévère. La réanimation des polytraumatisés s’est profondément
C’est également le moment d’une information détaillée des proches, chirurgiens de diverses spécialités, radiologues) et paramédicaux
information qui n’a pu qu’être sommaire au départ, et qui prend en (infirmières, manipulateurs en radiologie, brancardiers). C’est de ce
compte les risques de complications secondaires et évoque déjà les médecin que doivent partir les ordres importants et c’est vers lui
séquelles éventuelles. que doivent aboutir toutes les informations. La spécialité du
médecin responsable (anesthésiste-réanimateur, chirurgien, médecin)
est un élément finalement secondaire sous réserve qu’il ait une
Transport du polytraumatisé formation suffisante en traumatologie et qu’il maîtrise les techniques
de réanimation. C’est ainsi qu’il s’agit plutôt d’un chirurgien aux
Chaque fois qu’un examen complémentaire ou une intervention États-Unis, d’un médecin réanimateur médical en Belgique, ou d’un
s’avère nécessaire, il faut transporter ce traumatisé. Ces transports anesthésiste-réanimateur en France. Toutefois, en France, du fait des
comportent des risques non négligeables (arrêt cardiocirculatoire, cursus actuels de formation de ces différentes spécialités,
hypoperfusion cérébrale, hypoxémie) et il convient donc de bien l’anesthésiste-réanimateur nous semble le plus apte pour ce rôle. De
peser le rapport risque/bénéfice de l’examen envisagé, le moment plus, l’anesthésiste-réanimateur peut conduire la réanimation initiale
où cet examen peut être effectué de façon optimale, et d’apprécier et la réanimation per- et postopératoire, et est souvent bien placé
correctement l’état du traumatisé, notamment ventilatoire et pour définir, en arbitre neutre, les priorités d’imagerie et
hémodynamique. d’intervention entre plusieurs spécialités chirurgicales. Du fait de
l’importance de la réanimation dans la prise en charge des
Ce transport nécessite la poursuite et la continuité des manœuvres traumatismes fermés, qui sont les plus fréquents en Europe (80-
de réanimation et il impose donc le plus souvent l’accompagnement 90 %), le choix de l’anesthésiste-réanimateur y est logique. Du fait
par une partie de l’équipe (médecin, infirmière). Pendant toute la de l’importance de la chirurgie dans la prise en charge des
durée du transport et de la réalisation de l’examen, le patient est traumatismes pénétrants, les plus fréquents aux États-Unis (70-
sous la responsabilité de cette équipe. [51] Avant le transport, l’équipe 90 %), le choix du chirurgien y est logique.
doit donc préparer soigneusement le traumatisé : mise en place d’un
ventilateur de transport avec une autonomie d’oxygène et de L’accueil d’un traumatisé se fait habituellement dans des structures
batterie suffisante et la possibilité d’une ventilation manuelle, mise qui ont d’autres tâches à accomplir (salle de surveillance
en place d’un scope de transport (pression artérielle sanglante, ECG, postinterventionnelle, urgences). Il est donc important que
SpO2, CO2 de fin d’expiration [EtCO2]), vérification des lignes l’ensemble de l’équipe ne se focalise pas sur ce traumatisé, mais
veineuses et artérielles, provision de produits de remplissage et de qu’une partie au contraire s’occupe des autres patients qui
médicaments vasoconstricteurs, prévision de l’analgésie, de la nécessitent soins et surveillance. Le rôle des aides-soignants et
sédation et de l’immobilisation, mise en place de valve antiretour en agents hospitaliers ne doit pas être négligé car il peut s’avérer crucial
cas de drainage thoracique. Avant de débuter le transport, il faut (acheminement d’examens urgents, récupération de radiographies
s’assurer qu’il n’y aura pas de retard à la réalisation de l’examen ou de produits sanguins, brancardage, etc.).
(ascenseur prêt et immobilisé, salle de radiographie disponible, Il faut évacuer les spectateurs inutiles (ou leur confier une tâche) car
véhicule pour le brancardage prêt, etc.). l’agglutination des personnes autour du traumatisé nuit à une vision
Au retour du patient d’un examen ou du bloc opératoire, un claire de la situation. Dans ces conditions d’urgence et de stress, il
nouveau bilan clinique et biologique doit être effectué : le médecin faut éviter les critiques vives (sauf risque vital et menaçant) : la prise
vérifie la stabilité cardiovasculaire, ventilatoire et neurologique, en charge doit être analysée à froid, et l’attitude de chacun critiquée
l’infirmière vérifie particulièrement les lignes veineuses et artérielles, de manière constructive afin de permettre l’amélioration de celle-ci.
les drains de Redon mis en place, les sondes trachéale, thermique et Ceci requiert à l’évidence un personnel spécifiquement formé,
œsophagienne, les pansements ; une nouvelle radiographie permanent, et correctement encadré. Les traumatisés ayant la
thoracique est faite, et un nouveau bilan biologique est le plus fâcheuse tendance à se présenter à l’hôpital la nuit, l’encadrement
souvent nécessaire (détermination immédiate de l’hématocrite ou de médical et paramédical doit être continu, 24 heures sur 24.
l’hémoglobine, numération sanguine, hémostase, gazométrie
artérielle, ionogramme).
Conclusion
La prise en charge d’un traumatisé grave nécessite une équipe
Comportement de l’équipe multidisciplinaire médicale (anesthésiste, chirurgiens, radiologues) et
paramédicale, entraînée à cette pratique, et un plateau technique
Les conditions d’urgence parfois extrêmes et la multiplicité des important (bloc opératoire d’urgence disponible 24 heures sur 24,
intervenants autour d’un traumatisé peuvent altérer disciplines chirurgicales multiples en particulier neurochirurgie et
considérablement la qualité et la rapidité de prise en charge de ces chirurgie cardiothoracique et vasculaire, radiologie vasculaire
patients. Les équipes multidisciplinaires qui prennent en charge de interventionnelle, scanner, centre de transfusion, laboratoires
tels patients doivent impérativement réfléchir à l’organisation multidisciplinaires d’urgence). Cette compétence ne peut être acquise
appropriée qu’il convient de mettre en place pour optimiser cette que si un grand nombre de traumatisés est accueilli par ces équipes, ce
prise en charge. [ 3 ] Les points suivants nous semblent qui souligne l’importance du regroupement des polytraumatisés dans
particulièrement importants, tout en sachant que des modifications de tels centres, bien équipés humainement et matériellement, et par
peuvent être rendues nécessaires par les conditions locales. conséquent peu nombreux. [13] Ce regroupement n’a de sens qu’avec un
La répartition des tâches doit être évidente pour l’ensemble de renforcement des moyens préhospitaliers permettant effectivement de
l’équipe (médecins, infirmières, aides-soignants) avant l’arrivée du diriger rapidement les polytraumatisés vers de tels centres. La prise en
traumatisé. Un médecin (et un seul) doit assurer le rôle de « leader » charge d’un traumatisé ne s’improvise pas et doit être préparée. De
et prendre l’ensemble des décisions, coordonnant dans le temps et telles urgences prises en charge de manière non optimale conduisent
l’espace les intervenants médicaux multiples (anesthésistes, inévitablement à des décès et des handicaps indus.
Points essentiels
• L’évaluation de la gravité repose sur l’analyse de cinq éléments : des variables physiologiques (pression artérielle, oxymétrie de pouls, score
de Glasgow) ; la violence du traumatisme ; les lésions traumatiques cliniquement décelables ; la réanimation entreprise ; les antécédents
du patient.
• Tout traumatisé grave est suspect de lésion rachidienne et son rachis doit être immobilisé.
• La correction des détresses respiratoires et circulatoires prime sur celle des détresses neurologiques.
• À l’arrivée à l’hôpital, la mise en place d’une mesure invasive de la pression artérielle (fémorale le plus souvent) s’impose.
• Au cours du bilan biologique initial, le taux d’hémoglobine doit être mesuré sans délai (HémoCuet) et les examens les plus urgents sont
l’hémostase et les gaz du sang.
• Le bilan lésionnel initial comprend une radiographie de thorax, une radiographie du bassin et une échographie abdominale.
• Le bilan lésionnel complet requiert un scanner cérébral sans injection, un scanner thoraco-abdomino-pelvien avec injection, et une
imagerie complète du rachis.
• Le transport du patient, notamment pour imagerie, comporte des risques importants et requiert la continuité du monitorage clinique et
instrumental.
• Une réévaluation clinique complète est nécessaire dans les 24 premières heures.
• La prise en charge d’un traumatisé grave nécessite une équipe multidisciplinaire médicale et paramédicale, entraînée à cette pratique, et un
plateau technique important.
Autoévaluation
Questions
I
A - Certaines études ont montré que jusqu’à 30 % des décès des patients traumatisés auraient pu être évités par une meilleure prise en
charge initiale
B - La définition classique d’un polytraumatisé est celle d’un patient atteint de deux lésions ou plus, dont une au moins menace le pronostic
vital
C - Les scores de gravité sont plus destinés à prédire la mortalité des individus que la mortalité sur une population de patients
D - La distribution de la probabilité de survie des polytraumatisés est de nature bimodale
E - Chez le polytraumatisé, il n’a pas pu être mis en évidence de relation entre la valeur de la pression artérielle à la phase initiale de la
prise en charge et la mortalité
II
A - Le transfert du patient du matelas à dépression sur le brancard doit se faire sous traction axiale
B – En salle de déchocage et si une voie veineuse centrale est requise, la voie fémorale doit être privilégiée
C - La mise en place d’un cathéter artériel radial ou fémoral pour mesurer la pression artérielle sanglante est une priorité à l’admission
D - L’antibioprophylaxie lors de l’admission n’a pas de spécificité
E - Le choc cardiogénique par contusion myocardique est une éventualité fréquente
III
A - L’hypothermie est un facteur d’aggravation de l’état hémodynamique et perturbe l’hémostase
B - Devant un état de choc hémorragique, associé à un traumatisme crânien sévère, l’objectif de pression artérielle systolique est de 80 à
90 mmHg
C - Le diagnostic d’une détresse neurologique ne peut être fait qu’à partir du moment où les détresses circulatoires et ventilatoires sont
corrigées
D - Lorsque le score de Glasgow est inférieur ou égal à 8, l’intubation trachéale et la ventilation mécanique s’imposent
E - L’objectif habituel du taux d’hémoglobine est toujours une valeur supérieure à 7 g dl–1
IV
A - La troponine cardiaque doit être systématiquement dosée
B - L’examen clinique a une spécificité et une sensibilité élevées pour le diagnostic d’un hémopéritoine
C - Les touchers pelviens doivent faire partie de l’examen clinique systématique à l’admission
D - Dans le bilan initial d’imagerie, trois éléments essentiels doivent être obtenus très rapidement : la radiographie du thorax, la
radiographie du bassin et l’échographie abdominale
E - Il n’y a plus d’indication à la réalisation d’une ponction-dialyse péritonéale
V
A - Un scanner cérébral précoce, chez un traumatisé crânien, ne doit être réalisé que si le score de Glasgow est inférieur à 8
B - La fibroscopie bronchique est systématique devant tout traumatisme thoracique chez un patient intubé
C - En présence d’un choc hémorragique intense et prolongé, la relation pression artérielle/volémie est altérée et le recours à un
vasoconstricteur est souvent nécessaire
D - Chez le polytraumatisé en hypotension artérielle, le scanner cérébral met en évidence des lésions neurochirurgicales dans près de 25 %
des cas
E - La chirurgie du rachis est contre-indiquée devant une contusion pulmonaire sévère
10
Réponses
I
A - Vrai
B - Vrai : cette définition n’a cependant pas d’intérêt pratique en urgence car elle suppose que le bilan lésionnel ait déjà été effectué. À la
phase initiale, un traumatisé grave est donc un patient dont une des lésions menace le pronostic vital ou fonctionnel, ou bien dont le
mécanisme ou la violence du traumatisme laissent à penser que de telles lésions existent
C - Faux : c’est l’inverse. Actuellement le plus utilisé et le plus performant reste le TRISS
D - Vrai
E - Faux
II
A - Faux : ce transfert se fait en maintenant l’axe tête-cou-tronc mais sans traction axiale, notamment cervicale, susceptible de mobiliser
un foyer de fracture du rachis cervical. D’autre part, ce transfert ne sera effectué qu’après mise en place d’un collier cervical
B - Vrai : la voie fémorale est associée à un très faible taux de complications. La voie sous-clavière est fortement déconseillée en raison
d’une incidence élevée de complications potentiellement graves. La voie jugulaire interne est possible mais nécessite une mobilisation
cervicale non souhaitée dans ce cas
C - Vrai : seule la pression artérielle sanglante permet un monitorage continu et fiable de la pression artérielle, de pratiquer facilement et
rapidement l’ensemble des prélèvements biologiques
D - Faux : les doses initiales doivent être majorées chez le patient traumatisé
E - Faux : moins de 1 % des cas
III
A - Vrai : la mise en place d’une sonde thermique rectale ou œsophagienne, ainsi que l’utilisation d’un réchauffeur de perfusions sont donc
impératives
B - Faux : devant un trauma crânien sévère, l’objectif thérapeutique est une pression artérielle systolique de 110 à 120 mmHg. L’objectif
de pression artérielle chez ces patients vise à maintenir une pression de perfusion cérébrale au moins supérieure à 70 mmHg
C - Vrai
D - Vrai
E - Faux : cet objectif doit être révisé à la hausse (9 à 10 g dl–1) dans certaines conditions, soit à cause de l’intensité de l’hémorragie
nécessitant une anticipation, soit en raison d’un traumatisme crânien sévère
IV
A - Vrai : une élévation peu importante et transitoire est en général en rapport avec le choc hémorragique, un traumatisme crânien, ou
une contusion myocardique. Une élévation importante et prolongée doit faire évoquer une existence de lésions coronariennes et doit
entraîner la réalisation d’une coronarographie.
B - Faux
C - Vrai
D - Vrai : la radiographie thoracique cherche à éliminer un pneumothorax ou un hémothorax nécessitant un drainage thoracique en
urgence ; le cliché du bassin permet d’éliminer une fracture du bassin ; l’échographie abdominale est l’examen de référence pour le
diagnostic d’un hémopéritoine.
E - Faux : dans les centres qui ne disposent pas d’échographie, la ponction-dialyse péritonéale reste indiquée
V
A - Faux
B - Vrai
C - Vrai
D - Faux
E - Vrai
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