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Anesthésie de l'insuffisant rénal chronique

Pr Beye MD
Généralités :

Insuffisance rénale chronique :


Diminution irréversible de la fonction rénale avec une diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG).

Débit de Filtration Glomérulaire (DFG) :

Mesure par la clairance de la créatinine sur le recueil des urines de 24 h.


Clairance de la créatinine = U.V / P = 100 ml/min
avec U = créatinine urinaire (mol/l),
V = diurèse des 24 h
et P = créatinine plasmatique (mol/l).

Calcul selon la formule de Cockcroft.


Clairance de la créatine = ((140-âge en années) / créatinémie en mol/l) x 1.23 pour homme.
Clairance de la créatine = (140-âge en années) / créatinémie en mol/l) x 1.04 pour femme.
La réduction du DFG est proportionnelle à la réduction néphronique.
Evaluation du degré de l’IRC : 4 stades

Stade 1 : Asymptomatique d'où peu de modification de l'attitude anesthésique


• Réduction néphronique de 50%
• Clairance créatinine : 50-60 ml/min
Stade 2 : Insuffisance rénale modérée
• 30% de néphrons restants
• Charge hydro électrolytique 300% par néphron
• Diurèse osmotique, natiurèse obligatoire
• Perte du pouvoir de concentration du rein
• Polyurie nocturne
• Elévation de l'urée et de la créatinine
• HTA
• Anémie
Stade 3 : Insuffisance rénale avérée
• DFG < 20% de la normale
• HTA
• Anémie
• Surcharge hydrique
• Acidose métabolique
• Hyperkaliémie
• Hyperphosphorémie
Stade 4 : Insuffisance rénale terminale
• Dialyse
• Maladie métabolique de tout l'organisme
• Plus de néphrons
La dialyse = Epuration Extra-Rénale (EER) :
Le principe d'osmose : répartition des molécules du gradient le plus concentré vers le moins concentré à partir
d'une membrane semi-perméable.
Deux types de dialyse pour l'IRC : synthétique (9/10) : hémodialyse 3 x 4h par semaine ; naturelle (1/10) :
dialyse péritonéale (sauf PKR et interventions sous-ombilicales)

Evolution de L’IRC: Vers l'aggravation inexorable, vers l’IRC terminale, si pas de prise en charge de la cause,
quelque soit la cause, même si celle-ci a disparu. L’évolution est très variable avec des facteurs de progression :
HTA mal contrôlée, prise médicamenteuse néphrotoxique (cf. aminosides), hyperlipidémie (athérome sur artère
rénale).
Causes des IRC terminales de l'adulte : Glomérulonéphrites : 40% , maladie de Berger (maladie
immunologique) : 15% , diabète : 15% , néphrites interstitielles : 15% , néphropathies vasculaires : 15%,
néphropathies héréditaires dont polykystose rénale : 10 % , causes indéterminées : 15%
Signes de l'IRC :
grande variabilité.

Facteurs de progression :
Leur contrôle est le seul moyen thérapeutique disponible pour retarder le stade d'IRC terminale nécessitant l'EER.
Il s’agit :
- Persistance du mécanisme initial (intérêt du diagnostic histologique)
- HTA
- Facteurs diététiques (régime hypoprotidique)
- Obstacle sur les voies excrétrices
- Déshydratation extracellulaire avec hypovolémie
- Insuffisance cardiaque
- Infections urinaires
Physiopathologie

Problèmes hydro électrolytiques :


La charge osmotique élevée dans les néphrons sains peut être responsable d'une polyurie.
Hyponatrémie (dilution) : La baisse de la Filtration Glomérulaire (FG) est compensée par la diminution de
la réabsorption du Na. Si apports sodés excessifs : hyperhydratation extracellulaire, HTA et OAP.
Hyperkaliémie : Acidose, Apports excessifs (banane, chocolat, fruits secs), Transfusion, Hémolyse
Conséquences : troubles du rythme, arrêt cardiaque. Traitement si [K+] >= 5 mmol/l avec Kayexalate,
Glucose + insuline, bicarbonates.
Phosphore : Hyperphosphorémie précoce : ostéodystrophie rénale. Traitement : sels de calcium qui vont
complexer le phosphore.
Acidose métabolique : Aggrave l'hyperkaliémie. Compensation respiratoire levée par l'AG. Risque d'acidose
hyperkaliémique grave
Physiopathologie

Problèmes cardio-pulmonaires :

HTA : 80% des patients,


1ere cause de mortalité des patients en dialyse, avec insuffisance coronaire et AVC.
Secondaire à l'activation du système rénine-angiotensine et une diminution de la capacité d'excrétion sodée par le
rein.
Conséquences : Aggravation des lésions rénales, Athérome des gros vaisseaux (aorte, cœur, cerveau).
Traitement: Tous les anti-hypertenseurs : Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (effet néphroprotecteur) Les
diurétiques de l'anse : Lasilix (Furosémide) et Burinex (Burmetamide).

Insuffisance cardiaque : Gauche ou globale, secondaire à la surcharge hydrosodée, à l'HTA, aux lésions coronaires. Il
existe une cardiomyopathie urémique secondaire à l'hyperparathyroïdie, l'anémie et les toxines urémiques.
Traitement : déplétion hydrosodée (entraîne augmentation diurèse), les IEC et les anti-angineux
Péricardite urémique : le plus souvent inaugurale.
Conséquences de l'atteinte cardio-vasculaire : Altération de la fonction ventriculaire gauche et Adaptation
hémodynamique médiocre aux variations des conditions de charge (variation brutale)
Physiopathologie

Problèmes nutritionnels et métaboliques :

Manifestations digestives : Anorexie, Nausées et Vomissements.


Causes : Hyponatrémie, Urémie
Retentissement métabolique : Intolérance au glucose - Athéromatose – Dyslipémie.

Problèmes neurologiques :
Atteintes centrales : Troubles modérés des fonctions supérieures, AVC compliquant une HTA, désordre
hydro-électrolytique , surdosage médicamenteux.
Atteintes périphériques : Polynévrite urémique, sensitive puis motrice . Traitement : EER
Physiopathologie

Problèmes pharmacologiques :
STADE II = Insuffisance rénale modérée (clairance > 50 ml/min) :
Problème d'adaptation posologique des drogues néphrotoxiques
Prolonge l'action des drogues (benzodiazépine, curares)
Aggrave le risque lié à l'administration de produits iodés (bien hydrater les patients)
STADE III = Insuffisance rénale préterminale sans dialyse (clairance comprise entre 8 et 15
ml/min) :
Avec diurèse conservée : tout événement pouvant supprimer la diurèse est dangereux
(exemple : produits iodés, néphrectomie)
Particularités : soit augmenter les diurétiques ou réaliser une dialyse pré ou postopératoire.
STADE IV = Insuffisance terminale dialysée (clairance < 8 ml/min) :
90% : hémodialyse sur cathéter ou FAV (Fistule Artério-Veineuse)
Anomalies d'excrétion :
Agents hydrosolubles (curares)
Métabolites hydrosolubles (morphine)
Augmentation de la durée d'action
Anomalie de distribution :
Augmentation du volume de distribution (1/2 vie ++)
Diminution de la liaison à l'albumine (intensité ++)
Augmentation de la vitesse de distribution (durée d'action --)
Perméabilité ++ de la barrière hémato-encéphalique
Anomalies de l'hémostase :
Allongement du TS
Dysfonctionnement plaquettaire :
aggravé par anémie et EER
Adhésivité
Déficit en facteur III plaquettaire
Diminution du récepteur du facteur Willebrand
Rôle de l'anémie :
diminution du thromboxane
facteur Willebrand (anomalie structurale)
Anesthésie de l'insuffisant rénal :

Pour quelle chirurgie ? tout , + création d'une FAV (entre artère et veine radiale), chirurgie des
parathyroïdes, chirurgie vasculaire périphérique, transplantation rénale, chirurgie urologique : malformation,
néphrectomie
Evaluation préopératoire

• Date de la dernière dialyse


• Correction des anomalies biologiques
• Poids/Poids sec
• Diurèse résiduelle
• Traitement cardio-vasculaire en cours
• Evaluation fonction ventriculaire gauche (échographie)
• Monitorage hémodynamique
• Stratégie de réveil
• Protection de la fistule artério-veineuse
• Evaluation et prévention du risque hémorragique
• Stratégie transfusionnelle.
Préparation préopératoire

La dialyse pré-anesthésique : permet le contrôle de l'œdème pulmonaire, de l'hyperkaliémie de l'acidose.


A réaliser la veille de l'intervention (< 24h) avec une dose minimale d'anticoagulant (car déjà existence de
troubles de la coagulation), Sans perte de poids excessive. Les chiffres de kaliémie et de bicarbonates et la
coagulation sont vérifiés le jour de l'intervention.

Stratégie transfusionnelle : Bonne tolérance d'une anémie entre 18 et 25% d'hématocrite. Intérêt
de l'érythropoïétine recombinante : Rocormon, Eprex. Dans le contexte de l'urgence : transfusion
de sang phénotypé déleucocyté et de concentrés de plaquettes. Correction du TS à partir de 30%
d'hématocrite (souvent, la correction de l'anémie suffit à corriger les troubles de l'hémostase)
Choix d'une technique d'anesthésie :

Tenir compte : des modifications des compartiments hydriques de l'organisme, de l’altération de


la liaison aux protéines plasmatiques et du volume de distribution des médicaments. Si
élimination rénale : prolongation de l'effet pharmacologiques (exemple : métabolite G-
glucoroconjuguée de la morphine) accumulation et effets toxiques majorés (exemple : néphro et
oto-toxicité des aminosides)
Choix d'une technique d'anesthésie :

Anesthésie Loco-Régionale :
Pas d'incidence pharmacocinétique- Durée des blocs plexiques variable (possibilité
d'augmentation de la durée d'action) - Bupivacaïne : susceptibilité cardio-vasculaire-
Risque hémorragique et péridurale (EER, TS) - Fréquence des troubles de l'hémostase -
Majoration des effets hémodynamiques en cas d'anesthésie médullaire

Anesthésie Générale :
Intérêt des produits à bonne stabilité cardio-vasculaire- Pré-oxygénation de qualité si nécessaire -
Possibilité de retard de la vidange gastrique chez le diabétique : estomac plein - Entretien intraveineux
(Propofol) ou inhalé associé à des morphiniques) - Signe de la " prière " = impossibilité de joindre les
deux mains à plat intubation difficile ! !
Choix d'une technique d'anesthésie :

Agents anesthésiques intraveineux :


Thiopental : peu de modifications même si fixation protéique diminuée.
Propofol : pas de modification pharmacocinétique, OK pour l'induction et l'entretien.
Etomidate : diminution de la liaison protéique, diminution de la posologie d'induction. OK si
altération cardio-vasculaire.
Kétamine : non pour ses effets sympatho-mimétiques
Midazolam : diminution de la liaison protéique, clairance fraction libre - allongement de l'effet
hypnotique

Agents anesthésiques par inhalation : Elimination rapide- Pas d'effet cumulatif - Myorelaxant -
Cardiodépresseur - Baisse du DSR et du DFG - Métabolites à élimination urinaire : fluors néphrotoxiques,
sauf avec Desflurane.
Enflurane : fluors inorganiques métabolisés à 2% , fluor = 20 mol/l - Isoflurane : OK ! métabolisé à 0.2% -
fluor = 5 mol/l (seuil toxique : 50 mol/l)- Sevoflurane : NON ! ! composé à produit de dégradation dans la
chaux sodée métabolisé à 5% - fluor = 25 à 50 mol/l . Desflurane : OK ++ métabolisé à 0.02% avec fluor = 0
Morphiniques :
Morphine : altération de la clairance de la morphine , augmentation du métabolite G-
glucoronoconjugué (sédatif et analgésique) , prolongation de la durée d'action , intérêt de la
titration en post-opératoire pour diminuer les risques de dépression respiratoire (permet
d'éviter les surdosages)
Alfentanil, Fentanyl, Sufentanil : métabolisme hépatique, pas de problème
Curares : INTERET +++ DU MONITORAGE !
La syccinylcholine - Dépolarisants : oui si estomac plein et non si hyperkaliémie
Non dépolarisants :
Les stéroïdes : Vécuronium : 10-20% élimination rénale.
Pancuronium : risque d'accumulation , réduction de la clairance et élimination rénale Rocuronium : pas de problème
Les dérivés benzylosoquinolines :
Atracurium : pas de problème
Mivacurium : durée d'action augmentée par la réduction d'activité des pseudocholinestérases
Les anticholinestérasiques : Prostigmine = pyridostigmine , 50 à 75% élimination rénale. Durée d'action augmentée :
intérêt +++ chez IRC et recurarisation rare.
Choix du monitorage :
Fonction du terrain : HTA , coronarien et insuffisance cardiaque
Fonction du type de chirurgie : saignement
Monitorage de la curarisation
Pas de brassard à tension, ni de voies d'abord périphérique du côté de la FAV
Le cathétérisme radial est limité aux indications absolues (chirurgie cardiaque)
Cathétérisme droit, ETO pour le remplissage vasculaire parfois.

Surveillance per-opératoire :
Attention : IR préterminales, hypotensions artérielles (pression de perfusion
rénale), risque infectieux du sondage urinaire, compressions positionnelles de
fistule, compressions nerveuses et à l’hypothermie.
Le remplissage : prudent, adapté au bilan entrée/sortie (cf pertes insensibles),
adapté aux pressions de remplissage, avec cristalloïdes et colloïdes avec sérum
physiologique, de préférence !
Période post-opératoire

Réveil : Décurarisation - Réchauffement - Stabilité hémodynamique - Oxygénothérapie - Surveillance


(hypoventilation, force musculaire) - Prise en charge de la douleur.

Dialyse dans les 48 h - Limiter le saignement - Améliorer la tolérance hémodynamique


Bilan post-opératoire : hématocrite (pour apprécier les pertes, l'hémodilution) , ionogramme
sanguin urée, créatininémie, ECG et Radiographie de thorax

Tous les accidents aigus : sont gravissimes et à éviter. Hypovolémie - infection - hémorragie - traitements
néphrotoxiques (hypotenseurs, AINS, antibiotiques) peuvent précipiter le malade en insuffisance rénale aiguë.
Complications

Dépression respiratoire –
Retard de décurarisation –
Inhalation -Vomissement –
Instabilité tensionnelle (par atteinte cardio-vasculaire) –
OAP- Collapsus –
Saignement (à cause des troubles d'hémostase).

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