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Fractures ouvertes de jambe


F. Dubrana, M. Genestet, G. Moineau, R. Gérard, D. Le Nen, C. Lefèvre

Les fractures de jambes ouvertes sont les plus fréquentes des fractures ouvertes des os longs. Elles sont en
général graves et surviennent le plus souvent après un accident de la voie publique. La classification de
Cauchoix modifiée par Gustilo a une valeur pronostique, mais elle nécessite une réévaluation au cours du
temps. La contamination initiale de la plaie peut être considérée comme une constante lors de fractures
ouvertes. Les germes les plus fréquents sont commensaux ou résidents provenant de la propre flore
cutanée du patient. La prise en charge initiale comporte une antibioprophylaxie, une prophylaxie
antitétanique et la prévention de la maladie thromboembolique. Après la détersion et le parage cutané,
l’ostéosynthèse est de règle. La chirurgie des lambeaux constitue un atout majeur dans le traitement des
fractures ouvertes de jambe, car elle favorise la consolidation osseuse et diminue les complications
secondaires. Les syndromes de loges ne sont pas rares lors des fractures ouvertes et le choix de
l’aponévrotomie ne doit pas empêcher la réalisation secondaire d’un lambeau. Les retards de
consolidation et les pseudarthroses sont des complications fréquentes lors de fractures ouvertes. Le
traitement chirurgical repose sur la taille d’une hypothétique perte de substance osseuse et l’éventuelle
présence d’une infection. Les systèmes de pansements aspiratifs constituent une alternative
thérapeutique intéressante en cas de pertes de substance infectées chroniques, mais leur indication
s’étend aussi en traumatologie de première intention.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fracture ouverte de jambe ; Infection osseuse ; Fixateur externe ; Enclouage centromédullaire ;
Lambeau de couverture ; Retard de consolidation ; Pseudarthrose septique

Plan ¶ Lambeaux de couverture 7


Généralités 7
¶ Introduction 1 Critères de choix d’un lambeau 8
Choix des lambeaux 9
¶ Généralités 2 Stratégie 10
Définition 2 Pansement aspiratif sous vide (vacuum assisted closure [VAC]) 10
Épidémiologie 2 Sauvetage de jambe versus amputation traumatique ? 11
¶ Microbiologie 2 ¶ Complications 12
Généralités 2 Syndrome de loge 12
Contamination immédiate primaire « exogène » 2 Retard de consolidation et pseudarthrose 12
Contamination secondaire 2 Ostéites 16
Mécanisme 2 ¶ Conclusion 16
Bactéries 3
Facteurs de risque de la contamination 3
¶ Examens cliniques et paracliniques 3
Interrogatoire 3 ■ Introduction
Bilan clinique 4
Les fractures ouvertes de jambe sont un challenge thérapeu-
Bilan radiographique 4 tique du fait de la complexité du traitement initial et de la
Classification 4 fréquence des complications. En 1561, Amboise Paré [1] pré-
¶ Prise en charge initiale 5 senta, à la suite d’une chute, une fracture ouverte que l’on peut
Antibioprophylaxie 5 rétrospectivement classer stade II de Cauchoix et al. ; le
Prophylaxie antitétanique 6 fragment tibial inférieur déchira la peau et les guêtres. Le
Prévention de la maladie thromboembolique 6 traitement chirurgical associa une réintégration du segment
Lavage. Détersion 6 osseux extériorisé grâce à une incision cutanée, un alignement
Parage 6 du foyer fracturaire, l’ablation des fragments osseux libres, une
Traitement chirurgical osseux 7 immobilisation et des pansements antiseptiques répétés ; la
consolidation fut obtenue en 3 mois. Malgré ce succès chirurgi-
cal, Coutavoz exposait, 2 siècles plus tard [2] (1752), lors d’une
séance de l’Académie royale de chirurgie, la difficulté persistante

Appareil locomoteur 1
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de prise en charge de ces lésions. Il publiait un cas clinique cutanée associée à une nécrose des tissus mous adjacents
original : « Observation sur la guérison d’une fracture de la favorise la pénétration des bactéries, leur croissance et la
jambe droite, avec déperdition considérable du tibia ». Cette possibilité d’atteinte du tissu osseux sous-jacent. Les classifica-
observation résumait la problématique persistante du traitement tions pronostiques des fractures ouvertes, prenant en compte
des fractures ouvertes : difficulté de prise en charge initiale, l’étendue de la lésion cutanée initiale et l’attrition des parties
pauvreté du choix de l’immobilisation immédiate, et absence de molles, reflètent le risque secondaire d’ostéite. Les bactéries ont
traitement lors de complications infectieuses et osseuses. En deux origines : une contamination primaire exogène survenant
dépit de ces deux guérisons historiques, il faudra attendre le XXe immédiatement après la fracture, et une contamination secon-
siècle pour voir une amélioration considérable dans la prise en daire tardive impliquant le plus fréquemment des germes
charge des fractures ouvertes de jambe, notamment grâce au sélectionnés par les pratiques thérapeutiques. De fait, il est
développement de l’ostéosynthèse et à la découverte des illusoire de parler d’ostéites postchirurgicales vraies, car elles
antibiotiques. Au cours de ces 20 dernières années, le traitement surviennent le plus souvent sur un terrain osseux altéré, déjà
des fractures ouvertes de jambe a progressé grâce à une attitude contaminé et impropre à sa défense. Ainsi, le taux d’infection
chirurgicale systématisée et à la diffusion des techniques de des fractures ouvertes tous stades et toutes causes confondus
couverture par lambeaux. reste important, variant selon les études de 13 % à 50 % [6].

■ Généralités Contamination immédiate primaire


« exogène »
Définition La contamination initiale de la plaie peut être considérée
Classiquement, les fractures de jambe se définissent par comme une constante, et la présence de germes avant tout
l’existence d’une communication entre l’extérieur et le foyer de traitement varie selon les études entre 60 % et 70 % [7-9].
fracture tibial. Elles intéressent les fractures diaphysaires, en Les germes le plus fréquemment en cause sont des germes
excluant les fractures des extrémités supérieure et inférieure commensaux ou résidents provenant de la propre flore cutanée
épiphysométaphysaires qui sont étudiées respectivement avec du patient (staphylocoque coagulase négatif, Proprionibacterium
les articulations du genou et de la cheville. La ligne de démar- omnes, corynébactéries ...) ou des germes environnementaux
cation est arbitraire, les limites épiphysométaphysaires n’étant (telluriques, hydriques) tels que Bacillus, Clostridium, Clostridium
pas faciles à définir ; schématiquement, elles correspondent perfringens ... La présence de ces germes n’est pas synonyme
selon Muller et al. [3] à un carré dont le côté est égal à la largeur d’infection à long terme car le risque infectieux est corrélé à
maximale de l’épiphyse. l’atteinte des parties molles (une fracture de type 3 a 20 fois
plus de risque d’infection qu’une fracture de type 1 et 2) [7, 9].
Épidémiologie Ces contaminations expliquent l’importance d’une antibiothé-
Dans une étude menée à l’Orthopaedics Trauma Unit of the rapie précoce dans la prise en charge des fractures ouvertes.
Royal Infirmery d’Edinburgh par Court-Brown et Mc Birnie [4], Patzakis et al. [10] ont précisé le rôle de cette antibiothérapie ; le
la fréquence des fractures ouvertes tous sites confondus était de taux d’infection était de 13,9 % pour le groupe traité par
11,5/100 000 personnes. Le quart de ces fractures était des placebo versus 2,3 % pour celui traité par une céphalosporine.
fractures de jambe, soit le deuxième site fracturaire après les
phalanges de la main. Dans deux tiers des cas, les fractures Contamination secondaire
ouvertes de jambe survenaient après un accident de la voie
La seconde source de contamination est liée aux germes
publique et la moitié de ces fractures étaient des stades 3a et 3b
sélectionnés par les pratiques thérapeutiques. Ces germes sont
de Gustilo [4].
souvent résistants aux thérapeutiques usuelles et posent un
double problème de santé publique et de traitement de l’ostéite.

“ Points essentiels Mécanisme


Immédiatement après l’atteinte osseuse, les bactéries déclen-
chent une réaction inflammatoire qui se développe en sous-
• Les fractures ouvertes de jambe sont les plus fréquentes périosté vers les parties molles et dans la cavité médullaire. Ces
des fractures ouvertes des os longs. réactions s’accompagnent d’une augmentation du débit san-
• Elles sont en général graves (la moitié de ces fractures guin, d’un œdème inflammatoire, d’une compression des
sont des stades 3a et 3b de Gustilo) et surviennent le plus capillaires et des sinusoïdes, phénomènes responsables au final
souvent après un accident de la voie publique. de thromboses veineuses et artériolaires générant des zones
• Les fractures de dehors en dedans sont les plus d’infarcissement. Le développement d’un hématome amplifie
défavorables car elles entraînent des lésions de la peau et cette réaction en chaîne, par hyperpression et colonisation
des parties molles. microbienne précoce et massive. Secondairement se constituent
• L’examen clinique doit s’attacher à rechercher des des foyers de nécrose osseuse. Ces réactions se font très rapide-
ment et l’expérience animale montre qu’en 72 heures une
complications d’aval.
ostéomyélite aiguë staphylococcique peut, en l’absence de
traitement antibiotique efficace, avoir constitué des séquestres,
première étape du passage à la chronicité [11].
■ Microbiologie L’adhérence bactérienne permet la coalescence bactérienne
formant des microcolonies. Les bactéries de ces microcolonies
Un os exposé s’infecte par communication entre l’extérieur et acquièrent des caractéristiques variants (VMC), c’est-à-dire
le foyer de fracture, plus précisément entre la cavité médullaire qu’elles modifient leurs caractéristiques métaboliques, augmen-
et l’extérieur, car un os exposé à l’air même dépériosté ne tant leurs résistances à la phagocytose des polynucléaires et
s’infecte pas facilement. L’ostéite a été définie par la Société réduisant leur sensibilité à l’action bactériostatique. Ainsi,
française de pathologie infectieuse comme un « terme générique l’adhérence bactérienne modifie très rapidement le comporte-
regroupant les infections osseuses traumatiques ou survenant après un ment bactérien vis-à-vis des antibiotiques et les VMC échappent
geste chirurgical » [5] ; elle est dite aiguë si elle évolue depuis en partie aux phénomènes immuns et phagocytaires [12].
moins de 1 mois et chronique passé ce délai. En parallèle, la fixation bactérienne s’accompagne de la
formation d’une matrice de polysaccharides bioprotectrice, le
Généralités biofilm ou glycocalix. Cette matrice englobe des amas bacté-
La peau est le principal moyen de défense s’opposant à la riens, séparés par des canaux aqueux qui permettent la circula-
pénétration des germes saprophytes et pathogènes. Une lésion tion des nutriments. Ce conglomérat, contrairement à ce qui est

2 Appareil locomoteur

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Macrophage
Dissémination

Microcolonie

Biofilm

Canal
Antibiotique

Figure 1. Bactéries rassemblées en biofilm. Les macrophages ne pénètrent pas la structure, bonne diffusion des antibiotiques.

généralement admis, ne constitue pas une barrière physique à toute hospitalisation ainsi que la limitation des traitements
la diffusion des antibiotiques [13], mais s’oppose à la pénétration antibiotiques expliquent ces différences [15].
des macrophages (Fig. 1) [14, 15]. De plus, les bactéries présentes
dans le biofilm voient certaines de leurs propriétés modi- Autres bactéries
fiées [12] : D’autres bactéries sont productrices de biofilm et responsables
• elles échangent avec plus de facilité que les bactéries planc- d’infections osseuses secondaires : certains streptocoques et
toniques le matériel génétique favorisant la dégradation des entérocoques, Pseudomonas aeuruginosa et des bactéries anaéro-
antibiotiques ; bies (corynebactéries, Bacteroides sp.) [12].
• les bactéries qui sont situées dans les régions profondes sous-
oxygénées du biofilm ont un métabolisme ralenti, se proté- Facteurs de risque de la contamination
geant ainsi des antibiotiques agissant en phase de multi-
plication bactérienne ; Gagey et al. [18] ont montré que certains facteurs favorisent la
• lorsque les bactéries sont en conglomérats, certains gènes survenue d’une infection :
sont surexprimés, notamment ceux qui renforcent l’imper- • une contamination initiale importante ;
méabilité aux antibiotiques de l’enveloppe bactérienne. • une contusion étendue des parties molles ;
Récemment, Bosse et al. ont montré que les bactéries pou- • une fracture instable après ostéosynthèse ;
vaient survivre en étant protégées du système immunitaire dans • la présence de germes contaminants dans les prélèvements
le cytoplasme des ostéoblastes ou des ostéocytes. Si elle se faits en salle d’urgence et en fin d’intervention.
confirme, cette découverte explique la grande difficulté du
traitement des ostéites chroniques [16].
Ainsi, toute infection non contrôlée immédiatement par une ■ Examens cliniques
thérapeutique efficace peut passer à la chronicité avec peu de
chances de guérison par une antibiothérapie habituelle. Le
et paracliniques
traitement des ostéites n’est pas qu’un fait chirurgical et il ne La prise en charge initiale s’appuie sur trois temps essentiels :
doit pas être dévolu uniquement aux orthopédistes ; la prise en l’interrogatoire, l’examen clinique et le bilan radiographique.
charge thérapeutique des infections osseuses doit être pluridis-
ciplinaire et nécessite une étroite collaboration entre chirur- Interrogatoire
giens, bactériologistes et infectiologues.
L’interrogatoire précise le type de mécanisme : s’agit-il d’un
mécanisme à basse ou à haute énergie ? Les mécanismes à haute
Bactéries énergie (accident de la voie publique, plaie par balles, plaie
pénétrante de dehors en dedans, chute d’un lieu élevé) ont un
Staphylocoque coagulase positif risque plus important de lésions extensives des parties molles.
C’est la bactérie la plus fréquemment mise en cause dans les Il existe une distinction pronostique entre les fractures ouvertes
infections osseuses (environ dans un quart des cas) et la de dedans en dehors, et les fractures ouvertes de dehors en
prévalence du staphylocoque résistant à la méthicilline (SARM) dedans. Les premières sont le plus souvent à trait simple,
continue de progresser en Europe depuis 15 ans [6, 17]. l’ouverture reste punctiforme, l’attrition tégumentaire est
Mais le SARM ne doit pas être regardé exclusivement comme minime et la contamination bactérienne initiale est faible.
responsable d’infection nosocomiale, car la majorité des facteurs Les fractures de dehors en dedans correspondent le plus
de risque sont prédéterminés avant l’admission hospitalière, et souvent à des traumatismes graves entraînant des lésions de la
l’on estime que 20 % des personnes saines sont porteuses de ces peau et des parties molles. La contamination amenée par l’agent
bactéries dans leurs narines de façon permanente, et 60 % de vulnérant est alors importante, favorisée par :
façon intermittente [15]. • les nécroses tégumentaires secondaires ;
Cependant, la fréquence du SARM reste stable en France, • l’état général du patient avant le traumatisme ;
autour de 30 % depuis quelques années, mais en Suède et en • le délai éventuel entre l’accident et la prise en charge
Finlande ce taux est inférieur à 1 %. médicale.
Il semble probable que la recherche et le traitement systé- Les circonstances de l’accident sont précisées, à la recherche
matique des porteurs sains dans les pays nordiques avant d’un contexte traumatique particulier (accident agricole,

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“ Points essentiels
• La contamination initiale de la plaie peut être
considérée comme une constante lors de fractures
ouvertes.
• Les germes le plus souvent en cause sont des germes
commensaux ou résidents provenant de la propre flore
cutanée du patient.
• Rapidement, les bactéries acquièrent des
caractéristiques variants (VMC) et produisent une matrice
de polysaccharides bioprotectrice, le biofilm ou
glycocalix. Figure 2. Fracture ouverte III B de Gustilo.
• Ainsi, toute infection non contrôlée immédiatement par
une thérapeutique efficace peut passer à la chronicité avec
peu de chances de guérison par une antibiothérapie Figure 3. Fracture ouverte III C
habituelle. de Gustilo.
• Le SARM ne doit pas être regardé exclusivement
comme une infection nosocomiale, car la majorité des
facteurs de risque sont prédéterminés avant l’admission à
l’hôpital.
• L’importance de la contamination initiale et une
contusion étendue des parties molles sont des facteurs
favorisant l’infection.

industriel...), et peuvent orienter vers une contamination


bactérienne par des germes environnementaux (telluriques,
hydriques) tels que Bacillus, Clostridium, spécialement C.
perfringens ...
L’interrogatoire précise l’âge du patient et ses antécédents,
l’existence de lésions cutanées préexistantes et l’état vasculaire
prétraumatique (varices, artériopathie).

Bilan clinique
L’examen de la plaie est fait par le médecin urgentiste lors du
conditionnement du patient en préhospitalier, puis par le
chirurgien traumatologue et le médecin urgentiste à l’accueil
dans le service d’urgence. Une fois le bilan clinique établi, un
premier pansement est réalisé après une détersion a minima. employées dans la littérature, les classifications de Cauchoix et
Tscherne a montré que le risque septique diminue si la plaie est al., de Gustilo et al., et celle de Association pour l’ostéosynthèse
couverte par un pansement antiseptique non défait de manière (AO). À la fin du bilan aux urgences, le chirurgien peut avoir
itérative [19] . Des photographies numériques peuvent être une idée de la classification ; cependant, celle-ci ne peut être
réalisées dès l’arrivée du patient aux urgences : celles-ci permet- définitive qu’après le parage effectué en salle d’opération.
tront à l’équipe chirurgicale de suivre l’évolution de la plaie
(Fig. 2, 3).
Le bilan clinique, outre la recherche de lésions associées,
Cauchoix, Duparc, Boulez
s’attache à déceler des complications d’aval : vasculaires et Cette classification, communément appelée de Cauchoix, est
nerveuses (motrices et sensitives). On précise simplement : la essentiellement employée par les auteurs francophones ; c’est la
perception des pouls pédieux et tibial postérieur, la motricité plus ancienne [20, 21] . Elle a pour elle son ancienneté, sa
des orteils et la sensibilité du bord externe du pied, de la face simplicité et, depuis les modifications faites par Duparc et
plantaire, de la première commissure et de la face dorsale. Huten [22], la prise en compte de l’évolutivité des lésions. Elle
est basée sur l’ouverture cutanée :
Bilan radiographique • type 1 : lésion bénigne, ouverture punctiforme ou plaie peu
étendue sans décollement ni contusion dont la suture
Le bilan radiologique comporte deux incidences orthogonales
s’effectue habituellement sans tension ;
prenant toute la jambe et les articulations du genou et de la
• type 2 : lésion cutanée qui a un risque de nécrose secondaire
cheville, le membre inférieur lésé étant immobilisé dans une
élevé ; il peut s’agir d’une suture avec tension, de plaie
attelle radiotransparente. La présence de corps étranger ou
associée à un décollement ou une contusion, de plaie avec
d’images aériques au site de la plaie ou à distance témoigne de
des lambeaux de vitalité douteuse ;
l’atteinte des parties molles et peut orienter le parage chirurgical
• type 3 : lésion avec perte de substance cutanée en regard ou
initial. Les radiographies permettent aussi d’appréhender le
à proximité du foyer de fracture, la perte de substance
mécanisme lésionnel, les fractures comminutives avec des
pouvant être traumatique ou secondaire ; Duparc et Huten
segments osseux libres étant synonymes de dévascularisation
ont affiné la classification en incluant l’évolution lésionnelle :
osseuse et d’atteinte importante des parties molles.
3a, perte de substance limitée avec possibilité de réparation à
partir des tissus périphériques ; 3b, perte de substance
Classification étendue sans possibilité de réparation à partir des tissus
Au terme de ce bilan, on quantifie le risque évolutif des périphériques ou avec un risque infectieux important ;
fractures en utilisant une classification. Celles-ci sont nombreu- • type 4 : lésion de broiement avec ischémie distale du membre
ses et nous ne décrirons ici que les trois plus fréquemment lésé.

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Tableau 1.
Classification de l’Association pour l’ostéosynthèse (AO) des lésions de la peau, des muscles et tendons, et des structures vasculonerveuses.
Type 1 Type 2 Type 3 Type 4 Type 5
Peau (ouverte) Lésion de dedans Lésion de dehors Lésion > 5 cm Lésion extensive
en dehors en dedans < 5 cm Berges contuses Contusion
Abrasion ...
Muscle et tendon Pas de lésion Lésion Lésion importante Defect musculaire, Syndrome de loge
d’un compartiment de deux compartiments tendineux Crush syndrome ...
Lésion extensive ...
Neurovasculaire Pas de lésion Lésion nerveuse isolée Lésion vasculaire Lésion vasculaire Lésions combinées
segmentaire Amputation subtotale
ou totale

Cette classification a été complétée dans le même état d’esprit


Tableau 2.
(simplicité et pronostique) en classant les lésions osseuses [22] :
Score MESS (mangled extremity severity score).
• type 1 : lésion à faible déplacement sans dévitalisation (bonne
consolidation) ; Type Définition Points
• type 2 : extrémités dépériostées ou comminution de frag- A : squelette Basse énergie (fracture simple) 1
ments libres (consolidation lente) ; et parties molles Moyenne énergie (fractures ouvertes, 2
• type 3 : perte de substance osseuse nécessitant une greffe
multiples ; luxation)
secondaire.
Haute énergie (écrasement, fracture 3
Gustilo, Mendoza, Williams par balle)
Très haute énergie (avulsion tissulaire, 4
La classification de Cauchoix a été mondialement employée,
contamination bactérienne)
notamment par Gustilo et al. qui publièrent en 1976 une série
B : ischémie Pouls réduit ou absent mais bonne 1 a
rapportant 1 025 fractures ouvertes ; de cet article découle la
subdivision du type 3 de Cauchoix en trois sous-types pour lui coloration
donner une valeur pronostique [23, 24] : Pouls absent, paresthésie, diminution 2 a

• type 1 : fracture ouverte avec une plaie inférieure à 1 cm de de la coloration capillaire


long ; Jambe ischémiée, froide, insensible 3 a

• type 2 : fracture ouverte avec une lacération supérieure à


C : choc Systolique > 90 mmHg 0
1 cm de long et sans lésion extensive des parties molles ;
Hypotension transitoire 1
• type 3 : fracture ouverte avec lésion extensive des parties
molles ; 3a, attrition des parties molles mais couverture Hypotension persistante 2
possible d’un foyer osseux non dépériosté ; 3b, perte de D : Âge < 30 ans 0
substance des parties molles exposant l’os qui est dépériosté ; 30-50 ans 1
3c, lésion artérielle entraînant une ischémie du membre. > 50 ans
Cette classification, communément appelée de Gustilo, est
Si le total des points est supérieur ou égal à 7, une amputation doit être envisagée.
incontournable de par sa diffusion internationale. Cependant, a
Le score double pour une ischémie supérieure à 6 heures.
elle nécessite une réévaluation au cours du temps, l’évolution
clinique déterminant ce que Le Nen et al. appellent les stades
III potentiels [25]. Tableau 3.
De plus, Brumback et Jones ont montré que cette classifica- Classification du risque infectieux des actes opératoires (fractures)
tion garde une modeste reproductibilité [26]. proposés par le National Research Council.
Classification de l’AO Classe Acte chirurgical
Cette dernière est basée sur une classification séparée des 1 : hyperpropre Chirurgie prothétique
lésions cutanées, musculaires, tendineuses et des structures 2 : propre Ostéosynthèse de fractures fermées
nerveuses. Pour ses auteurs, il s’agit d’une sorte d’esperanto des 3 : propre-contaminée Fracture ouverte de type 1 avant la sixième
classifications ostéomusculaires [3]. Particulièrement complète, heure
elle s’avère singulièrement complexe dans son emploi et 4 : contaminée Fracture ouverte de type 1 après la sixième
manque d’études prédictives (Tableau 1). heure, fracture type 2 et 3
Score MESS (mangled extremity severity score) 5 : sale Traitement d’une ostéite

En 1990, Johansen et al. ont établi un score prédictif


d’amputation pour les fractures de jambe : le MESS score [27]. Ce diminuer la fréquence de l’infection osseuse immédiate, elle ne
score simple confirme que les tentatives de conservation de la prévient pas cependant les accidents infectieux peropératoires
jambe lors de fractures ouvertes stade IIIb ou IIIc de Gustilo, éventuels qui relèvent d’un traitement curatif adapté. La
associées à une section du nerf tibial ou à une ischémie contamination quasi constante des foyers osseux et des parties
supérieure à 6 heures, conduisent le plus souvent à une ampu- molles nécessite une antibioprophylaxie [10, 18].
tation secondaire (Tableau 2) [28-32] . Ce score peut aider à Les classifications de Altemeir et du National Research
prendre une décision difficile entre un sauvetage de jambe et Council (Tableau 3) identifient le risque infectieux en fonction
une amputation, une telle décision nécessitant l’avis de deux du type de chirurgie ; l’antibiotique choisi doit s’adresser à la
chirurgiens seniors expérimentés dans les techniques modernes flore bactérienne la plus fréquemment mise en cause [34] .
de conservation de membre [33]. Cependant, pour les patients de la classe 4, il s’agit d’une
antibiothérapie plus curative que prophylactique car la conta-
mination du foyer est immédiate. Ce traitement doit être
■ Prise en charge initiale instauré le plus rapidement possible afin de limiter l’inoculum
bactérien. L’antibiothérapie cible les flores cutanées et telluri-
Antibioprophylaxie ques (staphylocoques, bacilles à Gram négatif et germes anaé-
Si l’antibioprophylaxie est un moyen complémentaire des robies), et le choix se porte sur l’association aminopénicilline -
mesures d’hygiène hospitalière et d’asepsie opératoire pour inhibiteur de bêtalactamases. La durée recommandée est de

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48 heures pour les fractures ouvertes type 1 et 2 de Gustilo [35].


Lors de contamination hydrique et tellurique massive, certains
bacilles à Gram négatif (Bacillus, Hydrophyllus) doivent être
inclus dans le spectre ; on prescrit de préférence une association
céphalosporine de deuxième génération/imidazole ou encore
l’association amoxicilline/acide clavulanique et aminoglycoside.
La durée est au minimum de 48 heures et en général adaptée
au contexte clinique. En cas d’allergie aux bêtalactamines,
l’association clindamycine/aminoglycoside est indiquée.

Prophylaxie antitétanique
La prophylaxie antitétanique est obligatoire pour toute
fracture ouverte, sauf en cas d’immunisation datant de moins
de 5 ans dûment prouvée par le carnet de vaccinations. Dans le
cas d’une plaie très contaminée et d’une immunisation
ancienne (entre 5 et 10 ans), il est recommandé de refaire une
injection vaccinale. Pour une immunisation ancienne au-delà de
10 ans ou jamais effectuée, une immunothérapie (250 UI
d’immunoglobulines humaines spécifiques) et une vaccination
sont effectuées.

Prévention de la maladie
thromboembolique Figure 4. Détersion et parage cutané.
La prescription d’héparines de bas poids moléculaire (HBPM)
en traumatologie du membre inférieur reste, en l’absence Le parage initial obéit aux règles de base suivantes :
d’étude prospective randomisée, le traitement de référence [36]. • toutes les fractures ouvertes nécessitent un parage chirurgical ;
Cette prescription doit être adaptée aux facteurs de risque du • tous les plans atteints doivent être explorés ;
patient et à la reprise de l’appui. En cas de chirurgie différée, • les extrémités osseuses doivent être systématiquement
une administration préopératoire est légitime, la dernière examinées lors de plaies de dehors en dedans à la recherche
injection d’HBPM devant précéder la chirurgie de plus de de corps étrangers (tissu, terre ...) ;
12 heures [36]. • tous les tissus dévascularisés ou nécrotiques doivent être
excisés ;
• en cas de doute sur la viabilité des tissus, un parage itératif
Lavage. Détersion doit être envisagé rapidement avec un chirurgien « recons-
Le premier nettoyage est fait en salle d’urgence sous couvert tructeur », orthopédiste ou plasticien.
d’une analgésie efficace, la plaie est ensuite isolée par un
pansement pour éviter toute contamination supplémentaire [37].
Parage de la peau et des parties molles
La préparation cutanée peut être réalisée en salle de préanesthé- Le parage concerne les tissus cutané et sous-cutané, les fascias
sie ; elle comprend un savonnage avec rinçage et séchage des et les muscles. La fréquence des complications résultant de
zones saines au-dessus et au-dessous de la plaie. La jambe est l’atteinte des parties molles rend ce parage obligatoire lors de
ensuite isolée dans un pansement stérile. Le premier temps fractures ouvertes type 2 ou 3 de Cauchoix. Le parage semble
chirurgical débute en salle opératoire au moment de la déter- plus discutable pour le type 1 de Cauchoix car les tissus restent
sion (brossage), qui doit être atraumatique et réalisée par le sains dans les mécanismes à basse énergie. Yang et Eisler [41],
chirurgien, le patient étant anesthésié. La plaie est ensuite isolée dans une étude rétrospective portant sur 40 fractures ouvertes
dans un nouveau champ stérile. Il faut respecter la peau de tibia, ne décèlent aucune complication sans parage. Cepen-
contuse et, si un fragment osseux est extériorisé, un brossage dant, en l’absence d’étude complémentaire, nous préconisons
soigneux des extrémités sans dépérioster l’os adjacent est un parage systématique pour le type 1 pour les deux raisons
effectué. L’éventuelle dépilation reste affaire d’école dans sa suivantes :
réalisation et dans son type ; elle est actuellement remise en • le stade initial de la fracture peut nécessiter une réévaluation
cause car son absence n’augmente pas le risque infectieux [38]. en fonction de l’évolution clinique ;
Après ce premier lavage chirurgical, les champs stériles sont • les publications originales de Gustilo concernant le type
mis en place et l’équipe procède à un lavage au sérum physio- 1 n’ont pas montré d’augmentation de la morbidité liée au
logique du site opératoire. Le lavage avec des solutés contenant parage initial.
des antibiotiques n’offre pas d’avantage et augmente le risque Le parage cutané des segments jambiers doit être longitudinal
de cicatrisation cutanée. La principale action de ce lavage et si possible en ellipse. Il doit être complet mais économe, la
abondant est la détersion mécanique, au moins 9 litres dans les résection s’arrêtant dès que l’on arrive sur une zone vascularisée.
fractures ouvertes type Cauchoix 2, et 12 litres dans les types En cas de doute, il faut éviter les incisons transversales et
Cauchoix 3 ou Gustilo 3abc. Par ailleurs, ce lavage doit être demander l’avis d’un chirurgien reconstructeur. Lors de lésions
doux et les systèmes utilisant un jet pulsé utilisés avec de dégantage avec interruption de la vascularisation cutanée, la
parcimonie [39]. peau doit être si possible conservée, dégraissée, puis reposée
comme une greffe sur les muscles. Toute la graisse dévitalisée ou
douteuse doit être excisée ; les fascias et les muscles sont
Parage explorés et réséqués au besoin. Les muscles restants doivent être
bien vascularisés et la levée du garrot s’impose en cas de doute
Généralités sur leur vitalité. Cette appréciation musculaire n’est pas toujours
Le parage initial de la plaie est essentiel. Il comporte l’abla- facile et c’est souvent l’expérience clinique reposant sur la
tion des tissus contaminés, dévitalisés ou morts (Fig. 4). Ce coloration, la contractilité et la palpation musculaire qui permet
temps est aussi important que l’antibiothérapie et l’ostéosyn- de prendre une décision chirurgicale.
thèse, car la persistance des tissus morts favorise la contamina-
tion bactérienne exogène par des germes commensaux ou Tissu osseux
environnementaux [40]. Ce parage s’effectue avec ou sans garrot Tous les fragments libres et dévascularisés doivent être
pneumatique selon les habitudes chirurgicales des équipes. théoriquement excisés. Toutefois, devant une perte osseuse

6 Appareil locomoteur

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Fractures ouvertes de jambe ¶ 14-086-A-20

segmentaire importante, le risque infectieux doit être mis en


balance avec la difficulté d’une reconstruction osseuse
secondaire.

Traitement chirurgical osseux


Le traitement chirurgical des fractures ouvertes de jambe n’est
pas univoque, car les complications sont fréquentes. Les
fixations interne et externe ont montré leur efficacité mais aussi
leurs limites. Actuellement, aucune attitude n’est consensuelle
et le choix du thérapeute reste souvent affaire d’école. Nous
envisagerons successivement les différents traitements possibles,
en excluant les fractures classées, après parage, type 1 de
Cauchoix ou de Gustilo, qui sont à considérer comme des
Figure 5. Fracture ouverte stade II.
fractures fermées.

Traitement orthopédique
On oppose à la méthode traditionnelle de Boelher, où l’on
bloque genou et cheville, la méthode de Sarmiento qui libère les
articulations. L’utilisation d’une traction continue sur attelle de
Boppe ne constitue de nos jours qu’un traitement d’attente
avant la chirurgie. Toutes les méthodes orthopédiques nécessi-
tent une anticoagulation préventive qui doit être adaptée au
patient et à la durée de son immobilisation. Ces immobilisa-
tions sont contraignantes pour le patient et rendent difficile la
surveillance des plaies. Ces méthodes n’ont pratiquement
aucune place dans le traitement des fractures ouvertes de jambe
dans notre pays.
Plâtre cruropédieux
Figure 6. Fixateur externe monoplan.
La fracture est réduite sur un cadre rigide (Boehler, Trillat), le
genou étant légèrement fléchi ; l’alignement du foyer fracturaire
est obtenu grâce à une traction exercée par un étrier ou une méthode de choix pour la prise en charge des fractures ouvertes
broche transcalcanéenne. On réalise un plâtre cruropédieux de jambe (Fig. 5,6) ; ses principaux inconvénients sont les
fendu en son milieu pour une durée de 6 semaines, avec un difficultés de réduction fracturaire et les infections sur fiches.
relais par botte plâtrée pour 4 semaines. L’utilisation d’une fixation externe doit tenir compte dans le
positionnement des fiches d’éventuels lambeaux locorégionaux.
Méthode de Sarmiento
Les fiches sont idéalement mises sur la face antéromédiale du
Ce traitement permet une stabilisation hydraulique des tibia pour libérer les deux faces latérales de jambe et ne pas
fractures par le système musculaire. Pour Sarmiento, si ce compromettre le geste de couverture. La disposition en cadre ou
traitement est utilisé lors de fractures ouvertes de jambe, il faut l’utilisation du système Illizarov rendent difficile la mobilisation
accepter un certain raccourcissement et la durée d’immobilisa- des lambeaux et risquent d’exclure des territoires par ischémie
tion est plus longue que lors de fractures fermées. Cependant, due à des broches transfixiantes ; les systèmes monoplans
Sarmiento reste prudent et, pour les fractures ouvertes de dynamisables sont donc à utiliser préférentiellement.
jambe, il préconise le traitement par un enclouage centromé- Le choix thérapeutique reste une affaire d’école en l’absence
dullaire [42, 43]. de publication prospective comparative. Toutefois, les fixateurs
hybrides sont le plus souvent utilisés en cas de fractures
Traitement chirurgical métaphysodiaphysaire.
Clou centromédullaire. L’utilisation de l’enclouage centro-
Ostéosynthèse par plaque
médullaire pour le traitement des fractures ouvertes de jambe
C’est un traitement difficile à réaliser en cas de fracture date en France des années 1960 ; l’équipe de Merle d’Aubigné
ouverte de jambe, car l’abord osseux est malaisé et peu systé- publia dès 1974 des résultats encourageants dans cette indica-
matisé du fait de l’atteinte concomitante des parties molles. tion [47] . Sur 256 fractures ouvertes traitées par enclouage
Cette chirurgie est ambivalente car elle doit conserver la centromédulaire, ces auteurs rapportent un taux de pseudarth-
vascularisation des parties molles, du périoste et de l’os malgré rose de 4,7 % et d’infection de 6,5 %, versus 25 % et 20 % pour
un abord extensif. Dans ce contexte, le risque de nécrose les traitements à foyer ouvert. Avec la modification des clous et
cutanée reste majeur [44] et la littérature montre clairement que l’amélioration de l’ancillaire de pose, cette technique s’est
l’ostéosynthèse par plaque est inadéquate dans les fractures type généralisée et une méta-analyse récente a montré que
2 ou 3 de Gustilo compte tenu du risque important d’infection l’enclouage lors de fractures ouvertes diminue les risques
osseuse et d’échec de fixation [45]. d’interventions itératives, d’infections superficielles et de cals
vicieux (Fig. 7–9). Cependant, deux interrogations restent sans
Ostéosynthèse à foyer fermé
réponse dans la littérature [48] :
On désigne par le terme générique de foyer fermé l’absence • faut-il aléser le tibia avant de mettre le clou ?
d’ouverture cutanée liée à l’ostéosynthèse en dehors du parage • peut-on réaliser sans risque un traitement en deux temps
initial. successifs : fixation externe première en urgence puis relais
Fixateurs externes. Du fait de la localisation du tibia sous la précoce par enclouage tibial ?
peau et de l’absence de conflit avec une autre partie du corps,
c’est tout naturellement que le fixateur externe a trouvé à la
jambe son site d’élection. Utilisé dès 1832 par Malgaigne, ce fut ■ Lambeaux de couverture
le premier traitement chirurgical employé pour traiter les
fractures ouvertes de jambe bien avant l’apparition des ostéo-
synthèses par vis, cerclage, plaque et clou [46]. On distingue
Généralités
quatre types de fixateurs externes : les monoplans, les multi- La chirurgie des lambeaux constitue un atout majeur dans le
plans, les circulaires et les hybrides. Ce traitement constitue la traitement des fractures ouvertes de jambe, car l’obtention

Appareil locomoteur 7
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14-086-A-20 ¶ Fractures ouvertes de jambe

Figure 8. Fracture ouverte


stade II, traitement par enclouage
(face).

Figure 7. Fracture ouverte stade II.

d’une couverture cutanée de qualité associée à une vascularisa-


tion de la zone périfracturaire favorise la consolidation osseuse
et diminue les complications secondaires.
La chirurgie des lambeaux trouve à la jambe deux disposi-
tions naturelles [49] :
• les fractures par choc direct sont le plus souvent provoquées
par un traumatisme frontal qui préserve la loge postérieure de
jambe, siège des éventuels transferts ;
• le prélèvement d’un muscle n’entraîne qu’un préjudice
fonctionnel modéré, plusieurs muscles concourant à la même
fonction.
Dans tous les cas, le traitement des fractures ouvertes,
“ Points essentiels
récentes ou vues tardivement, doit être effectué selon la même • La prise en charge initiale comporte : une
séquence [50, 51] : parage ; stabilisation de la fracture après antibioprophylaxie, une prophylaxie antitétanique, et la
changement de gants et d’instruments ; couverture du foyer de prévention de la maladie thromboembolique.
fracture. • Après la détersion, le lavage et le parage chirurgical,
l’ostéosynthèse est de règle, avec une préférence pour les
Critères de choix d’un lambeau [52] ostéosynthèses à foyer fermé.
En cas de dégantage avec avulsion de vastes pertes de sub- • Le fixateur externe a trouvé à la jambe son site
stance tégumentaire, les lambeaux décollés à charnière distale d’élection, mais ses principaux inconvénients sont les
peuvent être repositionnés après dégraissage comme une greffe difficultés de réduction fracturaire et les infections sur
de peau totale, si le sous-sol est bien vascularisé. Il faut éviter fiches.
toute mobilisation de lambeaux cutanés purs, le capital peau • Avec la modification des clous et l’amélioration des
étant précieux à la jambe et l’évaluation de la vitalité tissulaire ancillaires de pose, l’enclouage lors de fractures ouvertes
en urgence plus difficile pour la peau que pour le muscle. Parmi
s’est généralisé, diminuant les risques d’interventions
la multitude de lambeaux et de techniques utilisables au
membre inférieur, les critères suivants vont permettre au itératives, d’infections superficielles et de cals vicieux.
chirurgien de choisir le lambeau idéal pour la couverture de la
perte de substance [31] :
• l’état de la zone receveuse ;
• l’état de la zone donneuse ; • la « malléabilité » du lambeau musculaire ; elle permet de
• la richesse vasculaire du lambeau, qui est un atout majeur recouvrir ou de combler les lésions profondes et les espaces
dans la prévention de l’infection et pour la consolidation du morts, aplanit les irrégularités et permet un matelassage stable
foyer fracturaire [53] ; la myoplastie, apportant sa vascularisa- dans le temps ; chaque muscle peut être considéré comme un
tion propre indépendante de la zone receveuse, est souvent lambeau potentiel lorsqu’il est vascularisé par son pédicule
préférée ; principal, qu’il soit unique, dominant ou segmentaire ;

8 Appareil locomoteur

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Fractures ouvertes de jambe ¶ 14-086-A-20

Figure 9. Fracture ouverte


stade II, traitement par enclouage
(profil).

Figure 10. Prélèvement d’un lambeau de gastrocnemius médial.

Figure 11. Lambeau fasciocutané.

• l’état général du patient : l’âge, l’athérosclérose généralisée, le


diabète, un tabagisme actif peuvent contre-indiquer la
microchirurgie ;
• les gestes osseux associés ;
• le chirurgien ; lorsque le choix reste ouvert entre plusieurs
techniques de couverture, c’est celle que l’opérateur maîtrise
le mieux qui doit être préférée.

Choix des lambeaux


En pratique courante, les indications de lambeaux selon la
localisation sont, le plus souvent, les suivantes.
Au tiers supérieur de jambe, on utilise le lambeau musculaire
ou myocutané de gastrocnemius médial (le plus souvent) ou
latéral. Le lambeau soléaire peut être levé pour la partie
inférieure du tiers supérieur de jambe.
Au tiers moyen de jambe, les lambeaux gastrocnémiens
(Fig. 10) pour la jonction du tiers supérieur et du tiers moyen,
et le lambeau soléaire médial à pédicule proximal pour le tiers
moyen de jambe, notamment la face antéromédiale, constituent Figure 12. Lambeau fasciocutané avec greffe cutanée secondaire.
des lambeaux de choix. Lorsque les lambeaux de gastrocné-
miens ou de soléaire sont insuffisants, notamment vers le tiers
inférieur de jambe, les lambeaux musculaires fléchisseurs et fléchisseur commun des orteils, soléaire à pédicule distal, long
extenseurs des orteils peuvent être un complément intéressant. extenseur commun des orteils, long fléchisseur propre de
Au tiers inférieur de jambe, les indications sont plus difficiles l’hallux, voire court péronier et tibial antérieur en dernier
et les techniques de couverture non univoques dans cette zone recours.
où l’os, sous-cutané, est vulnérable. Deux types de lambeaux Aucun des lambeaux homolatéraux décrits ci-dessus n’est
peuvent être utilisés : musculaires (le plus souvent transferts réellement satisfaisant pour le quart inférieur de jambe où le
libres de latissimus dorsi) ou fasciocutanés (Fig. 11,12) homola- latissimus dorsi (Fig. 13) reste le lambeau libre de référence pour
téraux à pédicule inférieur même s’ils sont plus risqués : long sa grande taille (25-30 × 30-40 cm), le diamètre important de

Appareil locomoteur 9
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14-086-A-20 ¶ Fractures ouvertes de jambe

Figure 15. Pansement aspiratif


sous vide avec une mousse de po-
lyvinylalcool, un drain de Redon et
un film respirant de polyuréthane.

Figure 13. Lambeau libre de latissimus dorsi.

exploration avec parage itératif [31, 50, 58]. Le lambeau libre reste
donc indiqué dans les premiers jours après l’accident ou à
distance au stade de séquelles. Cependant, Vichard [31] propose
une démarche plus « incisive » : stabilisation interne et couver-
ture immédiate du foyer de fracture sur les arguments sui-
vants [50] :
• la fixation externe est moins efficace sur la consolidation
osseuse que la fixation interne ;
• des complications septiques peuvent survenir sur les fiches de
fixateur externe ;
• quand une articulation est pontée par le fixateur, la récupé-
ration fonctionnelle est plus difficile ;
• le fixateur externe peut perturber certains gestes plastiques.
Nature : lambeaux libres ou pédiculés ?
Les lambeaux locorégionaux ont prouvé leur efficacité et
Figure 14. Lambeau fasciocutané type cross-leg.
s’inscrivent dans une logique d’indication, partant du lambeau
le plus simple au plus difficile. Pour Le Nen et al. [50] , le
ces vaisseaux (2-2,7 mm), et la longueur suffisante de son lambeau libre doit être réservé aux fractures ouvertes du tiers
pédicule (8,4 cm en moyenne) accessible techniquement et inférieur, et pour les pertes de substance étendues ou circonfé-
prélevable à la demande. Par ailleurs, dans les pertes de sub- rentielles de jambe lorsqu’un lambeau locorégional n’est pas
stance avec lésions des axes vasculaires, le prélèvement dans le utilisable ou que la viabilité musculaire et/ou l’état cutané font
même temps de l’artère du dentelé antérieur peut le transformer courir un risque de nécrose (crush syndrome, délabrement
en lambeau porte-vaisseaux pour le pontage d’un axe vascu- majeur ...). D’autres auteurs ont, à l’inverse, recours d’emblée
laire [54]. Malgré la diffusion des transferts tissulaires libres, les aux lambeaux libres qui leur semblent moins agressifs pour la
lambeaux hétérojambiers musculaires ou fasciocutanés type zone périfracturaire déjà malmenée par l’accident [31, 59].
cross-leg gardent une place dans l’arsenal thérapeutique des
fractures ouvertes de jambe (Fig. 14) : Pansement aspiratif sous vide (vacuum
• échec d’une autre technique de couverture, notamment par assisted closure [VAC])
lambeau libre ;
Initialement utilisé pour de larges pertes de substance
• pertes de substance importantes, sur un état vasculaire du
infectées chroniques, chez des patients au terrain débilité
membre receveur contre-indiquant un lambeau libre de façon
contre-indiquant l’utilisation de lambeaux, les systèmes d’aspi-
absolue (aucun axe vasculaire intact) ou relative (axe jambier
ration à pression négative constituent désormais une méthode
unique) ;
thérapeutique intéressante en traumatologie de première
• resurfaçage de toute la coque talonnière lorsque les lambeaux
intention [60, 61] (Fig. 15).
régionaux sont insuffisants en taille [55].
L’efficacité des VAC semble liée à plusieurs facteurs [60] :
• la pression exercée par l’éponge aspire toutes les sécrétions
Stratégie interstitielles susceptibles de contenir des facteurs d’inhibition
de croissance des fibroblastes, des cellules vasculaires endo-
Date de couverture théliales et des kératinocytes ;
Le moment idéal de couverture reste largement débattu. • l’évacuation de ces fluides évite la formation de sécrétions
Celle-ci doit se faire au plus vite, pour diminuer le risque purulentes à la surface de la perte de substance, et donc la
d’échec des lambeaux, les complications septiques, et augmenter colonisation anaérobie et la diffusion bactérienne en profon-
le taux de consolidation [56, 57]. Mais les résultats sont identi- deur ;
ques entre couverture en urgence stricte et dans les 48 à • elles réalisent une protection antibactérienne, l’humidité dans
72 heures ; ce délai permet de dépister une éventuelle souf- le pansement préservant l’action des polynucléaires neutro-
france des parties molles et d’effectuer alors une deuxième philes ;

10 Appareil locomoteur

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Fractures ouvertes de jambe ¶ 14-086-A-20

Figure 16. Fracture ouverte stade III A, enclouage initial. Plaie suintante Figure 18. Résultat clinique au huitième jour.
chronique.

Figure 19. Reprise par fixateur et pansement aspiratif sous vide avec
Figure 17. Pansement aspiratif sous vide avec compresse. compresse. Résultat clinique au quinzième jour.

• la dilatation artériolaire augmente l’afflux sanguin et la Sauvetage de jambe versus amputation


prolifération du tissu de granulation [61, 62] ;
• l’application de la mousse sous vide a un effet mécanique ;
traumatique ?
contrairement aux sutures sous tension, le VAC exerce une Devant un traumatisme sévère de jambe, la séquence théra-
force uniforme en tout point de la perte de substance avec peutique entre réparation vasculaire et stabilisation osseuse reste
effet d’attraction centripète et favorise ainsi la cicatrisation à controversée (la plupart des auteurs préférant une stabilisation
partir des berges de la perte de substance. première pour éviter toute lésion vasculaire iatrogène secondaire
L’essor de ce système a considérablement réduit la taille des de l’anastomose lors de l’ostéosynthèse). La décision thérapeu-
pertes de substance à couvrir et par conséquence les indications tique est souvent difficile entre reconstruction « maximaliste »
de lambeaux. L’obtention d’un bourgeonnement des structures et amputation de première intention ; elle doit être multidisci-
nobles (os, tendons) permet parfois une simple couverture par plinaire pour une prise en charge optimale dès les urgences [33].
greffe de peau, initialement inenvisageable. Le pansement stérile Pour faciliter cette démarche, Johansen et al. ont établi un score
comprend une mousse de polyvinylalcool, un drain de Redon prédictif d’amputation pour les fractures ouvertes : le MESS
score [27]. L’existence d’une lésion nerveuse associée aux dégâts
et un film respirant de polyuréthane comme barrière antibacté-
musculaires et cutanés majeurs est indiscutablement un argu-
rienne. Certaines équipes remplacent la mousse par des com-
ment en faveur de l’amputation d’emblée au lieu d’élection. En
presses stériles (Fig. 16–19). L’ensemble est posé à même la plaie
effet, des gestes plastiques sophistiqués avec des lambeaux
et façonné à la forme de celle-ci. L’étanchéité est obtenue par
dépourvus de sensibilité exposent aux ulcérations, et une jambe
un film (5 cm de marge en peau saine) permettant l’étanchéité cicatrisée mais non fonctionnelle est plus handicapante qu’une
du système qui est ensuite relié à un système de vide (moteur prothèse adaptée. Par ailleurs, la replantation d’une jambe est
ou aspiration murale) pour obtenir une pression négative (60 à certes techniquement envisageable lorsque la section est
80 kPa). Ce pansement doit être changé tous les 3 à 4 jours en franche, mais les arguments suivants s’opposent à sa réalisa-
moyenne, et plus fréquemment en cas de sepsis ou de saigne- tion [64] :
ment (24 à 48 heures). Lorsque le bourgeonnement est suffisant, • le pied n’a pas la même valeur fonctionnelle que la main ;
l’aspiration est arrêtée et si besoin une greffe cutanée peut être • l’appareillage de l’amputé de jambe restaure rapidement
alors réalisée. Dans la littérature, les complications infectieuses l’appui qui est la fonction essentielle du pied ;
en traumatologie diminuent grâce aux pansements sous vide [62, • les lésions nerveuses des replantés sont génératrices d’ulcères
63].
d’appui sur des pieds inertes ;
Même si l’essor de ces pansements aspiratifs a élargi l’arsenal • les amputations de jambe sont d’autant moins bien acceptées
thérapeutique des moyens de couverture des pertes de sub- qu’elles surviennent tardivement (psychisme du patient, coût
stance, les VAC ne peuvent en aucun cas se substituer aux financier).
lambeaux en cas d’os dévascularisé, le bourgeon de granulation Il faut donc savoir refuser une replantation de jambe et
étant alors insuffisant. proposer, devant une fracture ouverte de jambe avec ischémie,

Appareil locomoteur 11
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14-086-A-20 ¶ Fractures ouvertes de jambe

lésions nerveuses et dégâts musculaires majeurs, une amputa- Tableau 4.


tion de jambe en urgence comme un véritable geste thérapeu- Durée moyenne de consolidation après un traitement initial par
tique et non la considérer comme un abandon chirurgical. enclouage.
Type Gustilo Temps de consolidation (semaines)
I 14,7

“ Points essentiels II
IIIa
23,5
27,2
IIIb 38
• La chirurgie des lambeaux constitue un atout majeur
IIIb (avec perte osseuse) 74
dans le traitement des fractures ouvertes de jambe, car elle
favorise la consolidation osseuse et diminue les
complications secondaires.
• Le moment idéal de couverture se situe entre les Traitement
quarante-huitième et soixante-douzième heures ; ce délai Deux options thérapeutiques sont possibles :
permet de dépister une éventuelle souffrance des parties • l’aponévrotomie des quatre loges par une seule incision,
molles car une deuxième exploration est parfois décrite initialement par Kelly et Whitesides en 1967 [71] ; elle
nécessaire. comportait une fibulectomie ; Nghiem et Boland ont modifié
• Les lambeaux « locorégionaux » ont prouvé leur la technique en conservant la fibula [72] ;
efficacité ; lorsqu’ils ne sont pas utilisables, on peut avoir • l’aponévrotomie par une double incision cutanée décrite par
recours d’emblée aux lambeaux libres. Mubarak et Owen en 1977 [73].
Le choix de l’aponévrotomie lors de fractures ouvertes doit
• Actuellement, les systèmes d’aspiration à pression
prendre en compte les lésions éventuelles des parties molles et
négative constituent une alternative thérapeutique
un possible lambeau associé. Cependant, la souffrance muscu-
intéressante en traumatologie de première intention. laire homolatérale est le plus souvent une contre-indication à
l’utilisation de lambeaux locorégionaux et dans ce contexte on
préfère recourir aux lambeaux libres.
■ Complications
Syndrome de loge
Généralités “ Points essentiels
Contrairement à ce qu’il est communément admis, les
syndromes de loge ne sont pas rares lors de fractures ouvertes ;
• Les syndromes de loge ne sont pas rares lors de fractures
l’existence d’une lésion des fascias aponévrotiques ne protège ouvertes.
pas de cette redoutable complication. Sur 198 fractures ouvertes • Toute suspicion clinique nécessite un avis chirurgical et
dont 83 % étaient des Gustilo type 3, Blick et al. [65] ont mesuré le plus souvent une aponévrotomie de décharge.
dans 9 % des cas une pression intratissulaire résiduelle supé- • Le choix de l’aponévrotomie lors de fractures ouvertes
rieure à 30 mmHg. L’incidence des syndromes de loge est de ne doit pas empêcher la réalisation de lambeau
6 % pour DeLee et Stiehel (sur 104 fractures ouvertes) [66] et de secondaire.
1,2 % pour Mc Queen et Court-Brown [67] (série de 166 fractures • Cependant, la souffrance musculaire homolatérale est
ouvertes). Cependant, pour ces derniers, bien que l’incidence du en faveur de la réalisation de lambeaux libres.
syndrome de loge lors de fractures fermées (622 fractures
diaphysaires) soit supérieure à celle des fractures ouvertes, la
différence n’est pas statistiquement significative.

Clinique Retard de consolidation et pseudarthrose


La clinique et le traitement des syndromes de loge sont Généralités
décrits dans un article spécifique [68], et reposent sur l’aphorisme
suivant : « l’évoquer c’est déjà l’opérer ». Retenons que, clini- La vitesse de la consolidation osseuse est fonction :
quement, la douleur est souvent intense et anormalement • de la localisation et de l’aspect comminutif de la fracture ;
importante ; elle peut être masquée par les antalgiques. À • de l’atteinte traumatique des parties molles ;
l’examen physique, il existe une tension des loges musculaires • de la contamination immédiate par des germes commensaux
qui sont douloureuses à la palpation, et les pouls sont encore ou environnementaux ;
perçus à ce stade. Rapidement, le tableau s’aggrave, la douleur • du traitement choisi ;
augmente à la mobilisation passive, la tension des loges • de l’état général du patient.
s’accroît, celles-ci deviennent chaudes et rouges. Apparaît alors Les classifications de Cauchoix et de Gustilo permettent
un déficit sensitif distal avec diminution des pouls distaux. d’apprécier le risque de survenue d’une pseudarthrose en
Toute suspicion nécessite la prise des pressions intramusculaires fonction de l’importance du traumatisme initial ; cependant, la
au lit du malade. Au vu de la fréquence du syndrome de loge, classification de Gustilo en divisant le type 3 en trois sous-
il paraît souhaitable que tous les blocs opératoires possèdent un types a une plus grande valeur pronostique [7] . La durée
appareil de mesure de pression des loges musculaires. Le débat moyenne de consolidation après une ou plusieurs interventions
concernant le niveau de pression à partir duquel l’aponévroto- (traitement initial par enclouage) est indiquée dans le
mie s’avère justifiée reste toujours d’actualité. Classiquement, Tableau 4 [74]. L’incidence des complications infectieuses des
suite aux travaux de Whitesides et al., on considère qu’il y a fractures de jambe est aussi directement corrélée à l’étendue des
une souffrance tissulaire dès que la pression tissulaire est lésions des parties molles et au stade de la fracture
supérieure à la pression diastolique de 10 mmHg [69]. D’autres (Tableau 5) [75].
auteurs tiennent compte du différentiel de pression intratissu- Classiquement, pour faciliter le raisonnement et la prise en
laire ; cependant, ce chiffre varie selon les études de 30 à charge médicale, on ne parle de pseudarthrose qu’à partir du
45 mmHg car il existe une variabilité individuelle ! L’école sixième mois postfracturaire. Cependant, nous pensons avec
d’Edinburgh préconise de prendre les pressions en continu pour d’autres auteurs que, en présence d’une infection osseuse, tout
les patients à risque : les patients comateux, les patients jeunes, retard de consolidation évolue après le troisième mois vers une
les polytraumatisés et les patients sous anticoagulants [70]. pseudarthrose infectée [76]. Cette notion importante doit être

12 Appareil locomoteur

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Fractures ouvertes de jambe ¶ 14-086-A-20

Tableau 5.
Incidence des complications infectieuses selon la classification de Gustilo.
Type Gustilo Pourcentage de sepsis
I 0-2
II 2-7
IIIa 7
IIIb 10-50

prise en compte pour une prise en charge chirurgicale rapide,


minimale et adéquate. Ainsi, un retard de consolidation en
présence d’une infection osseuse doit être considéré à partir du
troisième mois comme une pseudarthrose infectée du fait de
son évolution péjorative mais aussi du fait de la lourdeur de la
thérapeutique à envisager [77] : « Les fractures infectées, qui
justifient de larges exérèses tissulaires, peuvent être considérées
comme des pseudarthroses avant l’heure car les traitements et
les procédés techniques mis en œuvre sont analogues à ceux
d’une pseudarthrose avérée ». A B C
De la même manière, du fait de la pauvreté vasculaire de
l’atmosphère ambiante, un retard de consolidation s’accompa-
gnant d’une perte osseuse tibiale a peu de chances d’évoluer Figure 20. Les trois types de pseudarthrose selon Weber et Cech.
vers la consolidation ; on peut considérer que toute perte de A. Hypotrophique.
substance supérieure à 1 cm risque d’évoluer vers une absence B. Oligotrophique.
de guérison. C. Hypertrophique.

Bilan clinique Figure 21. Pseudarthrose


Le bilan clinique s’attache à éliminer une infection chroni- oligotrophique.
que, et à préciser l’état musculaire, vasculaire et neurologique de
la jambe. Une souffrance locorégionale peut être appréciée par
l’observation et la palpation des loges musculaires. La présence
d’une sclérose musculaire locale, d’orteils en griffe, d’un
creusement de la voûte plantaire sont des signes indirects d’un
syndrome de loge passé inaperçu. L’examen vasculaire intéresse
tout le segment crural. Parfois l’artère fibulaire reste le seul axe
vasculaire distal perméable.

Examens complémentaires
Le bilan radiologique précise le type de pseudarthrose et
recherche les signes d’ostéite. Weber et Cech ont proposé une
classification radiologique des pseudarthroses basée sur la
réaction biologique. Ils distinguent trois types de pseudarthrose
(Fig. 20) [78] :
• hypertrophique : volumineux cal osseux en patte d’éléphant ;
• oligotrophique : absence de cal osseux (Fig. 21) ;
• hypotrophique : absence de cal osseux et atrophie des
extrémités osseuses.
Cette classification reflète l’état biologique sous-jacent et
conditionne le choix thérapeutique. Les aspects radiologiques
d’ostéite post-traumatique sont variés. Le plus fréquemment, il
s’agit de condensation des extrémités, clairsemées de zones
d’ostéolyse, d’appositions périostées à distance et d’aspect
d’ostéites nécrosantes avec délimitation de séquestres.
En présence d’infection, on note une augmentation de la
protéine C réactive et lors d’infection chronique une accéléra-
tion de la vitesse de sédimentation et une hyperleucocytose
avec polynucléose. Mais, attention, tous les signes biologiques
peuvent manquer.
Deux examens paracliniques sont importants avant d’envisa-
ger le traitement d’une pseudarthrose de jambe :
• l’artériographie ou l’angioscanner (moins invasif) (Fig. 22)
permettent d’adapter l’indication chirurgicale, si un tronc Stratégie thérapeutique
vasculaire est lésé ; La stratégie thérapeutique est complexe et non univoque.
• plus rarement demandée mais cependant indispensable Pour obtenir une consolidation osseuse, elle doit intégrer les
devant toute infection, la ponction-biopsie osseuse au trocart quatre difficultés suivantes : stabiliser le foyer, exciser un
par abord chirurgical direct ; les prélèvements peuvent être éventuel tissu infecté, lutter contre l’infection et réparer les
effectués lors du traitement de la pseudarthrose. parties molles. Ces étapes peuvent être séquentielles ou conco-
L’imagerie par résonance magnétique peut, dans certains cas, mitantes selon le problème local et le traitement choisi.
préciser l’activité du foyer et ses relations avec les parties molles Pour rester didactique, nous envisageons les trois tableaux
avoisinantes [79]. cliniques suivants.

Appareil locomoteur 13
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de la consolidation de la fibula et du type de vascularisation. La


vascularisation est appréciée par son corollaire, le cal osseux. Un
cal hypertrophique est le témoin d’une bonne vascularisation ;
un cal oligotrophique ou hypotrophique est synonyme d’une
mauvaise vascularisation.
Cal hypertrophique. On peut réaliser :
• une décortication tibiale isolée lors d’un traitement initial par
plaque ;
• un enclouage itératif ou une dynamisation d’un clou statique.
Cal oligotrophique ou hypotrophique. On peut réaliser :
• une décortication tibiale associée à une greffe osseuse
spongieuse lors d’un traitement initial par plaque ;
• un enclouage itératif ou une dynamisation d’un clou statique
avec un accourcissement de la fibula lors d’un traitement
initial par clou.
Retard de consolidation ou pseudarthrose avec perte
de substance osseuse (Fig. 23)
Fibula solide. La conduite à tenir est fonction de la dimen-
sion de la perte osseuse :
• inférieure à 2 cm : greffe osseuse intertibiopéronière (GITP) ;
• de 2 à 4 cm : GITP associée à une greffe intrafocale d’os
spongieux ;
• de 5 à 10 cm : double GITP associée à une greffe intrafocale
d’os spongieux ;
• supérieure à 10 cm : trois techniques sont possibles, greffe
osseuse vascularisée (crête iliaque ou fibula), transport osseux
par fixateur externe type Ilizarov ou greffe massive d’os
spongieux autologue après un espaceur au ciment (méthode
de Masquelet).
En cas de perte de substance, Masquelet propose une techni-
que de comblement en deux temps (Fig. 24) : lors de la couver-
ture, comblement transitoire de l’espace par un matériel inerte,
le plus souvent du ciment ; secondairement, reconstruction
osseuse par autogreffe osseuse spongieuse après exérèse du
Figure 22. Angioscanner (fracture de jambe). ciment qui a induit une pseudomembrane synoviale. Cette
membrane prévient la résorption de la greffe, favorise la
vascularisation et la corticalisation.
Retard de consolidation ou pseudarthrose sans perte
Fibula non consolidée. Il s’agit d’une situation rare et grave.
de substance Plusieurs traitements sont possibles. Il faut distinguer la
La problématique se résume à deux difficultés : immobiliser et pseudarthrose de la fibula de la perte de substance osseuse. Lors
favoriser la consolidation. A priori, le traitement initial n’est pas de pseudarthrose, une greffe osseuse vascularisée permet de
à remettre en cause et les procédés visant à obtenir la consoli- pallier un problème de vascularisation. En cas de perte de
dation restent multiples. Ils sont fonction du traitement initial, substance, on peut réaliser une greffe massive d’os spongieux

Figure 23. Arbre décisionnel. Conduite à te-


nir devant un retard de consolidation ou une
Retard de consolidation ou pseudarthrose pseudarthrose avec perte de substance os-
avec perte de substance osseuse seuse. GITP : greffe osseuse intertibiopéronière.

Fibula consolidée Fibula non


(perte osseuse) consolidée

Greffe vascularisée
Perte osseuse < 2 cm
Espaceur ciment
GITP
(Masquelet) ?

Perte osseuse de 2 à 4 cm
Ilizarov
GITP et greffe spongieuse

Perte osseuse > 4 cm


Double GITP
et greffe spongieuse

Perte osseuse > 10 cm


Greffe vascularisée
Masquelet

14 Appareil locomoteur

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Fractures ouvertes de jambe ¶ 14-086-A-20

Figure 24. Espaceur au ciment scléreuses et des séquestres osseux ; la possibilité de recouvre-
de Masquelet. ment permet de préserver le capital osseux en faisant une
résection limitée aux seules lésions osseuses manifestement
infectées ;
• le rétablissement d’une couverture saine de l’os lésé ;
• la consolidation osseuse.
Parties molles. Quel que soit le tableau clinique infectieux,
il faut prendre en compte l’état des parties molles. Dès 1946,
Stark [81] recommandait l’utilisation de lambeaux musculaires
pédiculés dans le traitement chirurgical des complications
osseuses septiques postfracturaires. Devant une pseudarthrose
infectée, les lambeaux musculaires s’imposent d’emblée par leur
ostéotactisme qui permet une prévention plus efficace des
récidives infectieuses que les lambeaux fasciocutanés [82-84]. Le
lambeau musculaire apporte sa vascularisation propre alors
qu’un lambeau fasciocutané n’est pris en charge que par la
périphérie. Si un lambeau libre est indiqué, le branchement à
distance est impératif, loin de toute inflammation et de sclérose
des tissus pour diminuer le risque d’échec.
Stabilisation osseuse et assèchement de l’infection. Le
premier temps chirurgical comporte la résection limitée des
lésions osseuses manifestement infectées. La stabilisation est
ensuite dévolue à un fixateur externe monoplan qui évite de
transfixier les masses musculaires et donc de compromettre la
mobilisation d’un éventuel lambeau. La consolidation peut être
obtenue par une greffe osseuse de spongieux autologue après un
espaceur au ciment. Dans certains cas, le traitement par une
greffe intertibiopéronière peut tarir une éventuelle fistule en
permettant la consolidation et la remise en charge ; la GITP doit
être réalisée par une voie d’abord rétropéronière passant à
distance du foyer infectieux pour ne pas infecter le greffon.
« Les foyers d’ostéite brûlent au feu de la régénération » écri-
vait Ilizarov (in [85]). Cependant, pour Merloz [85] : « L’utilisation
autologue, une greffe osseuse vascularisée ou un transport
osseux par fixateur externe type Ilizarov pour obtenir une d’un fixateur externe type Ilizarov pour éliminer les foyers
consolidation. septiques n’est plus d’actualité et lorsqu’il existe des foyers
septiques évidents avec des séquestres volumineux et des plages
Retard de consolidation et pseudarthrose septiques (Fig. 25) d’os ostéitique ou nécrotique il faut procéder à une résection
Pour Masquelet, la prise en charge séquentielle des pseu- large et à ciel ouvert des tissus infectés avant de réaliser la
darthroses septiques de jambe est bien codifiée (assèchement, reconstruction. » En revanche, la consolidation peut être
recouvrement, puis consolidation). Elle découle des quatre obtenue par un fixateur externe type Ilizarov mis en place après
éléments à traiter suivants [80] : l’excision osseuse. Dans ce cas de figure, le fixateur permet de
• l’immobilisation correcte du foyer de pseudarthrose ; réaliser un transport osseux. Sous nos latitudes, le traitement
• la lutte contre l’infection : mise à plat chirurgicale, assèche- par Papineau est abandonné, mais il reste une alternative
ment ou débridement-parage, excision des parties molles possible pour lutter contre l’infection.

Figure 25. Arbre décisionnel. Conduite à te-


nir devant un retard de consolidation ou une
Retard de consolidation ou pseudarthrose septique pseudarthrose septique. GITP : greffe osseuse
intertibiopéronière.

Infection à bas bruit Infection évolutive


Infection majeure
(perte osseuse) (excision et lambeau)

Pas de perte GITP GITP ?


Excision Espaceur Ilizarov
Décortication (Masquelet) Espaceur
(Masquelet)

< 4 cm
GITP

> 4 cm
Double GITP

Appareil locomoteur 15
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maladie thromboembolique. Après la détersion, le lavage et le

“ Points essentiels
parage chirurgical, l’ostéosynthèse est de règle, avec une
préférence pour les ostéosynthèses à foyer fermé. L’importance
de la contamination initiale et une contusion étendue des
• Les retards de consolidation et les pseudarthroses sont parties molles sont des facteurs favorisant l’infection osseuse. La
des complications fréquentes des fractures ouvertes. chirurgie des lambeaux constitue un atout majeur dans le
• En l’absence d’infection et de perte de substance traitement des fractures ouvertes de jambe, car elle favorise la
consolidation osseuse et diminue les complications secondaires.
osseuse, le traitement chirurgical est simple, reposant sur
Les retards de consolidation et les pseudarthroses sont des
une décortication osseuse et une reprise minimaliste de
complications fréquentes. En l’absence d’infection et de perte de
l’ostéosynthèse initiale. substance osseuse, le traitement chirurgical est simple, reposant
• La prise en charge d’un retard de consolidation ou sur une décortication osseuse et une reprise minimaliste de
d’une pseudarthrose avec perte de substance osseuse l’ostéosynthèse initiale. Les sepsis évolutifs ou majeurs s’accom-
repose sur la taille du defect osseux : pagnant d’un retard de consolidation et d’une pseudarthrose
C en dessous de 10 cm, la GITP simple ou double est restent un défi chirurgical. Le traitement repose sur un
une option chirurgicale gagnante ; débridement-parage comportant une excision des parties molles
C au-dessus de 10 cm, c’est la place du fixateur externe scléreuses et des séquestres osseux, puis un recouvrement par
type Ilizarov ou d’une greffe massive d’os spongieux lambeau. La consolidation osseuse peut être obtenue par une
autologue après un espaceur au ciment. greffe osseuse spongieuse autologue après un espaceur au
ciment.
• Les sepsis évolutifs ou majeurs s’accompagnant d’un
retard de consolidation et d’une pseudarthrose restent un
challenge chirurgical. Le traitement repose sur un .

débridement-parage comportant une excision des parties


molles scléreuses et des séquestres osseux, puis un ■ Références
recouvrement par lambeau. La consolidation osseuse peut [1] Paré A. Quinzième livre. Des fractures des os. Paris: JF Malgaigne
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Traiter le sepsis en un ou plusieurs temps reste une question J Bone Joint Surg Am 1976;58:453-8.
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non résolue. Lors de la première excision, il n’existe pas de
Microbiologic flora contaminating open fractures: its significance in
critères déterminant la délimitation des tissus pathologiques ; il
the choice of primary antibiotic agents and the likelihood of deep
est plus prudent de réaliser un temps d’excision préalable de l’os
wound infection. J Orthop Trauma 1989;3:283-6.
et des parties molles, une couverture par pansement gras, puis [9] Wilkins J, Patzakis M. Choice and duration of antibiotics in open frac-
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Lorsque l’infection est limitée et peu agressive, les différents ment of open fractures. J Bone Joint Surg Am 1974;56:532-41.
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Le lambeau musculaire permet de combler l’espace créé par Boibieux A, editors. Les infections ostéo-articulaires. Paris: John
l’excision osseuse et de remplacer les parties molles [81, 86]. Libbey Eurotext; 2000. p. 5-8.
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16 Appareil locomoteur

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Fractures ouvertes de jambe ¶ 14-086-A-20

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F. Dubrana (frederic.dubrana@chu-brest.fr).
M. Genestet.
G. Moineau.
R. Gérard.
D. Le Nen.
C. Lefèvre.
Service d’orthopédie et traumatologie, CHU Cavale Blanche, avenue Tanguy-Prigent, 29200 Brest, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Dubrana F., Genestet M., Moineau G., Gérard R., Le Nen D., Lefèvre C. Fractures ouvertes de jambe. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil locomoteur, 14-086-A-20, 2007.

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