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La coronectomie des
troisièmes molaires
mandibulaires :
une solution pleine
de sagesse
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L
La survenue de complications neuro-
logiques lors de l’extraction de dents
de sagesse inférieures doit être prise
en compte, notamment lorsque leur
position anatomique est jugée à risque.
Le nerf alvéolaire inférieur et le nerf lin-
gual peuvent être endommagés lors
des manœuvres d’avulsion et les sé-
pantes que la paresthésie est perma-
nente, car elles ne sont pas rattrapables,
même par neurochirurgie [1].
Ainsi, dans certaines situations jugées
à risque, la coronectomie peut se
retrouver particulièrement indiquée.
L’intervention consiste à laisser en place
les racines de la dent de sagesse sans
Principes
Généralités
L’objectif majeur est de limiter les
risques de paresthésie de l’hémi-lèvre
inférieure lorsque les racines de la dent
de sagesse entretiennent un rapport
étroit avec le nerf alvéolaire inférieur.
quelles (paresthésie postopératoire) les avoir mobilisées tout au long de la Seuls les tissus pulpaires et dentinaires
peuvent être transitoires ou perma- procédure. Il faut donc différencier peuvent être laissés en place car ces
nentes. cette technique des situations où la derniers n’empêcheront pas une néo-
Un des objectifs de la coronectomie est décision de laisser les apex en place est formation osseuse en coronaire des ra-
de diminuer, voire de supprimer, le prise en peropératoire lorsque l’extrac- cines. L’intégralité de l’émail (et donc de
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risque de lésion du nerf alvéolaire infé- tion se révèle compliquée et que l’opé- la portion coronaire) doit être retirée [2].
rieur. En effet, une paresthésie de rateur préfère arrêter ou reporter l’avul- La partie de la dent laissée en place doit
l’hémi-lèvre peut entraîner de multiples sion. être immobile, il faut veiller à ne pas mo-
séquelles non négligeables : plaies par Compte tenu de l’absence de recom- biliser les racines afin d’éviter qu’elles
morsure, incontinence salivaire, pos- mandations et de consensus sur le su- ne soient perçues comme un corps
tillons, tic de tremblement de l’hémi- jet, cet article présente les principales étranger. Cela limite l’inconfort post-
lèvre, problèmes d’élocution, etc. Ces indications des coronectomies et dé- opératoire et le risque de migration en
séquelles sont d’autant plus handica- taille la technique opératoire. direction coronaire et, ainsi, permet de
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Chirurgie
se passer d’une seconde intervention pour extraire Ce risque est augmenté chez les patients de plus
les racines résiduelles. de 25 ans pour certains auteurs [1], de plus de
Dans certaines situations, lorsque les racines de la 40 ans pour d’autres [4], lors de chirurgie sous
dent de sagesse entretiennent un rapport étroit anesthésie générale, d’inclusion mésio-angulaire et
avec le nerf alvéolaire inférieur (sans l’encercler), il lorsque le praticien est inexpérimenté.
existe une autre possibilité, plus coûteuse et chro-
nophage, qui se fait en deux temps [3] : Indications
• la dent subit une extrusion orthodontique pendant La coronectomie peut être indiquée :
plusieurs semaines, afin de déplacer ses racines à • dans certaines situations de fragilité mandibulaire,
distance du nerf alvéolaire inférieur ; parfois en raison de la présence d’un kyste volumi-
• elle est extraite après avoir réalisé une radiographie neux (risque de fracture mandibulaire) ;
de contrôle. • lors de la suspicion d’ankylose (risque d’interven-
tion longue et fastidieuse) ;
Risque nerveux • lorsque les racines des dents de sagesse mandi-
Lors de l’avulsion, une section du tronc nerveux par bulaires entretiennent un rapport intime avec le nerf
le matériel rotatif ou une compression excessive alvéolaire inférieur (risque de lésion du nerf alvéo-
lors du déplacement de la racine dans le canal du laire inférieur), et c’est là l’indication majeure .
nerf alvéolaire inférieur [1] peut entraîner une Les situations à risque de lésion du nerf alvéolaire in-
paresthésie labio-mentonnière. Le plus souvent, les férieur peuvent être identifiées sur la radiographie pa-
paresthésies sont temporaires (0,44 % des cas) et noramique. En effet, lors de sa lecture, certains signes
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se résolvent au bout du premier mois en général, d’alerte [5] (fig. 1 à 7) doivent être recherchés : ils in-
mais elles peuvent durer plus de 1 an (jusqu’à diquent la réalisation d’un examen radiographique de
14 mois). Dans de rares cas, la paresthésie peut être seconde intention. Certains auteurs pensent même
permanente (0,24 % des cas) [1]. qu’identifier une de ces dispositions permet d’indiquer
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d’emblée une coronectomie [6], sans même réaliser Contre-indications
d’acquisition radiographique tridimensionnelle. Les contre-indications d’ordre général sont les
Lors de la lecture de l’examen radiographique tri- patients à risque d’infection locale (diabète, sida,
dimensionnel, on peut appliquer aux situations ren- chimiothérapie, radiothérapie).
contrées la classification de Nemsi et al. [7]. Les Les contre-indications locales sont relatives et le
conditions qui semblent être le plus à risque sont rapport bénéfice/risque doit être évalué :
les suivantes : • dents positionnées horizontalement le long du
• le canal du nerf alvéolaire inférieur est complète- nerf alvéolaire inférieur. La position de la dent en-
ment entouré par un apex ; traîne un risque lors de la section de la portion co-
• le nerf alvéolaire inférieur passe entre les racines ronaire par le matériel rotatif utilisé [4, 10] ;
qui ne sont ni fusionnées ni rapprochées ; • dents qui présentent une infection péri-apicale ;
• le nerf alvéolaire inférieur passe entre les racines • dents mobiles/mobilisées (le risque que les racines
qui sont fusionnées ou rapprochées ; laissées en place deviennent symptomatiques aug-
• le nerf alvéolaire inférieur est en contact direct mente avec le temps) ;
avec les racines et son diamètre est réduit, notam- • dents à distance du nerf alvéolaire inférieur (il n’y
ment lorsqu’il est situé en position linguale [8]. a pas de risque de lésion de ce nerf) ;
Pour résumer, plus les patients sont âgés, plus la • dents dont les racines ne sont pas encore édifiées
coronectomie est adaptée, car : (germectomies) ;
• la survenue de paresthésie augmente avec l’âge [4] ; • paresthésie du nerf alvéolaire inférieur déjà pré-
• la migration des racines laissées en place diminue sente.
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4 à 7 Situation à moindre
risque. Signes suggérant
une proximité entre les
racines et le nerf
alvéolaire inférieur, avec
un risque relatif de lésion
du nerf alvéolaire inférieur
sur les radiographies
panoramiques. Racines
en crochet au-dessus
du canal (fig. 4).
Rétrécissement des
racines (fig. 5). Racine
avec apex sombre et
bifide (fig. 6).
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Rétrécissement du canal
(fig. 7).
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blée au patient les conseils postopératoires pour parois osseuses avec une fraise boule diamantée à
qu’il puisse en prendre connaissance tranquillement long col. Il faudra vérifier le respect de cette distance
avant l’intervention. à l’aide d’une sonde parodontale.
Il n’est pas nécessaire de prendre de précaution
Intervention chirurgicale (fig. 8 à 31) particulière par rapport à la pulpe laissée en place
Les premières étapes chirurgicales sont semblables [12], il est donc possible de réaliser une pulpotomie
à celles d’une avulsion de dent de sagesse mandi- ou de laisser le parenchyme pulpaire tel quel.
bulaire incluse. Elles commencent après réalisation
de la désinfection buccale et de l’anesthésie. • Sutures
Pour favoriser la stabilité du caillot et promouvoir
• Temps muqueux la formation d’un cal osseux, les lambeaux devront
Le tracé d’incision est conventionnel : incision intra- être suturés de manière hermétique. Ainsi, lorsque
sulculaire franche partant de la face mésiale de la cela s’avère nécessaire, il faudra donner de la laxité
première molaire jusqu’à la face distale de la au lambeau en incisant le périoste pour obtenir une
deuxième molaire, puis prolongée en distal par une fermeture passive du site opératoire.
incision de décharge le long de la branche montante.
Un lambeau vestibulaire de pleine épaisseur peut • Contrôles peropératoires et postopératoires
être levé de proche en proche. Il est possible de Pour s’assurer de la bonne élimination de toute la
compléter ce lambeau par un décollement lingual partie coronaire (tout l’émail doit être retiré et les
localisé autour de la dent de sagesse et, ainsi, per- racines résiduelles sont à distance de plusieurs
mettre de placer un décolleur en regard de la table millimètres du rebord osseux), il est :
osseuse linguale pour protéger le nerf lingual et • possible de réaliser une radiographie rétroalvéo-
augmenter la visibilité opératoire. Cependant, la laire de la zone en peropératoire. La technique la
levée d’un lambeau lingual fait débat chez certains plus simple est de maintenir le capteur radiogra-
auteurs qui préfèrent ne pas l’effectuer (cf. Particu- phique avec une pince hémostatique ;
larité). • obligatoire de réaliser une radiographie panora-
mique en fin d’intervention. Elle servira de point de
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8 Dent de sagesse incluse avec rapport étroit avec le nerf dentaire inférieur.
9 Situation après incisions et décollement d’un lambeau de pleine épaisseur.
10 Alvéolectomie puis réalisation d’un trait de section de la couronne clinique le plus cervical possible.
11 Retrait de la partie coronaire après l’avoir séparée de la partie radiculaire à l’aide d’un élévateur.
12 Élimination de la totalité de la partie coronaire par meulage à l’aide d’une fraise boule diamantée. Tout l’émail doit être éliminé. Les fragments
laissés en place doivent être au minimum à 3 mm sous le niveau osseux.
13 Repositionnement du lambeau et fermeture du site opératoire à l’aide de sutures. Il est indispensable d’obtenir une fermeture hermétique du
lambeau afin d’avoir une cicatrisation muqueuse de première intention et d’isoler complètement la partie radiculaire laissée en place du milieu buccal.
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Chirurgie
14 Radiographie panoramique montrant un rapport étroit entre la dent 48 et le nerf dentaire inférieur. La dent 47 doit être extraite.
15 Coupes d’acquisition cone beam montrant un crochet de la racine distale faisant le tour du nerf dentaire inférieur et de la racine
mésiale passant sous le nerf. Le risque de créer une lésion nerveuse lors de l’extraction des racines de la dent est quasiment inévitable.
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de pleine épaisseur.
28 Situation finale après retrait du
compartiment coronaire et fraisage
soustractif pour placer la portion radiculaire
résiduelle à 3 mm du niveau osseux.
29 Vue postopératoire, après fermeture du
champ opératoire.
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30 Radiographie panoramique postopératoire montrant l’élimination complète de la couronne ainsi que sa portion amélaire.
31 Radiographie panoramique à 6 mois postopératoires montrant la migration coronaire des racines ainsi que la cicatrisation osseuse.
Si l’extraction des racines de cette dent devenait indiquée dans un second temps, le risque de lésion nerveuse serait minime.
ont réalisé une étude sur 380 patients et ont remar- Dans certaines situations compliquées, il est pos-
qué que la réalisation d’un lambeau lingual entraînait sible de ne pas réaliser de section de la partie co-
8,94 % de paresthésies linguales, systématiquement ronaire mais, plutôt, de procéder uniquement par
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réversibles, tandis que son absence entraînait 2,63 % un fraisage de toute la partie coronaire, prolongé
de paresthésies, systématiquement permanentes. au moins jusqu’à 3 mm sous le niveau osseux. Cette
Ces auteurs ont conclu que lever un lambeau lingual technique est cependant plus chronophage que la
présentait 3,5 fois plus de risque d’avoir une pares- section de la partie coronaire et il faudra veiller à
thésie mais que la perte de sensibilité était systé- utiliser une fraise diamantée neuve.
matiquement réversible.
Un fraisage avec une fraise diamantée neuve et à Temps postopératoire
vitesse de rotation rapide est à préférer à un fraisage
lent et/ou avec une fraise en carbure de tungstène • Rendez-vous de contrôle
car ce dernier aurait tendance à entraîner plus de Sauf en cas de suite opératoire indésirable, pour
vibrations sur les racines laissées en place. suivre l’évolution des fragments laissés en place et
Tableau 1. Suites opératoires après coronectomie : prévalence des lésions nerveuses et cicatrisation postopératoire.
4 % alvéolite
Monaco et al. [9] 116 0%
1 % pulpite
(suivi = 3 ans) 27,5 % de complications
(dont 4/5 au bout de 1 mois)
(suivi ≤ 42 mois)
Pogrel et al. [3] 50
1 lésion temporaire du NL
Non précisé
(à la suite d’un lambeau lingual)
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Au bout de 1 mois :
Frenkel et al. [2] 185 1 lésion temporaire du NAI 16 % avec douleurs
(suivi = 1 an) 15 % avec inflammation
Au bout de 1 mois :
Kohara et al. [16] 102 1 lésion temporaire du NAI 15 % avec douleurs
(suivi = 3 ans) 14 % avec inflammation
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Tableau 2. Cicatrisation après coronectomie : migration des racines laissées en place et taux de réinterventions.
80 % des racines
Monaco et al. [9] 116
3,3 mm au bout de 12 mois 3 % de nouvelles coronectomies*
(suivi = 3 ans) 4,6 mm au bout de 24 mois 6 % des racines extraites
4,8 mm au bout de 36 mois
(suivi ≤ 5 ans)
Leung et al. [15] 612
2,3 % de migration jusqu’à être 0,4 % de nouvelles coronectomies*
exposées 2,9 % des racines extraites
(suivi ≤ 42 mois)
Pogrel et al. [3] 50
30 % des racines Pas de nouvelle coronectomie*
2-3 mm au bout de 6 mois 6 % des racines extraites
67 % des racines
Frenkel et al. [2] 185 2,2 mm au bout de 6 mois
2,2 % de nouvelles coronectomies*
(suivi = 1 an) 3,2 % des racines extraites
3,2 mm au bout de 12 mois
98 % des racines
1,8 mm au bout de 3 mois
Kohara et al. [16] 102 2,9 mm au bout de 12 mois
4 % de nouvelles coronectomies*
(suivi = 3 ans) 9 % des racines extraites
3,4 mm au bout de 24 mois
3,5 mm au bout de 36 mois
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* Nouvelle chirurgie soustractive pour retirer émail laissé en place (empêchant une formation osseuse) ou chirurgie pour remanier
l’environnement muqueux en distal des deuxièmes molaires.
leur migration éventuelle [12], le patient est revu au • que la plupart des racines migrent (80 %) ;
bout de 6 puis de 12 mois [2]. • que la migration moyenne des racines est de 3,3 mm
Par souci de simplicité, les clichés panoramiques au bout de 1 an et de 4,6 mm au bout de 2 ans.
sont souvent préférés aux clichés rétroalvéolaires. Réaliser une régénération osseuse guidée par-des-
sus des apex laissés en place semble réduire la mi-
• Suites opératoires et cicatrisation gration des racines [15].
Les lésions du nerf alvéolaire inférieur et du nerf lin- En ce qui concerne la cicatrisation parodontale en
gual sont rares chez les patients ayant subi une co- distal des deuxièmes molaires, la coronectomie ne
ronectomie (tableau 1) et elles sont tout le temps semble pas l’altérer [18].
temporaires. De plus, lorsqu’une réintervention est
nécessaire, celle-ci semble ne jamais entraîner de • Réintervention
paresthésies (temporaires ou permanentes). Une seconde intervention peut être nécessaire, le
Les études montrent un inconfort opératoire simi- plus souvent pour retirer les fragments laissés en
laire, voire inférieur, à celui de l’extraction conven- place et ayant migré à distance des zones à risque
tionnelle : selon l’une d’elles [9], les patients opérés de lésion nerveuse. Le taux de réinterventions est
par les chirurgiens les plus expérimentés (au moins en moyenne de 10 % [19].
10 ans d’expérience) présentaient moins de com-
plications en cas de coronectomie que d’extraction.
Les études concluent qu’il est possible de considé- Conclusion
rer qu’il n’y a pas de différence : « La qualité de vie La coronectomie des dents de sagesse mandibu-
postopératoire est identique entre extraction et co- laires à risque est un traitement fiable. Elle permet
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ronectomie » [17]. Pour aller encore plus dans ce de prévenir les complications neurosensorielles de
sens, nous avons constaté dans notre pratique quo- manière non négligeable. Ses inconvénients majeurs
tidienne des suites opératoires relativement plus sont le suivi postopératoire, essentiel les deux pre-
simples lors des coronectomies. mières années, et le risque de réintervention. Il faut
Les études montrent que de 2 à 85 % des fragments cependant bien noter que la majorité des réinter-
laissés en place vont migrer (tableau 2). Cette migra- ventions se fait dans de bonnes conditions, les ra-
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