Vous êtes sur la page 1sur 11

Chirurgie

La coronectomie des
troisièmes molaires
mandibulaires :
une solution pleine
de sagesse
© Initiatives Santé, 2018

La paresthésie labio-mentonnière (transitoire ou permanente)


constitue une des complications majeures de l’extraction des Alexandre MATHIEU
troisièmes molaires mandibulaires. Cet article présente les Exercice libéral
Saint-Mandé
situations pour lesquelles la coronectomie (ou extraction partielle
intentionnelle) des dents de sagesse peut constituer une solution
de remplacement intéressante en limitant les risques de lésion Marc BARANES
Exercice libéral
nerveuse. Saint-Mandé

L
La survenue de complications neuro-
logiques lors de l’extraction de dents
de sagesse inférieures doit être prise
en compte, notamment lorsque leur
position anatomique est jugée à risque.
Le nerf alvéolaire inférieur et le nerf lin-
gual peuvent être endommagés lors
des manœuvres d’avulsion et les sé-
pantes que la paresthésie est perma-
nente, car elles ne sont pas rattrapables,
même par neurochirurgie [1].
Ainsi, dans certaines situations jugées
à risque, la coronectomie peut se
retrouver particulièrement indiquée.
L’intervention consiste à laisser en place
les racines de la dent de sagesse sans
Principes
Généralités
L’objectif majeur est de limiter les
risques de paresthésie de l’hémi-lèvre
inférieure lorsque les racines de la dent
de sagesse entretiennent un rapport
étroit avec le nerf alvéolaire inférieur.
quelles (paresthésie postopératoire) les avoir mobilisées tout au long de la Seuls les tissus pulpaires et dentinaires
peuvent être transitoires ou perma- procédure. Il faut donc différencier peuvent être laissés en place car ces
nentes. cette technique des situations où la derniers n’empêcheront pas une néo-
Un des objectifs de la coronectomie est décision de laisser les apex en place est formation osseuse en coronaire des ra-
de diminuer, voire de supprimer, le prise en peropératoire lorsque l’extrac- cines. L’intégralité de l’émail (et donc de
Clinic 2018 ; 39 : 347-357

risque de lésion du nerf alvéolaire infé- tion se révèle compliquée et que l’opé- la portion coronaire) doit être retirée [2].
rieur. En effet, une paresthésie de rateur préfère arrêter ou reporter l’avul- La partie de la dent laissée en place doit
l’hémi-lèvre peut entraîner de multiples sion. être immobile, il faut veiller à ne pas mo-
séquelles non négligeables : plaies par Compte tenu de l’absence de recom- biliser les racines afin d’éviter qu’elles
morsure, incontinence salivaire, pos- mandations et de consensus sur le su- ne soient perçues comme un corps
tillons, tic de tremblement de l’hémi- jet, cet article présente les principales étranger. Cela limite l’inconfort post-
lèvre, problèmes d’élocution, etc. Ces indications des coronectomies et dé- opératoire et le risque de migration en
séquelles sont d’autant plus handica- taille la technique opératoire. direction coronaire et, ainsi, permet de

347
Chirurgie

se passer d’une seconde intervention pour extraire Ce risque est augmenté chez les patients de plus
les racines résiduelles. de 25 ans pour certains auteurs [1], de plus de
Dans certaines situations, lorsque les racines de la 40 ans pour d’autres [4], lors de chirurgie sous
dent de sagesse entretiennent un rapport étroit anesthésie générale, d’inclusion mésio-angulaire et
avec le nerf alvéolaire inférieur (sans l’encercler), il lorsque le praticien est inexpérimenté.
existe une autre possibilité, plus coûteuse et chro-
nophage, qui se fait en deux temps [3] : Indications
• la dent subit une extrusion orthodontique pendant La coronectomie peut être indiquée :
plusieurs semaines, afin de déplacer ses racines à • dans certaines situations de fragilité mandibulaire,
distance du nerf alvéolaire inférieur ; parfois en raison de la présence d’un kyste volumi-
• elle est extraite après avoir réalisé une radiographie neux (risque de fracture mandibulaire) ;
de contrôle. • lors de la suspicion d’ankylose (risque d’interven-
tion longue et fastidieuse) ;
Risque nerveux • lorsque les racines des dents de sagesse mandi-
Lors de l’avulsion, une section du tronc nerveux par bulaires entretiennent un rapport intime avec le nerf
le matériel rotatif ou une compression excessive alvéolaire inférieur (risque de lésion du nerf alvéo-
lors du déplacement de la racine dans le canal du laire inférieur), et c’est là l’indication majeure .
nerf alvéolaire inférieur [1] peut entraîner une Les situations à risque de lésion du nerf alvéolaire in-
paresthésie labio-mentonnière. Le plus souvent, les férieur peuvent être identifiées sur la radiographie pa-
paresthésies sont temporaires (0,44 % des cas) et noramique. En effet, lors de sa lecture, certains signes
© Initiatives Santé, 2018

se résolvent au bout du premier mois en général, d’alerte [5] (fig. 1 à 7) doivent être recherchés : ils in-
mais elles peuvent durer plus de 1 an (jusqu’à diquent la réalisation d’un examen radiographique de
14 mois). Dans de rares cas, la paresthésie peut être seconde intention. Certains auteurs pensent même
permanente (0,24 % des cas) [1]. qu’identifier une de ces dispositions permet d’indiquer

1 à 3 Situation à risques. Signes suggérant un risque


de lésion du nerf alvéolaire inférieur en fonction de la
Clinic 2018 ; 39 : 347-357

relation entre les racines des dents de sagesse et le


nerf alvéolaire inférieur sur les radiographies
panoramiques. Classés par ordre de risque. Déviation
du canal de son trajet (fig. 1). Assombrissement des
racines (fig. 2). Interruption des lignes radio-opaques
bordant le canal (fig. 3).

348
d’emblée une coronectomie [6], sans même réaliser Contre-indications
d’acquisition radiographique tridimensionnelle. Les contre-indications d’ordre général sont les
Lors de la lecture de l’examen radiographique tri- patients à risque d’infection locale (diabète, sida,
dimensionnel, on peut appliquer aux situations ren- chimiothérapie, radiothérapie).
contrées la classification de Nemsi et al. [7]. Les Les contre-indications locales sont relatives et le
conditions qui semblent être le plus à risque sont rapport bénéfice/risque doit être évalué :
les suivantes : • dents positionnées horizontalement le long du
• le canal du nerf alvéolaire inférieur est complète- nerf alvéolaire inférieur. La position de la dent en-
ment entouré par un apex ; traîne un risque lors de la section de la portion co-
• le nerf alvéolaire inférieur passe entre les racines ronaire par le matériel rotatif utilisé [4, 10] ;
qui ne sont ni fusionnées ni rapprochées ; • dents qui présentent une infection péri-apicale ;
• le nerf alvéolaire inférieur passe entre les racines • dents mobiles/mobilisées (le risque que les racines
qui sont fusionnées ou rapprochées ; laissées en place deviennent symptomatiques aug-
• le nerf alvéolaire inférieur est en contact direct mente avec le temps) ;
avec les racines et son diamètre est réduit, notam- • dents à distance du nerf alvéolaire inférieur (il n’y
ment lorsqu’il est situé en position linguale [8]. a pas de risque de lésion de ce nerf) ;
Pour résumer, plus les patients sont âgés, plus la • dents dont les racines ne sont pas encore édifiées
coronectomie est adaptée, car : (germectomies) ;
• la survenue de paresthésie augmente avec l’âge [4] ; • paresthésie du nerf alvéolaire inférieur déjà pré-
• la migration des racines laissées en place diminue sente.
© Initiatives Santé, 2018

avec l’âge [9] ;


• la difficulté opératoire (notamment le risque
d’ankylose) augmente avec l’âge.

4 à 7 Situation à moindre
risque. Signes suggérant
une proximité entre les
racines et le nerf
alvéolaire inférieur, avec
un risque relatif de lésion
du nerf alvéolaire inférieur
sur les radiographies
panoramiques. Racines
en crochet au-dessus
du canal (fig. 4).
Rétrécissement des
racines (fig. 5). Racine
avec apex sombre et
bifide (fig. 6).
Clinic 2018 ; 39 : 347-357

Rétrécissement du canal
(fig. 7).

349
Chirurgie

Protocole l’aide d’une fraise fissure. En fonction de la position


de la dent de sagesse, on utilisera un contre-angle
Consultation préopératoire bague rouge ou une pièce à main. Pour éviter d’en-
L’indication de la coronectomie ne peut être posée dommager le pan osseux lingual et écarter tout
qu’après analyse du questionnaire médical et des risque de lésion du nerf lingual, il est prudent de ne
radiographies panoramiques puis tridimensionnelles pas chercher à réaliser une section complète de la
(scanner, imagerie volumique par faisceau conique couronne (jusqu’à la paroi osseuse linguale) [12].
ou cone beam computed tomography). Puis Un élévateur est ensuite inséré dans la tranchée
quelques explications à propos du principe de la pour séparer la partie coronaire et la partie radicu-
coronectomie et des alternatives thérapeutiques laire. Pour éviter de mobiliser la partie radiculaire
doivent être données au patient. Il ne faudra pas laissée en place, la tranchée doit être suffisamment
non plus oublier de remettre au patient un formu- importante pour que l’application d’une faible force
laire de consentement éclairé spécifique précisant suffise à séparer les fragments [12]. C’est pour cette
les suites opératoires, la nécessité de réaliser des raison qu’il est aussi préférable de séparer en deux
contrôles radiographiques pendant les deux pre- une portion coronaire qui bloque lors de son retrait
mières années et le risque de réintervention. plutôt que tenter de forcer pour la luxer.
La prescription préopératoire conventionnelle (an- En fonction de la position de la dent de sagesse, on
tibiotiques, anti-inflammatoires stéroïdiens et éven- utilisera un contre-angle bague rouge ou une pièce
tuels anxiolytiques) peut ensuite être expliquée. Par à main pour fraiser la partie radiculaire restante
ailleurs, il est souvent intéressant de remettre d’em- jusqu’à se situer à 3 [11] ou 4 mm [2, 12, 13] sous les
© Initiatives Santé, 2018

blée au patient les conseils postopératoires pour parois osseuses avec une fraise boule diamantée à
qu’il puisse en prendre connaissance tranquillement long col. Il faudra vérifier le respect de cette distance
avant l’intervention. à l’aide d’une sonde parodontale.
Il n’est pas nécessaire de prendre de précaution
Intervention chirurgicale (fig. 8 à 31) particulière par rapport à la pulpe laissée en place
Les premières étapes chirurgicales sont semblables [12], il est donc possible de réaliser une pulpotomie
à celles d’une avulsion de dent de sagesse mandi- ou de laisser le parenchyme pulpaire tel quel.
bulaire incluse. Elles commencent après réalisation
de la désinfection buccale et de l’anesthésie. • Sutures
Pour favoriser la stabilité du caillot et promouvoir
• Temps muqueux la formation d’un cal osseux, les lambeaux devront
Le tracé d’incision est conventionnel : incision intra- être suturés de manière hermétique. Ainsi, lorsque
sulculaire franche partant de la face mésiale de la cela s’avère nécessaire, il faudra donner de la laxité
première molaire jusqu’à la face distale de la au lambeau en incisant le périoste pour obtenir une
deuxième molaire, puis prolongée en distal par une fermeture passive du site opératoire.
incision de décharge le long de la branche montante.
Un lambeau vestibulaire de pleine épaisseur peut • Contrôles peropératoires et postopératoires
être levé de proche en proche. Il est possible de Pour s’assurer de la bonne élimination de toute la
compléter ce lambeau par un décollement lingual partie coronaire (tout l’émail doit être retiré et les
localisé autour de la dent de sagesse et, ainsi, per- racines résiduelles sont à distance de plusieurs
mettre de placer un décolleur en regard de la table millimètres du rebord osseux), il est :
osseuse linguale pour protéger le nerf lingual et • possible de réaliser une radiographie rétroalvéo-
augmenter la visibilité opératoire. Cependant, la laire de la zone en peropératoire. La technique la
levée d’un lambeau lingual fait débat chez certains plus simple est de maintenir le capteur radiogra-
auteurs qui préfèrent ne pas l’effectuer (cf. Particu- phique avec une pince hémostatique ;
larité). • obligatoire de réaliser une radiographie panora-
mique en fin d’intervention. Elle servira de point de
Clinic 2018 ; 39 : 347-357

• Temps osseux repère initial pour le suivi.


Lorsque cela s’avère nécessaire, une alvéolectomie ves-
tibulaire minime est réalisée [11] sans dépasser la jonc- • Particularités
tion amélo-cémentaire de la troisième molaire [11, 12]. Il n’y a pas d’avis tranché sur la réalisation d’un lam-
beau lingual lors de l’intervention. En effet, certains
• Temps dentaire auteurs ne le conseillent pas [11, 12] et d’autres ont
La couronne est ensuite sectionnée horizontale- remarqué que ce lambeau pouvait éviter la surve-
ment en procédant à une tranchée mésio-distale à nue de paresthésies permanentes [14]. Ces derniers

350
© Initiatives Santé, 2018

Clinic 2018 ; 39 : 347-357

8 Dent de sagesse incluse avec rapport étroit avec le nerf dentaire inférieur.
9 Situation après incisions et décollement d’un lambeau de pleine épaisseur.
10 Alvéolectomie puis réalisation d’un trait de section de la couronne clinique le plus cervical possible.
11 Retrait de la partie coronaire après l’avoir séparée de la partie radiculaire à l’aide d’un élévateur.
12 Élimination de la totalité de la partie coronaire par meulage à l’aide d’une fraise boule diamantée. Tout l’émail doit être éliminé. Les fragments
laissés en place doivent être au minimum à 3 mm sous le niveau osseux.
13 Repositionnement du lambeau et fermeture du site opératoire à l’aide de sutures. Il est indispensable d’obtenir une fermeture hermétique du
lambeau afin d’avoir une cicatrisation muqueuse de première intention et d’isoler complètement la partie radiculaire laissée en place du milieu buccal.

351
Chirurgie

14 Radiographie panoramique montrant un rapport étroit entre la dent 48 et le nerf dentaire inférieur. La dent 47 doit être extraite.
15 Coupes d’acquisition cone beam montrant un crochet de la racine distale faisant le tour du nerf dentaire inférieur et de la racine
mésiale passant sous le nerf. Le risque de créer une lésion nerveuse lors de l’extraction des racines de la dent est quasiment inévitable.
© Initiatives Santé, 2018

Clinic 2018 ; 39 : 347-357

16 Vue clinique, la dent 48 est complètement sous-muqueuse.


17 Décollement du lambeau de pleine épaisseur.
18 La dent 47 a été extraite, cela simplifie l’accès à la dent de sagesse.
19 Réalisation du trait de section le plus apical possible par rapport à la position de la couronne dentaire à l’aide
d’une fraise fuseau montée sur pièce à main.

352
© Initiatives Santé, 2018

Clinic 2018 ; 39 : 347-357

20 Retrait du compartiment coronaire.


21 Utilisation d’une fraise boule diamantée sur turbine pour abaisser le positionnement des racines jusqu’à 3 mm sous le niveau osseux.
22 Vue clinique avant la fermeture du lambeau.
23 Vue clinique postopératoire après mise en place de fil de suture résorbable rapide.
24 Cliché rétroalvéolaire confirmant l’élimination complète de l’émail.

353
Chirurgie
© Initiatives Santé, 2018

25 Vue panoramique agrandie de la


dent 48, enclavée, présentant un rapport
étroit avec le nerf dentaire inférieur.
26 Vue clinique, la cuspide mésio-
vestibulaire de la dent 48 est visible.
27 Situation après élévation d’un lambeau
Clinic 2018 ; 39 : 347-357

de pleine épaisseur.
28 Situation finale après retrait du
compartiment coronaire et fraisage
soustractif pour placer la portion radiculaire
résiduelle à 3 mm du niveau osseux.
29 Vue postopératoire, après fermeture du
champ opératoire.

354
30 Radiographie panoramique postopératoire montrant l’élimination complète de la couronne ainsi que sa portion amélaire.
31 Radiographie panoramique à 6 mois postopératoires montrant la migration coronaire des racines ainsi que la cicatrisation osseuse.
Si l’extraction des racines de cette dent devenait indiquée dans un second temps, le risque de lésion nerveuse serait minime.

ont réalisé une étude sur 380 patients et ont remar- Dans certaines situations compliquées, il est pos-
qué que la réalisation d’un lambeau lingual entraînait sible de ne pas réaliser de section de la partie co-
8,94 % de paresthésies linguales, systématiquement ronaire mais, plutôt, de procéder uniquement par
© Initiatives Santé, 2018

réversibles, tandis que son absence entraînait 2,63 % un fraisage de toute la partie coronaire, prolongé
de paresthésies, systématiquement permanentes. au moins jusqu’à 3 mm sous le niveau osseux. Cette
Ces auteurs ont conclu que lever un lambeau lingual technique est cependant plus chronophage que la
présentait 3,5 fois plus de risque d’avoir une pares- section de la partie coronaire et il faudra veiller à
thésie mais que la perte de sensibilité était systé- utiliser une fraise diamantée neuve.
matiquement réversible.
Un fraisage avec une fraise diamantée neuve et à Temps postopératoire
vitesse de rotation rapide est à préférer à un fraisage
lent et/ou avec une fraise en carbure de tungstène • Rendez-vous de contrôle
car ce dernier aurait tendance à entraîner plus de Sauf en cas de suite opératoire indésirable, pour
vibrations sur les racines laissées en place. suivre l’évolution des fragments laissés en place et

Tableau 1. Suites opératoires après coronectomie : prévalence des lésions nerveuses et cicatrisation postopératoire.

Coronectomie Lésions nerveuses


Étude Cicatrisation postopératoire
(nombre) (NAI/NL)

4 % alvéolite
Monaco et al. [9] 116 0%
1 % pulpite
(suivi = 3 ans) 27,5 % de complications
(dont 4/5 au bout de 1 mois)

3 cas de douleurs postopératoires


(suivi ≤ 5 ans)
Leung et al. [15] 612 1 lésion temporaire du NAI au bout de 6 mois
0,32 % d’infections postopératoires

(suivi ≤ 42 mois)
Pogrel et al. [3] 50
1 lésion temporaire du NL
Non précisé
(à la suite d’un lambeau lingual)
Clinic 2018 ; 39 : 347-357

Au bout de 1 mois :
Frenkel et al. [2] 185 1 lésion temporaire du NAI 16 % avec douleurs
(suivi = 1 an) 15 % avec inflammation

Au bout de 1 mois :
Kohara et al. [16] 102 1 lésion temporaire du NAI 15 % avec douleurs
(suivi = 3 ans) 14 % avec inflammation

NAI : nerf alvéolaire inférieur.


NL : nerf lingual.

355
Chirurgie

Tableau 2. Cicatrisation après coronectomie : migration des racines laissées en place et taux de réinterventions.

Étude Coronectomie Migration Réintervention


(nombre)

80 % des racines
Monaco et al. [9] 116
3,3 mm au bout de 12 mois 3 % de nouvelles coronectomies*
(suivi = 3 ans) 4,6 mm au bout de 24 mois 6 % des racines extraites
4,8 mm au bout de 36 mois

(suivi ≤ 5 ans)
Leung et al. [15] 612
2,3 % de migration jusqu’à être 0,4 % de nouvelles coronectomies*
exposées 2,9 % des racines extraites

(suivi ≤ 42 mois)
Pogrel et al. [3] 50
30 % des racines Pas de nouvelle coronectomie*
2-3 mm au bout de 6 mois 6 % des racines extraites

67 % des racines
Frenkel et al. [2] 185 2,2 mm au bout de 6 mois
2,2 % de nouvelles coronectomies*
(suivi = 1 an) 3,2 % des racines extraites
3,2 mm au bout de 12 mois

98 % des racines
1,8 mm au bout de 3 mois
Kohara et al. [16] 102 2,9 mm au bout de 12 mois
4 % de nouvelles coronectomies*
(suivi = 3 ans) 9 % des racines extraites
3,4 mm au bout de 24 mois
3,5 mm au bout de 36 mois
© Initiatives Santé, 2018

* Nouvelle chirurgie soustractive pour retirer émail laissé en place (empêchant une formation osseuse) ou chirurgie pour remanier
l’environnement muqueux en distal des deuxièmes molaires.

leur migration éventuelle [12], le patient est revu au • que la plupart des racines migrent (80 %) ;
bout de 6 puis de 12 mois [2]. • que la migration moyenne des racines est de 3,3 mm
Par souci de simplicité, les clichés panoramiques au bout de 1 an et de 4,6 mm au bout de 2 ans.
sont souvent préférés aux clichés rétroalvéolaires. Réaliser une régénération osseuse guidée par-des-
sus des apex laissés en place semble réduire la mi-
• Suites opératoires et cicatrisation gration des racines [15].
Les lésions du nerf alvéolaire inférieur et du nerf lin- En ce qui concerne la cicatrisation parodontale en
gual sont rares chez les patients ayant subi une co- distal des deuxièmes molaires, la coronectomie ne
ronectomie (tableau 1) et elles sont tout le temps semble pas l’altérer [18].
temporaires. De plus, lorsqu’une réintervention est
nécessaire, celle-ci semble ne jamais entraîner de • Réintervention
paresthésies (temporaires ou permanentes). Une seconde intervention peut être nécessaire, le
Les études montrent un inconfort opératoire simi- plus souvent pour retirer les fragments laissés en
laire, voire inférieur, à celui de l’extraction conven- place et ayant migré à distance des zones à risque
tionnelle : selon l’une d’elles [9], les patients opérés de lésion nerveuse. Le taux de réinterventions est
par les chirurgiens les plus expérimentés (au moins en moyenne de 10 % [19].
10 ans d’expérience) présentaient moins de com-
plications en cas de coronectomie que d’extraction.
Les études concluent qu’il est possible de considé- Conclusion
rer qu’il n’y a pas de différence : « La qualité de vie La coronectomie des dents de sagesse mandibu-
postopératoire est identique entre extraction et co- laires à risque est un traitement fiable. Elle permet
Clinic 2018 ; 39 : 347-357

ronectomie » [17]. Pour aller encore plus dans ce de prévenir les complications neurosensorielles de
sens, nous avons constaté dans notre pratique quo- manière non négligeable. Ses inconvénients majeurs
tidienne des suites opératoires relativement plus sont le suivi postopératoire, essentiel les deux pre-
simples lors des coronectomies. mières années, et le risque de réintervention. Il faut
Les études montrent que de 2 à 85 % des fragments cependant bien noter que la majorité des réinter-
laissés en place vont migrer (tableau 2). Cette migra- ventions se fait dans de bonnes conditions, les ra-

du nerf alvéolaire inférieur. 


tion a essentiellement lieu lors des deux premières cines ayant migré en direction coronaire, à distance
années, puis elle se stabilise. Une étude [9] montre

356
Bibliographie
[1] Nguyen E, Grubor D, Chandu [6] Gaikwad PT, Datarkar AN, [10] Kumar A, Khanna R, Goyal AK, [15] Leung YY, Cheung LK. Long
A. Risk factors for permanent in- Borie RM, Bonde RR, Vaidya KC, Jain A. Coronectomy: an aware term morbidities of coronectomy
jury of inferior alveolar and lingual Ranjit P. Radiographic signs asso- technique unaware to oral and on lower third molar. Oral Surg
nerves during third molar surgery. ciated with damage to inferior al- maxillofacial surgeons (review). Oral Med Oral Pathol Oral Radiol
J Oral Maxillofac Surg 2014; veolar nerve : a diagnostic tool to IOSR-JDMS 2013;10:54-58. 2016;121:5-11.
72:2394-2401. perform coronectomy. J Indian
Acad Oral Med Radiol 2011;23: [11] Monaco G, de Santis G, Gatto [16] Kohara K, Kurita K, Kuroiwa Y,
[2] Frenkel B, Givol N, Shoshani Y. 320-322. MRA, Corinaldesi G, Marchetti C. Goto S, Umemura E. Usefulness of
Coronectomy of the mandibular Coronectomy : a surgical option mandibular third molar coronec-
third molar : a retrospective study [7] Nemsi H, Tellili N, Bouanene I, for impacted third molars in close tomy assessed through clinical
of 185 procedures and the deci- Tlili M, Khenfir F Khalfi MS et al. proximity to the inferior alveolar evaluation over three years of fol-
sion to repeat the coronectomy in Classification of impacted mandi- nerve. J Am Dent Assoc 2012;143: low-up. Int J Oral Maxillofac Surg
cases of failure. J Oral Maxillofac bular third molars using cône 363-369. 2014;44:259-266.
Surg 2015;73:587-594. beau computed tomography ba-
sed on neurological risks : N.R.C. [12] Kouwenberg AJ, Stroy LPP, [17] Manor Y, Bader A, Chaushu G,
[3] Wang Y, He D, Yang C, Wang B, Med Bucc Chir Bucc 2017;23:131- Rijt ED, Mensink G, Gooris PJ. Co- Haim D, Manor A, Gultekin A et al.
© Initiatives Santé, 2018

Qian W. An easy way to apply or- 138. ronectomy for the mandibular How patients percept their reco-
thodontic extraction for impacted third molar : respect for the infe- very following impacted mandi-
lower third molar compressing to [8] Maglione M, Costantinides F, rior alveolar nerve. J Cranio- bular third molar coronectomy. J
the inferior alveolar nerve. J Cra- Bazzocchi G. Classification of im- maxillofac Surg 2016;44:616-621. Craniofac Surg 2016;27:671-674.
niomaxillofac Surg 2012;40:234- pacted mandibular third molars
237. on cone-beam CT images. J Clin [13] Pogrel MA, Lee JS, Muff DF. [18] Vignudelli E, Monaco G,
Exp Dent 2015;7: e224-e231. Coronectomy : a technique to Antonella Gatto MR, Franco S,
[4] Monaco G, Vignudelli E, Diazzi M, protect the inferior alveolar nerve. Marchetti C, Corinaldesi G. The
Marchetti C, Corinaldesi G. Coro- [9] Monaco G, De Santis G, Pul- J Oral Maxillofac Surg 2004;62: periodontal healing distally to the
nectomy of mandibular third mo- pito G, Gatto MR, Vignudelli E, 1447-1452. second mandibular molar after
lars: a clinical protocol to avoid in- Marchetti C. What are the types third molar’s coronectomy. J Oral
ferior alveolar nerve injury. J and frequencies of complications [14] Shad S, Shah SM, Alamgir, Maxillofac Surg 2017;75;21-27.
Craniomaxillofac Surg 2015;43: associated with mandibular third Abbasi MM. Frequency of lingual
1694-1699. molar coronectomy ? A follow-up nerve injury in mandibular third [19] Martin A, Perinetti G, Costan-
study. J Oral Maxillofac Surg molar extraction : a comparison tinides F, Maglione M. Coronec-
[5] Rood JP, Shehab BA. The ra- 2015;73:1246-1253. of two surgical techniques. J Ayub tomy as a surgical approach to
diological prediction of inferior al- Med Coll Abbottabad 2015;27: impacted mandibular third mo-
veolar nerve injury during third 580-583. lars: a systematic review. Head
molar surgery. Br J Oral Maxillofac Face Med 2015;11:9.
Surg 1990;28:20-25.

Clinic 2018 ; 39 : 347-357

357

Vous aimerez peut-être aussi