Vous êtes sur la page 1sur 13

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-071-A-10

22-071-A-10

Fractures des maxillaires


JP Dandrau
S Aubert
D Cantaloube Résumé. – Les fractures du maxillaire correspondent à une solution de continuité qui intéresse le maxillaire
en partie ou en totalité. Elles représentent en particulier les fractures décrites par Le Fort.
Leur diversité tient au nombre de leurs combinaisons entre elles et avec d’autres formes cliniques plus rares à
traits verticaux, mais aussi à la violence des traumatismes. Elles peuvent induire des troubles fonctionnels et
morphologiques difficiles à résoudre. Les moyens radiologiques actuels aident efficacement à leur exploration.
Si les ostéosynthèses par plaques miniaturisées-vissées et les greffes osseuses immédiates s’avèrent
intéressantes, l’arsenal thérapeutique classique reste toujours d’actualité car tributaire des conditions
variables d’exercice et des perturbations anatomopathologiques.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : fracture, maxillaire, dentaire, troubles occlusaux, ostéosynthèses.

Introduction
Les fractures du maxillaire supérieur correspondent à une solution
de continuité qui intéresse le maxillaire supérieur en partie ou en
totalité. Elles représentent en particulier les fractures décrites par Le
Fort.
Leur diversité tient au nombre de leurs combinaisons entre elles et
avec d’autres formes cliniques plus rares à traits verticaux. Bien que
moins fréquentes aujourd’hui, en raison de l’élaboration de moyens
de protection efficaces, néanmoins la violence des traumatismes leur
associe des fractures des autres régions de la face et peut induire
des troubles fonctionnels et morphologiques. Les moyens
radiologiques actuels aident efficacement à leur exploration.
Si les ostéosynthèses par plaques miniaturisées-vissées et les greffes
osseuses immédiates s’avèrent intéressantes, l’arsenal thérapeutique
classique reste toujours d’actualité, car tributaire des conditions
variables d’exercice et des perturbations anatomopathologiques.

Données anatomiques

MORPHOLOGIE
Le maxillaire supérieur, pair et symétrique, pièce maîtresse du
massif facial supérieur, participe à la constitution des principales
1 Maxillaire : vue de trois quarts.
cavités de la face : fosses nasales, palais osseux de la cavité buccale, 1. Maxillaire supérieur ; 2. frontal ; 3. malaire ; 4. os propre du nez ; 5. unguis ; 6. os
cavité orbitaire, fosse ptérygomaxillaire (fig 1, 2). planum ; 7. foramen infraorbitaire ; 8. canal infraorbitaire ; 9. fente sphénomaxillaire ;
Formé d’une pyramide quadrangulaire à base antéroexterne, 10. foramen ethmoïdal antérieur ; 11. foramen ethmoïdal postérieur ; 12. arcade alvéo-
couchée horizontalement, il est creusé d’une cavité, le sinus lodentaire.
maxillaire, à laquelle se trouvent soudées plusieurs apophyses en
rapport étroit avec les 13 os du massif facial supérieur (malaire,
unguis, palatin, cornet inférieur, os du nez, vomer et indirectement
Jean-Pierre Dandrau : Spécialiste des hôpitaux des Armées, chef de service de chirurgie maxillofaciale et
stomatologie. os zygomatique) [5, 6, 29].
Serge Aubert : Spécialiste des hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service.
Service de chirurgie maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Legouest, 27, avenue de Plantières,
57070 Metz, France. Ces apophyses sont représentées par :
Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de chirurgie plastique et
maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart cedex,
France. – l’apophyse montante du maxillaire ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : Dandrau JP, Aubert S et Cantaloube D. Fractures des maxillaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés), Stomatologie,
22-071-A-10, 2001, 13 p.
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

compacts déterminant verticalement des piliers, horizontalement des


entretoises, et sagittalement un système de lames verticales (travaux
d’Ombrédanne, Shapiro, Lieber, Cowley) (fig 3).
Dans le plan vertical
– Le pilier antérieur ou canin naît de la zone canine supérieure,
remonte le long de l’orifice piriforme pour se terminer à la partie
interne du rebord supraorbitaire.
– Le pilier externe ou maxillomalaire naît de la première et de la
deuxième molaire, suit le cintre maxillomalaire et se prolonge par le
pilier externe malo-orbitofrontal pour se terminer à la partie externe
2 Maxillaire : vue inférieure. du rebord supraorbitaire de l’os frontal.
1. Maxillaire inférieur ; 2. malaire ; 3. os zygomatique ; 4. apophyse montante
du maxillaire ; 5. lame palatine du maxillaire ; 6. bord supraorbitaire du frontal ; – Le pilier postérieur ou ptérygoïdien naît à la zone de jonction
7. foramen infraorbitaire ; 8. foramen palatin antérieur ; 9. foramen palatin posté- ptérygomaxillaire puis remonte vers le corps du sphénoïde pour
rieur. s’épuiser à la partie interne et inférieure de la grande aile du
sphénoïde.
– l’apophyse palatine qui s’unit par son bord interne avec son Dans le plan horizontal
homologue controlatéral pour former la partie antérieure du palais
– Le rebord orbitaire inférieur unit le corps du malaire et la partie
osseux ;
supérieure du pilier canin.
– le rebord alvéolaire formant avec celui du côté opposé l’arcade – Dans le prolongement du cintre maxillomolaire, l’apophyse
alvéolodentaire. zygomatique unit le corps du malaire au temporal par
De par sa position de base au sein du massif facial supérieur, cette l’intermédiaire des racines transverses et longitudinales du
structure aérique contribue à son renfort par un système d’os plus zygomatique.

"
A3

"
A2

"
A1

3 A. Lignes de renfort dans les trois plans de l’espace.


B. Résistances osseuses maximales avant fracture des dif-
férents pare-chocs de l’étage moyen mesurées en G-unit
(d’après Sweringen).

B2

B1

2
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

Artérielle
Elle est assurée à droite et à gauche par les branches d’une seule et
même artère : la maxillaire interne, branche de division terminale de
la carotide externe.
Adossée à la tubérosité maxillaire, elle distribue plusieurs branches
à destinée maxillaire avant de traverser le foramen sphénopalatin,
au-delà duquel elle prend le nom d’artère sphénopalatine.
• Artère sphénopalatine
Elle assure la vascularisation du palais :
– par la palatine descendante qui emprunte le canal palatin
postérieur et se termine en :
– branche antérieure à destinée palatine le long du rempart
alvéolaire ;
– branche postérieure à destinée vélaire ;
– par la nasopalatine qui irrigue le plafond, la cloison et le plancher
des fosses nasales avant de gagner le canal palatin antérieur.
• Artère sous-orbitaire
Elle naît dans la fosse infratemporale emprunte la fente
4 Coupe transversale passant par la deuxième molaire. sphénomaxillaire, la gouttière puis le canal sous-orbitaire avant de
1. Frontal ; 2. apex crista galli ; 3. cellules ethmoïdales ; 4. cornet supérieur ; 5. lame distribuer des branches terminales jugales et palpébrales inférieures,
perpendiculaire de l’ethmoïde ; 6. cornet moyen ; 7. vomer ; 8. cornet inférieur ; 9. ma- donnant sur son trajet intraosseux des branches alvéolodentaires à
laire ; 10. tissu cutané ; 11. masséter ; 12. petit zygomatique ; 13. nerf facial (VII) ; 14. destinées incisivocanines.
grand zygomatique ; 15. canal de Sténon ; 16. buccinateur ; 17. sinus maxillaire.
• Artère antroalvéolaire de Jasques
– Le plateau palatin constitue en quelque sorte un point d’appui
des trois piliers verticaux. Elle aborde le maxillaire au niveau de la tubérosité et assure la
vascularisation prémolomolaire et buccinatrice. Les différentes
Dans le plan sagittal branches alvéolodentaires de ces deux dernières artères
Le système vomer-lame perpendiculaire de l’ethmoïde unit la ligne s’anastomosent entre elles en un réseau sous-apical.
médiane maxillopalatine à l’ethmoïde et au sphénoïde, constituant Drainage veineux
une cloison sagittale verticale de résistance médiocre.
Il est assuré par les veines homologues des artères, se drainant dans
Ce squelette osseux présente quelques insertions musculaires les plexi veineux ptérygoïdiens (appliqués sur les reliefs
particulières : tubérositaires et les muscles ptérygoïdiens externes par des gaines
– le ptérygoïdien latéral inséré en partie sur la tubérosité maxillaire ; vasculaires décrites par Champy). Les plexi s’individualisent en
– le canin et le buccinateur traversés par le canal de Sténon ; veines maxillaires qui se drainent dans le réseau jugulaire interne.
– le masséter par ses insertions les plus antérieures. Innervation
Au-delà, le maxillaire supérieur présente des rapports étroits avec Elle est assurée par les branches du nerf maxillaire supérieur,
ses plans de couverture : la peau et les éléments sous-jacents que branche du trijumeau qui se distribue en : nerfs palatins antérieur et
sont le tissu cellulocutané et le système musculoaponévrotique inférieur, nerf nasopalatin, nerf alvéolaire supérieur (deux
superficiel (SMAS) sous lequel cheminent les branches terminales postérieurs, un inférieur, un antérieur) anastomosés en un plexus
du nerf facial (fig 4). sus-apical et le nerf sous-orbitaire, sources de dysesthésie
post-traumatique.
¶ Vascularisation du maxillaire supérieur
Mieux connue depuis les travaux de Bell et Cadenat, elle est fragile. ¶ Physiopathologie
Son mode de distribution conduit à utiliser des voies d’abord En 1901, René Le Fort, chirurgien militaire français publie la
limitées, des décollements prudents et des mobilisations douces, description princeps des trois niveaux de « fractures de la mâchoire
guidées, pour la préserver (fig 5). supérieure », à la suite de son étude expérimentale [16].

5 Vascularisation artérielle : vue antéro-interne.


1. Artère maxillaire interne ; 2. artère infraorbitaire ; 3. artère
antroalvéolaire de Jasques ; 4. artère jugale ; 5. artère sphéno-
palatine et son épanouissement ; 6. artère nasopalatine ; 7. ar-
tère du cornet moyen ; 8. artère du cornet inférieur ; 9. artère
palatine supérieur ; 10. nerf dentaire moyen ; 11. nerf infraor-
bitaire ; 12. nerf dentaire antérieur ; 13. nerf maxillaire supé-
rieur ; 14. nerf dentaire postérieur.
A. Vue antéro-interne.
B. Vue externe.

*
B

*
A

3
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

Leurs dénominations discutées et sources d’erreurs amènent à les


appeler :
– Le Fort bas ou de type I ;
– Le Fort moyen ou de type II ;
– Le Fort haut ou de type III.
Ainsi, le maxillaire supérieur est un pare-chocs médian de la face,
par la région prémaxillaire et le bloc incisivocanin.
Ces deux régions ont une résistance durimétrique élevée selon
Swearingen, supérieure aux malaires, mais inférieure à celles des
régions sus-orbitaires [4, 30].
En traumatologie, le maxillaire supérieur peut être intéressé par un
traumatisme direct ou indirect entraînant des déplacements, source
de modifications morphologiques et surtout fonctionnelles.
Les caractéristiques de l’agent traumatisant (force, énergie, sens, *
B
point d’application, durée et surface d’application) induisent les *
A
lésions osseuses (siège, nombre de traits, déplacement des 6 Recherche de la mobilité maxillaire et alvéolodentaire par rapport aux structures
fragments). Elles peuvent en grande partie être déduites de fixes sus-jacentes.
l’anatomie et de la biomécanique de l’étage moyen de la face.
Elles s’accompagnent constamment d’une fracture des ptérygoïdes
– Traumatisme direct : un choc sur le prémaxillaire entraîne plutôt à un niveau variable.
des fractures de type Le Fort I, celui exercé sur le bloc incisivocanin
entraîne des dégâts alvéolodentaires associés à des fractures de Le ¶ Sur le plan clinique [4, 5, 9, 25]

Fort I parfois plurifragmentaires.


Tant au moment du ramassage qu’à l’arrivée dans le service
– À distance : un choc frontolatéral sur la pyramide nasale, dans sa d’urgence, s’impose la recherche de troubles respiratoires,
partie supérieure, peut entraîner des fractures de Le Fort II ou III. neurologiques ou d’hémorragie qui justifient des gestes d’urgence
Un choc sur le corps de l’os zygomatique peut provoquer sa appropriés.
fracture, et son impaction éventuelle dans le squelette facial avec Après le recueil des données circonstancielles de l’accident et des
toute forme de fracture de Le Fort. antécédents quand il est possible, sont réalisées sans délais, en
– Un choc latéral sous le corps de l’os zygomatique est le plus fonction des signes d’orientation, les investigations complémentaires
souvent à l’origine d’une fracture de Le Fort II avec translation nécessaires au dépistage d’atteintes de voisinage ou à distance
latérale. engageant le pronostic vital ou fonctionnel.
Ainsi, sont recherchés :
– Les déplacements : peu dépendants des effets musculaires, ils sont
essentiellement de type primaire car sous la dépendance seule et – une fracture du rachis, en particulier cervical, impliquant des
directe de l’agent traumatisant. précautions de manipulation ;
Les fractures de Le Fort II et III glissent en bas et en arrière le long – des troubles de la conscience, témoins d’une lésion endocrânienne
du plan incliné basicrânien. imposant en urgence un examen tomodensitométrique en coupes
Ces lésions vont avoir des conséquences : axiales larges, au même titre que des lésions abdominothoraciques
en particulier hémorragiques ;
– morphologiques : l’étage moyen de la face est reculé, élargi ou
– une atteinte du squelette périphérique.
allongé ;
En milieu spécialisé maxillofacial, l’examen clinique particulier est
– fonctionnelles : elles sont occlusales à type de déplacements ou de souvent gêné par un œdème d’apparition rapide, mais il doit
déformations de l’arcade dentaire (les fractures de Le Fort déplacent cependant s’attacher à inspecter et à palper avec méthode et de
l’arcade, alors qu’une disjonction intermaxillaire [DIM] la déforme). manière comparative (fig 6).
On peut observer :
Exobuccal
– une classe III dentosquelettique par recul maxillaire ; L’inspection relève de face et de profil, en vue plongeante et en
– une béance antérieure ou latérale par contact molaire prématuré ; contre-plongée : asymétries et déformations du massif facial, en
– un décalage des points interincisifs médians et articulé croisé en particulier médian et des os propres du nez, plaies, ecchymoses et
cas de rotation maxillaire. hématomes en « lunette ». Un trouble de la statique et de la
dynamique oculaire et de l’acuité visuelle sont toujours recherchés.
La DIM crée des segmentations médiane ou paramédiane de
La palpation douce bilatérale et symétrique explore la sensibilité de
l’arcade, source de diastème interdentaire, d’élargissement de
la face, les contours osseux et leur mobilité possible ; elle apprécie la
l’arcade et de déchirure de la muqueuse palatine.
cinétique articulaire temporomandibulaire (ATM).
Endobuccal
Étude clinique L’inspection et la palpation recherchent des fractures
alvéolodentaires, des lésions muqueuses, ecchymoses vestibulaires
GÉNÉRALITÉS
supérieure tandis qu’une mobilité du prémaxillaire, du (des)
maxillaire(s) entre eux et par rapport aux éléments fixes du massif
¶ Sur le plan anatomique facial supérieur sont mis en évidence.
Cet examen est complété en fonction des besoins sans délais, ou
Les fractures de Le Fort réalisent une séparation d’une partie ultérieurement par un bilan oto-rhino-laryngologique (ORL) et
variable du maxillaire supérieur par rapport au reste du squelette ophtalmologique.
craniofacial supérieur et intéressent, de la même manière, les deux
maxillaires supérieurs. Sur le plan radiologique [3, 21]
Cependant, différentes formes anatomocliniques peuvent être En urgence, il est nécessaire de réaliser des clichés standards simples
associées voire combinées. à valeurs de débrouillage et d’orientation.

4
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

7 Guide de lecture des


incidences radiographiques
antéropostérieures.
a : ligne supraorbitaire ; b :
ligne infraorbitaire ; c : cin-
tre zygomatomalaire ; d : li-
gne d’occlusion ; e : bord
basilaire ; f : axe de symé-
trie.

*
A
*
B

Les incidences de base Blondeau, Waters, La Louisette se partagent


la faveur des auteurs français.
McGregor, Campbell, Rowe-Killey ont ainsi isolé cinq courbes qui
aident à l’interprétration de ces incidences (fig 7) :
– ligne orbitaire supérieure : suture frontomalaire, arcade orbitaire,
glabelle ; elle croise la zone des sinus frontaux ; *
D
– ligne orbitaire inférieure : tubercule zygomatique antérieure,
arcade zygomatique, corps du malaire, margelle infraorbitaire,
apophyse montante du maxillaire, cloison nasale ;
– ligne palatonasale : col du condyle coroné, plancher des sinus *
C
maxillaires et des fosses nasales ;
– ligne des bords occlusaux dentaires ;
– ligne du bord inférieur de la mandibule.
Ces clichés sont utilement complétés par d’autres de type « mordu »
et rétroalvéolaire pour explorer arcade dentaire et palais osseux,
mais aussi par un profil voire une téléradiographie de profil pour
apprécier des déplacements postérieurs, notant au passage une
opacité postérosupérieure du cavum, témoin d’un hématome en
regard des ptérygoïdes.
Les coupes tomodensitométriques axiales et coronales sont
essentielles. Mais la réalisation de ces dernières nécessite l’intégrité *
E *
F
du rachis cervical, parfois difficile à apprécier en urgence et qu’il 8 Le Fort I : vues de face, profil, trois quarts plongeant, inférieure, cloison nasale,
faut rechercher au moindre doute. cloison sinusonasale.
À noter l’existence de logiciels de reconstruction coronale à partir
Le déplacement, s’il existe, se fait en arrière et en bas.
des coupes axiales.
L’examen intrabuccal authentifie le diagnostic :
La tomodensitométrie 3D vient compléter, sans la remplacer, la
tomodensitométrie 2D. Elle permet d’obtenir une vue globale des – ecchymose palatine en « fer à cheval » ;
déformations, des déplacements osseux, mais la technique employée – ecchymose vestibulaire supérieure ;
laisse trop de faux négatifs et de faux positifs pour permettre une – trouble de l’articulé avec contact molaire prématuré, béance
étude fine du traumatisme. antérieure et latérodéviation sont possibles.
La palpation montre des points douloureux : épine nasale antérieure,
FORMES CLINIQUES bords latéraux de l’orifice piriforme.
On retrouve le signe de Guérin : douleur à la pression des
¶ Fracture de Le Fort I ou de Guérin (fig 8) ptérygoïdes.
Enfin, l’arcade dentaire est facilement mobilisée par rapport aux
Son siège bas, son bon pronostic, ses manifestations essentiellement malaires fixes.
intrabuccales la caractérisent. Ce sont les coupes coronales, perpendiculaires au plan fracturaire,
Les traits détachent l’arcade dentaire en passant au-dessus des apex, qui montrent le mieux les lésions.
par-dessus le plancher sinusonasal ; ils coupent la partie inférieure Les coupes axiales situées dans le plan fracturaire sont insuffisantes,
des apophyses ptérygoïdes et luxent plutôt qu’ils ne sectionnent le sous-estimant les lésions : elles montrent, en revanche, les fractures
bord inférieur de la cloison osseuse nasale. irradiées à la voûte palatine ou à la région alvéolodentaire.

5
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

Clinique
L’examen extrabuccal retrouve :
– des ecchymoses périorbitaire en « lunettes » ;
– un œdème facial avec rétrusion médiofaciale ;
– une épistaxis.
La palpation objective des points douloureux et une « marche
d’escalier » sur la racine du nez, l’apophyse zygomatique ainsi que
la margelle infraorbitraire.
Une hypo- ou anesthésie des nerfs sous-orbitaires est habituelle.
L’examen intrabuccal montre :
– des ecchymoses vestibulaires et palatine postérieure ;
– un trouble de l’articulé à type de béance incisive et contact molaire
prématuré.
La palpation retrouve un signe pathognomomique : la mobilité
palatonasale par rapport au crâne et aux zygomatiques fixes.
*
A
*
B ¶ Fracture de Le Fort III (fig 10)

Traits de fracture
– Le premier trait va du nez à la fente sphénomaxillaire sur la face
interne de l’orbite, il chemine au-dessous de la suture frontonasale,
coupant la partie haute des os propres du nez, l’apophyse orbitaire
interne du frontal ou disjoignant la suture fronto maxillaire ; il
traverse l’unguis et l’os planum, passe en dessous du canal optique
qui est respecté, et se dirige vers la partie postéro-interne de la fente
sphénomaxillaire, il coupe enfin les racines des apophyses
*
D ptérygoïdes.
– Le deuxième trait chemine sur la face externe de l’orbite, à partir
de l’extrémité antérieure de la fente sphénomaxillaire, court au
voisinage de la suture sphénomalaire et aboutit au niveau de la
*
C suture frontomalaire.
– Le troisième trait sectionne le zygoma en un ou deux fragments,
en arrière de la suture temporomalaire.
– Le quatrième trait, médian, sectionne le septum nasal, l’épine
nasale du frontal, la lame perpendiculaire de l’ethmoïde près de la
lame criblée, le vomer à sa partie haute, et atteint les choanes à ce
niveau.
Il existe des variantes extrêmement importantes : vers le haut avec
atteinte de la lame criblée et rhinorrhée cérébrospinale, et extension
du trait vers le canal optique.

Déplacements
*
E *
F L’ensemble de l’étage moyen recule et glisse en bas et en arrière sur
9 Le Fort II : vues de face, profil, trois quarts plongeant, inférieure, cloison nasale, le plan incliné basicrânien.
cloison sinusonasale.
Clinique
– L’inspection de face montre un important œdème périorbitaire qui
¶ Fracture de Le Fort II (fig 9)
devient rapidement panfacial avec ecchymoses sous-conjonctivales,
épistaxis, chémosis. On note également : une augmentation de
Traits de fracture hauteur de l’étage moyen, une augmentation de largeur de la face,
– Le trait externe coupe la partie moyenne des OPN, l’apophyse un faux prognatisme par recul et impaction du massif facial, une
montante du maxillaire supérieur (MS), l’unguis croise la margelle racine du nez effondrée.
infraorbitaire près de la jonction maxillomalaire ; il traverse la face – La palpation trouve des points douloureux frontozygomatiques,
antérieure du sinus maxillaire, sa face postérieure, les ptérygoïdes à zygomatotemporaux et glabellaires. Elle met en évidence la mobilité
leur partie moyenne, la paroi interne du sinus (entre cornet moyen anormale de la face par rapport au crâne. La sensibilité, dans le
et inférieur) et revient à son point de départ sur l’apophyse territoire du V2, est modifiée.
montante du MS.
– L’examen intrabuccal retrouve un trouble de l’occlusion avec
– Le trait médian est un trait septal coupant la cloison osseuse béance incisive et contact molaire prématuré.
depuis les os propres du nez jusqu’au milieu du bord postérieur du
vomer. ¶ Fractures de la région dento-alvéolo-palatine [4, 8]

– Il n’y a pas de trait zygomatique. De face, le fragment disjoint se Ce sont des fractures partielles du maxillaire, aux traits peu
présente comme une pyramide à sommet glabellaire et base complexes, dont l’exploration radiologique de base est suffisante,
dentoalvéolaire, d’où le terme de fracture pyramidale des complétée par des clichés « mordus » et rétroalvéolaires à la
Anglo-Saxons. demande.

6
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

Clinique
Les signes endobuccaux dominent la scène :
– plaie palatine antéropostérieure ;
– diastème médian ou paramédian entraînant une déformation de
l’arcade dentaire. La dent située au niveau du trait s’est luxée.
Si les déplacements sont importants, il peut exister une
communication buccosinusienne.
Dans le cadre des fracas faciaux, elle se manifeste comme une
dislocation de la voûte palatine en deux ou trois fragments
principaux :
– un antérieur, répondant au bloc incisivocanin ;
– deux latéraux, grossièrement symétriques, porteurs des groupes
prémolomolaires.
Ces disjonctions rompent la muqueuse du plancher au sinus
maxillaire, des fosses nasales, moins souvent la muqueuse palatine
plus résistante.
*
A
*
B La mobilité est très importante.
Tous ces blocs osseux sont séparés, en haut, du reste de la face par
un trait de type fracture de Le Fort I.

Exploration radiographique
– Sur les clichés standards, la fracture est rarement visible.
– En TDM, les coupes sagittales fines, ou mieux, les coupes
coronales visualisent la fracture.
*
D Une rotation est possible dans les fractures complexes.
Avant l’âge de 15-19 ans, date de la synostose de la suture palatine,
des disjonctions suturaires peuvent survenir, plutôt que des fractures
parasagittales.

*
C ¶ Fractures combinées
Les fractures du maxillaire supérieur sont fréquemment associées
entre elles ainsi qu’à d’autres traits verticaux, obliques ou
horizontaux :
– la fracture de Richet associe une fracture de Le Fort III à une DIM ;
– la fracture de Walther, associe des fractures de types Le Fort III,
Le Fort I et une DIM ;
– la fracture de Bassereau comporte deux traits verticaux,
paramédian, séparant en tout l’os propre du nez et les branches
montantes du maxillaire, et libérant en bas le bloc incisif ;
*
E *
F – la fracture de Huet, présente deux traits verticaux plus externes
10 Le Fort III : vues de face, profil, trois quarts plongeant, inférieure, cloison nasale,
que la précédente, passant par la zone canine prémolaire, et ouvrant
cloison sinusonasale. les sinus maxillaires.

¶ Fractures associées
Elles réalisent des fractures du maxillaire supérieur à l’état pur, se
caractérisent par leur trouble morphologique discret et leur gravité Les fractures du maxillaire supérieur peuvent s’associer à des fracas
vitale nulle. centrofaciaux (fractures du complexe central naso-ethmoïdo-maxillo-
fronto-orbitaire (CNEMFO), avec risque de brèche ostéoméningée),
Elles s’accompagnent fréquemment de lésions dentaires (luxations, à des fractures mandibulaires, et participer à des fractures
subluxations, contusions, fractures corono- ou radiculodentaires, panfaciales. Nous ne les reprendrons pas car elles font l’objet d’un
lésion du paquet vasculonerveux dentaire. chapitre particulier de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale.
Cliniquement, une ou plusieurs dents sont douloureuses et mobiles
avec l’os adjacent, entraînant une déformation de l’arcade dentaire.
L’orthopantomogramme est suffisant et permet de juger de Traitement
l’existence des traits.
– Buts : ce sont le rétablissement fonctionnel de l’occlusion
préexistante et la restauration morphologique par une bonne
¶ Disjonction intermaxillaire [20]
projection du massif facial.
Fractures sagittales essentiellement visibles en tomodensitométrie – Moyens : ils sont orthopédiques et/ou chirurgicaux [2, 7, 8, 9, 10, 13, 21,
(TDM), caractérisées par un trait qui est classiquement médian ou .
22, 23]

paramédian. Si les circonstances le permettent, le traitement doit être d’emblée


Cette fracture est toujours associée à une autre fracture. complet et total.

7
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

11 Intubation sous-men-
tale : incision muqueuse
paramédiane ; incision sous-
mentale.

*
A

En dehors des urgences absolues (que sont l’hémorragie et


l’asphyxie), le moment de l’intervention peut être différé de
quelques jours. Ce qui permet de traiter un patient stable
hémodynamiquement et complètement exploré sur le plan
radiologique.
Ensuite, plusieurs possibilités existent quant à l’intubation, la voie
d’abord, les méthodes de réduction et de contention.

[1, 15, 26]


INTUBATION
La voie nasotrachéale est la méthode la plus fréquente, la plus
classique [18].
Mais, deux éventualités la récusent :
– l’association ou la suspicion de fracture de l’étage antérieur de la
base du crâne ;
– l’association des fractures déplacées des os propres du nez.
La voie orotrachéale interdit la réalisation du blocage intermaxillaire
(BIM), donc la possibilité de rétablir l’articulé dentaire.
La trachéotomie réglée, classique, restait alors la méthode de choix
avant la description de l’intubation par voie sous-mentale.
La voie sous-mentale (fig 11). En effet, ce moyen simple sur le plan
*
B
chirurgical, fiable sur le plan anesthésique, et sans séquelle sur le
plan morphologique, permet de traiter en un seul temps les dégâts 12 Voies d’abords et régions accessibles.
du maxillaire supérieur avec trouble de l’articulé dentaire associé à a : voie canthale externe ; b : voie sous-ciliaire ; c : voie palpébrale inférieure ; d : voie
transconjonctivale ; e : voie vestibulaire supérieure.
des fractures déplacées de l’étage moyen.

– Coronale extracrânienne de Unterberger, hémicoronale de Stricker


VOIES D’ABORDS (fig 12) pour l’abord des parois supérieures et latérales de l’orbite, avec
Elles peuvent être cutanées, muqueuses ou mixtes, ou emprunter éventuellement un abord intracrânien (Cairns) pour le traitement
les plaies existantes. des lésions à distance associées (fractures du toit de l’orbite, brèche
ostéodurale).
– Cutanées : canthale externe (« patte-d’oie » ou « S » de Champy)
– Muqueuses : vestibulaire supérieure. Il s’agit d’une incision en
pour l’abord du pilier orbitaire externe.
muqueuse libre au fond du vestibule de 17 à 27. Elle permet la
– Sous-ciliaire, médiopalpébrale, palpébrojugale : pour l’abord du meilleure exposition des lésions du maxillaire supérieur d’un os
plancher orbitaire. zygomatique à l’autre.

8
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

"
A1
"
A2

B1

"
A3
13 A. Davier de Rowe-Killey : mobilisation.
B. Traction par sonde nasale ou urinaire.

B2

– Conjonctivale (Tessier) pour des lésions localisées de la margelle Ce moyen, particulièrement fiable, doit être accompagné d’une
infra-orbitaire ou de la partie médiane du plancher. instruction particulière du patient (hygiène buccale, port permanent
de ciseaux de Bebee).
Le BIM est dans la plupart des cas avec déplacements, le préalable
RÉDUCTION
indispensable avant l’ostéosynthèse.
Elle peut être orthopédique à distance, ou directe à ciel ouvert,
manuelle ou instrumentale (crochet de Ginestet, spatule de Gillies, • Moyens chirurgicaux
ballonnet de Franchebois, sondes urinaires) (fig 13). Ils sont actuellement dominés par les plaques miniaturisées vissées.
– Méthodes parafocales : les suspensions internes d’Adams dont le
CONTENTION but est d’immobiliser les fragments mobiles à des structures
osseuses fixes, plus haut situées (fig 15). Ce système est très peu
Moyens utilisé aujourd’hui en raison de trois inconvénients majeurs :
– un recul du maxillaire supérieur (par sa traction en haut et en
• Orthopédique arrière) ;
Elle repose sur la mise en place d’arcs mandibulaire et maxillaire – une réduction de hauteur de la face ;
solidarisés aux arcades par des ligatures péridentaires en fil d’acier
– une stabilité pas toujours parfaite.
ou la pose de ligatures de type Ivy.
La réduction permet d’obtenir un articulé dentaire en – Méthodes intrafocales :
intercuspidation maximale et les deux arcs ou les ligatures d’Ivy sont – le fil d’acier : cette méthode est davantage un moyen de
unis par des fils d’acier verticaux (fig 14). coaptation que de contention osseuse. Le fil d’acier procure une

9
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

– les plaques miniaturisées vissées (PMV) (micro- et


miniplaques) [20] sont les plus utilisées aujourd’hui. Elles
permettent une excellente stabilité tridimensionnelle.
L’emploi de longues PMV est le mode de contention idéal des
grands fracas comminutifs dès lors que la plaque peut être fixée de
chaque côté sur des segments osseux stables et que chaque fragment
comminutif peut être accroché à la plaque à l’aide de vis.
Le maxillaire supérieur, fortement pneumatisé, porteur de dents, se
*
A
prête malgré tout, parfaitement à l’ostéosynthèse.
Les zones électives sont :
– le pilier canin ;
– le cintre maxillomalaire ;
– le rebord infraorbitaire.
L’ostéosynthèse de la paroi antérieure du sinus maxillaire est tout à
fait réalisable sous forme de microplaques.
Le forage et le vissage doivent respecter les organes dentaires et
l’ostéosynthèse peut être impossible si le trait de fracture est trop
B1 B2 proche des apex.

• Greffe osseuse [5, 13, 14, 19, 29]


Elle est indiquée devant :
– toute perte de pilier ;
C1
– toute comminution incontrôlable ;
C2 – tout défaut de projection osseuse.
Elle est immédiate chaque fois que possible ; ses résultats sont
constamment meilleurs que les greffes secondaires.
La greffe osseuse n’est retardée qu’en présence d’une blessure très
souillée ou infectée.
Le site de prélèvement peut être local, régional ou à distance.
C3 – local : la symphyse mentonnière en mono- ou bicortical, mais ne
fournit qu’un volume limité ;
– régional : la calvaria au niveau du pariétal, en unicortical, se
caractérise par sa très faible résorption, mais le greffon est difficile à
D1 modeler et en quantité limitée ;
– à distance : os iliaque. Il autorise des prélèvements de grande taille
avec une grande quantité de spongieux, et facile à modeler.
Quel que soit le greffon, une contention correcte est essentielle pour
prévenir infection et résorption. Celle-ci est réalisée au mieux par
mini- ou microplaques.

[5, 10, 11, 19, 25, 28, 30]


INDICATIONS
D2
¶ Principes généraux
Pour la plupart des auteurs français, l’exposition des foyers fracturés
doit se limiter aux zones d’ostéosynthèse, sans dépériostage excessif.
Le traitement chirurgical est conduit selon les principes généraux de
*
E
chirurgie craniofaciale :
14 Moyens de fixation orthopédique.
A. Différents types d’arcs. a : arc plat souple, à portemanteaux – reconstruction de la périphérie vers le centre, de haut en bas ou
de Ginestet-Servais ; b : arc plat souple, à portemanteau de Erich ; c : arc demi- de bas en haut (selon les possibilités de rétablissement occlusal) :
jonc, souple ou rigide, à portemanteau de Jacquet ; d : arc à goupilles qui peuvent – reconstruction de proche en proche, des régions intactes aux
se retirer rapidement en cas de déblocage urgent (Dupuis).
B. Ligature de Ivy. B1 : préparation de la ligature (1 : ne faire que deux ou trois
régions fracturées ;
torons au fil d’acier 3,5 ou 4/10) ; 2 : ligatures réalisées sur un groupe de deux – en tenant compte de la septicité des zones cavitaires centrofaciales
dents (prémolaire et/ou molaire), le fil vestibulaire passe entre les brins et non et en réalisant l’ostéosynthèse de la région centrale en dernier.
dans la boucle. B2. Les boucles sont solidarisées au fil 3 ou 3,5/10.
C. Différents types de ligatures dentaires. C1 : Ligature dentaire sur un arc ; C2 :
ligature de Duclos-Farouz ; C3 : ligature de Dingman.
¶ Fracture de Le Fort I
D. Ligature en « berceau ». D1 : Sur une incisive, vue vestibulaire et palatine ; Dans le meilleur des cas, si toutes les dents sont présentes et si la
D2 : sur une canine, vue vestibulaire. mandibule est indemne de lésions, le BIM avec serrage sur fils
E. Blocage intermaxillaire : ligatures simples et en « X » ou « U » chez un sujet
normalement denté.
d’acier ou élastiques, en position d’intercuspidation maximale,
permet la réduction et la contention.
stabilité bidimensionnelle et, pour éviter tout déplacement, Les ostéosynthèses par PMV permettent la reconstruction
l’utilisation de trois points de fixation est nécessaire ; anatomique des piliers antérieurs, le repositionnement précis du

10
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

15 Suspensions faciales.
A. a : à l’épine nasale du frontal fixée sur plaques ou vis ;
b. à l’apophyse frontale, elle passe derrière l’arcade zygo-
matique ; c : à l’épine nasale ; d : à l’orifice piriforme,
mise en place par voie vestibulaire ; e : périzygomatique ;
f : sur le rebord orbitaire inférieur par une voie d’abord
et un trou de foret.
B. Mise en place de suspensions à l’apophyse orbitaire
du frontal par une voie d’abord canthale externe.

*
A
*
B

maxillaire par rapport à la base du crâne, la reconstruction de la ¶ Fracture panfaciale


dimension verticale et de la projection horizontale du maxillaire.
Le traitement comporte successivement la reconstruction de la
Tout pilier instable est réparé à l’aide de PMV, et un pilier détruit mandibule et du complexe dento-alvéolo-palatin, la reconstruction
doit être remplacé par une greffe osseuse immédiate. Si le montage frontale, puis l’étage moyen.
osseux est solide, le BIM peut être levé, sinon le patient le gardera
entre 4 et 30 jours. Chez ces polytraumatisés associant fractures complexes de la face et
lésions neurochirurgicales l’ostéosynthèse par plaque miniaturisée
L’édentation ôte toute précision à l’appréciation des déplacements vissée représente le traitement idéal.
et gêne la réduction.
Elle assure une stabilisation immédiate du squelette, élimine le
Les ostéosynthèses par PMV, en permettant une reprise alimentaire risque d’asphyxie qui accompagne le BIM, facilite l’accès au
rapide ont remplacé les méthodes de réduction utilisant les carrefour aérodigestif supérieur et permet une intubation trachéale
prothèses fixées au maxillaire (méthode de Paoli) et à la mandibule en cas d’urgence.
(méthode de Black-Ivy).
Les suspensions internes d’Adams peuvent aussi être utilisées dans ¶ Fractures combinées
ces cas-là.
Elles compliquent le traitement en raison de l’existence de fragments
Il est toujours possible de compenser une insuffisance de réduction
intermédiaires difficiles à contenir. Elles comprennent les fractures
par l’adaptation de nouvelles prothèses.
de Le Fort combinées entre elles, qui mettent en œuvre les
traitements précédemment décrits, mais aussi les formes cliniques
¶ Fracture de Le Fort II
qui associent des traits de fracture à direction verticale ou oblique
Le rétablissement de l’occlusion est obtenu par : dont le traitement plus difficile doit s’efforcer de retrouver une
occlusion stable, équilibrée et une restructuration tridimensionnelle.
– la mise en place des moyens de contention orthopédique ;
– réduction de la rétrusion faciale par traction sur l’arc supérieur, ¶ Fractures associées
en traction à l’aide du davier de Rowe-Killey ;
Elles sont traitées dans des chapitres particuliers de l’Encyclopédie
– contention par BIM. Médico-Chirurgicale.
Le traitement de la partie centrofaciale nécessite le plus souvent des Il s’agit :
ostéosynthèses infraorbitaires, maxillozygomatiques, et la
restauration des planchers orbitaires. – des fracas centrofaciaux ;
– des atteintes fracturaires mandibulaires ;
¶ Fracture de Le Fort III – des fractures dentaires et alvéolodentaires.
La réduction et la stabilisation occlusale sont identiques à la Dans tous les cas, un rétablissement fonctionnel satisfaisant doit
précédente, souvent complétées par des ostéosynthèses présider au traitement primaire sans pour autant négliger l’aspect
frontozygomatiques. cosmétique.

¶ Disjonction intermaxillaire ¶ Formes cliniques particulières


La restauration de l’arcade dentaire supérieure se fait par BIM, soit Le sujet édenté et le jeune enfant en denture mixte amènent à des
par ostéosynthèse au-dessus des apex des incisives. particularités thérapeutiques :

¶ Fracture maxillaire et fracture mandibulaire – chez le sujet édenté total, si les prothèses complètes sont retrouvées
et utilisables, la pose de merlons noyés dans de la résine permet
La mandibule sert de guide au maxillaire pour rétablir l’occlusion ; d’effectuer un BIM sur fils d’aciers entre prothèses, ou entre arcade
il faut reconstruire l’arc mandibulaire en premier. Pour cela, un BIM dentée et prothèse après avoir immobilisé chaque type de prothèse
est toujours nécessaire ; ensuite, les ostéosynthèses mandibulaires complète par suspension et/ou par cerclage périmandibulaire
sont réalisées. (fig 16) [8] ;

11
22-071-A-10 Fractures des maxillaires Stomatologie

"
A1 "
A2
"
A3 "
A4

16 A. Cerclage périmandibulaire.
A1 : le passe-fil charge le fil 4 ou 5/10 du côté lingual.
A2 : le fil passé sous la mandibule, est ramené en avant
en gardant le contact osseux. A3 : la gouttière est perfo-
rée au foret, le fil passé dans le trou et la gouttière ou la
prothèse ligaturée.
B. Blocage sur prothèse. B1 : fixée à la mandibule. B2 :
fixée au maxillaire et à la mandibule.

B1 B2

– chez l’édenté partiel, lorsque l’occlusion entre les dents restantes L’hygiène buccale repose sur un brossage dentaire soigneux et des
s’avère impossible ou instable l’emploi de prothèse(s) selon le même bains de bouche après chaque prise alimentaire.
schéma est utile quand il est possible, sinon le rétablissement de
Le déblocage et la dépose des arcs réalisés après contrôle
l’occlusion sera un rétablissement prothétique de convenance après
radioclinique de la consolidation osseuse, se font avec ou sans
consolidation fracturaire ;
anesthésie locale. S’impose alors une rééducation des ATM.
– chez l’enfant en denture mixte, l’immobilisation fracturaire osseuse
par BIM sur arcs n’est pas toujours possible mais reste Dès que l’ouverture buccale est suffisante, un détartrage est réalisé
contraignante. On peut s’aider de moyens orthodontiques (brackets et les soins dentaires nécessaires entrepris.
associés à des arcs rigides munis de crochets). Des microplaques Les cicatrices faciales sont l’objet de massages.
vissées trouvent aussi leur utilité à condition de ne pas
compromettre l’évolution des germes dentaires en devenir ;
À DISTANCE DU TRAITEMENT PRIMAIRE
– en ce qui concerne les lésions dentaires (luxation et fracture
alvéolodentaire) associées aux fractures maxillaires, l’utilisation de Même bien conduit, les séquelles sont fréquentes et de traitement
composites auto- ou photopolymérisables renforcés par l’association secondaire difficile, renforçant l’idée de bien traiter d’emblée toutes
de treillis métalliques, voire de fils d’acier, rend de grands services les lésions à retentissement tant fonctionnel que morphologique ou
(cf chapitre particulier de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale). cosmétique. Objets de chapitres particuliers dans l’Encyclopédie
Médic-Chirurgicale, nous ne les détaillons pas mais les évoquons en
soulignant ici les principaux.
Suites opératoires
Dans les suites opératoires immédiates : selon les écoles, l’extubation RETARDS DE CONSOLIDATION
se fait dès la reprise de la ventilation spontanée ou de manière
différée à la reprise de conscience du patient. Au-delà de 6 semaines, ils doivent faire rechercher une infection
De même, l’emploi d’une sonde nasogastrique est fréquent mais pas sous-jacente (sinusite, ostéite) et déposer le matériel d’ostéosynthèse.
systématique. La stabilité des fragments englués mais non consolidés est assurée
par un BIM aidé parfois de suspensions. Une antibiothérapie
En revanche, la plupart des auteurs prônent :
adaptée après prélèvement in situ s’impose.
– un traitement antibiotique et anti-inflammatoire pendant 8 jours ;
Les pseudarthroses vraies sont exceptionnelles au même titre que les
– des instillations nasales ; nécroses maxillaires, dues en général à un dépériostage excessif ou
– quand le BIM est réalisé, ce dernier est maintenu par fils d’aciers : maladroit lors de délabrements déjà importants. Leur traitement
10 à 15 jours si les ostéosynthèses sont solides ; 30 à 45 jours si le s’avère long, difficile et délicat.
montage est fragile, complété éventuellement par la pose
d’élastiques pour retrouver un articulé de convenance.
SÉQUELLES OCCLUSALES
Des ciseaux de Bebee ou une pince coupante sont toujours à portée
de main pour lever le blocage en cas de nausées et vomissements, à Elles traduisent une consolidation en position vicieuse associant des
moins de disposer d’un système d’arcs à déblocage rapide. troubles fonctionnels masticatoires et des troubles morphologiques

12
Stomatologie Fractures des maxillaires 22-071-A-10

réalisant au pire une déformation faciale globale avec un excès Les communications buccosinusiennes ou bucco-sinuso-nasales
vertical antérieur et une rétrusion de l’étage moyen de la face restent en général séquellaires d’une DIM.
(dish-face).

SÉQUELLES NASALES
SÉQUELLES SINUSIENNES À l’origine de troubles morphofonctionnels, elles peuvent associer :
À type de sinusites post-traumatiques, elles sont associées élargissement de la racine du nez, télécanthus, ensellure nasale,
fréquemment à une ostéite des parois minces du sinus. déviation du dorsum et de la cloison.

Références
[1] Altemir FH. The submental route for endotracheal intuba- [13] Gruss JS, MacKinnon SE, Kassel ME, Cooper PW. The role of [23] Monteil JP, Esnault O, Brette MD, Lahbabi M. Chirurgie des
tion. J Maxillofac Surg 1986 ; 14 : 64-65 primary bone grafting in complex craniomaxillofacial traumastismes faciaux. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifi-
[2] Arons MS. Bead and wire intermaxillary fixation. Ann Plast trauma. Plast Reconstr Surg 1985 ; 75 : 17-23 ques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgi-
Surg 1997 ; 39 : 668 cales - Chirurgie plastique, 45-505, 1998 : 1-26
[14] Gruss JS, MacKinnon SE, Kassel ME, Cooper PW. Complex
[3] Bourjat P, Veillon F. Imagerie radiologique tête et cou. maxillary fractures: role of buttress reconstruction and [24] Nahum AM. The biomecanics of maxillo-facial trauma. Clin
Paris : Vigot, 1995 immediate bone grafts. Plast Reconstr Surg 1986 ; 78 : 9-22 Plast Surg 1975 ; 2 : 59-64
[4] Combelles R, Fabert G, Boyer E, Berranger A, De Saint-
Martin R. Étude durimétrique des os de la face. Ann Chir [15] Laplace E, Aubert S, Giraud D, Labeyrie JL, Dandrau JP. [25] Dantini JJ. Atlas d’ostéologie du crâne. Paris : Masson, 1979
Plast 1980 ; 25 : 305-310 Intubation par voie sous-mentale. Ann Fr Anesth Réanim
[5] Congrès (32e) de la société de stomatologie, chirurgie 1999 ; 18 : 913-915 [26] Schultz RC. Naso-tracheal intubation in the presence of
maxillofaciale et plastique de la face, Strasbourg, 1997. Rev facial fractures. Plast Reconstr Surg 1990 ; 86 : 1046
Stomatol Chir Maxillofac 1991 ; 92 (n° 5) [16] Le Fort R. Étude expérimentale sur les fractures de la
mâchoire supérieure. Parts I, II et III. Rev Chir 1901 ; 23 : [27] Seguin P, Breton P, Freidel M. Fractures occluso-faciales.
[6] Cooter RD. The influence of maxillary dentures on mid 207-227, 360-379, 497-507 Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier
facial fractures pattern. Br J Plast Surg 1996 ; 49 : 379 SAS, Paris), Stomatologie, 22-074-A-10, 1994 : 1-16
[7] Couly G. La statique osseuse de la face : les piliers osseux [17] Legent F, Perlemuter L, Vandenbrouck C. Cahiers d’anato-
ptérygo-sphénofrontaux équivalents biomécaniques de la mie ORL. Fosses nasales, pharynx. Paris : Masson, 1990 [28] Souyris F, Caravez JB. Ostéosynthèses par plaques vissées
mandibule. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1975 ; 76 : en chirurgie maxillo-faciale et cranio-faciale. Ann Chir Plast
607-619 [18] Manson PN. Some thoughts on the classification and treat- 1974 ; 19 : 131-137
ment of lefort fractures. Ann Plast Surg 1986 ; 17 : 356
[8] Crawley WA. The edentulous Lefort fractures. J Craniofac [29] Stanley RB Jr. Reconstruction of the midfacial vertical
Surg 1997 ; 8 : 298-307 [19] Manson PN, Crawley WA, Yaremchuk MJ, Rochman GM, dimension following Lefort fractures. Arch Otolaryngol
[9] Decrozailles JM, Fontanel JP, Tomescu D. Examen d’un Hoopes JE, French JH. midfacial fractures: advantages of 1984 ; 11 : 571-576
traumatisme facial. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques extended open reduction and immediate bove grefting.
et Médicales Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-068-A- Plast Reconstr Surg 1985 ; 76 : 1-12 [30] Sweringen JJ. Tolerances of human face to crash impact.
05, 1983 : 1-22 Reprint n° AM 65-20 of federal aviation agency. Oklahoma
[10] Eppley BL. Use of a resorbable fixation technique for maxil- [20] Manson PN, Shack RB, Leonard LG, Su CT, Hoopes JE. Sa- city, 1965
lary fractures. J Craniofac Surg 1998 ; 9 : 317-321 gittal fractures of the maxilla and palate. Plast Reconstr Surg
1983 ; 72 : 484-489 [31] Tessier P. Autogenous bone grafts taken from the calva-
[11] Fain J, Peri G. Reconstruction primaire des fracas osseux de rium for facial and cranial applications. Clin Plast Surg
la face. Ann Chir Plast 1976 ; 21 : 185-197 [21] Martin-Duverneuil N, Chiras J. Imagerie maxillofaciale. 1982 ; 9 : 531-538
[12] Gary-Bobo A, Merlier C, Rey P, Benezech J, Fuentes JM. Paris : Médecine-sciences Flammarion, 1997
Fractures du tiers latéral de la face. Proposition d’une tacti- [32] Vaillant JM, Peri G. Fractures du massif facial supérieur.
que thérapeutique. Ann Chir Plast Esthét 1984 ; 29 : [22] Monoghan AM. An unusual Lefort II fracture. Br J Oral Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier
247-253 Maxillofac Surg 1991 ; 29 : 256 SAS, Paris), Stomatologie, 22-074-A-10, 1971

13

Vous aimerez peut-être aussi