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Résumé : Les ostéochimionécroses des mâchoires ont été décrites en 2003. De nombreuses molécules sont
actuellement impliquées : les antirésorbeurs osseux (bisphosphonates et dénosumab), les agents anti-
angiogéniques, les inhibiteurs de protéines kinases, les immunomodulateurs et les immunosuppresseurs.
Divers mécanismes physiopathologiques peuvent être responsables de ces lésions, tels que l’altération du
turnover osseux, de l’angiogenèse, une inhibition des fibroblastes et des kératinocytes, des phénomènes
inflammatoires et infectieux, des altérations de l’immunité et des facteurs génétiques. Aucun marqueur
fiable n’a été mis en évidence. Les facteurs de risque d’ostéonécrose sont liés au type, au dosage et à
la durée d’administration de la molécule ainsi qu’à la pathologie traitée. Des facteurs infectieux locaux,
des facteurs traumatiques de type chirurgie dentoalvéolaire, ou certains facteurs anatomiques favorisent
l’ostéonécrose des mâchoires. Des facteurs liés au patient tels l’alcool, le tabac, un diabète et l’usage
de corticoïdes sont également impliqués. L’éventail des traitements est large, comprenant des traite-
ments médicamenteux conservateurs (antiseptiques locaux et antibiotiques principalement), des gestes
chirurgicaux limités (curetage, séquestrectomie), ou invasifs (mandibulectomie interruptrice, avec ou sans
reconstruction). L’efficacité de ces différents traitements est très variable, et il n’existe aucune étude pros-
pective randomisée. L’interruption de l’administration de la molécule responsable de l’ostéonécrose est à
discuter avec le praticien prescripteur, et pourrait améliorer la symptomatologie. Cette interruption doit
aussi être discutée en cas de nécessité de geste alvéolodentaire. Le seul axe thérapeutique efficace reste la
prévention de l’ostéonécrose. Un bilan dentaire complet doit être proposé à tout patient devant être traité
par ces molécules, afin d’éliminer les foyers dentaires à risque de complication (foyer infecté, extraction,
soins dentaires, détartrage et conseils d’hygiène). Des contrôles réguliers en cours de traitement sont
indispensables.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 Les ostéonécroses de la région maxillofaciale d’origine iatrogène
■ Généralités 2 sont connues depuis de nombreuses années, la première ayant été
■
évoquée par Regaud [1] en 1922, après un traitement de radiothé-
Diagnostic 2
rapie.
■ Métabolisme osseux 4 Marx [2] et Carter [3] ont décrit en 2003 les premières séries
■ Molécules 4 d’ostéonécrose des mâchoires chez des patients traités par bis-
■ Physiopathologie 6 phosphonates (BP) pour des cancers ou de l’ostéoporose et l’ont
■
appelée bisphosphonate related osteonecrosis of the jaw (BRONJ). À
Facteurs de risque et comorbidités 8
la fin du XIXe siècle, des ostéonécroses liées à la manipulation
■ Facteurs de prédiction et biomarqueurs 8 du phosphore blanc ou jaune dans la fabrication des allumettes
■ Traitement 9 avaient déjà été décrites. Leur évolution était souvent péjorative
■ Prévention avant traitement par ARO et autres molécules 12 en l’absence de traitement antibiotique à cette époque.
Le dénosumab, mis sur le marché en 2009, a rapidement été
■ Interruption du traitement par ARO ou autres et prise impliqué dans l’apparition d’ostéochimionécroses des mâchoires
en charge 12 (selon les termes français) (OCNM) sous l’appellation de DRONJ
■ Conclusion 14 (denosumab related osteonecrosis of the jaw). Ensuite, d’autres molé-
■ Annexe A. Information aux patients 14 cules, et particulièrement les agents antiangiogéniques (AAA),
ont été impliquées et le terme plus large de MRONJ (medication
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22-043-D-10 Ostéochimionécroses des mâchoires
Généralités
L’AAOMS [4] a défini en 2014 l’OCNM comme une « zone d’os Figure 1. Exposition osseuse cutanée et fracture mandibulaire droite
dénudé ou sondé à travers une fistule intraorale ou extraorale dans (patiente sous dénosumab pour un cancer du sein).
la sphère maxillofaciale persistant depuis plus de 8 semaines chez
un patient recevant ou ayant reçu des ARO ou des agents antian-
giogéniques (AAA), en l’absence de radiothérapie et de métastase Tableau 1.
osseuse ». Stades de l’ostéochimionécrose des mâchoires selon l’American Associa-
Deux points de cette définition font débat : tion of Oral and Maxillofacial Surgeons.
• la durée de 8 semaines pour répondre à la définition n’est plus Stade Clinique
un critère indispensable selon certains auteurs [6] , mais il faut
toutefois faire la différence entre une OCNM et un simple retard Patient à risque Pas d’os nécrotique apparent chez un patient ayant
de cicatrisation après une extraction dentaire ; été traité par des antirésorbeurs osseux oraux ou
• seuls les ARO et AAA sont inclus dans la définition, alors que par voie intraveineuse
d’autres molécules sont incriminées, telles que les thérapies Stade 0 Pas d’évidence clinique d’os nécrotique mais signes
ciblées, les immunomodulateurs, les immunosuppresseurs, etc. cliniques non spécifiques, changements
L’incidence de l’OCNM est de 1 à 15 % dans la population radiologiques et symptômes
oncologique et de 0,001 à 0,01 % dans la population ostéopo- Stade 1 Os nécrotique exposé ou fistule en contact osseux
rotique [7] . Le risque d’OCNM est environ dix fois plus élevé chez chez des patients asymptomatiques et en l’absence
les patients traités pour une indication oncologique par rapport d’infection
à l’ostéoporose, et augmente avec la dose, la durée de traitement Stade 2 Os nécrotique exposé ou fistule à travers laquelle
et la voie d’administration. L’incidence augmente dans la popu- l’os peut être sondé associé à une infection sous
lation oncologique lorsqu’un traitement par BP intraveineux est forme de douleur et érythème dans la zone
suivi de dénosumab [7] ou d’AAA [8] . d’exposition osseuse avec ou sans écoulement
Le risque d’OCNM après extractions dentaires est plus impor- purulent
tant chez les patients oncologiques (3,2 %) que chez les patients Stade 3 Os exposé et nécrotique ou fistule en contact avec
ostéoporotiques (0,15 %). Ce risque est diminué par l’utilisation l’os chez des patients présentant des douleurs, des
de protocoles de prévention [9] . La majeure partie des OCNM sur- infections, et au moins une des caractéristiques
viennent après un geste dentoalvéolaire, mais un tiers des cas ne suivantes : os exposé et nécrotique au-delà de la
présentent pas de risque identifié et sont qualifiés de « sponta- région de l’os alvéolaire (bord inférieur et ramus
nés » [6, 10] . mandibulaire, sinus maxillaire, zygoma) avec
comme résultat une fracture pathologique, une
fistule extraorale, une fistule oroantrale, une fistule
Diagnostic bucconasale ou une ostéolyse s’étendant jusqu’au
rebord inférieur de la mandibule ou au plancher du
Symptomatologie sinus maxillaire
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Ostéochimionécroses des mâchoires 22-043-D-10
clinique. Le choix de l’examen dépend de l’habitude de chacun Figure 3. CT-scan (computerized tomography-scan) (même patiente
et de la disponibilité des examens. que la Figure 2) objectivant de multiples zones d’ostéolyse, avec perte
[7]
de la continuité de la corticale interne.
Radiographies dentaires
Ces images présentent peu d’intérêt en dehors de l’examen de
la dent. Scintigraphie osseuse au technétium 99 et single
photon emission computed tomography (SPECT)
Radiographie panoramique [7, 14, 15]
imaging ou fusion SPECT/CT [7, 17, 19]
Peu spécifique, surtout pour les stades précoces, son avantage La scintigraphie montre une bonne sensibilité sur le plan de
est sa disponibilité, son coût réduit, l’irradiation faible. On peut l’inflammation et une mauvaise spécificité puisqu’il existe une
voir une zone d’ostéosclérose focale ou diffuse, un épaississement captation en cas d’infection parodontale ou péridentaire [20] .
de la lamina dura, un élargissement du ligament dentaire, une L’examen rétrospectif de la région maxillomandibulaire des scin-
absence d’ossification des sites d’extraction dentaire, ou encore tigraphies osseuses réalisées dans le suivi des cancers de la
la présence d’un séquestre, une ostéolyse, réaction périostée, un prostate pourrait montrer une petite captation, signe précoce
rehaussement du canal mandibulaire, un rehaussement de la ligne d’une OCNM, et pourrait permettre une prise en charge plus
oblique externe, une interruption de la corticale (Fig. 2). La radio- rapide [20] .
graphie panoramique n’est pas un bon indicateur de l’étendue La combinaison SPECT et CT permet la visualisation de
réelle des lésions [15] . l’absorption des traceurs sur des images de tomodensitométrie en
volume 3D. Dans une étude préliminaire de 44 patients en 2020
Computerized tomography (CT-scan) et cone (7 ostéomyélites chroniques, 8 ostéoradionécroses et 29 OCNM),
beam CT (CBCT) le SUVmax (maximum standardized uptake value) était significa-
tivement plus élevé pour l’ostéomyélite chronique (24,94 ± 3,65)
Ils sont considérés comme les examens standards et per- que pour les ostéoradionécroses (12,27 ± 5,47 ; p = 0,011) et les
mettent de visualiser plus précocement et plus précisément qu’à OCNM (16,55 ± 9,12 ; p = 0,043). Cet examen présenterait un
la radiographie panoramique l’aspect de l’os (sclérose, lyse), intérêt dans le suivi et le diagnostic précoce des OCNM, sachant
l’épaississement de la lamina dura, une perforation/érosion de la que le SUVmax d’une mandibule non pathologique est en moyenne
corticale et sa localisation, la fragmentation osseuse, la formation de 4,0 [18, 21] .
précoce de séquestre et leur taille, les réactions périostées (appo-
sition périostée), l’augmentation/expansion osseuse, l’absence de
Tomographie par émission de positons (TEP)-scan
reconstruction dans les alvéoles, une sinusite, une fracture, une
communication buccosinusale ou bucconasale, un épaississement au fluorodésoxyglucose F-18 (18 F-FDG)
de la muqueuse sinusale, ainsi que les éventuels trajets fistuleux, Cet examen peu sensible et peu spécifique aurait peu de valeur
l’intégrité du canal mandibulaire ou une fracture. Les limites de la pour certains, alors que pour d’autres [17] la captation de FDG
zone atteinte sont mieux définies, ce qui donne une idée plus pré- augmente avec la sévérité de l’OCNM.
cise de la zone d’OCNM, surtout avant une chirurgie [7] . L’aspect Une étude incluant 30 OCNM montre une SUV de 5,1 ± 2,6 [19] .
est assez similaire, qu’il y ait ou non une exposition osseuse. Les foyers d’origine dentaire ont une captation moins élevée que
L’étendue des lésions osseuses est souvent nettement supérieure l’OCNM [20] . La découverte fortuite de foyers hypercaptants dans
à ce que l’examen clinique montre, mais parfois l’imagerie sures- la région maxillomandibulaire est souvent négligée, alors qu’une
time les lésions d’OCNM (Fig. 3). prise en charge rapide pourrait améliorer l’évolution du patient.
Le CT-scan permet de visualiser correctement l’atteinte des tis-
sus mous (muscles, tissus graisseux) et la présence de fistules [14, 16] .
Le CBCT est un examen peu irradiant et explore bien les lésions Histologie
osseuses [14] . Sa faiblesse est l’exploration médiocre des tissus
Les OCNM sont caractérisées histologiquement par des modi-
mous [7] .
fications du tissu osseux, de la muqueuse orale et de la
vascularisation. L’architecture osseuse est souvent décrite comme
Imagerie par résonance magnétique (IRM) pagétoïde, avec un aspect chaotique et mité de l’os, entraînant
On y voit précocement l’œdème et l’inflammation de la un épaississement des trabécules osseuses, une diminution des
moelle osseuse, donnant une indication précoce des phénomènes espaces médullaires et l’apparition de « lignes d’inversion » (rever-
d’ostéomyélite aiguë. Cet examen a une bonne sensibilité et sal lines). Cette perte graduelle du système des canalicules de
une faible spécificité [17] . L’os atteint est en hyposignal T1 et Havers entraînerait une séquestration osseuse par ischémie des
hypersignal T2 en raison de l’œdème évoquant un phénomène ostéocytes dans les espaces lacunaires [22] . Les travées osseuses au
inflammatoire [7, 17, 18] . L’étendue des lésions est difficile à évaluer sein de la nécrose sont acellulaires, avec des logettes vides dépour-
sur cet examen. vues d’ostéocytes et d’ostéoblastes, même si certains auteurs ont
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22-043-D-10 Ostéochimionécroses des mâchoires
décrit des « nids » d’ostéocytes vivants résiduels en périphérie de le développement et l’activation des ostéoclastes par compétition
l’os nécrotique. Les ostéoclastes sont rares et décrochés de leur lit avec RANKL [31] . Les BP et le dénosumab suppriment RANKL, favo-
avec une perte de leur bordure en brosse [23] . risant l’OCNM.
Les infiltrats inflammatoires sont variables en fonction de la Les ostéoclastes ainsi que leurs précurseurs dérivent des cellules
présence d’Actinomyces retrouvé de manière très significative dans souches hématopoïétiques. La différenciation des ostéoclastes est
les OCNM, tant en profondeur dans les lacunes osseuses et les régulée par M-CSF (monocyte colony-stimulating factor) (famille des
canaux haversiens qu’en périphérie, avec un infiltrat inflamma- protéines kinases) qui contrôle la différenciation des monoblastes
toire plutôt aigu composé de nombreux polymorphonucléaires, en monocytes dans la moelle osseuse, leur passage dans le sang,
de plasmocytes et de macrophages. Dans la plupart des spéci- où ils deviennent des ostéoclastes mononucléés. Puis, sous le
mens d’OCNM, les colonies d’Actinomyces forment des biofilms contrôle de RANKL synthétisé entre autres par les ostéoblastes
avec d’autres pathogènes et modèlent des contours irréguliers au et les cellules stromales, ou par contact direct avec ces différents
niveau de l’os. De ces observations est née la théorie inside–outside, types cellulaires, les cellules mononucléées fusionnent en ostéo-
selon laquelle l’infection de l’os pourrait être le primum movens clastes multinucléés qui s’attachent à la surface osseuse et créent
des ostéonécroses sur un terrain osseux fragilisé par l’action des les lacunes de résorption de Howship [31] .
ARO. La présence de Candida est rarement observée [24] . M-CSF et RANKL sont indispensables à l’ostéoclastogenèse et
La muqueuse orale montre un aspect d’« hyperplasie pseudoé- peuvent être inhibés par les ARO.
pithéliomateuse » ou « pseudocarcinomateuse ». Ce type de tissu Lors de la résorption osseuse, les ostéoclastes libèrent différents
est décrit dans les ostéomyélites chroniques des os longs. Il est facteurs de la matrice osseuse dont l’insulin growth factor (IGF),
composé de cellules épithéliales squameuses dépourvues de signes TGF (transforming growth factor β), la BMP, ou le platelet-derived
d’atypie comme le serait le carcinome épidermoïde. La vasculari- growth factor (PDGF), qui stimulent la formation osseuse en recru-
sation est décrite par certains auteurs comme étant pathologique tant et activant les ostéoblastes. Si les ostéoclastes sont inhibés par
avec une hyperhémie et hyalinisation des vaisseaux [25] . les BP, il y a moins d’ostéoblastes [32] .
Métabolisme osseux
Le tissu osseux est continuellement renouvelé tout au cours
“ Point fort
de la vie, permettant la conservation de la masse osseuse. Toute • L’ostéoclastogenèse est balancée par la différencia-
altération de cet équilibre altère l’architecture osseuse.
tion de cellules ostéoformantes. Il existe de nombreuses
Deux à 3 semaines suffisent pour résorber l’os alors qu’il faut 2
interactions entre ostéoblastes et ostéoclastes, et par
à 3 mois pour le reconstruire. Sept à 10 ans sont nécessaires pour
renouveler le squelette entier [26] . conséquence de multiples voies au niveau desquelles des
Pourquoi les OCNM se localisent aux mâchoires ? traitements modifiant le métabolisme osseux peuvent agir.
La muqueuse fine peut être facilement lésée par les activités • L’expression d’OPN par les ostéoblastes et ostéoclastes
quotidiennes, telles que la mastication ou le port de prothèses. La est réduite chez des patients traités par BP avec une
mandibule est plus vulnérable lors d’un traumatisme, puisqu’il OCNM.
s’agit d’un os à prédominance corticale dont la vascularisation est • Les BP altèrent l’axe BMP2–Msx1–Dlx5 et expliquent les
moins fiable qu’au maxillaire, plus spongieux. lésions spécifiques des mâchoires.
L’incorporation de BP est proportionnelle au turnover osseux et • M-CSF et RANKL sont indispensables à
celui-ci est très important au niveau des mâchoires pour répondre
l’ostéoclastogenèse et peuvent être inhibés par les
aux besoins mécaniques des forces de mastication [27] .
ARO.
Une autre hypothèse est l’ossification de type membraneux des
os des mâchoires au cours de laquelle les cellules mésenchyma-
teuses se différencient in situ en ostéoblastes qui synthétisent et
sécrètent les protéines collagéniques et non collagéniques néces-
saires à la synthèse de la matrice extracellulaire (MEC).
Au début de la phase de minéralisation, les ostéoblastes Molécules
différenciés vont exprimer des marqueurs de différenciation
dont l’ostéopontine (OPN) [26–28] . L’OPN joue un rôle limitant Différentes molécules sont impliquées dans l’OCNM
dans la différenciation osseuse ainsi que dans l’angiogenèse [29] . (Tableau 2). Les ARO (BP et dénosumab), les plus fréquemment
L’expression d’OPN par les ostéoblastes et ostéoclastes est réduite mis en cause, agissent essentiellement sur les ostéoclastes.
chez des patients traités par BP avec une OCNM. Le mécanisme impliqué est mal connu pour d’autres molécules
Les maxillaires dérivent de la crête neurale céphalique, où la telles que les AAA et autres nouvelles molécules en -nib, -mab,
différenciation osseuse est régulée spécifiquement par l’expression -cept, et -limus.
différentielle de la voie de signalisation BMP-2 (bone morphogenetic
protein)–Msx-1 (muscle segment homeobox gene-1)–Dlx-5 (distal-less
homeobox gene-5) [29, 30] . Antirésorbeurs osseux
La prolifération des cellules progénitrices d’ostéoblastes et
d’ostéoclastes contrôlée par Msx-1 est supprimée par les BP au
Bisphosphonates
niveau des mâchoires. In vitro, les BP (zolédronate) augmentent Les BP ciblent les ostéoclastes en diminuant leur recrutement et
l’expression de Dlx-5, diminuent l’expression de Msx-1 et sup- leur différenciation, et en induisant leur apoptose. Ils sont donc
priment l’OPN, altérant ainsi le turnover osseux. de puissants inhibiteurs de la résorption osseuse contrôlée par les
De manière plus générale, des membres de la famille des métal- ostéoclastes [27] .
loprotéases matricielles (matrix metalloproteases [MMP]) et leurs Les BP sont des dérivés du pyrophosphate P-O-P où l’oxygène
inhibiteurs tissulaires (tissue inhibitors of matrix metalloproteases est remplacé par un carbone (P-C-P) rendant la liaison résistante
[TIMP]) sont également impliqués dans la morphogenèse du sque- à la dégradation enzymatique [33] . Sur cette chaîne P-C-P sont
lette [29, 30] . attachés deux radicaux :
Le remodelage osseux est sous le contrôle de la voie RANK • une chaîne courte R1 (bone hook) qui conditionne l’affinité des
(receptor activator of NF-kB)/RANKL (RANK ligand)/OPG (ostéo- BP pour l’hydroxyapatite, et leur liaison à la matrice osseuse,
protégérine). Les ostéoblastes tout comme les cellules T activées quasi indestructible dans le temps ;
sécrètent RANKL, qui stimule la différenciation, la prolifération • une chaîne longue R2 qui est responsable des propriétés biolo-
et la fonction des ostéoclastes en se liant à RANK. Ils sécrètent giques et de la puissance de la molécule. C’est ce radical R2 qui
également l’OPG (récepteur Leurre), qui se lie à RANK et inhibe fait la différence entre non-amino- et amino-BP.
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Ostéochimionécroses des mâchoires 22-043-D-10
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22-043-D-10 Ostéochimionécroses des mâchoires
Sunitinib et sorafénib ciblent les macrophages et peuvent inter- Il aurait aussi un effet antiangiogénique. Ses effets immunosup-
férer avec le développement des ostéoclastes. presseurs et anti-inflammatoires diminuent la réponse de l’hôte
lors d’un traumatisme muqueux et favorisent l’apparition d’une
Agents antitumoraux OCNM [45] ;
• les inhibiteurs de mTOR [42] (évérolimus et temsirolimus) : chez
L’aflibercept [38] bloque l’activation des récepteurs du VEGF et
les souris, l’inhibition de mTor inhibe l’ostéoclastogenèse et
la prolifération des cellules endothéliales. Ce mécanisme peut
augmente l’apoptose des ostéoclastes. Ces molécules ont des
interférer avec la cicatrisation osseuse. Des OCNM sont décrites,
propriétés antiangiogéniques et immunosuppressives. Souvent
souvent en association avec des traitements par BP intraveineux.
associés aux BP, au dénosumab et aux antiangiogéniques, leur
toxicité est combinée [38] . Le facteur favorisant reste un trauma-
Autres thérapies ciblées tisme local.
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Ostéochimionécroses des mâchoires 22-043-D-10
Rôle de l’immunité
Toxicité sur les tissus mous Le système immun est impliqué à la fois dans la perte et la régé-
nération osseuse [27, 28] . Il existe une interaction constante entre le
Les BP ont une toxicité sur les macrophages, les cellules den-
système immunitaire et l’os, les ostéoclastes et les lymphocytes T
dritiques, les fibroblastes gingivaux et les kératinocytes. Lors de
partageant leur origine dans la même cellule souche hématopoïé-
gestes osseux ou de traumatismes, les BP libérés localement de
tique.
l’os peuvent être incorporés par les cellules épithéliales de recou-
Le système RANK/RANKL/OPG est le régulateur de la proliféra-
vrement et altérer leur fonctionnement, et, par conséquence, la
tion, de la différenciation et de l’activité des ostéoclastes. RANKL
cicatrisation. Or, la cicatrisation muqueuse joue un rôle impor-
est à la fois exprimé par les ostéoblastes et les cellules T. Les cel-
tant dans la protection de l’invasion bactérienne associée à un
lules osseuses se contrôlent entre elles, contrôlent le remodelage
traumatisme osseux [27] . De plus, le déficit en monocytes et en
osseux et peuvent aussi contrôler les cellules immunes [56] .
macrophages peut jouer un rôle dans l’OCNM en facilitant les
Les cellules T produisent des CK pro-inflammatoires et pro-
infections locales [11] .
ostéoclastogéniques (dont TNF␣, RANKL et M-CSF), et des CK
Le dénosumab n’aurait pas d’action sur les tissus mous, entre
anti-inflammatoires (dont interféron ␥ [IFN␥], TGF et OPG) inhi-
autres pas de toxicité sur les fibroblastes. Le rôle des lésions de
bitrices de l’ostéoclastogenèse par voie directe ou par inhibition
la muqueuse est moins important en comparaison du rôle de la
de RANKL [31] .
lésion osseuse [27] .
Les cellules NK sont impliquées dans la clairance de cellules
infectées par des virus, ou transformées ou aberrantes, et parti-
cipent au remodelage osseux. Elles expriment M-CSF et RANKL,
Inflammation et infection responsables de l’induction de l’ostéoclastogenèse et en même
temps produisent l’IFN␥ qui inhibe l’ostéoclastogenèse [26] .
Est-ce l’infection qui est responsable de la nécrose ou la nécrose
Les cellules T ␥␦ forment une sous-population de cellules T qui
qui est responsable de l’infection [11, 33, 34, 50] ?
font le lien entre immunité acquise et adaptative, et augmentent
Les neutrophiles, les leucocytes polymorphonucléaires, les cel-
lors d’infections. Les cellules T ␥␦ sont essentielles à la régénéra-
lules T ␥␦, les cellules NK (natural killer), les cellules dendritiques
tion osseuse et produisent l’IL-17 qui favorise la formation osseuse
et les macrophages sont impliqués dans le processus de cicatri-
et la cicatrisation des foyers fracturaires. Ces cellules peuvent
sation en éliminant les bactéries et en favorisant les réactions
être pro- ou anti-ostéoclastogéniques en fonction de leur activa-
immunes [39] .
tion. Les cellules T ␥␦ du sang périphérique des patients sous BP
Pour Khan et al. [51] , les bactéries stimulent la résorption osseuse
sont manquantes, altérant les capacités de réponse immune adé-
par augmentation de CK pro-ostéoclastogéniques et contribuent
quate [7, 11, 27] . Les BP altèrent aussi la fonction des macrophages
ainsi à l’OCNM. Les BP activent les cellules T ␥␦ et altèrent la
et des monocytes [7] .
réponse immune à l’infection en favorisant le développement de
L’expression de RANK et de TNF␣ par les leucocytes périphé-
l’OCNM. Le dénosumab impacte la migration et la fonction des
riques est liée à la composition du microbiote oral, en lien avec la
monocytes en bloquant les récepteurs RANK et en empêchant la
résilience immunitaire, et au stress. Les auteurs déduisent que le
production de CK pro-inflammatoires, et favorise le mécanisme
microbiote oral n’est pas la cause de l’OCNM, mais constitue un
outside–inside [11] .
facteur qui contribue à la réponse de l’hôte. On note une absence
Une étude sur 57 souris a montré que les infections péria-
de résilience immunitaire chez les patients avec OCNM [27] .
picales et/ou parodontales sont capables d’augmenter le risque
d’OCNM, qu’il y ait ou pas une extraction, l’infection seule étant
capable d’altérer la fonction et le nombre d’ostéoclastes [52] . Pour Facteurs génétiques
cet auteur, cette expérience confirme l’hypothèse selon laquelle la
nécrose osseuse précède la lésion muqueuse. Existe-t-il une prédisposition génétique avec des variantes
Une série de 40 patients oncologiques sous ARO ayant bénéfi- génétiques spécifiques pouvant prédire le risque de développer
cié d’une extraction à la suite de douleurs, de gonflement, de pus une OCNM ? Certains polymorphismes nucléotidiques (single
et de fistule, et ne répondant pas au traitement, montre histolo- nucleotide polymorphims [SNP]) ont été identifiés par des études
giquement une OCNM ; en revanche, l’extraction de dents non d’association pangénomiques. Deux revues systématiques en
symptomatiques chez 14 patients sous ARO ne montrait histolo- 2019 [57, 58] explorent ces variations génétiques. Il s’agissait majori-
giquement pas de nécrose [53] . tairement de patients traités par BP. Certains SNP sont considérés
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Ostéochimionécroses des mâchoires 22-043-D-10
a pas de différence entre le CTX préopératoire des patients avec Globalement, deux attitudes sont proposées : le traitement
ou sans OCNM. Pour les auteurs, la valeur de 150 pg/ml n’est pas conservateur et le traitement chirurgical (Tableau 6).
prédictive d’OCNM, et certains patients avec des taux supérieurs Le schéma que l’on trouve habituellement dans la littérature
à 150 pg/ml ont développé une OCNM. est un traitement conservateur initial, surtout jusqu’au stade 2,
Pour Khan et al., un taux bas de CTX est simplement le reflet suivi de chirurgie associée au traitement médical en cas d’échec
de l’effet des traitements par ARO et ne permet pas d’identifier les du traitement médical seul ou dans le cas de stade 2 ou 3 [5] . Le
patients à risque [17] . traitement chirurgical invasif reste un sujet de controverse.
En résumé, aucun biomarqueur n’a fait ses preuves dans La réponse au traitement est qualifiée [7, 8, 35, 64] :
l’évaluation du risque d’OCNM lors de l’usage de BP [34] . Pour • de guérison complète : la muqueuse orale recouvre totalement
l’AAOMS [4] et pour l’ASBMR (American Association for Bone le site osseux depuis au moins 3 mois, en l’absence de symp-
and Mineral Research) [7] , il n’y a pas de biomarqueur du risque tomatologie. Pour certains, les signes radiologiques doivent
d’OCNM. disparaître [12] ;
• de guérison partielle : diminution de stade pendant au moins
Tableau 4. 3 mois ;
Biomarqueurs. • de maladie stable : pas d’amélioration ni d’aggravation pendant
la période de suivi ;
Marqueurs du BAP (bone alkaline phosphatase) Sérique
turnover osseux
• de maladie progressive : augmentation du stade.
CTX (c-terminal telopeptide Sérique
cross-link of type I collagen)
Traitement conservateur (mesures
DPD (deoxypyridinoline) Urinaire
NTX (N-telopeptide of bone type I Urinaire
non chirurgicales)
collagen) Mesures conservatrices « de base »
Ostéocalcine Sérique • Sensibilisation à une hygiène buccodentaire correcte.
Biomarqueurs PTH (parathyroid hormone) Sérique • Soins locaux de la zone d’OCNM :
endocriniens ◦ brossage régulier par le patient qui limiterait le milieu inflam-
Marqueurs de VEGF (vascular endothelial growth Sérique matoire autour de l’os atteint,
l’angiogenèse factor)
Tableau 6.
Type de traitement des ostéochimionécroses (OCNM).
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22-043-D-10 Ostéochimionécroses des mâchoires
◦ réalisation de bains de bouche antiseptiques à la chlorhexi- Pour d’autres auteurs [7] , le tériparatide est indiqué dans les
dine (CHX) (0,12 à 0,2 %), ou application de gel de CHX OCNM des patients ostéoporotiques où il faciliterait la cicatrisa-
1 % [65] , ou/et des bains de bouche à l’eau oxygénée 3 % tion osseuse, mais est contre-indiqué chez les patients atteints de
(10 vol). En comparaison à la povidone iodée (PVP-I), la CHX tumeurs osseuses malignes ou de métastases osseuses actives [7, 8] .
a la capacité de se lier aux surfaces dentaires, à la muqueuse Son usage pendant plus de 24 mois chez les rats est associé à une
orale et à l’hydroxyapatite, en raison de sa nature catio- augmentation de l’incidence de cas d’ostéosarcome, par un méca-
nique. La CHX agirait plus rapidement que la PVP-I au niveau nisme épigénétique. Il n’y a pas de description de ce mécanisme
de la cavité orale, avec une rémanence supérieure variant chez l’homme.
entre 4 à 5 heures dès le premier bain de bouche. Contrai-
rement à la PVP-I, la CHX est un agent bactériostatique à Modalités conservatrices externes
faible concentration (0,02 à 0,06 %), tandis qu’à des concen-
Oxygénothérapie hyperbare (OHB)
tration plus élevées (0,12 à 0,2 %) elle agit comme bactéricide
et fongicide (sur Candida albicans) en provoquant une rup- L’usage d’oxygène à 100 % à une pression supérieure à la pres-
ture membranaire par inhibition d’enzymes protéolytiques sion atmosphérique permettrait une mobilisation cellulaire, une
et glycosidiques [66] , diminution de l’œdème et de l’inflammation, une augmentation
◦ nettoyage manuel de la plaie pour désorganiser le biofilm de l’activité antimicrobienne, de la vasculogenèse et de la répa-
toutes les 4 semaines par un praticien [65] , ration tissulaire. Il n’y a pas de protocole bien établi pour le
◦ résection de spicules osseux ou séquestre sans anesthésie [67] : traitement de l’OCNM dans la littérature (nombre de séances et
• Prise d’antibiotiques (amoxicilline ± acide clavulanique, clin- temps variables).
damycine, métronidazole, azithromycine) [68] . Il existe de Pour certains auteurs [73] , il y a un bénéfice à l’utilisation de
multiples schémas de traitement antibiotique, sans indication l’OHB 2 ATA à raison de 40 séances de 2 heures deux fois par jour
sur le type, le dosage et la durée de traitement [12] ; par rapport à un groupe témoin. Pour d’autres, l’OHB seule ne
• Prise d’antidouleurs en cas de nécessité. provoque pas de guérison complète [68] . Elle doit être associée à une
De multiples bactéries dont Actinomyces colonisent l’os atteint autre modalité thérapeutique telle que le débridement chirurgical
et peuvent jouer un rôle dans la pathogenèse et l’aggravation et/ou l’antibiothérapie, et/ou le laser. L’interruption du traitement
des OCNM [68] . L’adhésion microbienne à l’os peut changer avec causal doit être discutée.
le traitement par BP. Les mesures antibactériennes locales et Le niveau de preuve des différentes études est faible [67, 74] .
générales sont donc nécessaires (seules ou en aide aux mesures Laser
chirurgicales). Une antibiothérapie à long terme (6 semaines à 6 Deux types de laser sont utilisés. La longueur d’onde est
mois) peut aussi être proposée en raison de cette actinomycose. l’élément essentiel qui différencie les actions sur les tissus cibles.
Pour certains, le traitement conservateur est proposé aussi long- LLLT (low level light therapy). Il s’agit des lasers dit « froids »
temps qu’il n’y a pas de progression de la maladie, que la douleur (lasers He-Ne, Nd-YAG et lasers diodes), avec un effet biosti-
est contrôlée, ou en cas d’arrêt des ARO [69] . Pour d’autres, même à mulateur favorisant la cicatrisation osseuse et des tissus mous,
des stades précoces, le traitement conservateur est peu efficace [65] . surtout sur les lésions précoces. On note aussi un effet antimi-
crobien, sur le métabolisme des fibroblastes, pour la résolution de
l’inflammation et pour la cicatrisation épidermique. On décrit une
Autres modalités conservatrices action antalgique, sans nécessairement que le site soit fermé [74] .
Pentoxifylline et ␣-tocophérol Après un traitement de 8 semaines sans amélioration, la chirurgie
La pentoxifylline diminue la viscosité sanguine, augmente la est alors indiquée [75, 76] .
plasticité des érythrocytes, favorise la fibrinolyse et a un effet On retrouve dans la littérature l’usage de différents types
vasodilatateur. On lui décrit un effet anti-inflammatoire et anti- de laser, un nombre de sessions et une fréquence variables,
oxydant, par diminution de l’activation des neutrophiles et des l’association à un traitement médical (antibiotiques et bains de
taux plasmatiques de TNF␣ et d’IL-1, IL-6. L’effet anti- TNF␣ dimi- bouche) ou chirurgical [74] .
nue l’inflammation et la fibrose. Dans une revue systématique incluant 246 patients, une amé-
L’␣-tocophérol (vitamine E) s’accumule dans la membrane cel- lioration des symptômes est constatée chez 64,2 % d’entre eux,
lulaire et dans les tissus lipophiles. Il se lie aux radicaux libres et avec un taux de guérison de 39,8 % à 24 mois [74] .
protège les cellules des dommages liés au stress oxydatif. Il limite High level laser ou laser chirurgical. Il a une longueur d’onde
les lésions des membranes cellulaires en s’y intégrant [70] . Il aurait bien absorbée par l’eau et l’hydroxyapatite. Il s’agit des lasers de
aussi un rôle anti-inflammatoire. type Er-Yag. Une ablation de l’os est possible sans échauffement
L’association de pentoxifylline 400 mg et d’␣-tocophérol et sans nécrose des tissus avoisinants. La surface traitée par le laser
500 mg deux fois par jour favoriserait la cicatrisation et est uti- est irrégulière, ce qui permet une meilleure adhésion des éléments
lisée en combinaison avec les bains de bouche antiseptiques et les sanguins et donc une meilleure cicatrisation. Cette technique est
antibiotiques. proposée dans les cas avancés d’OCNM [75, 76] .
L’avantage de ce traitement est son faible coût, sa facilité L’association de la biostimulation par LLLT et du laser Er-YAG
d’utilisation et ses effets secondaires rares. peut réduire la charge microbienne, améliorer la symptomatolo-
Peu de cas sont décrits : une étude rétrospective de sept cas gie, et induire une réponse muqueuse complète et une guérison à
oncologiques d’Owosho et al. [70] conclut à une amélioration sur long terme [74] .
une durée de 16,8 mois. La revue systématique de Heifetz-Li et Dans leur revue systématique (15 articles et 815 patients),
al. [71] inclut trois articles et 14 patients, et conclut également à une Momesso et al. [76] montrent une efficacité nettement supérieure
amélioration sur un suivi moyen de 13 mois (étude de puissance du traitement par laser chirurgical Er-YAG associé à un traitement
insuffisante). médical en termes de cicatrisation complète (90 %) comparé à
d’autres traitements.
En résumé, le LLLT améliore le traitement médical dans les
Tériparatide
stades précoces d’OCNM. La chirurgie par laser peut faire partie
Le tériparatide est un recombinant humain de l’hormone PTH de l’arsenal thérapeutique des OCNM à des stades plus tardifs.
1-34 qui stimule la formation osseuse par des effets directs sur les
ostéoblastes. Une augmentation du nombre de vaisseaux sanguins Ozone
et d’ostéoclastes est également décrit. L’ozone a des propriétés antimicrobiennes, de modulation de
Sim et al. [72] , dans une étude prospective randomisée en l’immunité et un rôle sur la cicatrisation, le métabolisme et la
double aveugle contrôlée contre placebo (34 patients, 47 lésions), circulation sanguine. Il permet une séquestration de l’os nécrosé
décrivent une amélioration du taux de résolution de l’OCNM dans avec cicatrisation de la muqueuse par réépithélialisation. L’ozone
le cancer et l’ostéoporose. Le tériparatide était administré pen- est délivré dans des gouttières dentaires perforées aux endroits
dant 8 semaines (20 g sous-cutané/j) versus placebo, associé à du de lésion. Il y a donc une entrée d’air et une sortie pour assurer
carbonate de calcium (600 mg/j) et de la vitamine D (1000 UI /j). un flux constant. Quelques cas sont décrits dans la littérature où
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Ostéochimionécroses des mâchoires 22-043-D-10
l’ozone est utilisé en complément de la chirurgie, avec des durées L’usage du VELscope® peut aussi être associé au traitement par
et fréquence de traitement variables [77] . laser chirurgical ou à la chirurgie [80] .
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22-043-D-10 Ostéochimionécroses des mâchoires
Cellules souches endothéliales L’arrêt des BP n’a que peu d’effet sur l’os, leur demi-vie osseuse
Elles ont un potentiel plus important que les cellules souches étant de plus de 10 ans, mais cet arrêt pourrait favoriser la reprise
stromales mésenchymateuses dans l’induction de l’angiogenèse, de l’angiogenèse et de la cicatrisation muqueuse [27] .
de la vasculogenèse et de la migration des ostéoclastes. Les OCNM en relation avec le dénosumab guérissent plus
rapidement que celles traitées par acide zolédronique lors de
Cellules du cordon l’arrêt du traitement [27] . Pour d’autres, l’arrêt du dénosumab
Elles ont un faible potentiel immunologique et un haut poten- n’aurait aucune influence sur la cicatrisation ni sur la survenue
tiel de différenciation ostéogénique. Elles sont utilisées pour les d’OCNM [85] .
nécroses de la tête fémorale [84] . Pour les autres molécules (AAA, immunomodulateurs, etc.), il
semblerait que leur arrêt permette la guérison de l’OCNM.
En résumé, l’arrêt du traitement causal pourrait être favorable à
Prévention avant traitement l’amélioration de l’OCNM, même si cela reste un sujet de contro-
verse.
par ARO et autres molécules
Les consignes de prévention existent essentiellement pour les Interruption avant chirurgie dentoalvéolaire
BP et le dénosumab. La majeure partie des études sont rétrospectives et concernent
Tous les auteurs s’accordent sur l’intérêt d’un examen dentaire de petits échantillons. La plupart d’entre elles préconisent l’arrêt
complet en prétraitement. L’attitude « dentaire » dépend de la des ARO avant une chirurgie [35] . L’AAOMS préconise un arrêt 2
pathologie traitée, du traitement proposé, des comorbidités, du mois avant la chirurgie et une reprise à 2 mois ou à la guérison tout
pronostic du patient, de l’état dentaire général. L’examen doit être au moins de la muqueuse [4] . D’autres proposent pour le dénosu-
réalisé par un praticien expérimenté. Un examen clinique complet mab un arrêt 4 semaines avant le geste et une reprise 6 semaines
de la cavité orale et des radiographies dentaires (radiographies api- après [41] .
cales, bite-wings, radiographie panoramique) sont indispensables. La revue systématique d’Ottesen et al. [41] étudie l’intérêt de
Un CT aidera en cas de doute [35, 40] . l’interruption des ARO avant extractions dentaires ou chirurgie
L’hygiène buccodentaire doit être évaluée. L’éducation du dentoalvéolaire. La conclusion est qu’il n’y a pas d’avantage à
patient concernant le brossage, le passage des brossettes inter- interrompre le traitement chez des patients sous hautes doses
dentaires et du fil dentaire au minimum deux fois par jour est d’ARO, mais il n’y a pas d’études randomisées, il y a peu de patients
indispensable, ainsi que sa sensibilisation au risque d’OCNM. dans les séries et de grandes variations entre patients.
Le patient est invité à consulter s’il présente douleur, gonfle- Pour Yarom et al. [5] , le niveau d’évidence est insuffisant tant
ment ou altération de la sensibilité dentaire. Des suivis réguliers dans le sens de la poursuite que de l’arrêt du traitement par
(de 3 à 6 mois) sont nécessaires pour permettre d’anticiper des ARO. Cette décision est à discuter avec le médecin prescripteur,
lésions d’OCNM en traitant rapidement des lésions dentaires le patient et le dentiste ou chirurgien maxillofacial. En résumé,
débutantes [5, 12, 35] . il n’y a pas de réponse claire à la question, mais la plupart des
Si le patient présente des facteurs de comorbidité tels qu’un équipes interrompent le traitement avant une intervention, si
diabète ou un tabagisme actif, ces facteurs doivent être contrôlés possible. Pour ces mêmes auteurs, les gestes dentoalvéolaires non
rapidement dans la mesure du possible [5] . nécessaires (extractions dentaires, alvéoloplasties, mise en place
Idéalement, un détartrage devrait être réalisé avant le début des d’implants) ne doivent pas être réalisés lors d’un traitement onco-
traitements. La réhabilitation des dents de bon pronostic est pro- logique par ARO.
posée (traitement endodontique, traitement parodontal). Pour les En dehors de l’arrêt des ARO, si des gestes « osseux »
dents de mobilité de grade 1 ou 2, elles sont conservées et traitées sont nécessaires pour des motifs infectieux, ceux-ci doivent
si l’hygiène est correcte et extraites dans les autres cas. Les dents être réalisés après une évaluation soigneuse de la balance
semi-incluses et les dents de mauvais pronostic sont extraites, et la risque/bénéfice par un praticien connaissant cette pathologie.
cicatrisation muqueuse doit être acquise avant le début des traite- Des protocoles de prévention sont décrits dans la littérature,
ments. L’absence d’appui traumatique des prothèses dentaires est avec des schémas d’antibiothérapie/antibioprophylaxie variables
vérifiée. Cet assainissement dentaire doit être fait idéalement 2 à (type d’antibiotique variable, doses variables), d’alvéolectomie, de
4 semaines avant le traitement. suture, d’usage de CP [9] .
Dans la prise en charge d’un cancer, une discussion avec Pour Otto et al., les extractions dentaires chez les patients sous
l’oncologue peut apporter une réponse quant à l’urgence des soins BP nécessitent une antibioprophylaxie prolongée, une extrac-
dentaires et oncologiques afin d’établir un plan de traitement tion atraumatique, un arrondissement des berges osseuses et une
optimal. suture muqueuse sans tension [59] .
Une étude d’Owosho et al. [40] démontre que, dans le groupe de Les soins dentaires de base (soins de caries) sont réalisés classi-
patients avec mise en ordre dentaire en prétraitement, seulement quement, avec les précautions d’usage habituelles.
huit sur 872 (0,9 %) patients ont développé une OCNM, alors que, Pour les dents délabrées non infectées, le traitement endodon-
dans le groupe de patients dont le bilan a été réalisé après mise en tique est préféré avec la mise en place d’un composite de surface
route du traitement, 141 sur 1344 (10,5 %) patients ont développé pour assurer l’étanchéité de la dent.
une OCNM. On pourrait distinguer deux catégories de patients pendant ou
après un traitement par ARO :
• une population à risque faible d’OCNM : ce sont les patients
Interruption du traitement ostéoporotiques ayant reçu des BP oraux pendant moins de 3
ans, sans comorbidités (diabète, tabagisme, polyarthrite rhuma-
par ARO ou autres et prise toïde), ou du dénosumab.
en charge • une population à risque élevé d’OCNM :
◦ ostéoporotique : moins de 3 ans de BP oraux associé à des
Interruption du traitement lors d’une OCNM facteurs de comorbidité, ou plus de 3 ans de BP oraux, et/ou
des BP intraveineux annuels,
Elle doit être mise en balance avec le risque de poursuite évo- ◦ oncologique : BP intraveineux mensuels ou dénosumab men-
lutive de la maladie cancéreuse métastatique ou de fracture dans suel.
l’ostéoporose. De plus, lorsqu’il s’agit de BP, une rémanence existe Concernant les gestes à risque infectieux (surfaçage, traitement
plusieurs années après l’arrêt du traitement [35] . canalaire), une antibioprophylaxie est conseillée, par exemple
Plusieurs études sont en faveur de l’arrêt des BP en cas de traite- amoxicilline 875 mg/acide clavulanique 125 mg, deux comprimés
ment d’OCNM. On noterait une amélioration avec une guérison 1 heure avant l’intervention, dans les deux types de population
plus rapide, quels que soient la modalité de traitement et le stade (ostéoporose et oncologique), à prolonger en fonction du risque
d’OCNM en comparaison avec un groupe sans interruption [35] . infectieux.
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Ostéochimionécroses des mâchoires 22-043-D-10
Bilan dentaire et soins Éducation du patient et réduction des facteurs Nouveau patient classifié
préventifs de risque modifiables AAOMS patient à risque
Contrôles réguliers et soins dentaires préventifs ou stades 0 à 3
Élimination de foyers infectieux dentaires et
parodontaux, sous antibioprophylaxie si risque
de léser l’os, et avec interruption de la thérapie
à risque d’OCNM si possible
Traitement conservateur :
- stades 0 à 3 : antalgie et antibiothérapie
- stades 1 à 3 : soins locaux (nettoyage manuel, bain de bouche
antiseptique, résection de séquestre/spicule sans anesthésie
locale
- ± autres mesures conservatrices
Figure 4. Arbre décisionnel. Prise en charge thérapeutique de l’ostéochimionécroses des mâchoires (OCNM). AAOMS : American Association of Oral and
Maxillofacial Surgeons.
Concernant les gestes à risque de dénuder l’os (extraction, • risque élevé : amoxicilline 875 mg/acide clavulanique 125 mg
alvéoloplastie), une couverture antibiotique est indispensable. trois fois par jour 3 jours avant l’intervention, puis trois fois par
Celle-ci est débutée 3 jours avant, ou 48 heures avant, ou 1 heure jour pendant 4 jours et deux fois par jour pendant 10 jours.
avant l’intervention, et est prolongée entre 4 et 15 jours dans la Après une anesthésie locale sans adrénaline, l’extraction est
littérature [9] . la moins traumatique possible. L’os alvéolaire est abaissé et ses
Le schéma utilisé dans notre institution est le suivant, sachant bords arrondis. Du PRF est placé dans les plaies d’extraction, et
que ne sont extraites que les dents infectées : la suture est la plus étanche possible. Des bains de bouche à la
• risque faible : amoxicilline 875 mg/acide clavulanique 125 mg, CHX sont préconisés jusqu’à fermeture complète de la muqueuse.
deux comprimés 1 heure avant l’intervention, suivis de deux Les extractions sont réalisées par quadrant et le quadrant suivant
fois un comprimé par jour pendant 9 jours ; traité quand le site précédent est fermé. Le suivi est réalisé à 1
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22-043-D-10 Ostéochimionécroses des mâchoires
semaine, 2 semaines, 1 mois, 3 mois et 6 mois. Toute exposition cas difficile de juger de l’efficacité de la chirurgie par rapport à
osseuse postextraction est traitée. l’antibiothérapie ;
Concernant les implants, on distingue les implants présents lors • globalement, le pronostic est meilleur chez les patients ayant
de la mise en route des ARO et les implants placés chez des patients reçu de faibles dose d’ARO et qui sont traités par chirurgie inva-
prenant ou ayant pris des ARO. On distingue deux types d’OCNM : sive [64] ;
celles liées à la présence des implants et celles liées à la mise en • on note une prévalence plus importante de la cicatrisation chez
place des implants [86] . les patients qui ont interrompu leur traitement par ARO [12] .
L’ostéo-intégration semble être correcte chez les patients ostéo- En réalité, il n’y a pas de consensus pour le traitement en géné-
porotiques traités par BP oraux pendant moins de 3 ans et sans ral, et pour le traitement par stade encore moins.
comorbidités. Le problème pourrait se poser lors de la poursuite du Aucune étude prospective randomisée ne compare l’attitude
traitement avec un risque augmenté de péri-implantite. Le suivi conservatrice et l’attitude chirurgicale dans l’OCNM [65] . La litté-
doit être rigoureux (tous les 3 mois). rature montre une grande hétérogénéité dans le design des études
Les patients ostéoporotiques traités par BP oraux pen- et dans les protocoles. La plupart des traitements sont plus des
dant moins de 3 ans avec comorbidités ou traités par BP consensus que des traitements evidence-based. De plus, il faut tenir
intraveineux annuels présenteraient un risque d’altération de compte de la lourdeur de certains traitements chirurgicaux, de la
l’ostéo-intégration, ainsi qu’un risque d’OCNM lié à la présence morbidité associée et du coût.
des implants lors de la poursuite du traitement par ARO. La sagesse Un bilan dentaire avant d’administrer ces traitements per-
voudrait que l’on trouve une solution prothétique adaptée sans mettrait d’éliminer les foyers infectieux et de sensibiliser à une
implants. Même si les OCNM restent rares dans cette catégorie bonne hygiène buccodentaire, comme c’est le cas avant une radio-
de patients, l’inconfort associé à l’OCNM est majeur. Nous sui- thérapie. Malheureusement, ce bilan dentaire n’est pas encore
vons dans le service plusieurs patients avec des OCNM au niveau systématique.
d’implants, placés majoritairement avant le début des ARO. Six Un document pourrait être remis au patient afin de le sensi-
patients (4 femmes, 2 hommes) ont perdu 14 implants dont 11 biliser aux symptômes d’une OCNM et à des contrôles dentaires
chez les trois patients traités pour une ostéoporose. réguliers (Annexe A).
La mise en place d’implants est contre-indiquée lors de la prise
d’ARO à visée oncologique.
La gestion du dénosumab pris isolément dans le traitement de
l’ostéoporose, sans avoir pris de BP, semble plus facile. En cas
d’extraction ou de mise en place d’implant, il est conseillé de
réaliser ces interventions au minimum 4 mois voire 6 mois après
“ Points essentiels
l’injection et de ne reprendre le dénosumab qu’à la guérison totale
du site. La surveillance des implants doit être régulière (tous les • De multiples molécules agissant sur le métabolisme
3 mois). Il faut prêter attention au fait que le dénosumab est sou- osseux et la vascularisation peuvent être responsables
vent administré après des années de BP oraux ou intraveineux, et d’OCNM, les bisphosphonates, le dénosumab et les
que les mesures décrites plus haut sont alors d’application. agents antiangiogéniques étant les plus souvent impli-
qués.
• La chirurgie alvéolodentaire est le facteur déclenchant
Conclusion d’OCNM dans la plupart des cas, mais une infection locale
sans extraction peut être responsable d’OCNM.
• Une attitude thérapeutique conservatrice est préconisée
De nombreuses molécules peuvent actuellement être respon-
sables d’OCNM, et celles le plus souvent impliquées sont les dans les petits stades, alors que la chirurgie est réservée aux
BP et le dénosumab. Plusieurs mécanismes sont impliqués, stades plus importants, sans qu’il n’y ait de réel consensus.
comme l’altération du métabolisme osseux et des tissus mous, de • La prévention dentaire permet de réduire le risque
l’angiogenèse, des phénomènes inflammatoires et infectieux, des d’OCNM de manière importante.
modifications de l’immunité, des altérations génétiques.
Une fois l’OCNM établie, de multiples possibilités thérapeu-
tiques sont décrites dans la littérature. Une attitude médicale non
invasive est préconisée pour les stades 0, 1 et 2. La chirurgie
s’adresse aux patients de stade 3 ou aux patients réfractaires au Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
traitement médicamenteux. L’interruption du traitement causal d’intérêts en relation avec cet article.
pourrait être préconisée (Fig. 4) :
• les différentes études semblent s’accorder sur le fait que le
traitement conservateur donne de bons résultats aux stades pré-
coces [4, 69, 75] . Pour Ramaglia et al. [12] , l’attitude conservatrice
Annexe A. Information
donne de bons résultats aux stades précoces (100 % au stade 0 ; aux patients
81–97 % au stade 1 ; 63,6–100 % au stade 2) et de moins bons
résultats au stade 3 (73 %) ; Qu’est-ce qu’une ostéochimionécrose
• la durée de ce traitement conservateur est mal définie avant de des mâchoires (OCNM) ?
passer à un traitement plus invasif : 2 semaines pour certains,
8 semaines pour d’autres, ou jusqu’à stabilité ou guérison des L’ostéochimionécrose des mâchoires est une maladie chronique
lésions pour d’autres [52] ; qui touche l’os des mâchoires et résulte de la mort des cellules
• les stades 2 et 3 nécessitent une évaluation correcte avant prise osseuses responsables du remodelage osseux : les ostéoclastes.
en charge, et le traitement est proposé au cas par cas [12] . À des Cette nécrose de l’os est causée principalement par l’usage d’ARO
stades plus élevés, l’attitude conservatrice donne des résultats (dont les BP et le dénosumab). Ces molécules sont utilisées dans
très hétérogènes. La chirurgie est préférée pour les stades 3 ; le traitement de l’ostéoporose, la maladie de Paget, le myélome
• le type d’antibiotiques (amoxicilline, amoxiciline/acide cla- multiple ou encore les métastases osseuses dans les cancers avan-
vulanique, clindamycine, métronidazole, doxycycline), leur cés. Récemment, d’autres molécules ont été incriminées dans
dosage et leur durée de prise sont variables dans la littérature ; l’ostéochimionécrose telles que les AAA et certains immunomo-
• le type de bain de bouche varie (CHX, eau oxygénée, poli- dulateurs, utilisés dans le traitement du cancer et de maladies
vidone), la CHX en alternance avec l’eau oxygénée étant rhumatismales.
préférées ; Le risque de développer une ostéochimionécrose est dix fois
• la chirurgie, quel que soit le stade, se fait toujours sous couver- plus élevé chez les patients traités pour un cancer que pour les
ture antibiotique et usage d’antiseptiques locaux. Il est dans ce patients traités pour une ostéoporose. Ce risque augmente avec la
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dose, la durée du traitement et la voie d’administration (intravei- Un suivi dentaire précautionneux est recommandé tous les 3 à
neuse ou orale). 6 mois chez le dentiste traitant dans le but de traiter des caries
débutantes, de prévenir et de détecter précocement des lésions
d’ostéochimionécrose :
Comment se manifeste • tout geste dentaire à risque de bactériémie et/ou d’exposition de
une ostéochimionécrose ? l’os (restauration d’une carie profonde, dévitalisation et détar-
trage) nécessite une couverture antibiotique 1 heure avant le
Le diagnostic de l’ostéochimionécrose repose sur un examen cli-
geste dentaire ;
nique et dentaire approfondi. Les examens radiologiques comme
• une extraction dentaire n’est recommandée qu’après échec
une radiographie panoramique et un scanner CBCT sont des exa-
de tous les traitements dentaires (dévitalisation, obturation
mens complémentaires utiles pour le diagnostic et le suivi de la
ou overdenture des racines dentaires résiduelles). L’extraction
maladie :
doit être réalisée sous couverture antibiotique avant et après
• l’ostéochimionécrose se manifeste cliniquement le plus sou-
l’intervention, associée à des bains de bouche antiseptiques. La
vent par une exposition de l’os en bouche, et peut dans un
technique chirurgicale est la moins traumatique possible, et une
premier temps être tout à fait asymptomatique ;
suture étanche du site d’extraction est réalisée ;
• la douleur et le mauvais goût en bouche (sensation désa-
• les chirurgies parodontales (surfaçages) ne sont recommandées
gréable d’œuf pourri) sont souvent les symptômes qui incitent
que dans un but d’assainissement des gencives, sous couver-
le patient à consulter, et signalent le début d’une surinfection ;
ture antibiotique avant et après le geste chirurgical et bains de
• l’ostéochimionécrose peut cependant être plus insidieuse et se
bouche antiseptiques ;
comporter comme une infection dentaire latente, non doulou-
• lorsqu’une extraction dentaire ou une chirurgie parodontale
reuse, avec une fistule chronique au niveau de la gencive ou de
est réalisée, un suivi chez le praticien est recommandé après
la peau, qui ne guérit pas malgré des traitements médicamen-
1 semaine, 2 semaines, 1 mois, 2 mois, 3 mois et puis 6 mois
teux et dentaires bien conduits ;
pendant 2 ans afin d’intercepter une éventuelle ostéochimio-
• la manifestation de ces signes cliniques depuis plus de 8
nécrose ;
semaines est admise pour parler d’ostéochimionécrose des
• les résections apicales de granulomes dentaires, les chirurgies
mâchoires.
implantaires et pré-implantaires ne sont pas recommandées
Ces symptômes doivent vous inviter à consulter rapidement.
chez ces patients, car elles risquent d’induire une ostéochimio-
nécrose ;
Quelles en sont les causes ? • l’antibiotique de choix en prévention d’une chirurgie est
l’amoxicilline–clavulanate ; l’antiseptique local utilisé est la
Le mécanisme exact de l’ostéochimionécrose est encore chlorehexidine à 0,2 % en bain de bouche. En cas d’allergie
méconnu, même si certains facteurs favorisants sont incrimi- à la pénicilline, l’antibiotique choisi est la clindamycine.
nés tels que la consommation de tabac, d’alcool, une mauvaise Il importe de toujours prévenir votre dentiste lorsque vous êtes
hygiène buccodentaire, la prise de corticoïdes et des comorbidités traité pour une ostéoporose ou un cancer.
comme le diabète et le cancer.
Habituellement, l’ostéochimionécrose est déclenchée par un
« traumatisme » au niveau des gencives. Il s’agit de gestes chirur- Existe-t-il un traitement
gicaux dentaires dit « alvéolodentaires », tels que les extractions, de l’ostéochimionécrose ?
les chirurgies parodontales (résections apicales, surfaçages), des
chirurgies pré-implantaires et implantaires, ou encore le port Une amélioration des conditions d’hygiène buccodentaire
de prothèses mal adaptées occasionnant des blessures de la en combinaison avec des antibiotiques oraux (amoxicilline–
muqueuse orale. clavulanate ou clindamycine), associés à des bains de bouche
La majeure partie des ostéochimionécroses surviennent après antiseptiques (CHX en alternance avec de l’eau oxygénée), peut
une chirurgie dentoalvéolaire, mais dans un tiers des cas il n’existe améliorer l’ostéochimionécrose particulièrement lorsqu’elle est
pas de facteur de risque et elles sont qualifiées de « spontanées ». « symptomatique », c’est-à-dire douloureuse et surinfectée.
Passé le stade précoce où il est possible d’intercepter la mala-
die, l’ostéochimionécrose a tendance à se « séquestrer », comme
si l’organisme essayait d’expulser naturellement l’os nécrosé.
Lorsque ce stade est atteint, il est possible, sous anesthésie locale,
“ Point fort d’aller rechercher ce séquestre osseux. Dans un stade plus avancé
avec des fistules cutanées, des ostéochimionécroses étendues,
voire associées à des fractures osseuses, il est parfois nécessaire
La prise d’antirésorbeurs osseux, d’immunomodulateurs de retirer une partie de la mâchoire sous anesthésie générale, avec
ou d’agents antiangiogéniques combinée avec une chirur- des techniques de couverture par des lambeaux. Ce stade de gra-
gie alvéolodentaire et/ou une prothèse mal adaptée et/ou vité est rare mais malheureusement très difficile à traiter, surtout
des facteurs favorisants (mauvaise hygiène buccodentaire, s’il n’a pas été intercepté antérieurement.
tabac, alcool, corticoïdes, diabète, cancer) peuvent être
responsables d’une ostéochimionécrose des mâchoires.
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22-043-D-10 Ostéochimionécroses des mâchoires
A. Arnal Étienne.
M. Debieve.
J. de Roissart.
M. Magremanne (magremanne.michele@gmail.com).
Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles,
Belgique.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Arnal Étienne A, Debieve M, de Roissart J, Magremanne M. Ostéochimionécroses des mâchoires.
EMC - Chirurgie orale et maxillo-faciale 2021;34(3):1-18 [Article 22-043-D-10].
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