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Plan • prévenir les caries, par une meilleure éviction de la plaque den-
taire et une éducation associée au traitement orthodontique
■ Pourquoi l’orthodontie ? 1 (Fig. 1) [1] ;
• prévenir des parodontopathies causées par le rapprochement
■ Décisions et acquisition des informations 1 radiculaire ;
■ Complications de traitement et décision thérapeutique 2 • prévenir le trauma des dents antérieures ;
■ Décisions partagées, décisions imposées 4 • prévenir des dysfonctions asymétriques lors de la mastication ;
■
• prévenir certains défauts de l’articulation de la parole ;
Choix du clavier thérapeutique 4
• traiter ou prévenir les troubles respiratoires obstructifs du som-
■ Modélisation des prises de décision orthodontiques 4 meil d’une réduction du calibre oropharyngé.
Confusion des objectifs 4 Mais aussi de :
Schémas d’école comme choix thérapeutique ? 5 • retrouver une occlusion pleinement fonctionnelle ;
Systèmes experts informatisés 5 • améliorer l’esthétique dentofaciale avec une revalorisation de
■ Conclusion 6 l’image de soi ;
• traiter certaines parodontopathies d’origine morphologique
(rapprochement radiculaire) ;
• améliorer des troubles de l’articulation temporomandibulaire
(particulièrement chez les hyperdivergents ou avec les articulés
latéraux inversés) ;
• optimiser des prothèses ou implants par déplacement des
piliers ;
Pourquoi l’orthodontie ? • préparer les arcades en vue d’ostéotomies ;
• déplacer par glissement des dents saines dans des espaces éden-
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), définit la théra- tés, (agénésie, dents défectueuse ou absente) ;
peutique non comme exclusivement la guérison des pathologies, • trouver une alternative aux cassures du bord incisif par égres-
mais comme « une diminution des handicaps, une accession vers sion, etc.
un état de bien-être, une augmentation des chances de durabi-
lité fonctionnelle et tissulaire en permettant l’adaptation à toutes
les modifications futures ». Ainsi, la santé n’est plus considérée
comme une non-maladie mais comme un état de plénitude phy-
Décisions et acquisition
siologique et psychologique ; un « silence du corps et de l’esprit », des informations
fruits d’une prévention perspicace ou d’une thérapeutique effi-
cace. Selon l’article R.4127-214 du Code de déontologie, « le
Rapporté à l’orthodontie, rappelons que la discipline a pour chirurgien-dentiste a le devoir d’entretenir et de perfectionner ses
objet de : connaissances ».
6,40
4,60
55
23
93 58 64
Figure 2. Clichés rétroalvéolaires montrant plusieurs résorptions api-
cales suite à une fermeture d’espaces avec une simple chaînette
59
élastomérique.
30 46 -5
14 4
135
23 2
24
56
• commençant par traiter les dents subissant des mouvements les pendulum, etc. Ces appareils ont pour effet de déplacer les pre-
plus susceptibles de récidiver ; mières molaires, maintenir des espaces ou guider l’éruption.
• stabilisant les résultats par une contention fiable ; Avec des prolongements antérieurs, ils ont une action sur
• se méfiant des dents ancrées dans un cortex plus mince [17] ; l’ensemble de l’arcade, qu’elle soit ou non complétée de multi-
• s’abstenant de traiter orthodontiquement certaines microdon- attaches ;
ties. • le second, axé sur la rééducation des dysfonctions musculaires
Mais la clé de la stabilité reste l’obtention d’un articulé équilibré linguolabiales, a connu une grande popularité avec Rogers et
en relation centrée et la suppression des dysfonctions linguales. son exerciseur, Hotz, Hinz, Fellus, les lip bumper, les perles de
Or, ces deux objectifs dépendent d’éléments difficilement contrô- Tucat, les enveloppes de Bonnet, les activateurs de Fränkel ou de
lables par l’orthodontiste : aléas de coopération, aléas de réponses Bimler. À ces méthodes de rééducation par appareillage les prati-
neuromusculaires, aléas techniques, etc. (Fig. 4). ciens peuvent associer des rééducations, voire des interventions
chirurgicales oto-rhino-laryngologiques ;
• un troisième pôle concerne des dispositifs capables de modi-
Décisions partagées, décisions fier la croissance faciale et l’activité musculaire du système
manducateur. Il s’agit d’activateurs d’avancement mandibu-
imposées laire comme les appareils de Häupl, Robin, Herbst Andresen,
Harvold, Karwetzky, Schwartz, Herren, Stockfich, Teucher, Ahl-
L’article L. 1111-4 du Code de santé publique précise que « toute gren, Bass, Van Beek, Lautrou, etc. Leur effet thérapeutique a
personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des fait l’objet de centaines d’études. Mais ces résultats sont encore
informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions contestés. Les pistes de Planas peuvent être placées dans cette
concernant sa santé ». catégorie, puisqu’elles ont aussi pour objectif le guidage de
Comme toutes les disciplines de santé, l’acte orthodontique l’éruption, la propulsion et l’équilibration de la fonction. Le
doit avoir un sens pour le patient et une finalité pour le prati- traitement des insuffisances transversales par disjonction de
cien. Mais, dès le début de son exercice, chaque orthodontiste la suture médiopalatine est pratiqué depuis le XIXe siècle. La
est surpris par les conséquences néfastes d’une mauvaise coopéra- traction maxillaire postéroantérieure, pour la correction des
tion. Il comprend vite que la moindre défaillance ou, la moindre classes III, a trouvé une actualité, grâce à Delaire, et a pris le
opposition de la part de ses patients peut réduire à néant tous relais des frondes mentonnières. Outre leur intérêt majeur pour
ses efforts. Pire encore, l’abandon d’un traitement peut avoir des l’obtention d’une occlusion fonctionnelle, des études récentes
répercussions catastrophiques pour l’occlusion, l’état parodontal, indiquent le rôle important de ces trois types d’appareils dans
les caries [18] . L’absentéisme, un portage médiocre des appareils ou l’amélioration de la ventilation et la prévention de pathologies
une hygiène déplorable peuvent transformer ces thérapeutiques respiratoires ;
en actes iatrogènes. Ces difficultés ont pour origine autant la per- • un quatrième pôle concerne les appareillages multiattaches
sonnalité des patients et leur entourage que le type d’appareil. fixes. Depuis le premier ribon arch d’Angle, en 1915, en pas-
Une mauvaise motivation, une relation conflictuelle peut avoir sant par le système edgewise de Tweed, en 1940, l’orthodontie
des conséquences sur la bonne conduite du traitement, donc des fixe a bénéficié d’une évolution technologique considérable,
résultats [19] . tant dans la fabrication des brackets que du fil. La diffusion de
Selon l’article 35, 1 du Code de santé publique, « le médecin matériel préinformé a grandement collaboré à la popularisa-
doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, tion de ces techniques [21, 22] . Plus récemment, les mini-implants
une information loyale, claire et appropriée sur son état, les inves- apportent des solutions jusque-là difficiles à trouver avec les
tigations et les soins qu’il lui propose ». moyens traditionnels ;
Pour autant, l’information individualisée pour chaque patient, • une cinquième concerne les gouttières souples (Soulet-
est aussi une obligation inscrite dans la loi. Si des compromis Besombes, positionneurs ou élastopositionneur, Fluxus® , etc.)
sont possibles, chaque alternative doit être débattue en fonction ou rigides Invisalign® [23–25] ou gouttières thermoformées avec
des risques associés prévisibles. Mais il ne faut pas oublier que, accessoires [26] ; sans compter sur la participation de la chirurgie
juridiquement, la responsabilité de ce choix incombe totalement orthognatique ou les distractions (Fig. 5).
au professionnel. C’est pour cette raison, que chaque décision
négociée prise par le praticien ne doit pas s’écarter des « bonnes
pratiques » consensuelles du moment.
Et si des spécialistes de la communication proposent quelques
« trucs » utiles pour faciliter la relation praticien-patient, ils ne
représentent que de petites béquilles face à l’immense complexité Modélisation des prises
humaine.
« La rencontre patient-praticien est aussi la rencontre de deux
de décision orthodontiques
subjectivités, ce qui peut aussi signifier de deux cultures, deux
morales, deux partis pris, deux frustrations. » [20]
Confusion des objectifs
Par essence, l’orthodontie établie une occlusion équilibrée
capable de résister aux agressions du temps. Mais comment établir
Choix du clavier thérapeutique cette occlusion ? Quels critères choisir ? Quelques recomman-
dations fondées sur la preuve scientifique peuvent mettre les
Selon sa formation, son mode d’exercice ou ses convictions, praticiens sur la voie. Sachant qu’un nombre de questions restent
chaque praticien doit choisir un type de moyens matériels et encore ouvertes à la controverse, comment choisir ses objectifs ?
immatériels parmi d’innombrables sollicitations. Selon leur effi- Quelle occlusion choisir [27] ? Quel compromis décider ? Quelle
cacité, leur sécurité, leur coût ou leur confort, il choisit un clavier alternative proposer ?
thérapeutique qu’il pense le mieux adapté à son exercice, sa per- Si, sur le plan esthétique, le praticien peut toujours se réfé-
sonnalité, ses convictions. rer à des normes biométriques, celles-ci ne correspondent pas
En survolant l’histoire de l’orthodontie, on peut considérer, mécaniquement à l’attente des patients, la normalité et la vérité
abruptement, que si le XIXe siècle fut celui des inventions, le psychoesthétique n’appartenant pas au même champ conceptuel ;
XXe siècle fut celui de la formalisation et l’industrialisation des « vultus est index animi ».
matériels. Beaucoup de dispositifs présentés comme innovants Et si le motif des consultations orthodontiques est avant tout
aujourd’hui ont pour principe des modèles bien plus antérieurs. esthétique, il est de l’obligation du praticien d’informer son
Ces modèles peuvent être regroupés en cinq pôles bien diffé- patient que le changement de position des dents n’est pas le seul
renciés : critère responsable de la beauté dentofaciale. Quid de la forme
• le premier, appellé bibague, ou labiolingual arch, est représenté des couronnes ? Quid de leur couleur ? Quid de la texture des
par les dispositifs de Mershon, Theuveny, Quadhelix® , Nance, téguments ?, etc.
Figure 5. Exemple de clavier thérapeutique personnel attribuant une fonction spécifique pour chaque appareil. Ce choix empirique a été guidé par la
simplicité de fabrication, la facilité de pose et de dépose, mais aussi par la solidité, le coût et le confort des patients. Le clavier est composé de trois dispositifs
orthopédiques (disjoncteur, propulseur mandibulaire, protracteur maxillaire), un ensemble d’appareils multiattaches, quatre appareils auxiliaires (arc extraoral,
élastiques, vérins, crochets), un positionneur, une gouttière de finition et de contention.
OJ
Récidive (%)
20 % Cl I OJ
Cl I
OJ
10 %
OJ
Cl I
Cl I
Cl I
0%
8 9 10 11 12 13
Âge (ans)
Schémas d’école comme choix pic de croissance, les traitements précoces sont réservés à des cas
particuliers [31] , etc.
thérapeutique ? Une fois ces connaissances acquises, il est tout à fait possible
Faire coïncider des résultats avec quelques valeurs moyennes d’établir des arbres de décision, à la suite de Vig et al. [32, 33] .
établies sans nécessairement une grande rigueur scientifique a
été longtemps assimilé à un idéal thérapeutique. De l’idéal au Systèmes experts informatisés
dogme, il n’y avait qu’un pas à franchir. Des « philosophies »
ont formalisé choix et décisions diagnostiques et thérapeutiques, Depuis 1969, un service d’aide la décision, appelé Rocky
en tenant compte le moins possible du contexte et de chaque Mountain Orthodontics Data Services® , ou encore un logiciel,
individualisme. Mais au cours des dernières décennies, un grand JOE-CEPH® , ont été développés. À partir de clichés latéraux, fron-
nombre de praticiens ont préféré les stratégies séquentielles, en taux et d’un occlusogramme, ce service propose l’analyse, puis
proposant pour chaque cas différents moyens puisés dans diffé- une projection dans le temps en fonction de la croissance et de
rentes logiques. Sans augmenter la durée globale de traitement [28] , la thérapeutique. Ce service est aussi disponible en ligne. Des
ces méthodes ouvrent le champ aux alternatives et à la prise en offres équivalentes sont disponibles comme Dolphine imaging,
compte des individualités (Fig. 6). Facad® , CephSmile V2.0, etc. En France, Charron [34] a proposé un
Dans ce schéma, la maîtrise de l’enchaînement des séquences programme d’aide au diagnostic et au choix thérapeutique infor-
devient la clé d’un traitement orthodontique efficace. S’il est su matisé ; selon lui, « désormais, des méthodes scientifiques existent
que le passage propulsion-multibagues entraîne une petite réci- qui permettent une décision moins subjective. Elles relèvent de la
dive de l’acquis du propulseur [29] , il est judicieux de choisir un statistique et de l’informatique médicale ».
autre type de dispositif en sortie de propulsion. S’il a été appris Plus récemment, le laboratoire TMC/IMAG de Grenoble a
qu’avant le pic de croissance la disjonction-distraction maxillaire développé un simulateur de chirurgie orthognatique 3D. Des pro-
est moins traumatique pour la suture [30] , l’avancée orthopédique grammes appelés « réseau de neurones » font aujourd’hui fonction
du maxillaire est plus efficace. De même, si la propulsion mandi- de systèmes experts [35] . Xie et al. [36] ont validé ce procédé, qui
bulaire est moins récidivante lorsqu’elle est effectuée autour du répond à 80 % des décisions possibles.
Si les limites de ces techniques ne tiennent compte ni de [13] Linge L, Linge BO. Patient caracteristics and treatment variables associa-
la coopération de l’enfant, ni du praticien, ces outils peuvent ted with apical root resorption during orthodontic treatment. Am J Orthod
néanmoins jouer un rôle important dans la communication Dentofacial Orthop 1991;99:35–43.
praticien-patient, dans la constitution de preuve médicolégale ou [14] He SS, Deng X, Wamalwa P, Chen S. Correlation between centric rela-
tion maximum interscupidation discepancy and temporomandibular joint
dans la présentation de solutions inattendues : « l’incertain n’est dysfunction. Acta Odontol Scand 2010;68:368–76.
pas l’aléatoire, et c’est pour cela que nous pouvons y injecter des [15] Ruf S, Pancherz H. Fixed functional appliance treatment and a vascular
stratégies et les optimiser » [20] . necrosis. Am J Orthod Dentofacial Orthop 2004;126:20A–1A.
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Conclusion 1985.
[17] Rothe LE, Bollen AM, Little RM, Herring SW, Chaison JB, Chen CS, et al.
Trabecular and cortical bone as risk factors for orthodontic relapse. Am J
Un taux toujours plus important de réclamations, de la part des Orthod Dentofacial Orthop 2006;130:476–84.
patients, se porte sur les conséquences d’erreurs de choix théra- [18] Amoric M. Abandonment: another form of orthodontic failure. A criti-
peutiques. Il faut désormais admettre que chaque défaillance de cal study of the abandonment index in optimizing orthodontic treatment.
jugement, de raisonnement ou de stratégie peut entraîner une Orthod Fr 1985;56:481–90.
insatisfaction des patients, outre la qualité de la finition ou la sta- [19] Amoric M, Choukroun MG. Traiter avec ou sans coopération. Orthod Fr
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contraint aujourd’hui de s’interroger, s’informer, réfléchir et se
Calmann-Lévy; 1980.
convaincre des meilleures décisions de traitement possibles pour [21] Chen SS, Greenlee GM, Kim JE, Smith CL, Huang GJ. Systema-
chaque patient qu’il doit traiter. tic review of self-ligating brackets. Am J Orthod Dentofacial Orthop
« L’excellence est un art que l’on n’atteint que par l’exercice 2010;137:726.e1–726.e18; discussion 726–7.
constant. Nous sommes ce que nous faisons de manière répé- [22] Fleming PS, DiBiase AT, Lee RT. Randomized clinical trial of orthodontic
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M. Amoric, Docteur ès sciences odontologiques, docteur en sciences économiques, DESS d’économie de la santé, CES d’économie médicale, ex-expert
judiciaire près la Cour d’appel de Paris, vice-président au Conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Paris, expert inscrit sur la liste nationale de l’Office
national des indemnisations des accidents médicaux (michel.amoric@wanadoo.fr).
149, rue de Rennes, 75006 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Amoric M. Décisions et choix thérapeutiques en orthodontie. EMC - Médecine buccale 2012;7(4):1-6
[Article 28-610-K-10].
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