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Orthod Fr 2014;85:93–125 Disponible en ligne sur : Rapport


c EDP Sciences, SFODF, 2014 www.orthodfr.org
DOI: 10.1051/orthodfr/2014002
Article original

Finitions, stabilité et harmonie


Lucile FOURQUET, Magalie GÖTTLE, Guy BOUNOURE*
2 avenue Gambetta, 81000 Albi, France

MOTS CLÉS : RÉSUMÉ – La phase de finition, dernière étape du traitement orthodontique actif,
Finition / permet de parfaire l’occlusion, en respectant les critères définis par les différents
Stabilité / auteurs et d’améliorer le résultat esthétique, jusqu’à atteindre les objectifs préalable-
Harmonie / ment fixés. La pérennité des résultats de fin de traitement ne peut être assurée sans
Esthétique une analyse initiale et personnalisée des facteurs de risque de récidive propres à
chaque patient. C’est à partir de cette étude que l’orthodontiste va pouvoir chercher
à répondre aux critères de stabilité communs à tout traitement, et choisir individuelle-
ment quels procédés stabilisants employer. La recherche de cette stabilité permettra
aux patients orthodontiques d’accéder à une harmonie durable. Ce cheminement
est le processus inévitable pour lui garantir un équilibre et une harmonie. Huit types
d’harmonies, souvent déjà décrits dans la littérature, sont ici exposés et analysés.

KEYWORDS: ABSTRACT – Finishing and detailing, stability and harmony. The finishing and
Finishing and detailing / detailing phase, the last stage of active orthodontic treatment, makes it possible to
Stability / perfect the occlusion, by adhering to criteria defined by various authors and to im-
Harmony / prove the esthetic result, while achieving the treatment objectives made during the
Esthetics pre-planning phase. The reliability of end of treatment results cannot be ensured
without an initial individualized analysis of the risk factors for relapse specific to each
patient. It is only after this analysis, that the orthodontist will be able to determine
how to comply with these criteria for stability, common in any treatment, and to indi-
vidually choose and implement reliable procedures. When planning for stability as the
treatment objective, orthodontic patients are able to achieve stable alignment. This
course of action is the necessary process to help ensure equilibrium and alignment.
Eight different methods of alignment, already frequently discussed in the literature,
will be described and analyzed in this paper.

« Tout ce qui est beau est difficile autant que critères qui varient en fonction des auteurs et des
rare. » Spinoza écoles de pensée. Le respect de ces critères garantirait
une meilleure stabilité dans le temps et des résultats
plus esthétiques. Toutefois, aussi parfaite que soit
1. Introduction
l’occlusion obtenue, elle ne peut, à elle seule, suf-
Les traitements orthodontiques ont pour but la fire pour assurer cette stabilité. C’est ce qui a poussé
correction des malocclusions, l’amélioration de l’es- certains auteurs, à l’instar de Ricketts et de ses « har-
thétique et la rééducation des dysfonctions. Une fois monies », à définir d’autres facteurs, en plus des cri-
ces objectifs atteints, commence alors la dernière tères d’occlusion, et à considérer l’individu dans son
phase du traitement actif, la finition orthodontique. intégralité.
Elle est « destinée à parfaire les corrections obte-
nues » [34]. La définition de l’occlusion « idéale », 2. Les finitions orthodontiques
l’objectif visé par les praticiens, repose sur plusieurs
Une fois les décalages importants corrigés, com-
* Auteurs pour correspondance : orthoalbi@wanadoo.fr mence la dernière phase du traitement actif, la

Article publié par EDP Sciences


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finition orthodontique. Elle est « destinée à parfaire mais est une occlusion thérapeutique transitoire, hy-
les corrections obtenues » [34]. Cette étape indispen- percorrection de la malocclusion initiale. Une fois
sable demeure cependant délicate, d’un point de vue le patient débagué, le traitement n’est pas entière-
thérapeutique (mécanique) et psychologique. Inter- ment parachevé, un réaménagement occlusal, sous
venant après plusieurs mois, voire plusieurs années influence du système neuro-musculaire et de l’anato-
de traitement, l’essoufflement de la coopération du mie dentaire, va intervenir. Ce phénomène est appelé
patient peut parfois se faire sentir lors de cette phase. « denture recovery ». Ce sont les facteurs environne-
Et ce, d’autant plus que ces résultats sont, aux yeux mentaux physiologiques, propres à chaque patient,
de nos patients, moins spectaculaires que ceux de la qui, en période post-thérapeutique, vont finaliser et
première phase d’alignement par exemple. stabiliser l’occlusion. Selon Tweed, si des rapports
Les finitions orthodontiques sont intimement occlusaux sont « juste » corrigés en fin de traitement,
liées au résultat esthétique final. Par conséquent, le praticien s’expose à la récidive [14].
la recherche des objectifs esthétiques initialement
fixés constitue un des buts de cette phase. Les cri-
tères de fin de traitement influencent également la 2.1.2.1. La zone postérieure
santé et/ou la fonction dentaire [35], articulaire et/ou
Les cuspides distales des premières molaires ainsi
musculaire.
que les secondes molaires sont placées légèrement en
sous-occlusion. Cet aménagement permet de focali-
2.1. Les principaux concepts de l’occlusion prônés ser les forces masticatoires sur la zone moyenne des
par les différentes écoles orthodontiques arcades et, dans un second temps, une « rééruption »
et leurs clés
des molaires dans une position fonctionnelle évitant
2.1.1. Définition de l’occlusion fonctionnelle toute prématurité traumatisante [14] (Fig. 1).
La détermination de l’occlusion fonctionnelle et
de ses « clés », c’est avant tout la définition de ce 2.1.2.2. La zone moyenne
qui est jugé « normal » et, par opposition, de ce qui
ne l’est pas, la malocclusion. Or, cette définition va- La cuspide vestibulaire de la deuxième prémo-
rie d’une école de pensée à une autre, en particulier laire supérieure est à l’aplomb du point de contact
lorsqu’on s’intéresse au secteur incisif. entre la première molaire et la deuxième prémolaire
Obtenir cette occlusion fonctionnelle, objectif de inférieure. L’importance de cette dent a été également
nos traitements, impose la réunion de plusieurs soulignée plus récemment, par différents auteurs, es-
conditions, une posture de repos équilibrée, une sentiellement du fait de son contact avec la première
matrice fonctionnelle neutralisée, une position des molaire mandibulaire [19] (Fig. 2).
condyles mandibulaires en relation centrée physiolo-
gique, une occlusion de classe I à « six clés » (en ré-
férence aux clés d’Andrews), un calage dentaire pos- 2.1.2.3. La zone antérieure
térieur et un guide antérieur efficace [22, 33].
Le surplomb et le recouvrement sont hyper-
Parmi les concepts occlusaux « classiques », un
corrigés, dans le cas de classe II, le guide inci-
des plus connus est sans conteste celui d’Angle. Ce
sif est minimal avec des rapports en bout-à-bout.
dernier a décrit trois classes en fonction des rap-
En post-thérapeutique, les rapports incisifs seront
ports entre la pointe cuspidienne mésio-vestibulaire
rapidement réajustés et récupèreront des valeurs
de la première molaire supérieure et le sillon mésio-
« idéales » [14]. Radiographiquement, l’incisive cen-
vestibulaire de la première molaire inférieure. Ce-
trale mandibulaire forme avec le plan mandibulaire
pendant, cette définition ne peut suffire, à elle seule,
un angle de 90◦ (±5◦ ). Cette valeur a été détermi-
à caractériser une occlusion idéale.
née par des études sur des populations blanches.
Les canines maxillaires ont une angulation légère-
2.1.2. Selon Tweed ment corono-mésiale et sont fermement en contact
La particularité de son concept est que l’occlusion avec les premières prémolaires mandibulaires pour
de fin de traitement n’est pas une occlusion idéale asseoir les rapports de classe I.
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 95

a b
Figure 1
Schémas représentant les rapports inter-arcades préconisés par Tweed en fin de traitement (a) et ceux obtenus après la phase de
"denture recovery " (b), pour Decker (Lejoyeux, Flageul, Une approche bioprogressive, éditions Quintessence International [19]).

totale » [24, 32]. Le patient est examiné dans sa glo-


balité, afin d’adapter la technique à l’équilibre, l’har-
monie du patient. Sur le plan mécanique, Ricketts
recommande la segmentation des arcades qui permet
une réelle individualisation des traitements.

2.1.3.1. Les critères intra-arcades


Dans le sens sagittal, Ricketts reconnaît les clés
d’Andrews, qui seront développées plus loin dans la
section 2.1.5.
Figure 2 Les critères intra-arcades mandibulaires sont :
Schéma représentant les rapports inter-arcades entre
la deuxième prémolaire et la première molaire maxil- – Un point de contact entre la cuspide disto-
laires avec la première molaire mandibulaire (Lejoyeux, vestibulaire de la première molaire et le tiers et
Flageul, Une approche bioprogressive, éditions Quintes-
sence International [19]).
les deux tiers de la face mésiale de la deuxième
molaire (disto-rotation de la première molaire).
– Une inclinaison linguale croissante de la partie
2.1.2.4. L’occlusion dynamique occlusale des faces vestibulaires des canines, des
La protection canine est recherchée lors des mou- prémolaires et des molaires.
vements de diduction. Cependant, l’usure physiolo- – Une verticalité de l’axe des premières molaires et
gique de ces dents peut progressivement aboutir à des prémolaires, qui sont donc perpendiculaires
une protection de groupe. au plan d’occlusion (la courbe de Spee ne se des-
sine qu’à partir de la deuxième molaire) [18].
2.1.3. Selon Ricketts – Une angulation corono-mésiale des canines
(Fig. 3).
Dans la deuxième moitié du 20e siècle,
– Un parallélisme entre les incisives qui sont,
Ricketts [18, 24, 30, 32] a développé son concept
comme les prémolaires, perpendiculaires au plan
de « technique bioprogressive », épaulé par ses
d’occlusion (Fig. 4).
collaborateurs Bench, Gugino, Hilgers, Schulhof,
– Une incisive inférieure plus vestibulée que pour
pour ne citer qu’eux [24]. Ricketts, lui-même, dit
Tweed.
de sa technique qu’elle « n’est pas une technique
orthodontique, mais ce qui est plus important, Un facteur antérieur important pour la stabilité selon
elle sous-entend une philosophie orthodontique Ricketts est la localisation du point de contact entre
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Figure 3
Schéma (a) et photographie (b) représentant les orientations coronomésiales des dents maxillaires et mandibulaires (Lejoyeux,
L’arc droit bioprogressif, éditions Quintessence International [18]).

Figure 4 Figure 5
Schéma représentant l’angulation coronomésiale des dents Schéma représentant l’angulation corono-mésiale des dents
antérieures mandibulaires et les points de contact entre in- antérieures maxillaires (Lejoyeux, L’arc droit bioprogressif,
cisive latérale et canine (Lejoyeux, L’arc droit bioprogressif, éditions Quintessence International [18]).
éditions Quintessence International [18]).

les incisives latérales et les canines : il doit être plus


lingual pour les incisives et plus vestibulaire pour les
canines (Fig. 4). D’un point de vue radiographique,
l’incisive centrale mandibulaire doit avoir son bord
libre situé 1 mm au dessus du plan d’occlusion et
1 mm ± 3 mm en avant de l’axe de la denture A-
Pog [20].
Les critères intra-arcades maxillaires, en vue sa-
gittale, sont [18] : Figure 6
Photographie représentant les rotations disto-palatines des
– Une orientation coronomésiale des premières et molaires et les rotations mésiopalatines des premières pré-
deuxièmes molaires (Fig. 3) et une position éva- molaires (Lejoyeux, L’arc droit bioprogressif, éditions Quin-
luée par la distance au plan ptérygoïdien vertical tessence International [18]).
(PTV) pondérée par l’âge du patient.
– Une position légèrement au dessus du plan d’oc- En vue frontale, les incisives présentent une légère
clusion des deuxièmes molaires maxillaires pour convergence de leur axe vers le bas. Cette angulation
éviter les interférences en latéralité. est plus marquée pour les incisives latérales (de 8
– Une inclinaison verticale ou légèrement radiculo- à 10◦ ) que pour celles centrales (3 à 5◦ ) [18] (Fig. 5).
distale des premières prémolaires qui sont égale- Les canines ont une orientation vestibulaire. Comme
ment perpendiculaires au plan d’occlusion. leurs homologues mandibulaires, le point de contact
– Une inclinaison corono-mésiale des canines. entre incisive latérale et canine doit être plus lingual
– Un parallélisme entre les incisives centrales supé- pour l’incisive et plus vestibulaire pour la canine.
rieures et l’axe facial, ce qui est un critère majeur. En vue occlusale, les premières molaires sont
– Une variation de l’orientation sagittale des dents en légère rotation disto-palatine (environ 15◦ ) telle
antérieures en fonction de la typologie faciale que la droite reliant les cuspides disto-vestibulaire et
(augmentation du torque pour les brachyfaciaux mésio-palatine coupe la partie distale de la canine
par rapport aux dolichofaciaux). controlatérale [18] (Fig. 6).
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 97

2.1.3.2. Les critères inter-arcades

Pour Ricketts, idéalement, la position d’inter-


cuspidie maximale correspond à la position de
relation centrée. Les rapports interarcades sont
de type « cuspide-embrasure ». Les critères inter-
arcades [18, 24] sont :

– Un contact entre le pan distal de la première mo-


Figure 7
laire maxillaire et la cuspide mésio-vestibulaire
Schéma représentant l’axe charnière, défini par Slavicek
de la deuxième molaire mandibulaire (première (d’après Slavicek et Mack [38]).
clé d’Andrews).
– Un contact entre le versant distal de la cuspide 2.1.4. Selon Slavicek
vestibulaire de la deuxième prémolaire maxillaire Selon cet auteur [24, 38], compte tenu de la mor-
et le versant mésial de la cuspide mésiovestibu- phologie dentaire, l’obtention d’une fonction occlu-
laire de la première molaire inférieure : pour as- sale optimale n’est possible que par des rapports
surer ce contact, la première molaire maxillaire inter-arcades de classe I d’Angle, avec une occlusion
doit être en position un peu plus reculée que engrénante d’une dent avec deux antagonistes (à l’ex-
pour Angle (Fig. 2). clusion des troisièmes molaires maxillaires et des in-
– Absence de contact sur la cuspide mésiolinguale cisives centrales mandibulaires).
et la fosse marginale mésiale de la première mo-
laire mandibulaire pour augmenter la liberté des 2.1.4.1. Le secteur antérieur
cuspides palatines de la deuxième prémolaire et À l’instar de nombreux autres auteurs, l’incisive
la première molaire maxillaire. mandibulaire tient une position clé : son bord libre
– Un contact entre la première prémolaire infé- doit être, pour l’auteur, légèrement avancé par rap-
rieure et la face distale des canines maxillaires. port au plan A-Pog (4-5 mm) [24] et son axe doit
Ce contact conditionne le rapport intercanin. être en adéquation avec le mouvement de l’axe char-
nière mandibulaire. Radiographiquement, l’axe inci-
– Un retrait de 3 mm du pan distal de la première
sif doit être, pour un cas de classe I, perpendiculaire
molaire supérieure par rapport à celui de la pre-
à la droite joignant son bord incisif à l’axe charnière
mière molaire inférieure.
(Fig. 7). Cette valeur théorique est cependant pondé-
– Un surplomb de la première molaire supérieure
rée en fonction du décalage squelettique, du type fa-
d’1 mm par rapport à son homologue inférieure.
cial, des objectifs esthétiques et de l’équilibre neuro-
– Un angle inter-canin, dans le sens transversal, de musculaire [24].
143◦ ± 9◦ , pour ne pas verrouiller les mouve- Pour les incisives supérieures, le bord libre doit
ments mandibulaires. se situer entre 4 et 6 mm en avant du plan A-Pog.
– Un surplomb incisif de 2 mm et un recouvrement Leur inclinaison présente de grandes variations inter-
des incisives inférieures sur environ un tiers de individuelles, dépendantes de la morphologie, de
leur hauteur, un recouvrement canin de 3 mm. l’appartenance ethnique du patient et des compen-
– Un angle inter-incisif de 130◦ dans le plan sations alvéolo-dentaires. L’inclinaison de leurs faces
sagittal. palatines est corrélée à celle de la pente condylienne.
Slavicek souligne également le rôle compensateur
des décalages squelettiques par les procès alvéolo-
2.1.3.3. L’occlusion dynamique dentaires incisifs. Les canines supérieures sont net-
Ricketts approuve le concept de désengrènement tement inclinées en version corono-vestibulaire et,
immédiat des arcades dès les premiers déplacements transversalement, ont une surface guide angulée à
mandibulaires. Lors des mouvements de diduction, 48◦ par rapport à l’axe général de la dent.
seule la canine côté travaillant conserve des contacts Les dents constituant le segment antéro-inférieur
avec l’arcade antagoniste. Aucun contact controlaté- (34 à 44) présentent une inclinaison corono-
ral (non travaillant) ne persiste. vestibulaire.
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En vue frontale, une courbe de compensation est intra-coronaire, correspondant à l’espace libre
dessinée avec une convexité supérieure. délimité par l’inclinaison des faces vestibulaires
des incisives mandibulaires et les faces pala-
2.1.4.2. Le secteur prémolaire tines des incisives maxillaires (en vue frontale).
Les premières prémolaires inférieures ont une an- Cet angle doit être suffisant pour garantir une
gulation corono-vestibulaire alors que les deuxièmes fonction mandibulaire libre, indispensable à ces
prémolaires sont verticales. Il n’y a pas, à ce niveau, fonctions.
de courbe de compensation sagittale. – Un guidage par les dents antérieures des mouve-
Au maxillaire, la première prémolaire a une angu- ments de proglissement.
lation corono-vestibulaire légère et une surface guide – La présence de contacts dentaires, lors des mou-
inclinée de 8◦ de moins que celle de la canine. En vements de latéralité, seulement du côté tra-
occlusion, elles entrent en contact avec les cuspides vaillant (et à l’exclusion des molaires).
antagonistes par leurs crêtes marginales. En vue oc- – L’absence de contact dentaire du côté balan-
clusale, la droite passant par leurs cuspides coupe la çant, lors des mouvements de latéralité et de
première molaire opposée, au niveau de son angle propulsion.
vestibulo-distal.
2.1.5. Selon Andrews
2.1.4.3. Le secteur molaire Dans ce contexte, Andrews [4] a observé et ana-
À l’arcade inférieure, une courbe de compensa- lysé les modèles de cent vingt patients présentant
tion sagittale à concavité supérieure se dessine à par- une occlusion « normale » et n’ayant pas été traités
tir des deuxièmes prémolaires. en orthodontie. Il a inclus, pour son étude, les mou-
À l’arcade supérieure, la crête transverse et la cus- lages de patients qui n’ont pas eu ou qui n’ont pas
pide mésio-linguale de la première molaire doivent besoin d’orthodontie, et qui ont les dents alignées
être localisées sur la ligne de fuite des prémolaires avec un aspect esthétique plaisant. Il a ainsi défi-
controlatérales. nit six « clés », six critères définissant une occlusion
La courbe de Spee présente trois tracés différents, « idéale » :
l’un vestibulaire, l’autre de l’occlusion centrée « pas-
– Clé n◦ 1 : Les relations molaires (Fig. 2) :
sive » et le dernier relatif aux cuspides « actives ». La
◦ La face distale de la cuspide disto-vestibulaire
courbe de Wilson est dessinée par les contacts cuspi-
de la première molaire supérieure est en
diens transversaux : elle est accentuée à partir de la
contact avec le pan mésial de la cuspide
deuxième prémolaire. Du fait de l’anatomie des mo-
mésio-vestibulaire de la deuxième molaire in-
laires, ces deux courbes s’accentuent au niveau de la
férieure (Fig. 8).
deuxième et de la troisième molaires.
◦ La cuspide mésio-vestibulaire de la première
molaire supérieure entre en contact dans le
2.1.4.4. Les courbes sillon séparant les cuspides mésio-vestibulaire
En vue occlusale, les bords incisifs et les pointes et centrale de la molaire mandibulaire.
cuspidiennes vestibulaires des secteurs cuspidés des- – Clé n◦ 2 : L’angulation coronaire mésio-distale
sinent un arc de cercle qui a pour centre le milieu du (version, tip) : les couronnes ont une direction
segment de droite reliant les points de contacts més- plus ou moins mésio-occlusale.
iaux des premières molaires. – Clé n◦ 3 : L’inclinaison vestibulo-linguale des
couronnes : la valeur du torque varie en fonction
2.1.4.5. L’occlusion dynamique des dents :
◦ Au niveau des incisives : il conditionne le
Slavicek s’est également intéressé à l’aspect dyna-
surplomb et l’occlusion postérieure, il est
mique de son « occlusion fonctionnelle » et en a dé-
corono-vestibulaire pour les incisives maxil-
crit quatre points :
laires, inexistant pour celles mandibulaires.
– L’absence d’interférence occlusale, lors des fonc- Pour les secteurs latéraux maxillaires, il est
tions dynamiques comme la phonation et la mas- corono-lingual (similaire pour les canines et
tication. Il définit ainsi un angle d’ouverture prémolaires, et augmenté pour les molaires),
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incisives et canines maxillaires et entre les cus-


pides vestibulaires prémolo-molaires mandibu-
laires et le centre des faces occlusales prémolo-
molaires maxillaires.
– La présence de points de contacts proximaux
entre chaque dent, maxillaires et mandibulaires.
– Un parallélisme des racines dentaires entre elles
et une perpendicularité au plan d’occlusion.
Si les critères idéaux de fin de traitement sont bien
définis et font consensus quand il s’agit de rap-
a b ports statiques, ils sont bien moins précis quand
ils concernent le volet dynamique de l’occlusion ou
Figure 8
pire, le volet fonctionnel et esthétique [19]. Cette
Schéma représentant l’importance de l’inclinaison mésiale de
la première molaire supérieure sur l’occlusion avec ses anta- constatation se retrouve au niveau des tableaux 1
gonistes. (a) Classe I molaire avec grand axe vertical de la et 2 : les parties synthétisant les critères statiques
première molaire supérieure droite. (b) Classe I molaire avec de l’occlusion sont beaucoup plus complètes que la
inclinaison adéquate de la première molaire maxillaire, per-
deuxième partie du tableau 2 qui s’attache au versant
mettant l’apparition d’un contact avec la deuxième molaire
mandibulaire (d’après Andrews [4]). dynamique de l’occlusion (Tabs. 1 et 2).

à la mandibule, il est également corono- 2.2.2. Les critères de finition en vue occlusale
lingual et croissant des canines aux deuxièmes L’alignement dentaire
molaires.
– Clé n◦ 4 : L’absence de rotations dentaires car elles C’est un des aspects que le patient peut lui-même
augmentent l’espace mésio-distal nécessaire pour juger, particulièrement dans la zone antérieure, et
la dent. peut être motif de consultation. Les bords libres in-
– Clé n◦ 5 : La présence de points de contact car ils cisifs doivent être alignés au niveau antérieur. Dans
sont garants de la stabilité. les secteurs postérieurs, les fosses centrales des pré-
– Clé n◦ 6 : Le plan d’occlusion : la courbe de Spee molaires et molaires maxillaires doivent également
doit être aplatie ou légèrement marquée. être alignées, ainsi que les cuspides vestibulaires des
prémolaires et molaires mandibulaires. Les dents les
plus fréquemment mal alignées sont les incisives la-
2.2. Les critères et exigences de finitions térales et les secondes molaires [2].
2.2.1. La stabilité occlusale La forme d’arcade (voir section 3.2.4.)
L’American Board of Orthodontics, lors du dévelop-
Il n’existe pas une seule et unique forme d’ar-
pement de leur grille d’évaluation des résultats oc-
cade, mais celle choisie comme objectif se doit
clusaux en fin de traitement, a retenu comme cri-
d’être en adéquation avec l’anatomie et la phy-
tères [2, 22] :
siologie du patient. Cette notion est retrouvée
– L’alignement des dents. en technique de Tweed, où l’arc est façonné
– Le nivellement des crêtes marginales de deux grâce à une charte individualisée respectant cette
dents postérieures adjacentes. forme d’arcade, et en technique bioprogressive,
– Le torque vestibulo-lingual des molaires doit être via le système pentamorphique (même si initia-
approprié. lement Ricketts avait décrit douze formes d’ar-
– Une classe I d’Angle canine, prémolaire et mo- cades différentes) [23]. Une coordination dans la
laire (décalage de moins d’1 mm). forme et dans les dimensions des arcades supé-
– Des contacts occlusaux molaires et prémolaires rieure et inférieure est également nécessaire à l’ob-
en occlusion d’intercuspidie maximale (O.I.M.). tention de rapports inter-arcades harmonieux. En
– La présence de contact entre les incisives et ca- technique Edgewise, différentes courbures doivent
nines mandibulaires avec les faces palatines des être pratiquées sur les arcs dans les trois ordres.
Tableau 1
Tableau regroupant les critères intra-arcades recherchés, dans les trois ordres, selon les principaux auteurs.

100
ANDREWS RICKETTS TWEED SLAVICEK
PREMIER ORDRE
Critères intra-arcades : • Pas de rotation • Cf. Andrews
arcade supérieure • Pas de diastème
Incisives et canines • Face distale 12 et 22 vestibu-
lée par rapport à 13 et 23
Prémolaires • L’axe cuspidien prolongé coupe
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l’angle vestibulo-distal de la 1e mo-


laire opposée
Molaires • 16-26 : la ligne passant par • 16-26 : crête transverse et cuspide
les pointes disto-vestibulaires et mésio-linguale sur la ligne de fuite
mésio-palatines coupe le pan des prémolaires opposées
distal de la canine
Critères intra-arcades : • Pas de rotation • Bords incisifs et cuspides
arcade inférieure • Pas de diastème vestibulaires des secteurs latéraux
sur un arc de cercle qui a pour
centre le milieu du segment reliant
les points de contacts mésiaux
des 1e molaires
Incisives et canines • Face distale 32 et 42 vestibu-
lée par rapport à 33 et 43
Molaires • Cuspide disto-vestibulaire de
36 et 46 en contact avec le 1/3
et les 2/3 de la face mésiale de
37 et 47
DEUXIÈME ORDRE
Critères intra-arcades : • Angulation mésio- • Courbe de Spee accentuée au
arcade supérieure occlusale des couronnes niveau de la 2e et 3 e molaire
• Courbe de Spee plate
ou peu marquée
Incisives • Convergence axiale • Position adaptée à celle de l’arc
antéro-inférieur
Canines • Inclinaison coronomésiale • Angulation corono-
mésiale légère
Prémolaires • Axes perpendiculaires au plan • 17-27 : en position pré-
d’occlusion fonctionnelle (inocclusion)
Molaires • Inclinaison coromésiale • Distoversion (tip-back)
Tableau 1
Suite.

ANDREWS RICKETTS TWEED SLAVICEK


DEUXÌEME ORDRE
Critères intra-arcades : • Angulation mésio- • La courbe de compensation sagit-
arcade inférieure occlusale des couronnes tale à concavité supérieure se des-
• Courbe de Spee plate sine à partir de 35-45
ou peu marquée
Incisives • Axes parallèles entre eux et perpen-
diculaires au plan d’occlusion
• Bord libre à 1 mm au dessus du plan
d’occlusion
Canines • Inclinaison corono-mésiale
Prémolaires • Perpendiculaires au plan d’occlu-
sion
Molaires • Distoversion (tip-back)
• 37-47 : en position pré-
fonctionnelle (inocclusion)

TROISIÈME ORDRE
Critères intra-arcades : • Courbe de Wilson accentuée à
arcade supérieure partir des 2e prémolaires
Incisives • Torque corono- • Axe parallèle à l’axe facial • Axe non imposé • Inclinaison corono-vestibulaire
vestibulaire variable
• Inclinaison face palatine corrélée
à la pente condylienne (+10◦ )
• Bord libre à 4-6 mm en avant de
A-Pog
• Position adaptée à celle de l’arc
antéro-inférieur
Canines • Inclinaison linguale lé- • Cf. Andrews • Pente canine plus im- • Angulation corono-vestibulaire
gère des surfaces vesti- • Inclinaison corono-vestibulaire portante que pentes cuspi- nette
bulaires des couronnes diennes prémolo-molaires • Surface guide à 48◦ de l’axe géné-
par rapport au secteur ral de la dent
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie

postérieur
101
102

Tableau 1
Suite.
ANDREWS RICKETTS TWEED SLAVICEK
TROISIÈME ORDRE
Orthod Fr 2014;85:93–125

Prémolaires • Inclinaison linguale Cf. Andrews • 14-24 : angulation corono-vestibulaire


des surfaces vestibulaires • Axe presque vertical légère
des couronnes • Surface guide à 8◦ de moins que celle
de 13 et 23
Molaires • Inclinaison linguale Cf. Andrews
des surfaces vestibulaires • Axe presque vertical
des couronnes plus
marquée que les canines
et prémolaires
Critères intra-arcades : • 34 à 44 : angulation corono-vestibulaire
arcade inférieure
Incisives • Absence de torque • Bord libre à 1 mm ± 3 en avant • Axe angulé à 90◦ ± par • Bord libre à 4-5 mm en avant de APog
d’A-Pog rapport au plan mandibu- • Axe en adéquation avec celui de l’axe
laire charnière (90◦ ) mais fonction des déca-
lages squelettiques et typologie
Canines • Inclinaison linguale • Cf. Andrews
des surfaces vestibulaires • Orientation vestibulaire
des couronnes
Prémolaires • Inclinaison linguale • Cf. Andrews • 34-44 : angulation corono-vestibulaire
des surfaces vestibulaires • Inclinaison linguale • 35-45 : axe vertical
des couronnes accentuée
Molaires • Inclinaison linguale • Cf. Andrews
des surfaces vestibulaires • Inclinaison linguale
des couronnes accentuée
Tableau 2
Tableau regroupant les critères inter-arcades statiques et dynamiques recherchés en cours de traitement, selon les principaux auteurs.

ANDREWS RICKETTS TWEED SLAVICEK


VUE OCCLUSALE
Critères • 30 points de contacts occlusaux
inter-arcades statiques par hémi-arcades (24 si absence
des 3e molaires et 21 si extraction
de prémolaires)
Molaires • Pas de contact sur la cuspide
mésio-linguale et la fosse margi-
nale mésiale de 36 et 46
VUE SAGITTALE
Critères • Cf. Andrews
inter-arcades statiques • La position d’intercuspidie
maximale coïncide avec la RC
Incisives • Angle inter-incisif : 130◦ • Hypercorrection surplomb
• Surplomb de 2 mm
Canines • Contact pan distal 13 et 23 avec • Surplomb suffisant pour
34 et 44 respecter les mouvements
• Angle inter-canin : 135◦ mandibulaires fonctionnels
et assurer une fonction ca-
nine
Prémolaires • Contact 34-44 avec le plan dis- • 15-25 : Pointe cuspidienne
tal de 13 et 23 vestibulaire en face du point
• Contact 15-25 avec 36-46 de contact prémolo-molaire
inférieur
Molaires • Cuspide mésio-vestibulaire • Cf. Andrews • 16, 26, 36 et 46 : contact
de 16 et 26 en contact avec • 16-26 un peu plus distale avec l’antagoniste minimal
le sillon séparant les cuspides que pour Angle pour assurer le (par cuspide mésiale) puis
mésio-vestibulaire et centrale contact entre le pan distal de « denture recovery »
de 36 et 46 la cuspide vestibulaire de 15-25 • Distoclusion
• Face distale de la cus- avec 36-46 • 17, 27, 37 et 47 en posi-
pide disto-vestibulaire de 16 • Contact cuspide distale de tion pré-fonctionnelle (inoc-
et 26 en contact avec le pan 16-26 avec cuspide mésio- clusion) puis « denture re-
mésial de la cuspide mésio- vestibulaire de 37-47 covery »
vestibulaire de 37 et 47 • 16-26 distalée de 3 mm par rap-
port à 36-46
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie

• 17-27 au dessus du plan d’oc-


clusion
103
104

Tableau 2
Suite
ANDREWS RICKETTS TWEED SLAVICEK
Critères inter-arcades • Désengrènement immédiat lors • Mouvement de latéro- • Guidé par les dents antérieures
dynamiques : des mouvements mandibulaires propulsion pris en charge • Pas de contact du côté balan-
Orthod Fr 2014;85:93–125

proglissement par canines et incisives çant


• Pas d’interférence occlusale
• Espace fonctionnel suffisant
VUE FRONTALE
Critères inter-arcades • La position d’intercuspidie
maximale coïncide avec la RC
Incisives • Recouvrement d’1/3 de la cou- • Hypercorrection recouvre-
ronne de 31-41 par 11-21 ment
Canines • Angle inter-canin : 143◦ ± 9 • Recouvrement suffisant
• Recouvrement canin : 3 mm pour respecter les mouve-
ments mandibulaires fonc-
tionnels et assurer une fonc-
tion canine
Prémolaires • Contact des 14-24 avec les cus-
pides antagonistes par leur crête
marginale
Molaires • Surplomb de 36-46 par 16-26
d’1 mm
Critères inter-arcades • Désengrènement immédiat lors • Mouvement de latéro- • Latéralité : contacts exclusive-
dynamiques des mouvements mandibulaires propulsion pris en charge ment du côté travaillant
• Pas de contact côté balançant par canines et incisives • Proglissement : guidage par les
• Contact canin uniquement côté • Protection canine dents antérieures
travaillant • Pas de contact molaire (latéra-
lité et proglissement)
• Pas d’interférence occlusale
• Espace fonctionnel suffisant
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 105

Figure 9
Schéma représentant, à gauche, les déformations de premier
ordre préconisées au maxillaire et, à droite, les déformations
de premier ordre indiquées au maxillaire, ainsi que la coor-
Figure 11
dination entre l’arc maxillaire et l’arc mandibulaire (document
personnel, J.-J. Aknin). Photographie d’un arc maxillaire avec les déformations de
premier ordre : in-set latéral, bosse canine, off-set molaire
(document personnel, O. Sorel).

milieux (inférieurs à 3 mm) peuvent être corrigés


au moment des finitions par des mécaniques asy-
métriques (tip-forward/tip-back des canines, tractions
inter-maxillaires de classe II ou de classe III) en pre-
nant garde à une éventuelle bascule du plan d’oc-
clusion dans le plan frontal. Une déviation impor-
tante des médianes doit impérativement être prise en
Figure 10
charge avant la phase de finition.
Photographies de deux arcs coordonnés avec les déforma-
tions préconisées (document personnel, J.-J. Aknin). Les contacts occlusaux
En position d’intercuspidie maximale, les cus-
Celles réalisées dans le premier ordre (vue occlu- pides palatines des prémolaires et molaires maxil-
sale) permettent d’idéaliser cette forme d’arcade [1]. laires touchent celles vestibulaires mandibulaires. Le
Les déformations classiquement effectuées sur l’arc praticien se méfiera spécialement des secondes mo-
maxillaire sont : un in-set latéral, compensant la dif- laires qui sont les dents qui ont le plus souvent un
férence d’épaisseur entre l’incisive centrale et l’in- contact intercuspidien inadéquat [2].
cisive latérale, une bosse canine, un off-set molaire
sur la première molaire et un toe-in sur la seconde La prise en charge de la dysharmonie dento-
molaire. Sur l’arc mandibulaire sont incorporés un dentaire
off-set canin, un off-set prémolaire, un off-set molaire Si certaines formes peuvent être dépistées au pre-
et un toe-in sur la seconde molaire (Figs. 9, 10 et 11). mier coup d’œil, d’autres peuvent facilement pas-
La symétrie et la coïncidence des milieux ser inaperçues lorsque l’indice de Bolton n’a pas été
calculé. Une analyse minutieuse des incisives laté-
Chaque arcade doit être symétrique, et les mi- rales maxillaires et des deuxièmes prémolaires, plus
lieux des deux doivent coïncider entre eux et avec fréquemment dysmorphiques, est conseillée. Une
la ligne médiane du visage [29]. En cas d’asy- disproportion des dimensions entre les dents maxil-
métrie, si l’option orthodontique pure est retenue, laires et les mandibulaires conduit à créer des dias-
des élastiques verticaux en « criss-cross », des dé- tèmes résiduels et/ou un encombrement à l’arcade
formations de premier ordre (off-set/in-set) et/ou un opposée. La fermeture « forcée » des diastèmes su-
torque différentiel à droite et à gauche peuvent périeurs, alors que le surplomb ne le permet pas,
aider à sa compensation. Les petits décalages des risque de créer des interférences occlusales sur les
106 Orthod Fr 2014;85:93–125

dents antérieures, des « interférences antérieures » vées lors de l’évaluation des résultats de fin de
comme les nomme Sondhi, avec toutes les com- traitement [2], ce qui laisse à penser que ce cri-
plications dentaires, parodontales et/ou articulaires tère est, de façon générale, assez bien géré par les
qui en découlent [36]. Deux options s’offrent au orthodontistes.
praticien, selon la localisation de la dysharmonie
dento-dentaire : soit la réduction de la masse den- Le torque molaire
taire (réduction amélaire interproximale, voire avul-
Un torque molaire adéquat est primordial, en
sion), soit l’augmentation des dimensions dentaires
particulier lors des mouvements mandibulaires de
(par coronoplastie par addition ou par prothèse
diduction, pour éviter des prématurités ou des in-
fixée). L’importance de ce critère pousse certains au-
terférences occlusales indésirables. Pour cela, l’an-
teurs à considérer l’équilibre des dimensions den-
gulation vestibulo-linguale des molaires ne doit pas
taires comme la « septième clé » d’une occlusion
créer de gros décalages entre la hauteur des cus-
normale [22].
pides vestibulaires et celles des cuspides linguales
Le contrôle des rotations ou palatines [2]. Ce décalage peut être visualisé à
Pour le premier ordre, les appareils pré-ajustés la mandibule en joignant par une surface plate les
ont facilité le positionnement « idéal » des dents deux cuspides vestibulaires de deux molaires ho-
et le contrôle de leurs rotations. Pour amplifier mologues, les cuspides linguales doivent alors se
l’information et donc faciliter leur correction, le situer à moins d’un millimètre de cette droite, au
boîtier peut être collé de façon légèrement décen- maxillaire, les cuspides palatines servent de réfé-
trée, dans la direction de la rotation. De même, rence et les cuspides vestibulaires doivent se situer
la petite rotation disto-linguale donnée par le bra- à moins d’un millimètre de la droite [2]. Deux mal-
cket pré-informé à la molaire maxillaire (10 à 15◦ ) positions sont fréquemment observées chez nos pa-
permet un meilleur engrènement avec son anta- tients : des cuspides palatines trop basses par rapport
goniste (rotation disto-linguale moins importante, au plan d’occlusion et une linguoversion excessive
entre 0 et 12◦ ) et donc, d’asseoir plus fermement des molaires mandibulaires. Par conséquent, certains
la classe I [18, 22]. Certains auteurs recommandent, auteurs recommandent l’ajout d’un torque correctif
pour améliorer l’engrènement prémolaire, de pla- pour les molaires maxillaires et corono-vestibulaire
cer la première prémolaire maxillaire en rotation pour celles mandibulaires. Les dents qui ont le moins
mésio-palatine, position favorable à une occlusion souvent un torque adéquat sont les deuxièmes mo-
de leur cuspide palatine avec la fosse distale de leurs laires [2]. Une des explications pourrait être, comme
homologues inférieures [18]. Inversement, d’autres, le souligne Sondhi, que dans la plupart des métho-
comme Mc Laughlin et Benett, préconisent, dans les dologies, l’information de torque prescrite à la pre-
cas de classe II par exemple, de coller le bracket à mière et à la deuxième molaires supérieures est iden-
0,5 mm en mésial de sa position classique, pour in- tique, alors qu’à cause de la différence anatomique
duire une petite rotation distale des prémolaires su- de leur face vestibulaire, le torque est moins bien
périeures favorable à une occlusion de leur cuspide exprimé sur la seconde molaire que sur la première
palatine avec la fosse opposée et à une position en molaire. La conséquence clinique de cette impréci-
classe I de leur cuspide vestibulaire [22]. Au niveau sion pourrait être un positionnement plus bas des
antérieur, la légère mésialisation du bracket canin cuspides palatines des deuxièmes molaires, et donc,
inférieur permet d’améliorer le point de contact de une interférence occlusale. Pour pallier ce problème,
l’incisive latérale et de la canine, comme décrit par certains auteurs recommandent un torque addition-
Ricketts. nel sur les deuxièmes molaires supérieures, par rap-
port aux premières, de 4◦ à 7◦ [35]. D’un point de
Le maintien de la fermeture des espaces
vue esthétique, l’inclinaison des secteurs latéraux in-
Afin d’éviter la réouverture d’espace lors de la fluençant la présence des corridors buccaux, certains
phase de finition, des « tiebacks », des ligatures en auteurs, à l’instar de Ricketts, ont individualisé le
8 peuvent, par exemple, être utilisés. Selon l’Ameri- torque des canines, prémolaires et molaires maxil-
can Board of Orthodontics, la présence de diastème laires, en fonction du schéma facial, pour améliorer
ne fait pas partie des anomalies majeures retrou- l’esthétique du sourire.
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 107

L’inclinaison (tip) 2.2.3. Critères de finition dans le sens vertical


- Critères de finition intra-arcade
En technique Edgewise standard, les courbures
de deuxième ordre assuraient un double rôle : pla- La longueur coronaire, les relations entres les
cer la dent dans sa position finale souhaitée et com- crêtes marginales
penser les forces appliquées sur la dent (à l’instar Les crêtes marginales de deux dents adjacentes
du tip-back molaire dans le recul canin). Les forces doivent se situer au même niveau. Les erreurs les
élevées entraînant des effets parasites plus sévères, plus fréquemment observées dans l’alignement de
une information d’« anti-inclinaison » quantitative- ces crêtes se situent au niveau du point de contact
ment plus importante devait être transmise à la dent. entre la première et la deuxième molaire maxil-
Deux avancées ont alors facilité les finitions dans le laire, puis entre la première et la deuxième molaire
deuxième ordre : l’utilisation de forces plus légères mandibulaire [2]. Or, les relations entre les crêtes
(et donc moins d’informations anti-inclinaison né- sont conditionnées par le positionnement vertical
cessaires, moins de perte d’ancrage et un meilleur des brackets. En cas d’erreur de collage, il est préfé-
parallélisme des racines) et l’apparition de brackets rable de recoller le bracket ou de faire des déforma-
quadriplots à base large. tions de deuxième ordre dans l’arc, avant la phase de
finition, pour une meilleure stabilité du résultat [22].
L’inclinaison des incisives (tip) Les erreurs verticales de collage induisent des consé-
quences dans le plan vertical, mais également dans
Une légère convergence des couronnes des in- les deux autres dimensions. Le positionnement ver-
cisives serait recommandée pour plus de stabilité. tical des boîtiers se doit d’être très précis, et en par-
En technique Edgewise, ces inclinaisons étaient gé- ticulier pour les dents avec une face vestibulaire for-
rées, sur les arcs de finition, par les courbures ar- tement convexe, pour lesquelles toute erreur, même
tistiques (artistic bend). Ces plicatures s’opposaient minime, aura des répercussions importantes [35].
à toute mécanique de glissement, parfois indispen- Les points de contact
sable pour la fermeture d’un diastème résiduel. L’ar-
rivée sur le marché des boîtiers pré-informés a, là Ils doivent être serrés, sans diastème persistant,
aussi, grandement simplifié la gestion de ce critère. conformément à la cinquième clé d’Andrews.
Le recouvrement
Le parallélisme des racines
Le recouvrement doit être compris entre 2 et
3 mm (Tab. 1).
Lorsque les dents sont correctement inclinées,
les racines se situent dans un volume osseux cor-
rect, et de plus, reçoivent les forces masticatrices se- 2.2.4. Critères de finition dans le sens sagittal
lon un vecteur qui se confond avec leur grand axe. Les rapports de classe I canins et molaires ne se-
Idéalement, les racines doivent être parallèles entre ront pas détaillés de nouveau dans ce chapitre (voir
elles et perpendiculaires au plan d’occlusion [2]. La section 2.1).
gestion du parallélisme a aussi été largement faci-
Le surplomb
litée par les dispositifs pré-informés. Les informa-
tions de deuxième ordre, de « tip » de ces boîtiers Dans les secteurs postérieurs, le surplomb est
assurent assez bien ce parallélisme. Toutefois, des er- tel que les cuspides d’appui s’engrènent avec la
reurs de collage peuvent compromettre le résultat, fosse antagoniste. Là encore, les dents qui présentent
ainsi il est recommandé de vérifier les axes dentaires, le plus souvent un surplomb inapproprié sont les
avant de déposer le dispositif, grâce à un orthopan- deuxièmes molaires. Au niveau antérieur, les bords
tomogramme. Une attention particulière doit être incisifs mandibulaires doivent entrer en contact avec
apportée aux incisives latérales, canines et secondes la face palatine des incisives supérieures en O.I.M.
prémolaires maxillaires ainsi qu’aux premières pré- Ceci est contesté par certains auteurs, selon lesquels
molaires mandibulaires, car ce sont les dents les plus ce contact n’est pas retrouvé [28]. Les rapports inci-
fréquemment mal inclinées [2]. sifs sont influencés par le torque de ces dents.
108 Orthod Fr 2014;85:93–125

Le torque incisif traitement, comme une sorte d’hypercorrection, car


elle a tendance à s’approfondir avec le temps. De
Ce critère est primordial car il conditionne l’ef-
plus, si elle est prononcée, elle empêchera l’établisse-
ficacité du guide incisif et le support labial. Selon
ment d’une occlusion normale [4]. D’autres auteurs
Sondhi, le contrôle du torque incisif supérieur et
nuancent en fonction du cas clinique. Selon Sondhi,
inférieur, et donc, de l’angle inter-incisif, permet
dans les cas de courbe de Spee prononcée, associée
d’éviter le risque d’une « interférence antérieure »
à une infraclusion latérale, la mise à plat complète
néfaste pour la dent, son parodonte, et les articu-
de la courbe serait délétère à cause de l’égression
lations temporo-mandibulaires [36]. Malgré tout, la
des secteurs postérieurs, s’opposant à la fermeture
détermination exacte de sa valeur « idéale » divise
de cette infraclusion [35]. Pour Philippe, sa suppres-
les opinions. Ceci est la conséquence logique de la
sion risque de compromettre la stabilité des résultats
différence dans la définition de la « normalité » de
de fin de traitement, dans le sens où, si elle doit se
la position incisive en fonction des auteurs (Tabs. 1
reformer, les déplacements dentaires consécutifs ne
et 2). Retenons, malgré tout, une valeur, celle de De-
seront pas maîtrisés. Pour Ricketts, le nivellement de
mange, qui évalue le torque incisif supérieur à 0◦
la courbe de Spee est progressif et doit être adapté
par rapport à la verticale. Le « besoin en torque » va-
au type de cette courbe, en jouant sur la quantité
rie d’un sujet à l’autre en fonction des philosophies
d’ingression des incisives et canines, de distoversion
et des techniques qui en dépendent, de l’apparte-
de la molaire mandibulaire et de l’égression prémo-
nance ethnique du patient, de son décalage squelet-
laire [24]. Pour ce faire, la segmentation des arcades
tique, des compensations alvéolo-dentaires initiales
montre tout son intérêt.
ou souhaitées, etc. Il paraît donc utopique de vou-
loir finir tous les cas avec une même contrainte de
2.3. Les finitions orthodontiques en pratique
torque. En technique d’arc droit, le praticien devra
alors jouer entre les différents modèles de boîtiers 2.3.1. Particularité de la technique en arc droit
(c’est au niveau du troisième ordre en antérieur qu’il En technique Edgewise, la phase des finitions né-
y a le plus de variations d’un boîtier à un autre), cessitait des plicatures importantes des arcs et était
ajouter un torque unitaire ou sectoriel, des cour- une étape bien définie et individualisée du reste
bures, des ressorts de torque ou utiliser des tech- du traitement. Inversement, avec les appareils pré-
niques faisant appel à la segmentation d’arcade. De ajustés, les dents commencent à se rapprocher de la
plus, la valeur pré-informée est souvent insuffisante, position souhaitée dès le début du traitement, le pas-
et un torque additionnel s’avère fréquemment néces- sage vers les finitions est ainsi progressif [22].
saire. D’autre part, parce que des arcs pleine gorge La large utilisation des dispositifs pré-informés
sont rarement utilisés à cause de l’importance des et des arcs continus a offert la possibilité de résul-
forces de frottements développées, il y a une perte tats rapides et efficaces. Toutefois ces méthodes pré-
d’information α qui découle du jeu entre l’arc et sentent des limites, en particulier en termes d’indivi-
la gorge du bracket. Par conséquent, il est impé- dualisation des finitions [29]. En effet, l’information
ratif de différencier l’information pré-incorporée au délivrée par un même type de bracket (même fabri-
bracket et celle exprimée par la dent, et ce parti- quant, même méthodologie et même type de dent)
culièrement dans les techniques utilisant des arcs est standardisée et sera toujours la même, pour tous
de finition sous-dimensionnés, comme la technique les patients, quelles que soient, par exemple, leurs
bioprogressive [24]. origines ethniques, leurs typologies ou leurs besoins
spécifiques. Il est également important de se rap-
La courbe de Spee
peler que les informations contenues dans les bra-
Le nivellement de cette courbe est toujours dis- ckets résultent de l’idéologie d’une école à pensée, et
cuté. Selon certains auteurs, ce nivellement permet sont par conséquent parfois plus conditionnées par
d’éviter des prématurités occlusales lors des mou- une différence dans la définition de la position « nor-
vements d’excursion mandibulaire. Andrews, même male » d’une dent selon la philosophie choisie, que
s’il n’a pas, dans son étude, retrouvé une courbe par une différence correspondant à un réel besoin
de Spee plate sur tous les moulages, pense toute- du patient. Ceci est particulièrement flagrant pour
fois que sa mise à plat devrait être un objectif de les incisives maxillaires.
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 109

En plus des informations délivrées à la dent par


l’inter-relation boîtier/arc, un autre élément doit être
considéré : le collage. Pour un même bracket avec
la même information, le résultat exprimé par la dent
dépendra de la position de ce bracket sur la surface
dentaire. Les informations incorporées dans les bra-
ckets par les fabricants sont basées sur des études
avec les normes moyennes de la morphologie den-
taire et des malocclusions dites standards. Ainsi, en
dehors des erreurs de collage, l’expression des in-
formations délivrées par deux brackets identiques
collés sur deux mêmes dents mais avec des morpho- Figure 12
logies très différentes aboutira à des résultats diffé- Photographie d’un mini-positionneur permettant d’assurer les
rents. Les finitions à réaliser ne seront, par consé- finitions au niveau du bloc incisivo-canin mandibulaire (docu-
quent, pas les mêmes dans les deux cas. Ainsi, en ment personnel, G. Bounoure).
technique d’arc droit, il est indispensable de se rap-
peler que « vous commencez à finir votre cas, le jour peut être soit complètement ôté soit remplacé par un
où vous placez les brackets » [14] et que les valeurs arc rond moins rigide. Un des principaux reproches
recommandées sont des standards, qui ne tiennent fait à ces techniques est l’absence de contrôle des
pas compte des variations anatomiques, voire dys- déplacements dentaires par le praticien, et donc, le
morphiques des dents. risque d’en voir apparaitre certains, non désirables.
Un aspect assez peu discuté, mais important à Enfin, un « tooth-positioner » peut être utilisé, mais il
prendre en compte en arc droit, est l’influence de la reste avant tout un moyen de contention mais pas
position initiale de la dent sur son positionnement vraiment de finition.
final. En effet, une même information sera exprimée
Enfin, il est important de noter que des dispo-
différemment pour deux dents dont la position ori-
sitifs amovibles peuvent aussi être utilisés pour as-
ginelle varie. Ce phénomène est lié à la perte d’in-
surer les dernières corrections, une fois l’appareil
formation résultant du jeu entre la gorge du boîtier
multi-attache déposé. Toutefois, quelque soit le type
et l’arc, et disparaît quand des arcs pleine gorge sont
choisi, positionneur, mini-positionneur ou gouttière
utilisés [35]. Par conséquent, c’est dans le troisième
de repositionnement (avec set-up), leur indication
ordre et, en particulier au niveau incisif, que la stan-
doit être mûrement réfléchie car ils ne peuvent être
dardisation des informations via des appareils pré-
considérés, du fait de leurs limites, comme la so-
ajustés montre le moins son intérêt.
lution pour tous les cas cliniques (Figs. 12-14).
Ainsi, le praticien peut obtenir avec ces dispositifs
2.3.2. Moyens pour la phase de finition des mouvements de version coronaire ou de rota-
Sur le plan pratique, pour aboutir à une occlusion tion d’amplitude limitée, mais ne peut espérer un
remplissant les différents critères précédemment ci- mouvement impliquant un déplacement radiculaire
tés, différents moyens s’offrent à nous. Si la modifi- (gression ou torque) [12]. Ainsi, surestimer les ef-
cation à apporter est unitaire, deux solutions sont fets et l’action de ces dispositifs destinés à des dé-
possibles : soit recoller le bracket, soit incorporer placements coronaires mineurs, par exemple pour
une courbure sur l’arc à son niveau. Toutefois, recol- fermer des espaces étendus notamment d’extrac-
ler un bracket amène un certain degré d’imprécision tion, même en multipliant leur nombre progressi-
dans le sens où il peut être délicat de déterminer par- vement, est largement illusoire car ils n’agissent pas
faitement la position que devrait avoir l’attache pour sur le mouvement de gression. Pour certains au-
obtenir le résultat espéré. Une fragmentation d’un ou teurs, ces « tooth-positioners » restent avant tout un
des deux arc(s) peut également être préconisée pour moyen de contention mais pas réellement de fini-
« libérer » certaines dents et laisser l’enveloppe mus- tion et d’autres moyens sont à leur préférer [11]. Le
culaire ajuster l’occlusion et parfaire l’engrènement. moyen le plus précis pour ajuster finement l’occlu-
Selon le même principe et dans le même but, l’arc sion reste le pliage du fil [11].
110 Orthod Fr 2014;85:93–125

a b c
Figure 13
(a) Représentation schématique d’un positionneur standard de laboratoire (courtoisie du laboratoire Rocky Mountain
Orthodonticsr ). (b) et (c) Positionneurs réalisés sur les moulages de fin de traitement d’un patient (b : document personnel,
G. Bounoure / c : document personnel, F. Frindel).

a b
Figure 14
Repositionnement de 12 (a) avec une gouttière monomaxillaire transparente (b) (document personnel, G. Bounoure).

La réalisation de déformations sur l’arc, comme


défini en technique Edgewise, assure le contrôle
dans les trois ordres du positionnement dentaire.
Même en arc droit, ces déformations s’avèrent
souvent nécessaires pour s’adapter aux particula-
rités anatomiques de certaines dents et aux dé- 1
2
fauts de positionnement des attaches et demeurent 3 4 5
donc indispensables à l’achèvement d’une occlu-
sion équilibrée et fonctionnelle. Comme précédem-
ment dit, les courbures de premier ordre influent Figure 15
sur la forme d’arcade et permettent la compensa- Exemple d’un arc droit (ou plat) de finition avec déformations
individualisées, spécifiques à un cas clinique : 1. Off-set entre
tion des différences d’épaisseur vestibulo-linguale 13 et 12 pour régler le point de contact entre ces deux dents,
des dents (Figs. 9 à 11). Ces pliures présentent en jouant sur leur positionnement relatif. 2. Portion d’arc ho-
aussi comme intérêt de pouvoir régler les points rizontale au niveau de 12. 3. Courbure de deuxième ordre au
de contact interdentaires, conformément à la cin- niveau de 11 pour distaler son apex. 4. Portion d’arc horizon-
tale au niveau de 21. 5. Marche d’égression sur 22 (commen-
quième clé d’Andrews, en gérant la position rela-
taires et document personnel, O. Sorel).
tive de deux dents voisines [37] (Fig. 15). Dans le
deuxième ordre, une plicature intéressante lors de
la phase de finition est celle réalisée au niveau in- de cette dent permettent de parfaire le nivellement
cisif, pour améliorer la convergence coronaire, en (Fig. 15). En technique d’arc droit, les informations
jouant sur l’angulation (tip) des incisives. Elle peut de troisième ordre sont également comprises dans les
avoir la forme du classique « artistic bend » en tech- attaches, l’arc est donc le plus souvent plat, c’est-
nique Edgewise (voir section 2.2.2.), ou une forme à-dire que le grand champ de l’arc est horizontal.
de toit (Fig. 16). Lors de malposition isolée dans le Ceci permet de faciliter grandement les plicatures
sens vertical, une marche en mésial et une en distal de finition. En effet, si la situation clinique nécessite
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 111

un deuxième où sont corrigées les malpositions loca-


lisées et les erreurs de collage. Un arc rectangulaire
de forte section, voire « full-size », est ensuite inséré.
Ensuite, le praticien s’attache aux finitions maxil-
laires, dans le premier ordre, puis le deuxième et en-
fin le troisième ordre. Pour le premier ordre, un arc
rectangulaire .019 × .026 inches est utilisé. Les fini-
tions d’ordre général (forme d’arcade, diamètres bi-
Figure 16 canin et bimolaire) sont effectuées avant celles ponc-
Déformation en toit au niveau du secteur incisif pour le tuelles (exo ou endoalvéolie localisée, rotation den-
contrôle de l’angulation des incisives et du positionnement taire). Pour pallier ces malpositions dans le sens
de leurs apex (légende et document personnel, O. Sorel). transversal, le praticien peut incorporer des in-set ou
des off-set sur l’arc.
la réalisation de courbure de premier ou deuxième Une fois les corrections maxillaires de premier
ordre, sur un arc plat, cette pliure n’entraînera pas ordre achevées, l’attention se focalise sur les fini-
d’effet parasite, alors que pour un arc préalablement tions de deuxième ordre. À l’instar du premier ordre,
torqué, une déformation de premier ordre aura une le praticien s’intéresse d’abord à l’arcade dans son
répercussion indésirable sur le deuxième ordre et ré- ensemble (forme générale, courbe de Spee, infra-
ciproquement [37]. Par conséquent, dans le cas où clusion ou supraclusion étendue...) puis au posi-
une déformation de troisième ordre s’avère néces- tionnement individuel des dents (infraclusion ou
saire, lors de la phase de finition, en plus de celle de supraclusion localisée, angulation inadaptée. . .). Là
premier ou de deuxième ordre, il faudra être parti- encore, il est préconisé d’utiliser un arc rectangu-
culièrement vigilant aux répercussions dans les trois laire de .019 × .026 inches. Cette dimension illustre
dimensions de l’espace. très bien l’importance de la distinction entre ce qui
relève d’une « finition générale » et d’une « fini-
2.3.3. Proposition d’un protocole pour la phase tion localisée ». En effet, les solutions thérapeutiques
de finition [11] conseillées dans les deux situations ne sont pas les
Une analyse précise de la malocclusion, à chaque mêmes : une infraclusion étendue, accompagnée par
étape de finition, est un préalable indispensable à exemple d’une interposition linguale, sera plus ju-
l’établissement d’un « plan de finition ». Une fois les dicieusement traitée par une rééducation linguale
modifications à obtenir déterminées, il faut les hié- et des tractions intermaxillaires verticales que par
rarchiser, c’est-à-dire déterminer l’ordre dans lequel des step-down comme utilisés pour des infraclusions
il est préférable de les réaliser. Pour cela, trois prin- localisées.
cipes sont à respecter : premièrement, débuter par Sur le plan technique, les déformations de pre-
les finitions mandibulaires, en général plus simples, mier ou deuxième ordre peuvent être introduites sur
afin de rapidement insérer un arc « full-size », ou l’arc soit en une fois soit en deux, en fonction du
du moins de forte section. Deuxièmement, il est jeu entre l’arc et la gorge du boîtier. Ainsi, sur un
conseillé de commencer par les courbures de pre- arc sous-dimensionné (en .019 × .026 inches), les
mier ordre puis de deuxième et enfin, de troisième corrections peuvent être effectuées en une seule fois,
ordre. Troisièmement, la priorité est donnée aux cri- sous réserve toutefois qu’elles ne dépassent pas un
tères généraux puis, dans un second temps, les pro- millimètre. Quand un arc « full-size » est en place,
blèmes unitaires ou localisés sont traités. De ces trois l’arc épouse intimement la gorge interne du bracket
principes découlent la méthodologie suivante, très et la perte d’information est minimale, les informa-
intéressante, proposée par J. Faure. tions doivent alors être intégrées progressivement à
Dans une première phase, concernant l’arcade l’arc, afin d’éviter l’application de forces trop lourdes.
mandibulaire, deux volets successifs sont décrits : Dans ce cas, si on souhaite mettre à terme une défor-
un premier où les finitions générales sont réalisées mation à 90◦ , il est recommandé lors de la première
(contrôle de la forme d’arcade et de la dimension séance de plier le fil à 30◦ par rapport à l’axe de l’arc
transversale, contrôle de la courbe de Spee, etc.), et (Fig. 17).
112 Orthod Fr 2014;85:93–125

Figure 17
Schémas représentant les déformations progressivement in- Figure 18
corporées à l’arc : arc droit en début de phase de finition (arc
Schématisation du développement majoré du ramus durant
du bas), plicature à 30◦ réalisée à la première séance (arc du
la dernière phase de croissance mandibulaire selon Enlow
milieu) et courbure finale (arc du haut) (document personnel,
(d’après Philippe [26]).
J. Faure).

En dernier lieu, le praticien procède aux finitions Ainsi, si le potentiel résiduel de croissance est défa-
maxillaires de troisième ordre. vorable, ou n’est pas équilibré entre le maxillaire et
la mandibule, il peut contribuer à la déstabilisation
de la situation de fin de traitement ou aggraver une
3. Les facteurs de la récidive, les critères malocclusion. Il est, par exemple, établi que la crois-
de stabilité et les procédés sance de la mandibule se poursuit après l’arrêt de
de la stabilisation celle du maxillaire. Si cette différence est un avan-
tage dans le cas des classes II squelettiques, elle peut
La fin du traitement orthodontique, c’est à dire être problématique face à un patient présentant une
l’obtention des objectifs esthétiques et fonctionnels classe III squelettique. De plus, lors de la fin de la
fixés lors du diagnostic initial, n’assure pas la stabilité croissance mandibulaire, l’allongement de la branche
des résultats. En effet, pour Bassigny [6] : « Le seul montante est deux fois plus important que celui du
critère de réussite à long terme d’un traitement orthodon- corps de la mandibule, ce qui aura tendance à favo-
tique est la stabilité dans le temps des corrections effec- riser la récidive de la supraclusion [16, 17, 19, 24].
tuées. » Pour ce faire, l’orthodontiste doit connaître Malheureusement, s’il est un devoir pour le prati-
quels sont les principaux facteurs susceptibles de cien de connaître ces particularités de la fin de crois-
provoquer une récidive, quels sont les critères de sta- sance osseuse, il est difficile d’anticiper les compli-
bilité qu’il doit chercher à mettre en place et quels cations d’une croissance défavorable. Dans ce cas, il
sont les procédés de stabilisation lui permettant d’as- ne pourra que les intercepter si celles-ci venaient à
surer au mieux la pérennité de ses résultats. En ef- apparaître (Fig. 18).
fet, il ne peut être envisagé de stabilité à long terme
sans une étude, précise et initiale, des facteurs de
risque de récidives, individuels et propres à chaque 3.1.2. L’équilibre musculaire
patient [12]. Pour Zachrisson [39] : « Une réflexion Selon Tomes (1873), cité par Philippe [26] :
pré-thérapeutique méticuleuse sur les objectifs thérapeu- « Deux forces très puissantes travaillent constamment
tiques au niveau dentaire, squelettique et des tissus mous pour amener les dents à leur place. À l’extérieur, la mus-
donnera d’excellents résultats dentaires et faciaux à long culature des lèvres et des joues exerce sans cesse sa pres-
terme. » sion tandis qu’à l’intérieur, la langue fait de même, et
avec une égale continuité. » Avant le début du traite-
3.1. Les facteurs de la récidive ment, les dents sont dans une position d’équilibre,
dictée par les pressions musculaires. Cet équilibre
3.1.1. Le potentiel résiduel de croissance
dépend de deux composantes. La première est gé-
Lors de la fin du traitement orthodontique, la ma- nétiquement déterminée et ne peut être modifiée
jorité des patients n’ont pas terminé leur croissance. que par la chirurgie. Ce sont le squelette facial,
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 113

sa forme et ses dimensions, la longueur et l’épais- Chateau [8, 9] dans sa triade (posture linguale-
seur des muscles de la face, mais aussi le volume déglutition atypique-phonation). Les macroglossies
de la langue et l’anatomie des voies aérifères supé- relatives sont, elles, plus fréquentes [16].
rieures. Si une thérapeutique chirurgicale est effec- Une microglossie, pouvant aller jusqu’à l’aglossie,
tuée, celle-ci devra se conformer à l’équilibre den- entraîne les mêmes signes cliniques qu’une langue de
taire présent sous peine d’entraîner une remise en volume normal en position basse et antérieure, c’est-
cause de celui-ci [26]. à-dire un affaissement des arcades dentaires ainsi
La deuxième correspond aux pressions muscu- qu’un maxillaire étroit et profond. Si la microglos-
laires appliquées lors du déroulement des fonctions sie est difficile voire impossible à corriger, face à
oro-faciales par le sujet. Celles-ci modèlent les ar- une langue basse et antérieure, il est primordial de
cades et peuvent être modifiées par le biais d’une s’attacher à l’obtention en fin de traitement d’une po-
rééducation, d’une thérapeutique de kinésithérapie, sition linguale corrigée en direction haute et en ar-
ou simplement par la modification de la position des rière, aussi bien au repos que lors de la mise en fonc-
dents. Philippe cite par exemple le cas d’une vestibu- tion. Dans le cas contraire, les troubles, induits par
loversion de l’incisive supérieure associée à une in- une mauvaise position initiale, ne pourront être cor-
terposition labiale inférieure. La correction des axes rigés que transitoirement, notamment par la modifi-
incisifs vers la normalité permet de lever l’interposi- cation des axes dentaires compensant une dimension
tion et la lèvre pourra alors jouer le rôle de maintien maxillaire transversale insuffisante. Cette correction
des axes incisifs [26]. sera forcément instable et soumise à une récidive
Toute pression musculaire considérée comme plus ou moins marquée [16].
étant anormale que ce soit dans sa position ou dans De même, un frein lingual trop court contraint la
son intensité (hypo ou hyper), au repos ou en fonc- langue à se maintenir en position basse, l’empêchant
tion, doit être normalisée avant la fin du traitement mécaniquement de s’élever au contact du palais et
afin d’assurer la stabilité de la position des dents dans entraînant notamment un défaut de phonation, en
laquelle elles ont été placées [26]. particulier des palatales. Une respiration buccale
Dans le cas contraire, Zachrisson [39] explique maintient elle aussi la langue en position basse, et
que s’il ne parvient pas à déterminer la raison pour aboutit aux troubles cités précédemment [16].
laquelle une malocclusion s’est développée, il ne Ainsi, quelle que soit l’étiologie de la rétention
prend pas le risque de modifier l’équilibre des forces linguale en position basse, mécanique, fonctionnelle
qui s’appliquent à la denture car pour lui : « Les dents ou constitutive, celle-ci doit être supprimée afin de
sont exactement là où elles ont une bonne raison d’être. » permettre à la langue de s’élever pour se rapprocher
du palais [16].
3.1.2.1. La langue C’est donc l’ensemble du « combiné volume-
forme-posture » de Chateau qui devra être
Le rôle morphogénétique de la langue a lar-
étudié [26].
gement été souligné par les différents auteurs, à
l’instar de Couly pour qui l’action de cet organe
peut être aussi bien bénéfique que néfaste sur les 3.1.2.2. Les lèvres
structures avoisinantes : « La langue, appareil natu- Par la pression qu’ils exercent sur les procès
rel d’orthopédie dento-faciale, pour le meilleur et pour alvéolo-dentaires, les orbiculaires des lèvres vont
le pire. » Les paramètres linguaux susceptibles de maintenir, ou au contraire déstabiliser les résultats
mettre en péril les résultats de fin de traitement de fin de traitement, voire même initier une réci-
sont multiples. En premier lieu, le volume lingual dive [16].
peut, par son importance ou son manque, interfé- En effet, la tonicité naturelle, et au repos,
rer avec notre idéal de stabilité. Les macroglossies des muscles labiaux varie d’un individu à l’autre.
vraies sont rares et font, le plus souvent, partie du Lorsque celle-ci est anormalement importante, c’est-
tableau clinique d’un syndrome plus général [16]. à-dire en cas d’hypertonie labiale, elle va exercer une
Le plus souvent, le praticien est confronté à des force importante, perpendiculaire à la face vestibu-
anomalies dans la posture et la fonction de la langue, laire des incisives, notamment des incisives supé-
les deux étant fréquemment liés, comme le souligne rieures. Cette force va créer, ou aboutir à la récidive,
114 Orthod Fr 2014;85:93–125

d’une rétroalvéolie et/ou d’une linguoversion. Ce oro-faciale peut potentiellement, si elles sont anor-
cas est fréquemment retrouvé chez les sujets leuco- malement exécutées, être à l’origine de troubles
dermes, entraînant préférentiellement une évolution morphologiques.
centripète de la denture. Au contraire, si la pression
musculaire exercée est insuffisante, c’est-à-dire dans 3.1.3.1. La déglutition
le cas d’une hypotonie labiale, la lèvre ne pourra pas Sachant qu’un enfant de 12 ans déglutit entre
jouer son rôle de « barrière antérieure ». Dans ce 800 et 1200 fois en moyenne par jour, il est aisé de
cas, l’équilibre musculaire du couloir labio-lingual comprendre qu’une position atypique de la langue
est alors déstabilisé en faveur de la langue, qui va au cours de cette fonction va entraîner des troubles
pousser sur les faces linguales des incisives, abou- morphologiques initiaux, ainsi que leur récidive
tissant à une proalvéolie et/ou une vestibuloversion, après correction, si celle-ci n’est pas rééduquée [16].
associées ou non à la création de diastèmes inter inci- La déglutition infantile, normale chez l’enfant en
sifs. Cette configuration est celle des mélanodermes, bas âge, devient atypique lorsque celui-ci grandit.
chez qui l’orbiculaire labial est hypotonique, et la Elle sollicite la contraction des lèvres, des joues et
langue est elle, au contraire, hypertonique. Ici, l’évo- du carré du menton, souvent associée à une interpo-
lution de la denture se fera donc dans la direction sition labiale qui peut avoir lieu à différents niveaux
d’une dérive centrifuge. de l’arcade dentaire (antérieure, latérale ou totale).
De plus, certains auteurs soutiennent l’idée selon Ainsi, elle s’accompagne notamment d’une absence
laquelle la lèvre inférieure, correctement positionnée de contacts occlusaux, circonscrite à la zone d’inter-
par rapport au bord libre de l’incisive supérieure, va position linguale. Si, lors de son avancée en âge, l’en-
s’opposer au mouvement d’égression de celle-ci, et fant n’effectue pas la transition entre déglutition in-
donc à une éventuelle récidive d’une supraclusion fantile et déglutition adulte, cette fonction est alors
initiale. considérée comme atypique. Elle devra être réédu-
Les freins labiaux peuvent aussi représenter un quée et normalisée avant la fin du traitement afin que
obstacle à la stabilité, notamment le frein labial supé- les dysmorphies qu’elle cause, et qui auront été cor-
rieur en présence d’un diastème inter-incisif. D’après rigées par le traitement, ne se voient pas déstabilisées
Bacon [5], ce sont les fibres oxytalanes constitutives et à l’origine d’une récidive certaine.
du frein qui seraient à l’origine de la formation du
diastème. Cependant, il insiste sur l’importance de 3.1.3.2. La ventilation
la prise en considération de l’éventuelle coexistence
La respiration considérée comme normale et phy-
d’une dysharmonie dento-dentaire. En effet, celle-ci
siologique est strictement nasale. Elle peut être,
doit venir pondérer le diagnostic établissant l’entière
transitoirement, remplacée par une respiration buc-
responsabilité du frein labial supérieur. Néanmoins,
cale en cas de nécessité d’une majoration de l’apport
lorsque la lèvre supérieure est étirée, le blanchiment
en oxygène, à l’effort par exemple [16].
du frein a une valeur pronostique connue qui a été
Cependant, certains patients présentent une res-
décrite par Merle-Béral. Lorsque le frein labial supé-
piration buccale permanente, à la suite d’une obs-
rieur est hypertrophique ou s’insère trop bas, c’est-à-
truction mécanique des voies nasales plus ou moins
dire sur la papille rétro incisive, il s’oppose à l’exis-
complète. Celle-ci peut être en lien avec la présence
tence d’un point de contact entre 11 et 21. Ainsi, s’il
de végétations adénoïdes ou d’amygdales palatines
n’est pas désinséré par le biais d’une freinectomie, il
de volume important, un contexte de rhinites aller-
représente un obstacle anatomique à la fermeture de
giques chroniques, une déviation de la cloison na-
l’espace inter-incisif et initiera sa récidive à supposer
sale, un frein lingual trop court maintenant la masse
que le praticien soit parvenu à le fermer.
linguale en position basse, etc. Dans l’ensemble de
ces cas, le patient se présente avec une ouverture
3.1.3. Le déséquilibre des fonctions buccale permanente, et donc une absence de contact
L’incontournable prérequis à la stabilité d’un labial et du stomion, aboutissant à une protrusion
traitement orthodontique est la suppression ou incisive, ainsi qu’une langue en position basse sti-
la normalisation des dysfonctions et des para- mulant la croissance transversale de la mandibule et
fonctions. L’ensemble des fonctions de la sphère non celle du maxillaire.
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 115

Si les obstacles à la respiration nasale ne sont pas La fermeture des diastèmes et son maintien au
levés en cours de traitement, lorsque celui-ci sera cours du traitement ont été préalablement évoqués
terminé, il sera soumis à des risques de récidive, dans le chapitre précédent (voir section 2.2.2.). En
car la langue ne pourra pas monter vers sa position post-thérapeutique, et selon Biourge [16], quatre im-
palatine normale, et emploiera le potentiel de crois- pératifs doivent être respectés pour assurer la stabi-
sance restant pour accentuer la dimension transver- lité de la fermeture d’un diastème inter-incisif :
sale de la mandibule. De plus, l’absence de contact – L’étiologie doit être supprimée.
labial ne permettra pas aux lèvres de jouer leur rôle – Les dents adjacentes doivent assurer la continuité
dans le couloir linguolabial décrit précédemment, de l’arcade (cinquième clé d’Andrews).
permettant ainsi une fuite des incisives en direction – L’éventuelle supraclusion incisive doit être levée.
antérieure. – Il ne doit pas persister d’autre espace sur l’arcade.
Dans le cas où les diastèmes seraient la conséquence
3.1.3.3. La phonation
d’une vestibulo-version incisive, tous les facteurs
Les désordres phonatoires, amenant de mauvais susceptibles d’initier la récidive de celle-ci, devront
appuis labio-linguaux lors de l’élocution, peuvent être contenus [16].
potentiellement être à l’origine de troubles alvéolo- Les espaces liés aux extractions doivent aussi être
dentaires. Ceux-ci ne peuvent être corrigés de façon pris en compte puisqu’ils peuvent, parfois, faire l’ob-
stable et pérenne que si le problème phonatoire ini- jet d’une réouverture tardive, post-thérapeutique.
tial a été levé [16]. Les troubles phonatoires sont Cependant, de simples moyens existent pour éviter
particulièrement à rechercher face à un trouble de ce désagrément (voir section 2.2.2).
la déglutition et/ou de la posture linguale (voir sec-
tion 3.1.2.1) 3.2. Les critères de stabilité
3.2.1. La position de l’incisive
3.1.4. La suppression des parafonctions mandibulaire [16]
Les parafonctions peuvent globalement se résu- Comme indiqué dans la littérature sur le sujet, la
mer à la succion du pouce, de doigts ou d’une lèvre. description de la position optimale des incisives va-
En fonction du tic de succion, cette parafonction rie selon les auteurs (voir section 2.1). Ainsi, celle
peut créer des troubles alvéolaires (pro et/ou rétro de l’incisive mandibulaire est tour à tour définie en
alvéolie supérieure et/ou inférieure) associés ou non fonction de l’angle que son grand axe doit former
à une absence de contact occlusal antérieur ou la- avec celui de l’incisive maxillaire, celui qu’elle forme
téral. Dans le cas où ces tics de succion ne seraient avec le plan mandibulaire ou le plan horizontal de
pas amendés en fin de traitement, ils aboutiraient in- Francfort ou encore sa position dans la symphyse
évitablement à une instabilité des résultats pouvant mentonnière et par rapport au plan A/Pog. Certains
aller jusqu’à une récidive totale [16]. auteurs estiment que sa position de début de traite-
ment ne doit pas être modifiée, étant donné qu’elle
est le résultat de l’équilibre des pressions musculaires
3.1.5. La fermeture des diastèmes et des espaces
qui sont exercées sur elle.
d’extractions
Tweed a été le premier partisan d’une position or-
Si les diastèmes sont physiologiques en denture thogonale de l’incisive mandibulaire au sein de l’os
mixte, ils sont considérés comme étant « patholo- basal et par rapport au plan mandibulaire, interdi-
giques » en denture adulte. Ils peuvent être répar- sant tout mouvement en direction vestibulaire de
tis sur toute l’arcade ou bien localisés en inter-incisif l’incisive, au risque de mettre en péril l’équilibre et
au maxillaire. Ils sont la conséquence d’une insertion la stabilité des résultats de fin de traitement. Il nuan-
palatine du frein labial maxillaire ou de son hyper- çait toutefois cette « position idéale » en fonction de
trophie, d’une localisation atypique du frein lingual, la typologie du patient.
d’un trouble lingual, ou sont simplement liés à la Pour Nance, le développement corono-
présence d’une proalvéolie, une dysharmonie dents- vestibulaire des incisives mandibulaires est « suici-
arcades ou dento-dentaire (voir section 2.2.2.) [16]. daire ». Selon lui, les dents mandibulaires doivent
116 Orthod Fr 2014;85:93–125

être positionnées correctement par rapport à l’os homogène des points de contacts entre arcades an-
basal [5]. Zachrisson évite lui aussi la vestibulover- tagonistes, notamment en intensité. De plus, la po-
sion des incisives inférieures si celles-ci sont déjà sition d’intercuspidie maximale doit se rapprocher,
en avant de A-Pog en pré-thérapeutique [39]. Cette voire se superposer, avec la position des dents en re-
précaution représente pour lui une clé de la stabilité lation centrée [16, 17, 19, 26].
des traitements orthodontiques. En effet, un défaut d’engrènement placerait les
dents dans une position instable. Celles-ci entre-
3.2.2. Engrènement et fonction occlusale prendraient alors un déplacement incontrôlé vers
une situation d’équilibre non désirée, ne répondant
Selon Kingsley : « L’occlusion dentaire est le fac-
pas aux objectifs initiaux [16].
teur le plus important dans la détermination de la sta-
La non-coordination entre les courbes de l’ar-
bilité de la nouvelle position. » Bien que puisse être
cade maxillaire et de l’arcade mandibulaire est une
discuté le fait qu’elle soit « le facteur le plus impor-
des causes de l’absence d’engrènement. Ce type de
tant », l’occlusion demeure un aspect indispensable à
situation risque d’aboutir à une dérive de l’une
prendre en compte quand on s’intéresse à la stabilité
ou de l’autre courbe d’arcade jusqu’à trouver le
occlusale.
contact de son antagoniste, ou bien à un déplace-
Le principe de l’équilibre occlusal, partie pre-
ment de la mandibule dans une position lui offrant
nante de « l’harmonie dentaire et occlusale » est très
un plus grand confort, favorisant ainsi la survenue
justement résumé par Lejoyeux, et al. [19] : « Les rap-
des troubles articulaires ou le développement d’un
ports dento-dentaires doivent garantir la meilleure stabi-
bruxisme [26].
lité possible en occlusion et, inversement, la plus grande
Ainsi, les rapports dento-dentaires entre antago-
liberté lors des mouvements mandibulaires. » En fin
nistes doivent être précis avec un engrènement le
de traitement, la position d’intercuspidation maxi-
plus profond possible. Certaines morphologies den-
male doit concorder avec celle de l’occlusion cen-
taires ne le permettent pas ; c’est pourquoi il est par-
trée [6]. La stabilité occlusale est assurée par des
fois nécessaire de modifier les reliefs et dimensions
contacts dento-dentaires de type engrenant (voir sec-
des cuspides afin d’augmenter la stabilité et la pé-
tion 2.1.4), les pointes cuspidiennes s’enchâssent
rennité des résultats. L’unique moyen de s’assurer
dans la crête marginale ou, mieux, dans la fosse
que les rapports dentaires antagonistes sont entière-
opposée. Ainsi, un affrontement des pointes cus-
ment satisfaisants, c’est à dire correctement répartis
pidiennes conduit à une instabilité occlusale. Par
et d’intensité égale, est de coupler l’examen clinique
leur morphologie, les prémolaires, et encore plus les
à un examen strict des moulages de fin de traite-
molaires, jouent un grand rôle dans la stabilisation
ment, en particulier des côtés lingual et palatin, dont
occlusale. De même, le parallélisme entre le pont
l’étude seule permet d’avoir une vision directe sur
d’émail de la molaire supérieure et le sillon distal de
les rapports des cuspides et des fosses palatines et
celle mandibulaire offre un engrènement parfait.
linguales [26].
Sur le plan cinétique, le guide incisif doit assu-
rer une désocclusion immédiate des secteurs laté-
raux. En latéralité, aucun contact ne doit persister 3.2.3. Respect de la courbe de Spee et du plan
du côté non travaillant ; du côté travaillant, seul le d’occlusion
contact canin est maintenu en cas de protection ca- L’obtention en fin de traitement de la normalisa-
nine [6]. Les cuspides vestibulaires des secteurs laté- tion de la courbe de Spee est un objectif impéra-
raux peuvent aussi être en contact si la protection de tif. Dans le cas contraire, elle évoluera naturellement
groupe est choisie. vers une position d’équilibre par des mouvements
Une occlusion de fin de traitement satisfaisante incontrôlés, entraînant les dents dans des positions
implique ainsi l’obtention d’un parfait engrènement insatisfaisantes [26].
dentaire avec des rapports cuspides/fosses et cus- De la même façon, la modification de l’orienta-
pides/embrasures. Cet objectif majeur permet d’aug- tion du plan d’occlusion peut être un des objectifs
menter la stabilité des résultats obtenus et passe par du traitement (tip-back bends, arcs inversés type re-
l’élimination de possibles interférences en occlusion verse, etc.). Lorsque ce changement est un effet para-
statique et dynamique, ainsi que par une répartition site d’une thérapeutique, ce qui peut notamment être
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 117

le cas lors de l’emploi d’élastiques de traction intra- de stabilisation du traitement. D’après Huggins [16],
arcades de classe II, la récidive est souvent inévitable. si la position des racines n’est ni correcte ni précise,
C’est pourquoi, si l’inclinaison du plan d’occlusion il est impossible de conserver un alignement coro-
nécessite d’être modifiée, cela doit être fait avec pré- naire. Ce parallélisme serait particulièrement impor-
caution et parcimonie [26]. tant dans les zones jouxtant des extractions et dans
celles de fermetures d’espaces. Les orientations ra-
3.2.4. Respect de la forme d’arcade diculaires peuvent être appréciées lors de l’examen
La forme de chaque arcade doit être en adéqua- radiologique terminal [4, 5, 7, 8] (voir section 2.2.2).
tion avec le système musculaire du patient, les dents
devant se trouver dans le « couloir neutre » défini par 3.3. Procédés de stabilisation
Chateau. Le respect de la forme initiale de l’arcade La stabilité des traitements orthodontiques peut
n’est pas un gage de stabilité mais c’est la façon de également être affectée par certaines décisions thé-
traiter qui présente le moins de risque [26]. Ainsi, la rapeutiques, inhérentes au plan de traitement établi,
tendance actuelle de standardisation des formes d’ar- comme les avulsions de prémolaires, l’expansion, la
cade semble être une erreur puisqu’elle s’oppose à la distalisation molaire, les modifications de la forme
forme originelle qui était le résultat de l’équilibre des d’arcade ou de la distance intercanine. Chez certains
pressions musculaires et des fonctions. Si cet équi- patients, des compromis à ce niveau semblent néces-
libre n’a pas été modifié, il est aisé d’imaginer que saires pour améliorer d’autres critères, une conten-
contraindre les arcades dans une nouvelle géométrie tion fixe et de longue durée s’impose alors [29].
devrait conduire à une récidive ou tout du moins à
une instabilité des résultats. De même, si une ex-
3.3.1. La surcorrection
pansion palatine est réalisée, elle doit être conte-
nue à court terme par le maintien passif de l’appa- La surcorrection [16, 17, 19, 26] correspond à un
reil d’expansion, par exemple, et à long terme par le excès de correction des malpositions, dans les trois
bon positionnement lingual et la réhabilitation d’une sens de l’espace, à l’aide d’un appareil actif. Mainte-
ventilation nasale optimale. Si l’expansion maxillaire nues durant quelques semaines, les dents sont en-
peut s’avérer être stable dans le temps, la stabilité de suite soit ramenées vers la position idéale avant la
l’expansion mandibulaire est beaucoup plus incer- dépose de l’appareil actif, elle-même rapidement sui-
taine [26]. En effet, selon Strang cité par Boley [7], vie par la mise en place d’une contention, soit lais-
les largeurs canine et inter-molaire mandibulaires ne sées libres de se réagencer et de se réengréner sous
doivent pas être modifiées afin d’assurer un maxi- l’influence du système neuromusculaire du patient,
mum de stabilité. Le maintien d’une distance inter- à l’instar du « denture recovery » de Tweed (voir sec-
canine mandibulaire « normale », c’est-à-dire de 24 tion 2.1.2).
à 26 mm, et le respect de la forme initiale de l’arcade La surcorrection peut être réalisée en cours de
mandibulaire, sont deux et le respect de la forme traitement ou à la fin de celui-ci.
initiale de l’arcade mandibulaire, sont deux clés de – La surcorrection en cours de traitement a été dé-
la stabilité post-thérapeutique pour Zachrisson [39]. fendue par Reitan et ses travaux sur les fibres des-
Selon lui, la modification de la forme d’arcade man- modontales. En effet, selon ce dernier, les fibres
dibulaire, sans extraction, est peu stable. desmodontales des dents surcorrigées, ayant été
De plus, il est primordial d’assurer une concor- transitoirement détendues, voient leur tension
dance entre les formes et largeurs d’arcades maxil- diminuer, permettant ainsi de participer à la sta-
laire et mandibulaire car, dans le cas contraire, l’une bilisation des résultats de fin de traitement. Ce-
des deux arcades va tendre à se rapprocher de l’autre, pendant, ceci est difficilement réalisable en tech-
entraînant aléatoirement avec elles les dents qu’elle nique d’arc droit. De plus, Philippe souligne le
supporte [16] (voir section 2.2.2). fait que ces résultats n’ont pas été confirmés par
une autre étude et qu’il est délicat de surcorriger
3.2.5. Parallélisme des racines la totalité d’une arcade.
Le parallélisme des racines est un des paramètres En 1997, Zachrisson pense que les rotations in-
qui doit être respecté afin d’augmenter les chances suffisamment corrigées peuvent potentiellement
118 Orthod Fr 2014;85:93–125

faire le lit de la récidive. Dans ce cas, la surcor-


rection est, pour lui, indiquée.
– La surcorrection en cours de traitement repré-
sente, pour la très grande majorité des auteurs,
« une prudente anticipation d’une inévitable ré-
cidive » [26].
Ainsi, pour Tweed, une légère hypercorrection est
souhaitable dans la plupart des cas, en fonction
du type de croissance.
Pourtant, d’autres pensent qu’elle est incompatible
avec la précision des critères occlusaux, indispen-
sable à la stabilité de la correction. Figure 19
Philippe soulève notamment l’opposition entre le Représentation de la pseudo-ingression selon J.
principe de la surcorrection et l’établissement d’une Philippe [26].
occlusion et d’une fonction normales, les deux étant
« les buts essentiels du traitement orthodontique et le fac- ne peut être réalisée que par l’application d’une force
teur de stabilité le plus efficace ». Selon lui, seuls les s’opposant à l’égression (Fig. 19).
cas de classe III en cours de croissance peuvent justi-
fier une surcorrection. En effet, dans les autres cas, il
3.3.3. La fibrotomie
soulève la difficulté, voire l’impossibilité de quanti-
fier l’importance de la surcorrection nécessaire mais La correction des rotations provoque un étire-
aussi l’absence de connaissance quant à la durée du ment des fibres desmodontales qui vont chercher
maintien de celle-ci. à revenir vers leur position initiale, entraînant dans
leur mouvement une récidive partielle voire totale de
3.3.2. La diminution de l’angle interincisif la rotation [16].
Selon Philippe [26], la fibrotomie correspond à
Pour certains auteurs, notamment Reidel, Burzin « la section chirurgicale des fibres supracrestales [...]
et Nanda [26], l’obtention d’un angle interincisif jusqu’à l’os alvéolaire ». Présentée en 1932 par
de faible valeur serait un facteur de stabilité de la Skasborg [26], elle a depuis été reprise par de nom-
correction d’une supraclusion incisive. Comme pré- breux auteurs, dont Boese qui propose de l’associer
cédemment énoncé, cet angle est sous l’influence à du stripping. En 1974, Pinson remarque que la fi-
des informations de troisième ordre exprimées par brotomie permet de diminuer considérablement la
les incisives mandibulaires et maxillaires (voir sec- récidive des rotations (25 % de récidive de la rota-
tion 2.2.4). Et, avec Ricketts, on peut rechercher un tion initiale avec fibrotomie, 56 % sans) [26].
axe incisif supérieur maintenu parallèle à l’axe fa- Quelques années plus tard, Redlich [16] s’est
cial si l’on veut assurer une bonne stabilité de fin de penché sur cette théorie selon laquelle l’étirement
traitement. des fibres de collagène desmondontales serait res-
Pour Philippe [26], ceci est un « faux débat » ponsable de la récidive des rotations. Ces travaux
étant donné que le mouvement réalisé n’aboutit pas, ont conclu que ces récidives ne sont pas uniquement
dans la plupart des cas, à une modification de la po- dues à la tension des fibres de collagènes, mais à l’im-
sition du centre de résistance des dents. En effet, plication de l’ensemble des tissus gingivaux du fait
on assiste, le plus souvent, à une simple vestibulo- de leurs propriétés élastiques.
version des incisives créant une réelle diminution
du recouvrement, mais seulement une impression
3.3.4. Les coronoplasties
d’ingression, appelée « pseudo-ingression » par Burs-
tone [26]. De plus, la vestibuloversion entraînera La coronoplastie est un procédé consistant à mo-
une modification du profil et en particulier du sou- difier la forme et/ou les dimensions de la cou-
tien de la lèvre supérieure, qui peut être souhai- ronne d’une ou plusieurs dents avec des instruments
table ou non. L’obtention d’une véritable ingression adaptés [18–34].
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 119

Figure 20
Exemples de coronoplasties réalisées sur les incisives man-
dibulaires, selon J. Philippe [26].

Elle peut être réalisée par meulage et sera alors


dite « par réduction » ou « par soustraction », par
ajout de matériau : dans ce cas, on l’appellera coro-
noplastie « par addition » ou « par apport » [26–34].
Les coronoplasties sont réalisées dans le cas
de dysharmonies dents-arcades, dento-dentaires, de
microdontie, de fractures, de dystrophies ou pour Figure 21
des raisons esthétiques. Elles peuvent potentielle- Schéma représentant les sept harmonies décrites par
ment intéresser les incisives, les canines, les prémo- Ricketts (Lejoyeux, Flageul, Une approche bioprogressive,
éditions Quintessence International [19]).
laires et/ou les molaires [26].
Des coronoplasties par réduction peuvent être
et mandibulaires n’ayant pu être obtenu par le trai-
réalisées sur les incisives mandibulaires lorsque
tement orthodontique, soit afin de rendre une mor-
celles-ci possèdent une couronne de forme triangu-
phologie canine permettant un bon fonctionnement
laire en vue vestibulaire [26]. De plus, à la suite de
en latéralité [26].
leurs travaux, Peck et Peck [26] concluent qu’un im-
Les coronoplasties réalisées sur les prémolaires
portant diamètre mésio-distal associé à une racine
peuvent être faites par addition ou par soustraction,
de section ronde favoriseraient le risque de récidive
tant au maxillaire qu’à la mandibule. Celles-ci seront
de rotation. Selon Van der Linden, la transforma- réalisées pour parfaire l’occlusion statique, dyna-
tion de points de contact en surfaces permettrait une mique, assurer un engrènement profond et répartir
meilleure stabilisation de la correction des malposi- les contacts occlusaux [26].
tions incisives [26] (Fig. 20), ce qui est un argument Enfin, les coronoplasties molaires sont réalisées
en faveur de la stabilité du stripping.
afin de palier à l’obtention de rapports molaires in-
Contrairement aux coronoplasties effectuées sur satisfaisants en fin de traitement. Différents moyens
les incisives mandibulaires, celles réalisées sur les in- peuvent être employés, allant de la simple ad-
cisives maxillaires se font le plus souvent par addi- jonction de composite à la reconstitution corono-
tion au niveau de leur face palatine. Elles ont pour périphérique. Quelle que soit la solution choisie, elle
objet de stabiliser les corrections de la supraclu- devra assurer un parfait engrènement cuspide/fosse
sion par la mise en place de perles de composite, entre molaires antagonistes [26].
augmentant les dimensions du cingulum, sur les-
quels viennent en contact les bords libres des in-
cisives mandibulaires en position d’intercuspidation
4. Harmonie
maximale. À chaque rencontre entre cette butée de Selon Larousse [15], l’harmonie se définit comme
composite et les incisives mandibulaires naissent des « la qualité d’un ensemble qui résulte de l’accord de
forces s’opposant à l’égression à la fois des incisives ses parties ou de ses éléments et de leur adaptation
maxillaires et des incisives mandibulaires [26]. à une fin » ou encore comme « le rapport heureux
Tout comme les incisives maxillaires, surtout les entre les parties d’un tout ».
latérales dans les cas de dysharmonie dento-dentaire, Selon Ricketts, sept harmonies définissant l’équi-
la forme des canines maxillaires et/ou mandibulaires libre du patient sont à considérer dans le
peut être retouchée par addition de composite. diagnostic et le traitement orthodontiques [19].
Cette adjonction est effectuée soit dans l’objectif Pour symboliser ce concept, il a repris la célèbre
de créer un contact entre les canines maxillaires illustration de Leonard de Vinci (Fig. 21).
120 Orthod Fr 2014;85:93–125

4.1. Harmonie faciale considéré comme beau un visage doit donc entrer
dans la norme mais cela n’est pas suffisant. Il doit
Comme le rapporte Philippe, l’obtention d’une
aussi susciter une émotion agréable auprès de celui
esthétique agréable et de la beauté du sourire et
qui l’observe. À l’inverse, les visages s’éloignant de la
du visage ont été d’une telle évidence pour les
normalité seront ressentis comme laids, voire mons-
chirurgiens-dentistes, qu’ils n’ont produit que peu de
trueux si la variation est très importante [17].
travaux à ce sujet. Le premier à aborder ce thème se-
rait Farrar en 1888 [25]. Définir cet aspect subjectif par des normes ob-
Pour cette harmonie, empreinte de subjectivité, la jectives et précises est extrêmement difficile et sou-
définition de la normalité relève d’un véritable défi. lève beaucoup de questions : sur quels critères fiables
La notion de beauté universelle reste très délicate à se baser pour définir l’harmonie faciale ? Quelles va-
déterminer, et varie en fonction des individus, des leurs délimitent le champ de la normalité ? Comment
origines ethniques, de l’époque, des modèles et des différencier une variation interindividuelle « nor-
stéréotypes. male » d’une « anormalité » ? Qui peut être le juge
Depuis toujours, quelles que soient l’époque et de cette harmonie ?
la civilisation concernées, les hommes et les femmes À ces questions, peu de réponses précises sont
ont cherché à embellir leur corps et leur visage. Ce apportées. Il existe bien des normes biométriques
processus d’embellissement est passé tour à tour par mais celles-ci ne sont pas forcément en concordance
la modification des corps et des visages, ou par le avec les attentes des patients et avec les objectifs des
port d’ornements [25]. praticiens [3]. Or, le motif de consultation en ortho-
L’apparence que nous renvoyons est d’une impor- dontie est fréquemment un contrôle et parfois aussi
tance primordiale puisqu’elle représente le premier l’apparence esthétique, l’un ne pouvant souvent être
moyen de communication de l’homme avec ses sem- distingué de l’autre. Le praticien se doit d’identifier
blables [25]. les attentes de son patient et le mettre en garde que
Qu’est-ce que le beau ? D’après le dictionnaire l’orthodontie seule peut ne pas être suffisante pour
d’Orthognathodontie de la Société Française d’Or- obtenir une esthétique satisfaisante. Une prise en
thopédie Dento-Faciale [34], le beau se définit charge multidisciplinaire peut améliorer grandement
comme « ce qui provoque une émotion esthétique ». les résultats sur ce plan : la parodontologie pour
Selon Philippe cité par Lejoyeux [19], la beauté l’aspect des tissus mous, la symétrie des collets, la
ne répond pas à des normes claires et précises. Pour- prothèse et l’odontologie conservatrice pour la cor-
tant, certains sujets sont reconnus par les autres rection des anomalies de forme ou de structure, de
comme ayant un physique agréable. Si ceux-ci créent teinte, de reflets [39]...
l’unanimité, c’est qu’il existe des facteurs objectifs de Un des aspects esthétiques important à considé-
la beauté, reconnaissables et identifiables [25]. rer, et qui semble faire consensus entre les auteurs,
Pourquoi certains visages sont ressentis comme c’est l’effet rajeunissant/vieillissant que peuvent avoir
étant beaux ? Dans son ouvrage, Lejoyeux [19] sou- nos thérapeutiques.
ligne l’existence d’un « concept de forme » démontré Différents auteurs ont essayé de délimiter le
par des psychologues. Selon eux, nous ressentirions champ du « normal » en matière d’esthétique faciale
comme beau « ce qui est conforme à ce qui est le plus en définissant certains critères. De face, la plupart
habituel dans les relations quotidiennes ». À ce titre, le des auteurs s’accordent sur les principaux critères :
rôle des médias se doit d’être souligné. Ceux-ci véhi- symétrie, équilibre des étages faciaux.
culent l’évolution rapide des modes et les stéréotypes Toutefois, de profil, les avis divergent, en partie
auxquels nos patients souhaitent ressembler [19]. à cause de différences dans la définition du beau, à
Pour Philippe [17], « sont beaux les visages normaux l’instar de Tweed décrivant comme normal des pro-
qui, par des variations de leur forme, de l’aspect de leur fils plats aux mentons proéminents, et de Ricketts
surface et de leurs mouvements expriment une idée qui préférant des profils avec un relief labial plus mar-
éveille l’intérêt de l’observateur ». Nombreuses sont les qué. Cependant, tous s’accordent à donner une place
caractéristiques entrant en compte dans la beauté déterminante aux lèvres dans le profil.
d’un visage : forme, bombés, saillies, proportions, L’analyse de Steiner donne une place importante
teint, carnation, expressions, mimiques... Pour être à la position des lèvres dans le profil et ce, par
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 121

(symétrie, hauteur de l’étage inférieur de la face,


équilibre sagittal des bases maxillaire et mandibu-
laire) au modelé du profil en passant par la souplesse
des contours [17].
La symétrie du visage, qui n’est jamais parfaite,
s’étudie par rapport à différents plans verticaux et
horizontaux, dont le principal est le plan sagittal mé-
dian. Les deux côtés du visage ont, normalement,
un développement équivalent dans les dimensions
transversale et verticale [17].
La hauteur de l’étage inférieur de la face joue
un rôle majeur dans l’équilibre et l’harmonie d’un
Figure 22
Évaluation esthétique de profil et de face selon Ricketts
visage, et a notamment un retentissement sur le
(Lejoyeux, Flageul, Une approche bioprogressive, éditions contact des lèvres. La dimension verticale constitue
Quintessence International [19]). un indice de pronostic et de difficulté du cas [17].
L’équilibre sagittal des bases maxillaire et man-
rapport à la ligne de Steiner qui joint le menton à dibulaire détermine le profil du patient allant de la
la columnelle [17]. concavité à la convexité en passant par le profil rec-
Pour Ricketts, la relation entre les lèvres et les tiligne, aussi dit droit [17].
saillies du visage, ainsi que la forme globale du profil Le modelé du profil est constitué par une succes-
sous nasal sont deux points primordiaux [17]. Ainsi, sion de concavités et de convexités donnant au profil
il définit deux lignes esthétiques de référence : la son caractère. Ainsi, les contours seront différents en
ligne E (joignant la partie antérieure du menton et fonction du sexe du patient. Chez l’homme, le profil
la pointe du nez) et la ligne C (tangente à la saillie labial recherché sera plus rectiligne, avec une pro-
des joues et du menton). La ligne E détermine un es- éminence plus accentuée du nez et du menton, ainsi
pace contenant les lèvres, la lèvre inférieure devant que des zones de jonctions nasolabiale et nasomen-
être au contact de la ligne E, celle supérieure étant tonnière plus aiguës que chez la femme. A contrario,
légèrement en retrait. La ligne C permet d’estimer chez celle-ci, le profil labial sera plus protrusif, avec
la longueur du nez, et donc de pondérer le rapport une proéminence plus faible du menton et des angles
des lèvres avec la ligne E en fonction de la projec- de jonctions plus ouverts [17] (Fig. 21).
tion nasale [17]. Rapidement, Ricketts complète son La souplesse des contours est un élément majeur
analyse initiale par l’examen de face de la largeur de de l’harmonie du profil, celle de la succession des
la bouche. Les commissures labiales doivent être, se- concavités et des convexités donne une impression
lon lui, idéalement chacune situées entre deux ver- de douceur et de féminité. Au contraire, les angles
ticales, l’une abaissée de la pupille, l’autre de l’aile vifs créent un sentiment de vivacité et d’énergie. Ils
du nez [17]. Un peu plus tard, Ricketts reprendra sont particulièrement appropriés aux visages mascu-
la « divine proportion » reposant sur le nombre d’or, lins auxquels ils confèrent de la virilité [17].
pour créer un compas qu’il utilisera afin d’évaluer Le concept d’harmonie faciale ne concerne pas
les proportions de ses patients, notamment dans la uniquement le visage de face et de profil mais aussi
dimension verticale [17] (Fig. 22). le sourire et donc l’exposition de la denture. Les
Enfin, Burstone écarte le nez de son analyse pour patients ayant une large bouche découvrent forte-
se concentrer, comme les autres auteurs, sur la si- ment les secteurs latéraux lors du sourire. Afin que
tuation des lèvres. Dans ce cas, la ligne de référence celui-ci soit esthétique, il ne doit pas y avoir de
choisie s’étend du menton au point sous-nasal. Les zones d’ombres dans les angles, celles-ci doivent être
deux lèvres la débordent, de 3,5 mm ± 1,4 mm pour parfaitement comblées par les dents. Ceci est d’au-
la lèvre supérieure, et de 2,2 mm ± 1,6 mm pour tant plus valable si les incisives supérieures du su-
l’inférieure [17]. jet sont, ne serait-ce que légèrement, inclinées en
Les facteurs influençant l’harmonie faciale sont direction palatine [19]. De la même façon, l’indi-
multiples et vont des proportions du visage cation d’extraction des premières prémolaires devra
122 Orthod Fr 2014;85:93–125

être précisément réfléchie. Cette dernière assure une si les forces occlusales ne sont pas réparties égalitai-
transition douce entre la canine et la première mo- rement le long des arcades, des déplacements den-
laire, que ce soit du point de vue de son anatomie ou taires post-thérapeutiques apparaitront certainement
de l’alignement des collets [17]. et imposeront une contention permanente [21].
L’évaluation de la santé des articulations temporo-
mandibulaires est également un aspect à prendre
4.2. Harmonie fonctionnelle [18] en compte ; le praticien, en fin de traitement, re-
cherchera des signes de dysfonctions (claquement,
Il est indéniable que la matrice fonctionnelle in- déviation, etc.) et une éventuelle symptomatologie
flue les structures alvéolo-dentaires et squelettiques douloureuse [29].
sous-jacentes (voir sections 3.1.2. et 3.1.3). L’en-
veloppe musculaire cranio-faciale délimite un cou-
4.4. Harmonie squelettique
loir, une zone d’équilibre entre les forces centri-
fuges et centripètes dans lequel les dents doivent Cette harmonie est appréciable par examen di-
se situer et, même si les dents ne sont pas parfai- rect du visage du patient et par analyse de clichés
tement alignées, elles n’en demeurent pas moins, radiographiques. Sur ces derniers, Ricketts effectue
naturellement, dans un équilibre relatif avec le sys- une première appréciation visuelle, sans mesure, de
tème musculaire. De plus, cet équilibre est également l’aspect général des tissus durs et des tissus mous au
perturbé lorsqu’il existe des dysfonctions. L’évalua- premier coup d’oeil, l’« eye-ball ». Ensuite, une ana-
tion précise de l’équilibre musculaire au repos et lyse céphalométrique basée sur des valeurs linéaires
lors des fonctions est un pré-requis indispensable et angulaires est menée en début de traitement (à
à la détermination des objectifs thérapeutiques. Un visée diagnostique), en milieu et/ou en fin (pour
diagnostic précis est, toutefois, difficile à établir. visualiser les modifications physiologiques et thé-
Lejoyeux et Flageul recommandent, pour cela, de rapeutiques). Les différentes valeurs obtenues sont
s’intéresser particulièrement à trois critères princi- comparées à des normes moyennes qui « décrivent
paux : les rapports labiaux, la typologie et les formes les conditions morphologiques les plus probables
d’arcades [18]. d’un résultat esthétique et fonctionnel idéal » [18],
Une seconde difficulté « diagnostique » vient permettant ainsi de définir la typologie du patient
s’ajouter : l’évolution de l’équilibre musculaire au et de caractériser les rapports des bases osseuses.
fil du temps, sous l’influence des phénomènes de Les valeurs sont présentées, le plus souvent, avec un
croissance, de vieillissement et des thérapeutiques. écart type, définissant une marge où les données cor-
Les objectifs thérapeutiques doivent également inté- respondent à une réalité clinique acceptable.
grer cette donnée, car ce qui est à l’heure du début Les rapports et/ou les proportions des différentes
de traitement, en adéquation avec le fonctionnement pièces osseuses peuvent ne pas être conformes à ces
musculaire, le sera moins dans dix ans. normes « idéales », des compromis s’avèrent alors
De ces principes découlent deux impératifs thé- nécessaires [30].
rapeutiques : rééduquer les fonctions et respecter ce
« couloir neutre » à court, moyen et long terme, lors 4.5. Harmonie psychologique
des choix d’objectifs de traitement, en particulier des Dans le cadre d’une prise en charge globale du
formes d’arcades. patient, il est nécessaire de prendre également en
considération l’aspect psychologique [18]. Le mo-
4.3. Harmonie occlusale tif de consultation, le contexte socio-familial et la
personnalité sont des données importantes qui ren-
Les contacts dento-dentaires doivent assurer en seignent le praticien sur la motivation et la com-
position d’intercuspidie maximale une stabilité et, pliance future du patient.
inversement, une liberté des mouvements mandibu- Une fois le diagnostic posé et le plan de traite-
laires excentrés [18]. ment défini, il est nécessaire de faire comprendre
Parallèlement aux critères occlusaux, un équilibre au patient et à son entourage, ce qu’il a, comment
musculaire doit également être recherché. En effet, et pourquoi il sera traité. Cette prise de conscience,
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 123

« l’awarness training » de Ricketts est un préalable in- prendre en compte : le vieillissement. Cependant, les
dispensable au traitement, pour espérer la coopéra- stigmates du temps ne se dessinent pas toujours sur
tion du patient. une même localisation et avec la même intensité sur
L’aspect psychologique est également important à le visage de toutes les personnes d’un même âge :
étudier face à des praxies. Par exemple, une succion certains paraissent plus jeunes, d’autres plus âgés.
digitale persistante peut être liée à la conservation La notion seule du temps ne peut donc pas, à elle
d’une simple habitude ; l’enfant, une fois informé, seule, expliquer les répercussions visibles du vieillis-
arrêtera assez facilement. Inversement, cette praxie sement sur l’esthétique d’un visage. Une « huitième
peut être également la conséquence d’une immatu- harmonie », reliant le temps (vieillissement) et l’es-
rité affective, la suppression de cette succion pourra pace (affaissement des tissus, par exemple) pourrait
être source de frustration et cause d’échec. être décrite : l’harmonie spatio-temporelle.
L’orthodontie touchant à l’esthétique du visage
peut avoir des répercussions en termes d’image de 4.8. Harmonie spatio-temporelle
soi ; il est impératif de discerner précisément les at-
Cette huitième harmonie, qui relie le vieillisse-
tentes du patient, en particulier en cas de traitement
ment à ses conséquences visibles, n’a pas été en-
orthodontico-chirurgical chez l’adulte, afin d’éviter
visagée par d’autres auteurs. Cependant, elle fait
une insatisfaction du patient face à un résultat qui
appel à des notions connues, qui avaient été trai-
pourrait être considéré, du point de vue du théra-
tées jusqu’à présent isolément. Or, il existe une véri-
peute, comme une réussite.
table interdépendance entre la dimension « temps »
et la dimension « espace ». Ainsi, la manifestation
4.6. Harmonie nutritionnelle
des marques du vieillissement n’est pas la même
L’harmonie nutritionnelle [18] est nécessaire à la d’un sujet à l’autre, ni en localisation, ni en inten-
bonne santé, au bon développement et au bien être sité ou en quantité. C’est cette notion qui a poussé
du patient. Associée à l’harmonie psychologique, elle un nombre croissant d’auteurs à s’intéresser aux ca-
permet un « meilleur équilibre fonctionnel ». Ces ractéristiques morphologiques qui « vieillissent » et
deux harmonies sont également très imbriquées dans à celles qui « rajeunissent » : qu’est-ce qui fait que
le cadre des troubles nutritionnels tels que les ano- cette personne paraît plus jeune, alors qu’une autre
rexies mentales. paraît plus âgée ? La réponse à ces interrogations est
nécessaire pour définir les objectifs esthétiques d’un
4.7. Harmonie temporelle traitement, en particulier chez l’adulte, où toute in-
L’harmonie temporelle [18] est assurée, chez l’en- tervention orthodontique « vieillissante » est à éviter,
fant, par une coïncidence entre l’âge civil et les âges voire à proscrire.
biologiques (âge dentaire, âge osseux, capacités in- À la suite de Ricketts [31], Danguy (congrès
tellectuelles). Hammamet, 2014) et Crétot [10] insistent sur l’im-
Une grande difficulté à laquelle l’orthodontiste portance de la dimension verticale des incisives in-
est confronté lorsqu’il désire traiter un enfant ou férieures dans le vieillissement du sourire et dans
un adolescent, c’est l’anticipation des modifications l’affaissement des tissus faciaux. Danguy a cherché
morphologiques et fonctionnelles sous l’impact de la à relier ce vieillissement à des valeurs céphalomé-
croissance cranio-faciale. Ces variations imposent au triques. Frindel [13] s’appuie sur les références his-
praticien d’intégrer lors du diagnostic et du traite- toriques du nombre d’or et de la proportion divine
ment, une « quatrième dimension » : le temps. C’est pour montrer l’importance jouée par les proportions
pourquoi, Ricketts a développé des Objectifs Visua- relatives des différentes parties du visage dans l’âge
lisés de Traitement (VTO), qui permettent d’objecti- « apparent » d’un individu. Pour ce faire, il décrit
ver les modifications alvéolo-dentaires, squelettiques des méthodes d’évaluation de l’équilibre du sourire
et esthétiques intervenant chez le patient, qu’elles dans la face, de son implication artistique et émo-
soient physiologiques ou thérapeutiques. tionnelle. Il insiste, en particulier, sur le positionne-
L’adulte, « qui a grandit », continue d’évoluer au ment de ce sourire dans le visage, en se référant à
fil du temps, sous l’impact des phénomènes de ma- des proportions d’équilibre et d’harmonie, propres à
turation. Un autre aspect est alors indispensable à chaque patient. À partir de ces données, il réfléchit
124 Orthod Fr 2014;85:93–125

à une ligne de conduite thérapeutique permettant de [10] Crétot M, Pujol J. Eléments d’analyse In: Agencement
construire le sourire tant désiré et de parvenir à cet dento-facial de l’adolescent à l’adulte âgé. Les fascicules
de l’orthodontie, Paris : Editions SID, 2000.
équilibre facial du sourire. Il a effectué la première
[11] Faure J. Communication personnelle, 15/12/2013,
étude connue à ce jour sur le vieillissement cutané Toulouse.
du sourire en dynamique, avec un recul de plus de [12] Fourquet L, Göttle M. Les contentions de quoi ?
dix ans, permettant ainsi d’affiner encore la méthode pourquoi ? avec quoi ? 85e réunion scientifique de la So-
thérapeutique, avec cette méthode propre à l’auteur. ciété Française d’Orthopédie Dento-Faciale, Paris, 8–10
mai 2013.
[13] Frindel F. Communication personnelle, 15/01/2014, St
5. Conclusions générales Étienne.
[14] Graber LW, Vanarsdall RL, Vig KWL. Orthodontics :
La qualité d’un traitement orthodontique ne
current principles and techniques, 5th ed. Philadelphia:
s’évalue pas tant sur les résultats occlusaux de fin Elsevier, 2012.
de traitement que sur la stabilité de ceux-ci et l’ob- [15] Larousse, Dictionnaire français Larousse, http://www.
tention d’une harmonie globale, à la fois esthétique, larousse.fr/dictionnaires/francais/harmonie/39112,
occlusale et fonctionnelle. C’est le point majeur qui 28/11/2013.
contribue à faire la différence entre la valeur des or- [16] Le Gall M (Coord). De la récidive. Rapport de la 72e réu-
nion scientifique de la S.F.O.D.F. Orthod Fr 1999;70(1).
thodontistes qui, pour la majorité d’entre eux, ont
[17] Lejoyeux E. Esthétique du visage. Encycl Med Chir, Paris :
suivi une formation de qualité, et dont les résultats Elsevier SAS, 2003;23-460-C-20.
sont proches. [18] Lejoyeux E. L’arc droit bioprogressif. In: Flageul F,
L’obtention de ces objectifs passe par l’utilisation Lejoyeux E. Propositions orthodontiques / classe II /
de procédés de stabilisation, le respect et l’obtention Situations critiques. Paris : Quintessence International,
2011:49−63.
de différents critères de stabilité relevant de la phase
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