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c EDP Sciences, SFODF, 2014 www.orthodfr.org
DOI: 10.1051/orthodfr/2014002
Article original
MOTS CLÉS : RÉSUMÉ – La phase de finition, dernière étape du traitement orthodontique actif,
Finition / permet de parfaire l’occlusion, en respectant les critères définis par les différents
Stabilité / auteurs et d’améliorer le résultat esthétique, jusqu’à atteindre les objectifs préalable-
Harmonie / ment fixés. La pérennité des résultats de fin de traitement ne peut être assurée sans
Esthétique une analyse initiale et personnalisée des facteurs de risque de récidive propres à
chaque patient. C’est à partir de cette étude que l’orthodontiste va pouvoir chercher
à répondre aux critères de stabilité communs à tout traitement, et choisir individuelle-
ment quels procédés stabilisants employer. La recherche de cette stabilité permettra
aux patients orthodontiques d’accéder à une harmonie durable. Ce cheminement
est le processus inévitable pour lui garantir un équilibre et une harmonie. Huit types
d’harmonies, souvent déjà décrits dans la littérature, sont ici exposés et analysés.
KEYWORDS: ABSTRACT – Finishing and detailing, stability and harmony. The finishing and
Finishing and detailing / detailing phase, the last stage of active orthodontic treatment, makes it possible to
Stability / perfect the occlusion, by adhering to criteria defined by various authors and to im-
Harmony / prove the esthetic result, while achieving the treatment objectives made during the
Esthetics pre-planning phase. The reliability of end of treatment results cannot be ensured
without an initial individualized analysis of the risk factors for relapse specific to each
patient. It is only after this analysis, that the orthodontist will be able to determine
how to comply with these criteria for stability, common in any treatment, and to indi-
vidually choose and implement reliable procedures. When planning for stability as the
treatment objective, orthodontic patients are able to achieve stable alignment. This
course of action is the necessary process to help ensure equilibrium and alignment.
Eight different methods of alignment, already frequently discussed in the literature,
will be described and analyzed in this paper.
« Tout ce qui est beau est difficile autant que critères qui varient en fonction des auteurs et des
rare. » Spinoza écoles de pensée. Le respect de ces critères garantirait
une meilleure stabilité dans le temps et des résultats
plus esthétiques. Toutefois, aussi parfaite que soit
1. Introduction
l’occlusion obtenue, elle ne peut, à elle seule, suf-
Les traitements orthodontiques ont pour but la fire pour assurer cette stabilité. C’est ce qui a poussé
correction des malocclusions, l’amélioration de l’es- certains auteurs, à l’instar de Ricketts et de ses « har-
thétique et la rééducation des dysfonctions. Une fois monies », à définir d’autres facteurs, en plus des cri-
ces objectifs atteints, commence alors la dernière tères d’occlusion, et à considérer l’individu dans son
phase du traitement actif, la finition orthodontique. intégralité.
Elle est « destinée à parfaire les corrections obte-
nues » [34]. La définition de l’occlusion « idéale », 2. Les finitions orthodontiques
l’objectif visé par les praticiens, repose sur plusieurs
Une fois les décalages importants corrigés, com-
* Auteurs pour correspondance : orthoalbi@wanadoo.fr mence la dernière phase du traitement actif, la
finition orthodontique. Elle est « destinée à parfaire mais est une occlusion thérapeutique transitoire, hy-
les corrections obtenues » [34]. Cette étape indispen- percorrection de la malocclusion initiale. Une fois
sable demeure cependant délicate, d’un point de vue le patient débagué, le traitement n’est pas entière-
thérapeutique (mécanique) et psychologique. Inter- ment parachevé, un réaménagement occlusal, sous
venant après plusieurs mois, voire plusieurs années influence du système neuro-musculaire et de l’anato-
de traitement, l’essoufflement de la coopération du mie dentaire, va intervenir. Ce phénomène est appelé
patient peut parfois se faire sentir lors de cette phase. « denture recovery ». Ce sont les facteurs environne-
Et ce, d’autant plus que ces résultats sont, aux yeux mentaux physiologiques, propres à chaque patient,
de nos patients, moins spectaculaires que ceux de la qui, en période post-thérapeutique, vont finaliser et
première phase d’alignement par exemple. stabiliser l’occlusion. Selon Tweed, si des rapports
Les finitions orthodontiques sont intimement occlusaux sont « juste » corrigés en fin de traitement,
liées au résultat esthétique final. Par conséquent, le praticien s’expose à la récidive [14].
la recherche des objectifs esthétiques initialement
fixés constitue un des buts de cette phase. Les cri-
tères de fin de traitement influencent également la 2.1.2.1. La zone postérieure
santé et/ou la fonction dentaire [35], articulaire et/ou
Les cuspides distales des premières molaires ainsi
musculaire.
que les secondes molaires sont placées légèrement en
sous-occlusion. Cet aménagement permet de focali-
2.1. Les principaux concepts de l’occlusion prônés ser les forces masticatoires sur la zone moyenne des
par les différentes écoles orthodontiques arcades et, dans un second temps, une « rééruption »
et leurs clés
des molaires dans une position fonctionnelle évitant
2.1.1. Définition de l’occlusion fonctionnelle toute prématurité traumatisante [14] (Fig. 1).
La détermination de l’occlusion fonctionnelle et
de ses « clés », c’est avant tout la définition de ce 2.1.2.2. La zone moyenne
qui est jugé « normal » et, par opposition, de ce qui
ne l’est pas, la malocclusion. Or, cette définition va- La cuspide vestibulaire de la deuxième prémo-
rie d’une école de pensée à une autre, en particulier laire supérieure est à l’aplomb du point de contact
lorsqu’on s’intéresse au secteur incisif. entre la première molaire et la deuxième prémolaire
Obtenir cette occlusion fonctionnelle, objectif de inférieure. L’importance de cette dent a été également
nos traitements, impose la réunion de plusieurs soulignée plus récemment, par différents auteurs, es-
conditions, une posture de repos équilibrée, une sentiellement du fait de son contact avec la première
matrice fonctionnelle neutralisée, une position des molaire mandibulaire [19] (Fig. 2).
condyles mandibulaires en relation centrée physiolo-
gique, une occlusion de classe I à « six clés » (en ré-
férence aux clés d’Andrews), un calage dentaire pos- 2.1.2.3. La zone antérieure
térieur et un guide antérieur efficace [22, 33].
Le surplomb et le recouvrement sont hyper-
Parmi les concepts occlusaux « classiques », un
corrigés, dans le cas de classe II, le guide inci-
des plus connus est sans conteste celui d’Angle. Ce
sif est minimal avec des rapports en bout-à-bout.
dernier a décrit trois classes en fonction des rap-
En post-thérapeutique, les rapports incisifs seront
ports entre la pointe cuspidienne mésio-vestibulaire
rapidement réajustés et récupèreront des valeurs
de la première molaire supérieure et le sillon mésio-
« idéales » [14]. Radiographiquement, l’incisive cen-
vestibulaire de la première molaire inférieure. Ce-
trale mandibulaire forme avec le plan mandibulaire
pendant, cette définition ne peut suffire, à elle seule,
un angle de 90◦ (±5◦ ). Cette valeur a été détermi-
à caractériser une occlusion idéale.
née par des études sur des populations blanches.
Les canines maxillaires ont une angulation légère-
2.1.2. Selon Tweed ment corono-mésiale et sont fermement en contact
La particularité de son concept est que l’occlusion avec les premières prémolaires mandibulaires pour
de fin de traitement n’est pas une occlusion idéale asseoir les rapports de classe I.
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 95
a b
Figure 1
Schémas représentant les rapports inter-arcades préconisés par Tweed en fin de traitement (a) et ceux obtenus après la phase de
"denture recovery " (b), pour Decker (Lejoyeux, Flageul, Une approche bioprogressive, éditions Quintessence International [19]).
Figure 3
Schéma (a) et photographie (b) représentant les orientations coronomésiales des dents maxillaires et mandibulaires (Lejoyeux,
L’arc droit bioprogressif, éditions Quintessence International [18]).
Figure 4 Figure 5
Schéma représentant l’angulation coronomésiale des dents Schéma représentant l’angulation corono-mésiale des dents
antérieures mandibulaires et les points de contact entre in- antérieures maxillaires (Lejoyeux, L’arc droit bioprogressif,
cisive latérale et canine (Lejoyeux, L’arc droit bioprogressif, éditions Quintessence International [18]).
éditions Quintessence International [18]).
En vue frontale, une courbe de compensation est intra-coronaire, correspondant à l’espace libre
dessinée avec une convexité supérieure. délimité par l’inclinaison des faces vestibulaires
des incisives mandibulaires et les faces pala-
2.1.4.2. Le secteur prémolaire tines des incisives maxillaires (en vue frontale).
Les premières prémolaires inférieures ont une an- Cet angle doit être suffisant pour garantir une
gulation corono-vestibulaire alors que les deuxièmes fonction mandibulaire libre, indispensable à ces
prémolaires sont verticales. Il n’y a pas, à ce niveau, fonctions.
de courbe de compensation sagittale. – Un guidage par les dents antérieures des mouve-
Au maxillaire, la première prémolaire a une angu- ments de proglissement.
lation corono-vestibulaire légère et une surface guide – La présence de contacts dentaires, lors des mou-
inclinée de 8◦ de moins que celle de la canine. En vements de latéralité, seulement du côté tra-
occlusion, elles entrent en contact avec les cuspides vaillant (et à l’exclusion des molaires).
antagonistes par leurs crêtes marginales. En vue oc- – L’absence de contact dentaire du côté balan-
clusale, la droite passant par leurs cuspides coupe la çant, lors des mouvements de latéralité et de
première molaire opposée, au niveau de son angle propulsion.
vestibulo-distal.
2.1.5. Selon Andrews
2.1.4.3. Le secteur molaire Dans ce contexte, Andrews [4] a observé et ana-
À l’arcade inférieure, une courbe de compensa- lysé les modèles de cent vingt patients présentant
tion sagittale à concavité supérieure se dessine à par- une occlusion « normale » et n’ayant pas été traités
tir des deuxièmes prémolaires. en orthodontie. Il a inclus, pour son étude, les mou-
À l’arcade supérieure, la crête transverse et la cus- lages de patients qui n’ont pas eu ou qui n’ont pas
pide mésio-linguale de la première molaire doivent besoin d’orthodontie, et qui ont les dents alignées
être localisées sur la ligne de fuite des prémolaires avec un aspect esthétique plaisant. Il a ainsi défi-
controlatérales. nit six « clés », six critères définissant une occlusion
La courbe de Spee présente trois tracés différents, « idéale » :
l’un vestibulaire, l’autre de l’occlusion centrée « pas-
– Clé n◦ 1 : Les relations molaires (Fig. 2) :
sive » et le dernier relatif aux cuspides « actives ». La
◦ La face distale de la cuspide disto-vestibulaire
courbe de Wilson est dessinée par les contacts cuspi-
de la première molaire supérieure est en
diens transversaux : elle est accentuée à partir de la
contact avec le pan mésial de la cuspide
deuxième prémolaire. Du fait de l’anatomie des mo-
mésio-vestibulaire de la deuxième molaire in-
laires, ces deux courbes s’accentuent au niveau de la
férieure (Fig. 8).
deuxième et de la troisième molaires.
◦ La cuspide mésio-vestibulaire de la première
molaire supérieure entre en contact dans le
2.1.4.4. Les courbes sillon séparant les cuspides mésio-vestibulaire
En vue occlusale, les bords incisifs et les pointes et centrale de la molaire mandibulaire.
cuspidiennes vestibulaires des secteurs cuspidés des- – Clé n◦ 2 : L’angulation coronaire mésio-distale
sinent un arc de cercle qui a pour centre le milieu du (version, tip) : les couronnes ont une direction
segment de droite reliant les points de contacts més- plus ou moins mésio-occlusale.
iaux des premières molaires. – Clé n◦ 3 : L’inclinaison vestibulo-linguale des
couronnes : la valeur du torque varie en fonction
2.1.4.5. L’occlusion dynamique des dents :
◦ Au niveau des incisives : il conditionne le
Slavicek s’est également intéressé à l’aspect dyna-
surplomb et l’occlusion postérieure, il est
mique de son « occlusion fonctionnelle » et en a dé-
corono-vestibulaire pour les incisives maxil-
crit quatre points :
laires, inexistant pour celles mandibulaires.
– L’absence d’interférence occlusale, lors des fonc- Pour les secteurs latéraux maxillaires, il est
tions dynamiques comme la phonation et la mas- corono-lingual (similaire pour les canines et
tication. Il définit ainsi un angle d’ouverture prémolaires, et augmenté pour les molaires),
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 99
à la mandibule, il est également corono- 2.2.2. Les critères de finition en vue occlusale
lingual et croissant des canines aux deuxièmes L’alignement dentaire
molaires.
– Clé n◦ 4 : L’absence de rotations dentaires car elles C’est un des aspects que le patient peut lui-même
augmentent l’espace mésio-distal nécessaire pour juger, particulièrement dans la zone antérieure, et
la dent. peut être motif de consultation. Les bords libres in-
– Clé n◦ 5 : La présence de points de contact car ils cisifs doivent être alignés au niveau antérieur. Dans
sont garants de la stabilité. les secteurs postérieurs, les fosses centrales des pré-
– Clé n◦ 6 : Le plan d’occlusion : la courbe de Spee molaires et molaires maxillaires doivent également
doit être aplatie ou légèrement marquée. être alignées, ainsi que les cuspides vestibulaires des
prémolaires et molaires mandibulaires. Les dents les
plus fréquemment mal alignées sont les incisives la-
2.2. Les critères et exigences de finitions térales et les secondes molaires [2].
2.2.1. La stabilité occlusale La forme d’arcade (voir section 3.2.4.)
L’American Board of Orthodontics, lors du dévelop-
Il n’existe pas une seule et unique forme d’ar-
pement de leur grille d’évaluation des résultats oc-
cade, mais celle choisie comme objectif se doit
clusaux en fin de traitement, a retenu comme cri-
d’être en adéquation avec l’anatomie et la phy-
tères [2, 22] :
siologie du patient. Cette notion est retrouvée
– L’alignement des dents. en technique de Tweed, où l’arc est façonné
– Le nivellement des crêtes marginales de deux grâce à une charte individualisée respectant cette
dents postérieures adjacentes. forme d’arcade, et en technique bioprogressive,
– Le torque vestibulo-lingual des molaires doit être via le système pentamorphique (même si initia-
approprié. lement Ricketts avait décrit douze formes d’ar-
– Une classe I d’Angle canine, prémolaire et mo- cades différentes) [23]. Une coordination dans la
laire (décalage de moins d’1 mm). forme et dans les dimensions des arcades supé-
– Des contacts occlusaux molaires et prémolaires rieure et inférieure est également nécessaire à l’ob-
en occlusion d’intercuspidie maximale (O.I.M.). tention de rapports inter-arcades harmonieux. En
– La présence de contact entre les incisives et ca- technique Edgewise, différentes courbures doivent
nines mandibulaires avec les faces palatines des être pratiquées sur les arcs dans les trois ordres.
Tableau 1
Tableau regroupant les critères intra-arcades recherchés, dans les trois ordres, selon les principaux auteurs.
100
ANDREWS RICKETTS TWEED SLAVICEK
PREMIER ORDRE
Critères intra-arcades : • Pas de rotation • Cf. Andrews
arcade supérieure • Pas de diastème
Incisives et canines • Face distale 12 et 22 vestibu-
lée par rapport à 13 et 23
Prémolaires • L’axe cuspidien prolongé coupe
Orthod Fr 2014;85:93–125
TROISIÈME ORDRE
Critères intra-arcades : • Courbe de Wilson accentuée à
arcade supérieure partir des 2e prémolaires
Incisives • Torque corono- • Axe parallèle à l’axe facial • Axe non imposé • Inclinaison corono-vestibulaire
vestibulaire variable
• Inclinaison face palatine corrélée
à la pente condylienne (+10◦ )
• Bord libre à 4-6 mm en avant de
A-Pog
• Position adaptée à celle de l’arc
antéro-inférieur
Canines • Inclinaison linguale lé- • Cf. Andrews • Pente canine plus im- • Angulation corono-vestibulaire
gère des surfaces vesti- • Inclinaison corono-vestibulaire portante que pentes cuspi- nette
bulaires des couronnes diennes prémolo-molaires • Surface guide à 48◦ de l’axe géné-
par rapport au secteur ral de la dent
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie
postérieur
101
102
Tableau 1
Suite.
ANDREWS RICKETTS TWEED SLAVICEK
TROISIÈME ORDRE
Orthod Fr 2014;85:93–125
Tableau 2
Suite
ANDREWS RICKETTS TWEED SLAVICEK
Critères inter-arcades • Désengrènement immédiat lors • Mouvement de latéro- • Guidé par les dents antérieures
dynamiques : des mouvements mandibulaires propulsion pris en charge • Pas de contact du côté balan-
Orthod Fr 2014;85:93–125
Figure 9
Schéma représentant, à gauche, les déformations de premier
ordre préconisées au maxillaire et, à droite, les déformations
de premier ordre indiquées au maxillaire, ainsi que la coor-
Figure 11
dination entre l’arc maxillaire et l’arc mandibulaire (document
personnel, J.-J. Aknin). Photographie d’un arc maxillaire avec les déformations de
premier ordre : in-set latéral, bosse canine, off-set molaire
(document personnel, O. Sorel).
dents antérieures, des « interférences antérieures » vées lors de l’évaluation des résultats de fin de
comme les nomme Sondhi, avec toutes les com- traitement [2], ce qui laisse à penser que ce cri-
plications dentaires, parodontales et/ou articulaires tère est, de façon générale, assez bien géré par les
qui en découlent [36]. Deux options s’offrent au orthodontistes.
praticien, selon la localisation de la dysharmonie
dento-dentaire : soit la réduction de la masse den- Le torque molaire
taire (réduction amélaire interproximale, voire avul-
Un torque molaire adéquat est primordial, en
sion), soit l’augmentation des dimensions dentaires
particulier lors des mouvements mandibulaires de
(par coronoplastie par addition ou par prothèse
diduction, pour éviter des prématurités ou des in-
fixée). L’importance de ce critère pousse certains au-
terférences occlusales indésirables. Pour cela, l’an-
teurs à considérer l’équilibre des dimensions den-
gulation vestibulo-linguale des molaires ne doit pas
taires comme la « septième clé » d’une occlusion
créer de gros décalages entre la hauteur des cus-
normale [22].
pides vestibulaires et celles des cuspides linguales
Le contrôle des rotations ou palatines [2]. Ce décalage peut être visualisé à
Pour le premier ordre, les appareils pré-ajustés la mandibule en joignant par une surface plate les
ont facilité le positionnement « idéal » des dents deux cuspides vestibulaires de deux molaires ho-
et le contrôle de leurs rotations. Pour amplifier mologues, les cuspides linguales doivent alors se
l’information et donc faciliter leur correction, le situer à moins d’un millimètre de cette droite, au
boîtier peut être collé de façon légèrement décen- maxillaire, les cuspides palatines servent de réfé-
trée, dans la direction de la rotation. De même, rence et les cuspides vestibulaires doivent se situer
la petite rotation disto-linguale donnée par le bra- à moins d’un millimètre de la droite [2]. Deux mal-
cket pré-informé à la molaire maxillaire (10 à 15◦ ) positions sont fréquemment observées chez nos pa-
permet un meilleur engrènement avec son anta- tients : des cuspides palatines trop basses par rapport
goniste (rotation disto-linguale moins importante, au plan d’occlusion et une linguoversion excessive
entre 0 et 12◦ ) et donc, d’asseoir plus fermement des molaires mandibulaires. Par conséquent, certains
la classe I [18, 22]. Certains auteurs recommandent, auteurs recommandent l’ajout d’un torque correctif
pour améliorer l’engrènement prémolaire, de pla- pour les molaires maxillaires et corono-vestibulaire
cer la première prémolaire maxillaire en rotation pour celles mandibulaires. Les dents qui ont le moins
mésio-palatine, position favorable à une occlusion souvent un torque adéquat sont les deuxièmes mo-
de leur cuspide palatine avec la fosse distale de leurs laires [2]. Une des explications pourrait être, comme
homologues inférieures [18]. Inversement, d’autres, le souligne Sondhi, que dans la plupart des métho-
comme Mc Laughlin et Benett, préconisent, dans les dologies, l’information de torque prescrite à la pre-
cas de classe II par exemple, de coller le bracket à mière et à la deuxième molaires supérieures est iden-
0,5 mm en mésial de sa position classique, pour in- tique, alors qu’à cause de la différence anatomique
duire une petite rotation distale des prémolaires su- de leur face vestibulaire, le torque est moins bien
périeures favorable à une occlusion de leur cuspide exprimé sur la seconde molaire que sur la première
palatine avec la fosse opposée et à une position en molaire. La conséquence clinique de cette impréci-
classe I de leur cuspide vestibulaire [22]. Au niveau sion pourrait être un positionnement plus bas des
antérieur, la légère mésialisation du bracket canin cuspides palatines des deuxièmes molaires, et donc,
inférieur permet d’améliorer le point de contact de une interférence occlusale. Pour pallier ce problème,
l’incisive latérale et de la canine, comme décrit par certains auteurs recommandent un torque addition-
Ricketts. nel sur les deuxièmes molaires supérieures, par rap-
port aux premières, de 4◦ à 7◦ [35]. D’un point de
Le maintien de la fermeture des espaces
vue esthétique, l’inclinaison des secteurs latéraux in-
Afin d’éviter la réouverture d’espace lors de la fluençant la présence des corridors buccaux, certains
phase de finition, des « tiebacks », des ligatures en auteurs, à l’instar de Ricketts, ont individualisé le
8 peuvent, par exemple, être utilisés. Selon l’Ameri- torque des canines, prémolaires et molaires maxil-
can Board of Orthodontics, la présence de diastème laires, en fonction du schéma facial, pour améliorer
ne fait pas partie des anomalies majeures retrou- l’esthétique du sourire.
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 107
a b c
Figure 13
(a) Représentation schématique d’un positionneur standard de laboratoire (courtoisie du laboratoire Rocky Mountain
Orthodonticsr ). (b) et (c) Positionneurs réalisés sur les moulages de fin de traitement d’un patient (b : document personnel,
G. Bounoure / c : document personnel, F. Frindel).
a b
Figure 14
Repositionnement de 12 (a) avec une gouttière monomaxillaire transparente (b) (document personnel, G. Bounoure).
Figure 17
Schémas représentant les déformations progressivement in- Figure 18
corporées à l’arc : arc droit en début de phase de finition (arc
Schématisation du développement majoré du ramus durant
du bas), plicature à 30◦ réalisée à la première séance (arc du
la dernière phase de croissance mandibulaire selon Enlow
milieu) et courbure finale (arc du haut) (document personnel,
(d’après Philippe [26]).
J. Faure).
En dernier lieu, le praticien procède aux finitions Ainsi, si le potentiel résiduel de croissance est défa-
maxillaires de troisième ordre. vorable, ou n’est pas équilibré entre le maxillaire et
la mandibule, il peut contribuer à la déstabilisation
de la situation de fin de traitement ou aggraver une
3. Les facteurs de la récidive, les critères malocclusion. Il est, par exemple, établi que la crois-
de stabilité et les procédés sance de la mandibule se poursuit après l’arrêt de
de la stabilisation celle du maxillaire. Si cette différence est un avan-
tage dans le cas des classes II squelettiques, elle peut
La fin du traitement orthodontique, c’est à dire être problématique face à un patient présentant une
l’obtention des objectifs esthétiques et fonctionnels classe III squelettique. De plus, lors de la fin de la
fixés lors du diagnostic initial, n’assure pas la stabilité croissance mandibulaire, l’allongement de la branche
des résultats. En effet, pour Bassigny [6] : « Le seul montante est deux fois plus important que celui du
critère de réussite à long terme d’un traitement orthodon- corps de la mandibule, ce qui aura tendance à favo-
tique est la stabilité dans le temps des corrections effec- riser la récidive de la supraclusion [16, 17, 19, 24].
tuées. » Pour ce faire, l’orthodontiste doit connaître Malheureusement, s’il est un devoir pour le prati-
quels sont les principaux facteurs susceptibles de cien de connaître ces particularités de la fin de crois-
provoquer une récidive, quels sont les critères de sta- sance osseuse, il est difficile d’anticiper les compli-
bilité qu’il doit chercher à mettre en place et quels cations d’une croissance défavorable. Dans ce cas, il
sont les procédés de stabilisation lui permettant d’as- ne pourra que les intercepter si celles-ci venaient à
surer au mieux la pérennité de ses résultats. En ef- apparaître (Fig. 18).
fet, il ne peut être envisagé de stabilité à long terme
sans une étude, précise et initiale, des facteurs de
risque de récidives, individuels et propres à chaque 3.1.2. L’équilibre musculaire
patient [12]. Pour Zachrisson [39] : « Une réflexion Selon Tomes (1873), cité par Philippe [26] :
pré-thérapeutique méticuleuse sur les objectifs thérapeu- « Deux forces très puissantes travaillent constamment
tiques au niveau dentaire, squelettique et des tissus mous pour amener les dents à leur place. À l’extérieur, la mus-
donnera d’excellents résultats dentaires et faciaux à long culature des lèvres et des joues exerce sans cesse sa pres-
terme. » sion tandis qu’à l’intérieur, la langue fait de même, et
avec une égale continuité. » Avant le début du traite-
3.1. Les facteurs de la récidive ment, les dents sont dans une position d’équilibre,
dictée par les pressions musculaires. Cet équilibre
3.1.1. Le potentiel résiduel de croissance
dépend de deux composantes. La première est gé-
Lors de la fin du traitement orthodontique, la ma- nétiquement déterminée et ne peut être modifiée
jorité des patients n’ont pas terminé leur croissance. que par la chirurgie. Ce sont le squelette facial,
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 113
sa forme et ses dimensions, la longueur et l’épais- Chateau [8, 9] dans sa triade (posture linguale-
seur des muscles de la face, mais aussi le volume déglutition atypique-phonation). Les macroglossies
de la langue et l’anatomie des voies aérifères supé- relatives sont, elles, plus fréquentes [16].
rieures. Si une thérapeutique chirurgicale est effec- Une microglossie, pouvant aller jusqu’à l’aglossie,
tuée, celle-ci devra se conformer à l’équilibre den- entraîne les mêmes signes cliniques qu’une langue de
taire présent sous peine d’entraîner une remise en volume normal en position basse et antérieure, c’est-
cause de celui-ci [26]. à-dire un affaissement des arcades dentaires ainsi
La deuxième correspond aux pressions muscu- qu’un maxillaire étroit et profond. Si la microglos-
laires appliquées lors du déroulement des fonctions sie est difficile voire impossible à corriger, face à
oro-faciales par le sujet. Celles-ci modèlent les ar- une langue basse et antérieure, il est primordial de
cades et peuvent être modifiées par le biais d’une s’attacher à l’obtention en fin de traitement d’une po-
rééducation, d’une thérapeutique de kinésithérapie, sition linguale corrigée en direction haute et en ar-
ou simplement par la modification de la position des rière, aussi bien au repos que lors de la mise en fonc-
dents. Philippe cite par exemple le cas d’une vestibu- tion. Dans le cas contraire, les troubles, induits par
loversion de l’incisive supérieure associée à une in- une mauvaise position initiale, ne pourront être cor-
terposition labiale inférieure. La correction des axes rigés que transitoirement, notamment par la modifi-
incisifs vers la normalité permet de lever l’interposi- cation des axes dentaires compensant une dimension
tion et la lèvre pourra alors jouer le rôle de maintien maxillaire transversale insuffisante. Cette correction
des axes incisifs [26]. sera forcément instable et soumise à une récidive
Toute pression musculaire considérée comme plus ou moins marquée [16].
étant anormale que ce soit dans sa position ou dans De même, un frein lingual trop court contraint la
son intensité (hypo ou hyper), au repos ou en fonc- langue à se maintenir en position basse, l’empêchant
tion, doit être normalisée avant la fin du traitement mécaniquement de s’élever au contact du palais et
afin d’assurer la stabilité de la position des dents dans entraînant notamment un défaut de phonation, en
laquelle elles ont été placées [26]. particulier des palatales. Une respiration buccale
Dans le cas contraire, Zachrisson [39] explique maintient elle aussi la langue en position basse, et
que s’il ne parvient pas à déterminer la raison pour aboutit aux troubles cités précédemment [16].
laquelle une malocclusion s’est développée, il ne Ainsi, quelle que soit l’étiologie de la rétention
prend pas le risque de modifier l’équilibre des forces linguale en position basse, mécanique, fonctionnelle
qui s’appliquent à la denture car pour lui : « Les dents ou constitutive, celle-ci doit être supprimée afin de
sont exactement là où elles ont une bonne raison d’être. » permettre à la langue de s’élever pour se rapprocher
du palais [16].
3.1.2.1. La langue C’est donc l’ensemble du « combiné volume-
forme-posture » de Chateau qui devra être
Le rôle morphogénétique de la langue a lar-
étudié [26].
gement été souligné par les différents auteurs, à
l’instar de Couly pour qui l’action de cet organe
peut être aussi bien bénéfique que néfaste sur les 3.1.2.2. Les lèvres
structures avoisinantes : « La langue, appareil natu- Par la pression qu’ils exercent sur les procès
rel d’orthopédie dento-faciale, pour le meilleur et pour alvéolo-dentaires, les orbiculaires des lèvres vont
le pire. » Les paramètres linguaux susceptibles de maintenir, ou au contraire déstabiliser les résultats
mettre en péril les résultats de fin de traitement de fin de traitement, voire même initier une réci-
sont multiples. En premier lieu, le volume lingual dive [16].
peut, par son importance ou son manque, interfé- En effet, la tonicité naturelle, et au repos,
rer avec notre idéal de stabilité. Les macroglossies des muscles labiaux varie d’un individu à l’autre.
vraies sont rares et font, le plus souvent, partie du Lorsque celle-ci est anormalement importante, c’est-
tableau clinique d’un syndrome plus général [16]. à-dire en cas d’hypertonie labiale, elle va exercer une
Le plus souvent, le praticien est confronté à des force importante, perpendiculaire à la face vestibu-
anomalies dans la posture et la fonction de la langue, laire des incisives, notamment des incisives supé-
les deux étant fréquemment liés, comme le souligne rieures. Cette force va créer, ou aboutir à la récidive,
114 Orthod Fr 2014;85:93–125
d’une rétroalvéolie et/ou d’une linguoversion. Ce oro-faciale peut potentiellement, si elles sont anor-
cas est fréquemment retrouvé chez les sujets leuco- malement exécutées, être à l’origine de troubles
dermes, entraînant préférentiellement une évolution morphologiques.
centripète de la denture. Au contraire, si la pression
musculaire exercée est insuffisante, c’est-à-dire dans 3.1.3.1. La déglutition
le cas d’une hypotonie labiale, la lèvre ne pourra pas Sachant qu’un enfant de 12 ans déglutit entre
jouer son rôle de « barrière antérieure ». Dans ce 800 et 1200 fois en moyenne par jour, il est aisé de
cas, l’équilibre musculaire du couloir labio-lingual comprendre qu’une position atypique de la langue
est alors déstabilisé en faveur de la langue, qui va au cours de cette fonction va entraîner des troubles
pousser sur les faces linguales des incisives, abou- morphologiques initiaux, ainsi que leur récidive
tissant à une proalvéolie et/ou une vestibuloversion, après correction, si celle-ci n’est pas rééduquée [16].
associées ou non à la création de diastèmes inter inci- La déglutition infantile, normale chez l’enfant en
sifs. Cette configuration est celle des mélanodermes, bas âge, devient atypique lorsque celui-ci grandit.
chez qui l’orbiculaire labial est hypotonique, et la Elle sollicite la contraction des lèvres, des joues et
langue est elle, au contraire, hypertonique. Ici, l’évo- du carré du menton, souvent associée à une interpo-
lution de la denture se fera donc dans la direction sition labiale qui peut avoir lieu à différents niveaux
d’une dérive centrifuge. de l’arcade dentaire (antérieure, latérale ou totale).
De plus, certains auteurs soutiennent l’idée selon Ainsi, elle s’accompagne notamment d’une absence
laquelle la lèvre inférieure, correctement positionnée de contacts occlusaux, circonscrite à la zone d’inter-
par rapport au bord libre de l’incisive supérieure, va position linguale. Si, lors de son avancée en âge, l’en-
s’opposer au mouvement d’égression de celle-ci, et fant n’effectue pas la transition entre déglutition in-
donc à une éventuelle récidive d’une supraclusion fantile et déglutition adulte, cette fonction est alors
initiale. considérée comme atypique. Elle devra être réédu-
Les freins labiaux peuvent aussi représenter un quée et normalisée avant la fin du traitement afin que
obstacle à la stabilité, notamment le frein labial supé- les dysmorphies qu’elle cause, et qui auront été cor-
rieur en présence d’un diastème inter-incisif. D’après rigées par le traitement, ne se voient pas déstabilisées
Bacon [5], ce sont les fibres oxytalanes constitutives et à l’origine d’une récidive certaine.
du frein qui seraient à l’origine de la formation du
diastème. Cependant, il insiste sur l’importance de 3.1.3.2. La ventilation
la prise en considération de l’éventuelle coexistence
La respiration considérée comme normale et phy-
d’une dysharmonie dento-dentaire. En effet, celle-ci
siologique est strictement nasale. Elle peut être,
doit venir pondérer le diagnostic établissant l’entière
transitoirement, remplacée par une respiration buc-
responsabilité du frein labial supérieur. Néanmoins,
cale en cas de nécessité d’une majoration de l’apport
lorsque la lèvre supérieure est étirée, le blanchiment
en oxygène, à l’effort par exemple [16].
du frein a une valeur pronostique connue qui a été
Cependant, certains patients présentent une res-
décrite par Merle-Béral. Lorsque le frein labial supé-
piration buccale permanente, à la suite d’une obs-
rieur est hypertrophique ou s’insère trop bas, c’est-à-
truction mécanique des voies nasales plus ou moins
dire sur la papille rétro incisive, il s’oppose à l’exis-
complète. Celle-ci peut être en lien avec la présence
tence d’un point de contact entre 11 et 21. Ainsi, s’il
de végétations adénoïdes ou d’amygdales palatines
n’est pas désinséré par le biais d’une freinectomie, il
de volume important, un contexte de rhinites aller-
représente un obstacle anatomique à la fermeture de
giques chroniques, une déviation de la cloison na-
l’espace inter-incisif et initiera sa récidive à supposer
sale, un frein lingual trop court maintenant la masse
que le praticien soit parvenu à le fermer.
linguale en position basse, etc. Dans l’ensemble de
ces cas, le patient se présente avec une ouverture
3.1.3. Le déséquilibre des fonctions buccale permanente, et donc une absence de contact
L’incontournable prérequis à la stabilité d’un labial et du stomion, aboutissant à une protrusion
traitement orthodontique est la suppression ou incisive, ainsi qu’une langue en position basse sti-
la normalisation des dysfonctions et des para- mulant la croissance transversale de la mandibule et
fonctions. L’ensemble des fonctions de la sphère non celle du maxillaire.
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 115
Si les obstacles à la respiration nasale ne sont pas La fermeture des diastèmes et son maintien au
levés en cours de traitement, lorsque celui-ci sera cours du traitement ont été préalablement évoqués
terminé, il sera soumis à des risques de récidive, dans le chapitre précédent (voir section 2.2.2.). En
car la langue ne pourra pas monter vers sa position post-thérapeutique, et selon Biourge [16], quatre im-
palatine normale, et emploiera le potentiel de crois- pératifs doivent être respectés pour assurer la stabi-
sance restant pour accentuer la dimension transver- lité de la fermeture d’un diastème inter-incisif :
sale de la mandibule. De plus, l’absence de contact – L’étiologie doit être supprimée.
labial ne permettra pas aux lèvres de jouer leur rôle – Les dents adjacentes doivent assurer la continuité
dans le couloir linguolabial décrit précédemment, de l’arcade (cinquième clé d’Andrews).
permettant ainsi une fuite des incisives en direction – L’éventuelle supraclusion incisive doit être levée.
antérieure. – Il ne doit pas persister d’autre espace sur l’arcade.
Dans le cas où les diastèmes seraient la conséquence
3.1.3.3. La phonation
d’une vestibulo-version incisive, tous les facteurs
Les désordres phonatoires, amenant de mauvais susceptibles d’initier la récidive de celle-ci, devront
appuis labio-linguaux lors de l’élocution, peuvent être contenus [16].
potentiellement être à l’origine de troubles alvéolo- Les espaces liés aux extractions doivent aussi être
dentaires. Ceux-ci ne peuvent être corrigés de façon pris en compte puisqu’ils peuvent, parfois, faire l’ob-
stable et pérenne que si le problème phonatoire ini- jet d’une réouverture tardive, post-thérapeutique.
tial a été levé [16]. Les troubles phonatoires sont Cependant, de simples moyens existent pour éviter
particulièrement à rechercher face à un trouble de ce désagrément (voir section 2.2.2).
la déglutition et/ou de la posture linguale (voir sec-
tion 3.1.2.1) 3.2. Les critères de stabilité
3.2.1. La position de l’incisive
3.1.4. La suppression des parafonctions mandibulaire [16]
Les parafonctions peuvent globalement se résu- Comme indiqué dans la littérature sur le sujet, la
mer à la succion du pouce, de doigts ou d’une lèvre. description de la position optimale des incisives va-
En fonction du tic de succion, cette parafonction rie selon les auteurs (voir section 2.1). Ainsi, celle
peut créer des troubles alvéolaires (pro et/ou rétro de l’incisive mandibulaire est tour à tour définie en
alvéolie supérieure et/ou inférieure) associés ou non fonction de l’angle que son grand axe doit former
à une absence de contact occlusal antérieur ou la- avec celui de l’incisive maxillaire, celui qu’elle forme
téral. Dans le cas où ces tics de succion ne seraient avec le plan mandibulaire ou le plan horizontal de
pas amendés en fin de traitement, ils aboutiraient in- Francfort ou encore sa position dans la symphyse
évitablement à une instabilité des résultats pouvant mentonnière et par rapport au plan A/Pog. Certains
aller jusqu’à une récidive totale [16]. auteurs estiment que sa position de début de traite-
ment ne doit pas être modifiée, étant donné qu’elle
est le résultat de l’équilibre des pressions musculaires
3.1.5. La fermeture des diastèmes et des espaces
qui sont exercées sur elle.
d’extractions
Tweed a été le premier partisan d’une position or-
Si les diastèmes sont physiologiques en denture thogonale de l’incisive mandibulaire au sein de l’os
mixte, ils sont considérés comme étant « patholo- basal et par rapport au plan mandibulaire, interdi-
giques » en denture adulte. Ils peuvent être répar- sant tout mouvement en direction vestibulaire de
tis sur toute l’arcade ou bien localisés en inter-incisif l’incisive, au risque de mettre en péril l’équilibre et
au maxillaire. Ils sont la conséquence d’une insertion la stabilité des résultats de fin de traitement. Il nuan-
palatine du frein labial maxillaire ou de son hyper- çait toutefois cette « position idéale » en fonction de
trophie, d’une localisation atypique du frein lingual, la typologie du patient.
d’un trouble lingual, ou sont simplement liés à la Pour Nance, le développement corono-
présence d’une proalvéolie, une dysharmonie dents- vestibulaire des incisives mandibulaires est « suici-
arcades ou dento-dentaire (voir section 2.2.2.) [16]. daire ». Selon lui, les dents mandibulaires doivent
116 Orthod Fr 2014;85:93–125
être positionnées correctement par rapport à l’os homogène des points de contacts entre arcades an-
basal [5]. Zachrisson évite lui aussi la vestibulover- tagonistes, notamment en intensité. De plus, la po-
sion des incisives inférieures si celles-ci sont déjà sition d’intercuspidie maximale doit se rapprocher,
en avant de A-Pog en pré-thérapeutique [39]. Cette voire se superposer, avec la position des dents en re-
précaution représente pour lui une clé de la stabilité lation centrée [16, 17, 19, 26].
des traitements orthodontiques. En effet, un défaut d’engrènement placerait les
dents dans une position instable. Celles-ci entre-
3.2.2. Engrènement et fonction occlusale prendraient alors un déplacement incontrôlé vers
une situation d’équilibre non désirée, ne répondant
Selon Kingsley : « L’occlusion dentaire est le fac-
pas aux objectifs initiaux [16].
teur le plus important dans la détermination de la sta-
La non-coordination entre les courbes de l’ar-
bilité de la nouvelle position. » Bien que puisse être
cade maxillaire et de l’arcade mandibulaire est une
discuté le fait qu’elle soit « le facteur le plus impor-
des causes de l’absence d’engrènement. Ce type de
tant », l’occlusion demeure un aspect indispensable à
situation risque d’aboutir à une dérive de l’une
prendre en compte quand on s’intéresse à la stabilité
ou de l’autre courbe d’arcade jusqu’à trouver le
occlusale.
contact de son antagoniste, ou bien à un déplace-
Le principe de l’équilibre occlusal, partie pre-
ment de la mandibule dans une position lui offrant
nante de « l’harmonie dentaire et occlusale » est très
un plus grand confort, favorisant ainsi la survenue
justement résumé par Lejoyeux, et al. [19] : « Les rap-
des troubles articulaires ou le développement d’un
ports dento-dentaires doivent garantir la meilleure stabi-
bruxisme [26].
lité possible en occlusion et, inversement, la plus grande
Ainsi, les rapports dento-dentaires entre antago-
liberté lors des mouvements mandibulaires. » En fin
nistes doivent être précis avec un engrènement le
de traitement, la position d’intercuspidation maxi-
plus profond possible. Certaines morphologies den-
male doit concorder avec celle de l’occlusion cen-
taires ne le permettent pas ; c’est pourquoi il est par-
trée [6]. La stabilité occlusale est assurée par des
fois nécessaire de modifier les reliefs et dimensions
contacts dento-dentaires de type engrenant (voir sec-
des cuspides afin d’augmenter la stabilité et la pé-
tion 2.1.4), les pointes cuspidiennes s’enchâssent
rennité des résultats. L’unique moyen de s’assurer
dans la crête marginale ou, mieux, dans la fosse
que les rapports dentaires antagonistes sont entière-
opposée. Ainsi, un affrontement des pointes cus-
ment satisfaisants, c’est à dire correctement répartis
pidiennes conduit à une instabilité occlusale. Par
et d’intensité égale, est de coupler l’examen clinique
leur morphologie, les prémolaires, et encore plus les
à un examen strict des moulages de fin de traite-
molaires, jouent un grand rôle dans la stabilisation
ment, en particulier des côtés lingual et palatin, dont
occlusale. De même, le parallélisme entre le pont
l’étude seule permet d’avoir une vision directe sur
d’émail de la molaire supérieure et le sillon distal de
les rapports des cuspides et des fosses palatines et
celle mandibulaire offre un engrènement parfait.
linguales [26].
Sur le plan cinétique, le guide incisif doit assu-
rer une désocclusion immédiate des secteurs laté-
raux. En latéralité, aucun contact ne doit persister 3.2.3. Respect de la courbe de Spee et du plan
du côté non travaillant ; du côté travaillant, seul le d’occlusion
contact canin est maintenu en cas de protection ca- L’obtention en fin de traitement de la normalisa-
nine [6]. Les cuspides vestibulaires des secteurs laté- tion de la courbe de Spee est un objectif impéra-
raux peuvent aussi être en contact si la protection de tif. Dans le cas contraire, elle évoluera naturellement
groupe est choisie. vers une position d’équilibre par des mouvements
Une occlusion de fin de traitement satisfaisante incontrôlés, entraînant les dents dans des positions
implique ainsi l’obtention d’un parfait engrènement insatisfaisantes [26].
dentaire avec des rapports cuspides/fosses et cus- De la même façon, la modification de l’orienta-
pides/embrasures. Cet objectif majeur permet d’aug- tion du plan d’occlusion peut être un des objectifs
menter la stabilité des résultats obtenus et passe par du traitement (tip-back bends, arcs inversés type re-
l’élimination de possibles interférences en occlusion verse, etc.). Lorsque ce changement est un effet para-
statique et dynamique, ainsi que par une répartition site d’une thérapeutique, ce qui peut notamment être
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 117
le cas lors de l’emploi d’élastiques de traction intra- de stabilisation du traitement. D’après Huggins [16],
arcades de classe II, la récidive est souvent inévitable. si la position des racines n’est ni correcte ni précise,
C’est pourquoi, si l’inclinaison du plan d’occlusion il est impossible de conserver un alignement coro-
nécessite d’être modifiée, cela doit être fait avec pré- naire. Ce parallélisme serait particulièrement impor-
caution et parcimonie [26]. tant dans les zones jouxtant des extractions et dans
celles de fermetures d’espaces. Les orientations ra-
3.2.4. Respect de la forme d’arcade diculaires peuvent être appréciées lors de l’examen
La forme de chaque arcade doit être en adéqua- radiologique terminal [4, 5, 7, 8] (voir section 2.2.2).
tion avec le système musculaire du patient, les dents
devant se trouver dans le « couloir neutre » défini par 3.3. Procédés de stabilisation
Chateau. Le respect de la forme initiale de l’arcade La stabilité des traitements orthodontiques peut
n’est pas un gage de stabilité mais c’est la façon de également être affectée par certaines décisions thé-
traiter qui présente le moins de risque [26]. Ainsi, la rapeutiques, inhérentes au plan de traitement établi,
tendance actuelle de standardisation des formes d’ar- comme les avulsions de prémolaires, l’expansion, la
cade semble être une erreur puisqu’elle s’oppose à la distalisation molaire, les modifications de la forme
forme originelle qui était le résultat de l’équilibre des d’arcade ou de la distance intercanine. Chez certains
pressions musculaires et des fonctions. Si cet équi- patients, des compromis à ce niveau semblent néces-
libre n’a pas été modifié, il est aisé d’imaginer que saires pour améliorer d’autres critères, une conten-
contraindre les arcades dans une nouvelle géométrie tion fixe et de longue durée s’impose alors [29].
devrait conduire à une récidive ou tout du moins à
une instabilité des résultats. De même, si une ex-
3.3.1. La surcorrection
pansion palatine est réalisée, elle doit être conte-
nue à court terme par le maintien passif de l’appa- La surcorrection [16, 17, 19, 26] correspond à un
reil d’expansion, par exemple, et à long terme par le excès de correction des malpositions, dans les trois
bon positionnement lingual et la réhabilitation d’une sens de l’espace, à l’aide d’un appareil actif. Mainte-
ventilation nasale optimale. Si l’expansion maxillaire nues durant quelques semaines, les dents sont en-
peut s’avérer être stable dans le temps, la stabilité de suite soit ramenées vers la position idéale avant la
l’expansion mandibulaire est beaucoup plus incer- dépose de l’appareil actif, elle-même rapidement sui-
taine [26]. En effet, selon Strang cité par Boley [7], vie par la mise en place d’une contention, soit lais-
les largeurs canine et inter-molaire mandibulaires ne sées libres de se réagencer et de se réengréner sous
doivent pas être modifiées afin d’assurer un maxi- l’influence du système neuromusculaire du patient,
mum de stabilité. Le maintien d’une distance inter- à l’instar du « denture recovery » de Tweed (voir sec-
canine mandibulaire « normale », c’est-à-dire de 24 tion 2.1.2).
à 26 mm, et le respect de la forme initiale de l’arcade La surcorrection peut être réalisée en cours de
mandibulaire, sont deux et le respect de la forme traitement ou à la fin de celui-ci.
initiale de l’arcade mandibulaire, sont deux clés de – La surcorrection en cours de traitement a été dé-
la stabilité post-thérapeutique pour Zachrisson [39]. fendue par Reitan et ses travaux sur les fibres des-
Selon lui, la modification de la forme d’arcade man- modontales. En effet, selon ce dernier, les fibres
dibulaire, sans extraction, est peu stable. desmodontales des dents surcorrigées, ayant été
De plus, il est primordial d’assurer une concor- transitoirement détendues, voient leur tension
dance entre les formes et largeurs d’arcades maxil- diminuer, permettant ainsi de participer à la sta-
laire et mandibulaire car, dans le cas contraire, l’une bilisation des résultats de fin de traitement. Ce-
des deux arcades va tendre à se rapprocher de l’autre, pendant, ceci est difficilement réalisable en tech-
entraînant aléatoirement avec elles les dents qu’elle nique d’arc droit. De plus, Philippe souligne le
supporte [16] (voir section 2.2.2). fait que ces résultats n’ont pas été confirmés par
une autre étude et qu’il est délicat de surcorriger
3.2.5. Parallélisme des racines la totalité d’une arcade.
Le parallélisme des racines est un des paramètres En 1997, Zachrisson pense que les rotations in-
qui doit être respecté afin d’augmenter les chances suffisamment corrigées peuvent potentiellement
118 Orthod Fr 2014;85:93–125
Figure 20
Exemples de coronoplasties réalisées sur les incisives man-
dibulaires, selon J. Philippe [26].
4.1. Harmonie faciale considéré comme beau un visage doit donc entrer
dans la norme mais cela n’est pas suffisant. Il doit
Comme le rapporte Philippe, l’obtention d’une
aussi susciter une émotion agréable auprès de celui
esthétique agréable et de la beauté du sourire et
qui l’observe. À l’inverse, les visages s’éloignant de la
du visage ont été d’une telle évidence pour les
normalité seront ressentis comme laids, voire mons-
chirurgiens-dentistes, qu’ils n’ont produit que peu de
trueux si la variation est très importante [17].
travaux à ce sujet. Le premier à aborder ce thème se-
rait Farrar en 1888 [25]. Définir cet aspect subjectif par des normes ob-
Pour cette harmonie, empreinte de subjectivité, la jectives et précises est extrêmement difficile et sou-
définition de la normalité relève d’un véritable défi. lève beaucoup de questions : sur quels critères fiables
La notion de beauté universelle reste très délicate à se baser pour définir l’harmonie faciale ? Quelles va-
déterminer, et varie en fonction des individus, des leurs délimitent le champ de la normalité ? Comment
origines ethniques, de l’époque, des modèles et des différencier une variation interindividuelle « nor-
stéréotypes. male » d’une « anormalité » ? Qui peut être le juge
Depuis toujours, quelles que soient l’époque et de cette harmonie ?
la civilisation concernées, les hommes et les femmes À ces questions, peu de réponses précises sont
ont cherché à embellir leur corps et leur visage. Ce apportées. Il existe bien des normes biométriques
processus d’embellissement est passé tour à tour par mais celles-ci ne sont pas forcément en concordance
la modification des corps et des visages, ou par le avec les attentes des patients et avec les objectifs des
port d’ornements [25]. praticiens [3]. Or, le motif de consultation en ortho-
L’apparence que nous renvoyons est d’une impor- dontie est fréquemment un contrôle et parfois aussi
tance primordiale puisqu’elle représente le premier l’apparence esthétique, l’un ne pouvant souvent être
moyen de communication de l’homme avec ses sem- distingué de l’autre. Le praticien se doit d’identifier
blables [25]. les attentes de son patient et le mettre en garde que
Qu’est-ce que le beau ? D’après le dictionnaire l’orthodontie seule peut ne pas être suffisante pour
d’Orthognathodontie de la Société Française d’Or- obtenir une esthétique satisfaisante. Une prise en
thopédie Dento-Faciale [34], le beau se définit charge multidisciplinaire peut améliorer grandement
comme « ce qui provoque une émotion esthétique ». les résultats sur ce plan : la parodontologie pour
Selon Philippe cité par Lejoyeux [19], la beauté l’aspect des tissus mous, la symétrie des collets, la
ne répond pas à des normes claires et précises. Pour- prothèse et l’odontologie conservatrice pour la cor-
tant, certains sujets sont reconnus par les autres rection des anomalies de forme ou de structure, de
comme ayant un physique agréable. Si ceux-ci créent teinte, de reflets [39]...
l’unanimité, c’est qu’il existe des facteurs objectifs de Un des aspects esthétiques important à considé-
la beauté, reconnaissables et identifiables [25]. rer, et qui semble faire consensus entre les auteurs,
Pourquoi certains visages sont ressentis comme c’est l’effet rajeunissant/vieillissant que peuvent avoir
étant beaux ? Dans son ouvrage, Lejoyeux [19] sou- nos thérapeutiques.
ligne l’existence d’un « concept de forme » démontré Différents auteurs ont essayé de délimiter le
par des psychologues. Selon eux, nous ressentirions champ du « normal » en matière d’esthétique faciale
comme beau « ce qui est conforme à ce qui est le plus en définissant certains critères. De face, la plupart
habituel dans les relations quotidiennes ». À ce titre, le des auteurs s’accordent sur les principaux critères :
rôle des médias se doit d’être souligné. Ceux-ci véhi- symétrie, équilibre des étages faciaux.
culent l’évolution rapide des modes et les stéréotypes Toutefois, de profil, les avis divergent, en partie
auxquels nos patients souhaitent ressembler [19]. à cause de différences dans la définition du beau, à
Pour Philippe [17], « sont beaux les visages normaux l’instar de Tweed décrivant comme normal des pro-
qui, par des variations de leur forme, de l’aspect de leur fils plats aux mentons proéminents, et de Ricketts
surface et de leurs mouvements expriment une idée qui préférant des profils avec un relief labial plus mar-
éveille l’intérêt de l’observateur ». Nombreuses sont les qué. Cependant, tous s’accordent à donner une place
caractéristiques entrant en compte dans la beauté déterminante aux lèvres dans le profil.
d’un visage : forme, bombés, saillies, proportions, L’analyse de Steiner donne une place importante
teint, carnation, expressions, mimiques... Pour être à la position des lèvres dans le profil et ce, par
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 121
être précisément réfléchie. Cette dernière assure une si les forces occlusales ne sont pas réparties égalitai-
transition douce entre la canine et la première mo- rement le long des arcades, des déplacements den-
laire, que ce soit du point de vue de son anatomie ou taires post-thérapeutiques apparaitront certainement
de l’alignement des collets [17]. et imposeront une contention permanente [21].
L’évaluation de la santé des articulations temporo-
mandibulaires est également un aspect à prendre
4.2. Harmonie fonctionnelle [18] en compte ; le praticien, en fin de traitement, re-
cherchera des signes de dysfonctions (claquement,
Il est indéniable que la matrice fonctionnelle in- déviation, etc.) et une éventuelle symptomatologie
flue les structures alvéolo-dentaires et squelettiques douloureuse [29].
sous-jacentes (voir sections 3.1.2. et 3.1.3). L’en-
veloppe musculaire cranio-faciale délimite un cou-
4.4. Harmonie squelettique
loir, une zone d’équilibre entre les forces centri-
fuges et centripètes dans lequel les dents doivent Cette harmonie est appréciable par examen di-
se situer et, même si les dents ne sont pas parfai- rect du visage du patient et par analyse de clichés
tement alignées, elles n’en demeurent pas moins, radiographiques. Sur ces derniers, Ricketts effectue
naturellement, dans un équilibre relatif avec le sys- une première appréciation visuelle, sans mesure, de
tème musculaire. De plus, cet équilibre est également l’aspect général des tissus durs et des tissus mous au
perturbé lorsqu’il existe des dysfonctions. L’évalua- premier coup d’oeil, l’« eye-ball ». Ensuite, une ana-
tion précise de l’équilibre musculaire au repos et lyse céphalométrique basée sur des valeurs linéaires
lors des fonctions est un pré-requis indispensable et angulaires est menée en début de traitement (à
à la détermination des objectifs thérapeutiques. Un visée diagnostique), en milieu et/ou en fin (pour
diagnostic précis est, toutefois, difficile à établir. visualiser les modifications physiologiques et thé-
Lejoyeux et Flageul recommandent, pour cela, de rapeutiques). Les différentes valeurs obtenues sont
s’intéresser particulièrement à trois critères princi- comparées à des normes moyennes qui « décrivent
paux : les rapports labiaux, la typologie et les formes les conditions morphologiques les plus probables
d’arcades [18]. d’un résultat esthétique et fonctionnel idéal » [18],
Une seconde difficulté « diagnostique » vient permettant ainsi de définir la typologie du patient
s’ajouter : l’évolution de l’équilibre musculaire au et de caractériser les rapports des bases osseuses.
fil du temps, sous l’influence des phénomènes de Les valeurs sont présentées, le plus souvent, avec un
croissance, de vieillissement et des thérapeutiques. écart type, définissant une marge où les données cor-
Les objectifs thérapeutiques doivent également inté- respondent à une réalité clinique acceptable.
grer cette donnée, car ce qui est à l’heure du début Les rapports et/ou les proportions des différentes
de traitement, en adéquation avec le fonctionnement pièces osseuses peuvent ne pas être conformes à ces
musculaire, le sera moins dans dix ans. normes « idéales », des compromis s’avèrent alors
De ces principes découlent deux impératifs thé- nécessaires [30].
rapeutiques : rééduquer les fonctions et respecter ce
« couloir neutre » à court, moyen et long terme, lors 4.5. Harmonie psychologique
des choix d’objectifs de traitement, en particulier des Dans le cadre d’une prise en charge globale du
formes d’arcades. patient, il est nécessaire de prendre également en
considération l’aspect psychologique [18]. Le mo-
4.3. Harmonie occlusale tif de consultation, le contexte socio-familial et la
personnalité sont des données importantes qui ren-
Les contacts dento-dentaires doivent assurer en seignent le praticien sur la motivation et la com-
position d’intercuspidie maximale une stabilité et, pliance future du patient.
inversement, une liberté des mouvements mandibu- Une fois le diagnostic posé et le plan de traite-
laires excentrés [18]. ment défini, il est nécessaire de faire comprendre
Parallèlement aux critères occlusaux, un équilibre au patient et à son entourage, ce qu’il a, comment
musculaire doit également être recherché. En effet, et pourquoi il sera traité. Cette prise de conscience,
Fourquet L., Göttle M., Bounoure G. Finitions, stabilité et harmonie 123
« l’awarness training » de Ricketts est un préalable in- prendre en compte : le vieillissement. Cependant, les
dispensable au traitement, pour espérer la coopéra- stigmates du temps ne se dessinent pas toujours sur
tion du patient. une même localisation et avec la même intensité sur
L’aspect psychologique est également important à le visage de toutes les personnes d’un même âge :
étudier face à des praxies. Par exemple, une succion certains paraissent plus jeunes, d’autres plus âgés.
digitale persistante peut être liée à la conservation La notion seule du temps ne peut donc pas, à elle
d’une simple habitude ; l’enfant, une fois informé, seule, expliquer les répercussions visibles du vieillis-
arrêtera assez facilement. Inversement, cette praxie sement sur l’esthétique d’un visage. Une « huitième
peut être également la conséquence d’une immatu- harmonie », reliant le temps (vieillissement) et l’es-
rité affective, la suppression de cette succion pourra pace (affaissement des tissus, par exemple) pourrait
être source de frustration et cause d’échec. être décrite : l’harmonie spatio-temporelle.
L’orthodontie touchant à l’esthétique du visage
peut avoir des répercussions en termes d’image de 4.8. Harmonie spatio-temporelle
soi ; il est impératif de discerner précisément les at-
Cette huitième harmonie, qui relie le vieillisse-
tentes du patient, en particulier en cas de traitement
ment à ses conséquences visibles, n’a pas été en-
orthodontico-chirurgical chez l’adulte, afin d’éviter
visagée par d’autres auteurs. Cependant, elle fait
une insatisfaction du patient face à un résultat qui
appel à des notions connues, qui avaient été trai-
pourrait être considéré, du point de vue du théra-
tées jusqu’à présent isolément. Or, il existe une véri-
peute, comme une réussite.
table interdépendance entre la dimension « temps »
et la dimension « espace ». Ainsi, la manifestation
4.6. Harmonie nutritionnelle
des marques du vieillissement n’est pas la même
L’harmonie nutritionnelle [18] est nécessaire à la d’un sujet à l’autre, ni en localisation, ni en inten-
bonne santé, au bon développement et au bien être sité ou en quantité. C’est cette notion qui a poussé
du patient. Associée à l’harmonie psychologique, elle un nombre croissant d’auteurs à s’intéresser aux ca-
permet un « meilleur équilibre fonctionnel ». Ces ractéristiques morphologiques qui « vieillissent » et
deux harmonies sont également très imbriquées dans à celles qui « rajeunissent » : qu’est-ce qui fait que
le cadre des troubles nutritionnels tels que les ano- cette personne paraît plus jeune, alors qu’une autre
rexies mentales. paraît plus âgée ? La réponse à ces interrogations est
nécessaire pour définir les objectifs esthétiques d’un
4.7. Harmonie temporelle traitement, en particulier chez l’adulte, où toute in-
L’harmonie temporelle [18] est assurée, chez l’en- tervention orthodontique « vieillissante » est à éviter,
fant, par une coïncidence entre l’âge civil et les âges voire à proscrire.
biologiques (âge dentaire, âge osseux, capacités in- À la suite de Ricketts [31], Danguy (congrès
tellectuelles). Hammamet, 2014) et Crétot [10] insistent sur l’im-
Une grande difficulté à laquelle l’orthodontiste portance de la dimension verticale des incisives in-
est confronté lorsqu’il désire traiter un enfant ou férieures dans le vieillissement du sourire et dans
un adolescent, c’est l’anticipation des modifications l’affaissement des tissus faciaux. Danguy a cherché
morphologiques et fonctionnelles sous l’impact de la à relier ce vieillissement à des valeurs céphalomé-
croissance cranio-faciale. Ces variations imposent au triques. Frindel [13] s’appuie sur les références his-
praticien d’intégrer lors du diagnostic et du traite- toriques du nombre d’or et de la proportion divine
ment, une « quatrième dimension » : le temps. C’est pour montrer l’importance jouée par les proportions
pourquoi, Ricketts a développé des Objectifs Visua- relatives des différentes parties du visage dans l’âge
lisés de Traitement (VTO), qui permettent d’objecti- « apparent » d’un individu. Pour ce faire, il décrit
ver les modifications alvéolo-dentaires, squelettiques des méthodes d’évaluation de l’équilibre du sourire
et esthétiques intervenant chez le patient, qu’elles dans la face, de son implication artistique et émo-
soient physiologiques ou thérapeutiques. tionnelle. Il insiste, en particulier, sur le positionne-
L’adulte, « qui a grandit », continue d’évoluer au ment de ce sourire dans le visage, en se référant à
fil du temps, sous l’impact des phénomènes de ma- des proportions d’équilibre et d’harmonie, propres à
turation. Un autre aspect est alors indispensable à chaque patient. À partir de ces données, il réfléchit
124 Orthod Fr 2014;85:93–125
à une ligne de conduite thérapeutique permettant de [10] Crétot M, Pujol J. Eléments d’analyse In: Agencement
construire le sourire tant désiré et de parvenir à cet dento-facial de l’adolescent à l’adulte âgé. Les fascicules
de l’orthodontie, Paris : Editions SID, 2000.
équilibre facial du sourire. Il a effectué la première
[11] Faure J. Communication personnelle, 15/12/2013,
étude connue à ce jour sur le vieillissement cutané Toulouse.
du sourire en dynamique, avec un recul de plus de [12] Fourquet L, Göttle M. Les contentions de quoi ?
dix ans, permettant ainsi d’affiner encore la méthode pourquoi ? avec quoi ? 85e réunion scientifique de la So-
thérapeutique, avec cette méthode propre à l’auteur. ciété Française d’Orthopédie Dento-Faciale, Paris, 8–10
mai 2013.
[13] Frindel F. Communication personnelle, 15/01/2014, St
5. Conclusions générales Étienne.
[14] Graber LW, Vanarsdall RL, Vig KWL. Orthodontics :
La qualité d’un traitement orthodontique ne
current principles and techniques, 5th ed. Philadelphia:
s’évalue pas tant sur les résultats occlusaux de fin Elsevier, 2012.
de traitement que sur la stabilité de ceux-ci et l’ob- [15] Larousse, Dictionnaire français Larousse, http://www.
tention d’une harmonie globale, à la fois esthétique, larousse.fr/dictionnaires/francais/harmonie/39112,
occlusale et fonctionnelle. C’est le point majeur qui 28/11/2013.
contribue à faire la différence entre la valeur des or- [16] Le Gall M (Coord). De la récidive. Rapport de la 72e réu-
nion scientifique de la S.F.O.D.F. Orthod Fr 1999;70(1).
thodontistes qui, pour la majorité d’entre eux, ont
[17] Lejoyeux E. Esthétique du visage. Encycl Med Chir, Paris :
suivi une formation de qualité, et dont les résultats Elsevier SAS, 2003;23-460-C-20.
sont proches. [18] Lejoyeux E. L’arc droit bioprogressif. In: Flageul F,
L’obtention de ces objectifs passe par l’utilisation Lejoyeux E. Propositions orthodontiques / classe II /
de procédés de stabilisation, le respect et l’obtention Situations critiques. Paris : Quintessence International,
2011:49−63.
de différents critères de stabilité relevant de la phase
[19] Lejoyeux E, Flageul S. Une approche bioprogressive.
de finition du traitement. Cette étape fait suite aux Paris : Quintessence International, 1999.
corrections des troubles majeurs et se traduit par [20] Loreille JP. Céphalométrie et orthodontie. Paris : Editions
l’information donnée par le praticien aux arcs. Les S.N.P.M.D., 1992.
déformations, pliures et plicatures se doivent d’être [21] Mahony D. Refining occlusion with muscle balance
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présenté par chaque patient, afin d’individualiser
[22] McLaughlin RP, Benett JC. Fintions avec l’appareil or-
précisément les finitions, assurant ainsi la stabilité thodontique préajusté. Encycl Med Chir, Paris : Elsevier
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