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Latérodysmorphose mandibulaire
J.-M. Salagnac

Les latérodysmorphoses mandibulaires regroupent des pathologies très variées. Selon leur
étiopathogénie, on distingue : les latérodysmorphoses d’origine mandibulaire pure, les
latérodysmorphoses entrant dans le cadre d’une asymétrie craniofaciale et les latérodysmorphoses
secondaires à une pathologie de voisinage. Elles s’accompagnent souvent de déformations secondaires
au niveau de la face. Le diagnostic des anomalies morphologiques de l’ensemble de la face et de la
mandibule repose sur l’examen clinique et sur un bilan radiologique qui comprend au minimum un
orthopantomogramme et des téléradiographies de profil, de face, axiale. L’étude de ces radiographies
demande une méthodologie précise qui se trouve facilitée par un logiciel et une méthodologie originale. Le
diagnostic doit être aussi précoce et précis que possible. Le traitement doit être adapté à chaque
pathologie. Les traitements orthopédique et orthodontique ne sont jamais suffisants ; ils ne doivent
jamais provoquer de compensations dentoalvéolaires visant à réduire la malformation ; leur objectif est
de rendre congruentes les deux arcades pour le traitement chirurgical auquel ils seront associés. La
chirurgie intervient à différents niveaux de la mandibule en fonction de la pathologie initiale, mais des
interventions complémentaires au niveau de la face sont parfois nécessaires s’il existe des déformations
secondaires importantes.
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Mots clés : Latérodysmorphose ; Téléradiographie tridimensionnelle ; Méthodologie céphalométrique ;


Traitement orthopédique et chirurgical

Plan La position latérale de la mandibule entraîne une asymétrie


faciale.
¶ Terminologie 1 Il est communément admis que les latéromorphoses mandi-
¶ Classification des latérodysmorphoses 2 bulaires se répartissent en deux groupes :
Latérodysmorphoses d’origine mandibulaire pure ou prédominante 2 • les anomalies de position latérale de la mandibule appelées
Latérodysmorphoses entrant dans le cadre d’une asymétrie faciale latérodéviations ou latéroglissements mandibulaires, c’est-à-
ou craniofaciale ou cervico-cranio-faciale 2
dire un déplacement latéral de la mandibule jugé par rapport
Latérodysmorphoses secondaires à une pathologie de « voisinage » 2
à un plan sagittal médian de la face et qui, bien souvent,
Diagnostic différentiel 2
sous-entend par rapport au maxillaire supérieur, mais la
¶ Méthodologie d’étude des latérodysmorphoses 2 forme et les dimensions de la mandibule sont normales ou
Examen clinique 2 subnormales [2];
Examen photographique 3
Examen électromyographique 3 • les latérognathies mandibulaires sont des anomalies osseuses
Examen radiologique 3 regroupées en deux catégories : celles dues à une anomalie
¶ Pronostic et traitement 10 des dimensions, de forme ou de volume de la mandibule,
celles dues à une asymétrie de la base du crâne qui engendre
¶ Exemples cliniques 10
une implantation asymétrique de la mandibule. Les deux
Latérodysmorphose mandibulaire par hypercondylie 10
causes peuvent coexister.
Latérodysmorphose mandibulaire par hypocondylie 12
Les latéromorphoses sont également répertoriées en orthopé-
die dentofaciale dans le chapitre des dysmorphoses
■ Terminologie transversales.
Différentes définitions des latérognathies sont proposées :
En orthopédie dentofaciale, sous le terme latéromorphose
mandibulaire sont réunies des pathologies très différentes qui • « déformation de la mâchoire observée quand le milieu d’une
ont pour symptôme commun une déviation et/ou une défor- arcade dentaire ne coïncide pas avec le plan de symétrie du
mation mandibulaire d’un côté et qui sont caractérisées clini- visage [3];
quement et radiologiquement par une position latérale du [4, 5];
• « déformation structurale dissymétrique de la mandibule »
menton plus ou moins importante et par des relations dentaires
transversales maxillomandibulaires altérées plus ou moins • « asymétrie faciale causée par la déviation latérale, perma-
sévèrement [1]. nente, du corps du maxillaire inférieur » [6];

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 1
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• la commission de terminologie de la Société française


d’orthopédie dentofaciale (SFODF), dans son bulletin de
septembre 2003, indique de rejeter le mot « latérognathie » et
propose d’utiliser le terme latéromandibulie avec comme
définition : « se dit de l’aspect asymétrique de la mandibule
latéralement déviée » [7].
D’emblée, l’on perçoit la difficulté de reconnaître et de classer
ces différentes anomalies.
Peu de travaux ont été publiés depuis le rapport de la SFODF
en 1974. Notons cependant les travaux de l’école lilloise en
1988 : Danguy, Delachapelle, Thilloy [8], de Ricketts en 1995 [9],
et de Deblock et al. [4] en 1998.
Le mot « latéromorphose » provient de later(o) du latin latus,
lateris qui signifie côté et du grec morph(o) morphé qui signifie
forme. L’adjectif latéral signifie de côté, sur le côté ; qui se
rapporte au côté d’une chose. Littéralement « latéromorphose »
signifie « forme de côté » où le caractère pathologique n’appa-
raît pas. Pour traduire l’aspect pathologique de ces anomalies, il Figure 1. Dysplasie condylienne en « bosse de chameau ».
faut ajouter la racine « dys » du grec dus qui signifie « difficulté,
mauvais état ». Nous adoptons donc le terme « latérodysmor-
phose » en remplacement de « latéromorphose ». Remarquons • Torticolis congénital.
que la notion de déplacement latéral n’existe pas dans ce terme • Syndrome de Klippel-Feil.
et, par conséquent, les latérodéviations mandibulaires, les • Syndrome asymétrique craniofacial.
latéropositions dues à des asymétries de positions des articula- • Hémihypertrophie faciale.
tions temporomandibulaires (ATM) ou à des luxations ménisca- • Hémihypotrophie faciale.
les ne font pas partie des latérodysmorphoses ; elles sont • Scoliose dorso-cervico-craniofaciale.
néanmoins évoquées au titre du diagnostic différentiel.
Le mot « transversal » (du latin transversus, de trans, à travers Sans déviation latérale du menton
et versus, tourné, qui est disposé en travers) implique donc une • Syndrome de Hanhart.
étude de la largeur c’est-à-dire des deux côtés de la mandibule. • Syndrome de Jussieu.
Ainsi, dans certaines pathologies coexistent des latérodysmor- • Syndrome de Robin.
phoses et des anomalies transversales (qui peuvent être symé-
triques ou non) et où la mandibule peut présenter ou non des
déviations par rapport au plan sagittal médian, ce qui permet de Latérodysmorphoses secondaires
classer dans les latérodysmorphoses mandibulaires certaines à une pathologie de « voisinage »
pathologies qui n’y figurent pas habituellement (syndrome de
Pierre Robin, syndrome de Hanhart, syndrome de Jussieu, • Atteinte tissulaire (maladie de Romberg, poliomyélite unilaté-
hypertrophie massétérine...). rale...).
• Irradiation faciale unilatérale.
Nous proposons comme définition de latérodysmorphose :
• Paralysie faciale unilatérale.
anomalie de forme ou de dimensions ou de volume affectant
• Rétraction tissulaire cicatricielle (brûlure).
un ou deux côtés de la mandibule et s’accompagnant le plus
• Insuffisance maxillaire transversale.
souvent, mais non obligatoirement, d’une déviation latérale de
• Hypertrophie linguale (syndrome de Wiedemann-Beckwith,
la mandibule par rapport au plan de symétrie du visage. Nous
angiome lingual, langue grosse et basse de certaines progna-
adoptons la classification suivante (Cf. infra).
thies mandibulaires).
• Dysplasie fibreuse.
• Pathologie tumorale (de la parotide par exemple).
■ Classification
des latérodysmorphoses Diagnostic différentiel
Les latérodéviations mandibulaires dans lesquelles la forme de
la mandibule est normale ou subnormale, il s’agit d’un trouble
Latérodysmorphoses d’origine mandibulaire positionnel et fonctionnel, il faut distinguer les latérodéviations
pure ou prédominante par :
• obstacle occlusal : syndrome de Cauhepe et Fieux, prolatéro-
• Par hypercondylie unilatérale ou bilatérale asymétrique. déviation avec articulé inversé d’une incisive par exemple,
• Par hypocondylie unilatérale ou bilatérale asymétrique. contact prématuré entraînant une déviation du chemin de
• Par dysplasie condylienne (Fig. 1). fermeture de la mandibule. Il convient de traiter dès que
• Par ankylose temporomandibulaire. possible ces anomalies pour ne pas risquer une évolution vers
• Par latérogénie. une latérodysmorphose ;
• Par hypertrophie massétérine dissymétrique. • luxation méniscale ;
• Par latérognathie essentielle. • asymétrie d’implantation des ATM dans laquelle la forme et
les dimensions de la mandibule sont souvent subnormales.
Remarque : les dissymétries des parties molles sont exclues de
Latérodysmorphoses entrant dans le cadre ce travail.
d’une asymétrie faciale ou craniofaciale
ou cervico-cranio-faciale ■ Méthodologie d’étude
Avec déviation latérale du menton des latérodysmorphoses
• Syndrome du premier arc brachial :
C dysostose mandibulofaciale (syndrome de Treacher Col-
Examen clinique
lins) (Fig. 2); L’examen direct du visage peut déceler une dissymétrie, mais
C microsomie hémifaciale (syndrome de Goldenhar). ne permet pas d’en préciser le siège exact, la dissymétrie cutanée

2 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
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Figure 2. Dysostose mandibulofaciale.

observée à la partie basse du visage ne témoignant pas néces- Les photographies intrabuccales sont réalisées de profil droit
sairement de l’importance de la dissymétrie osseuse et gauche, de face en position d’intercuspidation terminale et de
sous-jacente. face en relation centrée montrant le premier contact dentaire.
L’observation de la situation du menton doit se faire en
position de repos et dents serrées. En effet, dans les latérodys-
morphoses avec déviation latérale du menton, celui-ci est dévié Examen électromyographique
en position de repos et dents serrées.
Il est peu utilisé en pratique courante, une asymétrie d’acti-
L’observation intrabuccale et sur les moulages de la situation
vité musculaire est en faveur d’une étiologie musculaire de la
des points interincisifs supérieur et inférieur l’un par rapport à
latérodéviation mandibulaire [10].
l’autre et par rapport au plan de symétrie du visage et des
arcades dentaires, la comparaison des côtés droit et gauche de
la voûte palatine par rapport au raphé médian, des rapports
dentaires transversaux, de l’orientation du plan d’occlusion, de Examen radiologique
l’inclinaison des procès alvéolaires, la recherche de facettes C’est le seul capable d’étudier la dissymétrie squelettique.
d’abrasion anormales par leur étendue et par leur localisation, Toutes les latérodysmorphoses, même celles d’origine mandi-
peuvent orienter le diagnostic mais ne sont jamais suffisantes. bulaire pure, s’accompagnent de déformations secondaires au
L’examen fonctionnel comporte trois éléments importants : la niveau de la face. Ainsi, toute latérodysmorphose mandibulaire
recherche de la relation centrée, l’observation des trajets implique non seulement une étude structurale et positionnelle
d’ouverture et de fermeture mandibulaire et l’observation des de la mandibule, mais aussi une étude structurale et de symétrie
mouvements des condyles ; ces éléments orientent la recherche de l’ensemble de la face et de l’extrémité céphalique. Ces
de l’étiologie de la latérodysmorphose. latérodysmorphoses ont également des répercussions sur les
relations antéropostérieures et verticales maxillomandibulaires.
Dans les latérodysmorphoses d’étiologie mandibulaire unilaté-
Examen photographique rale, l’hémimandibule opposée est souvent affectée et ne peut
donc servir valablement de référence pour apprécier l’amplitude
Les photographies devraient être réalisées en position de de l’atteinte du côté pathologique.
repos et dents serrées, selon un protocole strict et reproductible. La mise en évidence des anomalies primitives et secondaires
Cependant, elles sont incapables de révéler la nature exacte de repose actuellement sur un bilan radiographique qui comprend :
la dissymétrie osseuse sous-jacente. Les photographies du visage une radiographie panoramique, une téléradiographie de profil,
doivent être réalisées de face pour mettre en évidence la une téléradiographie de face et une téléradiographie en inci-
déviation mandibulaire par rapport à l’axe de symétrie du visage dence basale.
et de profil (droit et gauche) pour comparer la symétrie ou la L’examen tomodensitométrique est très utile dans l’explora-
dissymétrie des côtés droit et gauche. Des photographies en tion de certaines asymétries faciales afin de préciser la forme, le
« contre-plongée » peuvent être utiles dans certaines pathologies volume et le siège de la malformation. Des reconstructions 3D
telles les hyper- et les hypocondylies. peuvent être demandées. Leurs coûts et leurs modalités de

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 3
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Tableau 1.
Conséquences des mouvements parasites sur les trois incidences.
Mouvements parasites Tangage autour d’un axe transversal Roulis autour d’un axe antéropostérieur Rotation autour d’un axe vertical
Conséquences sur les différentes incidences
Profil Sans conséquences Dissymétries artificielles Dissymétries artificielles
Face Dissymétries artificielles Sans conséquences Distorsions d’image ; faux rapports
verticaux
Axiale Distorsions d’image ; faux rapports Dissymétries artificielles Sans conséquences
antéropostérieurs

réalisation font qu’elles sont encore peu utilisées en ODF. d’une symétrie rigoureuse donnerait une impression de géomé-
Cependant, elles apportent des avantages incontestables, en trie absolue et invraisemblable »... et pourtant, tous recherchent
particulier grâce aux possibilités d’étudier indépendamment en dans leur diagnostic à visualiser et à quantifier les défauts de
« volume », le maxillaire et la mandibule, la charnière craniora- symétrie et à rétablir par leur thérapeutique une symétrie des
chidienne. Il est même possible d’y ajouter une analyse arcades dentaires, une symétrie squelettique des maxillaires et
céphalométrique. Souhaitons que, dans un avenir proche, ces un fonctionnement symétrique des mâchoires. D’où leur
examens prennent toute la place qu’ils méritent. recherche d’un système médian de référence. De nombreux
axes, plans, croix de symétrie ont été proposés, la croix semble
Radiographie panoramique être le meilleur procédé et nous l’avons retenu, mais aucun n’est
totalement satisfaisant [16].
Bien qu’imprécise, elle fournit beaucoup d’informations. Elle
Tous les auteurs essaient de différencier les asymétries
peut être réalisée soit en occlusion terminale, soit en bouche
« acceptables » considérées comme normales, des asymétries
semi-ouverte ce qui permet d’apprécier la mobilité d’un condyle
pathologiques. L’objectif du diagnostic est de mettre en évi-
par rapport à l’autre. Ce cliché permet notamment de comparer
dence le siège et l’importance des asymétries et de préciser les
la symétrie :
possibilités thérapeutiques. À partir de quelle amplitude une
• de forme et de dimensions des deux hémimandibules ;
asymétrie doit-elle être traitée ?
• de volume des cols et des têtes condyliennes ;
La difficulté à obtenir un bilan tridimensionnel correct, à
• la forme et la situation des apophyses coronoïdes par rapport
repérer certains points, à trouver un plan de symétrie irrépro-
au sommet des condyles ;
chable fait que malgré une méthodologie rigoureuse, il persiste
• de situation du canal dentaire par rapport au bord basilaire ;
des erreurs. Beaucoup d’analyses de symétrie sont longues et
• la distance des apex dentaires par rapport au canal dentaire ;
complexes à mettre en œuvre et ne sont guère utilisables en
• l’existence ou non d’encoche préangulaire (unilatérale ou
pratique courante. Le praticien doit utiliser une méthode
bilatérale, symétrique ou asymétrique).
simple, même approximative, qui permet d’obtenir une préci-
Répétée périodiquement elle permet de suivre l’évolution de sion de résultats supérieure à la somme des erreurs inévitables
la pathologie. et qui lui donne des renseignements suffisants.
Les progrès de l’informatique, le logiciel « Cephalo 2000 » de
Bilan téléradiographique tridimensionnel la société Nantes Ortho pour l’analyse de profil et la méthode
Il s’est imposé depuis les travaux de Nardoux [11] et surtout de visualisation des asymétries proposée ici permet une étude
depuis le rapport du congrès d’ODF en 1974 présenté à Nantes précise, complète et rapide du bilan tridimensionnel facilement
par Choquin, Duchateaux, Ferré, Vion sous la direction de utilisable en pratique quotidienne [17].
Delaire [3]. Une méthode d’étude du bilan est nécessaire ; toutes Avant étude de ces téléradiographies, il est indispensable de
les méthodes proposées se heurtent à une difficulté : celle du vérifier si elles ne comportent pas d’erreurs dues à une mauvaise
choix du plan de symétrie du visage ; mais quel plan de orientation de la tête lors de la prise des clichés. La critique du
symétrie choisir ? bilan tridimensionnel a été bien étudiée par Vion [18] et Verdon.
Pour Topinard : [12] « Dans le crâne, on ne saurait trouver ni Ces auteurs insistent sur le caractère exceptionnel d’obtenir un
un point, ni une ligne invariable à l’abri de toute objection bilan tridimensionnel rigoureusement réalisé, c’est-à-dire trois
pour servir de comparaison ou de point de départ à un système incidences parfaitement orthogonales entre elles, avec notam-
de mensuration. » Pour Wackenheim : [13] « Lorsqu’un organe ment une incidence frontale orthogonale à la vue latérale et
aussi complexe que le squelette craniofacial est asymétrique, il une incidence axiale orthogonale à la vue latérale : en obtenir
est très difficile de trouver quelle est la structure primitivement deux chez un même patient à 1 an d’intervalle, par exemple
anormale puisque l’asymétrie est une comparaison droite- pour suivre l’évolution d’une latérodysmorphose, relève presque
gauche qui implique qu’au préalable, nous ayons fixé un de l’impossible.
système de références. » Le Tableau 1 résume les conséquences des mouvements
Rappelons la définition de la symétrie : du grec sun : avec et parasites sur les trois incidences.
metron : mesure, harmonie résultant de certaines combinaisons Les principales causes d’erreurs dans l’interprétation des
et proportions régulières ; la définition mathématique est : clichés sont :
disposition de deux figures qui se correspondent point par • la qualité des documents radiographiques ;
point, de telle sorte que deux points correspondants de l’une ou • l’erreur personnelle de l’opérateur dans le relevé des points,
de l’autre soient à égale distance d’un point, d’une droite ou des mesures... ;
d’un plan donné et de part et d’autre. • l’erreur de méthode qui conduit à des conclusions erronées.
On ne peut aborder le problème du choix du plan de symé-
Téléradiographie de profil
trie sans remarquer un paradoxe dans la littérature orthodonti-
que. En effet, il est admis que la symétrie parfaite n’existe pas Bien qu’elle ne permette ni l’étude transversale ni l’étude de
chez l’homme, la parfaite symétrie est illusoire au niveau de la la symétrie de la mandibule, elle demeure indispensable pour
face même chez les sujets cliniquement normaux, ni même l’appréciation de l’architecture craniofaciale dans sa globalité,
dans la nature. Pour Izard [14] « L’asymétrie de la figure est une des relations mandibulomaxillaires, des relations mandibulocrâ-
caractéristique de l’espèce humaine. » La symétrie peut même niennes, des relations mandibulorachidiennes. C’est l’incidence
être nuisible à l’harmonie du visage, pour Baud [15] « un visage de choix pour l’étude (Fig. 3) :

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Tableau 2.
Signes radiologiques de bonne Signes de mouvements parasites
orientation en incidence frontale en incidence frontale
- La ligne supérieure des rochers se - La ligne supérieure des rochers se
trouve au niveau de la suture trouve au-dessus ou au-dessous de
ethmoïdomaxillaire (bord la suture ethmoïdomaxillaire
médiosupérieur de l’apophyse - Un côté paraît plus large que
pyramidale du maxillaire) l’autre, donnant l’impression d’une
- La distance entre le plafond de dissymétrie transversale
l’orbite et le menton doit être la
même sur le cliché de profil et de
face
- La distance entre le bord des
incisives inférieures et le menton
doit être la même sur le cliché de
profil et de face
2

3
• pour la recherche de l’image d’un double contour sans
2
intersection des branches montante et horizontale de la
mandibule qui serait un signe pathognomonique des latéro-
1 gnathies mandibulaires pour Choquin [3].
Téléradiographie de face
Elle est souvent réalisée en position d’intercuspidation
terminale, ce qui peut faire apparaître des fausses asymétries
mandibulaires qui sont en réalité des anomalies de position
A mandibulaire. Nous partageons l’avis de Deblock, Groshens-
Royer et Counot-Nouqué [4] de réaliser les téléradiographies
frontales en relation centrée. Elle ne permet de juger de la
position réelle de la mandibule par rapport au maxillaire
supérieur et par rapport au crâne qu’à cette condition.
Remarque : cette incidence permet de comparer la forme,
l’orientation et les dimensions transversales des branches
montantes, mais ne permet pas d’apprécier les dimensions
antéropostérieures des branches montantes et horizontales
(Tableaux 2, 3, 4).
Étude de la symétrie générale de la tête en incidence
frontale. L’étude de la symétrie verticale et transversale s’effec-
tue par comparaison des côtés droit et gauche par rapport à une
croix dite croix de symétrie (Fig. 4) [19].
Lorsqu’il existe une symétrie crânienne, les points et structu-
res suivants sont alignés de haut en bas : le sommet du crâne :
point SC, l’apophyse crista galli : point ethmoïdien central (Ec),
la lame perpendiculaire de l’ethmoïde, la suture intermaxillaire,
le centre de l’apophyse odontoïde (Od), le point interincisif
supérieur, le point interincisif inférieur, le point menton (Me).
Le segment SC-Ec correspond à la voûte du crâne, le segment
Ec-ENA correspond à l’étage supérieur de la face, le segment
ENA-Me correspond à l’étage inférieur de la face (Fig. 4). Dans
beaucoup d’asymétries cranio-facio-mandibulaires, l’alignement
de ces trois secteurs n’existe plus.
Cependant, le secteur base de la crista galli lame perpendicu-
laire de l’ethmoïde n’est pas, ou peu, affecté, aussi l’axe vertical
de la croix est positionné sur ce segment. Normalement, ces
trois segments sont confondus avec l’axe vertical de la croix.
Ainsi les déviations des trois segments par rapport à l’axe de la
croix apparaissent nettement.
Ce procédé est particulièrement intéressant dans les grandes
asymétries où, comme le souligne Talmant, [20] « il n’y a plus de
Figure 3. plan de symétrie ».
A, B. 1. Appréciation du niveau de l’angle mandibulaire/rachis. 2. Double Ils sont construits et tracés de couleurs différentes comme suit
contour mandibulaire. 3. image d’une hémimandibule incluse dans (Fig. 4) :
l’autre. • le supérieur, à partir du point Ec situé à l’union de la lame
criblée et de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et d’un
point de la lame perpendiculaire (LP) pris en regard du
• de la situation de l’angle mandibulaire par rapport au rachis renflement de la muqueuse pituitaire, cette ligne est prolon-
cervical supérieur (notamment par rapport à l’angle antéro- gée vers le haut jusqu’au sommet de la voûte du crâne qu’elle
inférieur de C2) dans les latérodysmorphoses mandibulaires coupe au point SC. Il objective les anomalies de situation du
par anomalie verticale d’une ou des deux branches montantes sommet du crâne et les dissymétries de la voûte ;
de la mandibule ; • un moyen, tracé de la crista galli (point Ec) au point LP ;
• des décalages sagittaux d’une branche montante par rapport prolongé vers le bas, il s’arrête au niveau du centre de l’image
à l’autre ; de l’odontoïde (il correspond au segment Na-ENA de la ligne

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Tableau 3.
Structures utiles à l’étude de symétrie visibles sur une incidence frontale.
Boîte crânienne Rachis-base du crâne Face
Contour de la voûte crânienne : - Odontoïde : visible une fois sur deux Orbite voûte orbitaire : bien visible
- pariétal environ Arcade zygomatique : peu visible
- temporal - Corps vertébraux visibles Vomer : bien visible
- frontal : cortical interne - Masses latérales de l’atlas : peu visibles Fosses nasales : bien visibles
- Crista galli : assez peu visible Maxillaire :
- Jugum sphénoïdal : bien visible - apophyse pyramidale du maxillaire : visible
- Rocher : bord supérieur bien visible - tubérosité maxillaire : visible
- Trous grands ronds : bien visibles - sinus maxillaire : bien visible
- apophyse montante : bien visible, surtout dans la partie inférieure
- suture intermaxillaire : bien visible
Mandibule :
- ATM : cavité glénoïde visible ; condyle temporal : visible ; condyle
mandibulaire : rarement visible
- ramus : très visible
- corpus : très visible
- denture : incisives centrales supérieures et inférieures bien visibles
ATM : articulation temporomandibulaire.

Tableau 4.
Types de dissymétries que l’on peut étudier sur un cliché en incidence
frontale.
Verticale et transversale :
- globale de la tête
- de la voûte du crâne
- des orbites
- de la base du crâne
- des fosses nasales
- des arcades zygomatiques
- des parties latérales du maxillaire supérieur
- des condyles temporaux, des ATM
- des branches montantes de la mandibule
- des angles mandibulaires
- des plans d’occlusion droit et gauche
ATM : articulation temporomandibulaire.

F5 de l’analyse de profil), il objective les dissymétries de


l’étage supérieur de la face et les anomalies de position
transversale de l’odontoïde ;
• un inférieur, pour l’étude de l’étage inférieur de la face,
ENA-Me qui objective les dissymétries transversales des deux
hémimandibules (segment qui peut être divisé en deux ENA-
point interincisif supérieur et point interincisif inférieur-Me).
La branche horizontale de la croix est positionnée, au niveau
des eminentia arcuata (ou sur l’axe des trous grands ronds), Figure 4. La croix de symétrie et les trois segments constituant l’axe de
pour l’étude de la voûte et de la face supérieure, au niveau des symétrie en incidence frontale.
arcades zygomatiques pour l’étude de la mandibule.
L’étude de la symétrie se fait selon trois procédés qui peuvent
se compléter : ligne n’est pas indispensable). Le tracé obtenu (Fig. 8) apporte
• par repérage de points d’un côté et comparaison de leur une excellente visualisation de la symétrie ou de la dissymétrie
situation par rapport à celle de leurs homologues de l’autre générale de la tête et de la mandibule et met bien en évidence
côté (Fig. 5) ; les différents secteurs concernés. Ce procédé est bien souvent
• par comparaison (après tracé) des structures droites et suffisant pour le clinicien, même s’il ne montre pas toutes les
gauches, par retournement d’un côté sur l’autre par rapport caractéristiques d’une dissymétrie.
à la branche verticale de la croix de symétrie ; le double Comme pour l’analyse de profil, il est possible d’ajouter une
contour visualise la dissymétrie (Fig. 6) ; étude des structures dentoalvéolaires (Fig. 9) qui visualise bien
• par report sur la vue frontale des points et lignes de l’analyse leurs normalités ou leurs dissymétries, c’est-à-dire leur adapta-
de profil de Delaire-Salagnac (Fig. 7) ; ce procédé est simple tion et leur participation à la pathologie mandibulaire.
puisqu’il utilise les mêmes points et lignes, d’exécution facile, Étude de la symétrie de la mandibule. En incidence fron-
il est précis et complet. tale, elle se fait selon l’un des trois (ou les trois) procédés décrits
Remarques : les lignes C1, F4 apparaissent sous forme d’un sur la Figure 10.
point sur la vue frontale, tandis que la ligne F2 (Pts-Pti) peut Remarque : lorsque la pathologie affecte les deux ATM,
être assimilée à une ligne GRd-Mx (trou grand rond-point l’étude de la symétrie de la mandibule ne peut plus se faire par
maxillaire situé à la jonction de la face externe de la tubérosité rapport à l’axe médian de référence et nécessite un système de
et de l’apophyse pyramidale du maxillaire ; le tracé de cette référence spécifique pour la mandibule.

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Figure 6. Étude de la symétrie par comparaison des structures droites et


gauches/à l’axe vertical de la croix de symétrie. Le double contour
visualise la symétrie.
Figure 5. Étude de la symétrie transversale et verticale par comparaison
de la situation des points repères droits et gauches.
comporter des erreurs s’il existe une latérodéviation mandibu-
laire. Ce cliché devrait être réalisé en relation centrée... ce qui
Téléradiographie en incidence axiale (Hirtz ou Bouvet) est très difficile, voire impossible à réaliser (Tableaux 5, 6, 7).
C’est l’incidence de choix pour visualiser la forme, les Étude de la symétrie générale du crâne en incidence
dimensions de la mandibule et des condyles et pour étudier la axiale. Dans un crâne symétrique, les points et structures
symétrie des deux hémimandibules droite et gauche, mais sa suivantes sont alignés d’avant en arrière : point interincisif
position transversale par rapport à la base du crâne peut supérieur, point interincisif inférieur, crête frontale interne,

SC

Clp
FM FM FM
Na
M M M

Pts CT CT
Ct
CP CP
NL NL
Cp

Pti
Od NP ENA
la Od
NP
ENA

is
Go
Go
ls
Pa
Pa
ia

Mo

Figure 7. Correspondance des points de l’analyse de profil sur la vue frontale.

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 7
23-472-F-10 ¶ Latérodysmorphose mandibulaire

SC SC Figure 8. Exemples de tracés obtenus en


incidence frontale par report des points et
lignes de l’analyse de profil.

C3 C3 C3 C3

C1 C1 C1 C1
MC
FM FM FM FM
M M M M

C2 C2 C2 C2
CT CT CT C4 CT

CP F5 CP CP CP
NL NL
NL NL
F1 F1

Od Od
NP NP
F3 ENA F3 ENA

F6 F6
Go Go
Go Go

Pa Pa
Pa Pa

F5
F7 F7

Mo Mo

ENA

Mx Mx
Ms Ms

Mi
Mi

Figure 9. Points et lignes utilisés pour l’étude de la symétrie des Figure 10. Comparaison de la forme des deux hémimandibules/axe
structures dentoalvéolaires. vertical de la croix de symétrie en incidence frontale. L’axe transversal de
la croix est placé au niveau des arcades zygomatiques.
crista galli, lame perpendiculaire de l’ethmoïde, vomer, tuber-
cule antérieur de l’atlas, basion, centre de l’odontoïde, point
occipital postérieur. Cette ligne est divisée en trois segments Aussi la branche verticale de la croix est-elle placée sur le
(Fig. 11), ce sont : segment moyen.
• segment antérieur : crête frontale interne-ENP (épine nasale
postérieure) ; La branche transversale de la croix de symétrie est placée soit
• segment moyen : voméro-occipital (partie postérieure du au niveau des apophyses ptérygoïdes pour étudier la symétrie
vomer-basion), ce segment est généralement le moins affecté d’implantation des maxillaires supérieur droit et gauche, soit au
par les dissymétries ; niveau des ATM pour étudier la symétrie de leur implantation
• segment postérieur : basion-occipital postérieur. sur la base du crâne.

8 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Latérodysmorphose mandibulaire ¶ 23-472-F-10

Tableau 5.
Signes radiologiques de bonne orientation en incidence axiale Signes de mouvements parasites en incidence axiale
1. La crête frontale doit coïncider avec le plan sagittal médian (représenté par 1. Tangage : défaut le plus fréquent dû à un manque de déflexion de la tête :
la lame verticale de l’ethmoïde et le vomer) - le basion se projette dans la moitié postérieure de l’image de l’odontoïde
2. Les faces vestibulaires des incisives supérieures doivent déborder autant - les faces vestibulaires des incisives supérieures ne sont pas au même aplomb
l’image radiologique du frontal que sur la vue latérale du frontal que sur la vue latérale
3. La distance entre les bords libres des incisives supérieures et inférieures doit - la distance entre les bords libres des incisives supérieures et inférieures n’est
être la même en incidence axiale et latérale pas la même que sur la vue latérale
2. Roulis : la crête frontale est déviée (à droite ou à gauche) par rapport au
plan sagittal médian.

Tableau 6.
Structures utiles à l’étude de symétrie visibles sur une incidence axiale.
Boîte crânienne Base du crâne Face
Corticale externe du : Temporal : Maxillaire (peu visible) :
- frontal - pyramides pétreuses - tubérosités (bien visibles)
- pariétal - situation des ATM - arcades dentaires
- occipital Occipital : Mandibule (très visible) :
Il est facile d’observer la - contour du trou occipital - corps
symétrie générale - projection de l’odontoïde sur le bord antérieur du trou - branches montantes
occipital - col
Sphénoïde : - apophyses coronoïdes
- corps - condyles +++
- apophyses ptérygoïdes - arcades dentaires (appréciation de la coordination
Ethmoïde : apophyse crista galli (visible une fois sur deux). transversale des arcades dentaires)
- incisives supérieures et inférieures (apprécier le décalage
antéropostérieur)
Les trois étages du crâne
Étage postérieur de la statique Étage moyen de l’implantation mandibulaire Étage antérieur de l’implantation maxillaire
ATM : articulation temporomandibulaire.

Tableau 7.
Types de dissymétries que l’on peut étudier sur un cliché en incidence
axiale.
Antéropostérieure et transversale
- du contour du crâne
- de la base du crâne
- de la situation de l’odontoïde/trou occipital
- des condyles occipitaux
- des pyramides pétreuses
- des tubérosités maxillaires
- des apophyses ptérygoïdes
- de l’implantation des ATM
- du corps de la mandibule
- des arcades dentaires supérieure et inférieure
ATM : articulation temporomandibulaire.

L’étude de la symétrie des structures se fait soit :


• par comparaison de la situation de points anatomiques
homologues par rapport à l’axe médian antéropostérieur de
symétrie ;
• par comparaison (après tracé) des structures homologues par
rapport à l’axe médian antéropostérieur de symétrie.
Analyse de la symétrie de la mandibule. Elle se fait soit
Figure 11. La croix de symétrie et les trois segments constituant l’axe
(Fig. 12) :
de symétrie axiale.
• par comparaison de la position de points anatomiques
homologues par rapport à l’axe de symétrie ;
• par construction de mandibulogramme à partir des points
anatomiques repères. Remarque : les mandibulogrammes vertical de la croix de référence (si la pathologie mandibulaire
construits à partir du repérage de quelques points « géométri- n’affecte pas les ATM et si la base du crâne est symétrique) :
sent » la mandibule, mais ne sont en aucun cas le reflet de c’est le meilleur procédé pour comparer la forme des branches
sa forme réelle ; horizontales droite et gauche de la mandibule et pour l’étude
• par comparaison (après tracé) des structures droites et gauches des dissymétries des unités structurales : condylienne, ramale,
par la méthode d’inversion-superposition autour de l’axe corps angulaire.

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 9
23-472-F-10 ¶ Latérodysmorphose mandibulaire

fréquentes et posent aux orthodontistes un problème éthique :


est-il licite dans ces cas d’entreprendre des traitements ortho-
dontiques, parfois longs, difficiles, avec quelquefois des extrac-
tions dentaires pour essayer d’établir des relations dentaires
symétriques de type classe I d’Angle, sur une base asymétrique,
rendant la stabilité des résultats très incertaine ?

■ Exemples cliniques
Pour illustrer la méthodologie décrite, nous présentons deux
pathologies mal connues des orthodontistes et qui échappent
aux possibilités thérapeutiques de l’orthopédie dento-maxillo-
faciale : les latérodysmorphoses mandibulaires par hypercondy-
lie et les latérodysmorphoses mandibulaires par hypocondylie.
Ces deux pathologies évolutives sont sources d’échec thérapeu-
tique faute de ne pas avoir été reconnues suffisamment tôt.

Latérodysmorphose mandibulaire
par hypercondylie
Les hypercondylies mandibulaires sont rares, bénignes, elles
sont typiquement caractérisées par une hypertrophie avec
hyperactivité de croissance de l’unité condylienne (condyle et
Figure 12. Étude de la symétrie mandibulaire en incidence axiale.
col du condyle). L’examen histologique montre un os sain avec
accroissement excessif du cartilage sans aucune anomalie
structurale : il existe entre la fine couche fibrocartilagineuse
■ Pronostic et traitement superficielle et la structure osseuse profonde, une couche
d’épaisseur variable de cartilage hyalin dans laquelle les
Le pronostic et le traitement dépendent du diagnostic chondrocytes sont groupés en îlots [21].
étiopathogénique qui doit être aussi précoce et précis que Leur étiopathogénie est mal connue. Différentes causes ont
possible. Seules les latérodysmorphoses mineures sans troubles été proposées : traumatique, vasculaire, neurocristopathique,
esthétiques et fonctionnels importants peuvent trouver une phénomènes inflammatoires locorégionaux...
solution dans un traitement orthopédique et orthodontique. Elles sont le plus souvent unilatérales mais peuvent être
Les traitements orthopédiques fonctionnels par appareillage, bilatérales. Elles apparaissent rarement avant 10-12 ans mais
destinés à recentrer la mandibule par rapport au plan sagittal peuvent survenir beaucoup plus tardivement et affectent
médian et à assurer une mastication prédominante du côté légèrement plus les filles que les garçons. Lorsqu’elles apparais-
opposé à l’insuffisance de l’hémimandibule, peuvent être utilisés sent chez un sujet jeune, elles s’accentuent pendant la crois-
chez de jeunes patients dans certaines latérodysmorphoses sance et se stabilisent ensuite. Dans les formes à évolution
comme les hypocondylies, les dysplasies condyliennes, le rapide des adaptations dentoalvéolaires et des déformations
syndrome du premier arc... Ils peuvent apporter une améliora- osseuses secondaires du maxillaire et de la mandibule peuvent
tion de la fonction masticatrice et même de la forme de la apparaître. Il faut savoir reconnaître les signes cliniques et
mandibule, mais ils ne sont jamais suffisants pour obtenir une radiologiques précurseurs ainsi que leurs caractéristiques
forme normale de la mandibule en fin de croissance. cliniques et radiologiques. Il est alors facile de faire le diagnostic
Le plus souvent, le traitement associe orthopédie, orthodontie différentiel avec :
et chirurgie orthognathique. L’objectif des traitements orthopé- • les prognathies mandibulaires, les prolatérognathies mandi-
diques et orthodontiques est de rendre congruentes les deux bulaires dans lesquelles les condyles sont de volume normal
arcades dentaires pour permettre la prise en charge chirurgicale. et l’un des cols est allongé ;
Ils ne doivent surtout pas provoquer des adaptations dentoal- • les prognathies de l’acromégale ;
véolaires pour compenser l’anomalie squelettique, ce qui • les hypertrophies mandibulaires des dysplasies fibreuses ;
pourrait gêner la chirurgie. • les macromandibulies de certaines « classe II division 2 » ;
• les hypocondylies unilatérales ;
La chirurgie est spécifique à chaque type de latérodysmor-
• les tumeurs condyliennes ;
phose et peut intervenir à différents niveaux de la mandibule :
condyle, col du condyle, branche montante, branche horizon- • les hémihypertrophies mandibulaires ;
tale, symphyse mentonnière. Des interventions complémentai- • les latérognathies fonctionnelles.
res peuvent parfois être nécessaires lorsqu’il existe des Selon la classification nantaise, on distingue deux principales
déformations secondaires au niveau du squelette facial. Un formes anatomocliniques : les formes à développement vertical
traitement orthodontique postopératoire est parfois nécessaire et les formes à développement transversal. Plus exceptionnelle-
pour améliorer les rapports occlusaux. ment, on rencontre des formes mixtes et des associations
hypercondylie d’un côté et hypocondylie sur le côté
La latérodysmorphose du syndrome de Robin constitue une controlatéral.
exception. Très élargie au départ, la forme de la mandibule se
normalise progressivement après les traitements chirurgicaux Examen direct du visage
initiaux et les traitements orthopédiques.
De face (Fig. 13)
Des asymétries mandibulaires modérées, « acceptables »,
souvent associées à des asymétries de la base du crâne et/ou des Cette anomalie se caractérise par :
maxillaires supérieurs droit et gauche présentent des occlusions • une asymétrie de l’étage inférieur de la face ;
dentaires asymétriques de type classe I d’Angle d’un côté et • une augmentation de hauteur de l’étage inférieur de la face
classe II d’Angle de l’autre côté. Ces situations sont relativement du côté de l’hypercondylie ;

10 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Latérodysmorphose mandibulaire ¶ 23-472-F-10

Figure 14. Orthopantomogramme.

Examen radiologique
Le bilan radiologique permet de mettre en évidence les
caractéristiques de l’hypercondylie, mais aussi les adaptations du
squelette facial en général et du squelette maxillaire en
particulier.

Orthopantomogramme (Fig. 14)


Cet examen simple, de routine est d’une grande richesse
d’information. Répété à intervalle régulier il permet de suivre
l’évolution de l’hypercondylie ; il montre :
Figure 13. Latérodysmorphose mandibulaire par hypercondylie. Exa- • une augmentation de volume de la tête du condyle associée
men direct du visage de face. à un allongement et à un épaississement du col du condyle.
Ces deux signes constituent la caractéristique fondamentale
de l’affection ;
• un abaissement avec convexité du bord basilaire depuis • des déformations secondaires notamment :
l’angle mandibulaire jusqu’au menton, avec accentuation de C un allongement de la branche montante de la mandibule ;
la convexité en regard de la région prémolaire (que l’on C le sommet du condyle est plus haut que le sommet du
perçoit nettement à la palpation) ; coroné ;
• un bombement de la région prétragienne dû à l’hypertrophie
C l’échancrure sigmoïde est modifiée ;
condylienne ;
• un abaissement de la commissure labiale du côté de l’hyper- C l’encoche rétrocondylienne est inexistante ;
condylie ; C l’angle mandibulaire est abaissé du côté de l’hypercondy-
• une asymétrie de la symphyse mentonnière dont un côté lie ;
peut être hypertrophié et abaissé dans le prolongement du • une convexité globale du bord basilaire ;
bord basilaire ; • une disparition de l’encoche préangulaire ;
• l’étage supérieur de la face (orbite, régions malaires et
• un abaissement plus important en regard de la région canine-
zygomatiques) paraît normal ou subnormal ;
• dans les formes les plus sévères, le visage présente un aspect prémolaire ;
« bovin » très disgracieux. • une diminution de la distance canal dentaire-bord basilaire ;
• une augmentation de la distance apex des molaires-bord
De profil
basilaire ;
Cette anomalie se caractérise par : • quelquefois, une courbure apicale à concavité mésiale des
• une proéminence mentonnière du côté atteint ; dernières molaires au niveau du maxillaire supérieur : un
• un abaissement du bord basilaire ; abaissement du plancher du sinus maxillaire et un abaisse-
• un abaissement de l’angle mandibulaire en comparaison du
ment de l’hémiarcade dentaire du côté de l’hypercondylie.
côté sain.
Bilan téléradiographique
Examen intrabuccal
De profil (Fig. 15)
L’occlusion dentaire présente des troubles plus ou moins • Dissymétrie des deux condyles.
sévères selon les formes :
• Décalage vertical des deux angles mandibulaires. L’angle du
• soit elle est peu perturbée, avec conservation des contacts
côté de l’hypercondylie est nettement abaissé par rapport à
dentaires ; le point interincisif inférieur n’est pas ou peu dévié
celui du côté sain (normalement situé au niveau de l’angle
par rapport au supérieur, les relations dentaires normales sont
antéro-inférieur de l’apophyse odontoïde).
conservées dans le sens transversal, mais il existe toujours
une obliquité du plan d’occlusion qui est abaissé du côté de • Décalage vertical des deux bords basilaires.
l’hypercondylie ; • Abaissement du plan d’occlusion du côté de l’hypercondylie.
• soit il existe une inocclusion dentaire homolatérale prédomi- • Décalage sagittal maxillomandibulaire.
nante dans la région prémolaire ; les courbures des surfaces De face (Fig. 16)
occlusales supérieure et inférieure sont perturbées, mais les • Dissymétrie faciale essentiellement d’origine mandibulaire.
relations transversales sont peu modifiées ;
• Augmentation de volume d’un condyle et de son col.
• soit les rapports dentaires transversaux sont inversés (plus ou
moins gravement) du côté opposé à l’hypercondylie. Dans les • Abaissement d’un angle mandibulaire.
formes les plus sévères, il peut y avoir une inocclusion totale • Abaissement d’un bord basilaire.
de la région incisive à la région molaire. Les relations des • Obliquité du plan occlusal qui est abaissé du côté de l’asymé-
points interincisifs sont alors fortement perturbées. trie.

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 11
23-472-F-10 ¶ Latérodysmorphose mandibulaire

Figure 17. Bilan téléradiographique en incidence verticale.

Examen scintigraphique
La scintigraphie osseuse isotopique permet d’apprécier le
potentiel de croissance du condyle à un moment donné et donc
Figure 15. Bilan téléradiographique de profil. le caractère évolutif de l’hypercondylie. Cet examen préopéra-
toire est essentiel et doit être réalisé systématiquement selon
Vernex [21].

Traitement
Un traitement d’orthopédie dentofaciale ne peut empêcher
l’évolution des déformations dentoalvéolaires consécutives à
l’hypercondylie ; il peut même être néfaste et ne doit jamais
créer de compensations dentoalvéolaires. Il est donc très
important de reconnaître les premiers signes cliniques et
radiologiques de l’hypercondylie. Pour Delaire [22, 23], la condy-
lectomie est l’indication de choix quel que soit l’âge du sujet ;
un néocondyle fonctionnel se reformera ensuite. Le traitement
doit être entrepris dès le diagnostic établi et quel que soit l’âge
du patient. Lorsqu’il existe des déformations secondaires
mandibulaires et maxillaires sévères, des ostéotomies complé-
mentaires sont parfois nécessaires ainsi qu’un traitement
orthodontique pour parfaire l’occlusion dentaire (Fig. 18–24).

Latérodysmorphose mandibulaire
par hypocondylie
Examen direct du visage
Asymétrie de l’étage inférieur de la face (Fig. 25, 26) avec :
• ascension de la commissure labiale droite ;
• légère déviation vers la droite du menton ;
• élévation de l’angle mandibulaire droit/gauche.

Examen intrabuccal
Figure 16. Bilan téléradiographique de face. Il met en évidence (Fig. 27) :
• une non-concordance des points interincisifs supérieur et
inférieur ;
• Déviation de la symphyse mandibulaire. • une inclinaison vers la gauche des axes des incisives inférieu-
• Obliquité compensatrice des axes des incisives inférieures. res ;
• des rapports occlusaux transversaux conservés.
• Abaissement du plancher du sinus maxillaire.
En incidence verticale (Fig. 17) Examen radiologique
• Hypertrophie condylienne. Téléradiographie de profil
• Allongement de l’hémimandibule du côté de l’hypercondylie.
Elle souligne (Fig. 26, 28) :
• Importance de la latérodéviation mandibulaire. • un contour de la branche montante droite totalement inclus
• Décalage des points interincisifs supérieur et inférieur. dans l’image de la branche montante gauche ;

12 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Latérodysmorphose mandibulaire ¶ 23-472-F-10

Figure 18. A à D. Hypercondylie unilatérale gauche chez un garçon de 11 ans.

Figure 19. Hypercondylie unilatérale gauche.

Figure 20. Scanner montrant l’hypercondylie gauche.

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 13
23-472-F-10 ¶ Latérodysmorphose mandibulaire

Figure 21. Tomodensitométrie d’hypercondylie gauche.

Figure 23. Scintigraphie.

Figure 22. Vue intrabuccale.

Figure 24. Après condylectomie (réalisée par les docteurs Vernex et


Schmidt).

Figure 25. Hypocondylie unilatérale droite.

14 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Latérodysmorphose mandibulaire ¶ 23-472-F-10

Figure 26. Évolution et aggravation de l’hypocondylie au cours de la croissance.

Figure 27. Non-correspondance des points interincisifs, inclinaison


vers la gauche des axes des incisives inférieures et conservation des
rapports occlusaux transversalement.

• une ascension de l’angle mandibulaire droit par rapport au


gauche ;
• un dédoublement du plan d’occlusion.
Téléradiographie de face
Elle visualise bien (Fig. 26, 29) :
• l’hypodéveloppement de la branche montante ;
• l’ascension de l’angle mandibulaire droit/gauche ;
• un allongement du corps de la mandibule droit/gauche ;
• une ascension du plan d’occlusion droit/gauche ;
• une légère ascension des territoires alvéolaires supérieur et
inférieur.
Figure 28. Téléradiographie de profil.
Téléradiographie en incidence axiale
Traitement orthodontique et chirurgical
Elle montre (Fig. 30) :
• la dissymétrie transversale d’implantation des deux ATM ; La chirurgie consiste en un allongement de la branche
montante vers l’âge pubertaire pour symétriser la mandibule et
• la dissymétrie des branches montantes ; éviter l’apparition de déformations secondaires au niveau de la
• la dissymétrie des corps mandibulaires. face.

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 15
23-472-F-10 ¶ Latérodysmorphose mandibulaire

Figure 30. Téléradiographie en incidence axiale.


Figure 29. Téléradiographie de face.
.

■ Références [11] Nardoux-Sander J. Le diagnostic téléradiographique dans l’espace.


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J.-M. Salagnac, Docteur en chirurgie dentaire (jean-michel.a.salagnac@wanadoo.fr).


Centre hospitalier régional de Nantes, 5, rue Marceau, 44000 Nantes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Salagnac J.-M. Latérodysmorphose mandibulaire. EMC (Elsevier SAS, Paris), Odontologie/Orthopédie
dentofaciale, 23-472-F-10, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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