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Fractures de la mandibule
F. Denhez, O. Giraud, J.-B. Seigneuric, A.R. Paranque

Définies classiquement comme une solution de continuité de l’os, les fractures mandibulaires ont des
répercussions à des degrés divers, selon leur forme anatomoclinique et leur localisation, sur la fonction
manducatrice et l’esthétique de la face. Après des rappels anatomophysiologiques permettant de mieux
appréhender les mécanismes de survenue de ces pathologies traumatiques, le bilan lésionnel est exposé.
En découlent la prise en charge thérapeutique et l’exposé des différentes techniques d’orthopédie, de
chirurgie et de mécanothérapie utilisées pour traiter les fractures mandibulaires.
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Mots clés : Fractures ; Mandibule ; Classification ; Radiographies ; Tomodensitométrie

Plan ■ Rappels anatomiques [1, 2]

¶ Introduction 1 Architecture osseuse


¶ Rappels anatomiques 1
Architecture osseuse 1
Os d’origine membranaire, impair, médian et symétrique, la
mandibule constitue le relief du tiers inférieur de la face. En
Système musculaire et cinétique mandibulaire 2
forme de fer à cheval à concavité postérieure, elle est constituée
Vascularisation et innervation 2
d’un arc horizontal ou corpus, prolongé à chaque extrémité par
¶ Topographie des fractures mandibulaires 2 les branches montantes ou rami (Fig. 1).
¶ Examen clinique 2 Elle s’articule avec le massif facial par deux éléments dis-
Examen clinique de l’étage inférieur de la face 3 tincts ; l’un constant, l’articulation temporomandibulaire (ATM),
bilatérale ; l’autre intermittent, l’articulé dentaire. Les arcades
¶ Examens radiologiques 4
dentaires supérieure et inférieure entrent en contact de façon
Radiographies conventionnelles 4
physiologique lors de la mastication et de la déglutition, et de
Tomodensitométrie 5
façon pathologique dans les parafonctions comme le bruxisme.
¶ Formes anatomocliniques des fractures mandibulaires 6 Le col du condyle est grêle et constitue un rupteur en cas de
Généralités 6 recul et/ou d’enfoncement traumatique de la mandibule,
Classification topographique 6 protégeant ainsi la cavité glénoïde et la zone temporale. La
Fractures particulières 7 région symphysaire et les lignes obliques externes et internes

■ Introduction
Parmi les lésions traumatiques du complexe maxillofacial, les
fractures de la mandibule occupent une place privilégiée par
leur fréquence. Seul os mobile de la face, la mandibule se trouve
particulièrement exposée dans les traumatismes en raison de sa
position basse et projetée qui lui fait jouer le rôle d’un véritable
pare-chocs. Les étiologies des fractures mandibulaires sont
multiples. On retrouve de façon préférentielle les accidents de
la voie publique, les rixes et les sports de haute vélocité.
Définies classiquement comme des solutions de continuité de
l’os, les fractures mandibulaires ont des répercussions à des Figure 1. Anatomie de la mandibule. 1 : Condyle ; 2 : col du condyle ;
degrés divers, selon leur forme anatomoclinique et leur locali- 3 : branche montante ; 4 : angle mandibulaire ; 5 : ligne oblique externe ;
sation, sur la fonction manducatrice et l’esthétique de la face. 6 : branche horizontale ; 7 : trou mentonnier (foramen ovale) ; 8 : sym-
Le traitement vise à rétablir autant que possible ces deux physe mandibulaire ; 9 : ligne oblique interne ; 10 : épine de Spix ; 11 :
éléments. coroné.

Stomatologie 1
22-070-A-12 ¶ Fractures de la mandibule

la mandibule, en agissant comme un véritable moteur de


croissance. L’importance du jeu musculaire retrouve un rôle
1
considérable dans la prise en charge thérapeutique des fractures
mandibulaires et plus particulièrement en ce qui concerne les
fractures articulaires.
On distingue classiquement deux groupes musculaires princi-
paux agissant sur l’ouverture et la fermeture buccale :
• les muscles élévateurs : ce sont les plus volumineux. Ils sont
représentés par le masséter, le temporal et le ptérygoïdien
médial ;
2 • les muscles abaisseurs : ils sont beaucoup plus grêles par
rapport aux muscles élévateurs. Leurs insertions se situant à
3
distance de l’axe de rotation virtuel de la mandibule passant
par les condyles, il n’est mécaniquement pas nécessaire
d’exercer une force musculaire importante pour obtenir une
Figure 2. Lignes de faiblesse de la mandibule. 1 : Axe de la canine ouverture buccale. Les muscles abaisseurs sont le génio-
mandibulaire ; 2 : axe oblique mésial de la dent de sagesse mandibulaire ; hyoïdien, le mylohyoïdien et le ventre antérieur du
3 : col du condyle. digastrique.
À ces mouvements binaires s’ajoutent :
• la propulsion : par contraction bilatérale des muscles ptérygoï-
diens latéraux ;
• la diduction droite et gauche : par contraction unilatérale
réciproque de ces mêmes muscles ;
• la rétropulsion : par la contraction des fibres postérieures du
temporal et des ptérygoïdiens médiaux.
La cinétique mandibulaire est complexe. Mécaniquement, elle
fait intervenir trois éléments : l’articulation temporomandibu-
laire, le système musculaire et le système dentaire par le jeu de
l’occlusion. Comme nous le verrons dans le chapitre du classe-
ment et du traitement des fractures, la fonction musculaire est
parfois un élément stabilisateur, voire une thérapeutique dans le
traitement de certaines fractures. Inversement, elle peut contri-
buer à déplacer une solution de continuité et devoir être
absolument bloquée pour permettre la consolidation.

Vascularisation et innervation
La mandibule est un os à vascularisation terminale, laquelle
Figure 3. Système musculaire et cinétique mandibulaire. 1. Action des est assurée principalement par l’artère alvéolaire inférieure,
muscles élévateurs. 2. Action des muscles abaisseurs. 3. Rétropulsion . 4. branche de l’artère maxillaire, elle-même branche de division de
Propulsion, diduction. la carotide externe. L’artère alvéolaire inférieure pénètre dans le
canal osseux du même nom au niveau de l’épine de Spix. Dans
constituent des structures de renfort. L’os basal de la mandibule son trajet intraosseux, elle fournit des rameaux osseux et
est constitué d’une gouttière épaisse de tissu compact au sein de dentaires.
laquelle se trouve du tissu spongieux dont les trabéculations À son extrémité distale, elle se divise en deux branches : une
s’établissent et s’orientent selon les lignes de forces auxquelles extraosseuse qui émerge par le trou mentonnier ; c’est la
est soumis cet os. Ces trabéculations forment une structure branche mentonnière ; l’autre qui continue son trajet intraos-
classiquement décrite en « nid d’abeilles » qui contribue au seux et qui participe à la vascularisation de la région symphy-
renfort mécanique de l’entité osseuse. saire et du groupe dentaire incisivocanin correspondant.
Le maxillaire et la mandibule portent le système dentaire qui L’apport périosté est, quant à lui, mineur.
est enchâssé au sein de l’os alvéolaire. Sa structure histologique L’innervation est assurée par le nerf alvéolaire inférieur (V3),
ne présente pas de différence avec l’os basal mais sa genèse et branche du nerf trijumeau (V), qui, dans son trajet classique, est
sa persistance sont intimement liées à la présence des dents. satellite de l’artère et de ses branches terminales.
L’os alvéolaire apparaît donc avec les dents et disparaît progres- Notons dès à présent que dans certains traumatismes, des
sivement après édentement par défaut de sollicitation bioméca- mécanismes de cisaillement et de compression peuvent être à
nique. L’épaisseur des corticales externe et interne de l’os l’origine de complications nerveuses (paresthésies, hypoesthé-
alvéolaire n’est pas homogène sur l’ensemble de l’arc mandibu- sies, anesthésies) et/ou vasculaires (hémorragies, hématomes).
laire. Cette variation est liée à l’axe d’implantation des dents. La
corticale externe augmente d’épaisseur vers les secteurs posté-
rieurs et, inversement, la table interne diminue.
L’os alvéolaire renforce l’architecture de la mandibule mais les
■ Topographie des fractures
dents enchâssées dans cette structure constituent parfois un mandibulaires (Fig. 4)
facteur fragilisant en traumatologie. Elles forment des lignes de
faiblesse en fonction de l’axe d’implantation et de la longueur La topographie lésionnelle des fractures de la mandibule est
radiculaire. C’est ainsi que la canine, par la taille de sa racine, bien établie à partir de nombreuses études. D’un point de vue
et la dent de sagesse, par son inclusion fréquente, oblique fondamental, elle s’explique parfaitement par la connaissance
mésiale au sein d’un angle, constituent des zones préférentielles de l’anatomie et de la fonction de cet os.
de fracture lors des traumatismes de la mandibule (Fig. 2). [3, 4]

Système musculaire et cinétique ■ Examen clinique [5]

mandibulaire (Fig. 3) Avant d’examiner plus particulièrement le complexe mandi-


En dehors de la fonction masticatoire, le système musculaire bulaire, il convient en toutes circonstances, face à un blessé,
orthognatique joue un rôle essentiel lors de la morphogenèse de d’évaluer les fonctions vitales afin de prévenir et de traiter les

2 Stomatologie
Fractures de la mandibule ¶ 22-070-A-12

d’établir les asymétries éventuelles ou déformations tégumen-


taires de l’étage inférieur de la face : projection, recul, latérodé-
viation de la pointe du menton, tassement des commissures,
absence de contact des lèvres. On recherche des plaies plus ou
moins conséquentes (de la perte de substance majeure à la
simple érosion). On précise les œdèmes et les hématomes. La
sensibilité de la lèvre inférieure depuis la commissure jusqu’à la
ligne médiane est appréciée de façon symétrique à la recherche
d’une éventuelle lésion du V3.
Cadre osseux
La palpation symétrique du rebord mandibulaire recherche
une encoche, une déformation ou une douleur provoquée. Une
pression exercée sur la symphyse peut mettre en évidence une
Figure 4. Topographie des fractures mandibulaires. 1 : Condyle ; 2 : douleur au niveau goniaque ou temporomandibulaire. De
branche montante ; 3 : angle mandibulaire ; 4 : coroné ; 5 : portion même, une force appliquée latéralement sur les angles révèle
alvéolodentaire ; 6 : branche horizontale ; 7 : symphyse et parasymphyse. parfois une douleur symphysaire en faisant bâiller le trait de
fracture médian (Fig. 5).
urgences pouvant compromettre la vie du patient. Ces notions
sont exposées dans le chapitre de la prise en charge Cinétique mandibulaire (Fig. 6)
thérapeutique. Elle est appréciée qualitativement et quantitativement. Il ne
doit pas exister de gêne ou de limitation dans les différents
Examen clinique de l’étage inférieur mouvements mandibulaires : ouverture, fermeture, propulsion
de la face et diduction. En amplitude maximale, l’ouverture buccale est
Il repose sur un examen exobuccal et endobuccal mais classiquement mesurée à 40 mm plus ou moins 5 mm (dis-
commence, comme tout examen clinique, par l’anamnèse. En tance séparant les bords incisifs mandibulaires et maxillaires
cas de diagnostic clinique ou de suspicion de fracture et dès centraux). La palpation bicondylienne prudente, légèrement
qu’un doute persiste, l’examen clinique est systématiquement en avant du tragus, puis au niveau du conduit auditif externe,
complété par un bilan radiologique. dans ces différents mouvements, recherche une douleur, une
asymétrie de déplacement des condyles ou objective une
Anamnèse lacune éventuelle due au déplacement traumatique du
Elle précise les circonstances de l’accident. Elle permet parfois condyle.
de suspecter, selon les renseignements donnés par le patient
(nature, intensité et point d’impact du choc), le siège potentiel Examen endobuccal
de certaines fractures. La notion de perte de connaissance est
fondamentale dans la prise en charge médicale générale du Les muqueuses des versants vestibulaire et lingual de la
patient. Elle constitue toujours un caractère de gravité mandibule font l’objet d’un examen soigneux, sans pour autant
potentielle. négliger l’ensemble de la muqueuse buccale, notamment le
Tout élément précisant l’état antérieur du blessé (état général plancher et la langue. Parfois, un simple saignement au niveau
et plus particulièrement état buccodentaire) doit être recueilli. d’un collet peut être le seul signe clinique pouvant laisser
Des photos de face et de profil, des moulages dentaires et des suspecter une fracture de la portion dentée de la mandibule. On
radiographies antérieures au traumatisme peuvent être d’une recherche une solution de continuité de l’arc mandibulaire en
aide précieuse. tentant de mobiliser avec précaution les différents segments de
Outre l’aspect médicolégal, cet interrogatoire constitue une l’arc squelettique (Fig. 7). On demande au patient de se mettre
aide à l’établissement du diagnostic et du plan de traitement qui
en intercuspidation maximum et, en écartant légèrement les
en découle.
lèvres, on apprécie le rapport interarcade dans le sens vertical,
Examen exobuccal transversal et antéropostérieur (Fig. 8). Un décalage des points
interincisifs, une béance antérieure, une absence de calage
Il se fait par l’inspection et la palpation de l’étage inférieur de
la face. Cependant, les modifications squelettiques dans les postérieur unilatéral ou bilatéral, enfin toute modification de
fractures et les traumatismes divers sont souvent rapidement l’articulé dentaire par rapport à l’état antérieur existant ou décrit
masquées par le développement d’un œdème extensif. par le patient doivent faire évoquer un diagnostic de fracture.
Au besoin, l’examinateur peut avoir recours au papier à articulé
Téguments afin d’objectiver une perturbation de l’articulé dentaire. On
L’inspection, en tenant compte des notions de l’état antérieur recherche des mobilités dentaires unitaires ou d’un groupe de
et par comparaison droite, gauche, de face et de profil, permet dents. Les fractures coronaires partielles ou totales sont notées

Figure 5.
A. Pression sur la symphyse entraînant une douleur de
l’articulation temporomandibulaire (ATM).
B. Force latérale sur les angles déclenchant une douleur
symphysaire.

Stomatologie 3
22-070-A-12 ¶ Fractures de la mandibule

Figure 6. Palpation bilatérale des articulations temporo-


mandibulaires (ATM) dans les mouvements mandibulaires.
a. Index sur le tragus ; b. auriculaire dans le conduit auditif
externe.

Figure 7. Recherche d’une


solution de continuité par ten-
tative de mobilisation des diffé-
rentes portions de l’arc mandi-
bulaire.

ainsi que les expulsions éventuelles. Le schéma dentaire, trop


souvent négligé, doit être minutieusement établi dans un but
médicolégal.

■ Examens radiologiques [6, 7]


Figure 8. Rapports interarcades en normoclusion (A, B). a. Points
Indispensables et complémentaires, ils confirment ou infir- interincisifs alignés ; b. rapports canins de classe 1 ; c. classe 1 molaire.
ment le bilan clinique en le précisant. Ils recherchent d’autres
lésions associées éventuelles qui auraient pu échapper au
premier bilan lésionnel. Parmi ces examens radiologiques, on cliché obtenu n’est pas négligeable. D’environ 25 % en magni-
distingue classiquement les clichés conventionnels et la tude, elle est encore plus notable au niveau des extrémités. Si
tomodensitométrie.
l’image obtenue de la mandibule reste d’une exploitation tout
à fait acceptable dans sa portion dentée, elle l’est beaucoup
Radiographies conventionnelles moins quand il s’agit d’interpréter l’image déformée des
On distingue les incidences exobuccales et les clichés endo- condyles qui ne sont visualisés que dans un seul plan. Cette
buccaux plus spécifiques du bilan alvéolodentaire. incidence suppose, en règle générale, d’être en présence d’un
patient conscient et coopérant, la position requise étant, pour
Clichés exobuccaux la majorité des appareils, une position assise nécessitant la
Incidence panoramique des maxillaires (Fig. 9) participation du patient.

Malgré les nombreux défauts qu’elle présente, l’incidence Clichés en défilé mandibulaire
panoramique des maxillaires demeure un cliché de référence
dans le bilan lésionnel de la mandibule. L’image obtenue Ils ne sont plus vraiment d’actualité. Cependant, ils restent
permet l’analyse de l’architecture osseuse mandibulaire et des indiqués quand, pour des raisons techniques dépendantes ou
portions dentées. Elle s’apparente à une tomographie passant indépendantes du patient, la radiographie panoramique n’est
par un plan de coupe préétabli d’environ 1,5 cm d’épaisseur. Le pas réalisable. L’incidence du défilé permet l’analyse d’une
cliché se déroule d’une ATM à l’autre. Cependant, la radiogra- hémimandibule. Deux clichés sont donc nécessaires pour un
phie panoramique des maxillaires doit être considérée comme examen complet. Les images obtenues montrent beaucoup de
un cliché de débrouillage et doit être complétée par d’autres superpositions et, généralement, seule la portion dentée de la
incidences exposées ultérieurement. En effet, la déformation du mandibule est interprétable.

4 Stomatologie
Fractures de la mandibule ¶ 22-070-A-12

Figure 9. Radiographie panoramique des


maxillaires. 1. Condyle ; 2. coroné ; 3. angle
mandibulaire ; 4. os hyoïde ; 5. canal alvéolaire
inférieur ; 6. projection de l’apophyse odon-
toïde de C2 ; 7. trou mentonnier ; 8. apophyse
styloïde ; 9. sinus maxillaire ; 10. fosses nasa-
les.

Figure 10.
1 A. Incidence face basse. a : plan orbitonasal ; b : rayon incident.
B. Schéma d’un cliché face basse. 1. Rocher ; 2. racine du
2 zygoma ; 3. condyle mandibulaire ; 4. col du condyle ; 5. co-
3 roné ; 6. branche montante ; 7. ligne oblique externe ; 8. épine
de Spix ; 9. alvéolaire inférieur ; 10. trou mentonnier (foramen
4 ovale).
a 5
8 6

+15 7

b
9

A
10
B

Incidence face basse ou nez-front-plaque bouche ouverte Cliché rétroalvéolaire


(Fig. 10) Il est réalisé autant que possible en technique parallèle à
En défilant les branches verticales et les régions condyliennes, l’aide d’un angulateur porte-film. En qualité d’interprétation,
cette incidence permet plus particulièrement d’en révéler les c’est sans doute le meilleur cliché de radiographie convention-
fractures. Elle précise également les angles et les parties posté- nelle. Sans déformation, ni superposition, il permet un examen
rieures de la branche horizontale. Elle complète généralement, précis des dents, de l’os alvéolaire et de l’os basal sous-jacent. Il
dans le cadre d’un bilan de base, la radiographie panoramique existe des films pédodontiques, à format réduit, qui ne sont pas
des maxillaires en réalisant des images des condyles dans un réservés qu’à l’enfant et qui pourront aussi être utilisés chez
plan orthogonal à cette dernière. l’adulte, notamment pour les secteurs antérieurs et en cas de
difficulté d’ouverture buccale.
Incidence de Schuller
Réalisée bouche ouverte et bouche fermée, cette incidence Tomodensitométrie
pseudodynamique permet de bien visualiser la région condy-
lienne. Elle est donc particulièrement indiquée dans les suspi- Elle peut être réalisée d’emblée ou compléter un bilan
cions de fracture de l’ATM. radiographique conventionnel. Elle est indiquée en première
intention dans le cadre d’un polytraumatisé permettant, avec
Clichés endobuccaux un seul examen, de réaliser un bilan lésionnel complet chez un
Souvent négligés dans les bilans initiaux, ils prennent toute patient ne pouvant être mobilisé facilement. Actuellement, la
leur importance quand il s’agit d’explorer le système dentaire et TDM spiralée autorise une acquisition très rapide d’images avec
son os de soutien. Ils supposent que le patient puisse ouvrir la des reconstructions multiplans. La qualité du bilan radiologique
bouche et demandent une coopération de celui-ci, ce qui est en tomodensitométrie permet d’obtenir des images fidèles à la
parfois délicat dans un contexte traumatique. Plusieurs clichés réalité même dans les reconstructions tridimensionnelles
sont nécessaires pour explorer l’ensemble de la denture. longtemps sources de fausses images imputables au logiciel. De
l’interprétation facilitée, notamment dans les fractures comple-
Cliché mordu occlusal xes, découle généralement une stratégie thérapeutique mieux
Son intérêt en traumatologie se limite généralement au adaptée.
secteur antérieur. L’inclinaison du rayon incident par rapport au
film-support génère une forte déformation des structures Ces différents examens permettent d’établir le diagnostic des
explorées. fractures mandibulaires (Fig. 11).

Stomatologie 5
22-070-A-12 ¶ Fractures de la mandibule

Figure 11. Arbre décisionnel. Fracture man-


dibulaire : diagnostic.
Fracture mandibulaire

Traitement des urgences vitales Bilan lésionnel

Examen clinique, imagerie

Localisation

Pertes de substances Portion dentée Portion non dentée Association


étendues portion dentée / non dentée

■ Formes anatomocliniques
des fractures mandibulaires [8, 9]

Généralités
Les formes anatomocliniques des fractures mandibulaires sont
nombreuses. De façon générale, un certain nombre de qualifi-
catifs sont utilisés pour classer et définir les fractures : fractures
ouvertes ou fermées, uni- ou plurifocales (selon le nombre de
localisations de traits de fracture), déplacées ou non, partielles
ou totales (le trait de fracture rompt partiellement ou totale-
ment l’os), stables ou instables, isolées ou associées (s’il existe
d’autres atteintes de l’intégrité corporelle). Enfin, l’orientation
du trait de fracture définie dans les trois plans de l’espace
(vertical, horizontal et sagittal), et les rapports des extrémités
des segments fracturés (chevauchement, décalage, angulation)
précisent le type de fracture. L’ensemble de ces qualificatifs peut
donc s’appliquer à la classification topographique des fractures Figure 12. Fracture de la branche horizontale.
mandibulaires développée ci-dessous. A. Fracture stable.
B. Fracture instable.

Classification topographique
Classiquement, on distingue les fractures de la portion dentée choc violent direct sur le menton. Une fracture de l’un ou des
et de la portion non dentée. deux condyles peut y être classiquement associée par transmis-
sion des forces traumatiques.
Fractures de la portion dentée Fractures de la branche horizontale (Fig. 12)
La présence des dents et la déchirure de la muqueuse gingi- Elles siègent entre la face mésiale de la première prémolaire
vale entraînent une communication du foyer de fracture avec la et la face distale de la deuxième molaire. La stabilité de la
cavité buccale. Les fractures de la portion dentée de la mandi- fracture est conditionnée par l’orientation du trait de fracture.
bule sont donc considérées comme des fractures ouvertes et Une orientation oblique en bas et en arrière entraîne une
doivent être traitées comme telles. instabilité due à l’action du jeu musculaire. Le fragment
antérieur, sous l’action des muscles sus-hyoïdiens, tend à
Fractures symphysaires et parasymphysaires
s’abaisser. Inversement, le fragment postérieur ascensionne par
Par définition, elles sont localisées entre les faces distales des action des muscles élévateurs de la mandibule. Il existe parfois
canines. Le trait de fracture est variable, médian, paramédian, un déplacement du menton du côté fracturé par chevauche-
oblique ou vertical, avec une localisation préférentielle le long ment des fragments antérieur et postérieur. À noter que ces
d’une racine dentaire et plus spécifiquement le long de la mécanismes sont majorés en cas d’édentement, l’occlusion
canine, en raison de la raréfaction de l’os à ce niveau. Dans les dentaire agissant comme un facteur limitant les déplacements.
formes unifocales, les signes cliniques sont le plus souvent Un trait de fracture oblique en bas et en avant confère une
discrets. Ils peuvent même être tardifs avec des déplacements meilleure stabilité. Dans les déplacements importants, les
secondaires. Une simple plaie de la muqueuse gingivale est atteintes du nerf dentaire inférieur sont fréquentes, à type de
parfois le seul signe clinique révélateur de la solution de contusion ou de section, et sont alors responsables, selon le cas,
continuité. Les formes bilatérales peuvent entraîner un déplace- d’hypoesthésies ou d’anesthésies du territoire labiomentonnier.
ment vers le bas et en arrière de la région symphysaire, avec un La rupture de l’artère dentaire inférieure peut exceptionnelle-
risque de chute postérieure de la langue qui s’insère sur les ment être à l’origine d’une hémorragie gravissime, pouvant
apophyses geni pouvant ainsi engendrer une détresse respira- justifier une hémostase en urgence, ou d’un hématome à
toire. À l’origine de ces fractures, on retrouve généralement un évacuer.

6 Stomatologie
Fractures de la mandibule ¶ 22-070-A-12

Figure 13. Fractures du dans ce type de traumatisme, les condyles jouent le rôle de
condyle et du coroné. 1 : Frac- rupteur en cédant sous le choc afin de protéger les cavités
ture capitale ; 2 : fracture glénoïdes et la base du crâne.
condylienne haute ; 3 : frac- Fractures capitales. Elles concernent la tête du condyle. On
ture sous-condylienne basse ; peut parfois observer un véritable éclatement de l’extrémité
4 : fracture du coroné. condylienne mais généralement, la fracture se présente sous la
forme d’un trait unique. Comme dans les fractures sous-
condyliennes basses, les signes cliniques sont généralement
assez discrets et peuvent même passer inaperçus.
Tout traumatisme mandibulaire, même minime, chez un
patient se plaignant d’une simple douleur dans les mouvements
d’ouverture, sans signes évocateurs de perturbation de l’articulé,
impose tout de même de suspecter une fracture condylienne
intra-articulaire ou extra-articulaire haute. Celle-ci sera confir-
mée ou infirmée par les données de l’imagerie.
Fractures du coroné
Elles sont peu fréquentes. Le plus souvent, la symptomatolo-
gie est réduite à un simple trismus. Sous l’action des fibres
musculaires du temporal, le coroné est attiré en haut et en
Fractures de l’angle mandibulaire arrière. Le diagnostic reste essentiellement radiologique.
La région est limitée en arrière par la ligne horizontale du
Fractures alvéolodentaires et dentaires
trigone rétromolaire et en avant par la face distale de la
deuxième molaire. La présence d’une dent de sagesse incluse est Elles peuvent être isolées ou associées à une solution de
un facteur favorisant la survenue de ce type de fracture. Le trait continuité de l’os basal. Les fractures alvéolodentaires touchent
prend plutôt une orientation oblique en bas et en arrière et préférentiellement le bloc incisivocanin particulièrement
résulte le plus souvent d’un choc direct. Le déplacement est exposé, par choc direct antérieur entraînant une version
variable. Il se manifeste généralement par un décalage du point linguale du secteur dentaire. Les secteurs prémolaire et molaire
interincisif du côté fracturé et une béance postérieure controla- présentent généralement des lésions dentaires pures dans les
térale. Lorsque la troisième molaire est présente sur l’arcade ou chocs latéraux (fractures cuspidiennes).
en position d’inclusion, elle peut constituer un obstacle à la Classiquement, on distingue donc :
réduction de la fracture (cf. traitement fracture mandibulaire). • les atteintes dentaires pures :
L’atteinte du nerf dentaire inférieur est fréquente. C les fractures coronaires :
– fractures de l’émail ;
Fractures de la région non dentée – fractures amélodentinaires avec ou sans exposition
pulpaire ;
Fractures de la branche montante
C les fractures radiculaires (tiers apical, moyen, cervical) ;
Elles concernent la région s’étendant de l’angle mandibulaire C les fractures coronoradiculaires (horizontales, verticales ou
aux apophyses du condyle et du coroné. Ces fractures sont plus obliques) ;
rares et les déplacements sont peu fréquents, cela étant essen- • les atteintes alvéolodentaires :
tiellement dû à l’action protectrice et stabilisatrice de la gaine C la subluxation : la dent est mobile et douloureuse mais
musculaire constituée principalement des muscles masséter et reste dans son alvéole ;
ptérygoïdien médial. Quelle que soit l’orientation du trait de C la luxation partielle : la dent occupe une position différente
fracture, on observe généralement une limitation d’ouverture dans son alvéole. Elle peut être extrusée, ingressée, vestibu-
buccale associée, dans les fractures déplacées, à un contact
lée, ou lingualée ;
prématuré homolatéral dû à une diminution de la longueur de
C la luxation totale : la dent est expulsée de son alvéole ;
la branche montante.
C la fracture partielle ou totale du procès alvéolaire : le
Fractures du condyle (Fig. 13) fragment alvéolodentaire est plus ou moins mobile ;
Elles ont pour origine essentiellement des chocs indirects, sur généralement, il reste solidaire de l’os basal par l’intermé-
le menton ou le côté controlatéral de la mandibule. On peut les diaire de la fibromuqueuse gingivale.
observer particulièrement lors des chutes en avant dans les
pertes de connaissance en position orthostatique. La personne Fractures particulières
tombe brutalement sans interposition des membres supérieurs et
le menton percute directement le sol. Dans ce cas, les fractures Fractures comminutives
bicondyliennes sont fréquentes. Il s’agit de fractures plurifragmentaires pouvant comporter
On distingue les fractures extra-articulaires et les fractures des pertes de substance, voire une disparition d’un segment
intra-articulaires. osseux. Elles sont assez typiques des traumatismes balistiques
Fractures extra-articulaires : fractures sous-condyliennes par armes à feu ou des grands traumatismes rencontrés lors des
basses. En règle générale, les déplacements sont rares, l’articulé accidents du trafic ou des chutes de grande hauteur.
dentaire est peu perturbé. Ces fractures passent parfois inaper-
çues, la symptomatologie étant généralement réduite à une Fractures chez l’enfant
simple douleur à l’ouverture et à la fermeture buccale. Trois périodes sont distinguées :
Fractures intra-articulaires. • de la naissance à la première année : la plasticité de l’os est telle
Fractures condyliennes hautes. Sous l’action des fibres muscu- que les traumatismes sont réduits au minimum. Les dents ne
laires du ptérygoïdien médial, la tête du condyle bascule en font normalement leur apparition qu’à partir de l’âge de
avant et en dedans. Il en résulte une diminution unilatérale de 6 mois ;
la dimension verticale se traduisant cliniquement par une • entre 1 an et 6 ans : le développement de la motricité jusqu’à
prématurité des contacts occlusaux du côté fracturé. La cinéti- l’acquisition de la marche et la sociabilisation de l’enfant à la
que mandibulaire est contrariée en amplitude dans les mouve- vie courante font qu’il est naturellement plus exposé aux
ments d’ouverture et de diduction. La pointe du menton est traumatismes mandibulaires. Les condyles sont peu solides et
déviée du côté homolatéral. Les fractures bilatérales ne sont pas les portions dentées présentes ou futures de la mandibule
rares en cas de choc sur le menton ; on observe alors un recul sont rendues fragiles par la présence de nombreux germes
mandibulaire associé à une béance antérieure. Rappelons que dentaires ;

Stomatologie 7
22-070-A-12 ¶ Fractures de la mandibule

• entre 6 et 12 ans : l’enfant est en denture mixte. Les trauma- etc.), de pathologies générales à retentissement mandibulaire
tismes alvéolodentaires sont fréquents et favorisés par la (ostéoporose, dysplasie fibreuse, etc.), de pathologies infectieuses
présence de dents immatures sur l’arcade. Le secteur incisif ou postradiques (ostéite chronique, ostéoradionécrose).
maxillaire est particulièrement concerné. Ces pathologies compliquent généralement la prise en charge
Avant 12 ans, le traitement des fractures mandibulaires chez thérapeutique et sont sources de retard de consolidation.
l’enfant est rendu difficile par la présence de nombreux germes, .
ce qui réduit la prise en charge thérapeutique au seul traitement .

orthopédique.
■ Références
Fractures chez l’édenté [1] Rouvière H, Delmas A. Anatomie humaine. T 1: Tête et cou.
Descriptive, topographique et fonctionnelle. Paris: Masson; 654p.
La disparition des dents entraîne une perte conjointe de l’os [2] Brizon J, Castaing J. Feuillets d’anatomie n°11. Ostéologie de la tête et
alvéolaire. Celle-ci est d’autant plus importante qu’il n’y a pas du tronc. Paris: Maloine; 1997 (140p).
de compensation prothétique. La mandibule est donc fragilisée [3] Iida S, Nomura K, Okura M, Kogo M. Influence of the incompletely
par la perte d’un capital osseux et l’absence de dents amplifie erupted lower third molar on mandibular angle and condylar fractures.
l’impact des traumatismes par défaut de calage. Le déplacement J Trauma 2004;57:613-7.
des fractures est favorisé par l’édentement. La prise en charge [4] Dodson TB. Third molars may double the risk of angle fracture of the
thérapeutique est plus difficile en raison de l’absence de mandible. Evid Based Dent 2004;5:78.
[5] Denhez F, Seigneuric JB, Duhamel P, Cantaloube D. Examen d’un trau-
référentiel occlusal.
matisé maxillofacial. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris),
Stomatologie, 22-068-A-12, 2003: 11p.
Fractures pathologiques [6] LacanA. Nouvelle imagerie dentaire. Paris: CDP éditions; 1990 (168p).
[7] Teman G. Imagerie maxillofaciale pratique. Paris: éditions Quintes-
On les définit comme des fractures survenant sur un tissu sence International; 2001 (244p).
osseux fragilisé par l’évolution d’un processus pathologique [8] Le Breton G. Traité de séméiologie et clinique odonto-stomatologie.
ostéolytique. Les étiologies sont nombreuses. Il peut s’agir de Paris: CDP éditions; 1998.
tumeurs bénignes d’origine odontogène ou non (kystes mandi- [9] Piette E, Reychler H. Traité de pathologie buccale et maxillofaciale.
bulaires, améloblastomes, etc.), de tumeurs malignes (sarcomes, Bruxelles: De Boeck Université; 1991.

F. Denhez, Chirurgien dentiste, chef de service adjoint (franck.denhez@wanadoo.fr).


O. Giraud, Chirurgien maxillofacial, chef de service adjoint.
Service de chirurgie plastique et maxillofaciale et d’odontologie, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406 Clamart cedex,
France.
J.-B. Seigneuric, Stomatologiste, adjoint au chef de service.
A.R. Paranque, Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service.
Service de chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Denhez F., Giraud O., Seigneuric J.-B., Paranque A.R. Fractures de la mandibule. EMC (Elsevier SAS, Paris),
Stomatologie, 22-070-A-12, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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