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236 C AS CLINIQUE Par Siham Kerrary, Philippe Menard, Jacques-Charles Bertrand*

Une mâchoire
douloureuse
Un homme de 58 ans consulte pour
des douleurs de la mâchoire du côté droit.
La peau est rouge et chaude. La radiographie
montre une image kystique mandibulaire [ Fig. 1 – Images radioclaires contenant plusieurs géodes
cloisonnées. ]
parasymphysaire droite en regard
de la zone douloureuse et inflammatoire.
Un scanner confirme une formation
hypodense contenant plusieurs géodes
cloisonnées en « bulles de savon »
très évocatrice d’améloblastome, de siège
mandibulaire droit en regard des
dents 43 et 44, avec une rupture des deux
corticales (fig. 1 et 2).
Le patient est traité chirurgicalement : large
résection mandibulaire non interruptrice
Fig. 2 – Images scannographiques très évocatrices
avec 1 cm de marge de sécurité. L’examen d’améloblastome : les géodes cloisonnées (flèche orange)
histologique confirme le diagnostic d’amélo- ressemblent à des « bulles de savon ». Rupture des deux
corticales (flèches jaunes).
blastome dans sa forme typique folliculaire.

DISCUSSION « nid d’abeille ». Dans les lésions avancées, la corticale s’amincit


L’améloblastome mandibulaire ou adamantinome est une et se rompt, entraînant une perméation dans les tissus mous et
tumeur odontogène (en rapport avec le tissu dentaire) bénigne l’extériorisation au niveau de la muqueuse buccale.
mais à pouvoir invasif local important justifiant un diagnostic Le diagnostic ne sera porté avec certitude que grâce à l’examen
précoce dès la première consultation. Elle est rare et ne repré- histologique de la pièce opératoire.
sente que 1 % de toutes les tumeurs des maxillaires et environ En l’absence de traitement, l’améloblastome s’accroît lente-
11 % de l’ensemble des tumeurs odontogènes.1 La mandibule est ment, par poussées, et peut atteindre un volume considérable
atteinte dans 80 % des cas. (améloblastome géant) avec extension vers les tissus mous. Le
Cliniquement, cette tumeur est caractérisée par sa remarquable risque de dégénérescence maligne est exceptionnel mais existe.
latence. La découverte est souvent fortuite devant un panora- Le traitement est chirurgical, consistant en une résection large
mique dentaire ou un retard de cicatrisation alvéolaire après avec des recoupes saines au plan anatomopathologique. Les
avulsion dentaire intempestive non ou mal documentée par une risques de récidive après ce geste sont liés à la présence de micro-
radiographique préalable, ou inaugurée par un épisode inflam- foyers osseux tumoraux existant à distance de la tumeur princi-
matoire local (associé dans certains cas à une mobilité ou un pale, ce qui impose une surveillance clinique et radiologique
déplacement dentaire). régulière.2 ●
L’image radiographique de l’améloblastome n’est pas univoque.
RÉFÉRENCES
Aucune n’est spécifique. La polygéodique est la plus évocatrice :2
1. Vallicioni J, Loum B, Dassonville O, Poissonnet G, Ettore F, Demard F. Les amélo-
images radioclaires, en général bien limitées avec un liseré blastomes. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2007;124:166-71.
épaissi, le plus souvent cloisonnées, avec des compartiments de 2. Chala S, Nassih M, Rzin A, Jidal B. Notre expérience des améloblastomes de la
taille diverse, donnant des aspects en « bulles de savon » ou en mandibule. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2002;103:247-50.

* Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant cet article.
hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, 75013 Paris. sihamkerrary@hotmail.fr

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 24 l N° 838 l DU 22 AU 26 MARS 2010

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