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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2014) 131, 128—131

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

NOTE TECHNIQUE

Une technique originale pour préserver la


branche cervicale du nerf facial lors d’un
abord submandibulaire夽
C.-A. Righini a,∗,b,c, J. Petrossi a, E. Reyt a,b, I. Atallah a,c

a
Clinique universitaire d’ORL, pôle TCCR, CHU de Grenoble, 1, avenue des Maquis-du-Grésivaudan, 38043
Grenoble cedex 9, France
b
Université Joseph-Fourier, Grenoble I, BP 53, 38041 Grenoble cedex 9, France
c
Unité Inserm UJF/U823, centre de recherche Albert-Bonniot, BP 170, La Tronche, 38042 Grenoble cedex
9, France

MOTS CLÉS Résumé De nombreux articles et ouvrages d’anatomie décrivent de façon précise l’anatomie
Rameau cervical du et les variantes du rameau mentonnier du nerf facial (VII). Ce n’est pas le cas de la branche
nerf facial ; cervico-faciale (ou rameau cervical) du VII qui pourtant, si elle est lésée, entraîne une para-
Glande lysie du platysma. Cette paralysie entraîne une disgrâce esthétique lors du sourire du fait de
submandibulaire ; ses insertions au niveau de la lèvre inférieure et de la commissure labiale qui peut, à tort, être
Chirurgie ; considérée comme une atteinte du rameau mentonnier du VII. Une connaissance anatomique
Morbidité ; précise de ce nerf permet de définir quelques points techniques qui, s’ils sont respectés, mini-
Voie transcervicale misent le risque de lésion de ce nerf, en particulier lors de l’exérèse chirurgicale de la glande
submandibulaire par voie transcervicale.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction la branche cervico-faciale (ou rameau cervical) du VII qui


pourtant, si elle est lésée, entraîne une paralysie du pla-
De nombreux articles et ouvrages d’anatomie décrivent tysma. Cette paralysie entraîne une disgrâce esthétique
de façon précise l’anatomie et les variantes du rameau lors du sourire du fait de ses insertions au niveau de
mentonnier du nerf facial (VII). Ce n’est pas le cas de la lèvre inférieure et de la commissure labiale (Fig. 1)
[1]. Ce dysfonctionnement est souvent pris, à tort, pour
une lésion du rameau mentonnier. Les objectifs de notre
travail étaient de préciser l’anatomie du rameau cervi-
DOI de l’article original : cal et d’en déduire les points techniques à respecter
http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.04.003. pour éviter de le léser lors de l’ablation chirurgicale, par
夽 Ne pas utiliser pour citation la référence française de cet article
voie transcervicale, de la glande submandibulaire. Cette
mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhi-
technique ne s’applique qu’en cas de pathologie bénigne
nolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus.
∗ Auteur correspondant. de la glande submandibulaire (sous-maxillite, adénome
Adresse e-mail : crighini@chu-grenoble.fr (C.-A. Righini). glandulaire).

1879-7261/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2013.08.008
Une technique originale pour préserver la branche cervicale du nerf facial 129

et mentonnier du VII émergent à la partie antérieure et


inférieure du pôle inférieur de la glande parotide. Les
2 rameaux divergent l’un de l’autre à une distance très
variable de la glande parotide, mais sont toujours séparés
lorsqu’ils croisent l’angle mandibulaire. Le rameau cervical
est toujours postérieur par rapport au rameau mentonnier.
Il est constitué d’un seul rameau dans 80 % des cas qui
se situe, en moyenne, à 0,83 cm (0,2—1,4) du gonion. Il
se place ensuite à la partie superficielle du bord posté-
rieur de la glande submandibulaire. Il a ensuite un trajet
oblique de dehors en dedans et rejoint la grande corne
de l’os hyoïde dont il longe le bord supérieur jusqu’au
corps, niveau où il se divise en de multiples branches,
très fines, (plexus nerveux) qui pénètrent dans le muscle
platysma (Fig. 2). En l’absence de dysmorphie cervico-
faciale, la grande corne de l’os hyoïde se situe sur une ligne
verticale passant par le gonion, en moyenne, 30 mm en des-
Figure 1 Insertion du muscle platysma sur la commissure sous de l’angle mandibulaire, et le corps de l’os hyoïde
labiale et la lèvre inférieure. DAO : depressor anguli oris ; DLI : se situe sur une ligne verticale passant au niveau de la
depressor labii inferioris ; OO : orbicularis oris ; P : platysma ; R : première prémolaire, en moyenne, 40 mm en dessous du
risorius. bord inférieur de la mandibule [4,5]. Dans 20 % des cas, le
rameau cervical est dédoublé, avec deux branches plaquées
Technique l’une contre l’autre qui se séparent au niveau de la partie
postéro-supérieure de la glande submandibulaire. Chacune
d’entre elles a un trajet identique à celui décrit précédem-
Rappels anatomiques ment. Quelle que soit la conformation du rameau cervical,
celui-ci se situe toujours en superficie de l’aponévrose
L’abord de la glande submandibulaire nécessite la dissection cervicale superficielle et de l’os hyoïde et en profondeur du
de la paroi inféro-latérale de la loge submandibulaire. Cette muscle platysma. Les branches terminales se situent donc
paroi comprend de la superficie vers la profondeur [2] : toujours à la face profonde du muscle (Fig. 3). Le rameau
cervical du VII s’anastomose avec deux nerfs sensitifs, le
• la peau ; nerf grand auriculaire et transverse du cou, tous les deux
• le tissu cellulaire sous-cutané ; étant des branches du plexus cervical superficiel issu de
• la lame superficielle du fascia cervical qui s’insère, en la deuxième racine cervicale. Les anastomoses se situent,
haut, sur le corps de la mandibule, en bas, sur l’os hyoïde,
en arrière, sur le ligament stylo-hyoïdien.

Le tissu cellulaire sous-cutané comprend de dehors en


dedans :

• une couche externe riche en graisse ;


• le système musculo-aponévrotique superficiel (superficial
musculo-aponeurotic system ou SMAS) [3] qui correspond
au fascia superficialis dans le dédoublement duquel se
trouve le muscle platysma ;
• une couche interne, graisseuse.

C’est dans l’épaisseur du fascia superficialis que se


trouvent l’artère submentale, les veines affluentes de la
veine jugulaire antérieure, les vaisseaux lymphatiques issus
de la face qui rejoignent les ganglions profonds périglandu-
laires, le rameau cervical du VII et les branches sensitives
des nerfs transverses du cou et grand auriculaire du plexus
cervical superficiel qui rejoignent la deuxième racine cervi-
cale.
L’anatomie du rameau cervical a été décrite de façon Figure 2 Trajet du rameau cervical du VII dans sa portion
précise par Ziarah et al. [4] à partir de 110 dissections cada- extra-parotidienne. 1 : rameau cervical du VII ; 2 : rameau men-
vériques de corps formolés, la dissection ayant été faite tonnier du VII ; VF : veine faciale ; AF : artère faciale ; GSB :
bouche fermée avec une légère rotation cervicale oppo- glande submandibulaire ; OH : os hyoïde ; PNT : plexus nerveux
sée au côté disséqué, de façon à se rapprocher au plus terminal du rameau cervical du VII. En cartouche : distance
près de la position opératoire utilisée lors de l’abord chi- moyenne entre le gonion (angle mandibulaire) et le rameau
rurgical de la glande submandibulaire. Les rameaux cervical cervical du VII.
130 C.-A. Righini et al.

Figure 3 Composition de la paroi inféro-latérale de la loge


submandibulaire. 1 : peau ; 2 : couche graisseuse externe ; 3 :
SMAS avec fascia superficialis dans le dédoublement duquel se
trouve le muscle platysma ; 4 : couche graisseuse interne ; V :
veines affluentes de la veine jugulaire antérieure ; A : branches
de l’artère submentale ; RC : rameau cervical du VII ; LSFC : lame
superficielle du fascia cervical.

pour le nerf grand auriculaire, très haut au niveau de la Figure 4 Zones dangereuses pour les rameaux mentonnier et
portion intra-parotidienne du rameau cervical du VII, alors cervical du VII. O : zone à risque pour les 2 rameaux ; + : zone
que l’anastomose avec le nerf transverse du cou se situe à risque pour le rameau mentonnier ; / : zone à risque pour le
au niveau de l’extrémité distale de la grande corne de l’os rameau cervical du VII. H3 : position de l’incision en arrière, à
hyoïde. En aval de cette seconde anastomose, le rameau 3 cm du gonion ; H4 : position de l’incision en avant, à 4 cm d’une
cervical du VII a un diamètre plus important, ce qui le rend droite verticale passant à l’aplomb de la première prémolaire
plus facilement identifiable. (PM1) ; OH : os hyoïde ; M : mandibule.

Points techniques à respecter doit pas être disséqué et désolidarisé de l’aponévrose cervi-
cale superficielle. La partie postérieure du muscle peut être
Quelques points techniques peuvent être déduits des don- conservée, ce qui minimise le risque de lésion du rameau
nées anatomiques décrites précédemment de façon à limiter cervical du VII et ne gène en rien l’abord de la loge subman-
au maximum le risque de lésion du rameau cervical du VII. dibulaire. Une fois incisés et libérés de la partie superficielle
En premier lieu la position du cou : de la glande submandibulaire, l’aponévrose cervicale super-
ficielle et le muscle platysma peuvent être rétractés d’un
• l’extension cervicale n’est pas obligatoire mais si seul tenant, vers le haut, à l’aide d’écarteurs de type
l’opérateur décide de placer le cou en extension, celle-ci Farabeuf placés aux extrémités postérieure et antérieure
doit être modérée ; de l’incision. L’écarteur postérieur refoule vers le haut et
• une légère rotation (< 30◦ ) du côté opposé au côté opéré l’arrière le bord postérieur du muscle, ce qui permet égale-
permet de faciliter l’accès à la région submandibulaire ment de décaler vers le haut et l’arrière le rameau cervical
sans modifier la position du rameau cervical du VII par du VII. Il n’est donc pas nécessaire de repérer le tronc et
rapport aux repères décrits précédemment. les branches de division du rameau cervical du VII qui, avec
cette technique, ne sont en fait à aucun moment exposés
Le tracé de l’incision doit être oblique d’arrière en avant et visualisés, évitant ainsi tout risque de blessure du nerf et
et de haut en bas. L’incision doit être placée 30 mm en des- de ses branches y compris les fins plexus nerveux situés à
sous du gonion, en arrière, et 40 mm en dessous du bord l’extrémité des branches de division [1,4].
inférieur de la mandibule à l’aplomb de la première prémo- La dissection de la glande submandibulaire peut ensuite
laire, en avant. Cette incision permet ainsi d’éviter les zones être pratiquée. La préservation des vaisseaux faciaux avec
anatomiques potentiellement dangereuses où se situent les une coagulation bipolaire ou une ligature sélective des
rameaux mentonnier et cervical du VII (Fig. 4). En pratique branches à destinée glandulaire permet d’optimiser la
elle doit être faite au bord inférieur de l’os hyoïde qui est protection du rameau cervical du VII. En utilisant cette tech-
facilement palpable et, en fonction des patients, être pla- nique, le rameau mentonnier et ses branches sont également
cée dans un pli du cou. protégés et ne sont pas visualisés lors de la dissection. Il
Les trois plans qui constituent la paroi inféro-latérale de s’agit d’ailleurs d’une des trois techniques recommandées
la loge submandibulaire sont incisés, plan par plan, avec un pour éviter de léser le rameau mentonnier avec [6] :
bistouri à lame froide. La section du muscle platysma doit
être franche et correspondre au tracé cutané. Il en est de • le repérage spécifique du rameau mentonnier dès son
même pour l’aponévrose cervicale superficielle. Il est préfé- émergence de la glande parotide et une dissection du
rable d’utiliser une coagulation bipolaire que monopolaire rameau principal et de ses éventuelles branches que nous
pour la coagulation des vaisseaux. Le muscle platysma ne ne développerons pas dans ce travail ;
Une technique originale pour préserver la branche cervicale du nerf facial 131

• la ligature de la veine faciale qui est tractée vers le Par ailleurs, il est fréquent qu’il existe une diminution
haut grâce au fil de ligature, déportant ainsi le rameau de contraction du muscle platysma du côté opéré du fait de
mentonnier vers le haut, au-dessus du bord inférieur de la section musculaire [9]. Cette asymétrie est notée dans
la mandibule, le faisant ainsi sortir de la loge submandi- 35 à 40 % des cas [10]. Elle est transitoire et disparaît, en
bulaire. général, dans le mois qui suit la chirurgie. D’où l’importance
d’examiner les patients à distance du geste, entre la 4e et
Après l’ablation de la glande, le muscle platysma doit 6e semaine postopératoire.
être soigneusement suturé, bord à bord avec du fil résor-
bable à résorption lente [6]. Ce temps opératoire est Conclusion
important pour minimiser la durée de cicatrisation du
muscle et donc de limiter autant que possible dans le temps
L’anatomie du rameau cervical du VII est souvent méconnue.
la diminution de sa force de contraction.
Pourtant, la lésion de ce nerf a des conséquences esthé-
tiques non négligeables qui peuvent être, à tort, attribuées
Discussion à une lésion du rameau mentonnier. En respectant quelques
points techniques simples pour l’abord de la glande subman-
Dès 1964, De Sousa [7] avait démontré, grâce à des études dibulaire, ce nerf peut facilement être préservé.
électromyographiques, l’importance de la contraction du
muscle platysma dans l’abaissement de la commissure Déclaration d’intérêts
labiale et de la lèvre inférieure. Le muscle platysma parti-
cipe avec le muscle depressor anguli oris (DAO) à la balance
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
releveurs/abaisseurs de la commissure labiale et avec le
relation avec cet article.
depressor labii inferioris (DLI) à l’abaissement de la lèvre
inférieure, ces deux muscles étant innervés par le rameau
mentonnier du VII. La contraction de ces trois muscles per- Références
met l’abaissement de la commissure labiale en bas et en
dehors et de la lèvre inférieure. Ces mouvements conjoints, [1] Ellenbogen R. Pseudo-paralysis of the mandibular branch of the
propres à l’homme, sont responsables de l’expression de facial nerve after platysmal facelift operation. Plast Reconstr
tristesse, du dégoût, de l’amertume, mais également, lors Surg 1979;63:364—8.
[2] Norton NS. Le trigone submandibulaire, chapitre 4, le cou. In:
du sourire forcé de l’exposition de la totalité de la denti-
Netter. Précis d’anatomie clinique de la tête et du cou. Paris:
tion supérieure et inférieure jusqu’aux canines [8]. La lésion Elsevier Masson; 2009. p. 118—9.
du rameau cervical du VII entraîne une asymétrie lors des [3] Tessier P. Le SMAS, sa petite histoire. Ann Chir Plast
mouvements décrits ci-dessus, du fait d’une diminution du 1981;26:191—2.
contre-balancement, du côté atteint, des muscles éléva- [4] Ziarah HA, Atkinson ME. The surgical anatomy of the cervical
teurs de la commissure labiale à l’origine d’une disgrâce distribution of the facial nerve. Br J Oral Surg 1981;19:171—9.
qui est souvent prise à tort pour une atteinte du rameau [5] Harding-Kaba MB, Ferret Cl, Batifol D, et al. Variation de la
mentonnier. Dans la majorité des cas, la section partielle position de l’os hyoïde chez l’adulte dans les dysmorphies
de ou des branches du rameau cervical est localisée à la maxillo-mandibulaires et les dysfonctions de l’appareil man-
partie postérieure de la glande submandibulaire et/ou au- ducateur. Int Orthod 2008;6:199—207.
[6] Hernando M, Echarri RM, Taha M, et al. Surgical complications
dessus de la partie de l’extrémité de la grande corne de
of submandibular gland excision. Acta Otorrinolaringol Esp
l’os hyoïde [4]. Il est donc important, en cas de déficit 2012;63:42—6.
moteur, après un abord submandibulaire, de faire la distinc- [7] De Sousa OM. Estudo electromiographicofico dom platysma.
tion entre une atteinte du rameau mentonnier et cervical Folia Clin Biol (Brazil) 1964;33:42—6.
du VII. Pour cela, il faut demander au patient de contracter [8] Bruneau S, Foletti JM, Halweck G, et al. Traitement des plis
ses muscles platysma ce qui permet, à l’inspection chez un d’amertume par section du depressor angulis oris : note tech-
sujet mince et longiligne, de visualiser juste sous la peau nique. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2012;113:402—6.
une asymétrie ou l’absence de contraction des fibres mus- [9] Chang YG, Kao CH, Lin YS, et al. Comparison of the intraoral
culaires du muscle platysma du côté atteint. Chez les sujets and transcervical approach in submandibular gland excision.
avec un tissu adipeux sous-cutané important, l’examinateur Eur Arch Otorhinolaryngol 2013;270:669—74.
[10] Hong KH, Yang YS. Surgical results of the intraoral remo-
doit s’aider de la palpation en pinçant entre pouce et index
val of the submandibular gland. Otolaryngol Head Neck Surg
la partie postéro-inférieure du muscle platysma et vérifier 2008;139:530—4.
la présence ou non de contraction.

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