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Orthlieb J.D
Aix-Marseille Université
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Les fonctions occlusales représentent les conditions physiologiques de l’affrontement des dents antago-
nistes dans l’ensemble des fonctions manducatrices. Pour clarifier l’évaluation des relations occlusales,
nous avons proposé de distinguer les fonctions occlusales en fonction de calage, fonction de centrage
et fonction de guidage. La trilogie « calage, centrage, guidage » définit simplement des rapports occlu-
saux, induisant : une stabilisation dentaire et mandibulaire durable (calage) : l’intercuspidation intéresse
simultanément la quasi-totalité des dents cuspidées ; une position mandibulaire de référence non contrai-
gnante (centrage) : la position d’intercuspidie autorise la crispation des mâchoires avec un minimum de
contraintes musculoarticulaires ; des mouvements mandibulaires symétriques, simples et non bridés (gui-
dage) : l’accès à l’intercuspidie se fait sans obstacle postérieur, sans limitation antérieure. L’optimisation
des fonctions occlusales doit permettre de maintenir durablement des fonctions manducatrices efficaces
et économes. Une seconde partie traitera des anomalies de l’occlusion ou dysfonctions occlusales.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Occlusion ; Fonction occlusale ; Calage occlusal ; Centrage occlusal ; Guidage antérieur ;
Relation centrée
La morphologie occlusale des dents humaines est constituée de Nutrition : efficacité de préhension, de section,
formes convexes, les cuspides pour les dents cuspidées (canines, d’écrasement
prémolaires et molaires) ou les bords libres pour les incisives.
La forme des cuspides s’apparente plus à un type arc gothique En préalable à l’écrasement, il existe une nécessaire phase
qu’à un type hémisphérique (arc roman). de préhension–section. L’efficacité masticatoire tend à diminuer
Elles constituent la réponse ergonomique aux impératifs phy- l’intensité et le temps d’application des forces masticatoires Même
siologiques définis par Prime : si ce modèle est simpliste, d’un point de vue général, on peut pen-
• faciliter l’éruption ; ser que le rendement (temps de travail) est vraisemblablement lié
• favoriser la prophylaxie ; à trois paramètres augmentant les surfaces d’écrasement mises en
• réduire la tendance à la fracture ; opposition. (l’observation de l’organisation occlusale des herbi-
• réduire le travail musculaire ; vores est, à ce titre, révélatrice) :
• réduire les forces appliquées sur le tissu de soutien ; • la concordance des morphologies occlusales de chaque secteur
• éviter la morsure de la joue et de la langue. d’arcade ;
La morphologie a un sens, elle doit être respectée, restaurée ou • la coordination des deux arcades antagonistes ;
reconstruite. • l’organisation curviligne des « plans » d’affrontement, favori-
sant l’établissement d’un rapprochement homogène tout le
long de l’arcade.
Arcade dentaire
L’assemblage des organes dentaires en arcades antagonistes est Harmonie fonctionnelle entre occlusion
destiné à constituer un ensemble cohésif, répartissant et dirigeant
les pressions pour assurer la conservation des pièces constitu-
et articulation temporomandibulaire
tives. C’est en vue horizontale que la notion d’arcade dentaire Sans détailler la physiopathogénie des dysfonctions de l’articu-
trouve toute sa réalité et montre une des spécificités majeures du lation temporomandibulaire (ATM), on retient comme principe
genre homo : un arc dentaire continu (sans diastème) de forme physiologique que :
parabolique. Ces deux facteurs anatomiques favorisent la stabilité • les ATM sont structurées pour fonctionner vers l’avant :
dentaire et la répartition des contraintes. l’affrontement occlusal doit favoriser les mouvements fonc-
tionnels dans cette direction tout en limitant les rétropositions
Continuité par les contacts interproximaux mandibulaires [7] ;
La présence de contacts proximaux entre dents adjacentes • l’organisation anatomique de la mandibule est symétrique :
assure la continuité de l’arcade (donc l’absence d’espace ou l’occlusion doit créer une symétrie transversale de position de
diastème). Il en résulte un effet de voûte contribuant gran- fermeture (« centrage ») et générer une symétrisation des fonc-
dement à la stabilité des dents s’étayant les unes les autres. tions.
Ces contacts entretenus par les bombés proximaux sont glo-
balement situés au niveau du tiers vestibulaire et du tiers
occlusal des faces proximales. Enlever une dent est assimi- Affrontement interarcade
lable au fait de retirer une pierre à une voûte, le vide
provoque une désorganisation globale de l’ensemble. Il en L’étude de l’arcade dentaire n’a de sens que dans la mise en rela-
résulte des migrations dentaires, une surcharge occlusale, une tion des deux arcades antagonistes (maxillaire et mandibulaire).
ouverture de points de contacts interproximaux, des tassements Leur concordance est observée d’un point de vue dynamique (sta-
alimentaires générateurs de risque carieux ou d’infection paro- tique et cinétique) par rapport à un système cartésien de référence.
dontale. Selon le principe de l’occlusion dite sphérique « rien n’est plat,
tout est courbe dans la morphologie et l’organisation dentaire »,
Notes sur les contacts proximaux (d’après Gaspard) [6] les arcades dentaires humaines doivent être curvilignes dans les
L’arcade dentaire n’est pas une structure rigide et ne doit pas trois plans de l’espace, permettant ainsi stabilisation dentaire et
l’être. mandibulaire (statique), efficacité masticatoire et facilité de mou-
Le point de contact interproximal représente une articulation vement (cinétique). Dans le rapport statique définit par l’OIM, on
semi-mobile permettant un amortissement coordonné par les tis- décrit :
sus parodontaux. Anthony (cité par Gaspard) a créé le terme de • arcade proprement dite en vue horizontale caractérisée par les
synodontose (par analogie avec les synarthroses). Ces micromou- trois lignes occlusales ;
vements engendrent une usure réciproque aplatissant les bombés • courbe de Spee en vue sagittale ;
proximaux. Lorsque les synodontoses sont le siège de percus- • courbes de Wilson en vue frontale.
sions dues aux vibrations dentaires, l’usure marque une cupule
concave face à une convexité concordante, la stabilité vestibulo- En vue horizontale : les arcs dentaires
linguale des dents s’en trouve augmentée. Tout invite à penser
que la surface concave appartient à la couronne la plus fré- L’arcade maxillaire et l’arcade mandibulaire sont concordantes,
quemment percutée alors que la surface convexe appartient à la l’arc maxillaire plus large circonscrit l’arcade mandibulaire. Ainsi,
couronne percutante. D’une manière générale, les faces mésiales les cuspides vestibulaires maxillaires surplombent et recouvrent
des dents cuspidées deviennent concaves. Cette usure associée les dents mandibulaires. Ce type de rapport interarcade est
à la migration mésiale compensatrice peut réduire de 5 mm la dénommé psalidodontie, au contraire de la labidodontie marquée
longueur d’arcade dès la quarantaine [2] . L’ouverture d’un espace par un rapport interdentaire en bout à bout. La forme parabolique
interproximal peut être provoquée par un supracontact occlusal permet à l’arcade maxillaire de laisser aux dents mandibulaires
(surocclusion) pouvant disjoindre une synodontose satisfaisante un espace harmonieux d’opposition, mais libre de mouvements à
au repos. Là réside une cause souvent négligée de « syndrome du l’intérieur du périmètre délimité par les bords vestibulaires maxil-
septum ». laires. Pour Brunelle [8] , chez les Caucasiens, ce surplomb mesure
en moyenne au niveau incisif 2,9 mm (nombre [N] : 6500, écart-
type [ET] : 1,2) ; le recouvrement (R) incisif moyen est de 3,1 mm
Contrôle neurologique (N : 6 500, ET : 1,3) (cf. infra).
La mandibule est « aveugle », sous la dépendance d’un contrôle En vue horizontale, l’alignement des bords libres et des pointes
proprioceptif fin, comme la canne blanche pilote l’aveugle en cuspidiennes permet à Slavicek [2] de décrire trois lignes occlusales
le mettant en confiance. Ces informations spatiales influencent en vue horizontale :
le système neuromusculaire, mobilisant l’arcade dentaire man- • arc de guidage : la ligne vestibulaire esthéticofonctionnelle
dibulaire. Ce système de contrôle neurologique a pour objectif (verte-guidage) est une ligne continue suivant les bords libres
d’assurer la conservation des structures par limitation des sol- et les cuspides vestibulaires maxillaires ; elle borne la zone de
licitations mécaniques (intensité et temps d’application des limite occlusale fonctionnelle ; elle représente la limite occlu-
pressions). sale fonctionnelle de guidage ;
A B
Figure 1. Anatomie comparée.
A. Type carnivore (mandibule de phoque).
B. Type herbivore (crâne de cheval). La flèche marque la hauteur de la branche montante.
Figure 2.
A. Le ciseau de Page : la tangente noire est plus verticale au bout
du ciseau. Plus le point d’impact est près du centre de rotation, plus
la tangente au cercle de fermeture est inclinée en avant.
B. Le singe Alouate hurleur est un bon exemple de l’organisation
curviligne de l’occlusion en vue sagittale.
A B
Tableau 1.
Angle entre axe de la dent et direction de la tangente : les dents mandibulaires postérieures montrent en moyenne un angle différentiel entre axe de la dent
et de la tangente variant entre 25◦ et 15◦ alors qu’il est proche de 0 pour les antérieures.
3 molaires 2 molaires 1 molaire 2 prémolaires 1 prémolaire Canine Incisive
Moyenne en degrés 15,6 18 23 24 19,1 0,98 0,6
Écart-type 7,1 7,1 6,1 6,4 6,4 1,13 8,7
N 140 456 460 321 102 60 504
son grand axe corresponde à cette tangente. Suivant la situation À l’arcade maxillaire, l’organisation de l’arcade suit celle de
du point d’impact (incisive ou molaire par exemple) l’inclinaison l’arcade mandibulaire. L’analyse mécanique est plus complexe, on
sagittale de la tangente est différente : la direction des pressions peut émettre quelques hypothèses :
subies est plus verticale au niveau incisif et d’autant plus inclinée • l’ensemble dentomaxillaire semble anatomiquement structuré
que l’on se situe près du centre de rotation. Il en résulte des axes pour absorber en « souplesse » les impacts occlusaux générés par
différents pour chaque dent et, par conséquent, la création d’un un ensemble mandibulaire beaucoup plus cohésif ;
plan d’occlusion curviligne, la courbe de Spee. • les secteurs postérieurs sont essentiellement stabilisés par leur
Selon le principe de la tangente, l’ensemble des axes den- morphologie radiculaire divergente appuyée sur une structure
taires seraient convergents vers un point d’intersection commun osseuse souple (sinus, os cortical faible, faible densité de l’os
situé sur un point diamétralement opposé au point de rotation spongieux) ;
(condyle). La convergence de ces forces impliquerait un centre • le secteur incisivocanin présente une orientation axiale défa-
de résistance qui serait dans une zone nettement extracrânienne, vorable à la résistance à la pression, mais favorable vis-à-vis
ce qui est une impossibilité vis-à-vis de la biomécanique osseuse. de l’absorption des contraintes, compensée par la sangle
L’analyse céphalométrique a montré, d’une part, que la loi de la musculaire labiale et la richesse en éléments proprioceptifs de
tangente semble respectée au niveau de l’incisive mandibulaire, contrôle interdisant les surcharges.
mais que l’axe sagittal des dents postérieures mandibulaires est
moins incliné mésialement que la loi de la tangente le dicterait
(Tableau 1) [12, 13] .
L’angle différentiel (entre la tangente et l’axe de la dent) est
proche de 0 pour l’incisive mandibulaire comme l’avait montré
“ Point important
McHorris en 1982 [14] et Slavicek en 1984 [15] . L’étude de téléradio-
graphies obliques montre que la canine mandibulaire présente On résiste durablement à la contrainte par :
une inclinaison respectant le même principe par rapport au • une organisation structurelle au dessin architectural adé-
condyle controlatéral (0,98◦ ± 1,13 pour 60 mesures) [16] . On peut quat (plutôt la mandibule) ;
remarquer que cette situation moins inclinée des dents mandibu- • la souplesse des structures destinées à recevoir l’impact
laires génère une augmentation du rayon (un aplatissement) de la (plutôt le maxillaire).
courbe de Spee et, par conséquent, facilite la cinématique mandi-
bulaire en diminuant les risques d’interférences postérieures.
Ce différentiel constamment retrouvé génère une force non
axialisée. Sa décomposition dissocie une composante axiale absor- Relation entre inclinaison du plan d’occlusion et rayon
bée par le support parodontal et une composante horizontale de la courbe de Spee (Fig. 3)
vers l’avant tendant à faire basculer mésialement les dents pos- La surface d’affrontement des arcades est souvent assimilée à
térieures mandibulaires. Cette composante horizontale est de fait une surface plane, dite « plan d’occlusion ». Cette notion de plan
un élément très favorable, maintenant fermés les espaces interproxi- est virtuelle, un plan ne rendant jamais compte d’une forme
maux, créant la cohésion de l’arcade par sa continuité, mais générant courbe. Le plan n’est qu’une corde difficile à situer, aussi de
la fameuse tendance à la mésialisation des arcades (dérive mésiale). très nombreuses définitions du plan d’occlusion ont été données,
Les incisives mandibulaires constituent le sommet de la voûte ajoutant à la confusion.
que représente l’arcade mandibulaire. À leur niveau, les deux Le plan d’occlusion est un simple plan « d’orientation » visant
composantes horizontales, droite et gauche, de directions iden- à simplifier visuellement la situation sagittale de l’affrontement
tiques, mais de sens opposé s’annulent par effet réciproque. des arcades. Il est utile, car simple à mesurer. Très intéressant
A B
“ Point important
Courbe de Spee et typologie squelettique verti-
cale [17]
• Sujet hyperdivergent :
– branche montante courte
Figure 4. Les inclinaisons frontales des dents permettent la dispersion
– angle goniaque ouvert
des pressions dans les piliers osseux de résistances de la face.
– plan d’occlusion incliné
– grand rayon (> 90 mm) : courbe de Spee plate
• Sujet hypodivergent : mandibulaire a un axe vertical, c’est à son niveau que se
– branche montante haute produit la transition vers la zone de pression et de contrainte ;
– angle goniaque fermé • l’inclinaison dans le plan frontal des tables occlusales des
– plan d’occlusion horizontal dents pluricuspidées est une nécessité pour permettre, lors des
– petit rayon (< 70 mm) : courbe de Spee marquée déplacements mandibulaires en diduction, le maintien de la
proximité des tables occlusales (mastication), sans créer cepen-
dant d’interférence occlusale (Fig. 4).
La réunion de la courbe de Spee et des courbes de Wilson
a conduit au concept de la sphère avec un centre et un rayon
En vue frontale : courbes de Wilson unique, décrit par Monson aux États-Unis dès 1898 [18] et Georges
Vilain en France en 1914 [19] . Ces deux auteurs avaient comme
Sur une coupe frontale, on observe que les axes dentaires objectif de guider la réalisation de prothèse complète amovible.
convergent en haut et en dedans, les faces occlusales s’inscrivant Monson proposait comme rayon moyen de sa sphère la lon-
sont appelées courbes de Wilson (Georges Henri Wilson, dentiste gueur moyenne du triangle équilatéral proposée par Bonwill en
américain, 1855–1922) et sont définies ainsi : courbes frontales à 1899 (4 pouces ou 101 mm) [5] . La forme « hélicoïde » du plan
concavité généralement supérieure, assimilables à une portion de d’occlusion décrite par Ackermann [20, 21] est sans doute la plus
cercle de rayon variable, réunissant les sommets des cuspides ves- juste, justifiant de nos jours la recherche de sa modélisation infor-
tibulaires et linguales de deux dents homologues. Elles peuvent matique.
être décrites au maxillaire ou à la mandibule. Il existe une courbe
de Wilson pour chaque couple de dents homologues, ainsi on
parle « des » courbes de Wilson.
Ces courbes permettent de concentrer les contraintes occlusales Fonctions occlusales
et de favoriser la mastication :
• la concavité supérieure de cette courbe permet de faire conver- Dans le but de clarifier l’analyse de l’occlusion et l’identification
ger la résultante des forces occlusales en haut et en dedans, vers de facteurs occlusaux susceptibles de troubler le bon fonctionne-
le centre de la face à travers les piliers de résistances maxil- ment de l’appareil manducateur, nous proposons en premier lieu
lomalaires. Neutre ou très légèrement marquée dans la région un modèle physiologique distinguant trois fonctions occlusales à
des deuxièmes prémolaires, cette courbe devient de plus en étudier séparément : fonction de calage, fonction de centrage et
plus concave dans la région molaire. La deuxième prémolaire fonction de guidage.
“ Point important des incisives maxillaires et des incisives mandibulaires, les dents
cuspidées antagonistes s’affrontent en quinconce, les dents man-
dibulaires en avant des maxillaires de la largeur d’une cuspide. Il
existe alors une occlusion « une dent/deux dents », cuspide/fosse
Les fonctions occlusales ou cuspide/embrasure, et non une occlusion « bout à bout ». Seule
• Fonction de calage : l’occlusion stabilise chaque couple l’intercuspidie complète obtenue par un rapport d’occlusion une
dentaire antagoniste et, globalement, la mandibule. Pour dents/deux dents garantit une parfaite stabilité dentaire dans le
évaluer la qualité de l’OIM, on évalue la qualité de la stabi- sens antéropostérieur. La relation une dent/deux dents est fré-
lité de chaque dent, la précision et la stabilité de la position quente en denture naturelle, le risque de bourrage pendant la
mandibulaire. mastication (parfois souligné par certains auteurs) est démenti
• Fonction de centrage : l’occlusion doit placer la par la permanence de la continuité de l’arcade souvent obser-
vée, la pression mésialante empêchant l’ouverture des points de
mandibule dans une position « orthopédique » non
contacts.
contraignante sur le plan musculoarticulaire. Pour connaî-
tre la situation mandibulaire en OIM, on compare la Contacts en opposition
position mandibulaire en OIM par rapport à la position Pour chaque organe dentaire, la répartition de l’impact occlusal
mandibulaire « centrée ». sur des versants cuspidiens opposés (mésial/distal ou vestibu-
• Fonction de guidage : l’occlusion guide et facilite les laire/lingual) est un gage de stabilité.
mouvements mandibulaires. Pour connaître les trajec- L’indispensable stabilisation transversale « autonome » de
chaque
toires mandibulaires d’accès à l’OIM, on vérifie la liberté
dent nécessite des contacts sur des versants opposés autour
de déplacements mandibulaires vers l’avant, sans interfé- du sommet cuspidien : lingual et vestibulaire.
rence. La stabilisation sagittale est plus simple à obtenir du fait de la
cohésion que procure la continuité d’arcade.
Du fait du faible calage occlusal existant au niveau des inci-
sives maxillaires, la stabilité de leur position est à comprendre
dans l’équilibre de pressions musculaires labiolinguales, mais aussi
Fonction de calage = qualité de l’occlusion dans le nécessaire affrontement fonctionnel des dents antérieures
dans des positions excentrées : incision en bout à bout et dans les
d’intercuspidie maximale positions de diduction.
Le calage mandibulaire en OIM permet au système dentaire Contacts punctiformes
de faciliter la déglutition et d’autoriser la crispation. En occlu-
La stabilité sans l’usure. La présence de contacts punctiformes
sion, la stabilisation mandibulaire est grandement facilitée par
opposant deux formes convexes est mécaniquement très éco-
un parfait « emboîtement » des arcades. Cette stabilité mandibu-
nome : elle procure la stabilité occlusale, maintient la capacité
laire doit être conservée dans le temps, elle est ainsi conditionnée à
d’écrasement, avec un minimum de surface en contact, donc en
l’absence de migrations dentaires. Le calage occlusal signifie donc :
diminuant les frottements, les usures, les risques de fracture. En
stabilité intra-arcade (dentaire) et stabilité interarcade (mandi-
mécanique, le dessin légèrement convexe des « dents » des engre-
bulaire) en position d’occlusion d’intercuspidie maximale. Elles
nages est suffisamment éloquent pour ne laisser aucune place à
sont obtenues par la répartition et la précision des multiples
des morphologies occlusales « plates » [22] .
contacts occlusaux sur toute l’arcade unie par les contacts proxi-
maux.
La stabilité est un jeu d’équilibre : l’équilibre est l’essence de
toute harmonie à la fois anatomique et fonctionnelle. Tout sys-
tème est universellement basé sur le jeu de forces opposées qui
“ Point important
s’annulent. La stabilité occlusale repose sur l’équilibre entre les
différents jeux de forces et de résistances qui s’appliquent aux • La stabilité en biologie est toujours relative.
dents. • La relation d’OIM est en constant remaniement durant
les périodes de dentition (lactéale et définitive) et chez
Stabilité de l’unité dentaire l’adulte, du fait de l’abrasion dentaire, verticale (compen-
La stabilité de chaque organe dentaire sur son arcade est la sée par l’égression dentaire) et horizontale (usure des faces
condition de l’absence de migration dentaire. mésiales et distales, compensée par la mésialisation des
La stabilité de chaque unité dentaire en OIM est liée à : dents).
• une inclinaison axiale correcte de la dent ; • Au cours du vieillissement, la stabilité des arcades
• une continuité d’arcade assurée par des contacts interproxi- est globalement maintenue, même s’il existe toujours,
maux ; naturellement, une évolution lente, mais constante par
• des rapports d’occlusion une dent/deux dents ;
usures, dérive mésiale, égressions et migrations passives.
• des contacts occlusaux en opposition (en particulier dans le sens
La progression du chevauchement des dents antérieures
transversal : vestibulaire et lingual) ;
• des contacts punctiformes. mandibulaires en est l’expression naturelle.
Inclinaison optimale
L’organisation curviligne des arcades met en adéquation
l’inclinaison axiale des dents et l’orientation des pressions
occlusales qu’elles subissent. L’orientation axiale des forces est Classes dentaires d’Angle
étayée par la continuité des arcades liées par les contacts proxi- L’élément clé de la stabilité de l’occlusion est constitué par
maux. « la grosse cuspide dans la grande fosse ». Il s’agit de la cuspide
A B C
Figure 5. Les classes d’Angle : classification des relations occlusales en occlusion d’intercuspidie maximale (OIM) en vue sagittale.
A. Classe 2 : canine mandibulaire derrière la canine maxillaire. Distocclusion de la première molaire mandibulaire d’au moins une demi-cuspide. La pointe
canine mandibulaire est en arrière de la canine maxillaire.
B. Classe 1 : canine mandibulaire devant la canine maxillaire. La première molaire mandibulaire étant en position mésiale d’une demi-cuspide par rapport à
la première molaire maxillaire, la pointe canine mandibulaire est en contact avec le pan mésial de la canine maxillaire.
C. Classe 3 : prémolaire mandibulaire devant la canine maxillaire. Mésiocclusion de la première molaire mandibulaire d’au moins une demi-cuspide. La pointe
canine mandibulaire est en avant de la canine maxillaire [25] .
mésiolinguale de la première molaire maxillaire dans la fosse cen- Le modèle théorique n’est pas toujours retrouvé complètement
trale de la première molaire mandibulaire [23] . À partir du rapport dans les occlusions naturelles. Puisque ce concept de normocclu-
d’occlusion des premières molaires, Angle [24] a proposé, au début sion, est plus « idéal » que « normal », il ne doit pas constituer
du XXe siècle, une classification universellement reconnue, des un critère diagnostique de référence. L’occlusion est qualifiée
rapports d’occlusion en vue sagittale (Fig. 5). de fonctionnelle lorsqu’elle est caractérisée par des rapports
d’occlusion proche de la normocclusion, assurant des critères de
Rapports occlusaux en occlusion d’intercuspidie stabilité dentaire et mandibulaire. Parce qu’il est nécessaire de
fixer des repères pédagogiques, pour considérer l’OIM comme opé-
maximale
rante, il faut que la mandibule soit stabilisée par l’affrontement
Normocclusion en occlusion d’intercuspidie maximale d’au moins quatre couples de pluricuspidées antagonistes, bien
Il s’agit d’un modèle théorique de référence, à visée pédago- répartis.
gique, représentant un schéma idéal que les traitements cherchent
à approcher. Il est défini par un rapport d’occlusion simultanée de
l’ensemble des couples dentaires pluricuspidés.
Le modèle d’occlusion en classe 1 dans un rapport une
dent/deux dents établit la possibilité de 52 contacts occlusaux sur
“ Point important
les dents postérieures hors dents de sagesse :
• les cuspides porteuses mandibulaires : OIM : synthèse
◦ les cuspides vestibulaires des prémolaires et mésiovestibu- L’intercuspidie maximale assure la fonction de calage
laires molaires mandibulaires entretiennent des contacts caractérisée par un nombre suffisant de contacts en oppo-
dans l’embrasure occlusale avec les crêtes marginales mésiales
sition (pan mésial contre pan distal, pan vestibulaire
et distales des dents antagonistes,
contre pan lingual) pour créer la stabilité. Cette stabilité
◦ les autres cuspides vestibulaires des molaires mandibulaires
ont leurs contacts dans les fosses antagonistes sur les arêtes concerne à la fois la position de chaque dent et la position
internes des cuspides des molaires maxillaires ; mandibulaire, elle génère une facilitation neuromuscu-
• les cuspides porteuses maxillaires : laire (déglutition, serrement). La stabilisation sagittale est
◦ les cuspides linguales des prémolaires maxillaires se posi- véritablement efficace uniquement avec une organisa-
tionnent dans les fossettes distales des prémolaires mandi- tion interarcades affrontant une dent à deux dents. La
bulaires, stabilisation doit être également transversale, tout particu-
◦ les cuspides mésiolinguales des molaires maxillaires se posi- lièrement au niveau de la cuspide linguale de la première
tionnent dans les fosses centrales des molaires mandibulaires molaire maxillaire dans la fosse de la première molaire
entretenant des contacts avec les arêtes internes antagonistes,
mandibulaire (la grosse cuspide dans la grande fosse).
◦ les cuspides distolinguales des molaires maxillaires se
positionnent dans les embrasures occlusales des molaires
mandibulaires entretenant des contacts avec les crêtes mar-
ginales mésiales et distales antagonistes.
Le contrôle clinique de l’OIM utilise des rubans marqueurs de
l’ordre de 10 μm d’épaisseur bloqués sur une pince de type Péan
Occlusion fonctionnelle en occlusion d’intercuspidie ou sur une pince de Miller. Par convention, le vert est utilisé
maximale pour les trajets de guidage (propulsion et diductions), le noir ou
McNamara et Henry [26] , sur 30 occlusions saines naturelles, le bleu pour l’OIM, le rouge pour les contacts en occlusion en
trouvent une moyenne de 18 contacts occlusaux postérieurs, soit relation centrée (ORC) (cf. infra). Les dents sont préalablement
seulement un tiers par rapport au schéma théorique idéal. séchées à l’air. Les bandelettes de feuille d’aluminium résistant
Les premières molaires représentent souvent 30 % des contacts type « couverture de survie » (ShimstockTM ) sont très pratiques
à elles seules, elles sont en contact dans 96 % des occlusions fonc- pour tester la réalité du verrouillage occlusal. Il ne faut pas
tionnelles selon Unger et al. [27] . Il existerait une quasi-absence de oublier de confronter le résultat de nos observations aux sen-
contacts incisifs en OIM, avec un espace théorique d’inocclusion sations exprimées par les patients, sans leur faire une confiance
de 0,1 mm. absolue.
“ Point important la dent [38, 39] . Selon Wiskott, cela a été démontré, il y a plus de
50 ans, par des Hongrois [40] . La transmission de cette informa-
tion tactile déclenche le plus souvent des réflexes d’évitement [41]
• L’analyse du centrage compare la position de l’OIM à la et une réduction significative de la capacité de contraction des
muscles élévateurs [42] .
position en ORC par évaluation du différentiel ORC–OIM.
À la manière d’un palpeur extéroceptif, la morphologie linguale
• En OIM, la position mandibulaire doit être centrée
du groupe incisivocanin maxillaire délimite l’enveloppe finale des
« orthopédiquement stable », c’est-à-dire que les condyles mouvements mandibulaires et contrôle « l’atterrissage » mandi-
sont dans une situation concentrique. Cela signifie que, bulaire [43] . Il s’agit d’un système autocontrôlé par « feedback » où
dans les conditions de charges (serrement en OIM), les de légers contacts intermittents, des vibrations [44] permettent au
ATM doivent être capables d’absorber les contraintes, sans système nerveux central de programmer l’amplitude des mouve-
risque de « pincement articulaire », et les muscles sollicités ments mandibulaires et la vitesse d’impact, évitant les contacts
dans des conditions synergiques optimales. occlusaux forts, ponctuels, excentrés [45] . Il est indispensable de
Ce « centrage » correspond à une absence de différentiel comprendre l’influence des surfaces de guidage de manière globale
ORC–OIM cliniquement appréciable dans le sens trans- en envisageant l’ensemble des déplacements possibles : propul-
sion, diduction droite et gauche, rétraction. Ces surfaces limitent
versal, et alors qu’un différentiel ORC–OIM sagittal est
à l’évidence l’élévation mandibulaire ; elles constituent aussi de
souvent présent, généralement inférieur à 1 mm. véritables rampes de guidage, créant un cône dont le sommet
représente l’OIM. Cet entonnoir d’accès à l’OIM mène à cette cible
de tout mouvement mandibulaire fonctionnel.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Orthlieb JD, Darmouni L, Pedinielli A, Jouvin Darmouni J. Fonctions occlusales : aspects physiologiques
de l’occlusion dentaire humaine. EMC - Médecine buccale 2013;0(0):1-11 [Article 28-160-B-10].