Vous êtes sur la page 1sur 16

TRAUMATISMES DU POIGNET :

LESIONS OSSEUSES OCCULTES ET LIGAMENTAIRES

E. Bacqueville
Hôpital R. Salengro - CHRU de Lille

Les traumatismes du poignet constituent un motif de consultation fréquent des services


d’urgence. Les lésions sont multiples et variées. Elles dépendent de l’âge des patients, de la
violence du traumatisme et des mécanismes lésionnels.
L’examen clinique approfondi (nécessitant une bonne connaissance des reliefs osseux
du poignet) et la réalisation des incidences radiologiques classiques (face et de profil strict)
suffisent en pratique pour la mise en évidence des lésions osseuses survenant lors de
traumatismes majeurs.
En revanche, le dépistage des lésions osseuses occultes, souvent méconnues lors du
bilan initial, fait appel aux incidences centrées et spécifiques. Le recours à l’imagerie lourde
(scanner et IRM) est systématique en cas de doute ou lorsque l’imagerie conventionnelle est
prise en défaut.

Lésions osseuses occultes


La palpation des reliefs osseux et des interlignes articulaires et la recherche d’un point
douloureux spontané ou provoqué est indispensable avant (ou même après) toute étude
radiologique. Elle permet de confronter la clinique aux radiographies, surtout lorsqu’une zone
est douteuse, ce qui peut aboutir à la réalisation d’incidences complémentaires.

Le bilan initial comprend des clichés de face et de profil strictement orthogonaux.


Cependant, une minorité des lésions sont encore méconnues sur ces clichés initiaux, justifiant
la réalisation d’incidences complémentaires :
-Incidence de face en inclinaison ulnaire, paume contre plaque : cette incidence favorise la
recherche d’un diastasis scapho-lunaire.
-Incidences de Schneck:
-Schneck 1 : incidence de face, le poing fermé et le poignet en extension et inclinaison
ulnaire. Elle permet l’étude de la colonne du pouce.
-Schneck 2 : Schneck 1 associé à une pronation de 45 degrés.

Fractures du scaphoïde

La fracture du scaphoïde carpien représente la plus fréquente des fractures des os du


carpe (70 %) et touche préférentiellement le poignet dominant des adolescents et des adultes
jeunes de sexe masculin (entre 15 et 35 ans). Etant donné sa fréquence, on considère que tout
traumatisme du poignet sans déformation évidente est une fracture du scaphoïde jusqu’à
preuve radiologique du contraire.
Celle-ci survient volontiers lors d’un traumatisme en hyper-extension, pronation et
inclinaison radiale du poignet, par impaction du scaphoïde contre le bord postérieur de la
surface articulaire radiale. L’orientation du trait de fracture dépend essentiellement du degré
d’extension et d’inclinaison radiale du poignet au moment de l’impact. Le trait peut être
initialement invisible, même sur des incidences adaptées. On préconise alors l’immobilisation
stricte suivie d’une radiographie de contrôle deux semaines après le traumatisme : en effet, la
résorption osseuse périfracturaire permet une meilleure visibilité du trait.

De nombreuses classifications ont été proposées pour les fractures du scaphoïde :


En France, la SOFCOT utilise depuis 1987 la classification de Schernberg (1983), basée sur
des repères anatomo-radiologiques (incidence de face, poing fermé) alors que les pays anglo-
saxons utilisent plus volontiers celle décrite par Herbert.

Classification de Schernberg:
Type 1: fracture polaire proximale (5%)
Type 2: fracture corporéale haute (20%)
Type 3: fracture corporéale basse (40%)
Type 4: fracture trans-tubérositaire (25%)
Type 5: fracture du pied (6%)
Type 6 (a,b ou c): Fracture du tubercule distal (3% surtout les enfants)

*Radiographies :
Les clichés de face (paume contre plaque) et de profil strict ne permettent pas une analyse
satisfaisante du scaphoïde en raison de son inclinaison à 45 degrés. La réalisation
d’incidences complémentaires a pour but d’allonger le scaphoïde dans son plus grand axe,
favorisant ainsi son analyse : ces incidences « scaphoïdiennes » sont multiples :
-Incidence de Schneck 1 et 2 décrites plus haut.
-Incidence de Stecher : incidence de face avec extension du poignet de 20 degrés ou rayon
directeur ascendant de 20 degrés.
-Incidence de Bridgman associe 20 degrés d’extension du poignet et une inclinaison ulnaire.
-Incidence de Larsen : inclinaison ulnaire et rayon incident ascendant de 30 degrés.
-Incidences obliques du scaphoïde (entre 30 et 60 degrés de pronation).
-Incidence dynamiques du scaphoïde : incidence en traction de la colonne du pouce, en tiroir
postérieur (sous anesthésie) à la recherche d’une luxation périlunarienne spontanément
réduite.
-Incidence en agrandissement direct du scaphoïde.

Ces clichés peuvent montrer le trait de fracture, le refoulement du liseré clair graisseux (par
l’hématome) en regard du bord radial du scaphoïde, correspondant au déplacement de la gaine
des tendons des muscles court extenseur et long abducteur du pouce.
L’intérêt du cliché de profil réside dans la recherche d’un DISI (dorsal intercalated segmented
instability) d’origine osseuse par bascule du fragment distal (DISI adaptative) ou mixte
(osseuse et ligamentaire) associant une bascule du lunatum et un angle scapho-lunaire
supérieur à 70°.
En pratique, on conseille la réalisation de 5 incidences : une face classique, un profil strict,
une incidence de Larsen et les incidences de Schneck 1 et 2.
Les clichés comparatifs ne présentent un intérêt que lorsque l’on suspecte une variante
anatomique congénitale.

*Echographie :
Il s’agit d’un examen complémentaire facilement accessible, riche d’enseignement surtout
lorsqu’il existe un doute diagnostique. Il constitue parfois un bon test diagnostique,
reproduisant la douleur au passage de la sonde.
Selon certains auteurs (Herneth), il devrait même se substituer à l’imagerie conventionnelle en
raison d’une sensibilité plus élevée et d’une spécificité identique.
L’étude des versants dorsal, palmaire et latéral du scaphoïde se fait selon deux plans
longitudinal et transversal. La corticale osseuse se présente comme une fine bande
hyperéchogène continue et toute interruption de cette ligne traduit la fracture.
Par ailleurs, on peut également observer à la phase précoce un aspect de double bande
hyperéchogène parallèles séparées par une zone hypoéchogène, correspondant respectivement
au décollement périosté, à l’œdème ou hématome sous-périosté et à la corticale du scaphoïde.
Enfin, on recherchera systématiquement une tuméfaction hypoéchogène des parties molles en
regard (infiltration oedémateuse), et un éventuel épanchement intra-articulaire associé.

*Tomodensitométrie :
Elle ne sera effectuée en seconde intention que si le trait reste invisible en radiographie et
échographie, ou lorsqu’il persiste un doute diagnostique. Elle permet une analyse fine du trait
de fracture, de son déplacement, et peut objectiver une consolidation partielle (pont osseux)
ou des complications (pseudarthrose, ostéonécrose aseptique). Elle facilite également le bilan
des lésions osseuses et ligamentaires fréquemment associées: fractures du capitatum, de la
styloïde radiale ou de l’épiphyse radiale, luxations périlunariennes.

*IRM
L’utilisation de séquences en pondération T1 et T2 avec suppression de graisse dans les trois
plans de l’espace permet de confirmer le diagnostic en individualisant le trait de fracture, la
réaction oedémateuse en hypersignal T2 des berges fracturaires et des parties molles
adjacentes. Elle permet de faire par ailleurs un bilan lésionnel précis de l’ensemble des os et
des structures ligamentaires du carpe.
L’IRM ne sera réalisée que dans les rares cas où les radiographies, l’échographie et le scanner
sont négatifs alors qu’il persiste une forte suspicion clinique de fracture cas n° 1).
CAS N° 1 : Traumatisme du poignet il y a 3 semaines.
Radiographies initiales normales.
Persistance de douleurs de la colonne latérale.

Fig 1 A : Radiographie du poignet de face.


On discute la présence d’une fine bande dense de partie moyenne du scaphoïde

Fig 1 B : Coupe IRM coronale en pondération T2.


Confirmation du trait de fracture corporéal du scaphoïde en hyposignal
linéaire.
Fractures du lunatum

Elles sont rares, facilement diagnostiquées sur les incidences de face et de profil
classiques. On en distingue trois types :
- la fracture parcellaire des cornes antérieure ou postérieure (la plus fréquente) par mécanisme
d’impaction.
- les fractures-arrachements ligamentaires.
- les fractures corporéales, beaucoup plus rares. Elles résultent d’une compression du lunatum
entre l’extrémité inférieure du radius et le capitatum. Elles posent en pratique un véritable
problème de diagnostic différentiel avec la maladie de Kienböck, nécessitant fréquemment le
recours au scanner ou à l’IRM.

Fractures du triquétrum

Elles représentent 13% des fractures des os du carpe et résultent d’un traumatisme de
la main en hyperextension et inclinaison radiale.
Le diagnostic repose sur les incidences de profil strict, du canal carpien et de ¾ de la gouttière
ulnaire en supination (ou faux profil ulnaire : profil strict associé à une supination de 30
degrés) qui permet une bonne analyse de la face palmaire du triquétrum, mais aussi du
pisiforme et de l’interligne piso-triquétral.

Viegas a proposé une classification :


- type 1 : Avulsion-fracture de la face dorsale du triquétrum d’origine ligamentaire
(insertion du ligament ulno-triquétral). Elle est bien visible sur l’incidence de profil et
facilement accessible en échographie.
- type 2 : Fracture comminutive du corps du triquétrum.
Ces fractures s’associent souvent à des entorses ou des luxations périlunariennes.
- type 3 : Fracture operculaire de la face palmaire (rare).
Elle correspond à un arrachement antérieur de l’insertion des ligaments scapho-
triquétral et radio-luno-triquétral. Le scanner fait le diagnostic, les radiographies se
révélant souvent normales (cas n° 2).
CAS ° 2 : Douleurs diffuses de la colonne médiale

Figs 2 A et B : Radiographie de poignet de face et profil


Avulsion osseuse du versant dorsal du carpe visible uniquement sur
l’incidence de profil

Fig 2 C : L’échographie confirme l’arrachement osseux du triquétrum avec


tuméfaction hypoéchogène en regard
Fractures du pisiforme

Elles sont peu fréquentes et résultent d’un traumatisme direct. Elles peuvent se
compliquer d’arthrose piso-triquétrale. L’incidence du canal carpien, le faux profil ulnaire ou,
en cas de doute, le scanner permettent d’en faire le diagnostic.

Fractures du trapèze

Elles constituent les plus fréquentes des fractures de la rangée distale du carpe (5 %
des fractures du carpe). Le trait de fracture peut être articulaire, extra-articulaire ou trans-
articulaire (instable, nécessitant un traitement chirurgical). Son orientation dépend
directement du mécanisme lésionnel :
- trait vertical : le plus fréquent (80 %). Il est associé dans 20 % des cas à une fracture
de Bennett dont le mécanisme lésionnel commun correspond à un cisaillement
commissural par choc direct sur un pouce en abduction.
- trait axial ou transversal : le mécanisme lésionnel est une compression axiale dans
l’axe de la colonne du pouce.

Forme particulière : La fracture de la crête de l’apophyse trapézienne par avulsion du


rétinaculum des fléchisseurs des doigts. Cette lésion rare est souvent asymptomatique,
survenant lors d’un traumatisme sur la main qui aplatit l’arche du carpe. Elle est mise en
évidence sur l’incidence du canal carpien (incidence de Hart) ou en tomodensitométrie.
L’évolution vers la pseudarthrose est fréquente (cas n° 3).
CAS N° 3 : Douleurs de la colonne latérale.

Figs 3 A et B : Radiographies du poignet face et profil.


Absence de trait de fracture individualisable.

Fig 3 C : L’échographie objective une solution de continuité du versant palmaire et


latéral du trapèze avec tuméfaction hypoéchogène en regard.

Fig 3 D : Coupe axiale TDM : confirmation du trait de fracture de l’apophyse


du trapèze.
Fig 3 D : Reconstruction TDM 3D montrant l’arrachement osseux dorsal du
triquétrum.

Figs 3 E et F: L’échographie montrait par ailleurs une solution de continuité de la face


palmaire du pisiforme avec tuméfaction hypoéchogène au contact,
confirmée par la radiographie (faux profil ulnaire).
Le diagnostic radiologique des fractures du trapèze repose sur des incidences spécifiques :
*Incidences de Kapandji :
- Incidence de face (pouce de face) : le versant ulnaire de la main repose sur la plaque, le
pouce en position neutre. Le plan unguéal du pouce est parallèle à la plaque.
Le cliché est de bonne qualité si les sésamoïdes se projettent sur la tête du premier
métacarpien, réalisant la classique image en « tête de chouette ». Les interlignes scapho-
trapézien et trapézo-métacarpien sont bien analysés.
- Incidence de profil (pouce de profil): la main est positionnée à plat sur la plaque, le poignet
en extension et pronation de 20 degrés. Le rayon directeur est vertical. Le critère de réussite
est la superposition des sésamoïdes.

*Incidence de Holly :
Incidence de face en inclinaison ulnaire, la main posée à plat sur un plan incliné à 37 degrés.

Fractures du trapézoïde

En raison de sa situation anatomique particulière, solidement encastré entre le


scaphoïde, le trapèze et le capitatum, les fractures du trapézoïde sont exceptionnelles (0.3 %
des fractures des os du carpe). Elles surviennent surtout lors d’un traumatisme en compression
axiale du second rayon et s’associent fréquemment à une luxation trapézoïdienne.
Les incidences de face, de profil et l’incidence de Bett permettent d’en faire le diagnostic.
L’incidence de Bett associe une pronation et inclinaison ulnaire modérée : elle permet
l’analyse simultanée du trapézoïde et de la base du deuxième métacarpien.
Fractures du capitatum

Elles représentent 4 % des fractures du carpe. Le trait peut être transversal touchant
préférentiellement le pôle proximal du capitatum, ou plus rarement vertical, associé ou non à
une fracture des bases métacarpiennes ou à une luxation carpo-métacarpienne du 3ème rayon.
Ces fractures se rencontrent aussi lors d’une luxation trans-scapho-périlunaire du carpe : le
syndrome de Fenton associe une fracture horizontale avec déplacement important et
retournement de 180 degrés du fragment proximal. Leur diagnostic n’est pas toujours facile
en radiologie conventionnelle, nécessitant fréquemment le recours au scanner.

Fractures de l’hamatum

On en distingue deux types :


1- Les fractures du corps de l’hamatum :
* transversales : elles atteignent volontiers le pôle proximal de l’hamatum,
rencontrées, à l’instar du capitatum, dans les luxations trans-scapho-
périlunaires.

* verticales : elles s’associent à une fracture ou luxation-fracture de la base des


4ème et 5ème métacarpiens. Elles résultent d’un traumatisme violent en
compression axiale dans l’axe du 5ème rayon (coup de poing).

2- Les fractures de l’hamulus (apophyse unciforme) sont les plus fréquentes et doivent
impérativement être différenciées d’une apophyse unciforme bipartite congénitale.
On considère que toute douleur persistante de l’éminence hypothénar est à considérer comme
une fracture de l’hamulus (apophyse unciforme) jusqu’à preuve radiologique du contraire.
Leur mécanisme lésionnel est variable :
- traumatisme direct par chute sur la main en hyperextension et inclinaison ulnaire.
- fracture par arrachement du rétinaculum des muscles fléchisseurs ou par contraction
violente et répétée du tendon du muscle fléchisseur ulnaire du carpe.
- fracture par microtraumatismes répétés : elle connaît une augmentation de fréquence
depuis le développement de sports comme le tennis, le golf ou encore le base-ball.

L’incidence de face poing fermé doit faire rechercher une disparition du signe de l’anneau ou
une condensation de l’apophyse unciforme avec une dédifférenciation cortico-spongieuse.
L’incidence de profil montre un fragment oblong postérieur différant de l’aspect triangulaire
des fractures des bases métacarpiennes.
L’incidence du canal carpien et l’incidence de Papilion (qui projette l’apophyse unciforme
dans la première commissure interdigito-métacarpienne) explorent les 2/3 antérieurs de
l’apophyse unciforme mais sont généralement peu contributives dans les fractures de la base,
nécessitant le recours au scanner.

En Résumé :

-Pour la recherche d’une fracture de la colonne radiale (scaphoïde, trapèze, trapézoïde), on


conseille la réalisation de 5 incidences : face et profil classiques, Schneck 1 et 2, incidence
du canal carpien (si douleur palmaire).

-Pour la recherche d’une fracture de la colonne centrale (lunatum, capitatum), on conseille


la réalisation de 4 incidences : face et profil classiques, Schneck 1 et 2 (recherche de
fracture du scaphoïde systématique).

-Pour la recherche d’une fracture de la colonne ulnaire (triquétrum, pisiforme, hamatum),


on conseille la réalisation de 5 incidences : face et profil classiques, Schneck 1 (recherche
systématique de fracture de scaphoïde), incidence du canal carpien et faux profil ulnaire
(si douleur palmaire).

Si à l’issue du bilan radiographique le doute persiste, une échographie complémentaire sera


systématiquement réalisée. Selon certains auteurs, elle devrait même se substituer à la
radiologie conventionnelle pour le dépistage des fractures du scaphoïde. Le scanner avec
reconstructions dans les trois plans de l’espace ne sera effectué qu’en seconde intention.
L’ IRM n’est réservée qu’aux rares cas où le bilan radiologique reste négatif malgré une forte
suspicion clinique de fracture. Elle permet d’individualiser l’œdème osseux mais peut parfois
masquer le trait de fracture.
Par ailleurs la scintigraphie montre une fixation précoce du traceur, totalement aspécifique.

Lésions ligamentaires
Elles sont isolées ou associées à des lésions osseuses.
Les instabilités du carpe regroupent l’ensemble des lésions ligamentaires du carpe et leurs
conséquences. On distingue les instabilités statiques des instabilités dynamiques révélées lors
d’incidences en inclinaison. On les différencie des instabilités d’origine osseuse (en rapport
avec une fracture ou une pseudarthrose du scaphoïde…) responsables d’une désaxation
carpienne d’adaptation.

Instabilités proximales :
Elles sont la conséquence d’une atteinte complète des ligaments radio-carpiens
survenant en particulier lors de luxations radio-carpiennes, périlunariennes ou de fracture de
la styloïde ulnaire. La translation ulnaire du carpe qui en résulte (instabilité frontale du carpe)
est quantifiée par l’indice de Youm et Mac Murtry (distance entre le centre de la tête du
capitatum et la verticale tirée dans l’axe de l’ulna, rapportée à la longueur du 3ème
métacarpien. Normale à 0.3 +/- 0.03). Toute diminution de cet indice traduit un glissement
ulnaire du carpe. Taleisnick en décrit deux types :
- type 1 : glissement ulnaire de tout le carpe.
- type 2 : glissement ulnaire complet excepté du scaphoïde qui s’horizontalise.

Instabilités de la première rangée du carpe :


Trois types de lésions de gravité croissante existent : l’entorse, sans traduction radiologique,
l’instabilité dynamique et l’instabilité statique.

-Instabilité scapho-lunaire (instabilité en dorsiflexion ou instabilité dorsale du carpe) :


Le mécanisme lésionnel comporte une hyperextension forcée du poignet s’accompagnant
d’une inclinaison ulnaire et d’une supination intra-carpienne.
Elle fait suite à une entorse du ligament scapho-lunaire, la plus fréquente et la plus grave du
poignet.

*Radiographies :
- Le signe essentiel est visible sur le cliché de profil : la surface articulaire inférieure du
lunatum est orientée vers la face dorsale du poignet en DISI (dorsal intercalated segmental
instability). Le lunatum est basculé en extension alors que le scaphoïde s’horizontalise.

L’angle radio-lunaire est supérieur à 10° d’extension, l’angle scapho-lunaire supérieur à 70°.
- Sur le cliché de face, il peut exister une rupture du premier arc de Gilula et une ascension du
capitatum. Le diastasis scapho-lunaire (supérieur à 2 mm) est le signe le plus caractéristique
mais peut manquer sur le cliché de face. Le scaphoïde est horizontalisé présentant son
tubercule antérieur de face (signe de l’anneau). Le lunatum dégage sa corne antérieure large et
carrée.
La mise en évidence de ces anomalies nécessite souvent la réalisation d’incidences
spécifiques en pronation de 15°, en inclinaison ulnaire ou de face en serrant activement le
poing.

*L’échographie :
L’examen est mené de façon bilatérale et comparative. Il permet d’explorer les faisceaux
dorsal et intermédiaire du ligament scapho-lunaire. Les manœuvres dynamiques en
inclinaison ulnaire sensibilisent l’examen en majorant le diastasis scapho-lunaire. Dans les
perforations fraîches, l’échographie peut individualiser un moignon ligamentaire.
A distance du traumatisme, elle peut mettre en évidence des calcifications ligamentaires
cicatricielles confirmées en radiographie.
*L’arthro-scanner :
L’arthroscanner précise l’atteinte ligamentaire, sa topographie exacte, son extension antéro-
postérieure et permet l’analyse du cartilage.
En forme de U, le ligament scapho-lunaire s’insert sur le versant proximal lunaire et
scaphoïdien. Ses faisceaux antérieur (fin) et postérieur (plus épais) sont facilement identifiés
sur les coupes axiales alors que le faisceau intermédiaire est analysé sur la reconstruction
coronale.
La rupture partielle ou complète (atteinte des trois faisceaux) du ligament est responsable d’
une communication pathologique des compartiments médio et radio-carpiens. Lorsque la
lésion est isolée (un seul faisceau), elle touche préférentiellement le faisceau intermédiaire et
n’entraîne pas, à la différence d’une lésion dorsale, d’instabilité scapho-lunaire.
Par ailleurs, l’absence d’opacification de l’interligne scapho-lunaire après ponction
médiocarpienne peut traduire la présence d’un tissu cicatriciel (perforation bouchée).
De même, l’opacification isolée de l’articulation radio-carpienne peut méconnaître cette
rupture ligamentaire du fait d’un effet valve.

*L’IRM et arthro-IRM :
Les trois faisceaux du ligament, de signal IRM variable, sont facilement identifiés en arthro-
IRM: le faisceau antérieur est fin, oblique en bas et latéralement, le faisceau intermédiaire
triangulaire et le faisceau dorsal en forme de bande horizontale épaisse.
De même son insertion sur les os du carpe se fait selon trois possibilités : sur la corticale
osseuse, sur une fine bande cartilagineuse en hypersignal T2 (à l’origine de fausse image de
rupture) ou à cheval sur la corticale et le cartilage.
Smith a établi une classification en fonction du signal IRM normal du ligament :
- type 1 : hyposignal homogène
- type 2 : zone centrale de signal intermédiaire.
- type 3 : image linéaire de signal intermédiaire traversant la portion distale du ligament.
- type 4 : image linéaire de signal intermédiaire traversant la portion proximale du ligament.
- type 5 : image linéaire de signal intermédiaire traversant les portions proximale et distale du
ligament.

La rupture se présente comme une solution de continuité ligamentaire opacifiée par le


gadolinium faisant communiquer les articulations médio et radio-carpiennes.

-Instabilité luno-triquétrale :
Elle est beaucoup plus rare que l’instabilité scapho-lunaire et survient généralement après un
traumatisme en hyperflexion, inclinaison radiale et pronation intra-carpienne.
Il existe une rupture partielle ou complète du ligament luno-triquétral.

*Radiographies :
- Sur l’incidence de profil, on observe une bascule ventrale de la surface articulaire inférieure
lunaire : aspect en VISI (ventral intercaleted instability), une augmentation de l’angle radio-
lunaire (supérieur à 15° en flexion) et une diminution de l’angle scapho-lunaire (inférieur à
30°).
- L’incidence de face montre un diastasis luno-triquétral, une rupture des premier et deuxième
arcs de Gilula. Le lunatum dégage sa corne postérieure pointue et effilée.
*L’échographie :
L’échographie bilatérale et comparative explore les faisceaux dorsal et intermédiaire du
ligament. Les manœuvres dynamiques en inclinaison radiale permettent de sensibiliser
l’examen en majorant le diastasis luno-triquétral.

*L’arthro-scanner :
Le ligament luno-triquétral est difficile à analyser en raison de son obliquité. L’absence de
visualisation des faisceaux du ligament ne traduit pas nécessairement leur rupture.
L’arthrographie permet d’individualiser la brèche luno-triquétrale. Par contre, il existe des
ruptures « trophiques » de la partie centrale de ce ligament, plus fréquentes que pour le
ligament scapho-lunaire et surtout visibles après 40 ans.

*L’IRM et Arthro-IRM :
A l’instar du ligament scapho-lunaire, le signal IRM et l’insertion du ligament lunotriquétral
sont variables.

Instabilité de toute la rangée proximale :

Elles font suite aux luxations périlunariennes et associent une instabilité scapho-
lunaire et luno-triquétrale. L’évolution vers l’arthrose précoce est inéluctable.

Instabilité médio-carpienne :

Cliniquement, il existe un ressaut lors du passage de la flexion à l’extension du


poignet, correspondant à la translation brutale et douloureuse de la rangée distale du carpe. La
première rangée des os du carpe reste stable et cohérente. Ce ressaut peut également
s’observer chez les sujets hyperlaxes mais reste totalement indolore.

On distingue différentes formes d’instabilités médio-carpiennes dont le traitement varie en


fonction des lésions:

-Les instabilités palmaires : par atteinte des ligaments radio-luno-triquétral dorsal et de la


branche médiale du V deltoïdien. Elles sont dépistées sur l’incidence dynamique de profil en
translation et flexion (cliché en stress), montrant un tiroir antérieur avec subluxation palmaire
du capitatum par rapport au lunatum. Les radiographies statiques sont normales. Le traitement
réside en une arthrodèse triquétrum-hamatum.

-Les instabilités dorsales (plus fréquentes) : par atteinte du ligament radio-scapho-capitate.


Le diagnostic est posé sur l’incidence de profil en translation et extension, montrant un tiroir
postérieur avec subluxation dorsale du capitatum par rapport au lunatum. Le radio-cinéma
montre le passage brutal de la première rangée du carpe de la flexion à l’extension lors de
l’inclinaison ulnaire. Le traitement repose sur la plicature et la suture capsulaire fermant
l’espace de Poirier.
Lésions capsuloligamentaires :

Elles atteignent le versant postérieur ou plus fréquemment antérieur de la capsule et se


traduisent en arthroscanner par une fuite du produit de contraste dans les parties molles, ou
par la communication pathologique entre les compartiments médio et radio-carpiens.
Ainsi, l’atteinte du complexe scapho-trapézo-trapézoïdal est responsable d’une opacification
de l’articulation radiocarpienne et de la gaine du tendon du muscle fléchisseur radial du carpe
(plancher du complexe).
De même, la rupture des ligaments hamato-triquétral, radio-scapho-capital ou triquétro-capital
(par le biais de l’articulation piso-triquétrale) font communiquer les deux compartiments.

Certaines fuites résultent d’un mécanisme d’hyperpression lors de l’injection, sans aucune
valeur pathologique. Elles s’effectuent en zone de fragilité capsulaire en regard du versant
proximal de l’articulation radio-ulnaire distale, de la base des deuxième et troisième
métacarpiens ou encore du récessus préstyloïdien…

Lésion du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe (TFCC) :

En 1989, Palmer propose de classifier les lésions du TFCC en deux grandes catégories selon
leur origine traumatiques (classe 1) ou dégénératives (classe 2), ces dernières étant rares avant
40 ans.
Cette classification est aujourd’hui la plus fréquemment utilisée et peut s’appliquer aux
différentes méthodes d’imagerie (arthrographie, arthroTDM, IRM et arthro-IRM).

Classe 1 : A -Perforation centrale : de type communicante, située à 2-3 mm du bord radial


en zone avasculaire.
B -Désinsertion ulnaire : cette avulsion s’effectue en zone vascularisée, en
association ou non à une fracture de la styloïde ulnaire. Elle entraîne une
déstabilisation de l’articulation radio-ulnaire distale.
C -Désinsertion distale palmaire des insertions ulnaire et triquétrale des
ligaments ulno-carpiens.
D -Désinsertion radiale du ligament triangulaire.

L’échographie est en cours d’évaluation pour l’étude du ligament triangulaire du carpe. Ce


fibrocartilage s’étudie dans les plans transversal et longitudinal. Il est visible en arrière du
tendon du muscle extenseur ulnaire du carpe lorsque l’on place la sonde sous la styloïde
ulnaire. Il est hypoéchogène et mesure au moins 2.5 mm d’épaisseur dans les deux plans.
Toute diminution de l’épaisseur traduit une lésion du TFCC.

En IRM, le ligament triangulaire du carpe se présente sous la forme d’une bande biconcave en
hyposignal T1 tendue entre la cavité sigmoïde et la styloïde ulnaire, d’épaisseur variable,
mesurant environ 2,5 mm au niveau de son attache radiale et 5 mm en regard de son attache
ulnaire. Il est séparé de la tête ulnaire par une fine couche de cartilage hyalin. De même, il
s’insert sur la cavité sigmoïde tapissée de cartilage en hypersignal T2, à l’origine de fausses
images de désinsertions.
Son insertion ulnaire se fait par deux fines bandes en hyposignal T1 tendues respectivement
au niveau de la tête ulnaire et de la pointe de la styloïde, ou plus rarement d’un seul bloc.
La perforation et les désinsertions en hypersignal T2 font communiquer l’articulation radio-
carpienne et radio-ulnaire inférieure. Leur diagnostic est largement facilité par l’injection de
gadolinium articulaire en hypersignal T1.
Les fissurations correspondent à de fines images linéaires en hypersignal T2 non
communicantes intéressant le versant proximal ou distal du ligament.

Conclusions

Les radiographies sont souvent insuffisantes pour le diagnostic de fracture occulte du poignet.
Au moindre doute, le recours à une imagerie complémentaire sera systématique, sans chercher
à multiplier les incidences complémentaires.
L’échographie constitue aujourd’hui le prolongement même de l’examen clinique et
radiographique : elle permet souvent de faire le diagnostic en montrant les signes directs et
indirects de fracture. De même, son caractère dynamique facilite le dépistage des lésions
ligamentaires, sensibilisées par les manœuvres d’inclinaison.
Le scanner, de par sa disponibilité en urgence et son coût relatif, constitue l’étape suivante du
diagnostic: il précise la topographie exacte et l’étendue des lésions et réalise un bilan osseux
précis. Couplé à l’arthrographie, il reste la référence pour l’étude des lésions capsulo-
ligamentaires et du TFCC. Cependant on peut aisément penser que cette technique sera
rapidement supplantée par l’arthro-IRM (attente de l’AMM).
L’IRM peut-être indiquée lorsque l’on suspecte une lésion invisible en radiographie standard
et au scanner, montrant l’œdème osseux (hypersignal T2) et parfois même le trait de fracture
(hyposignal T1).

Vous aimerez peut-être aussi