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URGENCES

2010
Chapitre 60
co-fondateurs Prise en charge initiale
des traumatismes de cheville

M. PRÉVEL 1, M. RAPHAËL 2, B. COUDERT 3

Résumer le traumatisme de cheville à l’entorse serait un contresens regrettable.


Bien que fréquente et « classique », l’entorse latérale ne représenterait, au final,
que 40 % des diagnostics (1). L’absence d’argument initial en faveur d’une
lésion osseuse ne doit conduire ni au diagnostic de lésion ligamentaire par
défaut, ni à l’instauration d’un traitement standard et universel. La pathologie
traumatique de la cheville est autrement plus riche et le pronostic fonctionnel
intimement lié à la précocité du diagnostic.
La démarche diagnostique devant une cheville traumatisée ne déroge pas aux
principes de prise en charge en urgence (2).

1. La recherche de signes de gravité immédiats de la situation


L’inspection et l’anamnèse suffisent le plus souvent à reconnaître les situations
graves où la prise en charge médicale aux urgences doit être immédiate. Dès
l’arrivée, l’aspect de la cheville doit faire intervenir le médecin urgentiste sans
délai pour les situations suivantes :
– perte de l’axe du pied par rapport à la jambe ;
– déficit vasculaire ou nerveux ;
– empâtement important ;
– plaie profonde ou étendue ;

1. Service d’accueil des urgences, CHG, 2, rue Docteur Delafontaine 93200 Saint-Denis.
2. Service d’accueil des urgences, CHU Bicêtre, 78, rue du Général Leclerc 94270 Le Kremlin Bicêtre.
3. Service d’accueil des urgences, CHI, 1, rue Fort 78250 Meulan.

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– avant-pied déformé et œdématié (évaluation comparative) ;
– douleur cotée plus de 6.
L’association d’une douleur paroxystique, d’une impotence totale et d’une défor-
mation importante, survenue à la suite d’un traumatisme à haute énergie ciné-
tique évoque en premier lieu une fracture bi-malléolaire. Une luxation tibio-
talienne est fréquemment associée dans cette circonstance. Elle doit faire recher-
cher sur le cliché de profil, une fracture postérieure du pilon tibial. L’urgence
dans ce cas est la réduction. Restaurer une vascularisation efficace et protéger
la peau menacée par l’œdème sont les objectifs prioritaires. Le réalignement doit
se faire sans délai, sur le lieu de prise en charge médicale, avant même la radio-
graphie. La manœuvre dite du tire-botte permet cette réduction. Elle consiste à
empaumer le talon d’une main et à le tracter en bas puis en avant. Le cliché
d’une cheville luxée devrait disparaître de l’iconographie des urgences s’il doit
prolonger de plus de quelques minutes l’attente de la réduction.
Un traitement antalgique adapté est administré rapidement et la cheville sera immo-
bilisée dans une attelle plâtrée. Une fois stabilisé, le patient sera adressé en radiologie
puis confié au chirurgien orthopédiste pour la suite de la prise en charge.

2. En l’absence de signes de gravité immédiats de la situation


L’objectif suivant est de rechercher des éléments cliniques et anamnestiques pré-
dictifs de fracture.
Empiriquement une tuméfaction globale associée à une impotence marquée
témoigne habituellement d’une atteinte grave. L’impression clinique atteint tou-
tefois rapidement ses limites pour la détection de fracture, ce qui impose le
recours à l’imagerie.
Il est admis pourtant, que seuls 15 % des clichés de cheville demandés aux
urgences, révèlent une fracture significative (3). La recherche de critères prédic-
tifs de fracture est donc naturellement devenue, outre-Atlantique, un enjeu éco-
nomique important.
Mises au point dans le début des années 1990, les règles d’Ottawa définissent
un ensemble de critères dont la présence indique une probabilité significative de
fracture de cheville ou du médio pied. De nombreuses études internationales et
méta-analyses (portant sur plus de 15 000 patients) ont confirmé la fiabilité de
ces règles (sensibilité proche de 100 %) et leur supériorité comparativement aux
autres règles existantes (4-6). Une équipe suisse de Berne a proposé un test
applicable aux traumatismes en inversion et à faible énergie cinétique. L’intérêt
résulte dans un accroissement de la spécificité (91 %) qui permettrait de dimi-
nuer encore la prescription de clichés (7).
Les règles d’Ottawa sont les suivantes :
– Des radiographies de cheville sont réalisées s’il existe un critère positif :
• incapacité d’effectuer quatre pas immédiatement après le traumatisme et
au moment de l’examen aux urgences ;

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• douleur à la palpation de la pointe ou de la crête médiane des malléoles
médiale ou latérale sur une hauteur de 6 cm.
– Des radiographiques de l’avant-pied sont réalisées s’il existe un critère positif :
• incapacité d’effectuer quatre pas immédiatement après le traumatisme et
au moment de l’examen aux urgences ;
• douleur à la palpation de la base du 5e métatarsien ou de l’os naviculaire.
Initialement appliquées chez les patients âgés de 18 à 55 ans, des études
complémentaires (8, 9) ont validé leur prédictivité de lésion osseuse chez l’enfant
de plus de 2 ans (sensibilité de 100 %). Toutefois, la question du diagnostic des
lésions du cartilage conjugal (en particulier de type Salter et Harris type I) et de
leur prise en charge n’est pas réglée et incite à une prudence d’utilisation.
En l’absence de critères, les radiographies sont normales ou, rarement, révèle-
raient une avulsion osseuse minime (moins de 3 mm). Cette dernière éventualité
n’entraîne, a priori aucune incidence thérapeutique car elle est assimilable à une
lésion ligamentaire de type désinsertion.
Malgré tout, leur application reste trop souvent aléatoire. En 2001, 70 % des
praticiens canadiens et anglais utilisaient régulièrement les règles d’Ottawa, ce
pourcentage n’étant que de 30 % chez les praticiens français et Nord-
Américains (10). Les réticences à leur emploi tiennent à une impression de perte
d’autonomie pour le médecin dès qu’il doit se référer à des règles pré-établies.
Dans une enquête réalisée par l’assistance publique-hôpitaux de Paris, l’écono-
mie de radiographies atteindrait 16 % (11).
Côté patient, une étude prospective a montré que la satisfaction de la prise en
charge n’était pas liée à la réalisation ou non de la radiographie (12).
Ces règles doivent être utilisées sans crainte ; elles sont sûres, simples et validées.
Rappelons que la radiographie n’a rien de médico-légal puisque le praticien doit à
son patient des soins conformes aux données actuelles de la Médecine. De plus,
une directive européenne sur les radiations ionisantes impose d’éviter les radiogra-
phies à chaque fois qu’une autre stratégie de prise en charge est possible.
Il est toutefois utile de rappeler que l’application de ces recommandations doit
être rigoureuse et respecter les conditions qui les entourent. Ainsi, les patients
doivent être prévenus de la nécessité d’une consultation auprès d’un médecin
compétent en traumatologie dans les 2 à 5 jours qui suivent afin de rechercher
à nouveau une lésion osseuse et, en son absence, de réaliser l’évaluation de
la gravité lésionnelle de l’atteinte ligamentaire, dont toutes les publications
s’accordent à dire qu’elle est pour le moins aléatoire initialement.
L’exploration radiologique initiale, lorsqu’elle est nécessaire, comprend :
– En cas de traumatisme de la cheville :
• une incidence de la cheville de face en rotation médiale de 20°.

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Ce cliché permet de dégager l’angle supéro-latéral du dôme du talus en évitant la
superposition de la fibula. Le dôme doit être vu dans son ensemble. L’espace tibio-
fibulaire médial ne doit pas excéder 6 mm, 1 cm au-dessus de l’interligne articulaire ;
• un profil englobant la base du 5e métatarsien et visualisant bien le calcanéus
et le sustentaculum tali. La malléole latérale descend plus bas que la malléole
médiale.
– En cas de traumatisme du tarse :
Des incidences de l’avant-pied, de face et en déroulé latéral, permettent de
visualiser la partie latérale du tarse.
– En cas de traumatisme de l’arrière-pied s’ajoute au profil de cheville une inci-
dence rétrocalcanéenne qui dégage le sustentaculum tali et le calcanéus.
Un cliché de jambe montrant la totalité de la fibula doit compléter la demande
au moindre doute clinique sur une lésion haute de la fibula (ce qui nécessite
donc une palpation initiale de celle-ci sur toute sa hauteur) notamment en cas
de lésion de la malléole médiale ou de la syndesmose tibio-fibulaire inférieure.
On prendra soin de vérifier particulièrement la régularité de l’interligne de la
mortaise, le dôme talien, la base cinquième métatarsien, le naviculaire et la mal-
léole latérale, sièges classiques des lésions les plus fréquemment observées.
En urgence, le bilan d’imagerie se cantonne à la radiographie. L’échographie
possède un intérêt certain pour affiner le diagnostic, mais peut être réalisée au
moment de la réévaluation autours des deuxième, cinquième jour.

3. Les radiographies mettent en évidence une fracture


On peut retrouver :
– Une fracture de la malléole latérale.
La position du trait de fracture par rapport à l’articulation tibio-talienne est
déterminante pour la prise en charge thérapeutique. Une fracture sous-
articulaire provoquée par un mouvement d’inversion, épargne la syndesmose
(type Weber A). À l’inverse, une fracture articulaire ou sus-articulaire (type
Weber B ou C) est le résultat d’un traumatisme en éversion-rotation latérale. Elle
peut être associée à une lésion du ligament collatéral médial ou une fracture de
la malléole médiale. L’asymétrie de l’interligne ou un diastasis tibio-fibulaire est
souvent remarquable dans ce cas. Le déplacement articulaire relève constam-
ment d’une sanction chirurgicale.
– Une fracture du talus.
Elle résulte d’un traumatisme axial, pied en dorsiflexion. Les risques de luxation et
de nécrose sont importantes. La prise en charge est le plus souvent chirugicale.
Une attention particulière doit être portée à la recherche d’une fracture du dôme
talien latéral ou médial. La contusion latérale se produit lors d’un traumatisme
en éversion. Une lésion médiale peut être la conséquence d’une ostéochondrose.

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Passée inaperçue, la présence d’un corps étranger ostéochondral dans l’articula-
tion va être responsable de blocages douloureux de la cheville. Au moindre
doute radiographique, un arthro-scanner sera prescrit.
La fracture de la queue de l’astragale doit être distinguée de l’os trigone (surnu-
méraire). Elle fait suite à un traumatisme en hyperflexion plantaire. La douleur
postérieure est retrouvée à la palpation et déclenchée par la flexion plantaire du
gros orteil, compte tenu du passage du tendon fléchisseur de cet orteil dans sa
gaine ostéo-fibreuse.
– Une fracture du pilon tibial.
Elle est consécutive à un traumatisme axial. La perte de la congruence articulaire
impose un traitement chirurgical.
– Une fracture du calcanéus.
Elle est classiquement provoquée par une chute de grande hauteur. Elle est bila-
térale dans 10 % des cas. L’indication chirurgicale doit être discutée avec le chi-
rurgien. Une imagerie complémentaire par scanner est habituellement utile pour
argumenter la décision thérapeutique.
– La fracture des os du tarse (naviculaire, cuboïde, cunéiforme) est traitée ortho-
pédiquement en l’absence de déplacement important.
– La fracture de la base du cinquième métatarsien.
Elle est la conséquence d’un traumatisme en inversion étirant le tendon du court
fibulaire. La contraction réflexe, achève d’arracher le tendon de son insertion
située sur la styloïde du cinquième métatarsien en ramenant le pied brutalement
en éversion. En l’absence de déplacement important, le traitement pourra être
fonctionnel, en particulier si le trait n’est pas articulaire.

4. Si les radiographies ne montrent pas de lésion


En l’absence de fracture visible sur les radiographies ou si les critères d’Ottawa
sont négatifs, l’évaluation clinique reprend de façon plus complète à la recherche
d’autres lésions. La précision de l’examen de la cheville dépend de l’impotence
fonctionnelle, de la douleur et de l’empâtement initial.
Cet examen doit le plus souvent être répété dans les jours qui suivent le trau-
matisme, à distance des phénomènes algiques et œdémateux, afin de confirmer
ou d’affiner le diagnostic.
C’est pourquoi des publications récentes proposent de confier tout ou partie de
la démarche aux Urgences à des paramédicaux spécifiquement formés à cet
effet. Les auteurs démontrent que ces paramédicaux ont des performances dia-
gnostiques non significativement différentes des médecins séniors (y compris sur
la lecture des radiographies !) et respectent mieux les protocoles de prise en
charge (13).

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Les diagnostics alternatifs ou rares ne sont toutefois pas recherchés et la straté-
gie appliquée nécessite donc une filière de revue des patients pour sécuriser le
dispositif. Plutôt que d’avoir une position tranchée sur le sujet, il paraît souhai-
table de travailler nos filières de prise en charge et de ne pas se cantonner à un
débat réducteur sur « radios ou non » mais bien à une recherche de l’efficacité
humaine et économique à chacune des étapes de la prise en charge des patients
dans un parcours articulé entre les différents intervenants possibles dans une
zone géographique donnée.
La connaissance du mécanisme lésionnel et l’appréciation du niveau d’énergie
cinétique dissipé au cours du traumatisme sont primordiales pour affiner le dia-
gnostic.
Il peut s’agir (14) :
– D’un traumatisme direct.
Une chute sur le talon, un impact sur l’avant-pied, un traumatisme postérieur ou
latéral.
Ces mécanismes engendrent avant tout des lésions cutanées puis osseuses.
• lors d’une chute sur le talon, le calcanéus et le talus sont atteints ;
• lors d’un impact sur l’avant-pied, ce sont les métatarsiens, l’os naviculaire
ou le talus qui sont exposés.
Selon la position du pied, en appui ou non, la violence de l’impact et la surface
de contact de l’agent vulnérant, les lésions prédominantes seront cutanées
(plaies), sous-cutanés (contusions), ou osseuses. Un traumatisme direct posté-
rieur, lèsera le tendon calcanéen parfois jusqu’à le rompre.
– De traumatismes indirects.
Ils peuvent entraîner des mouvements dépassant les limites articulaires physiolo-
giques.
• Dans les mécanismes d’hyperflexion ou d’hyperextension, les lésions liga-
mentaires sont au premier plan. Si le mouvement se poursuit, l’hyperflexion
provoque une fracture de la marge antérieure de la surface tibiale, l’hyper-
extension un arrachement capsulaire antérieur puis une fracture de la marge
postérieure de la surface tibiale.
• L’inversion, associant les mécanismes de varus et de supination, est à l’ori-
gine du plus grand nombre de lésions ligamentaires.
La bascule du talus étire jusqu’à rompre les faisceaux antérieurs et moyens du
ligament collatéral latéral, pouvant aller jusqu’à arracher un fragment de la mal-
léole latérale.
La contraction réflexe des muscles fibulaires pour redresser le pied, peut provo-
quer un arrachement de l’insertion du court fibulaire sur la base du cinquième
métatarsien ou la rupture de la gaine ostéo-fibreuse rétro malléollaire et donc la

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possibilité, pour ce tendon, de se luxer vers l’avant lors des contractions muscu-
laires ultérieures.
Lorsque le frein ligamento-tendineux est rompu, le talus fait levier sur la malléole
médiale et rejette la malléole latérale. Ce mouvement de bascule peut aboutir à
une fracture bimalléolaire.
L’articulation sous-talienne et le cartilage articulaire du dôme talien peuvent éga-
lement être lésés lors de ce mécanisme.
Bien qu’il n’existe pas de parallélisme avéré entre la présentation clinique et
l’importance de la lésion ligamentaire (15), il est admis que la perception d’un
craquement et l’apparition immédiate d’une tuméfaction importante seraient
indicateurs de gravité.
Chez les enfants, du fait d’une solidité ligamentaire et d’une fragilité du cartilage
conjugal, l’énergie cinétique se dissipe au niveau du cartilage conjugal adjacent,
responsable de décollement épiphysaire.
• L’éversion associe les mouvements d’abduction et de pronation du pied. Les
lésions se produisent pour une cinétique élevée.
Le ligament médial est touché en premier, entraînant souvent avec lui un frag-
ment osseux malléolaire du fait de sa résistance et de la force du traumatisme ;
la syndesmose se rompt puis la malléole latérale se fracture au niveau ou au-
dessus de la mortaise, sous la poussée du talus. La rotation latérale du talus peut
s’associer avec un mouvement de supination ou de pronation du pied.
• Des situations particulières se rencontrent lors d’un mouvement contrarié de
flexion où le tendon calcanéen peut se rompre, avec sensation de coup porté
en arrière. Il n’existe pas, dans ce cas, de traumatisme direct proprement dit.
La recherche d’une verticalisation du pied (patient à genou et pieds pendant
en dehors du lit d’examen) ainsi que l’absence de mobilité du pied lors d’une
compression comparative des mollets (manœuvre de Thompson) permet de
poser le diagnostic. Il faut toutefois se méfier de la fausse négativité de ces
tests, en particulier lorsque la rupture a été hémorragique.

5. L’examen dynamique articulaire et tendineux


achève l’évaluation clinique
Les procédures articulaires sont les suivantes :
– La talo-crurale (tibio-tarsienne) : Une main est posée sur le mollet pour le sur-
élever, l’autre main empaume le talon, la plante de pied posée sur l’avant-bras
de l’examinateur. On explore alors les flexions plantaire (30°) et dorsale (20°). Les
mouvements spécifiques que sont le varus-valgus et le tiroir antéropostérieur de
la talo-crurale (tibio-tarsienne), sont peu contributifs en urgence sauf lorsque les
signes locaux sont de faible intensité.

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– L’articulation transverse du Tarse (de Chopart) : Une main empaume le talon
pour le bloquer. L’autre main maintient le médio-pied et imprime des mouve-
ments de flexion/extension, de prono-supination et d’abduction/adduction.
– Les tarso-métatarsiennes (interligne de Lisfranc) : On réalise une prise bidigi-
tale, au-dessus et en dessous de chaque tête de métatarsien, et on imprime les
mouvements de flexion plantaire et dorsale. Ces manœuvres recherchent une
douleur provoquée lors de la mise en tension d’éléments ligamentaires, signant
une atteinte spécifique localisée.
La recherche d’une lésion musculo-tendineuse :
– L’extenseur des orteils. Il existe un long extenseur commun (dans la loge anté-
rieure [antéro-latérale de jambe]) et un court extenseur (pédieux). L’hallux pos-
sède son propre extenseur. On pratique une extension contrariée des orteils, puis
on réalise une flexion passive de ceux-ci.
– Le tibial antérieur (jambier antérieur). On réalise une extension contrariée de
l’articulation talo-crurale (tibio-tarsienne), en laissant les orteils en position indif-
férente.
– Le tibial postérieur (jambier postérieur). On réalise une adduction contrariée et
pure de l’articulation talo-crurale (tibio-tarsienne). En pratique, il faut demander au
patient de pousser contre la main positionnée en regard de la face médiale de la
tête du premier métatarsien, en laissant l’hallux et la cheville en position neutre et
en palpant le corps du tendon dans sa partie rétro- et sous-malléolaire. Il est plus
souvent rompu que luxé, à l’inverse des tendons fibulaires. Il faut donc s’attacher
à palper sa présence en rétro et sous-malléollaire lors de la contraction.
– Les fibulaires (péroniers latéraux). On réalise une abduction contrariée de l’arti-
culation talocrurale, en gardant la cheville à 90° pour éviter l’extension des
orteils. Plus qu’une rupture tendineuse, on cherche, par la palpation rétromal-
léolaire, une mobilité anormale vers l’avant du tendon, témoin d’une luxation
tendineuse par lésion de sa gaine rétromalléolaire.
– Le tendon achilléen : un craquement est perçu par le patient à la suite d’une
accélération brusque ou d’un saut. Le déroulé du pas n’est plus possible. Le
patient ne peut plus se mettre sur la pointe du pied. Une dépression est palpable
dans le corps tendineux en l’absence de saignement important dans la gaine. En
décubitus ventral, le pied chute en flexion dorsale. La pression du mollet
n’entraîne plus l’extension du pied (signe de Thompson).

6. Conclusion
Les traumatismes de la cheville sont fréquents et la conférence de consensus et
son actualisation guident la stratégie de prise en charge aux Urgences (16).
Une lecture trop rapide de ces textes pourrait faire croire que la prise en charge
se limite à l’application des critères d’Ottawa, au diagnostic d’éventuelles lésions
radiographique chirurgicales et à l’application d’un protocole RICE systématique.

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Ce serait méconnaître des lésions plus rares mais qui risquent de grever le pro-
nostic fonctionnel.
Un examen clinique simple, guidé par la physiopathologie, permet de pallier ce
risque.
Sa place en urgence reste, à ce jour, guidée par la possibilité d’examiner le
patient sans créer des douleurs inutiles et par la place négociée des urgentistes
dans la filière de prise en charge des lésions traumatiques dans et autour des
établissements de santé.

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