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Gonalgie : quand prescrire une imagerie et laquelle ?

Dernière mise à jour : 28 juin 2022

Laura Martin Agudelo

Compte tenu de la prescription excessive de l’IRM devant un genou douloureux, la HAS et le


Conseil national professionnel de radiologie et imagerie médicale publient des
recommandations pour les médecins généralistes précisant les indications et les types
d’examens à prescrire en cas de gonalgie – traumatique ou non – chez l’adulte, s’appuyant
sur un algorithme décisionnel.

En dehors des traumatismes, l’arthrose est la cause la plus fréquente de douleurs au(x)
genou(x), notamment après 40-50 ans. Toutefois, d’autres pathologies peuvent être en
cause : d’origine rhumatismale (rhumatisme inflammatoire ou microcristallin), infectieuse,
tumorale ou microtraumatique (fractures sous-chondrales), mais aussi les douleurs
projetées (hanche, rachis lombaire). Un lien avec une pathologie neurologique ou vasculaire
est également possible.

Pour déterminer la cause et orienter la prise en charge, des examens d’imagerie peuvent
être prescrits, en fonction des hypothèses formulées à l’issue de l’examen
clinique. Souvent, la radiographie suffit ; l’IRM est rarement nécessaire. Toutefois, cette
dernière est de plus en plus prescrite : la réalisation d’une IRM des membres inférieurs est
ainsi en augmentation depuis quelques années (+ 6 % par an environ). Dans près de deux
tiers des cas, cet examen n’est pourtant pas justifié. C’est pourquoi la HAS vient de publier
des recommandations de bonne pratique pour orienter les médecins généralistes vers une
prescription plus raisonnée. En complément, un document d’information pour les patients a
également été mis à disposition (quand consulter en urgence ? que faire pour soulager la
douleur ? etc.).

La clinique avant tout

L’interrogatoire et l’examen clinique du patient (v. encadré ci-dessous) sont au premier


plan : ils permettent de formuler des hypothèses sur la cause de la douleur et évaluer la
nécessité d’une imagerie ainsi que le choix du type d’imagerie le cas échéant (v. algorithme
ci-dessous).

Lorsqu’un examen d’imagerie est prescrit, la demande au radiologue doit mentionner le


contexte clinique, le diagnostic évoqué, le type d’imagerie demandé, le côté atteint et les
contre-indications éventuelles de certains types d’imagerie. Ensuite, il est nécessaire de
confronter les données de l’imagerie à la clinique, car les lésions (notamment dégénératives)
observées en imagerie ne sont pas toujours corrélées aux symptômes ressentis.
Éliminer les urgences

L’arthrite septique est à évoquer devant des signes tels que : douleur unilatérale le plus
souvent, non soulagée par le repos, insomniante, permanente ; érythème et augmentation
de la chaleur locale ; épanchement intra-articulaire ; limitation des amplitudes articulaires ;
fièvre/frissons, altération de l’état général ; contextes de toxicomanie intraveineuse,
immunosuppression, corticothérapie, bactériémie récente, diabète, VIH, antécédent de
chirurgie du genou ou de geste invasif ou autre porte d’entrée potentiellement infectieuse ;
syndrome inflammatoire biologique avec notamment une CRP augmentée. Une ponction
articulaire diagnostique (et hémocultures) doit être réalisée en urgence, avant toute
antibiothérapie. La prise en charge se fait en milieu spécialisé ; elle ne doit pas être retardée
par la biologie et l’imagerie.

Quant aux gonalgies liées à un traumatisme, une urgence absolue est la luxation fémoro-
tibiale survenant après un choc violent ; elle comporte un risque de lésion nerveuse et/ou
artérielle. Une hospitalisation est d’emblée nécessaire pour avis chirurgical et réalisation
d’un angioscanner.

Par ailleurs, en cas de suspicion de fracture, il est préconisé de recourir à la règle d’Ottawa
pour évaluer la nécessité de réaliser des radiographies (présence d’au moins un des critères
suivants : âge ≥ 55 ans ; douleur isolée de la rotule ; douleur à la tête du péroné ; incapacité
de fléchir le genou à 90° ; incapacité de faire quatre pas complets, soit deux transferts de
poids, immédiatement après le traumatisme ou lors de l’évaluation).

Radiographies en première intention

Lors d’un premier épisode de gonalgie, ou un épisode inhabituel – une fois les urgences
éliminées –, si la clinique oriente vers une atteinte articulaire du genou, les radiographies
sont indiquées en première intention, quelle que soit la cause suspectée de la douleur :

– au minimum face et profil en charge ;

– défilé fémoro-patellaire 30 ° si suspicion clinique d’atteinte fémoro-patellaire ;

– schuss si suspicion clinique d’arthrose fémoro-tibiale.

Des clichés bilatéraux sont recommandés pour le premier bilan. L’IRM n’a pas de place en
première intention.

S’il s’agit d’un nouvel épisode de gonalgie chez un patient ayant une pathologie connue
avec symptomatologie habituelle, la répétition de l’imagerie n’est pas recommandée.

Après une première radiographie : comment s’orienter ?

En deuxième intention, la démarche diagnostique est fonction de l’examen clinique et des


résultats de l’imagerie initiale.
Images d’allure tumorale

Si les radiographies initiales montrent une image d’allure tumorale agressive, atypique ou
indéterminée, il faut adresser le patient dans les meilleurs délais en centre spécialisé.

Signes d’arthrose

Lorsque des signes d’arthrose sont décelés dans les premières radiographies (pincement de
l’interligne articulaire, ostéophytes, condensation osseuse sous-chondrale, géodes),
plusieurs cas de figure existent, en fonction de la clinique :

 Aucune imagerie complémentaire n’est nécessaire s’il s’agit d’un patient de plus de
40 ans, avec un tableau clinique et une évolution typiques (douleurs articulaires liées
aux mouvements, raideur matinale absente ou < 30 minutes, résolution de l’épisode
douloureux en moins de 10 jours sous traitement symptomatique).
 Une IRM est recommandée pour rechercher une lésion associée (ou scanner ou
scintigraphie osseuse en cas de contre-indication à l’IRM) lorsque le tableau clinique
est atypique ou les symptômes progressent rapidement de manière
inattendue (faisant suspecter une fracture par insuffisance osseuse ou une arthrose
destructrice rapide) ou s’il y a un changement des caractéristiques cliniques.

En cas d’échec du traitement symptomatique : orienter vers une prise en charge médico-
chirurgicale spécialisée.

Signes d’atteinte articulaire ou abarticulaire

Le contexte clinique, biologique et l’évolution de la symptomatologie déterminent l’imagerie


à réaliser en deuxième intention ainsi que la prise en charge, qui doivent être discutés avec
un radiologue ou un médecin spécialiste des pathologies ostéo-articulaires. Les premières
radiographies peuvent donc être complétées :

 En cas d’anomalie osseuse : par un scanner et/ou une IRM.


 En cas d’anomalie des parties molles :
o par une échographie, qui permet d’explorer une pathologie tendineuse,
ligamentaire, une bursopathie ou une tuméfaction des parties molles ;
o et/ou par une IRM pour caractériser une lésion, ou si l’échographie n’est pas
concluante.
 En cas d’anomalie de l’articulation : par une IRM. Si contre-indication à l’IRM, un
arthroscanner est à discuter. Attention : l’arthroscanner ou l’arthro-IRM (qui sont des
examens invasifs) ont des indications limitées et ne doivent être demandés qu’après
avis d’un radiologue ou d’un médecin spécialiste des pathologies ostéo-articulaires.
Enfin, l’épanchement ne nécessite généralement pas d’échographie (c’est un diagnostic
clinique), sauf dans certains cas : obésité, déformation articulaire majeure post-traumatique,
raideur articulaire évoluée, doute sur un épanchement de petit volume, etc.

Douleurs persistantes sans signes à l’imagerie

Une IRM est recommandée (ou arthroscanner en cas de contre-indication à l’IRM), après
réévaluation clinique et éventuellement avis spécialisé, lorsque les radiographies et/ou
l’échographie sont normales ou n’expliquent pas les symptômes, mais les douleurs
persistent.

Il faut également évoquer une douleur projetée (hanche, rachis lombaire) et réaliser si
besoin une imagerie appropriée.

Autres situations

Si un syndrome douloureux régional complexe est suspecté (anciennement


algodystrophie), le diagnostic repose sur la clinique (critères de Budapest), mais en cas
d’atypie ou d’incertitude clinique, après les radiographies (qui peuvent être normales
pendant les premières semaines), une scintigraphie osseuse aux (99mTc)-bisphosphonates
ou une IRM peuvent être indiquées.

Finalement, en cas de suspicion de maladie professionnelle, se référer aux critères de


reconnaissance correspondants (critères de reconnaissance des lésions chroniques
méniscales : tableaux Régime général n° 79 et Régime agricole n° 53 ; critères de
reconnaissance des tendinopathies : tableaux Régime général n° 57 et Régime agricole
n° 39…). Certains examens d’imagerie peuvent être prescrits pour étayer la demande de
prise en charge spécifique.
Examen clinique du genou

L’interrogatoire précise :

 l’ancienneté et les circonstances d’apparition de la douleur : existence ou non d’un


traumatisme, 1er épisode ou épisode récurrent de gonalgie/prise en charge, autres
douleurs articulaires, antécédent de chirurgie du genou ;
 les caractéristiques de la douleur : siège, intensité, type (mécanique ou
inflammatoire), facteurs déclenchants/aggravants ou soulagement par le repos,
évolution dans le temps, traitements antalgiques et anti-inflammatoires. Attention
aux douleurs « projetées » (ex. : coxarthrose, cruralgie, phlébite, artériopathie, etc.) ;
 l’association à d’autres troubles éventuels : boiterie, instabilité/dérobement du
genou, blocage ou pseudoblocage, gonflement du genou, bruits, dérangement
interne ;
 d’autres signes : fièvre, altération de l’état général ;
 les comorbidités et traitements en cours (antithrombotiques, immunosuppresseurs,
antibiotiques), les antécédents récents d’infection, une toxicomanie intraveineuse,
une sonde urinaire ;
 l’âge, les activités sportives et les contraintes posturales professionnelles ;
 le retentissement fonctionnel de la douleur et des autres troubles.

L’examen clinique se fait debout, puis à la marche, puis couché, de manière comparative
sur les deux genoux :

 Observation du patient et de ses deux genoux :


o surcharge pondérale ;
o déviation axiale des membres inférieurs, appui monopodal, amyotrophie du
quadriceps, gonflement du genou/tuméfaction, signes inflammatoires locaux,
déformation, asymétrie des os ou tissus mous, cicatrices, lésions
cutanées (ex. : psoriasis, intertrigo des orteils, plaie cutanée en aval), varices,
etc. ;
o marche : boiterie, utilisation d’une béquille, flessum, périmètre de marche,
etc. ;
o mobilité.
 Palpation des genoux : point douloureux articulaire ou abarticulaire (insertions
ligamentaires, tendons), épanchement liquidien (signe du glaçon), tuméfaction,
kystes ou nodules.
 Examen :
o de la mobilité des genoux, des hanches, du rachis ;
o de la stabilité (stabilité patellaire, exploration des ligaments latéraux et
croisés) ;
o des ménisques.
 Examen neurovasculaire du membre inférieur.

En fonction de la clinique, le bilan biologique peut comporter la recherche d’un syndrome


inflammatoire ou d’anomalies métaboliques.

D’après

HAS. Douleurs du genou : quel examen d’imagerie réaliser ? 27 juin 2022.

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