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La coxarthrose est une affection fréquente touchant de 2 % à 4 % de la population au-delà de 40 ans sans
prédominance de sexe et responsable de douleurs et de handicap à la marche. Elle est à l’origine de la
mise en place de 25 000 prothèses totales de hanche par an. La découverte de la maladie est
habituellement liée à l’apparition progressive de douleurs mécaniques du pli de l’aine, de la face
antérieure de la cuisse ou de la fesse. Le diagnostic est essentiellement clinique (limitation douloureuse des
amplitudes de la hanche) et radiologique (pincement de l’interligne coxofémoral et ostéophytose capitale
et/ou acétabulaire). Une malformation architecturale (dysplasie, protrusion acétabulaire, conflit
antérieur) doit être systématiquement recherchée. Les examens complémentaires (essentiellement
arthroscanner et imagerie par résonance magnétique) ne sont nécessaires que dans les cas douteux pour
éliminer un autre diagnostic. Il ne sont jamais indiqués pour poser l’indication chirurgicale. Le traitement
médical repose sur l’association de moyens orthopédiques (kinésithérapie, perte pondérale, matériel
d’aide à la marche) et médicamenteux. Ces derniers (antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens,
infiltrations intra-articulaires, traitements antiarthrosiques d’action lente) ont pour but de soulager la
douleur. L’échec du traitement médical bien conduit aboutit, sauf contre-indication, à l’implantation
d’une prothèse. Le délai entre l’apparition des symptômes et l’arthroplastie est extrêmement variable (de
quelques mois à plus de 20 ans) et dépend essentiellement de la vitesse de progression du pincement
articulaire.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan
¶ Introduction 1
“ Points importants
¶ Reconnaître une coxarthrose 1
Critères de diagnostic de la coxarthrose selon
Diagnostic positif 1
Diagnostic étiologique 3 l’American College of Rheumatology.
Diagnostic différentiel 3 Douleur de la hanche et au moins deux des trois critères
suivants (sensibilité 89 %, spécificité 91 %) :
¶ Prise en charge 4
Prévoir l’évolution 4 • vitesse de sédimentation < 20 min ;
Traitement 4 • ostéophytose fémorale ou acétabulaire radiologique ;
• pincement radiologique de l’interligne.
■ Introduction
Symptômes
La coxarthrose est une affection fréquente atteignant, en
France, entre 2 % et 4 % de la population de 40 à 70 ans, sans Le patient consulte habituellement pour une douleur de pli
prédominance de sexe. Son coût économique est élevé, de l’aine irradiant souvent à la face antérieure de la cuisse et au
puisqu’elle est à l’origine de la mise en place d’environ genou, donnant parfois au malade l’impression d’une douleur
25 000 prothèses totales de hanche par an en France, de musculaire. Elle peut être localisée à la face externe ou à la face
130 000 aux États-Unis. interne de la cuisse, à la fesse ou encore se traduire par une
douleur isolée du genou. Sa topographie fait souvent évoquer
■ Reconnaître une coxarthrose une névralgie crurale. C’est une douleur de type mécanique,
aggravée par l’appui prolongé, le port de charges, et calmée par
le décubitus. L’existence de douleurs nocturnes ou de décubitus
Diagnostic positif témoigne d’une poussée congestive ou d’un stade très avancé.
Comme en attestent les critères de diagnostic retenus par Le dérouillage matinal est habituellement bref, inférieur à un
l’American College of Rheumatology [1] , le diagnostic de quart d’heure. L’intensité de la douleur n’est pas proportion-
coxarthrose est strictement radioclinique. nelle à la gravité des lésions radiologiques. En effet, si les
Tableau 1.
Indice algofonctionnel des coxopathies de Lequesne.
Douleur ou gêne
La nuit ?
Non 0
Seulement en remuant ou selon la posture 1
Même immobile 2
Lors du dérouillage matinal ?
Moins de 1 minute 0
De 1 à 15 minutes 1
Plus de 15 minutes 2
Lors de la station debout ou s’il faut piétiner une demi-heure ?
Non 0
Oui 1
Lorsque vous marchez ?
Non 0
Seulement après une certaine distance 1
Très rapidement 2
Lorsque vous restez assis longtemps (2 heures) et avant de vous relever ?
Non 0
Oui 1
Périmètre de marche maximal en acceptant d’avoir mal
Aucune limitation 0 Figure 1. Coxarthrose supéroexterne.
Limité mais supérieure à 1 km 1
Environ 1 km (15 minutes) 2
500 à 900 m (8 à 15 minutes) 3 supéroexternes peuvent rester peu enraidissantes, même à un
300 à 500 m 4 stade très avancé. La limitation des amplitudes peut être
100 à 300 m 5 appréciée en degré, ce qui est souvent difficile et approximatif,
Moins de 100 m 6 ou plus simplement en mesurant avec un mètre-ruban les
Une canne ou une béquille nécessaire +1 distances intermalléolaire et intercondylienne. Une amyotrophie
Deux cannes ou deux béquilles nécessaires +2 quadricipitale doit être recherchée systématiquement, car elle
apparaît précocement et témoigne de façon objective de la
Difficultés dans la vie quotidienne ? souffrance de l’articulation. Le réflexe rotulien est toujours
Avez-vous des difficultés pour : conservé, ce qui la distingue de l’amyotrophie survenant au
Mettre des chaussures par devant ? 0à2 cours de la cruralgie.
Ramasser un objet à terre ? Comme dans toute arthrose, il n’y a bien sûr jamais d’altéra-
Monter ou descendre un étage ? tion de l’état général, ni de syndrome inflammatoire biologique.
Sortir d’une voiture ou d’un fauteuil profond ? Néanmoins, au cours de certaines coxarthroses destructrices
rapides (CDR), la protéine C réactive peut être modérément
augmentée (toujours inférieure à 15 mg/l).
siègent sur la tête fémorale, formant une collerette à la frontière fémorale et la paroi antérieure du cotyle lors de la flexion de
cervicocéphalique, au niveau de la fovea ainsi que sur le cotyle hanche. Cela va entraîner des lésions cartilagineuses sur la
prolongeant le toit et le seuil. La condensation osseuse et les partie antérieure du cotyle. L’évolution naturelle se fait vers la
géodes, généralement d’apparition plus tardive apparaissent coxarthrose précoce à moyen ou long terme. Le conflit peut être
dans les zones d’hyperpression. Lorsqu’elles sont très volumi- de deux types : conflit par « effet came » (dont l’évolution finale
neuses, les géodes peuvent faire évoquer une tumeur osseuse ou est une coxarthrose avec pincement polaire supérieur et une
synoviale, mais elles s’en distinguent par le fait qu’elles sont subluxation antérieure) et conflit par « effet pince » à l’origine
toujours localisées en regard des zones de pression. de lésions précoces du labrum. Dans les deux cas le conflit est
La radiographie permet par ailleurs de diagnostiquer les de type dynamique, ne survenant qu’aux mouvements et se
dysplasies, les luxations et autres anomalies architecturales manifeste le plus souvent chez des patients jeunes qui prati-
pouvant être à l’origine de coxarthrose. quent des sports où l’articulation est soumise à de grandes
Les autres techniques d’imagerie (tomodensitométrie couplée amplitudes en flexion (arts martiaux, danse, football, etc.).
ou non à une arthrographie imagerie par résonance magnétique
[IRM], et scintigraphie) ne sont d’aucune utilité, que ce soit Autres anomalies acquises
pour le diagnostic ou pour un suivi d’une coxarthrose. Elles Elles sont liées à des séquelles d’ostéochondrite juvénile,
n’ont d’intérêt que dans les cas difficiles, en particulier dans les d’épiphysiolyse, de luxation ou de subluxation congénitale, de
formes précoces (arthroscanner), les conflits antérieurs (arthro- fracture de l’extrémité supérieure du fémur ou du cotyle.
IRM) et pour éliminer un autre diagnostic (cf. infra). Une L’ostéonécrose aseptique de hanche, les coxites septiques ou
échographie, examen peu coûteux et non traumatisant, peut inflammatoires, de même que certaines grandes inégalités de
être proposée si l’on soupçonne un épanchement qui justifierait longueur des membres inférieurs peuvent aussi se compliquer
alors une ponction à visée diagnostique ou thérapeutique. secondairement d’une coxarthrose.
La chondrocalcinose articulaire est fréquemment associée à
une polyarthrose. Les coxarthroses présentées sont alors plus
Diagnostic étiologique
volontiers de forme atrophique et d’évolution rapide, alors
On a l’habitude de distinguer schématiquement les coxarth- qu’au cours de l’hyperostose ankylosante vertébrale, elles sont
roses primitives, pour lesquelles aucun facteur de risque souvent protrusives, de forme hypertrophique et de progression
particulier ne peut être mis en évidence, des coxarthroses habituellement lente. Une chondromatose synoviale doit être
secondaires à des anomalies structurales congénitales ou évoquée devant une coxarthrose unilatérale débutant chez un
acquises ou à des contraintes mécaniques exogènes. sujet jeune sans facteur prédisposant particulier.
Un traumatisme violent peut parfois être incriminé (coxarth-
Coxarthroses primitives rose post-traumatique). On retrouve très fréquemment la notion
d’un traumatisme modéré, souvent passé inaperçu, quelques
Elles surviennent habituellement au-delà de 50 ans et sont semaines avant le développement d’une CDR. Le rôle des
caractérisées par l’absence d’étiologie décelable et une habituelle microtraumatismes répétés et du surmenage articulaire, en
bilatéralité. Si l’âge est un facteur prédisposant certain, le terrain particulier sportif, est plus discutable car volontiers associé à
familial arthrosique semble lui aussi prédominant. En effet, les d’autres facteurs de risque. Pratiqué avec modération, le sport
arguments se multiplient en faveur d’une origine génétique ne semble pas accroître le risque de développer une coxarthrose.
dans diverses formes d’arthrose. L’existence de l’altération d’un Plusieurs études ont, en revanche, suggéré que le port répété de
gène du collagène de type II est bien démontrée dans certaines charges lourdes ainsi que certaines professions (agriculteur en
arthroses familiales généralisées, et le caractère héréditaire de la particulier) étaient des facteurs de risque d’arthrose de la
digitarthrose et de la gonarthrose vient d’être prouvé grâce à hanche, alors que l’obésité, dont le rôle est déterminant dans le
une étude réalisée chez des sœurs jumelles.
développement de la gonarthrose, ne paraît pas être un facteur
de risque important d’arthrose de la hanche.
Coxarthroses secondaires
Elles représentent plus de la moitié des coxarthroses. Diagnostic différentiel
Les malformations architecturales constitutionnelles sont les
causes les plus fréquentes. Elles doivent être recherchées sur les Devant une douleur de la région inguinale et de la fesse, il
radiographies standards du bassin de face et sur un cliché de faut penser à une pathologie radiculaire (cruralgie ou sciatique),
hanche en faux profil par la mesure des angles de coxométrie. une tendinite des pelvitrochantériens, une sacro-iliite ou une
pathologie du petit bassin.
Dysplasies de hanches
Devant un pincement isolé de l’interligne coxofémoral, il faut
Elles sont liées à un défaut de couverture de la tête fémorale éliminer une coxite infectieuse (pyogènes, brucellose, tubercu-
(ouverture excessive de l’angle cervicodiaphysaire [CCD] au-delà lose) ou inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde, spondylarth-
de 135°, obliquité exagérée du cotyle HTE au-dessus de rite ankylosante). Le pincement de l’interligne est alors global,
10° [angle d’obliquité du toit du cotyle], hypoplasie externe ou sans ostéophyte ni condensation osseuse sous-chondrale. Le
antérieure du toit du cotyle angle de couverture de la tête contexte clinique et le syndrome inflammatoire biologique et la
fémorale ou angle de VIBERG [VCE] ou angle de couverture formule du liquide prélevé par arthrocentèse orientent le
antérieure de la tête fémorale [VCA] inférieur à 25°), sont à diagnostic.
l’origine de coxarthroses précoces débutant souvent entre 40 et L’ostéonécrose aseptique de hanche, dont la symptomatologie
50 ans, parfois avant. est identique à celle de la coxarthrose, est de diagnostic facile
.
Les avantages de l’arthroplastie sont donc évidents, mais il [3] Lequesne MG, Laredo JD. The faux profil (oblique view) of the hip in
convient de toujours envisager les incidents possibles (compli- the standing position: Contribution to the evaluation of osteoarthritis of
cations thromboemboliques, descellement, luxation, infection), the adult hip. Ann Rheum Dis 1998;57:676-81.
il paraît donc logique de ne proposer un geste chirurgical [4] Lebrun C, Vanhoenacker FM, Willemen D.Anterior femoro-acetabular
qu’après échec d’un traitement médical correctement conduit. impingement of the left hip. JBR-BTR 2007;90:196-7.
Là encore, le recours à l’indice algofonctionnel est précieux [5] American College of Rheumatology subcommittee on osteoarthritis
pour la décision chirurgicale. En règle générale, celle-ci se guidelines. Recommendations for the medical management of
justifie lorsque le score atteint 10 à 12 points sous traitement osteoarthritis of the hip and the knee. 2000 update. Arthritis Rheum
médical, en tenant compte bien sûr du désir du patient, de son 2000;43:1905-15.
âge et de son degré d’activité. [6] Zhang W, Doherty M, Arden N, Bannwarth B, Bijlsma J, Gunther KP,
.
et al. EULAR Standing Committee for International Clinical Studies
Including Therapeutics (ESCISIT). EULAR evidence based
■ Références recommendations for the management of hip osteoarthritis: report of a
task force of the EULAR Standing Committee for International Clinical
[1] Altman R, Alarcon D, Appelrouth D, and the American College of Studies Including Therapeutics (ESCISIT). Ann Rheum Dis 2005;64:
Rheumatology subcommittee on criteria for osteoarthritis. The 669-81.
American College of Rheumatology criteria for the classification and [7] Conrozier T, Vignon E. Is there evidence to support the inclusion of
reporting of osteoarthritis of the hip. Arthritis Rheum 1991;34: viscosupplementation in the treatment paradigm for patients with hip
505-11. osteoarthritis? Clin Exp Rheumatol 2005;23:711-6.
[2] Lequesne MG. The algofunctional indices for hip and knee [8] Lequesne M. Coxarthrose. In: Bardin T, Kuntz D, editors. Thérapeuti-
osteoarthritis. J Rheumatol 1997;24:779-81. que rhumatologique. Paris: Flammarion; 1995. p. 567-76.
T. Conrozier (thierry.conrozier@chu-lyon.fr).
Service de rhumatologie, Centre hospitalier Lyon-Sud, 165, chemin du grand Revoyet, 69395 Pierre-Bénite cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Conrozier T. Reconnaître et prendre en charge une coxarthrose. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité
de Médecine Akos, 7-0720, 2009.