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Service d’Orthopédie CHU Constantine

Année universitaire 2021-2022

La hanche
paralytique
PLAN

• Introduction
• Bilan clinique
• Bilan radiologique
• Dépistage
• Traitement et indication
• Conclusion
• Références
Introduction

Malgré les énormes progrès de la médecine, de la néonatologie ainsi qu'une


meilleure prévention et dépistage pendant la grossesse, les maladies d'origine
neuromusculaire restent relativement fréquentes et leurs conséquences
préoccupantes. Dans la grande majorité des cas, l'atteinte neuromusculaire
existe dès la naissance sans déformations orthopédiques importantes qui
apparaîtront plus tardivement avec la croissance.
-L'analyse des troubles orthopédiques du membre inférieur
paralytique est complexe. L'examen orthopédique analyse les
muscles et les articulations dans leur globalité. Le bilan articulaire
est statique et dynamique : il étudie articulation par articulation, les
articulations sous- et sus-jacentes mais aussi les déformations dans
les trois plans de l'espace.

-Les traitements effectués ne sont que palliatifs


Infirmité motrice d'origine cérébrale (IMOC)

_L'IMOC se définit comme une perturbation permanente et durable du mouvement et/ou


du tonus lié à des lésions cérébrales de nature non évolutive survenues le plus souvent
dans la période pré- ou périnatale ou, plus rarement, dans les premières années de la vie.

__Le type d'atteinte neurologique conditionne l'existence de troubles orthopédiques. Si


les formes ataxiques et athétosiques, mobiles, n'entraînent pas ou peu de déformations
ostéoarticulaires, il n'en est pas de même dans les formes spastiques rigides. Le degré
de gravité fonctionnelle est fonction de la sévérité de l'atteinte neurologique :
hémiplégie, diplégie ou tétraplégie.
__Les atteintes orthopédiques les plus sévères sont rencontrées chez le tétraplégique
non-marcheur.
_La spasticité entraîne progressivement des rétractions musculo-tendineuses,
des déformations ostéoarticulaires et comporte un risque majeur de luxation
de la hanche.

_La subluxation et la luxation de la hanche chez l'IMOC, sont les


complications les plus fréquentes de cette maladie, observée surtout chez le
spastique. La fréquence en fonction de la topographie de l'atteinte
neurologique dépasse 50% chez le tétraplégique, est moindre chez le
diplégique et presque inexistante chez l'hémiplégique.

.
facteurs de risque principaux

Trois 03 facteurs interviennent dans l'excentration de hanche :

-le retard ou l'absence de marche en lien avec la sévérité de la PC

-les déséquilibres entre des muscles spastiques et/ou rétractés (Adducteurs :


adductor longus, gracilis ; psoas ; ischio-jambiers) et des muscles faibles
(abducteurs, fessiers) ;

- l'asymétrie de l'atteinte entre les côtés droit et gauche (coup de vent des
membres inférieurs et bassin oblique).
Bilan clinique

-Le tableau clinique est dominé par l'atteinte neurologique spastique et les

déviations fixées ou dynamiques des membres inférieurs. La gravité, la

fréquence, la luxation ne sont pas les mêmes qu'il s'agisse d'un enfant

hémiplégique marchant ou un tétraplégique grabataire.

-L'hémiplégique marchera entre 18 et 24 mois. La luxation de hanche est

exceptionnelle.
-Chez le diplégique, l'acquisition de la marche s'effectue entre 3 et 4 ans. La
marche s'effectue, au niveau de la hanche, en flexion-adduction-rotation interne,
souvent accompagnée par un flexum des genoux et un équinisme avec valgus du
pied. Une rétraction des fléchisseurs entraîne une antéversion exagérée du bassin,
provoquant une hyperlordose lombaire compensatrice. Inversement, la rétraction
des ischio-jambiers provoque une rétroversion du bassin et une diminution de la
lordose lombaire.
-La tétraplégie ou le total body involvement,
est la forme la plus grave. Les atteintes orthopédiques sont
majeures, touchent le rachis, le pelvis et les membres.
L'atteinte motrice sévère est souvent accompagnée d'un
retard intellectuel important et les troubles sensoriels, qui
sont des handicaps supplémentaires pour l'acquisition de la
marche. Si l'enfant ne marche pas avant l'âge de 7 ans, il
n'a pratiquement plus aucune chance de marcher.
LE SUIVI CLINIQUE ET RADIOLOGIQUE DOIT ÊTRE PRÉCOCE

1 - Suivi clinique :
L'examen des hanches est indissociable de celui du bassin et de la colonne
vertébrale
Certaines anomalies sont à rechercher :
• Une attitude au repos des membres
inférieurs asymétrique :

Position en ciseaux
des membres inférieurs

Epine iliaque
antéro-supérieure
gauche 2 cm au-dessus
de la droite
dans le plan frontal
_ Une asymétrie ou une limitation de l'abduction de hanche :

Mesure de l'abduction de hanche : hanche fléchie/genou fléchi (adductor longus),


hanche tendue/genou fléchi (adductor magnus), hanche tendue/genou tendu
(gracilis).
_ Une diminution de l'angle poplité qui témoigne d'une rétraction des ischio-
jambiers.
Mesure de l'angle entre l'axe de la jambe et l'horizontal.
Il est le reflet de l'extensibilité des muscles ischio-jambiers. La mesure est positive si
elle est au-dessus de la ligne horizontale et négative si elle est en-dessous
• Un test de Thomas positif : cette manoeuvre permet de repérer un flexum de hanche

L'enfant est en décubitus dorsal, le bassin équilibré dans les 3 plans de l'espace, la
hanche opposée est fléchie en respectant la lordose lombaire.
La hanche examinée est en rotation neutre, on mesure l'angle entre l'axe de la table et
l'axe du fémur.
• Une mesure d'antéversion fémorale excessive (Manoeuvre de Netter) témoignant
d'une anomalie de torsion du fémur. Cette mesure se fait l'enfant sur le ventre, hanche
étendue et genou fléchi à 90°. On implique un mouvement de rotation interne de la
hanche afin d'amener le relief osseux du grand trochanter le plus externe possible. On
mesure l'angle entre la verticale et l'axe de la jambe

Chez l'enfant sain, la torsion fémorale diminue graduellement et spontanément avec


l'âge, passant de 40° à l'âge d'un an à 20° à 9 ans, pour atteindre entre 10° et 25°
en fin de croissance
La spasticité fait partie des symptômes du syndrôme pyramidal caractérisé par
l'exagération du réflexe d'étirement et des réflexes ostéo-tendineux

Elle est mesurée selon deux modes :


Les explorations radiologiques

En général, pour toute atteinte ostéoarticulaire d'une affection neurologique, la


radiologie précise la nature des déformations osseuses et les rapports
anatomiques, tout en essayant de détecter précocement, par des clichés
réguliers (en général une fois par an), une subluxation ou une luxation
d'apparition progressive.
La radiologie standard

-La RX du bassin de face reste l'examen

-Les rapports entre la tête fémorale et le cotyle sont variables : excentration céphalique
avec élargissement de l'interligne et rupture du cintre cervico-obturateur, subluxation voire
luxation.

- Les subluxations et les luxations sont à redouter surtout chez les non-marcheurs.
Elles sont appréciées par l'index de migration de Reimers, qui traduit le
pourcentage de découverture de la tête fémorale
• Mesure de l'excentration de hanche par le pourcentage
d'excentration :

1 : ligne horizontale qui passe par les cartilages en Y ou par


les fonds des U cotyloïdiens
si le cartilage en Y est fermé (ligne de Hilgenreiner – H line)

2 : ligne verticale perpendiculaire à la première et passant


tangentiellement au bord externe de l'épiphyse fémorale ;

3 : ligne verticale parallèle à la seconde passant par le bord


externe du cotyle (Perkin's line) ; ce repère du cotyle n'est pas
toujours bien identifiable, il convient de prendre toujours
le même point pour un même patient afin d'exercer une
surveillance fiable ;

4 : ligne verticale parallèle aux deux précédentes et passant


tangentiellement au bord interne de l'épiphyse fémorale.
- On mesure la distance (A) entre la ligne
du bord externe de la tête et celle du bord
externe du cotyle ; elle correspond à la largeur
de la tête non couverte.
- On mesure la distance (B) entre les deux
lignes tangentes aux deux bords, interne et
externe, de la tête fémorale ; elle correspond à
la largeur totale de la tête.

Le pourcentage d'excentration = A/B × 100

- Interprétation du pourcentage d'excentration :


0–10 % Normal
10–30 % Excentration légère ; évolution
incertaine
30–60 % Excentration Moyenne: évolution
probable
60–90 % Excentration sévère : évolution certaine
> 90 % Hanche luxée
Quelles sont les propositions
actuelles pour le dépistage de la luxation
de hanche spastique ?

- En matière de stratégie de dépistage, deux types de propositions ont été faites :


-la première relie le dépistage à une stratégie thérapeutique dont
l'objectif est le traitement précoce de l'excentration afin d'éviter une luxation,
Cette stratégie comporte un dépistage annuel clinique et radiologique dès l'âge
de 2 ans.

Un traitement est proposé dès l'apparition de l'excentration (10 %), allant de


mesures orthopédiques simples à une chirurgie.
La seconde proposition faite par la AusAPDCM a été d'établir un consensus
basé sur la connaissance des facteurs de risque reconnus pour la LHS. Les critères
ont été actualisés après une évaluation à 5 ans. Cette démarche se limite à définir
la fréquence du dépistage en fonction de la sévérité de la maladie et du risque
potentiel.

AusACPDM : Australian Academy of Cerebral Palsy and


Developmental Medecine,
MCPHCS : Melbourne Cerebral Palsy Hip ClassificationScale

GMFCS : Gross Motor Functional Classification Scale(Palisano R)


Reimers, en 1980, a proposé une mesure
fiable et reproductible de l'excentration
radiologique de la tête fémorale par rapport
au cotyle
(migration pourcentage, MP)

le MP ne rend pas compte d'éventuelles


déformations secondaires de la tête fémorale
ou du cotyle. Il s'agit d'un outil de screening
et non pas d'une évaluation préchirurgicale .

Hagglund et al. ont défini le seuil de MP à


considérer comme une indication à un
traitement chirurgical à 33 %
Les autres mesures radiologiques
indirectes dans l'excentration de hanche :

- HTE : angle acétabulaire ou cotyloïdien.


Pas de normes disponibles. Il est pathologique
lorsqu'il augmente pouvant aboutir à une
verticalisation du cotyle,conséquence de la hanche
qui s'excentre.

- ACD : angle cervico-diaphysaire (normal entre


135° et 145°).
Augmentation de l'angle (coxa valga) associée à
l'excentration.

- CCO : cintre cervico-obturateur.


Interrompu, il témoigne d'une dysharmonie
architecturale entre fémur et acétabulum.
Plus récemment, une classification morphologique des déformations de la hanche
a été proposée :
Melbourne Cerebral Palsy Hip Classification Scale (MCPHCS) .
Elle permet de comparer les déformations en présence et précise le stade évolutif
de dégradation : d'une hanche normale (Grade I) à une situation de résection
d'extrémité fémorale supérieure (Grade VI), mais elle reste purement descriptive.
- Par la suite, des clichés de
contrôle seront à réaliser
selon Winter :

GMFCS : Gross Motor Functional Classification Scale(Palisano R)


Examen tomodensitométrique

Pour une évaluation plus complexe de l'articulation coxo-fémorale, de


l'antéversion fémorale, de la déformation osseuse de la tête fémorale et de
l'acétabulum, est l'examen de choix. Ses inconvénients sont un coût élevé et
une dose d'irradiation importante. De plus, cet examen nécessite souvent une
anesthésie générale chez ces enfants. Par contre, la précision et la qualité de
l'information sur une hanche complexe sont très utiles dans la tactique
chirurgicale
Traitement orthopédique

-La rééducation neurologique spécialisée est essentielle tout au long de la


croissance, pour prévenir et corriger les rétractions musculo-tendineuses
fixées, mais elle ne suffit pas à elle seule à enrayer une évolution défavorable.

-La mobilisation passive doit être douce, lente et dans toutes les amplitudes
articulaires. La prise en charge de ces patients nécessite aussi une analyse de
la posture debout, assis et couché ; l'installation en fauteuil roulant et la
verticalisation complètent ce traitement lourd et astreignant.
-Les postures vont permettre de maintenir les membres en bonne position
orthopédique et les hanches en abduction-extension, jouant ainsi un rôle
préventif.

-La mise en place d'attelles, de grands appareils de marche ou de systèmes


de posture nocturne a trois buts : -limiter les déformations
- améliorer la fonction
-verticaliser
-La principale difficulté est liée à la spasticité de l'enfant qui va lutter contre
la posture et ainsi ne plus supporter son appareillage.
-l'injection de la toxine botulinique qui bloque les transmetteurs

neuromusculaires, pourra diminuer le nombre des traitements chirurgicaux

pour autant qu'il n'y ait pas de rétraction tendino-musculaire fixée.


Traitement et indication
Traitement chirurgical

-L'indication à un traitement chirurgical doit tenir compte de l'ensemble des conséquences


actuelles et futures de la maladie. Il s'agira d'évaluer les relations entre les atteintes des autres
articulations et celles de la hanche, les capacités fonctionnelles, le quotient intellectuel, la qualité
de la vie familiale et les possibilités de prise en charge postopératoire. La douleur, les difficultés
dans la position assise en cas de luxation ou encore les problèmes d'hygiène périnéale sont au
premier plan de l'indication opératoire.

_ Par contre, une dysplasie cotyloïdienne, une coxa valga, voire une rotation interne ne sont pas en
soi des facteurs conduisant à une intervention.

_Néanmoins, il s'agit de facteurs de risque nécessitant un suivi régulier et pouvant faire poser
l'indication, face à une aggravation programmée, à un traitement chirurgical préventif de la
luxation.
La chirurgie des parties molles

-Elle supprime les rétractions et a pour objectif de lever l'action délétère sur l'articulation.

-L'indication doit être bien réfléchie afin de ne pas créer un nouveau déséquilibre
musculaire en souhaitant en supprimer un premier. Elle sera donc le plus souvent
bilatérale et asymétrique. Les muscles adducteurs, psoas-iliaque et ischio-jambiers
internes sont les muscles les plus ciblés par cette chirurgie et les résultats sont d'autant
plus positifs que le stade GMFCS est bas et l'excentrationnfaible .

-On peut considérer que cette chirurgie est toujours indiquée, isolée ou en association,
dès qu'un geste chirurgical est réalisé
La chirurgie musculo-tendineuse a pour but de corriger le déséquilibre
musculaire. Même bien dosé, le résultat final reste difficile à prévoir. Les
ténotomies n'empêchent pas la progression d'une subluxation ou d'une
luxation. Pour Kalen et Bleck, ce type d'intervention doit être pratiqué
avant l'âge de cinq ans et ceci en raison de l'importance du potentiel de
remodelage acétabulaire restant jusqu'à cet âge.
-Les transferts tendineux sont des interventions décevantes chez l'IMOC.

-Les ostéotomies de recentrage de la tête fémorale sont pratiquées chez l'enfant âgé de
plus de trois ou quatre ans. L'angle cervico-diaphysaire sera ramené à une valeur moyenne
de 110°, une revalgisation secondaire étant souvent observée.

-Les ostéotomies pelviennes limitent les risques de récidive et assurent un meilleur


centrage de la hanche subluxée ou luxée. Dans la majorité des cas, ce type d'intervention
est associé à une ostéotomie fémorale de varisation.

-Les acétabuloplasties sont des ostéotomies pelviennes incomplètes permettant une


meilleure couverture de la tête fémorale par une bascule partielle du toit cotyloïdien.
Association à une neurotomie partielle
ou une neurectomie des adducteurs

-Le principal risque de ce geste est de créer un déséquilibre avec

hypercorrection, luxation controlatérale ou luxation antérieure ou inférieure à la


place d'une postérieure.

-Cette technique n'est finalement que peu utilisée actuellement, en raison des
risques et des difficultés de réglage de l'ensemble du geste musculaire et
neurologique.
Association à des gestes
neurochirurgicaux

Récemment, l'association concomitante d'un traitement définitif de la spasticité


et d'un traitement chirurgical des troubles orthopédiques associés à la PC est
apparue avoir un intérêt.
Le taux de récidive des déformations est important après chirurgie
orthopédique isolée et la spasticité est un facteur majeur de récidive comme
l'immaturité osseuse
-La résection tête et col est une intervention de sauvetage relativement mutilante et dont les

résultats ne sont connus qu'à l'échéance de l'année postopératoire.


Y a-t-il des perspectives nouvelles
dans le traitement chirurgical ?

-Le traitement des luxations anciennes et/ou douloureuses devrait bénéficier de


l'expérience grandissante en matière de prothèse totale de hanche (PTH) chez
ces patients. Comparé à la population générale, il ne semble pas que la PC soit un
facteur de risque significatif lorsque la marche est conservée.

-La situation est peu différente en matière de PTH chez le non marchant, pourtant
souvent dans un contexte douloureux et plus précaire au niveau général. Cependant,
quelques particularités doivent être soulignées : le risque de luxation et de
réintervention précoce est plus élevé, le risque infectieux n'est pas significativement
différent sous réserve de précautions d'usage et les calcifications péri-prothétiques ne
sont pas plus fréquentes, mais plus sévères.
-Le taux de survie de ces prothèses est très bon (jusqu'à 77 % à 10 ans)

-Techniquement: ce sont la PTH cimentée et la prothèse hybride (pièce


fémorale cimentée et cotyle impacté) qui représentent le meilleur choix
en termes
de courbe de survie.
L'arthrodèse de hanche

Elle est la moins bien tolérée et donne les moins bons résultats. Elle doit être
réservée en solution ultime .

-Il est essentiel de tenir compte de la nécessité éventuelle d'une arthrodèse de


colonne pour scoliose, afin d'anticiper sur le positionnement du patient. Cela peut
conduire à indiquer la chirurgie de scoliose en priorité
GMFCS : Gross Motor Functional Classification Scale(Palisano R)
MCPHCS : Melbourne Cerebral Palsy Hip ClassificationScale
Références

-SOFCOT 2018 – page 189_ 200


-Revue medicale suisse : la hanche paralytique

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