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GONARTHROSE

Signes, Diagnostic, Traitement


Pr. Dieu-Donné OUEDRAOGO
Dr W. Joëlle Stéphanie TIENDREBEOGO
Dr Fulgence KABORE
Promotion Master 1 médecine 2019-2020

Objectifs
1. Définir la gonarthrose
2. Réunir les arguments du diagnostic positif de la gonarthrose.
3. Discuter deux diagnostics différentiels de la gonarthrose.
4. Enoncer les principes du traitement de la gonarthrose.

INTRODUCTION

Définition

La gonarthrose est une maladie de l’articulation du genou caractérisée par une usure du
cartilage.

L’intérêt de cette leçon est triple

- Epidémiologique

La gonarthrose est la première localisation de l’arthrose aux membres et le 2ème motif de


consultation dans notre expérience.

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Sa fréquence hospitalière est de 13,19% des affections rhumatologiques à Abidjan en
république de Côte-d’Ivoire selon Kouakou N’Zué ; elle est de 8,07% à Lomé au Togo selon
Mijiyawa et collaborateurs.

Cette fréquence hospitalière est similaire à celle retrouvée au Burkina Faso.

Son incidence annuelle est de 2 pour 1000 adultes en France.

La gonarthrose est plus fréquente chez la femme (2/3 des malades en Europe). En Afrique
noire, les femmes représentent 80 % avec une moyenne d’âge de 50 ans.

Des facteurs de risque sont associés. Nous les verrons dans le chapitre sur l’étiopathogénie.

- L’intérêt est également diagnostique ; le diagnostic est radio-clinique. Il est évoqué par
les signes cliniques et confirmé par la radiographie.
- Il est thérapeutique. Le traitement inclut dans notre contexte un régime amincissant en
raison de l’association fréquente à une obésité. Ce régime est difficile à obtenir des
patientes en raison de la perception de l’obésité comme un signe d’aisance sociale par
la société.

1. GENERALITES
1.1 RAPPEL

Le genou comporte 2 types d’articulations (articulation fémoro-tibiale et articulation fémoro-


patellaire) et trois compartiments (2 compartiments fémoro-tibiaux et un compartiment
fémoropatellaire).

Le cartilage qui recouvre les extrémités osseuses est constitué d’une substance matricielle
formé outre l’acide hyaluronique assurant sa souplesse, de collagène et de cellules appelées
chondrocytes. Ces cellules sont sensibles aux changements de la pression intra-articulaire.

1.2 ETIOPATHOGENIE

L’axe mécanique du membre inférieur est, genou en extension, un segment de droite qui unit
le centre de la tête fémorale au milieu de l’interligne tibio-astragalien. Cet axe passe
normalement par le genou au milieu des deux épines tibiales, ceci explique une répartition
harmonieuse des contraintes de pression entre les deux compartiments dans un genou normal.

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Si l’axe mécanique du genou passe trop en dedans, il définit un genuvarum, entrainant une
surcharge de pression dans le compartiment fémoro-tibial interne.

Si l’axe mécanique du genou passe trop en dehors, il définit un genuvalgum, entrainant une
surcharge de pression dans le compartiment fémoro-tibial externe.

Dans ces troubles statiques du membre inférieur, l’augmentation des contraintes va entrainer
une usure des cartilages dans un des deux compartiments, ce qui va aggraver la déformation.

La gonarthrose peut être primitive mais le plus souvent des facteurs lui sont associés. Ces
facteurs de risque sont multiples dominés en Afrique noire par l’obésité et les troubles
statiques des genoux. Ce sont :

- Facteurs généraux
 Obésité
 Age
 Sexe
 Statut hormonal (ménopause)
 Surpoids
 Facteurs génétiques

- Facteurs locaux
 Troubles statiques
 Traumatisme
 Méniscectomie
 Sport intense
 Laxité ligamentaire
 Inégalité de longueur des membres inférieurs.

Ces éléments étiopathogéniques nous permettent de comprendre les signes que nous allons
décrire.

2. SIGNES

Nous prendrons comme type de description la gonarthrose fémoro-tibiale de la femme. Il


s’agit de la forme la plus fréquente dans notre contexte.

2.1 TDD : GONARTHROSE FEMORO-TIBIALE DE LA FEMME


- Circonstances

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Il s’agit d’une femme entre 40 et 50 ans d’âge environs admise en consultation pour des
douleurs des genoux ou gonalgies.

- Signes fonctionnels

L’interrogatoire précise les caractères de la douleur :

 Le début a été d’installation progressive.


 Il s’agit d’une douleur de type mécanique c'est-à-dire survenant à la marche,
soulagé par le repos, ne réveillant pas le malade la nuit.
 Elle est exacerbée aussi bien par la montée que la descente des escaliers.
 Elle est diffuse à tout le genou le plus souvent, parfois localisé à un compartiment
surtout interne.

L’interrogatoire recherche d’autres signes accompagnant cette douleur notamment :

 Un blocage articulaire
 Un dérobement
 Une instabilité articulaire

Le retentissement fonctionnel doit être précisé : difficulté à s’assoir sur un tabouret ou à


utiliser les toilettes turques dans notre contexte.

L’interrogatoire ne retrouve pas de signes généraux accompagnateurs.

- Signes physiques
o Conditions de l’examen

L’examen rhumatologique doit être réalisé d’abord chez un patient debout en appui
symétrique, à la marche, puis en décubitus.

o Inspection

Elle apprécie la surcharge pondérale éventuelle ;

Les troubles statiques (anomalies de l’axe surtout sur le plan frontal), genuvarum,
genuvalgum

L’aspect du genou qui est souvent tuméfié avec une disparition des reliefs osseux mais sans
rougeur.

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Lors de la marche, on recherche, lors de l’appui, la majoration d’un trouble statique, ce qui
traduit une distension ligamentaire et constitue un signe de gravité.

o Palpation

Elle recherchera des points douloureux notamment au niveau des compartiments interne et
externe. Il n’a pas de chaleur locale.

o Mobilisation

Distance talon-fesse :

Choc rotulien : les mains de l’examinateur chasse vers la cavité articulaire le liquide
articulaire présent dans les culs de sac ; une pression de l’index enfonce la rotule qui vient
frapper la trochlée et donne la sensation d’un choc amorti ; ceci traduit la présence d’un
épanchement intra-articulaire ou hydarthrose qu’il faut ponctionner. Celle-ci ramène un
liquide mécanique c'est-à-dire d’aspect jaune citrin, visqueux, contenant moins de 1000
éléments sans germes ni cristaux.

La recherche de l’hyperlaxité ligamentaire : latéral, tiroir antérieur

Le grinding test : le patient étant en décubitus ventral, genou semi-fléchi, l’examinateur


provoque des mouvements de rotation interne et externe de la jambe, tout en appuyant
fortement sur le pied. Une douleur provoquée par cette manœuvre traduit l’existence d’une
lésion méniscale.

o L’examen recherchera également une arthrose fémoro-patellaire par la manœuvre de


Rabot.
o L’examen de la hanche et de la cheville doit être systématique.
o L’examen général est normal ; il n’y a pas de fièvre, ni d’altération de l’état général.

Ces signes sont généralement évocateurs d’une gonarthrose ; cependant la confirmation est
radiologique.

- Signes radiologiques

On demandera une radiographie comparative des 2 genoux en incidence en Schuss, en


incidence de face debout et de profil également en charge.

Les signes radiographiques comportent à des degrés variables :

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 Un pincement localisé de l’interligne articulaire
 Les ostéophytes tibiaux et fémoraux
 Une ostéosclérose sous chondrale
 Des géodes d’hyperpression

L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) et le scanner sont rarement nécessaires. Il faut
noter que le coût du scanner et de l’IRM limitent leurs prescriptions.

- Les signes biologiques ne sont nécessaires qu’en cas d’hydarthrose dans le but
d’éliminer une autre étiologie.

On demandera un hémogramme, une vitesse de sédimentation et une C réactive protéine


(CRP).

Ces examens sont normaux notamment le taux de leucocytes est normal compris entre 5000 et
10000/mm3, la vitesse est inférieur à 10 mm à H1 et la CRP est inférieure à 6 mg/l.

- Evolution de notre type de description

Eléments de surveillance

Clinique : douleur, retentissement fonctionnel.

Radiographie : surveillance du pincement de l’interligne articulaire.

Non traitée, l’évolution se fait par poussées avec une aggravation progressive de la
gonarthrose.

Traitée, l’évolution est marquée par une disparation de la douleur, une amélioration de la
gêne fonctionnelle et une stabilisation des lésions radiographiques.

A côté de cette forme clinique, caractérisée par sa topographie fémoro-tibiale, chez une
femme, il existe d’autres formes cliniques.

2.2 FORMES CLINIQUES

Nous verrons les formes topographiques, selon le terrain, les formes symptomatiques, les
formes compliquées et les formes associées.

- Les formes topographiques

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Il s’agit de la gonarthrose fémoro-patellaire et de la gonarthrose tricompartimentale.

La gonarthrose fémoro-patellaire est caractérisée par une douleur de siège antérieure


irradiant vers le bas, marqué plus à la descente qu’à la montée des escaliers,
l’accroupissement ou l’agenouillement ; ces gestes sont fréquents dans notre contexte où
dans certaines cultures, le chef de famille est salué en s’accroupissant. A l’examen
physique, on note la présence d’un signe de Rabot (douleur provoqué par le frottement de
la rotule contre la trochlée avec une sensation souvent audible du passage d’un rabot sur
une planche.

La gonarthrose tricompartimentale est caractérisée elle, par une atteinte des 3


compartiments associant donc des signes fémoro-patellaire et fémoro-tibiale interne et
externe. Elle est fréquente dans notre contexte de travail en raison du retard à la
consultation.

- Formes selon le terrain


Chez l’homme, il s’agit surtout de gonarthrose primitive.
Chez l’enfant, elle est exceptionnel le plus souvent secondaire à une méniscectomie ou
une fracture du plateau articulaire c'est-à-dire une fracture concernant les condyles
fémoraux ou le plateau tibial.
- Formes symptomatiques

Gonarthrose en poussée congestive caractérisée par une douleur inflammatoire et une


hydarthrose. La ponction est systématique.

Gonarthrose rapidement destructrice : l’évolution se fait rapidement vers le stade


chirurgical. Elle est fréquemment associée à une chondrocalcinose.

- Formes compliquées
Formes avec une hyperlaxité ligamentaire soit du pivot central soit des ligaments
latéraux.
- Formes associées
Avec une ostéonécrose du condyle surtout interne.
Avec une ostéochondromatose.

3. DIAGNOSTIC
3.1 POSITIF

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Le diagnostic est évoqué devant les signes cliniques et confirmé par la radiographie.

- Le terrain habituel : une femme, obèse


- Signes fonctionnels : douleur mécanique
- Examen physique :
 Troubles statiques
 Syndrome fémoro-tibial (douleur latéralisée)
 Syndrome fémoro-patellaire (signe de rabot positif).
- Radiographie
 Arthrose fémoro-tibiale
 Arthrose fémoro-patellaire

Dans les cas difficiles, des critères diagnostiques peuvent être utilisés. Il existe plusieurs
critères de diagnostics de la gonarthrose. Nous retiendrons les critères radio-cliniques qui ont
la plus grande spécificité de 86 %.

- Douleur du genou

+ un des critères suivants :

 Age supérieur à 50 ans


 Raideur matinale inférieure à 30 mn
 Crépitement

+ Ostéophytes sur la radiographie du genou.

Le diagnostic posé, il faut apprécier le retentissement fonctionnel (indice de Lequesne) et


rechercher des comorbidités en vue d’une éventuelle chirurgie.

3.2 DIFFERENTIEL

Le diagnostic différentiel est symptomatique. C’est ainsi qu’il ne faut pas confondre une
gonarthrose avec :

- Une douleur projetée : il s’agit surtout de radiculalgies surtout L3, L4 et L5. L’examen
du rachis permet de retrouver une douleur lombaire. Il s’agit également de la douleur
de hanche qui peut avoir une manifestation au niveau du genou.
- Une douleur du genou mais non articulaire. Ce sont surtout les structures péri-
articulaires c'est-à-dire les tendinites qui sont une inflammation des tendons. Dans ces

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cas, l’examen retrouve à la palpation une douleur exquise surtout en interne signant
une tendinite de la patte d’oie. La radiographie des genoux est normale.
- Une douleur articulaire qui n’est pas une gonarthrose
o En cas de poussée congestive, il faut surtout éliminer
 Une arthrite septique : elle s’accompagne généralement de signes
généraux tels que la fièvre et d’une altération de l’état général et de
signes locaux (chaleur locale, rougeur). La ponction articulaire ramène
un liquide louche ou purulent contenant plus de 50000/mm3 et met en
évidence le germe, un staphylocoque ou un bacille de Koch.
 Une goutte : le liquide contient des cristaux d’urate de sodium.
 Une chondrocalcinose : le liquide contient ici des cristaux de
pyrophosphates de calcium déhydraté.
o En l’absence de poussée inflammatoire ; c’est surtout les lésions méniscales ;
le grinding test est présent dans ce cas.
3.3 ETIOLOGIQUE

La gonarthrose n’a pas d’étiologie mais des facteurs de risque que nous avons décrits dans le
chapitre sur l’étiopathogénie.

4. TRAITEMENT

Les buts sont les suivants.

4.1 BUTS
- Soulager la douleur
- Ralentir la progression
- Eviter et traiter les complications.

Pour atteindre ces buts, nous disposons des moyens suivants.

4.2 MOYENS
- Education thérapeutique
- Mesures hygiéno-diététiques : régime amincissant pour une perte de poids, marche sur
terrain plat, éviter la marche sur terrain accidenté.
- Moyens médicamenteux
o Antalgiques

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 Paracétamol 1g voie orale ; posologie à 4g par jour en 4 prises
espacées de 6 heures.
 Tramadol 50, 100,200 mg voie orale ; posologie de 400 mg par jour en
2 ou 3 prises. ESI : nausées, vomissements, vertiges.
o Anti-inflammatoires
 Non stéroïdiens : exemple : Diclofenac 50,75,100 mg voie orale ;
posologie 150 mg en 3 prises au cours des repas. ESI : ulcère,
insuffisance rénale.
 Stéroïdiens : en injection intra-articulaire. Cortivazol en infiltration
locale.
o Anti-arthrosiques ; son coût à long terme limite sa prescription dans notre
contexte de travail.
 Diacerhéine 50 mg
 chondroÏtines sulfates
 Glucosamine
 insaponifiables d’avocat
o Acide hyaluronique.
- Moyens physiques
o Aides à la marche
 Canne, béquilles
 Orthèses (genouillères)
 Semelles amortissantes
o Rééducation proprement dite.

- Moyens chirurgicaux
o Réparation axiale
o Arthroplastie ;
 Elle peut être unicompartimentale,
 Ou totale ; il s’agit de prothèse totale.
4.3 INDICATIONS
- En cas gonarthrose modérée sur un trouble statique, le traitement sera chirurgical par
une ostéotomie de correction.
- En cas de poussée congestive : anti-inflammatoires non stéroïdiens ou infiltration
locale de corticoïdes.

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- En cas de gonarthrose peu symptomatique ou peu évoluée ; antalgiques, anti-
arthrosiques, acide hyaluronique.
- En cas de gonarthrose évoluée avec une hyperlaxité ligamentaire ou un retentissement
fonctionnel important, le traitement est chirurgical par une prothèse totale du genou.

CONCLUSION

La gonarthrose est très fréquente en Afrique noire. Elle est surtout liée à l’obésité. Cette
obésité est également un important facteur de risque cardiovasculaire justifiant qu’une
sensibilisation soit faite dans le but de l’éviter.

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