Vous êtes sur la page 1sur 5

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100 (2014) 316–320

Disponible en ligne sur

ScienceDirect
www.sciencedirect.com

Mémoire original

La fracture marginale postérieure de cheville : une lésion traumatique


du parachutisme à ne pas manquer夽
The posterior mallelolar fracture: A parachute injury not to be overlooked
G. Comat a , O. Barbier b,∗ , D. Ollat b
a
Hôpital d’instruction des armées R. Picqué de Bordeaux, 351, route de Toulouse, 33800 Villenave d’Ornon, France
b
Hôpital d’instruction des armées Bégin de Saint-Mandé, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France

i n f o a r t i c l e r é s u m é

Historique de l’article : Introduction. – La fracture isolée de la malléole postérieure du tibia est une fracture rare et souvent
Accepté le 26 février 2014 méconnue qui touche tout particulièrement les parachutistes. Le but de ce travail était d’identifier des
éléments cliniques et paracliniques permettant d’améliorer son diagnostic et sa prise en charge.
Mots clés : Hypothèse. – Les fractures marginales postérieures sont sous-diagnostiquées du fait de leur méconnais-
Parachutisme sance et des difficultés diagnostiques. Ce retard diagnostique peut aggraver le pronostic fonctionnel de
Tibia cette fracture.
Fracture
Patients et méthode. – Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique incluant 12 cas de fractures iso-
lées marginales postérieures du tibia survenues chez des parachutistes militaires entre 2006 à 2011. Les
données cliniques et paracliniques ont été recueillies à partir du dossier médical et d’un questionnaire
soumis aux militaires lors d’une consultation ou par téléphone.
Résultats. – Le diagnostic initial a été ignoré dans 75 % des cas du fait du tableau clinique peu spéci-
fique et de la faible sensibilité des radiographies standards. Ce retard diagnostique est responsable d’une
altération du résultat fonctionnel.
Discussion. – La symptomatologie est trompeuse en dehors de la présence d’une douleur rétromalléo-
laire médiale. Les critères d’Ottawa ne doivent pas être appliqués à ces traumatismes spécifiques. Les
radiographies doivent comprendre une incidence en rotation externe (profil rotation externe à 50◦ ). La
tomodensitométrie est un complément d’imagerie utile. Tout retard diagnostique sera préjudiciable pour
le patient et diminuera son pronostic fonctionnel.
Niveau de preuve. – IV (étude rétrospective).
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction des fractures marginales postérieures du tibia, en tant qu’entité


particulière, sont rares [3–6].
La fracture isolée de la malléole postérieure du tibia est une frac- Notre hypothèse principale est que cette fracture est en réalité
ture rare et souvent méconnue. La première et seule description sous-diagnostiquée du fait de sa méconnaissance et des difficultés
de cette fracture date de 1943 par Tobin [1]. Il avait individualisé diagnostiques. Notre seconde hypothèse est que ce retard diagnos-
cette fracture et dénommée Paratrooper fracture. Actuellement, les tique aggrave le pronostic fonctionnel de cette fracture.
données de la littérature concernant la traumatologie secondaire à L’objectif de ce travail était d’analyser une série rétrospective de
la pratique du parachutisme restent pauvre [2] et les descriptions 12 cas survenus entre 2006 et 2011 au sein de 2 régiments militaires
parachutistes afin d’identifier des éléments cliniques et paracli-
niques permettant d’améliorer le diagnostic et le résultat de la prise
en charge.
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2014.02.008.
夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence française de cet article, mais celle
2. Patients et méthode
de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en
utilisant le DOI ci-dessus.
∗ Auteur correspondant. Il s’agit d’une revue rétrospective incluant tous les militaires
Adresse e-mail : olive.barbier@gmail.com (O. Barbier). français appartenant à deux régiments parachutistes et ayant

http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2014.02.023
1877-0517/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
G. Comat et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100 (2014) 316–320 317

présenté une fracture isolée de la malléole postérieure du tibia au osseux et des ligaments était retrouvée de façon diffuse dans 2 cas,
cours d’un saut en parachute entre mai 2006 et février 2011. une douleur retromalléolaire médiale dans 4 cas, et une douleur
Étaient exclus les patients ayant eu une fracture isolée marginale osseuse malléolaire latérale dans 1 cas. Dans 5 cas, l’examen cli-
postérieure survenant dans un autre contexte comme une chute nique initial était peu contributif avec un œdème diffus et l’absence
d’un lieu élevé ou traumatisme sportif en torsion/varus équin de la de point douloureux électif osseux et ligamentaire.
cheville. Les fractures de Picot et Cunéo [7], équivalent de fracture Tous les patients avaient bénéficié d’une radiographie de che-
trimalléolaire, étaient également exclues. ville de face et de profil lors de la première consultation. Les critères
L’étude ne portait que sur la traumatologie lors des sauts en d’Ottawa n’avaient été respectés que dans 9 cas avec une impotence
parachute. fonctionnelle totale (incapacité de faire plus de 4 pas) immédiate
Le recueil des données était rétrospectif à partir des données des ou lors de l’examen et/ou la présence d’une douleur à la palpation
dossiers médicaux des patients et d’un questionnaire. Les patients des malléoles et de la base du 5e métatarsien. Au total, 3 cas sur
étaient contactés soit par appel téléphonique soit revus lors d’une 12 ne présentaient pas les critères d’Ottawa initialement, soit en
consultation médicale. respectant ces critères, 25 % de fractures qui avaient pu être négli-
Le questionnaire recherchait : gées dès la phase initiale. Le diagnostic radiographique initial avait
retrouvé une fracture malléolaire postérieure isolée dans 3 cas. Le
• les caractéristiques individuelles du patient : sexe, âge, indice de diagnostic radio-clinique initial était une entorse « bénigne » dans
masse corporel (IMC) type d’emploi, expérience professionnelle 3 cas, une entorse « grave » dans 6 cas et une fracture malléolaires
en parachutisme ; postérieure isolée dans 3 cas.
• les caractéristiques du saut : saut de jour ou de nuit, port de charge La prise en charge thérapeutique initiale avait consisté pour
lourde pendant le saut (armes, sac), force du vent, type de terrain les 3 patients avec fracture marginale postérieure diagnostiquée
d’atterrissage ; immédiatement et un patient considéré comme une entorse
• le respect des consignes de saut et d’atterrissage (pieds groupés, « grave » en une immobilisation avec une attelle plâtrée postérieure
technique dite du « roulé-boulé »). pendant 6 semaines. Les 8 autres avaient bénéficié d’un traitement
fonctionnel (repos, glaçage, antalgiques) puis avaient débuté une
rééducation ou avaient repris des activités personnelles ou spor-
Dans les dossiers médicaux, l’examen clinique initial était
tives.
recueilli afin d’identifier les éléments cliniques initiaux (points
Parmi ces 9 patients, chez qui aucune fracture n’avait été diag-
douloureux, hématome, impotence fonctionnelle) en concordance
nostiquée initialement, 7 avaient re-consulté pour une douleur
avec la recherche des critères d’Ottawa [8]. L’historique de la prise
retromalléolaire persistante et 2 pour un œdème de la cheville per-
en charge était aussi retracé et les résultats de l’imagerie médicale
sistant. Dans 1 cas, la relecture des radiographies initiales avait
effectuée était analysés (radiographies de cheville de face et profil,
permis de corriger le diagnostic initial. Les 8 autres patients avaient
et/ou tomodensitométrie [TDM]).
bénéficié d’une imagerie complémentaire par résonance magné-
Le résultat de la prise en charge était analysé en termes de dou-
tique (IRM) dans 3 cas et une TDM ou arthro-TDM dans 5 cas, dans
leur persistante après traitement et de durée d’inaptitude.
un délai allant de 1 semaine à 3 mois, permettant de corriger le
diagnostic de fracture isolée de la malléole postérieure du tibia.
3. Résultats La relecture a posteriori des radiographies initiales chez ces
8 patients permettait d’identifier la fracture marginale postérieure
Douze patients ont été inclus. L’effectif complet dont est issu du tibia passée inaperçues. Pour ces 9 patients, le retard diag-
notre échantillon totalisait sur la durée du recueil des données nostique était en moyenne de 41 jours (7 jours–90 jours). Aucune
environ 65 000 sauts soit une incidence de survenue de frac- fracture n’était déplacée, avec des rapports articulaires préservés.
ture isolée de la marge postérieure de 0,0002 % par saut. Tous Des lésions ligamentaires latérales étaient retrouvées sur 2 arthro-
étaient de sexe masculin. L’âge moyen au moment de la sur- TDM. Au TDM ou à l’IRM, le trait de fracture était articulaire dans
venue de l’accident était de 30,6 ans (20–40 ans). L’IMC moyen 8 cas sans dépasser le un tiers de la surface articulaire et la fracture
était de 23,7 kg/m2 (20,5–26,2 kg/m2 ). Leur expérience en parachu- était toujours isolée. Un traitement fonctionnel avait été poursuivi
tisme était variable : 7 étaient considérés comme très expérimentés dans 7 cas lorsque le diagnostic avait été fait au-delà de 6 semaines
(> 50 sauts), 4 comme expérimentés (entre 20 à 50 sauts) et 1 était après l’accident. Dans 2 cas où le diagnostic avait été corrigé avant
novice (< 6 sauts). L’accident était survenu lors d’un saut de jour 6 semaines post-traumatiques, une immobilisation par une attelle
dans 6 cas, dont dans 2 cas un saut avec une gaine (arme et sac de plâtrée pour une durée de 6 semaines à compter du jour du trau-
vie de 20 kg) et 1 cas dont l’ouverture du parachute avait était retar- matisme avait été faite.
dée, et dans 6 cas lors d’un saut de nuit, dont 4 avec gaine. Dans trois Le Tableau 1 compare les résultats du traitement entres les
cas, un vent dans le dos à l’atterrissage était noté. Le type de terrain patients qui ont bénéficié d’une prise en charge précoce et ceux
était variable : six étaient tombés dans un trou, 2 avaient atterri sur dont le diagnostic était retardé.
un terrain trop meuble. L’atterrissage était considéré comme nor- Le recul moyen était de 28,8 mois (6–60 mois). En cas de retard
mal dans 1 seul cas. Pour tous les autres, un ou plusieurs incidents diagnostique, la durée d’inaptitude était plus longue et les séquelles
étaient survenus : 4 avaient atterri les pieds dégroupés, 3 avaient physiques plus importantes (craquement, douleur, raideur). Tous
heurtés le sol sur la pointe des pieds et 2 n’avait pas effectué le les patients dont le diagnostic et la prise en charge était faite dès la
« roulé-boulé ». phase initiale présentaient aucune séquelle.
Lors de l’accident, 8 patients avaient présenté une douleur
intense immédiate avec une impotence fonctionnelle totale immé-
diatement après le traumatisme. Les 4 autres cas rapportaient une 4. Discussion
douleur modérée sans impotence fonctionnelle immédiate. Une
sensation de craquement était présente dans 6 cas. Cette étude a confirmé les difficultés diagnostiques de cette frac-
Lors de l’examen clinique initial, le médecin généraliste retrou- ture isolée de la malléole postérieure du tibia chez les parachutistes.
vait un hématome dans 4 cas, qui était toujours associé à une Premièrement, l’examen clinique, initial était paucisymptoma-
impotence fonctionnelle totale. Dans les 8 autres cas, l’appui était tique dans plus de la moitié des cas et peu spécifique. Cette
possible mais douloureux. Une douleur à la palpation des reliefs observation corrobore avec celles de Boggs [4] en 1986 et Nugent
318 G. Comat et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100 (2014) 316–320

Tableau 1
Résultats comparatifs du traitement entres les patients immobilisés précocement et ceux avec un retard diagnostique.

Patients Nombre Traitement Durée inaptitude Séquelles

Traitement précoce 4 Plâtre 5,5 mois (4–6 mois) 0


Traitement 8 Fonctionnel = 6 cas (75 %) 6,8 mois (3–20 mois) et 6
retardé Plâtre = 2 cas (25 %) 2 inaptes définitifs (75 %)

et Gale [5] en 1990 qui retrouvaient un tableau clinique avec des sportifs et sélectionnés rigoureusement avant d’incorporés dans les
impotences fonctionnelles partielles et qui insistaient cependant troupes aéroportés. De plus, la technique de réception de saut a été
sur un signe clinique assez spécifique pour eux qui était la douleur modifiée car elle consistait à l’époque à réaliser un « roulé-boulé »,
rétromalléolaire médiale, qui était présent que 4 fois dans notre pieds non groupés, vers l’avant, ce qui favorisait les réceptions en
étude. hyperflexion plantaire et donc la survenue de fracture malléolaire
Deuxièmement, au niveau radiologique, 25 % des fractures, dans postérieure. Dans notre série, une erreur de position à la réception
notre série, ne présentaient pas les critères d’Ottawa [8,9] et donc avec une hyperflexion plantaire était retrouvée dans la majorité des
auraient été négligées dès la phase initiale en respectant ces cri- cas. Cette hyperflexion plantaire entraîne un impact du talus sur la
tères. De nombreux auteurs ont rappelé le manque de sensibilité et marge postérieure du tibia à l’origine de la fracture. Ce mécanisme
de spécificité de ces critères. Glas et al. [10] en 2002 insistaient sur la traumatique avait déjà été bien décrit par Tobin [1], Nugent et Gale
supériorité de l’expérience du clinicien sur les critères d’Ottawa et [5] et Boggs [4]. En effet, le mécanisme lésionnel résulterait d’une
Bachmann et al. en 2003 [11] considéraient ces critères comme trop force principale de compression axiale par le talus sur la marge
subjectifs, notamment à la phase aiguë. Kelly et al. [12] et Warren postérieure du tibia lors de la flexion plantaire, correspondant à un
et Knottenbelt [13] proposaient d’exclure tout traumatisme à haute
vélocité (chute d’un lieu élevé, traumatisme en hyperextension) de
la soumission à ces critères.
Troisièmement, sur le plan des résultats des analyses radiolo-
giques, il faut noter la faible sensibilité du diagnostic radiogra-
phique dans notre série car même si tous nos patients avaient eu
une imagerie dès la phase initiale avec des clichés radiographiques
simples en incidences standards (face et profil), seules 25 % des frac-
tures, de notre série, étaient diagnostiquées dès la phase initiale
(Fig. 1A et B). Dans les autres cas, le diagnostic avait été corrigé soit
à la relecture des clichés initiaux soit par une imagerie complé-
mentaire. En 1971, Mandell [3] estimait déjà que la superposition
du tibia et de la fibula pouvait masquer cette fracture. Il suggérait
de réaliser un profil avec légère rotation externe du pied afin de
dégager la fibula en arrière de la marge postérieure du tibia, pour
détecter cette lésion. Ebraheim et al. [14], partant du même constat,
proposaient de réaliser un cliché avec une rotation externe à 50◦
du pied. Ainsi, il apparaît donc nécessaire de réaliser cette inci-
dence particulière de rotation externe de la cheville, devant toute
suspicion clinique (douleur rétromalléolaire médiale) ou contexte
évocateur d’une hyperflexion plantaire (chute sur la pointe des
pieds, trou, relief favorisant l’hyperextension du pied) en complé-
ment des clichés habituellement utilisés en traumatologie courante
de la cheville. En cas de doute, la réalisation d’une TDM nous semble
aussi licite pour le diagnostic positif et évaluer précisément la taille
et le déplacement de la fracture. En effet, même si dans notre série,
le fragment marginal postérieur n’était pas déplacé et n’excédait
pas le un tiers de la surface articulaire, plusieurs auteurs [15–17]
remarquaient que dans cette fracture la taille du fragment frac-
turé était souvent sous-évaluée par le cliché radiographique latéral
standard du fait de l’obliquité du trait de fracture, justifiant l’emploi
systématique d’une TDM [18].
Ainsi, malgré le caractère rétrospectif de cette série et la petite
taille de notre échantillon, nous avons pu mettre en évidence le
manque de sensibilité du bilan clinique et radiologique pour le
diagnostic positif de cette fracture. Ces difficultés doivent être
connues des praticiens qui peuvent être amenés à prendre en
charge ces sportifs même si cette fracture semble être rare. En effet,
l’incidence de survenue de fracture isolée de la marge postérieure
était de 0,0002 % dans notre série. Pour Nugent et Gale [5], son inci-
dence est d’environ 1 %. En revanche, Tobin [1] en 1943 rapportait
une incidence de 12 % chez les parachutistes à l’époque. Ces dif-
férences entre les séries peuvent s’expliquer par l’évolution des
techniques de saut, de la préparation des militaires et du matériel. Fig. 1. Fracture métaphyso-épiphysaire articulaire du tiers postéro-inférieur du
En effet, la population étudiée est constituée de jeunes hommes tibia. A. En radiologie standard. B. En TDM.
G. Comat et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100 (2014) 316–320 319

tiers de la surface articulaire, donc un traitement orthopédique


a été réalisé, ce qui montre l’intérêt du diagnostic précoce pour
débuter une immobilisation plâtrée dès le traumatisme initial. En
effet, la présence d’une fracture marginale postérieure semble être
responsable d’une augmentation significative des complications
arthrosiques dans les atteintes de la pince bimalléolaire, même en
cas de petits fragments marginaux postérieurs [6,18,21]. Cette frac-
ture a donc un fort potentiel arthrogène, surtout en cas de retard
diagnostique et thérapeutique car c’est une fracture articulaire
concernant un fragment osseux mal vascularisé (aucun muscle ne
s’insère sur cette face postéro-inférieure du tibia). De plus, le pilon
tibial doit supporter sur une surface réduite de 4 cm2 , l’ensemble du
poids du corps, ce qui entraîne des contraintes importante [22–24].
Toute diminution de cette surface articulaire est donc potentielle-
ment d’arthrogène du fait de l’augmentation des contraintes par
unité de surface. En cas de fracture non déplacée, un traitement
orthopédique est recommandé [21] car le risque de développer une
arthrose de l’articulation tibio-talienne après un traitement ortho-
pédique est faible. En revanche, il est recommandé de réduire à
ciel ouvert et de fixer toute fracture déplacée dépassant 25 % de
surface articulaire, réduisant ainsi significativement l’incidence de
l’arthrose post-traumatique [22].

5. Conclusion

La fracture marginale postérieure isolée du tibia, entité patholo-


gique assez spécifique du parachutisme, est une lésion à connaître
et à savoir évoquer car les signes fonctionnels sont trompeurs et
les signes physiques peu spécifiques. Le dépistage précoce dans les
troupes parachutistes devra rechercher les circonstances à risque
(sauts de nuit, avec gaine, terrain irrégulier, vent dans le dos).
L’examen clinique doit rechercher une douleur rétromalléolaire
interne. Les critères d’Ottawa ne doivent pas être appliqués en
présence de ces éléments de suspicion. Les radiographies doivent
comprendre une incidence en rotation externe. Si le diagnostic n’est
pas réalisé mais que cette douleur est toujours présente lors d’une
réévaluation précoce à 7 jours, une TDM précoce est recommandée
(Fig. 2). Tout retard diagnostique diminuera le pronostic fonction-
nel. En dehors du parachutisme, tous ces éléments peuvent être
également utiles pour les traumatismes avec chute d’une hauteur
Fig. 2. Diagramme décisionnel devant une suspicion de fracture isolée de la malléole importante en traumatologie « classique ».
postérieure (RICE : rest, ice, compression and elevation).

Déclaration d’intérêts
stade C de la classification de Kleiger [19]. Ces fractures peuvent
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-
s’associer à une rupture des ligaments tibiofibulaires antérieurs et
tion avec cet article.
postérieurs. Actuellement, la technique a été modifiée et consiste
en un « roulé-boulé » latéralisé avec les pieds groupés (Fig. 2).
Bricknell et Craig [20] dans leur méta-analyse cherchant à déter- Références
miner avec précision les taux des différentes lésions traumatiques
[1] Tobin WJ. Paratrooper fracture. Arch Surg 1943;46:780–3.
observées dans le parachutisme militaire depuis 1940 jusqu’à 1999,
[2] Commission sociomédicale de l’Association nationale des anciens parachu-
reconnaissaient que le passage d’une technique d’atterrissage à tistes. Pathologie du parachutisme. 1984.
l’autre avait considérablement diminué les lésions traumatiques [3] Mandell J. Isolated fractures of the posterior tibial lip at the ankle as
demonstrated by an additional projection, the “poor” lateral view. Radiology
lors de cette phase critique. Cette fracture semble ainsi concerner
1971;101:319–22.
principalement les parachutistes du fait des caractéristiques de ce [4] Boggs LR. Isolated posterior malleolar fractures. Am J Emerg Med
sport. 1986;4:334–6.
Enfin, nous pouvons nous interroger sur les conséquences de ce [5] Nugent JF, Gale BD. Isolated posterior malleolar ankle fractures. J Foot Surg
1990;29:80–3.
retard diagnostique sur la prise en charge et son résultat. Il semble [6] Donken CC, Goorden AJ, Verhofstad MH, Edwards MJ, van Laarhoven CJ. The
dans notre étude que le retard diagnostique de cette fracture soit outcome at 20 years of conservatively treated ‘isolated’ posterior malleolar
responsable d’un résultat fonctionnel moins bon et de séquelles fractures of the ankle: a case series. J Bone Joint Surg Br 2011;93:1621–5.
[7] Picot G, Cunéo B. L’intervention sanglante dans les fractures malléolaires. J Chir
plus importantes. En effet, aucun des 4 cas plâtrés dès la phase (Paris) 1923;21:529–42.
initiale n’a rapporté de séquelles à terme. Au contraire, 75 % des [8] Stiell IG, Greenberg GH, McKnight RD, Nair RC, McDowell I, Worthington JR.
cas diagnostiqués en retard ont rapporté des séquelles à type de A study to develop clinical decision rules for the use of radiography in acute
ankle injuries. Ann Emerg Med 1992;21:384–90.
douleurs, sensations de craquement, raideur ou troubles vasomo- [9] Stiell IG, Greenberg GH, McKnight RD, Nair RC, McDowell I, Reardon M, et al.
teurs. Du point de vue thérapeutique, dans notre série, le fragment Decision rules for the use of radiography in acute ankle injuries. Refinement
marginal postérieur n’étant pas déplacé et n’excédait pas le un and prospective validation. JAMA 1993;269:1127–32.
320 G. Comat et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100 (2014) 316–320

[10] Glas AS, Pijnenburg BA, Lijmer JG, Bogaard K, Keeman JN, Butzelaar RM, et al. [17] van den Bekerom MP, Haverkamp D, Kloen P. Biomechanical and clinical eva-
Comparison of diagnostic decision rules and structured data collection in luation of posterior malleolar fractures. A systematic review of the literature. J
assessment of acute ankle injury. CMAJ 2002;166:727–33. Trauma 2009;66:279–84.
[11] Bachmann LM, Kolb E, Koller MT, Steurer J, Ter Riet G. Accuracy of Ottawa ankle [18] Jaskulka RA, Ittner G, Schedl R. Fractures of the posterior tibial margin: their
rules to exclude fractures of the ankle and mid-foot: systematic review. BMJ role in the prognosis of malleolar fractures. J Trauma 1989;29:1565–70.
2003;326:417. [19] Kleiger B. Mechanisms of ankle injury. Orthop Clin North Am 1974;5:127–46.
[12] Kelly AM, Richards D, Kerr L, Grant J, O’Donovan P, Basire K, et al. Failed valida- [20] Bricknell MC, Craig SC. Military parachuting injuries: a literature review. Occup
tion of a clinical decision rule for the use of radiography in acute ankle injury. Med (Lond) 1999;49:17–26.
N Z Med J 1994;107:294–5. [21] De Vries JS, Wijgman AJ, Sierevelt IN, Schaap GR. Long-term results of ankle
[13] Warren NP, Knottenbelt JD. The Ottawa Ankle rules and missed fractures of the fractures with a posterior malleolar fragment. J Foot Ankle Surg 2005;44:
talus. Emerg Med J 2001;18:521. 211–7.
[14] Ebraheim NA, Mekhail AO, Haman SP. External rotation-lateral view of [22] Kimizuka M, Kurosawa H, Fukubayashi T. Load-bearing pattern of the ankle
the ankle in the assessment of the posterior malleolus. Foot Ankle Int joint. Contact area and pressure distribution. Arch Orthop Trauma Surg
1999;20:379–83. 1980;96:45–9.
[15] Macko VW, Matthews LS, Zwirkoski P, Goldstein SA. The joint-contact area of [23] Libotte M, Klein P, Colpaert H, Alameh M, Blaimont P, Halleux P. [Biome-
the ankle. The contribution of the posterior malleolus. J Bone Joint Surg Am chanical study of the ankle joint]. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot
1991;73:347–51. 1982;68:299–305.
[16] Neumaier Probst E, Maas R, Meenen NM. Isolated fracture of the posterolateral [24] Ramsey PL, Hamilton W. Changes in tibiotalar area of contact caused by lateral
tibial lip (Volkmann’s triangle). Acta Radiol 1997;38:359–62. talar shift. J Bone Joint Surg Am 1976;58:356–7.

Vous aimerez peut-être aussi