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CHAPITRE ►--------------------------------------
Tumeurs des os
p rimitives et secondaires
Pr Jean-Yves Blay', Pr François Gouin2, Dr Marie-Hélène Vieillard', Pr Jean-Michel Coindre', Pr Nicolas Penel'
'Centre Léon Bérard, Lyon
'Service Orthopédie, CHU Nantes
•Service de Rhumatologie, CHRU de Lille
•institut Bergonié, Bordeaux
'Centre Oscar Lambret, Lille
OBJECTIF iECN
Mots clés: Sarcomes - Ostéosarcome - Sarcome
➔ Tumeurs des os primitives et secondaires d'Ewing - Chondrosarcome - Tumeurs bénignes -
- Diagnostiquer une tumeur des os primitive Métastases - IRM - TDM - Prédisposition génétique.
et secondaire
• Les cancers osseux primitifs sont rares et rassemblent des types histologiques différents. Leur incidence est
< 0,7/100 000/an. Les tumeurs osseuses primitives bénignes sont plus fréquentes et hétérogènes. Elles peuvent
rarement se transformer en tumeurs malignes.
• Les tumeurs bénignes ou malignes des os affectent le plus souvent des enfants ou des adolescents et adultes jeunes,
mais peuvent cependant survenir à tout âge.
• Les facteurs de risque des cancers osseux primitifs sont: une prédisposition génétique (mutation germinale de Rb,
p53), une radiothérapie antérieure (cancer en territoire irradié), une tumeur bénigne préexistante, isolée ou dans
le cadre d'un syndrome (maladie des exostoses multiples, maladie d'Ollier).
• Les facteurs de risque de développer des métastases osseuses dépendent de la tumeur primitive.
• Pour les cancers osseux primitifs ou pour les tumeurs bénignes primitives des os, l'obtention du type anatomo
pathologique précis est indispensable au choix du traitement.
• Le diagnostic d'une tumeur osseuse est une des étapes clé de la prise en charge, et doit être réalisé par une équipe
entrainée. L'Institut National du Cancer a labellisé des centres de référence pour la prise en charge clinique des
sarcomes, pour la relecture anatomo-pathologique des sarcomes, et pour la prise en charge des sarcomes osseux
(réseaux NETSARC, RREPS et RESOS). La prise en charge doit se faire dans les centres de ces réseaux.
• La prise en charge diagnostique comprend l'examen clinique, un bilan d'imagerie adaptée, une biopsie par une
équipe entraînée. Une procédure diagnostique inadéquate peut conduire à une réduction importante des chances
de guérison, ou imposer une chirurgie mutilante.
UE 9 - ITEM 304 1 TUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES 281 ◄
• 90 % des tumeurs osseuses primitives sont localisées au diagnostic, et le plus souvent curables. La stratégie à visée
curatrice repose essentiellement sur une chirurgie large, associée selon le diagnostic anatomo-pathologique à une
chimiothérapie et plus rarement à une radiothérapie.
• Environ 50 % des tumeurs osseuses primitives malignes présenteront une rechute métastatique. Les chances de
guérison sont alors voisines de 10 à 20 %.
• Les tumeurs osseuses primitives bénignes requièrent le plus souvent un traitement chirurgical exclusif ; elles
peuvent être dans certains cas simplement surveillées.
• Les os sont également un site privilégié pour la dissémination métastatique de nombreux cancers. Les straté
gies diagnostiques et thérapeutiques dépendent du tableau clinique et de la localisation du cancer primitif. Les
tumeurs osseuses secondaires (ou métastases osseuses) sont fréquentes, notamment pour les cancers bronchiques,
du sein, de la prostate, du rein ... Les métastases osseuses surviennent le plus souvent après 50 ans avec une épi
démiologie qui est celle de la tumeur primitive.
1. Épidémiologie
1. 1. Épidémiologie descriptive
1.1.1. Épidémiologie des cancers osseux primitifs
• Les cancers primitifs des os sont très majoritairement des sarcomes, cancers du tissu conjonctif. Il s'agit beau
coup plus rarement de localisation osseuse de lymphomes. Le myélome multiple est une maladie de la moelle
osseuse. Myélomes et lymphomes font l'objet d'une question spécifique et ne sont pas traités ici.
• Les sarcomes osseux sont rares: 500 nouveaux cas par an en France, dont la majorité survient dans l'enfance
(Figure 1). Cependant, des sarcomes osseux peuvent être diagnostiqués à tout âge.
• On rencontre plus de 10 types anatomo-pathologiques de sarcomes osseux. Les plus fréquents sont les ostéo
sarcomes (appelés également sarcomes ostéogéniques), les sarcomes d'Ewing, et les chondrosarcomes.
• On observe une prédominance masculine avec un sexe-ratio voisin de 1,5.
• Les ostéosarcomes et les sarcomes d'Ewing ont deux pics d'incidence : vers 14 ans puis vers 60 ans pour les
ostéosarcomes; vers 16 ans puis vers 50 ans pour les sarcomes d'Ewing. En revanche, les chondrosarcomes ont un
pic d'incidence plus tardif, vers 50 ans (Figure 2).
• Les autres tumeurs osseuses primitives surviennent souvent à des âges spécifiques de la vie, volontiers chez les
enfants et les adultes jeunes (tumeurs à cellules géantes,« ostéoclastomes » chez les adultes jeunes par exemple).
• Les patients affectés par les très rares syndromes de tumeurs osseuses multiples (syndrome des exostoses mul
tiples, syndrome des enchondromes multiples), présentent des tumeurs osseuses bénignes dans plusieurs os dès
l'enfance, avec une évolutivité variable en fonction des syndromes. Ces tumeurs bénignes peuvent se transformer
en sarcomes; il s'agit le plus souvent alors de chondrosarcomes.
20,0
18,0
0
0
0 16,0
....
0 - Ensemble des sarcomes
0
14,0 -- Sarcomes des tissus mous
Cl)
12,0 _,._ Sarcomes viscéraux
Cl)
10,0 -- Sarcomes osseux
•Cl) 8,0
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0-9 10-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80-89 90+
Age
0
0,7 -+- Ewing / 100,000
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Age
2.2. Ostéosarcome
• Les ostéosarcomes sont des sarcomes osseux qui produisent une matrice ostéoïde anormale (Figure 3).
• L'ostéosarcome peut affecter tous les os mais survient principalement sur les os longs, au niveau de la méta
physe. Chez l'adolescent, il survient le plus souvent,« près du genou et loin du coude», sur l'extrémité inférieure
du fémur, l'extrémité supérieure du tibia, l'extrémité supérieure de l'humérus. Les ostéosarcomes peuvent cepen
dant affecter tous les os longs et tous les os plats.
• Les ostéosarcomes sont le plus souvent (90 %) des cancers de haut grade histologique, avec un risque métas
tatique élevé en l'absence de traitement par chimiothérapie (80 % de risque de rechute métastatique sans chimio
thérapie).
• 10 % des ostéosarcomes sont de bas grade histologique. Leur risque de rechute métastatique est limité (les ostéo
sarcomes de bas grade sont traités habituellement par chirurgie seule).
• Le traitement classique des ostéosarcomes de haut grade comporte plusieurs cures de chimiothérapie néo
adjuvante avant l'intervention chirurgicale: l'examen histologique effectué sur la pièce de résection de la tumeur
permet de déterminer le pourcentage de cellules tumorales résiduelles viables après chimiothérapie, ce qui est un
facteur pronostique majeur.
• Sur le plan moléculaire, les ostéosarcomes présentent fréquemment des mutations de p53 et/ou Rb, ainsi que de
multiples anomalies génomiques encore mal comprises.
• Le sarcome d'Ewing peut affecter tous les os mais survient plus souvent que l'ostéosarcome sur les os plats,
bassin, vertèbre, omoplate. Sur les os longs, il peut avoir une topographie diaphysaire ou métaphysaire. Le sar
come d'Ewing peut affecter cependant tous les os longs et tous les os plats.
• 30 % des sarcomes d'Ewing surviennent dans les parties molles ou dans les viscères. Leur examen histologique
et leur traitement sont les mêmes quel que soit la topographie de la tumeur primitive.
• Les sarcomes d'Ewing sont toujours des cancers de haut grade histologique, avec un risque métastatique élevé
en l'absence de traitement par chimiothérapie (80 % de risque de rechute métastatique sans chimiothérapie).
• Sur le plan moléculaire, les sarcomes d'Ewing présentent une translocation spécifique caractéristique, qui est
un outil diagnostique. Cette translocation (11, 22) juxtapose le gène EWS et un gène appelé Flil, donnant lieu
à un gène codant pour un facteur de transcription anormal. Cette anomalie génomique est caractéristique et est
utilisée à visée diagnostique (FISH ou PCR). De nombreuses translocations variantes sont décrites: certaines sont
associées à un pronostic différent.
• Le traitement classique des sarcomes d'Ewing, comme pour les ostéosarcomes, comporte plusieurs cures de
chimiothérapie néo-adjuvante avant l'intervention chirurgicale : l'examen histologique effectué sur la pièce de
résection de la tumeur permet de déterminer le pourcentage de cellules tumorales résiduelles après chimiothéra
pie, ce qui est un facteur pronostique majeur. C'est une tumeur sensible à la radiothérapie qui peut, dans certains
cas, être proposée.
2.4. Chondrosarcome
• Les chondrosarcomes sont des sarcomes osseux qui produisent une matrice cartilagineuse anormale (Figure 5).
• Le chondrosarcome peut affecter tous les os mais survient principalement sur les os plats (bassin, vertèbres,
omoplates, l'extrémité supérieure du fémur et de l'humérus).
• Les chondrosarcomes sont beaucoup plus hétérogènes que les ostéosarcomes : on distingue les chondrosar
comes de grade 1, 2, et 3, et des formes rares (dédifférenciés, mésenchymateux, myxoïdes). Leurs pronostics
respectifs sont totalement différents.
• Ils peuvent survenir sur une tumeur bénigne pré-existante : maladie exostosante (ou exostoses multiples),
enchondromes multiples (ou maladie d'Ollier) sont les plus fréquentes.
• Les chondrosarcomes sont le plus souvent (70 %) des cancers de bas grade histopronostique avec un risque
métastatique très faible.L'examen histologique permet parfois difficilement de les distinguer d'un enchondrome,
tumeur bénigne dont la topographie est similaire.
• Le diagnostic des chondrosarcomes de grade 1 repose sur des critères histologiques, mais aussi cliniques (dou
leurs) et radiologiques (érosions corticales). Douleurs et érosions corticales les distinguent des tumeurs cartilagi
neuses bénignes.
• Très rarement les chondrosarcomes surviennent en dehors des os, dans les tissus mous ou les viscères.
• Sur le plan moléculaire, les chondrosarcomes présentent des mutations très différentes selon les sous types his
tologiques et le grade (mutations IDHl et 2, p53, translocations ...).
• Sur le plan thérapeutique ces tumeurs sont peu ou pas sensibles à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Leur
traitement repose donc essentiellement sur la chirurgie.
• L'anamnèse identifie l'absence d'antécédent de cancer (un antécédent de cancer n'exclut pas une tumeur pri-
mitive osseuse).
• Le tableau clinique évocateur doit conduire à un bilan sans délai.
• L'examen radiologique simple doit être le premier examen.
• Il est recommandé de rechercher d'éventuels documents radiologiques antérieurs.
• La biopsie ne doit être entreprise qu'après avis d'une RCP spécialisée dans les tumeurs osseuses et des parties
molles.
3. 1. Circonstances de découverte
3.1.1. Signes et symptômes en rapport avec l'extension locale et régionale
• Augmentation de volume d'une pièce osseuse ou d'une articulation sans facteur traumatique déclenchant :
ne pas se laisser piéger par un traumatisme minime présenté comme causal par le patient ou sa famille et qui est
en fait révélateur.
• Douleur, souvent de caractère inflammatoire, parfois résistante aux antalgiques.
• Impotence fonctionnelle, boiterie.
Noter la topographie métaphysaire, l'ostéolyse mal limitée, la rupture corticale, et l'envahissement des parties
molles adjacentes (6 a et 6 b) ainsi que l'image en feu d'herbe qui correspond à un tissu ostéoïde tumoral dans les
parties molles (6 b), bien visible sur la pièce de résection (6 c).
L'aspect radiologique est ici caractéristique avec épaississement cortical et élargissement du canal médullaire, appo
sitions périostées (dépôts de couches parallèles au cortex: aspect en bulbe d'oignon).
• Aucun dosage de marqueur tumoral n'est indiqué pour le diagnostic (ou l'évaluation pronostique). Les hyper
calcémies sont exceptionnelles en cas de tumeur osseuse primitive (contrairement aux métastases osseuses).
• Une NFS et CRP peuvent être pratiquées s'il existe un doute avec une ostéite ou une ostéomyélite, diagnostic
différentiel des tumeurs osseuses primitives.
• Il sera complété après réception de l'examen histologique en fonction de la nature de la maladie.
• Les prélèvements histologiques doivent être fixés dans le formol. Une partie peut être congelée pour analyse
moléculaire.
S. Bilan pré-thérapeutique
BILAN GÉNÉRAL
-Indice d'activité (grade OMS)
-Statut de croissance (maturité squelettique)
- Quantifier amaigrissement et dénutrition
- Bilan cardio-vasculaire, avec mesure de la fraction d'éjection ventriculaire gauche, (les anthracyclines sont
utilisées pour le traitement des sarcomes d'Ewing et des ostéosarcomes de haut grade)
-Sérologies VIH, hépatites B et Cet syphilis et cryoconservation de sperme
Examen radiologique, biopsie première, et analyse du dossier en RCP avant biopsie si possible sont
les éléments clés de la prise en charge des cancers primitifs des os.