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UE9 Item 299

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CHAPITRE
►-----T_u_m_e _ u_r_s_c_u_ta_n_ e_e_' se__ 'p_it_h_éi_l a__ les_ ___
e tmél aniques
Dr Luca Campedel', Pr Bernard Dubray2, Dr Émilie Andrieu', Dr Luis Teixeira•
'Sénopôle Saint Louis, Hôpital Saint Louis, AP-HP, Paris
'Département de Radiothérapie et Physique Médicale, Centre Henri-Becquerel, Rouen
'Département de Dermatologie, Hôpital Charles Nicolle, Rouen
•Sénopôle Saint Louis, Service d'Oncologie Médicale, Hôpital Saint Louis. AP-HP, Paris

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. .
[ 1. Tumeurs épithéliales bénignes à HPV 3.3. Facteurs de risque (
[ 1.1. Définition 3.4. Évolution, pronostic (
1.2. Épidémiologie 3.5. Diagnostics différentiels
1.3. Physiopathologie, histoire naturelle 3.6. Approches thérapeutiques
1.4. Diagnostic 3.7. Suivi
1.5. Évolution, pronostic 4. Tumeurs mélaniques malignes: mélanomes
1.6. Diagnostics différentiels 4.1. Définition
1.7. Approches thérapeutiques 4.2. Épidémiologie
1.8. Suivi 4.3. Physiopathologie, histoire naturelle
2. Carcinomes cutanés 4.4. Diagnostic
2.1. Carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires 4.5. Facteurs de risque
2.2. Carcinomes basocellulaires 4.6. Évolution, pronostic
3. Tumeurs mélaniques bénignes: naevus 4.7. Diagnostics différentiels
3.1. Physiopathologie 4.8. Approches thérapeutiques
3.2. Formes cliniques 4.9. Suivi et prévention

OBJECTIFS iECN
-+ Tumeurs cutanées, épithéliales et mélaniques Mots clés: Carcinome - Tumeurs cutanées -
- Diagnostiquer une tumeur cutanée, épithéliale ou Nëevus - Mélanome - UV - HPV- Braf- Ras -
mélanique. Immunothérapie.
- Planifier le suivi du patient.

• La plupart des tumeurs cutanées se développent aux dépens des kératinocytes et des mélanocytes de l'épiderme.
Seules seront abordées dans cet item les tumeurs épithéliales bénignes (verrues à HPV) et malignes (carcinome
épidermoïde et basocellulaire cutanés) et les tumeurs mélanocytaires bénignes (nœvus) et malignes (mélanome).
• Toutes ces tumeurs, saufles verrues à HPV, partagent un facteur de risque commun, l'exposition au rayonnement
ultraviolet (UV).
• Pour ce qui est des tumeurs malignes, les tumeurs épithéliales sont de loin les plus fréquentes, le cancer basocel­
lulaire de la peau étant même la tumeur humaine la plus fréquente, et en général de bon pronostic. À l'inverse, le
mélanome, quand il devient métastatique, a un pronostic très sombre, même si les nouvelles thérapies ont révo­
lutionné son pronostic.

Pour comprendre: les UV sont définis en UV A/B/C en fonction de leur longueur d'onde (de la plus longue à
la plus courte, de A à C). Via des mécanismes différents, directs ou indirects, ces trois types d'UV peuvent être
responsables de lésions cutanées bénignes ou malignes liées à la photoexposition. Ils ne seront donc pas
différenciés par la suite.

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1. Tumeurs épithéliales bénignes à HPV («verrues»)
1.1. Définition
• Elles correspondent aux lésions dues à HPV (Human papillomavirus) dont il existe plus de 120 génotypes diffé­
rents.
1.2. Épidémiologie
• Elles touchent environ 10 % de la population générale et sont plus fréquentes en cas d'immunodépression au long
cours (greffes d'organe).

1.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• La transmission virale se fait par contact direct. Les HPV infectent les kératinocytes de la couche basale, qui se
transforment en koïlocytes, après rupture de la barrière cutanée lors d'un micro-traumatisme local. Les HPV ont
un tropisme exclusif pour les épithéliums malpighiens, dont l'épithélium cutané.

1.4. Diagnostic
• Le diagnostic est clinique et il n'est en aucun cas nécessaire de réaliser une biopsie en cas de lésion typ ique.
• Il existe différents types de verrues :
- les verrues plantaires : on distingue :
► la myrmécie liée à HPVl, la plus fréquente, profonde, douloureuse spontanément et à la pression,
circonscrite par un anneau kératosique dont la surface de la zone centrale est le siège de micro-hémorragies
(ponctuations noirâtres), généralement unique ou peu nombreuses;
► ou la verrue en mosaïque, liée à HPV2, superficielle, moins fréquente et non douloureuse, formée de
multiples verrues regroupées en un placard kératosique. La coexistence de ces deux types de lésions est
exceptionnelle.
- les verrues vulgaires : uniques ou multiples, infracentimétriques, sous forme d'élevures hémisphériques ou
aplaties avec saillies villeuses kératosiques, situées le plus souvent sur la face dorsale des mains et des doigts et
dues à HPV2. L'atteinte péri-unguéale ou sous-unguéale entraîne des douleurs et une dystrophie unguéale;
- les verrues planes communes, dues à HPV3, sous forme de papules roses, jaunes, brunes ou chamois, à surface
lisse, siégeant le plus souvent sur le visage, mais aussi sur le dos des mains et sur les membres.

1.5. Évolution, pronostic


• Les verrues à HPV peuvent persister plusieurs années, mais, dans la plupart des cas, elles disparaissent spontané­
ment en un à deux ans. Les récidives sont fréquentes, en raison de l'auto-inoculation.

1.6. Diagnostics différentiels


• Les principaux diagnostics différentiels à évoquer sont :
- durillon, également appelé « cor », qui est un épaississement de la couche superficielle de la peau lié aux
frottements, qui contrairement aux verrues garde l'aspect de la peau avoisinante (architecture en lignes
cutanées) ;
- cicatrice fibreuse;
- granulome secondaire à l'inclusion de corps étrangers, soit exogènes (talc, fil de suture ...), soit endogènes
(tophus goutteux ...) dans l'épiderme et d'aspect nodulaire. Au moindre doute, la biopsie avec analyse anatomo­
pathologique fera le diagnostic (granulome hyp erbasophile à cellules géantes);
- une autre tumeur cutanée bénigne ou maligne ; le diagnostic doit être formel et reposera sur la biopsie au
moindre doute.

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1.7. Approches thérapeutiques

Il n'existe pas de moyen d'éradiquer le virus HPV. Les papillomavirus humains (HPV) sont retrouvés de façon
ubiquitaire dans les tissus épithéliaux humains.

• Le traitement est celui de la lésion et doit dans tous les cas éviter d'être trop agressif, en particulier chez les enfants.
• En cas de persistance des lésions, on peut envisager différents traitements :
- destruction chimique par kératolytiques, simple et non douloureuse ;
- cryothérapie ;
- laser CO 2 •
• Le traitement préventif comprend l'éviction des situations à risque (salles de sport, douches communes ...) et les
soins d'hygiène dans les familles dont un membre est atteint.
1.8. Suivi
• Pour les patients immunodéprimés, une surveillance dermatologique annuelle est préconisée.

2. Carcinomes cutanés
• Les cancers épithéliaux de la peau se développent à partir des kératinocytes de l'épiderme. Ce sont les cancers les
plus fréquents dans les deux sexes (homme> femme). Ils surviennent préférentiellement chez les sujets de plus de
60 ans (l'âge étant un facteur de risque) et sur les zones exposées au soleil, qui est le principal facteur étiologique.
Ils représentent 90 % des cancers cutanés.

2.1. Carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires

2.1.1. Définition
• Les carcinomes épidermoïdes correspondent à une prolifération de cellules kératinocytaires de grande taille, orga­
nisées en lobules ou en travées, de disposition anarchique.

2.1.2. Épidémiologie
• Les carcinomes épidermoïdes apparaissent le plus souvent après 60 ans. L'âge moyen de découverte est de 76 ans.
L'incidence annuelle en France est estimée à 30/100 000 dans la population générale. La prise en charge est sou­
vent complexe du fait des comorbidités, de la présence de troubles cognitifs et de l'isolement social de patients très
âgés (fréquence des lésions négligées).

2.1.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• La plupart du temps, le carcinome épidermoïde se développe à partir d'une lésion précancéreuse cutanée ou
muqueuse qui, elle-même, va se transformer en carcinome non invasif ne franchissant pas la membrane basale
(carcinome intra-épithélial, intra-épidermique, in situ ou maladie de Bowen).

2.1.3.1. Lésion précancéreuse cutanée


• La kératose actinique se développe sur les zones photoexposées (front, tempes, scalp chauve, pavillon des oreilles,
dos des mains et des bras). Elle correspond à des lésions squameuses ou croûteuses multiples mal limitées, par­
fois érythémateuses et micro-ulcérées, ou de fines rugosités à la palpation saignant facilement après grattage.
L'évolution peut se faire selon trois modalités: la disparition spontanée, la persistance ou la progression vers un
carcinome épidermoïde cutané. Dix à 25 % des kératoses actiniques se transforment en carcinome in situ, puis en
cancer infiltrant. La présence de kératose actinique est un facteur de risque de cancer cutané.
• Les signes de cancérisation sont l'apparition d'un bourrelet induré, d'une ulcération, d'une rougeur exces­
sive, ou d'une kératinisation en corne. Toute modification d'une kératose actinique impose une biopsie ou l'exé­
rèse chirurgicale.
UE 9 - ITEM 299 i ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 199 ◄
2.1.3.2. Lésion précancéreuse muqueuse
• Les leucoplasies sont des lésions blanchâtres bien limitées, asymptomatiques, adhérentes et ne saignant pas au
contact. Elles correspondent à une kératinisation de la muqueuse, en particulier labiale, due au tabac et aux UV.

2.1.3.3. Maladie de Bowen


• La maladie de Bowen est un carcinome épidermoïde intra-épithélial (in situ).
• L'aspect est celui d'une plaque rouge, bien limitée, à contours nets et irréguliers, recouverte de fines squames.
La lésion s'élargit lentement. Les localisations sont multiples dans un tiers des cas et peuvent être cutanées ou
muqueuses (vulve et gland). La fréquence de la progression vers un carcinome épidermoïde cutané n'est pas
connue avec précision.

2.1.4. Diagnostic
• Les carcinomes épidermoïdes siègent préférentiellement au niveau des zones photo-exposées (tête, cou, dos des
mains et des bras). Un examen clinique de l'ensemble du revêtement cutané est cependant indispensable à la
recherche d'autres lésions cancéreuses ou précancéreuses, en particulier chez les patients immunodéprimés.
• L'aspect est celui d'une tumeur bourgeonnante, indurée, saignant facilement, avec un centre ulcéré recouvert
de croûtes (Figure 1) mais la lésion peut également être végétante ou bourgeonnante. En cas de kératose ou de
maladie de Bowen préexistante, la survenue d'un cancer épidermoïde est suspectée devant une ulcération, une
surélévation, une induration ou un saignement.
• Dans tous les cas, une analyse anatomo-pathologique est indispensable au diagnostic.

Figure 1. Carcinome épidermoïde ulcéré

2.1.5. Facteurs de risque


• Le principal facteur de risque est la dose d'UV reçue au cours de la vie, avoc comme facteur de risque un phototype
cutané clair.
• Dans certains cas, le développement de carcinomes épidermoïdes des muqueuses peut être lié à HPV (col de l'uté­
rus, organes génitaux externes masculins et féminins, anus, oropharynx).
• Il existe d'autres facteurs de risque comme !'immunodépression, certaines maladies génétiques, certaines maladies
inflammatoires, les plaies chroniques, certains carcinogènes chimiques (arsenic...).

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Pour comprendre: la classification des phototypes de Fitzpatrick, qui ne sera pas détaillée, définit 6 types de
phototypes, le type 1 le plus clair correspondant à un individu qui ne bronze pas, attrape systématiquement
des coups de soleil, a la peau très claire avec des taches de rousseur et des cheveux blonds ou roux.

2.1.6. Évolution, pronostic


• L'évolution peut se faire:
- par voie locale(infiltration);
- par voie ganglionnaire, ce qui implique un examen systématique (clinique, échographie ou scanner) des aires
ganglionnaires;
- par voie hématogène et donner des métastases à distance vers d'autres organes, plus fréquemment dans le cas
des carcinomes épidermoïdes muqueux.
• Il existe également tin risque de récidive locale après traitement à visée curative.
• Les facteurs de risque d'évolution péjorative sont:
- les localisations péri-orificielles, les lésions multiples, la survenue sur cicatrice (radiodermite, brûlures), le
développement sur ulcère(insuffisance veineuse des membres inférieurs) et l'inflammation chronique;
- les localisations à haut risque: localisations péri-orificielles du visage, la survenue sur cicatrice(radiodermite,
brûlures), le développement sur ulcère(insuffisance veineuse des membres inférieurs);
- les lésions multiples;
- la taille> 2 cm(> 1 cm pour les zones péri-orificielles);
- l'infiltration en profondeur avec adhérence au plan profond;
- la présence de signes neurologiques d'invasion pour les carcinomes épidermoïdes cutanés de la face;
- la récidive locale d'un cancer déjà traité;
- !'immunodépression chronique(greffe d'organe);
- le sous-type histologique desmoplastique, muco-épidermoïde ou acantholytique;
- le degré de différenciation cytologique;
- l'épaisseur de la tumeur et la profondeur(l'épaisseur> 3 mm);
- l'invasion péri-nerveuse.

2.1.7. Diagnostics différentiels


• Ils sont représentés par les autres tumeurs cutanées et la kératose actinique. Au moindre doute, une biopsie sera
réalisée.

2.1.8. Approches thérapeutiques


• Le bilan d'extension est avant tout clinique, en particulier à la recherche d'autres carcinomes associés et d'adé­
nopathie dans le territoire de drainage. En cas de présence de facteurs de risque, une échographie du territoire
de drainage peut être demandée. Un bilan d'extension radiologique plus complet ne sera demandé qu'en cas
d'atteinte ganglionnaire avérée.
• En cas d'adénopathie suspecte, une confirmation histologique est nécessaire.
• Les décisions thérapeutiques sont validées en RCP, idéalement complétée par une consultation conjointe (der­
matologue, chirurgien, oncologue radiothérapeute). Dans tous les cas, l'information du patient doit précéder la
prise en charge.

2.1.8.1. Au stade localisé


• La prise en charge est avant tout chirurgicale, d'emblée si le diagnostic est évident, ou après confirmation par
biopsie dans les autres cas.

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• L'exérèse doit être complète avec des marges périphériques dépendant de la présence de facteurs de risque (4 à
6 mm en l'absence de facteur de risque,> 6 mm dans le cas contraire), et atteignant l'hyp oderme en profondeur.
En cas de marges atteintes sur l'examen anatomo-pathologique, une reprise chirurgicale est indiquée. Une radio­
thérapie post-opératoire est proposée lorsque la reprise chirurgicale est impossible, ou trop mutilante, ainsi qu'en
cas de lésion récidivante.
• En l'absence de chirurgie (maladie inextirpable, conséquence esthétique ou fonctionnelle, contre-indication à
l'anesthésie, comorbidités, refus du patient), une biopsie de confirmation diagnostique est indispensable. On peut
alors proposer
- une chimiothérapie de réduction tumorale à base de sels de platine ;
- une radiothérapie externe ou par curiethérapie interstitielle à visée curative ou palliative.
2.1.8.2. Au stade métastatique
• Dans le cas des métastases en transit de proximité, une prise en charge curative chirurgicale éventuellement asso­
ciée à une radiothérapie adjuvante peut être envisagée.
• En cas d'atteinte ganglionnaire, un curage est indiqué, plus ou moins associé à une radiothérapie complémentaire.
• Le traitement sera, dans tous les cas, discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire et pourra reposer sur la
chimiothérapie, la radiothérapie ou les thérapies ciblées (anti-EGFR).

2.1.9. Suivi et prévention


• La majorité des patients traités pour un carcinome épidermoïde cutané localisé est guérie par le traitement.
• Le suivi repose sur un examen clinique annuel pendant au moins 5 ans à la recherche de récidive ou de nouveau
cancer cutané (risque> 50 %). Les patients immunodéprimés sont suivis à vie. Les lésions pré-cancéreuses dépis­
tées (kératose actinique...) doivent être traitées.
• Le dépistage systématique dans la population générale n'a pas fait la preuve de la réduction de la morbidité ou de
la mortalité.
• Pour les patients traités ayant des facteurs de risque de récidive ganglionnaire, une échographie de la zone de
drainage peut être recommandée (pas de consensus). Les autres examens d'imagerie ne se feront que sur signes
d'appel.
• Chez les sujets à risque (phototyp e clair, exposition solaire cumulée élevée, sujets immunodéprimés, antécédent
personnel de cancer cutané...), le dépistage, réalisable lors de toute consultation médicale, est recommandé après
50 ans, au moins sur un rythme annuel. L'auto-examen doit être enseigné.
• La prévention doit être enseignée à tous et repose sur la diminution de l'exposition solaire, la photoprotection
(surtout la protection vestimentaire, moins sur les produits de protection solaire) en particulier pendant l'enfance
et l'adolescence.

2.2. Carcinomes basocellulaires

2.2.1. Définition
• Le carcinome basocellulaire est formé d'amas cellulaires kératinocytaires issus de la zone basale ou des follicules
pileux.

2.2.2. Épidémiologie
• Le cancer basocellulaire de la peau est la tumeur humaine la plus fréquente dans les deux sexes. Il représente
près de 30 % de l'ensemble des cancers. Il survient dans la plupart des cas après 50 ans. La fréquence des cancers
basocellulaires chez les personnes âgées (voire très âgées) entraîne des prises en charge parfois très complexes
(comorbidités, troubles cognitifs), à l'instar des carcinomes épidermoïdes (voir plus haut).

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2.2.3. Physiopathologie, histoire naturelle


• À la différence des carcinomes épidermoïdes, il n'existe pas de précurseur ou lésion précancéreuse.

2.2.4. Diagnostic
• La lésion typique est un nodule cutané surélevé siégeant sur la face, le cou, le décolleté, c'est-à-dire les zones
photo-exposées. Le carcinome basocellulaire n'atteint jamais les muqueuses.
• En relief par rapport à la peau avoisinante, le nodule a un aspect translucide imitant une perle avec de fines·
télangiectasies. Souvent, une fine croûte recouvre l'ulcération néoplasique, qui saigne après son ablation. Dans les
formes ulcéra-bourgeonnantes, on trouve sur - le bourrelet périphérique - l'aspect perlé caractéristique.
• Les variantes cliniques sont multiples :
- le carcinome basocellulaire nodulaire, forme la plus fréquente, qui prend la forme d'une papule translucide
ferme, bien limitée, lisse, perlée et recouverte de télangiectasies (Figure 2) ;
- le carcinome basocellulaire sclérodermiforme a un aspect de cicatrice fibreuse blanchâtre indurée aux limites
imprécises. L'extension profonde et en surface est plus importante que la partie visible, justifiant des marges
chirurgicales et des volumes irradiés plus larges ;
- le carcinome basocellulaire superficiel est une plaque erythématosquameuse plane, bien limitée, bordée de
perles en périphérie.

Figure 2. Carcinome basocellulaire

2.2.5. Facteurs de risque


• L'exposition solaire courte, intense et répétée, plutôt que l'exposition chronique comme pour les carcinomes
épidermoïdes cutanés.
• Le phototype clair.
• L'immunodépression (patients sous immunosuppresseurs, patients VIH, patients sous chimiothérapie ...), avec
un risque relatif évalué à 10.
• Certaines maladies génétiques sont associées à la survenue de carcinomes basocellulaires cutanés (xeroderma
pigmentosum, caractérisée par une sensibilité extrême aux ultraviolets).

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2.2.6. Évolution, pronostic
• L'évolution spontanée se fait par extension loco-régionale, avec destruction des structures anatomiques de voi­
sinage. Les récidives après traitement sont possibles, notamment dans les formes sclérodermiformes. Les carci­
nomes basocellulaires ne métastasent jamais au niveau ganglionnaire ni au niveau viscéral.
• Les facteurs de mauvais pronostic sont la localisation céphalique, la forme sclérodermiforme, la taille supérieure
à 2 cm (1 cm dans les zones à haut risque de récidive) et le caractère récidivant.

2.2.7. Diagnostics différentiels


• Les diagnostics différentiels sont représentés par les autres tumeurs cutanées. Les formes sclérodermiformes
peuvent être confondues avec une atrophie cicatricielle, et les formes superficielles avec un eczéma (item 183), un
psoriasis (item 114) ou une dermatophytose (item 152). Au moindre doute, une biopsie devra être réalisée.

2.2.8. Approches thérapeutiques


• Le bilan d'extension est uniquement clinique, à la recherche d'autres localisations de carcinomes cutanés. Aucun
examen complémentaire systématique n'est nécessaire.

2.2.8.1. Au stade localisé


• Il repose sur la chirurgie avec exérèse complète de la lésion avec des marges périphériques de 4 mm à 1 cm en
fonction de la présence de facteurs de mauvais pronostic, et atteignant l'hypoderme en profondeur. En cas de
marges atteintes à l'examen anatomo-pathologique, une reprise chirurgicale est indiquée.
• Les alternatives thérapeutiques à la chirurgie sont:
- la cryochirurgie ou la photothérapie dynamique ou l'imiquimod pour les carcinomes basocellulaires
superficiels ;
- la radiothérapie (chirurgie ou reprise chirurgicale contre-indiquée ou trop mutilante, formes récidivantes,
traitement palliatif) ;
- les thérapies ciblées (inhibiteurs de la voie Hedgehog: sonidegib et vismodegib dans les formes très évoluées).

2.2.8.2. Au stade métastatique


- - - - - - - · · · - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ---------------------------· · · · · · · · · - - · - · · · · - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ----------------- - ,'
'

li n'y a jamais d'extension métastatique dans ce type de tumeurs.

2.2.9. Suivi
• Le suivi repose sur un examen clinique annuel pendant au moins 5 ans à la recherche de récidive ou de nouveau
cancer cutané. La fréquence des examens peut être augmentée pour les patients à risque.
• Le patient doit être formé à l'auto-dépistage qui correspond à l'examen régulier de l'ensemble du revêtement
cutané et signaler au médecin l'apparition d'une nouvelle lésion ou la modification d'une lésion ancienne.
• La prévention primaire repose sur la diminution de l'exposition solaire, la protection solaire (surtout vestimen­
taire, moins par les écrans solaires) en particulier pendant l'enfance et l'adolescence.
• Une surveillance cutanée rapprochée (annuelle) doit être réalisée chez les patients immunodéprimés (prévention
primaire).
Le Tableau 1 synthétise les caractéristiques comparées du carcinome épidermoïde et du carcinome basocellulaire.

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Tableau 1. CARACTÉRISTIQUES COMPARÉES DU CARCINOME ÉPIDERMOÏDE ET DU CARCINOME BASOCELLULAIRE


Carcinome épidermoïde Carcinome basocellulaire
Lésions Oui Non
précancéreuses Cutanées: kératose actinique,
Maladie de Bowen
Muqueux: leucoplasies
Localisation Cutanée ou muqueuse Uniquement cutanée
Présentation Lésion ulcéra-bourgeonnante, Éléments sémiologiques: perle
clinique parfois crouteuse épithéliomateuse, télangiectasies
lnfiltrante Formes: nodulaire, superficielle,
sclérodermiforme
Diagnostic Kératoacanthome, kératose Autres tumeurs cutanées,
différentiel actinique, autres tumeurs eczéma, psoriasis, dermatophytose,
cutanées Adénome sébacé
Évolution Risque métastatique: Pas de métastase
territoire de drainage lymphatique Évolutivité loco-régionale, infiltrante,
puis à distance délabrante
Facteurs de Terrain: immunodépression Localisation: extrémité céphalique, en
mauvais pronostic Localisation : cicatrice, ulcère, particulier zones médiane de la face et
extrémité céphalique, muqueuses, péri-orificielles
membres Formes sclérodermiformes, mal limitées
Formes mal limitées Taille:
Taille: > 1 cm dans les zones à > 1 cm dans les zones à risque
haut risque > 2 cm dans les autres zones
CE récidivant CBC récidivant
Traitement commun
Exérèse chirurgicale avec marges de sécurité
au stade localisé
Surveillance Recherche d'une récidive locale, à Recherche d'une récidive locale
distance (ganglionnaire) Recherche d'un autre carcinome
Recherche d'un autre carcinome
Prévention
Réduction à l'exposition solaire, photoprotection, éducation à l'autosurveillance
commune

3. Tumeurs mélaniques bénignes : nievus

3.1. Physiopathologie
• Les nœvus correspondent à une prolifération ou une accumulation mélanocytaire anormale : ce sont des tumeurs
bénignes. À l'état basal, les mélanocytes, situés entre les kératinocytes et la jonction dermo-épidermique, sont
chargés de fabriquer la mélanine, pigment protecteur des rayonnements ultraviolets. Les cellules mélanocytaires
se regroupent en amas ou thèques, pour former les nœvus, qui peuvent être jonctionnels (couche basale de l'épi­
derme), dermiques, ou mixtes.

3.2. Formes cliniques


• Les nœvus sont des lésions bénignes mélanocytaires et peuvent être congénitaux ou acquis. L'aspect clinique est
très variable, mais toujours régulier (symétrie, forme, couleur) et de profil évolutif différent des mélanomes.

LJE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 205 ◄


3.2.1. NiX!vus communs acquis
• Les nrevus pigmentés bruns plats ou bombés, ou les nrevus tubéreux peu ou pas pigmentés, lisses ou verruqueux,
siègent plutôt sur le visage.

3.2.2. NiX!vus congénitaux


• Ils touchent moins de 1 % des nouveau-nés, à type d'hamartomes pigmentaires le plus souvent. Ils peuvent dans
de rares cas être de grande taille(> 20 cm à l'âge adulte), voire géants.

3.2.3. NiX!vus atypiques


• Ils ont des caractéristiques proches de celles des mélanomes. Ils sont :
- de grande taille ;
- de couleur rosée ou brune ;
- et présentent une ou plusieurs caractéristiques de mélanome(ABCDE).

3.2.4. NiX!vus multiples


• Le« syndrome du nrevus atypique» est défini par la présence en grand nombre de nrevus (N > 50), souvent de
grande taille(> 6 mm de diamètre), ayant des aspects atypiques(bords irréguliers, polychromie) et pouvant aussi
siéger en peau non exposée au soleil(cuir chevelu, fesses et seins chez la femme).

3.2.5. Autres niX!vus


• Il existe d'autres formes de nrevus, plus rares. Ils peuvent être parfois bleus, parfois achromiques, situés au niveau
de l'ongle et prendre la forme de bandes(mélanonychies), atteignant parfois les muqueuses.

3.2.6. Remarques
• Il est important de retenir que ni les micro-traumatismes répétés, ni l'exposition solaire ne sont des facteurs de
risque de transformation des nrevus. Par contre, un nrevus qui saigne doit faire discuter le diagnostic alternatif de
mélanome.

3.3. Facteurs de risque


• Le phototype clair, l'exposition solaire, les antécédents personnels et familiaux de mélanome et !'immunodépres­
sion sont les principaux facteurs de risque de présence de nrevus.

3.4. Évolution, pronostic


• L'évolution normale du nrevus se fait par une croissance régulière pour atteindre une taille définitive.
• Les nrevus ne se transforment qu'exceptionnellement en mélanome, mais la présence de nrevus est un facteur
de risque de mélanome.
• La transformation des nrevus en tumeurs malignes est extrêmement rare, sauf pour les nrevus congénitaux
géants, pour lesquels le risque s'accroît avec la taille de la lésion. Par contre, les nrevus communs sont des fac­
teurs de risque de mélanome, en particulier quand :
- ils sont présents en grand nombre ;
- ils sont atypiques ;
- il existe des antécédents familiaux de mélanomes.
3.5. Diagnostics différentiels
• Ils sont représentés par :
- les lentigos, improprement appelées « taches de vieillesse », qui sont des macules pigmentées sur les zones
photoexposées et qui brunissent avec le temps ;

► 206 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES LJE 9 - ITEM 299


UE9
.... ____________

- les éphélides ou « taches de rousseur », macules millimétriques brun clair qui apparaissent sur les zones
photoexposées chez les individus roux, qui s'accentuent avec le soleil et ont tendance à disparaître avec le
temps;
- l'histiocytofibrome, tumeur bénigne formée de cellules fibrohistiocytaires, se présentant comme un nodule
central ferme entouré d'un halo brunâtre (qui apparaît typiquement à distance d'une piqûre d'insecte);
- une kératose séborrhéique, tumeur épithéliale bénigne qui n'évolue jamais vers la malignité, qui apparaît
après 40 ans, non liée au soleil, située sur le visage, le décolleté et le dos, dont la couleur va du beige clair au noir,
initialement plane puis verruqueuse et rugueuse recouverte d'un enduit squamo-kératosique gras, à bordure
nette et abrupte;
- un carcinome basocellulaire nodulaire;
- un angiome thrombosé (tumeur vasculaire bénigne);
- surtout, un mélanome malin doit être envisagé en cas de caractéristiques suspectes. Au moindre doute,
une biopsie/exérèse doit être pratiquée; le meilleur facteur pronostique de mélanome étant un diagnostic
précoce.

3.6. Approches thérapeutiques


• L'exérèse des mevus congénitaux à visée esthétique est envisageable, et doit se faire le plus rapidement possible,
étant plus facile dans les premiers mois de la vie.
• En raison du très faible risque de transformation, il n'y a aucun intérêt à pratiquer !'exérèse systématique des
nrevus communs, hormis à visée esthétique à la demande du patient.
• Cette exérèse doit se faire avec des marges de 2 mm et la pièce envoyée pour analyse anatomo-pathologique.

3.7. Suivi
• Il n'y a pas d'intérêt à surveiller de manière systématique tous les individus. Par contre, l'auto-surveillance doit
être enseignée et encouragée, en s'appuyant sur la règle ABCDE (développée dans le chapitre sur les mélanomes),
et une information doit être délivrée sur les risques de l'exposition solaire prolongée.
• Les patients porteurs de plusieurs nrevus atypiques ou ayant des facteurs de risque de mélanome doivent bénéfi­
cier, en plus de l'auto-surveillance, d'un examen cutané annuel.

4. Tumeurs mélaniques malignes : mélanomes

4.1. Définition
• Les mélanomes sont des tumeurs malignes développées aux dépens des mélanocytes.
• L'évolution est, dans un premier temps, horizontale et intra-épidermique, puis, dans un second temps,
verticale avec envahissement du derme superficiel (phase micro-invasive), enfin du derme profond et de l'hy­
poderme (phase invasive).

4.2. Épidémiologie
• Le mélanome représente entre 2 et 3 % de l'ensemble des cancers et se situe au 11e rang des cancers les plus
fréquents chez l'homme et au 9' rang chez la femme.
• L'âge moyen au diagnostic est de 50-60 ans (en baisse).
• L'incidenèe est en augmentation régulière de 10 % par an, depuis 50 ans.
• C'est le premier des cancers en termes d'augmentation de fréquence.
• L'incidence est directement corrélée au phototype et à l'exposition solaire, plus élevée chez les sujets à la peau
claire (notamment en Australie), et plus faible dans les pays asiatiques ou dans les populations à la peau noire.

LJE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 207 ◄


4.3. Physiopathologie, histoire naturelle
• La voie de signalisation MAPK est activée via la fixation de facteurs de croissance sur des récepteurs transmem­
branaires. Elle comprend des protéines cytoplasmiques dites tyrosines kinases (RAS, RAF, MEK et ERK), qui
permettent la transduction d'un signal par le transfert d'un groupement phosphate de l'adénosine triphosphate
(ATP) vers une protéine effectrice. La transmission de ce signal jusqu'au noyau de la cellule va aboutir à la proli­
fération, à la différenciation et à la survie cellulaire. De manière physiologique dans le mélanocyte, cette voie est
activée de façon transitoire par différents facteurs de croissance. Dans le mélanome, cette voie est activée de façon
permanente dans la majorité des cas et est responsable des caractéristiques particulières de ce type de tumeurs.
• La majorité des mélanomes naissent de nova en peau saine, et plus exceptionnellement de la transformation d'un
nœvus, plus fréquemment les nœvus congénitaux que les nœvus communs.
• Les facteurs de risque principaux mis en évidence sont :
- les facteurs environnementaux et/ou comportementaux : le principal facteur de risque est représenté par les
antécédents personnels de brûlures solaires surtout pendant l'enfance, moins fréquemment le bronzage par
UV artificiels...
- les caractéristiques physiques: peau claire, cheveux roux ou blonds, yeux clairs, nombreuses éphélides (taches
de rousseur) ;
- une sensibilité particulière au soleil: brûle toujours, bronze pas ou peu.

4.4. Diagnostic
• Il est extrêmement important de diagnostiquer le mélanome de manière précoce afin d'augmenter les chances
de guérison.

Le diagnostic doit être évoqué à l'examen clinique devant la présence de plusieurs (généralement 3, 4 ou 5) des
caractéristiques suivantes (règle ABCDE) (Figure 3):
Asymétrie
Bords irréguliers
Couleur inhomogène
Diamètre supérieur à 6 mm
Evolution récente

• L'examen visuel doit être aidé par la dermoscopie ou « microscopie en épiluminescence », et est confirmé par
l'examen anatomo-pathologique. Ce dernier est fait après exérèse complète afin de pouvoir déterminer l'épaisseur
de la lésion. La biopsie est exceptionnelle car elle peut conduire à des erreurs diagnostiques.

Figure 3. Mélanome dorsal

► 208 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES LJE 9 - ITEM 299


l,...........................
UE9 Item 299 :

4.5. Facteurs de risque


• L'exposition solaire est le principal facteur de risque, qu'elle soit intermittente et intense avec en particulier
les brûlures reçues pendant l'enfance (mélanome superficiel extensif) ou prolongée et cumulative (mélanome de
Dubreuilh strictement intra-épidermique).
• Le phototype clair.
• La prédisposition familiale, définie par au moins deux personnes atteintes de mélanome dans la famille, augmente
de manière importante le risque de mélanome et serait impliquée dans 10 % des cas de mélanome.
• La présence de nombreux nrevus et le syndrome du nrevus atypique.
• L'immunodépression : patients greffés sous immunosuppresseurs, patients atteints du VIH, patients recevant de
la chimiothérapie ...

4.6. Évolution, pronostic

• La classification anatomo-clinique des mélanomes au stade localisé permet de définir le profil évolutif en
deux catégories :
- les tumeurs avec phase d'extension horizontale, après biopsies éventuellement répétées (cartographie) en cas
de suspicion clinique pour exclure un foyer de micro-invasion. Elles regroupent:
► le mélanome superficiel extensif (SSM), le plus fréquent (60-70 % des cas);
► le mélanome de Dubreuilh avec une phase d'extension horizontale pouvant durer plusieurs années (10 %
des cas);
► le mélanome acral lentigineux des paumes, des plantes, des bords latéraux des doigts et des orteils, et sous
les ongles (2 à 5 % des cas) (Figure 4) ;
► plus rarement, les mélanomes des muqueuses buccales et génitales (bouche, nez, fosses nasales et pharynx,
vagin et anus) et le mélanome uvéal (cancer de l'œil le plus fréquent chez l'adulte);
- les tumeurs sans phase d'extension horizontale: il s'agit du mélanome nodulaire d'emblée, rapidement invasif
(10 à 20 % des cas).

Figure 4. Mélanome unguéal

LJE 9 - ITEM 299 1 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 209 ◄


• Les critères histo-pronostiques sont :
- l'indice de Breslow (épaisseur tumorale) principalement, qui fixe la classification par stades (cf Tableau 4);
- la présence d'ulcération;
- l'index mitotique;
- le niveau anatomique d'invasion dans le derme ou l'hypoderme (niveau de Clark) est actuellement moins
utilisé;
- l'atteinte du ganglion sentinelle (bien qu'actuellement non recommandée en France).
• Les facteurs cliniques de mauvais pronostic tels que le sexe masculin, l'âge avancé et l'atteinte du tronc, de la tête
ou du cou, ont moins de valeur.
• L'évolution peut se faire vers:
- la récidive après exérèse;
- l'évolution métastatique cutanée/sous-cutanée (métastases en transit), ganglionnaire, ou viscérale.
• Au stade métastatique ganglionnaire, les facteurs pronostiques principaux sont le nombre de ganglions atteints,
la présence de franchissement capsulaire et d'ulcération.
• Au stade de métastases à distance, l'atteinte viscérale a longtemps été le principal facteur de mauvais pronostic.
Avec l'émergence des médicaments inhibiteurs de BRAF, de MEK et des checkpoints immunitaires (anti PD-1,
anti CTLA-4), la présence de mutation de BRAF et la réponse à l'immunothérapie ont été associées à des durées
de survie prolongées.

4.7. Diagnostics différentiels


• Ils sont représentés par :
- les nrevus atypiques;
- les kératoses séborrhéiques;
- les carcinomes basocellulaires pigmentés;
- les histiocytofibromes pigmentés;
- les angiomes thrombosés.
• Tous ces diagnostics différentiels ont été définis plus haut. Dans tous les cas et au moindre doute, la biopsie doit
être envisagée.

4.8. Approches thérapeutiques


·---------------------------------------------- --- · · · · · · · ·---------------------------------------------------------------------------·------------------·----·'
'

Toute décision thérapeutique est discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) et annoncée au

• Les schémas thérapeutiques sont fonction de l'extension de la maladie (Tableau 2), faisant distinguer les atteintes
localisées (stades 1/II), les atteintes métastatiques loco-régionales cutanées ou ganglionnaires (stades III) ou à
distance (stades IV).

Tableau 2. CLASSIFICATION pTNM DE L'UICC (Union internationale contre le cancer)


ET DE L'AJCC (American Joint Committee on Cancer)
Stades Critères
Stade o Tumeur in situ
Stade IA Tumeur,; 1 mm d'épaisseur, sans ulcération et mitoses< 1/mm2
Stade 1B Tumeur,; 1 mm d'épaisseur, avec ulcération et/ou mitoses� 1/mm2
Tumeur> 1 mm et,; 2 mm d'épaisseur, sans ulcération
Stade IIA Tumeur> 1 mm et,; 2 mm d'épaisseur, avec ulcération
Tumeur> 2 mm et,; 4 mm d'épaisseur, sans ulcération

► 210 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES UE 9 - ITEM 299


UE9 ltem299
� �. -�.

Stade 11B Tumeur>2mm et,;; 4 mm d'épaisseur, avec ulcération


Tumeur>4 mm d'épaisseur, sans ulcération
Stade IIC Tumeur>4 mm d'épaisseur, avec ulcération
Stade IIIA Tumeur sans ulcération, métastases microscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux
Stade 111B Tumeur sans ulcération, métastases macroscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux ou métastases« en transit»
Tumeur avec ulcération, métastases microscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux ou métastases« en transit»
Stade IIIC Tumeur avec ulcération, métastases macroscopiques dans 1, 2ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux
Tumeurs avec ou sans ulcération (tous pT), métastases dans 4 ganglions lymphatiques régio-
naux ou plus ou métastases en transit avec métastase(s) ganglionnaire(s) régionale(s)
Stade IV Métastases à distance

• Le bilan initial pour les stades I et II est avant tout clinique, comprenant un examen de l'ensemble du revêtement
cutané (seconde localisation?) et la palpation des aires ganglionnaires (échographie de l'aire de drainage à envi­
sager pour les stades II). Aucune imagerie n'est indiquée à ce stade, hormis pour les mélanomes de plus de 4 mm
ulcérés.
- Pour les stades IIC et IIIA:
► Examen clinique complet notamment de tout le tégument et des aires ganglionnaires.
► Echographie ganglionnaire de l'aire de drainage au stade IIC.
► En option : examen d'imagerie par scanner cérébral et thoraco-abdomino-pelvien, 18FDG-TEP-TDM,
notamment si la technique du ganglion sentinelle est proposée au stade IIC ou avant curage au stade IIIA.
- Stades IIIE et IIIC:
► Examen clinique complet de tout le tégument et des aires ganglionnaires.
► Examen d'imagerie par 18FDG-TEP-TDM ou scanner cérébral et thoraco abdomino pelvien.
• Le traitement de la tumeur primitive consiste en une exérèse chirurgicale dont les marges sont conditionnées par
l'épaisseur tumorale (Tableau 3). Les mélanomes superficiels de Dubreuilh nécessitent une marge de 1 cm. Un
curage ganglionnaire est associé pour les stades III.

Tableau 3. MARGES CHIRURGICALES POUR LA PRISE EN CHARGE DU MÉLANOME LOCALISÉ


Épaisseur tumorale (Breslow) Marge
ln situ 0,5 cm
0 -1 mm 1 cm
1,01 -2mm 1 -2cm
>2mm 2cm
Il n'y a plus d'indication à réaliser des marges supérieures à 2cm.

• La procédure du ganglion sentinelle:


- est recommandée pour les mélanomes de plus de 1 mm de Breslow sans ganglion identifié ;
- peut être proposée dans les mélanomes de Breslow 0,8 à 1 mm, quel que soit le statut de l'ulcération et les
mélanomes de moins de 0,8 mm ulcérés ;
- n'a pas d'indication dans les mélanomes de moins de 0,8 mm de Breslow non ulcérés.
• En cas de ganglion sentinelle positif, il n'y a pas d'indication à faire un curage ganglionnaire immédiat systéma­
tique. Il peut se discuter en RCP au cas par cas.

UE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 211 ◄


• La chimiothérapie, l'interferon, l'ipilimumab et le vémurafénib en monothérapie ne sont pas indiqués en adjuvant.
Il est recommandé de connaitre le statut mutationnel de BRAF avant l'instauration d'un traitement adjuvant. Les
patients atteints de stade III et IV après résection complète de leur(s) métastase(s) sont éligibles à un traitement
adjuvant, comme indiqué dans le tableau 4.
• La radiothérapie adjuvante après curage N+ est une option à discuter en RCP chez les patients à haut risque de
récidive locale : présence d'une rupture capsulaire, nombre de ganglions supérieur à 3 ou ganglion de plus de 3 cm
de diamètre. Elle peut être associée à un traitement médical systémique.
• Au stade métastatique, les résultats de la chimiothérapie et l'immunothérapie conventionnelle (vaccins, IL2, IFN)
sont décevants. Les nouveaux médicaments (immunothérapie par inhibiteurs des checkpoints PD-1 et CTLA-4,
inhibiteurs de BRAF et inhibiteurs de MEK en cas de mutation du gène BRAF) permettent des durées de survie
prolongées. La radiothérapie en conditions stéréotaxiques est proposée pour les métastases cérébrales, pulmo­
naires, hépatiques ... La radiothérapie conventionnelle a des indications palliatives (douleurs, compressions ...).

4.9. Suivi et prévention


• Les modalités de suivi dépendent du stade de la tumeur (Tableau 4).
• La prévention passe par l'information sur les risques des UV, la réduction de l'exposition solaire et la protection
solaire, en particulier pendant l'enfance.
• Dans les cas de prédisposition familiale, une surveillance rapprochée doit être mise en place.
• L'auto-dépistage doit être fortement encouragé.

Tableau 4. SUIVI EN FONCTION DES STADES


Stade AJCC Modalités de surveillance
Stade 1 Examen clinique tous les 6 mois pendant 3 ans
Stade IA/B Examen clinique tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans
L'échographie de la zone de drainage pourra éventuellement être utilisée
Stades IIC/IIIA Examen clinique complet tous les 3 mois pendant 3 ans, puis tous les 6 mois pendant 2 ans,
puis annuel à vie.
Autodépistage et autosurveillance. Échographie tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans.
Scanner ou 18FDG-TEP-TDM Scan 1 fois/an pendant 3 ans
Stades 111B/C: Examen clinique complet tous les 3 mois pendant 3 ans, puis tous les 6 mois pendant 2 ans,
puis annuel à vie.
Autodépistage et autosurveillance.
Échographie tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans.
Scanner ou 18FDG-TEP-TDM Scan tous les 6 mois pendant 3 ans.
Stade IIC/IV Examen clinique tous les 3 mois pendants ans puis tous les ans à vie.
L'échographie de la zone de drainage pourra éventuellement être utilisée, ainsi que d'autres
examens d'imagerie en fonction des cas.

► Références
1. Haute Autorité de Santé - UE 9 : Cancérologie - Once-hématologie (287-317) [Internet]. [cited 2017 Oct 9]. Available from: https://
www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2615053/fr/ue-9-cancerologie-onco-hematologie-q287-317
2. Cancers de la peau - Recommandations et outils d'aide à la pratique ! Institut National Du Cancer [Internet]. [cited 2017 Oct 9].
Available from: http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Recommandations-et-outils-d-aide-a-la-pratique/Cancers-de-la­
peau

► 212 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES I LJE 9 - ITEM 299


UE9 ltem299

POINTS CLÉS
La caractérisation de chaque lésion est indispensable en raison du pronostic propre à chaque entité. Au moindre
doute, une biopsie doit être réalisée.
1. Tumeurs épithéliales bénignes à HPV (ou verrues)
• Le diagnostic est clinique; la biopsie n'est pas indiquée.
• La transmission d'HPV se fait par contact direct.
• Il est impossible d'éradiquer l'HPV.
• Le traitement ne doit jamais être agressif, l'évolution étant le plus souvent spontanément favorable.

2. Carcinomes cutanés
• Ce sont les cancers les plus fréquents dans les deux sexes.
• L'examen de tout le revêtement cutané est indispensable.
• L'auto-dépistage doit être encouragé.
2.1. Carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires
• Se développent à partir d'une lésion précancéreuse cutanée ou muqueuse.
• Facteurs de risque: dose UV totale, phototype clair.
• Risque d'évolution métastatique.
• Traitement des stades localisés: chirurgie (une radiothérapie post-opératoire ou exclusive).
• Traitement des stades métastatiques: chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie palliative après discussion en
RCP.
• Prévention: diminution de l'exposition solaire.
2.2. Carcinomes basocellulaires
• Ne se développent pas à partir d'une lésion précancéreuse.
• Facteurs de risque: exposition solaire, phototype clair, immunodépression.
• Pas d'extension métastatique.
• Traitement chirurgical.
• Surveillance clinique (secondes localisations).
• Prévention: diminution de l'exposition solaire.

3. Tumeurs mélaniques bénignes : naevus


• Tumeur mélanocytaire bénigne qui n'évolue pas.
• Facteurs de risque: phototype clair, exposition solaire et immunodépression.
• Rechercher un mélanome malin associé si naevus multiples ou atypiques.
• Pas d'exérèse systématique.

4. Tumeurs mélaniques malignes: mélanome


• Se développent le plus souvent de nova.
• Évolution en deux temps: horizontal puis vertical.
• Règle ABCDE pour différencier une lésion bénigne d'une lésion maligne.
• Facteurs de risque : exposition solaire intermittente et cumulée, phototype clair, immunodépression, nom-
breux naevus/syndrome du naevus atypique.
• Facteur pronostique principal: indice histologique de Breslow.
• Traitement des stades localisés: chirurgie.
• Traitements des formes métastatiques: thérapies ciblées/immunothérapie après discussion en RCP.
• Prévention: diminution de l'exposition solaire.

LJE 9 - ITEM 299 ÎUMEURS CUTANÉES ÉPITHÉLIALES ET MÉLANIQUES 213 ◄


LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Les stratégies thérapeutiques ne font pas partie des objectifs de l'ECN concernant les tumeurs
dermatologiques. li faut donc bien connaître les aspects diagnostiques. Par contre, des questions
peuvent être posées sur tel ou tel traitement (en relation avec l'item 291) proposé dans le dérou­
lement d'un dossier clinique.N'oubliez pas que les premières preuves de l'efficacité de l'immuno­
thérapie« moderne» (anti-PDL1, anti-CTLA4) et des médicaments inhibiteurs de BRAF et MEK ont
été apportées par des essais sur des tumeurs cutanées.
2. La complexité de certaines situations cliniques (immunodéprimé, personnes très âgées ...) se
prête bien à des dossiers transdisciplinaires, par exemple insuffisance veineuse - ulcère chronique
- cancérisation ou troubles cognitifs - polypathologie - cancer - consentement.

► 214 ÎUMEURS CUTANEES EPITHELIALES ET MELANIQUES LJE 9 - ITEM 299

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