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CHAPITRE ►--------------------------------------
Tumeurs intracrâniennes
Pr Bruno Chauffert', Pr Georges Noel2, Pr Olivier Chinot3 , Pr Elisabeth Cohen-Jonathan Moyal4
'Service d'Oncologie Médicale, CHU Amiens
'Service de Radiothérapie, Centre Paul Strauss, Strasbourg
'Service de Neuro-Oncologie, AP-HM, CHU Timone, Marseille
4Département de Radiothérapie, Centre Claudius Regaud, Toulouse
1. Définitions, nosologie
1.1. Les tumeurs intracrâniennes primitives OBJECTIF iECN
1.2. Les métastases (tumeurs secondaires)
-+ Tumeurs intracrâniennes
2. Épidémiologie
- Diagnostiquer une tumeur intracrânienne
2.1. Pour les tumeurs primitives du SNC
2.2. Pour les métastases - Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise
en charge
3. Physiopathologie, histoire naturelle
3.1. Susceptibilité génétique
3.2. Facteurs environnementaux
4. Diagnostic
4.1. Formes et symptômes cliniques
4.2. Anatomo-pathologie, biologie, marqueurs
spécifiques
4.3. Imagerie Mots clés: Tumeurs cérébrales - Glioblastome
4.4. Bilan d'extension - Métastases cérébrales - Hypertension
4.5. Diagnostic différentiel intracrânienne - Épilepsie tumorale
S. Évolution, pronostic
5.1. Pronostic des gliomes
5.2. Pronostic des métastases
6. Principes thérapeutiques
6.1. Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) et
Plan Personnalisé de Soin (PPS)
6.2. Chirurgie Remerciements pour l'iconographie et la relecture
6.3. Radiothérapie au Pr Patrick Toussaint, Dr Mathieu Boone
6.4. Chimiothérapie et radio-chimiothérapie et Dr Alexandre Coutte (CHU d'Amiens).
6.5. Soins de support
6.6. Situations d'urgence
• Les tumeurs intracrâniennes forment une large gamme de maladies rassemblant des tumeurs bénignes n'impac
tant pas la survie et des tumeurs malignes, d'agressivité variable, mais ayant souvent un mauvais pronostic à
court terme.
• Il faudra distinguer :
- les tumeurs de l'encéphale des tumeurs des annexes ;
- les tumeurs primitives des tumeurs secondaires (métastases) ;
- les tumeurs fréquentes des tumeurs rares ;
- les tumeurs sus-tentorielles des tumeurs infra-tentorielles.
• Certaines tumeurs touchent principalement les enfants, les adolescents et les adultes jeunes (AJA) ; d'autres
tumeurs ne se développent que chez les adultes. La classification 2016 de !'OMS des tumeurs primitives du sys
tème nerveux central, basée sur des critères histologiques et moléculaires, rassemble ainsi 9 grandes entités et près
de 80 sous-types. Cette complexité peut effrayer l'étudiant ou le médecin non spécialiste qui aborde le domaine.
On verra que ces tumeurs partagent en fait des points communs et qu'elles peuvent être diagnostiquées et parfois
traitées par des méthodes assez proches.
LJE 9 - ITEM 296 TUMEURS INTRACRANIENNES 143 ◄
1. Définitions, nosologie
2. Épidémiologie
2.1. Pour les tumeurs primitives du SNC
• Les chiffres sont connus pour les tumeurs primitives du SNC grâce au recensement national. L'incidence est de
15/100 000, soit 1,2 % des cancers.
• Chez l'adulte, les gliomes sont les tumeurs les plus fréquentes (42 %, dont une majorité de glioblastomes qui
représentent 2 500 nouveaux cas par an en France), suivis des méningiomes (32 %). Le sexe-ratio H/F est de
l'ordre de 1,3 à 1,8 selon l'histologie. Les méningiomes sont plus fréquents chez la femme.
• Chez l'enfant, les tumeurs cérébrales sont les cancers les plus fréquents après les leucémies. Elles sont repré
sentées principalement par les gliomes diffus du tronc cérébral, les astrocytomes pilocytiques, les médulloblas
tomes du cervelet et les épendymomes.
Les crises comitiales complexes (exemple des crises temporales) peuvent faire errer le diagnostic.
• Le déroulement bref, résolutif et surtout stéréotypé de ces épisodes, doit faire évoquer une origine épileptique.
• Crises généralisés d'emblée ou secondairement.
Toute première crise comitiale doit faire demander une IRM cérébrale et un EEG (qui peut cependant être
normal en intercrise).
Un syndrome dép
frontal (aboulie o
demander au moi
4.1.5. Les signes évocateurs d'une localisation et/ou d'un type tumoral
• Des troubles de l'équilibre, des vertiges, une ataxie et/ou un syndrome cérébelleux cinétique évoquent une tumeur
de la fosse postérieure.
• Des atteintes des paires crâniennes (surtout si elles sont multiples) font rechercher une tumeur du tronc cérébral
ou une atteinte méningée.
• Un déficit auditif unilatéral doit faire évoquer un neurinome du nerf auditif (VIII).
• Un adénome hypophysaire peut se traduire par un déficit du champ visuel lié à une compression chiasmatique
ou un syndrome endocrinien d'hypersécrétion (adénome à prolactine, adénome corticotrope avec syndrome de
Cushing, adénome à somathormone avec acromégalie). L'adénome hypophysaire peut être non secrétant après
un bilan endocrinien complet.
• Une polyglobulie peut conduire au diagnostic d'un hémangioblastome du cervelet.
1p/19q
codélété
Grade li Grade Ill
Oligodendrogliome
IDH-muté
/ 1p/19q
non codélété
1p/19q
\ IDH-w;kltype non codélété
Le grade est basé sur des arguments morphologiques (mitoses, prolifération endothélio-capillaire, nécrose). La
classification OMS 2016 impose la détermination de deux anomalies moléculaires qui ont une valeur diagnostique
et pronostique majeure (mutations de IDHl ou de IDH 2 et codélétion au niveau des chromosomes lp et 19q).
D'autres anomalies, analysables en immuno-histochimie ou en biologie moléculaire, peuvent aider au diagnostic
(recherche de mutation de p53, de la télomérase...).
Les glioblastomes peuvent survenir de novo ou résulter de l'aggravation histologique d'un gliome de grade inférieur
II ou III.
La méthylation du promoteur de la méthyl-guanine-méthyl transférase (MGMT) est un critère de meilleur pronostic
et de meilleure sensibilité au témozolomide.
• Les méningiomes doivent être gradés selon la classification histologique de l'OMS qui reflète le risque de réci
dive:
- grade OMS I (bénin);
- grade OMS II (atypique);
- grade OMS III (anaplasique).
• Le risque de récidive dépend aussi de la topographie (résection difficile des méningiomes de la base du crâne) et
de la qualité de la résection selon la classification de Simpson
- grade 1 : exérèse macroscopiquement complète intéressant l'attache durale et de l'éventuel envahissement
osseux;
- grade 2 : exérèse macroscopiquement complète avec coagulation de l'insertion durale;
- grade 3 : exérèse macroscopiquement complète sans coagulation de l'insertion durale ou sans résection de
l'envahissement osseux;
- grade 4 : exérèse incomplète;
- grade 5 : simple biopsie.
• Pour les médulloblastomes, il faut chercher les mutations sonic hedge hog (SHH) qui ont une valeur pronostique
et théranostique (indication de médicaments inhibiteurs des SHH).
• Pour les tumeurs germinales (tumeurs de la région pinéale ou supra-sellaire chez l'enfant ou l'adulte jeune), il
faut doser les marqueurs alpha-foetoprotéine et HCG dans le sang et le liquide céphalorachidien pour le diagnos
tic et pour le suivi thérapeutique.
4.3. Imagerie
4.3.1. la tomodensitométrie
La tomodensitométrie avant puis après injection de produit de contraste, est un examen de débrouillage rapide mais
insuffisant.
5. Évolution, pronostic
• L'évolution et le pronostic des tumeurs intracrâniennes est variable selon leur nature, leur agressivité histologique
et les possibilités thérapeutiques.
• Certaines tumeurs peuvent être guéries par la chirurgie seule (astrocytome pilocytique de l'enfant, méningiome
de grade 1 ), par la chirurgie associée à la radiothérapie et à la chimiothérapie (médulloblastome des enfants et des
AJA, germinomes), par la chimiothérapie seule (lymphome).
• D'autres tumeurs sont plus ou moins rapidement mortelles malgré les traitements (gliomes de haut grade).
• La combinaison de ces facteurs pronostiques définit des sous-groupes de patients dont la médiane de survie varie
de quelques mois (glioblastome) à plus de 10 ans (oligodendrogliome de grade II avec mutation IDH et codélétion
lpl9q).
6. Principes thérapeutiques
6.1. Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) et Plan Personnalisé
de Soin (PPS)
• Les dossiers doivent être discutés à toutes les étapes de la maladie (diagnostic, premier traitement, récidive) en
Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) spécialisée de neuro-oncologie regroupant neurochirur
giens, oncologues radiothérapeutes, neuro-oncologues et/ou oncologues médicaux et neuroradiologues. La pré
sence à la RCP des anatomo-pathologistes et des équipes de soins de support est souhaitable.
• Un plan personnalisé de soin (PPS) doit être remis au patient et à la personne de confiance dont le rôle est très
important pour ces maladies qui peuvent altérer les capacités cognitives.
6.2. Chirurgie
• Le neurochirurgien intervient dans le diagnostic, la prise en charge de l'urgence, le traitement des tumeurs ini
tiales et des récidives.
• La biopsie s'impose quand l'exérèse tumorale ne paraît pas possible d'emblée. Le choix entre biopsie stéréo
taxique et biopsie chirurgicale sera guidé par la localisation et le risque hémorragique.
• La résection chirurgicale optimale débute la séquence thérapeutique lorsqu'elle est possible.
- L'exérèse doit être la plus large possible, tout en respectant les fonctions neurologiques dont l'altération
compromettrait la qualité de vie post-opératoire. Des aides techniques (IRM fonctionnelle et IRM en tenseur de
diffusion préopératoires, neuronavigation, stimulation per-opératoire du cortex et des faisceaux de substance
blanche, cartographie per-opératoire en chirurgie éveillée, IRM per-opératoire, fluorescence per opératoire par
la 5-ALA) peuvent aider à optimiser l'exérèse chirurgicale.
- L'évaluation de la qualité de la résection doit être effectuée par une IRM post-opératoire précoce dans les
48 heures.
- L'exérèse chirurgicale seule est souvent curative dans les tumeurs à histologie favorable (astrocytome pilocytique
de l'enfant, épendymome, méningiome). Elle doit être suivie d'un traitement complémentaire pour les gliomes,
les médulloblastomes, les métastases.
ATTENTION : en cas de suspicion de lymphome primitif du SNC, les corticoïdes sont formellement contre
indiqués avant la biopsie (sauf urgence vitale) : il y a un risque de négativation du diagnostic histologique dans
50 % des cas et donc de retard d'une thérapeutique adaptée avec perte de chance.
L'état de mal épileptique (durée de plus de 5 minutes si crises convulsives ou de plus de 30 minutes en
l'absence de convulsions) est une urgence devant faire discuter l'admission en service de réanimation pour
administration d'une benzodiazépine IV(+/- autres anti-épileptiques, voire sédation par barbituriques).
POINTS CLÉS
1. Les tumeurs cérébrales primitives (TCP) sont moins fréquentes (1,2 % des cancers) que les métas
tases cérébrales qui sont très fréquentes en pratique oncologique.
2. Les TCP peuvent survenir à tous les âges de la vie.
3. La nature histologique est fortement liée à l'âge:
- les médulloblastomes, épendymomes, astrocytomes pilocytiques et tumeurs germinales touchent les en-
fants et les adultes jeunes;
- les gliomes touchent tous les âges;
- les oligodendrogliomes touchent plus particulièrement les sujets jeunes ( < 40 ans);
- les glioblastomes touchent les patients âgés de 60 ans et plus;
- les méningiomes, lymphomes et neurinomes touchent les adultes et les personnes âgées.
4. Les seuls facteurs de risque identifiés sont des facteurs génétiques (neurofibromatose, sclérose
tubéreuse de Bourneville) et des antécédents d'irradiation (gliomes et méningiomes radio-induits)
qui n'interviennent que dans moins de 5 % des cas de TCP.
5. Les tumeurs cérébrales évoluent dans un volume contraint qui explique le tableau commun
d'hypertension intracrânienne (HTIC).
6. Les signes d'appels des TC incluent HTIC, crises d'épilepsie, déficits neurologiques, avec installa
tion progressive en tâche d'huile, troubles cognitifs.
7. L'IRM cérébrale est l'examen clef pour le diagnostic. Ne pas se contenter d'un scanner. Être exi
geant sur la qualité.
8. Connaître les signes de gravité cliniques (troubles de la vigilance, rapidité d'évolution des défi
cits) et sur l'IRM (œdème extensif, effet de masse, engagements).
9. L'évolution d'une tumeur cérébrale peut être compliquée d'une HTIC par œdème ou trouble de
circulation brutal du LCR (hydrocéphalie), d'une hémorragie intratumorale, d'une dissémination
méningée ou d'un engagement.
1 O. Le diagnostic de certitude repose sur l'examen histologique.
11. La classification histo-moléculaire OMS 2016 doit être utilisée.
12. Les dossiers doivent être discutés en RCP spécialisée de neuro-oncologie à tous les stades de
la maladie (diagnostic, premier traitement, récidive).
13. Le traitement symptomatique repose sur les anti-épileptiques, les corticoïdes et la rééducation
(fonctionnelle et orthophonique).
1. Ne pas se laisser désarçonner par le nombre des types histologiques. La plupart sont des
tumeurs rares et sont prises en charge par des équipes spécialisées.
2. Connaître les tumeurs fréquentes : gliomes de l'adulte, méningiomes et métastases.
3. Diagnostiquer une tumeur intracrânienne
• Connaître les circonstances de découvertes fréquentes:
- hypertension intracrânienne (HTIC);
- rattacher un déficit moteur à une tumeur cérébrale (diagnostic différentiel avec les accidents vascu-
laires plus fréquents);
- demander facilement une imagerie: scanner injecté en urgence mais surtout IRM, sans puis avec injec
tion et séquences en Tl et T2 flair.
• Savoir rattacher des syndromes complexes à une tumeur cérébrale:
- troubles du comportement rapidement progressifs;
- épilepsie complexe (crises temporales, crises sensorielles).
• Vérifier la concordance des données clinico-radiologique:
- symptôme focal et localisation anatomique;
- syndrome méningé et épaississement ou nodules méningés.
4. Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge
- Prise en charge d'urgence d'une hypertension intracrânienne;
- Prise en charge d'une première crise d'épilepsie et d'un état de mal.