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CHAPITRE ►---------------------------------------
Traitement des cancers :
chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux
des cancers (chimiothérapie, thérapies ciblées,
immunothérapie). La décision thérapeutique
pluridisciplinaire et l'information du malade
Dr Céline Bourgier', Dr Marc-Antoine Benderra2, Dr Sandrine Richard2, Pr François Guillemin3,
Pr Frédéric Marchal•, Pr David Azria', Pr Jean-Pierre Lotz2
'Institut de Cancérologie de Montpellier, Unicancer, Montpellier
'Service d'Oncologie Médicale et de Thérapie Cellulaire, Hôpital Tenon, Groupe Hospitalier Est-Parisien, AP-HP, Paris
3 Institut de Cancérologie de Lorraine, Centre Jean Godinot, Unicancer, Reims
OBJECTIFS iECN
Mots clés: Bilan d'extension - TNM - Chirurgie
➔ Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, carcinologique - Réhabilitation - Anatomo
traitements médicaux des cancers (chimiothérapie, pathologie - lmmuno-histo-chimie.
thérapies ciblées, immunothérapie). La décision théra
peutique pluridisciplinaire et l'information du malade.
Radiothérapie - Fractionnement - Facteur temps -
Curiethérapie.
- Décrire les principes et risques des traitements en can
cérologie (voir item 326).
Plans Cancer - Prévention - RCP - Dispositif
d'annonce - Programme personnalisé de soins -
- Justifier l'utilité d'une concertation pluridisciplinaire.
Qualité de vie - Essais thérapeutiques - Soins de
- Connaître les objectifs du dispositif d'annonce et de la support - Toxicités.
mise en place d'un programme personnalisé des soins.
• Le traitement d'un cancer peut faire appel à plusieurs modalités thérapeutiques, isolément, simultanément ou
successivement (Figure 1). La décision thérapeutique ne peut donc reposer que sur une concertation multidisci
plinaire. Les soins oncologiques de support ne sont pas réservés à la phase purement palliative de la fin de vie mais
font partie intégrante de la prise en charge thérapeutique du malade dès le diagnostic.
Méthodes thérapeutiques
1 1 1
Soins
Traitements
Chirurgie Radiothérapie Oncologiques
médicaux
de Support
1 1 1 1
Diagnostic
Prévention Traitement Réhabilitation
et bilan d'extension
1.1. La prévention
1. 1. 1. la chirurgie prophylactique
• L'objectif est !'exérèse d'un organe apparemment sain, mais ayant un très fort risque de développement d'un
cancer lié à l'identification d'une mutation génétique constitutionnelle.
Exemple : Mastectomies et ovariectomies prophylactiques chez des patientes jeunes porteuses d'une
mutation BRCA 1 ou 2.
Exemples:
- Conisation en cas de carcinome in situ du col utérin.
- Colectomie totale+/- proctectomie en cas de polypose recto-colique.
• L'alternative à la chirurgie est la résection endoscopique ou la destruction (laser, plasma argon, hyper-fréquence ...).
Une radiothérapie peut être associée à la chirurgie comme dans le CCIS de haut grade du sein.
Exemples:
- Biopsie du col utérin sous colposcopie.
- Castration par voie inguinale pour le diagnostic de cancer du testicule.
• A contrario, la chirurgie peut permettre de corriger un diagnostic erroné de malignité ou de découvrir fortuite
ment une tumeur maligne sur pièce opératoire.
• Cette étape diagnostique se fait en collaboration avec l'anatomo-pathologiste. Le chirurgien doit indiquer la topo
graphie des prélèvements, les orienter et préciser le degré d'urgence.
Exemples:
- La cœlioscopie pour un cancer de l'ovaire oriente le choix du premier traitement et permet d'obtenir
une preuve histologique sur la tumeur, ses extensions et une cytologie sur le liquide péritonéal.
- Une suspicion de carcinose péritonéale (mésothéliome, cancer de l'estomac) nécessite une cœlioscopie
de classification de l'atteinte péritonéale pour estimer les chances de résection R0.
1 .3. Traitements
1.3.1. Radicalité et qualité de vie
• Les objectifs de la chirurgie sont la guérison et le maintien d'une bonne qualité de vie. Le principe de radicalité a
pour objectif d'éviter les récidives locales; l'exérèse du cancer doit être totale et passer en tissu sain, sans effraction
de la tumeur. L'évolution des pratiques chirurgicales a voulu préserver la radicalité du geste tout en réduisant les
séquelles fonctionnelles ou mutilantes.
Exemples:
Abandon de la mastectomie totale élargie à des méthodes conservatrices pour le cancer du sein.
- Abandon des amputations et désarticulations de membre pour les sarcomes des tissus mous.
Exemples:
Pneumonectomie et curage ganglionnaire médiastinal pour un carcinome bronchique développé sur
une bronche souche.
- Hémi-colectomie droite pour un adénocarcinome du ccecum.
- Ablation de toute la glande, y compris le prolongement axillaire, en cas de chirurgie non conservatrice
pour un cancer du sein.
Exemples:
- Lors de !'exérèse d'un cancer du sein, une marge entre 1 et 2 mm est suffisante à condition qu'il n'y ait
pas de carcinome intra-canalaire (CCIS) associé car la marge exigée serait alors de 2 mm.
- La marge d'exérèse d'un mélanome cutané dépend de l'indice de Breslow (plus la tumeur est épaisse,
plus grandes devront être les marges).
- Un sarcome rétro-péritonéal justifie une néphrectomie et une colectomie afin de s'assurer de marges
significatives.
• On classe la qualité de l'exérèse en trois niveaux selon la présence ou non de foyers tumoraux résiduels
après la chirurgie:
- RO: il n'y a pas de résidu microscopique;
- Rl : il n'y a pas de résidu macroscopique, mais un très fort risque de résidu microscopique;
- R2: il persiste un résidu macroscopique.
• La juxtaposition signifie que les cibles sont différentes: la chirurgie se limite à l'exérèse du site tumoral et la
radiothérapie complète le traitement loco-régional sur les extensions locales et/ou sur les ganglions potentiel
lement atteints. La chimiothérapie a pour objectif de réduire le risque lié à une maladie générale.
• La superposition signifie que les cibles sont identiques. Les traitements se suivront. On parle de chimio
thérapie d'induction (ou néo-adjuvante) quand la chimiothérapie est la première séquence du traitement. La
radiothérapie externe peut également précéder ou suivre l'acte chirurgical.
• Les objectifs sont divers: traiter en priorité une maladie potentiellement métastatique infra-clinique, réduire le
volume de la tumeur pour la rendre extirpable ou limiter l'importance de l'exérèse chirurgicale et permettre la
conservation partielle de l'organe dans un but fonctionnel ou de qualité de vie.
Exemples:
Un cancer du rectum sous péritonéal > T2 justifie une radiothérapie associée à une chimiothérapie,
avant le temps chirurgical d'exérèse et sans préjuger de l'indication d'une chimiothérapie adjuvante.
- Les métastases hépatiques des cancers colorectaux, de l'adénocarcinome du bas œsophage, des
sarcomes des membres, etc. bénéficient d'un traitement d'induction pré-chirurgical.
Exemple : La radiothérapie per-opératoire pour le cancer du sein délivre une dose unique dans le lit
opératoire. L'intérêt est de remplacer la radiothérapie externe qui s'étale sur 5 à 6 semaines (ou moins pour
un protocole de radiothérapie hypo fractionnée) par une seule séance au cours de l'intervention.
• La chimiothérapie loco-régionale associe l'administration d'une très forte dose de chimiothérapie dans un com
partiment limité à une hyperthermie potentialisatrice.
Exemples:
Traitement du pseudo-myxome (maladie gélatineuse du péritoine).
- Perfusion de membre isolé avec le TNFa, indiquée pour les sarcomes des parties molles ou le mélanome
avec nodules en transit des membres avec comme bénéfice la possibilité de faire ensuite une chirurgie
d'exérèse conservatrice.
Exemples:
Radio-chimiothérapie concomitante exclusive du carcinome épidermoïde du tiers supérieur de
l'œsophage, du cancer de vessie T2 (après RTUV complète).
Le cancer de la prostate peut être traité par curiethérapie, par radiothérapie externe conformationnelle
avec modulation d'intensité, par cryothérapie, etc. en lieu et place de la chirurgie. Chaque technique a
des indications plus ou moins précises, mais qui dépendent également de l'accès au plateau technique
correspondant.
Exemple : La persistance de masses ganglionnaires après chimiothérapie pour une tumeur germinale
non séminomateuse du testicule de stade Il (atteinte des ganglions régionaux: ganglions para-aortiques,
pré-aortiques, inter-aortico-caves, pré-caves, para-caves, rétro-caves, rétro-aortiques et le long des veines
spermatiques) peut correspondre à
► des résidus tumoraux actifs qui vont imposer une chimiothérapie de deuxième ligne, voire une
intensification de dose;
► du matériel nécrotique qui peut renseigner sur la nature d'images résiduelles en site métastatique
(poumon, ganglions médiastinaux) dont la surveillance sera suffisante;
► une tumeur mature à type de tératome dont l'évolution sous forme de tératome croissant peut
Exemple:
- Le cancer épidermoïde de la marge anale est traité en première intention par une association de radio
chimiothérapie. Le résultat attendu est un contrôle de la maladie dans plus de 90 % des cas. L'échec
est la persistance de tumeur vivace, de douleurs et souvent une incontinence des matières et des gaz.
L'amputation ano-rectale par voie abdomino-périnéale est alors nécessaire. Elle se justifie d'autant plus
que la maladie est à un stade local et si l'atteinte ganglionnaire a été contrôlée par le traitement.
Exemples:
La chirurgie des métastases hépatiques des cancers colorectaux s'intègre parfaitement dans ce
raisonnement et les indications se sont considérablement étendues. On propose un protocole
commençant par la chimiothérapie, une embolisation du lobe hépatique le plus atteint (celui qui sera
réséqué) pour augmenter le volume de parenchyme résiduel controlatéral et dans le même temps
on détruit les foyers tumoraux (hyperfréquence, cryothérapie, ultra-sons focalisés, radiothérapie en
conditions stéréotaxiques) dans le lobe qui restera en place.
La chirurgie des métastases pulmonaires de sarcomes peut amener à la résection de plusieurs dizaines
de nodules dans les deux poumons.
Exemples:
- Laminectomie décompressive de la moëlle épinière pour éviter une paraplégie.
- Ostéosynthèse en prévention d'une fracture pathologique.
Exemple : La récidive locale d'un cancer du sein après traitement conservateur relève d'une chirurgie
radicale non conservatrice.
Exemple : Le grêle radique, consécutif à une irradiation abdominale peut se manifester par une nécrose
muqueuse sténosante limitée, en général en regard d'une bride adhérentielle. Il peut se manifester par des
troubles de l'absorption et des troubles du transit par fibrose d'une longue portion du grêle. La chirurgie
réalise la résection de tout le segment pathologique et s'assure d'une suture en zone saine.
• La chirurgie est parfois nécessaire dans des situations où la complication est liée à l'efficacité de la radiothérapie
qui aboutit à la fonte tumorale et démasque une fistule, provoque un abcès sur nécrose, etc.
Exemples:
Une prostato-cystectomie totale pour un cancer de la vessie peut être compensée par une iléo-néo
cystoplastie (reconstruction d'un réservoir in situ en utilisant le grêle« détubulé » et anastomoses urétro
iléale et urétéro-iléales).
Une pharyngo-laryngectomie totale sera partiellement reconstruite en rétablissant la continuité de la
voie digestive supérieure entre la cavité buccale et l'œsophage: lambeau libre jéjunal ou lambeau libre
cutané ou plastie cutanée locale, etc.
- Pour le cancer du sein nécessitant une mastectomie totale, il est possible de réaliser une reconstruction
immédiate:
► pour un carcinome canalaire in situ étendu;
► pour un cancer ayant nécessité une chimiothérapie première que l'on fait suivre par une
radiothérapie. La chirurgie clôt le traitement par une mastectomie totale et une reconstruction
mammaire immédiate (RMI).
• En chirurgie mammaire conservatrice, de nombreuses techniques dérivées de la chirurgie plastique du sein ont
été proposées. Pour les cancers du quadrant inférieur, une technique issue de la chirurgie de réduction mammaire
est utile; elle est associée à une chirurgie controlatérale de symétrisation.
Exemples:
La chirurgie du plancher de bouche nécessite parfois une interruption du maxillaire inférieur. Une
reconstruction secondaire, après cicatrisation et éventuellement une radiothérapie, associe une greffe
osseuse et dans les bons cas l'implantation d'orthèses.
- La reconstruction différée du sein est largement répandue; le choix des techniques est large.
1.7.2. la télé-cœ/iochirurgie
• La chirurgie dite« robotique» est une étape importante dans l'amélioration de la chirurgie mini-invasive comme:
- cœlioscopie avec vision 3D;
- ergonomie chirurgicale: position assise et appui des avant-bras;
- suppression du tremblement.
• Toutes les procédures réalisables par cœliochirurgie classique, le sont encore plus facilement par télé-cœliochirur
gie car l'apprentissage est plus rapide et la mobilité des instruments facilite l'exécution des gestes.
2. Radiothérapie oncologique
2.1. Introduction
• C'est en 1895 que W.-C. Roentgen découvre les rayons X, mais ce n'est que vers les années 1920-1930 que la radio
thérapie, en tant que discipline de traitement anticancéreux, va réellement se structurer. Le but de la radiothérapie
est d'utiliser les radiations ionisantes à visée thérapeutique, afin de détruire les cellules cancéreuses.
- une révolution technologique avec la mise à disposition d'appareillages de plus en plus performants en
particulier les accélérateurs linéaires ;
- une révolution biologique avec la compréhension de plus en plus précise des mécanismes d'action des
rayonnements ionisants.
• La radiothérapie s'intègre de plus en plus souvent dans des protocoles thérapeutiques multidisciplinaires, impli
quant avec elle chirurgie et/ou chimiothérapie anticancéreuse.
• La radiobiologie étudie les effets des radiations sur les cellules normales et tumorales. Son but ultime, en clinique,
est de permettre l'amélioration de l'efficacité des radiations sur les tumeurs et de minimiser les effets secondaires
sur les tissus sains traversés par les radiations ionisantes.
2.2. Définitions
• Les radiations ionisantes sont des radiations capables de créer des ionisations dans la matière qu'elles traversent
par« arrachement» d'électrons aux atomes des molécules du milieu.
• Les photons correspondent à des« grains» d'énergie sans masse, se déplaçant à la vitesse de la lumière et trans
portés par une onde électromagnétique.
On distingue les photons gamma, produits lors de la désintégration d'atomes radioactifs naturels ou artificiels,
cobalt (Co60 ), iridium (Ir192 ), césium (Cs137 ), et les photons X, produits lors des interactions électrons-matière.
En radiothérapie, il s'agit de photons produits par des tubes à rayons X ou par des accélérateurs linéaires à usage
médical. À énergie égale, photons gamma ou X ont des propriétés biologiques identiques : seuls les distinguent
leurs modes de production.
• Les électrons correspondent à des particules élémentaires de matière chargée négativement. La masse d'un élec
tron est environ deux mille fois plus petite que celle des particules constituant le noyau de l'atome (neutrons et
protons). En radiothérapie, on utilise essentiellement des électrons produits par les accélérateurs linéaires (dans
une gamme d'énergie allant de 4 à 32 MeV).
• Le Gray (Gy) est l'unité de dose en radiothérapie.
Il s'agit d'une unité de dose absorbée, correspondant à une absorption d'énergie d'l joule par Kg (1 Gy= 1 J.Kg-').
0 Irradiation
l
10· 15 s Ionisations-Excitations
10·5 s Radicaux libres
.--�
seconde Réactions biochimiques
minute
Réparation cellulaire
heure �
jour Mort différée
semaine
Réparation tissulaire
mois
année
CancérC:-----------.
descendance Mutations
Effet compton
électron Compton
-----�
· ., photon diffusé
Effet photoélectrique
photon électron
photon de fluorescence
.,
-
ou
électron Auger
• L'irradiation agit sur la perméabilité de la membrane cellulaire en induisant des chaînes de réactions encore
incomplètement connues, par l'intermédiaire de la dégradation des phospholipides (peroxydation lipidique) ainsi
qu'au niveau du cytoplasme sur les ribosomes et les mitochondries (ce site d'action semble peu important).
• Ce sont avant tout les lésions de l'ADN (acide désoxyribonucléique) nucléaire qui sont responsables des effets
biologiques des radiations ionisantes (Figure 5).
cassure
simple brin
modification
de base
site abasique
En l'absence d'oxygène (hypoxie), les cellules sont moins sensibles aux radiations. La dose nécessaire pour détruire
une cellule en hypoxie est 2,5 à 3 fois plus importante que celle nécessaire pour détruire la même cellule bien oxy
génée.
• Le facteur temps: le fractionnement et l'étalement régissent le déroulement d'une irradiation.
- Le fractionnement est le nombre de fractions (ou de séances) d'une irradiation. Il définit également
l'intervalle de temps entre deux fractions. Il est possible de modifier l'efficacité biologique d'une irradiation en
agissant sur les composants du facteurs temps.
Le fractionnement conventionnel délivre une fraction par jour de 2 Gy qui permet la restauration de !'ADN
des cellules normales.
Le hi-fractionnement (2 séances par jour) délivre à chaque séance une faible dose, moins toxique pour les
cellules normales qui sont capables de se réparer, et plus toxique pour les cellules tumorales qui réparent
mal. Ce mode d'irradiation protège donc les tissus sains tout en délivrant une dose d'irradiation efficace (à
condition que les deux séances soient espacées d'au moins 6 heures).
Différents protocoles de traitement utilisent soit une augmentation du nombre de fractions (hyper
fractionnement) pour des traitements curatifs, soit une diminution du nombre de fractions (hyp o
fractionnement) pour des traitements palliatifs qui recherchent rapidement l'effet désiré (antalgique par
exemple) avec peu de séances de traitement.
- L'étalement est la durée totale du traitement. En réduisant l'étalement (accélération), on dépasse la
prolifération des cellules tumorales permettant une destruction plus importante.
Un allongement du temps de traitement (protraction) est utilisé dans le cadre de traitements palliatifs dits en
« split-course ».
• L'effet dose: In vitro, les cellules tumorales ne sont pas entourées de tissu sain, et de très fortes doses d'irradiation
permettent d'obtenir 100 % de stérilisation. En clinique, l'augmentation des doses se heurte à la tolérance des
tissus sains, qui est limitée. Néanmoins, il a été montré (cancers bronchiques, ORL, gynécologiques) que l'aug
mentation de la dose totale d'irradiation, pour une même tumeur, améliore les chances de stérilisation. Cet effet
est constamment recherché en clinique pour les tumeurs radio-résistantes.
- les effets génétiques: ils restent très théoriques dans un contexte de radiothérapie. Les doses reçues aux gonades
sont souvent faibles, voire très faibles, car les volumes irradiés se situent à distance. Ce risque génétique ne
paraît devoir être pris en compte que lorsqu'une irradiation thérapeutique est amenée à délivrer aux testicules
ou aux ovaires une dose supérieure à 0,5-1 Gy (inférieure aux doses entraînant une castration).
1 1 1 1
3.1. Chimiothérapie
3.1.1. Considérations générales
• La chimiothérapie anti-tumorale utilise des médicaments qui entraînent un arrêt du cycle cellulaire (effet cytosta
tique) et/ou une mort cellulaire (effet cytotoxique), principalement par apoptose.
• Il n'y a pas de chimiothérapie possible sans preuve histologique. Seules certaines tumeurs germinales peuvent être
traitées sans preuve histologique sur la base d'arguments cliniques, radiologiques et biologiques.
• Trois principes régissent l'utilisation de la chimiothérapie systémique :
une fraction constante de cellules tumorales est tuée à chaque cycle thérapeutique. Par exemple, si un
cycle thérapeutique tue 99 % des cellules d'un cancer, une masse tumorale de 10 11 cellules sera réduite à
approximativement 10 cellules après 5 cycles;
- les cellules néoplasiques sont supposées répondre au traitement suivant une relation linéaire entre la dose et
son efficacité, ce qui justifie l'emploi de doses le plus élevées possibles, administrées aux intervalles de temps
les plus courts;
- l'hyp othèse de Goldie-Coldman suggère que les tumeurs ont un taux spontané de mutation d'environ une
cellule pour 100 000 et par gène. Ainsi, une tumeur contenant 109 cellules (environ 1 gramme) comprendra
spontanément environ 10 000 cellules résistantes à un médicament donné. Mais la résistance simultanée d'une
cellule à deux médicaments ne s'observera que pour une cellule sur 10 10 • Ceci explique l'efficacité supérieure
des poly-chimiothérapies.
• Les programmes de chimiothérapies sont établis au travers des essais conduits par des groupes nationaux ou
internationaux et suivent les recommandations des sociétés savantes (ESMO, ASCO ...) ou des organisations
institutionnelles (INCa, UNICANCER ...).
3. 1.2. Indications
• La chimiothérapie peut être administrée:
- En phase curative:
► Traitement néo-adjuvant: avant le traitement chirurgical de la tumeur. Cette approche permet de traiter la
tumeur primitive en place et les micro-métastases éventuellement présentes.
► Traitement adjuvant: au décours de la chirurgie. Il diminue (mais n'annule pas) le risque de rechute et
augmente la survie.
- En phase métastatique: l'objectif n'est plus la guérison mais la qualité de vie et le contrôle des symptômes.
On parle de chimiothérapie palliative (bien qu'elle ne soit pas administrée au moment de la fin de vie). Les
soins de support ont un rôle prépondérant durant cette phase. Dans certaines situations, la chimiothérapie
utilisée en phase métastatique peut être curative (tumeurs germinales métastatiques, cancer colo-rectal oligo
métastatique par exemple).
- De façon concomitante ou séquentielle à la radiothérapie ( ce qui permet la coopération temporelle et spatiale
entre chimiothérapie et radiothérapie).
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Cisplatine +/- ++ + +
Carboplatine + +
Oxaliplatine ++
+ (paresthésies +
au froid)
Cyclophosphamide/
+ + ++ +/-
ifosfamide
lrinotecan ++ (sd
+ + ++
cholinergique)
Anthracyclines + ++ ++ + +/- + (cumulatif) ++
Etoposide ++ + ++
Paclitaxel +/ - ++ + +
Docetaxel + + ++ ++ + +
Vinorelbine/vincristine +/- + ++
5 Fluorouracile + (spasme
+/- + /- +/- + /-
coronarien)
Capecitabine +/- + + + oral
Gemcitabine + +/- +/-
Methotrexate + + + /- +/-
Fréquence des toxicités : ++ très fréquent ; + : fréquent ; +/- : peu fréquent ; - : rare ou absent
• Surexpression ou modification de la cible au niveau des cellules tumorales qui les rendent moins sensibles à
l'action du médicament.
• Sur- ou sous-efficacité des systèmes de réparation de l'ADN.
3.1.5.2. Toxicités liées à des polymorphismes génétiques
• Certains médicaments sont susceptibles, chez certains individus prédisposés génétiquement, de provoquer une
toxicité accrue.
Par exemple :
- Un déficit complet en DHPD (dihydro-pyrimidine déshydrogénase) peut provoquer des toxicités
mortelles en cas d'administration de 5-FU. Celui-ci étant réduit par la DHPD, il s'accumule en cas de
déficit complet de l'enzyme. Un déficit partiel est possible; il sera géré par une administration du 5-FU à
dose réduite de moitié. li est recommandé depuis 2018 de réaliser un dépistage systématique du déficit
en DHPD avant toute administration de 5-FU ou Capécitabine.
- Un déficit en UGT1 A (maladie de Gilbert) entraîne des toxicités plus importantes après traitement par
l'irinotécan car l'UGT transforme le métabolite actif de l'irinotécan (SN38) en métabolite inactif.
3.3. Hormonothérapie
3.3.1. Généralités
• Les cellules tumorales du cancer de la prostate, du cancer du sein (et de l'endomètre) expriment des récepteurs
aux hormones, les rendant sensibles aux traitements anti-hormonaux.
• Le terme« hormonothérapie» est donc un abus de langage: il s'agit plutôt d'un traitement anti-hormonal, dont
le principe est d'empêcher cette stimulation hormonale par deux grandes méthodes:
- Diminuer la production hormonale au niveau:
► central(ex: utilisation des agonistes de la LH-RH qui inhibent la sécrétion de LH hypophysaire);
► périphérique (ex: suppression - irréversible - de la production hormonale ovarienne ou testiculaire par
chirurgie ou radiothérapie ; suppression temporaire par les inhibiteurs de l'aromatase chez les femmes
ménopausées dans le cancer du sein).
- Bloquer le récepteur hormonal au niveau de la cellule tumorale par une« anti-hormone».
les agonistes de la LH-RH, afin de prévenir l'exacerbation des symptômes au début du traitement.
3.4. Immunothérapie
3.4.1. Généralités
• L'immunothérapie agit principalement sur le système immunitaire du patient pour le rendre apte à attaquer les
cellules cancéreuses. On pourrait décrire l'absence de réaction immunitaire comme étant la résultante de la mise
en place d'une« glace sans tain» entre les cellules cancéreuses et les cellules immunitaires. L'immunothérapie abat
cette« glace sans tain ».
• L'immunothérapie repose sur les anticorps monoclonaux, notamment les inhibiteurs de points de contrôle, les
anticorps bispécifiques, le transfert adoptif de cellules ou encore la vaccination anti-tumorale, encore très expéri
mentale (en dehors de la vaccination préventive anti-HPV des cancers du col de l'utérus).
• Les effets indésirables de cette nouvelle classe médicamenteuse (on parle de « checkpoint inhibitors ») résultent
d'une réponse immunitaire augmentée ou excessive dirigée contre l'organisme du malade; ils sont définis comme
« immune related adverse events». Ils concernent essentiellement les systèmes gastro-intestinal, hépatique, cutané,
nerveux et endocrinien (notamment au niveau de l'hypophyse et de la thyroïde) mais ils peuvent atteindre toutes
les fonctions de l'organisme. Ils apparaissent pour la plupart pendant la phase d'induction du traitement mais
peuvent également être retardés. Un diagnostic précoce et une prise en charge appropriée, par corticothérapie à
forte dose éventuellement associée à un traitement immunosuppresseur, sont essentiels pour minimiser les com
plications menaçant le pronostic vital.
- temps médical: une ou plusieurs consultations dédiées à l'annonce, remise d'un programme personnalisé
de soins (PPS). En relais immédiat du dispositif d'annonce, le programme personnalisé de soins est remis à
chaque patient. Il formalise la proposition de prise en charge thérapeutique décidée en RCP. Il comprend entre
autres les coordonnées du médecin référent et de l'équipe soignante référente, les coordonnées de la personne
de confiance ainsi qu'un calendrier prévisionnel de soins et de suivi ;
- temps d'accompagnement soignant : le patient et/ou ses proches peuvent rencontrer un soignant (le plus
souvent une infirmière d'annonce) après la consultation médicale d'annonce, informations sur le déroulement
des soins et mise en contact avec d'autres professionnels de santé si besoin (psychologue, assistant social) ;
- accès à une équipe de soins de support ;
- un temps d'articulation avec la médecine de ville: le médecin traitant est informé en temps réel et doit être
associé au parcours de soins.
• Au terme du traitement, un programme personnalisé de l'après-cancer (PPAC) sera établi.
7. L'après-cancer
• Le Plan Cancer (2014-2019) ambitionne de préserver au maximum l'autonomie, la continuité et la qualité de
vie des personnes atteintes d'un cancer, pendant et après la période des traitements. Cela passe par une réduc
tion des risques de séquelles (douleurs, difficultés psychologiques, altération de la fertilité) et de second cancer
(accompagnement au sevrage tabagique, activité physique adaptée, alimentation équilibrée, réduction de la
consommation d'alcool). Les conséquences économiques et sociales sont elles aussi au centre de ce plan cancer:
notion du« droit à l'oubli» avec accès facilité à l'assurance et au crédit, dispositifs d'aménagement de la scolarité
pour les enfants et adolescents malades, mise en place d'observatoires/baromètres pour actualiser les connais
sances sur l'après-cancer.
► Références
• Mise en œuvre des traitements
- www.afsos.org: référentiels AFSOS(Association Francophone des Soins Oncologiques de Support)
- Recommandations HAS 2014 RCP
- INCa Plan Cancer 2014-2019 et Plans Cancers I à Ill
• La chirurgie des cancers
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de l'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Chirurgie oncologique concepts et techniques Serge Evrard, François Guillemin, Jacques Dauplat John Libbey Eurotext 2006
• Radiothérapie
- Pourquoi les radiations ionisantes sont-elles thérapeutiques ? Hennequin C. La Revue du Praticien, N° : 1, Pages : 74, Rubrique
éditoriale:Dossier, Radiothérapie. 2011-01-18
- Les grandes indications de la radiothérapie. Maingon P. La Revue du Praticien, N°: 1, Pages:79, Rubrique éditoriale:Dossier. 2011-
01-18
- Effets indésirables de la radiothérapie. Henni M., Ali D. La Revue du Praticien, N° : 4, Pages: 461-6, Rubrique éditoriale: Pratique
Médicale. 2012-04-16
• Chimiothérapie et Thérapies ciblées
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de l'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Les médicaments du cancer, Trédaniel Jean, ESKA, 2015
• Hormonothérapies
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de l'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Site de l'Association française d'Urologie (www.urofrance.org/nc/science-et-recherche/base-bibliographique/article/htlm/
recommandations-en-onco-urologie-2013-du-ccafu-cancer-de-la-prostate.htlm)
• Immunothérapie
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de L'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Tumor immunotherapy directed at PD-1, Ribas, A, et al.: New England Journal of Medicine, 2012, 366, 2517-9.
POINTS CLÉS
1. Tout patient bénéficiant d'un traitement médical, chirurgical ou d'une radiothérapie pour un can
cer doit avoir un programme personnalisé de soins, une consultation d'annonce et son dossier doit
être présenté en RCP.
2. Chirurgie adaptée aux buts (curative ou palliative, réparatrice ...) et à l'état général du patient.
3. Pas de chimiothérapie ou de radiothérapie sans preuve histologique sauf cas particuliers (cer
taines tumeurs germinales).
4. Les effets tissulaires de la radiothérapie peuvent se révéler des mois, voire des années, après l'irra
diation; ce qui nécessite une surveillance régulière d'au moins 5 ans après la radiothérapie.
S. Bilan des fonctions vitales et nutritionnel avant chaque chimiothérapie et bilan adapté à la molé
cule de chimiothérapie (bilan rénal et audiogramme pour le cisplatine, épreuves fonctionnes respi
ratoires pour la bléomycine, échographie cardiaque pour les anthracyclines).
6. Pour les toxicités des chimiothérapies ou de la radiothérapie: toxicités aiguës ou chroniques,
toxicités communes et spécifiques.
7. Les thérapies ciblées agissent sur un mécanisme de prolifération tumorale précis et spécifique,
avec une meilleure tolérance que la chimiothérapie. On distingue les anticorps monoclonaux (suf
fixe - mab) des inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI).
8. Cancers hormono-dépendants: cancers du sein, prostate, endomètre.
9. Le principe de l'immunothérapie est d'induire une réponse immunitaire anti-tumorale efficace,
à médiation cellulaire.
1. Ce chapitre a pour but de vous expliquer les grands principes des traitements du cancer. L'.ob
jectif n'est pas de vous faire devenir des experts en cancérologie, mais de mettre en exergue
les points importants dans la prise en charge des cancers, particulièrement susceptibles d'être
abordés à l'ECN et qui« peuvent faire très mal» ... en particulier la RCP, les complications des
traitements ...
2. Le principe de la stratégie thérapeutique est le même pour chaque cancer: déterminer en
premier lieu le stade et le traitement ne posera pas de difficulté:
- localisé/localement avancé : chirurgie +/- radiothérapie et/ou chimiothérapie, le but du
traitement est CURATIF;
- métastatique: traitement systémique (chimiothérapie), le but du traitement est PALLIATIF.
3. Cinq cancers sont à connaître sur le bout des doigts, TNM compris: sein, prostate, poumon,
côlon, mélanome. Pour les autres, même si la TNM n'est pas à connaître, il faut avoir une idée des
stades qui font changer le traitement...