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CHAPITRE ►---------------------------------------
Traitement des cancers :
chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux
des cancers (chimiothérapie, thérapies ciblées,
immunothérapie). La décision thérapeutique
pluridisciplinaire et l'information du malade
Dr Céline Bourgier', Dr Marc-Antoine Benderra2, Dr Sandrine Richard2, Pr François Guillemin3,
Pr Frédéric Marchal•, Pr David Azria', Pr Jean-Pierre Lotz2
'Institut de Cancérologie de Montpellier, Unicancer, Montpellier
'Service d'Oncologie Médicale et de Thérapie Cellulaire, Hôpital Tenon, Groupe Hospitalier Est-Parisien, AP-HP, Paris
3 Institut de Cancérologie de Lorraine, Centre Jean Godinot, Unicancer, Reims

• Institut de Cancérologie de Lorraine, Centre Alexis Vautrin, Unicancer, Vandœuvre-lès-Nancy

1. La chirurgie des cancers 2.5. Différents types de radiothérapie


1.1. La prévention 2.6. Doses de tolérance des tissus sains et doses
1.2. Diagnostic et bilan d'extension nécessaires à la stérilisation des tumeurs
1.3. Traitements 2.7. Principaux effets secondaires
1.4. Réhabilitation 3. Traitements médicaux des cancers
1.5. La chirurgie palliative 3.1. Chimiothérapie
1.6. La chirurgie de recours 3.2. Thérapies ciblées
1.7. l'innovation en chirurgie cancérologique 3.3. Hormonothérapie
1.8. Le compte-rendu opératoire 3.4. Immunothérapie
1.9. Le chirurgien cancérologue 3.5. La résistance aux traitements médicaux des cancers
2. Radiothérapie oncologique 4. Décision thérapeutique et mise en œuvre
2.1. Introduction S. Les essais cliniques
2.2. Définitions 6. Les autorisation temporaires d'utilisation (ATU)
2.3. Mécanismes d'action des radiations ionisantes 7. L'après-cancer
2.4. Facteurs influençant l'effet des radiations

OBJECTIFS iECN
Mots clés: Bilan d'extension - TNM - Chirurgie
➔ Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, carcinologique - Réhabilitation - Anatomo­
traitements médicaux des cancers (chimiothérapie, pathologie - lmmuno-histo-chimie.
thérapies ciblées, immunothérapie). La décision théra­
peutique pluridisciplinaire et l'information du malade.
Radiothérapie - Fractionnement - Facteur temps -
Curiethérapie.
- Décrire les principes et risques des traitements en can­
cérologie (voir item 326).
Plans Cancer - Prévention - RCP - Dispositif
d'annonce - Programme personnalisé de soins -
- Justifier l'utilité d'une concertation pluridisciplinaire.
Qualité de vie - Essais thérapeutiques - Soins de
- Connaître les objectifs du dispositif d'annonce et de la support - Toxicités.
mise en place d'un programme personnalisé des soins.

• Le traitement d'un cancer peut faire appel à plusieurs modalités thérapeutiques, isolément, simultanément ou
successivement (Figure 1). La décision thérapeutique ne peut donc reposer que sur une concertation multidisci­
plinaire. Les soins oncologiques de support ne sont pas réservés à la phase purement palliative de la fin de vie mais
font partie intégrante de la prise en charge thérapeutique du malade dès le diagnostic.

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Figure 1. Traitement d'un cancer: plusieurs modalités thérapeutiques

Méthodes thérapeutiques

1 1 1
Soins
Traitements
Chirurgie Radiothérapie Oncologiques
médicaux
de Support

1. La chirurgie des cancers


• La chirurgie a une place essentielle dans le traitement des cancers. Elle s'intègre dans la pluridisciplinarité avec
les autres méthodes de traitement que sont l'oncologie radiothérapie, l'oncologie médicale et les soins de support,
ainsi qu'avec les spécialités diagnostiques, l'anatomie pathologique, l'imagerie et les spécialités d'organe.
• La chirurgie est un traitement local ou loco-régional. Elle vise la tumeur, les aires ganglionnaires du drainage
lymphatique et parfois des métastases. L'objectif est le contrôle de la maladie par !'exérèse du foyer pathologique
en première intention ou après un traitement d'induction. Le risque de maladie métastatique, s'il est significatif
sera couvert par un traitement adjuvant.
• Le médecin anesthésiste-réanimateur est un partenaire essentiel : il évalue l'opérabilité. Le patient cancéreux
peut avoir des comorbidités majeures: indépendantes plus ou moins liées à l'âge, liées aux traitements (chimio­
thérapie, radiothérapie), liées aux conséquences de la tumeur (dénutrition). Il doit également anticiper les consé­
quences possibles de la chirurgie. Le bénéfice d'une intervention est mis en balance avec les risques encourus de
décompensation d'une fonction vitale. Une préparation immuno-nutritionnelle est parfois indispensable.
• On peut schématiquement placer l'acte chirurgical dans quatre grands domaines (Figure 2: prévention (éviter),
diagnostic et bilan d'extension (affirmer et préciser), traitement (guérir et soulager) et réhabilitation (réparer).

Figure 2. Les domaines de la chirurgie des cancers

Les domaines de la chirurgie


des cancers

1 1 1 1

Diagnostic
Prévention Traitement Réhabilitation
et bilan d'extension

1.1. La prévention
1. 1. 1. la chirurgie prophylactique
• L'objectif est !'exérèse d'un organe apparemment sain, mais ayant un très fort risque de développement d'un
cancer lié à l'identification d'une mutation génétique constitutionnelle.

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Exemple : Mastectomies et ovariectomies prophylactiques chez des patientes jeunes porteuses d'une
mutation BRCA 1 ou 2.

1.1.2. la chirurgie préventive


• L'objectif est l'exérèse complète d'états précancéreux assurant ainsi une prévention secondaire. La guérison est de
100 %. En principe les gestes sont limités, mais ce n'est pas toujours le cas.

Exemples:
- Conisation en cas de carcinome in situ du col utérin.
- Colectomie totale+/- proctectomie en cas de polypose recto-colique.

• Toutes les lésions précancéreuses justifient un geste d'exérèse.

Exemples: Dysplasies, leucoplasies et érythroplasies muqueuses, carcinomes in situ de l'œsophage ou de la


vessie, carcinome intra-canalaire du sein (CCIS) ...

• L'alternative à la chirurgie est la résection endoscopique ou la destruction (laser, plasma argon, hyper-fréquence ...).
Une radiothérapie peut être associée à la chirurgie comme dans le CCIS de haut grade du sein.

1.2. Diagnostic et bilan d'extension


1.2.1. Diagnostic
• L'objectif est d'affirmer la malignité, de préciser le typ e histologique ainsi que d'autres paramètres biologiques
pouvant modifier la décision thérapeutique.
• L'évolution des techniques radiologiques interventionnelles a limité ces indications chirurgicales. Le chirurgien
sera amené à faire un prélèvement là où le radiologue ne peut aller (accessibilité), si des prélèvements répétés
n'apportent pas l'information utile ou si le geste participe au traitement.

Exemples:
- Biopsie du col utérin sous colposcopie.
- Castration par voie inguinale pour le diagnostic de cancer du testicule.

• A contrario, la chirurgie peut permettre de corriger un diagnostic erroné de malignité ou de découvrir fortuite­
ment une tumeur maligne sur pièce opératoire.
• Cette étape diagnostique se fait en collaboration avec l'anatomo-pathologiste. Le chirurgien doit indiquer la topo­
graphie des prélèvements, les orienter et préciser le degré d'urgence.

1.2.2. Bilan d'extension


• L'objectif est d'obtenir un classement par stade ( OMS, FIGO ...) précis, nécessaire à la définition d'un programme
thérapeutique. L'imagerie a ici une place essentielle en complément des données cliniques.

Exemples:
- La cœlioscopie pour un cancer de l'ovaire oriente le choix du premier traitement et permet d'obtenir
une preuve histologique sur la tumeur, ses extensions et une cytologie sur le liquide péritonéal.
- Une suspicion de carcinose péritonéale (mésothéliome, cancer de l'estomac) nécessite une cœlioscopie
de classification de l'atteinte péritonéale pour estimer les chances de résection R0.

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• Le curage apporte une information sur l'atteinte des ganglions et sera utilisé pour poser une indication de chimio­
thérapie adjuvante (exemple: cancer du sein) et/ou d'une radiothérapie externe adaptée (exemples: cancer du col
utérin, cancer de la prostate). Une atteinte ganglionnaire peut être une contre-indication relative à la chirurgie
d'exérèse de l'organe en première intention (vessie, estomac, carcinome hépatocellulaire ...).

1 .3. Traitements
1.3.1. Radicalité et qualité de vie
• Les objectifs de la chirurgie sont la guérison et le maintien d'une bonne qualité de vie. Le principe de radicalité a
pour objectif d'éviter les récidives locales; l'exérèse du cancer doit être totale et passer en tissu sain, sans effraction
de la tumeur. L'évolution des pratiques chirurgicales a voulu préserver la radicalité du geste tout en réduisant les
séquelles fonctionnelles ou mutilantes.

Exemples:
Abandon de la mastectomie totale élargie à des méthodes conservatrices pour le cancer du sein.
- Abandon des amputations et désarticulations de membre pour les sarcomes des tissus mous.

• La règle générale de la chirurgie d'exérèse des cancers est l'exérèse anatomique.

Exemples:
Pneumonectomie et curage ganglionnaire médiastinal pour un carcinome bronchique développé sur
une bronche souche.
- Hémi-colectomie droite pour un adénocarcinome du ccecum.
- Ablation de toute la glande, y compris le prolongement axillaire, en cas de chirurgie non conservatrice
pour un cancer du sein.

1.3.2. les marges


• La marge est la distance entre la dernière cellule cancéreuse et le trait de coupe chirurgical ; elle se mesure
macroscopiquement et microscopiquement. La notion de berge décrit une surface sur la pièce opératoire. Une
berge envahie signifie que le chirurgien est passé dans la tumeur et qu'il reste un foyer tumoral massif; la marge
est nulle. Quand la tumeur affleure la berge (la surface de la pièce opératoire), la marge est quasi nulle et le risque
que des cellules résiduelles malignes soient restées en place est important. À l'inverse, si la berge est saine et si la
marge est correcte, le geste est probablement localement efficace.

Exemples:
- Lors de !'exérèse d'un cancer du sein, une marge entre 1 et 2 mm est suffisante à condition qu'il n'y ait
pas de carcinome intra-canalaire (CCIS) associé car la marge exigée serait alors de 2 mm.
- La marge d'exérèse d'un mélanome cutané dépend de l'indice de Breslow (plus la tumeur est épaisse,
plus grandes devront être les marges).
- Un sarcome rétro-péritonéal justifie une néphrectomie et une colectomie afin de s'assurer de marges
significatives.

• On classe la qualité de l'exérèse en trois niveaux selon la présence ou non de foyers tumoraux résiduels
après la chirurgie:
- RO: il n'y a pas de résidu microscopique;
- Rl : il n'y a pas de résidu macroscopique, mais un très fort risque de résidu microscopique;
- R2: il persiste un résidu macroscopique.

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1.3.3. Le curage ganglionnaire


• Différentes stratégies sont possibles vis-à-vis des zones anatomiques de drainage lymphatique:
- curage de nécessité : il existe une atteinte macroscopique prouvée qui justifie l'exérèse réglée des sites de
drainage anatomique ;
- curage de principe: il existe un risque d'atteinte ganglionnaire qui incite à faire un curage réglé si celui-ci a
une valeur thérapeutique ou si l'information obtenue peut être décisive pour le choix du traitement à suivre ;
- la technique du ganglion sentinelle a pour but de limiter le prélèvement au premier relai ganglionnaire (1 à 3
ganglions) et n'élargir le curage que si ce premier relai est envahi.

1.3.4. La chirurgie mini-invasive


• La chirurgie « ouverte » reste souvent nécessaire pour des tumeurs volumineuses, des situations complexes, les
récidives...
• La cœliochirurgie est reconnue comme un standard pour la chirurgie de petites tumeurs.
• Il est essentiel de garantir la même qualité de geste qu'en chirurgie ouverte et d'obtenir le même résultat carci­
nologique en survie sans récidive. L'amélioration des suites opératoires est jugée sur des critères tels que: pertes
sanguines, douleur, reprise du transit, durée moyenne de séjour.

1.3.5. La transplantation hépatique


• À l'inverse de la chirurgie mini-invasive, des gestes majeurs sont possibles en chirurgie des cancers. Par exemple,
la transplantation hépatique est parfois indiquée dans le carcinome hépatocellulaire. On intègre dans les indica­
tions la taille de la tumeur, l'absence de métastase, l'existence ou non d'une thrombose portale, la fonction hépa­
tique selon Child, et on met en balance les autres techniques (résection chirurgicale limitée, chimio-embolisation
artérielle, thérapie ciblée, chimio-lipiodol, radio-fréquence, radiothérapie conformationnelle ou en conditions
stéréotaxiques ...) et les risques de l'immunosuppression post-transplantation.

1.3.6. Les associations thérapeutiques

• La juxtaposition signifie que les cibles sont différentes: la chirurgie se limite à l'exérèse du site tumoral et la
radiothérapie complète le traitement loco-régional sur les extensions locales et/ou sur les ganglions potentiel­
lement atteints. La chimiothérapie a pour objectif de réduire le risque lié à une maladie générale.
• La superposition signifie que les cibles sont identiques. Les traitements se suivront. On parle de chimio­
thérapie d'induction (ou néo-adjuvante) quand la chimiothérapie est la première séquence du traitement. La
radiothérapie externe peut également précéder ou suivre l'acte chirurgical.

• Les objectifs sont divers: traiter en priorité une maladie potentiellement métastatique infra-clinique, réduire le
volume de la tumeur pour la rendre extirpable ou limiter l'importance de l'exérèse chirurgicale et permettre la
conservation partielle de l'organe dans un but fonctionnel ou de qualité de vie.

Exemples:
Un cancer du rectum sous péritonéal > T2 justifie une radiothérapie associée à une chimiothérapie,
avant le temps chirurgical d'exérèse et sans préjuger de l'indication d'une chimiothérapie adjuvante.
- Les métastases hépatiques des cancers colorectaux, de l'adénocarcinome du bas œsophage, des
sarcomes des membres, etc. bénéficient d'un traitement d'induction pré-chirurgical.

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1.3.7. Traitements combinés per-opératoires
• L'irradiation per-opératoire (IORT: Intra Operative Radiation Therapy) consiste à irradier avec des électrons un
site anatomique défini, en protégeant les organes sensibles adjacents. L'infrastructure pour réaliser ce traitement
nécessite que l'accélérateur de radiothérapie soit situé dans le bloc opératoire (possible ambulatoire) et que les
oncologues radiothérapeutes, les physiciens médicaux et les chirurgiens soient parfaitement coordonnés entre
eux.

Exemple : La radiothérapie per-opératoire pour le cancer du sein délivre une dose unique dans le lit
opératoire. L'intérêt est de remplacer la radiothérapie externe qui s'étale sur 5 à 6 semaines (ou moins pour
un protocole de radiothérapie hypo fractionnée) par une seule séance au cours de l'intervention.

• La chimiothérapie loco-régionale associe l'administration d'une très forte dose de chimiothérapie dans un com­
partiment limité à une hyperthermie potentialisatrice.

Exemples:
Traitement du pseudo-myxome (maladie gélatineuse du péritoine).
- Perfusion de membre isolé avec le TNFa, indiquée pour les sarcomes des parties molles ou le mélanome
avec nodules en transit des membres avec comme bénéfice la possibilité de faire ensuite une chirurgie
d'exérèse conservatrice.

1.3.8. les alternatives à la chirurgie


• La chimiothérapie et la radiothérapie permettent, dans certains cas, d'obtenir une réponse histologique complète
ou une survie globale équivalente à la chirurgie avec une morbi-mortalité moindre.

Exemples:
Radio-chimiothérapie concomitante exclusive du carcinome épidermoïde du tiers supérieur de
l'œsophage, du cancer de vessie T2 (après RTUV complète).
Le cancer de la prostate peut être traité par curiethérapie, par radiothérapie externe conformationnelle
avec modulation d'intensité, par cryothérapie, etc. en lieu et place de la chirurgie. Chaque technique a
des indications plus ou moins précises, mais qui dépendent également de l'accès au plateau technique
correspondant.

1.3.9. la chirurgie des masses résiduelles


• Elle vise à enlever ce qui reste après les premières phases du traitement pour gérer un temps suivant.

Exemple : La persistance de masses ganglionnaires après chimiothérapie pour une tumeur germinale
non séminomateuse du testicule de stade Il (atteinte des ganglions régionaux: ganglions para-aortiques,
pré-aortiques, inter-aortico-caves, pré-caves, para-caves, rétro-caves, rétro-aortiques et le long des veines
spermatiques) peut correspondre à
► des résidus tumoraux actifs qui vont imposer une chimiothérapie de deuxième ligne, voire une
intensification de dose;
► du matériel nécrotique qui peut renseigner sur la nature d'images résiduelles en site métastatique
(poumon, ganglions médiastinaux) dont la surveillance sera suffisante;
► une tumeur mature à type de tératome dont l'évolution sous forme de tératome croissant peut

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1.3.1 O. La chirurgie de rattrapage


• L'échec d'un premier traitement non chirurgical, sans intervalle libre, peut parfois être rattrapé par la chirurgie.
Dans tous les cas une évolution métastatique doit faire reconsidérer la chirurgie qui pourrait à la rigueur se justi­
fier à titre de « propreté ».

Exemple:
- Le cancer épidermoïde de la marge anale est traité en première intention par une association de radio­
chimiothérapie. Le résultat attendu est un contrôle de la maladie dans plus de 90 % des cas. L'échec
est la persistance de tumeur vivace, de douleurs et souvent une incontinence des matières et des gaz.
L'amputation ano-rectale par voie abdomino-périnéale est alors nécessaire. Elle se justifie d'autant plus
que la maladie est à un stade local et si l'atteinte ganglionnaire a été contrôlée par le traitement.

1.3.11. Chirurgie des métastases


• La chirurgie des métastases peut avoir une ambition curative.
Elle est encadrée par un traitement systémique dont l'objectif est de réduire le volume de la (des) métastase(s) et
de détruire la maladie métastatique infra-clinique. Elle s'adresse à des métastases synchrones ou métachrones de
la tumeur primitive. La chirurgie se fait en un ou plusieurs temps. L'état général doit être compatible avec une
chirurgie étendue. La totalité des lésions visibles doit être réséquée; l'objectif est un résultat RO afin d'améliorer
la survie et la qualité de vie.

Exemples:
La chirurgie des métastases hépatiques des cancers colorectaux s'intègre parfaitement dans ce
raisonnement et les indications se sont considérablement étendues. On propose un protocole
commençant par la chimiothérapie, une embolisation du lobe hépatique le plus atteint (celui qui sera
réséqué) pour augmenter le volume de parenchyme résiduel controlatéral et dans le même temps
on détruit les foyers tumoraux (hyperfréquence, cryothérapie, ultra-sons focalisés, radiothérapie en
conditions stéréotaxiques) dans le lobe qui restera en place.
La chirurgie des métastases pulmonaires de sarcomes peut amener à la résection de plusieurs dizaines
de nodules dans les deux poumons.

• La chirurgie des métastases peut n'être que palliative.


L'objectif est la prévention de complications ou le traitement d'un symptôme.

Exemples:
- Laminectomie décompressive de la moëlle épinière pour éviter une paraplégie.
- Ostéosynthèse en prévention d'une fracture pathologique.

1.3.12. La chirurgie des rechutes


• La récidive se définit comme une reprise évolutive du cancer après un intervalle libre. Les indications chirurgi­
cales sont peu fréquentes. Il faut préalablement s'assurer de l'absence de métastase. La chirurgie doit être capable
d'enlever complétement le foyer tumoral (RO).

Exemple : La récidive locale d'un cancer du sein après traitement conservateur relève d'une chirurgie
radicale non conservatrice.

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1.4. Réhabilitation
• La chirurgie réparatrice s'adresse aux conséquences et séquelles de la chirurgie d'exérèse et aux complications des
autres méthodes de traitement des cancers. Le geste peut être fait immédiatement par nécessité ou de manière
différée.

1.4.1. Chirurgie des complications et des séquelles


1.4.1.1. Complications de la radiothérapie
• Les facteurs favorisants sont une dénutrition, un diabète, un syndrome d'hyp ersensibilité à la radiothérapie, des
adhérences post-opératoires, le tabagisme.
• Les complications observées peuvent être: ulcération, fibrose, fistule, nécrose, perforation ...
• Il était fréquent à l'époque de la radiothérapie par rayons y (cobalthérapie) d'observer des radio-nécroses. Actuel­
lement, l'énergie des rayonnements X et les progrès de la dosimétrie ont rendu ces complications exceptionnelles.

Exemple : Le grêle radique, consécutif à une irradiation abdominale peut se manifester par une nécrose
muqueuse sténosante limitée, en général en regard d'une bride adhérentielle. Il peut se manifester par des
troubles de l'absorption et des troubles du transit par fibrose d'une longue portion du grêle. La chirurgie
réalise la résection de tout le segment pathologique et s'assure d'une suture en zone saine.

• La chirurgie est parfois nécessaire dans des situations où la complication est liée à l'efficacité de la radiothérapie
qui aboutit à la fonte tumorale et démasque une fistule, provoque un abcès sur nécrose, etc.

1.4.1.2. Complications de la chimiothérapie


• L'extravasation des produits de chimiothérapie provoque des brûlures chimiques extensives et d'aggravation pro­
gressive dont le traitement est la lipoaspiration en urgence ou un débridement chirurgical si le patient est référé
tardivement(> 12 h). Ensuite, il faut exciser les zones nécrosées quand elles sont bien délimitées et couvrir la perte
de substance. Parallèlement, l'ablation du cathéter ou du site implantable est indispensable.
• Le traitement par les bisphosphonates peut se compliquer d'une nécrose mandibulaire. La prévention est la mise
en état dentaire en préalable de leur prescription. À un stade avancé, on observe une nécrose muqueuse gingivale
et des séquestres osseux. Le traitement est l'arrêt des bisphosphonates, l'ablation des séquestres et la couverture
de l'os sain.

1.4.2. Reconstructions immédiates


• Les reconstructions immédiates sont des gestes courants en chirurgie des cancers. La plupart du temps, il s'agit
de restaurer une fonction essentielle : rétablissements de continuité digestive, urinaire, bronchique, pharyngo­
laryngée ou vasculaire, réfection pariétale, couverture cutanée, etc. L'utilisation d'une technique de reconstruction
a aussi l'avantage de pouvoir réaliser une exérèse plus large dont la valeur curative est potentiellement meilleure.

Exemples:
Une prostato-cystectomie totale pour un cancer de la vessie peut être compensée par une iléo-néo­
cystoplastie (reconstruction d'un réservoir in situ en utilisant le grêle« détubulé » et anastomoses urétro­
iléale et urétéro-iléales).
Une pharyngo-laryngectomie totale sera partiellement reconstruite en rétablissant la continuité de la
voie digestive supérieure entre la cavité buccale et l'œsophage: lambeau libre jéjunal ou lambeau libre
cutané ou plastie cutanée locale, etc.
- Pour le cancer du sein nécessitant une mastectomie totale, il est possible de réaliser une reconstruction
immédiate:
► pour un carcinome canalaire in situ étendu;
► pour un cancer ayant nécessité une chimiothérapie première que l'on fait suivre par une
radiothérapie. La chirurgie clôt le traitement par une mastectomie totale et une reconstruction
mammaire immédiate (RMI).

► 84 ÎRAITEMENT DES CANCERS I LJE 9 - ITEM 291


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• En chirurgie mammaire conservatrice, de nombreuses techniques dérivées de la chirurgie plastique du sein ont
été proposées. Pour les cancers du quadrant inférieur, une technique issue de la chirurgie de réduction mammaire
est utile; elle est associée à une chirurgie controlatérale de symétrisation.

1.4.3. Reconstructions différées


• Le premier objectif du traitement est de corriger des séquelles fonctionnelles ou esthétiques.

Exemples:
La chirurgie du plancher de bouche nécessite parfois une interruption du maxillaire inférieur. Une
reconstruction secondaire, après cicatrisation et éventuellement une radiothérapie, associe une greffe
osseuse et dans les bons cas l'implantation d'orthèses.
- La reconstruction différée du sein est largement répandue; le choix des techniques est large.

1.5. La chirurgie palliative


• Les seules bonnes indications sont celles dont l'objectif est de soulager et d'améliorer la qualité de vie avec une
efficacité immédiate et durable. Il peut s'agir de:
- Dérivations
► des urines par urétérostomies en cas d'urétéro-hydronéphrose ou de fistule et si les techniques
interventionnelles (stent urétéral JJ, néphrostomie, cystostomie) ne sont pas applicables;
► des matières en cas d'occlusion. La colostomie ou l'iléostomie sont indiquées si la pose d'un stent colique
n'est pas possible;
► de l'alimentation, de préférence à une gastrostomie chirurgicale, une gastrostomie percutanée ou la pose
d'une prothèse œsophagienne permettra la reprise d'une alimentation per os.
- Exérèses
► pour une perforation d'un organe creux (estomac, côlon ...);
► pour un saignement important (estomac, rein ...);
► pour une occlusion (carcinose péritonéale limitée, cancer colique sténosant métastatique ...).
- Ligature vasculaire
► pour une rupture carotidienne dans l'évolution d'un cancer du pharynx.
- Trachéotomie
► pour un c_aricer du larynx ou un cancer du pharynx propagé au larynx.
- Ostéosynthèses
► pour fracture pathologique ayant un impact fonctionnel majeur (fémur, humérus, vertèbre ...).

1.6. La chirurgie de recours


• Cette chirurgie est celle qui s'adresse aux situations les plus difficiles, souvent après chimiothérapie et/ou radio­
thérapie préalables:
- tumeurs rares pour lesquelles il est recommandé de faire appel à des centres de référence;
- rattrapage et récidives (cf supra) ;
- zones anatomiques frontières: thorax/abdomen, pelvis/racine du membre inférieur, etc.;
- chirurgie lourde: exentérations pelviennes, exérèses multi-viscérales, carcinose péritonéale;
- participation à la recherche clinique.

LJE 9 - ITEM 291 1 ÎRAITEMENT DES CANCERS 85 ◄


1.7. L'innovation en chirurgie cancérologique
• Les progrès de la chirurgie, de l'anesthésie et de la réanimation permettent l'exécution d'actes complexes et sim­
plifient les suites d'actes courants. Entre autres progrès, la prise en charge de la douleur en per- et post-opératoire
est une obligation qui améliore les suites opératoires et le confort des patients.
• Des progrès technologiques améliorent la qualité du geste.

1.7.1. Aide à la navigation


• La possibilité de fusionner une image tomodensitométrique et la position en temps réel des instruments donne
une meilleure précision au geste chirurgical. Il peut s'agir de repérer une structure anatomique à préserver, de
repérer la position de la tumeur pour assurer des marges correctes, d'implanter une antenne d'ablathermie ...

1.7.2. la télé-cœ/iochirurgie
• La chirurgie dite« robotique» est une étape importante dans l'amélioration de la chirurgie mini-invasive comme:
- cœlioscopie avec vision 3D;
- ergonomie chirurgicale: position assise et appui des avant-bras;
- suppression du tremblement.
• Toutes les procédures réalisables par cœliochirurgie classique, le sont encore plus facilement par télé-cœliochirur­
gie car l'apprentissage est plus rapide et la mobilité des instruments facilite l'exécution des gestes.

1.8. Le compte-rendu opératoire


• La standardisation et la structuration du compte-rendu opératoire permettent d'apporter des informations sur
le geste effectivement réalisé et son exécution, sans perte d'information. La justification de l'intervention et ses
objectifs sont rappelés ainsi que les comorbidités qui ont pu modifier la chronologie des traitements. Le temps
descriptif des lésions observées et des particularités constatées affine le bilan d'extension. Le constat en fin d'inter­
vention décrit d'éventuelles lésions résiduelles.

1.9. Le chirurgien cancérologue


• Tout chirurgien est confronté au cancer à un moment ou à un autre.
• Il connaît les bases fondamentales de la cancérologie et les principes de la chirurgie cancérologique.
• Il exerce dans un contexte de pluridisciplinarité et suit les référentiels. Il collabore avec l'oncologue médical,
l'oncologue radiothérapeute, le radiologue et les spécialistes d'organe.
• Il a une certaine polyvalence technique.
• Il ne confond pas un débat technique et une stratégie thérapeutique.
• Il contribue à l'information du patient et de ses proches.

2. Radiothérapie oncologique
2.1. Introduction
• C'est en 1895 que W.-C. Roentgen découvre les rayons X, mais ce n'est que vers les années 1920-1930 que la radio­
thérapie, en tant que discipline de traitement anticancéreux, va réellement se structurer. Le but de la radiothérapie
est d'utiliser les radiations ionisantes à visée thérapeutique, afin de détruire les cellules cancéreuses.

► 86 ÎRAITEMENT DES CANCERS I UE 9 - ITEM 291


• UE9 Item 291
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• La fin du :xx siècle a vu se développer une double révolution en radiothérapie :


e

- une révolution technologique avec la mise à disposition d'appareillages de plus en plus performants en
particulier les accélérateurs linéaires ;
- une révolution biologique avec la compréhension de plus en plus précise des mécanismes d'action des
rayonnements ionisants.
• La radiothérapie s'intègre de plus en plus souvent dans des protocoles thérapeutiques multidisciplinaires, impli­
quant avec elle chirurgie et/ou chimiothérapie anticancéreuse.
• La radiobiologie étudie les effets des radiations sur les cellules normales et tumorales. Son but ultime, en clinique,
est de permettre l'amélioration de l'efficacité des radiations sur les tumeurs et de minimiser les effets secondaires
sur les tissus sains traversés par les radiations ionisantes.

2.2. Définitions
• Les radiations ionisantes sont des radiations capables de créer des ionisations dans la matière qu'elles traversent
par« arrachement» d'électrons aux atomes des molécules du milieu.
• Les photons correspondent à des« grains» d'énergie sans masse, se déplaçant à la vitesse de la lumière et trans­
portés par une onde électromagnétique.
On distingue les photons gamma, produits lors de la désintégration d'atomes radioactifs naturels ou artificiels,
cobalt (Co60 ), iridium (Ir192 ), césium (Cs137 ), et les photons X, produits lors des interactions électrons-matière.
En radiothérapie, il s'agit de photons produits par des tubes à rayons X ou par des accélérateurs linéaires à usage
médical. À énergie égale, photons gamma ou X ont des propriétés biologiques identiques : seuls les distinguent
leurs modes de production.
• Les électrons correspondent à des particules élémentaires de matière chargée négativement. La masse d'un élec­
tron est environ deux mille fois plus petite que celle des particules constituant le noyau de l'atome (neutrons et
protons). En radiothérapie, on utilise essentiellement des électrons produits par les accélérateurs linéaires (dans
une gamme d'énergie allant de 4 à 32 MeV).
• Le Gray (Gy) est l'unité de dose en radiothérapie.
Il s'agit d'une unité de dose absorbée, correspondant à une absorption d'énergie d'l joule par Kg (1 Gy= 1 J.Kg-').

2.3. Mécanismes d'action des radiations ionisantes


• On distingue 4 phases successives (physique, chimique, cellulaire, tissulaire) (Figure 3).

Figure 3. Phases successives d'action des radiations ionisantes

0 Irradiation

l
10· 15 s Ionisations-Excitations
10·5 s Radicaux libres

.--�
seconde Réactions biochimiques
minute
Réparation cellulaire
heure �
jour Mort différée
semaine
Réparation tissulaire
mois
année
CancérC:-----------.
descendance Mutations

LJE 9 - ITEM 291 1 ÎRAITEMENT DES CANCERS 87 ◄


2.3.1. La phase physique
• Elle correspond aux évènements physiques initiaux (ionisations, excitations) déclenchés par l'interaction des
rayonnements avec les atomes des molécules cellulaires. Ces évènements se produisent avec une extrême rapidité
(de l'ordre de 10- 15 à 10- 16 seconde):
- Interaction photons-matière : dans la gamme d'énergie des photons utilisés en radiothérapie, deux
effets prédominent largement (Figure 4): l'effet Compton (l'énergie d'un photon incident est transmise à un
électron arraché à une couche périphérique d'un atome et à un photon dit«diffusé»), et l'effet photoélectrique
(l'intégralité de l'énergie du photon incident est transférée à un électron arraché à une couche interne d'un
atome; le réarrangement électronique qui s'ensuit entraîne l'émission soit d'un photon dit de«fluorescence»,
soit d'un électron Auger).
- Interaction électrons-matière: il peut s'agir soit des électrons « primaires », produits directement par les
appareils de traitement, soit des électrons« secondaires», produits au cours des interactions photons-matière.
Deux types de phénomènes prédominent : des interactions électron-électron, appelées collisions, entraînant
un transfert d'énergie qui s'épuise progressivement dans la matière et des interactions électron-noyau dits
phénomènes de freinage [l'électron est freiné lors d'un passage à proximité d'un noyau (chargé positivement
qui l'attire)]. L'énergie perdue lors du freinage de l'électron est à l'origine de la production de photons (X) dits
«de freinage».

Figure 4. Principales interactions photon-matière

Effet compton

électron Compton

-----�
· ., photon diffusé

Effet photoélectrique
photon électron

photon de fluorescence
.,
-
ou

électron Auger

2.3.2. La phase chimique


• Elle correspond aux réactions chimiques consécutives aux réarrangements moléculaires produits lors de la
phase physique. Cette phase se situe de 10-s à 1 seconde après l'irradiation.
• Ces réactions chimiques vont conduire à la rupture de liaisons de covalence et donc à des scissions au sein des
molécules. Chaque fragment moléculaire emporte avec lui un des électrons de la liaison covalente: cet électron dit
«célibataire» sur une couche périphérique confère au fragment (appelé«radical libre») une réactivité chimique
élevée. Les radicaux libres interagissent entre eux et avec les molécules du milieu. À terme, les lésions molécu­
laires résiduelles après une cascade de réactions chimiques correspondent le plus souvent à des ruptures et à des
pontages moléculaires.
• Dans ce contexte, la radiolyse de l'eau cellulaire joue un rôle majeur. L'ionisation d'une molécule d'eau conduit en
effet à deux radicaux libres hautement réactifs; HO ° (oxydant) et H° (réducteur), et à la libération d'un électron
dit«aqueux». On estime qu'environ deux tiers des effets des radiations ionisantes sont liés à l'action des radi­
caux libres libérés par la radiolyse de l'eau.

► 88 ÎRAITEMENT DES CANCERS I UE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
........ __________

• L'irradiation agit sur la perméabilité de la membrane cellulaire en induisant des chaînes de réactions encore
incomplètement connues, par l'intermédiaire de la dégradation des phospholipides (peroxydation lipidique) ainsi
qu'au niveau du cytoplasme sur les ribosomes et les mitochondries (ce site d'action semble peu important).
• Ce sont avant tout les lésions de l'ADN (acide désoxyribonucléique) nucléaire qui sont responsables des effets
biologiques des radiations ionisantes (Figure 5).

Figure 5. Lésions de l'ADN induites par les radiations ionisantes

cassure
simple brin

modification
de base

site abasique

• Ces lésions de l'ADN sont:


- soit, directes, liées à l'interaction d'un électron d'ionisation avec la molécule d'ADN;
- soit, le plus souvent indirectes, par l'intermédiaire des radicaux libres créés par la radiolyse de l'eau.
• Une dose de 1 Gy crée au sein de !'ADN d'une cellule:
- 40 lésions« double brin» (rupture des deux chaînes de !'ADN);
- 500 à 1 000 lésions« simple brin» (rupture d'une seule chaîne);
- 1 000 à 2 000 lésions de base;
- environ 200 pontages (ADN-ADN ou ADN-protéine).
• Les lésions « double-brin », les plus graves et les plus difficiles à réparer pour la cellule, sont considérées comme
les principales lésions responsables de l'effet cellulaire létal des radiations ionisantes.

2.3.3. La phase cellulaire


• Elle se déroule dans les heures suivant l'irradiation. Les lésions cellulaires sont la conséquence principale des
lésions de l'ADN nucléaire. Elles dépendent des capacités et des modalités de réparation de l'ADN lésé.

2.3.3.1. Réparation complète


• Les lésions radio-induites, même les plus sérieuses (lésions double brin) sont susceptibles d'être réparées complè­
tement, permettant une restitution ad integrum du génome de la cellule irradiée, et la poursuite normale de la vie
et de la division cellulaires.

UE 9 - ITEM 291 IÎ ÎRAITEMENT DES CANCERS 89 ◄


2.3.3.2. Réparation fautive
• Les enzymes de réparation de l'ADN peuvent laisser persister des mutations en reconstituant un ADN« fautif».
• Dans leur grande majorité, ces mutations sont récessives, portant sur un seul chromosome, et n'ont aucun impact
biologique.
2.3.3.3. Mort cellulaire
• La différence de comportement (effet différentiel) entre une cellule normale, qui se répare, et une cellule cancé­
reuse, qui ne répare pas ou répare mal les radiolésions, permet aux radiations ionisantes d'entraîner la mort des
cellules cancéreuses tout en préservant les cellules normales.
• Les lésions sont dites létales si elles touchent des fonctions vitales pour la cellule et sont irréparables.
• Elles sont dites sub-létales si elles ne sont pas individuellement létales, mais que leur accumulation dans une
cellule aboutit à la mort de celle-ci.
• Les lésions potentiellement létales peuvent se réparer si les conditions (pH ...) sont favorables mais entraînent la
mort de la cellule s'il y a division rapide suivant l'irradiation.
• Différents types de mort cellulaire sont décrits après irradiation :
- la mort immédiate est rare et se produit après une irradiation à très haute dose (plusieurs centaines de Gy), ou
si les lésions de l'ADN sont létales d'emblée;
- la plupart du temps, la cellule irradiée cesse de se diviser après une ou plusieurs mitoses, ce qui correspond
à la perte de la capacité pour la cellule tumorale à proliférer de façon infinie : c'est le phénomène de mort
mitotique différée (mort en mitose). Ceci explique le délai observé entre l'irradiation et la régression clinique
du volume tumoral;
- l'apoptose est une mort cellulaire programmée, active, qui fait partie du processus normal de la vie cellulaire.
L'apoptose radio-induite nécessite le fonctionnement normal du gène p53. D'autres gènes radio-inductibles
entraînent de façon inéluctable la cellule dans le cycle de l'apoptose.

2.3.4. La phase tissulaire


• C'est la conséquence des lésions cellulaires au niveau des tissus ou organes. Elle s'étale de plusieurs jours à plu­
sieurs années après l'irradiation.
• On distingue habituellement les effets tissulaires précoces et les effets tardifs :
- les effets tissulaires précoces s'observent classiquement dans les 6 premiers mois, au niveau des tissus se
renouvelant activement, ce qui est le cas de la majorité des tumeurs malignes. Dans ces conditions, le déficit
cellulaire radio-induit se démasque rapidement;
- les effets tissulaires tardifs s'observent au niveau des tissus proliférant lentement (voire pas du tout). Dans ces
conditions, le déficit cellulaire peut se révéler des mois (classiquement après 6 mois), voire des années, après
l'irradiation;
- les effets au niveau des organes sont complexes car ils comportent souvent plusieurs types tissulaires,
susceptibles de réagir différemment au traitement.
2.4. Facteurs influençant l'effet des radiations
• La radiosensibilité intrinsèque est la capacité qu'a une cellule de réparer ou non les radiolésions, ce qui la rend
radiosensible (si elle ne répare pas les radiolésions), ou radio-résistante (si elle répare les radiolésions).
• Le cycle cellulaire: la radiosensibilité est maximale durant les phases G2 et Met minimale en phase S. L'irradiation
provoque un ralentissement de la synthèse de l'ADN, donc un allongement de la phase S, et un blocage temporaire
des cellules en G2 , avec un retard à la mitose et une synchronisation cellulaire.
• L'effet oxygène: la présence d'oxygène est indispensable à l'action biologique des radiations ionisantes. Des radi­
caux libres à durée de vie très courte (lo-s s) sont formés par les particules chargées traversant la matière. Ils pro­
voquent, en présence d'0 2 , la formation de peroxydes responsables de lésions de l'ADN (cassures). L'efficacité de
ce processus est maximale si l'oxygène est présent au moment de l'irradiation.

► 90 ÎRAITEMENT DES CANCERS I LJE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
.......................... .. .. . - ·- .

En l'absence d'oxygène (hypoxie), les cellules sont moins sensibles aux radiations. La dose nécessaire pour détruire
une cellule en hypoxie est 2,5 à 3 fois plus importante que celle nécessaire pour détruire la même cellule bien oxy­
génée.
• Le facteur temps: le fractionnement et l'étalement régissent le déroulement d'une irradiation.
- Le fractionnement est le nombre de fractions (ou de séances) d'une irradiation. Il définit également
l'intervalle de temps entre deux fractions. Il est possible de modifier l'efficacité biologique d'une irradiation en
agissant sur les composants du facteurs temps.
Le fractionnement conventionnel délivre une fraction par jour de 2 Gy qui permet la restauration de !'ADN
des cellules normales.
Le hi-fractionnement (2 séances par jour) délivre à chaque séance une faible dose, moins toxique pour les
cellules normales qui sont capables de se réparer, et plus toxique pour les cellules tumorales qui réparent
mal. Ce mode d'irradiation protège donc les tissus sains tout en délivrant une dose d'irradiation efficace (à
condition que les deux séances soient espacées d'au moins 6 heures).
Différents protocoles de traitement utilisent soit une augmentation du nombre de fractions (hyper­
fractionnement) pour des traitements curatifs, soit une diminution du nombre de fractions (hyp o­
fractionnement) pour des traitements palliatifs qui recherchent rapidement l'effet désiré (antalgique par
exemple) avec peu de séances de traitement.
- L'étalement est la durée totale du traitement. En réduisant l'étalement (accélération), on dépasse la
prolifération des cellules tumorales permettant une destruction plus importante.
Un allongement du temps de traitement (protraction) est utilisé dans le cadre de traitements palliatifs dits en
« split-course ».
• L'effet dose: In vitro, les cellules tumorales ne sont pas entourées de tissu sain, et de très fortes doses d'irradiation
permettent d'obtenir 100 % de stérilisation. En clinique, l'augmentation des doses se heurte à la tolérance des
tissus sains, qui est limitée. Néanmoins, il a été montré (cancers bronchiques, ORL, gynécologiques) que l'aug­
mentation de la dose totale d'irradiation, pour une même tumeur, améliore les chances de stérilisation. Cet effet
est constamment recherché en clinique pour les tumeurs radio-résistantes.

2.5. Différents types de radiothérapie

Il n'y a pas de radiothérapie possible sans preuve histologique.

2.5.1. La radiothérapie externe


• C'est la forme d'irradiation la plus utilisée. Elle fait appel à un équipement lourd, les accélérateurs de particules.
• La source d'énergie est à distance du volume à irradier. Les radiations ionisantes traversent l'air, puis les tissus
sains et déposent leur énergie en profondeur, détruisant ainsi les cellules tumorales. La multiplication des fais­
ceaux d'irradiation permet de concentrer l'énergie dans la tumeur et de ne pas irradier à haute dose les tissus sains
traversés.
• La radiothérapie de conformation est de plus en plus utilisée et demande l'acquisition d'un équipement lourd
qui associe un accélérateur linéaire (avec un système de collimation permettant d'obtenir un faisceau de forme
complexe grâce à l'interposition dans le faisceau primaire de lames ou« collimateur multi-lames ») et un système
informatique sophistiqué permettant l'acquisition des images anatomiques en trois dimensions. Des moyens de
contention (masques, matelas ...) et de vérification du repositionnement du patient (imagerie portale) permettent
d'assurer une reproductibilité parfaite de l'installation d'un jour à l'autre du traitement.
• Le choix du rayonnement est fonction de la localisation de la tumeur. Les lésions superficielles peuvent être trai­
tées par des électrons qui pénètrent sur quelques centimètres. Les lésions plus profondes sont traitées par des
photons, d'énergie variable de 5 à 25 MV: 6 MV pour un cancer du sein ou un cancer de la sphère ORL, 10 à 25
MV pour un cancer bronchique, abdominal ou pelvien.

LJE 9 - ITEM 291 1 ÎRAITEMENT DES CANCERS 91 ◄


2.5.2. La curiethérapie
• Cette méthode utilise des sources radioactives mises en place à l'intérieur de l'organisme. On distingue la curie­
thérapie interstitielle (les sources sont placées à l'intérieur du tissu à irradier) et la curiethérapie endo-cavitaire ou
intra-luminale où les sources sont introduites dans une cavité naturelle au contact ou à faible proximité du tissu
à irradier. Durant le temps pendant lequel les sources sont à l'intérieur de l'organisme, l'irradiation est continue.
Elle dure de quelques minutes à quelques jours, en fonction du débit utilisé (haut débit= quelques minutes), et
de la dose à délivrer.
• En France, on utilise comme sources radioactives l'iridium (Ir 192 ) et le césium (Cs 137 ).
• L'intérêt de la curiethérapie par rapport à l'irradiation externe est de délivrer en un faible laps de temps une dose
forte dans un très petit volume, car la dose chute très vite en périphérie du volume irradié.

2.5.3. La radio-immunothérapie ou radiothérapie interne vectorisée


• De développement plus récent et administrée par des médecins isotopistes (médecine nucléaire), elle utilise
comme vecteur d'un agent irradiant un anticorps monoclonal dirigé contre une structure spécifiquement portée
par une cellule tumorale. Le but est d'irradier de façon sélective la cellule tumorale, grâce à un isotope radioactiflié
à l'anticorps monoclonal. Une fois l'anticorps fixé sur la cellule tumorale, l'isotope, choisi pour son rayonnement
puissant mais peu pénétrant (quelques microns) peut irradier la cellule tumorale sans endommager les tissus
sains.
• Cette technique est en voie de développement en France, surtout dans le cadre des hémopathies malignes.

2.6. Doses de tolérance des tissus sains et doses nécessaires à la stérilisation


des tumeurs
• Il est important de connaître les doses de tolérance de chaque organe ou tissu. En effet, l'irradiation d'une tumeur,
le plus souvent profonde et entourée de tissus sains, entraîne obligatoirement l'irradiation des tissus péri tumo­
raux.
• Le plan d'irradiation doit respecter les doses de tolérance de chaque organe sain. Il est possible de délivrer de
fortes doses sur une partie d'un organe, et une dose beaucoup plus faible sur la totalité de celui-ci. Ainsi, la moelle
épinière tolère 45 Gy, le parenchyme pulmonaire 20 Gy sur un poumon entier.
• La dose nécessaire à la stérilisation d'une tumeur dépend de la tumeur considérée (radiosensibilité propre) et de
son volume.
• Schématiquement, un séminome du testicule est détruit par une dose de 30 Gy, une maladie de Hodgkin par 40
Gy, un cancer du sein par 50-60 Gy, un très volumineux cancer ORL par 70-80 Gy. Une dose> 100 Gy serait
nécessaire à la destruction d'un glioblastome.

2.7. Principaux effets secondaires


• Leur gravité varie selon l'organe irradié, mais leur fréquence est de plus en plus faible avec l'amélioration des
techniques d'irradiation (Tableau 1). Le principal facteur à considérer est la tolérance limitée des organes sains
situés dans le volume à irradier: la plupart des tissus sains sont lésés pour une dose inférieure à celle requise pour
stériliser la tumeur.
• On distingue les effets stochastiques et déterministes qui sont détaillés ci-après.
\

2.7. 1. Les effets secondaires stochastiques


• Ils sont également appelés probabilistes: la probabilité d'apparition de l'effet augmente avec la dose. On retrouve
essentiellement:
- les effets carcinogènes: le risque (très faible) de cancer secondaire après radiothérapie paraît directement lié à
l'étendue de l'irradiation et aux thérapeutiques associées (chimiothérapie);

► 92 ÎRAITEMENT DES CANCERS LJE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
............................ .... ..-. . ... .. ..

- les effets génétiques: ils restent très théoriques dans un contexte de radiothérapie. Les doses reçues aux gonades
sont souvent faibles, voire très faibles, car les volumes irradiés se situent à distance. Ce risque génétique ne
paraît devoir être pris en compte que lorsqu'une irradiation thérapeutique est amenée à délivrer aux testicules
ou aux ovaires une dose supérieure à 0,5-1 Gy (inférieure aux doses entraînant une castration).

2.7.2. Les effets secondaires déterministes


• Ils ont comme caractère commun :
- d'apparaître à partir d'une« dose-seuil» (variable selon l'organe ou le tissu);
- à partir de ce seuil, d'être d'autant plus sévères que la dose est élevée.
• Il s'agit des effets tissulaires, à traduction clinique immédiate ou différée.
• On doit différencier les effets précoces (transitoires et réversibles) survenus au cours du traitement et dans les
6 premiers mois qui suivent et les effets tardifs (le plus souvent définitifs) survenant après 6 mois (Tableau 1).

Tableau 1. DIFFÉRENCIATION RÉACTIONS PRÉCOCES ET RÉACTIONS TARDIVES


-- - - ------ -
Organes Réactions précoces Réactions tardives
Peau Épilation Atrophie cutanée
Érythème Sclérose cutanéo-sous-cutanée
Pigmentation cutanée Troubles de la pigmentation (hypo ou hyper)
Radiodermite sèche îélangiectasies
Radiodermite exsudative Radionécrose
Radionécrose cutanée Gêne fonctionnelle
Cancers cutanés secondaires
Poumon Œdème et surinfection (bactérienne, Fibrose interstitielle
mycosique ou virale) Sclérose rétractile+/- surinfection aspergillaire
Signes cliniques: toux, fièvre, dyspnée
Encéphale Œdème Encéphalopathie radique avec:
Hypertension intracrânienne - Somnolence
- Troubles cognitifs
- Troubles de la mémoire
- Hydrocéphalie
- Démence
- Radionécrose
Moelle épinière Œdème Myélite radique
Signe de Lhermitte Brown-Séquard+/- complet
Brown-Séquard+/- complet
Nerfs - Plexite radique avec signes sensitifs et/ou
moteur
Œsophage Dysphagie Dysphagie
Nausées Hémorragie
Ulcération 0

Cœur Péricardite aiguë Troubles du rythme et de la conduction


Péricardite constrictive
Sténose des artères coronaires
Pancréas Nausées, vomissements -
Diarrhées
Estomac Nausées, vomissements Hémorragie
Foie Hépatomégalie Maladie veina-occlusive
Intestin Diarrhées Ulcération
Météorisme Sténose de la paroi
Douleurs Sclérose de la paroi

UE 9 - ITEM 291 TRAITEMENT DES CANCERS 93 ◄


Rein - Néphropathie radique (HTA, Insuffisance rénale,
protéinurie)
Insuffisance rénale chronique
HTA par sténose de l'artère rénale
Hydronéphrose
+/- fibrose rétro-péritonéale
Vessie Cystite Hématurie
Atrophie vésicale
Rectum Faux besoins Sténose
Épreintes Rectorragies
Ténesmes
ORL Mucite « Larynx radique » (dysphonie, dyspnée)
Épidermite Asialie, Douleurs
Jabot,+ cf. peau
Trismus, Ostéo-radio-nécrose et fracture
Cristallin - Cataracte

3. Traitements médicaux des cancers


• Les traitements médicaux des cancers font appel à des modalités thérapeutiques distinctes, dont certaines -
comme l'immunothérapie - sont récentes et encore en cours d'évaluation (Figure 6).

Figure 6. Traitements médicaux des cancers

Traitements médicaux des cancers

1 1 1 1

Chimiothérapie Thérapies ciblées Hormonothérapie Immunothérapie

3.1. Chimiothérapie
3.1.1. Considérations générales
• La chimiothérapie anti-tumorale utilise des médicaments qui entraînent un arrêt du cycle cellulaire (effet cytosta­
tique) et/ou une mort cellulaire (effet cytotoxique), principalement par apoptose.
• Il n'y a pas de chimiothérapie possible sans preuve histologique. Seules certaines tumeurs germinales peuvent être
traitées sans preuve histologique sur la base d'arguments cliniques, radiologiques et biologiques.
• Trois principes régissent l'utilisation de la chimiothérapie systémique :
une fraction constante de cellules tumorales est tuée à chaque cycle thérapeutique. Par exemple, si un
cycle thérapeutique tue 99 % des cellules d'un cancer, une masse tumorale de 10 11 cellules sera réduite à
approximativement 10 cellules après 5 cycles;
- les cellules néoplasiques sont supposées répondre au traitement suivant une relation linéaire entre la dose et
son efficacité, ce qui justifie l'emploi de doses le plus élevées possibles, administrées aux intervalles de temps
les plus courts;

► 94 ÎRAITEMENT DES CANCERS LJE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
...... ___................

- l'hyp othèse de Goldie-Coldman suggère que les tumeurs ont un taux spontané de mutation d'environ une
cellule pour 100 000 et par gène. Ainsi, une tumeur contenant 109 cellules (environ 1 gramme) comprendra
spontanément environ 10 000 cellules résistantes à un médicament donné. Mais la résistance simultanée d'une
cellule à deux médicaments ne s'observera que pour une cellule sur 10 10 • Ceci explique l'efficacité supérieure
des poly-chimiothérapies.
• Les programmes de chimiothérapies sont établis au travers des essais conduits par des groupes nationaux ou
internationaux et suivent les recommandations des sociétés savantes (ESMO, ASCO ...) ou des organisations
institutionnelles (INCa, UNICANCER ...).

3. 1.2. Indications
• La chimiothérapie peut être administrée:
- En phase curative:
► Traitement néo-adjuvant: avant le traitement chirurgical de la tumeur. Cette approche permet de traiter la
tumeur primitive en place et les micro-métastases éventuellement présentes.
► Traitement adjuvant: au décours de la chirurgie. Il diminue (mais n'annule pas) le risque de rechute et
augmente la survie.
- En phase métastatique: l'objectif n'est plus la guérison mais la qualité de vie et le contrôle des symptômes.
On parle de chimiothérapie palliative (bien qu'elle ne soit pas administrée au moment de la fin de vie). Les
soins de support ont un rôle prépondérant durant cette phase. Dans certaines situations, la chimiothérapie
utilisée en phase métastatique peut être curative (tumeurs germinales métastatiques, cancer colo-rectal oligo­
métastatique par exemple).
- De façon concomitante ou séquentielle à la radiothérapie ( ce qui permet la coopération temporelle et spatiale
entre chimiothérapie et radiothérapie).

3. 1.3. Mesures à mettre en œuvre avant de débuter une chimiothérapie


3.1.3.1. Mesures générales
• Demande de prise en charge en Affection de Longue Durée (ALD 30). Ce document est établi par le médecin
généraliste.
• Pose d'une voie d'abord veineux centrale: chambre implantable le plus souvent; un PICC-line (cathéter central à
abord périphérique) est possible si le traitement prévisible est inférieur à 3 mois.
• Bilan des grandes fonctions vitales:
- bilan nutritionnel avec mesure du poids, albuminémie et pré-albuminémie;
- évaluation cardiaque: ECG, échographie cardiaque (notamment en cas d'utilisation des anthracyclines ++);
- ionogramme sanguin, créatininémie, bilan hépatique (transaminases, PAL, GGT et bilirubine);
- épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) en cas de traitement par la bléomycine;
- HCG chez les femmes non ménopausées;
- bilan « thrombose » si nécessaire, en fonction des antécédents, de pathologie tumorale et du contexte.
• Consultation fertilité, conservation des gamètes (CECOS) dans un nombre croissant de cas.
• La chimiothérapie est le plus souvent administrée par voie veineuse (certaines molécules se prennent par voie
orale). Pour déterminer la dose administrée, il faut calculer la surface corporelle (poids, taille) et avoir la clairance
de la créatinine pour certaines molécules (carboplatine notamment).

3.1.3.2. Principales contre-indications


• Polynucléaires neutrophiles < 1 G/L, plaquettes < 100 G/L, encore qu'il soit possible dans des situations d'urgence
carcinologique de passer outre à cette règle. Il est parfois possible d'administrer des médicaments non hémato­
toxiques dans cette situation (bléomycine, par exemple).

UE9-ITEM291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 95 ◄


• Syndrome infectieux.
• Indice d'activité(« Performance Status ») > 2(à évaluer selon la réponse attendue à la chimiothérapie et selon la
cause de ce classement > 2).
• 1er trimestre de la grossesse ou allaitement.
• Certaines contre-indications sont directement liées au médicament utilisé: par exemple, clairance de la créatinine
< 60 ml/mn pour le cisplatine.
3.1.3.3. Prévention des effets secondaires
• Anti-émétiques, à adapter selon le potentiel émétisant : anti-NKl (aprépitant), antagonistes sérotoninergiques
(anti 5-HT3: sétrons), corticoïdes et anti-dopaminergiques.
• Injection de facteurs de croissance hématopoïétiques (G-CSF retard ou standard) après certaines chimiothéra­
pies:
- en prévention primaire pour les protocoles de chimiothérapie à fort risque de neutropénie fébrile(> 20 %) ;
- en prévention secondaire si épisode de neutropénie fébrile lors du cycle de chimiothérapie précédent.
• Prévention et traitement de l'anémie : fer intra-veineux si carence martiale, érythropoïétine (EPO) possible si
Hb < 10 g/dl et anémie symptomatique, transfusion si Hb < 8 g/dl.
• Hyperhydratation avec certains médicaments (cisplatine, par exemple) ou s'il y a risque de syndrome de lyse
tumorale(ex: lymphome de Burkitt, leucémie aiguë, choriocarcinome ...).

3.1.4. les différentes molécules de chimiothérapie, classes et toxicités importantes


3.1.4.1. Classification

3.1.4.1.1. Les alkylants et sels de platine


• La réaction d'alkylation, qui est leur point commun fondamental, consiste en l'attachement par une liaison cova­
lente(et donc, supposée« solide») d'une chaîne hydrocarbonée sur un radical accepteur ; la cible principale des
alkylants est la molécule d'ADN, ce qui offre à ces médicaments une place majeure en cancérologie, mais il peut
aussi s'agir d'une protéine, qu'elle soit cellulaire ou extra cellulaire. La fixation du médicament sur son site récep­
teur prend l'appellation générique« d'adduit ». Au niveau de l'ADN, peuvent se former des liaisons ou« ponts»
qui peuvent être intra caténaires(sur le même brin de l'acide nucléique) ou inter caténaires(entre les deux brins
complémentaires).
• Les agents alkylants sont dits« cycle-dépendants»: ils n'altèrent que des cellules engagées dans le cycle cellulaire.
Ils se caractérisent par une grande hétérogénéité notamment dans leurs indications cliniques qui les rend utiles
tant dans la prise en charge des maladies hématologiques malignes que des tumeurs solides. Ils regroupent prin­
cipalement les moutardes à l'azote(ex: chloraminophène), les oxazaphosphorines(ex: cyclophosphamide) et les
nitroso-urées (ex: CCNU).
• Les organoplatines (ou sels de platine) sont parmi les médicaments les plus utilisés en cancérologie. On y trouve
le cisplatine et le carboplatine, dont les indications sont très larges, et l' oxaliplatine, réservé au traitement des
cancers colo-rectaux. La dose du carboplatine n'est pas calculée selon la surface corporelle mais est fonction de
l'exposition du patient traduite par l'aire sous la courbe (AUC) des concentrations de platine libre et impose le
calcul de la clairance de la créatinine.

► 96 ÎRAITEMENT DES CANCERS LJE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
...... .. ...................

3.1.4.1.2. Les inhibiteurs des topo-isomérases I et II


• Les topoisomérases I et II sont des enzymes essentielles dont le rôle fondamental est de résoudre les contraintes
topologiques de la molécule d'ADN qui se trouve physiologiquement dans un état dit« super-enroulé». Les topoi­
somérases assurent la création ou le retrait des supertours de !'ADN.
• Deux médicaments sont inhibiteurs de la topo-isomérase I: l'irinotécan et le topotécan.
• Au contraire, on trouve plusieurs classes de médicaments susceptibles d'inhiber la topo-isomérase II, parmi les­
quels:
- les épipodophyllotoxines (ex: étoposide);
- les anthracyclines (dont le chef de file est l'adriamycine ou doxorubicine).

3.1.4.1.3. Les poisons du fuseau


• Ce sont des médicaments actifs sur les microtubules. On distingue schématiquement les agents inhibiteurs de
la polymérisation des microtubules (encore appelés agents dépolymérisants) qui regroupent les alcaloïdes de la
pervenche ou vinca-alcaloïdes (ex: vinorelbine) et l'éribuline, par opposition aux agents inhibiteurs de la dépoly­
mérisation (ou agents polymérisants !) représentés par les taxanes (ex: paclitaxel).

3.1.4.1.4. Les antimétabolites


• Ces médicaments ont une formule chimique dont l'analogie est plus ou moins étroite avec la structure de com­
posés endogènes nécessaires à la synthèse des acides nucléiques et des protéines tout en étant suffisamment dif­
férente pour agir avec eux comme des inhibiteurs compétitifs. Ils sont confondus par la machinerie cellulaire
avec les métabolites auxquels ils ressemblent et peuvent intervenir soit en inhibant des processus métaboliques
essentiels au fonctionnement cellulaire, soit en s'incorporant eux-mêmes en remplacement des composés phy­
siologiques dans les macro molécules et acides nucléiques, ADN et ARN. Dans tous les cas, la synthèse des acides
nucléiques (et, donc, des protéines) se voit secondairement interrompue.
• On y regroupe:
- les anti-pyrimidiques (ex: 5-fluoro-uracile);
- les antifoliques (ex: méthotrexate);
- les antipuriques ou thiopurines (ex: mercaptopurine);
- l'hydroxyurée.

3.1.4.2. Toxicités communes aux différentes chimiothérapies


• Toxicités communes : asthénie, hématotoxicité (leuco-neutropénie, anémie, thrombopénie), nausées/vomisse­
ments et toxicité gonadique à des degrés variables selon les molécules de chimiothérapies utilisées;
• Toxicités spécifiques (cf tableau ci-après);
• Protocoles de chimiothérapie hautement émétisant et nécessitant une combinaison anti-NKl + antagoniste
récepteur 5-HT3 + corticoïdes (dexamethasone) + olanzapine :
tous les protocoles à base de cisplatine ou de cyclophosphamide à haute dose (> 1500 mg/m2). Par exemple
protocole BEP (bleomycine-etoposide-cisplatine) des tumeurs germinales, protocole cisplatine-vinorelbine
des cancers bronchiques ou protocole TPF (docetaxel-cisplatine-SFU) des cancers ORL;
- le protocole de chimiothérapie AC ou EC associant anthracyclines et cyclophosphamide, que l'on utilise dans
les cancers du sein.

LJE 9 - ITEM 291 1 ÎRAITEMENT DES CANCERS 97 ◄


Tableau 2. TOXICITÉS SPÉCIFIQUES

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Cisplatine +/- ++ + +
Carboplatine + +
Oxaliplatine ++
+ (paresthésies +
au froid)
Cyclophosphamide/
+ + ++ +/-
ifosfamide
lrinotecan ++ (sd
+ + ++
cholinergique)
Anthracyclines + ++ ++ + +/- + (cumulatif) ++
Etoposide ++ + ++
Paclitaxel +/ - ++ + +
Docetaxel + + ++ ++ + +
Vinorelbine/vincristine +/- + ++
5 Fluorouracile + (spasme
+/- + /- +/- + /-
coronarien)
Capecitabine +/- + + + oral
Gemcitabine + +/- +/-
Methotrexate + + + /- +/-
Fréquence des toxicités : ++ très fréquent ; + : fréquent ; +/- : peu fréquent ; - : rare ou absent

3.1.4.3. Toxicités spécifiques pouvant engager le pronostic vital (Tableau 3)


Tableau 3. TOXICITÉS SPÉCIFIQUES POUVANT ENGAGER LE PRONOSTIC VITAL
TOXICITÉS
Cardiaque • angor par spasme coronarien voire syndrome coronarien aigu ST+: 5-FU
• cardiomyopathie dilatée aux anthracyclines : cumulative, dose-dépendante
Pulmonaire • pneumopathie interstitielle diffuse puis fibrose: bléomycine
• pneumopathie aiguë d'hypersensibilité: méthotrexate
Néphrologique • insuffisance rénale aiguë par toxicité tubulaire directe: méthotrexate, cisplatine
• néphropathie immuno-allergique: cisplatine
• syndrome hémolytique et urémique: mitomycine, gemcitabine
Urologique • cystite hémorragique: cyclophosphamide, ifosfamide
Neurologique • encéphalopathie métabolique: ifosfamide
Allergique • choc anaphylactique: bléomycine, paclitaxel

3.1.5. Quelques notions de pharmacologie importantes


3.1.5.1. Principaux mécanismes de résistance à une chimiothérapie
• Diminution de l'influx (entrée dans la cellule) ou augmentation de l'efflux (expulsion de la cellule) de la molécule
(pompes d'efflux).
• Augmentation du système de détoxification.

► 98 TRAITEMENT DES CANCERS UE 9 - ITEM 291


: UE9 Item 291
...... .. ..................

• Surexpression ou modification de la cible au niveau des cellules tumorales qui les rendent moins sensibles à
l'action du médicament.
• Sur- ou sous-efficacité des systèmes de réparation de l'ADN.
3.1.5.2. Toxicités liées à des polymorphismes génétiques
• Certains médicaments sont susceptibles, chez certains individus prédisposés génétiquement, de provoquer une
toxicité accrue.

Par exemple :
- Un déficit complet en DHPD (dihydro-pyrimidine déshydrogénase) peut provoquer des toxicités
mortelles en cas d'administration de 5-FU. Celui-ci étant réduit par la DHPD, il s'accumule en cas de
déficit complet de l'enzyme. Un déficit partiel est possible; il sera géré par une administration du 5-FU à
dose réduite de moitié. li est recommandé depuis 2018 de réaliser un dépistage systématique du déficit
en DHPD avant toute administration de 5-FU ou Capécitabine.
- Un déficit en UGT1 A (maladie de Gilbert) entraîne des toxicités plus importantes après traitement par
l'irinotécan car l'UGT transforme le métabolite actif de l'irinotécan (SN38) en métabolite inactif.

3.2. Thérapies ciblées


3.2. 1. Généralités
• La compréhension des mécanismes de la cancérogenèse a permis de reconnaître de nouvelles cibles thérapeu­
tiques dont la plupart interviennent physiologiquement dans la transduction des signaux de croissance cellulaire.
• Les thérapies ciblées peuvent agir:
- sur les facteurs de croissance (qui sont des messagers déclenchant la transmission d'informations au sein d'une
cellule);
- sur leurs récepteurs (qui permettent le transfert de l'information à l'intérieur de la cellule) et ceci à différents
niveaux (domaine extracellulaire, intracellulaire);
- sur des éléments à l'intérieur de la cellule.
• Les thérapies ciblées bloquent la croissance ou la propagation tumorale en interférant avec:
- un des mécanismes de la croissance du cancer; ex: les inhibiteurs de l'angiogénèse;
- une anomalie moléculaire spécifique d'un type de cancer ( « mutation conductrice »); ex: mutation de l'EGFR
dans les cancers bronchiques non à petites cellules, mutation BRAF V600 dans les mélanomes métastatiques.
• Elles sont souvent mieux tolérées que les chimiothérapies.

3.2.2. les grandes classes


3.2.2.1. Anticorps monoclonaux (AcMo)

3.2.2.1.1. Considérations générales


• Ils portent tous le suffixe - mab (monoclonal antibody).
• Leur terminologie permet de comprendre leur structure:
- omab: AcMo murin (exemple: ibritumomab);
- ximab: AcMo chimérique (exemple: rituximab);
- zumab: AcMo humanisé (exemple: bévacizumab);
- mumab: AcMo humain (exemple: panitumumab).
• Ils se fixent soit sur le domaine extra-cellulaire du récepteur ciblé empêchant la fixation du ligand (exemple :
cétuximab sur le récepteur de l'epidermal growth factor, EGFR), soit directement sur le ligand empêchant la
fixation sur son récepteur (exemple : bévacizumab sur le vascular endothelial growth factor, VEGF), soit sur le

UE9-ITEM291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 99 ◄


domaine de dimérisation du récepteur, empêchant alors son activation (exemple: pertuzumab qui bloque l'hété-
rodimérisation de HER2 avec HER3).
• En outre, leur activité ne se borne pas à une simple compétition avec le ligand naturel pour l'accès au récepteur.
L'anticorps permet également le recrutement d'effecteurs solubles, comme le complément, ou de relais cellulaires,
comme les cellules natural killer (NK). Des propriétés additionnelles peuvent être conférées aux anticorps mono­
clonaux thérapeutiques par couplage avec des molécules cytotoxiques« conventionnelles» ou des radio-isotopes;
dans ce cas, l'anticorps semble essentiellement jouer le rôle de vecteur conduisant l'agent médicamenteux associé
vers sa cible.

3.2.2.1.2. Les principaux sous-groupes d'anticorps monoclonaux


• Ces médicaments sont dirigés contre:
- la voie VEGF (ex: bévacizumab);
- la voie EGF (ex: cétuximab);
- la voie HER2 (ex: trastuzumab, pertuzumab).
3.2.2.2. Inhibiteurs pharmacologiques

3.2.2.2.1. Considérations générales


• Les inhibiteurs pharmacologiques sont des petites molécules qui - au contraire des anticorps monoclonaux -
agissent à l'intérieur de la cellule.
• Ils sont pour la plupart dirigés contre les récepteurs membranaires à activité tyrosine kinase et se fixent au niveau
du site de fixation de l'ATP, bloquant ainsi les mécanismes de phosphorylation à l'origine des cascades de signa­
lisation qui conduisent le signal au noyau cellulaire. Ils portent le suffixe - inib.
• D'autres ont une action cytoplasmique.
• Certains ne sont actifs que sur une cible (agent mono-cible) mais d'autres peuvent agir sur plusieurs récepteurs
et sont appelés« agents multi-cibles ».
• Ils sont administrés par voie orale. Leur profil de tolérance est globalement plus favorable que la chimiothérapie
mais impose une éducation thérapeutique du patient.
• Leur action semble limitée dans le temps en raison de l'émergence de mutations secondaires de résistance, suscep­
tibles d'être surmontées par la mise au point d'inhibiteurs de seconde génération.

3.2.2.2.2. Les principaux groupes d'inhibiteurs pharmacologiques


• Ces médicaments sont dirigés contre:
- le récepteur de l'EGF (ex: erlotinib);
- l'angiogénèse (ex: sorafénib);
- la translocation de ALK (ex: crizotinib);
- la mutation BRAF V600 (ex: vémurafénib);
- la voie MEK (ex: tramétinib);
- la voie mTOR (ex: évérolimus, temsirolimus).
- la voie CDK4/6 (ex: palpociclib)

3.3. Hormonothérapie

3.3.1. Généralités
• Les cellules tumorales du cancer de la prostate, du cancer du sein (et de l'endomètre) expriment des récepteurs
aux hormones, les rendant sensibles aux traitements anti-hormonaux.

► 100 ÎRAITEMENT DES CANCERS I LJE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291
.........................

• Le terme« hormonothérapie» est donc un abus de langage: il s'agit plutôt d'un traitement anti-hormonal, dont
le principe est d'empêcher cette stimulation hormonale par deux grandes méthodes:
- Diminuer la production hormonale au niveau:
► central(ex: utilisation des agonistes de la LH-RH qui inhibent la sécrétion de LH hypophysaire);
► périphérique (ex: suppression - irréversible - de la production hormonale ovarienne ou testiculaire par
chirurgie ou radiothérapie ; suppression temporaire par les inhibiteurs de l'aromatase chez les femmes
ménopausées dans le cancer du sein).
- Bloquer le récepteur hormonal au niveau de la cellule tumorale par une« anti-hormone».

3.3.2. Cancer de la prostate


3.3.2.1. Médicaments actifs sur la LH-RH
• La LH-RH est sécrétée par !'hyp othalamus et régule la synthèse de la FSH et de la LH par !'antéhyp ophyse. La LH
est le stimulus principal de la synthèse et de la sécrétion de testostérone par les cellules testiculaires de Leydig.
Agonistes(ex: leuproréline) et antagonistes (ex: dégarélix) de la LH-RH conduisent à une castration médicale
réversible.
• Les agonistes(ou analogues) de la LH-RH stimulent, dans les premiers jours du traitement, la sécrétion hyp ophy­
saire de LH et FSH entraînant en retour l'augmentation de la synthèse de testostérone avec le risque de provoquer
une majoration initiale des symptômes (phénomène dit du « flare-up »). Dans un second temps, ils provoquent
l'internalisation dans la cellule des complexes ligand-récepteur ainsi que la diminution du nombre des récepteurs
aboutissant in fine à la suppression de la sécrétion de testostérone.
• Le risque de rebond symptomatique précoce est particulièrement élevé chez les malades porteurs d'une obstruc­
tion des voies urinaires excrétrices ainsi que chez ceux présentant des métastases vertébrales. Aussi est-il impératif
de faire précéder ou, au minimum, de co-administrer au début du traitement un anti-androgène jusqu'à ce que la
testostéronémie atteigne le niveau de castration médicale('.,'.; 0,5 ng/ml). L'association d'un agoniste de la LH-RH
· et d'un anti-androgène est connue sous l'appellation de blocage androgénique complet.
• Les antagonistes de la LH-RH entraînent un blocage direct et immédiat des récepteurs de la LHRH, conduisant à
une suppression rapide de la LH et FSH, et de la sécrétion de testostérone, sans risque d'effetjlare-up +++.

3.3.2.2. Les anti-androgènes


• Les anti-androgènes (ou antagonistes des récepteurs aux androgènes) inhibent les effets de la testostérone au
niveau de ses récepteurs périphériques, notamment prostatiques. Ils comprennent un progestatif anti-androgé­
nique, l'acétate de cyp rotérone, et 3 anti-androgènes non stéroïdiens de première génération(bicalutamide, flu­
tamide, nilutamide). Ils entrent en compétition avec les androgènes dont ils inhibent la fixation sur le récepteur,
empêchant ainsi la translocation de ce dernier vers le noyau cellulaire. En conséquence, ils ne diminuent pas la
production de LH et ne réduisent pas le taux de testostérone qui peut rester normal voire même augmenter. Le
retentissement du traitement sur la libido et la puissance sexuelle est donc moins marqué. Ces médicaments ne
doivent pas être proposés en 1 intention ni en monothérapie; ils sont essentiellement utilisés en association avec
ère

les agonistes de la LH-RH, afin de prévenir l'exacerbation des symptômes au début du traitement.

3.3.2.3. Hormonothérapies de nouvelle génération


• À l'issue d'une première phase de rémission obtenue par la castration médicale, d'une durée médiane
approximative de 18 mois et dont atteste une testostéronémie effondrée, le cancer de la prostate reprend sa
croissance ce dont témoigne la ré-augmentation du PSA éventuellement associée à l'apparition de signes cli­
niques. Cette phase de progression biologique et/ou clinique de la maladie, qui définit les cancers de la
prostate résistants à la castration, rend compte du fait qu'il persiste au sein de la cellule cancéreuse une
concentration suffisante de testostérone (ou de son dérivé, la di-hydrotestostérone) pour que le récep­
teur androgénique puisse migrer vers le noyau, se fixer à l'ADN et assurer son activité transcriptionnelle.
• Premier représentant d'une nouvelle génération d'anti-androgènes, l'enzalutamide se fixe au récepteur androgé­
nique avec une affinité très supérieure à celle des médicaments antérieurs.

UE 9 - ITEM 291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 101 ◄


• L'acétate d'abiratérone est un inhibiteur irréversible du cytochrome P450 CYPl 7 qui est impliqué dans la synthèse
in situ des androgènes au niveau testiculaire, surrénalien et prostatique.
• La prescription de ces deux médicaments doit être associée au maintien d'une castration médicale par un ana­
logue de la LH-RH si elle n'avait pas été chirurgicale. Un suivi de la testostéronémie devra être fait régulièrement.
Une surveillance de la kaliémie et une supplémentation en cortisone est indispensable avec la prescription de
l'acétate d'abiratérone.
En effet, le cytochrome P450 CYPl 7 étant également impliqué dans la synthèse du cortisol, l'administration d'acé­
tate d'abiratérone est à l'origine d'une diminution de sécrétion des gluco-corticoïdes, qui induit un rétro-contrôle
positif sur la sécrétion hyp ophysaire d'ACTH, responsable d'une stimulation de la sécrétion des minéralo-corti­
coïdes (d'où hyp eraldostéronisme secondaire et risque d'hyp okaliémie et d'hyp ertension artérielle).

3.3.3. Cancer du sein


3.3.3.1. Les anti-œstrogènes
• Il s'agit, en fait, de modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes. On distingue:
- les SERM (« Selective estrogen receptor modulator »), dont le chef de file historique est le tamoxifène. Leur
structure chimique tertiaire leur permet de s'amarrer aux récepteurs œstrogéniques et d'entrer en compétition
avec les œstrogènes endogènes. Ils ont un effet antagoniste fort sur le sein mais agoniste faible, dit« oestrogène­
like », sur d'autres tissus cibles, notamment l'endomètre, ce qui explique nombre de leurs effets secondaires
(notamment l'augmentation du risque de maladie thrombo-embolique et de cancer de l'endomètre);
- le tamoxifène a par ailleurs un effet oestrogène-like sur l'os: il est donc protecteur vis-à-vis de l'ostéoporose
chez la femme ménopausée, et n'induit pas de risque d'ostéoporose chez la femme non ménopausée (sauf en
période pré-ménopausique, du fait d'un effet agoniste insuffisant).
- le fulvestrant est un « Selective estrogen receptor downregulator » (SERD) dont il est le seul représentant
disponible; de structure stéroïdienne, c'est un anti-œstrogène pur sans effet agoniste faible.

3.3.3.2. Les inhibiteurs des aromatases


• Le cancer du sein, tumeur typiquement hormono (œstrogéno) - dépendante, est paradoxal en ce qu'il est plus
fréquent après la ménopause alors même que les ovaires ont cessé leur production hormonale. C'est l'expression
et l'activité de l'aromatase, enzyme ubiquitaire au niveau des tissus périphériques normaux (graisse, muscle, foie
mais aussi tissu mammaire), qui est à l'origine de cette discordance apparente. En effet, si l'ovaire est la princi­
pale source d'œstrogènes chez la femme en période d'activité génitale, ceux-ci proviennent après la ménopause
de la conversion des androgènes surrénaliens (androstènedione et testostérone) en œstrogènes sous l'effet de
l'aromatase tissulaire. Cette réaction d'aromatisation périphérique est majorée dans certaines circonstances telles
que l'obésité. Plusieurs médicaments ont été développés pour contrecarrer cet effet (exémestane, anastrozole,
létrozole). Ces médicaments ont conquis une place majeure dans le traitement des cancers du sein de la femme
ménopausée dès lors qu'ils expriment des récepteurs hormonaux; dans cette situation, leur prescription a pris le
pas sur celle des anti-œstrogènes.
• Chez la femme non ménopausée, les inhibiteurs de l'aromatase sont contre-indiqués en monothérapie, du fait de
leur inefficacité sur le blocage de la synthèse ovarienne d'oestrogènes.
• Les effets indésirables les plus fréquemment observés avec ces médicaments sont des myalgies et des arthralgies
dont les malades doivent être prévenues avant l'instauration du traitement et qui peuvent aller jusqu'à faire inter­
rompre celui-ci. Ils ont surtout en commun d'accélérer la perte osseuse postménopausique et d'être associés à un
risque fracturaire accru. En conséquence, les malades doivent bénéficier d'une surveillance de la densitométrie
osseuse et recevoir un apport suffisant en calcium et vitamine D, voire un biphosphonate chez les malades les plus
âgées et/ou s'il existe des facteurs de risque associés de fracture (antécédent de corticothérapie, maigreur, ostéo­
porose familiale, par exemple).

► 1 02 ÎRAITEMENT DES CANCERS UE 9 - ITEM 291


UE9 Item 291

3.4. Immunothérapie

3.4.1. Généralités
• L'immunothérapie agit principalement sur le système immunitaire du patient pour le rendre apte à attaquer les
cellules cancéreuses. On pourrait décrire l'absence de réaction immunitaire comme étant la résultante de la mise
en place d'une« glace sans tain» entre les cellules cancéreuses et les cellules immunitaires. L'immunothérapie abat
cette« glace sans tain ».
• L'immunothérapie repose sur les anticorps monoclonaux, notamment les inhibiteurs de points de contrôle, les
anticorps bispécifiques, le transfert adoptif de cellules ou encore la vaccination anti-tumorale, encore très expéri­
mentale (en dehors de la vaccination préventive anti-HPV des cancers du col de l'utérus).

3.4.2. Les inhibiteurs de points de contrôle: déverrouiller le système immunitaire


• Des freins immunologiques (ou immune checkpoints) sont présents à la surface des lymphocytes T, afin d'évi­
ter une réponse immunitaire inflammatoire excessive et prévenir le développement de maladies auto-immunes.
CTLA-4 (Cytotoxic T lymphocyte-associated protein 4) et PD-1 (Programmed cell death receptor 1) sont, parmi
bien d'autres déjà reconnues, des cibles thérapeutiques dont le rôle physiologique est de limiter l'activation du
système immunitaire. La fixation à ces protéines de leurs ligands respectifs (par exemple, PD-Ll/2 pour PD-1)
inhibe la voie de signalisation du récepteur antigénique des lymphocytes T.
• Cet effet bénéfique des points de contrôle est délétère lorsqu'ils sont détournés par les tumeurs à leur avantage, par
exemple en exprimant PD-Ll/2 à leur surface.

L'exemple des anti-PD-1 (nivolumab, pembrolizumab) ou anti-PD-L1, (atézolizumab, avélumab,


duvarlumab) et des anti CTLA-4 (ipilimumab)
- La liaison de la protéine PD-L1, présente sur les cellules tumorales, au récepteur PD-1 sur les lymphocytes
T entraîne l'inactivation de ces derniers. En bloquant le récepteur PD-1 ou la protéine PD-L1 (avec des
anti-PD-1 ou anti-PD-L1), l'inactivation des lymphocytes T est levée. Ces médicaments sont développés,
voire utilisés dans le contexte de l'AMM, dans les cancers du rein, de la vessie, du poumon non à petites
cellules ou encore le lymphome de Hodgkin.
- L'anticorps monoclonal ipilimumab, utilisé dans le traitement des mélanomes métastatiques, inhibe la
voie CTLA-4, restaurant ainsi l'activité lymphocytaire anti-tumorale.

• Les effets indésirables de cette nouvelle classe médicamenteuse (on parle de « checkpoint inhibitors ») résultent
d'une réponse immunitaire augmentée ou excessive dirigée contre l'organisme du malade; ils sont définis comme
« immune related adverse events». Ils concernent essentiellement les systèmes gastro-intestinal, hépatique, cutané,
nerveux et endocrinien (notamment au niveau de l'hypophyse et de la thyroïde) mais ils peuvent atteindre toutes
les fonctions de l'organisme. Ils apparaissent pour la plupart pendant la phase d'induction du traitement mais
peuvent également être retardés. Un diagnostic précoce et une prise en charge appropriée, par corticothérapie à
forte dose éventuellement associée à un traitement immunosuppresseur, sont essentiels pour minimiser les com­
plications menaçant le pronostic vital.

3.4.3. Les anticorps bispécifiques


• Les anticorps bispécifiques sont appelés ainsi car ils peuvent se lier à deux typ es de cellules différentes, les cellules
tumorales et les cellules immunitaires. L'anticorps, en permettant le rapprochement de ces deux typ es de cellules,
facilite ainsi l'élimination des cellules cancéreuses par les lymphocytes T.

UE 9 - ITEM 291 ÎRAITEMENT DES CANCERS 103 ◄


3.4.4. le transfert adoptif de cellules
• Ces traitements visent à stimuler le système immunitaire du patient en donnant aux cellules immunitaires l'infor­
mation dont elles ont besoin pour mieux reconnaître les cellules tumorales. Pour cela, des cellules immunitaires
sont sélectionnées et/ou modifiées en laboratoire puis réinjectées dans l'organisme du patient.
• Ainsi le transfert adoptif de lymphocytes T infiltrants (tumour-infiltrating lymphocytes), consiste à prélever des
lymphocytes T d'un patient à partir d'échantillons de sa tumeur, à sélectionner les plus efficaces en vue d'une
expansion en laboratoire, et à les lui réinjecter à des fins anti-tumorales.
• Une autre approche consiste à modifier génétiquement les cellules immunitaires. Il s'agit du transfert adoptif de
lymphocytes T génétiquement modifiés. Dans ce type de traitement, les lymphocytes T prélevés dans le sang du
patient, sont génétiquement modifiés pour exprimer des récepteurs spécifiques à leur surface. On parle de récep­
teur antigénique chimérique. Ces récepteurs permettront aux cellules modifiées (CAR-T), de repérer des anti­
gènes présents sur les cellules tumorales. Ces cellules sont cultivées en laboratoire jusqu'à ce qu'elles prolifèrent
par millions puis sont réinjectées au patient. Continuant à se multiplier in vivo, elles vont pouvoir reconnaître et
détruire spécifiquement les cellules cancéreuses.

3.5. La résistance aux traitements médicaux des cancers


• Certaines tumeurs expriment une résistance « primaire » au traitement, par exemple la résistance bien établie des
carcinomes rénaux aux chimiothérapies conventionnelles.
• Chez d'autres patients peut être observé un bénéfice thérapeutique immédiat suivi d'une résistance secondaire ou
acquise, qui peut se développer pendant le traitement ou à distance de celui-ci après qu'une phase de rémission
complète a été observée.
• Des mutations au sein de l'ADN tumoral, des modifications de cibles, des problèmes de pénétrance intra-tumo­
rale peuvent expliquer ces résistances. Un sous-dosage thérapeutique est parfois à l'origine de ces résistances
acquises répondant in fine à un phénomène darwinien. C'est ici que s'exprime pleinement l'hétérogénéité tumo­
rale. Au plan thérapeutique vient se positionner ici le concept des traitements métronomiques, délivrés de façon
quotidienne, voire pluri-quotidienne, sur de longues semaines, mois ou années. Les thérapies orales sont ici bien
sûr largement sollicitées.

4. Décision thérapeutique et mise en œuvre


• La décision de recours à un traitement anti-tumoral (chirurgie, radiothérapie ou traitement médical) est le fruit
d'une décision collégiale, obligatoirement prise en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
• Selon les critères de Haute Autorité de Santé de 2014, la RCP doit remplir les critères suivants:
- inscription au sein d'un réseau de cancérologie;
- doit se tenir en présence d'au moins trois médecins de spécialités différentes permettant d'avoir un avis
pertinent sur toutes les procédures envisagées ;
- chaque dossier doit être présenté que ce soit à la phase initiale du traitement, en cas de rechute ou de changement
de ligne thérapeutique ;
- en cas de situation clinique faisant l'objet d'une prise en charge standard de validité incontestable, celle-ci
peut être mise en route sans attendre une réunion de concertation, mais le dossier devra ultérieurement être
présenté en RCP afin que la décision puisse y être entérinée et que cette prise en charge puisse y être enregistrée
et archivée ;
- la décision prise est tracée, elle sera ensuite soumise et expliquée au patient.
• Depuis le Plan cancer 2003-2007, un dispositif d'annonce a été mis en place qui vise à améliorer l'annonce de la
maladie. Ce dispositif est construit autour de quatre temps correspondant à quatre étapes de prise en charge du
patient par des personnels médicaux ou soignants:

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.. 4' .. ,. __________

- temps médical: une ou plusieurs consultations dédiées à l'annonce, remise d'un programme personnalisé
de soins (PPS). En relais immédiat du dispositif d'annonce, le programme personnalisé de soins est remis à
chaque patient. Il formalise la proposition de prise en charge thérapeutique décidée en RCP. Il comprend entre
autres les coordonnées du médecin référent et de l'équipe soignante référente, les coordonnées de la personne
de confiance ainsi qu'un calendrier prévisionnel de soins et de suivi ;
- temps d'accompagnement soignant : le patient et/ou ses proches peuvent rencontrer un soignant (le plus
souvent une infirmière d'annonce) après la consultation médicale d'annonce, informations sur le déroulement
des soins et mise en contact avec d'autres professionnels de santé si besoin (psychologue, assistant social) ;
- accès à une équipe de soins de support ;
- un temps d'articulation avec la médecine de ville: le médecin traitant est informé en temps réel et doit être
associé au parcours de soins.
• Au terme du traitement, un programme personnalisé de l'après-cancer (PPAC) sera établi.

S. Les essais cliniques


• Les essais cliniques sont à la base des développements des nouveaux produits qui deviendront potentiellement
de nouveaux médicaments bénéficiant d'AMM européenne. À ce titre, ces essais doivent répondre à des critères
« qualité » particulièrement stricts. Sur le plan individuel, ils permettent un accès précoce à certains traitements
avant leur AMM.
• De façon très simplifiée, au décours de la phase« first in man », se succédent les essais de phase I (destinés à
définir les doses maximum tolérées en fonction de critères de toxicités bien établies - Common Toxicity Crite­
ria & Adverse Events-Version V4.03, 14 juin 2010, https://evs.nci.nih.gov/ftpl/CTCAE/CTCAE_4.ü3_2010-06-
14_QuickReference_Sx7.pdf ), les essais de phase II destinés à cibler l'efficacité tout en continuant à observer bien
sûr la tolérance, les essais comparateurs de phase III précédant l'AMM, et les essais de phase IV, médico-écono­
miques.
• L'avènement des nouvelles thérapies oblige à tester des combinaisons multiples (associations de molécules d'im­
munothérapie, de thérapies ciblées), combinaisons mixtes, traitements médicaux et radiothérapie ... ce qui rend
obligatoire l'établissement d'essais dits de stratégie pour mieux définir et appréhender les phases thérapeutiques
successives d'une maladie.
• À cette fin, des essais thérapeutiques d'un nouveau type, plus adaptés aux nécessités et aux impératifs d'une méde­
cine de précision se sont développés :
- les essais « panier » :
Les essais « panier » (essais « basket ») testent un seul traitement dans un grand nombre de localisations
tumorales présentant toutes une ou plusieurs altérations ciblées par ce traitement.
- les essais « parapluie » :
Les essais « parapluie » (essais « umbrella ») évaluent l'efficacité de plusieurs traitements visant des cibles
différentes dans un seul type de cancer. Les patients inclus dans l'essai reçoivent un traitement en fonction des
anomalies moléculaires de la tumeur.

6. Les autorisations temporaires d'utilisation (ATU)


• Certains médicaments, non encore disponibles dans le cadre d'une AMM, peuvent être prescrits via une autorisa­
tion temporaire d'utilisation (ATU). Les ATU sont une spécificité française et sont gérées par l'Agence Nationale
de Sécurité du Médicament (ANSM). Elles permettent un accès précoce à certains traitements.
• Ce dispositif, exceptionnel, requiert plusieurs conditions :
- le traitement est destiné à des maladies graves ou rares ;
- il n'existe pas de traitement approprié ;

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- le patient ne peut pas entrer dans un essai clinique;
- l'efficacité et la sécurité du traitement sont fortement pressenties par les études.
• Il existe deux types d'A TU:
- l'ATU dite de cohorte: elle concerne un groupe ou un sous-groupe de patients;
- l'ATU nominative: elle s'adresse à un patient nommément désigné par un médecin.

7. L'après-cancer
• Le Plan Cancer (2014-2019) ambitionne de préserver au maximum l'autonomie, la continuité et la qualité de
vie des personnes atteintes d'un cancer, pendant et après la période des traitements. Cela passe par une réduc­
tion des risques de séquelles (douleurs, difficultés psychologiques, altération de la fertilité) et de second cancer
(accompagnement au sevrage tabagique, activité physique adaptée, alimentation équilibrée, réduction de la
consommation d'alcool). Les conséquences économiques et sociales sont elles aussi au centre de ce plan cancer:
notion du« droit à l'oubli» avec accès facilité à l'assurance et au crédit, dispositifs d'aménagement de la scolarité
pour les enfants et adolescents malades, mise en place d'observatoires/baromètres pour actualiser les connais­
sances sur l'après-cancer.

► Références
• Mise en œuvre des traitements
- www.afsos.org: référentiels AFSOS(Association Francophone des Soins Oncologiques de Support)
- Recommandations HAS 2014 RCP
- INCa Plan Cancer 2014-2019 et Plans Cancers I à Ill
• La chirurgie des cancers
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de l'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Chirurgie oncologique concepts et techniques Serge Evrard, François Guillemin, Jacques Dauplat John Libbey Eurotext 2006
• Radiothérapie
- Pourquoi les radiations ionisantes sont-elles thérapeutiques ? Hennequin C. La Revue du Praticien, N° : 1, Pages : 74, Rubrique
éditoriale:Dossier, Radiothérapie. 2011-01-18
- Les grandes indications de la radiothérapie. Maingon P. La Revue du Praticien, N°: 1, Pages:79, Rubrique éditoriale:Dossier. 2011-
01-18
- Effets indésirables de la radiothérapie. Henni M., Ali D. La Revue du Praticien, N° : 4, Pages: 461-6, Rubrique éditoriale: Pratique
Médicale. 2012-04-16
• Chimiothérapie et Thérapies ciblées
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de l'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Les médicaments du cancer, Trédaniel Jean, ESKA, 2015
• Hormonothérapies
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de l'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Site de l'Association française d'Urologie (www.urofrance.org/nc/science-et-recherche/base-bibliographique/article/htlm/
recommandations-en-onco-urologie-2013-du-ccafu-cancer-de-la-prostate.htlm)
• Immunothérapie
- Site de l'INCA:www.e-cancer.fr(http://www.e-cancer.fr/)
- Site de L'HAS:www.has-sante.fr(http://www.has-sante.fr/)
- Tumor immunotherapy directed at PD-1, Ribas, A, et al.: New England Journal of Medicine, 2012, 366, 2517-9.

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POINTS CLÉS

1. Tout patient bénéficiant d'un traitement médical, chirurgical ou d'une radiothérapie pour un can­
cer doit avoir un programme personnalisé de soins, une consultation d'annonce et son dossier doit
être présenté en RCP.
2. Chirurgie adaptée aux buts (curative ou palliative, réparatrice ...) et à l'état général du patient.
3. Pas de chimiothérapie ou de radiothérapie sans preuve histologique sauf cas particuliers (cer­
taines tumeurs germinales).
4. Les effets tissulaires de la radiothérapie peuvent se révéler des mois, voire des années, après l'irra­
diation; ce qui nécessite une surveillance régulière d'au moins 5 ans après la radiothérapie.
S. Bilan des fonctions vitales et nutritionnel avant chaque chimiothérapie et bilan adapté à la molé­
cule de chimiothérapie (bilan rénal et audiogramme pour le cisplatine, épreuves fonctionnes respi­
ratoires pour la bléomycine, échographie cardiaque pour les anthracyclines).
6. Pour les toxicités des chimiothérapies ou de la radiothérapie: toxicités aiguës ou chroniques,
toxicités communes et spécifiques.
7. Les thérapies ciblées agissent sur un mécanisme de prolifération tumorale précis et spécifique,
avec une meilleure tolérance que la chimiothérapie. On distingue les anticorps monoclonaux (suf­
fixe - mab) des inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI).
8. Cancers hormono-dépendants: cancers du sein, prostate, endomètre.
9. Le principe de l'immunothérapie est d'induire une réponse immunitaire anti-tumorale efficace,
à médiation cellulaire.

LE COUP DE POUCE DE L'ENSEIGNANT

1. Ce chapitre a pour but de vous expliquer les grands principes des traitements du cancer. L'.ob­
jectif n'est pas de vous faire devenir des experts en cancérologie, mais de mettre en exergue
les points importants dans la prise en charge des cancers, particulièrement susceptibles d'être
abordés à l'ECN et qui« peuvent faire très mal» ... en particulier la RCP, les complications des
traitements ...
2. Le principe de la stratégie thérapeutique est le même pour chaque cancer: déterminer en
premier lieu le stade et le traitement ne posera pas de difficulté:
- localisé/localement avancé : chirurgie +/- radiothérapie et/ou chimiothérapie, le but du
traitement est CURATIF;
- métastatique: traitement systémique (chimiothérapie), le but du traitement est PALLIATIF.
3. Cinq cancers sont à connaître sur le bout des doigts, TNM compris: sein, prostate, poumon,
côlon, mélanome. Pour les autres, même si la TNM n'est pas à connaître, il faut avoir une idée des
stades qui font changer le traitement...

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