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Aplasies médullaires acquises


G. Socié, A. Xhaard, M. Robin, R. Peffault de Latour

Les aplasies médullaires acquises sont des maladies rares caractérisées par une atteinte (primitive ou
secondaire) du compartiment des cellules primitives médullaires. Si certains facteurs étiologiques peuvent
parfois être mis en évidence, dans la plupart des cas aucun facteur n’est retrouvé ; on parle d’aplasie
médullaire idiopathique. L’atteinte des cellules médullaires peut être liée soit à une atteinte intrinsèque
acquise soit, et c’est l’hypothèse actuellement privilégiée, à une destruction par le système immuni-
taire. Le traitement des aplasies médullaires repose soit sur la greffe de moelle, soit sur le traitement
immunosuppresseur associant ciclosporine et sérum antilymphocytaire.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Aplasie médullaire ; Cellules souches ; Traitement immunosuppresseur ;


Greffe de cellules souches hématopoïétiques

Plan Critères et examens diagnostiques


■ Introduction et définitions 1 Les critères diagnostiques associent une diminution stable de
Critères et examens diagnostiques 1 deux ou trois lignées sanguines, et une moelle pauvre sur la biopsie
Critères pronostiques 2 médullaire.
■ Diagnostic différentiel 2

Données de l’hémogramme
Épidémiologie 2
Épidémiologie descriptive 2 Tantôt l’atteinte des trois lignées myéloïdes est présente
Épidémiologie analytique. Facteurs étiologiques suspectés 3 d’emblée. Ailleurs, le déficit de production prédomine au début
■ Physiopathologie 4 sur une ou deux lignées, conduisant à une bicytopénie. La pancy-
Aplasie médullaire, maladie de la cellule souche 4 topénie se complète progressivement en quelques semaines.
Aplasie médullaire, maladie du microenvironnement médullaire 5 L’anémie est typiquement normocytaire normochrome aré-
Aplasie médullaire, maladie dysimmunitaire 6 générative, mais le simple ralentissement des mitoses peut se
Hématopoïèse clonale et aplasie médullaire 6 traduire par une discrète macrocytose. La numération des réti-
Aplasie médullaire et hémoglobinurie paroxystique nocturne 6 culocytes est un critère important du diagnostic : ceux-ci sont
Concept global de la physiopathologie des aplasies médullaires 7 inférieurs à 50 Giga/l (1 % des hématies).
Pour les leucocytes, le signe le plus précoce est la diminution des
■ Traitement 7 cellules à durée de vie courte comme les polynucléaires, alors que
Mesures symptomatiques 7 le taux des lymphocytes est normal. La diminution des monocytes
Greffe de moelle 7 suit rapidement celle des polynucléaires.
Traitements immunosuppresseurs 8 La thrombopénie est franche au-dessous de 50 Giga/l, et le
Greffe de moelle ou traitement immunosuppresseur ? 10 volume plaquettaire est normal.
Le syndrome hémorragique et les infections sont d’autant plus
sévères que les taux sanguins respectifs de plaquettes et de poly-
nucléaires neutrophiles sont bas. Le risque hémorragique dépend
 Introduction et définitions à la fois du taux de plaquettes et de la rapidité de leur décrois-
sance. On considère qu’il existe un risque de septicémie à partir
L’aplasie médullaire (AM) est un déficit de production de 0,5 Giga/l.
des cellules sanguines responsable d’anémie arégénérative, de
thrombopénie avec syndrome hémorragique cutanéomuqueux
spontané, et de leuconeutropénie à l’origine d’infections (revues Myélogramme
dans [1, 2] ). Par définition, l’AM est liée à une insuffisance quanti- L’étude de la moelle hématopoïétique est indispensable au
tative de l’hématopoïèse, ce qui implique une atteinte endogène diagnostic pour éliminer une pancytopénie périphérique par des-
ou exogène de la cellule souche hématopoïétique. Répondent en truction des cellules matures dans le sang ou les tissus, ou une
fait à cette définition des maladies : tumeur maligne (leucémie, métastase de cancer). Le frottis est
• constitutionnelles : aplasies globales comme la maladie de Fan- typiquement désertique ou nettement appauvri, notamment en
coni ou la dyskératose congénitale, ou aplasies d’une seule érythroblastes et précurseurs granulomonocytaires. Le nombre
lignée comme l’anémie de Blackfan-Diamond ; des mégacaryocytes est diminué. Tous les stades de maturation
• acquises, qui peuvent être transitoires, récidivantes ou chro- sont concernés et l’aspect cytologique des cellules résiduelles
niques. est normal. Il est possible d’observer un pourcentage augmenté
Nous nous limiterons dans cet article aux aplasies acquises. de lymphocytes et/ou de plasmocytes matures, des cellules

EMC - Hématologie 1
Volume 8 > n◦ 1 > février 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1984(12)60051-X
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histiocytaires et des macrophages en excès. Toutefois, un myé- MDS à moelle hypoplasique et AM constituent historiquement
logramme normal n’élimine pas le diagnostic d’AM car la seule et par définition deux entités nosologiques différentes, mais la
aspiration médullaire reflète mal la richesse du tissu hématopoïé- limite entre les deux est mouvante. Certains auteurs établissent un
tique. Elle doit donc toujours être complétée par une biopsie. continuum entre les aplasies, les MDS à moelle pauvre, les MDS
à moelle normale ou riche, et les leucémies. Par ailleurs, il existe
Biopsie médullaire des formes de passage de l’une à l’autre, au cours de l’évolution
chez un même patient (cf. infra). Il existe des critères cytologiques
Essentielle au diagnostic, elle montre un appauvrissement plus de MDS à l’examen du sang et de la moelle, mais ceux-ci n’ont
ou moins homogène en précurseurs hématopoïétiques au profit pas une spécificité parfaite et un retard de maturation, notam-
des cellules graisseuses. On peut mettre en évidence des suffusions ment de la lignée érythroblastique, peut se voir dans l’AM. La
hémorragiques et un degré variable d’œdème interstitiel. La biop- présence d’anomalies cytogénétiques clonales est un argument
sie permet de vérifier l’absence de cellules anormales, de signes fort en faveur d’une MDS [3] .
d’inflammation spécifique et de fibrose médullaire. La limite entre une pancytopénie immunologique comme on
en rencontre au cours du lupus érythémateux disséminé ou des
Examen cytogénétique connectivites (polyarthrite rhumatoïde, polychondrite, fasciite à
éosinophiles) et une AM n’est pas toujours facile à déterminer.
L’équipe de Seattle a été la première à mettre en évidence Lorsque l’on observe dans la moelle un enrichissement relatif en
des anomalies chromosomiques structurelles dans 10 % des cas cellules lymphoïdes et/ou plasmocytaires, comme cela est possible
environ d’AM par ailleurs typiques. Dans la littérature ont été rap- à la phase initiale d’une AM, il faut tenir compte des caractères
portées les anomalies suivantes : délétions 7 totales ou partielles, cytologiques et du phénotype immunologique de ces cellules pour
trisomies 8, trisomies 14, délétions des chromosomes 1, 12, 20, et éliminer un lymphome ou un myélome. Dans tous ces cas, la
autres translocations [3] . Ces anomalies méritent d’être confirmées présence d’un clone de lymphocytes T doit être recherchée par
par des techniques d’hybridation in situ avec immunofluores- biologie moléculaire.
cence en interphase. À l’heure actuelle, seule la trisomie 8, en
l’absence d’anomalie cytologique au myélogramme, demeure
compatible avec le diagnostic d’AM. Toutes les autres anomalies
doivent a priori être reliées à une myélodysplasie à moelle pauvre  Épidémiologie
(éventuellement secondaire à une aplasie) et traitées comme telles.
La recherche d’un excès de cassures chromosomiques en culture Épidémiologie descriptive
avec mitomycine C devrait être systématique chez les sujets les
plus jeunes, pour déceler une anomalie génétique de réparation L’AM est une maladie rare dont l’incidence est de moins de dix
de l’acide désoxyribonucléique (ADN). En effet, certaines maladies cas par million et par an, ce qui représente 20 fois moins que le
de Fanconi ne sont diagnostiquées qu’à l’âge adulte. myélome multiple et dix fois moins que les leucémies aiguës. Les
principaux taux d’incidence issus d’études prospectives sont résu-
més dans le Tableau 1. Leur comparaison doit rester prudente en
Critères pronostiques raison des différences de critères diagnostiques et de méthodolo-
gie. Deux points méritent d’être signalés.
Quatre scores pronostiques ont été publiés. Le plus utilisé est Bien que les études plus anciennes aient peut-être surestimé
celui de Camitta [4, 5] , fondé sur les taux sanguins au diagnostic. le nombre des cas, il semble que la fréquence de la maladie ait
Une AM est dite sévère si deux des critères suivants sont présents : diminué depuis 30 ans.
polynucléaires neutrophiles inférieurs ou égaux à 0,5 Giga/l, pla- La maladie est plus répandue en Asie qu’en Europe et en Amé-
quettes inférieures ou égales à 20 Giga/l, réticulocytes après rique. L’incidence est de l’ordre de deux cas par million et par
correction inférieurs ou égaux à 20 Giga/l avec une moelle pauvre an actuellement en Europe. Elle atteint six en Thaïlande et 7,4
au myélogramme. L’indice de Camitta a une sensibilité voisine en Chine. L’incidence de l’AM décrit une courbe bimodale, avec
de 90 % lorsqu’il est testé sur la cohorte du registre français, un premier pic chez les sujets jeunes et un autre au-delà de
mais sa spécificité est inférieure à 50 %, ce qui veut dire que cer- 50 ans. Un excès de cas masculins a été observé en France de
tains patients à critères pronostiques péjoratifs ont néanmoins 1984 à 1985, dans la tranche 15 à 29 ans, correspondant à des
une survie prolongée. D’après l’European Group of Bone Mar- cas sévères. Ce pic ne s’est pas reproduit les deux années sui-
row Transplantation (EBMT), une AM est dite très sévère si les vantes [6, 7] . De la même façon, les pics d’incidence décrits chez
granulocytes sont inférieurs ou égaux à 0,2 Giga/l.
les jeunes gens ou adolescents aux États-Unis semblent peu repro-
ductibles d’un lieu et d’une année à l’autre, ce qui suggère des
facteurs épidémiques. En revanche, le pic d’incidence est cons-
 Diagnostic différentiel tant chez les moins de 25 ans en Asie [8] , et atteint quatre fois le
taux observé en Europe et en Israël dans la même tranche d’âge.
Le diagnostic d’AM acquise est un diagnostic d’élimination, qui La proportion de cas sévères est généralement plus élevée chez
ne correspond qu’à 10 % des pancytopénies ou bicytopénies ren- les sujets jeunes. Dans les deux sexes, quel que soit le conti-
contrées. La simple aspiration médullaire doit être interprétée avec nent, les taux d’incidence augmentent au-delà de 60 ans. L’AM
prudence et la notion de « cellularité » médullaire critiquée. s’observe plus souvent dans les classes socioéconomiques défa-
Au plan méthodologique, on sait qu’il peut subsister, surtout vorisées : dans l’enquête cas/témoins menée à Bangkok et dans
au début de l’évolution et dans les formes subaiguës, des îlots deux régions rurales de Thaïlande, le risque de survenue d’AM
d’hématopoïèse intacts au voisinage de territoires graisseux. Il faut est corrélé avec un nombre faible d’années d’études et inverse-
aussi tenir compte de l’âge du patient pour apprécier la richesse ment corrélé avec les revenus mensuels [9] . Aucun excès d’AM n’a
médullaire à différents points de ponction. Un autre piège peut été observé en France dans les zones rurales, à l’inverse de ce
provenir d’une aspiration difficile conduisant à diluer le liquide qui avait été suspecté 10 ans plus tôt. En revanche, le nombre
médullaire. Dans ce cas, le frottis est artificiellement enrichi en de cas détectés dans les petites villes (moins de 2000 habitants)
polynucléaires et appauvri en mégacaryocytes. Pour toutes ces est significativement plus élevé (p < 0,001). Enfin, signalons que,
raisons, l’étude médullaire doit comporter systématiquement au dans le registre français, deux tiers des cas correspondent à des
minimum une aspiration et une biopsie de bonne qualité. Parmi formes sévères selon Camitta. Le délai entre les premiers symp-
les cas potentiels d’AM revus par l’International Agranulocytosis tômes et le diagnostic est significativement plus court chez les
and Aplastic Anemia Study (IAAAS), certains (70/285) corres- sujets jeunes (p < 0,02) et dans les formes sévères (p < 0,02). Ces
pondaient à d’autres diagnostics, en particulier : pancytopénies données suggèrent que l’aplasie aiguë sévère du sujet jeune, prédo-
à moelle normale ou riche, MDS, leucémies myéloïdes oligoblas- minant chez l’homme, et l’hypoplasie chronique du sujet de plus
tiques, ou bicytopénies correspondant à des neutropénies sévères de 50 ans, touchant davantage les femmes, sont deux maladies
compliquées secondairement d’anémie ou de thrombopénie. différentes [10] .

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Aplasies médullaires acquises  13-008-A-50

Tableau 1.
Aplasies médullaires : études épidémiologiques prospectives.
Période Références Région Population Population Incidence globale
d’étude (en 106 d’habitants) de référence (n/106 d’habitants)
[6]
1980–1984 Sept pays européens et Israël 18,7 Locale 2,2
1981–1984 [6] Région d’Ulm 5,3 Locale 2,8
Israël Locale 1,6
1985 Revue dans [113] Royaume-Uni Aucune 2,3
[10]
1984–1987 France 55 Mondiale 1,4
[9]
1984–1994 Bangkok 5,8 Aucune 3,9
a
1991–1994 [8] Songka Aucune 3,0
Khonkaen a 5,0
1986–1988 Revue dans [113] Chine 25 ×106 Locale 7,4
a
Régions rurales de Thaïlande.

Épidémiologie analytique. Facteurs sont responsables de l’AM [11] . Des atteintes centrales plus ou
moins dissociées des lignées sanguines sont décrites au cours de
étiologiques suspectés la fasciite à éosinophiles, et plus rarement au cours de la poly-
chondrite et des polymyosites. Nous avons récemment décrit
Dans de nombreux cas, aucun facteur étiologique n’est mis
la survenue d’aplasies chez des patients présentant des entéro-
en évidence ; on parle alors d’AM idiopathique. Cependant, il
pathies auto-immunes [19] . La maladie du greffon contre l’hôte
existe des facteurs régulièrement impliqués tels que les irradia-
post-transfusionnelle constitue un modèle d’AM profonde et tou-
tions ionisantes accidentelles ou corporelles totales. On peut en
jours fatale, ce qui souligne encore le rôle des lymphocytes et des
rapprocher certaines intoxications aiguës (pesticides, colchicine,
médiateurs solubles qu’ils produisent.
métaux lourds, etc.) au cours desquelles la moelle hématopoïé-
tique est un des organes lésés. Bien qu’il y ait certainement des
différences de susceptibilité individuelle, ces situations entraînent Infections virales
chez tous les sujets exposés, à partir d’une dose connue, une insuf-
fisance médullaire complète et définitive par destruction directe Le virus d’Epstein-Barr, responsable de la mononucléose
des cellules souches hématopoïétiques. À des doses moindres, la infectieuse, est susceptible d’entraîner à la phase aiguë de la primo-
récupération est possible à partir des cellules souches restantes. infection une thrombopénie, et même une pancytopénie. Des cas
D’autres facteurs sont incriminés, qui n’entraînent une apla- individuels d’aplasie associée à ce virus ont été rapportés. Tou-
sie que chez certains individus rares par rapport au nombre de tefois, dans l’enquête prospective de l’IAAAS, un antécédent de
sujets exposés. Il en est ainsi d’infections virales, de nombreux mononucléose infectieuse dans l’année qui précède est associé à
médicaments, du benzène et d’autres hydrocarbures, des pesti- une élévation non significative du risque relatif d’AM. De nom-
cides/herbicides, de maladies immunologiques [11, 12] . breux cas d’aplasies dans les semaines qui suivent une hépatite
clinique ont été rapportés depuis 20 ans. Les aplasies posthé-
patitiques sont aujourd’hui définies comme des aplasies sévères
Facteurs génétiques associées à une élévation des aminotransférases au-dessus de deux
Dans une étude rétrospective d’aplasies de l’enfant, il appa- fois la normale. Elles ont un début particulièrement rapide. On ne
raissait que près de 20 % étaient associées à des anomalies retrouve généralement pas d’anticorps sériques contre les virus
constitutionnelles. D’où l’intérêt de rechercher systématique- d’hépatite connus, ni de génome viral dans la moelle osseuse.
ment certaines maladies constitutionnelles à expression retardée La survenue d’un épisode clinique d’hépatite dans les six mois
comme l’anémie de Fanconi. qui précèdent est statistiquement reliée à un diagnostic d’aplasie
Des études récentes ont démontré des altérations de gènes dans les enquêtes cas/témoins [8, 11] . L’infection par le virus de
impliqués dans des aplasies constitutionnelles chez des patients l’immunodéficience humaine (VIH) s’accompagne constamment,
présentant apparemment une AM idiopathique. lorsque l’immunosuppression est profonde et que les lymphocytes
Une particularité des cellules nucléées dans l’AM est d’avoir des circulants sont effondrés, d’une insuffisance médullaire quanti-
télomères courts [13, 14] . Les télomères sont des longues séquences tative et qualitative dont le tableau diffère un peu de l’aplasie
hexanucléotidiques répétitives situées aux extrémités des chro- typique et dont la pathogénie n’est probablement pas univoque :
mosomes, dont le rôle est de protéger l’ADN ; leur érosion à toxicité des antiviraux et des anti-infectieux associés, rôle des
chaque division cellulaire est une des caractéristiques intrinsèques infections (toxoplasmose ou mycobactéries médullaires), rôle du
de la sénescence cellulaire. La dyskératose congénitale (forme déficit immunitaire lui-même. En un temps où les trithérapies
rare d’AM congénitale) est liée à la mutation de gènes impli- permettent une régression objective de l’infection par le VIH, on
qués dans la régulation des télomères [15] comme DKC1, TERC observe parallèlement à celle-ci une récupération de l’insuffisance
ou TERT. Des études génétiques ont montré l’existence de muta- médullaire. Cependant, des cas rares d’aplasie chez des patients
tions de TERC et de TERT chez des patients présentant a priori positifs pour le VIH sont encore décrits.
des aplasies acquises [13, 16–18] . Cependant, ces mutations sont rares Le parvovirus B19 est responsable de l’exanthème subit du
et n’expliquent pas la fréquence des télomères courts dans l’AM, nourrisson. Il est susceptible d’entraîner une érythroblastopénie
faisant donc suspecter la mutation d’autres gènes chez certains aiguë au cours des hémolyses constitutionnelles et des carences
patients présentant a priori des aplasies acquises. en folates. Chez le sujet immunodéficient, il est responsable
d’érythroblastopénie chronique acquise. Le tropisme érythrocy-
taire de ce virus est lié à son récepteur cellulaire, qui n’est
Maladies immunologiques autre que l’antigène de groupe sanguin P. L’infection chronique
Dans l’enquête cas–témoins menée en France entre 1985 et serait aussi responsable d’aplasies chez l’adulte et de MDS chez
1988, un lien statistique entre AM et antécédent de maladie l’enfant. La présence d’immunoglobulines M spécifiques et celle
dysimmunitaire, en particulier polyarthrite rhumatoïde, a été d’érythroblastes géants dans la moelle sont des signes très sen-
décrit, sans qu’il soit possible de préciser si la survenue d’une sibles mais moins spécifiques que la mise en évidence de l’ADN
AM est favorisée par le contexte dysimmunitaire de la polyar- viral dans la moelle. Dans le syndrome d’hépatite fulminante avec
thrite ou si les traitements anti-inflammatoires au long cours AM, l’agent pathogène semble être le parvovirus B19. L’herpès

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Tableau 2. (Dépakine® ), et la survenue rare d’AM profondes a été observée


Principaux médicaments impliqués dans la genèse des aplasies dans les études précliniques d’un nouvel antiépileptique : le fel-
médullaires. bamate (Taloxa® ).
Médicaments associés avec un risque Médicaments Interféron
élevé d’aplasie médullaire constamment
L’interféron alpha recombinant entraîne constamment une
myélosuppresseurs
leucopénie et une thrombopénie dose-dépendantes. Toutefois,
Sels d’or Anticancéreux quelques hypoplasies et AM plus durables ont été rapportées.
D-pénicillamine Antithyroïdiens de synthèse
Divers
Sulfamides-sulfones Interféron
Des cas isolés d’aplasie ont été rapportés en association avec
Chloramphénicol la prise de nombreux médicaments. Ces cas sont rares, en géné-
Bêtalactamines ral régressifs à l’arrêt des médicaments pris, et le lien de cause
Colchicine à effet est plus ou moins lâche. Ces cas font l’objet d’analyses
Allo- et thiopurinol
systématiques à la fois par les firmes commercialisant ces pro-
duits et par les agences nationales contrôlant les médicaments
Anti-inflamatoires non stéroïdiens :
(pharmacovigilance). Des cas d’aplasie ont été signalés après trai-
indométacine, diclofénac, butazone
tement par des herbes médicinales dont la composition n’est pas
Furosémide connue, ainsi que lors de toxicomanies avec la méthylène-dioxy-
Salicylés méthamphétamine (ecstasy). Les vaccinations ont été étudiées
dans l’enquête française et ne sont pas reliées à un excès d’AM.

virus humain de type 6 est responsable de pneumopathies et Expositions toxiques non médicamenteuses [9, 12, 20]
d’aplasies dans des contextes d’immunodépression (greffes de Outre les facteurs médicamenteux, les enquêtes précitées ont
moelle). tenté de faire apparaître des facteurs de risque professionnels.
En France, aucune catégorie professionnelle n’est associée à un
Grossesse excès de risque d’aplasie. Il apparaît que l’exposition chronique
Des aplasies ont été décrites au cours de grossesses, ce qui aux pesticides, en particulier les fongicides, approche la signifi-
n’a rien d’étonnant, mais la régression spontanée de l’aplasie à cation uniquement par comparaison à des témoins hospitalisés.
l’accouchement et la survenue non obligatoire de récidives lors En revanche, quel que soit le type de témoins, une relation signi-
de grossesses ultérieures ont fait suspecter un lien de cause à effet ficative est observée avec l’emploi des colles et des peintures. Il
entre les deux évènements. Ces situations restent extrêmement existe des discordances d’une étude à l’autre concernant le risque
rares. du benzène et des solvants, liées aux différences de populations
étudiées et de mesures prises vis-à-vis de ce risque.
Médicaments (Tableau 2) [11, 12]
Anti-inflammatoires et analgésiques
Depuis les années 1950 et la mise en place de structures de  Physiopathologie
pharmacovigilance, les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont
connus pour leur toxicité. Les médicaments de la famille des buta- Les différentes hypothèses physiopathogéniques des AM, autre-
zones ont été les premiers suspectés. Un risque élevé est confirmé fois opposées, tendent aujourd’hui à se réunir autour d’un concept
en Europe avec le groupe des butazones, l’indométacine et le général des mécanismes pouvant conduire à une insuffisance
diclofénac. Un faible excès de risque en rapport avec les salicy- médullaire. Classiquement, trois mécanismes sont envisagés dans
la genèse de cette insuffisance médullaire :
lés (environ 1,5) a été signalé. Étant donné la large utilisation des
• un déficit intrinsèque de la cellule souche hématopoïétique ;
salicylés, cet excès de risque, si faible qu’il soit, pose un problème
• un déficit du microenvironnement médullaire ;
de santé publique. Les autres médicaments prescrits dans les rhu-
• un déficit de l’hématopoïèse lié à une dysrégulation du système
matismes inflammatoires chroniques (sels d’or, D-pénicillamine)
immunitaire.
sont associés à un risque significatif d’AM dans l’étude française
Bien qu’artificielle (certains résultats expérimentaux pouvant
(respectivement 11,7 et 11,3), mais il est impossible de distin-
être interprétés différemment par les tenants ou les détracteurs
guer ce qui revient aux traitements de ce qui revient à la maladie
de chaque hypothèse), cette subdivision a été conservée. Nous ne
elle-même ou au terrain immunologique (cf. supra). Ces patients
prétendons pas ici à l’exhaustivité. Le lecteur peut se référer pour
posent la question non élucidée de savoir si différentes prises
une revue détaillée à des ouvrages ou des revues [1, 2, 21, 22] .
médicamenteuses successives, au long cours, sont susceptibles de
potentialiser leurs toxicités.
Anti-infectieux Aplasie médullaire, maladie de la cellule
La survenue d’épisodes infectieux ainsi que la prise souche
d’antibiotiques non phénicolés non sulfamides est, dans notre
étude, significativement plus fréquente chez les cas que chez les Les premières études qui ont tenté de répondre à cette question
témoins (respectivement 3,8 et 2,9). L’IAAAS retrouve un excès de ont utilisé les techniques de culture à court terme des progéni-
risque non significatif en rapport avec la prise de sulfamides (2,9), teurs médullaires uni- ou dipotents (cliniques ou burst forming
de triméthoprime-sulfaméthoxazole (2,1) et de bêtalactamines units erythrocytes [BFU-E], par exemple) [21] . L’étude de ces progé-
(1,5). Ces médicaments semblent associés à des leucopénies niteurs déjà engagés sur les voies de la différenciation a démontré
et pancytopénies régressives, et un certain degré d’inhibition une diminution de la capacité des cellules médullaires à for-
dose-dépendante de la pousse des colony forming units-granulocytes mer des colonies in vitro, par rapport aux cellules médullaires
macrophages (CFU-GM) est décrit avec les bêtalactamines in vitro. de sujets témoins. Grâce au développement de techniques qui
Les antiviraux sont susceptibles d’induire ou d’aggraver une permettent d’explorer la fonction des progéniteurs médullaires
insuffisance médullaire dans des contextes particuliers (infection multipotents sur la moelle totale (sans séparation cellulaire), il a
par le VIH, déficits immunitaires acquis, etc.). C’est le cas de ensuite été possible de démontrer une atteinte du pool des cellules
l’azidothymidine ou du ganciclovir. souches [23–26] .
Puis l’atteinte des cellules souches des patients atteints d’AM
Antidépresseurs et neuroleptiques a été démontrée par la technique des cellules initiatrices des
La survenue d’aplasies toxiques est décrite avec les phénothia- cultures à long terme par dilution limite (LTC-IC) [27] . Chez ces
zines (chlorpromazine) et avec l’usage prolongé des barbituriques. patients, il existe une bonne corrélation entre le nombre mesuré
Des aplasies aiguës ont été rapportées avec le valproate de sodium de LTC-IC et le taux de cellules CD34 médullaires estimé de

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Tableau 3.
Études des progéniteurs médullaires dans les aplasies médullaires.
Auteur Nombre de patients étudiés Principaux résultats
Technique utilisée
Marsh [23] 32 Défaut de production des progéniteurs sans atteinte du stroma chez 31 patients
Culture à long terme
Bacigalupo [24] 46 Défaut de production des progéniteurs sans atteinte du stroma chez tous les patients
Culture à long terme
Stark [25] 17 Défaut de production des progéniteurs sans atteinte du stroma chez 15 patients
Culture à long terme
Gordon [26] 9 Diminution du nombre de CFU-Bl
Colonies blastiques
Nissen [33] 54 Diminution de la croissance du stroma
Culture à court terme
Holmberg [34] 89 Chez six patients, absence d’établissement du stroma
Culture à long terme
Maciejewski [27] 51 Diminution des LTC-IC de 5,4 fois par rapport aux contrôles
LTC-IC

CFU-BI : colony forming unit blast ; LTC-IC : long term culture initiating cell.

Tableau 4.
Cellules CD34 et aplasies médullaires.
Auteurs Population étudiée Principaux résultats
[28]
Marsh CD34 Atteinte des capacités de prolifération/différentiation
Novitzky et Jacobs [29] CD34 Atteinte des capacités de prolifération/différentiation
[114]
Scopes CD34/CD33 Diminution des CD34+/33−
[31]
Maciejewski CD34/CD33/CD117 Diminution du nombre et altération de la fonction des cellules CD34+/33−/CD117+
Manz et al. [32] CD34/CD117, CD34/CD38 Diminution du nombre et altération de la fonction des cellules CD34+/117+ ou 38−
[30]
Karakantza CD34/molécules d’adhésion Pas de diminution d’expression des molécules d’adhésion
Maciejewski [51] CD34/CD95 Expression de CD95 sur les CD34+ et apoptose des cellules CD34+/95+
[52]
Philpott CD34/7AAD Apoptose des cellules CD34+

7 AAD : 7-amino-actinomycine D ; CD117 : c.kit ; CD95 : Fas.

manière concomitante. L’ensemble de ces résultats de cultures cel- En revanche, l’existence d’un déficit qualitatif de la cellule
lulaires est résumé dans le Tableau 3. La population identifiée par souche chez les patients atteints d’AM est beaucoup moins docu-
l’antigène CD34, qui contient les progéniteurs multipotents et mentée. Cependant, Maciejewski a démontré que la capacité
les cellules souches, a été l’objet d’études dans les AM. Les résul- clonogénique des cellules CD34+ médullaires et que le nombre de
tats des études résumées dans le Tableau 4 montrent tous une colonies générées par LTC-IC chez des patients atteints d’aplasie
diminution de la population des cellules CD34+ dans la moelle, étaient diminués, et que ces anomalies persistaient chez les
mais peu d’études ont permis d’analyser les capacités fonction- patients en rémission apparente de leur maladie, suggérant donc
nelles des cellules CD34 dans le cadre des aplasies. Marsh a été une atteinte à la fois quantitative et qualitative des cellules médul-
la première à réaliser un tel type d’étude chez sept patients pré- laires CD34+ chez ces patients [27] .
sentant une forme non sévère de la maladie [28] . Dans ce travail,
elle a étudié le rôle respectif d’une atteinte de la « cellule souche »
(CD34+) et du stroma dans un système de culture à long terme, Aplasie médullaire, maladie
et a montré un déficit des cellules CD34+ provenant de patients du microenvironnement médullaire
aplasiques cultivées sur un stroma issu de sujets sains. Un travail
similaire réalisé par Novitzky et Jacobs a confirmé ces résultats [29] . Dans les travaux de culture médullaire à long terme (cf. supra),
Les progrès concernant le phénotype des cellules souches hémato- la réalisation d’expériences de croisement (cross-over), comparant
poïétiques ont clairement démontré que la population des cellules la pousse de cellules médullaires de patients aplasiques sur un
CD34 était hétérogène. Dans le cadre des AM, des études ont stroma normal à la pousse de cellules de sujets sains sur des
démontré : stromas issus de patients atteints d’AM, a permis de suggérer
• la déplétion des cellules de phénotype CD34+/CD33− ; fortement que l’AM est, dans la majorité des cas étudiés, une
• l’expression, à un niveau analogue à celui observé chez des maladie de la « cellule souche » et non une maladie du microen-
sujets témoins, de molécules d’adhésion (CD11a-LFA1, CD58- vironnement [23–25] . De plus, le stroma des patients aplasiques est
LFA3, CD54-ICAM1, CD49d-VLA4, CD44-HCAM et CD62L) [30] . capable de soutenir la fonction de cellules CD34+ isolées à par-
Enfin, sur les plans phénotypique et fonctionnel, deux études tir de moelle osseuse de sujets sains [28] . Cependant, deux études
ont démontré la diminution du nombre et de la capacité semblent aussi montrer l’existence d’un déficit du microenviron-
clonogénique de populations médullaires purifiées dont le phé- nement médullaire chez une minorité de patients aplasiques. La
notype est associé à celui de la cellule souche hématopoïétique première, du groupe de Bâle, montre l’existence d’un déficit de
CD34+/CD117+ (c-kit) et CD34+/CD38− [31, 32] . croissance du stroma chez des patients étudiés après traitement
Au total, l’ensemble de ces travaux converge vers un certain par sérum antilymphocytaire [33] . La seconde, du groupe de Seat-
nombre de points fondamentaux. tle, montre, dans une série de 89 patients, que six d’entre eux
Les progéniteurs primitifs (déterminés par le phénotype ou les (7 %) ne peuvent établir un stroma dans un système de culture
LTC-IC, par exemple) sont diminués dans les AM : il existe donc à long terme [34] . Au total, une atteinte du stroma semble exister
un déficit quantitatif du « pool » des cellules souches. chez un certain nombre de patients (moins de 10 % des AM ?).

EMC - Hématologie 5
13-008-A-50  Aplasies médullaires acquises

La question est donc d’élucider chez ces patients l’origine de ce ces dernières années. L’IFN␥ est exprimé dans les cellules mono-
défaut : défaut quantitatif des cellules stromales (ou de leur précur- nucléées médullaires d’enfants ou d’adultes atteints d’AM, mais il
seurs) ou anomalie d’un précurseur commun des cellules souches est absent chez les sujets sains témoins [43, 49, 50] . Il agit sur les cel-
hématopoïétiques et du stroma. lules CD34+/CD38− en induisant l’expression de CD95-Fas [51, 52]
Enfin, dans ce chapitre il est classique d’envisager le rôle des (cette action est médiée par l’interferon regulatory factor 1 et l’oxyde
cytokines et des facteurs de croissance (et/ou de leurs récep- nitrique). L’IFN␥ et le TNF␣ suppriment à la fois la genèse de progé-
teurs) dans la survenue d’une insuffisance médullaire. Ces facteurs niteurs précoces et celle des LTC-IC. Puisque l’antigène Fas est un
stimulant l’hématopoïèse sont presque toujours élevés chez les récepteur qui induit des signaux conduisant à une apoptose cellu-
patients atteints d’AM. Exception faite de la diminution de la pro- laire, ceci suggère que l’augmentation de CD95 chez ces patients
duction d’interleukine 1 (IL-1␣ et ␤), il n’est pas de molécules de est le reflet du rôle du système Fas-récepteur/Fas-ligand dans la
cette classe dont on n’ait pas rapporté l’augmentation de produc- genèse (par apoptose) de l’insuffisance médullaire des aplasies.
tion dans les aplasies. Le rôle de deux d’entre elles, impliquées L’ensemble de ces éléments peut être considéré comme des
dans la régulation de la fonction des cellules souches (ligand de arguments indirects en faveur d’une origine auto-immune des
flt3 et couple c-kit/kit-ligand [KL]), a été étudié au niveau de la pro- AM acquises. Des éléments convaincants ont cependant renforcé
téine et de l’acide ribonucléique messager. Bien que le niveau de la cette hypothèse. En effet, il a été montré l’existence de clones
protéine KL sérique soit dans les limites inférieures de la normale de cellules CD4 dont la fonction cytotoxique vis-à-vis de cellules
chez les patients aplasiques [35] , le niveau des messagers de KL et de médullaires autologues de phénotype immature est restreinte par
c-kit mesuré dans le stroma des cultures médullaires à long terme le système HLA du patient [40] . Ces clones CD4 ont de plus une
n’est pas diminué [36] . Quant au ligand de flt3, son niveau plasma- action cytotoxique indirecte via l’IFN␥.
tique et sérique est augmenté chez les patients atteints d’AM [37] Des travaux ont aussi démontré que la séquence des fragments
mais ne semble pas capable d’agir en synergie avec d’autres fac- CDR3 des lymphocytes CD8 était redondante chez les patients
teurs pour stimuler la croissance des progéniteurs myéloïdes chez atteints d’aplasie, ce qui suggère fortement l’expansion de ces
les patients atteints d’aplasie [38] . lymphocytes vis-à-vis d’un antigène [53] .
L’étude de l’expression des gènes par les techniques de puces
a permis de montrer un profil d’expression des cellules CD34
Aplasie médullaire, maladie dysimmunitaire compatible avec une cible en état de mort cellulaire à la suite
d’une atteinte immunitaire [54] . Utilisant la même technique, les
Depuis les premières descriptions d’amélioration de mêmes auteurs ont pu montrer que les lymphocytes CD4 et CD8
l’insuffisance médullaire des AM après traitement immuno- expriment un profil compatible avec un état d’activation, de cyto-
suppresseur, l’hypothèse d’une étiologie « auto-immune » a été toxicité et de recrutement au niveau médullaire [55] .
défendue par un certain nombre d’auteurs, qui ont étayé cette Enfin, les travaux du groupe de Nakao ont pour la première
hypothèse par des travaux expérimentaux. Les premiers travaux fois permis d’isoler un autoantigène (la protéine 1 associée à
(revue dans [2, 21, 22] ) ont montré la présence, dans le sang péri- l’inhibiteur du récepteur au diazépam) [56] , ce qui représente la
phérique de patients atteints d’AM, d’un nombre anormalement preuve absolue de l’origine auto-immune de certaines AM. Un
élevé de lymphocytes T activés (CD4+ et/ou CD8+, exprimant le phénomène d’échappement de cible de ces lymphocytes cyto-
récepteur de l’IL-2 [CD25]). Des expériences de cultures médul- toxiques par délétion de certains haplotypes HLA a aussi été décrit
laires, en présence de lymphocytes T autologues, ont suggéré par le même groupe.
l’action suppressive de ces lymphocytes T sur la formation de
colonies de progéniteurs myéloïdes. L’action suppressive de ces
populations T peut être médiée soit par une action cytolytique Hématopoïèse clonale et aplasie médullaire
directe sur les progéniteurs médullaires – démontrée par des tests L’incidence d’hémopathies malignes chez les patients traités
fonctionnels de type cytotoxicité lymphocytaire T (CTL) ou par immunosuppression pour une AM est élevée. Une telle inci-
CTL-p (cytotoxicité des précurseurs lymphocytaires) –, soit de dence a conduit certains auteurs à considérer certaines formes
façon indirecte via la sécrétion de cytokines inhibitrices [39] . Sur d’AM comme des maladies prémalignes (revue dans [3] ). L’étude
les plans phénotypique et fonctionnel, il a été décrit : de la clonalité de l’hématopoïèse, par l’étude du polymorphisme
• une augmentation du nombre des lymphocytes des fragments de restriction de gènes liés au chromosome X chez
CD8+/HLADR+, des cellules NK (CD56+) dans la moelle, les patientes aplasiques, a été réalisée par quatre groupes, à ce
une diminution des cellules NK-T [40] et des lymphocytes T-␣␤ jour. Les deux premières études, publiées en 1991, conduisaient à
dans le sang de ces patients [41] , et une augmentation des des conclusions divergentes [57] . Deux études ont ensuite montré
cellules CD8+/CD28+ et CD8+/CD28+/CD57− ; la rareté d’un profil clonal (deux patientes sur 20 pour Tsuge [58]
• l’existence de clones de lymphocytes T CD4+ qui : et quatre sur 30 pour Ragavashar [59] ). La raison d’une telle dis-
◦ prolifèrent en présence de cellules CD34+ irradiées auto- parité des résultats publiés est liée sans doute à l’absence de
logues, vérification d’un profil de lyonisation extrême des patientes (inac-
◦ produisent de l’interféron ␥ (IFN␥), tivation inégale des deux allèles) dans les deux premières études [3] .
◦ ont une capacité d’inhibition de la formation de colonies de D’autres auteurs ont recherché la présence de mutations de la
type CFU-GM et BFU-E sans exercer une activité cytotoxique famille des gènes ras et du gène p53, dont on connaît la fréquence
directe [42] , dans les hémopathies myéloïdes malignes. De telles mutations ont
◦ comportent une polarisation vers un phénotype de type rarement été mises en évidence chez les patients atteints d’AM [3] .
TH1 [43] ;
• une augmentation du nombre des lymphocytes T␥␦ TCS1-
positifs, dans le sang et la moelle [44] ; Aplasie médullaire et hémoglobinurie
• plus récemment : paroxystique nocturne
◦ une diminution de la population T régulatrice CD4+ CD25+
Foxp3+ [45] ; Les interrelations entre hémoglobinurie paroxystique nocturne
◦ une augmentation de la population Th17 (CD4+ sécrétant de (HPN) et AM sont connues depuis de nombreuses années : environ
l’IL-17) [46] . 30 à 40 % des patients avec AM traitée par immunosuppression
Mais cette hypothèse auto-immune a surtout été étayée par la développent une HPN, clinique ou biologique [60] , et environ 30 %
démonstration que le répertoire des lymphocytes T des patients des patients ayant une HPN se présentent avec une pancytopénie.
atteints d’aplasie était profondément remanié, avec présence de La cytométrie en flux a permis de détecter précocement l’anomalie
familles V␤ d’apparence mono- ou oligoclonale au diagnostic, caractéristique des HPN : l’absence d’expression membranaire des
qui disparaissent ou diminuent significativement lors de la rémis- protéines liées par une ancre glycosyl phosphatidyl-inositol (GPI)
sion [47, 48] . Le rôle du système immunitaire via la sécrétion de 69. De plus, le gène PIG-A responsable de la maladie a été cloné
cytokines inhibitrices tels l’IFN␥, le tumor necrosis factor ␣ (TNF␣) et les anomalies moléculaires décrites chez les patients atteints
ou la macrophage inflammatory protein 1α a été exploré en détail d’HPN.

6 EMC - Hématologie
Aplasies médullaires acquises  13-008-A-50

Six groupes ont étudié des patients aplasiques à la recherche thérapeutique et, en cas de fièvre, les patients doivent rapidement
d’un défaut d’expression des molécules GPI par cytométrie en recevoir une antibiothérapie à large spectre (revues dans [2, 21, 30] ).
flux [61–65] . Près de 400 patients ont ainsi été étudiés et un défi- De manière plus spécifique, les patients atteints d’AM sont
cit d’expression a été détecté chez près de 40 % d’entre eux. Enfin, particulièrement à risque d’infection fongique. Les infections fon-
une étude du groupe européen d’étude des AM au sein de l’EBMT giques à Candida ou Aspergillus constituent à l’heure actuelle une
a permis d’étudier plus d’une centaine de patients au diagnostic. des causes principales de décès de ces patients.
Parmi ceux-ci, 35 % présentaient un syndrome de déficit des molé- Les hémorragies liées à la thrombopénie, souvent profonde,
cules GPI, alors même que, par définition dans cette étude, tous constituent une autre cause importante de décès. L’anémie est
les patients avaient un test de Ham négatif. constante. La correction de la thrombopénie et de l’anémie fait
D’autres études ont permis de caractériser les anomalies géno- partie des mesures symptomatiques indispensables dans la prise
miques du gène PIG-A chez des patients présentant un déficit en charge de ces patients, qui doivent avoir un phénotypage
d’expression des molécules GPI et une AM [65–67] . Les mutations érythrocytaire complet dès le diagnostic. Cependant, si la néces-
sont semblables à celles décrites dans l’HPN « classique », même sité des transfusions est évidente en cas d’anémie mal tolérée
si certains ont décrit un hot spot de mutations dans l’exon 2 de ou de syndrome hémorragique, la politique transfusionnelle de
PIG-A chez les patients atteints du syndrome aplasie/HPN [67] . ces patients est parfois difficile à établir. En effet, il faut à tout
Enfin, à la fois chez les patients atteints d’HPN « classique » prix éviter une allo-immunisation transfusionnelle qui peut obé-
et chez ceux présentant un syndrome aplasie/HPN, le sous- rer les résultats ultérieurs d’une greffe (cf. infra) ou conduire à des
type HLA-DR2, lié aussi à d’autres maladies auto-immunes, est situations inextricables chez certains patients traités par immu-
surreprésenté [68] . nosuppression (allo-immunisations multiples). En conclusion, en
Au total, au moins 30 % des aplasies considérées autrefois idio- dehors d’un contexte d’urgence, toute indication de transfusion
pathiques sont en fait des syndromes aplasie/HPN. chez un patient ayant une AM doit être réfléchie (les règles habi-
tuelles de transfusion en cas d’hémoglobine inférieure à 8 g/dl
et de plaquettes inférieures à 20 Giga/l sont moins strictement
Concept global de la physiopathologie applicables ici).
des aplasies médullaires
À l’exception éventuelle de l’AM induite par des toxiques
Greffe de moelle
agissant directement sur la cellule souche telles les irradiations Greffe de moelle à partir d’un donneur HLA
ionisantes ou le benzène, il est improbable que l’on puisse
géno-identique de la fratrie
démontrer qu’un seul des mécanismes envisagés soit tenu pour
seul responsable de l’insuffisance médullaire des AM. Sous le La greffe constitue la seule thérapeutique réellement cura-
vocable d’AM est réuni un ensemble de pathologies aux méca- tive des AM acquises( [70–72] et revues dans [2, 21, 73–76] ). En effet, le
nismes physiopathologiques intriqués. Nissen a émis l’hypothèse traitement immunosuppresseur permet d’obtenir des rémissions
d’une reconnaissance par le système immunitaire d’une altéra- hématologiques de longue durée, et un taux de survie à long
tion intrinsèque des cellules souches conduisant à l’apparition terme proche de celui de la greffe dans certains cas (cf. infra).
d’une insuffisance médullaire [69] . L’efficacité du traitement immu- Il n’en demeure pas moins que l’hématopoïèse d’un patient après
nosuppresseur permet une amélioration de la formule sanguine traitement immunosuppresseur reste profondément anormale (cf.
et du myélogramme, mais ces patients gardent une hématopoïèse supra) et potentiellement sujette à une évolution clonale (MDS ou
foncièrement anormale et diminuée. De plus, l’atteinte primitive leucémie aiguë). Cependant, le traitement par greffe se heurte à
persiste et peut constituer la première étape vers la transforma- trois écueils majeurs :
tion cellulaire (initiation) qui conduit chez certains patients au • le premier est d’origine génétique ; en effet la probabilité d’avoir
développement d’un syndrome myélodysplasique. Au contraire, un donneur HLA identique dans une fratrie n’est que de 25 % ;
le système immunitaire peut être le primum movens dans d’autres • ensuite, la greffe ne peut être envisagée, comme traitement
cas, comme le suggèrent Young et Maciejewski [2] . Ces auteurs de première intention, que chez des sujets jeunes (moins de
émettent l’hypothèse que le système immunitaire reconnaît un 45–50 ans) ;
épitope d’origine médicamenteuse ou virale présent aussi sur la • enfin, même chez des sujets jeunes, ayant un donneur familial
cellule souche et la prend pour cible, ce qui conduit à une déplé- HLA génotypiquement identique, la mortalité liée à la greffe
tion du pool des cellules souches. Dans ce cas, après traitement demeure de 10 à 30 % selon les études.
immunosuppresseur, l’hématopoïèse résiduelle est ici aussi forte- Les résultats récents de la greffe sont résumés dans le Tableau 5.
ment altérée et sujette à transformation. Deux sources principales permettent d’estimer ces résultats : celle
d’institutions isolées ayant une longue expérience de la greffe
dans les AM (mais qui peuvent avoir un biais de recrutement)
 Traitement et celle des registres (européens [EBMT] ou internationaux [Inter-
national Bone Marrow Transplant Registry]) qui rapportent des
résultats sur de larges séries (mais dont les sources, basées sur
Les AM peuvent être traitées :
un enregistrement volontaire des cas, sont beaucoup plus hété-
• soit par allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (greffe
rogènes). Cependant, quelle que soit l’origine de ces publications,
de moelle osseuse, de cellules souches périphériques ou de sang
et tenant compte des intervalles de confiance des calculs statis-
de cordon), qui conduit au remplacement de l’hématopoïèse
tiques, un point fondamental semble se dégager : l’amélioration
du malade par celle du donneur ;
des résultats à long terme depuis le milieu des années 1980,
• soit par traitement immunosuppresseur.
permettant d’espérer aujourd’hui, après allogreffe de moelle
Mais, quelle que soit la modalité thérapeutique choisie, selon
osseuse, une probabilité de survie de l’ordre de 80 à 90 %.
les critères définis (cf. infra), une place fondamentale de la théra-
Le risque de maladie du greffon contre l’hôte et de pneu-
peutique de ces affections revient au traitement symptomatique
mopathie interstitielle a diminué durant la période de temps
de réanimation hématologique. Dans cette partie thérapeutique,
étudiée, alors que le risque de non-prise ou de rejet du gref-
nous envisagerons successivement les traitements symptoma-
fon est resté relativement constant. L’augmentation significative
tiques, puis les résultats respectifs de la greffe et du traitement
de la survie après ajustement statistique des paramètres inhé-
immunosuppresseur, enfin la place respective de ces deux options
rents au patient, à la maladie et à la transplantation, est liée
thérapeutiques sera discutée dans un troisième temps.
à une diminution significative de la mortalité pendant les
trois premiers mois qui suivent la greffe [77] . L’analyse des fac-
Mesures symptomatiques teurs pouvant expliquer cette diminution a montré que les
mesures de réanimation hématologique (antibiotiques, antivi-
Les infections bactériennes peuvent être rapidement fatales raux, politique transfusionnelle, etc.) et surtout l’introduction de
chez ces patients très neutropéniques. Il s’agit donc d’une urgence la ciclosporine dans la prophylaxie de la maladie du greffon contre

EMC - Hématologie 7
13-008-A-50  Aplasies médullaires acquises

Tableau 5.
Résultats de la greffe de moelle dans les aplasies médullaires.
n Rejet/non-prise Maladie du greffon Maladie du greffon contre Survie actuarielle
(%) contre l’hôte aiguë (%) l’hôte chronique (%) (%)
Hôpital 107 3 36 35 68 ± 10 (à 5 ans)
Saint 143 3 / 50 65 ± 4 (à 10 ans) a
Louis [71, 80, 81]
61 3 IC : 15 % à 3 mois IC : 32 % à 72 mois 87,5 (à 6 ans)
UCLA [70]
290 17 21 12 78 ± 15 (à 5 ans)
Seattle, FHCRC [72] 168 11 34.5 40 69 (à 15 ans)
IBMTR [77]
1305 11–20 19–39 32–37 % 48 ± 7 à 66 ± 6 (à
5 ans)

EBMT [75] Avant 1990 = 1030 / / / 56 (à 5 ans)


Après 1990 = 1047 80 (à 5 ans)

IC : incidence cumulée.
a
90 % (à 5 ans) chez les patients recevant l’association cyclophosphamide et sérum antilymphocytaire.

l’hôte étaient responsables de cette diminution de la mortalité périphériques est associée à une incidence inacceptable de mala-
précoce post-greffe. En revanche, la mortalité tardive (après deux die du greffon contre l’hôte chronique et à une survie inférieure
ans) a peu changé au cours du temps et demeure de l’ordre par rapport aux greffons médullaires [85, 86] .
de 8 à 10 % : elle est avant tout liée à l’immunodépression Au total, les bases de la greffe à partir d’un donneur géno-
liée à maladie chronique du greffon contre l’hôte [78, 79] . Trois identique pour une aplasie acquise du sujet jeune se résument
études [39, 80, 81] ont particulièrement décrit la survie à long terme en quelques points :
et bien mis en exergue le problème des complications tardives • greffe urgente avant immunisation ;
de ces greffes pour une hémopathie non maligne. Enfin, dans • avec un greffon médullaire ;
cette partie consacrée à la greffe, nous voudrions insister sur trois • après un conditionnement par Cy et SAL ;
points. • et avec une prophylaxie de la maladie du greffon contre l’hôte
par ciclosporine plus méthotrexate.
Problème du rejet ou de la non-prise du greffon
Ce problème relativement rare dans les greffes de moelle osseuse
pour leucémie demeure un problème significatif après greffe pour Greffe de moelle à partir d’un donneur non-HLA
AM. Son incidence (10 à 20 % selon les séries) a peu varié au
cours du temps. Le rejet demeure associé à une forte mortalité,
identique de la fratrie ou à partir d’un donneur
les secondes greffes dans cette situation ne permettant une survie non apparenté
à long terme que chez environ un tiers des patients. Cependant, Dans la mesure où la plupart (75 %) des patients n’ont pas de
les facteurs de risques de non-prise ou de rejet du greffon sont à donneur HLA génotypiquement identique, un certain nombre
l’heure actuelle mieux connus. L’incidence des rejets/non-prises d’équipes ont eu recours à l’utilisation de donneurs « alternatifs » :
est significativement diminuée : non-HLA identiques de la fratrie ou non apparentés (revue
• si le greffon est riche (nombre de cellules mononucléées) et non dans [87] ). Les résultats de ce type de greffe sont demeurés cepen-
manipulé ; dant pendant des années bien en deçà de ceux des greffes
• si le patient n’est pas allo-immunisé contre des antigènes pratiquées à partir d’un donneur HLA génotypiquement identique
majeurs ou mineurs d’histocompatibilité (d’où l’importance de la fratrie, puisque la probabilité de survie à long terme dans
fondamentale d’une politique transfusionnelle adaptée à ces cette situation n’excédait pas 40 % dans la plupart des séries. Ces
patients) (cf. supra) ; résultats historiques décevants, liés avant tout à une forte inci-
• si le conditionnement prégreffe est suffisamment immunosup- dence de maladie du greffon contre l’hôte et à un fort taux de
presseur. rejet, doivent cependant être examinés à la lumière des données
L’association de sérum antilymphocytaire (SAL, suivantes :
Thymoglobuline® , 2,5 mg/kg/j pendant 5 jours) et de cyclo- • les progrès actuels dans les critères de sélection des donneurs
phosphamide (Cy, 200 mg/kg), décrite par le groupe de Seattle, par biologie moléculaire permettent de choisir des donneurs
est à l’heure actuelle le conditionnement de référence dans les dont la compatibilité avec le receveur dans le système HLA est
AM, comme l’a démontré un essai international randomisé [82] . bien supérieure à celle utilisée dans les premières greffes ;
Il permet de réduire la probabilité de rejet/non-prise à moins de • les résultats obtenus depuis le début des années 2000, grâce au
5 % [39, 80, 81] . typage HLA de haute résolution et aux progrès de la réanima-
tion hématologique (antifongiques et antiviraux), permettent
Maladie du greffon contre l’hôte
chez l’enfant et l’adulte jeune d’espérer des survies à long terme
L’incidence de maladie du greffon contre l’hôte aiguë sévère proches de 80 % [88] .
a diminué de manière significative depuis l’introduction de la Ces deux points expliquent que les équipes spécialisées posent
ciclosporine : d’environ 40 % dans les années 1980 à environ maintenant régulièrement l’indication de greffe à partir d’un don-
15 % à l’heure actuelle. Elle est d’autant plus fréquente et sévère neur non apparenté chez les enfants et jeunes adultes après échec
que le patient est plus âgé, et rend compte de la différence de ou rechute(s) d’un traitement immunosuppresseur (à condition
survie observée chez les sujets jeunes (moins de 20 ans : probabi- d’une compatibilité allélique stricte aux loci HLA-A, -B, -C, DRB1
lité de survie d’environ 90 %), par rapport aux sujets plus âgés, et DQB1).
dont la probabilité de survie est de l’ordre de 70 %. Une étude
randomisée a démontré la supériorité de la prophylaxie par ciclo-
sporine plus méthotrexate par rapport à la ciclosporine seule [83] .
L’introduction de l’alemtuzumab, prônée par les auteurs anglais, Traitements immunosuppresseurs
permettrait de réduire ce risque, mais au prix d’une augmentation
des rejets [84] . Les traitements immunosuppresseurs ont évolué depuis les
20 dernières années, et leurs résultats à long terme se sont grande-
Source de cellules ment améliorés. La survie à cinq ans est passée de 50 % environ
Des études internationales ont désormais très clairement chez les patients traités avant 1980 à plus de 70 % chez les patients
démontré que l’utilisation de greffons de cellules souches traités depuis lors.

8 EMC - Hématologie
Aplasies médullaires acquises  13-008-A-50

Sérum antilymphocytaire et semble être un médicament intéressant chez certains patients,


dans cette situation [92] ; ces résultats méritent d’être confirmés par
Le SAL a été la première thérapeutique immunosuppressive uti-
un essai randomisé.
lisée dans cette maladie (revue dans [89] ). Bien que son action
immunosuppressive chez les patients et ses propriétés immu-
nomodulatrices in vitro soient reconnues depuis des années, Traitements combinés
son mécanisme d’action demeure très incomplètement démem- Place actuelle des androgènes
bré. L’étude de la spécificité des anticorps contenus dans le SAL
Les androgènes ont été utilisés seuls pour traiter les AM dans
a montré que ceux qui persistaient le plus longtemps in vivo
les années 1960, et depuis en association au SAL. La réponse au
étaient dirigés contre des molécules qui assurent la transduction
traitement par les androgènes est généralement meilleure dans les
du signal d’activation du lymphocyte T et contre des molécules
formes non sévères de la maladie. Dans une série de 429 patients,
d’adhésion [90] . Le rôle, les effets secondaires et les résultats du trai-
Najean et Haguenauer rapportent une survie à cinq ans d’environ
tement des AM par le SAL ont fait l’objet de revues [89] . Des études
40 % et, dans le suivi à long terme de cette cohorte, un risque de
randomisées ont d’abord montré la supériorité du SAL par rap-
décès tardifs de 20 % [95] . Un essai randomisé de l’EBMT incluant
port au traitement symptomatique (transfusions et antibiotiques).
134 patients a comparé le traitement par SAL seul (65 patients)
La médiane d’obtention d’une réponse hématologique (mesurée
ou par SAL et oxymétholone (69 patients). La survie de ces deux
sur l’augmentation des polynucléaires neutrophiles) est toujours
groupes de patients était identique [96] . Les androgènes n’ont donc
longue avec le SAL, de l’ordre de trois mois. De plus, l’importance
pas de place dans le traitement initial de l’AM, mais peuvent
de la réponse et le délai d’obtention de cette dernière varient consi-
cependant être utiles dans le traitement de certaines rechutes non
dérablement d’un patient à l’autre. Ces deux derniers points, ainsi
sévères de la maladie.
que la non-standardisation de la définition de la réponse au traite-
ment, expliquent la variabilité des taux de réponse rapportés après Association sérum antilymphocytaire-ciclosporine
traitement par SAL. Néanmoins, on peut estimer que 50 à 60 % C’est le traitement de référence des AM sévères et non sévères.
des patients ont une réponse hématologique au SAL [91] . Enfin, Une étude randomisée du groupe coopérateur allemand a en
cette réponse est largement fonction de la sévérité de l’aplasie (cf. effet montré la supériorité de l’association SAL et ciclosporine
supra) : d’après les données de l’EBMT, la survie à six ans après trai-
(43 patients) par rapport au SAL seul (41 patients). À trois et six
tement par SAL est de l’ordre de 80 % pour les formes non sévères,
mois, le taux de réponse était supérieur chez les patients traités
mais seulement de 40 % pour les formes sévères ou très sévères
par la double association (respectivement 65 versus 39 % et 70
(polynucléaires neutrophiles inférieurs à 0,2 Giga/l). Les effets
versus 46 %) [97] . Les résultats à long terme de cette étude avec un
secondaires du SAL sont de deux ordres : l’aggravation initiale de la
suivi de plus de dix ans ont montré la supériorité de l’association
leucopénie et de la thrombopénie d’une part, et la maladie sérique,
SAL et cyclosporine concernant la survie sans rechute, mais une
d’autre part. Cette dernière complication a pratiquement disparu
survie globale identique grâce au traitement de rattrapage par
depuis l’administration concomitante de corticoïdes (1 à 2 mg/kg)
l’association dans le bras SAL seul [98] . Depuis lors, ces résultats ont
avec le SAL.
été confirmés, notamment par le groupe de Bethesda, à court et à
Cependant, des éléments récents ont complexifié l’utilisation
long termes [99] . Point important, les deux études à long terme [98]
de ce vieux médicament. Deux sources de production animale
décrivent un risque de rechute d’environ 35 % et une dépendance
du SAL existent : le cheval et le lapin. Une étude randomisée
à la ciclosporine (empêchant l’arrêt ou la baisse de celle-ci) chez
américaine [92] et une étude cas–témoin européenne (en cours de
30 % des patients. Enfin, dans les aplasies non sévères, une étude
publication) viennent toutes deux de démontrer la supériorité du
européenne a aussi démontré la supériorité de l’association SAL
SAL de cheval, non seulement en termes de réponse mais aussi
et ciclosporine par rapport à la ciclosporine seule, en termes de
de survie. Celui-ci doit donc être considéré comme la source de
survie sans maladie [100] .
référence.
Devant ces résultats à long terme et la dépendance de près d’un
tiers des patients à la ciclosporine, l’association au SAL d’autres
Ciclosporine immunosuppresseurs a été testée en phase II et en phase III. Ni le
La ciclosporine est une molécule qui bloque spécifiquement mycophénolate mofétil, ni la rapamycine en association au SAL
l’activation et la prolifération du lymphocyte T en inhibant n’ont démontré d’avantage par rapport à l’association classique
l’activité phosphatase de la calcineurine. D’introduction plus SAL et ciclosporine [92, 101, 102] .
récente que le SAL dans le traitement de l’AM, elle a d’abord été
testée chez des patients en rechute après traitement par SAL [93] . Place des facteurs de croissance hématopoïétiques
Le taux de réponse global de la ciclosporine donnée seule (sans L’administration isolée de facteurs de croissance tels le
SAL ni androgènes) est d’environ 50 %. Comme pour le SAL, le granulocyte-colony stimulating factor (G-CSF), l’IL-1 ou l’IL-3 s’est
taux de réponse au traitement par la ciclosporine est d’autant plus avérée décevante dans le traitement des rechutes d’AM. De plus, il
important que la maladie est moins sévère (60 % dans les formes est clair qu’il n’existe aucune place pour ces facteurs de croissance
non sévères, 34 % dans les formes sévères et seulement 25 % pour utilisés seuls, en l’absence de traitement immunosuppresseur,
les formes très sévères de la maladie). L’efficacité de la ciclospo- comme traitement de première intention [100] . Dans une étude
rine comme traitement initial de la maladie, chez des patients pilote de l’EBMT chez 40 patients, la triple association SAL, ciclo-
non antérieurement traités, a été testée dans un essai randomisé sporine et G-CSF avait permis d’obtenir un taux de réponse
(ciclosporine versus SAL) qui a inclus 94 patients présentant une supérieur à 80 % et une survie de plus de 90 % à près de trois
forme sévère de la maladie. À trois mois, les patients qui n’avaient ans [103] . Ces résultats avaient été confirmés dans une série plus
pas répondu à la ciclosporine (ou au SAL) recevaient du SAL (ou importante de 100 patients [104] . Mais une étude randomisée de
de la ciclosporine). La survie des patients dans les deux groupes l’EBMT n’a pas montré de supériorité de la triple association SAL,
thérapeutiques a été similaire (67 % au total) [94] . Une fois encore, ciclosporine et G-CSF par rapport à la double association SAL et
le caractère très sévère de l’aplasie était, dans cette étude, le facteur ciclosporine en termes de réponse hématologique, de diminu-
principal influençant la survie. La ciclosporine est habituellement tion des épisodes infectieux et de survie globale [105] . Signalons
administrée à la dose de 5 mg/kg/j, en deux prises, pour une durée cependant que les résultats de cette étude sont difficiles à analy-
minimale de trois mois. Les effets secondaires sont ceux habituels ser. En effet, le critère de jugement principal était l’augmentation
de la ciclosporine, notamment toxicité rénale et hypertension du nombre des polynucléaires et cet objectif a été atteint, puisque
artérielle. les polynucléaires augmentent sous G-CSF. Toutefois, les effectifs
étaient insuffisants pour répondre aux questions concernant la
survie et les infections. C’est pourquoi l’EBMT a décidé de réali-
Autres immunosuppresseurs ser une deuxième étude SAL, ciclosporine et G-CSF, incluant plus
Le mycophénolate mofétil, la rapamycine, ont été utilisés en de patients, et dont les objectifs étaient la réponse au traitement
association avec le SAL (cf. infra). L’alemtuzumab a été utilisé et la survie. Les résultats de cette étude ont confirmé ceux de la
récemment en cas de rechute ou chez des patients réfractaires, première [106] . Le G-CSF a donc une place limitée (comme support

EMC - Hématologie 9
13-008-A-50  Aplasies médullaires acquises

lors d’un épisode infectieux) ; de plus, utilisé au long cours, il est [3] Socie G. Could aplastic anaemia be considered a pre-pre-leukaemic
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phamide seul (sans greffe) à la dose de 180 mg/kg, avec neuf [6] The International Agranulocytosis and Aplastic Anemia Study. Inci-
rémissions complètes sur dix [108] . Suite à ce travail, une étude ran- dence of aplastic anemia: the relevance of diagnostic criteria. Blood
domisée comparant le cyclophosphamide au SAL a été conduite, 1987;70:1718–21.
mais a été interrompue prématurément après l’inclusion de 30 [7] Marsh JC, Geary CG. Is aplastic anaemia a pre-leukaemic disorder?
patients car les taux d’infections fongiques et de décès dans le bras Br J Haematol 1991;77:447–52.
cyclophosphamide étaient significativement supérieurs à ceux du [8] Issaragrisil S, The Aplastic Anemia Study Group. Incidence of aplastic
bras SAL [109] . Il n’y a donc, à notre avis, aucune place pour le anemia in Bangkok. Blood 1991;77:2166–8.
cyclophosphamide à ces doses, et sans greffe, dans le traitement [9] Issaragrisil S, Aplastic Anemia Study Group. An association of aplastic
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[11] Baumelou E, Guiguet M, Mary JY, The French Cooperative Group for
Il est fondamental de garder d’emblée à l’esprit que la prise en Epidemiological Study of Aplastic Anemia. Epidemiology of aplas-
charge thérapeutique d’un patient atteint d’AM comprend plu- tic anemia in France: a case-control study. I. Medical history and
sieurs éléments. medication use. Blood 1993;81:1471–8.
Les mesures symptomatiques (transfusions ou antibiothérapie) [12] Muir KR. The role of occupational and environmental exposures in the
sont des mesures d’urgence. aetiology of acquired severe aplastic anaemia: a case control investi-
Le choix entre immunosuppression et greffe est fonction : gation. Br J Haematol 2003;123:906–14.
• de l’existence ou non d’un donneur HLA géno-identique (de la [13] Yamaguchi H. Mutations of the human telomerase RNA gene
fratrie), dont la probabilité globale est de 25 % ; (TERC) in aplastic anemia and myelodysplastic syndrome. Blood
• de la gravité de la maladie (sévère, voire très sévère, versus non 2003;102:916–8.
sévère, selon les critères internationaux) ; [14] Yamaguchi H. Mutations in TERT, the gene for telomerase reverse
• de l’âge du patient, et l’on oppose l’enfant à l’adulte jeune transcriptase, in aplastic anemia. N Engl J Med 2005;352:1413–24.
(40–45 ans) et à l’adulte de plus de 45 ans. [15] Calado RT, Young NS. Telomere diseases. N Engl J Med
Compte tenu de ces remarques, on peut résumer les options 2009;361:2353–65.
thérapeutiques comme suit : [16] Calado RT. Aplastic anaemia and telomerase RNA mutations. Lancet
• la greffe de moelle est le traitement de référence des AM sévères 2002;360:1608.
du sujet jeune (moins de 45 ans) ayant un donneur HLA iden- [17] Vulliamy T. Association between aplastic anaemia and mutations in
tique de la fratrie ; telomerase RNA. Lancet 2002;359:2168–70.
• chez les patients plus âgés ou chez les patients (la majorité) [18] Fogarty PF. Late presentation of dyskeratosis congenita as apparently
qui n’ont pas de donneur géno-identique dans la fratrie, le acquired aplastic anaemia due to mutations in telomerase RNA. Lancet
traitement de première intention est le traitement immuno- 2003;362:1628–30.
suppresseur par SAL et cyclosporine pour les formes les plus [19] Salmeron G. Coeliac disease and aplastic anaemia: a specific entity?
Br J Haematol 2009;146:122–4.
sévères.
[20] Guiguet M, Baumelou E, Mary JY, The French Cooperative Group
En effet, les études comparant ces deux modalités thérapeu-
for Epidemiological Study of Aplastic Anaemia. A case-control
tiques donnent des résultats parfois contradictoires, favorisant
study of aplastic anaemia: occupational exposures. Int J Epidemiol
soit la greffe, soit l’immunosuppression. Notons cependant que 1995;24:993–9.
ces études n’incluent pas toujours les mêmes types de patients [21] Young NS. Acquired aplastic anemia. Ann Intern Med
(patients plus jeunes avec des maladies plus sévères dans les séries 2002;136:534–46.
de patients greffés ; moins bon résultats de l’immunosuppression [22] Young NS, Calado RT, Scheinberg P. Current concepts in the pathophy-
chez les enfants, etc.). siology and treatment of aplastic anemia. Blood 2006;108:2509–19.
Enfin, point important, le risque de complications à long terme [23] Marsh JC. The hematopoietic defect in aplastic anemia assessed by
avec les deux options thérapeutiques fait partie de la discussion long-term marrow culture. Blood 1990;76:1748–57.
thérapeutique. Après immunosuppression, les risques de MDS ou [24] Bacigalupo A. Long-term marrow culture in patients with aplastic ane-
de leucémie aiguë sont respectivement de 9,6 et 6,6 % à dix ans. mia compared with marrow transplant recipients and normal controls.
Le risque d’hémopathie myéloïde secondaire est d’autant plus Exp Hematol 1992;20:425–30.
important que le sujet est âgé, a été splénectomisé ou a reçu [25] Stark R. Long-term bone marrow culture in Fanconi’s anaemia. Br J
plusieurs traitements immunosuppresseurs [98] . Enfin, des études Haematol 1993;83:554–9.
japonaises et européennes ont rapporté que le G-CSF, prescrit à [26] Gordon MY. Stem cells and the microenvironment in aplastic anaemia.
fortes doses et pendant de nombreux mois, augmente le risque de Br J Haematol 1994;86:190–2.
MDS [107, 110, 111] . Après greffe de moelle, le risque de tumeur solide [27] Maciejewski JP. A severe and consistent deficit in marrow and circu-
secondaire est significativement plus important que dans la popu- lating primitive hematopoietic cells (long-term culture-initiating cells)
lation générale (avec une incidence de l’ordre de 5 % à dix ans) in acquired aplastic anemia. Blood 1996;88:1983–91.
et lié à l’utilisation de l’irradiation dans le conditionnement et à [28] Marsh JC. In vitro assessment of marrow “stem cell” and stromal cell
la maladie du greffon contre l’hôte chronique [112] . Enfin, avec les function in aplastic anaemia. Br J Haematol 1991;78:258–67.
deux types de traitement, le risque de complications non néopla- [29] Novitzky N, Jacobs P. Immunosuppressive therapy in bone marrow
siques, telles les nécroses osseuses induites par les corticoïdes, est aplasia: the stroma functions normally to support hematopoiesis. Exp
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G. Socié, Professeur des Universités, praticien hospitalier (gerard.socie@sls.aphp.fr).


A. Xhaard, Chef de clinique assistant.
Service d’hématologie-greffe, Centre de référence AM, Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France.
Université Paris VII, Denis-Diderot.
M. Robin, Praticien hospitalier.
R. Peffault de Latour, Praticien hospitalier.
Service d’hématologie-greffe, Centre de référence AM, Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Socié G, Xhaard A, Robin M, Peffault de Latour R. Aplasies médullaires acquises. EMC - Hématologie
2013;8(1):1-12 [Article 13-008-A-50].

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