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Seul sur mars, First Man, Gravity… Thomas Pesquet décrypte des scènes sur l’espace

| GQ
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Ça me fait sourire parce que "Tout marche bien navette", mes potes, parfois, me
parlent comme ça mais vraiment ironiquement. Parce qu'effectivement, on a un jargon
de malade. Il n'y a que des acronymes. On ne parle que par acronymes. Des fois, on
a des acronymes d'acronymes. Bonjour GQ, c'est Thomas Pesquet. Et voici mon
Breakdown. Direct, je fais une pause parce que le vaisseau en lui-même est assez
réaliste physiquement, mais on ne sait pas le construire. Il recrée la sensation de
poids à l'intérieur avec une espèce de module qui tourne, une centrifuge. Ça te
fait recréer le poids, plutôt que flotter, comme nous dans la station, on pourrait
marcher. Ça, en théorie, ça marche, mais ce sont des structures tellement grandes
que pour l'instant, on ne sait pas les construire. Ici Mark Watney, astronaute. H-6
avant le lancement, ici, sur le Hermès. La NASA m'a demandé de vous présenter une
partie de l'équipage. Allez, une petite pause parce que c'est quand même un peu
réel, on a à peu près le même style. On a le badge. Il a les vraies ailes
d'astronaute de la NASA, le drapeau américain. Et puis, ça ressemble quand même pas
mal à l'environnement de la station spatiale. Et le fait de mettre sa caméra et de
se filmer, on fait beaucoup ça. Moi, les images que j'ai faites dans la station,
très souvent, on met la caméra au mur, sur un pied ou un truc, et on se filme comme
ça en selfie. C'est pas comme ça ? Voici le pilote Rick Martinez, qui s'occupe des
checks avant le vol. Comme vous le voyez, il faut des calculs très précis pour nous
amener sur Mars. T'as assez de doigts, Rick ? C'est mon chéquier. Ce que j'aime
bien dans ce film aussi, c'est qu'ils sont toujours en train de se faire des
vannes. Toute la journée, tu vois que les mecs s'envoient des scuds à longueur de
journée. Et c'est un peu comme ça aussi. Au bout d'un moment, évidemment, t'as
cette relation avec les gens avec qui tu vas dans l'espace, ça devient ta famille,
donc on a tous un peu le sens de l'humour. C'est important pour les missions de
longue durée. Là aussi, les mecs, ils vont sur Mars, quand même. On voit que ça
vanne toute la journée, qu'ils ont quand même beaucoup de sens de l'humour. Et ça,
c'est la vraie réalité aussi des missions spatiales. Et si vous disiez ce qui se
mijote à ceux qui nous regardent ? Des œufs. Enfin je crois. C'est caoutchouteux.
Et vous, Herr Vogel ? Des saucisses. Allemandes ? Il y a le côté international. Tu
vois, ils emmènent un Allemand. Nous, on est l'Agence spatiale européenne,
évidemment, on en a des Allemands. On a toutes les nationalités. Et la nourriture,
ouais, grand moment des missions spatiales. Ce n'est pas bon, tu vois. Le mec dit
"caoutchouteux". C'est exactement ça. La plupart du temps, tu ne sais même pas trop
ce que tu manges. Mais il y a les calories. Enfin, c'est ce qu'on nous dit. On a
toujours, dans les équipages, un peu de tout. L'idée, c'est qu'on soit
complémentaires. C'est de réagir à toutes les situations. Pour ça, c'est bien
d'avoir différents profils. Si tu n'as que des pilotes ou que des informaticiens,
ça ne marche pas. D'avoir un peu de tout, ça te permet de ne pas avoir de trous
dans la raquette. C'est ça qui est top. Quand tu commences à l'agence spatiale, tu
n'as jamais travaillé dans le milieu la plupart du temps, donc tu t'inscris à la
sélection. Après, bonne chance pour la réussir. Mais pour t'inscrire, tu peux être
un peu tout et n'importe quoi. Tu peux être médecin, tu peux être ingénieur, tu
peux être chercheur, tu peux être pilote… Et voilà. Après, tout le monde est sur la
même ligne de départ. Je me souviens, c'était en 2009, ça dure un an, la sélection
d'astronautes. Une épreuve un peu nouvelle tous les mois. Et puis, au bout d'un an,
tu sais que tu as le stress qui augmente parce qu'il y a de moins en moins de gens.
Tu te dis : "Ça va vraiment m'arriver." Puis après, tu as un coup de fil, on te dit
: "Tu veux toujours faire astronaute ?" Tu penses à faire une blague, tu penses à
dire : "Non, plus vraiment", mais tu ne la fais pas parce que tu ne fais pas le
malin. Et puis, voilà, ça commence. Des vivres pour six personnes. Moi tout seul,
j'ai de quoi tenir 300 Sols, que je peux allonger jusqu'à 400. Je dois trouver un
moyen de cultiver assez de nourriture pour trois ans. Ça me fait bien rigoler aussi
parce que là, il est quand même dans une situation hyper critique. Il est tout seul
sur Mars, on l'a abandonné. T'es quand même à entre 40 et 400 millions de
kilomètres de la Terre. La seule mission pour venir te chercher elle va venir,
minimum un an pour venir te récupérer, etc. Et c'est quoi l'attitude face à ça ? Ce
n'est pas le désespoir, c'est : "Voilà, alors qu'est-ce qu'on a ?" Un truc hyper
rationnel. Il te fait le calcul comme ça, il prend son manuel. C'est comme ça qu'on
fait, ce sont des gens hyper rationnels, que ce soient les astronautes ou les gens
qui bossent dans le spatial. On est là : "OK, c'est quoi le problème ? Qu'est-ce
qu'on a à notre disposition ? Allez, c'est parti !" Et le boulot, c'est de résoudre
des problèmes, c'est ça qu'on fait toute la journée. Un sol, c'est un jour sur
Mars. Un jour, c'est quoi ? C'est le temps que met la Terre pour tourner sur elle-
même. Toi, tu vois le Soleil monter dans le ciel, se coucher la nuit, et il
revient, il se lève, ainsi de suite. Ça, c'est la Terre qui tourne sur elle-même.
Et tu as le Soleil, pendant la moitié du temps, et la nuit pendant la moitié du
temps. Mars, c'est pareil. Sauf que ça ne tourne pas tout à fait à la même vitesse
que la Terre. Donc un sol, ce n'est pas tout à fait un jour. C'est, on va dire,
l'unité de temps sur Mars, mais ce n'est pas tout à fait un jour terrestre. J'ai
dormi comme un bébé depuis le premier jour. Donc non, je ne crois pas que la
pression supplémentaire d'être la première femme à la tête d'une mission sur Mars
sera trop intense. Bien. Ce qui est drôle, c'est que c'est une réalité. Les
qualités qu'on nous demande, c'est beaucoup maintenant psychologique. Il faut
résister à cette pression, à l'isolement, à partir loin, à être dans des situations
de danger. Et tu vois ces profils-là. Tu as des gens qui le prennent avec humour,
mais qui, à l'intérieur, sont super solides quand même, qui sont des gens qui ne
tergiversent pas, qui disent… Sa réponse, elle est super. Le mec lui dit : "Alors,
tu n'as pas la pression ?" Elle dit : "Mais attends, je suis montée trois fois sur
l'Everest. Si je devais avoir la pression, je l'aurais eue, déjà." Tout ça prouve
aussi qu'on nous demande de faire ses preuves quand même avant de devenir
astronaute. Une équipe internationale, très souvent, les partenaires ont chacun
leur logique interne. Moi, l'Agence spatiale européenne, je ne peux pas décider
pour la NASA, mais on peut décider, nous, à l'intérieur de l'Agence spatiale
européenne. Donc, on essaie de… Chacun a un peu ses logiques. On dit : "Moi, je
voudrais bien faire voler ce gars-là, parce que c'est son tour, parce qu'il a eu
les meilleures notes, parce que lui, il est bon en ça plutôt qu'en ça, et c'est de
ça dont on a besoin pour la mission." Et ensuite, les partenaires, c'est celui qui
dégaine un peu le premier, et les autres vont essayer de s'adapter, souvent. Mais
on essaie de faire un équipage qui marche bien. L'avantage, c'est que normalement,
on est tous compatibles, parce que c'est pour ça qu'on est sélectionnés. Explorer,
autorisation de récupérer le docteur Stone. Affirmatif, Kowalski. Houston, ici
Explorer, répondez. On a perdu Houston. On a perdu Houston ! La plupart du temps,
quand tu es en sortie extravéhiculaire, dans ton scaphandre, tu n'es pas très
mobile parce que c'est comme une armure pour résister à la pression. T'imagines,
c'est une différence de pression qui est plus grande que si tu étais en plongée
sous-marine, hyper profond. Tu es en armure, c'est un truc en métal avec beaucoup
de couches de tissu. Et la plupart du temps, tu te déplaces un peu comme en via
ferrata, la main à la main. On est attachés à la paroi. Tu peux être bougé par un
bras robotique. On a un bras articulé de 17 mètres. On la voit, Sandra Bullock,
elle est au bout d'un bras robotique. Tu as quelqu'un qui le pilote de l'intérieur
de la station et qui va la déplacer pour qu'elle réalise ses tâches. Et puis,
George Clooney, lui, à la cool, il a cette espèce de petit scooter de l'espace. En
fait, ce qui se passe, c'est tout bête : la manière de te déplacer, c'est
action/réaction. Si tu actionnes un propulseur par là, toi, tu vas aller par là.
Après, si tu veux aller par là, il faut que tu mettes un coup de propulseur par là.
C'est tout bête. C'est comme des tout petits réacteurs. C'est du gaz sous pression,
c'est de l'azote, c'est inerte. Ce sont des petits pschitt pschitt. Et ça, ça va te
permettre de te déplacer. On ne se sert plus de ça parce que c'est quand même un
peu chaud. C'est un peu dangereux parce que si ce truc tombe en panne ou s'il y a
quoi que ce soit, par contre, tu ne peux pas revenir. Donc, on l'a dans le dos en
version plus petite, mais c'est vraiment juste en cas d'urgence, si jamais on
devait lâcher, ce qu'on n'est pas censé faire, la station, et qu'on a oublié de
s'attacher, ce qu'on n'est aussi pas censé faire, et que notre espèce de fil
d'Ariane n'est pas attaché, ça fait quand même trois problèmes, on peut déployer
ça, le piloter à coup de petit pschitt pschitt, tu as une chance pour retourner
vers la station. Les débris proviennent d'un satellite BS seul. - Chaud devant. -
Je répète. Ici Docteur Stone, je demande un retour anticipé. Il faut partir. On y
va ! Les conditions météorologiques du Cap Kennedy sont défavorables. Ça, c'est la
scène de catastrophe au début du film Gravity, qui est basée sur des scénarios, ça
ne s'est jamais passé, mais sur des scénarios qui sont réels. Les débris spatiaux,
c'est un vrai sujet. Dans l'espace, on a des morceaux de satellites, parfois des
satellites
entiers qui sont en fin de vie, qui n'ont plus de propulsion, qui sont morts, ou
des deuxièmes étages de lanceurs, des choses qui sont restées en orbite à cause de
notre activité à nous, et qui, du coup, ont des trajectoires qui parfois sont
conflictuelles avec les nôtres. Alors, il y a de la place quand même. En général,
on arrive à éviter tout ça. Mais si jamais il devait y avoir une collision, comme
ça s'est passé quand même plusieurs fois dans l'Histoire, le problème de cette
collision, c'est que tu as une collision entre deux objets, comme on le voit dans
le film, ça explose un peu, ça fait encore plus de débris. Encore plus de débris,
ça te donne des chances de faire encore plus de collisions. Donc, tu as un peu une
réaction en chaîne. Ensuite, le deuxième souci, c'est qu'une fois que t'as des
débris, ils sont sur la même orbite, et toi, t'es sur la même orbite, donc tu as
des chances de te recroiser assez régulièrement. Heureusement, ce qu'on peut faire,
c'est qu'on les suit depuis le sol, au radar, on arrive à anticiper et on arrive à
bouger. On ne le fait pas si souvent, mais parfois on bouge. Même la station
spatiale, on la change d'orbite quand on a des trajectoires conflictuelles.
Maintenant, ça fait partie des conceptions des missions, de ne pas laisser de
débris derrière. Après, il n'y a pas de vie dans l'orbite basse, si tu veux, donc
ce n'est pas comme polluer un coin de nature, ce n'est pas de ça qu'on parle. Ce
sont des choses inertes, dans un milieu inerte. Mais le problème, c'est qu'on va
gêner notre propre utilisation de l'espace. Plus on laisse de choses derrière nous,
moins on est capables d'y aller. Or, on a envie d'y aller de plus en plus, parce
qu'il y a de plus en plus de choses à faire dans l'espace. Donc maintenant, on fait
vraiment attention à ça. Il n'y a pas encore de loi internationale, mais on va dire
qu'il y a des bonnes pratiques qui sont adoptées par quasiment tout le monde.
ClearSpace, c'est une initiative de l'Agence spatiale européenne. On essaie d'être
vertueux sur nos pratiques à nous. Ça consiste à quoi ? Ça consiste à… Il y a
plusieurs phases. Il y a, dès le début de la conception, d'être un peu plus écolos,
c'est-à-dire dans la manière dont on construit et on envoie dans l'espace une
mission. Ensuite, la deuxième phase, c'est qu'on veut carrément faire des missions
pour aller nettoyer l'orbite basse terrestre. Donc, à voir. C'est compliqué parce
que ça va à des vitesses… Ce sont des débris qui vont à plusieurs
kilomètres/seconde. Et nous, on est dans un satellite pour les attraper qui va à
plusieurs kilomètres/seconde, donc c'est hyper technologique de les attraper. Mais
on étudie des techniques, des filets, du rendez-vous passif, c'est-à-dire essayer
de les pourchasser, de les attraper. C'est compliqué, mais on va avoir des missions
comme ça dans les années qui viennent. Bon, je descends en piqué. Là, on est plutôt
sur de la science-fiction. Ça veut dire qu'on est loin de ce qu'on sait faire en ce
moment. Mais ce que ça m'évoque, c'est qu'on n'est vraiment qu'au début de toute
cette exploration-là, on est au voisinage de la Terre, on n'est pas allés très
loin, malgré les défis technologiques que c'est. On a encore plein, plein de trucs
à faire comme ça. Ce qu'on imaginait il y a 100 ans, on n'était même pas capables
d'imaginer aujourd'hui une station spatiale. Et pourtant, on sait la faire. Donc
vraiment, tout ce que tu vois dans la science-fiction, c'est marrant, mais petit à
petit, ça se réalise. Moi, j'aime bien aussi quand les artistes ou les gens qui ne
sont pas du spatial, prennent un peu leur imagination et pensent à des trucs. Parce
qu'après, je me dis : "Nous, on va les réaliser dans quelques années." Un trou
noir... Alors déjà, premièrement, moi, je n'y connais pas grand-chose parce
qu'encore une fois, c'est loin, mais, c'est un endroit où, en fait, la matière est
tellement dense, des masses énormes sont concentrées dans des petits points, dans
un volume tellement minime, que la gravité attire encore plus et c'est une espèce
d'aspirateur total dont tu ne peux pas t'échapper. Même la lumière n'arrive pas à
s'en échapper. Même la lumière, plutôt que de se propager comme on en a l'habitude,
elle est retenue, elle est attirée à l'intérieur et c'est pour ça qu'on appelle ça
un trou noir, donc évidemment, ce n'est pas une situation à laquelle tu peux
survivre. Heureusement, on a la chance qu'il n'y en ait pas qui soit à proximité de
nous, pour l'instant. Tant mieux. Tes commandes ne répondront pas ici. On est en
train de traverser le bulk, de l'espace au-delà de nos trois dimensions. On peut
juste observer et prendre note. C'est le moment où ils passent dans un trou de ver,
je pense, wormhole, en anglais, et ça, c'est une idée aussi, que tu puisses faire
communiquer deux endroits de l'univers. Ce sont des concepts un peu compliqués,
même moi je n'y comprends rien la plupart du temps, voire même tout le temps. Mais
au bout d'un moment, le temps, la matière, ce sont des choses qui sont liées. Ce ne
sont pas des choses indépendantes. Si tu compresses la matière infiniment et la
lumière, après, tu commences à compresser le temps et du coup, tu peux te déplacer,
mais tu te déplaces aussi, quelque part, un peu dans le temps et c'est ce qui leur
arrive dans le film. Là encore, on en est très, très loin. On ne sait pas du tout
utiliser ce genre de choses, mais ce sont des possibilités théoriques de la
physique théorique. Bienvenue à bord, Monsieur. Je suis le commandant Lu. Attention
à la marche, et pensez à vous baisser. Là, c'est vraiment assez marrant, je ne l'ai
pas vu ce film en plus, donc ça me fait vraiment plaisir de voir des extraits,
mais, il y a un mélange entre la réalité de maintenant, c'est-à-dire, quand il se
prépare pour aller sur la Lune, c'est quasiment la même salle des astronautes
Apollo, qui a été récupérée maintenant, pour les vols comme moi j'ai fait avec
SpaceX sur le Crew Dragon, pour décoller de Floride. C'est un peu la même salle, un
peu les mêmes vieux sièges, cette ambiance un peu dans son jus. Et le côté vol
commercial, elle lui dit : "Bonjour, Monsieur, bienvenue à bord. Vous prendrez bien
un petit bonbon, une lingette, etc. ?" Parce que c'est le futur, c'est un futur où
on se projette avec un accès à l'espace qui est plus démocratique, où tu fais le
parallèle avec l'aviation. Est-ce que ce sera vraiment ça ? Je ne sais pas. J'aime
bien ces images de Lune, parce qu'il y a le côté : une base sur la Lune, une
colonie. Là, c'est ambitieux quand même, ça a la taille d'une ville. Nous, ce qu'on
veut faire, ce n'est pas ça. On aimerait bien faire ça, mais ce qu'on veut faire,
c'est un village. Ça va être compliqué. On sera plus enterrés, je pense, parce
qu'on va se servir du sol pour un peu de protection contre les rayonnements
solaires et les radiations, donc ce sera un peu plus troglodyte que ça. Par contre,
il y a des choses qui sont réalistes. J'aime bien le ciel complètement noir, parce
que la Lune, quand c'est au soleil, ça réfléchit beaucoup de lumière, c'est très
brillant. Quand les appareils photo, les caméras sont un peu éblouis par ça, tu ne
peux pas faire la mise au point pour voir les étoiles, donc tu as l'impression que
le ciel est super noir, mais il n'est pas super noir, c'est juste que t'es ébloui,
il y a trop de contraste avec le sol. Et puis, se balader en rover et voir des
cratères, pour moi, c'est… Le mot c'était : "La magnifique désolation de la Lune",
c'est un peu ça. Un spectacle dingue où, en même temps, il y a qu'une couleur. Et
puis, il n'y a pas grand-chose, mais c'est quand même beau. Ça, c'est un truc qu'on
espère ne jamais connaître sur la Lune, quand même, parce que, bon, on est dans un
film, encore une fois, qui a un scénario hollywoodien, mais même nous, ce qu'on
veut faire, ce n'est pas militariser ces espaces-là. Il y a des lois d'ailleurs qui
sont écrites sur la Lune, qu'on va essayer d'étendre à l'espace en général, à
d'autres destinations, disant que tu ne peux pas s'approprier les ressources. Tu ne
peux pas aller planter un drapeau et dire : "Ce nouveau territoire, je le prends
pour mon pays, je le prends pour moi-même, etc." Ça existe sur la Lune, donc, là,
on est tranquilles. Il faudra le faire sur Mars. Vraiment, l'idée, c'est d'avoir un
cadre international qui fait que ça se passe bien. Ça ne sera pas le Far West, ce
n'est pas celui qui a le plus gros fusil qui va gagner. Du moins, c'est dans cet
esprit-là qu'on le fait. Je pense que, justement, on va essayer de ne pas dupliquer
les efforts, parce que c'est ça qui est dommage. Si les Américains, les Européens,
les Chinois, les Japonais, les Russes, tout le monde fait sa fusée, tout le monde
fait son véhicule, au final, c'est quand même un peu dommage, et c'est ce qu'on a
fait avec la station spatiale. La station spatiale, c'est vraiment : tout le monde
met ses ressources ensemble, fait un petit morceau du système. Ça coûte moins cher
à chacun, c'est vertueux, etc. Et là, avec 20 ans d'expérience de station spatiale,
maintenant sur la Lune, on va faire pareil. Ça a commencé comme ça dès le début, on
a dit : "OK, on va faire ce programme. Qui fait quoi ?" Alors, évidemment, il faut
se mettre un peu d'accord, mais c'est ça, à mon avis, qui fait la force du
programme. Et une fois que tu es lancé, après ça roule tout seul. Le véhicule n'est
pas sécurisé. C'est un extrait qui te montre un peu la dualité. Tu as le côté
famille déjà, ce n'est pas un métier qui est super bon pour la famille, très
clairement. Tu as ça en tête et les gens avec qui tu travailles dans les agences,
ils essaient aussi de te protéger, parce que c'est leur boulot. Et puis, c'est ce
qui est le plus important pour eux aussi. C'est un peu la contradiction de
t'envoyer faire un truc super risqué, tout en te protégeant au maximum. On est
toujours un peu schizophrène comme ça, parce que tu ne
peux pas te mettre dans une bulle, parce que sinon, tu ne vas pas dans l'espace,
mais en même temps, t'envoyer dans l'espace, en ne prenant pas de risques, etc. Il
y a quand même toujours un risque, au bout d'un moment, tu le vois, et lui le dit :
"We need to fail here." Il faut qu'on teste le système sur Terre, pour ne pas que
ça se passe mal dans l'espace. Ça, c'est encore le cas. On prend toutes les
assurances que ça se passe bien, mais 100 %, ça n'existe jamais. Tu ne peux pas
avoir 100 %, au bout d'un moment tu es obligé d'accepter le risque. C'est ça, notre
boulot. C'est ça, le boulot des agences spatiales et de tous ceux qui envoient des
gens dans l'espace. L'idée, c'est que l'exploration, de manière générale, ça marche
partout pareil. Ce que tu fais, c'est que, tu as un territoire que tu ne connais
pas, tu envoies des gens pour voir. C'est super risqué au début, tu ne sais pas
trop. Que ce soit, au pôle Nord, Christophe Colomb, aux Amériques, tu ne sais pas,
tu vas découvrir. Les navigateurs, les explorateurs… Souvent, toujours, c'est
financé par les États. Ce sont les États qui font ça, parce que c'est un peu le
rôle des nations de se lancer dans ces choses-là. Et puis, après, tu connais le
territoire, tu t'établis, il y a de plus en plus de gens qui arrivent, tu as
compris comment ça marchait, ok. Tu t'installes, tu t'adaptes, tu te l'appropries
et, après, tu veux aller encore plus loin, donc ça fonctionne par petits bonds,
comme ça. Tu envoies des explorateurs, après, hop, on s'établit, etc. Dans
l'espace, c'est pareil, ce n'est pas différent de ce qu'on a toujours fait sur
Terre. C'est juste que c'est un milieu super plus difficile. On a fait un petit
bond autour de l'orbite terrestre, c'était Youri Gagarine, etc. Et depuis, on s'est
quand même installés. Ça fait 20 ans qu'on a une station spatiale qui est habitée,
avec des astronautes dedans, qui travaillent, qui vivent, qu'on ravitaille, donc,
c'est un bien grand mot, on s'est approprié ce milieu de l'orbite autour de la
Terre, et on a fait un petit saut d'exploration sur la Lune, pour voir rapidement
ce qu'il en était. Et aujourd'hui, il faut continuer ce mouvement-là, c'est-à-dire
le mouvement suivant, c'est de retourner vers la Lune, mais pour s'établir de
manière un peu plus durable. L'idée de cette Gateway, c'est une petite station qui
va tourner autour de la Lune, qui va être un peu notre point d'arrêt, notre
station-service, notre ravitaillement, notre base, pour descendre et monter sur la
Lune. On veut le faire de manière plus durable, avec des modules réutilisables, en
utilisant les ressources sur la Lune, pour ne pas avoir à tout acheminer et
s'établir de manière un peu plus pérenne, avoir une base. Une fois qu'on aura ça,
on va faire notre petit saut vers Mars et puis après on va aller s'établir vers
Mars, et ainsi de suite. C'est toujours le même principe. Ça prend quelques années,
parce que c'est un milieu difficile. Pour deux euros, vous pourrez acheter un
ticket pour l'espace. Grattez. Si vous découvrez trois navettes, génial ! Le tirage
au sort, on l'a vu, effectivement, récemment. C'est un truc qu'on ne connaît pas,
parce que nous, on a été sélectionnés, tu t'entraînes des années, etc., donc le
fait qu'il peut y avoir un tirage au sort et trois jours après, tu vas dans
l'espace, nous on est là : "Non mais, attends, moi, ça fait dix ans que je
m'entraîne !" Mais on l'a vu. Encore une fois, tu fais le parallèle avec l'aviation
: quand tu prends l'avion, tu n'es pas forcément pilote. Je pense qu'on va avoir un
peu cette séparation qui se fait. Avant, tous les gars et les filles qui allaient
dans l'espace, c'était leur métier. Ils y allaient pour assurer vraiment un rôle
technique, scientifique et opérationnel. Maintenant, si on emmène des gens, ce
n'est pas nous, les agences, qui le faisons, mais des acteurs privés qui emmènent
des gens dans l'espace, tu vas voir un peu deux catégories : les pilotes, et un peu
plus les passagers. Ce n'est pas péjoratif, mais il y a des gars, ils s'entraînent
pour ça. Ils y vont, ils ont un rôle. Et il y a des gars, ils y vont, ils ont moins
de rôle, ils sont un peu plus passifs et quelque part, ils sont sous la
responsabilité des autres, donc c'est comme ça que ça va se passer. Demande de
vérification du tout marche bien navette. Tout marche bien navette. Vérification
croisée du tout marche bien navette. Tout marche bien navette. Reçu. Messieurs les
civils, vous êtes en duplex à la télé. La phraséo, ça me fait sourire parce que
"Tout marche bien navette", mes potes, parfois, me parlent comme ça, mais vraiment
ironiquement, parce qu'effectivement, on a un jargon de malade. Il n'y a que des
acronymes. On ne parle que par acronyme. Des fois, on a des acronymes d'acronymes,
mais pour nous, ça devient naturel parce que tu ne peux pas dire, à chaque fois :
"Le système d'évacuation de la pression négative supérieure du machin", tu es
obligé de dire le "SPDU" et c'est déjà un peu compliqué. Vraiment, le spatial,
c'est le championnat du monde des acronymes. À tel point que je n'ai jamais vu une
liste d'acronymes, ce n'est pas possible, parce qu'il y en a tellement. Chaque
spécialité a les siens, les siennes, etc. donc malheureusement, tu écoutes la
radio, tu peux écouter sur Internet, c'est en open source, en accès libre, la radio
de la Station spatiale internationale en direct, sur le site de la NASA. Tu ne
comprends rien. Tu ne comprends rien, parce que ce n'est que du jargon, tout le
temps, tout le temps, tout le temps, tout le temps. J'essaie d'être bon public,
parce que je trouve que, quelque part, c'est un peu facile. Évidemment, que je vais
dire : "Ça, ce n'est pas bon", mais il ne faut pas bouder son plaisir, tu vois.
C'est un film, ce n'est pas un documentaire. Ce n'est pas censé être complètement
réel. Et les gars, en plus, ils se sont documentés. Quand il y a des erreurs, entre
guillemets, ce n'est pas qu'ils sont idiots, c'est que, les gars, ils ont une
histoire à raconter, ce n'est pas un documentaire. Si tu montres une sortie
extravéhiculaire, ça dure sept heures, une sortie extravéhiculaire, ça se passe
toujours bien et puis ça ne va pas très vite, très honnêtement, parce qu'on prend
plein de précautions, donc, j'enlève ma casquette d'astronaute et je mets ma
casquette de grand public. Moi, j'adore les films sur l'espace, parce que c'est ma
passion. Voilà, c'était Thomas Pesquet et c'était mon Breakdown.

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