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Pourquoi faire vivre les musées ?

Rencontres toulousaines aux Journées Européennes


de l'Archéologie
url: https://www.youtube.com/watch?v=3ysqSg3HrQA

Musée... Le mot ne laisse pas indifférent. Pour certains il attire, synonyme de


trésors incroyables d'art et d'Histoire, Mais pour beaucoup encore ce mot repousse.
Il repousse parce qu’il a trop longtemps été synonyme d’un endroit peu accessible
au grand public, réservé aux érudits, et où l'effort de médiation était réduit à
son minimum. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Pour commencer à répondre à cette
question, je me suis rendu au Musée Saint Raymond de Toulouse, à l'occasion des
Journées européennes de l'archéologie. Bien loin des clichés de musées poussiéreux,
j'y ai découvert un véritable lieu de vie et de rencontre, et j'ai pu poser
quelques questions à Laure Barthet, conservatrice du Patrimoine et directrice du
musée. Alors nous fêtons au Musée Saint Raymond aujourd'hui les Journées
Européennes de l'Archéologie, qui est un événement national bien sûr mais comme le
nom l'indique, européen, et cet événement vise à faire se rencontrer le grand
public et les archéologues, dans toutes les facettes du métier. Alors, ces journées
elles sont importantes pour nous car elles permettent de replacer le musée au coeur
de son écosystème naturel qui est un peu d'être au coeur de la recherche en train
de se faire. qu'il s'agisse de recherches dans les archives, dans de la
documentation, ou sur le terrain. L'archéologie est un métier avec de multiples
spécialités et facettes, et notre objectif c'était de les faire se rencontrer
aujourd'hui, dans le musée qui est un terrain neutre, c'est du service public, donc
ce musée il appartient à tout le monde, et d'abord aux chercheurs qui font
l'archéologie. Ces journées c'est l'occasion idéale, un peu unique finalement, de
permettre à des gens, au public, de rencontrer tous ces métiers de l'archéologie
qui la plupart du temps sont totalement invisibles, ou très peu visibles. On a
assez peu accès à des chantiers d'archéologie préventive, à part quelques journées
portes ouvertes, on rentre rarement dans le laboratoire d'un conservateur-
restaurateur du Patrimoine. Donc c'est vraiment une journée où quelqu'un peut
s'informer, dialoguer, échanger avec ces différentes spécialités de manière très
libre et très conviviale. C'est aussi l'occasion de rendre le musée gratuit pour
deux jours ! Et d'attirer à nous des personnes qui n'auraient peut-être ni le
réflexe ni l'envie de franchir nos portes. On se met finalement à la portée du plus
grand nombre ! Moi je suis archéologue de formation, j'ai passé le concours de
conservateur en archéologie et j'ai toujours pensé le musée comme un lieu ouvert,
un lieu de vie, et certainement pas comme un lieu d'exposition fermé au monde et à
la Recherche. Mon ambition c'est de rappeler, au public, mais à nos partenaires
également de recherche que le musée fait intégralement partie de cette chaîne
opératoire et qu'il peut apporter moyens, compétences, lieu de valorisation. Et
qu'il n'y a pas les musées d'un côté et les archéologues de terrain de l'autre. On
fait tous partie de la même chaîne ! Créer un lieu de rencontre... un lieu
d’échange entre chercheurs, publics, et professionnels de la Culture et de
l’Histoire, où tout le monde peut apporter sa pierre à l’édifice. La mission est
belle, et l’on oublie trop souvent que c’est celle des musées, en plus de la
conservation des œuvres et objets dont ils ont la responsabilité. Les musées sont
des ponts pour permettre à chacun de se retrouver et d’aller plus loin. La méfiance
des vieilles institutions pour le grand public s’efface, petit à petit, pour
retrouver cette notion essentielle de cultures communes. Les chercheurs travaillent
de plus en plus avec des objectifs de communication et de médiation, et des
amateurs aux approches innovantes comme la reconstitution historique. Et les
musées, eux, tendent à rendre leurs collections plus vivantes, et l’expérience
qu’ils proposent plus participative. D’ailleurs le Musée Saint Raymond a bien
compris ça, puisqu'en plus de dispositifs de médiation originaux, ils organisent
pour ces Journées Européennes de l’Archéologie, un Éditathon. Le but ? Réunir dans
la même pièce de simples passionnés, des responsables du musée, des spécialistes de
la communication archéologique et des experts de wikipédia pour améliorer cette
encyclopédie participative en ligne. Mais ceux qui en parlent le mieux, ce sont
encore eux. Je m'appelle Ethan, je suis étudiant en archéologie, et je suis
particulièrement passionné par l'histoire et l'archéologie antiques Moi je suis
Christelle Molinier, documentaliste au musée Saint Raymond je suis aussi
wikimédienne et j'organise, entre autres, des Éditathons. Moi c'est Jean-Paul, je
suis informaticien de métier, et je m'intéresse à divers domaines pour lesquels je
contribue sur wikipédia, wiktionnaire et d'autres. Alors, il faut savoir que le
musée Saint Raymond, ou plutôt la Mairie de Toulouse, a un partenariat avec
Wikimédia France depuis 10 ans, et que dans ce cadre là on organise des événements
et des activités autour des projets wikimédia. Donc on a l'habitude d'organiser des
Éditathons, dans le cadre de nos expositions, mais aussi au cours d'événements
comme là pour les Journées Européennes de l'Archéologie. Pour nous l'idée c'est de
travailler de façon collaborative, sur nos collections, sur nos domaines, de
rencontrer les publics, de fédérer une communauté autour de nos centres d'intérêt.
Jean- Paul : Moi je suis membre du groupe toulousain des wikimédiens, c'est pas
vraiment un groupe formel, ce sont les gens qui habitent dans la région quand
Christelle a demandé "qui veut venir donner un coup de main pour aider des primos
accédants à wikipédia à s'en sortir avec les articles, etc.", j'ai levé la main !
Ethan : en me renseignant un peu sur l'événement j'ai vu qu'il y avait cet atelier,
et comme j'utilise comme, je pense beaucoup de gens, beaucoup wikipédia, dans le
cadre de mes études ou dans le cadre de ma vie quotidienne, j'avais envie de voir
ce que ça faisait pour une fois d'être de l'autre côté du miroir un petit peu, voir
ce que ça fait de contribuer, et si je pouvais, moi à ma maigre présence,
contribuer à tout ça. Christelle : C'est un travail collaboratif, c'est une
encyclopédie collaborative, donc on arrive chacun avec nos compétences, des envies
de contribution, et donc on est complémentaires, on a des profils complémentaires,
que ce soient les personnes de l'institution, les bénévoles, les étudiants, les
collègues de l'INRAP... on apporte chacun ce qu'on peut apporter. C'est aussi basé
sur l'échange, le partage, on évolue aussi grâce aux autres, on apprend aussi des
choses à l'occasion de ces ateliers. Jean-Paul : Moi j'aime apprendre, et j'aime
retransmettre. Donc wikipédia, quel que soit le sujet, même si j'ai mes
préférences, comme tout le monde, moi je suis venu dans l'idée de me dire "voilà,
j'ai appris des trucs, d'autres peuvent les apprendre et je vais essayer de les
aider à apprendre des connaissances, à s'améliorer, à être capable à retransmettre
par eux-mêmes, ensuite, leurs propres informations." Que ça soit de l'information
qu'ils ont par eux-mêmes parce que c'est leur métier, ou parce que c'est leur
passion, ou parce qu'ils ont trouvé des informations, sur des sources fiables
qu'ils veulent partager avec d'autres. Ethan : je viens avec ma bonne foi, et
surtout l'envie d'apprendre, c'est surtout ça, la motivation et l'énergie de la
jeunesse ! (rires) c'est à peu près tout ! Jean-Paul : après voilà, si on travaille
de manière collaborative, c'est parce qu'on a quand même un tronc commun, un point
commun qui est de mettre à disposition les connaissances, donc après on arrive à
trouver un moyen de discuter ! Que ça soit en distanciel parce qu'on passe par des
pages de discussion de l'appli, ou des jours comme aujourd'hui où on se voit en
physique, et on peut échanger d'avantage les yeux dans les yeux. Ethan : et puis
c'est plus simple par exemple pour des gens comme moi, qui sont totalement novices,
en ligne ce n'est pas la même chose que de venir voir des gens qui t'expliquent, je
n'aurais probablement pas eu l'envie, du moins pas autant l'envie, de contribuer à
Wikipédia s'il n'y avait pas eu par exemple ce genre d'événement. Et c'est pour ça
que je pense que c'est quand même important, ça permet de motiver des gens à se
bouger un peu, à être curieux. Jean-Paul : cette habitude que j'ai prise sur
Wikipédia de dire "je dis quelque chose, hop ! voilà où est l'information", ça
développe l'esprit critique, ça permet aux autres de vérifier, donc c'est vrai que
quand on entend l'argument "c'est pas fiable parce que n'importe qui peut le
modifier", oui, mais d'un autre côté on peut aller vérifier les sources, on peut
fouiller d'avantage. Et c'est pas juste Wikipédia qui est là du haut de son
autorité, quelle autorité d'ailleurs ? Non ! ce sont des personnes qui ont
travaillé, sur différents sujets, et on a tout regroupé au même endroit pour avoir
un point d'entrée commun. Christelle : je voudrais citer ce que tu as dit tout à
l'heure, tu as dit que Wikipédia remplissait une mission de service public, les
musées également, et je crois qu'on se rejoint sur ces objectifs-là. J'espère qu'on
pourra continuer longtemps ! Un service public, proposé à la fois par le musée mais
aussi par une encyclopédie participative où chacun peut aider. Là encore, l’idée
est belle, créer du lien entre différents acteurs et que tout le monde puisse
contribuer à faire connaître l’Histoire et la conserver, Tout en la rendant
accessible à tous et à toutes. Évidemment, quand il s’agit de faire le lien entre
chercheurs et Grand Public, il y a un acteur qui est souvent de la partie. Sa
devise : “Nous fouillons, c’est votre Histoire”. Il s’agit de l’INRAP, l’Institut
National de Recherches Archéologiques Préventives. Sa mission première est d’ouvrir
des chantiers de fouilles préventives, c'est-à-dire de vérifier, chaque fois qu’une
construction
doit être faite en France, s’il n’y a pas des vestiges archéologiques
intéressants sur le site de construction. Et en plus de remplir cette mission avec
brio, l’INRAP est aussi particulièrement active dans la communication et
l’explication aux publics de son activité. Expositions, salons ou réseaux sociaux,
tous les canaux sont bons pour rappeler une notion essentielle, comme l’a résumée
Vincent Duménil, chargé du développement culturel et de la communication à la
direction interrégionale Midi-Méditerranée de l'INRAP : Mais d’ailleurs, les
archéologues et les scientifiques, ils en pensent quoi de tout ça ? J’ai posé la
question à Benjamin Marquebielle, archéologue et responsable de communication pour
Traces, le deuxième plus grand laboratoire d’archéologie français. Donc moi je suis
Benjamin Marquebielle, je suis préhistorien, j'a une thèse de doctorat en
archéologie préhistorique, je suis spécialiste du mésolithique, qui est une période
pas très connue ! Elle se situe à la fin du paléolithique, c'est un peu la période
de transition entre les derniers chasseurs-cueilleurs et les premiers agriculteurs
sédentaires. Le laboratoire Traces c'est une UMR, UMR 5608, c'est le nom de code.
Une UMR c'est une Unité Mixte de Recherche, c'est un ensemble d'institutions, qui
travaillent ensemble, ici dans le cadre de l'archéologie. C'est un des éléments
structurants de la Recherche en France, il y a des UMR pour plein de domaines de la
Recherche. Nous à Traces c'est donc une UMR dédiée à l'archéologie, C'est une
association entre le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique),
l'Université Toulouse 2 Jean Jaurès, l'École des Hautes Études en Sciences
Sociales, le Ministère de la Culture, ce sont nos 4 tutelles. Et on est ensuite
conventionnés, c'est à dire qu'on développe des partenariats, des conventions,
avec d'autres institutions. Bref, une UMR c'est une entité qui permet de réunir
des gens, d'horizons différents, et permettre à ces gens de travailler ensemble,
d'échanger ensemble, de se structurer, pour répondre à des problématiques de
Recherche. Et donc à Traces, qui est une UMR de taille importante puisqu'on est le
deuxième labo d'archéologie en France après les grosses unités de Paris, on est une
UMR qui agrège beaucoup de spécialités, beaucoup de gens, et on a autant des
spécialistes de la Préhistoire ancienne des gens qui travaillent sur les toutes
premières occupations préhistoriques dans la vallée de la Garonne. Mais aussi des
gens qui vont travailler sur les périodes modernes, et on est structurés en
équipes, on est une série de 7 équipes, en thématiques ce qui n'empêche pas les
gens de travailler entre eux ! De croiser le travail entre ces différentes équipes,
l'idée c'est de permettre ces échanges, et de permettre les approches les plus
pluridisciplinaires en archéologie, c'est tout l'intérêt de ces UMR, regrouper des
spécificités, des spécialités, des spécialistes, de différentes périodes
chronologiques, de différentes régions, qui maîtrisent des techniques différentes.
L'idée c'est aussi de travailler avec d'autres laboratoires de recherche, qui
peuvent être soit à Toulouse avec d'autres équipes, on a par exemple une équipe
spécialisée en génétique et en paléogénétique, qui est rattachée à l'université de
Rangueil (Université de Médecine ndlr) ou avec d'autres équipes qui peuvent être à
Paris, Bordeaux... voilà on a d'autres collaborations avec d'autres UMR et
d'autres centres universitaires. En fait la Recherche c'est... alors nous on est
archéologues, on est chercheurs, on peut dépendre pour certains du CNRS, pour
d'autres de l'INRAP, d'autres sont enseignants-chercheurs à l'université, ou entre
guillemets simple membre associé, c'est à dire faire de la recherche à côté
d'autres activités, mais en fait l'objectif de la Recherche c'est que ça soit
diffusé le plus largement possible. Donc rester entre soi dans un petit monde
académique, ça a pas vraiment d'intérêt même si ça fait évidemment partie du
travail de chercheur, parce que c'est là qu'on va pouvoir échanger, confronter les
idées, construire les hypothèses, débattre, tout ce débat de recherche, ce débat
académique. Mais l'idée c'est que ces résultats de la Recherche, et bien ça soit
diffusé le plus largement possible ! Notamment, principalement, en direction du
grand public. Déjà il faut savoir que tout ce qu'on fait là, c'est de la recherche
publique, c'est financé par des fonds publics, c'est financé par tous les
citoyens, nos impôts servent notamment à ça, financer cette recherche publique.
Donc c'est quelque part logique, c'est normal et c'est important, que ces résultats
de recherches soient diffusés auprès du grand public. Nous ce qu'on étudie, en tant
qu'archéologues, et en tant que chercheurs au sens large, mais surtout en tant
qu'archéologues, cette approche de l'Histoire, c'est un patrimoine qui est commun.
L'Histoire, l'archéologie, c'est quelque chose qu'on partage tous, donc on explore
un patrimoine commun, donc l'idée ce n'est pas de le laisser dans des circuits
réservés à des spécialistes, ça fait partie du travail mais ça n'est pas non plus
l'objectif. Donc cette question de la diffusion de ces connaissances de manière
large elle est importante, et c'est ce qui fait qu'on se retrouve là aujourd'hui,
au musée Saint Raymond sur ce village de l'archéologie, à venir rencontrer le plus
directement et le plus simplement possible les habitants de Toulouse, les citoyens
toulousains, pour présenter un peu ce qu'on fait. En plus quand on imagine, quand
on parle d'un laboratoire en recherche archéologique, les gens ont pas toujours une
image très claire de ce qui s'y passe ! On a tendance à imaginer les archéologues
comme des gens toujours en train de faire des trous, qui sont toujours sur le
terrain, et un laboratoire de recherche comme quelque chose avec des gens en blouse
blanche qui travaillent sur des machines, du coup "laboratoire d'archéologie"...
c'est quoi exactement ? Donc l'idée c'était de venir présenter ça. Qu'est-ce qu'un
laboratoire d'archéologie ? Comment on travaille dans un laboratoire d'archéologie
? Qu'est-ce qu'on y fait ? Qui sont les acteurs de cette archéologie ? Les musées
ont une double mission, celle de conserver le Patrimoine historique, mais aussi
celle de le partager. Main dans la main avec les scientifiques à la pointe des
découvertes et de la recherche, mais aussi avec les publics, ceux qui sont
conscients de la chose et veulent participer, comme ceux qui ne sont pas encore au
courant. Le Musée Saint Raymond de Toulouse, au travers des Journées Européennes de
l’Archéologie, est un parfait exemple de ce travail commun autour de considérations
communes. C’est aussi pour ça qu’il est indispensable d’avoir une approche de
l’Histoire factuelle, appuyée par les sources ainsi que les chercheurs et
chercheuses, pour qu’elle continue de nous appartenir à tous et toutes. Comprendre
le passé, honnêtement, pour mieux aborder le présent, mais aussi l’avenir. Ne pas
tomber dans l’excès ou la déformation, quel que soit le sens, pour que plus que
jamais l’on puisse rappeler quelque chose d’important. L’Histoire, c’est le seul
patrimoine que nous ayons tous en commun.

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