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2021

Dans le cadre de la
formation
professionnelle «
Nouvelles Voies » de
l’Institut Transitions
34 rue Rachais, 69007,
Lyon

LA DIMENSION
CULTURELLE ET
ARTISTIQUE DES
Jérémy ESBERT
ECOLIEUX Accompagnant-e-s du
mémoire : Marie-Hélène
Lafage et Yannick
Mémoire de recherche Lecompte
Tampon de la formation

Année de Formation 2020-2021 à Nouvelles Voies de L’institut Transitions

« La dimension Culturelle et artistique des


écolieux »

Présenté par Jeremy ESBERT

Mémoire présenté le 16 septembre 2021 devant un jury composé du binôme


d’accompagnement et d’un·e partenaire proche de l’Institut de Transitions

1
AVERTISSEMENT

Ce mémoire de recherche a fait appel à des lectures, enquêtes et interviews. Tout emprunt à
des contenus d’interviews, des écrits autres que strictement personnels, toute reproduction et
citation, font systématiquement l’objet d’un référencement.

Certaines données et informations de ce mémoire de recherche, qu’elles soient explicites,


sous-entendues ou masquées, sont strictement confidentielles.
Dès lors, toute reproduction et diffusion, sous quelques formes que ce soit, sont formellement
interdite ; sauf accord préalable de son auteur.

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Avant-propos

Comment en suis-je arrivé à choisir un sujet de mémoire sur les écolieux ?


Depuis près de 10 ans, j’ai été à cheval entre l’activisme local-environnemental et la solidarité
internationale. En 2018, je co-coordonnais par exemple les Marches pour le climat à Lyon. En
mars 2020, je suis rentré d’une mission humanitaire du Niger, avec Médecins Sans Frontières,
comme responsable financier d’un programme de malnutrition. J’ai pu observer sur place les
conséquences du dérèglement climatique. A mon retour, je me suis alors engagé avec la
Green Team du siège de MSF afin d’évaluer l’impact écologique de leurs activités et un plan
d’action pour y remédier. J’ai très vite constaté que la direction était dans le déni de leur
empreinte incontestable. Ils n’avaient pas du tout la volonté de changer leur pratique sous
prétexte qu’ils n’avaient pas le temps car ils intervenaient sur dans des contextes d’urgence.
Avec ma conscience écologique prononcée, j’ai été désillusionné. Ce retour en France a été
suivi par l’accompagnement de mon père en fin de vie (cancer), dans un contexte sanitaire du
Covid très difficile. Ce gros passage à vide n’a fait que provoquer en moi des profondes
réflexions sur le sens de ma vie et sur l’avenir de l’humanité. Je n’étais simplement plus sur le
bon chemin de vie. Dans le secteur humanitaire, on agit sur les problèmes. J’avais plutôt le
profond désir d’agir localement avec des solutions concrètes. Cette envie d’utilité, de sens,
d‘humanité fait partie intégrante de ma personnalité.
Un passage à La Zad de Notre-Dame-des-Landes en août 2020, lors d’une rencontre des
luttes internationales « Ambazad », m’a aussi donné un déclic. Ils expérimentèrent d’autres
formes d’organisations sociales et écologiques pertinentes et résilientes auxquelles j’aspire.
L’Institut Transitions a été pour moi comme une synchronicité, une merveilleuse coïncidence
chargée de sens qui a confirmé ma volonté de mettre à profit mon expérience au service de
la transition Locale. Au début, je ne savais pas du tout la portée d’un écolieu et cela m’intriguait.
Curieux, je me suis alors émerveillé devant ces nouveaux lieux de vie en transition. C’était
indéniable, j’ai donc pris la décision de rédiger un mémoire sur la thématique des écolieux.
Instinctivement, j’ai commencé à en parler autour de moi, et très vite, l’idée manifeste de porter
en parallèle un projet d’écolieu, avec des amis d’Alternatiba, s’est matérialisé. Mon mémoire
est devenu véritablement une opportunité pour affiner ma pensée critique sur ce sujet, et,
également une occasion pour diagnostiquer la faisabilité de mon projet de vie coopératif.
Mais alors pourquoi, ai-je choisi plus précisément d’analyser « La dimension Culturelle et
artistique des écolieux » ? J’ai eu une introspection profonde avant de trouver une idée précise
du thème de mon mémoire. J'ai donc observé ce qui me faisait vibrer et j’ai alors eu une
intuition qui me paraissait évidente car présente en moi depuis pas mal d'années. Je n'aborde
pas l'angle culturel et artistique par hasard. Je reviens à mes premiers amours professionnels.
En effet, à l’âge de 20 ans, j’ai été attiré par le secteur associatif culturel et artistique pour son
caractère non-lucratif et de bien commun. Titulaire d’une licence de management culturel,
pendant une dizaine d’années, j’ai pu exercer des fonctions variées pour différentes structures
culturelles et pour des artistes dans le domaine du spectacle vivant et des musiques actuelles.
Mon objectif à cette époque était d’apporter un développement culturel en zone rurale. Par
exemple, en 2001, dans la campagne d’Avignon, j’ai participé à un projet collaboratif
d’aménagement d’une ancienne entreprise de charpente en un lieu culturel qu’on a nommé
« Akwaba ». Pour la petite histoire, « Akwaba » est une façon de souhaiter la bienvenue et
d’exprimer en Baoulé son hospitalité aux visiteurs. Dans ce lieu, j’ai ensuite développé toute
la communication, l’accueil du public et les partenariats institutionnels. C’est une aventure
humaine qui a été fondatrice dans ma vie car très enrichissante en termes de rencontre et de
partage. Actuellement, j’exerce une activité de clown activiste dans une Brigade que je

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coordonne sur Lyon depuis presque trois ans. Je mets en avant la résistance par le rire et la
dérision. Mon chemin de vie dans ce secteur et mon activité artistique ont été évidemment
d’un grand soutien dans la rédaction de mon mémoire. Ma compagne, intermittente du
spectacle et mes accompagnants du mémoire, Marie-Hélène et Yannick, m’ont aussi conforté
dans le choix du sujet de mon mémoire. Il fait donc sens. Il est l’aboutissement de mon
engagement personnel et de mon parcours professionnel.
Au cours de mes recherches, j’ai rencontré évidement des difficultés majeures qui méritent
d’être soulignées. À cause du contexte de restriction sanitaire du Covid, je commencerai déjà
par évoquer la difficulté à me déplacer et à rencontrer des habitants d’écolieux afin de relever
leur témoignage et me confronter aussi à la réalité du terrain. J’ai dû m’adapter aux couvre-
feux et aux confinements à répétitions et par conséquent, explorer des écolieux proches de
mon lieu d’habitation. Une autre difficulté a été le choix de mon sujet de mémoire.
Effectivement, il est difficile d’analyser le secteur culturel et artistique quand celui-ci est
complétement à l’arrêt, même au sein des écolieux. Je prendrai ces obstacles comme une
véritable chance, car j’ai pu me rendre compte des conséquences sur notre société quand
justement la dimension culturelle et artistique n’existe plus. À vrai dire, ce mémoire de
recherche a été un véritable challenge.

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier les intervenants, les stagiaires tels que Damien Chosson pour
son aide précieuse à la retranscription des interviews, toutes les personnes de l’Institut
Transitions qui par leurs paroles, leurs écrits, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes
réflexions. Je pense à Camille Tedesco pour le temps qu’elle a consacré à m’apporter les
outils méthodologiques indispensables à la conduite de cette recherche et à Fanny Viry pour
ses encouragements. Je voudrais adresser toute ma reconnaissance à mon binôme
d’accompagnants, Marie-Hélène Lafage et Yannick Lecompte pour leur patience, leur
disponibilité et surtout leurs judicieux conseils, qui ont contribué à alimenter ma réflexion.

J’aimerais exprimer ma gratitude

• Aux belles âmes qui ont accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions
durant mes recherches ; leur disponibilité et leur Intérêt sont à l’origine même des
éléments de réflexion présentés dans ce mémoire ;
• Aux artistes : Paul, Camille, Rnst, Patricia, et au duo d’organisateurs d’évènements,
Lindsy et Oriane ;
• Aux habitants des écolieux : Sophie de La Maladière, Marie et David de Goshen,
Jacques et Katy de La Note Bleue, Baptou du Château Partagé, Guillaume de l’Arche
Saint Antoine.

Je voudrais remercier ma famille, mes amis qui m’ont apporté leur soutien moral et intellectuel
tout au long de ma démarche dans un contexte sanitaire difficile, les membres du collectif
Totem avec qui je porte un projet d’écolieu ; Philippe, Florent, Carine, mes colocataires ;
Gregory, Anne Claire, Gaëtan et Bastien, mes voisins ; Gaétan et Sandrine, Juliette, Julien et
leur fille Salomé pour nous avoir si chaleureusement accueilli.

Je tiens à remercier tout particulièrement les parents de ma compagne pour leur accueil,
Michel pour ses relectures et ses corrections qui ont grandement facilité mon travail et à
Geneviève pour ses repas tellement délicieux.

Enfin, je tiens à témoigner toute ma gratitude à ma compagne Patricia, pour sa patience, son
amour, son sourire, sa confiance, son soutien inconditionnel et pour toute la source
d’inspiration qu’elle fait jaillir en moi.

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Sommaire
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- AVERTISSEMENT : 2
- Avant-propos : ________________________________________________________3
- Remerciements : ______________________________________________________5
- Sommaire : 6
- Introduction : 8
- I Notion de communauté intentionnelle : 10
- I-A Définition : 10
- I-B Courte Histoire : 10
- I-C Les communautés intentionnelles culturelles et artistiques : 10
- I-C-a Le Familistère de Guise (1858 à nos jours) : 10
- I-C-b Les communautés libertaires agricoles et artistiques en pays catalan : ________13
- I-C-c La communauté Longo Maï. : 17
- II Notion culturelle et artistique : 21
- II-A Définition de Culturelle et artistique : 21
- II-B Hypothèses de la notion culturelle et artistique: 23
- II-C L’art et la culture : Bienfaits sur la santé : 26
- II-D L’art et la culture : Vecteurs de cohésion sociale : 29
- II-E L’art et la culture : Un secteur économique essentiel : 32
- II-F L'art et la culture : Des armes pour les droits humains : 33
- II-G L'art et la culture : Au service de l’écologie : 37
- II-H L'art et la culture sous Covid : 42
- III Notion d’écolieu : 46
- III-A Définition d’écolieu : 46
- III-B Les initiatives en commun d’un écolieu : 46
- III-C Statuts juridique : 47
- III-D Notre notion de concept d’écolieu : 47
- III-E Les critères de validation : 47
- IV Les différents types d’écolieux : 48
- IV-A Le concept d’écovillage : 48
- IV-A-a Un bref historique : 49
- IV-A-b La démarche écovillageoise : 50
- IV-A-c Exemple d’écovillage en France : 51
- IV-B Le concept d’écohameau : 51
- IV-B-a Exemple d’écohameau en France: 53
- IV-C Le concept d’Oasis : 53
- IV-C-a Les différents types d’Oasis : 54
- IV-C-b Les cinq principes fondamentaux des Oasis : 54
- IV-C-c Exemple d’Oasis en France : 55
- IV-D Le concept Longo Maï : 55
- IV-E Le concept du Cohabitât : l’habitat coopératif, groupé, partagé ou participatif : 55
- IV-E-a Préceptes du Cohabitât : 56
- IV-E-b Statut juridique du Cohabitât : 56
- IV-E-c Exemple de coopérative d’habitant en France: 56
- IV-F Le concept de l’écoquartier : 56
- IV-F-a Exemple d’un écoquartier en France : 57
- IV-G Le concept de ZAD : 58
- IV-G-a La ZAD de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) : 60
- IV-G-b Exemples de ZAD en France : 61

6
- IV-H Le concept de village alternatif Emmaüs Lescar Pau : 61
- IV-I Le concept des communautés de l’arche : 64
- V Les enjeux des écolieux : 66
- VI-A Fiche Ecolieu : La ferme de la Maladière : 69
- VI-B Fiche Ecolieu : Ecohameau ferme de la Chaux - Goshen : 73
- VI-C Fiche Ecolieu : La maison-atelier, la Note Bleue : 79
- VI-D Fiche Ecolieu : Le château Partagé : 85
- VI-E Fiche Ecolieu : L'Arche de Saint-Antoine : 89
- VII Analyse et résultats : 94
- VII-A Étude quantitative : 94
- VII-B Étude qualitative : 97
- VII-B-a Introduction à l’étude qualitative : 97
- VII-B-b Résultats de recherche : 98
- VII-B-c Apports de l’art et de la culture des écolieux : 103
- VII-B-d Validation des Hypothèses : 104
- VII-B-e Analyse des concepts théoriques : 111
- VII-B-f L’art et la culture des écolieux sous Covid : 114
- Conclusion : 118
- Bibliographie : 119

ANNEXES
- Annexe 1 : Fiche artiste : Paule Kingleur - Plasticienne urbaine : _________________ 120
- Annexe 2 : Fiche artiste : Camille Thouvenot – Musique Jazz Groupe Mettà Trio : ___ 125
- Annexe 3 : Fiche Artiste : RNST - Illustrateur urbain : __________________________ 129
- Annexe 4 : Fiche association : Graines électroniques - Evénements éco-responsables 139
- Annexe 5 : Fiche artiste : Patricia Buffet – Solo de Clowne : I.S.F : ________________153
- Annexe 6 : Guide d’entretien du mémoire de recherche destiné aux « Artistes » : ____ 158
- Annexe 7 : Guide d’entretien du mémoire de recherche destiné aux « écolieux » : ____159
- Annexe 8 : Typologie des écolieux étudiés : __________________________________163
- Annexe 9 : Entretien de Sophie et de Benoit de l’écolieu « La ferme de la Maladière » 163
- Annexe 10 : Entretien de Marie et de David de écolieu « l’écohameau Goshen » : ____174
- Annexe 11 : Entretien de Jacques et de Katy de l’écolieu « la Note Bleue » : ________ 186
- Annexe 12 : Entretien écrit de Baptou de l’écolieu « Le Château Partagé » : ________ 199
- Annexe 13 : Entretien de Guillaume de l’écolieu « Arche Saint Antoine » : __________ 200

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Introduction

“Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin”, c’est indéniable, habiter de façon collective
est une solution alternative inspirante pour beaucoup. Depuis quelques années, on constate
qu’en France et encore plus depuis le début de la crise sanitaire du Covid, un véritable
engouement pour cette façon de vivre ensemble, que ce soit pour des raisons économiques,
écologiques ou sociales. Nous n’allons pas vous parler ici des barres d’immeubles, cages à
lapins, cubes de béton ou même de lotissements ou quartiers résidentiels, réalisés depuis
l’après-guerre dans des zones périphériques de nos grandes villes. Ce qui nous intéresse
avant tout dans ce mémoire de recherche, ce sont les écolieux. Face à une crise écologique
et sociale, un secteur agricole en mutation et une société en quête de nouvelles valeurs et de
liens, vivre en communauté ou plutôt en collectif au sein d’un écolieu est une solution qui
permet de vivre plus simplement tout en respectant la Nature et en plaçant l’Humain au centre
de la vie quotidienne. Ne croyez pas que ces collectifs soient si marginaux avec parfois une
connotation Hippie des années soixante-dix, les écolieux attirent de plus en plus de curieux
désirant vivre une transition plus solidaire et écologique. Ce sont des nouvelles formes
d’habiter collectivement, dans le vivre et le faire ensemble, idéalement dans un environnement
loin des pollutions, avec un projet de vie commun, souvent vers une autonomie alimentaire et
énergétique. Dans le cadre de mes recherches, la thématique de l’écolieu est bien trop vaste.
Il est ainsi plus pertinent pour nous de nous ’intéresser plus spécifiquement à la dimension
culturelle et artistique des écolieux.
Le rapport de l'OMS du 11 novembre 2019 *1 confirme que l’art et la culture peuvent être
bénéfiques pour la santé, tant physique que mentale. Les neurosciences nous enseignent
vraisemblablement que l'art stimule des émotions intimes et profondes mais aussi que sa
pratique développe les capacités cérébrales des enfants et permet aussi de refonder le lien
social. L’art et la culture investissent tous les pans de la société. Ils transmettent des histoires,
des coutumes et des traditions. En constante évolution, ils sont essentiels pour la circulation
des valeurs, des croyances et des savoirs. Ils font vivre les idées et nourrissent l'intellect. En
France, ils sont aussi un secteur économique essentiel. L’art et la culture contribuent sept fois
plus au PIB que l'industrie automobile.

Le phénomène des écolieux est encore au stade embryonnaire à l’échelle de la France mais
assez présent pour ne pas être négligé. La dimension culturelle et artistique des écolieux
constitue un sujet pas du tout encore exploré. Notre analyse consiste donc à comprendre la
contribution de la dimension culturelle et artistique des écolieux au sein de leurs collectifs, et
sur les territoires où ils sont implantés. Nous voudrions aussi saisir comment l’activité culturelle
et artistique des écolieux peut être un levier d’action dans la transition écologique et solidaire.
Comment cette dimension peut-elle porter des messages de transition et de luttes face aux
défis sociaux, économiques et écologiques de notre époque ? À l’heure où nous écrivons cette
introduction, la pandémie du Covid sévit gravement sur notre belle planète, des milliards de
personnes sont physiquement séparées les unes des autres. L’art et la culture n’auraient-ils
pas alors un rôle à jouer dans cette période d’anxiété et d’incertitude inédites ? Dans le cadre
de ce mémoire, nous souhaiterions alors savoir si les écolieux Français ont été résilients et
comment ? quelles sont les conséquences quand justement leurs activités culturelles et
artistiques sont à l’arrêt ? et enfin, est-ce que la dimension artistique et culturelle des écolieux
a un rôle à jouer dans cette crise ?

L’objet de ce mémoire est, dans une première partie, d’établir un aperçu général de la notion
de « communauté intentionnelle ». Dans l’histoire des communautés intentionnelles, nous

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nous intéressons surtout à celles qui ont eu une forte dimension culturelle et artistique, ce qui
nous permet une première appréhension du sujet (chapitre I).
Dans une seconde partie, nous expliquons la notion de « culturel et artistique ». Dans la
rédaction de notre mémoire, nous proposons des hypothèses à la problématique que nous
donnons sur la notion d’« Activités culturelles et artistiques », et enfin nous tentons d’expliquer
en quoi « l’art et la culture » peuvent être un bienfait pour la santé, pour la cohésion sociale,
pour l’économie, pour les droits humains et pour l’écologie. Et puisque nous vivons une période
sanitaire complexe, nous faisons un état des lieux du secteur de l’art et de la culture sous cette
pandémie, et nous nous demandons quel peut être le rôle de la dimension artistique et
culturelle dans cette crise. Pour argumenter et agrémenter cette partie, nous nous appuyons
sur le témoignage d’une diversité de quatre artistes reconnu-e-s qui œuvrent dans une
structure d’organisation d’événement culturels. Il est en effet important d’avoir leur avis sur ces
thématiques. (Chapitre II).

Dans une troisième partie, nous définissons le concept d’« écolieu » : quelles initiatives ont-ils
en commun ? quels sont nos critères de validation des écolieux analysés dans le cadre de
notre mémoire. (Chapitre III).
Dans une quatrième partie, nous présentons les différents modèles d’écolieux existants
(chapitre IV) et dans une cinquième partie, nous expliquons leurs enjeux (chapitre V).
Dans une sixième partie plus empirique, nous présentons les cinq études de cas d’écolieux,
la plupart, observés et interrogés sur le terrain (Chapitre VI).
Dans une septième partie, analyse et résultat, (Chapitre VII) nous exposons une première
étude quantitative en interprétant nos résultats avec une typologie des écolieux étudiés.
Ensuite, nous publions une seconde étude qualitative, en l’introduisant. Puis, nous interprétons
nos résultats et nous expliquons les apports des écolieux étudiés. A posteriori, nous vérifions
la validité des hypothèses, en analysant et illustrant les résultats à partir de leurs fiches du
chapitre précédent et des entretiens exploratoires. Ensuite, nous vérifions la validité des
hypothèses à travers des concepts théoriques. Sur cette dernière partie, nous nous penchons
aussi sur l’impact de la crise sanitaire sur la dimension culturelle et artistique des écolieux
étudiés, et nous nous demandons quel peut être le rôle de la dimension artistique et culturelle
des écolieux dans cette crise.
*1 https://www.euro.who.int/fr/media-centre/sections/press-releases/2019/can-you-dance-your-way-to-better-health-
and-well-being-for-the-first-time,-who-studies-the-link-between-arts-and-health

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I Notion de communauté intentionnelle

I-A Définition

Il nous semble important de définir dans un premier temps, le mot communauté qu’on peut
trouver dans n’importe quel dictionnaire. Au sens étymologique originel : cum munus. La
communauté est donc un groupe de personnes (« cum ») qui partagent quelque chose
(« munus »). Il est intéressant de savoir qu’en biologie une communauté représente un
système au sein duquel des organismes vivants partagent un environnement commun et
interagissent.
En Sciences sociales, une communauté est un regroupement de personnes autour d'une
thématique commune. Leurs membres partagent entre eux une certaine culture, des normes
et des valeurs. Ils sont unis par un lien social. A savoir que dans son usage politique le plus
courant, une communauté évoque des collectivités historiques ou culturelles. En France, le
terme est souvent utilisé dans les débats sur les minorités ou le communautarisme, avec une
connotation négative. Au Québec, elle est couramment utilisée sans connotation négative.
Dans le cadre de mon mémoire, nous nous attarderons surtout à la notion de Communauté
intentionnelle qui désigne un ensemble de personnes d'origines diverses ayant choisi de
vivre ensemble en un lieu donné et sous une forme organisationnelle et architecturale
définie. C'est l'intention qui distingue la communauté d'une autre. Selon le moteur de
recherche Ekopedia, « Le terme communauté intentionnelle est la traduction de l'anglais
‘Intentional Community’, qui désigne, aux États-Unis, l'ensemble des expériences
communautaires dites ‘intentionnelles’, par opposition aux nombreuses autres communautés
de tous ordres. Les membres d'une communauté intentionnelle peuvent partager une ou
plusieurs valeurs dans les sphères de la tripartition sociale (politico-juridique, socio-culturelle
et économico-laborieuse). Ces expériences ont souvent des particularités dans les domaines
de l'écologie du développement durable, architectural, de l'aménagement et de l'organisation
humaine qui les distinguent des formes d'habitation dites ‘conventionnelles ‘ ». *1

I-B Courte Histoire

Les communautés intentionnelles sont très anciennes et on constate qu’elles sont les aïeux
des écolieux : « Grace aux articles de l’historien des communautés intentionnelles en Europe,
Bill Metcaf,, … qui remonte au moins au Vème siècle avant J-C ( …) J’ai pris conscience que
la volonté de vivre en communauté, et même parfois dans une communauté reposant sur les
affinités de ses membres mais sur des valeurs et une mission communes, remontait aux
brumes de la préhistoire » *2 Dans l’histoire des communautés intentionnelles Françaises,
nous nous intéresserons surtout à celles qui ont eu une forte dimension culturelle et artistique.
A travers mes recherches, nous en avons identifié trois aussi intéressantes que fascinantes.
D’abord, nous nous intéresserons au « Familistère de Guise » de André Godin, puis aux
« Communautés libertaires agricoles et artistiques en pays catalan », et enfin à la
communauté « Longo Maï ».

I-C Les communautés intentionnelles culturelles et artistiques


I-C-a Le Familistère de Guise (1858 à nos jours)

Au XIXe siècle « Le socialisme utopique » de Charles Fourier recherchait le bonheur,


l’harmonie et la réconciliation de tous. Le moyen de réaliser ces objectifs était ce que Fourier
appelait « la phalange », une unité sociale, de 1500 à 1 600 personnes, bien équipées pour la
vie et le travail, dont la tâche était d’élever le niveau de civilisation du peuple encore
*1 http://www.ekopedia.fr/wiki/Communaut%C3%A9_intentionnelle
*2 Enjeux livre Les écovillages, laboratoire de modes de vie éco-responsables de Jonathan Dawson, page 19 et 20

10
immergé dans la barbarie. Ces personnes devaient être logées dans un grand bâtiment, le
« Phalanstère », un palais du peuple inspiré par les grands châteaux français, tels que
Versailles. Des logements organisés autour d'une cour couverte centrale, lieu de vie
communautaire. Au XIXe siècle, Les phalanstères ont fait des tentatives d'application en
France et aux États-Unis.
Inspiré par le « Phalanstère » de Fourier, Jean Baptiste Godin crée le célèbre « Familistère »
de Guise situé dans le département de l’Aisne, aujourd'hui monument historique et toujours
habité. Jean-Baptiste André Godin (1817-1888) semble s’être convaincu très tôt de posséder
un destin hors du commun. « Il provenait d’un milieu modeste (…) Travaillant dès l’âge de
onze ans aux côtés de son père serrurier, il y découvrit sa vocation : le travail de la fonte.
L’injustice de la distribution des fruits du travail et la détresse extrême des conditions de vie
dans les régions urbaines furent les principaux objets de ses pensées et de ses efforts. En
1837, il rejoignit l’atelier paternel mais gagna bientôt son indépendance, se tournant vers la
manufacture d’appareils de chauffage. En 1846, il transféra sa propre entreprise à Guise au
nord de Paris. (…). En 1881, sa manufacture de poêles était devenue si profitable qu’il put y
employer 2 000 travailleurs. (…) En 1857, Godin acheta 18 hectares de terrain dans le
voisinage de Guise et commença à bâtir (…) « le Familistère. » Il ne le considérait pas
seulement comme un toit offert à ses ouvriers (…), mais comme une sorte d’instrument pour
assurer le bien-être, la dignité et le progrès individuel. (…) Le concept du Phalanstère était
basé sur le travail et la vie collective (cuisines, ateliers, fermes, loisirs collectifs). Le concept
du Familistère, lui, était de préserver la vie familiale (chaque famille avait son propre
appartement) et de baser l’économie domestique sur la cellule familiale. Ce fut cette différence
fondamentale qui inspira la transition sémantique du Phalanstère de Fourier au Familistère de
Godin. » *1 « Adaptation du phalanstère de Fourier monument rêvé, dessiné mais jamais érigé,
le Familistère ou “Palais Social” met à disposition des ouvriers ce que Godin appelle “les
équivalents de la richesse”. La construction de cet ensemble architectural, pavillons
d’habitation, magasins coopératifs, théâtre, école, buanderie-piscine, jardin, kiosque à
musique, nourricerie, démarrée en 1859 s’achève en 1884. (…) Godin définit lui-même ce qu’il
entend par “la richesse au service du peuple”. (…) C’est d’abord un logement commode, sain,
hygiénique, lieu de tranquillité, de repos et d’agrément. Mais il s’agit aussi d’“entourer ce
logement de toutes les ressources et de tous les avantages dont l’habitation du riche est
pourvue et enfin de “remplacer par des institutions communes, les services que le riche retire
de la domesticité”. Mais le confort matériel n’est rien s’il n’est pas complété par la première
des richesses : “l’instruction intellectuelle et morale”. (…) Le théâtre, d’une capacité de six
cents places, est à la fois lieu d’apprentissage et comme séchoir de la buanderie-piscine du
Familistère en 2009. (…) »

*1 https://www.cairn.info/revue-diogene-2005-1-page-101.htm

11
Matinée théâtrale enfantine au théâtre du Familistère à l'occasion de la fête de l'Enfance. Photographie anonyme, septembre 1899. Collection
Familistère de Guise.

Le théâtre est aussi pensé comme un lieu d’échange et de débat :


« Comme le dit Godin, le théâtre est “un lieu de jouissances moralisatrices”. (…) Il est très
sobre, avec une architecture intérieure de fonte et de bois, très fonctionnelle, mais d’un confort
peu douillet. C’est dans cet espace que se tiennent les réunions d’associés. Godin y donne
aussi, régulièrement, des conférences sur l’hygiène, l’association ou la question sociale. On y
dispense des cours de théâtre et, bien entendu, c’est un lieu de spectacles. Les élèves s’y
produisent, mais également de prestigieuses compagnies de passage. On y joue ainsi en 1896
(…) Emile Moreau, pièce qui a triomphé à Paris (…)
L’apprentissage de la musique, qui est considéré, est l’un des fondements de l’éducation
sociétaire. Les activités musicales sont associées au jeu et à la fête. (…)
Au Familistère, les enfants doivent développer leurs aptitudes musicales. Ils sont d’ailleurs
réunis, avant la classe, dans une cour du Familistère et rejoignent leur salle en chantant des
“cantiques” à la gloire du travail dont certains textes ont été rédigés par Godin lui-même. (…)
L’orchestre et l’harmonie du Familistère répètent et se produisent régulièrement au théâtre et
aux beaux jours, dans le kiosque à musique construit en bois au milieu du parc. A l’époque,
une telle possibilité est très rarement offerte aux classes populaires. C’est l’association qui
fournit les instruments. L’harmonie, avec soixante exécutants, a une belle réputation qui
s’étend bien au-delà du Familistère. Elle accompagne les nombreuses festivités organisées
au Familistère, et notamment le bal annuel des enfants ou la fête du travail. (…)
Godin, homme privilégiant la fête sous toutes ses formes, en kiosque, en théâtre, en cours, en
place, il crée une fête du travail. (…) Aujourd’hui, théâtre populaire, repas de quartier et fête
de la musique sont les échos de ce qui s’est installé là. Un humaniste visionnaire qui investit
l’éducation et l’école gratuite collées au théâtre pour prévenir l’avenir, lieu de tolérance sans
cultes imposés, fondement d’une laïcité. »
Le Familistère dura 110 ans. Sa dimension culturelle et artistique dure toujours encore
aujourd’hui et reste un projet de communauté intentionnelle utopiste réussie et nous
constaterons que cette dimension est au cœur du projet éducatif :
« Tout devient acte culturel dès que l’on pose pied sur la place. Le musée n’est pas une
parenthèse dans la ville. Il est très fortement impliqué dans l’organisation urbaine, sociale,
économique et culturelle de Guise. (…) Au Palais social, les logements des particuliers

12
cohabitent avec les salles d’exposition. (…) le théâtre est l’unique salle de spectacle de la
région de Guise (…) » *1

Aménagement intérieur et scénographique du Théâtre du Familistère Godin de Guise aujourd’hui.

I-C-b Les communautés libertaires agricoles et artistiques en pays catalan (1970-2000)

Le terme libertaire désigne les personnes, courants, mouvements, structures, organisations,


etc., qui prônent la liberté individuelle, ou citoyenne, face à l'État comme valeur fondamentale
et qui de ce fait rejettent toute forme d'autoritarisme politique dans l'organisation sociale. Dans
ce sens, le terme libertaire est souvent un synonyme pour désigner l'anarchisme, courant de
philosophie politique développé depuis le XIXe siècle sur un ensemble de théories et de
pratiques anti-autoritaristes et autogestionnaires, basées sur la démocratie directe.

« Le mot libertaire existe depuis 1857, lorsque Joseph Déjacque, ouvrier et poète français,
militant révolutionnaire, adresse à Pierre-Joseph Proudhon un pamphlet intitulé « De l’Être-
Humain mâle et femelle ». (…) Par la suite, avec l’apparition de nouveaux mouvements
contestataires dans la seconde moitié du XXème siècle, les termes « anarchiste » et «
libertaire » ont de plus en plus fréquemment été utilisés pour désigner des réalités
partiellement distinctes : le vocable « anarchiste » restait réservé aux partisans de l’abolition
de l’État, du capitalisme et des religions, alors que l’adjectif « libertaire » était appliqué à
l’ensemble des expériences militantes alternatives et anti-autoritaires. (…) Ces deux courants
se retrouvaient sur des valeurs essentielles, comme l’égalité, l’autonomie, la promotion de
l’expression personnelle ou la contestation du fonctionnement de la démocratie. » *2

Le libertaire en tant que figure politique et sociale existe depuis le XIXe siècle. Les mythes qui
l'accompagnent depuis, en dépit de l'évolution de son comportement ainsi que des sociétés
dans lesquelles il vit restent ceux du révolutionnaire, du martyre, du saint, partisan de l’amour
libre ou du poète. Selon Wikipédia « Une communauté libertaire est centrée autour de
l'autogestion, de la maîtrise du travail social, de l'épanouissement personnel, de

*1 Tiré du Journal Libération : Publication collective Département de l’Aisne – 2010- Supplément gratuit à Libération n°
9139 du jeudi 30 septembre 2010 – page 6 - https://docplayer.fr/1279975-Le-familistere-de-guise-aisne-un-palais-
social.html
*2 Tiré de la thèse de Simon Luck « Sociologie de l’engagement libertaire dans la France contemporaine »
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00338951v2/document

13
valeurs morales. L'objectif en est, principalement, d'expérimenter, dans des groupes plus ou
moins vastes, des rapports sociaux anti-autoritaires dégagés des contraintes de l'État voire du
capitalisme, notamment en matière de liberté sexuelle. (…) Ces colonies peuvent abriter des
cafés alternatifs, des jardins communautaires, des magasins gratuits, (…) des bibliothèques,
des expositions, des concerts, des cinémas libres, des réunions de militants ou d'autres
activités culturelles ou sociales qui ont comme point commun d'être à but non lucratif,
fonctionnant souvent sur donations. Certaines communautés se veulent de véritables
laboratoires de l'utopie, d'autres sont des refuges en période de répression ou de crise sociale.
Elles sont présentes (…), parfois dans des squats, parfois dans des établissements loués
légalement. » *1
La première communauté libertaire en France serait « La Clairière de Vaux » fondée dans
l'Aisne en 1902. Il y a eu deux phases dans le développement des communautés libertaires,
l’une avant 1860, l’autre après 1960 qui sont caractérisées par un rejet de la société de
consommation, des modes de vie basés sur des pratiques d'autogestion. Nous nous
intéressons à ce renouveau des communautés libertaires Catalan, qui utilisent l’art et la
culture.
Revenons déjà sur le contexte de l’époque des événements de Mai 1968, avec les mœurs et
les idées qui se sont imposées : « Ce qui a caractérisé ce mode de vie était la volonté
d'échapper à la voie royale toute tracée du travail et de la famille. (…) il n'y avait pas de
chômage (…) tout le monde pouvait facilement s'intégrer à la société, c’était le temps de ce
qui sera appelé ‘les trente glorieuses’ (...) La question pour beaucoup était plutôt de savoir
quoi faire pour échapper à la routine du’ métro, boulot, dodo’(...) Les grandes grèves de 1968
(…) avaient bien sûr porté sur les conditions et le temps de travail ainsi que sur les salaires.
(...) mais ce qui ne faut jamais oublier, c'est la portée bien plus large et radicale (...) Ces grèves
(…) questionnaient le fonctionnement de la société, la division du travail, la division de la
société en classe possédante et laborieuse, la place des femmes, etc. Il y avait dans ses buts
une dimension politique, une volonté de remettre en question le système capitaliste (...) on ne
peut pas comprendre ce qui a poussé des gens à vivre en communauté si l'on ne se réfère
pas à ces moments du Printemps 1968. Une société tout entière avait été ébranlée et même
s'il n'y avait pas eu un changement de régime politique, ces luttes montraient qu’autre chose
était possible et beaucoup de gens ne pouvaient se satisfaire de la reprise du travail et
retrouver après toutes ces journées de lutte et d'espoir un contremaître qui les surveille comme
si rien ne s'était passé : le système capitaliste était toujours en place. (...) L'économie se
portait bien, il n'y avait pas de chômage (...) la préoccupation de beaucoup de gens à l'époque
était de rêver à une vie avec moins de contraintes, une vie sans patron, (…) à une vie plus
égalitaire (…), et que la finance n'était pas l’idole omniprésente (...). On constate aussi
régulièrement que le désir de quitter une famille est un milieu étouffant qui n’offraient pas la
possibilité de s'épanouir (…) S'associer donc, avec des amis pour échapper à la tristesse dans
le travail (...) s’associer pour avoir son mot à dire, au même titre que les autres, dans le
fonctionnement de ce qui est entrepris, pour se sentir plus libre de son emploi du temps (...)
mettre en commun les capacités et les apports de chacun, les besoins, les dépenses.
S'associer donc avec d'autres pour échapper au salariat, pour être en coopération plutôt qu’en
concurrence, pour oublier (…) la hiérarchie et essayer au contraire de porter ensemble un
projet commun. (...) Dans le cas de la France et plus particulièrement (…) du Sud où les
expériences (de communauté libertaire), (…) se passer à la campagne, même les expériences
artistiques. Dans la majorité des cas, il s'agissait de communautés agricoles. *2 (…). »

*1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_libertaire
*2 Passages tirés du livre “les communautés libertaires Agricoles et artistiques en pays catalan 1970- 2000 de Jean-Pierre
Bonnel et Paul Gérard, page 10 à 14.

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“Voici (...) donc une expression d'une autre France, celle dont ne parle jamais que comme
d’une curiosité. Communauté agricole, artistique, théâtre ou cinéma, elles ont cherché dans la
douleur mais aussi dans l'enchantement une autre manière de vivre” *1

Afin de comprendre déjà le lien entre libertaire et artiste, prenons le témoignage de Enrique
Salvadore, habitant à la communauté artistique du Mas Planères situé à l’ouest de Perpignan
: “Les membres de la communauté du Mars sont des sympathisants anarchistes, pas des
militants, mais ils répondent présent pour les manifestations importantes. Leur idée est de
construire quelque chose de neuf dans le domaine alternatif. Ils sont écologistes, mais c'est
surtout la démarche artistique qui les motive ; ce n'est pas un repli mais leur travail, au
contraire, est cohérent : ce sont des libertaires en contact avec les autres communautés. (...)
Pour Enrique, c'est cohabiter dans ses chansons l'histoire familiale et ses rêves d'utopie.” *2

Essayons maintenant d’appréhender dans son contexte, comment ces communautés


libertaires se sont investies dans la vie du territoire où elles se sont installées. Prenons le
témoignage d'Aline Barbier, d’un collectif d'artistes du village de Fillols, au pied du Canigou :
“Aline me reçoit dans le bistrot de la place (…), propice à un théâtre permanent ; autour de
l'arbre central, des dizaines de jouets sont rangés et disponible pour le plaisir partagé des
enfants. Déjà un premier symbole pour un village qui se veut une communauté vivante et
créatrice. De jeunes artistes sont à table et face à un menu familial et convivial. Partout des
livres, des revues et, sur les murs, des dessins, (…) Aline (...) définit le village : un passé de
résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, (…) classé à gauche, qui s'est battu contre la
fermeture des mines, (…) dans les années 1953/55. L’après-guerre c'est l’euphorie, l’espoir
d'une société nouvelle, juste moins violente… (…) les maires communistes sont élus
aisément. Dans les années 60, une association privée, (…) construit une salle des fêtes pour
favoriser un lieu d'échange et de culture, (…) : Il y avait une vraie dynamique, avec cet esprit
de combat et de changement… Dans les années 70, arrivent les marginaux : les mines
avaient fermé et l'exode agricole avait suivi. Aline et ses proches, famille et amis, et surtout
son père, devenu maire (...), estiment qu'il faut accueillir ses nouveaux venus : l'aventure et
lancer (…) au début, les habitants ont éprouvé quelques peurs irrationnelles face aux
envahisseurs. L'intégration s'est finalement bien passée, puisque le maire de Fillols avait aidé
à l'accueil de ces fameux artistes. Mais avec l'élection du nouveau maire, (...), le village s'est
divisé pendant 12 ans. Malgré tout, la communauté des jeunes gens est restée très
dynamique, elle a évolué, s’est peu à peu structurée. Le Bistrot de la place est devenu le lieu
de rencontre, d'accueil de tout ceux qui, (...), avaient des difficultés, c’étaient surtout des
personnes de sensibilité libertaire, alternative, mais sans projets précis. Grâce au bistrot, des
rencontres et des projets sont nés. La communauté s’est construite sur l'importance accordée
à la relation humaine dans le but de construire ensemble : il s'agit de donner sa place à
chacun, de le considérer avec tout ce qu'il représentait, en le respectant, même dans ses
aspects négatifs. S'est ainsi imposée une communauté de tolérance et de liberté (…). Suite
au décès du maire, (…) le nouveau maire offre un local et favorise la vie communautaire. Le
festival de bande dessinée a été lancé à cette époque, en 1997. Trois ans auparavant avait
été créé le festival BD-Marionnettes. La communauté villageoise et le groupe s'entraident, par
exemple, pour garder les enfants du village. (...) Comme le dit si bien Aline : ‘ se créer soi-
même, c’est créé la Communauté’. (…), elle explique que ‘créer c'est vivre ensemble’, c'est
se réunir et partager avec le public et les créateurs extérieurs'. Depuis 2009, il se passe
quelque chose durant tous les weekends de l’été : orchestre de jazz, défilé insolite, possibilité
pour chacun de créer, concert, bal, représentations théâtrales, soirée

*1 Passage tiré du livre “les communautés libertaires Agricoles et artistiques en pays catalan 1970- 2000 de Jean-Pierre
Bonnel et Paul Gérard, page 8.
*2 Passage tiré du livre “les communautés libertaires Agricoles et artistiques en pays catalan 1970- 2000 de Jean-Pierre
Bonnel et Paul Gérard, page 126 et 127.

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cabaret, tout le village participe, où les acteurs sont des amateurs. Et puis, l’été, c’est la fête
: pendant 5 jours, (…) toutes ces manifestations ne sont que des prétextes pour que les gens
partagent et prennent conscience qu'ils font partie d'un groupe. Il faut se confronter à l'autre,
explique Aline, s'oublier un peu, partager avec autrui ; il n'y a pas d'autre ambition…’. (...)
l’esprit festif, créatif, libertaire et convivial est toujours bien vivant dans la communauté
villageoise de Fillols ! “*1
Grâce à ce témoignage, on constate que la volonté politique culturelle et artistique d’un
territoire est importante pour qu’une communauté libertaire puisse s’intégrer.

Nous allons maintenant nous attarder sur des libertaires qui ont mené, à la suite d’une vie
communautaire, une belle carrière dans le secteur culturel et artistique.
Voici le témoignage de Maurice Durozier, un homme de théâtre :
“Maurice Durozier est né à Perpignan dans un milieu libertaire. (...) sa mère, Roxane, venait
du théâtre ambulant. (...) j’étais prédestiné à m'orienter vers cet engagement. (...) Dans les
années 60, Maurice pratiquait un théâtre militant, qui réagissait à l'actualité. (...) Il fréquente
aussi les communautés d'esprit et de fonctionnement libertaires comme celle des Carboneras.
(...)Tout le monde se retrouve au Bourdigou, ‘ Lieu ouvert ’ (...) C'était le prolétariat de l'époque,
(...) même époque que le combat pour le Larzac de 1976 à 1979… (...) Maurice est un homme
de théâtre, un acteur, un créateur, un des ‘soleils du théâtre’ français actuel, qui, depuis 30
ans, travaille à Paris, avec Ariane Mnouchkine, au Théâtre du Soleil. Il poursuit l'aventure
collective de cette troupe qui joue de par le monde. Il est resté fidèle aux valeurs qu’il découvrit
dans l’enfance, (...), et dans l’adolescence, avec un engagement politique libertaire : solidarité,
communauté, défense des plus pauvres, des exilés… Cette générosité, cet enthousiasme
pour les utopies concrètes et positives, il les porte toujours au plus profond de lui-même, avec
humilité et sens du partage. (...) ‘ce fut dur de s'arracher aux amis d’ici, de Perpignan et du
quartier…’. (...) Maurice avait créé le théâtre du Vernet, il y avait tout donné à cette aventure
théâtrale.’ J’ai réussi à partir(...) à l’époque, il fallait vivre et travailler au pays ! (...) je travaille
avec une troupe qui a gardé ses valeurs de joie, du collectif. (...) il n'y a pas de nostalgie de
ma part. Je me situe dans l'esprit de générosité qui existait à cette époque, autour de 1968.
(...) *2

Nous continuons avec le témoignage de François Boutonnet, qui a fait carrière dans le cinéma
itinérant en gardant l’esprit Libertaire. J'ai rencontré personnellement François, il y a quelques
années, à côté de Perpignan, lors d’une de ses fêtes mythiques qu'il organise chaque été sur
son terrain à demi en maraichage Bio. Je ne savais pas à cette époque, qu’il avait fait partie
de ce mouvement des communautés libertaires et encore moins que j’allais cinq ans plus tard
parler de son expérience d’homme de cinéma dans mon mémoire de recherche :
“François Boutonnet ne peut exposer son itinéraire d'homme épris de culture et de liberté sans
raconter d'abord ses racines familiales : c'est en parlant de son père que l'on comprend les
engagements de celui qui a créé et anime toujours l'association ‘Cinémaginaire’. (...) Il a
influencé son fils avec son esprit libertaire, son action de résistance à la guerre (d’Algérie), et
sa lutte pour l'objection de conscience. L'esprit libertaire de François s'exprime dans la
définition qu'il donne de l'utopie, ‘ aspiration, idéal, tendu vers une société dégagée des liens
de coercition : moins d’État, ni argent ni armée’, rappelant un certain’ ni Dieu, ni maître.’(...)
Sa seconde source d'inspiration provient des situationnistes, car il propose une vision globale
de l’humanité, un rêve d'universalité. (...) En 1983, avec un petit groupe d’amis, François crée
l'association 'Cinémaginaire' Pour faire revivre le cinéma des villages : ‘ On ne peut pas parler
de vie communautaire, mais il s'agit d'un collectif, d'un groupe de copains, (...) au démarrage, il
y a l'idée de prolonger, dans l'histoire de l'art, des idées qui ne

*1 Passage tiré du livre “les communautés libertaires Agricoles et artistiques en pays catalan 1970- 2000 de Jean-Pierre
Bonnel et Paul Gérard, page 131 et 132.
*2 Passage tiré du livre “les communautés libertaires Agricoles et artistiques en pays catalan 1970- 2000 de Jean-Pierre
Bonnel et Paul Gérard, page 134 et 135.

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devraient pas être séparées du reste; il s'agit de montrer des films, (...); il s'agit de pousser à
penser, de diffuser l'aspect éducatif et révélateur de l’art, d'où des films sur la Retirada, la
frontière, la guerre…’ (...) A cinémaginaire, nous avons conservé quelques principes de
base: les 12 salariés touchent tous le même salaire horaire; la hiérarchie n'existe pas; la
direction est collégiale; le travail avec les salariés est fait d'un commun accord; c'est une
communauté de vie, de travail; nous défendons l'idée que le cinéma n'est pas que nos objets
de divertissement ou de consommation !’ En effet, cette association, installée au pays catalan,
est la seule structure, en France, qui embrasse tout le champ des images animées : création,
diffusion, production, formation, organisation de festival. Subventions (...) ne couvrent que le
quart du budget, mais aucun partenaire privé n'a été sollicité. (...) que Cinémaginaire et son
collectif, fidèles à leurs idées de partage et de solidarité puissent continuer la route ! ”
*1

Pour conclure sur cette partie voici le témoignage, de l'apport de la dimension culturelle et
artistique que donne Michel Pagnoux, habitant à la communauté artistique d’Opoul : “ En
conclusion, je dirais que cette expérience en collectivité a été positive pour moi, ce fut une
révélation. J’étais prêt pour cette ouverture d’esprit, sur l’art, la poésie, la littérature… J’ai
trouvé là une sorte de fraternité, des échanges fructueux : ce furent des années intenses,
fondatrices, enrichissantes du point de vue humain et artistique… *2

I-C-c La communauté Longo Maï.


La Coopérative européenne Longo Maï est une coopérative agricole et artisanale autogérée,
internationale, d’inspiration alternative, libertaire, laïque, rurale et anticapitaliste.
Fondée en 1973 à Limans (Alpes-de-Haute-Provence), elle regroupe aujourd'hui en réseau
dix coopératives en France, Allemagne, Autriche, Suisse, Ukraine, Costa Rica.
« D’une longue tradition à Longo Maï, où le quotidien est imprégné d'un engagement politique
fort, ouvert sur les luttes internationales et simultanément marqué par une volonté de
construire une alternative ancrée dans le local. La coopérative provençale est en effet née,
comme beaucoup d’autres, dans le sillon de mai 68. ses origines se trouvent en Autriche et
en Suisse, (...) des groupes de jeunes radicaux joignirent leur force pour mener des
campagnes et des actions spectaculaires contre, entre autres, le fascisme, le racisme et les
premières lignes de Néo-libéralisation de l'économie (...) Des jeunes de 10 pays européens
décidèrent de créer des zones expérimentales d'une Europe solidaire, pacifique et
démocratique marqué par une vie commune (sur la base de la Déclaration universelle des
droits de l'homme) et l'autosuffisance du travail dans l'agriculture l'artisanat et l'industrie (sur
une base coopérative). (...) C'est ainsi qu'un groupe de jeunes se forma autour de Roland
Perrot, dit Rémi, un Français plus âgé, fils de communiste et déserteur de la guerre d’Algérie,
au tempérament fédérateur. Il était originaire de Provence et y connaissait un berger proche
de Jean Giono, Pierre Pellegrin, grâce auquel un terrain de 300 hectares, où trônaient 3 ruines,
fut acheté : le premier village ‘pionnier’ débuta à l'été 1973. Très vite, le nom Longo Maï, du
vieux salut provençal signifiant ‘que cela dure longtemps’, fut adopté. Les principes fondateurs
du groupe étaient à l'image de l’époque : refus du salariat, rejet de toute coupure entre travail
professionnel, vie privée et engagement politique, souci d'éviter la spécialisation ; mise en
pratique d'une vision de ‘société idéale’ » *3

*1 Passage tiré du livre “les communautés libertaires Agricoles et artistiques en pays catalan 1970- 2000 de Jean-Pierre
Bonnel et Paul Gérard, page 136 à 138.
*2 Passage tiré du livre “les communautés libertaires Agricoles et artistiques en pays catalan 1970- 2000 de Jean-Pierre
Bonnel et Paul Gérard, page 8.
*3 Tiré de “les sentiers de l’Utopie” de John Jordan et Isabelle Fremeaux, Page 230

17
« Longo Maï, 35 ans, la grand-mère des communautés post soixante huitardes. Nous avons
entendu à son propos à peu près tout et son contraire : secte sous l'influence de gourou
charismatique et manipulateur, modèle de collectif radical ayant résisté à toutes les tempêtes,
Lieux de prédilection pour écrivain en quête de calme, exploitation agricole dotée d'une station
de radio libre légendaire. » *1

« Elle compte maintenant 200 membres. Longo Maï a dépassé le refus, parce qu'elle construit
et développe de nombreux réseaux de solidarité internationaux. Parce que l'utopie
s'accompagne toujours chez elle de souci du concret : la terre est devenue fertile, les
troupeaux prospères, l’école du village ouvre, la musique et les éclats de voix résonnent des
nuits entières une vraie radio libre ‘’Radio Zinzine ‘’ et diffuse une parole des plus
pertinentes. » *2

Les actions culturelles : « le retour à la terre ne signifie pas un retour à la pierre. Longo Maï a
su éviter l’écueil de bien des communautés qui ont cru que, pour faire de la poterie ou traire
les chèvres, il fallait jeter les livres au feu. (...) Longo Maï ne peut durer que s'il transmet, sans
cesse et toujours, cette impressionnante culture historique à tous ses enfants et petits-enfants
(...) Théâtre, poésie et chansons sont des instruments révolutionnaires. On peut parfaitement
manier la pioche toute la journée, tondre les moutons ou planter des courgettes, et chanter
ensuite un chant antifasciste D’Erich Müsham. José Escanez m'a dit et répété son étonnement
admiratif devant les connaissances historiques et politiques des Longomaïens. Ils en savent
plus que bien des responsables du Parti socialiste. » *3

La première activité culturelle de Longo Maï, c’est bien sûr la presse.


« Longo Maï a toujours été prolifique, on écrit, et il y a 35 ans de brochure, rapport, publication
et correspondance méthodiquement classés par thème et par année. Aujourd’hui 3
publications sont sorties régulièrement de ce bureau : l’Ire des Chênaies, L'hebdo de Radio
Zinzine, Archipel, un magazine mensuel publié en français et en allemand, et maintenant du
Forum Civique Européen, sorte de Monde diplomatique radical ; et les nouvelles de Longo
Maï, une revue trimestrielle destiné aux amis de la coopérative. » *4

L’activité artistique numéro un, c'est bien sûr Comedia Mundi.


« Troupe de théâtre ? Groupe musical ? Baladins de la Révolution héritier de Brecht ? Un
peu tout à la fois (...) Chaque spectacle donne lieu à des rencontres, des émotions partagées
qui se poursuivent en discussion et se transforment en amitié. (...) Ce que nous voulons, c’est
faire de la musique comme jadis dans les villages. Pas une musique séparée du public par
les feux de la rampe, mais une musique humaine, une musique en contact. (...) Comedia
Mundi présente également des spectacles plus complexes et politiques où alternent la
chanson, le mime et le cinéma. (...) Voici ce qu'en disent les nouvelles d'Aix-la-Chapelle : on
trouve un mélange bigarré de satire,

*1 Tiré de “les sentiers de l’Utopie” de John Jordan et Isabelle Fremeaux, Page 226
*2 La quatrième de couverture du livre Vingt ans d’utopie communautaire, Longo Maï
*3 Tiré du livre Vingt ans d’utopie communautaire, Longo Maï, page 146
*4 Tiré de “les sentiers de l’Utopie” de John Jordan et Isabelle Fremeaux, Page 234

18
de pantomime , de musique, de fiction et de vérité, de comique, de sérieux, de rêve et de
réalité, de poésie, le persiflage, de thèmes actuels tels que la xénophobie, le chômage et le
néo-nazisme, de critiques, d'humour noir, de fantaisie, de gaieté de tristesse, d’ironie; de
plaisanterie, d'espoir, de désespoir et d'utopie.(...) Longo Maï montre aux spectateurs ce
que les manuels d'histoire leur dissimulent habituellement. » *1

« C'est l'idée la plus loufoque qui l'a emporté. Devant nous s’élève, magistral, le résultat
extravagant question : un amphithéâtre de 700 places où, chaque été, une scène est
construite pour les concerts, les festivals, la célébration de l'abolition des privilèges du 4 août
1789 ou la traditionnelle fête des moissons. » *2

Radio Zinzine, s'est installée en juin 1981. C'est au milieu des chênes pubescents, une radio
en pierre qui se chauffe au soleil ou au poêle à bois.

Radio Zinzine

Radio Zinzine est une radio d'opinion, de caractère, qui tient à son indépendance financière,
refusant toute publicité, s'appuyant sur le Fonds de soutien à l'expression radiophonique, des
concerts de soutien, des collectes auprès des auditrices et auditeurs. L’histoire de Radio
Zinzine traverse celle des radios libres françaises, les multiples luttes et débats auxquels elle
s’est associée ainsi que ses sujets de préoccupation actuels. Ils émettaient du côté des Alpes
sur Briançon, et de l'autre vers Marseille, l'autorité de l'audiovisuel les a repoussés sur leur
alpage en 1991, les considérant comme trop turbulents. Il aura fallu 7 ans de bagarre et l'appui
d'amis d'Aix pour qu’ils s'installent en cette ville. Leur programmation, très musique du monde
et chansons rebelles au niveau musical, s'accompagne d'infos critiques et d'émissions
thématiques qui continuent de se diversifier, de la santé à la forêt en passant par les luttes
émancipatrices sociétales et politiques françaises, internationales et migrantes « Le studio des
émissions de la radio est tout en haut de la colline Zinzine, (...).

*1 Tiré du livre Vingt ans d’utopie communautaire, Longo Maï, page 148 à 150
*2 Tiré de “les sentiers de l’Utopie” de John Jordan et Isabelle Fremeaux, Page 228

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Nous émettons 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 depuis plus de 25 ans, et tout le monde y
participe. (...) En fait, ça donne l'occasion de partager ses intérêts : il y en a qui font des
émissions de musique, d’infos, sur la BD, les bouquins. Ça permet de garder une bonne prise
avec l'actualité et la culture, et ça donne lieu à pleins de rencontres, car beaucoup de gens
viennent pour faire des interviews, participer à des tables rondes, etc. » *1

"Le terme que j'aime bien employer c'est anarcho-bucolique, c'est sympa et parfois plus
mordant que bucolique. C'est une radio tellement indépendante qu'elle ne dépend que d'elle-
même. Que des gens qui la constituent". *2

Les fêtes : A ces fêtes commerciales, aseptisées, émasculées, Longo Maï a voulu opposer
un retour aux fêtes d'hier. Alors trois ou quatre fois par an, c’est la fête au sommet de la colline
; fête des amis de Radio Zinzine, nuit du 4 août, fête des moissons. Durant toute la nuit, on
mange, on boit, on danse, on écoute de la musique. Pas de disc- jockey, mais des groupes
musicaux de qualité : Mahaleo, ukrainiens, latino-américain ? Comedia Mundi, bien sûr (...)
Pas d'éclairage laser, mais la lune et les étoiles. (...) la fête, elle, est gratuite. C’est la fête pour
la fête, la fête pour la joie. Et si ceux qui y participent se sentent ensuite attirés, tant mieux. *3

Nous venons d’étudier dans un cadre théorique la notion de « communauté intentionnelle »


et un bref historique. Nous avons examiné ensuite quelques communautés qui ont eu une
forte dimension culturelle et artistique. Afin d’être cohérent avec la thématique de notre
mémoire, dans le chapitre suivant, nous nous intéressons à la notion de « culturel et
artistique » et ses attributs. Nous proposons notamment des réponses à cette notion de
« culturel et artistique » sous forme d’hypothèses.

*1 Tiré de “les sentiers de l’Utopie” de John Jordan et Isabelle Fremeaux, Page 236
*2 Témoignage de Noëlle, qui vit à Longo Maï, la coopérative autogérée installée à Limans depuis 1973, à l'origine de la
création de Radio Zinzine. Publié le 31/05/2021https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/alpes-
de-haute-provence/forcalquier/forcalquier-radio-zinzine-fete-ses-40-ans-2113825.html
*3 Tiré du livre Vingt ans d’utopie communautaire, Longo Maï, page 163

20
II Notion culturelle et artistique

II-A Définition de Culturelle et artistique

D’un point de vue objectif, il n’existe pas de définition universelle de la notion « Culturelle et
artistique ».

Effectivement, le dictionnaire Robert nous propose la définition de culturel comme : « Qui est
relatif à la culture, à la civilisation dans ses aspects intellectuels, artistiques. »

Comment appréhender alors la notion de culture ?


Dans un sens très général, s’inscrivant dans une perspective anthropologique, la culture
renvoie à un ensemble d’attitudes, de croyances ou de valeurs communes à un groupe social
donné, lesquelles permettent non seulement de l’identifier et de le singulariser, mais
également de lier ses membres (par exemple, une culture nationale ou religieuse).
Selon l’UNESCO, la culture désigne « l’ensemble des traits distinctifs, spirituels,
matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle
englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les lois, les systèmes de
valeurs, les traditions et les croyances ».

Dans un sens plus fonctionnel, la culture renvoie aux pratiques sociales et aux modes de
production associés aux activités culturelles, en particulier celles qui se présentent comme
artistiques et/ou récréatives.

En ce qui concerne la signification de « L’artistique », Le dictionnaire Robert le définit comme


« Qui a rapport à l'art ou aux productions de l'art »

Mais alors qu’est-ce que l’art ?


L’art regroupe les œuvres humaines destinées à toucher les sens et les émotions de celles et
ceux qui les contemplent. Toutefois, il existe des divergences sur la définition de l’art, d’autant
plus lorsqu’elle se veut précise.

On pourrait alors définir la notion de « Culturel et artistique » comme toutes les activités liées
à la pratique, la création, la production, la distribution ou la consommation dans le domaine de
l’art.

Pour y voir plus clair, une classification officielle des arts est apparue au 21e siècle, proposant
au moins 10 arts :

• 1er art : l’architecture. Le Cube Vert à Lyon, siège social d’Euronews, signés par les
architectes Jacob et Mac Farlane, est un exemple d’une architecture futuriste au
service du développement durable
• 2e art : la sculpture comme « L'Homme du futur » de César, place Tolozan, à Lyon
• 3e art : les « arts visuels », qui regroupent la peinture et le dessin comme le tableau
« Devolved Parliament » du street-artiste militant Banksy
• 4e art : la musique comme le morceau « La fin de leur monde » du groupe de rap I AM
• 5e art : la littérature, qui regroupe la poésie, les romans et tout ce qui se rattache à
l’écriture. Le roman engagé et poétique « Les Furtifs » d’Alain Damasio en est un bon
exemple
• 6 e art : les « arts de la scène », qui regroupent la danse, le théâtre, le mime et le cirque
tel que le « Cirque Plume » qui fut l'un des pionniers du « nouveau cirque » festif,
engagé et rêveur.

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• 7e art : le cinéma (dans lequel on inclut de manière générale le long métrage et le court
métrage, mais aussi d'autres œuvres audiovisuelles comme les séries télévisées et
téléfilms dont les exigences dans la mise en scène et le scénario se rapprochent de
celles du cinéma au sens strict). Nous pouvons citer le chef d'œuvre du cinéma
"Baraka" de Ron Fricke qui est un spectacle magnifique, à la fois, sonore, visuel, coloré
et écologique
• 8e art : les « arts médiatiques », qui regroupent la radio, la télévision et la
photographie. Par exemple, Sebastiao Ribeiro Salgado mènera plusieurs reportages
photographiques avec notamment MSF et UNICEF
• 9e art : la bande dessinée. Nous pouvons nommer l’auteur de bande dessinée
Alessandro Pignocchi et son « Petit traité d'écologie sauvage ».
• 10e art : les jeux vidéo et le multimédia tel que Jaha Koo, performeur engagé et
créateur d’un théâtre multimédia

De nos jours, rien n’est officiel dans cette classification, c’est une liste qui évoluera encore et
encore. Prenons l’exemple de l’art thérapie qui est une pratique de soin fondée sur l'utilisation
thérapeutique du processus de création artistique. Il existe une grande diversité de pratiques
artistiques dans l’art thérapie, les plus communes sont la musique ou la musicothérapie, le
dessin, la peinture, la danse, le cinéma, l’écriture, la lecture et le théâtre mais les thérapeutes
font également appel à la calligraphie, à la photographie, à la poterie, etc…
Nous pouvons aussi mentionner le Yoga qui a été inscrit en 2016 sur la Liste représentative
du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Ne pourrait-on pas alors affirmer que l’art thérapie, le Yoga ou même l’art brut ou bien même
l’art visionnaire, sont des pratiques artistiques qu’on pourrait rajouter à la classification des
arts ci-dessus ?
Nous les rajoutons dans la classification des arts car ces pratiques sont, assurément, à la
frontière de l’art et du développement personnel. La frontière est en effet très fine.

Dans la pratique, les activités culturelles et artistiques consistent aussi à visiter des centres
culturels institutionnels ou privés telles que les musées, les sites historiques et archéologiques,
les bibliothèques, les médiathèques, les théâtres, les cinémas, les salles de concerts, les MJC,
et aujourd’hui les écolieux qui ont une forte dimension culturelle et artistiques.
Les activités culturelles et artistiques consistent également à participer à des festivals, des
spectacles de rue comme « Chalon dans la rue », des concours de danse comme « la
Biennale de la danse de Lyon », etc…
« Le montant et la distribution des dépenses de consommation culturelle n’apportent qu’un
éclairage très partiel sur les pratiques culturelles concrètes des individus et des groupes, qui
n’incluent pas seulement des activités de consommation marchande. Par pratiques culturelles,
on entend généralement l’ensemble des activités de consommation ou de participation liées à
la vie intellectuelle et artistique, qui engagent des dispositions esthétiques et participent à la
définition des styles de vie : lecture, fréquentation des équipements culturels (théâtres,
musées, salles de cinéma, salles de concerts, etc.), usages des médias audiovisuels, mais
aussi pratiques culturelles amateurs » *1 comme des ateliers, les stages et les formations.
Même si les activités culturelles et artistiques sont liées à la créativité, l’art est différent du
travail dans le sens où l’activité artistique est assimilée à la liberté et au plaisir. Elles ont aussi
d’autres finalités comme enrichir la culture personnelle, favoriser le lien social et la convivialité,
c’est-à-dire dans le contact avec les autres, ou dans l’échange avec des artistes. Les artistes,
comme l'écrivait Sénèque, « ont l'art de cultiver le beau pour dire le vrai ». En effet, l’art permet
aussi d’éveiller la curiosité intellectuelle, le développement de l’esprit critique et l’affirmation
des points de vue.
*1 Tiré de Sociologie des pratiques culturelles (2010) de Philippe Coulangeon : https://www.cairn.info/sociologie-des-
pratiques-culturelles--9782707164988-page-3.htm

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Notamment en France, impulsées par l’État via les ministères chargés de la Culture et de
l’Éducation nationale et leurs services déconcentrés (Drac et rectorat) et mises en œuvre en
partenariat avec les collectivités locales (institutions culturelles et associations socio-
culturelles) ainsi que les enseignants et les artistes, les activités culturelles et artistiques
participent au développement de compétences sociales, cognitives et émotionnelles chez
l’enfant, le jeune et l’adulte.
Nous constatons qu’une sortie culturelle ne se résume pas seulement à visiter un musée ou à
assister à un spectacle. Il peut aussi s’agir de participer à un forum, une projection, une
conférence, un débat ou une exposition autour des enjeux climatiques et de la transition
écologique et solidaire par exemple.
Comme le dit Phylicia Rashad, chanteuse, actrice et productrice afro-américaine : « Avant
même de savoir parler, l'enfant chante. Avant de savoir écrire, l'enfant dessine. A peine arrive-
t-il à se mettre debout, qu'il danse. L'art est au fondement même de l'expression humaine. »
La dimension culturelle et artistique est innée à l’être humain et fondamentale à la société car
il contribue à façonner un monde plus humain. De mon point de vue, les créateurs et les
artistes ont pour vocation d’attirer l’attention du public à se poser des questions sur son
environnement et à réfléchir sur ce celui-ci. Grâce à la dimension culturelle et artistique, la
société va comprendre et avoir un regard plus poussé sur son quotidien. Il va faire naître une
certaine gêne chez les observateurs dans ses relations avec l’univers. L’art va engendrer des
émotions chez ces derniers. A travers son art, l’artiste va essayer de faire comprendre au
spectateur son interprétation de l’univers. Dans son œuvre, l’artiste va faire apparaître souvent
son vécu et il va chercher parfois à représenter ce que la société signifie pour lui, ce qu'il y
voit, « L’art paléolithique confirmerait même que, dès son origine, la fonction première de l’art
serait de représenter le réel ! » *1
Autrement dit, le créateur va raconter ses expériences personnelles et des faits dans la société
à travers son art quel que soit la nature de celui-ci tel qu’une chanson, poème ou peinture.
Cependant, l’artiste crée des œuvres afin de se libérer dans une démarche désintéressée. Il
le fait d'abord parce que c'est un besoin mais aussi car c'est son métier. Le regard du
spectateur est à la base du succès de l'œuvre, il fait son succès ou non, mais pas sa réussite.
Le regard du spectateur apporte la reconnaissance ou non, mais l'artiste ne cherche pas la
reconnaissance. Il y aura toujours des gens qui aimeront et comprendront les tableaux blancs
et ceux qui ne l'accepteront pas.

II-B Hypothèses de la notion culturelle et artistique

En pleine période de confinement, lors d’une performance sur un marché de fruits et légumes,
à Lyon, avec la Brigade Activiste de Clown-e-s de Lyon (BAC69) dont je fais partie comme
clown et coordinateur, j’avais écrit ce petit texte que l’on distribuait aux passant-e-s et qui
précise bien, pour moi, le rôle fondamental de l’artiste dans le cadre de mon mémoire : « Pour
nous, faire les clowns, c'est notre vie. Nous interdire de le faire, c'est nous enlever une partie
de nous-même. Notre passion, qui est parfois notre métier, apporte de la joie, du bonheur, et
rend la vie plus belle au gens. La nourriture « de première nécessité » de l’esprit et du cœur
est aussi essentielle que celle du corps ». *2

Alors pour nous, que les activités culturelles et artistiques soient visuelles, débattues,
d’apprentissage, Individuelles ou de groupe, belles, laides, dramatiques, comiques, dans
l’espace public ou à l’intérieur, de désobéissance civil, amateur ou professionnelles, militantes,
de développement personnel, participatif, corporel ou énergétique, spontanées, spirituelles,
anonymes, bizarres, destinées au grand public ou à un public restreint,

*1 Tiré de « L'origine de l'art » de Michel Lorblanchet https://www.cairn.info/revue-diogene-2006-2-page-116.htm


*2 https://www.facebook.com/2184823075102261/videos/762814831260559

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monumentales, cachées, impromptues, faites avec une simple bombe de peinture ou avec
des grands moyens, du 1er ou du 7 e art, qu’importe ! Ce qui nous intéresse dans le cadre de
ce mémoire est le sens profond de ces activités culturelles et artistiques. Nous proposons donc
deux grandes fonctions que l’on donne à la notion d’« Activités culturelles et artistiques »
détaillés en rôles qui serviront d’hypothèses à notre mémoire :

1/ Que ce soit pour les membres de la communauté/Collectif de l’écolieu et pour les


bénéficiaires, dans un premier temps, lors des pratiques de création individuelles et
collectives, nous entendons par « Activités culturelles et artistiques » celles qui ont pour
fonction un rapport avec soi-même, le corps, l’esprit et le cœur.

-Celles qui sont une source d’enrichissement personnel, de joie et de bonheur


-Celles qui stimulent nos émotions, qui réduisent notre stress et notre anxiété.
-Celles qui favorisent notre persévérance, et par conséquent notre confiance et notre
réalisation de soi.
- Celles qui nous donnent une vitalité physique, qui développent nos habiletés motrices fines,
nos capacités sensorielles visuelles, auditives et tactiles.
- Celles qui nous permettent d’accéder au calme, à la paix, à la concentration et à la relaxation.
-Celles qui nous guident vers un développement personnel ou vers plus de spiritualité, c’est-
à-dire celles qui nous rapprochent de notre nature essentielle, de notre « Moi profond » et qui
nous rendent meilleurs.
- Celles qui qui nous délivrent et qui nous aident à nous évader du réel, des réalités
écologiques, sociales et humaines, tel un exutoire.

2/ Dans un second temps, au cours d’événements qui reposent sur la rencontre d’un public
avec l’offre culturelles et artistiques, nous entendons par « Activités culturelles et
artistiques » celles qui ont pour fonction d’établir un trait d'union entre soi-même et l’autre et
également avec son environnement.

-Celles qui sont une source de partage, de convivialité, de lien et de cohésion sociale.
-Celles qui nous aident à mieux communiquer afin de mieux s’ouvrir aux autres.
-Celles qui nous aident à nous dévoiler, et à affirmer notre personnalité à l’autre
-Celles qui nous permettent d’interpréter ce que l’on voit, de traduire ce que l’on ressent, et de
le comparer avec la perception des autres dans un esprit critique.
-Celles qui offrent la possibilité de trouver nos pairs, nos âmes complices, dont les goûts et les
émotions rejoignent les nôtres et avec lesquels nous nous sentons des affinités fortes.
-Celles qui nous permettent de goûter aux rêves d’autrui.
-Celles qui développent notre ouverture au monde, notre tolérance et un respect à l’autre et
au vivant.
-Celles qui changent notre perception du monde, nous proposent de nouveaux imaginaires ou
utopies.
-Celles qui nous offrent une prise de conscience.
-Celles qui nous servent à nous mobiliser et à protester contre les injustices.
-Celles qui sont moteurs dans la réalisation de nos défis sociaux, économiques et écologiques
de notre époque, c’est-à-dire dans la construction d’une humanité plus éclairée.

Cette liste de rôles que nous donnons à la notion d’« Activités culturelles et artistiques » n’est
pas exhaustive mais elle va nous servir de base pour tenir ensuite un propos sur le rôle des
activités artistiques et culturelles dans les écolieux.

L’intellectuel indien Rabindranath Tagore (Prix Nobel de littérature en 1913) m’inspire


énormément. Effectivement, il ne fait que confirmer les deux fonctions que nous donnons ci-
dessus à la notion d’« Activités culturelles et artistiques », dans un rapport avec soi-même et
avec autrui.

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Dans son livre « Une école sans murs », Tagore qui était à la fois poète, compositeur, écrivain,
dramaturge, peintre et philosophe, dresse une proposition d’éducation dans laquelle, l’art,
l’initiative individuelle, la nature et le cosmopolitisme occupent une place centrale. Sa pensée
me semble être toujours aussi convaincante ; pour résumé, il disait : « ‘’ Sitôt que nous
comprenons et aimons une œuvre, peu importe sa provenance, elle devient nôtre. Qu’on me
laisse y goûter sans m’empêcher de penser que toutes les gloires de l’Humanité sont à moi ‘’.
Il pense qu’il est possible de réunir toute l’Humanité autour de ce que chacun a à apporter de
mieux : la culture, le savoir, la création. Cela aussi, me semble remarquable. (…) Pour Tagore,
l’art est absolument central et voici pourquoi : les êtres humains sont une espèce qui dispose,
une fois comblée les besoins de base, d’une grande quantité d’énergie encore disponible.
C’est ce qu’il appelle le ‘’Surplus’’. Il pense que la pratique des arts est une des meilleures
façons d’utiliser ce surplus pour se découvrir soi-même et autrui. Voilà pourquoi il place la
danse, la musique, le chant sur un piédestal, car il pense que c’est ainsi que les gens vont de
manière harmonieuse à la rencontre d’autrui. Cet argumentaire est rarement entendu. Sur les
questions d’art, il est davantage question de la place qu’on lui fait en réfléchissant à la question
de savoir si c’est mieux de le faire pratiquer ou de le faire apprécier ? Lui aborde la question
totalement différemment, puisque c’est devenir humain que de pratiquer les arts. » *1

Nous venons d’étudier d’une manière objective la notion de « culturel et artistique ». Nous
avons également défini d’une manière plus subjective la notion de « culturel et artistique » en
proposant des réponses à cette notion sous forme d’hypothèses. Toutefois, notre étude ne
s’est pas encore intéressée aux apports de « L’art et la culture » sur l’humain et sur notre
société. Grâce à des interviews semi directif d’artistes d’horizons différentes, nous
développons cette étude en y apportant la preuve concrète de ce que nous souhaitons
avancer. Voyons désormais comment « L’art et la culture » peuvent avoir des bienfaits sur la
santé humaine.
*1 Tiré de l’article de la relève et la peste du 17 mai 2021.Discussion entre le journaliste Matthieu Delaunay et le
pédagogue québéquois Normand Baillargeon :
https://lareleveetlapeste.fr/rabindranath-tagore-nous-montre-quon-ne-seduque-pas-seul-mais-avec-les-autres/

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II-C L’art et la culture : Bienfaits sur la santé

Pierre Lemarquis est un neurologue Français reconnu, membre de la Société française de


neurologie, diplômé de médecine chinoise et attaché d'enseignement à l'université de Toulon.
Il s'intéresse en particulier aux liens qui existent entre le cerveau et la musique, et l'impact de
la musique sur les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

Dans son essai, « L’Art qui guérit » *1, il retrace, depuis la préhistoire jusqu'à nos jours, l’impact
de l’art et de la culture en général, sur notre santé et notre capacité à surmonter la vie à tous
les âges. Si les philosophes ont les premiers pressenti l'impact du beau et de l'art sur le cours
de notre existence, sur notre humeur, notre état d'esprit et notre santé, leurs thèses sont
désormais confirmées par les neurosciences, qui nous révèlent comment notre cerveau et,
par-là, notre corps entrent en résonance avec la création artistique sous toutes ses formes.
Par le biais de cet exutoire et par leur créativité, les artistes proposent au public leur perception
de la réalité. Il appartient à celui-ci de s’en saisir, et, selon sa sensibilité, ses goûts et sa culture,
de les réinterpréter et de se les approprier. Ainsi l’art et la culture éveille les sens, engendre
des émotions, il permet aussi d’affûter la perception et l’esprit critique. On sait aujourd'hui
comment l'art sculpte et caresse notre cerveau et s'avère indispensable à notre vie. Tuteur de
résilience, il élargit aussi notre vision du monde et nous métamorphose dans un processus de
guérison, voire de renaissance.

Il affirme : « …Une œuvre d’art s’adresse aux deux facultés de notre cerveau, elle le sculpte
en lui faisant découvrir ce qu’il ne connaît pas. Elle le caresse en lui procurant plaisir et
récompense. Ce phénomène a beaucoup été étudié en musique, et nous avons démontré qu’il
opère également dans le champ des arts visuels. » *2. L’une des expériences menées pour ce
faire a consisté à quantifier et à mesurer les réactions d’un visiteur de musée – son rythme
cardiaque, sa sudation –, face à une œuvre qu’il observe.
Les neurosciences se sont penchées sur la question : que se passe-t-il dans notre cerveau
lorsque nous contemplons une œuvre d’art ?
Si elle lui plaît, son stress diminue, car sa production de cortisol (l’hormone utilisée pour se
réveiller le matin et se mettre en action) ralentit. Le cœur bat moins vite, le corps se détend,
tandis que le cerveau (du plaisir et de la récompense) sécrète de la dopamine (l’hormone de
la joie de vivre et la même hormone présente dans l’état amoureux !). Une étude menée par
des neurobiologistes à Londres en 2012 examine des volontaires en train de contempler des
œuvres de grands maîtres. Elle démontre de façon irréfutable combien l’art stimule nos
émotions intimes et profondes.

Plus encore, les endorphines (qui procurent l’impression de bien-être) et l’ocytocine (hormone
de l’attachement et de l’amour) – à propos de laquelle il a été démontré qu’elle peut être
produite lors d’une écoute musicale – pourraient, par extension, faire partie de l’arsenal
chimique qui se déploie en nous face à une œuvre d’art.

« L’empathie esthétique » *3, autrement dit l’amour de l’art, répond à des mécanismes
neurologiques « On parle beaucoup d'empathie, mais la première fois que le terme a été
employé, au milieu du 19ème siècle, c'était une notion d'esthétisme. C'est la façon dont on
rentre dans une œuvre d'art et dont elle rentre à l'intérieur de nous. On voit comment elle voit
le monde, et inversement elle nous transforme. Un processus capturé avec plus de concision
par la langue allemande : Einfühlung, le ressenti de l'intérieur »

*1 « L'art qui guérit » de Pierre LEMARQUIS aux éditions HAZAN, 4 novembre 2020
*2 Article du journal « Le Monde » publié le 22 octobre 2020 : « Quand la science prouve que l’art fait du bien. »
https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/10/22/quand-la-science-prouve-que-l-art-fait-du-bien_6056952_3246.html
*3 « L’empathie esthétique. Entre Mozart et Michel-Ange » de Pierre LEMARQUIS aux éditions Odile Jacob, 2015

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Ces découvertes ont trouvé diverses applications et nombre d’initiatives en France ont déjà
porté leurs fruits. L’association L’Invitation à la beauté par exemple, fondée par la psychologue
Laure Mayoud et présidée par Pierre Lemarquis, regroupant scientifiques, soignants et
artistes, s’est vu accorder le patronage de l’Unesco pour ses recherches à l’échelle cellulaire,
neurologique, psychologique et sociale. Le rapport de l'OMS du 11 novembre 2019 *1 confirme
l’intuition du neurologue, Pierre Marquis, et affirme que l'art peut être bénéfique pour la santé,
tant physique que mentale. En effet, ce rapport analyse les éléments de preuve tirés de plus
de 900 publications, dont 200 examens couvrant plus de 3 000 autres études. Il représente
l’examen le plus complet des bases factuelles sur les arts et la santé à ce jour.
Ce rapport examine les bienfaits pour la santé dans cinq grandes catégories : les arts de la
scène (musique, danse, chant, théâtre, cinéma), arts visuels (artisanat, design, peinture,
photographie), littérature (écrire, lire, se rendre à des festivals littéraires), culture (fréquenter
des musées et des galeries, assister à des concerts, théâtre) et les arts en ligne. Plus
précisément, les experts ont étudié les activités artistiques qui visent à promouvoir la santé et
à éviter qu’elle ne se détériore, ainsi qu’à gérer et soigner les problèmes de santé physique et
mentale et à faciliter les soins palliatifs. Leur principale conclusion : du stade gestatif jusqu’en
fin de vie, les arts peuvent avoir une influence positive sur la santé. « Par exemple, les jeunes
enfants auxquels les parents lisent une histoire avant le coucher ont de plus longues nuits de
sommeil et une meilleure concentration à l’école. Chez les adolescents vivant en milieu urbain,
une formation théâtrale dispensée entre camarades peut faciliter une prise de décisions
responsables, renforcer le bien-être et limiter l’exposition à de la violence », indique l'OMS. Ce
rapport émet des considérations concernant les politiques à mener, à l’intention des décideurs
dans le secteur de la santé ou en dehors de celui-ci, telles que :

• Veiller à ce que des programmes « d’art pour la santé » existent et soient accessibles
au sein de la communauté ;
• Aider les organismes artistiques et culturels à intégrer la santé et le bien-être dans leur
travail ;
• Promouvoir une sensibilisation du public aux bienfaits potentiels de l’art pour la santé
• Inclure les arts dans la formation des professionnels de santé ;
• Introduire ou renforcer les mécanismes par lesquels les établissements de santé ou
d’aide sociale prescrivent des programmes ou des activités artistiques ;
• Investir dans des études supplémentaires portant en particulier sur un recours accru à
des interventions dans le domaine de l’art et de la santé, et sur l’évaluation de ces
dernières.

En définitive, la culture et l’art parlent à tous, la science l’a démontré. Que sa perception soit
sensible, chimique ou cognitive, il se ressent et se vit. Il est démontré que la pratique d’activités
artistiques a plusieurs avantages, tant sur le plan physique qu’intellectuel. *2
En effet, sur le plan intellectuel, elles favorisent :

• L’autodiscipline, la persévérance, la volonté et la détermination ;


• Les capacités d’apprentissage et la force mentale ;
• Les capacités de mémoire ;

*1 Rapport de l’OMS du 11 novembre 2019 « Quelles sont les bases factuelles sur le rôle des arts dans l’amélioration de la
santé et du bien-être ? (Version Anglaise)
https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/329834/9789289054553-eng.pdf
*2 https://www.helloasso.com/blog/pratiquer-une-activite-culturelle-et-artistique/

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• Les capacités d’élaboration mentale (représentation mentale, idées et association) et
les capacités d’imagination ;
• Le développement de l’esprit critique ;
• L’écoute de ses ressentis corporels ;
• L’affirmation dans ses qualités et ses préférences ;
• La confiance et l’affirmation de soi ;
• La communication verbale et non verbale ;
• La réduction du stress et de l’anxiété.

Sur le plan physique, les activités artistiques permettent de :

• Prendre conscience de son corps et de sa respiration ;


• Avoir une meilleure posture et développer la coordination ;
• Avoir de la vitalité, du dynamisme et de la relaxation ;
• Accéder au calme, à la paix et à la relaxation ;
• Développer les habiletés motrices fines ;
• Développer les capacités sensorielles visuelles, auditives et tactiles.

Outre, ces avantages, les activités artistiques permettent également de :

• Vaincre la timidité ;
• Sortir de la solitude ;
• Mieux communiquer et s’ouvrir aux autres ;
• Exprimer ses sentiments et maîtriser ses émotions.

Les artistes interrogés sont unanimes avec les conclusions de ce rapport de l’OMS « L’art peut
être bénéfique pour la santé, tant physique que mentale ». Le Jazzman Camille Thouvenot
dit d’une manière assez générale : « Je ne peux qu’approuver cette conclusion, je le pratique
d’ailleurs au quotidien sur moi-même et cela me fait le plus grand bien ! ». (Annexe 2)
L’illustrateur urbain RNST va plus loin sur l’aspect mentale, il dit « s’il n’y avait pas de l’art et
de la culture, on serait au-delà, même pire que des animaux. On ferait sérieusement des
névroses. » (Annexe 3). Lindsy, organisateur d’évènement culturel de l’association « Graines
électroniques » quant à lui approuve le bienfait physique de l’art et de la culture « physique,
moi je le vois bien parce que j’ai l'habitude d'aller danser jusqu’à 4h du matin, ça tient un peu
la forme » (Annexe 4). Pour conclure sur cette partie, nous citerons Patricia Buffet, artiste
clowne qui formule cette jolie phrase : « L’art et la culture sont essentiels, c'est la nourriture de
l'âme. » (Annexe 5)

Nous avons mis en exergue que « L’art et la culture » ont des bienfaits sur la santé humaine.
Nous allons nous intéresser dès lors à « L’art et la culture » comme vecteurs de cohésion
sociale.

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II-D L’art et la culture : Vecteurs de cohésion sociale

Après plusieurs recherches, nous pouvons constater que l’art et la culture jouent un rôle
essentiel dans le développement d’une conscience critique et d’une attention à l’autre qui sont
des éléments fondamentaux, non seulement de l’émancipation de chacun mais aussi de la
démocratie et de la cohésion sociale. C’est incontestable, le ministère de la culture, lui-même,
a par exemple pris conscience de cette évidence en menant une politique de développement
culturel à destination des territoires ruraux : « La politique de développement culturel menée
par le ministère de la Culture en faveur des territoires ruraux vise à corriger les déséquilibres
territoriaux, à favoriser l’accès à la culture pour tous, à assurer la cohésion sociale et à
renforcer l’attractivité des territoires. » *1
À l’époque de années 2000 dans le département du Vaucluse, mon expérience
professionnelle, dans le secteur artistique et culturel a transformé littéralement mon rapport au
monde. J’en parle d’ailleurs dans l’entretien que j’ai avec l’artiste RNST, au sujet de
l’expérience professionnelle commune qu’on a eue au lieu culturel « Akwaba » : « Les
premiers temps quand on a ouvert le lieu et qu’on a monté des concerts, c’était tellement
gratifiant de voir le public, les gens qui discutaient entre eux et de voir que nous aussi on
échangeait avec le public et les artistes, y avait tout un lien social. On était dans une forme
d’osmose. ». J’ai pu ainsi constater que la musique a une portée qui dépasse le cadre culturel
car elle sert la cohésion sociale. Sur ce sujet RNST répond : « Bien sûr que oui ! (Que l’art et
de la culture sont moteurs de cohésion sociale) ! Il n’y a pas plus belle communion que quand
tu vas à un concert par exemple. Tu le sais aussi bien que moi. Et les gens qui sont motivés
pour monter ces évènements culturels (…), c’est des cadeaux ! (…). Tu le sais car on
organisait des concerts ensemble ». Nous remarquons que ce n’est pas pour rien que
certaines Scènes de Musiques Actuelles (SMAC) ont d’ailleurs l’agrément « Entreprise
Solidaire d’Utilité Sociale ». RNST ajoute : « Mais moi, quand je fais une peinture, c’est cadeau
aussi. Dans la rue, c’est gratuit, c’est pour que les gens discutent autour et tu sais ce qu’il se
passe ?! il y en a qui aiment et il y en a qui détestent et c’est tant mieux car ça discute ».
(Annexe 3)
La plasticienne urbaine Paul Kingleur quant à elle sur ses projets collectifs artistiques, arrive
à fédérer des publics d’une mixité sociale, intergénérationnelle et culturelle très variée. Elle a
notamment mené un projet intergénérationnel d’art postal. Elle a proposé à l’école des villages
d’envoyer du courrier aux personnes âgées, décoré par les enfants qui racontent leurs
souvenirs de vacances. Elle a demandé en contrepartie aux personnes âgées des maisons
de retraite de faire la même chose mais avec leurs souvenirs de vacances de quand ils étaient
jeunes. Elle raconte : « C’est un mélange, un échange de courrier ou les anciens écrivaient
aux enfants et les enfants aux anciens. Une exposition a été mise place et tout le monde s’est
rencontré, ça a créé des liens. Maintenant, ils le font chaque année. Pour moi ce sont des
petites choses qui servent à décloisonner, à fédérer. » (Annexe 1)
Nous constatons donc que les arts en général sont aussi les vecteurs de partage, de dialogue
et de paix.
L’art est vecteur de cohésion sociale et il façonne des villes et des espaces et réussit parfois
à les rendre bien plus vivants. Des villes se sont transformées en accueillant des festivals. Des
villes ont été revivifiées par la création et le développement d’un festival.

*1 https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Developpement-culturel/Le-developpement-culturel-en-
France/Culture-et-Monde-rural

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« Les festivals (…) ne constituent plus des temps de rupture, de détournement de l’ordre social
; bien au contraire, sous le registre festif où sont étroitement entremêlés fêtes et festivals, la
recherche est celle de la cohésion ou de la mise en spectacle de la cohésion sociale, offrant
ainsi à la société l’image inverse de la fracture et du délitement du lien social. » *1

Pour preuve, en 2020, le Pôle de coopération pour les musiques actuelles en Pays de la Loire
sort une étude pour évaluer l'utilité sociale des festivals de musiques actuelles et les résultats
sont unanimes : « L’ensemble des données recueillies nous a permis d’observer différentes
dimensions de l’utilité sociale identifiées collectivement avec les festivals : la diversité
culturelle, l’engagement sociétal, la construction de soi et du collectif, la gouvernance et
l’impact économique et territorial. » *2

L’exemple le plus approprié reste le festival de Jazz de Marciac qui a transformé son territoire.
En effet, Le festival « Jazz in Marciac » joue un rôle majeur pour le département du Gers,
touché comme l’Ariège par le phénomène de désertification rurale. Au-delà du bénéfice
économique ponctuel que retirent de nombreuses entreprises locales de l’afflux considérable
de visiteurs, le festival « Jazz in Marciac » participe à la cohésion sociale du territoire en
s’inscrivant dans une démarche globale de démocratisation culturelle et contribue à offrir des
perspectives pour la jeunesse. L’association qui gère le festival programme des événements
culturels tout au long de l’année. De plus, en lançant des formations de musique Jazz au
collège de Marciac, rebaptisé Aretha Franklin, l’association a largement contribué à améliorer
l’attractivité de l’établissement, qui se trouvait en déclin et menaçait de fermer. Le collège, qui
s’est doté d’une section jazz, attire désormais des élèves venus de tout le département et
même bien au-delà. « Notre collège est arrivé à un effectif d’à peine une centaine d’élèves à
l’époque et était menacé de disparition. Pour le sauver, nous avons lancé un enseignement
musical autour du jazz dès la sixième, entièrement gratuit. En quelques années, l’effectif de
l’établissement est monté en flèche : à 230 élèves, nous avons pu assurer sa pérennité (…)
». *3

Même les festivals de musique électronique comme celui de l’association « Graines


Electroniques » : « OPEN AIR Graines Electroniques » à Lyon, travaille sur « l’inclusion des
publics » comme ils se plaisent à dire, c’est-à-dire à inclure le plus possible les minorités dans
leur programmation comme des femmes minoritaires généralement dans ce secteur et dans
leur public. C’est à dire en y intégrant les communautés lesbiennes, gays, bisexuelles, trans
(LGBT), en facilitant l’accès aux « Personnes à Mobilité Réduite » (PMR), en pratiquant
notamment une politique de prix qui donne accès aux plus démunis, et en travaillant avec
l’association Singa qui est un mouvement citoyen international visant à créer du lien entre
personnes réfugiées et migrantes et société d’accueil. Oriane explique le concept « sur
l'initiative de Singa qui s’appelle Buddy : c'est des binômes avec une personne réfugiée et
une personne locale, et ils sont en binôme bénévoles sur des événements, sur des festivals. »
Oriane nous apprend d’ailleurs « qu’on voit beaucoup de blancs quand même » dans les
festivals de musique électronique, mais qu’il y a quand même actuellement une tendance pour
que « justement, (…) les minorités, aussi raciale, (…) puissent aussi se sentir

*1 https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2005-3-page-265.htm
*2 https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/pays-loire-etude-evaluer-utilite-sociale-festivals-musiques-
actuelles-1857876.html
*3 https://www.francemusique.fr/savoirs-pratiques/du-jazz-au-college-marciac-un-exemple-unique-du-jazz-comme-outil-
d-epanouissement-36111

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à l'aise. » grâce à des initiatives artistiques tels que « Décoloniser les Dancefloors » *1 ou
« Décoloniser la culture » *2 (Annexe 4)

Les arts de la rue sont aussi un outil très puissant de cohésion sociale. Apparus dans un
contexte particulier, en plein mai 68 et peu de temps après la naissance du ministère de la
culture en 1959, certaines compagnies de théâtre telles que le « Théâtre de l’unité » ont eu
cette volonté de « décloisonner » le monde du théâtre, jusque-là réservé à une élite, et de
conjuguer art et préoccupations sociales : « La petite troupe du « Théâtre de l'Unité » a été
parmi les toutes premières à promouvoir le théâtre de rue, dès le milieu des années 70.
Mieux, compagnie permanente du Centre d'Action Culturel (CAC) de la ville nouvelle de
Saint-Quentin-en-Yvelines de 1978 à 1986, ses membres ont eu tout le loisir d'expérimenter
les mille et une manières de « toucher à la fois le notaire, le charcutier, le fonctionnaire et les
jeunes des quartiers ». *3
Dans les années 1980, le Festival international de théâtre de rue à Aurillac (du 16 au 20
août) ou Chalon dans la rue (du 20 au 24 juillet) sont nés de cette préoccupation sociale.
Ces festivals populaires qui rassemblent près de vingt disciplines (théâtre, danse, cirque…),
représentent un outil de cohésion sociale. L’accès libre permet le rassemblement et aussi la
rencontre de toute la population, des plus jeunes aux plus âgées, des familles nombreuses
aux visiteurs en solo, des personnes en situation précaire aux plus aisées. Dans les rues, de
grands cercles se forment autour des artistes, le public ose se réapproprier l’espace public.
Le bonheur des spectateurs se lit sur leurs visages. Certains rient aux éclats, d’autres
pleurent. Les arts de la rue créent une atmosphère ambiante de synergie, mais aussi des
interactions sociales entre les artistes et les spectateurs, qui transforment l’espace public et
revitalisent la vie de quartier.
Les politiques qui prennent en compte la dimension culturelle et artistique et qui ont
conscience de ses enjeux, favorisent l’inclusion sociale, garantissent la paix, et empêchent
les tensions et conflits entre communautés, notamment chez les jeunes. « Au cours des
années 1980, sous l’impulsion de Jack Lang, alors ministre de la Culture, de nouvelles
esthétiques bénéficient d’un soutien public. Une approche différente des relations des
populations avec l’art et la culture est proposée : la démocratie culturelle devient une
stratégie pour répondre aux enjeux de cohésion sociale. » *4
Les politiques nationales, les collectivités territoriales, principalement les communes, qui
sont dotées de la compétence culturelle, ont vraiment pris conscience de l’intérêt de soutenir
le secteur artistique et culturel sous toutes ses formes. En effet, comme nous l’avons montré,
ce secteur contribue très largement à la cohésion sociale d’un territoire. Il est également
vecteur d’une image dynamique et facteur d’attractivité et par conséquent, source de
retombées économiques. C’est ce à quoi nous allons, d’ores et déjà, nous intéresser.

*1 https://gaite-lyrique.net/evenement/decoloniser-le-dancefloor
*2 https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/10/07/decoloniser-les-arts-les-blancs-doivent-apprendre-a-renoncer-a-
leurs-privileges_5366002_3212.html
*3 https://www.lemonde.fr/archives/article/1998/01/21/la-cohesion-d-une-ville-au-prix-de-l-art-et-de-la-
plaisanterie_3625159_1819218.html
*4 https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2015-4-page-64.htm

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II-E L’art et la culture : Un secteur économique essentiel

Du spectacle vivant au cinéma en passant par la musique et les arts appliqués, ce secteur
contribue grandement au développement de nombreux écosystèmes régionaux et pèse donc,
à ce titre, dans le PIB de la France depuis toujours. En 2018, pour rappel, le poids économique
direct de la culture, c’est-à-dire la valeur ajoutée de l’ensemble des branches culturelles,
s’élevait à 47 milliards d’euros. *1
En 2015, dans un rapport conjoint des ministères de l’Économie et de la Culture et selon des
calculs de l’INSEE, la culture en France équivalait à 3,2 % du PIB, soit 7 fois plus que l’industrie
automobile. Aujourd’hui, le secteur compte près de 80 000 entreprises et plus de 635 000
salariés directs. *2

En 2021, toute l’économie de l’art et de la culture vacille encore sous l’effet des restrictions
sanitaires du Covid. Aux dépens du spectacle vivant, les plates-formes de cinéma comme
Netflix occupent une place de choix. Leur essor est vertigineux : leur chiffre d’affaires
dépasserait en France 1,2 milliard en 2020, contre 851 millions d’euros en 2019, selon le
Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

Nous avons démontré dans cette partie que notre système capitaliste s’intéresse au secteur
de l’art et de la culture car il stimule fortement son économie de marché et son PIB. Mais
fondamentalement, que sait-on sur l’impact de « L’art et de la culture » sur les droits humains ?
C’est ce que nous allons maintenant étudier.

*1 https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Etudes-et-statistiques/Publications/Collections-de-synthese/Culture-
chiffres-2007-2021/Le-poids-economique-de-la-culture-en-2018-CC-2020-
2?fbclid=IwAR2QJAKoda_7A1Kq6M5C3yC6granA_D0xPlqbShvjLr-tyGht_bRNAXaxoA
*2 https://www.challenges.fr/france/en-termes-d-emplois-la-culture-pese-desormais-plus-que-l-automobile_51370

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II-F L'art et la culture : Des armes pour les droits humains

Dans cette partie, nous allons répondre à la question : Est-ce que l’art et la culture sont des
armes pour les droits humains ?

Déjà dans un premier temps, d’une manière plus globale, la Déclaration universelle des droits
de l'Homme adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1948 déclare dans son
article 27 que « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la
communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en
résultent. » et également que « Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels
découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur. ». *1 Le
premier alinéa, reconnaît le « Droit » de toute personne de prendre part à la vie culturelle et le
second alinéa consacre le besoin de protection matérielle et morale des auteurs sur leurs
œuvres.
Dans un second temps, se référant à Déclaration universelle des droits de l'homme et à la
Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle, la convention sur la protection
et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'Organisation des Nations unies
pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a adopté en 2005 un objectif général qui
vise à « Protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles ». *2
La définition des droits culturels actuellement utilisée dans le cadre des Nations unies montre
bien l’ampleur des enjeux « Les droits culturels protègent les droits qu’ont les personnes,
individuellement et collectivement, de développer et d’exprimer leur humanité, leur vision du
monde et la signification qu’elles donnent à leur existence, à travers, notamment, des valeurs,
des croyances, des convictions, des langues, des connaissances, les arts, des institutions et
des modes de vie. » *3

Dans un troisième temps, chez nous, une loi française pionnière sur la liberté artistique,
l’architecture et le patrimoine a été adoptée en juillet 2016 et stipule que « la création artistique
est libre ». *4
Nous reconnaissons que dès que l’on met en œuvre des textes et des traités énumérant les
droits fondamentaux des individus sur leur droit culturels, on place les personnes, dans leur
diversité, au cœur de ces politiques. Par conséquent, on leur reconnait donc le droit de penser,
de s’exprimer, de critiquer, de participer ou de ne pas participer, de créer ; d’accéder aux
patrimoines, de jouir des arts, et de connaître l’expérience artistique. Par conséquent, nous
constatons que l’art et la culture sont des droits parce qu’ils sont facteurs de perfectionnement
et de développement humains et de société. Comme le dit si bien FARIDA SHAHEED,
rapporteuse spéciale des Nations Unies dans le domaine du droit à la liberté d’expression
artistique et de création (2013) : « L’expression artistique n’est pas un luxe, c’est une nécessité
− un élément essentiel de notre humanité et un droit fondamental permettant à chacun de
développer et d’exprimer son humanité. ».

A travers ces droits culturels énumérés, nous observons que la liberté culturelle et artistique
est un enjeu mondial. En effet, le droit des artistes de s’exprimer librement est menacé partout
dans le monde, particulièrement là où les expressions artistiques contestent ou critiquent les
idéologies politiques, les croyances religieuses et les préférences culturelles et sociales. Ces
menaces vont de la censure (de la part d’entreprises, de groupes politiques, religieux, ou
autres) à l’emprisonnement, aux menaces physiques et même aux assassinats.

*1 https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/
*2 http://droitsculturels.org/wp-content/uploads/2012/07/Convention2005.pdf
*3 file:///C:/Users/JRMY~1/AppData/Local/Temp/NECT_002_0050a.pdf
*4 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000032854362

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Prenons l’exemple de Ai Weiwei, qui est un des artistes majeurs de la scène artistique
indépendante chinoise, à la fois sculpteur, performer, photographe, architecte, commissaire
d'exposition et blogueur, il mélange de manière provocante l’histoire et traditions chinoises à
son style contemporain et s’en sert pour militer pour les droits de l’homme, critiquer le
déséquilibre mondial du pouvoir. De ce fait, il fait de lui l'emblème de la liberté d'expression et
une cible politique en Chine. En 2011, il créé notamment une œuvre monumentale, il recouvre
le sol du « Turbine Hall » de la « Tate Modern » à Londres, avec des millions de sculptures en
porcelaine dans une installation intitulée « graines de tournesol » dont chaque graine est
réalisée à la main par 1 600 artisans et ouvriers des ateliers de Jingdezhen en Chine. Ai
Weiwei a essayé de rappeler à quel point la Chine lutte pour une place dans l'économie
mondiale au détriment de la santé et de la vie de milliers de salariés qui sont forcés de travailler
pour quelques sous. Ai Weiwei joue aussi avec une métaphore célèbre de Mao Zedong où le
peuple chinois devait se tourner vers lui comme les tournesols vers le soleil. Dès lors, il est
arrêté et détenu pendant 81 jours par le gouvernement chinois. « Du point de vue du
gouvernement chinois, un artiste qui ose parler pour les « graines de tournesol » et qui cultive
un esprit indépendant représente une menace directe contre la sécurité. » *1. Ai Weiwei
s’exprime sur son travail artistique dans un récent documentaire « Quand l’art
dérange » diffusé sur la chaine Arte : « L’art a un grand rôle à jouer dans les situations les plus
difficiles. Pour tous ceux et celles qui ont perdu la possibilité de s’exprimer ou d’agir sur le
monde. Voilà la réalité de l’art. ». : *2 Contraint aujourd’hui à l’exil, Ai Weiwei utilise désormais
sa notoriété pour dénoncer, notamment, le sort fait aux migrants.

Précisons que le terme de « L’art engagé » est très large et change selon les époques et selon
notre définition de l’engagement. Nous pouvons refaire l’histoire de « L’art engagé » mais cela
serait bien trop long. Nous pouvons seulement citer le premier tableau d’opposition à un
régime politique qui est « Le Radeau de la Méduse, de Géricault », exposé en 1819. « L’art
engagé » peut également englober un très grand nombre de formes artistiques : littérature,
cinéma, théâtre, architecture, arts plastiques, arts appliqués, musique, etc. Pour les artistes
par exemple, qui pratiquent l’art plastique, comme pour Ai Weiwei, le but n’est pas uniquement
la recherche du « Beau », mais de chercher aussi à faire passer un message, à donner du
sens, à dénoncer ou à soutenir. Ce but est assumé et souvent revendiqué par l’artiste. Le
Jazzman Lyonnais, Camille Thouvenot, interviewé, explique, entre autres, que « Beaucoup
d’artistes de Jazz ont eu ce rôle-là mais il y a maintenant plusieurs décennies, et c’étaient des
combats souvent sociaux et solidaire, et liés à des inégalités souvent raciales. On peut citer
Nina Simone, Miles Davis, John Coltrane, Sonny Rollins, Duke Ellington et bien d’autres
musiciens de cette période. (…) À l’heure actuelle, je ne sais pas trop, bien sûr il y a des
artistes de Jazz qui ont des démarches particulières qui peuvent être liées à ça, mais je ne
pourrais pas vraiment en citer. ». Dans l’histoire du Jazz aux États-Unis, cette musique a été
en effet emblématique durant la lutte pour les droits civiques. D’ailleurs, dans le dernier album
de Camille Thouvenot appelé « Crésistance », il essaie d’initier l’auditeur à la notion de « Créer
c’est résister, résister c’est créer ». Cette citation est issue d’un appel solennel lancé par des
membres du Conseil national de la résistance. Elle a été reprise par Stéphane Hessel dans
son manifeste paru en 2010 « Indignez-vous ! » qui a eu un énorme succès et qui s’est vendu
à des millions d'exemplaires. Dans cette publication, Stéphane Hessel appelle à une
« Insurrection pacifique » contre les injustices sociales et environnementales. Il est d’ailleurs
à l'origine du mouvement des Indignés occidentaux et il a inspiré le « Printemps arabe ». *3

*1 http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2011/04/14/cercle_34541.htm
*2 https://www.arte.tv/fr/videos/089996-001-A/quand-l-art-
derange/?fbclid=IwAR2Fvr2m1MFc6ICSesoirYPL2b39U8cjQdSA4WQra6C0SNPq9x92Wu5uqg
*3 https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2013/02/27/indignez-vous-mini-livre-et-maxi-
succes_1839766_3382.html

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Dans son dernier album « Crésistance », Camille Thouvenot espère que « c’est peut-être une
petite pierre à l’édifice, et si c’est le cas tant mieux. » (Annexe 2)

Pour RNST, qui se définit comme un illustrateur urbain, le milieu du graffiti et de l’art urbain
avait aussi cette vocation d’amener le public à réfléchir « Moi, j’ai vécu le graffiti des années
90 et (…) L’acte de peindre en soi était déjà une forme de rébellion. Et à l’occasion à faire
bouger les lignes (…). Maintenant, le Streets Art, c’est à la mode. A l’époque, les galeries ne
voulaient pas de nous. (…) La rue, c’était notre galerie et du coup, il y avait un secteur financier
qui s’intéressait à ça et c’est comme cela que les galeries s’y sont intéressées. (…) J’ai eu la
chance de connaitre les prémices de l’art urbain. » (Annexe 3) C’est en effet reconnu qu’une
partie du Street Art est aujourd’hui institutionnalisée et qu’elle est même entrée dans le marché
de l’art. D’après les opinions de Camille Thouvenot et de RNST, nous pouvons constater que
le Jazz et l’art urbain avaient vraisemblablement, dans le passé, beaucoup plus de vocation à
faire passer des messages de lutte et de protestations.
Pour illustrer un peu plus notre analyse, dans son spectacle de clowne « I.S.F : Igrid Sans
Frontière » qui traite de l’exil, Patricia Buffet pense que « Le clown a une puissance qui permet
de toucher aussi des tabous ». A travers sa création artistique, ce qui l’intéresse « c'était de
montrer qu'un exilé, un migrant a aussi une identité derrière, ce n’est pas juste un migrant. ».
Elle souhaite « Tout simplement que le public puisse parler de ce thème-là : De l'exil, des
migrants, des gens qui se noient. » Elle ajoute : « Le fait de faire exister l'exil dans le clown,
eh bien ça leur a permis aussi (au public) de s'en souvenir. Et ce n’est pas un thème qui passe
à la trappe des informations au bout du 10 -ème titre, dire il y a de plus en plus de morts dans
la Méditerranée, parce qu'à force de l'entendre tous les jours, eh bien, on l’oublie. Et, le fait
que ça soit dans un spectacle, que les gens viennent pour se divertir, et bien ils ne s’y attendent
pas, et j'espère que ça les marque d'autant plus. » Elle pense que les prises de consciences
des adultes passent par l’intermédiaire des enfants qui voient son spectacle : « C’est vrai qu’il
y a une scène où Igrid, la clowne, cherche ses papiers et c'est vrai que c'est un thème qui
revient beaucoup dans le spectacle. Du coup les enfants, après sortent du spectacle en
demandant à leurs parents, qu'est-ce que c'est des papiers tout simplement, des papiers
d'identité. Rien que le fait qu’ils posent des questions, oui, ça peut donner des déclics ».
(Annexe 5) Par ses dessins d’enfants masqués, de son côté, l’artiste RNST, privilégie de
toucher plutôt l’enfant intérieur des adultes pour faire passer des messages : « Les sujets que
j’utilise avec mes enfants, ils sont durs et violents. (…) ça laisse glisser un message (…) Et ça
ramène un peu aux gens qui sont spectateurs de mon travail à leur propre enfant intérieur. De
toute façon, on a tous un enfant à l’intérieur de nous. Je parle à cet enfant. Le dialogue ne se
fait pas avec l’adulte mais avec l’enfant. (…) je veux parler à l’enfant intérieur de chacun, donc
ça résonne. » (Annexe 3) Que ce soit par l’intermédiaire des enfants ou par l’enfant intérieur
des adultes, les enfants sont évidemment plus réceptifs et assimile plus facilement les
informations que les adultes, en ce qui nous concerne dans ce mémoire, les droits humains et
même les enjeux de la transition écologique. C’est une réalité que j’ai expérimentée en mission
humanitaire en Inde lors d’une campagne de sensibilisation sur les déchets plastiques. C’est
effectivement un axe important pour développer les comportements souhaités des futurs
adultes, voire influencer les parents et adultes de leur entourage.
Dans un esprit de tolérance, Patricia Buffet pense, par contre, que le secteur culturel et
artistique n’a pas l’obligation de faire passer des messages de protestation « Chaque artiste
doit s’exprimer comme il le souhaite. S'il y a des artistes qui ne souhaitent pas être engagés,
ils ne s’engagent pas. Je ne vais pas leur en vouloir, mais moi personnellement, oui c'est
comme ça que j'ai envie d'écrire, que j'ai envie de m'exprimer, j'ai envie que ça serve à quelque
chose. ». A propos de l’art qui s’engage, elle développe sa réflexion : « ça m’est toujours un
petit peu difficile de dire, une action artistique est forcément politique, je pense qu'une action
artistique, elle est forcément avec un message de l'artiste derrière, (…) on est tellement
différent, que chaque artiste a des messages différents aussi. Parce que, quand je vois des
gens qui ne se basent que sur un engagement politique, du coup l'artistique n'existe plus, ça
devient que de la politique ». (Annexe 5) A travers son interview, nous constatons que l’artiste
peut perdre son inspiration artistique à force d’engagement politique.

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Est-ce que le rôle de l’artiste est donc d’amener le public à réfléchir ? L’artiste urbain RNST
questionné sur ce point, répond : « Il y en a forcément qui font que du décoratif. Ça dépend
de ton public, de ce que tu as envie d’avoir aussi. » Mais pour lui, dans sa présentation de son
site internet, il affirme que « L’art ne doit pas être encadré. Il doit pouvoir s’affranchir de ses
cimaises pour asséner des vérités qui font barrage au politiquement correct, et proposer une
alternative à une discipline purement décorative. Selon lui, il n’y a pas d’initiative artistique
sans engagement, pas d’engagement sans action, pas d’action sans combat ». Il complète :
« Je fais juste un peu de témoignage par mes filtres à moi. J’absorbe un truc que je dégueule
derrière. (…) je donne des émotions qui ne sont pas vraiment belles mais qui donnent à
réfléchir aussi et à voir. J’aime à donner à réfléchir. L’art urbain, t’es dans la rue, C’est-à-dire
que la personne qui se prend ton image, elle se la prend gratos. Qu’elle l’ait choisie ou pas
choisie. (…) L’art urbain a un côté plus que populaire car personne ne va dans les galeries et
là, c’est ouvert à tout le monde, mais c’est surtout qu’on peut passer des messages par ce
biais-là. » (Annexe 3)
Irréfutablement, nous pouvons affirmer qu’un artiste, peu importe son art, est avant tout un
être humain. Ainsi, tout comme nous le sommes tous, il est ancré dans une société sur laquelle
il porte un jugement personnel. À travers son art, il engendre une transmission d’idées ou un
message plus direct et concret. Bien qu’un artiste doive pouvoir faire la différence entre sphère
privée et professionnelle, la frontière est parfois mince. L’artiste s’engage et se consacre
d’abord pour son art, mais il peut s’engager de manière tout à fait consciente comme dans la
mouvance de « L’art engagé » ou même parfois de manière inconsciente dans la défense
d’une cause. L’art est un moyen de faire partager ses idées au public, d’informer ce dernier,
de l’instruire. Grâce à l’art qui démontre la société et les problèmes actuels comme passés,
les interlocuteurs savent dans quelle société, dans quel monde ils vivent. L’art peut dénoncer
et faire comprendre les injustices au public. Pablo Picasso, peintre espagnol furieux contre la
guerre dans son pays, en ayant peint l’œuvre « Guernica », dénonce les horreurs de la guerre.
Tout le monde sait que cette œuvre devint un des symboles de la violence de la guerre. Cette
œuvre monumentale illustre bien l’argument qui démontre que l’art sert à témoigner, à révéler
la vérité aux spectateurs et à dénoncer des faits réels comme les violations des droits humains.
Comme nous l’avons exposé au début de ce chapitre, c’est pour cela que l’art et la culture
sont des droits reconnus. L’artiste n’a pas l’obligation d’être engagé et n’oblige personne à
suivre son point de vue. Ce qui est important, c’est surtout l’opportunité d’ouvrir des débats et
de parler de sujets sur lesquels il ne faut pas fermer les yeux. Pour qu’une société progresse,
elle se doit de se poser des questions fondamentales.

Après cette analyse, nous pouvons donc affirmer que l’art et la culture se dressent comme des
armes nécessaires pour les droits humains. Mais nous pouvons nous demander si « L’art et
la culture » peuvent contribuer à la transition écologique ? C’est ce que nous allons, dès
maintenant, étudier.

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II-G L'art et la culture : Au service de l’écologie

Nous sommes le 8 août 2021, à la veille de la publication du 6ᵉ rapport du Groupe d'experts


Intergouvernemental sur l'évolution du Climat (GIEC) prévue le 9 août. Alors que pluies
diluviennes et inondations en Europe, en Chine et en Inde, des températures records et
mégafeux en Amérique du Nord, en Grèce et en Sibérie dévastent la planète, d’autres
phénomènes extrêmes modifient déjà la vie quotidienne sur notre terre et mettent à mal
l’équilibre des écosystèmes fragiles : comme la "circulation méridienne de retournement
atlantique" (Amoc) qui est un courant marin qui joue un rôle de thermostat au niveau du climat
mondial et qui est en train de se détraquer. *1 Ce nouveau rapport du GIEC intègrera pour la
première fois un chapitre sur les événements climatiques extrêmes. L’humanité est
incontestablement maintenant confrontée au plus grand défi qu’elle n’ait jamais rencontré,
« Le changement climatique ».

Du temps et de l’énergie sont énormément investis dans la recherche des meilleurs moyens
pour mesurer nos progrès par une série d'indicateurs. Nos sociétés s'efforcent également de
contrôler leurs émissions et d'élaborer des stratégies pour s’adapter à un futur non-désirable.
Pourtant, l'ampleur et les effets à long terme du changement climatique animent souvent un
sentiment d'impuissance, d’éco-anxiété et d'injustice. Nous nous sentons désarmés face à ces
changements, alors comment maîtriser nos craintes, et orienter notre esprit et notre cœur vers
une action positive qui nous guide dans ce monde aussi complexe et changeant ?

L'art peut-il alors offrir à chacun d'entre nous, la possibilité de faire preuve de créativité dans
ces conditions difficiles ? Peut-il nous aider à imaginer un avenir différent et à avancer tous
ensemble vers un monde nouveau, plus juste et plus viable ?

L’activisme artistique en faveur de l’écologie n’est pas une tendance nouvelle. Déjà à la fin du
XXème siècle, un mouvement d’art contemporain dit « écologique » né. Il démontre une envie
de réussir là où la vulgarisation scientifique classique subit un échec : sensibiliser les publics
aux enjeux environnementaux. L’art écologique naît ainsi aux États-Unis avec le mouvement
précurseur du « Earth Art » (ou « Land Art »), apparu dans les années 1960. Les artistes
endossent alors un rôle de médiateurs, de porte-paroles de la cause écologique. Leur but
ultime est d’éveiller les consciences afin de produire un changement sociétal durable.

L’art environnemental ou l’art porteur d’un discours écologiste replace le spectateur dans sa
position de citoyen habitant le monde. En faisant appel aux sens, aux émotions, à l’expérience,
à la beauté... l’artiste ouvre une porte chez le spectateur, celle de la prise de conscience, de
la naissance de la révolte, de l’engagement.

L’artiste Andrea Bowers qui est une artiste américaine qui travaille sur différents médias, tels
que la vidéo, le dessin et l'installation s’exprime sur son travail artistique dans le documentaire
« Quand l’art dérange » émis sur la chaine Arte. Elle met son art au service de la lutte contre
l’exploitation de la planète, elle dit : « Je fais de l’art pour la révolution ». En 2020, dans un
musée en Allemagne, elle expose des plateformes pour occuper un arbre accompagné de
brochure et de documents de militantisme écologiste. Elle ne lance pas seulement des appels
à la désobéissance civile à travers son art, elle invite aussi un groupe de militants écologistes
qui mènent un combat au quotidien. Elle leur permet d’utiliser ses œuvres pour promouvoir
leur cause. Le musée devient un espace de militantisme (…) et les visiteurs du musée sont
invité à participer à une réflexion collective.

*1 https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/climat-un-courant-oceanique-majeur-de-l-atlantique-menace-de-se-
detraquer-et-c-est-inquietant_4729247.html?fbclid=IwAR1_oZRuqBo10GWaAl-e1uNrW7rjXCyGRlUo8jOnTWMNVP-
STH0W_Ac26Cs#xtor=CS2-765-%5Bautres%5D-

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Nous constatons que « l’activisme artistique » en faveur de l’écologie demeure avant tout une
prise de position politique, puisqu’il agit sur les consciences et change les mentalités. Sur ce
sujet, Nadejda Tolokonnikova des Pussy Riot déclare d’ailleurs dans le documentaire « Quand
l’art dérange » de Arte : « L’art est précieux car il permet de toucher le cœur des gens. Des
artistes comme Banksy, Ai Weiwei, changent la vie des gens. C’est l’art qui a changé ma vie,
pas la politique. Je me suis engagée en politique pour faire de l’art »

Paule Kingleur, militante écologique et artiste accomplie, se définit plus aujourd’hui comme
une plasticienne urbaine. Elle a mené des ateliers et des expositions à Paris pendant un
certain nombre d’années. Amoureuse de la nature, elle a fini par migrer en zone rurale, autour
du Village d’Apchat, dans le département du Puy-de-Dôme, en région Auvergne-Rhône-Alpes.
Elle explique dans un entretien : « l’art doit donner du sens, être beau, (…) pour attirer l’œil du
public et pour qu’il adhère à l’œuvre qui va donner de la plus-value à l’écologie. » Elle utilise
ses belles installations artistiques pour créer de la poésie dans la rue. Pour elle, la « Notion
de beauté » est très importante pour sensibiliser le public à l’écologie. (Annexe 1) Comme
l’écrivait Sénèque, les artistes ont « l’art de cultiver le beau pour dire le vrai ». Avec son
association artistique ‘Outrage de Dame’, Paule Kingleur implique les populations, pour « Faire
des choses, ensemble, collectivement ». Elle nous explique plus profondément sa manière de
s’engager pour l’écologie : « C’est une forme de lutte à travers l’art, joyeuse, pas du tout
radicale, qui n’exclut personne comme par exemple si tu n’es pas écolo…chacun avance
différent. Les personnes n’ont pas forcément la connaissance, c’est une pédagogie qui n’est
pas punitive, elle est inclusive. (…) je suis un être humain comme les autres avec mes
paradoxes, mes défauts. Je pense que c’est à partir de là qu’à travers ces échanges, il peut
se passer quelque chose, qu’on peut collectivement créer du bien-être. Quel plaisir, quelle
jubilation de défendre la vie de façon joyeuse ! C’est ma façon de militer ». (Annexe1)

Pour provoquer les sentiments des publics, à l’opposé, certains artistes comme RNST font
l’usage d’images fortes tel que sa peinture intitulée « « It’s time to save the nature » où il
représente des êtres humains, à genoux sur une terre aride, avec des masques à oxygène,
où nous distinguons, à l’intérieur, un peu de végétation qu’ils respirent d’une manière insensée
et déshumanisée. Il explique son œuvre : « L’idée c’est ça, sans la nature, tu vas crever.
L’image, elle est là, c’est l’exploitation de la nature pour survivre mais n’empêche que le jour
où il n’y a plus d’oxygène dans ta bulle, tu crèves. C’est ça l’idée de cette peinture, tu vois. Tu
fais le lien, il y a un cercle vicieux et en fait, indirectement, toi tu vas crever dans le désert et
puis tu vas fertiliser le sol et puis la plante, elle poussera quand même après toi. Il y a ce côté-
là aussi. Elle a l’air très négative, cette image, mais elle est très positive dans mon
explication. » (Annexe 3)

Paule Kingleur, quant à elle, préfère utiliser des métaphores et des images fortes et poétiques
pour parler directement au cœur des gens : Elle raconte son travail : « Il y a deux combats, en
effet, celui de combattre ces grosses sociétés qui pourrissent la planète par le militantisme
que je reconnais (…), Pour ma part, j’aime bien aller par en dessous et toucher des gens de
l’intérieur. Les deux actions sont importantes. Mon travail reflète ce que je suis, j’aime le vivant
et comment il fonctionne dans sa biodiversité. J’en suis admirative, émerveillée. J’offre en
retour de « l’émerveillement » aux gens de tout âge avec des productions artistiques et
collectives. C’est-à-dire que je transmets à l’autre mais l’autre me transmet aussi un savoir.
C’est un échange. Ce n’est pas une question d’âge car les enfants ont beaucoup de
connaissance par l’observation, par le rêve, par l’imaginaire. Et cela, il faut le prendre en
compte autant que le vrai savoir des études par exemple. Le savoir de l’imaginaire est très
important car ce sont des enfants qui font des adultes formidables car ils seront créatifs, qu’ils
seront dans l’imagination et pas seulement artistique mais aussi pour créer de nouvelles
sociétés, ces écolieux, ces autres façons de vivre. » (Annexe 1)
Chacun des artistes que nous présentons dans ce chapitre se plaît à imaginer un futur viable
et aimant, sauf RNST qui avoue dans l’interview qu’il projette un futur plutôt sombre car trop
réactionnaire et dans la lutte. Qu’importe ! nous constatons que les artistes, chacun-e à sa

38
manière, ont un rôle-clé à jouer afin de susciter une prise de conscience écologique. Soit dans
une démarche de provocation au risque de choquer, soit dans une démarche qui contribue
plutôt à créer des imaginaires vers lesquels les sociétés se dirigent. Dans ce dernier cas, la
fiction permet de réagencer le réel et de montrer que d’autres réels sont possibles. Nous
constatons un troisième cas. En effet, de mon expérience personnelle, comme expliqué dans
« L’avant-propos », j’exerce une activité de clown activiste dans une Brigade que je co-
coordonne sur Lyon depuis quelques années, la Brigade Activiste de Clown-e-s (BAC69).
Cette brigade n'a pas d'entité juridique type association culturelle, elle fonctionne sans chef ni
centralisation, par troupeau affinitaire qui associe la technique de jeu du clown à la stratégie
de l'action directe non-violente dans l’espace public, en manifestation par exemple. Le clown
activisme est à la lisière de l'art du clown et de la vie militante. On peut dire qu’il renoue avec
la tradition ancienne de la pitrerie, dont la fonction sociale était de perturber la société pour
mieux la guérir. La BAC69 est un avatar du militantisme traditionnel qui ne fait pas usage du
conflit, mais qui utilise le pouvoir de parodier, de faire rire et de ridiculiser. Afin de mieux
comprendre l’approche de la Brigade Activiste des Clowns, voici quelques passages du
manifeste de John Jordan Colonel Klepto, l’inventeur de ce concept : « Ce que nous faisons
est idiotement intelligent : nous créons de la cohérence avec de la confusion, nous
développons le clown qui est en nous. (…) nous aimons la vie, nous ne voulons pas changer
le monde, mais ‘’ notre ‘’ monde. (…) Nous devenons actifs quand les injustices du système,
les inégalités, la catastrophe écologique ne sont plus ressenties comme inévitable. Nous nous
rebellons en consacrant nos vies à la lutte et à la création d’un monde meilleur. (…) Notre
objectif : ridiculiser le pouvoir pour mieux le combattre. Comme vous l’avez compris-e, nous
sommes à l’image de nos sociétés, fous. Ceci dit, nos luttes se veulent déjantées et
sérieuses. » *1
J’ai mis en place plusieurs scénographies pour la BAC69 dont une pour une « Marche pour le
Climat », à Lyon, le 21 septembre 2019. En plus d’utiliser la dérision et le rire, je me suis aussi
servi de l’imaginaire et de la poésie. Pour cette performance, j’ai notamment utilisé des petits
pots de semi avec des bébés chênes à l’intérieur où il était inscrit des valeurs humaines telles
que l’amour, la sincérité, la gratitude, la bienveillance, l'ouverture, l'entraide, etc… avec
lesquelles on jouait entre clown-e-s et qu’on distribuait ensuite au public pendant la
manifestation. Cette action a eu un très bon retour de la part des organisateurs, du public, des
parents et de leurs enfants.
Pour une génération d’enfant traumatisée par l’avenir de l’humanité face au dérèglement
climatique, grâce au clown, le sujet “écologique” peut se tailler une place pour faire rire, offrir
de la tendresse en changeant de perspective. En effet, la nature humaine a cette fabuleuse
capacité à relativiser grâce à l’humour « L’humour est (…) un processus psychologique
automatique qui protège l’individu de l’anxiété ou de la perception de dangers ou de facteurs
de stress internes ou externes. » *2

Le rire à travers l’art du clown activiste peut-être alors un remède contre l’éco-anxiété pour
« se faire du bien sans se faire du mal », pour l’artiste et pour son auditeur. Il peut-être aussi
un moyen d'aborder les problèmes environnementaux sans culpabiliser, et pour éveiller les
consciences, sur ce sujet pour le moins sensible et polémique. La comédienne Patricia Buffet
qui fait aussi partie de la BAC69 déclare dans son interview : « Moi ce que je veux apporter
au public avec la Brigade Activiste de Clown-e-s, c'est tout simplement faire une manifestation
dans de la joie ». Au sujet du rôle de l’artistique et de l’art du clown dans notre société, Patricia
Buffet apporte une réflexion intéressante : « l’artistique est vital, en tout cas, pour moi. Je
pense que pour toute la société aussi. C'est vrai que si on peut amener la vie dans un peu
plus de joie, et en plus si cette joie-là, peut rire des problèmes de notre société, car moi, c'est
plus ça que je cherche à faire avec « ISF » plutôt que de faire de la politique, c'est rire des
tabous, en fait. C'est mieux, ça permet d'adoucir un petit peu la vie, la rendre plus belle. »
(Annexe 5)
*1 https://brigadeclowns.wordpress.com/le-manifeste-de-larmee-des-clowns/
*2 https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2007-2-page-39.htm

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La BAC69 à la « Marche pour le Climat », à Lyon, le 21/09/2019.
"La possibilité d'un changement radical émerge de nouveau. C'est en cela que le projet révolutionnaire
rejoint le projet poétique." Jean-François Brient. Photo de Floriane Tanneur

Les évènements culturels, eux aussi, peuvent montrer que l’écologie n’est pas un sacerdoce,
que le vert n’est pas nécessairement gris. Avec l’entretien de Lindsy et Oriane de la jeune
association « Les Graines Electroniques » qui allie la musique électronique et la transition
écologique. Leur créneau : « L’éco-responsabilité pour nous commence par une prise
conscience de notre impact sur l’environnement, s’ensuivent des actions pour le protéger afin
de vivre ensemble sur la planète et construire ensemble le monde de demain autant que
possible dans un mouvement positif et festif ! ». Voici un petit extrait de leur interview pour
comprendre déjà leur démarche : « On a deux programmations, on a la programmation
musicale et la programmation environnementale. On fait venir des associations, des collectifs
et on essaie vraiment de couvrir un large spectre. (…) on essaie de couvrir la gestion des
déchets, (…) à de la désobéissance civile, et d'avoir tout ça un petit peu sur le festival, que les
gens puissent voir. (…) On avait « Extinction rébellion » par exemple à la première édition qui
faisait les ateliers, comment faire du blocage. (…) dans « Les graines électroniques » (…) on
essaie de toucher plusieurs sensibilités. ». Oriane explique leur contribution dans l’écologie à
travers leurs événements musicaux : « On essaie de montrer que la transition sociale et
écologique, ça peut être un mouvement positif et qu’il faut le faire ensemble (…) Alors, il y en
a qui viennent vraiment parce que justement ils ont envie de s'informer plus. D'autres, qui
étaient là juste pour le son et finalement, ils sont repartis avec d'autres trucs en tête. Et nous,
c'est ça qu'on veut, vraiment rassembler, autour de la musique. » Lindsy nous en dit plus :
« On a des témoignages de gens. Par exemple, il y avait « Extinction Rebellion » sur le jour J
du festival et du coup, le lendemain, il y avait une action de blocage et puis il y en a qu'ils ont
rencontré au Festival qui sont allés bloquer avec eux le lendemain. » Nous remarquons donc
que leurs évènements artistiques et environnementaux comme celui des « Graines
Electroniques » peuvent contribuer, de ce fait, à unir les forces dans l’action non-violente pour
le climat. Les Graines électroniques sont aussi innovantes dans la sensibilisation à l’écologie,
en effet, ils prônent un rapprochement de l'art et de la science « on a testé un format qui
s'appelle les conférences musicales. L'idée c'est d'inviter sur scène, un ou une artiste de

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musiques électroniques qui compose de la musique et qui est touché par une thématique
environnementale particulière. Et inviter un ou une scientifique, un étudiant qui a une
connaissance sur ce sujet-là. (…) l'idée c'est de les inviter tous les 2 sur scène et de
d'échanger, croiser les regards, sur cette thématique avec une approche d’apport de
connaissances et un apport du coup, musical. (…) Être sûr qu'on puisse organiser des
événements qui parlent en même temps de musique et à la fois d’environnement pour pouvoir
croiser ces sphères. » Les co-fondateurs des « Graines Électroniques » pensent que l’art et la
culture ont un rôle à jouer dans nos défis écologiques. Linsdy nous apporte une réponse
intéressante sur ce sujet : « Nous, on s’inscrit clairement là-dedans. C'était une conférence de
Pablo Servigne, qui parlait de la décroissance, (…) il disait : ‘’ généralement la croissance s'est
montrée avec la courbe de la richesse qui monte (…) après tu as la décroissance, (…) c'est la
richesse du pays, de ta société qui décroît, qui va vers le bas. (…) c'est tout le rôle des artistes,
de la culture de participer à ce que cette vision de remontée, que ça soit une remontée vers
une sortie plus écolo, plus joyeuse qu’une redescente de la richesse. Donc du coup, voilà les
artistes peuvent inverser la courbe. » Oriane ajoute : « La culture et l'art peuvent participer à
créer des récits qui sont désirables, des imaginaires communs vers lequel on a envie d'aller.
Ça passe par le milieu culturel. » (Annexe 4)
Si l’art a cette particularité de nous imprégner là où les autres modes de la prévention
écologique entrent par une oreille pour ressortir par l’autre, toutes ces initiatives de ce chapitre
prouvent que l’art peut être bien plus qu’un instrument de médiation. Nous constatons qu’il
pousse les individus à changer leurs pratiques, produisant un effet direct pour la cause
environnementale dont l’efficacité jusqu’alors méconnue et méprisée pourrait largement
dépasser les médiateurs conventionnels.
Pour résumer succinctement ce chapitre jusqu’à maintenant, nous pouvons sans doute nous
accorder sur le fait que les arts représentent une forme d’expression humaine, moyen pour
l’homme de se projeter, s’extérioriser, et par retour, se construire dans une impulsion créatrice.
Depuis les peintures rupestres préhistoriques jusqu’à nos films modernes et contemporains,
les arts possèdent parfois un caractère narratif, mais également de résistance, voire de
contestation, de transgression, mais aussi de transmission dans la relation de l’humanité avec
son environnement social, politique, et écologique. Sur le dernier point environnemental, nous
vivons actuellement une pandémie mondiale du virus Covid 19 et de ses variants, les
scientifiques affirment que le Covid-19 est une épidémie révélatrice d’une crise écologique.
En effet, Le coronavirus 2019 est du type zoonose, c’est-à-dire, une maladie qui se transmet
de l’animal à l’homme, et vice versa. On y retrouve d’ailleurs des virus de la même famille tels
que Ebola ou bien les Grippes Aviaires. « En cause, la déforestation pour faire place à
l'agriculture, l'élevage intensif, l'urbanisation et la fragmentation des milieux, qui modifient
l'équilibre entre les espèces. À tout cela s'ajoute le réchauffement climatique qui peut conduire
certains animaux sauvages vecteurs de maladie à prospérer là où ils ne vivaient pas avant. »
*1 Nous nous accordons tous à reconnaître que l'origine animale du Covid-19 vient d’une part
de l‘utilisation toujours plus intense par l’être humain des ressources planétaires, et d’autre
part de la destruction des écosystèmes.

Et pour faire face à ce type de pandémies, une biodiversité protégée est notre meilleure alliée.
Nous pouvons alors nous demander quelles sont les conséquences d’une telle crise sanitaire
sur la santé mentale ? Quelle est l’impact de cette crise sanitaire sur le secteur de l’art et de
la culture ? Et quel peut être le rôle de la dimension artistique et culturelle dans cette crise ?
C’est ce nous allons découvrir sur cette dernière partie de ce chapitre.

*1 https://www.france24.com/fr/20200411-le-covid-19-%C3%A9ni%C3%A8me-zoonose-caus%C3%A9e-par-l-
interf%C3%A9rence-de-l-homme-sur-la-biodiversit%C3%A9.

41
II-H L'art et la culture sous Covid

Depuis février 2020, nous sommes confrontés à une crise mondiale sans précédent, jamais
connue au cours de ce siècle. Des milliers de personnes ont perdu la vie à cause du COVID-
19 et beaucoup d'autres ont été infectées. Des milliards de personnes ont été confinées à la
maison dans le monde entier. Sur le plan économique, social et psychologique, il est probable
que l'impact de cette pandémie se fera sentir bien longtemps après la fin de cette crise
sanitaire.
D’un point de vue global, à travers mon expérience dans l’humanitaire, pour différentes ONG
de santé, dans les pays du Sud, j’ai pu constater que ces organisations avaient véritablement
des programmes de santé mentale. Avant le Coronavirus, l’importance des troubles de la santé
mentale à un niveau mondial était particulièrement élevée, en particulier dans les pays en voie
de développement. La violence mais aussi les confinements et les couvre-feux pendant les
conflits, les atteintes aux droits de l’homme, la pauvreté, l’inégalité entre les hommes et les
femmes, les catastrophes naturelles et climatiques, et les épidémies et les pandémies sont les
causes de sérieux troubles psychiques dans ces pays. Par exemple, l’OMS a pu relever des
taux de problèmes mentaux et psychosociaux en augmentation pendant la flambée de maladie
à virus Ebola qui a sévi en 2014-2015 en Sierra Leone. *1

Pour Médecins Sans Frontières (MSF) avec qui j’ai travaillé, dans les zones de conflits et plus
généralement dans des contextes précaires, nous avons depuis longtemps intégré des soins
de santé mentale dans l’ensemble de soins de base. « Afin de prévenir les conséquences
psychologiques durables qu’occasionnent des violences ou une catastrophe, les besoins en
santé mentale doivent être pris en charge à un stade très précoce dans la réponse médicale
et humanitaire. » *2

Pour MSF, en 2018, 1 patient sur 4 est aussi atteint d’un trouble mental, neurologique ou
comportemental, 300 millions de personnes souffrent de dépression, ce qui en fait la 4ème
cause d’invalidité, 5 à 10%, de ces personnes victimes de situations d’urgence souffrent d'une
affection mentale. *3
En tentant de diminuer l’incidence des crises sur la santé physique et mentale des populations
traumatisées, nous remarquons d’autres organisations innovantes, spécialisées dans l’art et
la culture comme Clowns Sans Frontières : elles font aussi leurs preuves comme stimulateur
de sourires, nous pouvons appeler cette action : « Le rire médecin ». En effet, en 2019,
Narcisse Diata, sociologue a exploré l’impact de leurs activités artistiques au Sénégal. Elle
publie une synthèse sans équivoque : Clown Sans Frontières contribue largement à répondre
aux besoins psychosociaux des enfants en situation de rue et en situation de privation de
liberté grâce à une dimension éducative, de rires libérateurs, de découverte, d’émerveillement
et d’effet catharsis. *4

Avant même la pandémie de COVID-19, nous constatons que les statistiques sur la santé
mentale étaient donc déjà sévères.
*1 https://www.who.int/home/cms-decommissioning
*2 Ana Maria Tijerino, psychologue et référente en santé mentale pour MSF.
*3 https://gho.unocha.org/fr/tendances-mondiales/sant%C3%A9-mentale-et-soutien-psychosocial
*4 https://clowns-sans-frontieres-france.org/notre-actualite/terrain/etude-dimpact-des-actions-au-senegal/

42
Selon un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de 2020, l’OCHA *1
« La pandémie de COVID-19 a exacerbé la menace pour la santé mentale dans ces pays déjà
très vulnérables. La peur du virus se propage plus rapidement que le virus lui-même. Et
l’adversité créée par le virus comme, par exemple, la perte des moyens de substance, les
mesures de confinement, la perte de la famille et d’amis, les changements des routines et le
manque de scolarisation, sont un facteur de risque pour les problèmes de santé mentale et
psychosociaux à court et à long terme. Les demandes de soutien psychosocial et à la santé
mentale ont augmenté en raison de la pandémie : dans le nord-ouest de la Syrie par exemple,
le nombre de nouveaux patients à Idlib et ses environs ayant fait l’objet de consultations pour
la santé mentale en avril et en mai était deux fois plus élevé qu’au même moment, l’année
dernière. Les dernières évaluations en Jordanie indiquent que 41 % de toutes les personnes
interrogées ont fait état d’un impact négatif sur le bien-être de leurs enfants en raison de la
crise de la COVID-19 et du couvre-feu. » *2

Dans nos pays qu’on dit développés, comme la France, où la majorité de la population accède
à tous ses besoins vitaux, c'est-à-dire l'accès à un logement décent, à l'eau potable, à la santé,
à l'éducation et à la nourriture, les besoins ne sont bien sûr pas les mêmes que dans ces pays
pauvres.
Malheureusement, depuis le 1er mars 2020 jusqu’à ce que nous écrivions ces lignes, le 5
juillet 2021, la France a enterré 84 724 personnes atteintes du Covid.
Entre le 17 mars 2020 et le 3 mai 2021, comme dans les zones de conflits, la France a aussi
quand même vécu, un peu plus de 4 mois de confinement à répétitions et des couvre-feux très
restrictifs dans la lutte de la propagation de l'épidémie de Covid-19. Ces deux dernières
années ont donc été très difficiles pour beaucoup de Français et de Françaises qui ont subi
aussi des conséquences très graves sur leur santé physique et mentale. Les deux dernières
études de La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)
publiées en mars 2021 *3 font état d’un nombre grandissant de personnes souffrant d’anxiété
voire d’un état dépressif surtout, chez les femmes, les enfants et les plus précaires. *4 Nous
admettons que les faits sont là. Le Confinement rime trop souvent avec isolement qui est
contre nature pour l’être humain.
En effet, l’être humain est avant tout un être social, « De nombreux types de preuves
scientifiques montrent que l'implication dans les relations sociales est bénéfique pour la santé.
Les preuves les plus frappantes proviennent d'études prospectives sur la mortalité dans les
pays industrialisés. Ces études montrent systématiquement que les personnes ayant le plus
faible niveau d'implication dans les relations sociales sont plus susceptibles de mourir que
celles ayant une plus grande implication » *5
Pendant le ralentissement voire l’arrêt du secteur artistique et culturel en ces temps de
pandémie Covid, d’après nos entretiens avec les artistes, cette période a été très difficile car
leur activité a été interrompue précipitamment. Pour l’illustrer : « C’est comme si les
intermittents du spectacle étaient tous dans la même voiture sur l’autoroute, ils sont sur la
5eme vitesse, c’est à dire à 130 km/Heure et brutalement, ils voient passer le Covid et pour
l’éviter, d’un coup, ils passent la 1ère vitesse, pour être à 10 km/ Heure » me disait un jour un
militant de la Cgt Spectacle.
*1 https://gho.unocha.org/fr/tendances-mondiales/sant%C3%A9-mentale-et-soutien-psychosocial
*2 https://www.wfp.org/publications/multi-sectoral-rapid-needs-assessment-covid-19-jordan
*3 https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/confinement-du-printemps-2020-une-hausse-
des-syndromes-depressifs
*4 https://www.franceculture.fr/societe/en-france-une-vague-de-problemes-de-sante-mentale-se-poursuit-en-particulier-
chez-les-plus-precaires
*5 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3150158/

43
Malgré les diverses mesures prises par le gouvernement pour les intermittents comme le
prolongement de « L’année blanche » de quatre mois afin de préserver leur niveau
d’indemnisation jusqu’au 31 décembre 2021, nous remarquons que malheureusement les
artistes n’ont aucune visibilité professionnelle future, comme nous n’avons aucune visibilité
sur les prochaines vagues de ce virus. Afin d’être résilient et compenser ce manque d’activité
artistique pendant ce contexte si particulier, nous constatons que la plupart se sont adonnés
à d’autres activités artistiques ou culturelles qu’ils n’ont pas le temps d’exercer pendant leur
activité professionnelle d’intermittents de spectacle. Par exemple, le Jazzman, Camille
Thouvenot raconte : « Oui je pense pouvoir dire que j’ai été résilient, même si la période a été
longue et avec disons plusieurs phases, j’en ai profité à titre individuel pour pratiquer des
choses musicales dont je n’avais pas le temps en période habituel. Plusieurs des projets dont
je fais partie ont utilisé cette période pour se développer (résidence de travail ou création,
enregistrements de clips vidéo ou maquettes, enregistrement d’un album), j’ai pu travailler
dans le domaine scolaire ponctuellement ces derniers mois. J’ai aussi sorti un album à mon
nom en automne 2020 donc j’ai fait un travail de promotion et de communication même si les
dates de concerts prévues ont évidemment été reportées ou annulées. » (Annexe 2) De son
côté, la clowne, Patricia Buffet raconte : « Je l'ai compensé, (…), en m'engageant dans la
Brigade Activiste de clown-e-s, je l’ai compensé en me remettant à dessiner aussi chez moi,
en m’entraînant à faire de la musique, en m’entraînant à faire du yoga, mais voilà, ça a été
long en tant qu'artiste, ça a été long aussi en tant que spectatrice. » (Annexe 5)
Certains artistes comme l’illustrateur urbain RNST n’ont pas eu d’autres choix que d’utiliser
Internet et surtout les réseaux sociaux pour être résilient et compenser ce manque d’activité
artistique, il explique : « Du coup, comment j’ai vécu ça ? Je me suis rabattu sur la vente en
ligne de mon travail mais ce n’est pas glorifiant parce que tu ne rencontres plus les gens, tu
ne fais plus d’exposition, ce n’est pas évident. Je suis allé un peu peindre dans la rue mais
pas tant que ça. C’était compliqué. (..) les réseaux sociaux, c’est la rue d’hier. Le lien est fou.
(…) dans les réseaux sociaux, j’ai ce côté illustration qui me diffuse pas mal et ça part bien.
(…) c’est les nouveaux murs de la rue. » (Annexe 3)
Le Jazzman, Camille Thouvenot quant à lui, pense que : « La dimension culturelle était certes
à l’arrêt pour ce qui est du public en présence, mais beaucoup de choses ont continué de se
développer sur le web entre autres. Je trouve que d’une part c’était chouette de sentir que
beaucoup d’artistes utilisaient différents réseaux sociaux et moyens pour s’exprimer (même à
distance pendant le premier confinement), et que le « public » répondait à ça ». (Annexe 2)
Certes, pendant la période des restrictions sanitaires, les plateformes comme Facebook,
Instagram ou même Pinterest sont des espaces ou les artistes ont pu afficher leurs œuvres,
et partager au monde entier leur art. Cependant, nous constatons que la technologie et les
réseaux sociaux sont très chronophages et addictifs *1 et ne pourront jamais remplacer
durablement le véritable contact humain, sans oublier qu’ils ont aussi des répercussions
néfastes non négligeables sur notre santé mentale. Le Jazzman, Camille Thouvenot,
développe sa réflexion sur la compensation de ce manque artistique par le biais des réseaux
sociaux : « Malgré ce florilège de choses que l’on a pu voir passer pendant cette année, le
public est vraiment en « manque » de la culture en vrai ! Aller voir une expo dans un musée,
un film au cinéma, un concert en vrai, un festival etc…
La culture, la création artistique fait partie de nos sociétés, de notre civilisation, on ne pourra
jamais vraiment nous enlever ça… » (Annexe 2)

*1 https://www.lemonde.fr/blog/internetactu/2016/02/25/qui-sera-responsable-des-maladies-de-la-connexion/

44
Comparée aux autres pays du monde, la France a été aussi particulièrement autoritaire sur la
gestion du Covid-19. Selon le dernier rapport de l’ONG Amnesty International, les mesures
sanitaires mises en place par le gouvernement français dans le cadre de la pandémie « ont
soulevé un certain nombre de préoccupations en matière de droits humains, notamment en ce
qui concerne l’usage excessif de la force par la police, le droit à la liberté de réunion
pacifique ». *1 RNST est conscient de la façon dont le gouvernement Français a réprimé
violemment cette crise et donne son opinion sur l’interruption des activités du secteur culturel :
« J’ai fait 2, 3 petites choses sur la thématique du Covid. (…) Il a des grands discours, on est
en guerre mais en fait, il n’a jamais vu la guerre ce type. Il ne sait pas ce que s’est, il y a des
gens qui meurent dans la guerre. Mais si tu regardes bien, (…) ce sont des gens qui sont âgés
qui ont une deuxième maladie, juste que ça a aggravé la situation. Mais j’ai eu le Covid, (…)
pendant 15 jours, mais comme beaucoup de gens, comme une grosse grippe. Il y a des gens
qui font des formes graves. (…) ils nous ont mis en taule pendant 1 an. C’était la bonne
occasion, après l’état d’Urgence Générale et après l’état d’Urgence Sanitaire. Franchement,
ils sont fous. Je suis fâché, très fâché contre le gouvernement. (…) ça arrange bien l’État
quand même, pour moi, (...) C’est un arrêt total de ce qui était représentatif du loisir et de la
fête. (…) tout est bridé. Par contre, on a imposé des masques à des gamins de 6 ans, (…) Les
entassements dans le métro, (…), ça c’est autorisé mais tu ne peux pas aller au musée. Tu
vois tout de suite les priorités du gouvernement. Je ne veux pas faire le conspirationniste ni le
parano mais honnêtement, ça pose des questions et il n’y a pas de réponses claires là-dessus.
Les gens manifestent, c’est comme les gilets jaunes, il n’avait aucune réponse mis à part la
violence d’état. (…) Ils ont rétréci la culture (…) pour eux c’était quoi la culture, c’était la
possibilité au Puy du fou d’ouvrir, tu te rappelles, c’est un faux spectacle qui raconte la France.
(Le gouvernement) protège le capital parce que c’est la bourgeoisie (…) et il musèle les gens
du peuple. » (Annexe 3) La clowne, Patricia Buffet estime au contraire : « Après est-ce que
c'est à cause de ça que ça a été muselé par l'État pendant le Covid ? » je n’en suis pas sûre,
je pense que c'est vraiment une question sanitaire. On a eu très peur de ce Coronavirus, donc
du coup, ils ont tout arrêté. Après oui il y a une forme d'injustice que les salles de spectacle,
elles ont été fermées. Je pense qu’il faut qu'il y ait un engagement, un message à faire
passer » (Annexe 5)
Les musées, Les opéras, les cinémas, les théâtres, les festivals, les salles de concert et
d'autres institutions culturelles, ont donc été fermés au public. Comment alors éviter la
dépression pour les artistes et le public pendant un confinement ?
Nous constatons qu’à travers de multiples initiatives, nous ressentons quand même un profond
désir d’expression et de communion. Nous avons pu observer, effectivement, des
communautés entières, isolées dans leurs maisons et dans leurs appartements, se réunir pour
chanter, jouer de la musique, danser et même projeter des films depuis les fenêtres et les
balcons. Les arts et la culture font partie intégrante de nos sociétés dites civilisées, elles en
sont même le ciment depuis la nuit des temps. À l’heure où des milliards de personnes sont
physiquement séparées les unes des autres, l’art et la culture nous rapprochent, ils sont le lien
qui nous unit, ils réduisent la distance qui nous sépare. L’art et la culture nous apportent
réconfort, inspiration et espoir, alors qu’on traverse une période d’anxiété et d’incertitude
inédites. L’art et la culture sont incontestablement un besoin vital en temps de crise. Dans
cette crise et dans l’après crise, la dimension culturelle et artistique des écolieux n’aurait-elle
donc pas un rôle important à jouer dans les besoins psychosociaux de la population Française
? Avant de répondre à cette question, attardons-nous déjà à comprendre ce qu’est un écolieu
et ses différents types dans le chapitre suivant.

*1 https://amnestyfr.cdn.prismic.io/amnestyfr/efeb0538-48b5-4c4c-8b81-
a7545228c805_POL_10_3202_2021_AIR_ext_FR_FINAL_01_avril.pdf

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III Notion d’écolieu

III-A Définition d’écolieu

Qu'est-ce qu'un écolieu ?... Les définitions sont nombreuses, et parfois contradictoires…Voici
une définition synthétique qu’a donné le groupe de travail du RFEV (Réseau Français des
Ecovillages) entre 1999 et 2001 avec Yann Thibaud (Auteur de livres sur l’écologie
intérieure), et qu’a revue Jean-la-houle (Initiateur et financeur principal du projet de l’écolieu
"Les puits de Lachaud") qui me parait intéressante : « Chacun a son propre territoire, avec un
esprit de partage et de solidarité. Un écolieu pratique les idées et techniques nouvelles ou
traditionnelles visant à construire un futur durable. En résumé, la vocation des écovillages est
de mettre en œuvre un mode de vie collectif écologique et juste. »
Pour aller au plus simple, un écolieu est un « Lieu de Vie en transition vers un idéal écologique,
solidaire, en équilibre économique. »

Dénomination la plus employée en France pour définir de manière le plus large possible ce
qu’on appelle suivant les classes sociales, les milieux ou les considérations philosophiques :
tiers-lieu, lieu autogéré, oasis, « écovillage » … Un écolieu peut être composé d’une seule
personne, puisque c’est avant tout un lieu mais il est sous-entendu la présence d’au moins
trois personnes : une mini communauté ou un groupe, une entreprise ou une association, des
collaborateurs ou amis. Ainsi un écolieu peut-être soit un lieu communautaire, une coopérative
d’activité ou bien un lieu dédié au cohabitât. C’est la définition la plus vaste possible d’un lieu
écologique.
On pourrait dire qu’un écolieu est en quelque sorte un lieu physique (à la campagne : ferme,
hameau, village, ou en ville : friche industrielle, terrain nu, bâtiment ou quartier) sur lequel des
individus ont choisi de se regrouper pour vivre (Habiter) et/ou faire (travailler) ensemble et qui
ont choisi de suivre les principes de l'Écologie. Ces groupes partagent en commun des
valeurs, des espaces (salle commune, chambres d’amis, jardins/potagers, ateliers, espaces
pour enfants…), des temps (repas partagés, jeux, garde d’enfants…) et dans certains cas les
revenus. Chaque habitant dispose d’espaces privés, siège de son intimité, et des espaces
autour qui sont communs. Que ce soit en milieu rural ou urbain, en rénovation ou en
construction, en autopromotion ou par le biais d’un promoteur, toutes ces initiatives, qu'elles
aient vu le jour ou échoué, enrichissent une histoire commune des démarches participatives
d’habitat. Chaque écolieu a son orientation, sa sensibilité et son fonctionnement propre. Il est
le résultat de la vision d’un groupe fondateur et de l’adhésion de nouveaux individus.

III-B Les initiatives en commun d’un écolieu :

• Faire cohabiter le privé et le collectif


• Le partage de valeurs communes autour d'un projet de vie
• La coopération entre les membres du projet dans une recherche "du vivre ensemble"
• La participation des membres à la création, la réalisation et la gestion du projet
• La réalisation d’économie par la mutualisation des moyens et des espaces
• Des réalisations écologiques et environnementales (Compostage, toilettes sèches,
Plantations d'arbres, matériaux biosourcés, récupération des eaux de pluie, etc…)
• Un engagement sur la durée

Ce type de lieu nécessite de mettre en place des règles communes de vivre ensemble, à savoir
une gouvernance et des principes ou processus de fonctionnement appelés chartes, règles
de vie, voire constitution. On y applique un type de gouvernance spécifique avec des règles
de fonctionnement sur les principes de gouvernance partagée, en sociocratie ou halocratie,
via une communication non violente (CNV), avec des prises de décision par consentement ou
par consensus. De nombreuses formations sont organisées dans ces écolieux ou via
différentes structures (Université du Nous, Université Colibris, …). On cherche à pouvoir les

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compter au maximum et vous allez me dire qu’il y avait déjà les listes sur des sites spécialisés
comme Passerelleéco *1, mais ceux-ci ne sont pas très pratiques d’utilisation. Il existe aussi
des annuaires comme build-green *2 dignes de ce nom et surtout géolocalisé, qui répertorie
les écolieux en France mais malheureusement ceux-ci ne sont pas vraiment mis à jour.

Voici quelques exemples d’activités économiques que peut générer un écolieu :


• Agriculture biologique, agroforesterie, biodiversité, permaculture ; énergie
renouvelable ;
• Culture et arts, artisanats et métiers manuels ;
• Pépinière d'entreprises à critères éthiques ;
• Écoles alternatives, chantiers, réinsertion social, recherche ;
• Production, transformation agricole ;
• Accueil en gite, ressourcement, centre de formation ;
• Entraide, Écoute, Soins, développement personnel, spiritualité ;

III-C Statuts juridique

La gestion de ces écolieux peut prendre différentes formes : SCI classique, Société
Coopérative d’Habitants pour la partie immobilière, association ou sociétés coopératives
participatives comme la SCIC et la SCOP pour les activités économiques du site. *3

III-D Notre notion de concept d’écolieu :

Dans le cadre de mon mémoire de recherche, nous entendons par « écolieu » un terme assez
générique pour tous les types d’habitat coopératif. Pour nous, il doit inclure la notion
« d’habiter ». Il concerne la communauté intentionnelle religieuse comme les Arches, l’habitat
participatif, l’éco village, l’éco hameau, l’Oasis du mouvement Colibri, le village d’habitats
alternatif, la ZAD en lutte, le Village Alternatif Emmaüs Lescar Pau, etc... C’est-à-dire à une
diversité d’initiatives portées par des individus, des groupes ou des collectivités qui ont en
commun d’expérimenter d’autres projets de société en mettant en œuvre un mode de vie
collectif, écologique et solidaire dans le « vivre et le faire ensemble ». Ils ont en commun de
repenser le rapport à l’habitat, à l’urbanisme et ils ont le besoin d’expérimenter d’autres projets
de société de transition.

III-E Les critères de validation :

Dans le cadre de mon mémoire, nous analysons les écolieux qui sont actuellement situés en
France, qui ont au moins 1 an d’existence, qui sont habités par un minimum de trois personnes,
composés d’un à plusieurs foyers gérés par une communauté intentionnelle ou un collectif, qui
soit en habitat coopératif, groupé, partagé ou participatif.
Il est indispensable pour mon mémoire que ces écolieux soient dans une démarche de
transition sociale et écologique prônant la sobriété, et tendant à une autonomie énergétique
et alimentaire pour réduire leur impact environnemental.
Ces écolieux doivent surtout posséder une dimension culturelle et artistique dans leurs
activités.

*1 https://www.passerelleco.info/article.php?id_article=886 *2 https://www.build-green.fr/lannuaire-build-green-des-
ecolieux-francais/ *3 Tiré du site internet Ékopédia, projet d'encyclopédie en ligne gratuite qui porte sur l'écologie ainsi
que sur les techniques alternatives de vie : « Comment monter un projet d’écolieu »
http://www.ekopedia.fr/wiki/Comment_monter_un_projet_d%27%C3%A9colieu

47
IV Les différents types d’écolieux

Ce qui définit un écolieu et détermine son appartenance à l'un ou l'autre peut être par exemple,
sa structure organisationnelle, sa dimension, son lieu d’implantation, son nombre d’habitants,
son mode de financement, son niveau d’autogestion, l’articulation entre les sphères privées et
collectives (niveau de mise en commun), son mode d'intégration (ou non) de nouveaux
membres, son ouverture et la nature de ses échanges avec la société extérieure, la définition
ou non d'objectifs communs et le mode et les règles de vie adoptés.
Mais quelles en sont les définitions, les particularités et différences ? Voici un petit lexique des
différents concepts d’écolieux :

IV-A Le concept d’écovillage

Le mot écovillage est né de la fusion des termes écologie et village. « ‘Il n'y a pas d'instance
qui décerne un label écovillage.’ On peut néanmoins trouver des caractéristiques communes
même si certains s’auto-déclarent comme tel sans pour autant correspondre au concept
général. Cependant, des réseaux nationaux et mondiaux tentent de recenser ces initiatives et
de définir les bases de ce concept. » *1. Il s'agit d'un terme largement utilisé pour représenter
plusieurs modèles de communautés. Ils tentent d'intégrer un environnement social d'entraide
ayant un faible impact sur l'écosystème. Pour y arriver, ils intègrent différents aspects comme
la permaculture, la construction écologique, la production verte, l’énergie renouvelable,
l’agriculture auto suffisante et plus encore. Actuellement, la définition la plus complète des
écovillages est celle du GEN3-Europe (Global Ecovillage Network) : « Les écovillages sont
des modèles d’implantations durables à échelle humaine. Ils diminuent consciemment leur
empreinte écologique à travers la simplicité volontaire. Ils sont l'exemple d'un développement
qui maintient une réelle qualité de vie, préserve les ressources naturelles et promeut une
approche unifiée et polyvalente intégrant l'éducation, la prise de décision commune ainsi que
les technologies et entreprises écologiques.
Le terme écovillage aujourd’hui est parfois suremployé, certains y voient une extension du
terme « écolieu » à l’échelle d’un village, de 100 à 3000 personnes. Ce n’est pas cela. Une
définition intéressante du GEN (Global Eco village Network) est qu’un écovillage est composé
d’au moins 8 personnes qui partagent la même vision, les mêmes valeurs et se mettent en
accord pour mettre en place des règles communes de vivre ensemble, à savoir une
gouvernance et des principes ou processus de fonctionnement appelés chartes, règles de vie,
voire constitution.
La difficulté de rassembler les projets vient du fait qu'aucun des écovillages ne fonctionne de
la même manière. Certains ont une vocation politique tandis que d'autres s'attachent surtout
à la qualité de vie ou développent la création artistique. Les différences sont énormes entre
un lieu rural alternatif, composé d'une population jeune et de passage, et une Société Civile
Immobilière (SCI) créée par plusieurs couples retraités autour de valeurs écologiques. C'est
pourquoi plusieurs adeptes vont parler d'une communauté intentionnelle ou d’un collectif,
plutôt que d'un écovillage. Le point commun de toutes ces initiatives est un lieu de vie collectif
(rarement communautaire), écologique et solidaire.
Vécus comme des laboratoires d'expérimentations alternatives, les écovillages peuvent
accueillir une production potagère, des constructions écologiques, un centre de ressources,
un espace d'accueil, ou encore des ateliers artistiques. L'objectif est de créer, ensemble, un
mode de vie convivial et juste, avec une empreinte écologique minimale. C'est l'aspect collectif
qui constitue la plus grande des difficultés. Décider, construire, avancer ensemble est un
véritable défi dans une société où l'individualisme prime.

*1 Tiré du mémoire de recherche de Le phénomène écohameau : quelle influence sur le territoire ? de RODIER Maëva
http://www.applis.univ-tours.fr/scd/EPU_DA/2010PFE_Rodier_Maeva.pdf

48
Derrière un projet avorté se trouve généralement un problème de relations humaines.
Mais la collectivité est également un atout : échange de connaissances, mutualisation des
savoirs, partage d'outils et machines (véhicules ou électroménager par exemple) et surtout,
stimulation permanente pour approfondir sa démarche.

IV-A-a Un bref historique

« Il semblerait que Les écovillages soient brusquement sortis de l'ombre. Le terme qui
n'existait même pas il y a 30 ans prolifère aujourd'hui sous différentes formes. Une recherche
sur l'internet conduit à parcourir tout l'univers des communautés intentionnelles du monde
occidental industrialisé, des projets de développement communautaire dans les pays du Sud
les plus pauvres aux destinations touristiques de luxe du monde entier en passant par les
projets immobiliers et les centres de formation à grande échelle pilotés par des promoteurs.
Ce terme est véritablement entré dans l'air du temps même si en contrepartie, sa définition est
devenue plus floue.
Toutefois les racines de ce concept, sinon du terme sont bien plus anciennes : pour
comprendre sa signification dans le contexte actuel, Il faut remonter aux années 1980. La
plupart des autres mesures ayant trait au bien-être des hommes montrent que dans les pays
industrialisés la qualité de la vie a atteint son apogée au milieu des années 1970 et qu'elle n'a
pas cessé de décliner depuis, tandis que le PIB continuait d'augmenter. Parallèlement les
études sur l'empreinte écologique mondiale indiquent qu’environ au même moment nous
avons commis de grosses erreurs en consommant le capital naturel de la Terre au lieu de
laisser ses réserves se reconstituer de façon naturelle et durable comme c'était le cas
précédemment. A la fin des années 1980, le déclin en termes de qualité de vie était tangible :
les trous dans la couche d'ozone, l'extinction des espèces et la déforestation ont mis en avant
de sérieux problèmes en matière de diminution des ressources et de dégradation de
l'environnement. L'intégrité des communautés est passée sous le rouleau compresseur des
politiques économiques favorisant la production et la distribution de masse, ainsi que la libre
circulation des capitaux dans le monde. En même temps l'augmentation des taux de
criminalité, de dépressions, de consommation de drogue et de suicide indiquait clairement
l'aliénation et l’anomie croissantes vécues par beaucoup. Globalement la réponse des
gouvernements pour résoudre ces problèmes a été plutôt faible. Nous étions à l'apogée de
l'ère Tchater/Reagan, et les frontières de l'État ne cessaient de reculer. Les grandes
entreprises gagnaient en puissance et il devenait de plus en plus difficile de trouver un candidat
à un mandat politique qui s'écarte du néolibéralisme et de la croissance par le
commerce. L'environnement était relégué en marge des débats, et les gouvernements ont
traité les problèmes des personnes socialement marginalisées en partant du postulat que les
richesses de quelques-uns auraient des effets positifs sur toutes les couches sociales.
Le vide politique consécutif stimula la croissance de ce qu'on appela dès lors la société civile.
On assista à une riche profusion d'initiatives citoyennes informelles, de débats populaires et
de militantisme en dehors des parlements nationaux. Les graines des manifestations de
masse de Seattle, de Gênes et celle qui allait leur succéder étaient semées. L'un des thèmes
émergents de cette période fut de savoir comment répondre aux défis d’un mode de vie
durable. Face aux preuves de plus en plus flagrantes d'un bouleversement écologique et social
progressif d'une part, et aux réponses politiques conventionnelles extrêmement limitées et
d'autre part, des groupes de citoyens commencèrent à lutter pour relever ce défi et créer des
modèles de communauté durables. Dans ce domaine, deux pôles se sont réunis au jouer un
rôle de catalyseur dans l'émergence du mouvement des Ecovillages modernes. Hidlur Jackson
est Une militante sociale danoise qui a été impliquée dans l'apparition du cohabitât : un modèle
d'établissement humain où plusieurs foyers se rassemblent autour d'une maison commune et
partagent leurs ressources ; les résidents mangent ensemble, partagent les outils de jardin,
les espaces de jeux, les équipements ménagers, etc., en fonction des préférences de chaque

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groupe. Si ce modèle réussit bien à recréer le sens de la communauté tout en réduisant le
niveau global de consommation grâce à ce partage des ressources, Hidlur et ses collègues
demeuraient insatisfaits. Ils étaient convaincus qu’une transformation plus profonde et plus
vaste de notre mode de vie sur Terre était nécessaire. Hidlur et son mari l'entrepreneur
canadien Ross Jackson ont alors créé l'association Gaia trust et ont cherché à identifier les
points de levier pour favoriser l'émergence d'expérience plus radicale en matière
d'implantation humaine conviviale à faible impact sur l'environnement. » *1 L'expression
écovillage a alors vu le jour lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro au Brésil en 1992.
Suite au rapport Brundtland de la Commission mondiale sur l'environnement produit en 1987,
faisant le constat alarmant du réchauffement de la planète, de la raréfaction de l'eau,
d'espèces vivantes et de l'accroissement de la pauvreté dans le monde, les dirigeants de 178
pays se sont réunis à Rio pour discuter de l'avenir de la planète. S'en est suivi le fastidieux
Agenda 21 fixant des objectifs ambitieux à atteindre. Parmi ceux-ci, Gaia Trust et Global
Ecovillage Network (GEN) ont proposé "La Terre est notre habitat" afin de supporter
financièrement les projets d'écohabitats comme exemples vivants de communautés viables
pouvant résoudre la multitude et la variété des problèmes complexes soulevés par le rapport
Brundtland. Ils pourraient servir de champs expérimentaux reproductibles autant en zone
urbaine que rurale, à travers le monde, dans divers types d'habitats, de climats, de cultures où
une volonté et des habiletés à développer un mode de vie durable ont déjà été démontrées.
Sans doute à cause de leur longue expérience dans les communautés de cohabitation
(cohousing), les Danois étaient prêts en 1993 à créer la première association de communautés
viables. Par la suite, Gaia Trust ciblait ainsi 20 projets d'écohabitats à travers le monde qui
pourraient devenir des projets d'écovillages puisqu'ils avaient déjà développé plusieurs
facettes du concept global d'écovillage par leur culture et leur mode de vie différent de ceux
des sociétés dites modernes. Dès 1994, la stratégie de GEN devient plus claire et un réseau
est mis sur pied ayant pour objectifs l'échange d'idées, de technologies, le développement
culturel et éducatif dans le but de développer et démontrer des modes de vie respectueux de
l'environnement et durables pour les générations futures. À la conférence internationale des
Nations Unies Habitat II de 1996 à Istanbul, le GEN présentait les écovillages comme des
modèles positifs vivants de principes de développement durable alliant l'usage de technologies
avancées et une spiritualité satisfaisante, tout en vivant harmonieusement avec la nature.
Les 20 écovillages désignés par Gaia Trust y ont présenté leurs réalisations et le GEN et Gaia
Trust demandèrent 100 millions pour supporter la mise en place du programme « La Terre est
notre habitat ». Depuis ce temps, les 3 réseaux régionaux ont le vent dans les voiles. À ce
jour, on peut dénombrer 243 membres du Réseau mondial. Certains membres sont des
écovillages, alors que d'autres sont des associations d'écovillages tels que le Réseau français
des Écovillages qui regroupe 34 projets d'écovillages. De plus, on doit tenir compte du fait que
ne sont listés sur les sites Internet que les membres des associations et réseaux. Il n'y a
aucune vérification fiable pour valider les inscriptions dans les réseaux sur internet, car il n'y a
aucun suivi en règle prouvant leurs existences réelles. De nos jours, le mot écovillage est
galvaudé par des projets qui s'approprient le nom pour la valeur ajoutée du terme écologique,
sans nécessairement l'être. Les médias s'approprient le thème écovillage dans des reportages
sans vraiment faire une étude approfondie sur les lieux qui se disent écovillages et donne
l'impression qu'il y a des centaines d'écovillages dans le monde, à tort.

IV-A-b La démarche écovillageoise

Les habitants d’un écovillage se fixent pour objectif de respecter l’être humain et de respecter
l’environnement :
– économie à échelle humaine, démocratie directe, préoccupations sociales, solidarité,
systèmes d’échange et liberté de conscience. Intégration économique et culturelle dans le
milieu local

*1 Extrait de passage du livre « Les Ecovillages – Laboratoires de modes de vie éco-responsables » aux éditions Yves
Michel Page 27 à 30.

50
– emploi de techniques non polluantes et de matériaux sains, énergies renouvelables et
recyclage des déchets.
La gamme étendue des activités dans un écovillage génère une économie locale :
– agriculture biologique, biodiversité, permaculture.
– accueil, ressourcement, centre de formation.
– arts et artisanats.
– pépinière d’entreprises à critères éthiques.
– écoles alternatives, chantiers, réinsertion, recherche.
Chaque écovillage a son orientation, sa sensibilité et son fonctionnement propre.

L’économie de l’Ecovillage peut intégrer un Système d’Échange Local qui permet d’acquérir
et d’échanger des connaissances, des biens et des services, sans utiliser d’argent en
confrontant les différentes offres demandes.
La notion de village évoque une certaine taille, une certaine quantité de maisons,
d'équipements, mais des projets nommés où est auto déclaré “Ecovillage” peuvent être en
réalité très petits… Dans ce cas pour les projets ruraux, le terme d’”Ecohameau'' peut sembler
plus approprié.

IV-A-c Exemple d’écovillage en France

-Ecovillage Eourres
-Ecovillage de Pourgues
-Ecovillage Tera

IV-B Le concept d’écohameau

« En France, le terme est encore peu employé et il n’existe aucun label « éco hameau ». Au
Québec, le réseau des éco hameaux et éco villages définit l’écohameau comme :
‘Une agglomération de maisons écologiques reliées administrativement au village, où les
résidents participent à un mode de vie communautaire actif et dont les activités sont axées sur
la protection de l’environnement et la réduction de l'empreinte écologique globale.’
Le terme « communautaire » ne fait pas allusion à un groupe fermé, comme ont pu l’être
certaines communautés ‘ soixante-huitardes ’. Au contraire, les organismes communautaires
constituent des lieux ouverts à une grande diversité d’engagements, desquels émergent non
seulement la réflexion sur de nouvelles réalités, mais aussi des façons de faire et des
interventions différentes et innovatrices. Le terme fait ici allusion à l'entraide mutuelle au sein
d’un groupe de personnes ayant des intérêts communs, notamment l’écologie.
De plus, nous élargirons ’l’agglomération de maisons’ à un groupe d’habitats pouvant être d’un
seul tenant. Par exemple, l’aménagement de deux logements distincts dans un corps de ferme
correspondrait ainsi à la définition. Néanmoins, dans sa définition de l’écohameau l’association
AES (Auto-constructeurs de l’Economie Sociale) apporte une précision sur le type et la
fonction du bâti : ‘ L’écohameau se définit comme un groupe de maisons, tout ou partie auto-
construites, économes en énergie et bâties en utilisant des matériaux non polluants et autant
que possible d’origine locale. La vie quotidienne d’un écohameau s’appuie sur l’entraide et le
partage de certaines structures et équipements ’.
La construction doit donc répondre à des critères écologiques, tant dans les méthodes de
construction que dans les matériaux utilisés. Il faut noter que ces deux définitions ne prennent
pas en compte l’aspect agricole alors que dans la pratique, l’agriculture, biologique, a une
place importante voire centrale dans les écohameaux : certains visent l’auto-suffisance
alimentaire. Le nombre d’habitants minimum pour composer un éco hameau n’est pas précisé
dans les définitions. Il s’agit toutefois d’un projet collectif. Afin de bien faire la distinction entre
un écovillage et un écohameau, nous pouvons fixer le nombre minimum

51
Ecohameau ferme de la Chaux-Goshen - Photo Jeremy Esbert

Ecohameau ferme de la Chaux-Goshen - Photo Jeremy Esbert

52
autour de 10 habitants (enfants compris) … D’autre part, le caractère intergénérationnel propre
à l’ensemble des écohameaux vise à faire cohabiter un maximum de générations. Néanmoins
il n’y a pas de conditions restrictives… L’écohameau se situe uniquement en milieu rural
contrairement à l’écovillage. En milieu urbain on parle d’écoquartier. Contrairement aux
lotissements écologiques qui sont « viables », regroupant des dimensions économiques et
environnementales du développement durable mais pas la dimension sociale, le concept
d’écohameau repose sur les trois piliers : économique, social et environnemental. » *1.
Ce qui distingue l’écohameau de l’écovillage, c’est sa taille, le hameau étant à l’échelle d’un
“quartier”, l’écovillage s’intégrant à l’échelle d’un village ou d’une ville, avec un écosystème
développé sur les principes du troc, du partage ou de la monnaie locale.
IV-B-a Exemple d’écohameau en France

- Ecohameau Ferme de la Chaux


- L'écohameau Interval de Froidefon

Parmi les écohameaux, 2 tendances prennent de plus en plus d’ampleur :


-les villages d’habitats alternatifs sont installés sur des zones constructibles (appelée Stecal)
sur lesquelles se sont plantés de façon permanente, des « Yourtes », des « Tipis », des
« Kerterres » ou des « Tiny-houses ».
-les hameaux légers sont les mêmes types de village sauf que leur vocation est plus provisoire,
la loi n’autorisant le stationnement de ce type d’habitat que pour une durée de 3 mois.

IV-C Le concept d’Oasis

« En plein désert, l’oasis est cet îlot de vie que l’homme a su faire fleurir de ses mains en
recréant une synergie au sein des différents maillons de l’écosystème – végétal, animal,
humains – et des différents éléments indispensables au vivant : terre, eau, chaleur, ombre… ».
*2 Qui n'a pas entendu parler des Oasis initié par Pierre Rabhi et le Mouvement Colibris ? En
France, ce réseau, aujourd'hui porté par la Coopérative Oasis, contribue à faire connaître les
projets au grand public, d’accompagner les initiatives émergentes ou existantes dans leur
développement ou propose par exemple des formations.
Redéfini par l'association Colibris en 2014, le terme d’oasis n’est pas un label mais est déposé
juridiquement depuis 2017 comme une marque collective. À travers elle, les lieux peuvent se
définir a priori comme oasis mais un règlement de marque sécurise les cas d’abus ou d’actes
contraires aux valeurs. Mathieu Labonne, alors directeur de Colibris, conçoit et porte alors ce
projet. Il est rejoint par Gabrielle Paoli en 2016 qui anime le réseau grandissant des oasis. En
2020, l’ensemble du projet Oasis “essaime” de Colibris et est désormais entièrement porté par
la Coopérative Oasis qui est le réseau de ces centaines d'écolieux et existe pour les aider à
se développer. Elle diffuse ce mode de vie auprès du grand public et soutient les oasis en les
outillant, en les accompagnant et en les finançant. Chaque citoyen peut s'associer à la
Coopérative et y placer son épargne pour contribuer au développement des oasis. « On
emploie le terme “Oasis” qui est un écolieu collectif avec des projets qui rassemblent plusieurs
personnes, plusieurs familles qui, de par le fait qu'ils vont mutualiser, vont pouvoir accéder à
un mode de vie très écologique. Ce n'est pas un label mais on a défini de grands critères, des
constantes. On a la question de l'éco construction et de la sobriété énergétique, la
souveraineté alimentaire. Dans un écolieu, il y a des espaces communs. Si ce sont juste des
maisons écolos en paille, sans espaces communs, pour nous ce n'est pas une oasis. C'est un
lieu ouvert sur l'extérieur, ce sont des lieux qui transmettent, font de l'accueil.

*1 Extrait de passage du mémoire de recherche « Le phénomène écohameau : quelle influence sur le territoire de
Maëva RODIER : http://www.applis.univtours.fr/scd/EPU_DA/2010PFE_Rodier_Maeva.pdf
*2 Tiré du livre « Le Monde a-t-il un sens, Éditions Fayard, 2014 » de Pierre Rabhi

53
Et le dernier critère, c'est la question de la gouvernance partagée, une gouvernance collective
qui respecte l'individu. Mais cela prend des formes très variées, cela va de l'écovillage en
milieu rural aux habitats groupés en milieu urbain, des tiers lieux aussi. Ce sont des projets
qui ne dépassent pas une trentaine de familles. » *1

Les oasis sont des lieux de vie et d’activité écologiques et collectifs. On y expérimente un
mode de vie sobre au service de la préservation des écosystèmes et de la nature. Il existe des
« oasis de vie » où habitent plusieurs foyers (écohameaux, habitats participatifs...), des « oasis
ressource » abritant une ou plusieurs activités économiques (ferme collective, tiers lieux
Multi-activités…), des « oasis de vie et ressource », associant les deux, habitat et activités et
les graines d’Oasis :

IV-C-a Les différents types d’Oasis

-Les oasis de vie : Dans l'intention initiale, les oasis sont les lieux de "vivre-ensemble" où
cohabitent plusieurs cellules familiales. Elles proposent une alternative à l'habitat individuel.
Une oasis de vie est donc une oasis où habitent au moins deux foyers différents, dans le
respect des invariants notés plus hauts.
-Les oasis-ressources : Certains lieux qui respectent les cinq piliers ci-dessus ne sont pas
destinés à être des lieux de vie permanents. Ils ont davantage une vocation d'accueil, de
transmission par des formations ou des stages, etc. Sur ces lieux n'habite qu'une famille, voire
personne, mais un certain "faire-ensemble" est développé par les personnes qui y travaillent
ou s'y retrouvent très souvent.
-Les graines d'oasis : Il s'agit des oasis en projet, qu'elles soient à l'état d'idée, de projet
conçu mais non réalisé ou encore de lieux en construction. Les graines d'oasis ont pour
intention de respecter les cinq invariants présentés plus haut.
Ces lieux sont d’une extrême diversité de taille (de deux à une trentaine de familles, de
quelques milliers de m2 à des dizaines d’hectares), de localisation (urbain, périurbain, rural…),
de forme (une seule maison pour tous ou une par foyers, réhabilitation ou neuf, habitat en dur
ou léger…) et de nature (simple habitat, artisanat, ferme, élevage, résidence artistique,
école…). Elles sont près de 1 000 aujourd’hui, et 500 à fonctionner pleinement.

IV-C-b Les cinq principes fondamentaux des Oasis

Dans sa forme la plus aboutie, une oasis se construit autour de cinq leviers de changement
individuel et collectif :
-Agriculture et autonomie alimentaire : L'agriculture vivrière de proximité permet de tendre vers
l'autonomie alimentaire de manière écologique par l'intégration harmonieuse de l'activité
agricole à l’environnement. Elle peut offrir un support d'activités conviviales de transmission et
de partage de savoir-faire et de savoir-être. Il est nécessaire qu’une oasis développe des
actions spécifiques pour produire une partie de sa nourriture de façon écologique : potager
biologique partagé au sein de l’oasis, installation d’un producteur sur ses terres, relation directe
et soutenue avec un producteur local pour l’approvisionnement de la majeure partie des
aliments…
-Éco-construction et sobriété énergétique : Les habitats et le confort de leurs modes de vie ont
un coût important en énergie et en eau. Les matériaux de construction sont bien souvent
toxiques et nécessitent une énergie grise considérable. Une oasis cherche à diminuer
l’empreinte de son habitat par la création de lieux de vie en harmonie avec le paysage, pensés
pour réduire la consommation en énergie non renouvelable et en eau (phyto-épurassions,
énergies solaires ou éoliennes, collecte des eaux de pluie, conception bioclimatique, toilettes
sèches…) et utiliser des matériaux naturels.
*1 Extrait d’un interview de Mathieu Labonne publié le 16 janvier 2021 : https://www.18h39.fr/articles/ecolos-autonomes-
et-communautaires-le-gros-boom-des-eco-lieux-en-france.html

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-Mutualisation : L’une des causes des problèmes de la société occidentale (surconsommation,
exclusion, misère…) est l’individualisme qui s’est installé au fil des décennies dans nos modes
de vie. Une oasis reconnait qu’un nouvel équilibre est à inventer qui intègre le besoin individuel
d’intimité et de souveraineté mais aussi la coopération, la cohésion et la solidarité que
permettent des espaces et services collectifs. Les oasis intègrent des moyens de "faire et vivre
ensemble", notamment la mise en commun de moyens, d’infrastructures d’accueil ou de
partage, des jardins partagés…
-Une gouvernance respectueuse : La gouvernance d’une Oasis traduit l’accord qu’ils donnent
pour cheminer ensemble et faire évoluer leur lieu de vie. Elle doit être claire et faciliter des
relations humaines bienveillantes. Elle doit respecter les besoins du collectif comme la
souveraineté de chacun.
-L’accueil et l’ouverture sur le monde : La recherche d’autonomie d’une oasis ne doit en aucun
cas être vue comme un repli sur soi. L’oasis doit au contraire être ouverte à celui qui cherche
un lieu de ressourcement, dans une volonté de partage, de convivialité et de transmission.
Une oasis propose des formes d’accueil et d’éducation (permanentes ou temporaires, visites,
ateliers, participation à des réseaux…) pour faire bénéficier le reste de la société de son
expérience. *1

IV-C-c Exemple d’Oasis en France

-L’Oasis de vie, Les Granges des Toits-Liés :


-L’Oasis ressource, La note bleue
-Graine d’Oasis, Habitat groupé du beaujolais val de Saône

IV-D Le concept Longo Maï

Le nom est issu d’une formule difficilement traduisible de l’occitan provençal, exprimant le
souhait « que ça dure ». Longo Maï *2 est créé en 1973 par un groupe d’apprentis, de lycéens
et d’étudiants qui s’installe sur une colline abandonnée de Provence, Limans (FR-04). C’est
désormais une expérience de vie communautaire dans des régions rurales de différents pays
d’Europe. Les coopératives Longo Maï expérimente une vie communautaire dans des régions
rurales (9 en France) et différents pays d’Europe (Suisse, Autriche, Ukraine, Allemagne de
l’Est, Costa Rica). Les coopératives de Longo Maï pratiquent des économies
d’autosubsistance qui restent ouvertes à l’accueil et la formation de jeunes et à des projets
ayant un rayonnement régional. Le modèle économique est basé sur l’agriculture, l’élevage,
l’artisanat, la transformation des matières premières locales et sur la vente directe des
produits.

IV-E Le concept du Cohabitât : l’habitat coopératif, groupé, partagé ou participatif

Si jusqu’ici chacun y allait de son patronyme, depuis 2018, ce mode de vie reposant sur une
démarche citoyenne est encadré par la loi Alur, *3 qui les nomme désormais les habitats
participatifs. Il permet à des groupes de personnes de construire leur logement et de partager
un mode de vie écologique et communautaire, à moindre coût.
Se lancer dans un projet d’habitat participatif, c’est se mettre à plusieurs pour trouver un
terrain, concevoir des logements sur mesure en les adaptant aux besoins et au goût de
chacun, et imaginer une manière de vivre autrement, plus écologique et plus communautaire,
tout en mutualisant les espaces et les biens.

*1 Descriptif tiré du site internet de la coopérative des Oasis https://cooperative-oasis.org/


*2 Série de France culture : Longo Maï, l’utopie dure longtemps : https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-
documentaire/4-experiences-de-retour-a-la-nature-44-longo-mai-lutopie-dure-longtemps
*3 La loi Alur : https://www.ecologie.gouv.fr/habitat-participatif-cadre-juridique-habiter-autrement

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IV-E-a Préceptes du Cohabitât

Le projet de cohabitât s’élabore en appliquant au plus près l’orientation du bâti, les sources de
chaleur renouvelables, la gestion des déchets, les choix des matériaux… Financièrement, les
opérations d’habitat participatif permettent d’ailleurs de construire à coût maîtrisé.

IV-E-b Statut juridique du Cohabitât

Le projet de cohabitât a l’opportunité de se développer sous une forme économique


complètement novatrice : la société coopérative d’habitants. Elle a pour objet de fournir à ses
associés la jouissance de logements et d’espaces partagés. Pour cela elles peuvent construire
ou acquérir un immeuble ; elles assurent ensuite la gestion et l’entretien de l’immeuble. Un
dispositif anti-spéculatif est prévu (prix de cession des parts sociales limité à leur montant
nominal majoré sur l’IRL) et les sorties de la société sont encadrées afin de sécuriser l’équilibre
financier de la société. Ces sociétés sont autorisées à proposer des services aux tiers, le
volume de ces activités étant toutefois encadré. Les associés coopérateurs doivent s’acquitter
d’une redevance, afin notamment de rembourser l’emprunt contracté par la société pour la
construction de l’immeuble.
Autre possibilité, la société d’attribution et d’autopromotion a pour objet d’attribuer à leurs
associés la jouissance ou la propriété de leur logement. Elles peuvent pour cela construire un
immeuble. Contrairement aux coopératives d’habitants, ces sociétés peuvent donc donner lieu
à des copropriétés lorsque les statuts prévoient une attribution en propriété, dès lors que l’un
des associés se retire ou bien que la société soit dissoute.
Ces 2 statuts sont prévus par la Loi Alur mais rien ne nous empêche de lancer ce type de
projet à partir d’autres structures juridiques : la Sci classique, la Scia (société civile immobilière
d’attribution) ou Sccc (Sociétés coopératives de construction).

IV-E-c Exemple de coopérative d’habitant en France

-Le village Verticale à Villeurbanne

IV-F Le concept de l’écoquartier

Porté par le Ministère de la Transition écologique, ce label favorise de “nouvelles façons de


concevoir, construire et gérer la ville durablement”. Lancé en décembre 2012, le label Éco
Quartier répond à l’objectif fixé par l’article 7 de la loi de programmation du 3 août 2009 relative
à la mise en en œuvre du Grenelle de l’environnement *1. Un écoquartier est une zone urbaine
conçue, organisée et gérée dans une démarche de développement durable. Ces quartiers
doivent ainsi avoir un potentiel de développement économique, répondre à des critères de
performance environnementale rigoureux (Transport en commun, recyclage et valorisation des
déchets, écoconstruction répondant à des normes exigeantes pour limiter les émissions de
gaz à effet de serre des bâtiments, traitement des eaux de pluie, intégration de la biodiversité
urbaine dans le projet architectural, sobriété énergétique et développement des énergies
renouvelables…) et assurer la mixité sociale et fonctionnelle (logements, commerces,
équipements publics…).
L’État a la mission d’encourager « la réalisation, par les collectivités territoriales, d’opérations
exemplaires d’aménagement durable des territoires » et plus particulièrement des opérations
d’Écoquartier dans les territoires qui ont des « programmes significatifs de développement de
l’habitat ».
Le référentiel Écoquartier est bâti sur une Charte de 20 engagements regroupés en 4
dimensions :

*1 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000020950574/

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-Démarche et processus
-Cadre de vie et usages
-Développement territorial
-Environnement et climat

Si, sur le papier, le label se rapproche quelque peu du concept d’écolieu, dans les faits 2 points
le distinguent véritablement. D’une part la dimension environnementale du bâti est basée sur
son exploitation, ses consommations énergétiques, et non sur le bilan carbone des
constructions. Ce qui engendre souvent des aberrations au niveau du choix des matériaux.
Par ailleurs, tendre vers l’autosuffisance (et notamment économique) n’est pas vraiment un
aspect pris en compte dans la charte d’engagement. Un label intéressant à mettre en place
pour des projets périurbains, cependant plus compliqué à respecter lorsqu’on s’éloigne des
villes. A savoir que beaucoup de quartiers se revendiquent de l’écoquartier sans jamais n’avoir
respecté ni obtenu le label. Le problème est qu'il n'y a pas de norme définissant les critères
d'un écoquartier. Si bien que sous cet intitulé se retrouvent des projets totalement "marketing"
ou "effet de com'" autant que des quartiers ayant fait l'objet de réflexions visant réellement des
objectifs environnementaux et sociaux. Après, évidemment entre les intentions préalables et
la mise en œuvre, en particulier lorsque les habitants s'installent, des écarts peuvent aussi
apparaître même si tout est parti des meilleures intentions du monde. À mon avis, les
écoquartiers sont une expérimentation nécessaire (pour trouver le point d'équilibre entre
configuration du quartier et changement de comportement des individus venus vivre dans ce
quartier) dans la recherche d'un urbanisme durable (prenant en compte environnement et
mieux-vivre ensemble) mais ils nécessitent un meilleur encadrement pour éviter le
greenwashing.

IV-F-a Exemple d’un écoquartier en France

-La Zac de Bonne à Grenoble

Pour pallier l’isolement et dynamiser leur territoire, des citoyens créent depuis des années des
« Tiers Lieux » afin de développer le « faire ensemble » et retisser des liens. Ces lieux sont
des acteurs centraux de la vie de leurs territoires. Leurs activités, bien plus larges que le
coworking, contribuent au développement économique et à l’activation des ressources locales.
Certains de ces tiers-lieux passent parfois une étape supplémentaire pour y intégrer, tout
d’abord un accueil de nuit, puis des logements et des habitats individuels. Cependant, ce terme
de « Tiers Lieu » n’inclut pas automatiquement la notion d’habitat et la transition écologique,
c’est pourquoi, ce concept ne correspond pas à mes critères d’écolieu et il me semble donc
moins adapté à mon sujet.
Voici « En résumé, 4 différences clés et 1 zone de recouvrement :
-On n’habite pas sur un tiers-lieu (sauf à être une forme hybride...).
-On ne démarre pas un habitat collectif aussi facilement qu’un tiers-lieu où personne
n’habite.
- La préoccupation écologique est constitutive des écolieux du réseau oasis, elle est plus
aléatoire dans les tiers lieux.
- La dimension économique et, souvent, de l’accueil du public, est constitutive d’un tiers-lieu,
aléatoire dans un écolieu d’habitats.
- Certains écolieux sont des tiers-lieux mais pas tous ; certains tiers-lieux sont des écolieux
mais pas tous... » *1
*1 Tiré de l’article « Ecolieux ou tiers-lieux, quelles différences ? » du 21 octobre 2020 https://www.colibris-
lemouvement.org/magazine/ecolieux-ou-tiers-lieux-quelles-differences

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IV-G Le concept de ZAD

« ZAD » qui est un acronyme de « Zone A Défendre ». D’après le dictionnaire Larousse, une
« ZAD » est un « Espace, le plus souvent rural, occupé par des militant-e-s s'opposant à un
projet d’aménagement qu'ils estiment inutile, coûteux et susceptible de porter atteinte à
l'environnement et à l'intérêt des populations locales. »
« Le mot ZAD, lui-même, est le détournement ironique d’un sigle familier aux aménageurs,
celui d’une procédure instituée au début des années 1960 et qui a été utilisée notamment pour
l’aménagement des villes nouvelles. La création d’une « zone d’aménagement différé » par
l’État (en l’occurrence le préfet) permet à une collectivité de se substituer à l’acheteur lors de
la vente d’un terrain sur lequel une opération d’aménagement est prévue dans un futur plus
ou moins proche ; ce droit de préemption sert à constituer les réserves foncières nécessaires
et à éviter toute spéculation… » *1
« Une « zone à défendre » (ZAD (…) est un outil du répertoire d’actions des luttes écologistes
qui consiste à occuper une zone naturelle (forêt, plaine, friche, littoral, etc.) où des aménageurs
privés ou publics ont prévu un projet propre à la folie des grandeurs contemporaine : parking,
centre commercial, aéroport, barrage, gare… Ces ‘grands projets inutiles et imposés’ passent
par une artificialisation totale du sol, un bétonnage intensif, rasant des hectares de terrain
abritant souvent une biodiversité importante. (…) Ces grands projets inutiles et imposés
passent par une artificialisation totale du sol, un bétonnage intensif, rasant des hectares de
terrain abritant souvent une biodiversité importante. ( …) »
Des groupes de contestation, souvent composés d’écologistes, de militants hostiles au
système capitaliste, de riverains ou d’élus locaux, se structurent sur le terrain et s’entraident
pour défendre parfois vigoureusement des espaces qu’ils considèrent en danger.
Les Zadistes pratiquent l’action directe en utilisant certaines techniques de défenses :
« Rassemblements pacifiques sur place ou en marge, clowns activistes, armlocks, tripodes,
cabanes, barricades, black Blocs, contre-violence à base de boules puantes, pavés ou
cocktails Molotov. (…) On peut préciser que si une certaine forme de violence, physique, est
utilisée ponctuellement par les zadistes, elle surgit pour s’opposer à la violence, physique mais
aussi symbolique, utilisée par le système, ce que certain·e-s appellent aussi le monopole de
la violence légitime de l’Etat. Cet outil a du sens de nos jours, certain·e-s militant·e-s se
détournant de plus en plus des voies juridiques et politiques jugées bien trop lentes dans un
contexte d’urgence climatique (…). *2
« Un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et
accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du
gouvernement » John Rawls. *3
Certaines ZAD ont fait leurs preuves en France avec les victoires de Notre-Dame-des-Landes
en Loire-Atlantique, ou de Roybon en Isère.
Si nous prenons l’exemple de La ZAD de Notre-Dame-des-Landes, elle deviendra à la suite
de sa victoire une zone d'expérimentation « dans le vivre et le faire-ensemble » et de diverses
autres expérimentations sociales et écologiques qui correspondent à mes critères de
validation d’un écolieu.
*1 https://www.cairn.info/geopolitique-locale--9782200275396-page-85.htm
*2 https://lecourrier.ch/2021/06/20/zad-decoloniser-les-imaginaires/
*3 https://www.liberation.fr/livres/2016/05/04/on-a-raison-de-se-revolter_1450557/

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Cabane à La ZAD de Notre-Dame-des-Landes - Photo Jeremy Esbert

Bibliothèque à La ZAD de Notre-Dame-des-Landes- Photo Jeremy Esbert

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IV-G-a La ZAD de Notre-Dame-des-Landes (NDDL)

Elle est la mère des ZAD en France. La lutte contre le Projet d'aéroport du Grand Ouest filiale
de la multinationale Vinci-Airports a débuté dès 1972, il y a 49 ans. Ce projet pouvait entraîner
la disparition de terres agricoles et de zones humides. Depuis, la résistance des « Zadistes »
de NDDL face à ce projet climaticide a été longue et périlleuse. La chronologie est longue mais
passionnante. Ce n’est malheureusement pas le sujet de mon mémoire de recherche. Le projet
du Projet d'aéroport a finalement été abandonné en 2018.

En août 2020, lors de mon passage aux rencontres Intergalactiques, à l’Ambazada de NDDL
un festival des convergences des luttes internationales, j’ai pu constater de mes propres yeux
et aussi grâce à la visite de NDDL par John Jordan *1, habitant de la ZAD, différentes initiatives
de transitions écologiques. Des activités agricoles alternatives ont été développées ainsi
qu’une gestion collective des terres, en lien avec des paysans locaux et de nombreux citoyens.
J’ai pu remarquer aussi des projets de boulangerie bio, un collectif, « Abrakadabois », qui
assure la gestion forestière sur la Zad (bûcheronnage, débardage, sciage, etc.), d’auberges
autogérées, de caravanes internet, d’apiculture, de maraîchage bio, de Permaculture, de
verger et de culture de plantes médicinales. Les zadistes visent l'autosuffisance alimentaire,
énergétique mais également politique. Les zadistes de NDDL rejettent la loi de l'offre et de la
demande et donc les rapports marchands ; ils vendent donc à prix libre et conscient ou
gratuitement le pain, les fruits ou encore les légumes. Ils et elles utilisent un fonctionnement
coopératif, des outils de gouvernance partagée et de gestion de conflits tel que le « Cycle des
douze » inspiré de la « Justice communautaire » du Chiapas (Mexique).

En termes d’habitats, Les zadistes de NDDL ont réaménagé des vielles fermes et
expérimentent la vie en « habitat léger » dans des cabanes par exemple afin de réduire leur
empreinte écologique. En janvier 2021, 500 ouvriers ont construit avec du bois durable
« L’Université des Tritons », une université consacrée à la sauvegarde de la faune et de la
flore. Au niveau solidaire, des actions sont concrètement mises en place comme « L’auberge
des Q de plomb », qui est un projet de maison intergénérationnelle, l’accueil de personnes en
souffrance psychologique ou rencontrant des problèmes avec les drogues, une « maison des
enfants » qui gère les accouchements. Des migrants africains sont également accueillis, des
cours de français et de l'aide pour remplir les demandes d'asile sont fournies en relation avec
No Border de Calais.

La Zad de Notre-Dame-des-Landes est aussi un bouillonnant laboratoire artistique et culturel


car une bibliothèque y est présente à côté d’un phare Des projections-débats, des pratiques
artistiques, des concerts, des représentations de spectacles vivant et des festivals sont
régulièrement organisés, ce que nous verrons plus tard plus en détail dans le partie VII-B-e ce
mémoire.
Notre-Dame-des-Landes est pour moi un modèle d’écolieu car elle appelle à une autre façon
de vivre et d’habiter. *2

*1 John Jordan, artiste/activiste, a notamment co-fondé les groupes d’action directe non violente, Reclaim the Streets et
L’armée des clowns. Il anime aujourd’hui Le Laboratoire de L’imagination Insurrectionnelle. Il participe à la mise en
visibilité des mouvements de résistance et d’expérimentations « alternatifs », au travers du monde, via ses interventions
et diverses publications, parmi lesquelles l’ouvrage collectif, « We are everywhere : the irresistible rise of global
anticapitalism » (Notes from Nowhere, Verso 2003) ; le livre et documentaire fictionnel avec sa compagne Isabelle
Fremeaux, Les Sentiers de l’Utopie, La Découverte/Zones). Ensemble ils ont monté une communauté « La r.O.n.c.e »
(Resister Organiser Créer Exister) à la ZAD de NDDL. https://www.franceculture.fr/personne-john-jordan.html

*2 https://reporterre.net/Oui-la-Zad-sauvera-le-monde

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IV-G-b Exemples de ZAD en France

La ZAD de Notre-Dame-des-Landes
Beaucoup de ZAD sont toujours en résistances et méritent notre soutien :
- Le quartier libre des Lentillères contre un projet immobilier d « écoquartier » à Dijon :
- ou la Lutte contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure dans la Meuse.

IV-H Le concept de village alternatif Emmaüs Lescar Pau

Pour la petite histoire, les parents de ma compagne habitent à Lescar Pau, à 900 mètres de
ce lieu emblématique. En décembre 2020, au début de l'analyse de mon mémoire, je suis donc
allé leur rendre visite. Confiant, sur place, Je me suis vite rendu compte que cela pouvait être
difficile d'interviewer un responsable, car le lieu est immense et il y a beaucoup de monde.
Malgré cela, pendant la visite du lieu, j’ai discuté avec un apiculteur avec l’accent du Béarn.
Je lui ai timidement manifesté l’objet de ma venue en lui indiquant que je recherchais un
compagnon dont j’avais eu le contact par un ami d’Alternatiba-ANV Rhône. Cet Emmaüs est
très proche de ce mouvement écologique. De « fil en aiguille », j’ai passé un premier entretien
informel avec mon contact d’une extrême gentillesse, dans les cuisines du restaurant
d'Emmaüs. Il a été très clair avec moi, il m'a expliqué qu'il filtrait déjà les charlatans par ce
processus. Il m’a fait savoir que je ne pouvais pas interviewer d’autres personnes que le
fondateur historique, qui tenait apparemment d’une main de fer le village alternatif. Plus tard,
j’ai compris qu’il y a en effet très peu de personnes de la communauté autorisée à porter la
parole publique de la communauté. Je les ai donc rassurés en leur exposant mon parcours
professionnel et le sérieux de ma formation à l'Institut de Transitions. C’était très étrange car
si je rencontrais le grand responsable, ils m’ont bien fait comprendre qu’il ne fallait pas que je
ne m’étende ni sur ma formation à l’Institut Bioforce, ni sur mon parcours d’humanitaire. Il m'a
demandé aussi de faire quelques jours de bénévolat pour pouvoir accéder à un interview avec
lui, ce que je comprenais et qui ne me dérangeait pas. Malheureusement, la complexité de
cette procédure plus les restrictions de déplacement entre Lyon et Lescar Pau dues au Covid
ne m'ont pas permis de faire un interview avec le fondateur.
Nous allons ici décrire brièvement le village alternatif d’Emmaüs Lescar Pau : fondée en 1982
par Germain Sahri, la communauté Emmaüs de Pau est devenue en trois décennies la plus
importante de France, accueillant 130 personnes en situation de précarité, les compagnons
(hommes et femmes) et une quinzaine de salariés. La vie communautaire, l’activité et l’entraide
inconditionnelle sont les trois valeurs cardinales inscrites au cœur du projet social d’Emmaüs.

« Les compagnons et compagnes, chevilles ouvrières du village, aux côtés des salariés et des
bénévoles, arrivent souvent là après un accident de vie plus ou moins grave. Ils sont sans
domicile fixe, chômeurs en fin de droits, sans-papiers, souffrent de fortes addictions, viennent
de connaître une rupture… Certains (de plus en plus nombreux) arrivent aussi simplement par
choix, pour s’extraire de la société de consommation. La communauté les accueille. Pour tous,
les conditions sont les mêmes : le pécule des compagnons et leurs primes (pour les vacances,
par exemple) représentent, mis bout à bout, de 400 à 500 euros par mois. Nourris et logés
gratuitement, ils disposent aussi d’une couverture maladie et cotisent à la retraite. En échange,
ils travaillent de 8h à 18h, du mardi au samedi. Ce fonctionnement est possible grâce au statut,
précieux et trop rares, d’OACAS (Organisme d’accueil communautaire et d’activités
solidaires), obtenu lors d’un accord entre le mouvement Emmaüs (120 communautés environ)
et l’État. Il leur reconnaît officiellement une qualité de travailleur solidaire. La communauté
cotise aussi pour eux à l’URSSAF à

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Maisons du village alternatif Emmaüs Lescar Pau - Photo Jeremy Esbert

Le rucher du village alternatif Emmaüs Lescar Pau - Photo Jeremy Esbert

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hauteur de 40 % du SMIC. (…) Ici, pas de personnel spécialisé, pas de travailleurs sociaux.
Le groupe fonctionne comme une famille, où chacun prend soin de l’autre et fait appel à un
psy ou un médecin à l’extérieur, si besoin. » Cette approche, en rupture avec les logiques
d’assistanat, permet aux personnes accueillies de retrouver une dignité par le travail.

En termes de gouvernance, L’organisation s’appuie sur un mélange de souplesse et de


fermeté : « Ici, annonce-t-on aux nouveaux arrivants, ceux qui enfreignent quelques règles de
base (pas de racisme, d’excès d’alcool, de violence, etc.) sont invités à partir aussitôt. Ceux
qui ne se plaisent pas peuvent aussi quitter les lieux du jour au lendemain. Les autres peuvent
rester aussi longtemps qu’ils le souhaitent et progressivement prendre des responsabilités…
ou non. Germain ressasse ces trois possibilités et en garantit l’application, d’une manière jugée
parfois hâtive, mais indéniablement efficace. (…) dans un contexte où beaucoup arrivent
simplement pour échapper à la rue, pour se refaire avant de repartir, il y a environ 30 % de turn-
over par an ; beaucoup restent ici des années, voire plusieurs décennies. (…) Germain,
fondateur de cette communauté Emmaüs de 38 ans, en demeure, à 66 ans, le pilier. Avec les
avantages et les défauts de cette longévité. Certains lui voient des penchants autoritaires, lui
qui revendique des décisions « dans l’instant plutôt qu’en instance ». Néanmoins, celui que
l’on surnomme ouvertement « le vieux » écoute chacun à l’heure du repas, comme en réunion
et sans distinction de statut. Il incarne indéniablement cette « non-discrimination », dans les
pas de l’Abbé Pierre, avec les exclus comme avec les arrogants en costume qu’il remet à leur
place. Mais sa pratique inclusive de la gouvernance reste informelle : ‘’ Comme d’autres
associations, on a un CA mais au quotidien on n’est pas dans ce fonctionnement. On s’appuie
sur la relation de confiance. Tout est très oral. Cela vient de notre ADN sociale : il faut sans
cesse parler avec les compagnons. Quand un besoin s’exprime et que nous avons une
décision à prendre, je procède par cercles concentriques. J’en parle avec les intéressés, puis
une fois que l’idée a mûri, j’en fait part au réfectoire (c’est le moment où nous sommes
rassemblés) pour que tous ceux qui le souhaitent puissent venir à une réunion un peu plus
officielle. Finalement les décisions sont prises par tous ceux qui veulent y prendre part
‘’, conclut Germain. »

Initialement installée à Mirepeix, la communauté déménage à Lescar Pau, petit village des
Pyrénées-Atlantiques en 1987. C’est cependant moins ce changement que l’achat de terres
en friche en 1998 qui va déterminer la transformation de la communauté originelle, qui va petit
à petit s’organiser autour d’une ferme où l’on pratique une agriculture écologique. Des 1,7
hectares originels, la surface cultivée va s’étendre d’année en année, avant d’atteindre les 7
hectares actuels. On y pratique aujourd’hui à la fois des activités de maraîchage basé sur la
pratique de la culture sur sols vivants, élevage et apiculture, dans le respect des règles de
l’agroécologie et du bien-être animal.

Acteur aussi régional de premier plan avec sa déchetterie et son bric-à-brac, qui attirent
quotidiennement près de 1.500 personnes. Les compagnons d’Emmaüs redonnent une
seconde vie à ce qui serait ailleurs considéré comme des déchets. Cette activité d'économie
circulaire est peut-être celle qui montre de façon la plus claire le lien entre écologie et solidarité,
puisqu’au-delà de la préservation de l’environnement, cette activité permet la mise en valeur
des savoir-faire de chacun des compagnons, qui regagnent une dignité en étant acteurs autant
que bénéficiaires des actions mises en place par la communauté.
Le modèle économique prôné sur le village permet de faire vivre cent vingt personnes sur le
village sans aucune subvention publique. L’autonomie du lieu, par son indépendance, permet
de jouir d’une vraie puissance politique. L’ancrage politique et militant du lieu passe également
par le culturel. Projection-Conférences-Débat et concerts rythment chaque année la vie du
village. « Des festivals, des concerts et des conférences réunissent ici des figures de la gauche

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telles Manon Aubry ou François Ruffin, ou même Evo Morales, mais aussi les associations
voisines et de grands artistes : Matthieu Chedid, Zebda, etc. Benoît Delpine et Gustav Kervern
ont tourné ici leur film I Feel Good et aimeraient implanter une ambassade de Groland. »
Parallèlement, les mobil-homes dans lesquels vivaient les compagnons au début de l’aventure
se sont peu à peu transformés en éco-habitations, formant un véritable petit village, un
processus qui a trouvé son aboutissement en 2013, lorsque la communauté change de nom
et devient officiellement le Village de Lescar-Pau. La communauté représente donc un
formidable champ d’expérimentations dans le domaine écologique, à travers la mise en
pratique de procédés innovants tant dans le domaine de la production agricole que celui de
l’architecture, permettant de proposer des alternatives au modèle dominant.
Le village alternatif possède désormais son restaurant, son épicerie, sa boulangerie, son bar,
sa crêperie, ses festivals culturels … Archétype du « Penser globalement, agir localement »,
*1 elle a mêlé aux valeurs traditionnelles d’Emmaüs, que sont la solidarité et le partage, les
combats écologiques et altermondialistes, et s’investit, après l’Afrique, dans des partenariats
avec la Bolivie et la Palestine. Si la communauté Emmaüs Lescar-Pau n’est pas le pays de
l’utopie, elle représente un véritable modèle d'écolieu qui est une alternative à la société de
consommation. *2
Il n’existe pas d’autres exemples de village Emmaüs, celui de Lescar-Pau est unique en son
genre.

IV-I Le concept des communautés de l’arche

Les Communautés de l’Arche ont été fondées en 1948 par Giuseppe Lanza di Trabia-
Branciforte1, connu sous son nom d'auteur : Lanza Del Vasto, philosophe italien né le 29
septembre 1901 à San Vito dei Normanni, province de Brindisi, dans les Pouilles et mort le 5
janvier 1981 à Murcie, dans le sud-est de l'Espagne. Disciple chrétien de Gandhi, il est le
fondateur des Communautés de l'Arche, axées sur la vie intérieure et la non-violence active.
Écrivain de livres, de pièces de théâtre, et poète de langue française, il fut aussi sculpteur,
dessinateur et musicien. Conférencier international, il s'engagea dans de nombreuses actions
en faveur de la paix. Il s’inspira du modèle des ashrams de Gandhi en Inde, dans la lignée du
sentiment pacifiste et du mouvement pour la non-violence d'après-guerre. Elles eurent une
certaine influence dans la formation du mouvement alternatif des années 1950 à 1980 qui est
une des racines de l'altermondialisme. Le mouvement a vu le jour à Paris où des
sympathisants de Lanza se réunissaient dans son appartement. Puis une première
communauté rurale a été créée en 1948 à Tournier, commune de La Genétouze en Charente-
Maritime. Avec des règles d'admission très souples, beaucoup de curieux vinrent s'installer.
Les différences entre les participants créèrent des conflits, et Lanza dut dissoudre cette
communauté en 1952. Une nouvelle Fondation naît alors à Bollène, dans le Vaucluse en 1954.
En 1963, la communauté s'installe dans le domaine de La Borie Noble à Roqueredonde dans
le Haut-Languedoc.

*1 Tous Les passages entre guillemets du descriptif du village alternatif Emmaüs Lescar Pau sont tirés du magazine
Kaisen Oasis, De Lionel Astruc, du 9 mars 2021 : « Emmaüs de Lescar Pau #1 - La communauté comme seconde chance »
https://kaizen-magazine.com/article/emmaus-de-lescar-pau-1-la-communaute-comme-seconde-chance/
*2 Ce descriptif du village alternatif Emmaüs Lescar Pau est tiré des sources suivantes :
-Emmaüs Lescar-Pau. Le compagnon, la ruche et l’utopie, de Denis Lefèvre, éditions Privat, janvier 2018
-Site internet : https://www.emmaus-lescar-pau.net/
-Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=5rI-RRX5vjU

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« L'ordre laborieux de l'Arche » se définit comme un rassemblement d'hommes et de femmes
mus par une volonté commune d'accepter la pratique du travail et le principe de la non-
violence. La lutte des paysans du Larzac contre l'extension du camp militaire marque un
nouveau tournant dans le mouvement. Un petit groupe squatte une ferme achetée par l'armée
au lieu-dit les Truels. Les années 1970 et 1980 voient une extension importante du mouvement
avec la création de nouvelles communautés, en Lot-et-Garonne (Bethsalem et Le Grand
Mouligné), à Bonnecombe dans l'Aveyron, à Ségrie dans la Sarthe, à Saint-Antoine-l'Abbaye
en Isère, en Espagne et en Italie, et même au Québec. Depuis l'an 2000, d'autres lieux qui
étaient de longue date en lien avec le mouvement deviennent des communautés reconnues :
en Suisse la communauté de Chambrelien près de Neuchâtel, et en Allemagne le Friedenshof
à Niedernstöcken près de Neustadt en Basse-Saxe. En 2012 sont actives les communautés
de La Borie et de La Fleyssière dans l'Hérault, de Saint-Antoine en Isère, de Chambrelien en
Suisse, le Friedenshof en Allemagne et la maison communautaire de Buenos Aires
(Argentine). Des groupes existent aussi en plusieurs régions de France et en Belgique, en
Espagne et en Italie, en Équateur et au Canada. La Coordination de l'action non-violente de
l'Arche (CANVA), participe à diverses actions en faveur de l'écologie (par exemple contre les
OGM et contre le nucléaire) et du respect de l'humain (par exemple les cercles de silence).
L'association Jeunesse et non-violence organise des camps d'été sur la non-violence pour les
jeunes et des rencontres entre jeunes Européens favorisant l'échange et le dialogue
interculturel.
Il y a beaucoup d’écolieux qui se créent au moment où nous écrivons ces lignes. Il est
impossible de recenser dans une liste exhaustive les écolieux en France, d’une part parce que
ces lieux s’ouvrent et se ferment avec une grande fluidité sur tout l’hexagone, d’autre part
parce que le contour de la définition de ces lieux est floue et varie largement. Dans la rédaction
du mémoire de recherche, nous découvrons un nouveau écolieu toutes les semaines. Cet
engouement est lié à divers enjeux que nous allons aborder dans le chapitre suivant.

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V Les enjeux des écolieux

Même si la France est en retard par rapport à ses amis européen du Nord, des projets
d’écolieux fleurissent un peu partout sur l’Hexagone depuis une vingtaine d’années. Des
associations et des réseaux spécialisés favorisent aujourd’hui la mise en place de ces lieux
de vie en transition dans l’attente d’obtenir une réelle reconnaissance politique. À travers les
médias qui s’emparent de plus en plus du sujet, le « Grand public » commence à prendre
conscience qu’il est possible de « Vivre et de faire ensemble » sur leur territoire.

Pourquoi cet enthousiasme si présent à l’heure d’aujourd’hui ? Tout un ensemble de causes


sociales, économiques, environnementales et sanitaires peuvent l’expliquer. Je vais tenter
d’en élucider quelque unes.

L’une des raisons principales de ce mouvement d'exode urbain est la recherche d’une
meilleure qualité de vie. Tel que le dixit Mathieu Labonne, l’une des grandes figures de
l’écologie, d’abord chercheur au CNRS pour le GIEC, et aujourd’hui coordinateur de la
Coopérative des Oasis : “ça serait pas mal d'avoir une meilleure qualité de vie, d'être plus
proche de la nature, un environnement un peu moins stressant”. En effet, il y a un réel besoin
de vivre dans une « Simplicité volontaire », de recréer des rapports sociaux plus profonds avec
un voisinage convivial et solidaire et de rétablir une reconnexion à nos territoires et à la nature.
Par exemple, « L’éclatement des familles et son corollaire, l’isolement, donnent à certains
l’envie de retrouver des liens pour plus d’entraide, de sécurité, de convivialité ». *1

Je constate dans mes recherches qu’il y a une demande sociale mais aussi une demande
spirituelle de reconnexion avec l’ensemble du monde vivant où l’humain n’est plus au centre,
mais en lien avec toutes les autres formes de vie : animale, végétale, minérale…, de
l’infiniment grand à l’infiniment petit. Je pense que les deux vont de pair. Sans la dimension
sociale, nous tombons dans le fanatisme. Mais sans la dimension spirituelle, nous tombons
dans le pessimisme et le manque de sens. Mathieu Labonne qui a un engagement spirituel
fort, en particulier auprès des traditions hindouistes incarnées par Amma dixit « Je pense que
la crise écologique est en partie de nature spirituelle car elle conditionne un certain rapport au
monde. (…) la démarche écologique nourrit la démarche spirituelle, et vice versa. (…). Dans
un monde vide, les écolieux nous confrontent à l'altérité » *2

L’exaspération de l’étalement urbain tel que la construction de lotissements, de zones d'activité


industrielles et commerciales de plus en plus gigantesques, ou bien de l'agriculture intensive
contaminant les espaces initialement ruraux (forestiers ou agricoles) sont aussi des facteurs
favorables au développement de ces initiatives : « Célia, 28 ans, a quitté son travail d’ingénieur
bien payé à Saint-Gobain pour rejoindre cette aventure avec son conjoint. Retrouver du lien
social ‘dans un monde qui le piétine’ (…) et déployer sa préoccupation pour l’avenir de la
planète sont à la source de ce qu’elle considère comme un engagement. (…) » *3

*1 Tiré du livre, page 10 « Ecovillages & habitats participatifs de Nathalie Boquien & Marie Thiriet.
*2 Interview de Mathieu Labonne par l’Archipel des alizées sur le Blogs de Médiapart du 7 juin 2021:
https://blogs.mediapart.fr/archipel-des-alizees/blog/070421/mathieu-labonne-dans-un-monde-vide-les-ecolieux-nous-
confrontent-lalterite
*3 Série (2/6) « La France des oasis » du Journal le Monde par Nicolas Truong et Pascale Tournier « Ecovillages, logements
participatifs… Une autre manière d’habiter la Terre », Interview de Célia habitante de l’oasis du Plessis (Eure-et-Loir), publié
le 18 août 2020 https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/18/ecovillages-logements-participatifs-une-autre-
maniere-d-habiter-la-terre_6049180_3451060.html

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Cet engouement est renforcé par le coût élevé de la vie en général et surtout par la spéculation
immobilière et foncière qui rend l’accès au logement de plus en plus difficile et qui utilise
principalement des matériaux et des techniques de construction nocifs pour la santé des
habitants et de son environnement.

« On travaille pour les générations futures, pas pour soi, soutient la jeune femme. Il s’agit de
prendre le temps de changer un lieu à son échelle (…) Comme Célia, ils sont de plus en plus
nombreux à s’installer dans des éco hameaux ou des habitats participatifs (…) Ils pensent que
le changement de société passe par une autre façon d’habiter. L’architecture arrêtée reflète
leur volonté de respecter l’environnement et de créer du commun. (…) Comme le souligne
l’écrivaine et essayiste Marielle Macé, habiter constitue en soi un projet politique *1, car c’est
faire face autrement à ce monde ci, à ce présent-là, avec leurs saccages, leurs rebuts, mais
aussi leurs possibilités d’échappées. Et occuper autrement le terrain. *2. Une occupation de
terrain parfaitement comprise par les zadistes de Notre-Dame-des-Landes qui considèrent que
ce geste simple, habiter, est inséparable de celui de lutter » *3
Ces résolutions de vivre dans des écolieux sont autant de réponses aux dérives du capitalisme
et aux excès de la société de consommation. Effectivement, ce modèle de pensée
individualiste et matérialiste se base sur la propriété privée qui ne fait qu’aggraver les rapports
de domination entre nous et le vivant, les relations au travail, les inégalités sociales, la
concentration des richesses, et surtout la privatisation de nos biens communs (l’air, l’eau, les
sols, les forêts, la Terre, …). « Nous ne sommes pas contre la monnaie unique européenne.
Mais une fois qu’elle a circulé 2,5 fois, elle sert les transactions financières et non plus la
sphère économique réelle. La monnaie locale, qui permet de payer des prestataires locaux
respectueux de critères durables, est échangée entre six à douze fois avant de nourrir les
échanges du monde de la finance. (…) Frappée par la richesse des nouvelles formes de vie
qui s’inventaient partout, mais aussi par la pauvreté et la désespérance de certains territoires
que nous traversions, j’ai eu envie d’inventer et d’expérimenter un autre système économique.
(…) Il repose d’abord sur la réappropriation de la production, la mise en œuvre de circuits de
distribution et d’un revenu de base rémunéré en ‘abeilles’, la monnaie citoyenne locale. » *4

Les porteurs de projet d’écolieux sont convaincus de la nécessité d'agir à leur échelle face au
plus grand défi que l’humanité ait jamais rencontré, c’est à dire l’effondrement de la biodiversité
et le dérèglement climatique. « Le sentiment d’impasse écologique est le principal moteur de
ce phénomène », explique le professeur de science politique Laurent Jeanpierre, qui travaille
sur les expériences communautaires et les utopies réelles. » *5

*1 Série (2/6) « La France des oasis » du Journal le Monde par Nicolas Truong et Pascale Tournier « Ecovillages,
logements participatifs… Une autre manière d’habiter la Terre », Interview de Célia habitante de l’oasis du Plessis (Eure-
et-Loir), publié le 18 août 2020 https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/18/ecovillages-logements-
participatifs-une-autre-maniere-d-habiter-la-terre_6049180_3451060.html
*2 Nos cabanes, Verdier, 2019.
*3 Habiter en lutte. Quarante ans de résistance, collectif Comm’un, Le passager clandestin, 2019.
*4 Série (4/6) « La France des oasis » du Journal le Monde, par Nicolas Truong, « On doit changer la société », Interview
de Frédéric Bosqué, l’un des fondateurs de l’écovillage Tera (Lot-et-Garonne) et Marie-Hélène Muller, spécialiste en
génétique des populations publié le 19 août 2020 https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/19/on-doit-
changer-la-societe-rencontre-avec-des-pionniers-de-la-nouvelle-economie-du-partage_6049386_3451060.html
*5 Publié le 6 février 2021 par Sébastien Billard sur Nouvel Obs :
https://www.nouvelobs.com/planete/20210206.OBS39858/nous-assistons-a-une-nouvelle-vague-d-exode-vers-des-modes-
de-vie-alternatifs.html

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Ces acteurs et actrices de cette transition décident de prendre leur vie en main en accord avec
leurs valeurs. Cependant, se préparer au changement demande réellement un « retour à la
terre » afin d’apprendre et de transmettre à cultiver par exemple en permaculture, et de
changer son rapport à son alimentation « Bonne, propre et juste ». Par conséquent, ces
individus rejettent la culture productiviste de l'agriculture, ils reconnaissent de plus en plus la
valeur sacrée de la terre qui les nourrit, ils repensent leurs priorités, celle de préserver les
générations à venir et de sauvegarder la planète. Comme l’ont proclamé les sages de toutes
les traditions depuis l’antiquité : « La santé de l’Homme est le reflet de la santé de la Terre »
(Héraclite d’Ephèse – 450 av. JC)
Il y a évidemment un enjeu actuel lié à la crise actuelle du Covid « La crise sanitaire a renforcé
la légitimité de ces écovillages où l’on veut cohabiter de manière plus accordée et solidaire,
loin d’une vie jugée insensée, prédatrice et solitaire. Les résidents de ces lieux collectifs,
souvent qualifiés de « résilients », vivaient déjà dans le ‘ monde d’après ‘ : le confinement dû
à la pandémie de Covid-19 a conforté leur conversion. » *1

Dans cette partie théorique, nous venons de démontrer que la dimension artistique et culturelle
était déjà présente dans certaines communautés intentionnelles et nous nous rendons compte
en quoi elle était bénéfique sur plein d’aspects. Entre autres, nous avons mis en évidence que
l’art et la culture sont omniprésents dans nos sociétés, qu’ils sont bienfaisants pour l’être
humain et aussi moteurs de civilisation. Nous avons ainsi posé des hypothèses. Nous y
reviendrons plus tard dans la partie VII de notre analyse et de l’interprétation de nos résultats.
Afin d’entrer dans le vif du sujet des écolieux, nous avons tenté de comprendre d’une manière
générale, le concept d’écolieu en utilisant la méthode simple QQOQCCP (Quoi ? Qui ? Où ?
Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ?). Cet outil nous a permis de récolter des
d’informations précises et exhaustives et de cerner au mieux ce concept. Dans une démarche
cohérente d’analyse, nous nous sommes aussi demandé : quelle définition donnons-nous à la
notion d’écolieu et quels sont nos critères de validation dans l’analyse des écolieux sur le
terrain ? Dès à présent, débutons notre étude empirique en présentant nos cinq écolieux
étudiés.

*1 Série (1/6) « La France des oasis » du Journal le Monde « Voyage dans la France des utopistes », par Nicolas Truong,
publié le 17 août 2020 https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/17/voyage-dans-la-france-des-
utopistes_6049108_3451060.html

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VI-A Fiche Ecolieu : La ferme de la Maladière

Auberge de la Maladière. Photo Jeremy Esbert


Descriptif
La ferme de la Maladière est un espace mêlant agriculture paysanne biologique, accueil,
actions éducatives et socioculturelles ainsi que de l'habitat. Elle se considère comme une
ferme agro-culturelle.
Historique
Depuis le 22 janvier 2019, trois porteurs de ce projet d’écolieu étaient en colocation à
Pollionnay en recherche d’un lieu sur ce territoire dans lequel ils voulaient évoluer
ensemble. Benoit et Laetitia étaient déjà installés en espace test sur le poulet, à 5 mn du futur
lieu. En cherchant des fermes sur ce territoire, il y a eu cette opportunité, la Maladière.
Historique du nom du lieu la Maladière : c’est la rivière en bas du lieu, d’après ce qui est dit,
les gens qui avaient la lèpre s’y baignaient. Mais ce n’est pas bien clair si c’était un centre de
lépreux ou si on les enterrait à la ferme. On dit aussi que la rivière ramenait la maladie.
Philosophie
« Collectif élaborant un projet multi-facette et cohérent qui s’équilibre entre réalisme et utopie.
Réaliste car ancré dans les réalités concrètes du monde.
Utopique car tout en considérant ces réalités, il nous paraît souhaitable de tendre vers un
modèle plus soutenable tant dans ses dimensions humaines, sociétales, qu’économiques. Il
interroge ses rapports à la culture, à l’éducation, aux liens humains et à la terre qui les nourrit.
Nous nous plaçons dans une démarche de transition économique, sociale et écologique
prônant sobriété, autonomie et justice sociale.
Le projet porté par le collectif veut être ainsi ouvert et accessible à tous les publics, terrain
d’expérimentation alliant agriculture, lieu de vie, éducation populaire et soutien à la création
artistique. « Notre volonté est de permettre l’exercice d’une citoyenneté active, valorisant la
solidarité et le partage. Tout cela participe à une économie responsable et conviviale en
s’appuyant sur des pratiques d’intelligence collective. » Ils-elle utilisent 1 fois par mois l’apéro
« Malagora », un mix entre le mot « Agora » et la « Maladière ». Il y a différents pôles : le pôle

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habitat partagé, agricole, socio-culturel et accueil. Dans l’idée de la « Malagora » : il faut 2
personnes qui animent et au minimum, il faut 1 personne de chaque pôle qui soit présentée.
Les principes de base sont que dans chaque pôle, les personnes travaillent ensemble, se
regroupent, prennent leur décision, et ils sont autonomes dans leur décision. Pratique le prix
libre et conscient pour les spectacles afin d’être accessible à tout le monde.

Qui sont-ils-elles ?
Un groupe de 10 copain-ines, plus la fille de Sophie et Jérôme, Lou, qui a 11 ans. Le groupe
s’est constitué au fur et à mesure, depuis 2013. Ils avaient tous et toutes l'envie de vivre
autrement, de vivre de choses simples, et ensemble. C'est alors que l'idée de racheter une
ferme en collectif est née.
-Laetitia Raynal : Petits fruits & Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales (PPAM) //
Technique son et lumière ;
-Sacha Danjou et Simon Termeau : Maraichage Bio ;
-Benoit Termeau : Volailles et fruits ;
-Anaïs Devun : Élevage porcin (Elle devrait quitter le collectif) ;
-Jérôme Noir : Éducation populaire et citoyenneté ;
-Sophie Haeffele : Programmation culturelle et socioculturelle ;
-Anita Félix Sanchez : Accueil à la Ferme & Ludothécaire ;
-Aurélie Guibert : Atelier partagé et construction dans l'énergie ;
-Élodie Poisson : Espace d'accueil temporaire pour les personnes ayant un handicap.
Statut Juridique
SCI pour tout ce qui est habitation, et une SCI pour tout ce qui est agricole. C’est-à-dire, la
SCI « La Maladière » pour tout ce qui concerne les appartements, le dortoir, l’habitat partagé.
Et la SCI « Terre de Maladière » qui concerne les terres et les bâtiments agricoles. Pour les
activités culturelles, C'est l'association « La pâte à bonheur » (180 adhérents) qui est locataire
de la SCI la Maladière.
Activités :
- Location de salles ;
- accueil à la ferme ;
- paysannerie ;
- habitat partagé ;
- activité socio-culturelle ;
- arts ;
- festivité ;
- éducation populaire ;
- stage de construction d'éolienne ;
- assemblée Générale de l' Ardear Auvergne-Rhône-Alpes (Association régionale pour le
développement de l’emploi agricole et rural) ;
- formation de construction de Porte-Tout et prototypage de Porte-Tout électrique.
Au 29 sept 2020 :
- 1 stage de construction d'éolienne ;
- 1 pépinière d'artistes ;
- 3 résidences artistiques ;
- 4 stages clowns ;
- 2 camps pour adolescents et jeunes adultes avec le MRJC ;
- 1 Rassemblement de conférencier gesticulant.
Activités culturelles et artistiques :

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Chapi-dôme de l’association « Sueno Del Arte » installé à la Maladière. Photo Jeremy Esbert
- Ciné débat autour du film ‘‘Humanité’’ de Jules Bourgeois sur le thème des migrations ;
- atelier « Débrouille toi » : Fabrique tes cotons réutilisables ;
- espaces de jeux et des animations en tous genres pour le enfants /ludothécaires
- stages et résidence d’artistes ;
- stage de clown (débutant et initié) : Affirmer sa présence, le clown ce poète,
- résidence : pour un spectacle déambulatoire à destination des structures spécialisées, les
Clowns Tisseuses & Cie ;
-cie les petites mots notes a proposé une première représentation de leur spectacle jeune
publics (0-3ans) ;
- les clowns de l'antenne lyonnaise de « Clown Z'Hôpitaux » sont venues pour une journée de
travail pour se préparer à réintervenir en juillet dans les structures spécialisées ;
- stages par la Cie « Les Aubes Sauvages » ;
" L'autonomie du Clown", chant du clown, cabaret clownesque, Clown d'été ;
- atelier de désintoxication à la langue de bois ;
- une conférence gesticulée féministe « le corps des femmes », ou une autre histoire des
agrumes " Lau, le corps et les agrumes ;
- résidence « La Miye aux tiroirs », un quatuor polyphonique revisitant des chants issus de la
tradition orale en territoire arpitan ;
- stage Cascade Burlesque ;
- une soirée en partenariat avec les « collectif p-s-s-t » pour analyser les discours à tendances
racistes que l’on peut avoir dans les médias. Et ce, dans le but de les comprendre, s’en méfier
et de pouvoir y résister ;
- répétitions avec la « Cie du Vieil'Art » et le spectacle "La nudité du Roi" Comédie musicale
potagère ;
- formation de construction de Porte-Tout et prototypage de Porte-Tout électrique ;
- stage pour prendre soin de soi grâce aux pratiques artistiques : à travers des expériences
artistiques comme le théâtre, les arts-plastiques, l'expression corporelle.
« La liberté d'expression, le respect de soi, des autres et de nos émotions » & le lâcher-prise

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(Pour les Adultes de plus de 18 ans Groupe de 10 personnes maximum
Maya GUYOT Comédienne et Périne FILLON Art-thérapeute).
Partenariats
Art et culture :
- La Fabrik : Centre de ressources pour tous les acteurs culturels du territoire (associations,
éducation, collectivités…) et propose également une programmation artistique tout au long de
l'année.
- Ils travaillent également avec La brasserie « La Farlodoise à Chazelle sur Lyon (Brasserie
artisanale Pub / Café-concert-), qui était salle de spectacle. Ils voudraient travailler avec la
MJC de Chazelle sur Lyon et avec la Ludothèque de Chazelle sur Lyon.
Agriculture : Suivi par L’ADDEAR en termes agricoles (Association Départementale pour le
Développement de l’Emploi Agricole et Rural). Elle a été créée en 1996 par et pour les paysan-
nes engagé.es dans le développement de l’Agriculture Paysanne. Agréée organisme de
formation, elle accompagne et met en réseau les paysan-ne-s qui souhaitent améliorer leurs
pratiques, développer l’autonomie de leur ferme ou la qualité de leurs produits grâce au
partage de leurs expériences et de leurs savoir-faire et par L’ARDAB (Membre de la FNAB
(Fédération Nationale d’Agriculture Bio), l’ARDAB est l’association des producteurs
biologiques en Rhône et Loire, et travaille depuis plus de 30 ans au soutien et au
développement de l’agriculture biologique dans ces deux départements avec qui ils travaillent
sur les questions Bio.
Cirque :
- Les Aubes Sauvages : Les Aubes Sauvages, est une structure culturelle et artistique fondée
en 2019 par Clémentine Jolivet. Elle regroupe aujourd’hui 8 artistes, pédagogues et
coordinatrices autour de 3 types d’activités :
La création de spectacles, vivants bien vivants, où la matière est au cœur de la création.
Matière des corps qui dansent, qui s’émeuvent, qui respirent. Et la matière qui les entoure,
textile, espace, public. Et l’espace entre, celui de la relation, de la rencontre.
L’accompagnement à la création artistique. Pour tous les artistes en herbe jusqu’aux artistes
confirmés qui recherchent à un moment un regard expert sur leur travail. Les Aubes Sauvages
proposent des accompagnements individuels, ponctuels ou sur la durée, des pépinières de
création (résidence de création collective) et des labos sur le processus créatif.
La transmission, lors d’ateliers, de stages et de formations professionnelles. Voix, corps,
clown, explorations psychocorporelles au service de l’expression artistique et de l’humain.
- Cie Mots de la Lune
- Sueno Del Arte : Association qui propose la découverte des arts du cirque et de la danse
contact improvisation à un public varié.
Le Cirque est un art et un sport à la fois, il contribue au bon développement de son corps et
de sa personne, c'est une bonne activité pour découvrir ses propres limites et cultiver l'entraide
et l'estime de soi. La jonglerie décuple les réflexes, l'habileté, la concentration et la qualité
d'observation. L'Acrobatie au sol renforce le corps et la notion de l'espace. Les Portés
Acrobatiques développent la confiance en soi et l'entraide. Les Equilibres sur Objets recentre
l'énergie et la canalise pour une meilleure concentration. L’Aérien permet d'appréhender la
hauteur pour dépasser ses peurs tout en prenant conscience du danger et donc apprendre à
agir en sécurité.

Fiche de l’écolieu « L’écohameau ferme de la Chaux- Goshen » a été réalisé à partir des sites internet suivants :
https://www.fermedelamaladiere.fr/
https://www.facebook.com/Ferme-de-la-Maladi%C3%A8re-315756025704866

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VI-B Fiche Ecolieu : Ecohameau ferme de la Chaux - Goshen

L’entrée de l’écohameau « La ferme de la Chaux-Goshen. Photo Jeremy Esbert

Descriptif et Philosophie
Regroupés en collectif, ils-elles expérimentent, comme mode de Vie créative, un Eco-hameau
chrétien, participatif et festif, où habite un collectif de familles et d'ami-es dans une démarche
de simplicité volontaire, pratiquant l'hospitalité, une écologie du quotidien et une économie
alternative. Face à l'individualisme et à la dictature de l'argent, ils agissent ensemble pour un
monde solidaire, équitable et écologique. « Ni secte, ni gourou », le collectif est composé
d'individus et de familles, de divers horizons, qui mutualisent leurs savoirs et leurs énergies,
tout en respectant la vie privée, l'espace et l'identité de chacun... ».
Historique et qui sont-ils-elles ?
Historiquement, ce lieu est une grange cistercienne reliée à l'abbaye de la Bussière sur Ouche
fondée en 1131 par Etienne de Harding, 3 -ème abbé de Cîteaux.
En 1983, l'association Goshen débute lorsque plusieurs personnes de différentes confessions
chrétiennes ouvrent un lieu pour faire de la réinsertion de personnes toxicomanes. Ils achètent
alors la ferme de la Chaux. Le lieu est ensuite fermé administrativement car elle n'est pas aux
normes ERP pour accueillir du public.
Puis l'histoire de l'Eco-hameau de la Chaux débute. 5 adultes et 7 enfants habitent
actuellement à la ferme de la Chaux et l'association développe son projet. L'association tourne
financièrement par le loyer des habitants et les dons. Ils sont actuellement une trentaine de
membre actifs, et 10 administrateurs. Les activités économiques d'accueil en gite rural et
d'accueil en chambre d'hôte fonctionnent. En août 2019 ils fêtent leurs 10 ans.

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Présentations de quelques habitant-e-s :
Alexandre Sokolovitch : Habitant, Animateur de l'Éducation Populaire, Coach Diplômé, Cadre
Éducatif. Formateur en accompagnement d’Équipe (Transformation des Conflits,
Communication Bienveillante, Posture Éducative).
Marie Sokolovitch : Habitante et Formatrice : Développer une autorité éducative.
« Alexandre a découvert la Ferme de la Chaux en janvier 2009 avec sa femme Marie et son
fils Pierre Couleurs (1 an à l'époque). La petite famille habitait dans un grand bus et vivait en
se déplaçant de lieux alternatifs en festivals. Avec leur Collectif TCHAAP, Alexandre et Marie
proposaient déjà à cette époque des espaces de rencontre et de détente sur des temps festifs.
Découvrir une ferme vide et tout son potentiel non utilisé les a interpellés. Avec leurs amis, ils
présentent un début de projet pour ce lieu d'un écolieu « auto-géré par ses habitants". La
ferme devient une plateforme pour le monde alternatif chrétien. Les statuts de l'association
Goshen ‘Accueil de Marginaux-Evangile-Economie Sociale et Solidaire ‘ teinté d'œcuménisme
leur ont bien plu et ils décident d'animer ce nouveau projet. »
David : Habitant, bénévole à l’accueil et trésorier de l'association Goshen.
Leurs objectifs réalisés : Trouver 2 autres familles, porteuses de projets, construire un projet
innovant, viable, fédérateur pour le lieu. Retrouver une stabilité financière pour l'association.
Réouvrir le lieu fermé administrativement depuis plusieurs années à cause des mises aux
normes. Suite à l'explosion de la chaudière, remettre en service un système de chauffage
performant, écologique et économique. Remettre en état la ferme, les appartements et ses
outils. En automne 2011, l'association valide sa charte, qui résume ses valeurs et objectifs.
Statut Juridique : SCI dont l'association Goshen a la majorité des parts avec 7 hectares.
L’association Goshen est propriétaire des bâtiments et d’un champ de 5 hectares où un voisin
paysan cultive gracieusement du blé Bio avec des variétés anciennes.
Charte de vie :
Accueil : Ce lieu est dédié à l’accueil de groupes dans le gîte rural de 15 places par l’hospitalité
inconditionnelle, pour quelques jours, du nomade, du pèlerin, du passant... Ce lieu accueille
aussi des événements militants ou festifs sur leur champ de 7 hectares.
Ecologie et solidarité : « Dans une démarche de simplicité volontaire, nous expérimentons des
modes de vie à la fois sobres et respectueux de l’homme et de la nature. Nous voulons être
solidaires des initiatives locales, des « mouvements alternatifs » qui veulent vivre et travailler
autrement et générer du lien social dans le monde rural. »
Spiritualité : L’association se veut chrétienne et œcuménique (L’œcuménisme est un
mouvement interconfessionnel qui tend à promouvoir des actions communes entre les divers
courants du christianisme, en dépit de leurs différences doctrinales, avec pour objectif « l’unité
visible des chrétiens »). « Nous axons nos valeurs et nos réflexions autour d’une foi ouverte,
engagée, non-prosélyte et non-sectaire. Nous proposons régulièrement des temps de partage
respectueux autour de nos cheminements et de nos questionnements. « Les enseignements
du Christ nous inspirent à vivre dans une démarche de confiance, à l’espérance en une vraie
justice, à nous ouvrir à l’autre et à la différence, à laisser une place dans nos vies à celui qui
est momentanément dans le besoin... ». »
Famille : Nous voulons que ce lieu soit propice à l’épanouissement des couples et des enfants.

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Participatif : Chantiers collectifs, réunions hebdomadaires, repas partagés... Les initiatives
individuelles et collectives dans un esprit de convivialité sont encouragées. En dehors des
temps communs, chacun est appelé à une autonomie personnelle de vie : hygiène, repas,
linge...
Festif : Nous aimons nous retrouver régulièrement pour célébrer les joies de la vie autour de
repas conviviaux, de musique...
Simplicité volontaire : « réduire nos besoins pour travailler moins ». Ce mode de vie nous
permet de nous réapproprier notre temps pour le réinvestir dans nos familles, nos amis, les
rencontres, le partage...
Autonomie : Nous utilisons en priorité des ressources autonomes, non polluantes et
économiques : chauffage au bois, énergie solaire, récupération des eaux de pluie, réutilisation
des surplus de notre société de consommation, maraichage et petit élevage.
Economie alternative : Chaque individu est responsable de ses revenus financiers. Il est
encouragé à développer son activité économique et nourricière dans un esprit social et
solidaire. Nous voulons développer d’autres formes d’échange : sel, troc, wwoofing, couch
surfing, partage, zone de gratuité, prix conscience...
Propriété : Les habitants sont locataires de leur logement qui appartient à l’association
Goshen. Prises de décision : Elles sont prises de manière collégiale par consensus ou par
vote aux deux tiers par les habitants de plus d’un an.
Hospitalité : Nous accueillons de manière inconditionnelle pour une courte durée les pèlerins
de passage à prix libre ainsi que des groupes.
Agriculture naturelle : des formes de culture et d’élevage familial respectueuses de la nature
sont développées : permaculture, agroécologie, culture en rotation, sur butte, compostage.
Activités :
Hospitalité/Chambres d’hôtes : Maison des Freaks
Ils accueillent de manière inconditionnelle pour 3 jours, les pèlerins, les nomades et les
visiteurs à prix libre dans les chambres d'hôtes. Le prix libre est une pratique de solidarité dans
le sens où chacune et chacun, quels que soient ses revenus, peut bénéficier des mêmes
services. Le prix libre implique aussi une notion de responsabilisation et d’entraide dans
l’échange. L’organisation d’un prix libre nécessite un choix de non-surconsommation (récup,
dons, prêt, etc.), du volontariat, de l’inventivité, de se serrer les coudes, de s’entraider, etc.
Exemples de prix indicatifs : Pas de revenu pendant le mois, la participation est de 0€. Un RSA
de 499€, une participation de 5€ par nuit. Un SMIC de 1445 € brut, une participation de 15€
par nuit.
Gîte rural pour groupes, assos, collectifs...
Accueil en gîte
Le gîte de 15 places sur 100 m2 comprend 3 chambres de 5 lits, 3 douches, 2 WC, une salle
commune, une cuisine, un cellier, une terrasse. Ils ont également une grange de 100 m2 et un
grand champ plat de 7 hectares, où différentes rencontres, festivals et autres bivouacs sont
envisageables. Il est prioritairement dédié aux associations et collectifs militants, artistiques,
écologiques, chrétiens, de jeunesse....
Prix libre, avec prix indicatif d'un centième de son revenu mensuel par nuit et par personne.
L’adhésion à l’association de 5€/personne/an est obligatoire.

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Accueil en Bivouac.
Le grand champ de 7 hectares avec un peu de forêt peut accueillir les associations de
jeunesse ou de scoutisme. Possibilité de se connecter à l'eau et à l'électricité. Prix libre (prix
indicatif de 2 €/jour/jeunes)
Ecologie :
Leurs expérimentations : Sur le champ de 5 hectares, un paysan boulanger bio voisin y cultive
du blé. Maraichage vivrier sur butte, basse-cour (poules, canards, cailles, oies, dindons,
pintades, coureurs indiens...), élevage de chèvres, de moutons (noir du Velay et Thones et
Martod), apiculture (ruches warés), verger en agroforesterie. Installation de tour à insectes /
spirale à aromates. Un chauffage collectif à bois bûche. Une serre auto-construite. La gestion
et autonomie en eau potable. Toilettes sèches. Four à pain. Pressage manuel de jus.
Production de bière artisanale, de confitures, de produits ménagers. Cueillette des plantes
sauvages comestibles.
Activités culturelles et artistiques :
-Du vendredi 28 mai au 30 mai 2020 : Atelier Travail qui relie : L’espoir par l’action : Dans ce
contexte d’éco-anxiété dû au dérèglement climatique et au Covid, que faire des émotions,
angoisses, peurs ? Comment continuer de créer un monde vivable et trouver la force pour
réussir nos projets de transition ? Le Travail Qui Relie est une méthode éprouvée tant avec
des militants qu'avec des populations touchées par des catastrophes qui offre un espace
d’expression et d’accueil de nos sentiments et visions du monde en aboutissant sur un « aller
de l’avant » concret.
Intervenantes : Associées au sein d'AGAPAE, Nora Manon Müller (Coach, médiatrice et
formatrice-facilitatrice) et Maïté Gayet (architecte facilitatrice, cofondatrice de l'écolieu "le
Maquis de Safre" (71), facilitatrice de projets collectifs sur les questions de vivre et faire-
ensemble). Frais pédagogiques : 230€ plein tarif 180€ petit budget
-Les 21-22 mars 2020 à la Chaux : Week-end femmes, "détente et créativité" avec Alexandre
et Marie Sokolovitch : Programme : balades, ateliers créatifs, partages, détente, boissons
chaudes et douceurs, réflexions sur soi…Participation libre aux frais pour le couchage.
-Du 16 au 19 juillet 2020 Stage de 3 jours avec Jean-Baptiste Nedelcu Et Océane, sa
compagne, pour s'entraîner à "Rester debout dans la tempête" Programme : méditations,
danse, chant, témoignages de vie, cercles de partage...
-Alaskan Clee: One man band de style Folk-Rock. Compo en Français et en Anglais.
-Concevoir une forêt jardin : Objectif : Apprendre à concevoir, implanter et entretenir une forêt-
jardin ou forêt comestible dans une approche permaculturelle. Intervenants
Yannick Strodawa, ingénieur designer / jardinier formé en Permaculture, co-fondateur de la
micro-ferme de la Berouette. Tarif : Frais pédagogique : 100 €. Possibilité d’hébergement sur
place, Camping ou Dortoir à prix libre
-Le 11 janvier 2020 : Fête des sapins en partenariat avec « Les Parents Terribles 2 »
(Association de loisirs) : Feu de joie, concerts, buvette, repas, collecte de sapins
-Le 8 mai 2020 : Fête Nature autour du thème "alimentation et santé" à la Chaux.
-Expérience sonore spatiale avec Dimitri : Soirée concert qui associe voix, prises de son,
traitement électronique et spatialisation.
-Spectacle de Thomas Gaudin : Je suis une merveille
-Autour de la spiritualité : Les dimanches soir à 21 heures un temps de partage autour de la
spiritualité chrétienne. Les habitants de Goshen fêtent également l'année liturgique et
certaine fête. (Les dimanches de l'avent, le réveillon du 31 décembre, l'épiphanie, le carême,
…)

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La « Grange Festive » de Goshen. Photo Jeremy Esbert

-Retraites : La Chaux est aussi un lieu de ressourcement pour se reposer, en famille ou seul,
loin de tout et proche de la nature. Il est possible d'effectuer un temps de retraite, (méditations
ignaciennes, la Lectio Divina, La Tchaap Circle, des outils d'introspection, de discernement,
de développement personnel...)
Festival Les Renc'Arts de la Chaux
Les derniers weekends de Juillet, entre 1 et 3 jours, sur un mode participatif et sans
financement extérieur, depuis 2011, les habitants de la ferme de la Chaux organisent, en
partenariat avec le « Rézo'Fêt'Art », un festival des rencontres conviviales, festives et
artistiques des associations et des initiatives créatrices d'un monde solidaire et écologique.
Des temps d’échanges, de créativité́ , de détente, de jeux, d’ateliers,
de chantiers, de concerts, de sensibilisation, de forums et d’animations
diverses et improvisées. L’occasion de découvrir d’autres associations porteuses de sens et
de projets alternatifs et de faire connaissance avec leurs membres (militants et bénévoles
associatifs) et surtout de passer un moment de partage Le but de cette rencontre est de se
découvrir, de créer des liens, de mutualiser des savoir-faire et des moyens matériels (voiture,
machine à laver), de se soutenir mutuellement. Le développement des partenariats et, bien-
sûr, la fête est au rendez-vous dans une ambiance conviviale et familiale. Ce projet réunit
depuis 2011 les associations et les initiatives autour du mieux vivre, du mieux-être et du mieux
manger. L’hébergement est possible en tente. Prix libre et conscient.

La tribu TCHAAP est formée de chrétien-es qui créent et mettent en place des formes
alternatives et autonomes de "vivre ensemble" l’Évangile, accessibles aux jeunes et aux
alternatifs. La Ferme de la Chaux est un lieu de vie et d'accueil pour les « Tchaapacans ». La
vision de la Tribu est de créer une communauté de foi au cœur des cultures alternatives et des
mouvements altermondialistes.

Festival Goshen tchaap


Du vendredi 23 au dimanche 25 août 2019 : le festival Goshen Tchaap fête les 10 ans de
Goshen : concerts, ateliers, jeux, découvertes, retrouvailles, participation, animations, détente,
discussions...

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Partenariats
-Communauté Non-Violente de l'Arche, Coopérative des Oasis, Rezo' Fêt' Arts, Vivre relier.
-Etape de l’Altertour
-Fondation « Zoein » qui finance un Revenu de Transition Écologique depuis 2 ans

La fiche de l’écolieu « L’écohameau ferme de la Chaux- Goshen » a été réalisée à partir des sites internet suivants :

http://www.goshen.fr
https://www.goshen.fr/images/PDF/Goshen%20presentation%20fini.pdf
https://colibris-lemouvement.org/magazine/web-serie-oasis-ferme-chaux
https://www.facebook.com/fermedelachaux
https://colibris-lemouvement.org/magazine/web-serie-oasis-ferme-chaux

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VI-C Fiche Ecolieu : La maison-atelier, la Note Bleue

La maison-Atelier « culture & artistique » de la Note Bleue. Photo Jeremy Esbert

Descriptif et Philosophie
Dans la vallée du Rhône, entre Lyon et Valence, à la sortie du village de Chonas l’Amballan,
la maison-atelier la Note bleue offre un lieu de travail au calme dans le cadre harmonieux
d’une ancienne maison vigneronne en pisé avec ses jardins.
Une partie du bâtiment est occupée par des résidents permanents, et l’autre, gérée par
l’association la Note bleue, accueille des personnes en séjour de création, de ressourcement
ou de transition, ou participant à un stage ou à une rencontre. La maison-atelier la note bleue
est à la fois un lieu d'habitat, d'accueil et de travail de création initié par deux artistes
La Note bleue est une oasis ressource de la coopérative des oasis, elle organise des stages,
des rencontres et des soirées et met le lieu à la disposition d’associations, d’artistes, auteurs
ou formateurs pour des résidences de création, des répétitions, stages et séminaires ainsi que
pour des séjours individuels de ressourcement ou de transition. La Note bleue est un lieu
d’accueil, de création et de partage. La qualité du cadre est en accord avec les activités
proposées afin de faire le lien entre la personne, son travail de création et son environnement
immédiat dans le respect du vivant et de la Terre qui nous accueille. La maison-atelier la Note
bleue œuvre pour une transformation écologique, économique et culturelle qui soit au service
du partage entre les humains. Ils et elles y travaillent, entre autres, la simplicité volontaire et
l’Artisanat du Nous. La Note bleue est une maison d’artistes conçue par et pour des artistes.
Le lieu héberge des résidents permanents (2 à 4 personnes), Jacques et Katy, qui gèrent le
lieu et ses activités et des résidents temporaires dont le séjour est géré par l'association. Dans
ce lieu refuge du Nord Isère, ils accueillent aussi bien des artistes en résidence que des
personnes en quête de ressourcement

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Intentions, objectifs, valeurs du groupe, gouvernance :
La maison-atelier est un lieu d’habitation, de création et de partage entre les humains, au
service de plus grand que soi. On y cultive la bienveillance dans la relation dans un choix autre
que la logique marchande. Les « accueillants » sont en réseau avec d’autres lieux ayant une
éthique similaire, œuvrant pour l’évolution vers plus de culture, d’écologie, d’écoute et de
solidarité́ .

Historique
Katy Ollif, plasticienne, et Jacques Mayoud, musicien, habitent et travaillent dans cette
maison-atelier qu’ils font vivre avec l’équipe de l’association. Ils ont quitté le quartier de la
Croix-Rousse à Lyon en 2000 pour venir réaliser leur projet de lieu partagé dans ce village de
la vallée du Rhône à mi-distance de la grande ville et de la montagne, avec le soutien d’un
important cercle d’amis et de parents et avec l’aide de la société financière La Nef.

Qui sont-ils-elles ?
Jacques Mayoud : Jacques Mayoud est un musicien multi-instrumentiste dans le domaine de
la chanson et des musiques du monde, chanteur, auteur, compositeur et formateur. Parmi les
pionniers du folk français des années 1970-80, Jacques Mayoud a choisi les routes créatives
ouvrant les musiques traditionnelles à la chanson et aux rencontres entre genres et traditions.
En plus de quarante années d’expérience, ce « musiculteur de liens » a acquis une belle
maturité qu’il partage volontiers. Musicien aux multiples instruments (mandole, guitare, violon,
sanza, balafon, flûte harmonique…), Jacques Mayoud nous offre une musique poétique et
engagée. Très tôt à l’écoute des cultures du monde entier, son oreille s’est tout d’abord tournée
vers l’Amérique du Nord, le Québec et la France, puis, dès les années 1980, vers l’Afrique
puis la Scandinavie, la Chine, et ces dernières années vers la poésie persane du 11ème siècle.
Sa dernière création musicale le voit chanter les magnifiques quatrains d’Omar Khayyâm à la
parole toujours d’actualité. Habité depuis toujours par le souci de partage et de transmission,
Jacques Mayoud accompagne des groupes amateurs et semi-professionnels dans leur travail
de jeu d’ensemble et de présence scénique. Il est très investi dans le Centre des Musiques
Traditionnelles Rhône-Alpes (CMTRA) dont il est co-président. Il a quitté Lyon en 2000 pour
réaliser dans la vallée du Rhône avec sa compagne Katy Ollif et un cercle de proches le projet
de maison-atelier la Note bleue, lieu d’habitat, de travail et d’accueil qu’il anime avec
l’association qu’il co-préside. « Il est aujourd’hui pour moi vital de parler de l’importance au
quotidien d’un environnement qui nous relie à la poésie, aux saisons, au naturel, au vivant.
J’ajoute ma voix à celles de millions de terriens qui disent sur tous les tons que nous devons
faire plus attention à la qualité de ceux que nous côtoyons chaque jour, et protéger les
richesses de notre monde pour ne pas aller tous, humains, animaux et végétaux, à la
catastrophe ». Jacques Mayoud.

-Katy Ollif : Katy Ollif pratique l’art du collage de papier déchiré qu’elle expose en France et
en Europe et qu’elle enseigne lors d’ateliers et de stages.

Montant de l’achat de la Note Bleue


360 000 € auxquels s’ajouteront au fil des années 120 000 €de travaux pour augmenter
progressivement la surface d’accueil.

Statut Juridique
Propriété privée et association.

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L’association la Note bleue
Katy Ollif et Jacques Mayoud sont entourés par un cercle de personnes ayant aidé à la mise
en place de la maison-atelier et investies au sein de l’association la Note bleue. L’association
organise des stages, des rencontres à thème, des soirées, et gère l’accueil des personnes
séjournant dans le lieu. Une convention de commodat (ou prêt à usage) signée entre les
propriétaires et l’association met gratuitement à disposition de celle-ci une aile du bâtiment et
les jardins. En échange, l’association s’engage à régler un forfait pour les charges et à
participer à l’entretien des lieux. Les activités proposées et la qualité du cadre permettent de
faire le lien entre la personne, son travail de création et son environnement immédiat. « Katy
et Jacques, eux, ne souhaitent pas en tirer de revenus ». Les résidents permanents peuvent
accueillir chez eux des résidents temporaires sans avis de l'association. « C’est un prêt
d’usage. Et cela crée un état d’esprit particulier. Notre maison est ouverte. Elle évolue au
hasard des rencontres. » Outre les artistes, ils ont pu dépanner des gens du coin qui n’avaient
pas de toit pendant leurs travaux. Ils accueillent aussi parfois de jeunes migrants. Ce lieu n’est
pas fait pour rapporter de l’argent, mais pour générer des relations humaines. Ils n’ont jamais
eu l’intention de faire de l’accueil touristique par exemple. Ils vivent de leurs activités
artistiques, ils ne sont pas des hôteliers. Les choix qui ont été faits à l’origine du projet par les
initiateurs ou qui ont émergé avec l’association au fur et à mesure de l’accueil sont rassemblés
dans une charte : voir la charte

L'association est gérée par un bureau collégial de 4 co-président.e.s. Les personnes morales
ou physiques utilisatrices des locaux et espaces extérieurs doivent être membres de
l'association.
Le bureau collégial de l’association :
• Françoise Gousset, co-présidente ;
• Jacques Mayoud, co-président ;
• Katy Ollif, co-présidente ;
• Yann Perradin, co-président ;
• Gregorio Manzur, co-président d’honneur ;
L’adhésion : Plus que pour pouvoir être assurés dans le cadre des activités de l’association,
l’adhésion permet 1) d’être informé-e de manière privilégiée des évènements programmés à
la Note bleue, 2) de marquer son attachement à l’existence de ce lieu particulier et à ce qui s’y
vit. L’adhésion court du 1er septembre au 31 août. Cotisation : individuelle / personne physique
= 20 € – Cotisation structure/personne morale = 40 €
Réalisations écologiques : Performance énergétique au-delà de la réglementation en vigueur.
Matériaux biosourcés / locaux, récupération des eaux de pluie, relation directe avec un
producteur local, compostage, plantations d'arbres
Locaux : La grande salle :
Une belle salle de 100 m2 avec parquet, bien isolée sur les plans acoustique, thermique et
électrique peut accueillir
- Des groupes faisant un travail artistique, corporel ou de formation (20 personnes
maximum en stage) ;

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- Des enregistrements ou répétitions de spectacle sur plusieurs jours ou semaines ;
- Des soirées, conférences, rencontres proposées aux adhérents, à leurs proches et au
public local (60 personnes maxi).
La restauration a été faite dans le respect du bâti en terre (murs de pisé) et de notre santé
(isolation en laine de mouton et liège, dalle de béton de liège, parquet de mélèze à lames
larges, plancher et poutres traitées en bio, enduits à la chaux sur les murs de pisé). Cette
exigence conjuguée à celle du choix des activités accueillies confèrent à cette salle une grande
qualité énergétique soulignée par tous ses utilisateurs.
Au rez de chaussée
- Une verrière de 25 m2 pour l’accueil, les pauses ou du travail en petit groupe ;
- Une petite salle de 25 m2 permettant repos/massage/entretien/travail individuel ;
- Un coin cuisine-tisanerie avec évier, frigo, couverts, de quoi faire thé et café ou
réchauffer des plats.
La petite maison
Une petite maison de 70m2 comprenant 1 chambre (1 lit double + 1 lit simple) + 1 chambre 3
lits simples séparés + salon-cuisine avec cheminée, salle de bain et WC peut accueillir 1 à ou
5 personnes pour un hébergement de stage, une résidence de création ou un séjour de
transition

Petite scène extérieure de la Note Bleue

Activités culturelles et artistiques :


Formations proposées sur place : Développement personnel et santé, Gouvernance et
communication, Autre(s). La Note Bleue organise des stages de musique et de chant, des
spectacles, des expositions, des cours de yoga, de de taiji Quan et de Tai chi...
Parallèlement à ce qu’elle organise, l’association met le lieu et ses locaux à disposition de
personnes et de structures adhérentes de la Note bleue : une grande salle d’activités, un petit
logement indépendant, la cour et les jardins.
Dernières activités culturelles et artistiques de 2021 :
-Du jeudi 13 au dimanche 16 mai 2021 / Stage de taiji Quan : Sur les traces des pieds « Arc
en ciel », un pont entre Terre et Ciel. 4 jours pour expérimenter la rencontre du Souffle du
geste du Taiji Quan et celui des pieds. Frais pédagogiques : 180 € / Adhésion 2020-21 à

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l’association : 20€. Hébergement : sur place 25 € la nuitée ou dans les environs / Repas :
buffet partagé.
-Sam 20 & dim 21 février 2021 / Exploration du mouvement fluide. Exploration de la conscience
de soi au sein du collectif, par la perception fine du mouvement jusqu’à son expression
spontanée et partagée : conscience du mouvement perçu (Feldenkrais), du geste guidé
(Gigong) et créativité des actions improvisées (danse).
-Dimanche 18 octobre 2020 / Conseil de Bienveillance d’automne.
-Samedi 17 octobre 2020 / 20h30 : « Passage à table » / spectacle d’Isabelle Bazin/ Public :
jeunes et adultes – Participation aux frais : 12€ / 10€ adhérents. Gustina la clowne : Passage
à Table nous convie à une cérémonie un peu particulière, plutôt funèbre quoique le plus
souvent hilarante.
Restrictions sanitaires Covid :
Après 4 mois de suspension des activités, la maison-atelier a repris en juillet 2020, l’accueil
de résidences de créateurs ainsi que les stages et, en octobre, les rencontres et soirées
organisées par la Note bleue, la grande salle permettant de respecter les distances sanitaires
imposées. Le nombre de participants a été limité à 30 personnes pour les spectacles. Des
points ont été prévus pour le lavage et la désinfection des mains. Pas de buvette ou de buffet
partagé ont été prévus.
SAISON 2019/2020 :
-Du mardi 18 août/9h30 au dimanche 23 août /13h : stage Taiji-Tarot-Collage
Le défi de l’inconnaissable avec Marie Martin, Juliette Lelluch et Katy Ollif. Frais pédagogiques
: 390€ (matériel fourni) / Adhésion 2020 à l’association : 20€ / Hébergement : sur place 120 €
les 5 nuitées ou dans les environs / Repas : participation de 13€ environ par jour. Un joyeux
partage TTC : T pour Tarot et ses symboles, T pour Taiji et son mouvement, C pour Collage
et son énergie colorée.
-Jeudi 28 mai 2020 / 20h30 : Concert du quartet Cordofonic : – Marie Mazille violon,
nyckelharpa – Frédéric Baudimant violon, violon ténor – Stéphane Arbon contrebasse-
François Breugnot violon, violon ténor, chant / Concert Annulé
-Jeudi 14 mai 2020 / 19h30 : conférence de Quentin Bazin « Art brut : l’or du commun » En
collaboration avec l’Université Populaire Ouverte du Pays Viennois
-Dimanche 12 janvier / 10h-16h : Conseil de Bienveillance d’hiver – Préparation de la fête des
20 ans de la Note bleue
-Mercredi 1er janvier 2020 / Belle année !
-Jeudi 21 novembre 2019 / 19h30 : conférence gesticulée de Sophie Assante (Cie Les gens
de passage / Beaurepaire) en collaboration avec l’Université Populaire Ouverte du Pays
Viennois Buffet partagé / Libre participation financière « Je n’avais pas vu le coup venir… » :
État des lieux de la violence faite aux femmes
-1, 2 et 3 novembre 2019 / 10h-18h : Chantier participatif au bassin fleuri Finition de
l’aménagement du bassin : pose d’un géotextile, répartition des graviers et galets, plantation
des végétaux. Hébergement possible sur place
-Samedi 12 octobre 2019 / 17h30 : Assemblée Générale de l’association : buffet partagé / jeux
participatifs.
SAISON 2018/2019 :
-Vendredi 26 juillet / 20h30 : concert de l’ensemble Aznash Laaman. Chants sacrés et
traditionnels de femmes du Caucase. 12€ / 10€ adhérents.
-Vendredi 26 juillet / de 14h à 19h : Ateliers de chant ou instruments géorgiens avec les
musiciennes d’Aznash Laaman. L’atelier : 15€
-Dimanche 30 juin 2019 /10h-16h : Conseil de Bienveillance de la Note bleue. Session d’été
des journées d’échanges sur l’évolution de la Note bleue.

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-Vendredi 28 juin / 20h30 Projection du film « Grande Synthe, la ville où tout se joue ». En
présence de Béatrice Jaud Camurat, réalisatrice. Prix libre et consciente.
-Samedi 11 mai / dimanche 12 mai : stage de Chant de l’Inde du Nord avec Lakshmi Santra.
-vendredi 10 mai / 20h30 : concert de Lakshmi Santra. Chant de l’Inde du Nord, tablas –
Debashish Halder, saranghi. 12€ / 10€ adhérents.
-Dimanche 3 mars 2019 /10h-16h : Conseil de Bienveillance de la Note bleue. Session de
printemps des journées d’échanges sur l’évolution de la Note bleue.

Partenariats
La Note Bleue est une Oasis ressource du mouvement de la coopérative des Oasis du
mouvement Colibri : Prêt de La Nef + prêts de 32 prêteurs individuels
Art et culture : En collaboration avec l’Université Populaire Ouverte du Pays Viennois
La fiche de l’écolieu « La maison-Atelier, la Note Bleue » a été réalisée à partir des sites internet suivants :
https://maisonatelierlanotebleue.blog/
https://www.colibris-lemouvement.org/projets/projet-oasis/carte-oasis

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VI-D Fiche Ecolieu : Le château Partagé

Le Château Partagé pendant un concert. Photo du site internet de la coopérative des Oasis

Descriptif et historique
Le 1er août 2009, jour de la fête du village, les fondateurs du Château partagé emménageaient
à Dullin, commune rurale de l’avant pays savoyard sur les hauteurs du lac d’Aiguebelette. Le
Château Partagé est un lieu d’habitat et d’activités où les habitants expérimentent de multiples
alternatives humaines, économiques, écologiques, organisationnelles, dans un esprit
d’ouverture et avec la volonté d’être acteurs de nos vies. Cette ancienne maison de maître du
XVIIIème siècle, ayant subi des modifications pour devenir une colonie de vacances après-
guerre, faisait parfaitement l’affaire pour leur projet collectif. Bien modifiée, aux normes des
années 1980, ils ont tout de suite commencé les travaux et aménagé plusieurs appartements
individuels. Ils ont lancé une étude en 2014, auprès du bureau de l’architecte Atelier 17C pour
bénéficier d’une vision globale de l’ensemble des travaux à réaliser et prévoir les
investissements en conséquence. En 2015, et au regard de déjà 5 années d’expérience, ils
ont entamé une réflexion sur leur gouvernance pour optimiser leur temps de réunion et
d’organisation collective. En 2017, ils ont requestionné leur fonctionnement économique. Avec
le soutien de La Nef et de la coopérative Oasis, ils ont modifié leur rapport propriétaire /
locataire et simplifié les entrées et départs d’associés. Ils continuent sans cesse de
questionner leur fonctionnement et leur pratique afin d’être au plus près des aspirations du
groupe.
Philosophie :
Une touche de poésie :
« Un projet collectif
Pour ne jamais se prendre au sérieux, dans l’insouciance rire et sourire ;

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Pour jouer de nos différences en exultant nos connivences ;
Pour ne plus vainement posséder tout ce que l’on peut partager ;
Un projet collectif
Comme un lieu d’accueil authentique entre des forteresses cyniques ;
Comme lieu d’échange, lieu des partages, antichambre éthérée du brassage d’idées ;
Pour une Terre en partage, nature à vivre comme un langage ;
Un projet collectif
Pour que les muses s’amusent et que les cœurs s’égayent ;
Pour marier délicieusement simplicité et élégance ;
Pour réveiller nos papilles d’effervescences gustatives ;
Un projet collectif
Pour regarder danser un feu autour d’un conte, autour d’un jeu. »
La Gouvernance
Ils ont écrit une charte, ensuite des règles dans un cadre de liberté. Enfin, ils sont engagé-
e-s dans des prises de décisions par consentement, avec une organisation inspirée de la
.
sociocratie. Ils et elles ont posé un organigramme de nos relations internes Ils et elles
s’essayent aux élections sans candidats en prenant leurs décisions sur des propositions
écrites.
Qui sont-ils-elles ?
20 habitants, une dizaine de poules, 2 chats, 3 chiens, 2 canards, 4 brebis, 2 juments… vivent
dans ce beau lieu autour de valeurs communes : équilibre entre vie personnelle, vie collective
et vie professionnelle, dans le respect et l’épanouissement de chaque individu, partage respect
du milieu naturel, simplicité.
Plusieurs habitants ont choisi de travailler sur place, le Château Partagé héberge donc un
vaste panel d’activités professionnelles, qui contribuent à la biodiversité humaine et
économique du lieu.
Quelques habitants et leurs activités :
Thierry : Agriculteur, il a installé son activité de maraîchage biologique au Château Partagé en
2011. Il travaille en traction équine et selon les principes de l’Agriculture Paysanne. Les deux
juments de trait ont plus de force de travail que nécessaire pour réaliser les travaux agricoles.
Leur alimentation est produite à 100% sur place. La production est essentiellement vendue
dans un rayon de 10km.
Magdalina : Elle a rejoint Thierry en 2013 et le Château partagé en 2014. Elle travaille à la
Mission locale avec des jeunes en insertion sociale et professionnelle. Elle rêve de développer
l’accueil paysan, et notamment l’accueil social de jeunes (et moins jeunes) autour de l’activité
agricole.
Florence : Elle vit avec Mathieu, son compagnon de route et Gaël et Alix, leurs enfants au
château partagé. Depuis 2014, Florence travaille avec Klod à « La Fournilière », la
Boulangerie du château partagé. « La Fournilière » propose différentes sortes de pains
(classique, tradition, aux graines). Tous les pains sont au levain, pétris à la main et cuits au
feu de bois. Ils travaillent avec des farines paysannes locales sur meule de pierre. Ils sont
salariés d’une coopérative d’intérêt collective (SCIC) du nom de GRAP (Groupement
Régionale Alimentaire de Proximité) Les pains sont vendus directement au fournil, sur deux
marchés hebdomadaires, une AMAP et dans des épiceries. Florence enseigne également le
Wutao, art corporel et voie de connaissance sensible.

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Baptou : Il est le compagnon de Claire et le papa de Jean et de Nour. Il se forme d’abord en
tant qu’éducateur spécialisé, puis en tant que tourneur sur bois. Il a développé l’atelier de
tournage sur bois « Trois Petits Tours » au château Partagé en 2016. Il fabrique
essentiellement de la vaisselle et parfois des bijoux ou des objets de déco qu’il vend sur
quelques marchés locaux. D’un point de vue culturel, Il aime la musique et la danse et chante
dans le groupe de bal folk « Amzéom ».
Claire : Elle vit aux côtés de son compagnon, Baptou et de ses enfants. Elle est aujourd’hui
praticienne, thérapeute en Méthode Poyet, une technique ostéopathie douce. Elle est
beaucoup investie dans le milieu de la danse (contact impro, bals folk).
Régulièrement, les habitants organisent des chantiers collectifs, participatifs et également
chaque année une journée portes-ouvertes.
Montant de l’achat du Château Partagé :
Au début, les 6 familles en font l'acquisition pour 610 000 euros.
Avec les travaux, le budget total s'élève à 800 000 euros.
Statut Juridique
Société Civile Immobilière (SCI) et association.
Réalisations écologiques et environnementales : Matériaux biosourcés / locaux, toilettes
sèches, récupération des eaux de pluie, relation directe avec un producteur local, compostage.
Activités :
Le lieu dispose de 5 chambres avec salle de bain et d’une capacité globale de 15 couchages
(Tarif : 25€/Nuit/Personne), d’une salle polyvalente d’une surface de 80 m² (Tarif : 80€), qui
accueille régulièrement des stages de Yoga, des formations, des séminaires d’entreprise, des
spectacles ou des conférences, d’une cuisine équipée pour accueillir des groupes allant de 10
à 30 personnes et d’une salle à manger d’une surface de 35 m² (Tarif : Cuisine / salle à manger
en collectif :60€). En plus de l’artisanat, de la boulangerie et de la production agricole
destinée à la vente, le Château Partagé propose donc différents types d’accueil : Chambre et
table d’hôte avec petit déjeuner, accueil de stages, formations, séminaires, accueil de
résidences artistiques et événements culturels, accueil pédagogique à la journée et séjours
de découverte des activités de l’écolieu, accueil social et utilisation des locaux en gestion libre
(mode gîte). Le château Partagé propose des repas végétariens, biologiques produits sur le
lieu ou autant que possible d’origine locale (Tarifs : Petit déjeuner : 5€. Repas midi/soir : 16€).
Régulièrement, les habitants organisent des chantiers collectifs, participatifs et également
chaque année une journée portes-ouvertes.
Les thématiques de formations ou de stages ;
• Agroécologie et permaculture ;
• Développement personnel et santé ;
• Education ;
• Gouvernance et communication ;
• Eco-construction et énergie.
Activités culturelles et artistiques :
La grande salle d’une capacité de 80 personnes est transformable en salle de spectacle qui
permet d’offrir des concerts et des spectacles. Leur programmation privilégie les découvertes,
les belles rencontres, l’émotion et la proximité avec les artistes. Bien souvent, ces spectacles
sont proposés à l’occasion de stages, afin de prolonger le partage. D’après Baptou, le Château
Partagé organise très peu d'évènements ces dernières années.
-11 juin 2021 : Stage avec « Au bonheur d’apprendre » de Alexandra BUREL sur l'Egypte
antique pour des enfants de 3 à 11 ans. (120€/3 jours).

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-2 mars 2021 : Stage avec « Au bonheur d’apprendre » de Alexandra BUREL sur la Mythologie
Grecque pour des enfants de 9 à 12 ans. (120€/3 jours).
-7 novembre 2020 à 17h, dans le cadre du festival « AlimenTerre », projection-débat-soupe
partagée. Projection du film « Femmes de la Terre » suivie d’un débat avec des invitées.
Le Film : Et si le renouveau paysan était porté par les femmes ? Engagées, solidaires, actives,
les femmes d’agriculteurs d’hier sont chefs d’entreprise aujourd’hui. Prix libre.
-10 octobre 2020 : Pièce de théâtre avec La Compagnie « ACT’BELETTE » pour la création
« Chagrin d'oignon » : Une pièce de théâtre, un voyage tendre, poétique et décalé dans
l'univers de la cuisine. Mesures sanitaires : jauge fixée à 30 personnes et port du masque
obligatoire. Participation au chapeau (10€ souhaités / personne).
-10 juillet 2020 : Arrivée de L'AlterTour au Château Partagé
- 23 et 24 novembre : Stage de chants du monde (Italie, Liban, Suède, Macédoine,
Colombie… en explorant le chant polyphonique) animé par Carine PILLON
-5 juillet 2019 : Conférence Gesticulée « Terre En Vue !» organisé par la « Coopérative
Citoyenne ». L’itinéraire hors du commun d’un couple de profs belges, que rien ne
prédestinait à construire leur propre maison en terre crue, sauf quand il a fallu se sauver, fuir
les lobbies du ciment... (Gratuit)
-7 juillet 2019 : Journée Tango et Yoga (Gratuité pour le 1er cours, puis 20€ le cours, 3 cours :
45€)
-1 et 2 mai 2019 : stage Plantes Sauvages Comestibles avec Cécile Aubel du « Chaudron
Magique ».
-14 mars : Théâtre et poésie dénonciatrice sur les violences faites aux femmes « Rapports
Contés des Ratés qu’on Porte » avec la compagnie des « Oubliettes ». Conseillé à partir de
14 ans (Entrée au chapeau entre 7 et 12€)
Partenariats
- Coopérative des Oasis,
- Coordin'action Nationale Habitat Participatif
- Les Habiles
- La NEF
- Pour l’agriculture : La FADEAR (Fédération Associative pour le Développement de l’Emploi
Agricole et Rural) et La Confédération paysanne

La fiche de l’écolieu « L’Arche St Antoine » a été réalisée à partir des sites internet suivants :
http://www.lechateaupartage.fr/
https://www.basededonnees-habitatparticipatif-oasis.fr/?LeChateauPartage/iframe
https://www.cooperative-oasis.org/oasis/chateaupartage/

88
VI-E Fiche Ecolieu : L'Arche de Saint-Antoine

Descriptif court : La communauté de l’Arche de Saint-Antoine est composée de familles,


couples et célibataires qui vivent et travaillent sur place autour de l'accueil de formations et de
séjours, la formation au vivre-ensemble, le maraîchage et l'entretien des bâtiments. Elle réunit
une soixantaine de personnes unies autour de la non-violence, outil de transformation de soi
et de transformation de la société. Toutes et tous expérimentent une vie communautaire faite
de travail, de simplification des besoins, de conciliation et de réconciliation, de prière et
méditation, ainsi que de chant, de danse et de fête.

Ecolieu L’arche Saint Antoine – Photo de leur site internet

Historique : Elle a été fondée en septembre 1987, quand une équipe de 13 adultes et 11
enfants, provenant de la Communauté de l’Arche de Bonnecombe (Aveyron), vient s’installer
dans la partie du bâtiment de l’ancienne abbaye de Saint-Antoine, qui leur a été proposée par
les anciens propriétaires, les Pères de la Sainte Famille. Plus de trente ans plus tard, la
Communauté de l’Arche de Saint-Antoine est formée d’une soixantaine de personnes –
célibataires, couples et familles – parmi lesquels les permanents engagés et des personnes
qui y passent un temps plus ou moins long pour expérimenter la vie communautaire.

La communauté en 2020 de l’arche Saint Antoine – Photo de leur site internet

89
Statut Juridique
Association.
Non-violence et Spiritualité :
L’Arche de St-Antoine fait partie donc d’une grande communauté : La communauté de l’Arche
Non-violence et Spiritualité. Elle est constituée de personnes et de groupes qui se mettent au
service de leur temps, en mettant à l’œuvre, là où ils sont, l’esprit et les moyens de la non-
violence. Fondée par Lanza del Vasto après sa rencontre avec Gandhi, en 1948, l’Arche a été
la première communauté de toit formée par des familles et des célibataires en France. Depuis
le début de sa fondation, grâce à sa vocation non-violente et à l’intuition forte de son fondateur
et de ceux et celles qui se sont engagés avec lui, l’Arche a été précurseur sur des sujets qui
sont devenus essentiels pour notre société d’aujourd’hui :
• La relation non-violente, où l’autre est perçu comme un frère/sœur en humanité, avec
qui on peut construire et coopérer
• Le respect de la différence de l’autre, notamment en ce qui concerne la spiritualité
• La culture du « vivre ensemble », si nécessaire pour sortir de l’individualisme qui détruit
la société actuelle
• La recherche de cohérence entre nos pensées et nos actes
• La simplification de vie, vécue comme un appel à notre responsabilité face à une
société fondée sur une consommation destructrice
• La lutte pour plus de justice et de paix, enracinée dans la certitude que la
transformation de notre société passe d’abord par notre transformation personnelle, et
se concrétise par notre présence active dans les combats et la résistance d’aujourd’hui
• La liberté de pensée de la personne, par la pratique constante du consensus comme
mode de prise de décision, qui responsabilise et aide à entrer dans l’intelligence
collective.
La non-violence comme philosophie
La direction de vie est la non-violence comme philosophie et outil de transformation de soi et
de la société. La vie quotidienne est une vie simple de partage et de service, nourrie par le
travail sur soi et sur les relations, l’intelligence collective, le chant, la danse et les fêtes, et par
l’approfondissement chrétien et inter spirituel. La gouvernance est partagée, d'inspiration
sociocratique.
Action politique militante
Ils participent à des actions en faveur de la justice et de la paix, en lien avec d’autres
mouvements et associations dans un esprit de non-violence.
-Opposé à la construction d’un projet inutile de domaine Center Parcs par le groupe Pierre et
Vacances dans la forêt de Chambaran à Roybon en Isère. En 2014, certains membres de la
communauté de l’Arche St Antoine ont aidé à porter le projet d’une ZAD non violente
(Coordination des réseaux et logistique). Le projet a été abandonné par le groupe Pierre et
Vacances en juillet 2020.
-Participation à des campagnes et des manifestations écologiques, gilets jaunes, etc…
Niveau de participation du groupe : La communauté a un fonctionnement abouti, stable, mais
toujours en mouvement grâce aux nouveaux arrivants et nouveaux projets. Le processus
d'intégration définitive prend minimum 4 ans.
Vie sociale du groupe : L'Arche a pour fondement « l’unité de vie ». Ainsi, les apprentissages
relationnels, très important pour la stabilité de la communauté, se font à la fois à travers le
travail, les temps conviviaux, spirituels, les pratiques culturelles et artistiques (chants et
danses) et les fêtes. L'Arche accueille beaucoup de monde toute l'année et est en lien avec
de nombreuses autres associations et projets non-violents et/ou alternatifs.
Organisation : Les engagés et amis de l’Arche sont disséminés un peu partout en France,
Suisse, Belgique, Allemagne, Espagne, Italie, Brésil, Argentine, Mexique, Equateur… C’est
une communauté internationale, unie par son désir de contribuer à la transformation de la
société. Si certains de ses membres vivent en maisons communautaires, la plupart vivent

90
insérés dans leurs villes ou quartiers, tout en gardant l’esprit du « vivre ensemble »
caractéristique de la Communauté. Ils créent ou participent à des projets qui concrétisent leur
engagement et ils participent aux rassemblements, rencontres et évènements qui ponctuent
et nourrissent la vie de l’Arche.
Agriculture, accueil, construction, formations…
En plus de l’animation de la Maison d’accueil (accueil des groupes, hôtellerie, restauration),
les activités quotidiennes se partagent entre le soin des jardins maraîchers, fruitiers et fleuris,
l’entretien et la restauration de nos bâtiments (classés au patrimoine historique), l’accueil et la
transmission et formation auprès des stagiaires et dans des formations ou interventions
extérieures, la transformation des diverses plantes pour leur vente en boutique,
l’accompagnement personnel et bien sûr l’animation de la vie communautaire sous toutes ses
formes.
Réalisations écologiques et environnementales :
• Récupération des eaux de pluie
• Autonomie alimentaire partielle (au moins 20%)
• Relation directe avec un producteur local
• Compostage
• Plantations d'arbres
• Autre(s)
Précisions sur les réalisations écologiques et environnementales : mutualisation importante :
voitures, électroménager, cuisine, chauffage

La FÈVE :

La Fève est un projet de la communauté de l’Arche de Saint-Antoine créée en 2010. Sa finalité


est de transmettre, partager et encourager les pratiques et expérimentations du vivre-
ensemble qui favorisent une transition vers une société résiliente, respectueuse et
bienveillante dans la relation humaine comme dans notre rapport au vivant, dans un esprit de
non-violence. Pour cela, elle organise et soutient des formations et des interventions allant
dans le sens de cette finalité, accueillies la plupart du temps par la Maison d’accueil de l’Arche
de St-Antoine, mais aussi sur des lieux collectifs ou dans des établissements scolaires. Ces
formations et interventions s’adressent en particulier aux chercheuses et chercheurs de
« Transition en transition », ou bien qui sont déjà dans un projet de vie en collectif, mais aussi
à tout autre public en recherche de plus de collectif, de coopération, de relations humaines de
qualité et d’écologique dans leur vie. La FÈVE a deux originalités fortes :
• la première originalité est de proposer un programme de formations très
complémentaires, intégrant une meilleure connaissance de soi vers une meilleure
relation aux autres et au monde, en passant par la compréhension des mécanismes
de la violence, la relation à l’autre et la communication interpersonnelle, les
dynamiques de groupes, la compréhension et la transformation des conflits et la
construction de son projet de vie, mais aussi des thématiques plus concrètes liées à
un mode de vie plus résilient (en cours de développement)…
Ces apports complémentaires s’appuient sur des intervenants internes ou extérieurs
qualifiés et expérimentés apportant leurs connaissances, leurs méthodes et outils et
leurs qualités d’accompagnement de la personne et du groupe.

91
• la deuxième originalité est de proposer une pédagogie associant formation et
expérimentation dans un cadre de vie communautaire, l’Arche de St-Antoine,
accueillant et soucieux de transmettre son expérience pour d’autres projets collectifs.
Ce cadre valorise les interactions entre apprentissages dans les ateliers et mise en pratique
dans la vie relationnelle au sein de la communauté, ou ailleurs.
La Fève est partenaire, entre autres, de la coopérative Oasis dont fait partie l’Arche (Oasis-
lieu de vie et Oasis-ressource par ses plus de 30 ans d’expérience). La Fève n’est pas une
formation professionnelle particulière. Elle ne donne pas un « métier » ni un diplôme. Mais,
par sa nature même de formation au « vivre ensemble », elle est construite pour permettre à
ceux et celles qui suivent ses sessions de se servir de leurs acquis dans de nombreuses
situations professionnelles, associatives, coopératives… La Fève est particulièrement utile
pour des personnes impliquées dans un projet collectif, qu’il soit en activité, en cours de rêve
ou de construction, ou toutes les chercheuses et chercheurs de Transition (collective) et/ou en
transition (personnelle) dans leur vie.
Activités culturelles et artistiques :
Organisation de formations ou stages : Développement personnel et santé, éducation,
gouvernance et communication, autre(s)…
Relation & Vivre ensemble : Formation à la Communication Non-Violente, prendre soin de soi
pour prendre soin de l’autre, vivre ensemble (pourquoi ? comment ?), danses en cercle.
Connaissance de soi : Comprendre ces violences qui m’habitent, voir et transformer ma part
dans la violence du monde, peurs, colères, joies, un cycle thérapeutique de trois sessions pour
libérer notre joie, sortir de la « seulitude », le temps de la consolation, auteur de sa vie, acteur
dans le monde.
Société & Transition : Formation à la Désobéissance civile, 72h pour concevoir son écolieu,
pour les porteurs de projets d’éco-lieux, changer de vie (3 jours d’aide au discernement),
responsabilités chrétiennes dans la crise écologique (Quelles solidarités nouvelles ?)
Arts visuels et plastiques : L’énergie du Phénix, peinture traditionnelle et arts énergétiques
chinois, peinture Zen méditative (un art de voir, aller à la rencontre de soi et de la nature par
l’encre de Chine), habiter son cœur profond, aller à la rencontre de soi par l’expression
créative, calligraphie.
Spiritualités : Imaginer et chanter l’Évangile, invitation à la Pleine Présence, méditation assise
et en mouvement pour débutant.e.s et initié.e.s, cheminer vers l’Éveil, un pont entre la
Tradition de la Non-Dualité et la mystique chrétienne, approches de la vie intérieure” en
mouvement et en musique, une expérience dans le corps du livre de Lanza del Vasto.
Danse : Danses du monde, danses en cercle, danser ensemble les traditions du monde, pour
débutant.e.s et initié.e.s, danses en cercle, danser des mandalas, la danse comme miroir et
expression du cœur profond.
Chant & musique : Imaginer et chanter l’Évangile, libérer sa voix et son corps – Chant du
monde, ouvrir, déployer sa voix pour chanter la Vie, travail vocal et corporel, psychophonie,
chants populaires et religieux, stage de guitare classique.
Clown : A la découverte de son propre Clown, au coin de la rue ; mon clown rencontre Dieu !
(Stage clown et spiritualité ouvert à tou.te.s, croyant.e.s et non croyant.e.s), clown & Danse
Cuisine : La main à la pâte, 3 jours de boulangerie artisanale, atelier de cuisine orientale
végétarienne, venez découvrir les délices orientaux, à la campagne, transformer les récoltes
et me transformer, cheminer vers un retour à la terre à travers les produits du jardin.
Accompagnement personnel : Nous traversons des temps difficiles, qui réveillent les peurs et
les angoisses qui nous habitent. La communauté de l’Arche propose aussi un espace d’écoute
et d’accompagnement pour répondre aux demandes de personnes (adultes, jeunes, couples,
enfants…).
Autres activités : Ecole, artisanat, maison d'Accueil, maraîchage, artisanats, travaux.

92
Hébergement et repas : L’Arche Saint Antoine accueille dans une ancienne abbaye classée
avec ses jardins, situé dans le village médiéval de Saint-Antoine-l’Abbaye. Différentes
possibilités d’hébergement :
• Des chambres « Simples », à deux ou trois lits, avec des sanitaires dans le couloir (tarif
de base : Pension complète en chambre simple : 52€).
• Des chambres « Confort », à deux lits ou trois lits, qui comportent un sas avec une
douche et un WC pour deux chambres (Tarifs/ 58,50€).
• Des chambres individuelles (Simples : 38€ ou Confort : 44,50€) en nombre limité, sur
demande à l’inscription et sous réserve des possibilités (voir tarifs).
Des réductions sont possibles en fonction de l’âge et des revenus sous certaines conditions.
Séjour libre : C’est une formule qui permet de séjourner dans la maison sans participer à une
session.
Lieu d’accueil pour les formations, séminaires, conférences, rencontres
La maison d’accueil est ouverte pendant les week-ends, les vacances scolaires (toutes zones
confondues), avec des possibilités aussi en semaine à des conditions particulières. Elle est
fermée en septembre et de décembre à fin janvier. Les sept salles, de capacité d’accueil allant
de 10 à 120 personnes, proposent des ambiances différentes adaptées pour diverses activités
telles que : séminaires, chant, danse, yoga, rencontres à thème, stage de ressourcement,
ateliers créatifs, etc. Les participants pourront être accueillis dans l’hôtellerie de 99 places et
profiter de la restauration végétarienne issue des produits locaux et biologiques du jardin.
L’accueil a pour vocation de répondre aux besoins de formation et d’événements, et de
favoriser des rencontres entre la communauté et les participants.
Partenariats
-Communauté Non-Violente de l'Arche, Coopérative des Oasis

La fiche de l’écolieu « L’Arche St Antoine » a été réalisée à partir des sites internet suivants :
https://www.arche-sta.com/
https://www.arche-de-st-antoine.com/
https://www.arche-sta.com/la-feve/

93
VII Analyse et résultats

VII-A Étude quantitative

Pour bien situer géographiquement les écolieux étudiés, voici deux cartes, l’une de la France
et l’autre, un peu plus précise autour de la ville de Lyon.

94
Nous constatons que les écolieux étudiés sont tous autour de Lyon car il n’a pas été évident
de se déplacer au vu des restrictions sanitaires du Covid. Nous avons donc seulement pu nous
déplacer à l’écolieu la Maladière, à Goshen et à la Note Bleue. Les études du Château Partagé
et de l’Arche St Antoine ont été faites à distance. L’écolieu Goshen est à 192 km de Lyon, La
Maladière à 50,3 km de Lyon et La Note Bleue est à 43,8km de Lyon. Le Château Partagé est
à 99,8km de Lyon et L’arche St Antoine à 123 km. La distance moyenne depuis Lyon est de
101,78km.
D’après la typologie des écolieux étudiés (Annexe 8), nous constatons que :
- tous les écolieux étudiés sont localisés en zone rurale ;
- l’écohameau Goshen et la Maladière sont des Fermes ;
- tous les écolieux étudiés font partie du réseau de la coopérative des Oasis et en
quelque sorte du mouvement Colibri de Pierre Rabhi, sauf la Maladière. Goshen et le
Château Partagé sont des Oasis de Vie et ont en commun d’être des écogîtes. La Note
Bleue est une Oasis ressource et L’Arche Saint Antoine est à la fois une Oasis de Vie
et de ressource. (Voir la partie de ce mémoire « IV-C-a Les différents types d’Oasis ») ;
- au niveau du type de chantier, ce sont tous des vieilles bâtisses qui ont été réhabilitées.
Par exemple pour La note Bleue, au 18e siècle, c’était une ferme et puis après c’est
devenu une maison de vin. Jadis, pour la Maladière, c’était potentiellement un centre
de Lépreux puis une ferme familiale ;
- le plus jeune écolieu est la Maladière, il a 2 ans. Le doyen est l’Arche St Antoine, il a
34 ans. La Note Bleue a 21 ans. Le Château Partagé et Goshen ont le même âge, 12
ans. L’âge moyen des écolieux étudiés est d’à peu près 16 ans ;

95
- tous les projets des écolieux étudiés sont aboutis sauf pour la toute jeune Maladière
qui est encore en travaux. Tous les projets des écolieux étudiés ont acquis le Foncier
sauf pour La Maladière qui n’a pas été identifiée.
- l’origine est généralement pour tous les écolieux étudiés, citoyenne sauf pour la
Maladière qui part d’une amitié qui s’est construite à la base en collocation
- le nombre moyen d’habitants des écolieux étudiés est d’à peu près 20. La répartition
du nombre des habitants par écolieu est représentée par le graphique suivant :

NOMBRE D'HABITANTS
Ferme Ferme ou éco-hameau de la Chaux,
La maladière "Agri-Culturelle" Goshen
L'Arche Saint Antoine Le château partagé

La nOte Bleue

60

18
11 12
3

- la moyenne du nombre d’hébergements en accueil est d’à peu près 24. La répartition
du nombre d’hébergements en accueil par écolieu est représentée par le graphique
suivant :
NOMBRE D'HÉBERGEMENT EN ACCUEIL
Ferme Ferme ou éco-hameau de la Chaux,
La maladière "Agri-Culturelle" Goshen
L'Arche Saint Antoine Le château partagé

La nOte Bleue

100

15 15 15
2

- l’Arche St Antoine, Goshen et le Château Partagé sont en Habitat participatif / Groupé.


La Maladière n’a pas été identifiée. Les habitants de la Note bleu est un couple de deux
personnes. Ils vivaient à trois récemment, en effet, ils accueillaient temporairement une
autre artiste qui vivait dans la petite maison. Par conséquent, la note Bleue n’est pas
en habitat partagé.
- le groupe d’habitants de l’écolieu, la Maladière, est en démarrage. L’Arche St Antoine
et le Château Partagé sont en recherche d’autres habitants. La Note Bleue et Goshen
sont complets ;

96
- les habitants de Goshen et de la Note Bleue vivent dans des maisons individuelles.
Les habitants de La Maladière, du Château Partagé et de L’Arche St Antoine vivent
dans des appartements individuels ;
- tous les habitants des écolieux sont dans une mixité (culturelle, sociale,
générationnelle, fonctionnelle, linguistique). Le Château Partagé n’a pas été identifié
sur cette question ;
- en termes de spiritualité/Religion, les habitants de Goshen sont strictement chrétiens
œcuménistes. L’Arche St Antoine est dans le même mouvement chrétien que Goshen,
mais il semble que ce soit laïque, inter spirituel, et interreligieux au vu du nombre de
ses habitants. Concernant les autres écolieux, leur spiritualité/religion au sein de leur
collectif n’a pas été identifié ;
- tous les habitants des écolieux étudiés mutualisent les équipements et les espaces.
- ils ont tous effectué des réalisations écologiques et environnementales
- tous les écolieux étudiés sont sous un statut juridique associatif pour gérer notamment
leurs activités culturelles ;
- la dimension culturelle et artistique de tous les écolieux étudiés est au cœur de leur
projet initial. Nous expliquerons pourquoi dans le prochain sous chapitre.

VII-B Étude qualitative

VII-B-a Introduction à l’étude qualitative

Il est crucial de mettre en place une méthodologie de recherche. Il faut déjà dresser un
diagnostic en collectant des données nécessaires pour comprendre le contexte des écolieux
en France. Puis nous établissons une liste d’écolieux existants sur le territoire Français et
identifions ceux qui répondent à nos critères de validation énumérés dans la partie « III- D Mes
critères de validation ». À cet effet, nous utilisons deux principales cartes interactives et
collaboratives initiées par le mouvement Colibri. Elles sont mises à jour régulièrement et sont
pratiques d’utilisation, elles recensent les initiatives écologiques et solidaires et également les
écolieux en France. *1 Une fois ce travail effectué, nous contactons par mail les écolieux
identifiés qui ont une dimension culturelle et artistique dans leurs activités. Nous pouvons noter
que nous avons contacté ceux qui sont proches de Lyon pour des raisons de restriction de
déplacement due au Coronavirus. Une fois que les écolieux intéressés répondent
positivement, soit nous organisons un rendez-vous téléphonique, soit nous nous déplaçons
s’ils sont d’accord pour nous accueillir. À savoir que sur 37 écolieux contactés cinq ont répondu
qu’ils étaient disponibles.
Nous avons donc mis en place un guide d’entretien destiné aux artistes (Annexe 6) et un
destiné aux écolieux (Annexe 7). Nous utilisons des entretiens semi directifs pour interroger
autant les artistes que les écolieux. De surcroît, nous réalisons des fiches des écolieux étudiés
(Chapitre VI) qui nous prêtent main forte, d’une part, à leur compréhension et d’autre part, à
réaliser convenablement nos entretiens. Force est de constater que des entretiens ne
s’improvisent pas !

*1 Cartes interactives des écolieux en France :


https://presdecheznous.fr/annuaire#/carte/@45.44,4.76,9z?cat=all
https://www.colibris-lemouvement.org/projets/campagnes-precedentes/2014-2019-projet-oasis/carte-oasis

97
Nous réalisons une étude qualitative avec cinq écolieux dans la période de début avril à fin
août 2021.
Le premier entretien oral avec l’écolieu « La Maladière » (Annexe 9) a été exploratoire. Nous
effectuons des entretiens principaux notamment avec le second écolieu interviewé « Goshen »
(Annexe 10) et le troisième « La Note Bleue » (Annexe 11). Nous utilisons un autre entretien
principal écrit et un questionnaire avec l’écolieu « Le château partagé » (Annexe 12). Cette
étude de cas nous aide à confirmer nos hypothèses de départ, des rôles de la notion
d’« Activités culturelles et artistiques », que nous donnons dans la partie II-B de ce mémoire
de recherche. L’entretien avec l’Arche Saint Antoine (Annexe 13) est un entretien de contrôle.

VII-B-b Résultats de recherche

Dans un premier temps, il nous semble important d’apporter quelques résultats essentiels de
nos écolieux étudiés.
- La dimension culturelle et artistique des écolieux étudiés est au cœur de leur projet
initial. En effet, à la Maladière, la responsable de la programmation culturelle et
socioculturelle, Sophie, a été formée en administration et en gestion des entreprises
culturelles et elle est intermittente du spectacle comme clown à l'hôpital. Elle s’occupe
notamment de développer tout ce qui est socio-culturel et coordonne tout le planning
des activités entre les différentes associations sur le lieu. Sur le projet, Jérôme Noir
veille au développement des actions d’éducation populaire et de formation citoyenne.
Le culturel, l’agricole et l’accueil font 3 cercles qui se rejoignent tels une économie
circulaire. Au Château Partagé, Baptou chante dans le groupe de bal folk Amzéom et
Floriane joue du violoncelle et de la viole de gambe. Bien avant que la Note bleue
devienne un écolieu, elle était déjà un lieu de passage d’artistes et d’accueil. Elle est
aujourd’hui un lieu d'habitat, d'accueil et de travail de création initié par deux artistes,
Jacques, musicien et Katy, sa compagne, plasticienne. La Note Bleue est une maison
d’artistes conçue par et pour des artistes. Toutefois, ils partent du principe que la
création artistique est inhérente à chacun de nous, et donc que tout le monde peut
accéder à une création. Avec leur Collectif TCHAAP, Alexandre et Marie proposaient
avant de s’installer à Goshen des espaces de rencontre et de détente sur des temps
festifs. Alexandre, est plus militant qu’artiste, mais il a toujours eu un attrait pour les
musiques alternatives. David a une attirance pour le métier artistique. Guillaume
confirme que la dimension culturelle et artistique est au cœur du projet initial de l’arche
St Antoine mais qu’il y a plusieurs cœurs. Le fondateur de l’arche saint Antoine, Lanza
Del Vasto, il y a plus de 70 ans était un philosophe et artiste aussi. Il avait plusieurs
talents : Il était écrivain, sculpteur, musicien, etc. Nous identifions des similitudes : En
effet, Alexandre de Goshen est de base, animateur de l'Éducation Populaire comme
Jérôme de la Maladière. Jacques et Katy de la Note Bleue sont eux aussi de la
génération de l’éducation populaire. L’éducation populaire ne se limite pas à la diffusion
de la culture académique, elle reconnaît aussi la culture dite populaire. L'animation
sociale et culturelle est un domaine d'investissement important d'éducation populaire.
Comme l’a écrit le pédagogue belge Jean-Pierre Nossent « L’éducation populaire est
une pratique culturelle de résistance », elle se veut « démocratique », médiatrice entre
l'art et la vie. Nous constatons que l’éducation populaire est une pratique sociale
innovante dans le milieu culturel et artistique qui peut être adaptée aux écolieux.
- Goshen et la Maladière sont des lieux d’expérimentation. La Note Bleue se définit plutôt
comme un lieu de liens. L’Arche St Antoine constitue un véritable laboratoire depuis
1948.
- Goshen, La note Bleue, Le château Partagé et l’Arche saint Antoine font partie de la
coopérative des Oasis, sauf la Maladière.

98
- Tous les écolieux étudiés utilisent des règles communes de vivre ensemble. La
Maladière utilise leur « Malagora et la Note Bleue « l'artisanat du nous ». Pour Goshen
et L’Arche St Antoine, les habitants sont formés à la « Communication Non Violente ».
Le Château partagé adopte des réunions hebdomadaires, fondées sur les principes de
la gestion par consentement, sur lit de Communication Non Violente.
- Les activités culturelles et artistiques des écolieux étudiés sont éco-responsables. La
Maladière bénéficie des produits de sa ferme bio et priorise les circuits court. Goshen
est presque à Zero déchet et consomme des produits locaux (AMAP) dans le cadre de
leur festival. Nous n’avons pas pu identifier le reste des écolieux, mais d’après nos
observations, il nous parait évident qu’ils sont dans l’éco-responsabilité.
- Ils sont dans la philosophie de « La sobriété heureuse » de Pierre Rabhi. En effet, la
Note Bleue, Goshen et l’arche St Antoine font partie du réseau des coopératives des
oasis de Pierre Rabhi, et partagent les valeurs de « La sobriété heureuse » qui sous-
entend une aspiration simple au bonheur, à une réduction drastique du temps de travail
et de la consommation, qui s’inscrit en réaction au productivisme et ses conséquences.
Goshen ne souhaite pas organiser un gros festival où ils s'épuiseraient à organiser
sans profiter, comme spectateur. Ils ne veulent plus d’un système de « consommation
de festival » où ils ne seraient plus dans la « rencontre participative ». La note Bleue
Quant à elle, ne veut pas s’épuiser dans des projets trop compliqués, trop coûteux, en
temps, en énergie, et en stress. L’Arche St Antoine est dans une éthique de la
simplification de vie, vécue comme un appel à notre responsabilité face à une société
fondée sur une consommation destructrice. La Maladière prône aussi la sobriété sur
son site. Le Château Partagé n’a pas été identifié sur cette thématique.
- Ils ont de l’intérêt à assister à des spectacles dans leur écolieux.
En effet, à la Maladière, ils ont du plaisir à voir des spectacles chez eux après des
journées agricoles intenses. D’ailleurs, ils souhaitent installer une salle pour jouer de
la musique entre eux, leurs amis et leur réseau. C’est le même cas pour le Château
partagé. Goshen peut mettre à disposition gratuitement leur lieu et puis bénéficier
directement des évènements. Les habitants de l’arche sont à la fois artistes et public.
L’aspect artistique et culturel, mis à part pour les stages et les formations, ne sont pas
ouverts au public. Ils organisent entre eux des « Fêtes ».
- Goshen et l’Arche Saint Antoine sont très liés.
Non seulement, ils ont une spiritualité semblable, l'œcuménisme. Mais encore, David
de Goshen a habité une année à l’Arche et s’est formé là-bas avant. Goshen est
accompagnée par l’’arche St Antoine qui l’aide à cheminer sur le chemin de vie
collective. Mais aussi, les deux sont dans le réseau de L'Arche de Lanza Del Vasto.
- L’ouverture sur l’extérieur et leur intégration sur le territoire local
Sophie pense que la Maladière est acceptée par le voisinage. La Maladière est
notamment allée rencontrer les associations locales avant de s’installer pour les
informer de leur emménagement, de leur projet pour une éventuelle coopération.
Concernant le Château partagé, nous n’avons pas assez d’information mais il nous
semble qu’il ait ce souhait d’ouverture. Goshen a conscience que des locaux les
apprécient, mais d’autres pas. Ils ont quand même des retours positifs, avenants et
bienveillants. La mairie les a très bien accueillis aussi. Au départ, les villageois avaient
un peu de méfiance, mais pour Goshen, c'est normal devant l'inconnu. A leur arrivée,
ils sont allés à la rencontre des voisins. Ils s'investissent également dans les
associations locales. Goshen pratique la transition qui évolue en même temps que les
mœurs des valeurs écologiques évoluent dans milieu local et rural. Ils développent le
lien au niveau local notamment avec la tradition culturelle du brûlage de sapin, qui a
été portée à Goshen par les parents d'élèves de l'école locale. Ainsi, Goshen est de
plus en plus apprécié, et intégré sur le territoire local ce qui leur procure beaucoup de

99
joie. Concernant La Note Bleue, Jacques révèle : « Ce qui est bien, c'est qu'on a de
plus en plus de gens qui habitent (ici) qui viennent, soit par les stages, (soit par) les
cours de yoga et tai-chi. (…) quand moi je faisais des stages de Sanza africaine (…),
je n’avais personne du village parce que c'était trop spécialisé (…) Mais maintenant,
(…) la confiance a été acquise par rapport à qui on était au village, qu'on n’était pas
des hurluberlus, (…) et encore moins une secte. (…) on a de plus en plus d'adhérents,
de Chonas, Reventin, Condrieu (villages autour), et de la région. (…) qui viennent
participer à des activités ou (..) à un concert ou une conférence. » Au départ, c’était
difficile pour que Jacques et Katy de la Note Bleue soient intégrés dans le village par
rapport à leurs images d'artistes. Jacques explique « qu’il n'était pas que justement
une peintre, et puis un musicien. Dans le fait, qu’on fasse impliquer le corps, la
réflexion, la citoyenneté, le rapport à la nature, l'écologie. Ça a plutôt brouillé les esprits,
ça a été plus difficile du coup à être reconnu ». Jacques constate que la mairie a eu de
bons échos par le biais d'acteurs écologiques importants du territoire comme « l'île du
Beurre ». Jacques remarque des difficultés : « Des gens qui viennent de la ville sont
parfois plus demandeurs d'évoluer niveau écologique, (…) des pratiques de
gouvernance que des gens qui sont là depuis longtemps (…). Je dis ça sans jugement,
mais en termes de statistiques, on le voit (…) Au niveau (…) culturel, je suis intervenu
au niveau de l'école, Katy, au niveau de la bibliothèque, mais après il y avait une
différence de mentalité sur les exigences tant artistiques que financières » En effet, le
comité des fêtes souhaitait que Katy et Jacques exercent leur travail d’artistes
gratuitement ou le moins cher possible. Il semble difficile de faire changer les préjugés
sur les artistes en zone rurale. Jacques pense quand même « Ça a évolué, mais ça a
été assez difficile à faire prendre en compte ». Pour l’Arche St Antoine, comme pour
Goshen, une partie de la population les accepte, l’autre pas. Guillaume explique
pourquoi « Quand la communauté est arrivée, il y a trente ans, elle a été prise pour
une secte, donc, c’était compliqué. En plus, il y avait des choses qui y ressemblaient,
(…) il y avait des gens (de l’Arche) qui étaient en costume, etc. (…) Petit à petit, la
communauté a lâché certains trucs. (…) ça s’est détendu. Après, c’est un petit village,
il y a 1/3 encore qui vote Front National et encore, ce n’est pas beaucoup par rapport
aux villages autour. Ils se protègent, ils ont peur de l’étranger, de la différence. On a un
adjoint au maire qui est dans la communauté depuis 30 ans et puis il y a plusieurs
personnes qui sont bien intégrées dans le village. Mais on est un peu des ovnis. (…)
C’est là qu’il y a tout un travail (du réseau Oasis) à faire, à aller vers les autres, à aller
leur expliquer, à aller voir le sens, à les rassurer aussi. (…). L’arche (…) était vraiment
‘Entre-soi’ » (…) à chercher à développer un îlot, au début, d’auto-suffisance et avec
l’accueil, évidement c’était ouvert. Mais il n’y a pas eu d’effort fait pour être en lien avec
le village (…). Ce n’est pas une vocation individuelle de tout le monde. Je suis parmi
ceux qui sont très en lien avec l’extérieur (...) » L’Arche a en effet développé des liens
d’amitié avec des habitant-e-s du village de Saint Antoine et des villages alentours. Ils
ont aussi des personnes liées à la communauté, installées maintenant à proximité qui
viennent aux stages et aux formations. L’arche st Antoine est dorénavant plus intégrée.
Tout bien pesé, nous nous apercevons que l’intégration des écolieux sur leur territoire
local est parfois difficile malgré leur engouement à s’ouvrir. Nous démontrons, de fait,
que L’Arche st Antoine, comme La Note Bleue, étaient, dans le passé, considérées
comme des sectes.
- La provenance du public. (Voir les cartes de l’étude quantitative)
La toute jeune Maladière se situe à Saint-Denis-sur-Coise dans la Loire à cheval avec
le Rhône. Le public vient probablement de cette zone. Pour les propositions des
stages, elle rayonne depuis Lyon, et de partout en France. Au niveau des
représentations culturelles, le public est apparemment local mais aussi, d’ailleurs. Leur

100
association qui gère les activités culturelles et artistiques de la Maladière compte 180
adhérents qui soutiennent le projet. Les intervenants des stages et son public viennent
du réseau culturel de Sophie. Elle travaille avec la « Fabrik », un centre de ressources
pour tous les acteurs culturels du territoire un Café-concert « La Farlodoise », d’un
village à côté.
Basé à La Bussière sur Ouche, dans la Côte-d'Or, en région Bourgogne, Goshen a
surtout du public qui vient de son réseau alternatif, militant et chrétien. Ils sont aussi
en lien avec des personnes d'un peu partout en France. Au niveau de la Bourgogne,
ils sont en lien avec notamment une association, le « Rézo'Fêt'Art » qui a de nombreux
projets locaux, s’occupe de la programmation artistique de leur festival. Avec 10 ans
d’existence, Goshen a pas mal de réseau.
Installé en l'Isère en région Auvergne-Rhône-Alpes, à Chonas-l'Amballan, La note
Bleue est très proche de la Loire et du Rhône et donc, plausiblement, elle a un
rayonnement sur cette zone. Jacques précise : Statistiquement une bonne majorité du
public de la Note Bleue, c’est-à-dire 50 %, vient d’un environnement proche, d’un rayon
de 10 kilomètres, (…) du Pays Viennois ou Roussillonnais ou du Pilât. L’autre moitié
vient (…) de Lyon, du reste de l'Isère ou de France. Leur association a entre 100 et
120 adhérent-e-s sur l'année qui viennent aussi pour participer à une activité qu’elle
propose. L'adhésion est obligatoire pour participer ou proposer une activité, un stage,
une résidence, ou proposer. Il y a un cercle d'information qui est formé des anciens
adhérents, d’au moins 1000 personnes sur la région. C'est suffisant pour remplir les
soirées, et avoir des répercussions sur ce qu'ils font. Jacques est aussi reconnu dans
son travail musical. Il a un réseau avec plusieurs structures culturelles et artistiques du
territoire comme celui du Pays Roussillonnais, les médiathèques, les radios, et le
théâtre de Vienne avec qui la Note Bleue a d’ailleurs accueilli des compagnies pour y
dormir. En somme, son réseau lui a permis de faire de l'action culturelle, en plus des
créations, sur plusieurs communes. Cathy, elle aussi, a des liens avec quelques
galeries sur Vienne. Tout ce réseau professionnel a probablement participé à attirer du
public. Positionnement géographique important pour attirer du public
L’Arche St Antoine est localisée à Saint-Antoine-l'Abbaye, dans l'Isère comme la Note
Bleue. Elle est près de la Drôme et à peu près au centre du triangle de Grenoble,
Valence et Vienne. En Rhône Alpes, ils ont un bon public. L’Arche reçoit près de 3000
personnes par an dans leurs activités d’accueil, et pour les activités de formation et de
stage de la Fève, presque 200 personnes par an. Ils ont aussi 300 bénévoles par an
en stage communautaire. L'Arche accueille beaucoup de monde toute l'année, surtout
dans les stages (yoga, poterie, calligraphie, CNV) et formations. L’arche est en lien
avec de nombreuses autres associations et projets non-violents et/ou alternatifs.
Certains de ses membres vivent à l’extérieur de l’Arche Saint Antoine et participent à
des projets qui concrétisent leur engagement à l’Arche. Ils ont près de 4000 personnes
fidèles, de toute la France aussi, voire du monde entier qui reviennent assez
régulièrement dans leurs stages. Ils ont des intervenants qui viennent d’Inde par
exemple, et qui attirent du monde de toute l’Europe. Par contre, les habitants du village
et des alentours viennent très rarement faire des stages ». Pour Le Château Partagé,
nous savons seulement qu’il est basé à Dullin, dans en Savoie, en région Auvergne-
Rhône-Alpes aussi.
- La communication culturelle et artistique. Nous remarquons que la Maladière n’en a
pas vraiment besoin car le réseau de Sophie lui suffit et qu’il y a une demande du public
sur le territoire où ils sont installés. Goshen ne communique pas sur les dates, rituelles,
dans l’année comme l’aspect liturgique, et leur festival. Nous remarquons qu’ils
essayent quand même de communiquer sur les autres évènements. Avec le temps, la

101
Note Bleue n’a plus besoin de faire de la communication avec des encarts publicitaires
car ils ont acquis une influence et une réputation.
- L’agriculture et l’alimentation à travers l’art et la culture
Guillaume du Château partagé considère la cuisine comme un art. Le Château
partagé a organisé une pièce de théâtre dans l'univers de la cuisine. La Maladière a
organisé le « Poule ‘Up festival », mélange artistique et de cuisine bio de chez eux afin
de favoriser la rencontre dans une ambiance festive et conviviale. Le festival de
Goshen est aussi autour « du mieux manger. » Goshen a organisé une « Fête de la
Nature » autour du thème « Alimentation et santé » à la Chaux. C’est une journée sur
la nature où l’on fait des rencontres, avec des ateliers comme « Faire son compost ».
Katy de la Note Bleue explique qu’elle privilégie les repas partagés lors de ses stages
car pour elle « ça fait partie du vivant ! ».
- La volonté d’apporter du festif au militant. Nous pensons que c’est important de noter
que l’écolieu Goshen et l’association « Graines Électroniques », étudiés dans ce
mémoire, ont ce parti pris identique. Alexandre de Goshen dit que leur festival est un
mélange d’associations artistiques jeunes et militantes anciennes « l’idée est d’amener
du festif aux associations militantes et de la conscience auprès des associations
festives ».
- L’activité économique des activités culturelles et artistiques des écolieux n’est pas
essentielle. Pour le Château partagé, leurs activités drainent peu de monde donc ils
ont qu’une petite source de revenu assez négligeable. Concernant la Maladière, ses
activités sont bénévoles car l’écolieu est jeune. Il n’a pas de budget, donc il marche au
chapeau pour payer les artistes. Ses activités n’ont pas un gros impact économique ni
sur l’écolieu ni sur le territoire pour l’instant. Cependant, leur projet fonctionne quand
même car depuis qu’ils sont installés, ils ont au moins 300 personnes qui les
soutiennent. Pendant le festival participatif de Goshen, tous les artistes sont payés au
chapeau. Ils accueillent entre 100 et 150 personnes. La Note Bleue cultive la
bienveillance dans la relation dans un choix autre que la logique marchande. Une
convention de commodat signée entre les propriétaires et l’association met
gratuitement à disposition une grande partie du bâtiment et du jardin. En échange,
l’association s’engage à payer les charges et à participer à l’entretien des lieux.
Jacques et Katy sont co-président-e-s de l’association et vivent de leurs activités
artistiques. Ils ne sont pas des hôteliers et ne tirent pas leurs revenus de l'association,
Ils peuvent utiliser le lieu pour leurs travaux artistiques ou pour animer des stages. La
Note Bleue a le souci de garder un budget équilibré, mais « les chiffres » ne sont pas
leur priorité, ils souhaitent être « mieux reliés », notamment avec l'environnement
géographique, au village ou sur le territoire.
- Ils pratiquent le prix libre et conscient et ils sont à but non-marchand. Effectivement, la
Maladière a cette volonté, d’être accessible à tout le monde surtout pour ses
spectacles. Actuellement, ils n’ont pas le budget pour payer décemment les artistes,
donc c’est au chapeau. Goshen pratique l’accueil inconditionnel et le prix libre et
conscient aussi. C’est une pratique de responsabilisation et de solidarité, dans le sens
où chacune et chacun, quels que soient ses revenus, peut bénéficier des mêmes
services. Il y a aussi cette idée du partage et de la rencontre humaine « égal à égal ».
Goshen souhaiterait développer d’autres formes d’échange comme le sel ou le troc.
En conséquence de cette idéologie, ils font de belles rencontres et ouvrent les
opportunités à de projets intéressants. La Note Bleue pratique visiblement cette
démarche, souvent pour la diffusion de ses spectacles. L’Arche Saint Antoine pratique,
parfois, des tarifs solidaires pour les petits revenus et des réductions pour les enfants.
Le Château Partagé n’a apparemment, pas d’objectif économique, il a surtout du plaisir
à partager des moments festifs, ensemble. Il pratique des tarifs réduits et le chapeau
sur certaines diffusions de spectacle.

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- Les subventions publiques pour l’art et la culture des écolieux. La Maladière n’en a
pas. Le Château partagé et L’arche St Antoine n’ont pas été identifiés sur cette
thématique. Goshen est complètement autonome, « Ils font le moins de frais possible
pour avoir le plus d'autonomie possible ». Ils ont seulement un « revenu de transition
écologique » financé par la fondation Suisse « Zoein ». La Note Bleue est aussi en
autonomie financière. Elle n'a jamais demandé de subvention, mais la Mairie lui en
propose maintenant. Jacques pense plutôt que « d’essayer d'aller quémander un peu
de pouvoir et un peu de subventions (…) à la municipalité, on devrait garder son
« Intégrité (qui) est l'objectif si on veut changer le monde, parce que demain c'est
changer, c'est la transition ». Il recommande au préalable « un temps de formation
individuelle (pour) créer sa propre gouvernance, (…) qui soit appropriée (…) en
prenant des risques financiers (et) d'image », de faire cet « effort-là », d’être dans la
confiance et en reconnaissant ses propres limites. Il pense « (qu’) en tant qu'artistes,
on est plus habitués que d'autres (…) à prendre des risques (..) artistiques ».
- Les obstacles des écolieux. La Maladière n’a pas encore de place pour accueillir du
public surtout en places de parking et de camping pour un festival notamment.
Cependant, ils sont vraisemblablement dans un dilemme car ils ne souhaitent pas
écraser les sols destinés à une agriculture Biologique avec l’installation d’un festival.
Ils veulent trouver un équilibre entre les activités socio-culturelles et agricoles
biologiques. Goshen a essayé de faire chaque année, en décembre, un évènement
culturel « Faire ses cadeaux de Noël soi-même » pas reconduit car ça n’a pas
fonctionné. Ils font des petites choses qu’ils testent, ça marche ou ça ne marche pas.
Face aux profits exorbitants des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) et à la
« la googlisation du monde » qui nous privent de liberté individuelle, la Note Bleue
voudrait utiliser des outils numériques qui sont en cohérence avec leurs choix de vie
se formant à des logiciels libres ou organiser une journée d'informations sur le « Big
Data ». Katy estime que cette thématique fait partie aussi de la notion de « culture ».

VII-B-c Apports de l’art et de la culture des écolieux

Maintenant, pour rentrer un peu plus dans les résultats, nous allons expliquer d’une manière
générale ce que leurs activités culturelles et artistiques apportent le plus au sein de leur
communauté/collectif et au sein des territoires où ils sont installés.

Les apports de la dimension artistique et culturel au sein de leur collectif/ Communauté.


Au sein du collectif du Château partagé, elle apporte du vivre et faire ensemble. Pour la
Maladière, l’idée est d’apporter de la vie culturelle au sein de leur collectif. Concernant Goshen,
elle amène une ouverture, de la joie, de la rencontre et la découverte au sein de leur
communauté. David apporte un constat « dans les écolieux, on parle de collectif, mais aussi
de communauté du pardon et de la fête. En effet, on nourrit le côté pardon par les temps autour
de la foi, (…) par la profondeur qu'il peut y avoir. Et le côté fête est (…) important car l'art (..),
c'est un peu une fête de la vie. Ça célèbre ça (…) L’art et la culture parlent au cœur. » Pour
les enfants de Goshen, cette dimension les développe. Ils ont des réflexes et vont organiser
des spectacles car ils sont impliqués. Ils ajoutent leur touche artistique. Pour Guillaume de
L’arche St Antoine, cela contribue à renforcer le lien les uns avec les autres au sein de leur
communauté. Le chant et la danse sont vraiment des activités qui les relient. « L’unité de vie »
est le fondement de L'Arche. Guillaume explique ce concept qui est à double sens : «
(premièrement) l’unité entre nous, de faire groupe, de faire corps, (deuxièmement) de faire
l’unité entre toutes nos différentes parties d’être. Le corps qui a besoin d’être travaillé
physiquement, le lien à la terre. Le côté psychologique aussi, l’âme et puis l’aspect spirituel et
donc de faire le lien entre tous ces aspects-là » Il affirme que la pratique artistique est
transversale et a un rôle transcendantal.

Les apports de la dimension artistique et culturelle au sein de leurs territoires.

103
Dans son territoire, le Château partagé constate qu’elle crée du lien avec d'autres habitants,
essentiellement dans leurs réseaux, mais pas que. Vu son implantation récente et le Covid, la
Maladière a organisé seulement deux évènements. La jauge qu’ils avait prévue état pleine,
voire débordée. Nous constatons donc que la Maladière apporte une offre culturelle et à
artistique quand il y a une forte demande du public du territoire. Celle de L’Arche Saint Antoine
n’apporte pas grand-chose au territoire, car ses habitants sont à la fois acteurs et eux-mêmes
public. Guillaume explique pourquoi : « il y a peu d’évènements très ouverts, (ceux) qui sont
ouverts sont souvent pour des amis. Quand c’est ouvert, c’est proposé par des gens extérieurs
qui sont dans nos réseaux (…) ou des gens extérieurs qui viennent utiliser nos salles qui
peuvent accueillir 150 personnes (…) et donc parfois, il y a du conte, il y a du théâtre mais
c’est assez rare, ou un concert (…) Après, on est en partenariat avec le festival culturel
« Textes à l’air » qui est dans le village (…) et qui utilise notre jardin, ou une salle pour proposer
un spectacle. (…) forcément, il y a des gens extérieurs qui viennent. (…). C’est souvent très
sélectif parce que c’est très intime, c’est au sein de la communauté. Après, il y a des fêtes
religieuses, là où c’est ouvert. Il y a peu de gens qui viennent car ils ne nous connaissent pas
trop. » Vu que nous considérons les formations et les stages comme des activités culturelles
et artistiques, nous constatons que l’Arche est connue et touche surtout un large public
alternatif.
VII-B-d Validation des Hypothèses

Ce qui nous intéresse dans le cadre de ce mémoire, c’est le sens profond de la dimension
culturelle et artistique des écolieux. Il est temps de passer au moment que nous attendons
tous ! Dans un premier temps, vérifions si l’art et la culture des écolieux étudiés confirment
bien nos hypothèses. Et dans un second temps, vérifions également si les concepts théoriques
des écolieux confirment nos hypothèses et si nous n’en trouvons pas d'autres différentes.
Les activités culturelles et artistiques des écolieux qui ont pour fonction un rapport avec soi-
même, le corps, l’esprit et le cœur :
-Celles qui sont une source d’enrichissement personnel, de joie et de bonheur
Pour le Château Partagé, c’est « De la joie ». Dans leur philosophie, ils le confirment sous la
forme d’une rime d’un poème « Pour que les muses s’amusent et que les cœurs s’égayent ».
Leur programmation privilégie l’émotion. Pour Goshen, Ils aiment se retrouver régulièrement
pour célébrer les joies de la vie autour de repas conviviaux, de musique. Jacques de la Note
Bleue considère que l’artiste ne doit pas forcément souffrir pour créer, il affirme : « une
musique d'un créateur qui, seul, devant sa partition, (…) jette sa création au monde,
douloureusement si possible, parce que c'est mieux si l’artiste, il souffre. Eh non ! nous, on
essaie d’aller plutôt sur la joie ». D’ailleurs, La Note Bleue est dans cette philosophie
puisqu’elle a diffusé par exemple « Passage à table », le solo de clowne d’Isabelle Bazin qui
donne du rire et de la joie.
-Celles qui stimulent nos émotions, qui réduisent notre stress et notre anxiété.
Marie de Goshen a organisé un atelier qui s’intitule « Travail qui relie : L’espoir par
l’action » dont l’objectif et de continuer à créer un monde vivable et trouver la force pour réussir
nos projets de transition dans ce contexte d’angoisses, de peurs, d’éco-anxiété dû au
dérèglement climatique et au Covid. Il y a eu aussi un stage de 3 jours pour s'entraîner à
"Rester debout dans la tempête" avec un programme de méditations, danse, chant,
témoignages de vie, cercles de partage...
-Celles qui favorisent notre persévérance, et par conséquent notre confiance et notre
réalisation de soi.
L’association « Sueno Del Arte » donne des stages sur les arts du cirque à La Maladière, elle
explique : « Le Cirque (…) est une bonne activité pour découvrir ses propres limites (…) et
l'estime de soi. » (Voir chapitre VI-A)

104
Une des activités principales de Goshen est l’accompagnement individuel. David dit :
« l’écologie relationnelle passe avant tout par l'écologie personnelle intérieure ».
Un des buts du festival de Goshen est de se découvrir (yoga du rire, peinture sur visage pour
les enfants). L’Arche St Antoine propose aussi des cours de Yoga comme La Note Bleue.
Guillaume de l’Arche va dans le même sens que David de Goshen. En effet, il affirme qu’à
L’Arche : « on est plutôt dans de l’écologie intérieure, et c’est de partager cette écologie qui
est encore peu connue, ou qui commence à être connue par peu de gens alors que c’est
tellement indispensable. Peut-être en amont de l’écologie extérieure. » Il dit que dans
l’organisation des grandes fêtes (Décoration, le spectacle, théâtre, cuisine) on peut exercer
nos talents ce qui favorise notre persévérance et notre confiance.
- Celles qui nous donnent une vitalité physique, qui développent nos habiletés motrices fines,
nos capacités sensorielles visuelles, auditives et tactiles.
Le Château Partagé dit : « Pour réveiller nos papilles d’effervescences gustatives ». Il a par
exemples organisé une Journée Tango ou une pièce de théâtre dans l'univers de la cuisine.
L’association « Sueno Del Arte » de la Maladière montre que : « Le Cirque est un art et un
sport à la fois, il contribue au bon développement de son corps et de sa personne, (…) La
jonglerie décuple les réflexes (…) L'Acrobatie (…) renforce le corps ». La Note Bleue propose
des cours de taiji Quan et de Tai-Chi. Ces pratiques renforcent le bas du corps, améliore la
posture, favorisent la souplesse, etc. Elles favorisent aussi le renforcement musculaire et
squelettique pour une meilleure santé physique et mentale. Les habitants de l’Arche St Antoine
pratiquent la danse. La danse est une activité physique, qui permet de renforcer ses muscles,
son équilibre et sa posture. Nous constatons qu’il y a trois écolieux sur six qui ont du Yoga.
- Celles qui nous permettent d’accéder au calme, à la paix, à la concentration et à la relaxation.
L’association « Sueno Del Arte » de la Maladière révèle que : « La jonglerie décuple (…)
l'habileté, la concentration et la qualité d'observation ». Pendant le festival de Goshen, il y a
des activités de méditation et le yoga de posture. Goshen propose aussi des retraites car c’est
un lieu de ressourcement pour se reposer, en famille ou seul, loin de tout et proche de la
nature. La Note Bleue et la Château Partagé proposent des cours yoga dont les exercices de
respiration et de relaxation visent à apporter un bien-être physique et mental.
-Celles qui nous guident vers un développement personnel ou vers plus de spiritualité, c’est-
à-dire celles qui nous rapprochent de notre nature essentielle, de notre « Moi profond » et qui
nous rendent meilleurs.
La Maladière a proposé un stage pour prendre soin de soi grâce aux pratiques artistiques
comme le théâtre, les arts-plastiques, l'expression corporelle. Ce stage procure, notamment,
un plus grand respect de soi, des autres, de nos émotions et du lâcher-prise (Ce qui est aussi
le rôle de réduire le stress et l’anxiété). Goshen se veut un lieu d’accueil d’activité culturelle,
créative et artistique et aussi d'intériorité. Il organise un temps de partage autour de la
spiritualité chrétienne et de fête aussi les dimanches soir. Les habitants de Goshen fêtent
également l'année liturgique et certaines fêtes, comme le réveillon du 31 décembre, ou la
Pentecôte. Leur projet du festival réunit les associations et les initiatives autour du mieux vivre
et du mieux-être. Marie a aussi organisé un Week-end femmes, "détente et créativité" avec
son mari Alexandre. Elle va utiliser la créativité comme outil de retour vers soi, d'intériorité et
de développement intérieur. Goshen est très ouvert et créatif dans ses temps de partage
autour de la foi, dans ses temps spirituels tel que marcher pendant 2h dans la nature, regarder
les étoiles en lisant un texte, etc... Dans le cadre de ses retraites Goshen propose aussi des
temps de méditations ignaciennes, des outils d'introspection, de discernement, etc. La maison-
atelier de la Note bleue est au service de plus grand que soi. Elle organise des stages de
développement personnel et de santé. Elle a aussi programmé un concert des chants sacrés
et traditionnels de femmes du Caucase.
Les habitants de l’Arche St Antoine sont unis autour d’outils de transformation de soi. Ils
expérimentent une vie communautaire faite de prière, de méditation et de chant. Comme
Goshen, L’arche Saint Antoine fête également l'année liturgique ouverte au public.

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- Celles qui qui nous délivrent et qui nous aident à nous évader du réel, des réalités
écologiques, sociales et humaines, tel un exutoire.
Tel un poème, le Château Partagé dit : « Pour regarder danser un feu autour d’un conte, autour
d’un jeu. » A Goshen, il y a eu une expérience de musiques de l’Expérience sonore spatiale
(Soirée concert qui associe voix, prises de son, traitement électronique et spatialisation). Marie
explique que c’était comme « être transporté dans un imaginaire (…) je trouve que l’art a un
peu cette fonction-là de transporter dans autre chose (…) et TAC d'un coup il allume les
musiques, les bruits et là ça part ailleurs, comme si on avait plusieurs réalités en même
temps. » Dans un autre ordre d'idée, Jacques déclare que la dimension artistique et culturelle
ne doit pas forcément nous aider à nous évader du réel :« on dit simplement qu’en tant
qu'artiste, on pense que ce n’est pas la bonne solution de s'isoler forcément et qu'on essaie
d'être créatif tout en restant en prise avec la vie et le quotidien »

Les activités culturelles et artistiques des écolieux qui ont pour fonction d’établir un trait d'union
entre soi-même et l’autre et également avec son environnement.
-Celles qui sont une source de partage, de convivialité, de lien et de cohésion sociale. La
programmation du Château Partagé privilégie les découvertes, les belles rencontres, l’émotion
et la proximité avec les artistes. Pour la Maladière, il y a cette volonté d’apporter de la cohésion
sociale avec les acteurs culturels et artistiques du territoire où ils sont installés. Elle justifie : «
L’idée était vraiment de travailler avec tous les acteurs du territoire (MJC, centre sociaux,
associations artistiques, etc.). Au sein de leur collectif, « Ça rassemble, parce que s’il y a un
spectacle, on se retrouve tous et on va le voir ». L’association de cirque « Sueno Del Arte »
de la Maladière, explique : « Le Cirque (…) est une bonne activité pour (…) cultiver
l'entraide ». Goshen se définit comme « un lieu passerelle où des gens de différents horizons
se rejoignent ici et nous, on offre un espace, juste de rencontrer qui est bienveillant, qui est
ouvert, chaleureux, ouvert à tous ». Une des activités principales de Goshen est
l’accompagnement de groupe avec par exemple, la régularisation non-violente des conflits
avec Marie qui est spécialisée. L’objectif de Goshen est de construire un projet fédérateur pour
le lieu. Goshen a la volonté de générer du lien social dans le monde rural. Le but de leur
festival est entre autres de créer des liens, de mutualiser des savoir-faire et des moyens
matériels, de se soutenir mutuellement. Pour aller plus loin, l'idée du festival est que ce soit un
festival participatif, c’est à dire porté par tous. Marie apporte des précisions : « c’est un
événement de Convergence des alternatives et des alternatifs » (…) l'idée principale, c'est
s’entre soutenir mutuellement, se sentir moins seul, (…) qu’une association militante peut
s'épuiser parce que c’est difficile, mais qu’elle peut rencontrer lors du festival d’autres
associations qui se bougent. Ils peuvent par conséquent s’encourager mutuellement et puis
peut-être mutualiser des projets. Le concept est de se dire ensemble, on peut être plus fort. »
Le Festival de Goshen est donc au service de la rencontre et du lien pour tisser ensemble un
maillage de solidarité. David de Goshen ajoute : « C’est pour nous fédérateur de se
rassembler autour de l’artistique, la fête. » Il pense que ce n’est pas donné à tout le monde.
La Note Bleue est un lieu d’accueil, de création qui œuvre pour une transformation écologique,
économique et culturelle qui soit au service du partage entre les humains. En effet, elle
n’accueille pas que des artistes. Katy explique « On ne voulait pas être qu’une maison atelier
d'artistes comme y en a référencés à la (…) Direction Régionale des Affaires Culturelles, avec
des subventions pour des résidences d'auteurs, etc. on voulait qu'on soit dans un projet
humain global (…) Et donc (…) ça a été aussi une bonne partie des premiers temps de
l'accueil. Des gens en séparation de vie (…) en Transition personnelle ou transition
professionnelle ». Comme Goshen, Jacques de La Note Bleue affirme l’importance du lien
« Nous, on prône effectivement de dire, les temps de travail, de création (…) c'est l'importance
du lien, quel lien j'ai entre ma création, (…), avec les gens qu’il y a autour, (…) nous on est
« lieu de lien » (…) la vie, c'est qu'un ensemble de liens (…) que les liens soient faits avec
soi-même, avec sa conscience, avec son intérieur qu’ils soient faits, avec (…) un groupe de

106
gens qui travaillent ici, avec le voisin, avec le territoire, qu’ils soient faits avec des domaines
invisibles comme le rêve, la spiritualité, toute présence invisible ». Nous constatons que
d’après ses explications, le rôle du lien de la dimension culturelle et artistique ne se fait pas
forcément qu’avec le tangible mais également avec l’intangible. D’ailleurs, Jacques se définit
comme un « Musiculteur de liens ». Il pense notamment, que le rôle des écolieux est d’avoir
cette spécificité car il dit « on est beaucoup lieu de lien. » Les apprentissages relationnels sont
très importants pour la stabilité de la communauté de l’Arche St Antoine et se font à travers,
notamment, les pratiques de chants, de danses et les fêtes. D’ailleurs, Guillaume explique que
son travail sur le projet Fève, de l’Arche, lui paraît essentiel, de partager « une certaine forme
de vie, de relationnel » avec le plus grand nombre. D’après lui, Les chants de chorale à l’Arche
favorisent l’unité communautaire. Guillaume dit : « Le chant (…) la danse (ont) une très grande
place dans les rituels En effet, les rituels se définissent comme des pratiques à caractère
social, qui ont un rôle de renforcement notamment de la cohésion du groupe.
-Celles qui nous aident à mieux communiquer afin de mieux s’ouvrir aux autres.
Dans la philosophie poétique du Château Partagé, il est dit : « Comme lieu d’échange, lieu
des partages, antichambre éthérée du brassage d’idées ». Bien souvent, les spectacles du
Château Partagé sont proposés à l’occasion de stages, afin de prolonger le partage. La Note
Bleue organise des stages de Gouvernance et de communication. Elle a par exemple proposé
un stage sur « l’exploration du mouvement fluide » qui est une exploration de la conscience
de soi au sein du collectif.
-Celles qui nous aident à nous dévoiler, et à affirmer notre personnalité à l’autre.
Le festival participatif de Goshen y contribue. Marie le prouve : « Au début les gens (…) se
présente un peu chacun (…) en tour de grange (…) » pour affirmer sa personnalité à l’autre et
dire « pourquoi on vient, et puis après on propose un « open forum », donc l'idée c'est que
ceux qui ont envie de proposer des thématiques, proposent (…) Les gens, ils viennent, ils
participent en fait, eux-mêmes, ils peuvent amener une envie de débats … ».
-Celles qui nous permettent d’interpréter ce que l’on voit, de traduire ce que l’on ressent, et de
le comparer avec la perception des autres dans un esprit critique.
Pour clôturer le festival de Goshen, David et 2 autres membres actifs de l'association,
médiateurs culturels, ont l’ambition de monter une semaine de résidence artistique en amont,
c’est-à-dire d'accueillir et de réunir plusieurs artistes de leur réseau (plutôt plasticien,
photographie pour le moment) afin qu'ils « échangent entre eux, voir ce qu'ils veulent faire,
s'ils veulent faire ensemble, s'ils veulent simplement se nourrir un peu les uns des autres ».
Ce projet rentre également dans les deux hypothèses suivantes « d’offrir la possibilité de
trouver nos pairs, nos âmes complices, dont les goûts et les émotions rejoignent les nôtres et
avec lesquels nous nous sentons des affinités fortes et « celles qui nous permettent de goûter
aux rêves d’autrui ».
-Celles qui offrent la possibilité de trouver nos pairs, nos âmes complices, dont les goûts et les
émotions rejoignent les nôtres et avec lesquels nous nous sentons des affinités fortes.
Le Château partagé parle de « Culture commune ».
Pendant le festival de Goshen, dans la grange festive qui se transforme en salle de concert, « il
y a le temps du bœuf (séance musicale improvisée) où (…) il y a vraiment ce côté participatif
où chacun vient mettre sa touche. » dit David.
-Celles qui nous permettent de goûter aux rêves d’autrui.
Tous les écolieux étudiés sont dans la transmission à travers leurs stages et formations. Ils
permettent donc aux autres de goûter à leurs rêves. Par exemple, Jacques de la Note Bleue
est musicien multi-instrumentiste et il est depuis toujours habité par le souci de transmission.
-Celles qui développent notre ouverture au monde, notre tolérance et un respect à l’autre et
au vivant.

107
Toujours dans la philosophie du Château Partagé : « Pour une Terre en partage, nature à vivre
comme un langage ». Au festival de Goshen, il y a eu la Ligue Protectrice des Oiseux (LPO)
qui venait pour faire des ateliers pour découvrir les oiseaux par exemple ou une cueillette des
plantes sauvages comestibles. Goshen a aussi organisé un stage « Concevoir une forêt
jardin » dont l’objectif est d’apprendre à concevoir, implanter et entretenir une forêt-jardin dans
une approche permaculturelle. David décrit l’évènement qui s’est passé lors d’un « bœuf de
musique », tard le soir, dans le cadre de leur festival. Il a remarqué avec étonnement, une
personne en costard cravate jouer à la batterie avec un punk à la guitare et un réfugié qui
chantait au micro. Il pense qu’effectivement « la musique et l'art sont des outils qui cassent un
peu les barrières et les frontières ». La Note Bleue a eu le même type d’expérience de
tolérance et de respect de l’autre dans sa différence. En effet, lors de la projection et le débat
du film « Grande Synthe » avec sa réalisatrice, il y a eu deux mondes qui se sont rencontrés.
Comme le dit si bien Katy : « entre la culture de là-haut et puis la culture d’ici » et elle ajoute
« tout était juste, d'un seul coup, ça s’alignait » et faisait sens. A propos de respect de l’autre,
ce n’est pas pour rien que Jacques de la Note Bleue a changé le nom du conseil
d’administration de l'association, la Note Bleue. Il l’a nommé « conseil de Bienveillance », il
explique son raisonnement : « on a fait une bascule entre le conseil d'administration qui est le
truc classique de nomination dans une association qui ne nous correspondait pas parce qu’on
n’a rien à administrer. (…) À la suite de la (…) Journée de la bienveillance (…) on cherchait
le nom pour remplacer « Administration ». Alors, on s’est dit conseil de bienveillance (…)
légalement (…) On peut nommer l'instance de gouvernance associative du nom qu'on veut.
(…) C'est très important dans la période dans laquelle on est, parce que le changement de
paradigme, le changement de monde, il passe par vraiment transformer les mots et la visibilité
de ce qu'on fait pour montrer ce qui est neuf et ce qui est jouable (…) il y a plus aucune raison
de ne pas être en gouvernance horizontale en associatif (…) on est créatif et on est cohérent
par rapport à nos idées. On ne suit pas un modèle ». La volonté de la Note Bleue est donc de
faire le lien entre la personne, son travail de création et aussi, son environnement immédiat,
dans le respect du vivant et de la Terre qui l’accueille. Jacques dit magnifiquement : « Il est
aujourd’hui pour moi vital de parler de l’importance au quotidien d’un environnement qui nous
relie à la poésie, aux saisons, au naturel, au vivant. » Jacques se demande d’ailleurs
« comment habiter poétiquement le monde ? ». L’Arche St Antoine et également Goshen
enseignent et pratiquent la Communication Non Violente (CNV), où l’on peut vivre des relations
où l’on s’écoute quand on se parle, où chaque échange est un moment privilégié, où l’on peut
se comprendre au-delà des différences, où l’on peut vivre la coopération plutôt que la
compétition. Le respect de la différence de l’autre, notamment en ce qui concerne la spiritualité
est très important pour L’Arche St Antoine. Nous constatons que le fondateur de l’Arche St
Antoine, Lanza del Vasto, a été fortement inspiré par Gandhi car il est devenu son disciple.
Lanza del Vasto fonda alors les communautés de l’Arche, dont celle de St Antoine sur le
modèle des ashrams de Gandhi. La Communication Non Violente fut théorisée et mise en
pratique par Gandhi, d'où l’intérêt important de L’arche pour cette pratique.

-Celles qui changent notre perception du monde, nous proposent de nouveaux imaginaires ou
utopies.
Pour la Maladière : « le meilleur moyen de convaincre, c’est d’être un exemple et de montrer
comment ça peut marcher ». La Maladière a un projet qui s’équilibre entre réalisme et utopie.
Dans leur philosophie, il est formulé « Réaliste car ancré dans les réalités concrètes du monde.
Utopique car tout en considérant ces réalités, il nous paraît souhaitable de tendre vers un
modèle plus soutenable tant dans ses dimensions humaines, sociétales, qu’économiques. »

108
La beauté a une place essentielle à L’arche St Antoine dans toutes ses formes concrètes et
dans tous les aspects de la vie tels que l’art et la culture. La beauté donne du sens à l’art. En
effet, la beauté serait l’agréable, qui produit un plaisir sensoriel. Le sentiment de beauté est
subjectif et donc lié au plaisir. Il est différent d’une culture à l’autre comme d’une personne à
l’autre. Les bienfaits du beau nous émerveillent. La beauté contient avant tout un “sens profond
du sacré”, qui serait capable de transporter la pensée dans une autre sphère de l’intellect. La
mise en jeu de l’imaginaire permet ensuite de s’évader du réel, et enfin d’interroger son rapport
au monde. Elle permet de susciter chez l’être humain, au-delà de l’émotion, la perception de
la vérité de ce qui est en train de se passer dans notre monde, de redécouvrir les valeurs de
fond pour éventuellement construire de nouvelles utopies.

-Celles qui nous offrent une prise de conscience.


Le Château Partagé le confirme à travers les projections sur l'agriculture et la paysannerie.
L’art et la culture du Château Partagé sont réellement des moyens pour faire passer des
messages écologiques en organisant le festival « AlimenTerre », (projection-débat-soupe
partagée), en diffusant le film « Femmes de la Terre » suivie d’un débat avec des invitées et
en proposant un stage sur plantes sauvages comestibles.
Nous constatons que la Maladière porte, elle aussi, des messages de sensibilisation sur la
transition écologique et solidaire qui passe par l’art et la culture. En effet, Sophie et sa
compagnie « Les clowns Tisseuses et Cie » ont l’ambition de programmer leur spectacle « ça
fond ! » (Spectacle pour enfants, tout public) qui est une fable écologique, déjantée et
burlesque sur la fonte de la banquise (Aux dernières nouvelles, ce spectacle a été produit).
Sophie souhaite programmer en même temps une conférence gesticulée sur le dérèglement
climatique et puis faire des ateliers sur les énergies solaires afin que dans la programmation,
il y ait une thématique « art et écologie » globale proposée. La Maladière a eu aussi un
atelier « Débrouille-toi » pour apprendre à fabriquer tes cotons réutilisables.
La Note Bleue également offre des prises de conscience. Pour preuve, Katy dans son travail
de plasticienne et dans les stages qu’elle donne à la note Bleue, n’utilise que des matériaux
de récupération. Nous observons qu’elle éveille les consciences par ce biais-là. À travers la
pratique de son art, elle affirme qu’il y a vraisemblablement un travail qui est en lien avec
l'intérieur (de chacun-e) qui (peut-être) débloqué.
Au contraire, Goshen ne cherche pas à convertir d'autres personnes à la transition écologique
et solidaire à travers leur dimension culturelle et artistique. Goshen pense que la prise de
conscience va plus « infuser » dans l'échange, la rencontre. Il privilégie plus d’être aligné et
cohérent entre ce qu’ils ressentent et les actions qu’ils mènent, les idées qu’ils ont et les
paroles qu’ils formulent, d’éviter de prêcher sans faire. D’être simplement dans la
« congruence » avec leurs actions culturelles et artistique notamment. Jacques de la Note
Bleue est en accord avec Marie de Goshen car il parle aussi de la notion de cohérence en
faisant référence à Pierre Rabhi. En effet, il explique : « C'est cette cohérence-là qu’on
cherche, qu'on veut ou qu’on souhaite montrer, pour dire, c'est possible. (…) d’être cohérent
par rapport à nos choix, aussi bien de vie au quotidien, (…) de choix économique, de
gouvernance et de création artistique aussi (…)
La Note Bleue a d’ailleurs proposé une projection/ Débat du film « Grande Synthe, la ville où
tout se joue ». En présence de réalisatrice. Ce documentaire dévoile la ville de Grande Synthe
expliquée par ses habitants où se concentrent divers enjeux liés à la crise migratoire, l’écologie
et l’économie. Comme Goshen et la Note Bleue, les habitants de L’Arche St Antoine sont aussi
dans la recherche de cohérence entre leurs pensées et leurs actes. D’ailleurs, Guillaume dans
l’interview déclare que son travail au sein de la Fève, le projet de l’Arche, lui apporte une mise
en cohérence entre ses valeurs profondes et ce qu’il peut réaliser et donner dans la société,
aux gens qui l’entourent. D’après Guillaume, la dimension culturelle et artistique de l’Arche
donne énormément de prises de conscience, car ils reçoivent énormément de monde. Ils

109
s’adressent à un public qui est déjà un peu sensibilisé. L’Arche ne va pas aller militer, ni faire
de la sensibilisation, l’Arche agit au moment où les gens sont souvent dans une phase de
transition dans un besoin de la déconstruire et de reconstruire. C’est à partir de ce moment
que les gens viennent au premier niveau faire un stage, une session. Ils sont déjà dans une
démarche proche de la vie en communauté car ils partagent leur quotidien pendant quelques
jours. Le public peut aussi faire un stage communautaire où ils sont immergés dans la
communauté d’une semaine à un an. Ces derniers ont vraiment le temps de voir, de se
déconstruire, de voir comment ils peuvent être en relation avec l’autre, comment ils peuvent
fonctionner différemment, ou comment ils peuvent organiser une fête. Ils peuvent après aussi
participer à des sessions de la Fève (CNV, de la gestion de conflit, sociocratie, etc.) et se
poser des questions sur le sens de leur vie. Ils peuvent alors mettre en pratique et devenir
acteur de la transition, en cohérence avec leurs valeurs profondes.
-Celles qui nous servent à nous mobiliser et à protester contre les injustices.
Le Château Partagé a organisé des spectacles féministes, des conférences gesticulées sur
les ondes et sur le travail. La Maladière a proposé une soirée en partenariat avec le « collectif
p-s-s-t » pour analyser les discours à tendances racistes que l’on peut avoir dans les médias.
Et ce, dans le but de les comprendre, s’en méfier et de pouvoir y résister.
La Maladière a programmé d’autres spectacles engagés, comme le film ‘‘Humanité’’ sur le
thème des migrations. Pour Sophie, ce n’est pas non plus leur ligne directrice, car la Maladière
est une action de lutte de base. Pendant le festival de Goshen, il y a plein de débats sur le
logiciel libre, sur le climat. Notamment, des Faucheurs OGM sont venus se présenter avec
des films projetés par Ciné-cyclo (où l’on pédale pour voir un film).
Goshen se met plutôt au service du milieu militant et met le site à sa disposition. Leur
militantisme est de créer des actions culturelles. Ce n’est pas vraiment Goshen qui monte des
activités culturelles militantes ou des manifestations. Mais, s’il y a besoin d’organiser un
événement par exemple ou de venir se ressourcer « au Vert » comme « base arrière », leur
réseau militant sait qu’à Goshen, il peut y avoir un gîte à prix libre dans un accueil
inconditionnel et bienveillant. Par exemple, ATTAC y est venu monter une pièce de théâtre
pour pouvoir, ensuite la jouer ailleurs. Artistes accomplis, Jacques et Katy de la Note Bleue
sont issus de familles qui étaient dans l'éducation populaire et dans le milieu des MJC. Par
conséquent, ils ont grandi dans le milieu militant et citoyen. C’est donc logique et important
pour eux de lier leur pratique musicale à leurs choix politiques et écologiques, et donc de
programmer des films, des présentations, des conférences, particulièrement celle gesticulée
de Sophie Assante sur la violence faite aux femmes qui s’intitule : « Je n’avais pas vu le coup
venir… ». Pour aller plus loin, pour eux, la dimension culturelle et artistique est un moyen de
lutte et de résistance car elle fait partie de la vie, ce n’est pas séparé. L’Arche St Antoine a été
précurseur sur des sujets qui sont devenus essentiels pour notre société d’aujourd’hui comme
la lutte pour plus de justice et de paix. Ils sont dans la certitude que la transformation de notre
société passe d’abord par notre transformation personnelle, et se concrétise par notre
présence active dans les combats et la résistance d’aujourd’hui.

-Celles qui sont moteurs dans la réalisation de nos défis sociaux, économiques et écologiques
de notre époque, c’est-à-dire dans la construction d’une humanité plus éclairée.
La philosophie de la Maladière énonce que « Leur projet interroge leur rapport à la culture, à
l’éducation, aux liens humains et à la terre qui les nourrit. » A travers ses activités culturelles
et artistiques, la Maladière se place dans une démarche de transition économique, sociale et
écologique prônant sobriété, autonomie et justice sociale. Par ailleurs, la Maladière partage
ses locaux avec l'association « CréAct’IV Sciences » qui est une association qui travaille
autour de la vulgarisation scientifique et aussi avec les « Ateliers du Zéphyr », qui est une
association de Low-tech, qui organise des stages à la Maladière de basse énergie (fours
solaires, cuiseurs paraboliques, éoliennes). Marie de Goshen constate qu’au festival qu’ils
organisent « il y a plein de gens qui bougent et qui ont envie d'un autre monde, plus solidaire,

110
plus juste, avec plus de liens de joie ensemble, de partage ». Les habitants de l’Arche St
Antoine sont unis autour d’outils de transformation de la société. Nous n’avons pas
d’informations suffisantes pour confirmer ce rôle avec le Château Partagé.
Il est important de signaler que dans le questionnaire auquel Guillaume de l’Arche Saint
Antoine a répondu, il nous atteste absolument toutes nos hypothèses, énoncés ci-dessus.
Grâce à ce travail d’analyse, nous constatons aussi que toutes les hypothèses que nous
donnons à la notion d’« Activités culturelles et artistiques » sont bien confirmées par les
écolieux étudiés sur le terrain. En conséquence, nous confirmons nos hypothèses de travail
et la validité de nos recherches.

VII-B-e Analyse des concepts théoriques

Dans cette partie, nous vérifions la validité des hypothèses à travers les concepts théoriques.
(Pour les livres évoqués, nous vous demanderons de vous reporter directement à la
bibliographie).
L’intégration sociale pour les personnes en situation de handicap
Dans le livre « Les Ecovillages. Laboratoires de mode de vie éco-responsables » de Jonathan
Dawson, qui décrit l’histoire et le potentiel immense des écovillages dans le monde, nous
observons que les communautés vivantes et autonomes du début du XIX -ème siècle
travaillaient déjà sur l'intégration sociale des personnes en situation de handicap à travers l’art
et la culture. *1 Cette notion d’intégration sociale des personnes en situation de handicap est
complexe en matière de sociologie. Nous pouvons seulement définir cette mission qui est de
« Contribuer à la promotion de mesures efficaces de prévention du handicap et de
rééducation, en vue d’atteindre l’égalité et la pleine participation des personnes handicapées
à la vie sociale et au développement. » *2 Cette notion d’intégration sociale se rapproche,
même si elle est quand même différente, de celle d’une de nos hypothèses, celle de la
cohésion sociale dont la définition a été définie par le Conseil de l'Europe comme « la capacité
d'une société à assurer le bien-être de tous ses membres, à minimiser les disparités et à éviter
la polarisation » *3
Voici cet extrait fort intéressant : « Pour créer des communautés vivantes et autonomes, la
volonté de promouvoir l'intégration sociale est une dimension très importante (...). Par
exemple, en Islande, Solheimar, a été créé dans les années 1930 dans le but d'expérimenter
une nouvelle forme de placement pour les enfants demandant une attention particulière. (...).
Solheimar est aujourd'hui une communauté dynamique et innovante qui offre une multitude
d'opportunités aux personnes, ayant besoin ou non d'une attention particulière, de vivre,
travailler et se divertir ensemble. (...). Les résidents choisissent de travailler dans une des
nombreuses entreprises : atelier artistique, céramique tissage, pépinière biologique, (...) projet
de reboisement. La communauté possède une ferme biologique, un hôtel, un café, un
restaurant, une épicerie et une boutique d'objets artisanaux. Elle met également l'accent sur
le théâtre, les arts plastiques et la musique. « La troupe de théâtre fondée en 1931 est la seule
du pays à faire travailler sur un pied d’égalité des acteurs, handicapés ou non. (...). Le dernier
exemple d'activisme lié à l'intégration sociale dans Les Eco-villages nous vient de ’’The Farm’’
dans le Tennessee (...).

*1 Les Ecovillages. Laboratoires de mode de vie éco-responsables » de Jonathan Dawson - Page 104 à 107
*2 https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-sociales-2003-3-page-485.htm
*3 https://www.cairn.info/l-annee-de-l-action-sociale-2015-Objectif--9782100716449-page-119.htm

111
Pendant la période d’été, les enfants passent du temps en plein air, apprennent à gérer les
conflits, participent aux activités de recyclage et de jardinage, (...) font du théâtre, et se font
de nouveaux amis. »
La thématique de l’Intégration sociale pour les personnes en situation de handicap à travers
la dimension culturelle et artistique des écolieux ne valide pas mes hypothèses mais nous en
apprenons beaucoup. Cependant, nous n’avons aucunement observé de similitude avec les
écolieux étudiés.
L'éducation holistique
En feuilletant le livre de Jonathan Dawson, nous sommes agréablement surpris de tomber sur
ce passage de « La Caravana Arcoiris por la Paz » (La caravane de l'arc-en-ciel pour la paix)
qui est une des expériences les plus colorées et créatives en matière d'enseignement non
formelle. Il s'agit d'une communauté itinérante d'environ 20 personnes de presque 10
nationalités différentes qui voyage en Amérique centrale et en Amérique du Sud dans des
camionnettes pour enseigner la permaculture, le développement durable et les droits civils. Le
passage suivant illustre l’éducation holistique notamment à travers l’art.
« Le domaine dans lequel les écovillages ont su créer et avec succès des ponts avec la société
traditionnelle est sans doute celui de l'éducation(...) Récemment encore, l’éducation était
dispensée de manière non formelle. Les personnes payaient pour assister à des cours
généralement non accrédités, en dehors de tout programme scolaire universitaire
officiel. Ceux-ci couvraient un vaste champ de sujets, comme la permaculture et la création
d’écovillage, les systèmes d'énergie renouvelable, l’art et l’artisanat, la performance artistique
et la spiritualité. (...). La Caravana Arcoiris por la Paz (…) (a été) Créée par deux militants de
l'écovillage mexicain de Huehuecoyotl, son mode de communication passe par les arts : la
communauté composée d’acteurs, de danseurs, de musiciens, de jongleurs et d'autres
artistes. Depuis sa création en 1996, la Caravana a travaillé dans dix-neuf pays, et a passé
le plus clair de son temps avec les pauvres des villages indigènes et des Barrios urbains. En
2000, la Caravana a été reconnue par le réseau des écovillages des Amériques comme
écovillage mobile. » *1
Cette thématique de l’éducation holistique à travers la dimension culturelle et artistique des
écolieux ne valide pas mes hypothèses. Nous ne constatons pas non plus de similitude avec
la réalité du terrain, (mis à part, une proximité avec le Château partagé qui organise des
stages, nous dirons, plus dans l’éducation formelle des enfants, notamment avec « Au
bonheur d’apprendre » sur l'Egypte antique pour des enfants de 3 à 11 ans). Nous remarquons
que le concept d’écovillage mobile et ce type d’éducation holistique à travers une
communication artistique sont tout à fait novateurs pour sensibiliser ou former sur les
thématiques de transition écologique.

Un remède au consumérisme :
Toujours avec le livre de Jonathan Dawson, nous trouvons un extrait *2 tout à fait original sur
la dimension culturelle et artistique mais qui ne valide absolument pas nos hypothèses.
Découvrons-le.
« Très peu d’écovillages possèdent un téléviseur, à la fois en raison du coup de l'équipement
et de la taxe, mais aussi en raison du rôle subversif de la télévision dans la promotion du
consumérisme. (...) au lieu de regarder la télévision, Les écovillageois local ont tendance à se

*1 Tiré du livre « Les Ecovillages. Laboratoires de mode de vie éco-responsables » de Jonathan Dawson - Page 113 à 115
Pour plus d’information sur « La Caravana Arcoiris por la Paz » : http://caravanaarcoiris.blogspot.com/
*2 Tiré du livre « Les Ecovillages. Laboratoires de mode de vie éco-responsables » de Jonathan Dawson - Page 88

112
tourner vers des activités locales : les chorales, les concerts et les troupes de théâtre
abondent. »

Habiter la zone à défendre


Passons maintenant au livre passionnant de la ZAD de Notre-Dame des Landes (ZAD NDDL)
qui a tenu nos soirées éveillées, plutôt que d’être justement lobotomisé devant un écran de
télévision. Il nous transmet comment la dimension culturelle et artistique est fondamentale
pendant la résistance et la lutte, dans la ZAD de Notre-Dame des Landes, face à la répression
et aux menaces d’expulsion. (Pour comprendre cet écolieu, vous pouvez vous reporter au
chapitre IV-G-a de ce mémoire).
« Les fêtes, concerts, spectacle et moments d'échanges de savoir sont aussi constitutifs de la
vie de la ZAD à cette époque. Dès la création de la « Bellish », ses habitant-es organisent de
nombreux concerts de musique expérimentale ainsi que le festival, « Le Fesse noise », qui a
lieu en 2011 et 2012 malgré les risques d'expulsion. À « la Gaïté », le bar de la chouette ouvre
à chaque pleine lune tandis que des concerts ont lieu dans le hangar à bestiaux faisant face
à la maison dès que l'occasion se présente. Dans le théâtre de fortune construit au « No
Name », des cabarets nocturnes nourrissent les imaginaires des occupant-e-s et des
projections se tiennent régulièrement au « Planchettes ». La fête, les lectures, les ateliers
d'écriture et de slam, les spectacles, la musique gratuite ou à prix libre, sont particulièrement
présents ; c’est important dans la mesure où cela participe à l’émancipation, au renforcement
de la solidarité, au partage des idées. » *1
Dans ce cas d’étude théorique, nous constatons que la dimension artistique et culturelle de la
ZAD NDDL participe au renforcement de la solidarité » qui confirme bien l’hypothèse « Celles
qui sont une source de partage, de convivialité, de lien et de de cohésion sociale ».
Cette dimension de la ZAD NDDL participe aussi au partage des idées, qui valide l’hypothèse
« Celles qui nous permettent d’interpréter ce que l’on voit, de traduire ce que l’on ressent, et
de le comparer avec la perception des autres dans un esprit critique ».

Cette belle phrase « des cabarets nocturnes nourrissent les imaginaires des occupant-es »
confirme également l’hypothèse de « Celles qui changent notre perception du monde, nous
proposent de nouveaux imaginaires ou utopies. ». Ces notions nous rapprochent
inexorablement de la réalité du terrain. Par contre, la phrase « la dimension artistique et
culturelle de la ZAD NDDL participe à l’émancipation » ne valide pas nos hypothèses.
Cependant cette notion est fort intéressante car nous pensons, sans trop nous avancer, que
la dimension artistique et culturelle de la ZAD NDDL participe, en quelque sorte, à s'affranchir
de l’autorité et de son système capitaliste.
L’ouverture à la culture
Arrêtons-nous dorénavant sur cet essai « Emmaüs Lescar-Pau – Le compagnon, la ruche et
l’utopie » de Denis Lefèvre. Pour résumer, il traite de l'histoire de la communauté Emmaüs de
Pau, fondée en 1982 et qui est devenue en trois décennies la plus importante de France. Elle
a été créée dans le but de « vivre ensemble » une alternative sociale, culturelle, écologique et
politique. C’est un lieu d’accueil pour des personnes en situation de fragilité économique ou
cherchant à s’inscrire dans un mode de vie différent ; le Village héberge une centaine de
personnes, les compagnons. Germain Sarhy en est le responsable emblématique. (Pour
comprendre cet écolieu, vous pouvez vous reporter au chapitre IV-H de ce mémoire). Voici un
extrait du rôle de la dimension culturelle et artistique auprès des compagnons qui vivent dans
cet écolieux :

*1 Livre : ZAD de Notre-Dame des Landes, “ habiter en lutte” 40 ans de résistance - Page 77

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« Selon Germain Sarhy : La culture est un antidote à la souffrance, à la pauvreté, elle est
nécessaire pour faire face à la difficulté (...), en particulier dans les secteurs de la musique et
du théâtre, qui ont permis d'ouvrir des fenêtres et faciliter l'épanouissement des compagnons,
en offrant à ces gens cassés par les accidents de la vie de partager des moments forts, de
cimenter un groupe, de s’exprimer, de surmonter leur timidité par la musique, le théâtre, la
danse, les arts vivants de la rue…. » *1

- Après l’étude de ce court passage, nous remarquons que cette première citation de Germain
Sarhy « La culture est un antidote à la souffrance, à la pauvreté, elle est nécessaire pour faire
face à la difficulté » confirme l’hypothèse vue ci-dessus « Celles qui sont une source
d’enrichissement personnel, de joie et de bonheur ».
- « les secteurs de la musique et du théâtre ont permis d'ouvrir des fenêtres » valide
l’hypothèse « Celles qui nous offrent une prise de conscience ».
- « Les secteurs de la musique et du théâtre facilitent l'épanouissement des compagnons »
convient à l’hypothèse « Celles qui nous guident vers un développement personnel … ».
- « De partager des moments forts » correspond à l’hypothèse « Celles qui sont une source
de partage, de convivialité, de lien et de de cohésion sociale. »
- « Cimenter un groupe » est l’hypothèse « Celles qui sont une source de partage, de
convivialité, de lien et de cohésion sociale » mais convient aussi à l’hypothèse « Celles qui
offrent la possibilité de trouver nos pairs, nos âmes complices, dont les goûts et les émotions
rejoignent les nôtres et avec lesquels nous nous sentons des affinités fortes. »
- « De s’exprimer » confirme l’hypothèse « Celles qui nous aident à mieux communiquer afin
de mieux s’ouvrir aux autres. »
- « De surmonter leur timidité » convient à l’hypothèse « Celles qui nous aident à nous dévoiler,
et à affirmer notre personnalité à l’autre ».
Nous remarquons que cette phrase de six lignes nous permet de confirmer sept hypothèses.
Grâce à ce travail d’analyse des concepts théoriques, nous constatons aussi que certaines de
nos hypothèses concernant la problématique que nous donnons à propos de la notion
d’« Activités culturelles et artistiques », des écolieux sont confirmées par ces extraits de livres
portant sur les écolieux. Il est fort intéressant de découvrir qu’il existe d’autres rôles de la
dimension culturelle et artistique des écolieux comme l’intégration sociale pour les personnes
en situation de handicap, l’éducation holistique, un remède au consumérisme et
l’émancipation.

VII-B-f L’art et la culture des écolieux sous Covid

Dans cette dernière partie de ce chapitre, il nous semblait nécessaire d’aborder ce sujet avec
les écolieux étudiés, afin de savoir d’une part s’ils ont été justement résilients et comment ? et
quelles sont les conséquences quand justement leurs activités culturelles et artistiques sont à
l’arrêt ? et enfin est-ce que la dimension culturelle et artistique des écolieux n’aurait pas un
rôle important à jouer dans les besoins psychosociaux de la population pendant et après la
crise sanitaire ?
Il y a eu peu d'impact pour le Château Partagé, car ils font peu d'activités ouvertes au public,
ils ont continué à faire des choses entre eux et avec leurs proches.
À cause du Covid, Sophie de la Maladière a été toute seule dans l’association. Ils n’ont pas
fait l’AG de leur association car avec les restrictions sanitaires, ils n’avaient pas de bénévoles
qui pouvaient se déplacer et les aider. Pendant cette période difficile, Ils n’avaient rien, mis à
part eux-mêmes et leurs copains. Malgré le Covid, pour le mois de juillet et août 2020, ils ont
organisé 6 stages avec une quinzaine de personnes par stage. L’activité culturelle et artistique

*1Tiré du livre Emmaüs Lescar-Pau – Le compagnon, la ruche et l’utopie de Denis Lefèvre - Page 63 à 76

114
n’a pas été maintenue sauf pour ces quelques stages qui ont été gardés en nombre de
participants réduit. Ils savent que les gens qui sont venus à ces stages sont « détendus » du
Covid. Nous remarquons que la Maladière a communiqué seulement sur son site internet sans
dire que le stage avait lieu. Ils ont voulu donner une image d’un écolieu qui se soucie du covid,
mais en même temps, ils ont voulu montrer que l’écolieu est toujours vivant. Ainsi donc, leurs
activités culturelles et artistiques ont forcément régressé. Néanmoins, pour Sophie,
paradoxalement, le Covid « c’est bien tombé ! ». Effectivement, des habitants qui étaient sur
l’activité socio culturelle sont partis à cette époque de la Maladière. Ça aurait été réellement
dur pour elle de porter toute cette activité. Ils sont au démarrage, donc ils ont beaucoup de
travaux. L’arrêt des activités culturelles et artistiques lui a donc permis d’être en soutien et de
finaliser par exemple l’aménagement du dortoir. L’association « la pâte à bonheur » de la
Maladière avait heureusement une base de trésorerie car ils n’ont pas fait de rentrée d’argent
pendant cette période. Ils ont pu payer leur loyer de la grande salle. Pour les habitants de la
Maladière, ils vivent dans « une bulle ». Par conséquent, ils se sont complétement adaptés au
contexte du Covid. Sophie dit « c’est comme si le Covid n’existait pas » et elle ajoute : « Il y a
toujours des amis, des gens qui viennent, on va chanter on va danser. Ça n’a quand même
pas été facile pour nous la pandémie, mais enfin, on a toujours des trucs à faire, si tu t’ennuies,
tu peux toujours aller aider les agriculteurs ». Sophie constate que ce contexte, « en termes
d’énergie, ça peut être dur. » Elle affirme que cette situation sanitaire est révélatrice au niveau
de la cohésion sociale de leur collectif et celle de leur public, car ils n’ont pas le droit de se
rencontrer. Le covid a diminué le lien social, c’est un fait. Au moment de l’interview, Sophie de
la Maladière est impatiente que la vie reprenne.
David de Goshen pense que collectivement et dans cette dimension culturelle et artistique, il
y a eu des manques d'humanité, de rencontre, de partage, de fêtes, de lieux et de temps
d'échanges. Mais à contrario, ça a permis de changer de dynamique, de créer autrement, de
faire ensemble autrement : de faire la fête entre eux, de développer encore plus les échanges,
de prendre les temps de résolution de conflit par exemple. Des occasions magnifiques qu'ils
n’ont pas normalement. Il dit : « Changer de dynamique, ça permet de créer autrement, de
faire ensemble autrement. Mais c'est vrai que dans toute cette dimension culturelle et
artistique, il y a ce côté humain derrière, de se rencontrer. » De son côté, Marie de Goshen a
eu de la déception et à la fois du soulagement surtout sur la programmation artistique et
culturelle qui a dû être annulée. Étonnamment, ils prévoyaient une programmation super
intéressante et à la fois, elle a eu du soulagement parce que c'est vrai qu'il y avait un rythme
plus intense et fatigant. Elle pense qu’elle avait besoin de faire une pause (et peut-être, tout le
monde, à ce moment-là), besoin d’être plus dans le moment présent. Ça a été, pour elle,
l'occasion, d’un temps magique parce qu’à Goshen, ils ont pu prendre du temps ensemble
pour pouvoir mettre à plat des tas de choses, prendre du temps aussi avec les enfants et au
jardin, être comme dans « une bulle hors du temps ». Elle pense que ça été aussi salutaire
pour la planète. Le 2e confinement à l'automne n’a pas été forcément très évident à vivre pour
tous et toutes dans le collectif parce que justement, il y a tout qui s'était arrêté complètement :
plus de vie collective, plus d’accueil, plus de réunion, et pas de temps social à l'extérieur. Elle
trouve que le côté « ralentir » est très positif ; et par contre, le côté « manque de lien », elle
pense qu'il est dangereux.
Concernant la Note Bleue, ils n’ont pas compensé le manque des activités culturelles et
artistique dû au Covid car ils on a eu la chance d’avoir quatre groupes continus autorisés à
continuer à travailler selon les restrictions sanitaires (travail sur la philosophie, la symbolique
du tarot, un groupe de thérapie et un autre de Kundalini yoga). Les rentrées d’argent
permettaient juste de payer les charges. Ils ont été obligés d’annuler quand même les 20 ans

115
de leur association. Ils se sont dit « cette crise-là qui est planétaire, on ne doit pas revenir à
comme avant et ça ne sera pas possible de revenir à comme avant ». Partant de cette
réflexion, ils ont choisi de ne pas reporter ce qui était prévu, comme les 20 ans en 2022. Ils
ont plutôt décidé de chercher quelque chose de différent, de marquer une différence par
rapport aux autres années. Ils ont aussi jugé bon de programmer seulement des activités
culturelles et artistiques qui leur semblaient importantes. Comme Jacques le dit si bien « on
ne va pas programmer pour programmer ». Ils ont préféré, par exemple, se rassembler en
petit comité, au nouvel an 2021, dans un écolieu vers Troyes dans l'Aube, avec quelques
personnes pour avoir une réflexion sur les lieux d'accueil, les habitats groupés. Katy considère
que c’est aussi du culturel au sens large. Jacques est convaincu que c’est « mieux (d’) essayer
(…) de multiplier les petits cercles dans l'année et puis progresser (…) et (de) ne pas
reproduire simplement quelque chose qu'on avait déjà fait ». Ils souhaitent gagner en
cohérence et en profondeur y compris sur la place du numérique dans le quotidien, qui est
devenue intense pendant le COVID. Finalement, Jacques se pose cette vraie question : « Le
COVID, Il a permis de dire c'est quoi l'essentiel là maintenant ? »
Avec le nouveau programme, l’Arche aurait dû augmenter entre 300 et 400 personnes, car il
avait aussi prévu un festival. Au niveau communautaire, il n’y a eu aucun manque car ils ont
quasiment tout fait de ce qui était prévu. Pendant deux ou trois semaines, il y a eu quand
même un moment de crise à l’Arche. Comme tout le monde, pendant la pandémie, ils avaient
des gens, pareil, qui avaient très peur et d’autres « nonchalants ». Ils ont dû, par conséquent,
annuler le Mardi Gras. Une fois qu’ils avaient régulé, qu’ils ont mis en place des consignes
sanitaires qui étaient acceptées, acceptables, comprises, à peu près par tout le monde ils ont
fait toutes les fêtes du calendrier normal. Guillaume explique comment, ils s’y sont pris : « on
a eu les mêmes stress avec des gens hyper inquiets (…) On a connu le même problème que
tout le monde. Mais, on a essayé de le résoudre d’une façon différente, c’est-à-dire dans le
respect des uns et des autres, dans l’écoute, dans l’accueil, et puis, à un moment c’est de
trouver une limite qui convienne à tout le monde et avec une tolérance ». Les habitants de
l’écolieu ont quand même été assez résilients car ils n’ont pas eu de manque de relation par
rapport au reste du monde. Par contre, sur les activités d’accueil, de stages et de formations,
ça a été complétement arrêté. Guillaume a ressenti un vrai manque. En juillet 2020, quand ils
ont rouvert, ils ont eu plein de demandes. Comme il le raconte : « Parce que les gens avaient
envie de se voir, ils avaient envie de faire une session, ils avaient envie de repartager des
choses fortes aussi » Il y a eu surtout des annulations d’intervenants qui devaient venir d’Inde
et d’autres intervenants qui étaient plus âgés ou plus fragiles. Parfois, il n’y avait pas assez de
réservations aux stages et aux formations. Guillaume n’est pas inquiété car leurs activités sont
plutôt stables et pérennes à long terme.
Les deux dernières études de La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques (Drees) publiées en mars 2021 (que nous évoquons dans le chapitre II-E L'art et
la culture sous Covid), font état d’un nombre grandissant de personnes souffrant d’anxiété
voire d’un état dépressif. Nous nous demandons alors si la dimension culturelle et artistique
des écolieux a un rôle important à jouer dans les besoins psychosociaux de la population ?
Pendant la retranscription de l’interview de Goshen, nous avons effectivement constaté qu’ils
organisaient au mois de mai 2020, un atelier qui s’appelait « Travail qui relie : L’espoir par
l’action ». Goshen souhaitait offrir aux participant-e-s, de continuer à créer un monde vivable
et trouver la force pour réussir leurs projets de transition dans ce contexte d’angoisses, de
peurs, dû notamment au Covid. Bien après, cette réflexion a muri. Nous avons donc profité de
l’entretien avec Guillaume de l’Arche pour lui poser cette question. Ils organisaient justement

116
le 2 et 4 juillet 2021 des sessions à propos de « comprendre ces violences qui m’habitent » ou
sur « peurs, colères, joies ».
Voici ce qui l’en ressort : Guillaume est d’accord, Il pense qu’effectivement la dimension
culturelle et artistique de l’Arche Saint Antoine (et sans doute, les autres écolieux qui ont cette
dimension) a un rôle important à jouer dans les besoins psychosociaux de la population de la
crise du Covid.
En effet ça donne plus de force et de sens à leur vocation, à celle de « la Fève »
particulièrement. C’est pour ces raisons qu’ils ont lancé « Les coups de pouce » car ils étaient
très frustrés. Ce sont des Visio-conférences, d’une heure, gratuites, un temps d’échange, de
partage, d’expérimentation sur un des thèmes de la Fève assez large, la transition. Même si
le confinement posait des limites, socialement, ils se portaient bien et étaient sereins. Leur
travail n’a pas trop changé et ils ont pu organiser de plus grandes fêtes. Mais, ils ont pris
conscience que c’était frustrant de pas utiliser justement leurs outils nécessaires (de vivre
ensemble, de relationner, de se connaître soi-même, de gestion de conflit intérieur, etc…)
pendant qu’ils constataient des personnes de leur entourage, vivant à l’extérieur de L’arche
souffraient pendant cette période aussi difficile. Guillaume explique cette frustration « ce n’est
pas qu’on a des solutions, mais (…) on a suivi des formations et on essaye d’appliquer et on
voit que ça fonctionne. C’est très frustrant de voir qu’on ne peut pas les transmettre. » À cette
époque-là, ils ont reçu des journalistes du « Monde » et de « La Vie » qui ont fait d’ailleurs un
bel article, sur Goshen. Les journalistes étaient très touchés. Il raconte cette anecdote « On
parlait du Monde d’Après à l’époque. Ils nous disaient, vous avez trouvé quelque chose que
beaucoup de gens sont en train de chercher, en fait. On a dit oui, mais le problème, c’est qu’on
n’a pas accès à ces gens-là car ils sont tellement dans leur monde, qu’il faudrait qu’ils viennent
à nous ? ». Les habitants de l’Arche sont bien conscients, mais ils ne savent pas trop comment
rentrer en contact avec ces personnes-là. C’est pour cela qu’ils ont voulu se diversifier et qu’ils
ont créé « Les coups de pouce » qui ont très bien fonctionné. En effet, ils ont eu de très bons
retours parce que, justement, les gens qui ne pouvaient pas se déplacer, pouvaient au moins
ouvrir des petites portes pour pouvoir ensuite, la crise sanitaire finie, faire un stage
communautaire ou venir aux stages et aux formations, notamment de la Fève, à l’Arche. Les
habitants de la communauté de l’Arche sont bien conscients que c’est une de leurs vocations
que de transmettre ce « trésor ». Guillaume développe son propos : « Moi, je le dis toujours,
la communauté de l’Arche a découvert vraiment un trésor qui a été donné aussi par des
générations et des générations, et ce trésor, ce qui est chouette, c’est que plus on le dépense,
plus il se multiplie. L’idée est de le dépenser à fond. Le problème est de trouver les gens qui
sont intéressés. (…) Nous on ne dit pas, oui c’est bon, on a trouvé (…), asseyez-vous (…),
on va vous expliquer et vous repartirez, et vous serez les rois du monde. C’est plutôt, venez
vivre avec nous l’expérience car nous, on est toujours en train d’apprendre. Et c’est vraiment
un chemin de conscientisation, de qui je suis, de ce que je suis, ma relation avec l’autre. »

117
Conclusion

Cette année de formation à l’Institut Transitions aboutit à la réalisation de ce mémoire de


recherche portant sur la dimension culturelle et artistique des écolieux.
Durant ce parcours exaltant, des réponses ont pu être apportées à la problématique majeure
qui consiste à comprendre la dimension culturelle et artistique des écolieux. En somme,
d’appréhender la contribution de cette dimension au sein des communautés/collectifs des
écolieux, et au sein du territoire où ils sont implantés.
Le labeur de longue haleine consacré à l’élaboration de ce mémoire a été ardu parce que,
d’une part, cette thématique n’a jamais été sondée, et que d’autre part, nous nous sommes
tous retrouvés dans un contexte de pandémie du Covid. En effet, cette situation a réduit
considérablement nos déplacements, notamment pour aller étudier les écolieux sur le terrain.
Cependant, le fruit de nos recherches nous a significativement aidé à aller de l’avant.
Il est mis en exergue que les communautés intentionnelles qui pratiquaient l’art et la culture
restent, dans l’histoire, des projets utopistes réussis.
Dans un esprit de cohérence, nous avons défini le sens profond des rôles de l’art et la culture
qui nous ont servi d’hypothèses. La rédaction de ce mémoire se fonde sur des faits et
arguments qui prouvent en effet que l’art et la culture sont essentiels pour l’humain et jouent
un rôle majeur comme moteurs de civilisation. Face à une crise sanitaire mondiale sans
précédent, force est de constater que l’art et la culture nous apportent réconfort, inspiration et
espoir.
Il convenait aussi de nous intéresser au concept d’écolieu et de déterminer nos critères de
validation afin d’analyser au mieux, la dimension culturelle et artistique de cinq écolieux sur le
terrain.
Au moyen d’une étude qualitative, nous faisons le constat qu’au sein des
communautés/Collectifs des écolieux et sur le territoire où ils sont installés, généralement, la
dimension culturelle et artistique crée et renforce le lien des uns avec les autres. Par ailleurs,
elle contribue à être un levier d’action dans la transition écologique et solidaire à travers
notamment, des activités fondamentales, d’écologie intérieure. Il ressort de ce mémoire que
les actions culturelles et artistiques des écolieux, mais aussi, la congruence de ses habitants,
offrent des belles prises de conscience des défis de notre époque.
À l’heure où la pandémie et le confinement se veulent être les mots d’ordre, il est important de
se rendre à l’évidence : tous les écolieux ont été résilients. Effectivement, ils ont vécu entre
eux, dans une « bulle », comme si le Covid n’existait pas. C’est justement à travers l’art et la
culture qu’ils ont pu célébrer les joies de la vie, de sorte que la force, la confiance et l’unité de
groupe se manifestent dans ces moments difficiles.
Ce mémoire n’a pas de prétention de soulever des hypothèses sans véracité et seuls les
événements futurs pourront affirmer que la dimension culturelle et artistique des écolieux a un
rôle important à jouer dans cette crise sanitaire. Avec modestie et parcimonie, nous pouvons
seulement constater que les écolieux qui possèdent cette dimension, ont des outils
psychosociaux qui fonctionnement, des « Trésors » qui seraient peut-être vitaux pour la
population, en temps de crise. Le résultat d’autres recherches nous révèlera donc si ce thème
est vrai.

118
Bibliographie

• “L'art qui guérit” de Pierre Lemarquis aux éditions Hazan. 192 pages
• “Les Écovillages - Laboratoires de modes de vie éco-responsables” de Jonathan
Dawson au éditions Yves Michel.167 pages
• “Autonomie solidaire -Écovillages & Habitats participatifs” de Nathalie Boquien et
Marie Thiriet aux éditions Rustica éditions. 224 pages
• “Les communautés utopistes au XIX ème siècle” de Jean-Christian Petitfils aux
éditions Pluriel. 416 pages
• “Emmaüs Lescar-Pau -Le compagnon, la ruche et l’utopie “ de Denis Lefèvre aux
éditions Privat. 275 pages
• “Les Sentiers de l'utopie" de John Jordan et Isabelle Fremeaux aux éditions La
découverte. 387 pages
• “Les communautés libertaires agricoles et artistiques en pays Catalan - 1970-2000”
de Jean-Pierre Bonnel et Paul Gérard. 179 pages
• “Longo Maï -vingt ans d’utopie communautaire” de Luc Willette aux éditions Syros.
220 pages
• “ZAD de Notre-Dame-Des-Landes - Habiter en lutte - Quarante ans de résistance”
aux éditions Collectif Comm’un. 255 pages

119
Annexe 1 : Fiche artiste Paule Kingleur – Plasticienne urbaine

Cursus Artistique : Ancienne acrobate de cirque (Alexis Gruss équestre, Ecole Nationale
du Cirque Annie Fratellini - Paris 1976 - 1977), acrobate trapéziste, voltigeuse, artiste de rue,
formée au Théâtre du Soleil par Ariane Mnouchkine (Prix Molière 2010). Paule Kingleur est
aussi comédienne, co-directrice de salle de spectacle, artificière et costumière, administratrice
de tournées théâtrales. Elle a été la compagne de Gilles Zaepffel (auteur, metteur en scène,
directeur du Théâtre Écarlate et fondateur du lieu « L'Atelier du Plateau » à Paris 19e) et a
tourné sur les premières pièces de théâtre de rue dans les années 70. A travers le monde,
dans leur spectacle, ils ont impliqué des populations à la pratique du théâtre et la réalisation
des décors fabriqués localement.
Après le décès de son compagnon, Paule Kingleur devient une artiste reconnue, elle crée sur
Paris, L'association Paris Label (producteur local d’art urbain, pédagogique, militante sur la
végétalisation urbaine, ludique, écologique et spontanée). Paule Kingleur est Féministe,
militante écologique, Artiviste, mais elle se définit aujourd’hui comme une plasticienne urbaine.
Elle a reçu en 2013 à Jardins, le prix de l'innovation cité verte pour ses DADAGREEN. Elle
mène de nombreux projets artistiques sur la nature en ville (Land Art Urbain, Camions-Jardins
pour la COP21, Potogreen, jardins mobiles, etc. Elle fait un travail artistique avec les
DADAGREEN, en insistant sur l'importance d'impliquer les habitants pour ré-enchanter la ville.

« Camions jardins » pendant la COP21 à Paris - Photo Paule Kingleur

Exemples d’œuvres : Mairie du 2e arrondissement


-A Vélo, t'es un oiseau (Move Cinderella) - Installation/Performance : œuvre collaborative
menée à travers quatre ateliers, débouchant sur une envolée de roues de bicyclettes, qui
s'unissent après les douze coups de minuit, pour se transformer en un carrosse branché-ailé.

120
Compte rendu de l’interview du 25 avril 2020 :
Pour Paule Kingleur, « l’art doit donner du sens, être beau, ‘Notion de beauté’, pour attirer l’œil
du public et pour qu’il adhère à l’œuvre qui va donner de la plus-value à l’écologie. Elle a par
exemple travaillé avec les enfants des écoles des quartiers défavorisés et bourgeois de Paris
sur le projet de végétalisation urbaine, « Potogreen » en partenariat avec la ville de Paris. En
coopération avec les enfants, ils ont coiffé les poteaux des rues, pour une végétalisation
urbaine. Lors de l’inauguration « « Forum de la parentalité », au Cent quatre, le samedi 18
mars 2017, les parents des quartiers chics sont allés voir les créations de leur enfant fabriqué
dans les quartiers populaires et les parents des quartiers populaires sont allés voir les
créations de leur enfant fabriqué dans les quartiers Bourgeois. Elle a installé aussi des
Potogreen en face des commissariats avec une autorisation préfectorale.

Potogreen - Photo Paule Kingleur

Commanditée par la Mairie du 11 -ème à Paris, avec les centres sociaux, les enfants et
habitants du quartier, elle a transformé un espaces d’encombrants en jardin partagé, ‘Potager
sur pied ‘. Elle a aussi transformé les barrières de sécurité en potagers suspendus. Elle utilise
ses belles installations artistiques pour créer de la poésie dans la rue.
Lors d’un festival sur Paris, elle a créé des ruches sur un arbre avec des chutes de cuir
récupérées à la société Vuitton qu’elle a nommé « Hôtel de luxes pour abeilles en voie de
disparition ». Deux personnes chargées de la responsabilité sociétale des entreprise (RSE)
de Vuitton ont vu son travail exceptionnel et lui ont demandé d’installer ses 50 ruches en cuir
revalorisées et accrochées à des branches de tilleuls au siège social de Vuitton sur 7 étages
dans un escalier classé de 27m de hauteur.

« Hôtel de Luxe pour abeilles en voies de disparition » - Photo Paule Kingleur

121
« Cela a donné un déclic aux salariés de Vuitton, mais à moi aussi. En effet, j’ai changé mon
regard sur les salariés de Vuitton parce que je pensais qu’ils-elles vivaient sur une autre
planète sans intérêt environnemental. Je me suis aperçu en discutant avec eux-elles qu’ils-
elles avaient aussi une conscience écologique et que parfois ils-elles en savaient plus que moi
sur les abeilles et leur nécessité, car elles participent à près de 80 % de la pollinisation des
espèces végétales et sont donc le maillon indispensable à la survie, à l'évolution et à la
reproduction des plantes. Lors de son vernissage qui a eu un franc succès, le PDG de Louis
Vuitton, Bernard Arnault, lui a même, demandé de garder son installation plus longtemps au
siège social. Ses installations apportent par conséquent une cohésion sociale et une
sensibilisation sur l’écologie et le vivant.

Il y a quelques années, elle a décidé de quitter Paris pour habiter sa maison familiale au
Hameau Maillargues dans le Puy de Dôme, ‘un vrai appel à la nature ‘ et pour accompagner
sa maman âgée, Marceline.
Elle crée l’association ‘Outrage de Dame’ avec l’idée d’impliquer les populations, et faire des
choses ensemble collectivement. Sur un petit stand, elle fabrique et implique la population sur
marchés ruraux avec un projet de fleur fabriqué à la laine au crochet « art urbain crochet
/Tricots » ou Graffiti de laine pour décorer Fontaines, arbres et mobilier urbain. Elle a pu
fédérer des gens sur son projet interactif avec une mixité intergénérationnelle. Sur le territoire
de l’Auvergne, elle a notamment créé un projet d’art écologique sur le patrimoine naturel avec
un conservateur d’une réserve naturelle. Elle a impliqué la population pour fabriquer des
mosaïques qui représentent la faune et la flore qui est rare, souvent en voie de disparition, et
protégées. L’objectif était d’enseigner la fabrication de mosaïque et en même temps, éduquer
sensibiliser à l’environnement afin que les habitants soient fiers de leur patrimoine, du vivant
qui est un trésor, qui doit être préservé… pour qu’il y ait un bon entendement entre les
éleveurs, les agriculteurs et la faune et la flore sauvage… je suis un petit maillon mais ma
place est là aussi, en tant qu’artiste, comment je peux intervenir pour avoir une cohésion entre
les gens, sur une certaine pédagogie joyeuse ? Ça fonctionne particulièrement avec les
enfants. Il a découlé de cette expérience artistique que les instituteurs de la maternelle, d’un
petit village, Saint Germain Lembron, m’ont demandé de monter un projet avec des enfants
de 2 à 5 ans, afin de fabriquer 80 portraits de la Faune et la Flore en mosaïque et de les
installer avec les enfants dans toute la cour extérieure de l’école. Une fresque gigantesque est
en cours de finition. C’est un projet pédagogique, engagé, de développement durable auprès
des enfants qui acquièrent une connaissance et un savoir incroyables… ».

122
Faune et Flore en Mosaïques avec les enfants de l’école maternelle de St Germain Lembron- Photo Paule Kingleur

En termes de volonté politique et de besoin et envie de la population : Il y a une partie de la


population qui est très preneuse de ce type d’intervention, d’autant plus qu’elle apporte une
transmission de la technique qu’ils n’ont plus l’habitude de faire, elle fait donc venir des
intervenants, pour qu’elle aussi, elle apprenne et parfaire son art, mais toujours sur des projets
collectifs. Pour cause de restriction sanitaire due au Covid, elle n’a pas pu développer un projet
clandestin de d’éco-art urbain de coquelicots fabriqués en crochet, en mosaïque, en peinture,
et en collage en référence au mouvement « Nous voulons des Coquelicots » malgré
l’engouement de son collectif ‘Outrage de Dame. Pour elle : « C’est une forme de lutte à
travers l’art, joyeuse, pas du tout radicale, qui n’exclut personne comme par exemple si tu n’es
pas écolo…chacun avance différent. Les personnes n’ont pas forcément la connaissance,
c’est une pédagogie qui n’est pas punitive, elle est inclusive. C’est une autre façon de parler
de ça. Où est-ce que je suis et d’où je me situe pour faire le juge de tout ça. Je ne peux pas
arriver avec mes gros sabots, je suis un être humain comme les autres avec mes paradoxes,
mes défauts. Je pense que c’est à partir de là qu’à travers ces échanges, il peut se passer
quelque chose, qu’on peut collectivement créer du bien-être. Quel plaisir, quelle jubilation de
défendre la vie de façon joyeuse ! C’est ma façon de militer ».
Elle est sur un projet de mosaïque avec des maisons de retraite, des EHPAD : « En échange,
les personnes âgées d’ici dont certaines sont des années 1920, te transmettent comment par
exemple était l’agriculture à cette époque beaucoup bien différente de l’agriculture industrielle.
Comment transmettre la nostalgie de ces personnes âgées aux nouvelles générations ? ».
Elle a notamment mené un projet intergénérationnel d’art postal. Elle a proposé à l’école des
villages d’envoyer du courrier aux personnes âgées, décoré par les enfants qui racontent leur
souvenir de vacances. Elle a demandé en contrepartie aux personnes âgées des maisons de
retraite de faire la même chose mais avec leurs souvenirs de vacances de quand ils étaient
jeunes. « C’est un mélange, un échange de courrier où les anciens écrivaient aux enfants et
les enfants aux anciens. Une exposition a été mise en place et tout le monde s’est rencontré,
ça a créé des liens. Maintenant, ils le font chaque année. Pour moi ce sont des petites choses
qui servent à décloisonner, à fédérer. »
Elle a mené des ateliers, des expositions et elle est maintenant reconnue en zone rurale.
Elle fait vraiment passer des messages écologiques et solidaires, de lutte et de résistance à
travers son art :

123
« Il y a deux combats, en effet, celui de combattre ces grosses sociétés qui pourrissent la
planète par le militantisme que je reconnais, comme Greenpeace que je soutiens. Pour ma
part, j’aime bien aller par en dessous et toucher des gens de l’intérieur. Les deux actions sont
importantes. Mon travail reflète ce que je suis, j’aime le vivant et comment il fonctionne dans
sa biodiversité. J’en suis admirative, émerveillée. J’offre en retour de « l’émerveillement » aux
gens de tout âge avec des productions artistiques et collectives. C’est-à-dire que je transmets
à l’autre mais l’autre me transmet aussi un savoir. C’est un échange. Ce n’est pas une question
d’âge car les enfants ont beaucoup de connaissances par l’observation, par le rêve, par
l’imaginaire. Et cela, il faut le prendre en compte autant que le vrai savoir des études par
exemple. Le savoir de l’imaginaire est très important car ce sont des enfants qui font des
adultes formidables car ils seront créatifs, qu’ils seront dans l’imagination et pas seulement
artistique mais aussi pour créer de nouvelles sociétés, ces écolieux, ces autres façons de
vivre. ».
Concernant le hameau, où elle vit, il a cette tendance à se transformer naturellement en
écolieu sans lui donner ce nom, elle explique :
« Arthur, du Hameau, qui habite dans une Yourte, propose aux autres personnes de s’y
installer sur son terrain avec d’autres Yourtes ou de l’habitat léger. Il n’a pas du tout ce rapport
à la propriété fermée et privée, alors que c’est son terrain. Ce genre de mentalité est rare ici.
Dans le passé, on était des cueilleurs, des nomades, il n’y avait pas de propriété. Dès l’instant
qu’on a fait de l’agriculture, des territoires privés se sont imposés. Ici, je suis assez bien vue.
Mon père, métis, quand il s’est installé ici, à la retraite, il avait dans le passé un métier de
soudeur de très bon niveau. Les agriculteurs l’ont alors beaucoup sollicité pour souder car
c’était rare ici, mais mon père ne voulait pas d’argent car il était trotskiste. Il ne voulait que de
l’échange avec des produits fermiers comme du beurre, de l’agneau, du fromage, etc. Les
agriculteurs n’ont pas trop compris au départ car ce n’était pas la mentalité d’ici, mais ils s’y
sont faits car ils n’avaient pas le choix. Mon père a inventé le troc sur ce hameau. Il avait
impulsé un changement de conscience dans ce rapport à l’argent. Il n’y a pas une volonté de
transition ici, mais ça se fait naturellement car il y a ces esprits ici qui ont cette relation à la vie
comme cela : on va mutualiser les outils, on va beaucoup s’entraider par exemple. C’est pour
moi une évidence. »

Paule Kingleur. Photo Jeremy Esbert

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Annexe 2 : Fiche artiste : Camille Thouvenot – Musique Jazz
Groupe Mettà Trio

Groupe de Jazz, Mettà trio.


Camille Thouvenot au piano, sur la scène du festival du Péristyle, Opéra Underground de Lyon le 18 juin 2021.
Photo Jeremy Esbert

Cursus artistique : Camille THOUVENOT est un de mes meilleurs amis. Il est pianiste,
organiste, compositeur, arrangeur et contrebassiste, il est né en 1989 à Nîmes. Musicien
éclectique, il se forme pendant huit ans auprès des musiciens pédagogues Marc Cornellissen,
Cédric Bambagiotti et René Bottlang. Son apprentissage se poursuit au Conservatoire de
Nîmes, avec entre autres Pascale Berthelot et Alex Clapot. Plus tard, il intègre également la
classe de Jazz du CNR de Lyon où il étudie avec Mario Stantchev. Ses débuts, pour ce qui
est de la pratique de groupe, se font avec ses amis d’enfance. Ils montent le groupe Skanda
avec lequel ils joueront pendant plus de 5 ans et enregistreront deux albums. Fort de diverses
expériences à l’étranger (master class en Italie avec le pianiste Kenny Barron, séjours aux
États Unis), il commence à approfondir sa pratique de pianiste de Jazz. Camille multiplie les
concerts dans les festivals nationaux ainsi que dans les clubs de jazz. Ces rencontres l’ont
conduit notamment à travailler à ses débuts avec Byard Lancaster, Roger Guérin, Jacques
Bernard et Jean-Charles Richard. En 2012 son installation à Lyon lui donne l’occasion de
collaborer avec de nombreux musiciens et sortir plusieurs disques avec différents groupes :
Trio DT, G.M.T Trio, Dreisam, La & Ca, Foolish Ska Jazz Orchestra, Djoukil, Greg Aubert Trio,
Rémi Crambes Trio, La Nueva Esencia etc… En septembre 2015 Camille intègre la classe de
contrebasse Jazz du CNR de Lyon avec Jérôme Regard, la pratique de ce nouvel instrument
lui permet de créer le “Foolish Ska Jazz Orchestra” (ensemble de 7 musiciens et 2 chanteuses)
qu’il dirige et dans lequel il joue de la contrebasse. Diplômé également en 2017 en contrebasse
Jazz. Camille poursuit une carrière oscillante entre piano / orgue et claviers / contrebasse
suivant les formations et groupes qui le sollicitent avec plus d’une centaine de concerts par
an. En 2018 sort le premier album du groupe La&ca (Inouie distribution) et Dreisam enregistre
son 2eme album à paraitre début 2019.

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Pochette de l’album de Jazz, Camille Thouvenot - Mettà trio « Crésistance »

En 2020 son premier album en leader avec le Mettà Trio composé de Christophe Lincontang,
le contrebassiste et Andy Barron, le batteur. Le design sonore de cet album est originalement
illustré par sa compagne et vieille amie d’enfance, Audrey Podrini. Ce trio de jazz a été nommé
"Mettà" en référence à une notion bouddhiste qui signifie un amour universel, désintéressé et
total. Cet album sans prétention est inventif, il raconte une histoire. Il est simplement
magnifique et ouvert à toutes les âmes sensibles. Il m’a accompagné tout au long de cette
année si particulière où je me suis senti muselé pendant la pandémie du Covid.
« Crésistance » reçoit un accueil enthousiaste de la presse spécialisée est devient révélation
du célèbre « Jazz Magazine » en février 2021 : « Si Résistance n'est pas un vain mot pour
ceux qui font vivre le jazz en France, ce n'est pas tous les jours qu’un musicien décide d’en
consacrer en album. (…) Camille Thouvenot a mûri une réflexion plus profonde : “ je ne suis
pas spécialement engagé politiquement, mais par les médias et les réseaux sociaux, je suis
de plus en plus touché parce qu'ils se mobilisent pour les opprimés”. Il découvre aussi le
manifeste du réseau Alternatif, que signent plusieurs collectifs anticapitalistes à Buenos Aires
en 1999. (…) Le premier article, qu'il reprend sur la pochette du disque s'intitule ” résister c'est
créer”. Il ajoute : “ je suis un petit pianiste qui fait son disque, je ne suis ni militant, ni
philosophe ! mais c'est pour dire que la création est une forme de résistance au même titre
que les autres. Dans le jazz, on a de très beaux exemples d'artistes qui ont supporté ce
flambeau, des envies de justice, d'égalité, de droits… d’un monde plus beau ! Ce disque et
ma contribution, ma pierre à l'édifice.” Il poursuit : “ cet album est très personnel, je me suis
beaucoup remis en question. Il parle de combat contre le monde dans lequel on vit, mais aussi
contre soi-même.” Tiré de « Jazz Magazine » page 33 du 2 février 2021.

Couverture de Jazz Magazine de février 2021 avec un interview de Camille Thouvenot pour son album « Crésistance ».

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Entretien du 10 juin 2021
Jeremy : Succinctement, peux-tu stp te présenter, présenter ton parcours et ton travail
artistique ?
Camille : Je m’appelle Camille, je suis musicien intermittent du spectacle depuis une dizaine
d’années, je joue différents types de musiques gravitant autour du Jazz et bien sûr du jazz,
mon instrument principal est le piano (et claviers) mais je joue aussi de la contrebasse dans
différents groupes depuis maintenant 5 ans.
-Avec le contexte sanitaire du Covid, et le ralentissement voire l’arrêt du secteur
artistique et culturel, as-tu été résilient ? Comment as-tu compensé ce manque
d’activité ? Oui je pense pouvoir dire que j’ai été résilient, même si la période a été longue
et avec disons plusieurs phases, j’ai profité à titre individuel pour pratiquer des choses
musicales dont je n’avais pas le temps en période habituelle. Plusieurs des projets dont je fais
partie ont utilisé cette période pour se développer (résidence de travail ou création,
enregistrements de clips vidéo ou maquettes, enregistrement d’un album), j’ai pu travailler
dans le domaine scolaire ponctuellement ces derniers mois. J’ai aussi sorti un album à mon
nom en automne 2020 donc fait un travail de promotion et de communication même si les
dates de concerts prévues ont évidemment été reportées ou annulées.
-Selon toi, quelles sont les conséquences quand justement la dimension culturelle et
artistique n’existe plus auprès du public ? La dimension culturelle était certes à l’arrêt pour
ce qui est du public en présence, mais beaucoup de choses ont continué de se développer
sur le web entre autres. Je trouve que d’une part c’était chouette de sentir que beaucoup
d’artistes utilisaient différents réseaux sociaux et moyens pour s’exprimer (même à distance
pendant le premier confinement), et que le « public » répondait à ça, mais d’autre part encore
plus chouette que malgré ce florilège de choses que l’on a pu voir passer pendant cette année
le public est vraiment en « manque » de la culture en vrai ! aller voir une expo dans un musée,
un film au cinéma, un concert en vrai, un festival etc… La culture, la création artistique fait
partie de nos sociétés, de notre civilisation, on ne pourra jamais vraiment nous enlever ça…
- Connais-tu la transition écologique et solidaire ? Si oui, es-tu sensible à ce concept et
pourquoi ? Je ne connais pas vraiment, mais oui je suis sensible au terme écologique et
solidaire, ce sont pour moi deux valeurs fondamentales, qui sont pour moi trop mise à l’écart
depuis un certain temps maintenant, entre autres par nos gouvernements.
- As-tu toi-même changé tes habitudes, ta façon de vivre et de consommer pour limiter
à ton échelle ton impact sur la planète ? En se référant à la citation de Ghandi « Sois le
changement que tu veux voir en ce monde », qu’as-tu mis en place personnellement ?
Plus ou moins, je viens d’un milieu et d’une famille plutôt sensible à ces sujets, donc j’ai grandi
dans une ambiance « éco-responsable » sans qu’on mette forcement l’accent dessus, je m’en
rends compte avec du recul. A l’heure actuelle je vis en appartement en ville avec ma
compagne, je pense pouvoir dire que nous vivons sobrement, mais nous sommes quand
même des citadins qui avons chacun un smart phone, un abonnement à internet pour la
maison, des factures d’eau et d’électricité, ainsi qu’un véhicule diesel. Nous consommons le
plus possible local, bio et quasi végétarien,
-Est-ce que ton travail artistique est éco-responsable ? As-tu mesuré son impact
écologique ? As-tu des outils ou des moyens pour le diminuer ? Pas vraiment, mais il
n’est pas vraiment polluant et anti écolo non plus, il n’a d’ailleurs pas vraiment d’impact
écologique, mis à part les trajets que l’on fait pour aller sur nos lieux de travail qui changent
régulièrement, mais dans mon cas c’est aussi la plupart du temps assez local.
-Qu’est-ce que t’apporte ton travail artistique ? et que souhaites-tu apporter au public ?
Cela dépend des projets avec lesquels je joue (je fais partie de différents groupes), cela peut-
être la danse ou un voyage plutôt musical etc. Dans mon dernier disque appelé
« Crésistance » j’essaie d’interpeller l’auditeur à la notion de « Créer c’est résister, résister
c’est créer ».
- A travers ton travail artistique, portes-tu des messages de sensibilisation aux enjeux
de la transition écologique et/ou pour les droits humains ? si oui, comment ? Si non,
pourquoi es-tu dans une démarche désintéressée ? Non, pas vraiment, j’essaie pour le

127
moment de faire de la belle musique et de faire du bien à ceux qui l’écoutent. Je ne suis pas
particulièrement engagé dans un mouvement écologique ou politique.
- Si tu portes alors des messages, d’après tes observations, penses-tu que tu apportes
des déclics, des prises de conscience écologiques et sociales ? si oui, penses-tu qu’il
y a un impact dans ton entourage, sur le territoire où tu es installé ou même au-
delà ? C’est une petite pierre à l’édifice peut-être, et si c’est le cas tant mieux.
-Penses-tu que le rôle de l’artiste est de se poser des questions et d’amener le public à
réfléchir ? Pas forcement, mais s’il le fait tant mieux.
-D’une manière générale, est-ce que le Jazz à cette vocation ? As-tu des exemples
d’artistes de Jazz qui ont cette vocation ? Beaucoup d’artistes de Jazz ont eu ce rôle-là
mais il y a maintenant plusieurs décennies, et c’étaient des combats souvent sociaux et
solidaires, et liés à des inégalités souvent raciales. On peut citer Nina Simone, Miles Davis,
John Coltrane, Sonny Rollins, Duke Ellington et bien d’autres musiciens de cette période. A
l’heure actuelle, je ne sais pas trop, bien sûr il y a des artistes de Jazz qui ont des démarches
particulières qui peuvent être liées à ça, mais je ne pourrais pas vraiment en citer.
-Peux-tu, s’il te plait, me donner ta définition de la notion de « Culturel et artistique » ?
Je n’ose pas
-Les conclusions d’un rapport scientifique du Bureau régional de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) du 11 novembre 2019, attestent que « L’art peut être
bénéfique pour la santé, tant physique que mentale ». Qu’en penses-tu ? Je ne peux
qu’approuver cette conclusion, je le pratique d’ailleurs au quotidien sur moi-même et cela me
fait le plus grand bien !
-Penses-tu que le secteur de l’art et de la culture est moteur de cohésion sociale ?
Evidemment oui !
-Est-ce que tu penses que l’art et la culture peuvent changer notre perception du monde,
vers des imaginaires capables d’engendrer des projets concrets qui ont un impact
positif pour la planète et la société ? Oui, et c’est déjà le cas, le monde serait bien différent
(et surement pire) si nous avions été privés d’art et de culture ces derniers millénaires !
-D’une manière générale, penses-tu que l’art et la culture ont un rôle à jouer dans nos
défis écologiques, sociaux et économiques de notre société ? Penses-tu qu’ils sont
essentiels ? Pourquoi ? Qu’ils aient un rôle oui, cela peut permettre de sensibiliser plus de
gens à certaines notions et philosophies de vies peut être. Essentiel ? je ne suis pas sûr, mais
une partie de l’art et la culture sera toujours du côté de ces combats-là de toute façon !
-Connais-tu le mouvement des écolieux ? Si oui, qu’en penses-tu ? Pas vraiment, ça l’air
top.
- Selon toi, qu’est-ce que les activités artistiques et culturelles des écolieux peuvent
apporter au sein de leur communauté/collectif et sur le territoire où ils sont installés ?
Cohésion, amour, bonheur, bienveillance, collectif, ça ne fera pas de mal en tout cas !
-Penses-tu que les activités culturelles et artistiques des écolieux peuvent porter plus
facilement des messages de lutte et aussi de sensibilisation à la transition écologique
et solidaire ? Oui, si les projets sont bien pensés, bien créés et accessibles, de beaux
messages peuvent être portés.

128
Annexe 3 : Fiche Artiste : RNST – Illustrateur urbain

Cursus artistique : Pour la petite anecdote, j’ai rencontré RNST quand on avait une
vingtaine d’années tous les deux, comme je l’explique dans mon avant-propos. On a participé
à la réhabilitation d’une ancienne entreprise de charpente en un lieu artistique et culturel
multidisciplinaire « Akwaba », situé à Châteauneuf de Gadagne, dans le Vaucluse. Lui était
graphiste- illustrateur et moi, chargé de communication. On a travaillé en binôme avec une
équipe incroyable dans l’organisation des premiers événements culturel de ce lieu. On y a
planté des racines solides puisque ce lieu existe toujours sous la forme d’un tiers lieu labellisé.
On a partagé des moments parfois durs mais d’autres d’intelligence collective harmonieuse.
Mais on a créé des liens très forts et inoubliables. Suite à cette belle aventure, nos vies ont
pris des chemins différents. J’ai toujours suivi et fortement apprécié son travail artistique dont
je reconnaitrais la patte d’illustrateur entre mille. C’était une bonne occasion de le contacter
pour l’interviewer sur son travail et surtout pour renouer des liens.
« Inencadrable » est l’un des adjectifs qui colle le mieux à la peau de RNST. D’abord parce
que son terrain d’intervention privilégié est la rue, et ce depuis l’adolescence dijonnaise. Dans
le milieu du graffiti en premier lieu, puis dans la sphère de l’art urbain par le biais du pochoir
et de l’affiche. Ensuite, parce qu’il s’inscrit en marge de tout académisme qui voudrait qu’un
mot soit dans le dictionnaire. Contrairement à ce que certains se plaisent à dire, pour ce
créateur pluridisciplinaire l’art ne doit pas être encadré. Il doit pouvoir s’affranchir de ses
cimaises pour asséner des vérités qui font barrage au politiquement correct, et proposer une
alternative à une discipline purement décorative. Selon lui, il n’y a pas d’initiative artistique
sans engagement, pas d’engagement sans action, pas d’action sans combat, et c’est pourquoi
tout ce qui sort des clous lui va comme un gant – de boxe ! Mais il serait simpliste de seulement
limiter son art à un pugilat visuel dans la mesure où il induit plusieurs niveaux d’interprétation.
Il y a indéniablement une fragilité sous sa force de frappe, une poétique du discours qui rend
la violence de ses uppercuts un peu moins durs. L’enfant-symbole espiègle ou frondeur, en
porte-parole éclairé, arbore les couleurs de l’insurrection pour donner le ton mais sa
vulnérabilité en est le corollaire.
Son combat :
RNST le mène au gré de portraits qu’il décline sur toutes sortes de supports, en rue mais
également en atelier. Il utilise aussi bien les objets de récupération pour réaliser ses pochoirs
que le papier pour ses sérigraphies, collages et affiches. Talonnant sans relâche l’actualité et
les travers de notre civilisation, il milite en permanence dans un jeu d’action/réaction. Une
remarque malencontreuse d’un élu politique, une cause qui le touche, un fait divers qui le
choque, un crime qui l’insupporte… Sont autant de raisons de répondre à coups de
« punchlines » percutantes sur les murs des cités.
Si les personnages masqués sont légion dans son portfolio, c’est notamment pour mieux
illustrer les conditions de vie d’une population opprimée que les gouvernements musèlent : les
clandestins, migrants, ouvriers, scandent des slogans revendicatifs dans un cri muet pour
contrer l’indifférence et les injustices dont ils sont les victimes. Masqués, nous le sommes plus
que jamais dans un avenir incertain où la nature se venge des abus commis par l’homme à
coups de virus. Cela, quand le peuple, en bon « dernier de cordée », ne se retrouve pas gazé
et matraqué par une police d’état toujours plus répressive, cynique et aveugle.

Facebook: https://www.facebook.com/RNSTRNST/about
Site Internet : https://rnst-art.com/?fbclid=IwAR0p7Sa-
B6R94lth7vCvC9Lxo1soR7CfCxFcTkbm-gdF5Q8jgyBBGrBfpto
Entretien du 1er juin 2021

129
Jeremy : Succinctement, peux-tu stp te présenter, présenter ton parcours et ton travail
artistique ?
RNST : C’est dur ! je ne le fais pas, car je peins dans la rue illégalement. C’est anonyme. Je
dissocie mon travail de ma personne. Mon travail est sous un pseudonyme anonyme. Je n’ai
pas envie qu’on l’associe à quelqu’un, mais malgré tout quand je vais présenter un vernissage,
je ne me cache pas non plus, mais dans l’intimité de mon travail pour raconter l’histoire de ma
peinture à ce moment-là. Mon parcours est long et complexe. J’ai appris dans la rue. Je n’ai
pas le BEPC, j’ai un CAP en tailleur de pierre. J’ai bossé sur des monuments historiques et
après, j’ai brassé dans un atelier où il y avait un prof au Beaux-Arts, j’y suis resté 1 an. Si je
n’étais pas bon à l’école, c’est que je faisais que ça. Je suis autodidacte mais le dessin, c’est
ce qui m’a sauvé car je ne sais pas ce que j’aurais fait de ma peau.
Jeremy : Avec le contexte sanitaire du Covid, et le ralentissement voire l’arrêt du
secteur artistique et culturel, as-tu été résilient ? Comment as-tu compensé ce manque
d’activité ?
RNST : J’ai refusé de prendre les aides de l’état. Je ne veux rien devoir à l’état. Je paye déjà
mes cotisations et je suis très respectueux de ça car je pense qu’il y a un pot commun. Je
paye mes charges sociales comme une entreprise. « La Maison des artistes » n’existe plus,
ils nous ont fait basculer à l’URSSAF. On n’a pas droit au chômage comme les intermittents.
On est traités comme des auto-entrepreneurs, on a juste une protection sociale du pot général.
Du coup, comment j’ai vécu ça. Je me suis rabattu sur la vente en ligne de mon travail mais
ce n’est pas glorifiant parce que tu ne rencontres plus les gens, tu ne fais plus d’exposition, ce
n’est pas évident. Je suis allé un peu peindre dans la rue mais pas tant que ça. C’était
compliqué. Je me suis inspiré de l’actualité dans mon travail. Si tu regardes un peu le parcours,
il y a à chaque fois une peinture qui correspond à une date définie qui correspond à un
évènement, à chaque fois avec l’actualité.

Peinture de RNST « Moi, j’ai fait la guerre Monsieur ! »

J’ai fait 2, 3 petites choses sur la thématique du Covid. J’ai peint « Moi, J’ai fait la guerre
Monsieur ! » Il a des grands discours, on est en guerre mais en fait, il n’a jamais vu la guerre
ce type. Il ne sait pas ce que s’est, il y a des gens qui meurent dans la guerre. Mais si tu

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regardes bien, les gens meurent de maladie mais si tu regardes bien, ce sont des gens qui
sont âgés qui ont une deuxième maladie, juste que ça a aggravé la situation. Mais j’ai eu le
Covid, j’en ai chié pendant 15 jours, mais comme beaucoup de gens, comme une grosse
grippe. Il y a des gens qui font des formes graves. Faut arrêter, là ils nous ont mis en taule
pendant 1 an. C’était la bonne occasion, après l’état d’Urgence Générale et après l’état
d’Urgence Sanitaire. Franchement, ils sont fous. Je suis fâché, très fâché contre le
gouvernement.

-Selon toi, quelles sont les conséquences quand justement la dimension culturelle et
artistique n’existe plus auprès du public ? ça arrange bien l’état quand même, pour moi,
c’est un contexte général, ce qui s’est passé. C’est un arrêt total de ce qui était représentatif
du loisir et de la fête. Qui sont toujours à l’arrêt, les théâtres ont réouvert mais les jauges
fermées, tout est bridé. Par contre, on a imposé des masques à des gamins de 6 ans, c’est
complétement aberrant. Les entassements dans le métro, quand tu vois ce truc, ça c’est
autorisé mais tu ne peux pas aller au musée. Tu vois tout de suite les priorités du
gouvernement. Je ne veux pas faire le conspirationniste ni le parano mais honnêtement, ça
pose des questions et il n’y a pas de réponses claires là-dessus. Les gens manifestent, c’est
comme les gilets jaunes, il n’avait aucune réponse mis à part la violence d’état. On peut penser
ce qu’on veut des gilets jaunes mais n’empêche, ils les ont massacrés. Ils ont très rétréci la
culture, regarde : pour eux c’était quoi la culture, c’était la possibilité au Puy du fou d’ouvrir, tu
te rappelles, c’est un faux spectacle qui raconte la France. Ils sont fascisants. Macron est un
fasciste, dans le sens où il protège le capital parce que c’est la bourgeoisie, c’est l’électorat,
c’est eux qui peuvent lui accorder des crédits à sa politique et il musèle les gens du peuple.
Est-ce que tu crois que c’est parce que le secteur culturel et artistique peut faire passer
des messages de protestation, de lutte, que c’est pour cela que ce secteur est muselé
par l’état ? Oui et non je pense. Dans le monde de la culture, ils sont couramment appelés
les gens de gauche, donc pour le gouvernement actuel, c’est des ennemis. Rappelle-toi quand
Macron a parlé de la culture, à toutes les professions. Regarde l’attitude qu’il a à ce moment-
là. Le gars est en costard, la chemise ouverte, il s’ébouriffa les cheveux, il fait des grands
gestes comme s’il faisait du théâtre. C’est un guignol, c’est un pantin, il faut les voir ses
discours. Il prend les gens de la culture pour des cons, il en a rien faire de la culture.
- Connais-tu la transition écologique et solidaire ? Si oui, es-tu sensible à ce concept et
pourquoi ?
Oui, je suis sensible car il est temps. Parce que la nature, c’est la vie. Tu ne peux pas tuer la
vie. On est tout le temps en train d’interpeller les gens, mais ce qui serait intéressant ça serait
que les états se positionnent comme le monde industriel. Les graffeurs, on se fait traiter de
climatosceptiques, car les gens nous voient peindre avec des bombes, ils te sautent dessus
et te disent ça pollue, mais tu rigoles ! quand tu peins sur du béton ou du bitume, tu sais ce
que déjà c’est le bitume ? les gens, ils s’en foutent ? ou la bétonisation. Tout est catastrophique
dans la production humaine.

- As-tu toi-même changé tes habitudes, ta façon de vivre et de consommer pour limiter
à ton échelle ton impact sur la planète ? En se référant à la citation de Ghandi « Sois le
changement que tu veux voir en ce monde », qu’as-tu mis en place personnellement ?
(Attention, cette question n’a pas une vocation à te juger ni te culpabiliser car chacun va à son
rythme dans son changement personnel et qu’il faut aussi remettre en cause plus globalement
le système capitaliste) Alors, je pense que j’avais moins d’impact quand j’étais jeune. A
l’époque, je m’habillais Emmaüs, je n’avais pas de salaire, je ne dépensais rien. Maintenant,
je suis propriétaire. J’ai une bagnole et un camion, j’ai un peu plus d’argent, j’ai des enfants.
Après j’essaie de faire attention, je vais à l’AMAP, etc… j’ai une conscience écologique, mais

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aujourd’hui ma taxe carbone est beaucoup plus élevée que quand j’avais 20 ans. Mais j’en ai
conscience, mais ce qu’il faudrait, c’est que les politiques mettent en place des choses
concrètes, réelles. Qu’ils arrêtent par exemple avec l’isolation à 1€, ça ne sert à rien, c’est des
trucs dégueulasses pour la nature. C’est du foutage de gueule. Mais c’est vrai que je trie plus
que je triais avant.
-Est-ce que ton travail artistique est éco-responsable ? As-tu des outils ou des moyens
pour le diminuer ce travail artistique à la bombe de peinture ?
Les bombes ont changé, ce n’est pas les mêmes que quand j’avais 20 ans, c’est des bombes
à l’acrylique maintenant. Après, il y a de l’acétone, c’est un peu toxique pour la peau mais
s’évapore très rapidement. Mais le coût de production d’une bombe de peinture, quand les
jeunes se prennent la tête et qu’ils peignent au rouleau, tu crois qu’il y a quoi dans la peinture ?
C’est la même chose. Le gaz propulseur, c’est plus les gaz de l’époque, c’est des trucs à l’air
maintenant, c’est moins toxique. Mais, c’est vrai que je ne fais pas attention à ça. Les des
bombes à l’eau aussi qui existent. Et je recycle les bombes, je les emmène à la déchetterie.
La pollution en termes de la production de la peinture, c’est la même. Après, c’est classique,
moi-même, j’ai eu un cancer. Alors, est ce que c’est lié au graff, je ne sais pas, il y des
probabilités quand même. Les bombes de l’époque, elles étaient pourries. Dans le milieu du
« Street-art », on n’est pas tous à avoir cette conscience écologique. Ma conscience
écologique, je me la rachète en parlant de sujet comme cela car tu as un impact. Je suis
porteur d’un message surtout dans mon travail. Mais je ne rachète pas, c’est une fausse idée
de se dire ça. Mais je parle de ça car c’est très important. Par exemple, dans le Morvan, ils
font des sapins de noël et il déforestent complètement pour enlever des arbres centenaires et
planter des sapins de noël, c’est scandaleux quand tu vois la gueule de la montagne.
-J’ai vu d’ailleurs une peinture que tu as faite sur une grande surface ou tu vois des
êtres humains, à genoux, par terre, où ils ont comme des masques à oxygène, au bout
de leurs masques il y a de la nature, de la végétation qu’ils respirent à travers, c’est trop
beau.
L’idée c’est ça, sans la nature, tu vas crever. L’image, elle est là, c’est l’exploitation de la nature
pour survivre mais n’empêche que le jour où il n’y a plus d’oxygène dans ta bulle, tu crèves.
C’est ça l’idée de cette peinture, tu vois. Tu fais le lien, il y a un cercle vicieux et qu’en fait,
indirectement, toi tu vas crever dans le désert et puis tu vas fertiliser le sol et puis la plante,
elle poussera quand même après toi. Il y a ce côté-là aussi. Elle a l’air très négative cette
image mais elle est très positive dans mon explication.

Peinture de RNST « It’s time to save the nature »

132
-Qu’est-ce que t’apporte ton travail artistique ?
Ça me libère ! Je me libère de tous mes coups de gueule, sinon je serais fou, je serais
complétement dingue.
- C’est un peu un exutoire pour toi !?
Oui, construit pas anonyme. Parfois un dessin, je peux mettre parfois un mois pour le faire
parce que j’y reviens plusieurs fois, car je n’ai pas trouvé le bon truc pour qu’il soit juste. Déjà,
moi, je fais de l’illustration, je ne fais pas du « Street-art ». Quand je fais des images construites
comme notamment celle-là (It’s time to save nature), et des autres que je ne fais pas qu’un
pochoir, ce n’est pas juste un petit personnage que je vais coller dans la rue, il y a toute une
structure de narration derrière et il y a aussi un message plus politisé évident. Quand bien
même il y est du texte forcément. Réellement mon travail est comme illustrateur de presse.
J’ai ce côté réactif sur l’actualité en fait. Et j’ai gardé ce truc-là, je le faisais pour le monde
libertaire aussi. J’ai fait pas mal d’illustrations pour le monde libertaire.

Illustration de RNST « J’ai mal à ma liberté »

- et que souhaites-tu apporter au public justement ?


Pas grand-chose, j’ai plutôt envie que le public s’approprie mes images. Peindre dans la rue,
c’est gratuit, c’est pour tout le monde. Et après, tu as les réactions qu’il faut.
- A travers ton travail artistique, comment portes-tu des messages de sensibilisation
aux enjeux de la transition écologique et/ou pour les droits humains ? Peux-tu stp
m’expliquer tes personnages masqués ? qu’est-ce que ça représente ?
C’est le côté clandestin. On est tous des clandestins, mais si tu regardes bien, ils sont
transparents leur visage. Tu vois les expressions, tu vois leur fragilité. Et l’associé à un
mouvement de contestation car le foulard, ça toujours été un peu ça. Mais l’idée de laisser
passer une émotion derrière, en laissant le visage apparaitre, c’était ça l’idée en fait. Pour
redonner de l’humanité ! Ce qui fonctionne assez bien. Ça fait tellement longtemps que je le
fais mais le fait de travailler ces personnages-là, c’est marrant, le public voit bien mon travail
mais ce n’est pas forcément des gens qui seraient forcément contestataires dans la vie. Mais
ce côté émotion, ça les emmène à des questionnements. L’idée est là. Et travailler avec
l’enfance, le lien avec l’enfance. C’est lié, c’est la fragilité de l’enfance. C’est-à-dire que les
sujets que j’utilise avec mes enfants, ils sont durs et violents. Mais comme l’enfance, en fait.
Tu ne peux pas assimiler cette violence ou cette dureté à la guerre ou des choses comme
cela, à des choses de l’ultra-violence. Et ça laisse glisser un message en fait. Et ça ramène

133
un peu aux gens qui sont spectateurs de mon travail à leur propre enfant intérieur. De toute
façon, on a tous un enfant à l’intérieur de nous. Je parle à cet enfant. Le dialogue ne se fait
pas avec l’adulte mais avec l’enfant. Parce que pour moi, l’enfant il est totalement libre et on
a perdu cette liberté dans cette société. Dans tous les sens du terme.

Peinture de RNST – Enfant masqué

- « Selon toi, il n’y a pas d’initiative artistique sans engagement, pas d’engagement sans
action, pas d’action sans combat ». Comme tu me disais, même si tu es dans une
démarche désintéressée, d’après tes observations quand tu fais des expositions par
exemple, penses-tu quand même que tu apportes des déclics, des prises de conscience
écologiques et sociales ? si oui, penses-tu qu’il y a un impact dans ton entourage, sur
le territoire où tu es installé ou même au-delà ?
Dans la rue, oui. Il y a aussi les réseaux sociaux, c’est la rue d’hier. Le lien est fou. Sans ces
réseaux sociaux, je ne pourrais pas divulguer mon image. Quand je sors un dessin, je ne le
fais pas forcément dans la rue, car des fois, j’ai des dessins tellement construits avec des
fonds, je ne peux pas les faire dans la rue, dans l’illégal, mais en parallèle dans les réseaux
sociaux, j’ai ce côté illustration qui me diffuse pas mal et ça part bien. Tu vois, c’est les
nouveaux murs de la rue. Et tu coup, quand ça touche les gens, tu as des retours, tu as des
gens qui te laissent des messages, que ça a bouleversés. Même pendant des expositions, j’ai
vu une dame qui ne pourrait pas rentrer dans mon exposition car elle trouvait ça trop violent
de voir des enfants masqués. Je ne sais pas la vie qu’elle a eue, mais moi, ça m’intéresse car
je fais, comme je t’ai dit, je veux parler à l’enfant intérieur de chacun, donc ça résonne. J’ai
plein d’autres témoignages d’autres gens. Des personnes qui se retrouvent aussi
bouleversées mais dans le bon sens du terme. « Il était une fois le monde d’après », le dessin
que j’ai fait, c’est pareil, ça résonne. Tu n’as pas de personnages, elle est oppressante, elle
est dure cette image.

134
Peinture de RNST « Il était une fois le monde d’après »

Quoi que tu fasses de toute façon, n’importe quelle personne qui utilise une image comme
langage, ça a un impact. Parce qu’il n’y a pas de mots justement. Tu as une émotion et c’est
en ça que c’est primordial et l’État le sait très bien que les émotions, c’est plus fort que tout.
Avec les émotions, eux, ils font de la politique.
-Penses-tu que le rôle de l’artiste est de se poser des questions et d’amener le public à
réfléchir ? C’est comme cela que se diffusent les artistes et les poètes de n’importes quels
courants, ils essayent d’amener quelque chose, moi j’essaye d’amener quelque chose, mais
je ne me dis pas forcément artiste mais plutôt illustrateur, je fais juste un peu de témoignage
par mes filtres à moi. J’absorbe un truc que je dégueule derrière. Mais se définir comme artiste,
ça paye bien quand même. Mais oui, je donne des émotions qui ne sont pas vraiment belles
mais qui donnent à réfléchir aussi et à voir. J’aime à donner à réfléchir. C’est important. Mais
il y en a forcément qui font que du décoratif. Ça dépend de ton public, de ce que tu as envie
d’avoir aussi. La différence entre ça et l’art urbain, c’est que l’art urbain, t’es dans la rue, C’est-
à-dire que la personne qui se prend ton image, elle se la prend gratos. Qu’elle l’ait choisie ou
pas choisie. C’est ce côté-là qui m’intéresse. L’art urbain a un côté plus que populaire car
personne ne va dans les galeries et là, c’est ouvert à tout le monde, mais c’est surtout qu’on
peut passer des messages par ce biais-là.
-D’une manière générale, est-ce que le graffiti-Street art ou l’art urbain a cette vocation
? En tous les cas, elle l’avait. Sachant que dans l’illégalité, pour certains qui ne font que du
graffiti, je te parle de ça, des années 2000 et puis avant. Moi, j’ai vécu le graffiti des années
90 et rien que l’acte peindre déjà, c’était vraiment interdit et très mal considéré de taguer par
exemple. L’acte de peindre en soi était déjà une forme de rébellion. Et à l’occasion à faire
bouger les lignes. Maintenant, le Streets art, c’est à la mode. A l’époque, les galeries ne
voulaient pas de nous. Qu’est ce qu’on a fait, on a pris la rue. La rue, c’était notre galerie et
du coup, il y avait un secteur financier qui s’intéressait à ça et c’est comme cela que les galeries
s’y sont intéressées. Maintenant ils essayent de récupérer le truc. J’ai eu la chance de
connaître les prémices de l’art urbain. Mais du fait aussi, que les nouvelles générations qui

135
n’ont pas connu ça, ils arrivent directement dans les galeries, sachant qu’ils n’ont pas de
questions à se poser quand ils vont faire un truc dans la rue, ils ne se font pas arrêter par la
police car c’est la mode quand ils vont coller deux bouts de papiers. La nouvelle génération
arrive directement dans les galeries, Il y a un côté très économique pour eux de vendre aussi
des œuvres, n’est-ce pas ? Comme je te disais, il y a aussi les réseaux sociaux qui jouent
énormément là-dessus. Les réseaux sociaux sont les murs d’autrefois, quand on peignait dans
la rue. Quand, je peignais dans la rue, il n’y avait pas internet, mais toi aussi tu as connu ça.
A l’époque quand on travaillait ensemble à « Akwaba », Djadja (Mon pseudonyme), comment
tu faisais quand tu étais un groupe de musique et que tu voulais te faire connaître, et bien tu
envoyais du gros concert et tu faisais une tournée de dingue. Pour le graffiti tu faisais pareil,
tu en foutais partout pour que les gens te reconnaissent. Maintenant, tu poses deux posts sur
Facebook et puis c’est bon. Si tu fais des jolis chats ou des moches, ben, tu sais si tu es vite
connu. Mais ça ne veut pas dire que tu fais un travail de qualité qui remet en question l’art, t’es
juste connu, et il y a aussi ce problème-là.
À l’époque quand tu étais en charge du graphisme et moi de la communication à
Akwaba, on n’avait pas Facebook, ni très peu internet, on flyait, on tractait, on affichait,
on n’avait pas Internet, rappelle-toi en 2001 ?! Oui, c’est vrai qu’il y avait ça. C’est marrant,
je viens de recevoir Siné mensuel, la couverture de juin 2021. Tu regarderas la couverture
« Plus jamais », vu que j’ai fait « Il était une fois le monde d’après », c’est un peu pareil ce
qu’ils ont fait. C’est vraiment pas mal. Eux aussi, ça illustre bien le côté écologique de la chose.

Tu crois que ça va dans ce sens d’une manière générale ? C’est comme mon illustration « Il
était une fois le monde d’après », mon nounours a un masque à gaz. Les gens sont
dégueulasses. Les gens se disent, le monde d’après sera merveilleux. C’est pire, les gens
sont horribles, ils sont plus haineux qu’avant. J’ai une vision très noire de l’avenir.
Le monde d’après sera pire que le monde d’avant ?!
C’est ça.
-Peux-tu, s’il te plait, me donner ta définition de la notion de « Culturel et artistique » ?
Ben, je ne sais pas. C’est trop compliqué comme question. Ben ! en fait qu’est que c’est la
définition de la notion de « Culturel et artistique » ? c’est la vie en fait ! Sans art, il n’y pas de
vie. C’est ce qui nous définit en tant qu’être humain, sinon, on serait des animaux. Et encore
j’aime bien les animaux. On serait compléments névrosés s’il n’y avait pas de l’art et des gens
qui s’expriment et qui aillent se détendre. L’art a la vocation à faire réveiller les consciences.
C’est les prémices de la dévotion humaine. A l’époque, ils taillaient des cailloux mais ils

136
faisaient des bijoux, regardes ?! des habits aussi. Pourquoi ils faisaient ça ? Alors que
l’utilitaire pouvait suffire ? c’est ancré en nous ! Même au-delà de la vie. C’est essentiel.
-Les conclusions d’un rapport scientifique du Bureau régional de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) du 11 novembre 2019, attestent que « L’art peut être
bénéfique pour la santé, tant physique que mentale ». Qu’en penses-tu ?
Mais, c’est bien ce que je te disais, s’il n’y avait pas de l’art et de la culture, on serait au-delà,
même pire que des animaux. On ferait sérieusement des névroses. Déjà les artistes qui
dégueulent quelque chose qui est souvent en lien avec la société dans laquelle on existe. Et
le public aussi.
-Penses-tu que le secteur de l’art et de la culture est moteur de cohésion sociale ?
Ben, oui, c’est une question de non-sens. Bien sûr que oui ! Il n’y a pas plus belle communion
que quand tu vas à un concert par exemple. Tu le sais aussi bien que moi. Et les gens qui sont
motivés pour monter ces évènements culturels quand ils ont la « Gnaque » de le faire, c’est
des cadeaux ! pour un concert par exemple, pour moi. Tu le sais car on organisait des concerts
ensemble. Mais moi, quand je fais une peinture, c’est cadeau aussi. Dans la rue, c’est gratuit,
c’est pour que les gens qui discutent autour et tu sais ce qu’il se passe ?! il y en a qui aiment
et il y en a qui détestent et c’est tant mieux car ça discute. Et les politiques ?! ils ne discutent
pas, ils imposent leurs idées. Ils font de la fausse démocratie.
C’est vrai, ce que tu me dis, ça me fait écho quand tu me parles des gens qui ont la
motivation à monter des évènements, à offrir des cadeaux. Quand on a monté le lieu
culturel Akwaba, c’était une superbe aventure humaine, quand même ! Les premiers
temps quand on a ouvert le lieu et qu’on a monté des concerts, c’était tellement gratifiant de
voir le public, les gens qui discutaient entre eux et que nous aussi on échangeait avec le public
et les artistes, il y avait tout un lien social. On était dans une forme d’osmose. Rappelle-toi
quand même.
Oui, c’est vrai. On était des acteurs incontournables à 200% à ce moment-là, mais qui s’en
souvient ? Les gens qui y étaient à ce moment, ils en ont profité et puis voilà.
-Est-ce que tu penses que l’art et la culture peuvent changer notre perception du monde,
vers des imaginaires capables d’engendrer des projets concrets qui ont un impact
positif pour la planète et la société ?
L’art dans sa généralité, il a ça. Regarde, une autre forme d’art, par exemple les écrivains. Ils
travaillent sur l’imaginaire avec les livres de science-fiction, ils ont inspiré des fascistes qui
sont au gouvernent aujourd’hui. Regarde le livre avec « Big Brother » et les caméras partout.
(Big Brother qui signifie « Grand Frère » est un personnage de fiction du roman 1984 de
George Orwell. George Orwell est né le 25 juin 1903 à Motihari (Inde) pendant la période du
Raj britannique et mort le 21 janvier 1950 à Londres, c’est un écrivain, essayiste et journaliste
britannique. Dans 1984, il décrit une dystopie totalitaire) Tu as aussi Isaac Asimov (Isaac
Asimov est né vers le 2 janvier 1920 et mort le 6 avril 1992 à New York. Il est un écrivain
américano-russe et un professeur de biochimie à l'Université de Boston, surtout connu pour
ses œuvres de science-fiction et ses livres de vulgarisation scientifique) ou Philip K. Dick (Dick
Philip K. Dick est né le 16 décembre 1928, à Chicago dans l'Illinois, et mort le 2 mars 1982, à
Santa Ana en Californie, c’est un auteur américain de romans, de nouvelles et d’essais de
science-fiction. Certaines de ses œuvres ont été adaptées au cinéma pour devenir des films
« culte » comme Blade Runner, Total Recall, ou Minority Report.) Ou même les écrivains
d’anticipation (Genre littéraire et cinématographique, constitué par les œuvres dont l'action se
déroule dans le futur, proche ou lointain), ils étaient visionnaires ou les politiques se sont
inspirés d’eux. Dans un sens inverse, bien sûr que si tu donnes du bonheur aux gens, ça
éveille les consciences différemment, il peut aussi se passer quelque chose de positif. Après,
moi, ce n’est pas ma tasse de thé, moi je suis assez noir dans la vie, je suis très réactionnaire.
Je suis trop dans la lutte. Il y a des artistes qui travaillent dans l’esthétique. Peut-être qu’eux,
ils ont la vocation à donner du bonheur. Par exemple, je connais un vieux graffeur qui fait des

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monstres hyper flashy. Il m’a dit qu’il s’en fout de la politique, l’acte de peindre c’est de la
politique. Il donne du bonheur mais à la fois, quand il a commencé à peindre à l’époque, c’était
politique de peindre dans la rue. C’était un taggeur illégal, il faisait partie du jeu.
-D’une manière générale, penses-tu que l’art et la culture ont un rôle à jouer dans les
défis écologiques, sociaux et économiques de notre société ? Penses-tu qu’ils sont
essentiels ? Pourquoi ?
Oui, mais ils n’y sont pas du tout présents ou très peu. Je ne trouve pas qu’ils y soient. Hormis
pour l’utiliser en propagande. Elle est effectivement quand même présente dans les festivals
de théâtre de rue par exemple mais seulement pour donner du fun à la politique, je pense.
C’est ma propre perception. L’idée de faire du théâtre sur un événement accès sur l’écologie,
C’est juste pour ramener du monde. Je n’aimerais pas croire ça, mais c’est la question que je
me pose en tout cas. Après, est-ce que tu crois que ça a du sens ?!
Je pense qu’il y a des artistes, des organisateurs, qui ne font pas forcement du « Green
Washing », Je pense qu’il y en a, des artistes, des organisateurs, qui sont sensés. Mais
j’ai parfois l’impression que l’art et la culture en France sont trop cloisonnés par des
subventions publiques élitistes !?
C’est vrai, laisse tomber, comme je me bagarre avec la DRAC, c’est les représentants de
l’État. Je faisais partie d’un syndicat d’artistes auteurs donc j’avais un droit de vote sur les
subventions accordées avec les institutionnels. Pendant le Covid, ils ont continué à faire leur
Visio conférence. J’ai arrêté car ça m’a soulé, ils faisaient comme si de rien n’était, ils jouaient
avec les attributions de subvention alors que tous les artistes-auteurs crevaient.
-Selon toi, qu’est-ce que les activités artistiques et culturelles des écolieux peuvent
apporter au sein de leur communauté/collectif et sur le territoire où ils sont installés ?
Je ne sais pas. À part des gens qui ont des points de vue différents et qui amènent à réfléchir
sur des propositions qui sont pas mal. Ça a un impact, regarde les gens qui montent des
AMAP, c’est utile car sinon, il n’y a pas de petit marché de producteur dans le petit village, tu
as moins de taxe carbone et tu fais de l’emploi. C’est aussi un lieu de rencontre. Je connais
bien le quartier libre des Lentillères à Dijon qui organise des concerts, mais je pense que c’est
quand même un peu de l’entre-soi. Ce n’est pas très ouvert sur l’extérieur, je trouve. La peur
du système de la société peut-être. (Le quartier libre des Lentillères est né d’une manifestation
en 2010, à Dijon, à l’issue de laquelle une centaine de personnes a défriché puis cultivé des
terres de qualité à l’abandon menacées par un projet immobilier. Une dynamique ouverte et
collective de jardinage basée sur l’échange de savoirs qui existe depuis 10 ans. Le Jardin des
Maraichères, géré de manière non salariée, permet d’alimenter des marchés hebdomadaires
non lucratifs à prix libre. À la croisée de deux grandes parcelles, s’entremêlent des dizaines
de petits jardins familiaux. Au milieu de tout ça, des fermes occupées, une dynamique de
construction de cabanes et d’entretien de lieux ouverts à tous et à toutes pour la promenade,
pour des ateliers d’échanges de savoirs divers et variés, des concerts ou des fêtes atypiques.
Ils ne revendiquent pas l'étiquette "ZAD" (Zone à défendre). Les militants du "quartier libre"
des Lentillères ont obtenu en fin 2019 ce qu'ils réclamaient depuis près de dix ans à la mairie
: l'abandon d'un projet d'écoquartier pour préserver des terres maraîchères.)
Et est-ce que tu penses que leurs concerts, leurs événements culturels permettent de
mobiliser des gens pour leur lutte et porter plus facilement des messages de lutte et
aussi de sensibilisation à la transition écologique et solidaire ?
Oui, c’est pour cela qu’ils le font. À la fois, ils prennent du plaisir à le faire. C’est une forme de
partage aussi. Le public qui vient est solidaire avec leur lutte. Après, faudrait l’analyser dans
ton mémoire pour en savoir un peu plus.

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Annexe 4 : Fiche association : Graines électronique - Créatrice
d'événements éco-responsable de musique électronique à Lyon

Descriptif :
Les Graines Electroniques est une jeune association Lyonnaise créée par un jeune couple
Lindsy et Oriane formé dans l’environnement et fan de musiques électroniques. Les statuts de
l’association ont été annoncés sur le journal officiel le 1 er février 2020. Cette association
novatrice crée des événements poussant l’éco-responsabilité à son maximum.
Objet de l’association : « Promotion de l'éco-responsabilité et des envies d'agir pour les
personnes ; promotion du travail collaboratif ; promotion de la musique électronique par
l'apprentissage et la découverte de celle-ci ; promotion de l'éco-responsabilité des événements
; mise en place ou participation à des projets répondant aux éléments énoncés ci-dessus. »
Leur créneau ; « L’éco-responsabilité pour eux et elle commence par une prise conscience
de leur impact sur l’environnement, s’ensuivent des actions pour le protéger afin de vivre
ensemble sur la planète et construire ensemble le monde de demain autant que possible dans
un mouvement positif et festif ! »
Actions :
-Ecoresponsabilité au cœur de tout : Ils relocalisent au maximum tout ce qu’ils utilisent lors
de leurs événements. La nourriture et les boissons proviennent de la région, ils favorisent les
circuits courts, le contact direct avec les producteurs et les commerces de proximité. Tous
leurs événements sont pensés en plaçant l’éco-responsabilité au cœur de toutes leurs
décisions.
-Objectif zéro déchets zéro carbone : Ils ont constaté que les émissions de carbone les plus
importantes sont celles liées aux transports. Les localisations de leurs événements sont
choisies pour permettre aux festivalier.e.s de venir en train ou en bus, ou même en vélo depuis
le centre de Lyon. Ils réduisent également les distances avec leur programmation
environnementale et musicale locale. Ils réalisent autant que possible leur décoration à base
d’objets de récupération, (Bambou, tissu récupéré, palettes, pomme de pins et quelques
pinceaux sont les sources) Évidemment ils mettent en place du tri de déchets sur chacun de

139
leurs événements, et incitent chacun.e à venir avec son verre écocup (gobelet réutilisable).

Bilan Carbone sur la première édition du festival des Graines Electroniques : là où un événement classique émet
15 kg de CO2 par participant.e, ils émettent seulement 3 kg de CO2 par participant.e. Tous ces efforts ont
notamment porté leurs fruits car ils ont obtenu la certification Ecofest dès la première édition de leur festival.

-Parité et solidarité : Ils mettent un point d’honneur à inclure le plus possible les minorités
dans leur programmation. Ils souhaitent mettre les femmes et si possible la communauté
LGBTQ+ dans leurs programmations, s’ils et elles le souhaitent ; pour qu’ils et elles puissent
se représenter dans leurs événements. Graines Electroniques inclue également autant que
possible des populations minoritaires comme les migrants, notamment pour faire du bénévolat
(en partenariat avec l’association Singa). De plus, leurs événements sont accessibles aux
personnes à mobilité réduite.
Programmation artistique & environnementale
La programmation des événements des Graines Électroniques est éclectique, locale et
paritaire. La plupart des artistes sont de Lyon ou de la région, puisqu’ils favorisent l’émergence
d’artistes locaux et poussent les amateurs à se produire sur scène. De plus, cela limite
l’émission de gaz à effet de serre lié au transport des artistes. L’éclectisme provient du
mélange des genres de musique électronique : Ils ont pour ambition de montrer au travers de
leurs événements, que la musique électronique est plurielle et possède des genres très
différents les uns des autres. Aux événements des Graines Électroniques, ils passent de
l’électro-pop, de la Dub, de la Techno, de la House, de la Psy trance, de la Grime, de l’Ambient
et bien d’autres style encore.
Pour la construire la programmation environnementale, ils travaillent autour des trois
thématiques suivantes :
• Comprendre et se reconnecter à son environnement ;
• Changer le monde à son échelle ;
• Construire ensemble la société de demain ;

En fonction des événements, il peut y avoir un seul thème ou les 3.

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Exemple d’évènements créés
-Les 13 et 14 septembre 2020 à la station Mue (155 cours Charlemagne, Lyon) : OPEN
AIR Graines Electroniques - Festival éco-responsable de musique électronique :
« Rassemblons-nous autour de la musique électronique pour inventer ensemble une société
plus respectueuse des humains et de l'environnement » Un village des envies d'agir le
vendredi et le samedi, avec des conférences, des stands, des activités pour en apprendre
plus sur les thématiques environnementales. De la musique électronique, avec des artistes
locaux, la parité femme-homme et des styles électroniques variés.
Village des envies d'agir
-Ateliers sur la désobéissance civile : Extinction Rebellion Lyon
-Balade sensorielle : Nature & Sens ;
- La vie en camion : découverte et visite d'un camion aménagé ;
- Cours de Yoga ;
- Ateliers d'écoute et d'enregistrement de sons de nature et initiation électro par Le
Séquenceur ;
- Crée ta start up sociale en 2min46 et découvre le monde de l'ESS (Economie Sociale et
Solidaire) : Enactus France ;
- Ateliers créatif avec des matériaux de récupération : JW Upcycled Designs ;
- Initiation à la permaculture : Le PermaLab d'Ostara.
Musique
-ØBSXCUR - www.soundcloud.com/obsxcur (Cartes Records | Underrated )
-Ma Gda - www.soundcloud.com/magda4e
-Ayïnké - www.soundcloud.com/ayinke-music
-Double Trouble - www.soundcloud.com/doubletrouble_official (Synth Ethique Records)
-Amer & Cætera - www.soundcloud.com/cae_tera soundcloud.com/amerwestfeat
-D2MITO - www.soundcloud.com/d2mito (Anemophonics)
-RAVL - www.mixcloud.com/valère-bongmachine (TIEQS crew)
- Bagçilar - www.mixcloud.com/Bagçilar (TIEQS crew)
-Hi Rosie - www.soundcloud.com/hirosie (TIEQS crew)
-The Psithurist - www.mixcloud.com/the_psithurist (TIEQS crew)
-Baja - www.soundcloud.com/bajasounds(TIEQS crew & Pont Patton)
Préventes à prix doux :
Adhésion Obligatoire à l'association : 3€
Prix le vendredi : 3€
Prix le samedi : 4€
Capacité limitée à 250 personnes

Les partenaires
Média
Trax Magazine | http://fr.traxmag.com, Heeboo | https://heeboo.fr/, MAKEX |
https://mxfrance.fr/, Dure Vie | http://durevie.paris/, Hot Radio
Financier
Métropole de Lyon, Région Auvergne-Rhône-Alpes
Accompagnement
OIM Lyon - Osons Ici et Maintenant, Association Anciela, C'osons nous ? - Penser rond dans
un monde carré, Implid - ex Segeco, Maison des étudiants Métropole de Lyon
Technique : Tartine Prestation
-Samedi 8 mai 2021 : Conférence musicale - Voyager à son rythme Gratuit. Évènement
en ligne : En partenariat avec le festival du voyage engagé de l'association On The Green
Road, ils organisent leur deuxième conférence musicale qui portera sur la thématique du
voyage par la terre, ces sons et ces rythmes.

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Le concept : À mi-chemin entre concert live et table ronde cette conférence musicale est un
moyen de croiser les regards de la science et de l'art sur la thématique des sons et des rythmes
du voyage. Voyager à son rythme est une édition en ligne des conférences musicales :
Invité-e-s :
- Gray Umber Sky, artiste compositeur de musique électronique qui a réalisé un tour du monde
par la terre et a enregistré une banque de sons qu'il a ensuite utilisée pour réaliser son
album.https://soundcloud.com/gray-umber-sky
- Laure-Hélène qui a réalisé une thèse en neuroscience et qui a notamment travaillé sur la
sémantique de la musique. Elle réalise aussi un travail de recherche qui lui permet de
rencontrer des voyageurs à vélo et questionne leurs raisons, leurs ressentis...

-23 juillet 2020 : Les rythmes de l’eau Conférence musicale :


Seul événement qui n’a pas été annulé pendant les restrictions sanitaires du Covid : la
conférence musicale. Ils ont décidé de saisir l’opportunité de cette période pour développer un
concept qui leur tient à cœur : le regard croisé entre sciences et art, le paroxysme du mélange
musique et environnement ; A l’origine de la conférence, il y a une envie d’interpeller de
manière originale sur une thématique environnementale actuelle : quoi de mieux que de réunir
une approche à la fois sensorielle et factuelle avec des faits et des chiffres d’un côté, et la
musique pour laisser divaguer ses émotions de l’autre.
Pour cette première édition ils accueillent deux invités.e.s:
–Laurie Caillouet, hydrométéorologue spécialisée dans l’étude des sécheresses ;
–Charlie Carpovitch AKA Hypponix, compositeur de musique électronique. Les regards
croisés d’un artiste qui s’inspire de l’eau pour composer sa musique et d’une scientifique qui
travaille autour de nos usages de l’eau, de la sécheresse et des perspectives qu’ouvrent ces
réflexions dans le futur.

Projet d’un écolieu culturel


Depuis l’hiver 2020, Lindsy et Oriane, travaillent sur la création d’un écolieu culturel, le projet
« La Place ». Ce projet, parallèle à celui des Graines Electroniques, est impulsé par les mêmes
convictions, notamment celle de vivre la transition comme un mouvement positif à faire
ensemble. La Place est (sera très prochainement) un lieu de rencontre et de sociabilité, où la
musique et l’environnement se mêlent au quotidien. Cet écolieu culturel visera à faire vivre la
culture locale et créer des réflexions et des solutions concernant l’éco-responsabilité ; ouvert
à tou.te.s, ce lieu de cultures alternatives sera au cœur de la vie culturelle et associative
lyonnaise. Dans la directe lignée des Graines Electroniques, ils souhaitent proposer un lieu
pour incuber de nouvelles manières de faire la fête et renouveler les modalités de
sensibilisations. Créer un nouvel imaginaire commun autour de la transition écologique et
sociale et vivre cette transition par la fête est un élément essentiel qu’ils veulent apporter à
leur territoire. La Place est le lieu parfait pour expérimenter, créer, et vivre la transition tou.te.s
ensemble.
Programmation culturelle : Concerts live, DJ sets, médiation culturelle, théâtre, tout ou
presque sera possible à La Place. Ils se fixent différents objectifs pour faire vivre la culture
sous toutes ses formes.
Programmation environnementale : Les associations locales et les entrepreneurs engagés
feront partie intégrante de la programmation : ateliers, DIY, projections, débats, …
Lieu de vie Créer du lien, se retrouver dans un bar éco-responsable, rencontrer ses voisins et
plein d’autres personnes, développer le tissu associatif, mettre de la convivialité dans leurs
vies
Production : Formations et créations d’événements éco-responsables.

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Entretien du 29 juin 2021 de Oriane Pontet et Lindsy Reynolds, co-fondateur de
l’association « Graines Electroniques » :

Oriane et Lindsy, co-fondateurs de Graines Electroniques. Photo Jeremy Esbert

Jeremy : Succinctement, pouvez-vous svp vous présenter, présenter votre parcours et


votre rôle au sein de Graine électronique ?
Lindsy : Alors, on a des parcours assez similaires, donc c'est assez simple. Moi je vis à Lyon
à la base, j'ai fait une licence de biologie des organismes et des populations, à la fac à Lyon1
donc c'est là qu’on s'est rencontrés avec Oriane. Donc la licence, c'est vraiment étudier la
biodiversité, l'interaction entre les différentes espèces d'insectes, d'animaux de plantes et du
changement climatique aussi, et cetera. Donc du coup c'est un truc intéressant parce que
c'était plein d'histoires sur les insectes, sur les plantes et des maths, donc une licence très
intéressante. Moi, ensuite, j'ai fait une année de césure ou je suis allé vivre dans un écovillage
pendant 6 mois en Islande, qui accueil des personnes en situation de handicap, l’écovillage
s’appelle « Sólheimar », c'est la maison du soleil. Et ensuite, j'ai fait un master en gestion de
projets environnementaux à Montpellier.
Oriane : je précise aussi qu’en licence avec Lindsy, on a monté ensemble une association de
sensibilisation à l'environnement, au développement durable. Du coup, c'était du genre en
2013, 2014 quand ce n’était pas encore aussi présent, on va dire, je trouve dans les campus.
C’était le début de notre engagement et en même temps, moi, je me suis engagée avec
l’association « Anciela » à ce moment là aussi, ça date. Et donc cette licence, on l'a faite
ensemble et après moi je suis partie faire un master, à peu près pareil que Lindsy, mais au
Québec en gestion de l'environnement. Et puis la 2e partie de mon master était à Montpellier,
et après, moi, j'ai fait une année sabbatique dans un jardin éducatif en permaculture. C'est en
Belgique, en Flandre. C'était super cool aussi et du coup en fait, ce qui fait que Lindsy terminait
son master et moi je terminais mon volontariat. C'était un service volontaire européen,

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d'ailleurs. J'ai terminé mon volontariat en Belgique. On s'est retrouvés tous les 2 à Lyon en
mode : qu'est-ce qu'on fait ? Il faut qu'on trouve un travail. On a fini nos études, et en fait, on
réfléchissait tous les 2 séparément à faire un service civique. Ça, c'est un truc qui me tentait
bien. On a cherché, on a cherché. Puis au bout d'un moment, je suis tombée sur une offre de
l'association « Osons ici et maintenant . Ils sont à HEVEA, et je vois une offre qui disait en
gros : « Venez avec votre projet social ou écologique et on vous accompagne pour le faire.
Vous pouvez postuler à plusieurs ». Du coup je me dis : « Tu ne veux pas qu'on postule
ensemble ? On essaie de monter ce festival dont on rêve avec nos potes. C'était un peu le
rêve de potes de se dire : « Ouais, ça serait trop bien qu'on fasse un festival. En gros c'est
parti de là.
Lindsy : Du coup, on vient vraiment d'un groupe de potes où on adore la musique
électronique. On va en concert, on produit, on mix, etc. on était notamment lié autour de ça…
Oriane : … et de l'écologie puisqu’on avait fait nos études ensemble, tous ensemble.
En gros, « Osons ici et maintenant » proposait ce service civique et avec Lindsy, on a fait bon !
on va postuler. En plus postuler à plusieurs sur un service civique, c'était un peu un problème.
Du coup, on a postulé puis ils nous ont pris. Donc, en fait, ça peut s'apparenter un petit peu à
la transition, peut-être, parce qu'on était une promo du coup de 12 avec des projets différents.
On se faisait accompagner on se voyait genre 2 fois par mois pour plein d'ateliers sur plusieurs
thématiques de gestion de projet ou de développement personnel, Un petit peu lié à au fait de
porter un projet et tout ça. C'est là que nous on a commencé en fin 2018. En janvier 2019, on
a commencé ce fameux service civique et on a monté l'association « Graines Electroniques »
à ce moment-là.
Vous créez surtout des événements donc éco-responsable et aussi solidaire. Vous êtes
vraiment dans l'éthique de la transition écologique et solidaire. C’est bien ça ? Déjà,
quelle est la moyenne d'âge dans votre collectif ?
Oriane : En fait, c'est à peu près notre âge, la moyenne d'âge, c’est à dire 24-25 ans. Il y a
des gens un peu plus jeunes, mais il y a des gens un petit peu plus vieux.
Et du coup, vous êtes combien ?
Lindsy : Nous sommes une dizaine de membres actifs qui organisent le festival toute l'année.
Oriane : Après, c'est sûr que, au moment des événements, on a 40 bénévoles.
C’est un festival récurrent en septembre, mais comme il y a eu le COVID, ça ne nous a pas
trop aidés. Et puis à côté aussi d'autres événements un peu plus portés sur des thématiques
particulières. On essaye généralement de se greffer avec d'autres organisations. Par exemple,
on a postulé pour les « Extras du Nuits Sonores », l'année dernière et on avait été
sélectionnés. On essaye de se mettre aussi avec la ville de Lyon pour « Tout le monde
dehors », pour la fête de la musique. On essaye de se greffer, pas forcément faire des
événements produits seuls.
Est-ce que vous êtes salariés de l'association ?
Lindsy : Non. On essaie de trouver notre équilibre financier, personnel et de structure. En
gros, on a monté donc le festival, on était en service civique, donc du coup on avait de l'argent
Oriane : La première année, on était payés par, l'association « Osons ici et maintenant » donc
par l'État. On a vraiment eu de la chance de tomber là-dessus sur notre projet.
Lindsy : Du coup on a fait la première année comme ça. En septembre, le service civique
s’est déterminé et on s'est dit : « Ecoute, est-ce qu'on fait maintenant ? » et en fait on s'est
dit : « c'est con d'aller chercher un boulot ! enfin, on peut prendre ça comme une pause » et
donc du coup, on s’est dit : « comment on fait pour construire là-dessus ? » parce c'est une
expérience qui nous a vachement plu. On a des retours hyper positifs, ça faisait du sens et on
s'est dit : « comment on fait pour vivre de ça ? » et du coup, on a voulu monter une structure
pour faire du Conseil en événementiel éco-responsable, donc aller voir les organisateurs
d'évènements et les aider dans leur organisation à s’éco-responsabiliser, à prendre ces
questions climat, énergie. Et donc l'entreprise de Conseil devait avoir 3 axes : Un axe de

144
formation, donc notamment avec un public étudiant. Parce qu'on pense que c'est important
que les étudiants soient formés dans les organisations d'évènements, à prendre possession
de ces questions-là. Un axe d'organisation d'évènements. Et un axe de conseil,
d'accompagnement pour les organisations. Mais COVID, du coup, on devait aller à voir la
banque au début avril pour faire le prêt. Ça n’a pas marché. En parallèle, on a continué à
organiser des événements des « Graines Electroniques » mais on a été annulé au dernier
moment à chaque fois. Donc on a mis de côté un peu la partie « boîte de Conseil ». On a
quand même donné des cours car on avait prospecté pour donner des cours dans des écoles
événementielles pour gagner des formations sur la question d’éco-responsabilité de manière
générale, donc on a donné des cours cette année sur ces questions-là.
On est en train de ré-axer un peu notre projet en se disant qu'on avait maquetter vraiment
L’entreprise de Conseil. On avait mis des bureaux au milieu qui pouvaient accueillir des
personnes, des événements qui soient un lieu de vie, de croisement et de rencontre. Donc, du
coup on est en train de monter un écolieu culturel. C'est toujours de lier les questions
environnementales et culturelles pour sensibiliser, pousser à l'action sur la thématique
environnementale
Par curiosité, c'est quoi votre esthétique musicale lors de vos évènements culturels ?
Lindsy : Nous c'est de la musique électronique. On essaie d'être assez éclectique dans la
musique électronique. Dans la musique électronique, il y a plein de genres différents : on a du
Dub, de la techno, de la House, de la Psy-Trance, de la musique électro plus minimale et
cetera. Ce qu'on essaie vraiment de dire aux gens qui disent : « Je n’aime pas la musique
électronique ! On leur dit : ce n’est pas possible que tu n’aimes pas la musique électronique !
tu as forcément un truc que tu aimes bien, tu n’as pas écouté la bonne, celle qui te convient.
Il y a un objectif, en fait, comme on croise la sphère culturelle avec la sphère
environnementale, on essaye d’apporter de la musique électronique à la sphère
environnementale.
D'accord, c'est tout à fait compatible. Pouvez-vous m'expliquer ce que vous mettez
exactement en place en termes d'éco responsabilité ? Est-ce que vous mesurez votre
impact écologique par exemple ? Est-ce que vous avez des outils ou des moyens pour
le diminuer comme la Low- Tech ?
Oriane : En termes d’écoresponsabilité, on avance sur 2 axes : Un axe qui est plus sur
l'organisation, genre : « comment on fait pour organiser un événement le plus éco-responsable
possible ? ».
Mais je vois que vous avez déjà une expertise de par vos études aussi !
Oriane : Du coup sur l’organisation, on réfléchit sur la logistique, le transport, la
communication, l'alimentation. Et en fait l’éco-responsabilité, elle est vraiment placée au cœur
de notre organisation. Comme on a créé l'association avec cette volonté-là, dès le départ. En
fait, nous, c'est vraiment intégré dans nos process. Ce n’est pas que c'est difficile de répondre
à cette question, mais c'est tellement spontané.
Je ne me doutais pas que vous aviez autant d’expertise avec une formation
environnementale. En fait c'est pas du tout de l'amateurisme.
C'est sûr que nous, on vient de cette formation-là, mais on est plus amateur en question
Culture. Notre expertise est sur la gestion de projet et sur de la gestion de l'environnement,
l'écologie et tout ça. Mais du coup, le côté culturel, là c'était nouveau pour nous. Donc, l’éco-
responsabilité, eh bien, c'est classique : Fournisseurs locaux, enfin un truc important aussi
c'est aussi trouver des lieux pour faire les évènements qui soient accessibles en transport en
commun. Ne pas faire forcément des festivals en pleine campagne parce que du coup ça fait
qu'il faut y aller en voiture.
Même au niveau de votre programmation, vous faites venir des artistes locaux en circuit
court aussi ?

145
Oriane : Oui. Voilà, en gros la communication, on fait tout sur les réseaux sociaux. Après ça
reste totalement discutable en termes d'impact aussi. Mais, nous, on a décidé de ne pas
forcément faire de communication papier parce déjà au niveau budget, ça ne vaut pas le coup
et c'est vrai que l'impact est élevé, enfin, nous c’est les réseaux-sociaux et le bouche-à-oreille.
Lindsy : Du coup sur les questions vraiment liées à l'organisation, en fait, on se repose pas
mal sur des analyses de recherche qui, en fait, chiffrent les questions environnementales, les
impacts environnementaux liés à l'organisation d'évènements. Puis on regarde vraiment ça
pour se dire comment on fait pour diminuer chaque impact environnemental ? Bien regarder
les chiffres, c'est quelque chose qui est assez important pour nous.
Quand tu nous posais la question sur les outils, on a calculé notre impact carbone. On a essayé
de le mesurer et on a listé tous nos postes d’émissions carbones. Puis on a regardé, on a
comparé avec ce qu’on a mis en place donc avec une solution écoresponsable, et est-ce que
ça aurait été si jamais on n'avait pas mis cette solution éco-responsable et du coup, on voyait
les différences entre une organisation classique et une autre organisation. On voyait qu'il y a
vraiment un impact sur les émissions carbone. Et qu’on participait à réduire les émissions de
carbone du milieu culturel.
Oriane : Aussi juste un truc sur l’éco-responsabilité. Comme je disais tout à l'heure, il y a l'axe
organisation. Alors organiser l'événement de manière éco-responsable mais il y a aussi du
coup pour nous en tout cas, aux « Graines électroniques » toute la partie faire des ateliers sur
le festival qui pousse à l'action. Donc en gros, nous, là on la pense sur ces 2 axes l’éco-
responsabilité, à la fois dans l'organisation. Voilà, ou on se dit, il faut que notre événement, il
y a un impact le plus bas possible mais aussi en termes de programmation ou l'idée c'est
vraiment d'avoir une programmation environnementale. On a 2 programmations, on a la
programmation musicale et la programmation environnementale. On fait venir des
associations, des collectifs et on essaie vraiment de couvrir un large spectre. C'est un peu
cliché de dire ça, mais on essaie de couvrir de la gestion des déchets, genre un truc hyper
basique, hyper simple, à de la désobéissance civile, et d'avoir tout ça un petit peu sur le
festival, que les gens puissent voir. On avait Extinction rébellion par exemple à la première
édition qui faisait les ateliers, comment faire du blocage. Donc c'est ça que moi qui m'intéresse
en tout cas dans « Les graines électroniques » c'est qu’on essaie de toucher plusieurs
sensibilités.
Et du coup, l'autre question est que vous organisez aussi des événements solidaires et
paritaires. Est-ce que vous pouvez m'expliquer succinctement ? qu'est-ce que vous
mettez en place à ce niveau-là ?
Eh bien sur la parité, on essaye surtout au niveau de la programmation musicale parce que la
programmation environnementale ce n’est jamais trop un problème d'avoir la parité parce qu'il
y a beaucoup de femmes aussi dans le milieu écolo. Peut-être tu as dû l'observer, je pense ?!
Donc là-dessus, on ne se pose pas trop la question. C'est plus au niveau de la musique où là
on essaie d'avoir une parité sur le « line up » (¨Programmation) féminine et ce n’est pas facile.
Et j'imagine même au niveau du public pour avoir une parité mais d’un point de vue
solidaire, j'ai vu que vous travaillez avec l’association « Singa » ?
Oriane : On a bossé un petit peu avec eux. On devait re-bosser avec eux l'année dernière,
mais du coup il y a eu le COVID, mais on essaie de faire au mieux pour intégrer plusieurs
publics différents, et du coup, avec « Singa », on avait fait un truc sur notre premier événement
juste avant la première édition du Festival, on avait fait un autre événement et en gros c'était
sur l'initiative de « Singa » qui s’appelle « Buddy » : c'est des binômes avec une personne
réfugiée et une personne locale, et ils sont en binôme bénévoles sur des événements, sur des
festivals. Il y a « Les Nuits sonores » qui font ça aussi. On avait croisé les nuits sonores à la
réunion de « Buddy ». C'est chouette qu'on essaie aussi de faire ça.

146
Et est-ce que vous avez une politique de prix qui donne accès aux plus démunis, par
exemple ?
Oriane : Oui, on essaie de faire un évènement pas cher, et on a un tarif préférentiel. Enfin, ce
n’est vraiment pas cher ! En gros c'est à peu près 6€ la journée sachant que tous les ateliers,
ils sont gratuits, nous on paye les intervenants, nous, l'association payant les intervenants
pour les ateliers. Du coup quand tu viens au « Graines électroniques », tu payes genre 5 ou 6
€ et tu as une journée entière du concert et une journée entière d'ateliers. Et tu peux repartir
avec plein de trucs, un hôtel à insectes par exemple.
Est-ce que vous pensez que d'une manière générale le milieu de la musique
électronique a cette vocation de transition écologique et solidaire ? est-ce qu'il y a
vraiment une volonté du secteur de la musique électronique, comme par exemple le
secteur conventionnel « Les Nuits Sonores », de « Technopol » par exemple ou le milieu
plus underground de la « Free-Party » aussi parce qu'il ne faut pas oublier, ou les
partenaires institutionnels ? Est-ce que vous pensez que dans le milieu de la musique
électronique plus spécifiquement, il y a cette volonté de changer les pratiques afin de
diminuer leur impact écologique ?
Oriane : Dans le milieu des festivals, en tout cas, de musique électronique, oui carrément. Il y
a vraiment une volonté. Ça a énormément changé en peu de temps ce milieu.
Lindsy : Oui, je pensais pas mal à la crise du COVID aussi qui a fait changer les mentalités.
En fait, ils ont pris le temps de se poser et de se reposer les questions : « C'est quoi l'impact
? Quel est notre rôle au sein de la société ? la pause du COVID a permis de prendre le temps
de se reposer la question. Je ne sais pas si c'est spécifique au milieu de la musique
électronique, je pense que les milieux du festival, de la culture se reposent des questions en
ce moment, notamment à des questions environnementales. Et plus spécifiquement sur la
musique électronique, comme il y a des influences, tu vas prendre tout ce qui est « Free
party », « les dub camps Festivals », il y a quand même une idée de laisser un lieu propre
donc du coup il y a la question de la nature, de cet ancrage à la nature qui je pense, qui fait
partie d'un certain milieu de la sphère électronique.
Oriane : Mais pour la Free Party oui. Sur un endroit paumé dans la forêt, on veut que ça
redevienne un endroit paumé dans la forêt, quand on repart.
Lindsy : Enfin forcément, ils ne vont pas regarder non plus les impacts carbones, ils ne vont
pas se poser de questions. Je pense, ça va être plus sur des questions de déchets. Mais je
ne pense pas qu’ils vont forcément prendre la mesure des transports, les émissions carbones,
etc...
De toute façon, depuis la loi Mariani, c'est un peu compliqué d’organiser des Free Party.
Concernant les institutions. Je pense que la métropole, le Grand Lyon, a cette volonté
car elle est quand même passée politiquement Europe Ecologie Les Verts. Mais est-ce
que vous pensez que par exemple que la Direction Régionale des Affaires Culturelles,
est-ce qu'ils ont cette volonté d'inclure la transition écologique ?
Oriane : En fait, ça commence de plus en plus, ne serait-ce que par exemple, le réseau des
Scènes de Musiques Actuelles, la DRAC qui ont des ateliers là-dessus, il commence à y avoir
des groupes de travail qui se montent sur ces questions-là. Mais enfin, il y avait déjà un peu
une attirance sur la thématique éco-coresponsable, avant le COVID. Mais comme disait
Lindsy, le COVID, ça a permis de vraiment se poser sur ces questions-là, surtout pour les
personnes qui ne se les étaient pas posées.
Lindsy : Je voudrais rajouter 2 choses : la première qu’il y a the « Shift Project », c'est une
association de Jean-Marc Jancovici qui travaille sur les questions de transition, de l'économie
française pour une société résiliente et du coup ils ont tout un plan sur la transition du secteur
culturel hyper intéressante et en ce moment, ils ont sorti leur rapport. Et la 2ème chose que je
veux dire, je pense aussi sur les questions sociales, notamment le milieu techno est très porté
sur les questions LGBTQ (Lesbienne, bisexuel, gai et trans et queer) et je pense, que ça fait

147
aussi partie de la transition écologique et solidaire que de prendre en compte les humains qui
vivent dans la société et donc du coup de les accepter, accepter les différences. Je pense que
la musique électronique porte aussi ce message de tolérance.
Avez-vous, vous-même changé vos habitudes, votre façon de vivre et de consommer
pour limiter à votre échelle ton impact sur la planète ? En se référant à la citation de
Ghandi « Sois le changement que tu veux voir en ce monde », qu’avez-vous mis en
place personnellement ?
Oriane : eh bien, de toute façon, ça a surtout commencé pendant notre licence où on est
devenu végétariens. En fait, on a juste eu un cours sur les changements climatiques et on a
fait Ha ! Ok ! en fait, manger de la viande, c'est chaud, du coup ça c'était un truc qui pour moi
m'a vraiment mis une claque quand j'avais vu en fait juste les chiffres. Après on n'a pas tout à
fait les mêmes habitudes de vie avec Lindsy. Enfin moi je sais que je consomme local en vrac,
j'essaye de vraiment d’acheter que du reconditionné de tous les appareils électroniques, de
les pousser jusqu'au maximum de vie.
Lindsy : Je suis végétarien aussi, j’évite de prendre l'avion, déplacement majoritairement à
vélo. Du coup, on milite pas mal aussi dans notre groupe de pote, quand on veut faire des
randonnées ou lieu d'aller en voiture, essayer de prendre le vélo et ce genre de chose.
Qu’est-ce que vous apportent vos événements culturels ? et que souhaitez-vous
apporter au public ?
Lindsy : je pense pas mal de satisfaction. Enfin, quand tu organises un évènement, tu bosses
pendant 6 mois et tu as le stress qui monte petit à petit, tu vois les choses qui arrivent et tout
s'accélère et le jour de l'événement, il y a vraiment un relâchement tu vois les choses qui
roulent et donc du coup c'est hyper satisfaisant du coup de voir ton travail accompli et puis
aussi toute l'ambiance qui va avec et en fait, nous pour la première édition des Graines
électroniques, il y avait vraiment une ambiance de bienveillance, tout le monde avait le
« smile ». C'était assez fou ! Enfin, on a un événement qui est un peu notre image, je pense,
et du coup le fait de l'ambiance qui était sur le festival, je pense que c'est, c'est l'ambiance
qu'on a voulu mettre et du coup de s'apercevoir que voilà il y avait vraiment une cohésion.
Et qu'est-ce que vous souhaitez apporter au public ?
Oriane : On essaie de montrer que la transition sociale et écologique, ça peut être un
mouvement positif et qu’il faut le faire ensemble. Et du coup, nous, à travers nos événements,
on essaye de d'apporter ça au public, de dire : « Eh Bien ! voilà, regardez en fait, peut-être
que vous ne vous en êtes même pas rendu compte, mais en fait vous étiez un évènement 100
% éco-responsable. On a essayé de tout penser pour que l'impact soit le plus faible possible
et vous en êtes sortis, quoi ! et en fait vous vous êtes amusés, c'était sympa. » Alors, il y en a
qui viennent vraiment parce que justement ils ont envie de s'informer plus. D'autres qui étaient
là juste pour le son et finalement, ils sont repartis avec d'autres trucs en tête. Et nous, c'est ça
qu'on veut, vraiment rassembler, autour de la musique.
Lindsy : En repartant, ils disent : « J’étais à un festival écolo et c'était cool ! » Et du coup, on
inscrit comme ça cette image de mouvement écolo comme un truc chouette !
D’après vos observations, pensez-vous que vous apportez des déclics, des prises de
conscience écologiques et sociales ? Même à ces personnes qui viennent juste pour la
musique électronique ? pensez-vous qu’il y a un impact dans votre entourage, sur le
territoire ou vous êtes installés ou même au-delà ?
Oriane : Je pense que l'impact là où il est le plus visible, c'est sur notre entourage, je trouve.
Parce que du coup, tu fédères finalement tes potes, tu fédères ta famille. C'est sûr que je
pense que sur notre groupe de potes et sur les groupes de potes un peu qui sont associés à
notre groupe. Eh bien on a eu un impact super fort parce que du coup ça c'est sûr ça se voit.
Après sur le public c'est toujours difficile de dire est-ce qu'ils sont repartis avec des déclics, ça
je ne sais pas.

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Lindsy : On a des témoignages de gens. Par exemple, il y avait « Extinction Rebellion » sur
le jour J du festival et du coup, le lendemain, il y avait une action de blocage et puis il y en a
qu'ils ont rencontrés au Festival qui sont allés bloquer avec eux le lendemain. Donc du coup,
tu as des actions comme ça et il y a des rencontres un peu comme ça. Je ne sais pas s'il y a
forcément des déclics, vraiment des changements bruts dans des décisions, et cetera. Mais
je pense qu'on participe en tout cas à ce truc de changer les mentalités.
Oriane : Je veux juste dire que nous on a décidé de faire ça, de vivre la transition comme un
mouvement positif. Mais je pense que ça peut être vécu de plein de manières et juste nous on
propose une option qui n'est pas l'option unique, je veux dire le militantisme est hyper
important. Enfin, tout est super important, juste nous, on a cette brique-là. Mais ça ne veut pas
dire que, pour moi, les autres n'existent pas, et qu’ils sont moins importants.
D'accord, parce que je vois très bien ce que vous voulez dire parce que d’un point de
vue positif aussi, parce que quand tu fais la fête, c'est aussi pour fédérer, c'est le
partage, c'est le lien social et c'est vrai qu'il y a plusieurs formes aussi pour moi. Par
exemple, je vois dans le clown activisme, on utilise la dérision et l'humour. Et du coup
chacun a sa façon de pouvoir changer les mentalités.
Avec le contexte sanitaire du Covid, et le ralentissement voire l’arrêt du secteur
artistique et culturel, avez-vous été résilients ? je parle dans votre collectif ? « Graines
Electroniques » et Comment avez-vous compensé ce manque d’activité ?
Lindsy : En fait, je pense que c'est un peu réinventé sur les formats. On savait qu’on ne
pouvait pas faire, de fait, d'évènements debout, dansant et cetera. Du coup, on a testé un
format qui s'appelle les « conférences musicales ». L'idée c'est d'inviter sur scène, un ou une
artiste de musiques électroniques qui compose de la musique et qui est touché par une
thématique environnementale particulière. Et inviter un ou une scientifique, un étudiant qui a
une connaissance sur ce sujet-là. Du coup, l'idée c'est de les inviter tous les 2 sur scène et
d'échanger, croiser les regards, en fait, sur cette thématique avec une approche d’apport de
connaissances et un apport du coup, musical. La première conférence était sur la thématique
des rythmes de l’eau. L'artiste avait fabriqué une batterie avec des samples d’eau. L’idée est
que l’artiste dise : « Cette musique représente le voyage, le trajet d’une goutte d’eau depuis la
montagne jusqu’à la mer, etc… » Et du coup, après il y avait une hydro-climatologue qui parlait
à côté et qui expliquait le cycle de l'eau, la thématique de sécheresse. Donc on a proposé ça
et on a fait un premier test à la sortie du premier confinement et donc cette année, on a
organisé pas mal de conférences musicales. Être sûr qu'on puisse organiser des événements
qui parlent en même temps de musique et à la fois d'environnement pour pouvoir croiser ces
sphères.
D'accord et donc, selon vous, quelles sont les conséquences quand justement la
dimension culturelle et artistique n’existe plus dans votre secteur de l’évènementiel
culturel et aussi auprès du public ?
Oriane : eh bien, nous on n’existe pas s’il n’y a plus de secteur culturel.
Est-ce que pour vous, l’art et la culture sont un « besoin essentiel », comme la
nourriture, comme ce qui s‘est passé pendant le confinement ?
Oriane : Oui, il y avait plein de débats là-dessus. De toute façon oui, c'est essentiel et non, ce
n’est pas essentiel, genre on peut vivre sans, mais c'est nul. C'est sûr que nous, on ne pouvait
plus rien faire, ce n’était pas fou. Et puis pour moi, c'est essentiel dans nos sociétés, dans le
sens où on a besoin de ça aussi pour imaginer des nouvelles choses, pour se rencontrer, pour
enfin vivre des trucs positifs ensemble. Donc c'est sûr qu’en ça, c'est essentiel même si je
comprends le gouvernement qui s'est dit. : « Oui ! ce n’est pas comme boire, manger et
travailler ». Mais, effectivement sans culture ce n’est pas viable !
Lindsy : C'est ça, ça allait tant que c'était une pause de se dire : « voilà, on se confine, pas
de soirée pendant le confinement, OK ! mais si on n'a pas de date de réouverture, c'est là où

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ça devient problématique, parce du coup ton moral, il est sapé, tu ne peux pas te projeter sur
l'avenir. Ça fait des générations un peu tristes.
Oriane : Mais c'est sûr que l'année 2020 elle était méga triste. Pour nous en tant que Créateur
d'évènements culturels, mais même en tant que consommateurs de culture, il n’y avait rien,
pas de festival, etc...
Alors je vais vous dire que les conclusions d’un rapport scientifique du Bureau régional
de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 11 novembre 2019, atteste que « L’art
peut être bénéfique pour la santé, tant physique que mentale », que ce soit la musique,
le théâtre, etc… Qu’en penses-tu ?
Oriane : Ah oui, mais c'est sûr. Evidemment. Enfin moi je suis totalement d'accord.
Lindsy : Mais physique, moi je le vois bien parce que j’ai l'habitude d'aller danser jusqu’à 4h
du matin, ça tient un peu la forme. Eh bien ! là ! je ne faisais plus de sport.
Et pensez-vous que le secteur de l'art et de la culture, notamment dans le milieu de la
musique électronique est moteur de cohésion sociale ?
Le théâtre, etc… Qu’en penses-tu ?
Oriane : Oui, à différents niveaux. Ce n'est pas oui pour tout mais il y a plein de choses qui
sont moteurs de cohésion sociale. Enfin, comme disait Lindsy tout à l'heure, déjà le milieu par
exemple de l'Électro, notamment la techno qui est vachement inquisition vers les
communautés LGBT. Donc, oui, mais je pense qu'il y a du travail en fait pour rendre le milieu
de la musique électronique encore plus accessible. Typiquement, les initiatives de « Singa »
justement pour dire : « voilà, il y a des réfugiés qui peuvent venir au Festival électro. » Je
trouve que c'est trop bien parce qu’on voit beaucoup de blancs quand même. Il y a plein de
travail à faire et aussi sur il y a plein de truc-là qui sortent aussi sur « Décoloniser les
Dancefloors », « Décoloniser la culture ». Enfin, justement, que les minorités, aussi raciales,
elles puissent aussi se sentir à l'aise.
Lindsy : Je pense que les gens qui ne sont pas habitués au milieu de la musique électronique,
la première fois qu'ils peuvent venir sur « Dancefloors », je pense, ça peut être un peu un choc
parce qu’il y a quand même pas mal de codes, et donc du coup, je pense, à une espèce de
rejet, comme par exemple sur un festival « Psytrance », tu vas voir des gens en jupe ou
certains qui prennent des drogues et du coup ça peut choquer, ça peut être un frein pour
certaines personnes.
Oriane : Mais je pense que ça peut être moteur de cohésion sociale, mais je pense qu'il y a
pas mal de travail là-dessus, sur l'inclusion des publics, même ne serait-ce que pour les
personnes en fauteuil roulant. Nous, on essaye de travailler là-dessus, que les lieux soient
accessibles PMR.
Lindsy : ça fait partie des critères de recherche quand on regarde si le lieu est accessible en
transports en commun. On essaie de regarder aussi c'est le lieu est accessible PMR.
Est-ce que vous pensez que la musique électronique, dans ces moments festifs, peut
nous aider à nous évader des réalités écologiques, sociales et humaines, tel un exutoire
contre l’éco-anxiété par exemple ?
Oriane : Nous on essaie de se dire c'est un peu pour faire la fête, pas pour oublier ses
problèmes mais justement pour se rassembler autour de ça et en discuter plus aux « Graines
Electroniques » on essaie de faire ça mais sinon oui je pense que pour certaines personnes
ça peut être un exutoire. Après, nous, on essaie de pas se mettre là-dedans aux « Graines
Electronique ». Mais ça ne veut pas dire que les autres endroits ce n’est pas le cas.
Lindsy : Mais le côté transcendantal de la musique ou tu rentres et tu es happé dans le son
et en fait, tu te perds dans le son, et ça fait partie du phénomène d’exutoire.
Oriane : Je pense aussi que c'est important aussi d'avoir ces espaces-là. Mais carrément faut
juste pas que ça devienne systématique, je pense.
Mais alors, Est-ce que vous pensez que la musique électronique, dans ces moments
festifs, peut aussi changer notre perception du monde, vers des imaginaires capables

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d’engendrer des projets concrets qui ont un impact positif pour la planète et la société
?
Oriane : Il y a plein d'exemples aujourd'hui de festivals qui font ça, je pense à « We love
Green » à « Solidays ». Enfin, au-delà des « Graines électroniques », parce qu'on est tout
petit, mais c'est genre tu vas à un festival pour t'amuser, mais tu y es aussi pour apprendre
des choses, pour des raisons particulières, pour « Solidays », tout le monde sait que c'est pour
solidarité sida. Il y a plein de trucs là-bas qui parle de ça, on dirait que ça peut être moteur de
se dire : « Eh bien ! je vais passer à l'action ou ce genre de choses »
Oui, mais je veux dire dans le sens ou la musique électronique peut nous porter dans
des imaginaires ? car des fois, la musique électronique, ça peut être des films de
science-fiction.
Oriane : Ah oui, carrément.
Lindsy : Je ne sais pas si ça va dans le sens que tu dis mais quand tu vois des « Teufs » de
Trance, Techno qui ont été coorganisée, en autogestion, etc... Là, tu peux aussi imaginer de
nouvelles choses en disant : « En fait, ça s'est fait assez naturellement ou les gens sont venus,
ils ont apporté leur système son, et cetera. En fait, ça te pousse à imaginer un autre mode de
fonctionnement où tu sors du rapport capitaliste et marchant enfin, tu vois l'exemple des Free
parties, je pense assez typiquement à ça : personne ne paye, il n’y a pas un organisateur qui
est forcément désigné en tant que super organisateur, etc. C’est juste des gens qui viennent
et ils s'organisent entre eux et il y a quelque chose qui émerge de ça, et donc du coup je pense
que ça fait partie des choses où tu peux imaginer d'autres modes de fonctionnement que des
festivals où tout est organisé de A à Z.
D’une manière générale, pensez-vous que l’art et la culture ont un rôle à jouer dans nos
défis écologiques, sociaux et économiques de notre société ?
Lindsy : Oui, carrément. Nous, on s’inscrit clairement là-dedans. C'était une conférence de
Pablo Servigne, qui parlait de la décroissance, en gros il disait : « généralement la
décroissance s'est montrée avec la courbe de la richesse qui monte, qui monte, c'est la
croissance et après tu as décroissance, donc du coup c'est la richesse du pays, de ta société
qui décroît, qui va vers le bas. On peut retourner cette courbe car on s'est enfoncés dans les
énergies fossiles et on est descendus dans une mare dégueulasse et en fait là on en ressort,
on sort des énergies fossiles et en fait on essaie de remonter à l'extérieur de cette mare. Et en
fait, c'est tout le rôle des artistes, de la culture de participer à ce que cette vision de remontée,
que ça soit une remontée vers une sortie plus écolo, plus joyeuse qu’une redescente de la
richesse. » Donc du coup, voilà les artistes peuvent inverser la courbe.
Oriane : La culture et l'art peuvent participer à créer des récits qui sont désirables, des
imaginaires communs vers lesquels on a envie d'aller. Ça passe par le milieu culturel.
Donc vous connaissiez le mouvement des écolieux. J'étais vraiment surpris de voir sur
votre site, justement, que vous portez un beau projet d’un écolieu culturel, donc il
s'appelle « La place ». Succinctement, est-ce que vous pouvez me le présenter ?
Oriane : Donc, on est en train de monter ce projet « La place ». Enfin il est monté, on cherche
un lieu où l'idée c'est vraiment un petit peu le concept des « Graines Electroniques » mais sur
un lieu fixe où on mélange culture et environnement sur une programmation mixte un peu donc
avec des ateliers environnementaux, avec une culture qui soit accessible, qui soit apprenante
dans ces idées-là, et puis qu'il soit ouvert au plus grand nombre. Donc on essaie d'avancer là-
dessus.
Vous êtes combien dans ce projet ?
Oriane : On est juste tous les deux.
Lindsy : Du coup, on essaye d'avoir un projet où on peut se servir dessus pour avoir un
équilibre, un équilibre personnel et économique qui roule.
Oriane : On veut le faire en zone urbaine, sur Lyon ou sa périphérie. L'idée est d’avoir un
format de bar avec une scène, et cetera. Avec un modèle économique de bar.

151
L’idée, ça serait de ne pas vivre dessus, ça serait un lieu pour les habitants du quartier. Pas
forcément en lien avec le mouvement des écolieux genre de Pierre Rabhi. Plus un Tiers lieu.
Je dirais qu’on utilise le terme écolieu culturel juste pour montrer qu'il y a le côté éco et le côté
culturel. Mais, ça ne s’inscrit pas dans la définition d'un écolieu. Nous c'est vraiment plus un
lieu qui serait ancré dans un quartier qui soit ouvert. Un lieu en collaboration avec toutes les
associations locales qui viendraient faire une programmation aussi. En gros, un lieu qui soit
partagé et pas en termes d'habitat, mais plus en termes de gestion, d'occupation, etc…
D'une manière générale, qu’est-ce que les activités artistiques et culturelles des
écolieux peuvent apporter au sein de leur communauté/collectif et sur le territoire ou ils
sont installés ?
Lindsy : Je pense qu’ils sont la visibilité. La culture, ça attire beaucoup. On est en formation
ce matin sur les questions de décarboner à la culture et il disait : « La question de loisirs et de
culture. C'est la 3e cause de mobilité pour les Français. Donc les Français se déplacent pour
aller manger, pour aller faire les courses, pour travailler. Il y a la 3e cause, c'est pour aller
consommer la culture ou faire du sport. Et donc du coup, le fait d'avoir de la culture sur un
écolieu, ça permet d'attirer les gens.
Oriane : De faire connaitre son projet et d’ouvrir les écolieux à des personnes qui seraient
plus réticentes. C'est ça je trouve, qui peut être intéressant justement, dans un écolieu, il y a
du culturel et de l’artistique, c'est de sortir de « l'entre-soi » grâce justement à la sphère
culturelle pour ramener des personnes différentes. C'est beaucoup plus simple de ramener
des personnes différentes grâce à la culture que juste avec l’éco-responsabilité ou le côté
« éco ». Parce que le côté « éco » risque d'attirer des personnes déjà convaincues. C'est un
peu le truc compliqué, je trouve, les écolieux. Et c'est pour ça que nous, on avait aussi envie
de créer un lieu où il y ait culture et environnement. C'était justement pour essayer de sortir de
l'entre soi aussi.
Est-ce que vous pensez que les activités culturelles, artistiques, des écolieux peuvent
porter plus facilement des messages de lutte et aussi de sensibilisation à la transition
écologique et solidaire ?
Lindsy : Oui, carrément. En fait, quand tu choisis ta programmation, tu peux vraiment mettre
en avant des artistes qui sont engagés ou des choses qui font sens. Mais ou pas, en fait, tu
peux aussi avoir une programmation qui n’a pas forcément de portée politique ou avec un
message. Outre le fait d'attirer des gens vers toi et donc d'attirer vers un mode de vie, une
réflexion. Si tu prends juste le côté programmation culturelle, je pense que c’est intéressant
d'avoir un message dans cette programmation et de la pensée, et pas juste qu'elle soit un
empilement d'artistes un peu tirés au hasard qui viennent sur ton lieu. Du coup de penser une
programmation qui soit aussi militantes et qui porte un message.
Et ! Bien je finirai sur ça, je vous remercie infiniment.
Lindsy : Juste, je voudrais rajouter un truc que j'avais marqué. C’était sur l’impact qu'on a
aussi sur les autres organisations d'évènements. En fait, comme nous, on est connoté
« Musique électronique et écolo », du coup, tu entends d'autres organisateurs de musique
électronique qui viennent et nous posent des questions, ils disent : « OK, vous êtes « Ecolo »,
et comment vous faites ? ou ce genre de choses », et donc du coup ça attise un petit peu la
curiosité. Ça fait qu’eux aussi vont se remettre un peu en question de manière un peu indirecte,
un peu un peu diffuse. Et je pense qu’on a un peu aussi un impact dans l'écosystème. Du
coup, on prouve que c'est possible de faire de la fête et d'être écolo en même temps, même
sans aller aussi loin.

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Annexe 5 : Fiche artiste : Patricia Buffet – Solo de Clowne :
I.S.F : Igrid Sans Frontière

Photo de Adéle Girot-Daquin

Cursus artistique :
Cela fait maintenant une douzaine d’années que Patricia Buffet pratique le métier de
comédienne. Elle se spécialise depuis 6 ans dans la pratique du clown.
Elle a participé à la création d’un duo à la sortie de son école de théâtre « Arts en scène »
(Lyon) : « Seuls » dans lequel elle a créé la Clown-e Igrid. (Joué dans les scènes découvertes
de Lyon)
Puis elle a continué sa formation lors de stages (Hugues Fellot – Cirque Plume), de master
class (François Cervantes et Catherine Germain) et de la formation professionnelle au CNAC
de Châlons-en-Champagne « Le Clown à L’épreuve de la piste » (avec Cédric Paga, Paola
Riza, Adèle Nodé Langlois et Gilles Defacque).
C’est donc à cette occasion, qu’elle rencontre Gilles Defacque, Clown, auteur, metteur en
scène et directeur du Prato.
Admirant son travail engagé auprès des différentes causes populaires et son naturel
clownesque et poétique pour aborder les choses, Patricia lui demande d’être son co-auteur
pour la création d’I.S.F : Igrid Sans Frontières.
Solo de clowne : Igrid Sans Frontières.
Coproduction avec Le Prato, théâtre international de quartier, Pôle national Cirque.
Spectacle de 50 mins / à partir de 6 ans
Artiste clowne : Patricia Buffet
Co-auteur : Gilles Defacque
Création 2020
Synopsis du spectacle :
« Elle est pourchassée, elle débarque...gilet de sauvetage

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Valises grand cabas sac à dos tout alourdie comme rescapée de quelque naufrage ou
échappée d’une cale de négriers... elle se pose un instant parmi nous, avec nous, comme ces
oiseaux migrateurs et nous livre son désarroi : vous êtes qui ? on est où ? …
Les clowns sont des « revenants » ... Igrid revient de loin...avec son visage tout ‘ encarnavalé ’
elle livre sa part de créolité retrouvée… » Gilles Defacque
Cela fait maintenant une douzaine d’années que Patricia Buffet pratique le métier de
comédienne. Elle se spécialise depuis 6 ans dans la pratique du clown.
Elle a participé à la création d’un duo à la sortie de son école de théâtre Arts en scène (Lyon)
: « Seuls » dans lequel elle a créé la Clown-e Igrid. (Joué dans les scènes découvertes de
Lyon). Vidéo des 12 premières minutes de « I.S.F : Igrid sans Frontière »
La Cie du Chantier Collectif, Lyon
Composée de quatorze jeunes artistes, elle est issue de la promotion 2012/2013 de la
formation théâtrale professionnelle Arts en scène de Lyon. L’action artistique du Chantier
s’engage à améliorer et à rénover le monde qui l’entoure. La Cie a la volonté que son travail
implique le plus de personnes possibles : quels que soient leur âge, leur nationalité et leur
appartenance sociale. C’est pour cela que la Cie propose d’amener le théâtre autant dans les
salles de spectacles qu’en dehors des lieux conventionnels (foyers de demandeurs d’asiles,
résidences seniors, collèges, lycée, rue…) comme outil à la rencontre et au lien social.
Le PRATO
Théâtre International de Quartier, Lille a implanté depuis l’origine dans les années 70, dans le
quartier populaire de Moulins, le Prato ; c’est un lieu où créer, où vivre un théâtre de
maintenant, ouvert sur les autres et à l’écoute de ce qui naît. Avec des résidences et une
programmation à l’année dans ses deux salles, des « Caravanes » et des partenariats avec
les structures du territoire. Pôle National des Arts du Cirque, le Prato accompagne la jeune
création circassienne et propose des rendez-vous sous chapiteau et dans l’espace public tels
que « Les Toiles dans la Ville ». Ce sont aussi des spectacles « maison » écrits et mis en
scène par Gilles Defacque, qui explorent les formes les plus multiples du rire et de la poésie.
Un lieu - une démarche, la démarche d’un lieu. La Folie - Prato quoi !
Le Prato est subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de
Lille, la Région Hauts-de-France, le Conseil départemental du Nord, la MEL.

Entretien du 14 juillet 2021


Ton solo de clown I.S.F traite de l’exil et de l’immigration ? Ton spectacle est donc
plutôt à caractère social, politique et engagé, pourquoi as-tu fait ce choix artistique ?
(Dialogue Interculturel, cohésion et inclusion social)
Instinctivement dans un premier temps parce que le clown travaille beaucoup en improvisation
et c'est un thème qui est ressorti lors d'exercices dans un stage professionnel que j'ai fait à
Châlons-en-Champagne qui s'appelle « le clown à l'épreuve de la piste », donc c'était un stage
pris en charge par l’AFDAS. Je me suis mise dans ce stage avec l'idée de créer un solo mais
je ne savais pas encore du tout de quoi ça allait parler. Et le début du stage, on a fait les
premiers temps, on n'avait pas le droit de parler, il fallait travailler que sur le corps, sur l'écriture
du corps, avec des intervenants comme Paola Rizza qui est professeur issu de l'école Jacques
Lecoq. Donc cette école est en fait vraiment basée d'abord à partir du corps et ensuite la parole
arrive, donc c'était au bout de la troisième semaine de stage, ma clowne est arrivée sur scène
et en fait elle n’en pouvait plus, parce qu’on nous a empêché tellement de parler que du coup,
elle avait l'impression de plus exister et il y a une prof qui s'appelle Adèle Nodé Langlois qui
m'a dit : ok tu veux parler mais de quoi tu veux parler. Et puis ma clown, « Igrid », a dit : je ne
sais pas, il y a plein de choses dont on peut parler par exemple, on peut parler des gens qui
se noient et là j'ai senti dans le stage que ça avait fait un gros un gros froid, et en fait, j'ai aimé
ce froid là et j'ai pris conscience que ok, un clown ça parle mais de quoi ça parle ? En fait, le
clown a une puissance qui permet de toucher aussi des tabous et je me suis dit que c'était
dans ça que je voulais aller. Et après, une fois qu'on a digéré, que j'ai digéré ce stage, quand
je me suis repenchée sur l'écriture du solo, eh bien je me suis basée sur ça. Les gens qui se

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noient, ce sont d'abord les migrants, ensuite il a fallu que je le rapporte aussi à mon histoire à
moi, comme je suis réunionnaise. C'est vrai que quand on travaille sur un solo, on est obligé
de parler de soi, c'est comme quelqu'un qui fait un roman autobiographique, donc j'ai parlé de
mes origines réunionnaises et voilà, migration s’est transformée en exil, exil s'est transformé
en rapport de pouvoir qu’il peut y avoir entre la métropole et les colonies, donc la colonisation,
donc le rapport de pouvoir qui est aussi par rapport à l'esclavage. Du coup ce qui m'intéressait,
c'était de montrer qu'un exilé, un migrant a aussi une identité derrière, ce n’est pas juste un
migrant.
Qu’est-ce que t’apporte profondément, à toi-même, ton travail artistique avec ce clown,
ISF ? C'est vrai, que le fait d'avoir travaillé le solo avec un co-auteur, qui s'appelle Gilles
Defacque donc, j’ai travaillé l'écriture avec lui, au Prato, scène nationale de cirque de Lille.
Donc, le fait d'avoir travaillé avec quelqu'un extérieur à moi, ça m'a permis de toucher des
choses qui étaient vraiment enfouies en moi, donc mes origines réunionnaises. Moi toute
seule, je n’y serais pas arrivée à mettre en place tout ça sur scène, toute l’écriture. C'est
vraiment lui qui m'a poussée à aller dans la reconnaissance de mes racines, de mon identité,
et du coup de mon identité artistique. J'ai l'impression que ce spectacle-là, si je n’arrive pas à
le tourner plus tard, ça me permet, en fait, de m'unifier. Je ne sais pas si ça c'est assez clair
mais ça permet d'être unique sur scène, ça m'aide à avancer.
Et que veux-tu apporter au Public ? Qu'est-ce que je veux apporter au public ? Eh bien, tout
simplement que le public puisse parler de ce thème-là : De l'exil, des migrants, des gens qui
se noient. Je ne suis pas là pour faire la morale, mais j'ai envie de soulever ce thème-là. Mais
c'est vrai que la dernière fois, par exemple, j’ai participé à un cabaret clown dans le Beaujolais
avec le « collectif Dé’tracteurs » et le cabaret de clown, c'est 10 minutes de numéro de
différents clown-e-s et ça s'enchaîne très vite, donc, c'est vrai que c'est un petit peu difficile
d’arriver avec ce thème là sur scène, au milieu de clown-e-s qui sont très drôles. Et en fait,
c'est vrai que ce froid que j'ai ressenti dans un premier temps lors de l'improvisation, lors du
stage, le fait de l'assumer sur scène, c'est très difficile, mais derrière, je me dis bon ! bien ! des
gens, peut-être qu'ils rentrent chez eux, en ayant l'idée de tous ces clown-e-s et peut-être
qu’au moins, le fait d'exister, de faire exister l'exil dans le clown, et bien ça leur a permis aussi
de s'en souvenir. Et ce n’est pas un thème qui passe à la trappe des informations au bout du
10 -ème titre, dire il y a de plus en plus de morts dans la Méditerranée, parce qu'à force de
l'entendre tous les jours, eh bien, on l’oublie. Et, le fait que ça soit dans un spectacle, que les
gens viennent pour se divertir, eh bien ils ne s’y attendent pas, et j'espère que ça les marque
d'autant plus.
Donc, tu portes des messages de lutte et de sensibilisation aux droits humains. D’après
toi, tes observations, penses-tu que tu apportes des déclics, des prises de conscience
? penses-tu qu’il y a un impact, que tu as remarqué, dans ton entourage, sur le territoire
où tu es installée ou même au-delà, avec ton spectacle ? As-tu des exemples ?
C’est par rapport aux enfants surtout qui voient le spectacle. C’est vrai qu’il y a une scène où
Igrid, la clowne, cherche ses papiers et c'est vrai que c'est un thème qui revient beaucoup
dans le spectacle. Du coup les enfants, après sortent du spectacle en demandant à leurs
parents, qu'est-ce que c'est des papiers, tout simplement, si des papiers d'identité. Rien que
le fait qu’ils posent des questions, oui, ça peut donner des déclics. Après, je ne l’ai pas encore
assez joué, à cause de la situation sanitaire, et j'attends encore de pouvoir le partager avec le
public et de voir de réels déclics qui peuvent se faire, et moi ça me rassurerait aussi beaucoup
de voir qu’il y ait des déclics, parce que pour l'instant c'est un petit peu difficile à assumer ce
spectacle-là juste à en parlant.
Tu fais partie de la Brigade Activiste de Clown-e-s de Lyon, qu’est-ce que ça t’apporte
et que veux-tu apporter au public ? Mon entrée dans la brigade activiste de clown, ça a été
aussi dû à un empêchement, à cause du coronavirus, de jouer justement « ISF : Igrid Sans
Frontière », donc le solo de clown. Et j'avais besoin de faire sortir ce personnage parce que le
clown ce n'est pas simplement retranscrire le spectacle que j'ai écrit, mais le fait, de sortir le
personnage avec un gilet de sauvetage orange fluo, avec, comment elle est habillée, tout ça,
moi ça m'a permis, en fait, de m'exprimer tout simplement, en tant qu'artiste. Donc au premier

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abord, c'est un engagement artistique pour pouvoir continuer à travailler d'une manière ou
d'une autre, et ensuite, moi ce que je veux apporter au public avec la Brigade Activiste de
Clown-e-s, c'est tout simplement faire une manifestation dans de la joie aussi, parce que c'est
vrai que dernièrement les manifestations ont été assez violentes. Il y a eu aussi un événement
qui s'est passé au Chili, il y a eu beaucoup de manifestations, c'était cet été il semble, ou juin
dernier, il y a eu beaucoup de manifestations au Chili à cause de ce qui s'est passé
politiquement, je me rappelle plus trop exactement, mais j'ai entendu dire qu’il y avait une
clowne qui avait été assassinée par des policiers, et qui était connue pour faire des
manifestations, et je pense que c'est un petit peu en sa mémoire aussi que j'y suis allée. En
tout cas, en attendant que le public ait des déclics, c'est moi qui en ai eu, après, c'est sûr que
si ça part de moi, peut-être que ça influencera aussi les autres.
Est-ce que tu crois que c’est parce que le secteur culturel et artistique peut faire passer
des messages de protestation, de lutte, que c’est pour cela que ce secteur a été muselé
par l’état pendant la période de crise sanitaire ? Moi je ne pense pas qu'il y ait une
obligation. Chaque artiste doit exprimer comme il le souhaite. S'il y a des artistes qui ne
souhaitent pas être engagés, ils ne s’engagent pas. Je ne vais pas leur en vouloir, mais moi
personnellement, oui c'est comme ça que j'ai envie d'écrire, que j'ai envie de m'exprimer, j'ai
envie que ça serve à quelque chose. Après est-ce que c'est à cause de ça que ça a été muselé
par l'État pendant le Covid, je n’en suis pas sûre, je pense que c'est vraiment une question
sanitaire. On a eu très peur de ce Coronavirus, donc du coup, ils ont tout arrêté. Après oui il y
a une forme d'injustice que les salles de spectacle, elles ont été fermées. Je pense qu’il faut
qu'il y ait un engagement, un message à faire passer, après c'est toujours difficile d'utiliser le
mot « politique », ça m’est toujours un petit peu difficile de dire : « une action artistique est
forcément politique », je pense qu'une action artistique, elle est forcément avec un message
de l'artiste derrière, ça c'est sûr, chaque artiste, on est tellement différent, que chaque artiste
à des messages différents aussi. Parce que, quand je vois des gens qui se basent seulement
sur un engagement politique, du coup l'artistique n'existe plus, ça devient que de la politique,
mais ça devient aussi des gens qui font des chroniques à la radio et qui sortent des choses le
plus choquant possible pour se faire connaître, et donc du coup l'engagement derrière il est
tellement fort que, en fait, les gens ils cherchent qu’à choquer.
Avec le contexte sanitaire du Covid, et le ralentissement voire l’arrêt du secteur
artistique et culturel, as-tu été résiliente ? Comment as-tu compensé ce manque
d’activité ? Je l'ai compensé, comme je l'ai dit tout à l'heure, en m'engageant dans la Brigade
Activiste de clown-e-s, je l’ai compensé en me remettant à dessiner aussi chez moi, en
entraînant à faire de la musique, en m’entraînant à faire du yoga, mais voilà, ça a été long en
tant qu'artiste, ça a été long aussi en tant que spectatrice. Et c'est vrai que sans parler de
politique, l’artistique est vital, en tout cas, pour moi. Je pense que pour toute la société aussi.
C'est vrai que si on peut amener la vie dans un peu plus de joie, et en plus si cette joie-là, peut
rire des problèmes de notre société, car moi, c'est plus ça que je cherche à faire avec « ISF »
plutôt que de faire de la politique, c'est rire des tabous, en fait, c'est mieux, ça permet d'adoucir
un petit peu la vie, la rendre plus belle.
Les deux dernières études de La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation
et des statistiques (Drees) publiées en mars 2021 font état d’un nombre grandissant de
personnes souffrant d’anxiété voire d’un état dépressif surtout. En parallèle, les
conclusions d’un rapport scientifique du Bureau régional de l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) du 11 novembre 2019, atteste que « L’art peut être bénéfique pour la
santé, tant physique que mentale ». Pendant la crise et dans l’après crise Covid, est- ce
que tu penses que la dimension culturelle et artistique a un rôle important à jouer dans
les besoins psycho-sociaux de la population ? Oui, ça c'est sûr. Après l'art et la culture
existent toujours quoi qu'il arrive. Ce n’est pas parce que la culture est subventionnée par
l'État, parce qu’elle rapporte de l'argent qu'elle existe. La culture c'est aussi les conteurs en
Afrique, c'est aussi, la musique « Maloya » qu’il y a à l'île de la Réunion, qui a été faite par les
esclaves, etc… La culture et l’art seront toujours là, on aura beau nous empêcher de le faire.
Je parle de l'Art Brut, aussi, qu'on a aussi chacun en nous. Ce n’est pas parce que moi j'ai une
fiche de paie avec marqué artiste circassienne sur ma fiche de paie que je suis plus une artiste

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que tout le monde. Moi, j'ai fait juste le choix d’en vivre, mais sinon l'artistique, la culture
populaire, elle sera là, toujours, tant qu’on arrive à nous regrouper. Et c'est vrai, je pense que
cette augmentation d'anxiété qu’il y a eu chez les gens dans notre société, c'est surtout le fait,
qu’on a été interdits de nous regrouper. Parce que l'art et la culture, la musique tout ça, ça
existe grâce au regroupement, au lien social. Et je pense que derrière l'art et derrière la culture,
ce qui est plus important et qui permet, en fait, la naissance de tout, c’est le lien social entre
nous.
D’une manière générale, penses-tu que l’art et la culture ont un rôle à jouer dans nos
défis écologiques de notre société ? Déjà moi, je me dis que si on appelle la culture : la
musique, le théâtre, les contes et qu'on appelle aussi la culture, le fait de cultiver du blé, le fait
de cultiver des produits locaux, des légumes de saison, pour moi, ce n’est pas un hasard parce
que ça a le même mot, en fait. La culture de l'âme et la culture du ventre. C'est un petit peu la
même chose, donc je me dis qu'il y a un lien à trouver. Mais ce lien-là, il n’est pas encore
évident dans notre société, je trouve. Parce que déjà la culture de la terre, elle se fait par
rapport à un modèle capitaliste et je pense que la culture aussi des arts est en train d'aller vers
un modèle capitaliste. Rien que de voir la différence qu'il y a entre le tournage d'un film d'art
et d'essai et le tournage d’une super grosse production Marvel de Hollywood. C’est un petit
peu les deux courants et je trouve que même dans d'art vivant, on est en train de vendre notre
âme pour avoir le plus de sous possibles. Et je parle en tant qu'artiste, en tant qu'institution, et
je pense que la culture de l'art a tout intérêt à faire aussi plus du local, donc je pense que le
lien, il doit se faire en parallèle de la culture de la Terre à la culture de l'art.
Tu connais le concept d’écolieu qui sont des lieux de transition écologique et solidaire
dans « Le vivre et Faire ensemble ». Selon toi, qu’est-ce que les activités artistiques et
culturelles des écolieux peuvent apporter au sein de leur collectif et sur le territoire ou
ils sont installés ? Mais comme j'ai dit tout à l'heure, c'est que, je pense que ça permet en
fait, la culture de l'art va permettre de faire une culture de la terre qui va être plus dans la joie,
dans le partage, ça va être moins une communauté sectaire. L’art, ça va permettre d'ouvrir
aux alentours, au local de l'écolieu, aussi aux différentes couches sociales, qui n’est pas que
des bobos qui soient dans cet écolieu, ça va permettre d’inclure par exemple des adolescents
des cités qui sont aussi à côté. Je ne vois pas pourquoi les écolieux seraient seulement qu’à
la campagne, que pour des gens qui ont les moyens de s'installer ailleurs de la ville, des gens
qui ont des voitures tout ça. Pour moi, c'est ça que ça va permettre la culture de l'art pour la
culture de la terre. Mais après, je suis persuadée que la culture de la terre peut aider aussi la
culture de l'art, dans le sens où on va peut-être faire appel à des artistes qui sont dans le local
exactement pareil que on va se nourrir de la tomate du jardin. On va faire aussi appel à du
matériel qui soit plus écologique par exemple pour la lumière des spectacles, pour la
construction de l'espace de jeu pour pouvoir accueillir les gens. Il y a aussi, rémunérer de
façon équitable des artistes qui viennent, exactement pareil qu’on va rémunérer le travail du
monsieur qui a passé toute une année à cultiver sa tomate. Bien, ça va être exactement pareil !
ce n’est pas parce qu'on est dans un écolieu et que c'est cool, que les gens vont arriver qu'on
va les payer qu’au chapeau. Non ! il faut qu'il y ait les mêmes choses, mais pas trop payé non
plus. Les gens qui vont venir faire des spectacles dans des lieux comme ça, moi j'imagine, il
faudra qu'ils mettent la main aussi à la poche dans le lieu, c'est-à-dire qu’ils ne vont pas être
accueillis avec du champagne. Rien que pour manger, ils vont manger les produits que tout le
monde a dans l’écolieu par exemple. L’art et la culture sont essentiels, c'est la nourriture de
l'âme.

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Annexe 6 : Guide d’entretien du mémoire de recherche destiné aux
« Artistes »
Présentation du contexte et de l’étude :
Je suis donc actuellement dans une démarche de reconversion professionnelle dans le but de
m'investir dans la dynamique des écolieux. Je suis formé et accompagné par l'Institut
Transition qui me donne un cadre pour explorer le sujet. Je travaille donc sur un mémoire de
recherche portant sur les écolieux. Pour moi ce terme est générique, il concerne l’habitat
groupé à l’écoquartier, en passant par la coopérative d’habitants, le cohabitât, les
communautés intentionnelles/Collectif, les écovillages, les tiers lieux, l’écohameau, les villages
d’habitats alternatifs, les ZAD en lutte, et les communautés Emmaüs, c’est-à-dire à une
diversité d’initiative portées par des individus, des groupes ou des collectivités qui ont en
commun d’expérimenter d’autres projets de société en mettant en œuvre un mode de vie
collectif, écologique et solidaire.
D’une manière spécifique, je travaille sur la dimension culturelle et artistique des Ecolieux.
D’une manière plus simple : qu’apporte la dimension culturelle et artistique aux
écolieux ?
Je n'aborde pas l'angle culturel et artistique dans mon sujet de mémoire par hasard. En effet,
je reviens à mes premiers amours professionnels et également car j’exerce aujourd’hui
activement une activité de clown activiste avec une Brigade que je coordonne sur Lyon depuis
2 ans et demi. Je mets en avant la résistance par l’art du clown. Je pense que c’est essentiel
pour mon mémoire de comprendre ce que les artistes pensent de cette thématique.
Les conditions ou les règles de l’entretien
Concernant les règles de confidentialité :
- La confidentialité de l’interview et l’utilisation ultérieure des informations entrent seulement
dans le cadre de mon mémoire de recherche pour l’Institut transition. Si vous le voulez bien,
un accord tacite et oral suffit, vous pouvez simplement me préciser au moment où vous voulez
dire quelque chose que vous ne voulez pas que j’enregistre comme des informations
personnelles vous concernant, je coupe à ce moment-là et l’on reprend ensuite.
-Avec votre accord, c'est donc un entretien enregistré et une prise de photos pour
l’organisation d’une exposition photo. Vous trouverez une « Autorisation de droit à l'image
et/ou de la voix » à remplir et à signer afin que je puisse avec votre accord prendre des notes,
d’enregistrer et de prendre des photos et vidéos. Je vous retranscris entièrement cet interview
et je vous l'enverrai par la suite. Vous aurez la possibilité de le modifier ou de supprimer des
passages qui ne vous conviennent pas. Je peux aussi modifier votre nom, si vous le souhaitez.
-L'entretien me servira à compléter mes recherches par des expériences de terrain. Il est mis
entièrement en annexe du mémoire. Si vous le souhaitez, une copie de mon mémoire de
recherche vous sera transmise en septembre-Octobre 2021
-Les questions sont faciles et aucune connaissance préliminaire n'est nécessaire. Vous
pouvez donner la réponse qui correspond généralement à votre point de vue. Vous avez
toujours la possibilité de ne pas répondre. Combien de temps avez-vous à m’accorder ?
L'entretien dure en général ¾ D’heure, est-ce que ça vous va ?
Questionnaire d’entretien
- Succinctement, peux-tu stp te présenter, présenter ton parcours et ton travail artistique ?
-Avec le contexte sanitaire du Covid, et le ralentissement voire l’arrêt du secteur artistique et
culturel, as-tu été résilient ? Comment as-tu compensé ce manque d’activité ?
-Selon toi, quelles sont les conséquences quand justement la dimension culturelle et artistique
n’existe plus auprès du public ?
- Connais-tu la transition écologique et solidaire ? si oui, et es-tu sensible à ce concept et
pourquoi ?

158
- As-tu toi-même changer tes habitudes, ta façon de vivre et de consommer pour limiter à ton
échelle ton impact sur la planète ? En se référant à la citation de Ghandi « Sois le changement
que tu veux voir en ce monde », qu’as-tu mis en place personnellement ? (Attention, cette
question n’a pas une vocation à te juger ni te culpabiliser car chacun va à son rythme dans
son changement personnel et qu’il faut aussi remettre en cause plus globalement le système
capitaliste)
-Est-ce que ton travail artistique est-il éco-responsable ? As-tu mesuré son impact ? As-tu des
outils ou des moyens pour le diminuer ?
-Qu’est-ce que t’apporte ton travail artistique ? et que souhaites-tu apporter au public ?
- A travers ton travail artistique, portes-tu des messages de sensibilisation aux enjeux de la
transition écologique et/ou pour les droits humains ? si oui, comment ? Si non, pourquoi es-tu
dans une démarche désintéressée ?
- Si tu portes alors des messages, d’après tes observations, penses-tu que tu apportes des
déclics, des prises de conscience écologiques et sociales ? si oui, penses-tu qu’il y a un impact
dans ton entourage, sur le territoire ou tu es installé ou même au-delà ?
-Penses-tu que le rôle de l’artiste est de poser des questions et d’amener le public à réfléchir ?
-D’une manière générale, est-ce que ton art (le nommer selon la personne interviewer : le
Jazz, l’art urbain, le roman, la déambulation, le clown) à cette vocation ? As-tu des exemples
d’artistes de Art qui ont cette vocation ?
-Peux-tu, s’il te plait, me donner ta définition de la notion de « Culturel et artistique » ?
-Les conclusions d’un rapport scientifique du Bureau régional de l’Organisation mondiale de
la santé (OMS) du 11 novembre 2019, atteste que « L’art peut être bénéfique pour la santé,
tant physique que mentale ». Qu’en penses-tu ?
-Penses-tu que le secteur de l’art et de la culture est moteur de cohésion sociale ?
-Est-ce que tu penses que l’art et la culture peuvent changer notre perception du monde, vers
des imaginaires capables d’engendrer des projets concrets qui ont un impact positif pour la
planète et la société ?
-D’une manière générale, penses-tu que l’art et la culture ont un rôle à jouer dans nos défis
écologiques, sociaux et économique de notre société ? Penses-tu qu’ils sont essentiels ?
Pourquoi ?
-Connais-tu le mouvement des écolieux ? Si oui, qu’en penses-tu ?
- Selon toi, qu’est-ce que les activités artistiques et culturelles des écolieux peuvent apporter
au sein de leur communauté/collectif et sur le territoire ou ils sont installés ?
-Penses-tu que les activités culturelles et artistiques des écolieux peuvent porter plus
facilement des messages de lutte et aussi de sensibilisation à la transition écologique et
solidaire ?

Annexe 7 : Guide d’entretien du mémoire de recherche destiné aux


« écolieux »
Présentation : Je suis Jeremy Esbert, j’ai 45 ans et j’habite Villeurbanne, à côté de Lyon.
J’ai été attiré dès l’âge de 20 ans par le secteur associatif culturel pour son caractère non-
lucratif et de bien commun. Pendant presque 10 ans, avec une licence de management
culturel, j’ai pu exercer des fonctions variées dans ce secteur comme coordinateur de projet
pour des lieux de diffusions ou des artistes dans le spectacle vivant et les musiques actuelles.
J’ai mené des projets à termes pour différentes associations socio-culturelles dont certaines
que j’ai créées dans l’objectif d’apporter un développement culturel et artistique en zone rural.
Ensuite, animé par le désir de mettre mon engagement au service de l’action internationale,
en 2007, J’ai été formé par l’institut Bioforce, comme administrateur RH/ Fin et dans la
coordination de projet en solidarité internationale. J’ai travaillé pour différentes ONG en Siège
tel qu’Action Contre la Faim à Londres ou le Service de Coopération au Développement à

159
Lyon, et sur le terrain dans la restructuration d’un hôpital de charité en Inde auprès d’une
communauté d’intouchable. Je suis récemment rentré d’une mission humanitaire au Niger
avec Médecins Sans Frontières France comme responsable finance projet. En parallèle,
depuis 10, j’ai toujours eu un pied dans le milieu militant local et notamment pour Alternatiba
ANV Rhône et dans la coordination des Marches pour le climat à Lyon. Aujourd'hui, Je
souhaite donner du sens à mes compétences et mes valeurs en les mettant au service de la
transition écologique et solidaire locale.
Présentation du contexte et de l’étude :
Je suis donc actuellement dans une démarche de reconversion professionnelle dans le but de
m'investir dans la dynamique des écolieux. Je suis formé et accompagné par l'Institut
Transition qui me donne un cadre pour explorer le sujet. Je travaille donc sur un mémoire de
recherche portant sur les écolieux. Pour moi ce terme est générique, il concerne l’habitat
groupé à l’écoquartier, en passant par la coopérative d’habitants, le cohabitât, les
communautés intentionnelles/Collectif, les écovillages, les tiers lieux, l’écohameau, les villages
d’habitats alternatifs, les ZAD en lutte, et les communautés Emmaüs, c’est-à-dire à une
diversité d’initiative portées par des individus, des groupes ou des collectivités qui ont en
commun d’expérimenter d’autres projets de société en mettant en œuvre un mode de vie
collectif, écologique et solidaire.
D’une manière spécifique, je travaille sur la dimension culturelle et artistique des Ecolieux.
D’une manière plus simple : qu’apporte la dimension culturelle et artistique aux
écolieux ?
Je n'aborde pas l'angle culturel et artistique dans mon sujet de mémoire par hasard. En effet,
je reviens à mes premiers amours professionnels et également car j’exerce aujourd’hui
activement une activité de clown activiste avec une Brigade que je coordonne sur Lyon depuis
2 ans et demi. Je mets en avant la résistance par l’art du clown.
Les conditions ou les règles de l’entretien
Concernant les règles de confidentialité :
- La confidentialité de l’interview et l’utilisation ultérieure des informations entrent seulement
dans le cadre de mon mémoire de recherche pour l’Institut transition. Si vous le voulez bien,
un accord tacite et oral suffit, vous pouvez simplement me préciser au moment où vous voulez
dire quelque chose que vous ne voulez pas que j’enregistre comme des informations
personnelles vous concernant, je coupe à ce moment-là et l’on reprend ensuite.
-Avec votre accord, c'est donc un entretien enregistré et une prise de photos pour
l’organisation d’une exposition photo. Vous trouverez une « Autorisation de droit à l'image
et/ou de la voix » à remplir et à signer afin que je puisse avec votre accord prendre des notes,
d’enregistrer et de prendre des photos et vidéos. Je vous retranscris entièrement cet interview
et je vous l'enverrai par la suite. Vous aurez la possibilité de le modifier ou de supprimer des
passages qui ne vous conviennent pas. Je peux aussi modifier votre nom, si vous le souhaitez.
-L'entretien me servira à compléter mes recherches par des expériences de terrain. Il est mis
entièrement en annexe du mémoire. Si vous le souhaitez, une copie de mon mémoire de
recherche vous sera transmise en septembre-Octobre 2021
-Les questions sont faciles et aucune connaissance préliminaire n'est nécessaire. Vous
pouvez donner la réponse qui correspond généralement à votre point de vue. Vous avez
toujours la possibilité de ne pas répondre. Combien de temps avez-vous à m’accorder ?
L'entretien dure en général 1h20-30, est-ce que ça vous va ?
L’objectif général de l’entretien :
Comprendre comment l’activité culturelle et artistiques de votre écolieu peut-il être un levier
d’action dans la transition écologique et solidaire au sein de votre communauté/Collectif, et
sur votre territoire ?
Les objectifs spécifiques de l’entretien se dérouleront en 3 temps :

160
I. Apprendre à vous connaître, comprendre votre parcours et votre rôle au sein de
l’écolieu
II. Comprendre d’une manière générale l’écolieu, ses activités, ses valeurs et ses
objectifs
III. Comprendre la dimension culturelle et artistique de l’écolieu et ses impacts
IV Comprendre la dimension culturelle et artistique de l’écolieu en période de pandémie
Questionnaire d’entretien
I. Durée : 5 mn. Succinctement, pouvez svp vous présenter, présenter votre parcours et votre
fonction ? votre rôle au sein de l’écolieu ? (Question ouverte)
II. a Durée : 15 mn. Déjà en termes de questions technico pratiques administratif, pouvez-
vous me dire svp quel est ou quels sont le ou les statuts juridiques de l’écolieu ? (Question
fermée). Pourquoi avez-vous fait ce choix ? (Question ouverte)
II. b Pouvez-vous me présenter svp l’historique de votre écolieu ? (Question ouverte)
II. c Quelle est le nombre de vos membres et ont-ils des activités à l’intérieur et/ou à l’extérieur
de l’écolieu ? (Question fermée)
II. d Quel est votre fonctionnement ? (Règles communes de vivre ensemble : Gouvernance,
principes ou processus de fonctionnement appelés chartes, règles de vie, voire constitution
(Gouvernance partagée, sociocratie ou halocratie, intelligence collective, via une
communication non violente (CNV), avec des prises de décision par consentement ou par
consensus.) (Question fermée)
II. e Quelles sont vos principales activités au quotidien au sein de l’écolieu ? (Question fermée)
II. f Qu’avez-vous déjà mis en place concrètement en termes de transition écologique et
solidaire ? (Question ouverte) (Ex : Ecoconstruction, mutualisation des outils/ Véhicules,
toilettes sèches, panneau solaire, éoliennes, poêles à bois, fours solaires, etc.)
II. g Quelles sont vos valeurs ? (Question fermée)
I. h Quels sont vos objectifs ? (Question fermée)
II. i êtes-vous affilié à Structures d’accompagnement ou un réseau d’écolieu (Oasis, Terre de
Liens, Habicoop, etc…)
III. a Durée total : 40 mn. Quelles-sont les activités culturelles et artistiques que vous
développez au sein de votre écolieu ? (Question Fermée)
III. b Pourquoi cette dimension culturelle et artistique est-elle présente dans votre écolieu ?
Est-ce que les fondateurs de votre écolieu viennent du milieu culturel et artistique et par
conséquent développent-ils ce créneau ou est-ce que cette approche/activité est arrivée
après ? (Question fermé)
III. c Comment la dimension culturelle et artistique s’intègre-elle dans le projet initial de votre
écolieu ? (Question ouverte) (La dimension culturelle est-elle au cœur de votre projet ou
mobilisez-vous des actions culturelles et artistiques pour faire vivre vos projets ?)
III. d Qu’est-ce que vos activités culturelles et artistiques apportent-elles au sein de votre
communauté/collectif ? (Question ouverte) (Exemples : Une source de joie, une force motrice
fédérateur, de confiance qui vous rapprochent, d’inclusion pour les nouveaux-velles, de vitalité
dans le vivre ensemble et le faire ensemble, etc.) et ont-elles un impact sur l’aspect
économique de votre écolieu ?
III. e Est-ce que vos activités culturelles et artistiques sont-ils éco-responsables ? Avez-vous
mesuré l’impact écologique de vos activités culturelles et artistiques ? Avez-vous des outils,
méthodes ou moyens pour diminuer l’impact écologique de vos activités culturelles et
artistiques ?
III. f Sur quel territoire travaillez-vous ? et quels sont les acteurs institutionnels culturelles et
artistiques avec qui vous travaillez ? Avez-vous des subventions publiques, privés ou avez-
vous une indépendance financière ? (Question fermé)
III. g Avez-vous par exemple des partenariats (Avec la mairie, une école, avec une EPHAD,
etc.) avec votre activité culturelle et artistique ?

161
III. h Est-ce que vos activités culturelles et artistiques ont-elles favorisées l’implantation de
l’écolieu sur le territoire ? (Question ouverte)
III. i Qu’est-ce que vos activités culturelles et artistiques apportent-elles au sein de votre
territoire ou vous êtes implanté ? (Exemple : Du lien et de la cohésion sociale, du partage, de
la convivialité, un moyen de mobiliser des personnes autour de votre projet, etc…) et ont-elles
un impact sur l’aspect économique de votre territoire ? (Question ouverte) :
III. j - Face à nos défis sociaux, économiques et écologiques de notre époque, portez-vous
des messages de sensibilisation à la transition écologique et solidaire à travers vos activités
culturelles et artistiques ? (Question ouverte)
2 prismes :
- Si oui, avez-vous des exemples ? (Question ouverte) (Est- ce que votre mode de
communication et de sensibilisation passe par l’art et la culture ? Est-ce que la dimension
culturelle et artistique de votre écolieu est un moyen de promotion pour faire passer un modèle
de transition ?
- Si non, est-ce que la transition écologique et solidaire est secondaire et votre écolieu n’a pas
cette vocation à faire passer des messages à travers l’art et la culture ?
III. k Est que vos activités culturelles et artistiques sont-elles des moyens de lutte et de
résistance ? si oui sous quelle forme et ont-elles une influence ? (Question ouverte) Durée :
III. l Avez-vous des liens avec d’autres lieux, structures et/ou évènements artistiques et
culturels ? (Question ouverte)
III. m De quels moyens humains, financiers et logistiques disposez-vous dans vos activités
culturelles et artistiques ? Qui vous aide et comment vous organisez vous pour vos
évènements ? (Question fermé)
III. n Pendant l’année, combien de public, en moyenne, accueillez-vous dans vos activités
culturelles et artistiques ? (Question fermé) et est-ce que vos activités culturelles et
artistiques augmentent-elles ou régressent-elles ? (Question fermé) Comment déterminé vous
vos tarifs ? (Ex : Prix libre et conscient)
IV Durée total : 20 mn.
IV a Avec la situation sanitaire du Covid, comment le manque de vos activités culturelles et
artistiques a été ressenti au sein de votre collectif et de votre territoire et comment l’avez-vous
compensé ? (En termes de lien social, de convivialité, économique, etc.) IV b Quelles sont les
conséquences ou l’impact quand justement cette dimension n’existe plus ? IV c Avez-vous été
résilients et comment ? IV d Pensez-vous que cette situation est révélatrice au niveau de la
cohésion sociale de votre communauté/collectif et celui de votre public ? (Pour fédérer et
mobiliser d’autres personnes autour de votre projet ? dans le message de transition
écologique et solidaire si vous le voulez porter à travers l’art et la culture ?) IV e Vous sentez-
vous concerné par les revendications actuelles du secteur de l’art et de la culture ?
IV f Comme les occupations des théâtres, avez-vous portez des actions de luttes ou pas ?

162
Annexe 8 : Typologie des écolieux étudiés
Type de localisation Type d'écolieux Type de chantier Habitat partagé

Groupe: Foncier: Mixe habitat Réalisations


Mixité: culturelles,
Nom de Date d'entrée Projet : Réflexion Statuts Démarrage‐En centre
Habitat
Oasis de Oasis de vie
village
Construction
Mixe
Habitats alternatif/Constru
Nombre
Nombre de
Nombre
Espaces mutualisés envisagées Maison Appartement écologiques et
sociale, la dimension culturelle
Spiritualité générale dans Commentaires
Non identifié‐
Référent‐e Contacts Mail Contacts téléphone Dimension de l'écolieu Adresse Code postal et ville Origine de l'initiative collective‐Etude‐ constitution‐ Urbain prériurbain
bourg
rural Montagne Ferme participatif/G Ecovillage Ecohameau Oasis de vie
ressources et ressources
Longo Maï d’habitats L’éco gîte Ecoquartier Réhabilitation
neuve
Réhabilitation
alternatif ction
d'habitants ou de
logement
d'hébergement en
ou réalisées individuelle individuel
Collocation
environnemen
générationnelle, et artistique est au
l'écolieu
l'Ecolieu dans les lieux juridiques Identifié‐
roupé alternatifs et neuve ménages accueil fonctionnelle, cœur du projet initiale
Travaux‐Abouti Recherche /Réhabilitation tales
Maitrisé‐Acquis
habitants‐Complet linguistique
Salon commun/
Salle de réunion
Cuisine SCI Terres de Maladière (terrains et bâtiments
Ferme Ateliers et stock dans la agricoles), SCI La Maladière (appartements, maison et
La maladière "Agri‐ Sophie Haeffele : Programmation culturelle et 1600 M2 de toit, 42140 Amitié Depuis le 22 2 SCI et une Non 10 habitants Non Stabule Non salles). L'association « La pâte à bonheur » (180 adhérents)
Culturelle" socioculturelle collectif.lamaladiere@gmail.com Sophie 06 85 45 80 88 pour 12 hectares 306 chemin de la Maladière Saint‐Denis‐sur‐Coise (Ancienne colocation) janvier 2019 En travaux association Démarrage Non identifié identifié et 1 enfant identifié 15 Grande salle Oui Oui identifié qui est locataire de la SCI la Maladière.

Alexandre Sokolovitch:
Animateur de l'Éducation
Ferme ou éco‐ Populaire, Coach Diplômé, Salle de réunion / salle
Cadre Éducatif. Champs de 7 hectares polyvalente
hameau de la Formations en Accompagnement pour le festival et Bivouac Chambre(s) d'amis œcuménisme, Habitat groupé/ Gite à prix libre et conscient
Chaux, d’Équipe (Transformation des Conflits, soko@jesusfreaks.fr et 5 hectares pour 5 adultes et Atelier(s) chrétien (Pour association militantes de transitions), chambre
Goshen Communication Bienveillante, Posture Éducative) gbsprod@gmail.com Alex : 06 164 864 72 expérimentation agricole Ferme de la Chaux 21360 La Bussière sur Ouche Citoyenne Depuis 2009 Abouti Association Complet Acquis 7 enfants 5 15 Cuisine Oui Oui altermondialiste d'amis
Salle de réunion
salle polyvalente
Chambre(s) d'amis
Buanderie
Bâtisse de 1000 m2 Recherche Atelier(s)
pour 6 appartements SCI et quelques Jardin / espaces verts Non
Le château partagé Le château partagé baptou@hotmail.com Baptou: individuels 245 chemin de la Roue 73610 Dullin Citoyenne 2009 Abouti Association habitants Acquis 18 habitants 6 15 bibliothèque Oui Non défini identifié
Salle de réunion / salle
polyvalente
Chambre(s) d'amis
Atelier(s)
Jardin / espaces verts
Potager
Terrasse / cour commune
Salle de réunion / salle
polyvalente
Chambre(s) d'amis culturelles,
09 77 33 38 94 Propriété privée Atelier(s) générationnelle Non
La nOte Bleue Jacques et Katy lanotebleue2@wanadoo.fr 06 79 85 46 97 (Jacques) 534 chemin du marais 38121 Chonas l’Amballan Citoyenne 1er juillet 2000 Abouti + association Complet Acquis 2 ménages 3 2 Jardin / espaces verts Oui fonctionnelle identifié

Salle de réunion / salle


polyvalente
chambres d'amis
Buanderie
Atelier (s)
Espace enfants œcuménisme.
Cuisine Communautaire
Jardin / Espaces Verts chrétien de
Potager culturelles, sociale pratique commune,
Recherche Terrasse / Cour commune générationnelles, laïque
L'Arche Saint quelques 60 habitants, Non 100 salle à manger fonctionnelles, interspirituelle et
Antoine Guillaume Gardette guillaumegardette@feve‐nv.com 06 23 81 01 20 Non identifié 34, La Basse Cour Saint‐Antoine‐l'Abbaye Citoyenne 1987 Abouti Association habitants Acquis 14 ménages identifié bibliothèques Oui logistique interreligieux

163
Annexe 9 : Entretien de Sophie Haeffele avec une intervention de
Benoit Termeau de l’écolieu « La ferme de la Maladière »
Mercredi 14 avril 2021

Jeremy : Sophie, on va commencer l'entretien dont l'objectif général c'est comprendre


comment l'activité culturelle et artistique de la Maladière peut être un levier d'action
dans la transition écologique et solidaire dans votre collectif et sur le territoire ? Donc
déjà une première partie est-ce que tu pourrais expliquer ton parcours ?

Sophie Haeffele - Programmation culturelle et socioculturelle - La Maladière. Photo Jeremy Esbert

Sophie : Mon parcours : J'ai commencé par un DUT carrières sociales en sociale et
socioculturelle, ensuite je suis partie au Canada travailler en stage en organisation des
résidences artistiques, après je suis allée me former en licence en administration et gestion
des entreprises culturelles. Enfin, je suis formée au clown à l'hôpital depuis 2012 Je n'ai fait
que ça à partir de ce moment-là.
Jeremy : Quel est ton rôle au sein de la Maladière ?
Sophie : Je fais partie des porteurs de projet, on était cinq à la base à avoir tout monté, on a
fait les visites, développé tout le modèle juridique, on fait la recherche de financement, etc.
Moi je m'occupe de développer tout ce qui est socio-culturel au sein du lieu. Également, je
coordonne tout le planning des activités entre les différentes associations qui sont sur le lieu
aussi.
Jérémy : Mais du coup il y a plusieurs associations ?
Sophie : Il y a la pâte à bonheur (https://lapateabonheur.wordpress.com/), l’association
globale qui gère les activités de la Maladière et qui sont organisées par la Maladière. À la
base, c'était des spectacles pour enfants, des spectacles gesticulés, des ateliers parents-
enfants, des formations militantes et des stages qui étaient données en plus par des

164
compagnies qui nous demandent de la location et qu’on accueille. À cela s'ajoutent les ateliers
du Zéphyr (http://atelierduzephyr.org), qui est une association de Low-tech, de basse énergie
qui fabriquent des fours solaires, des cuiseurs paraboliques, des éoliennes, des poelito (ce
petit poêle de masse, adapté aux habitats légers, est entièrement auto-constructible,
consomme peu de bois avec de bons rendements), des poêles de masses, et qui organise
des stages aussi à la Maladière de plusieurs jours ou pour une journée. On a aussi
l’association Sueno Del Arte (https://www.suenodelarte.com/) Qui est une association de
cirque adapté qui a son local de stockage de matériel dans la stabule (la stabulation : la
grange, étable, bâtiment destiné aux vaches) et elle a installé son chapi-dôme en bas sur la
plate-forme. Elle organise aussi des stages des fois dans notre salle ou dans leur chapi-dôme.
Et puis on a l'association CréAct’IV Sciences qui est une 'association (https://www.creactiv-
sciences.fr/) qui travaille autour de la vulgarisation scientifique et qui pour l'instant a juste un
local dans la stabule pour l’utilisation de matériel, en mutualisation de matériel avec tout le
monde, les agriculteurs les associations, etc… Et voilà, ça fait 4 associations.
Jeremy : C’est avec qui vous partagez en fait les locaux !?
Sophie : Oui
Jeremy : Ils sont d’ici, du territoire ?
Sophie : Oui, sauf l’atelier du Zéphyr. Ils sont sur Lyon mais après quand on s'est rencontrés,
on s’est dit que c’était cohérent qu’on travaille ensemble.
Je m’occupe aussi de la comptabilité de la SCI.
Jérémy : C’était justement la question que j’allais te poser d’un point de vue
administratif ? comment ça se passe ?
Sophie : Alors on a une SCI pour tout ce qui est habitation, et une SCI pour tout ce qui est
agricole. C’est-à-dire, la SCI l « La Maladière » pour tout ce qui concerne les appartements, le
dortoir, l’habitat partagé. Et la SCI « Terre de Maladière » qui concerne les terres et les
bâtiments agricoles. Pour les activités culturelles, c'est l'association « La pâte à bonheur » qui
est locataire de la SCI la Maladière.
Jeremy : Au niveau de l'historique du lieu donc en fait, le lieu, il a 1 an, n’est-ce pas ?
Sophie : Un peu plus, depuis janvier 22 janvier 2019. Avant, on était en fait, trois porteurs de
projet à être en colocation à Pollionnay donc déjà à la campagne. Et Benoit et Laetitia étaient
déjà installés en espace test sur le poulet, à 5 mn d’ici. On avait déjà plus ou moins trouvé le
territoire dans lequel on voulait évoluer ensemble, c’est pourquoi Benoît avait pris son espace
test dans ce coin-là. Et après on a regardé dans le coin, en cherchant des fermes, il y a eu
cette ferme-là, la Maladière, qui était vraiment juste à côté.
Jeremy : Et comment vous est venue l’idée de créer ce type de lieu ?
Sophie : En fait j'ai créé la pâte à bonheur en 2011 avec une de mes meilleures copines
Dorothée et à la base, on avait la volonté de trouver un terrain, installé des yourtes et faire des
résidences artistes, ça c’était la base, et on a créé cette asso pour ça. On l’avait créée en
amont sur Lyon en ayant des activités : un festival de troc et d’échanges et des ateliers de
partages de compétences, donc, c’était ça avant la pâte à Bonheur. On l’avait créé justement
pour que quand on quitterait Lyon, on possède une base associative qui tienne la route pour
pouvoir après monter des projets, que ça fasse plus de 3 ans et qu’on puisse toucher des
subventions, etc. Pour moi, ça fait depuis 2011 que c’est dans ma tête et au fur et à mesure
ça a évolué. Benoit nous a rejoints et on a tripé un peu ensemble. Avant, il était banquier
solidaire, il travaillait pour RDI, « Rhône Développement Initiative ». Du coup, il a voulu se
reconvertir ; le fait d’avoir en plus un agriculteur dans le projet, ça permet d’acheter des fermes
et des terres, ça s’est enchaîné comme ça, ensuite il a rencontré Laeticia qui était aussi dans
l’agricole et au fur et à mesure, on s’est retrouvés à chercher vraiment une ferme avec des
terres pour l’agricole et un espace pour faire du culturel et de l'accueil.
Jeremy : Au niveau du nombre des membres, il me semble que vous êtes 10, un peu
moins, c’est exact ?
Sophie : On est 5 porteurs plus Sacha et Aurélie qui nous ont rejoints au moment de la
signature. Anna, qui est éleveuse de cochons mais qui va bientôt s’en aller. Simon et Elodie,
donc ça fait qu’on est effectivement 10. Plus ma fille, Lou, ça fait 11.

165
Jeremy : Du coup, est ce que les membres ont leur activité à l’intérieur ou à l’extérieur
de la Maladière ?
Sophie : ça dépend de quelle activité. Car pour moi, mon activité est à l’extérieur de la
Maladière, l’activité qui me fait manger. Je suis clown en milieu de soin, donc j’interviens à
l’extérieur. Par contre, tout ce que je fais à l’intérieur de la Maladière, c’est bénévole et tout le
développement du culturel est pour l’instant Bénévole.
Jeremy : Mais tu comptes bien être salariée ou avoir une rémunération au sein de la
Maladière ?
Sophie : Oui, mais pour le moment, l’avantage est que je suis intermittente du spectacle donc
pour le moment le clown en milieu de soin me fait vivre.
Jeremy : Quel est votre fonctionnement ? c’est-à-dire au niveau des règles communes
de vivre ensemble ? en termes de gouvernance, principes ou processus de
fonctionnement appelés chartes, règles de vie, etc… ?
Sophie : On a un peu de tout ça en tête. La gouvernance, on l’a beaucoup réfléchie en amont
car avant d’avoir ce groupe-là, on avait rencontré d’autres personnes qui s’étaient jointes à
nous, on avait passé un weekend pour travailler sur la gouvernance avec ces gens-là. Nous
on y a beaucoup travaillé entre nous dans tous les sens. Après quand on le vit en vrai, ça
devient autre chose ! On se réadapte à chaque fois, je dirais. On a mis en place un
fonctionnement de Malagora, c’est-à-dire l’Agora de la Maladière, ce qui fait la Malagora.
C’était censé être une fois par mois, il me semble. On avait mis en place un système où il y
avait 2 animateurs pour que la réunion soit un peu active et que ça ne dure pas trois plombes.
Et au final, ce n’est pas évident à tenir et à trouver des dates. En termes d’animations, ça
mobilise 2 personnes pour animer une réunion de 3 heures. C’est-à-dire aussi que 3 jours
avant, ces 2 personnes doivent prendre le temps de préparer tout ça. Et ça ne convenait pas
toujours à tout le monde. Là, on est passé sur un format beaucoup plus free, c’est-à-dire apéro
Malagora où il n’y a pas forcément de préparation et chacun vient avec ses thématiques sur
quoi il a envie de parler. Et on voit comment ça évolue. Là, ça en fait 2 ou 3.
Benoit : Tu as précisé la forme, mais on peut préciser quelle était l’intention de la Malagora.
Sophie : Oui, tout à fait, nous avons le pôle habitat partagé, agricole, socio-culturel et accueil.
Dans l’idée de la Malagora, il faut au minimum 1 personne de chaque pôle qui soit présente.
Le principe de base, il faut que dans chaque pôle, les personnes travaillent ensemble, se
regroupent, prennent leur décision, elles sont autonomes dans leur décision, par exemple :
Moi, je suis libre dans la programmation artistique et culturelle, mais je sais que j’ai des trucs
que je ne peux pas programmer comme une réunion de néo-nazi, ça ne rentre pas dans la
charte donc je ne vais pas le faire. Par contre, quand ça concerne toute la ferme, par exemple,
l’organisation d’un festival, là, le pôle culturel ne peut pas le faire tout seul car ça va envahir
plein d‘espace et, que du coup potentiellement, dans la Malagora, c’est un sujet qu’on peut
poser en disant : voilà, on a la volonté d’organiser un festival, à ce moment-là, est ce que ça
convient à tout le monde, en terme d’aménagement quel espace on peut prendre avec le pôle
agricole ? et avec eux quels légumes on pourra utiliser pour faire à manger ? etc. La Malagora,
c’est une espèce de décision collective et d’information.
Jeremy : Qu’avez-vous déjà mis en place concrètement en termes de transition
écologique et solidaire ? par exemple en écoconstruction, mutualisation des outils/
Véhicules, toilettes sèches, panneau solaire ? même si ça ne fait pas longtemps que
vous êtes là.
Sophie : Alors, les toilettes sèches, on en a quelques-unes mais on n’est pas encore au top
des installations de ces dernières mais il y a plein de bonne volonté. Notamment, on a un
festival prévu en septembre 2021, où il va falloir de la toilette sèche pour accueillir du public.
Jeremy : Vous avez donc prévu un festival ?
Sophie : De sûr, il y a le festival, « le Pyromaniaque », qui est une semaine de construction
de poêles c-organisé avec le Zéphir et une autre association. Donc 1 semaine de présentation
de poêle et de construction de poêles et après ils font un festival de 2 jours et nous on doit
faire le « Poule ‘Up festival » (https://lapateabonheur.wordpress.com/poule-up-festival/) ,
potentiellement le 25 septembre c’est encore compliqué en termes d’organisation parce que
là sur la ferme, il y a que moi qui coordonne ça et à l’heure actuelle, je n’ai pas le temps de

166
coordonner un festival. Vu qu’on a pu faire l’AG de l’association la Pâte à bonheur à cause du
Covid, du coup, je suis toute seule dans l’association.
Jeremy : J’ai constaté que vous faisiez de la mutualisation des équipements, des
tracteurs, c’est exact ?
Sophie : Oui, effectivement, dans la stabule il y a l’atelier du Zéphir, les agriculteurs et le
CréAct’IV Sciences. Tout le monde se prête les outils et on a beaucoup, beaucoup de
récupération. Là, récemment, on a fait de la récupération dans un collège à la Croix rousse,
vers la rue du bon pasteur, à Lyon, un collège qui était un squat avant et on a récupéré des
fenêtres et des câbles en masse, le Zéphir travaille beaucoup avec de la récupération. Après
en termes d’isolation, on n’est pas très bons, on a fait de l’isolation à 1 euro car pour l’instant
le budget n’est pas là. Par contre, on a une chaudière au fioul et ça on veut le changer en
chaudière à bois.
Jeremy : Je comprends, après chaque chose en son temps aussi, ce n’est pas possible
d’arriver et de tout faire en même temps, de mettre tout en place immédiatement.
Sophie : Oui, à part si le lieu était déjà nickel à notre arrivée.
Jeremy : J’ai vu que vous partagez aussi les véhicules, les tracteurs ?
Sophie : Oui, il y a 2 tracteurs pour 5 agriculteurs de la Maladière
Jeremy : Quelles sont vos valeurs ?
Sophie : On est dans de la transition écologique et solidaire, du vivre ensemble.
On est arrivés à mélanger l’art, la culture et l’agriculture et permettre à des gens de se
rencontrer dans une ambiance festive et conviviale.
Jeremy : Quels sont vos objectifs à terme ?
Sophie : A terme l’objectif, c’est que les entreprises agricoles fonctionnent et soit vivables.
Qu’on arrive à développer une programmation. Là, on était partis sur un spectacle jeune public,
un spectacle adulte, une conférence gesticulée et 2 ateliers militants et un atelier parent-enfant
par mois. Et continuer la programmation des stages accueillis et nourris par les produits de la
ferme et cuisinés par Anita qui s’occupe de l’accueil.
Jeremy : Est-ce que vous avez des objectifs d’autonomie alimentaire, énergétique ici,
plus ou moins ?
Sophie : En tout cas, on a du poulet, du porc, des petits fruits, des fruits et des légumes, on
est pas mal !
Jeremy : Ce que m’expliquait Benoit, il y a déjà un réseau d’agriculteurs biologiques
comme vous, alors est-ce que vous échangez, vous faites du troc de légumes par
exemple ?
Benoit : L’idée est qu’on est bien sur des activités économiques viables, donc à la marge,
plutôt que de lui donner 10 €, on se troque un truc. S’il ne veut rien, je lui donne un billet et
vice versa. Mais par contre, on va troquer du foin, du fumier, se prêter des outils, on est plutôt
sur de l’entraide et de la collaboration. Rien que depuis cette année, j’en ai appelé au moins
10 fois : Allo ! t’as pas des pois, je suis un peu dans la dèche de semences, t’as pas de quoi
nous dépanner, et je passe prendre ton rotavator et puis par la même occasion, je te
ramènerais ta planteuse à patates, c’est tout le temps. Eh bien, c’est nécessaire !

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Benoit Termeau- Elevage volailles et production agricole de fruits-La Maladière. Photo Jeremy Esbert

Jeremy : Au niveau historique, c’est quoi l’histoire ?!


Sophie : C’est la rivière en bas, de ce qu’on a dit les gens qui avait la lèpre s’y baignaient.
Mais ce n’est pas bien clair si ici c’était un centre de lépreux ou si on les baignait ou on les
enterrait là. On dit aussi que la rivière ramenait la maladie.
Benoit : Il y a beaucoup d’interprétations !
Jeremy : Etes-vous affilié à Structures d’accompagnement ou un réseau d’écolieu ?
Sophie : On était suivi par L’ADDEAR en termes agricoles (Association Départementale pour
le Développement de l’Emploi Agricole et Rural. Elle a été créée en 1996 par et pour les
paysan.nes engagé.es dans le développement de l’Agriculture Paysanne. Agréée organisme
de formation, elle accompagne et met en réseau les paysan.nes qui souhaitent améliorer leurs
pratiques, développer l’autonomie de leur ferme ou la qualité de leurs produits grâce au
partage de leurs expériences et de leurs savoir-faire.
https://www.agriculturepaysanne.org/loire)
Benoit : Ce n’est pas évident ! C’est soit un banquier entreprise, soit un particulier, soit en
association. Par exemple, « Habicoop », font pour les coopératives d’habitants, donc si on
n’est pas une coopérative d’habitants, c’est compliqué. « Terre de liens » fait du rachat de
foncier agricole. En termes de ratio, on a 1600 M2 de toit, pour 12 hectares, donc le ratio pour
terre de Liens, il ne fonctionne pas et le socio culturel, ça ne les intéresse pas, ce n’est pas
leur objet. L’ADDEAR arrive à avoir à peu près une vision et ils nous ont accompagnés dans
notre installation agricole. Les accompagnements transverses pour le collectif, ça ne se trouve
pas pour toutes les raisons annoncées. Mais parler transversales, c’est toujours difficile pour
les accompagnements. A part L’ADDEAR et L’ARDAB (Membre de la FNAB (Fédération
Nationale d’Agriculture Bio, l’ARDAB est l’association des producteurs biologiques en Rhône
et Loire, et travaille depuis plus de 30 ans au soutien et au développement de l’agriculture
biologique dans ces deux départements http://www.auvergnerhonealpes.bio/qui-sommes-
nous/ardab/) avec qui on travaille pas mal sur les questions Bio
Jeremy : Et sur la question Foncière ?
Benoit : J’ai fait 3 jours de formation avec L’ADDEAR là-dessus. En fait vaut mieux se
débrouiller soi-même, si on ne va pas les chercher.

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Sophie : On a eu aussi embauché un juriste, en fait, on ne l’a pas embauché, il nous a facturé
et on a payé cher pour pas grand-chose.
Jeremy : Ça va être ta partie, Sophie. Ça concerne les activités culturelles et artistiques.
Alors, qu’est-ce que vous développez vraiment au sein de votre écolieu ou je dirais
même au sein de votre « Collectif » ? car vous n’êtes pas habitués à cette notion.
Sophie : Accueil de stages et de formations artistiques. Ça c’est vrai vraiment le volet accueil
où Anita et moi, on est dessus. Il y a aussi le volet accueil de spectacles qui concerne la
diffusion de spectacles et accueil de spectacles en résidence.
Jeremy : Donc, vous accueillez des résidences de compagnies ?
Sophie : C’est ça ! et après tout ce qui est ateliers ouverts au public
Jeremy : Est-ce que vous avez une thématique ou d’une esthétique artistique que vous
mettez en avant ? j’ai constaté qu’il y avait beaucoup de clown parce que tu fais du
clown, c’est évident ?!
Sophie : Oui, c’est vrai, parce que je fais du clown. Depuis qu’on est arrivés à la Maladière,
j’ai lancé mon réseau clown pour le projet et puis en fait, ça a pris hyper vite, je n’ai pas eu
besoin de faire énormément de communication et là, ça n’arrête pas, on n’arrête pas de nous
appeler pour que les gens viennent donner des stages.
Jeremy : Oui, effectivement, j’ai vu qu’il y avait « Les Aubes Sauvages » (structure
culturelle et artistique pour la création de spectacle, l'accompagnement à la création artistique,
le clown, les stages, les formations) qui ont une esthétique plutôt clown. Alors est-ce que
vous avez ou vous comptez avoir d’autres activités artistiques comme le théâtre, la
musique ?
Sophie : On compte installer une salle de musique dans la stabule, salle de répétition. Notre
intention à nous est de pouvoir faire de la musique, avec les membres du collectif pour
organiser des petits « bœufs » (Une séance musicale improvisée), ça n’a pas une volonté
professionnelle à part si cette salle de répétitions est cool et fonctionnel, ça pourra être aussi
une autre proposition, mais de base c’est vraiment ça. On voudrait aussi installer dans la
stabule un espace pour sécher les plantes aromatiques, et un espace pour la salle de
répétitions.
Benoit : Et aussi un bureau partagé qui au départ était l’idée.
Sophie : Pour revenir à ta question, on n’a pas défini une ligne directive artistique définie, tout
le monde est le bienvenu ! Comme par exemple, on a une demande d’un gars qui fait une
tournée en vélo et qui revisite Brassens et qui veut venir le 10 août. Du coup, je lui ai répondu
oui bien sûr ! mais je ne sais pas où on en sera. Pour le moment, on n’a pas de budget, donc
c’est au chapeau. On n’est pas sur une exigence artistique. On n’a pas encore une salle hyper
pratique ni du matériel encore, donc c’est essentiellement des gens du coin et des gens qui
apprécient le lieu et qui veulent venir jouer ici.
Jeremy : Alors je me demande, pourquoi cette dimension culturelle et artistique est
présente dans votre écolieu ? Alors, je suppose, que les fondateurs de la Maladière
comme toi, viennent du milieu culturel ?
Sophie : Oui, et puis on était tous ok, comme par exemple Benoit, qui est agriculteur, ça lui
plaisait bien de pouvoir se dire : je n’ai pas besoin de bouger très loin pour voir des spectacles
après mes journées agricoles ou je finis tard, je sais que potentiellement, si j’ai envie je peux
aller voir un spectacle qui est organisé chez moi.
J’avais, en effet, la volonté d’accueillir des artistes en résidences, étant artiste, et de diffuser
des spectacles, on a fini par tout mélanger ensemble car l’un est sur l’éducation populaire,
l’autre sur le culturel, l’autre sur l’agriculture, l’autre sur l’accueil, ça faisait sens, c’était évident.
Jeremy : Peut-on affirmer alors que le culturel et l’artistique sont au cœur de votre
projet, dans le projet initial ?
Je ne dirais pas au cœur, mais l’agricole, le culturel et l’accueil qui font vraiment 3 cercles qui
se rejoignent. (Comme une économie circulaire) En effet, tout ce qui y est culturel est en lien
avec l’accueil : les gens sont accueillis et logés, pour un stage par exemple, dans la ferme.
Ensuite, ils sont nourris par les produits qui viennent des agriculteurs de la ferme. L’idée est
que ça circule dans les 3 cercles qui sont tous en lien. Oui, on peut dire sinon que le culturel
et l’artistique sont dans le projet initial.

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Jeremy : Qu’est-ce vos activités culturelles et artistiques apportent au sein de votre
communauté/collectif ?
Sophie : À l’heure actuelle pas grand-chose dû au Covid. Mais dans l’idée c’est d’apporter,
d’amener de la vie culturelle.
Jeremy : Mais ici sur le territoire ?
Sophie : Pour le moment, je ne peux pas vraiment te dire car on a fait 2 actions. Mais en tout
cas, ça a marché. Les 2 évènements culturels qu’on a organisés, la jauge qu’on avait prévue
état pleine, voire débordée. C’est plutôt positif ! Avant de venir sur le lieu, on avait fait le tour
des associations du coin : MJC, centre sociaux, associations artistiques, … pour leur dire qu’on
voulait s’installer ici, quels projets on avait et qu’on puisse travailler ensemble.
Jeremy : Quelque part, ça vous apporte de la cohésion sociale sur le territoire ?
Sophie : En effet, l’idée était vraiment de travailler avec tous ces acteurs.
Jeremy : Avec des ehpad, des écoles... J’imagine ?!
Oui, les écoles, mais les ehpad on ne les a pas trop sensibilisés à l’heure actuelle.
Sophie : Il y avait la volonté de faire de l’éduction à l’environnement en lien avec les écoles.
Jeremy : Et justement, Est-ce que vos activités culturelles et artistiques sont éco-
responsables ? Avez-vous mesuré l’impact écologique de vos activités culturelles et
artistiques ? Avez-vous des outils, méthodes ou moyens pour diminuer l’impact
écologique de vos activités culturelles et artistiques ?
Sophie : On essaye ! Déjà la bière et les jus de fruits, on les prend à la « Farlodoise », à
côté. En tout cas, les produits de cuisine et de consommation, on essaye de les acheter en
circuit court et puis Bio.
Jeremy : Avez-vous des outils, méthodes ou moyens pour diminuer l’impact écologique
de vos activités culturelles et artistiques, par exemple, si vous montez un festival, feriez-
vous venir des artistes du coin en circuit court ?
Sophie : Dans l’idée, je te dirais oui, car d’un point de vue budgétaire, on est limité, donc, on
va déjà prendre les artistes du coin. Après, il y a les copains, les copains de copains, qui se
déplacent car ils vont venir au festival et en plus ils vont jouer. Pour le moment, on ne peut
pas rémunérer les artistes, et on peut dire : toi ! Grosse tête d’affiche. Et ce n’est pas forcement
l’idée, car on n’a pas encore une grosse place pour accueillir du public et du coup, faire venir
des grosses têtes d’affiches, on se ferait déborder.
Benoit : Et il y en a qui ne veulent pas qu’on plante des tentes dans leur champs….
Ou de garer des voitures dans leur champs, donc, on n’a pas de parking.
Jeremy : Tu veux dire qu’autour de la Maladière, il y a des voisins, des agriculteurs qui
ne veulent pas de festival ?
Benoit : Et bien pire que ça ! notre projet, c’est quand même un équilibre effectivement entre
socio-culturel et agricole, et il y a toujours des arbitrages qui se font. On a porté, dès le départ,
qu’il y avait une volonté de soutien à une agriculture Bio. Et dans la vision des producteurs à
l’heure actuelle, ça nous arrache le cœur de tasser le sol, en fait. Et du coup, presque pour les
autres, on ne peut pas prôner le non-labour et ainsi de suite, avec délicatesse sur les
méthodes, mais on ne peut pas vouloir aller dans ce sens-là, et écraser nos sols et on n’est
pas prêt à admettre que d’utiliser des terres agricoles pour faire autre chose que de produire.
C’est un équilibre au niveau global.
Jeremy : Mais êtes-vous bien accueillis par le voisinage ?
Sophie : Oui, j’ai l’impression. En terme agricole, je pense que les conventionnels doivent
regarder un peu d’un œil suspect.
Benoit : Ils regardent ce qu’on fait mais comme je te disais à midi, la femme de l’agriculteur
conventionnel vient quand même acheter des produits bio pour ses enfants.
Jeremy : Ils ont quand même une conscience.
Au sein de votre Collectif de la Maladière, est-ce que tu penses que vos activités
culturelles et artistiques sont une force motrice fédératrice, de confiance qui vous
rapproche, d’inclusion pour les nouveaux-velles, de vitalité dans le vivre ensemble et le
faire ensemble ? si oui, comment ?

170
Sophie : Ça rassemble, parce que s’il y a un spectacle, on se retrouve tous et on va le voir.
Sur le socio-culturel, il y a Anita et moi qui sommes assez présentes mais sinon, les autres ont
autres choses à faire.
Jeremy : Oui, je comprends, mais tu vois à midi on mange tous ensemble ?
Sophie : Oui, c’est bien, ce que je te dis. Ça peut effectivement rassembler mais sur les
énergies, tu vois par exemple Benoit, n’a pas le temps de gérer bénévolement toute une
soirée, il n’a pas envie, mais par contre, il sera présent pour regarder le spectacle.
Il n’y a pas une énergie folle à l’heure actuelle à la Maladière en termes de socio-culturel car
tous les agriculteurs de la Maladière sont en train de développer leur entreprise.
Jeremy : Est-ce que la dimension culturelle et artistique de votre écolieu est un moteur
de transition écologique et solidaire au sein de votre Collectif, sur le territoire et au-
delà ? Par exemple, est-ce que vous portez des messages de transition écologique et
solidaire à travers, justement, vos activités culturelles et artistiques ?
Sophie : C’est sûr qu’on a plutôt des spectacles engagés mais ce n’est pas non plus la ligne
directrice, mais par exemple, le spectacle qu’a joué Benjamin Butel est un spectacle engagé
qui était une conférence gesticulée sur le féminisme "Le corps des femmes, ou une autre
histoire des agrumes "
Jeremy : J’ai constaté qu’il y avait eu aussi du Ciné débat autour du film ‘‘Humanité’’ de
Jules Bourgeois sur le thème des migrations, donc vous portez des messages ?
Sophie : Bien sûr, après les ateliers clowns, on n’est pas sur un gros message, mais
globalement, oui. Dans l’idée, dans ma compagnie, on voulait un spectacle pour enfants, tout
public, famille sur l’écologie, sur la fonte de la banquise, donc on s’est dit qu’on va faire une
conférence gesticulée sur le dérèglement climatique en même temps et puis faire des ateliers
des énergies solaires etc…pour que du coup, sur le mois, dans la programmation, il y ait une
thématique globale proposée. C’était ça ce qu’on s’était dit dans l’idée.
Jeremy : Oui, j’ai vu qu’il y a toujours sur les sujets sur lesquels vous travaillez, en
résidence, à travers, justement, vos activités culturelles et artistiques, des messages
de transition écologique et solidaire.
Sophie : Oui.
Jeremy : Et donc sur le territoire et au-delà, avec le public, vous portez des messages ?!
Sophie : Oui, on est bien identifiés.
Jeremy : Donc, on peut affirmer que votre mode de communication et de sensibilisation
sur la transition écologique et solidaire passe par l’art et la culture aussi ?
Sophie : Oui, complétement.
Jeremy : Ok ! super. Donc, vous travaillez donc sur le territoire de la Loire ?
Sophie : Oui, on est en en région Auvergne-Rhône-Alpes sur Chazelles-sur-Lyon. En fait,
Saint Symphorien sur Coise, c’est le Rhône. Donc, on est à la limite. On est à cheval entre la
Loire et le Rhône.
Jeremy : Donc, vous travaillez avec les deux départements ! c’est plutôt positif ?
Sophie : Oui, et pour les propositions de nos stages par exemple, ça rayonne depuis Lyon,
donc ça vient d’un peu partout.
Jeremy : Ok ! et quels sont les acteurs institutionnels culturels et artistiques avec qui
vous travaillez du coup ? Il me semble que vous travaillez avec la Fabrik (Centre de
ressources pour tous les acteurs culturels du territoire : associations, éducation, collectivités…
et propose également une programmation artistique tout au long de l'année.)
Sophie : Oui, c’est exact. On voudrait travailler avec la MJC de Chazelle sur Lyon puis, on
travaille avec La brasserie « La Farlodoise » à Chazelle sur Lyon (Brasserie artisanale Pub /
Café-concert-), qui était salle de spectacle avant le Covid. On travaille ensemble évidemment !
entre nous, d’un point de vue culturel et entre nos agriculteurs car il y a le marché.
Jeremy : Et vous vous entendez bien ?!
Sophie : On s’entend super bien. Au début, Je suis allée les voir. Eux font pas mal de concerts
de musique et nous pas trop ici, on ne fait pas de concert car avec les voisins, ça peut être
compliqué et dans la salle d’activité, ce n’est pas très pratique le concert et même dans le
chapi-dôme aussi, d’une manière acoustique, le son tourne. Nous, on n’est pas très concerts
mais plutôt spectacles et eux concerts avec un peu de spectacles, donc on s’entend bien.

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Jeremy : Ils programment de la musique actuelle et donc il y a du potentiel en termes
de coopération ?
Sophie : Oui, ici, c’est la nouvelle Ardèche. Il y a plein de trucs qui se passent ici.
Jeremy : C’est chouette, vous n’êtes donc pas sur un territoire qui est fermé et qui ne
veut pas de l’art et de la culture comme certains territoires sur le Rhône ?
Sophie : Oui, c’est ça, il y a déjà une base ici.
Jeremy : Avez-vous des subventions publiques, privées ou avez-vous une
indépendance financière ?
Rien, en indépendance financière. Pour l’instant, peut être qu’un jour, on en aura, Il faut que
j’en cherche.
Jeremy : Avez-vous par exemple des partenariats ? tu me disais avec des écoles, mais
avec la mairie ?
Sophie : Il n’y a rien qui a été développé pour l’instant.
Jeremy : Mais avec la mairie ? vous y pensez ?
Sophie : Il y avait avant 2 personnes qui étaient du collectif et qui voulait développer ça, mais
là elles sont parties donc, tant qu’’il n’y a pas d’autres personnes qui le portent, ça ne va pas
être repris pour l’instant.
Jeremy : Est-ce que vos activités culturelles et artistiques ont un impact sur l’aspect
économique de la Maladière et sur le territoire ?
Sophie : C’est l’association, la pâte à bonheur qui loue la grande salle, qui a un loyer. Donc,
l’association paye une partie du prêt. Mais sinon, on n’a pas un gros impact pour l’instant.
Jeremy : Puisque la Maladière est toute jeune ?
Sophie : Oui, en effet, et puisqu’on on n’a rien programmé. Avec les restrictions sanitaires, il
y a juste le mois d’octobre qu’on a pu lancer quelque chose.
Jeremy : Est que vos activités culturelles et artistiques sont des moyens de lutte et de
résistance ?
Sophie : Oui bien sûr ! C’est une manière de toucher un public. Par exemple, il devait avoir
un atelier parent enfant clown, et du coup, il y avait 5 à 6 personnes déjà inscrites, avant que
ce soit annulé avec le Covid et du coup, d’avoir des personnes qui viennent à la Maladière, de
sensibiliser d’autres public sur d’autres enjeux, et de se dire, à la Maladière tout est Bio, et sur
une seule ferme comme la nôtre, on peut avoir 5 productions agricoles, et on peut vivre à
plusieurs, etc…
Jeremy : Donc, c’est porteur d’exemple, vous êtes comme un laboratoire de solutions
quelque part ?!
Sophie : C’est l’idée, complétement. Expérimentation. Par exemple, on est allés dans un petit
village d’Alsace et ils disaient que le meilleur moyen de convaincre, c’est d’être un exemple et
de montrer comment, ça peut marcher.
Jeremy : Les moyens humains, financiers et logistiques dont vous disposez dans vos activités
culturelles et artistiques viennent surtout de votre association ?
Sophie : Oui
Jeremy : Mais, si vous voulez monter un festival, est ce que vous avez des bénévoles à
côté ?
Sophie : C’est ça le problème. A l’heure actuelle notre association, la Pâte à bonheur (PAB)
a été mise en suspens pendant plusieurs années et du coup, on a des adhérents car on a fait
des évènements et les gens, on leur demande d’être adhérents à prix libre pour venir voir le
spectacle, et depuis qu’on est installés, on doit avoir à peu près 180 adhérents, mais on n’a
pas pu faire l’AG avec le Covid, donc on n’a aucune force, on n’a pas de bénévoles, on n’a
rien, à part nous même à la Maladière et des copains.
Jeremy : Cette année, est ce que tu peux me dire en moyenne combien de public vous
avez fait ? Sophie : Je pourrais te dire. Là au mois de juillet et août, on a organisé 6 stages
avec une quinzaine de personnes donc je dirais 80, 90 personnes, donc depuis qu’on est
arrivés, on a eu au moins 300 personnes qui soutiennent aussi le projet. Rien que de venir ici,
d’être en stage ou de prendre des repas, c’est soutenir le projet.
Jeremy : On peut prendre l’exemple de stage de Cascade Burlesque, que je fais en même
temps que mes recherches. On est nombreux, il marche bien. Même s’il nous fallait des

172
attestations pour venir ici, même si l’on dort dans le dortoir qui vient juste d’être réhabilité, nous
tous, les stagiaires, on est contents d’être ici et de soutenir le projet. En tout cas, c’est ce que
je ressens.
Jeremy : Vos activités culturelles et artistiques régressent-elles, avec le Covid, on peut
l’affirmer ? C’est exact ? Sophie : Oui.
Jeremy : J’ai vu que vous déterminiez vos tarifs en prix libre et conscient ?
Sophie : Oui, sur les activités. Jeremy : Pourquoi ?
Sophie : Ce qu’on fait en général, c’est qu’on voit avec les artistes ce qu’ils veulent pratiquer.
Nous, on s’est rendu compte que dans le mont du Lyonnais, le prix libre et conscient marchait
bien. De proposer des spectacles à 15 € alors qu’on n’est pas un lieu connu, que la salle n’est
pas terrible pour le moment, et puis, ce n’est pas notre volonté. Moi, ma volonté finale est de
pouvoir rémunérer les artistes avec des cachets convenablement, mais commencer
directement, ce n’est pas possible. Il faut que le lieu se fasse connaitre, qu’on ait une structure,
une salle qui soit agréable, chauffée, et avec du matériel adéquat pour prétendre faire des prix
fixes. Il y a des artistes qui préfèrent dire, c’est à ce prix-là. Nous, on dit, ok, mais s’il n’y a
personne. On sait comment les prix libres et conscients, ça fonctionne, peut-être que ça
fonctionnerait aussi si ça ne l’était pas, mais, on a vraiment cette volonté-là, d’être accessible
à tout le monde. Et tous à la ferme, on est tous plus au moins précaires, pour moi par exemple,
en étant intermittente, donc, on a un réseau de précaires et on comprend très bien. Donc, si
tu as que 2€ et que tu as envie de voir un spectacle, tu mets 2€, mais si tu as 10€ et que tu as
envie et la possibilité financière de mettre 10€, tu les mets.
Jeremy : Ça fonctionne un peu comme Notre dame des Landes où je suis passé, c’est
prix libre et conscient ou c’est du troc, et si tu n’as pas d’argent, ce n’est pas grave !
Jeremy : J’ai rajouté la partie restriction sanitaire, comme je te disais. En le comparant
avec la situation actuelle du secteur général de l’artistique et du culturel comme sur
Lyon, comment le manque de vos activités culturelles et artistiques a été ressenti au
sein de votre collectif et sur votre territoire ?
Sophie : Mine de rien, c’est pas mal, car c’est bien tombé. On a eu quelques départs, et
quelques problèmes émotionnels au sein du collectif. Du coup, les personnes qui sont parties,
étant sur le socio culturel. Ça aurait été dur pour moi de porter toute cette activité.
Jeremy : Tu veux dire que c’est bien tombé pour toi, car il n’y avait plus d’activités
culturelles et artistiques ?
Sophie : Et, on n’est qu’au début donc on a pas mal de travaux, vu que c’est Anita qui s’occupe
de l’accueil, et qui coordonne les travaux, elle n’a jamais pu faire de travaux car elle était
surchargée, donc moi ça me permettait de pouvoir lui filer un coup de main et d’avancer sur
les travaux comme finaliser le dortoir. Alors que si l’activité culturelle avait été maintenue, je
ne sais pas comment on aurait fait. Et financièrement, vu qu’on a créé l’association la pâte à
bonheur assez tôt, on avait une base de trésorerie, on n’a pas fait de rentrée d’argent mais on
peut encore payer notre loyer de la grande salle. Donc c’est le plus important. Jeremy :
Quelles sont les conséquences ou l’impact quand justement cette dimension n’existe
plus ?
Sophie : Nous ici, on vit dans une bulle donc c’est comme si le Covid n’existait pas, il se passe
toujours des trucs, il y a toujours des amis, des gens qui viennent, on va chanter on va danser.
Ça quand même pas été facile pour nous la pandémie, mais enfin, on a toujours des trucs à
faire, si tu t’ennuies, tu peux toujours aller aider les agriculteurs ont toujours besoin d’un coup
de main, en termes de travaux, on a 1000 choses à faire, on a de la comptabilité, il y a toujours
des choses à faire.
Jeremy : Donc, vous avez été résilients ?
Sophie : Oui, complétement, on s’est adaptés.
Jeremy : Comment faites-vous pour compenser ce manque ou ce besoin notamment,
en termes de santé mentale car ça peut être angoissant cette situation, en termes de
lien social, de convivialité ou même en terme économique ?
Sophie : On n’a pas de télévision, j’ai arrêté You tube. J’avoue que pour moi-même, je me
suis retirée de l’actualité car j’ai besoin de garder espoir. Déjà quand je circule en voiture,

173
j’écoute la radio, mais c’est suffisant. Je vois par exemple, à l’inverse, Jérôme plonge dedans,
et ça en termes d’énergie, c’est un peu dur.
Jeremy : Est-ce que l’actualité peut troubler le collectif en termes de relation, des
tensions quelconques ?
Sophie : En termes d’énergie, ça peut être dur. Jeremy : Est-ce que vous avez été
malade ? Sophie : On a tous eu un peu coup de maladie en décembre 2019. Ça peut être le
Covid car Benoit a été bien malade et pour lui qui est quand même costaud, c’est rare.
Jeremy : Est-ce que tu penses que cette situation est révélatrice au niveau de la
cohésion sociale de votre collectif et celui de votre public ? (Pour fédérer et mobiliser
d’autres personnes autour de votre projet ? dans le message de transition écologique
et solidaire si vous voulez le porter à travers l’art et la culture ?)
Sophie : Non, ce n’est pas très favorable car on n’a pas le droit de se rencontrer.
Jeremy : Donc ça diminue le lien social ?
Sophie : Oui, là notre AG, ça fait 2 fois qu’on la décale et en fait, c’est compliqué car pour
moi, je maintiendrais l’activité culturelle et artistique, mais les gens, les adhérents qui sont hors
de cette bulle-là, potentiellement, il y en a qui auraient voulu venir mais du coup, ils ne
viendront pas car ils ont peur. D’un côté, je n’ai pas envie d’organiser une AG alors que
personne ne va venir car il y a le Covid et donc, on ne veut pas avoir l’image d’un lieu qui s’en
fout. Donc, tu vois, le stage de cascade burlesque, on l’a maintenu, mais on sait que les gens
qui viennent sont détendus du Covid, mais, on ne va pas communiquer dessus car l’image
que ça va renvoyer, que justement on s’en fout, et on va créer des Clusters, etc…
Jeremy : Vous l’avez communiqué comment ?
Sur notre site internet, on l’a communiqué, mais on n’a pas dit que ça se faisait malgré le
confinement. C’est-à-dire qu’on n’a pas dit que le stage avait lieu. Mais pour dire que le lieu
est vivant et qu’il se passe des trucs, je ne vais pas en parler à travers ma communication, car
justement des gens qui sont très bloqués sur l’actualité sur la télévision, qui peuvent voir ça,
des personnes qu’on aurait pu toucher, qui ne sont pas dans le milieu, ça les empêcherait
peut-être de revenir, en se disant, « non mais eux, pendant le confinement, ils n’ont pas
respecté les règles ».
Jeremy : Et avec les 2 locataires qui ne font pas partie du projet, du collectif, ça se passe
bien ?
Sophie : Oui, ils sont tolérants, on leur a dit.
Jeremy : Est-ce que tu te sens, ou vous sentez vous concernés par les revendications
actuelles du secteur de l’art et de la culture ? par exemple, l’occupation du TNP à
Villeurbanne ? Sophie : Oui, on se sent concernés. Mais moi, je fais partie des intermittents
qui vont renouveler, mais je soutiens incontestablement. Moi, par exemple, j’ai l’avantage
d’avoir un peu de chance, mon métier principal est clown en milieu de soin et pas clown de
spectacle, donc je peux renouveler, car il n’y a plus rien dans le spectacle.
Jeremy : Portez-vous des actions de luttes ou pas ?
Sophie : Oui, la Maladière est une action de lutte de base.
Jeremy : C’est vrai, et je pense que ça peut être le mot de la fin, à moins que tu aies des
choses à rajouter Sophie ?
Sophie : Non, à part que vivement la vie reprenne.
Jeremy : Je te remercie infiniment Sophie

174
Annexe 10 : Entretien de Marie Sokolovitch et de David de écolieu
« l’écohameau la Ferme de la Chaux - Goshen » du 8 mai 2021

Le Bus de Marie et Alexandre Sokolovitch avant leur installation à Goshen. Photo Jeremy Esbert

Jeremy : Succinctement, pouvez svp vous présenter, présenter votre parcours et votre
fonction ? votre rôle au sein de l’écolieu ?
Marie : Je suis Marie Sokolovitch. Avec Alexandre, mon mari, on habite ici depuis bientôt 12
ans. En juin 2021, ça fera 12 ans. Je vis aussi ici avec mes 3 garçons, qui ont de 9 à 13 ans.
Je suis la salariée sur le lieu, de Goshen actuellement. Je suis aussi à côté formatrice en
régulation non-violente des conflits pour l’association IFMAN (Institut de recherche et de
formation du Mouvement pour une Alternative Non-violente).
David : ça fait une petite dizaine d’année que j’habite là, avec mes deux filles qui ont 7 ans et
9 ans. A la base, je suis infographiste. Donc, j’ai quitté un peu ce milieu-là il y a 12/13 ans. À
la suite de vie en collocation, de vie collective, à l’arche de saint Antoine et l’Arche de Lanza
Del Vasto. J’ai enchaîné sur ce projet-là, j’ai rejoint les habitants qui étaient là. Du coup,
actuellement, je suis bénévole sur le lieu, pour l’accueil, pour les petits travails qu’on fait tous.
A la ferme, il y a toujours des choses à faire. La grosse activité est surtout l’accueil. Je suis
trésorier au passage de l’association et ça prend un peu de temps des fois. À côté de ça, je
fais également du portage de repas. C’est mon activité en plus à l’extérieur à mi-temps.
Jeremy : Marie, tu disais que tu étais salarié de l’association Goshen. Peux-tu
m’expliquer ? Marie : Oui, en fait à Goshen, on fonctionne avec le prix libre, participation libre
aux frais.et chaque habitant est locataire de son logement donc les loyers qu’on verse à
Goshen permettent de fiancer tous ce qui est, les charges, le fonctionnement habituel. Et les
participations libres aux frais ont permis dans un premier temps, quand il y avait, il y a quelques
années, de financer en partie les contrats aidés (CAE-CUI) Et quand les contrats aidés se sont
arrêtés, on a rencontré une fondation suisse qui s’appelle ZOEIN et qui a proposé de compléter
à la hauteur du contrat aidé depuis au moins 3 ans déjà. Et du coup avec le confinement,
l’activité était arrêtée, j’étais au chômage. On fait tourner les salariats selon les opportunités,
les besoins.

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Jeremy : Déjà en termes de questions technico pratiques administratif, pouvez-vous me
dire svp quel est ou quels sont le ou les statuts juridiques de l’écolieu ? en termes de
foncier ? (Question fermée). Pourquoi avez-vous fait ce choix ? En quelques mots :
Quelles sont les dimensions de votre écohameau/Oasis ?
Marie : L’association Goshen est propriétaire des bâtiments et d’un champ de 5 hectares qui
est collé aux bâtiments, c’est un champ boulangé voisin qui cultive du blé Bio avec des variétés
anciennes. On a aussi une SCI dont Goshen a la majorité des parts, même une moitié, à qui
appartient le champ de 7 hectares qui est aussi collé au lieu et qui sert plus au Scouts, planter
des tentes, etc…
Jeremy : Pouvez-vous me présenter svp l’historique de votre écolieu ? (Question
ouverte) Qu’est-ce que vous entendez par œcuménisme ? vous êtes inspiré par
l’anarchisme de l’alpha oméga, de l’anarchie non-violent chrétien ? (Ecologie sociale :
Ecrit du pape).
Marie : œcuménisme, c’est qu’il y a du dialogue entre les différentes confessions chrétiennes
et du lien ; c’est l’inverse du repli sur soi. C’est l’idée de dire que notre volonté, c’est que toute
personne est la bienvenue et notamment sur le côté chrétien, qu’il y a un dialogue entre toutes
les confessions chrétiennes. Et nous qu’on ne se dit pas d’une seule confession. On n’est pas
un écolieu protestant ou catholique. Que toutes les confessions chrétiennes puissent être
représentées, même dans les habitants. Dans notre accueil, on est complètement
inconditionnels au niveau des personnes qui passent.
Jeremy : Quelle est le nombre de vos membres et l’âge moyen ?
David : 5 adultes et 7 enfants et l’âge moyen doit être de 40 ans et les enfants ça tourne entre
7 et 13 ans. Jeremy : Vous avez des activités à l’intérieur et à l’extérieur de l’écolieu,
n’est-ce pas ? David : Oui Jeremy : Quel est votre fonctionnement ? (Règles communes
de vivre ensemble : Gouvernance, principes ou processus de fonctionnement appelés
chartes, règles de vie, voire constitution (Gouvernance partagée, sociocratie ou
halocratie, intelligence collective, via une communication non violente (CNV), avec des
prises de décision par consentement ou par consensus.)
David : On se forme, on teste, un peu tous, notamment de gouvernance, de communication,
d’échange entre nous. Ces nouveaux outils qui apparaissent, au fur et à mesure, en même
temps que ces nouvelles formes de vie apparaissent, eh bien, on teste un peu en même temps.
Marie : En fait, depuis le début, on est en lien avec l’Arche de Lanza Del Vasto, la communauté
de l’arche qui est à côté de Grenoble. David y a habité une année et s’est formé là-bas
notamment. Depuis le début, on est accompagné par une personne qui est de l’arche et qui
vient au moins 1 fois ou 2 par an pour nous aider à cheminer justement sur le chemin de vie
collective. Sinon, à côté de ça, on fait 2 réunions par semaine. 1 d’organisation, et 1 du partage
autour de la foi. Le côté basique, technique, organisationnel. C’est donc 2 réunions par
semaine. Et le reste des temps collectifs, on le décide en réunion, si on veut faire par exemple,
un weekend de travaux ou si on fait un weekend d’accueil, si on fait des soirées en plus, etc…
On essaye de décider le plus possible par consentement, mais il y a des décisions qu’on
décide au 2/3 ou à l’unanimité selon l’importance des décisions.
David : Après, on est un petit groupe, on est 5 adultes en réunion donc c’est vrai que les outils
de gouvernance sont intéressants pour certaines décisions à prendre mais concrètement dans
nos réunions hebdomadaires, il y a des choses qui sont vite vues quand même et qui ne
nécessitent pas des systèmes de prise de décision spéciaux. Il y a différents niveaux et je
pense qu’on s’est habitués inconsciemment.
Jeremy : Quelles sont vos principales activités au quotidien au sein de l’écolieu ?
Marie : Goshen est un lieu d’expérimentation donc sur les 12 années, il y a eu beaucoup
d’expériences qui ont été faites, du maraichage, des ruches, des animaux qui ont été élevés,
des chèvres, des moutons, des tas de volailles aussi différentes. À l’heure actuelle, l’activité
maraichage est arrêtée. On fait modestement un petit jardin. Il n’y a plus d’animaux sur le lieu,
en tout cas d’élevage. Et, il n’y a pas aussi de ruches en ce moment, donc, on n’a pas d’activité
de ferme en ce moment depuis 2/3 ans. Par contre, on a une activité d’accueil et de
d’hospitalité qui s’est maintenue au long des 12 années de façon croissante et qui se
développe maintenant avec un autre temps, depuis 2/3 ans avec l’accompagnement des

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collectifs, ou des personnes. Comme des collectifs qui disent « Tiens on est un petit groupe,
on voudrait faire un écolieu ou un projet collectif, comment on commence ? », et nous, on
propose de l’accompagnement à ce niveau-là. Pour des groupes qui passent ou qui viennent
exprès. On est référencés dans le cadre des oasis mais on fait cela dans le cadre de l’accueil
de Goshen. On s’est formés petit à petit au fil de l’eau. Moi, je me suis formée à la
régularisation non-violente des conflits donc ça me donne des outils pour l’accompagnement
des groupes. Et Alexandre, mon mari, s’est formé à l’accompagnement individuel, donc c’est
là-dessus qu’on s’oriente depuis 2/3 ans de l’accompagnement de groupe et de
l’accompagnement individuel. Et cet accompagnement-là est porté par notre accueil collectif
à Goshen, notre vie collective quotidienne nourrie par cette expérience-là. Et on fait aussi une
activité d’animation, c’est-à-dire qu’on s’anime déjà des choses tout le long de l’année et du
coup, on les ouvre en fait. Au niveau de l’année liturgique, on jalonne l’année par des temps
particuliers, notamment la période automne, hiver printemps. L’Avent, par exemple, on le
marque vraiment, l’Avent noël. Normalement, hors Covid, on fait une bonne grosse fête pour
la nouvelle année. On marque, on jalonne l'Épiphanie, le temps de carême qu’on jalonne aussi.
On fait un temps particulier à Pâques. Après, il y a pentecôte et après, l’été. On marque l’année
liturgique par des temps de fête, repas ensemble, hors Covid, qui sont ouverts aux autres, et
qui nous permettent des temps riches et variés. C’est super chouette ! l’accueil inconditionnel
est notre façon de lire l’évangile. C’est nourri par ça. C’est vraiment la base avec Jésus qui
nous dit « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » pour moi, ça fait partie de
l’accueil, de l’hospitalité, avec même Abraham qui a une grande hospitalité qu’on voit dès le
début de la bible. Et puis notre parcours avec Alex, mon mari, on a vécu en camion, on a été
beaucoup accueillis dans plein de lieux différents, dans des communautés différentes et
notamment dans une communauté qui nous a beaucoup marqués qui est la « communauté la
Celle », dans les Cévennes. Et dans cette communauté, il y a l’accueil inconditionnel et nous,
on a été vraiment été touchés par ça et ça nous a inspirés. On s’est dit que c’était vraiment
important. Et tous ici, à Goshen, on porte cette hospitalité-là. Qu’une personne qui passe
puisse toujours trouver un lit. De quoi se poser, cuisiner, prendre une tisane avec nous, et une
oreille à l’écoute. Le prix libre et conscient vient de la volonté que ce soit toujours accessible
à tous et toutes. Sur le lieu collectivement, on est vraiment dans l’idée de la sobriété heureuse,
de la simplicité volontaire, d’être accueillant, même si on n’a pas des lits incroyables, des
locaux hyper bien rénovés, mais par contre, ce qui est important, c’est que tout le monde soit
le bienvenu.
David : Je rajouterais dans ce prix libre, il y a pour moi fort l’idée que, comme tu dis, c’est
simple, c’est un accueil à prix libre mais simple, chacun peut se faire sa nourriture, on partage
souvent les repas avec les gens qui viennent qui font ce qui veulent à manger, nous aussi, il y
a beaucoup l’idée de partage. Il y a aussi l’idée de pas seulement de l’accueillant-e accueilli
mais qu’on s’accueille tous, qu’on se rencontre et de la rencontre humaine. Et du coup, j’ai
l’impression que ce prix libre aide un peu à ça, à avoir ce même statut quelque part quand on
se rencontre, de discuter d’égal à égal et de partager d’égal à égal.
Jeremy : Quels sont vos objectifs, vos visions ?
David : On a écrit des projets sur 2/3 ans sur lesquels on avait détaillé nos visions, on revient
dessus régulièrement, ça évolue un petit peu. On avait aussi des objectifs aussi concrets. Là
on n’a pas refait de réunions pour ces objectifs concrets. En tout cas, moi ce que j’ai dans le
cœur, et tout à l’heure, tu parlais des activités sur le lieu, ce qui me parle vraiment ici, qui est
difficilement définissable en tant qu’activités, il y a 2 choses fortes, il y a le vivre ensemble
qu’on vit ensemble nous, la quotidienneté de vivre entre humains pendant 10 ans, comme un
couple mais entre voisins, on fait un projet ensemble, on s’entraide entre frères et sœurs, avec
cette idée de fraternité et ça pour moi, c’est un chemin qui est vraiment fort, vraiment riche et
qui n’apparait pas comme une activité mais qui pourtant est riche et nourrissante pour les gens
qui viennent. Il y a quelque chose qui se joue là qui est fort intéressant. Et aussi, tous les
partages qu’on peut avoir, on peut faire de l’accompagnement collectif, personnel mais aussi
tous les partages informels. Et toute cette volonté des personnes qui viennent là, faire un pas
de côté, prendre un peu de recul, se ressourcer. Et du coup, toutes ces petites ouvertures qui
a en chacun et qu’on peut s’enrichir, et j’ai l’impression, qu’on a vite des discussions profondes

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entre nous, avec des gens qui viennent autour d’une tisane à la maison, autour du feu dehors,
lors d’une balade. On ne peut pas les qualifier d’activités, ni d’objectif, mais pourtant, je trouve
ce qui est le plus vivant au-delà des activités concrètes qu’on pourrait définir. C’est cela qui
donne la vie, la lumière, la richesse à ce projet.
Jeremy : J’ai constaté que vous avez déjà mis en place concrètement des solutions en
termes de transition écologique et solidaire ? (Question ouverte) J’ai vu du partage de
véhicules, de mutualisation des outils, des véhicules, poêle à bois aussi, etc.
David : Ouais c'est ça, de la simplicité volontaire aussi, on partage les machines à laver,
l'espace laverie, on partage des choses comme ça et puis surtout sur les trajets. Ouais et puis
surtout de la simplicité. Vivre simplement.
Marie : tu parlais des objectifs. Si on parle en termes d’objectif, c'est vraiment l'idée de
l'expérimentation, parce que, mine de rien, s'offrir un espace d'expérimentation, on dit : « Ah
Ben ! c'est raté ! Cette fois-ci, on recommence autrement ! » c'est autorisé à ça. Et puis aussi
un espace de rencontre et David parlait bien de la rencontre. Voilà, et c'est important pour
nous d'être un espace, un lieu un peu… Moi, je dis toujours un lieu passerelle ou des gens de
différents horizons se rejoignent ici et nous, on offre un espace, juste de rencontrer qui est
bienveillant, qui est ouvert, chaleureux, ouvert à tous, qui est voilà. Oui, ça, comme si on
prépare un endroit chouette pour que les gens puissent se rencontrer ici et après repartir
chacun enrichi par les rencontres qui sont faites ici, pas forcément avec nous, mais les uns
avec les autres. Dans les différents week-ends, dans les activités ou même juste parce qu’ils
sont tombés en même temps au même week-end, au même moment. Il y a aussi cette idée-
là !
David : je rajouterai au niveau écologique, moi ça revient un peu à ce que je disais avant mais
moi la partie écologie qui me parle c'est la partie, l'écologie relationnelle. Je pense que dans
l'écologie a plein de choses d’'expertise qui font avancer les choses dans la construction, dans
consommer différemment. Et je trouve que nous, on a vraiment ce côté écologie relationnelle,
dans le sens apprendre vraiment à vivre ensemble entre humains au quotidien. Et c'est, je
pense, c'est quelque chose parmi plein d'autres qu’on a besoin de réapprendre si on veut un
monde différent, plus respectueux de l'écologie intérieure, l’écologie relationnelle passe avant
tout par effectivement l'écologie personnelle intérieure. On n’a pas le choix, ça fait miroir, donc,
de fait, on fait ensemble ça ne marche pas relationnellement eh bien ! on va chercher à
l'intérieur.
J’ai constaté que vous-êtes affiliés à des structures d’accompagnement ou des réseaux
d’écolieu ; oasis c'est la principale ? L’Arche aussi ?
Marie : En fait, on est en réseau avec tout ce qui est côté alternatif. Avec au niveau national,
avec du coup, L'Arche de Lanza Del Vasto, la coopérative des Colibris. Il y a la communauté
de la Celle. On est en lien au niveau chrétien avec aussi pas mal d'autres communautés,
notamment des communautés protestantes qui sont un peu à plusieurs endroits en France.
On est en lien avec pas mal de gens d'un peu partout en France avec plein de projets
différents. Et puis au niveau local on développe aussi du lien. Bien que ce soit avec des
porteurs d'initiatives ou de projets soient plus écolo, soient plus solidaire. Et militant aussi.
Alors sur Dijon justement, on est en lien avec notamment une association qui jusqu’au COVID
était florissante et hyper dynamique, le « Rézo'Fêt'Art » qui fait plein de choses au niveau
local et avec qui on organisait chaque année « un festival des alternatives », convergence
d'initiative et d'alternative.
Ben voilà ! ça fait un enchaînement sur la partie culturelle et artistique. Pouvez-vous
m’expliquer votre Festival Les Renc'Arts de la Chaux ? J'ai entendu dire que c’était de
mélanger des associations amis dijonnaise-Morvan, c’est-à-dire des associations
artistiques jeunes et des associations militantes anciennes, l’idée est d’amener du festif
aux associations militantes et de la conscience auprès des associations festives, est-
ce exact ?
Marie : Oui, Alexis, dit comme ça. Il le dit de cette façon-là, c'est assez vrai, c'est ça, mais c'est
l'idée vraiment de se dire oui, il y a plein de gens qui bougent et qui ont envie d'un autre monde,
plus solidaire, plus juste, avec plus de liens de joie ensemble, de partage. Et du coup, de faire
ensemble une fête chouette à la campagne. Voilà donc c'est venu avec la rencontre avec le

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« Rézo'Fêt'Art ». Il y a déjà un moment, il y a une douzaine d'années, au début qu'on est
arrivés, je crois. Donc voilà, le « Rézo'Fêt'Art » qui organisait déjà un autre festival, etc. Et en
fait, En 2011, ils n’ont pas eu de lieu pour faire leur festival. Mais ce qui fait que nous on a dit
OK ! pour accueillir un festival. Mais l'idée c’était que ce soit un festival petit et porté par tous.
Enfin que ce soit vraiment participatif, que ce ne soit pas un festival pour du public mais un
festival des militants qui viennent, qui se pose en week-end, on fait de la musique ensemble,
il y a les musiciens qui font de la musique, ceux qui sont dans des assos, qui ont des stands.
Ils proposent des ateliers, des choses, donc voilà, l'idée, ce n’est vraiment pas de faire un
festival pour des gens qui viendraient consommer du Festival mais pour plutôt, voilà les
associations qui sont motivées qui ont envie de venir… Les militants, les bénévoles qui ont
envie de se poser là un week-end et de faire ensemble des trucs quoi. Et de se proposer
ensemble des ateliers. Tu veux dire qu’il n’y a pas de programmation en avance ?
Marie : Alors ? Oui, le samedi, on commence toujours par un tour de table de toutes les
personnes qui sont là, donc il y a des fois 100, 150, selon le temps. On a passé de 50 à 200
personnes selon le La météo. Mais voilà, donc on fait un tour de table, soit s'il y a vraiment
beaucoup de monde, que des associations, c’est-à-dire, les gens se présentent en tant que
groupe d'associations, par exemple. Mais sinon, on prend le temps, au début de faire un grand
tour de grange, on se met tous dans la grange. On se présente un peu chacun pour que
l'association vient ou pourquoi on vient, et puis après on propose un « open forum », donc
l'idée c'est que ceux qui ont envie de proposer des thématiques, proposent une thématique.
On répartit dans différents lieux et puis ceux sur quoi, ils ont envie d’aller, ils y vont. Ce qui
donne qu'on a eu des tas et des tas d’ateliers hyper intéressants, ça, c’est tout le samedi
après-midi, il y a des ateliers. Il y en a aussi qui sont proposées le dimanche matin. Et par
exemple, qu'est ce qui a pu y avoir ? Il a pu y avoir, yoga du rire, atelier massage, atelier yoga
de posture, des méditations, peinture sur visage pour les enfants, contes avec une dame âgée
là du village d'à côté, il y a eu la LPO, il venait pour faire des ateliers pour découvrir les oiseaux
par exemple, cueillette des plantes sauvages comestibles. Plein de débats du logiciel libre,
des tas de débats sur le climat, de Faucheurs OGM qui était venu présenter ou il y a des films
aussi avec Ciné-cyclo. Mais où on pédale pour voir un film.
Mais du coup, ça, c'est un festival autogéré, participatif ? Marie : En fait très participatif.
C'est les gens, ils viennent, ils participent en fait, eux-mêmes, ils peuvent amener une envie
de débats, ils peuvent amener ce qu'ils veulent.
Par exemple, moi je pourrais venir et emmener du clown le 20 juillet
Marie : ça serait trop bien. Ah bah oui, mon activisme pour monter une brigade de clown
activiste. Ça serait trop chaud, c'est vrai. Normalement, le festival est reconduit là cette
année ? Rien n'est sûr, mais l'idée, c'est ça, c'est quand même, on part sur ça, on part là-
dessus. Je crois que c'est autour de 31 juillet dernier, dernier week-end de juillet,
David : Du coup, le soir, eh bien on a évidemment concert, la grange festive qui se transforme
en salle de concert. Donc c'est génial ! Finir avec la fête comme ça et puis des groupes
tellement différents et des artistes… c'est l’association Rézo'Fêt'Art qui font la programmation.
Ils sont de Dijon, ils ont un gros réseau, et puis ils accueillent des artistes, ils ont du matériel.
Enfin, ils rémunèrent, ils leur donnent des cachets ou alors c'est au chapeau ?
David : Tout est au chapeau. Ok ! ça reste comme le disait très petit, 100, 150 personnes.
Dans cette même éthique et dans cette même idée participative parce qu’après souvent, il y a
le « bœuf (Jam Session) », y'a tout le temps le « bœuf », et le « bœuf » est toujours aussi bien
que les concerts. Il y a vraiment ce côté participatif où chacun vient mettre sa touche et je
trouve ça toujours incroyable.
David, j’aimais bien cette image que tu m’as décrite, tout à l’heure : lors d’un bœuf de
musique, tard le soir, dans le cadre de festival, tu avais vu un gars en costard cravate
jouer à la batterie avec un punk à la guitare et un réfugié chantait au micro. Penses-tu
que alors que l’art et la culture ont une fonction de lien et de mixité sociale, de tolérance
à l’autre ? Qu’est-ce que ça t’a fait réagir en toi, en fait, de voir ça ?
David : Bah moi, je trouve que la musique et l'art sont des outils qui cassent un peu les
barrières et les frontières. Je suis déjà avec quelqu'un, même d'une autre culture, d'un autre

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pays, on n'a pas la même langue, on joue de la guitare, un truc. Ouais, ces activités créatives,
carrément ! C’est fort, on se rejoint facilement.
Est-ce que vous ça apporte quelque chose ce que vous voyez, de cohésion sociale par
exemple ? Marie : Forcément, en fait, nous, à la base quand on a fait le festival, c'est vraiment
dans l'idée : Convergence des alternatives et des alternatifs. Et l'idée, vraiment, c'est « s’entre
soutenir mutuellement », enfin se sentir moins seul, que la personne qui fait dans son coin,
son association. Quel militant. ! au bout d'un moment, elle peut s'épuiser parce qu’elle voit que
y'a pas grand-chose qu’avance et que c’est difficile. Alors que là l'idée, c'est de se dire : voilà,
regarde, y a d'autres assos, tu vois t'es pas tout seul à pédaler dans ton coin. Il y a d'autres
qui bougent aussi et puis peut-être même pas très loin finalement de chez toi à Dijon, ou dans
les alentours et puis peut être qu'on pourrait mutualiser des choses. Et puis il s’encourageait
et voilà, l'idée, c'était vraiment de se dire : ensemble, on peut être plus fort. Et comme disait
Alex, des associations ou il y a beaucoup de militantisme, de gens peut être un peu âgés qui
peuvent être un peu fatigués eh bien, de leur offrir un espace où il y a aussi plein de jeunes
qui sont là, et qui apportent peut-être plus le côté festif, joyeux. Et puis pour ces jeunes-là, qui
ont l’idée que le monde devrait être un peu mieux mais qui n’ont pas forcément de notion très
claire, du militant. Eh bien que ces personnes-là, (des gens plus âgés d’associations
militantes) puissent leur apporter toute leur expérience, une vision du monde peut être plus
ouverte, plus belle, etc. Et du coup qu’il y est un échange aussi comme ça, donc
intergénérationnelle aussi, inter-milieu, mixité sociale, mixité, ville-campagne, etc. Donc c'est
vraiment cette idée-là, le Festival est au service finalement, de la rencontre et du lien et de la
solidarité. De tisser ensemble un maillage de solidarité, et pas que les gens s'épuisent à être
seuls dans leur coin, à militer seul dans leur cocoon. À la base, c'était ça l'idée.
Pourquoi cette dimension culturelle et artistique est-elle présente dans votre écolieu ?
Est-ce que les fondateurs de votre écolieu viennent du milieu culturel et artistique et
par conséquent développent-ils ce créneau ou est-ce que cette approche/activité est
arrivée après ? Ou alors est-ce que c'est toi et Alex ? Parce que d'après ce que j'ai lu
dans l'historique, vous avez fait quand même pas mal de festivals ?
Marie : Moi, je suis pas du tout dans le milieu artistique ou créatif du tout.
Alex, est plus d'un côté, un peu militant que créatif et artistique, mais il est un peu quand même
car il a toujours aimé les musiques alternatives, les Bérurier noir, le Punk engagé. En fait, c'est
ce qui nous parle bien, c'est le côté créatif oui, mais engagé. Je trouve que ça a bien du sens.
Un message qui me parle. Pour moi par exemple d’une râpeuse comme Kenny Arkana. Eh
bien, ça me parle tout à fait parce que c'est à la fois engagé et à la fois créatif. Moi j'aime ce
côté-là. Après David, je pense qu'il y a plus à côté créatif.
David : Alors moi c'est vrai que j'ai un peu une attirance pour le milieu artistique. Tout ce milieu-
là et je pense que ça s'est fait un peu au fur et à mesure des rencontres, les rencontres avec
cette association, le Rézo'Fêt'Art, il y a fête et art. Et différentes envies, on a rencontré pas
mal d'artistes qui viennent nous voir avec des choses vraiment complètement différentes,
diverses, variées et par exemple la dernière idée qui est née, c'est l'idée de faire une semaine
de résidence artistique. Alors, il y a plusieurs idées possibilités, c’est-à-dire, accueillir une
troupe par exemple, mais là, c'était plus l'idée d'accueillir plusieurs artistes parce que bon ! à
force de ces 10 années d’existence, on a pas mal de réseau et on en connaît pas mal. Du
coup, c'était l'idée sur une semaine de réunir plusieurs artistes, donc c'est programmé
dernières semaines de juillet. L'idée c'est toujours pareil, c'est participatif, c'est à dire qu’en
amont de cette semaine artistique, il y a l'idée qu'ils échangent entre eux, voir ce qu'ils veulent
faire, s'ils veulent faire ensemble, s'ils veulent simplement se nourrir un peu les uns des autres,
mais faire chacun sa création, etc. Avec le petit objectif de pouvoir proposer quelque chose
pour Les « Renc'Arts de la Chaux », le petit Festival qui clôture cette semaine artistique.
L’idée de faire une résidence artistique dans le gîte, je pense que ça s’y prête pas mal après.
Après chacun fait comme il le sent, ça peut être dormir en tente dehors et ça peut être un
partage des temps de repas, on partage les temps de création. Alors les artistes qui ont
répondu à l'appel et qu'on a sollicités, c'est plutôt plasticien, photo. En tout cas, il y a plusieurs
espaces à la ferme, la grange festive. Il y a plusieurs petits ateliers. On peut se trouver un
espace pour peindre, il y a pas mal d'espace aussi extérieur, les questions émergent des

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artistes en même temps qu’on coconstruit cette semaine et voilà, ça oriente, Ça donne des
idées, on se dit ça ne va pas être faisable, etc…
Marie : J'allais dire, c'est porté aussi donc par David et 2 autres membres actifs de
l'association qui n'habite pas sur place, mais qui sont membres actifs et dont eux c'est le
métier. Enfin, ils sont médiateurs culturels. Du coup, on se nourrit des gens qui passent, qui
disaient : Ah ! mais nous ça nous plairait trop de faire de faire ça. Eh bien ! nous on va dire
super ! Et si la personne s'y tient et nous : Oui, alors quand est-ce qu'on le fait. Ce qui a été le
cas, David avec du coup, Pierre et Justine ont pu lancer plus cette idée. On a aussi en fait un
réseau de membres actifs. Il y a une trentaine de membres actifs de l’association Goshen,
non-habitants sur qui on peut aussi s'appuyer. Quand tu viens loger au gite, comme toi, tu
deviens membre sympathisant, de fait. Et après, pour les membres actifs, c'est au bout d'une
année, il y a plusieurs critères, il y a un processus. Au niveau de notre accueil, au gite, on
accueille de l'activité culturelle, créative et artistique et aussi d'intériorité. Il y a eu plein de
choses qui s'était annulées avec le COVID, mais c'est vrai qu'il y avait des femmes par
exemple qui nous avait appelés parce qu'elles faisaient de la danse je crois. Bref, il y a plein
de choses qui sont annulées, mais normalement, en tout cas, on accueille. Les stages : le
travail qui relie, l'espoir par l'action, détente et créativité. Week-end femme, etc. C'est moi qui
l'organise. Disons, au niveau culturel, on a à la fois le lieu et on le met à disposition des
associations militantes et ou chrétiennes, pour qu'elles puissent utiliser le gîte à prix libre.
Donc, il y a déjà ça, mise à disposition de d'espace avec une grange festive de 100 mètres
carré avec les champs, avec de l'espace donc il y a la mise à disposition de lieux. Il y a donc
tout ce qui est le fait de venir sur place et d'organiser soi-même des choses. Et puis après, au
long de l'année, voilà, moi, j'organise chaque année un week-end pour les femmes qui
s'appelle détente et créativité. Donc c'est un week-end où on va utiliser la créativité comme
outil de retour vers soi, d'intériorité et de développement intérieur. Et puis je me disais aussi
au niveau culturel, enfin je ne sais pas en tout cas au niveau créativité dans nos temps de
partage autour de la foi, dans nos temps spirituels. En fait, on essaie d'être très créatifs. On
n'a pas une liturgie habituelle. Enfin voilà, on n’a pas du tout développé une liturgie
hebdomadaire. La seule chose qui est développée, c'est qu'il y a une réunion hebdomadaire.
Mais après chaque habitant l'anime, chacun son tour du coup et on se laisse une totale liberté
pour l'animer, donc on peut faire autant aller marcher pendant 2h dans la nature, regarder les
étoiles en lisant le texte, on peut chanter autour du feu, des chants de Taizé. En outre, on peut
faire un partage autour d'un texte qui nous a parlé, on peut regarder une vidéo et puis en parler
après ou pas. Enfin, c'est ouvert et créatif. On peut faire des fois du collage ou du modelage,
plein de choses. Vu qu'on met le lieu à disposition et que c'est à prix libre. On ouvre la porte
finalement à des tas de trucs sympa. On a pour exemple un couple de copains qui sont venus
et qui nous ont dit : nous, on aimerait bien partager notre spectacle avec vous, on fait un
spectacle de chants et militants. Et du coup, ils ont fait leur spectacle pour nous avec aussi les
gens qui étaient là. On a aussi un copain belge qui nous dit : j'aimerais bien faire une petite
pause chez vous. Et puis j'ai du matériel de son, puis moi je suis artiste sonore quoi. Et du
coup il nous a fait des spectacles sonores juste pour nous. Et puis pour les gens qui passaient
aussi, c'était extraordinaire. La grange était transformée en espace sonore. Enfin voilà, en
mettant à disposition les Lieux, on a la joie d'avoir aussi pas mal de monde qui se lance. Puis
vu que c'est à prix libre. Nous, on ne demande rien et puis les gens aussi offrent du coup aussi
aux gens qui passent. Donc ça fait comme un gros cadeau.
Mais du coup, quand vous invitez, vous faites de la communication aussi pour que les
gens viennent de l'extérieur, en tout cas avec les réseaux sociaux comme sur votre
Facebook ? Marie : ça dépend, avant le COVID on essayait. Quand même pour Dimitri de
l’Expérience sonore spatiale, on avait un peu fait de la communication, mais c'est vrai que
c'est un peu toujours au dernier moment. Du coup voilà, on avait eu aussi la fille qui était venu
de Saint-Jacques qui faisait de la conférence gesticulée. Oui, après dans l'année. Oui, c'est
ça, on a le côté liturgique qu'on anime avec les mêmes dates. En tout cas, il y a aussi là-
dedans, le côté créatif parce qu’on ne fait jamais les temps spirituels pareil, donc voilà, on
ouvre aussi à notre créativité pour animer des tas de temps différents pour que ce soit
accessible aussi à tous, et puis aussi que les enfants puissent se régaler, enfin, tous puissent

181
se régaler, et trouver quelque chose aussi intérieur. Donc voilà, il y a ce côté-là et aussi dans
l'année, il y a le festival des Renc’arts qui est quand même rituels dans l'année, il y a notre
assemblée générale. On fait aussi un temps pour mal de rencontres créatives. Voilà, on fait
aussi donc le week-end « Femme détente et créativité ». On fait aussi une « fête de la
nature », une journée de la nature où on fait des rencontres, des ateliers avec « Faire son
compost » par exemple, manger des plantes comestibles, des tas de trucs. On a essayé aussi
de faire chaque année, « Faire ses cadeaux de Noël soi-même » on faisait ça en décembre.
Fabriquer des trucs. On fait aussi un peu des petites choses qu'on teste, ça marche ou ça ne
marche pas.
Qu’est-ce vos activités culturelles et artistiques apportent au sein de votre
communauté, à vous 6 et peut être aussi à vos enfants toutes ces activités artistiques
et culturelles ?
Marie : Une ouverture, la joie de la rencontre toujours et découverte. Par exemple, je pense à
Dimitri et ses musiques de l’Expérience sonore spatiale, c'est d'être transporté dans un
imaginaire, dans autre chose. Voilà, je trouve que l’art a un peu cette fonction-là de transporter
dans autre chose. On est dans une grange, il fait noir. Voilà posé sur un canapé, il fait un peu
froid et TAC d'un coup il allume les musiques, les bruits et là ça part ailleurs, comme si on avait
plusieurs réalités en même temps. Enfin, voilà, y a ce côté-là où on est là et en même temps,
on entend des sons se balader.
David : Moi, je dirais qu’on dit souvent dans les écolieux, collectif, c’est vrai mais on dit
communautés du pardon et de la fête. Et pour moi c'est vraiment vrai. Autant on nourrit le côté
pardon par les temps autour de la foi par les échanges qu'on a, etc. Par la profondeur qu'il
peut y avoir. Et le côté fête est hyper important et pour moi, l'art toute forme d'art, c'est un peu
une fête de la vie. Ça célèbre ça ! Et du coup je trouve que tous ces artistes qui passent ici, à
chaque fois c'est une fête. Ça amène du pétillant dans les yeux, chez les grands, chez les
enfants, c'est un truc qui parle au cœur. Et puis les enfants ça les développe, ils s’éclatent à
dire : on va faire un spectacle. Enfin ils ont des réflexes de faire des spectacles, mais c'est
génial ! On les implique de plus en plus aussi dans ces temps-là. Donc c'est les événements
qu'on fait autour de l'année, qu'est-ce qu’ils peuvent faire, proposer…
Du coup vous proposez aussi des événements pour les enfants j'imagine ?
David : On avait fait un temps, il y a pas mal d'années, on avait fait ça, d'accord, il y a toujours
un temps autour de Pâques et puis finalement, alors on faisait la fête des enfants, mais c'était
pour contrebalancer, pour dire que pour les autres fêtes, on ne prenait pas forcément en
compte les enfants en bas-âge, ce n’était pas évident de les inclure alors que maintenant j'ai
l'impression qu'il y a moins de séparation et qu’ils font plus vraiment partie des événements et
qu’ils vont proposer un petit spectacle, qu’ils vont mettre leur touche aussi là-dedans, qui est
souvent une touche artistique bien sûr, créative ou de services.
Est-ce que vos activités culturelles et artistiques sont éco-responsables ? Avez-vous
mesuré l’impact écologique de vos activités culturelles et artistiques ? Avez-vous des
outils, méthodes ou moyens pour diminuer l’impact écologique de vos activités
culturelles et artistiques ?
Marie : Clairement avec le Rézo'Fêt'Art, on a grandi ensemble, je trouve, parce qu’au début
on faisait pas vraiment forcément toujours attention à ça et en fait petit à petit au Rézo'Fêt'Art,
à force de fonctionner ensemble, on a amené aussi, je pense, ce côté-là où nous on a dit :
mais tiens, on a une bonne boulangerie qui est locale, on a ceci ou cela, et c'est vrai, qu’au
Festival Les Renc'Arts de la Chaux, je ne dirais pas que c'est un festival zéro déchet, mais
pas loin parce que on utilise la vaisselle du gite, on met des bassines dehors pour que tout le
monde fasse sa vaisselle, tout est très local. On fait marcher le Chevrier du coin, etc... Enfin
même, le Rézo'Fêt'Art s'approvisionne dans des AMAP. Du coup enfin, tout est bio, local à prix
coûtant, parce que la nourriture, vu que c'est un investissement, ce n’est pas évident de faire
à prix libre, du coup on va faire à prix coûtant, indicatif. Et puis les personnes mettent plus si
elles veulent. Il y a un prix, par exemple on mange un œuf dur ben on paye l’œuf dur. C'est
normal ça aussi. Du coup il y a ce côté-là. Et puis donc moins de viande. Enfin, on propose
toujours des saucisses à griller mais c'est des saucisses locales, vraiment du coin. Et puis
avec beaucoup de choses aussi végétariennes et une possibilité totale de manger végétarien.

182
Au niveau des déchets, on limite complètement. On fait venir des bières locales, enfin tout. On
essaie de tout réfléchir en termes de local, sans non plus faire des déchets. C'est vrai que
même la déco, on prend des tissus. La fin du festival, on les replie, on les remet pour l'an
prochain. On met en place aussi un espace de prix libre où les gens peuvent poser des trucs
et prendre des trucs, de Free-shop, un endroit où on va mettre des choses qu'on a stockées
dans les granges par exemple, qu'on a stockées ou dont on ne va plus se servir, donc on met
à disposition que ce soit des vêtements ou des petites choses. Et puis d'autres personnes
peuvent venir aussi mettre des choses à disposition. Et puis chacun peut venir se servir
Et c'est quoi la jauge que vous avez le plus de personnes en fait ici pour le festival ?
Marie : C'est la 11ème année, 200 maximum hein ?
David : De toute façon, ce n’est vraiment pas l'idée parce que si on augmente le nombre de
personnes on peut plus être dans la rencontre participative, ça sera plus dans la
consommation, l’esprit n’est plus du tout le même, on n'est beaucoup moins dans la rencontre,
on ne peut pas chacun se présenter, chacun faire des open forums, c'est une autre dynamique
et du coup il y a vraiment la volonté de rester petit pour garder cet esprit-là.
Marie : Pour nous aussi, on ne veut pas faire un festival où l’on s'épuise à faire, faire, faire,
faire sans profiter de rien. Là, on fait le festival, on fait un « Tournus » pour le bar. A la fin du
week-end, tout le monde est bénévole dans le Festival et participe en même temps et on
profite tous de la musique, des ateliers, etc… L'idée, c'est vraiment de vivre ensemble le
festival. Je repensais au côté culturel et tu avais cité tout à l'heure, le brûlage de sapin. Et je
me disais, on développe aussi de plus en plus le côté justement de liens avec les gens locaux,
mais vraiment juste des villages alentours, et notamment la tradition du brûlage de sapin, ça
c'est une activité culturelle qui est portée par les parents d'élèves de l'école du coin ; du coup
ils avaient fait venir un gars aussi qui fait des concerts parce qu’il y a plusieurs artistes dans
l'association des parents d'élèves et du coup, c'est eux qui ont tout mis en place et nous on a
juste prêté le lieu. Et eux, ils ont organisé : récolter les sapins de Noël de tout le monde, faire
le brûlage, inviter les parents, de quoi faire du vin chaud, faire un concert. Enfin voilà, on ouvre
le lieu aussi pour les gens tout à fait locaux et c'est une grande joie pour nous ça.
Donc en fait, on peut affirmer que vos activités culturelles et artistiques sont quand
même une force motrice fédératrice ?
Marie : Oui c'est ça, c'est assez fédérateur. Enfin, je trouve et que ce n’est pas forcément nous
qui sommes porteurs. En fait je trouve qu’ici, à Goshen, on est porteur de quelques week-
ends. Mais que aussi le lieu est ouvert à l'expérimentation avec du coup on n'est pas forcément
porteur de toutes les expérimentations créatives, culturelles. On peut mettre Goshen à
disposition et puis à bénéficier aussi de ce qui se fait.
Mais en fait, est-ce que ça, c'est une force motrice aussi, je pense de vitalité dans le
vivre ensemble et dans le faire ensemble à Goshen ?
David : Alors quand tu dis ça, moi je pense, à tous les temps qu'on fait nous-mêmes, qu'on
organise nous-mêmes. Mais je trouve que c'est toujours un enthousiasme et une force
collective de créer ensemble, de créer ensemble des temps, de créer ensemble des fêtes. Je
trouve toujours ça fort, fédérateur, ça rassemble, mais se rassembler autour de ces aspects-
là, artistiques, la fête, de coconstruire ensemble ces moments, c'est vraiment génial, et ce
n’est pas donné à tout le monde !
Est-ce que la dimension culturelle et artistique de votre écolieu est un moteur de
transition écologique et solidaire au sein de votre communauté, sur le territoire et même
au-delà ? Portez-vous des messages de transition écologique et solidaire comme de la
sensibilisation à travers l’art et la culture ?
Marie : Nous, on n'est pas très prosélyte ni au niveau de la foi ni au niveau du militantisme,
on vit ce qu’on vit, on accueille et on échange, mais on n'est pas à dire, il faut que tu fasses
ceci cela. Du coup, on n’est pas à mettre des slogans partout, donc ni non plus dans ce qu'on
propose. C'est plus dans l'échange, la rencontre et quelque chose qui infuse un peu comme
ça, un état d'esprit qui va infuser. Et plus dans les choix qu’on pose et dans les choses qu’on
fait, comme par exemple, le Festival Les Renc'Arts de la Chaux, le fait de faire le choix de par
exemple, faire que du local, beaucoup de bio et tout ça, c'est un vrai coût pour nous. Enfin,
notamment pour le Rézo'Fêt'Art c'est plus eux qui s’occupent de la nourriture. Mais bon, c'est

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fait comme ça et c'est tout. Enfin c'est une espèce de congruence de sens, c'est de l'argent
qu'on va mettre là, parce que c'est ça qui est important pour nous et du coup, on ne va pas le
mettre partout, mais ce qui est important, c'est ça, c'est d'être congruent avec nos actions (La
congruence, c'est montrer un alignement cohérent entre ce que nous ressentons et les actions
que nous menons, les idées que nous avons et les paroles que nous formulons. Pour faire
simple et connu, c'est dire ce que l'on fait et faire ce que l'on dit) Nos messages sont là-dessus,
quelque chose de la cohérence, dans l’action et on évite de prêcher sans faire !
Est-ce que vous avez des acteurs institutionnels, culturels et artistiques avec qui vous
travaillez sur le festival ? Par exemple, le village vous soutient financièrement ?
Marie : Non, on est complètement autonome. En fait, on fait le moins de frais possible pour
avoir le plus d'autonomie possible. On reste toujours très soft, sobre, simple pour pouvoir faire
tranquillement ce qu'on veut. L'idée de la Fondation Zoein c'est vraiment de militer pour le
revenu de transition écologique, ils nous financent donc un emploi. Du coup Zoein disent à
l'État français regarde, vous avez arrêté de financer des CAE, ces emplois aidés, alors que ça
faisait vivre des territoires, ça faisait des choses belles et chouettes au niveau de la transition
écologique. Eh bien ! nous on finance. Bon, allez proposez-nous quelque chose là. Mais l'idée
c'est peut-être qu'on trouvera mieux ! c'est Zoein qui sont venus nous chercher car nous on
n’y avait pas pensé donc ils sont venus nous rencontrer, Si tu veux, Dominique Bourg qui est
un philosophe franco-suisse, professeur honoraire à l'université de Lausanne dans un master,
spécialiste des questions environnementales. Du coup, Zoein nous font intervenir pour un
témoignage sur une après-midi, chaque année depuis 5 ans et sa collègue qui travaille avec
lui, Sophie Swoiton qui a fondé la Fondation Zoein. Quand j'ai présenté, j'avais dit, je sais plus
pourquoi, comme ça, que c'était fini les emplois aidés et du coup, c'est elle qui est venue me
voir, me dire : Tu sais Marie, nous, avec Zoein… voilà donc c'est comme ça qu’on a été
financés sur cet emploi. Donc c'est chouette par des cadeaux de Rencontres. Voilà ! il faut
être dans la confiance aussi à ce niveau-là. C’est pour ça aussi que ça fonctionne.
Est-ce que vous avez des partenariats avec la mairie, les écoles, les EPAD, là, où vous
êtes installés ici ?
Marie : Non, individuellement on est investis dans plein de trucs, oui, mais pas en tant que
Goshen Et comment vous êtes considérés ici, dans le sur le territoire, ça va, vous êtes
bien acceptés ?
Marie : Je pense qu'il y a des gens qui nous apprécient, des gens qui ne nous apprécient pas.
J'imagine que c'est chacun son avis, mais la plupart des retours qu'on a, c'est très, très positif
au niveau local. On a que des gens plutôt avenants et bienveillants autour de nous, ici en
Bourgogne, dans les alentours. En tout cas si des gens ne sont pas contents qu'on soit là, ils
ne nous le disent pas. Donc voilà ! Ouais donc c'est plutôt chouette, donc nous on rencontre
que des copains. La mairie par exemple nous a très bien accueillis, maintenant oui, depuis
tout récemment, puis une année. Mais sinon, jusqu’à présent c'était un maire, toujours le
même et depuis qu'on est arrivé, il nous a très bien accueillis de façon tout à fait citoyenne
enfin, voilà simplement, je viens tout de suite mis tout ce qu'il fallait en place, quoi, la poste, le
ramassage des ordures, enfin tout ça, tout a été mis en place de façon tout à fait égalitaire
avec les autres. Ils nous ont même mis des gros panneaux, la Chaux pour indiquer que c'était
par-là chez nous. Du coup non, je trouve qu'on a été accueillis de façon tout à fait sympa. Je
pense qu’au départ il y avait peut-être un peu de méfiance mais c'est normal devant l'inconnu.
Et puis nous, on a tout de suite voulu aller à la rencontre des voisins. Même on a nos enfants
étaient à l'école, on s'investit, c'est dans les associations, à l'école pour aussi être en lien avec
les gens du coin, et du coup, on a toujours été très bien accepté aussi.
David : Je pense qu’il y a tout l'aspect écologique qui se développe de plus en plus avec les
années. Au début, il y a 12 ans ce n’est pas pareil, on faisait peut-être effectivement un peu
plus bizarre. Qu'est-ce qu'ils font ? alors que maintenant les valeurs écologiques sont
présentes partout à l'école, les enfants apprennent et du coup, on nous identifie plus
facilement, on nous comprend et on nous dit : c'est chouette ce que vous faites. Dans la culture
locale habituelle de personnes qui vivent en campagne, ça s’insère plus facilement en même
temps que ces valeurs écologiques s’insèrent dans la société

184
Marie : Et même le fait de vivre en collectif, je pense, ça interpelle et ça interroge. Mais je ne
rencontre pas de négatif. Soit les gens nous posent des questions, soit ils sont contents. Enfin,
mais je veux dire en tout cas c'est, c'est plutôt de la rencontre et de la curiosité que vraiment
du négatif quoi. Enfin en tout cas de façon directe, on n'a jamais rencontré la méchanceté voilà
Du coup, en plus, vous participez à un petit impact quand même économique sur ce
petit territoire sur le réseau bio, un peu alternatif ?
Marie : Je pense, mais en tout cas petitement.
David : On essaie de s'organiser avec nos ressources propres et puis les ressources qui se
développent écologiques autour aussi.
Bien sûr, et ça se développe de plus en plus. Vous avez l'impression là autour ?
David : Oui, ça commence. Quand on a commencé il y a 12 ans, ce n’était pas un territoire
alternatif ou écologique.
Donc là il y a une question qui va te plaire, Marie, est ce que vos activités culturelles et
artistiques sont des moyens quelque part de lutte et de résistance ? Bon, vous êtes en
lien aussi avec le milieu militant du « quartier libre des Lentillères » Si oui, en fait, sous
quelle forme, ont-ils une influence ? Vous avez par exemple des activités artistiques à
votre Festival ? est-ce que c'est des moyens de lutte et de résistance ?
Marie : A nouveau, je dirais plus le côté mettre à disposition. Se mettre au service proposé de
l'encouragement des accompagnements, etc. C'est plus ça qu'on met au service du milieu
militant, et c'est plus ça, notre militantisme que créer des choses culturelles. Par exemple,
même pour le quartier libre des Lentillères, on est en lien avec eux dans le sens où il y a des
personnes Lentillères qui sont déjà venues ici plusieurs fois. Et puis on les connaît et on aime
bien, il y a très longtemps. Enfin, il y a peut-être 5-6-7 ans, je ne sais pas. Michael, qui habitait
là avant, un des anciens habitants qui était allé donner des coups de main là-bas. Et puis
certaines personnes sont aussi venues ici faire des coups de main l'année dernière. Mais,
sinon, on ne peut pas dire qu'on y soit, nous, on n'y est quasiment jamais là-bas. Enfin je ne
sais pas. Mais le lien est plus un lien de cœur ou on se dit tiens ! si y'a besoin d’organiser
quelque chose ou quoi, ils savent qu’ici, ils peuvent avoir un gîte à prix libre. Venir se mettre
au Vert. Enfin voilà, c'est plus ce côté-là en fait. Mais clairement c’est militant, ça c'est clair.
Oui, c'est complètement militant, c'est juste qu’on ne va pas forcément faire des actions
culturelles à destination des autres mais par contre, on est un lieu où les gens peuvent venir
éventuellement créer des actions culturelles pour aller les amener ailleurs, faire des repas,
prendre des temps ensemble pour pouvoir militer. Par exemple, ATTAC était venu faire ici
monter ici une pièce de théâtre pour pouvoir, après aller la jouer. Donc nous on a vu la
répétition générale et puis après ils étaient allés la jouer ailleurs mais tu vois l'idée, c'est plus
on est un lieu, un peu au service et à disposition, mais ce n’est pas nous vraiment qui allons
faire des activités culturelles militantes ou des manifestations ou des choses comme cela. On
n'est plus un lieu ouvert, à soutenir justement la lutte et la résistance, mais plus en mode
soutien, bienveillance, lieu d’arrière-garde un peu si tu veux, tu vois une base, un
ressourcement.
En le comparant avec la situation actuelle du secteur général de l’artistique et du
culturel, comment le manque de vos activités culturelles et artistiques a été ressenti
David : Il y a plusieurs choses. Et puis c'est aussi assez personnel selon les sensibilités de
chaque habitant, en tout cas, collectivement, ça fait certainement des manques d'humanité,
de rencontre, de partage, de fêtes, des lieux et des temps d'échanges. C'est sûr que ça
manque. Après, l’autre côté, on habite dans un cadre assez incroyable quand même et par
contre, au contraire, entre nous ça a permis de créer aussi, créer autrement, créer, apprendre
à créer des choses entre nous à faire la fête entre nous, à développer encore plus les
échanges, prendre les temps de résolution de conflit. Donc ça a été aussi des temps
magnifiques. Des occasions qu'on n'a pas. Cette période vraiment spéciale a donné ces
occasions, sinon, on est toujours en train de créer des choses. Changer de dynamique, ça
permet de créer autrement, de faire ensemble autrement. Mais c'est vrai que toute cette
dimension culturelle, artistique, il y a ce côté humain derrière, de se rencontrer.

185
Marie : Pour compléter plus ce que dit David. Le fait qu’on avait un super chouette programme
qui était pour le printemps 2020, tout était rempli avec un programme très alléchant et que
Paf ! en mars, mi-mars, tout s'arrête d'un coup et tout s'effondre entre guillemets. Pour moi, ça
a été mitigé. En fait, j'ai eu à la fois de la déception et à la fois du soulagement parce que
comme s'il y avait la déception, parce que, voilà, le programme était vraiment alléchant. On
prévoyait des chouettes rencontres, plein de choses super intéressantes et à la fois, du
soulagement parce que c'est vrai qu'il y avait un rythme plus intense, avec beaucoup de
choses qui se faisaient et je trouvais que le rythme était fatiguant pour moi en fait tout
simplement. Et du coup, le fait que d'un coup ça s'arrête. Je me suis dit : Ah ! peut-être que
c'est ce dont j'ai besoin de m'arrêter peut-être qu'on a tous peut être aussi les uns, les autres,
besoin de faire pause, en fait, de lever la tête du guidon, de descendre du vélo de s’arrêter sur
le bord du chemin, de boire un coup, de regarder donc voilà. Peut-être que collectivement
aussi et du coup, le premier confinement, ça a été l'occasion, nous, d’un temps magique parce
qu’on a pu prendre du temps ensemble, prendre du temps avec les enfants, prendre du temps
collectivement, on avait encore plusieurs réunions d'habitude, mais plein, pour pouvoir mettre
à plat des tas de choses, on a pris plein de temps au jardin. Enfin, on est tous sortis finalement
de nos petits vélos, vite, vite, vite, vite, la vie quotidienne pour arriver dans un autre temps, un
peu une bulle hors du temps. Et ça, c'était super chouette. Il y a ce côté-là et après c'est vrai
que l'été, on a essayé de se coller un peu à des normes et des d'accueil et tout ça, donc ça a
été très contraignant et en même temps je serai très content de pouvoir réaccueillir, rencontrer
des tas de gens, ça c'était vraiment chouette et je pense que le 2e confinement enfin le 2e
temps, quand c'était plus à l'automne. Ça a correspondu du coup avec un temps où on faisait
un temps de pause, c'est à dire pas d'accueil et pas de réunion, donc, on fait ça un mois par
an et du coup, vu qu’il y avait eu le confinement en novembre, on l'a mis en même temps que
le confinement. Et en fait ça n’a pas été forcément très évident à vivre pour tous et toutes dans
le collectif parce que justement il y a tout qui s'était arrêté complètement. Il n’y avait même
plus la vie entre nous, collective, qui avait été si chouette au printemps et là, en novembre,
y'avait plus ça. Il y avait plus d’accueil, plus de réunion, plus de temps ensemble et en plus le
confinement donc pas de temps social à l'extérieur donc ça a été moins joyeux. Vu que c'était
un temps de pause, on n'a pas non plus pris de temps collectif.
David : Chaque fois, c'était des confinements collectifs. On partage tellement de choses
ensemble.
Marie : Le COVID a mis un coup de frein. Je me dis que même au niveau de la planète, il y a
le côté salutaire de peu moins de courir et puis de moins consommer, d’énergie, de
déplacement, de plein de choses. Après je ne sais pas, il y aura peut-être des effets qu'on n'a
pas, c'est sûr, pour le moment. Mais enfin, voilà il y a les 2 côtés : il y a tous les drames
humains, de manque de lien, etc. et il y a tout le côté où l’on ralentit tous. Le côté ralentir. Je
trouve qu'il est très positif et après le côté manque de lien, je trouve qu'il est dangereux.
Je finirai par la dernière question, est ce que vous vous sentez concernés par les
revendications actuelles du secteur de l'art et de la culture ? Comme les occupations,
du TNP à Villeurbanne ou ce genre de choses par exemple ?
Marie : Je me sens solidaire car pour moi, c'est tellement important, toutes ces paroles qui
sont portées, ces espaces sont tellement importants, je suis solidaire des luttes en sympathie
et en empathie. C'est important que chacun de nous soit considéré de façon équitable, qui est
une bonne répartition, qu’eux, ils n’ont pas pu travailler pour pouvoir sauver un peu tout le
monde et que du coup, c’est important que aussi tout le monde soit solidaire avec eux pour
qu’ils puissent continuer de vivre.
David : j'ai un peu la même chose, solidaire mais j'avoue de loin, je ne me sens pas concernée
directement. On fait tous un peu notre part à différents niveaux.

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Annexe 11 : Entretien de Jacques Mayoud et de Katy Ollif de
l’écolieu « La maison-atelier, la Note Bleue » du 23 mai 2021

Jacques Mayoud -La Note Bleue. Photo Jeremy Esbert


Jeremy : Succinctement, pouvez svp vous présenter, présenter votre parcours et votre
fonction ? votre rôle au sein de l’écolieu ?
Jacques : Je suis Jacques, musicien, chanteur, compositeur et auteur dans le domaine des
musiques du monde et puis, je suis un des créateurs de ce lieu-là. Et je suis actuellement
coprésident de l'association la note bleue et donc hôte permanent du lieu avec Cathy.
Katy : Donc moi je suis Katy, je suis gratifiée du nom de plasticienne, enfin je fais des collages,
dans une autre vie, j'ai été institutrice, y a vraiment très longtemps. Et donc depuis l'année
2000, avec Jack, on a monté ce lieu. Enfin, on l'avait prévu avant, mais on y est depuis 2000.
On y a notre lieu d'habitat, nos lieux de travail, nos ateliers et on a monté l'association la Note
bleue avec tout un cercle de personnes avec nous qui est sur le même endroit et qui fonctionne
en autonomie.
Jeremy : Déjà en termes de questions technico pratiques administratives, pouvez-vous
me dire svp quel est ou quels sont le ou les statuts juridiques de l’écolieu ? Vous êtes
une association ?
Katy : Alors, il y a une association, la note bleue d'abord, mais sinon, nous : Jacques était
intermittent et moi j'étais à la maison des artistes.
Jacques : Effectivement, nous, on est résident et membre, on fait partie de la gouvernance
de l'association. Mais on ne tire pas nos revenus de l'association ou très ponctuellement quand
on utilise le lieu, on peut utiliser le lieu pour nos boulots, mais on n'est pas salariés de
l'association. Même ponctuellement. Je suis passé en mode retraite là depuis 2 ans. J'ai été
pendant plus de 40 ans intermittent du spectacle. Mon activité professionnelle passe par une
autre association de gestion d'artistes et de production. On convient simplement avec
l'association une mise à disposition du lieu quand je veux répéter pour moi, au cas où quand
Katy vous animer un stage pour elle, mais on est en parallèle de l'association, mais ça ne
passe pas par l'association directement.

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Katy Olif - La Note Bleue. Photo Jeremy Esbert
Katy : D’un point de vue historique du lieu, on sait que jusqu'aux années 70 comme ici, c'est
un lieu de vigne. C'était un lieu de vigne comme de l'autre côté du Rhône. Jusque dans les
années 70, tout le quartier venait presser son vin ici. C'est une maison de vin, c'était une ferme
avant bien sûr, et puis une maison de vin
Jacques : Avec une partie bourgeoise, entre guillemets, du 20e siècle. Depuis 1900. Cette
maison-là, la maison de maître et l’autre partie, la ferme remonte au 18e siècle. Avec des
parties architecturales qui sont typiques du 18e, comme le pilier en Pierre ici qu’il y avait dans
les fermes jusqu’à la fin du 18e. Architecturalement parlant. Et donc, c’était toujours partagé
entre une partie ferme vigneronne et puis une maison de maître, c'étaient des cadres de
Vienne, qui venaient là, le week-end ou des artistes, des peintres qui sont venus là aussi.
On est en lien aussi par le fait qu'il y a eu des artistes et que c'était une maison d'accueil aussi
qui a accueilli des villageois. Il y a beaucoup de gens du village qui nous ont dit qu'ils avaient
habité là, ici, dans la petite maison, quand leur maison se construisait. Ou pour accueillir des
réfugiés aussi. Donc il y avait déjà une fonction d'accueil dans le lieu. Ça, on ne savait pas en
achetant, c'est après, en discutant avec les anciens propriétaires ou les habitants du village
qu'on a su qu'il y avait, entre guillemets, que ce n’était pas par hasard que les vendeurs qui
ont avec lesquels on a acquis le lieu, nous ont donner priorité par rapport à un habitat partagé
de médecins qui était prévu, c’est-à-dire, des médecins qui achetaient à plusieurs pour faire 2
ou 3 logements séparés. Donc qui étaient là avant nous. Disons qu’on a eu gain de cause
auprès des vendeurs. Si j'ai bien compris, vous êtes 2 ici, mais ça peut bouger ?
Jacques : On était 3 jusqu’à ce moment avec une autre artiste. Et puis précédemment encore,
une autre musicienne en permanence, un autre permanent et puis donc avec l'association ou
indépendamment de l'association, on accueille, nous, des personnes en séjour de transition
qui peut être de plusieurs mois ou d'une année pour des personnes. Au tout début, qui
chantent, qui étaient en projet de changement de vie ou de création de leur projet, de leur
entreprise et qu'on a accueillis, pendant plusieurs mois, soit dans notre maison, soit dans la
petite maison, là ici. Donc c'est pour ça qu'avec l'association indépendamment de l'accueil
artistique, parce qu'on ne voulait pas être qu’une maison atelier d'artistes comme y'en a
référencé à la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), avec des subventions pour

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des résidences d'auteurs, etc. on voulait qu'on soit dans un projet humain global et donc
pouvoir accueillir des gens qui, souhaitaient être dans un lieu porteur plutôt qu'à l'hôtel ou dans
un gîte pendant une période plus ou moins déterminée. Et donc ça, ça a été aussi une bonne
partie des premiers temps de l'accueil. Des gens en séparation de vie, en réorientations ou
des gens qui venaient d'une autre région qui voulaient implanter un projet sur la région et qui
se posaient là. C'est ce qu'on appelle nous, les séjours de transition. Transition personnelle
ou transition professionnelle, en tout cas d'un espace d'accueil pour plus qu'une semaine ou
15 jours. Katy : Mais ça, c'est par exemple un truc auquel on n’avait pas du tout pensé avant.
Quand on préparait le projet. Ça s'est présenté, on a dit oui.
Jacques : On était plus focalisé, par rapport à ta demande, sur le projet culturel. Parce qu’on
connaissait bien ce domaine tout simplement. Donc, nous-mêmes, on a été en demande,
quand on crée nos spectacles, enfin moi surtout, de trouver des lieux pas très loin de Lyon,
dans le Beaujolais ou pas très loin pour aller écrire, pour aller proposer un spectacle et qu’on
savait qu'il y avait, cette demande là, dans le domaine artistique d'être à 1h d'une métropole
et non pas un lieu de stage perdu sur un sommet de l'Ardèche ou de la Drôme. Mais qu'on soit
accessible, donc on a choisi aussi ce lieu-là parce qu’au niveau des accès routiers, et des
axes, on est au carrefour de 5 départements, ici quand même. Donc le côté géographique a
été très important et c'est ce qui fait qu'on a aussi au niveau de l'accueil, aussi bien des artistes
que des individuels, dont cadre associatif, des gens qui viennent de Grenoble, de Saint
Etienne, du Pilat, de la Drôme, de Genève, et cetera. Mais voilà, la volonté, ce n’était pas être
trop loin de la ville. Et puis, on sait qu’à 1h, on peut être à Lyon, 1h30 à Grenoble ou en Suisse,
et cetera. Donc ça a beaucoup concouru au choix de l'emplacement,
Vous êtes ou 2, mais tout à l'heure, tu me disais que vous êtes dans de la simplicité
volontaire et vous travaillez aussi en tout cas, toi, Jacques, déjà avec « l'artisanat du
nous », est-ce que ça participe aussi dans les règles communes de vivre ensemble dans
ce que vous proposez ici ? Katy : Absolument oui. Jacques : ça, ça n'était pas ou ça a été
moins au niveau du projet initial qui était plus dans l’habitat et professionnel, et après plus au
niveau de l'esprit du lieu et de la philosophie de vie ici, ça s'est affiné un petit peu au fur et à
mesure aussi, par exemple pour moi, quand je me suis formée à « l'artisanat du nous », qu’on
a connu le réseau Colibri et donc qu'on a pu repréciser la notion de cohérence de vie et la
notion de simplicité volontaire. À la fois pour des choix économiques de dire, on doit faire
quelque chose qui soit viable, qui ne soit pas trop coûteux, pas trop ambitieux et donc qu’on
ne soit pas pris dans l'engrenage du toujours plus d'embauche, d'investissement, de travaux,
et cetera. Mais d'abord commencer par petit et pouvoir affirmer le besoin de rester petit aussi.
Et « Small is beautiful » en gros, mais aussi pour dire : « c’est là ! Le temps nous a donné
raison de dire, Ben ! voilà ! on sait qu'on va s'engager » et pour moi s'engager, c'était que ça
soit au niveau militantisme politique, écologique, prendre un engagement, on fait tout pour le
tenir et donc du coup, pour pouvoir être sûr de le tenir, on n'est pas trop ambitieux au niveau
économique déjà. Et puisqu’après ça implique aussi la question de la gouvernance, le mode
de décision et tout ça. Donc, on a dit : « On commence petit mais on applique pour nous-
mêmes dans notre quotidien, on l'applique pour l'association et on le propose, on n'impose
pas, mais on le propose aux gens qui viennent séjourner ici.
Katy : On n’impose pas ! en même temps ! voilà, ici on ne fume pas dans la maison en général,
on remporte ses poubelles, on apporte ses draps, ce que je te disais tout à l'heure parce que
laver des draps qui ont servi une nuit, ce n’est pas tout à fait écologique.
Et puis, que nous, on n'est pas des machines à laver. Voilà ! et qu’on peut faire un stage génial,
être dans un endroit agréable. Tout ça, venir se requinquer et puis garder quand même sa
droiture intérieure avec ce qu'on met en place pour soi. Je veux dire, il n’y a pas de raison que
là, du coup tu laisses trainer tes trucs, tu laisses tes poubelles, tu laisses pourquoi, non !
Jacques : Ça rejoint ce que tu disais sur la notion de conscience, d'être conscient que, il y a
des moments, on a besoin d'être pris en charge et d'être dans un résidentiel où on fait le
ménage et tout ça. Et puis, nous, on dit simplement qu’en tant qu'artiste, on pense que ce n’est
pas la bonne solution de s'isoler forcément et qu'on essaie d'être créatif tout en restant en
prise avec la vie et le quotidien. Et donc, eh bien, qu'on doit se soucier effectivement :
Comment est-ce qu'on mange ? Comment, est-ce qu'on nettoie ? à quel rythme on est ? Et

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cetera. Et bon, on accepte tout à fait les stages résidentiels qui ont besoin de se faire livrer
des repas, mais nous ça rejoint un peu dans la simplicité de vie, de dire, eh bien ! oui, très
longtemps dans la culturel et l’artistique, l’artiste, il était à son rythme, on devait être aux petits
oignons pour lui parce tu comprends, je suis en création et de dire : Oui, de temps en temps,
mais ce n'est pas le principal mode d'organisation.
Katy : Et puis surtout, au jour d’aujourd’hui, on ne peut plus se permettre ça, c'est plus juste
du tout ! Jacques : Donc nous, on prône effectivement de dire, les temps de travail, de
création, bien sûr, mais que chaque fois que ça soit en prise avec la vie, avec le restant de la
vie, et puis que, comme tu disais aussi, c'est l'importance du lien, quel lien j'ai entre ma création
avec le cadre dans lequel je crée, avec les gens qu’il y a autour, cette notion de lien. Là, vous
êtes les premiers à qui on le livre, c'est en fait, si on voulait résumer par un slogan ou une
accroche de communication sur le lieu, on dirait que nous on est « lieu de lien » parce que
voilà, que les liens soient faits avec soi-même, avec sa conscience, avec son intérieur qui
soient faits, avec des groupes, un groupe de gens qui travaillent ici, avec le voisin, avec le
territoire, qui soient faits avec des domaines invisible comme le rêve, la spiritualité, toute
présence invisible, voilà, on est un lieu où ce lien-là est proposé, est possible. Par contre, on
n’est pas communautaire au sens des sectaires, dire qu'on impose un rythme de vie, on dit,
voilà, ici, c'est possible de parler de comment on est relié. Et donc ça, ça fait partie, c'est un
des piliers importants. J’ai vu que tu étais un « Musiculteur de liens », c’est exact ?
Jacques : C'est vrai les mots sont importants. Et souvent pendant des années, j'ai dit, je suis
musicien, mais des musiciens il y en a des milliers. Et puis bon ! qu'est-ce que je fais en tant
que musicien et que moi, ce qui m'intéresse aussi bien dans le type de musique que j'ai choisi,
les musiques traditionnelles, des musiques du monde ou ce n’est pas une musique classique
ou une musique d'un créateur qui, seul, devant sa partition, et puis qui jette sa création au
monde, douloureusement si possible, parce que c'est mieux si l’artiste, il souffre et non, nous,
on essaie d’aller plutôt sur la joie et puis de dire mais voilà, je suis toujours relié à quelque
chose, à une culture, à une communauté, à un passé, à un patrimoine, aussi bien car il y a
des espaces que je ne connais pas forcément, mais et puis des lieux du monde et donc du
coup on est, on est beaucoup lieu de lien. Katy : Ta question me faisait penser par exemple,
moi dans mes stages, je ne fais jamais venir de la nourriture de l'extérieur parce que j'ai
constaté au début, c'était juste parce qu’on n’avait pas les moyens, donc ça ne risquait pas,
donc c'est repas partagé tout le temps. J'ai constaté 2 choses. J'ai constaté que d'abord, ça
fait des repas absolument extraordinaires parce que c'est d'une variété infinie, parce qu'on
goûte des trucs qu'on n'a jamais goûtés. Bon, déjà c'est pas mal, mais en plus il se passe
quelque chose dans la préparation des repas, même dans la vaisselle, même entre les gens
qui complètement ce qu'on fait pendant le stage, par exemple, c'est un moment privilégié aussi
il n’y a pas que quand on bricole nos trucs et tout ça, ça fait partie du vivant. Ça fait partie du
vivant, puis y'en a qui disent, Ah bon mais tu achètes bio ? ah bon et hop on part là-dessus ou
bien Ah bon et tu fais à manger comme ça ? Et voilà ! Et hop ! Et c'est complètement
complémentaire. Moi c'est évident et je le constate sur les groupes qui demandent les repas
à l'extérieur. On connaît 2/3 traiteurs dans le coin qui acceptent de venir, hein ! Ce n’est pas
le problème. Puis bon pour eux si ça leur va, ça leur va. Mais il y a quand même quelque chose
dans le repas qui ne se passe pas pareil. C’est-à-dire, ils attendent, ils consomment et
reviennent travailler. Il n'y a pas eu ce temps de liens, justement. Alors c'est très convivial
quand même, mais ce n’est pas pareil. Et ça, c'est à l'usage. Il y a plein de questions d'ailleurs
que tu poses ou qu'on sait qu'on nous pose souvent dont on n'avait pas la moindre idée avant
de commencer. Pas du tout. Si c'est bon pour nous, c'est bon pour les autres. Enfin voilà y a
une espèce de truc comme ça. Qu'est-ce que c'est que le Conseil de bienveillance ?
Katy : Alors le Conseil de bienveillance, ça existe à la Note bleue depuis 2011, on a fait une
bascule entre le conseil d'administration qui est le truc classique de nomination dans une
association qui ne nous correspondait pas parce qu’on n’a rien à administrer. On a des timbres
à acheter tous les mois et puis le téléphone à payer, et puis voilà. Je veux dire ce n’est pas de
l'administration, on ne fait pas des prévisionnels à 5 ans, ce n’est pas de l'administration. Donc
suite à du travail justement sur l'artisanat du nous ou eux c'est un autre lieu d'accueil. Je ne
sais pas si vous en avez parlé. On fait partie d'un réseau de lieux d'accueil et dans cet autre

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lieu d'accueil en Drôme, ils avaient organisé déjà des « journées de la bienveillance », réfléchir
sur la bienveillance. Maintenant, c'est un peu le mot « tarte à la crème » partout, mais il y a 10
ans, non. Et donc à la suite de la première « journée de la bienveillance » comme nous, on
cherchait le nom pour remplacer « Administration ». Alors, on s’est dit « conseil de
bienveillance » parce que comme ça, on n'est pas à compter des trucs, on est à se donner
des conseils. On est à s'écouter. Et avant le conseil d'administration, c'était réunion de bureau
une fois par mois. Le soir après le boulot, tout le monde arrivait comme ça, avait envie que ça
se termine. Là, on a dit non, alors ça, on arrête et on fait 4 rendez-vous par an, un par saison.
Avec 3 jours consécutifs. Vient qui peut mais ici, c'est 3 jours consécutifs si on veut avec le
premier jour, on organise une soirée spectacle, une expo, quelque chose pour accueillir
justement tous les gens de ce Conseil qui viennent des fois de loin. C'est pour ça qu'on a mis
3 jours. Pour ceux qui viennent de Paris, de Bretagne et d’ailleurs. Le premier soir, il y a
spectacle, il y a quelque chose de festif qu'on prépare ensemble. Le 2ème jour, on bricole
ensemble, il y a toujours des bancs à repeindre, des volets à réparer, du jardin à faire. Et le 3
-ème jour, on est à la table à discuter des projets. Qu'est ce qui a marché ? qu'est ce qui n’a pas

marché ? Là, on administre un petit peu. Jacques : Mais ce n’est pas une administration au
sens économique. C'est une espèce de supervision, de coordination où on est questionné par
les autres pour savoir, nous, en tant que hôtes-permanents où on en est par rapport au projet
de départ ? Comment on se sent ? Est-ce qu'on se sent bien ? Katy : Et puis qu'est-ce qu’eux
peuvent apporter aussi ? Jacques : Et c'est ça, ça correspond effectivement que comme c'est
composé beaucoup de gens fidèles qui étaient là depuis le début et il y en d’autres qui sont
arrivés aussi en cours de route et ce qui était le but du bureau de l'association, c’est-à-dire,
que les membres actifs de l'association, soient aussi sources de propositions. Effectivement,
par rapport au premier stage de clown, nous, on n’avait pas plus de liens avec ça. Quelqu'un
peut dire : « Moi je souhaiterais qu'il y ait un stage de clown. Et je peux proposer quelqu'un et
que ça me plairait de moi, d'y participer ». On a dit : OK ! Pareil pour du conte. On n’est pas
resté purement dans les arts plastiques et la musique. Après sur de la Calligraphie arabe ou
chinoise, c'est venu des demandes des gens de ce « conseil de bienveillance ». Ou faire un
totem avec le bois mort du cerisier, éditer les carnets de la note bleue. Un moment donné. On
a déjà sorti 2 exemplaires, on en a un 3ème en préparation. Ce sont des propositions en plus
d'une réflexion sur l'évolution du lieu. Combien de temps vous pensez que vous allez rester
ici ? Est-ce que vous allez faire transformer ça en habitat partagé ou en en ehpad d’artistes ?
Vous n’avez pas d'enfant, qu'est-ce qu'il advient de ce quand vous ne serez plus là ? Des
questionnements comme ça qui rejoignent des questionnements personnels et qui concernent
la vocation de ce lieu-là : comment est-ce qu'il peut évoluer, les liens avec le village. Qu’on ne
soit pas, nous, sous tension et donc ça nous permet nous, de poser des problèmes qui se
posent et mais que ça passe par du créatif après, de l'évolution.
C’est vrai que rien que le mot « Conseil de bienveillance », ça change tout, en fait, cette
notion-là ! Jacques : Et à cette occasion-là, donc moi, je me suis penché sur la précision sur
la loi 1901.Et encore là, maintenant, il y a plein de gens qui pensent que faire une association,
c'est faire un bureau avec un président, un trésorier, une secrétaire au minimum et puis qu'on
peut y avoir des vice-trésoriers, et des vice-présidents. Alors que légalement, depuis 1901, il
n'y a aucune obligation de ça. On peut nommer l'instance de gouvernance associative du nom
qu'on veut. « Le cercle tordu des timbrés de la chaussette », on peut l'appeler ce cercle de
gouvernance. On peut l’appeler le « cercle A », « le cercle rouge ». Voilà, il n’y a aucune
obligation. Ce sont des modèles qui ont été fournis au début, des modèles type, qui datent du
19ème siècle, une société. Et les gens ont reproduit. Je te passerai un modèle, on a pris des
modèles. C'est très important dans la période dans laquelle on est, parce que le changement
de paradigme, le changement de monde, il passe par vraiment transformer les mots et la
visibilité de ce qu'on fait pour montrer ce qui est neuf et ce qui est jouable. Maintenant, la
collégialité des instances d'une association, elle a accepté par toutes les préfectures, par
toutes les banques, par toutes les instances territoriales qui subventionnent donc il y a plus
aucune raison de ne pas être en gouvernance horizontale en associatif. Moi, je l'ai testé. Donc,
là aussi, on peut changer « le Conseil de bienveillance ». On a dit : il n’y a plus de président,
de secrétaire, de trésorier, y en a. Il peut y avoir un co-président qui est plus chargé des

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comptes et là avec le président qui est plus chargé d'autres choses, etc. Mais déjà on dans la
forme, les noms et la présentation, on est créatif et on est cohérent par rapport à nos idées.
On ne suit pas un modèle. Du coup, vous avez beaucoup d'adhérents qui vous suivent ?
Jacques : On est, on a entre 100 et 120 adhérents sur l'année et en sachant que ces alliances,
c'est des gens qui viennent aussi pour participer à une activité parce que l'adhésion, elle est
obligatoire pour participer à une activité, un stage, une résidence, un cours de yoga ou de tai-
chi et cetera. À la fois pour une question d'assurance et puis pour les propositions qui viennent
des adhérents. Enfin, s'il y a une proposition de quelque chose, ça doit être un adhérent qui
propose, ça ne vient pas de n'importe où aussi. Même pour quelqu'un qui est adhérent, et puis
qui fait de la danse qui dit : « mon association de danse qui voudrait faire un stage ? » Il faut
que ça vienne d'un adhérent. Si c'est quelqu'un qui est déjà adhérent, il faut que de toute façon
il adhère d’emblée à l'association pour ça. Donc ça on garde ce côté-là. Et puis après il y a un
cercle d'information qui sont des anciens adhérents, là où on a un bassin d’au moins 1000
personnes sur la région donc c'est assez c'est suffisant pour être sûr de remplir des soirées,
d'avoir des intérêts, des répercussions sur ce qu'on fait. Et puis après il y a plus large, il y a au
niveau des contacts, ça se renouvelle aussi pas mal. Et puis ce qui est bien, c'est qu'on a de
plus en plus de gens qui habitent Chonas qui viennent, soit par les stages, beaucoup par les
cours de yoga et tai-chi. Ça aussi qui fait que quand moi je faisais des stages de Sanza
africaine ou de percussion sur les calebasses, je n’avais personne du village parce que c'était
trop spécialisé. C'est des gens qui venaient des fois de Paris de Bretagne parce que c'était un
stage spécialisé. Ou pour le tai-chi aussi, y'en a qui venaient d’autres régions parce que c'est
une forme de tai-chi, qu'on pratique ici, qui n’est pas courante. Mais maintenant, du fait que la
confiance a été acquise par rapport à qui on était au village, qu'on n’était pas des hurluberlus,
bizarroïdes et encore moins une secte. Voilà, on a de plus en plus d'adhérents, de Chonas,
Reventin, Condrieu, des autres villages autour, et de la région. Ce qu'on a pu faire valoir et ce
qui ne nous avait jamais été demandé par la mairie avant, de savoir qui sont les gens qui
viennent à la note bleue ?
Pourtant, j'imagine que vous êtes présentés, vous êtes allés voir le maire ?
Jacques : Bien sûr, donc maintenant la mairie de Chonas-l'Amballan prend plus en compte, y
compris le fait qu'on s'adresse plus large que Chonas, mais qu'on a, quand même, un public
de Chonarins et de Chonarines qui viennent participer à des activités ici, ou qui viennent à un
concert ou une conférence.
Qu’est-ce vos activités culturelles et artistiques apportent au sein de votre
communauté/collectif ? Par exemple une force motrice fédératrice, de confiance, qui
vous rapproche, d'inclusion pour les nouveaux et les nouvelles. Et est-ce que vos
activités culturelles et artistiques ont un impact sur l'aspect économique de votre éco
lieu ? Jacques : Si on entend par économique, le fait de rester sur un budget équilibré, oui
effectivement, c'est un souci de dire : il y a des fois on est bénéficiaire de 3000 € et des fois,
on est déficitaire de 3000 €. Puis des fois c'est moins. Et là en 20 ans, ça s'équilibre à peu
près. On n'a pas fait les comptes encore par rapport à l'année 2019. Ça risque d'être plus
difficile avec le Covid, mais c'est pour ça que c'est temporaire. Mais ça, c'est le modèle
économique, il n'est pas que dans les chiffres, c’est-à-dire, qu'il soit cohérent par rapport au
projet donc ce n’est pas l'objectif de développement obligatoire. Ça c'est acquis ! on n’a pas
obligation de se développer. On a un souhait qu’on soit de mieux relier, c'est en qualité qu'on
soit mieux relié à l'environnement géographique, au village ou sur le territoire. On n'a pas
demandé de subvention au niveau départemental. Ce n’est pas même nous qui avons
demandé la subvention au niveau de la mairie, c'est la mairie maintenant qui le propose.
Parce que vous n’avez ni subventions régionales, ni départementale ?
Non, On n’en a eu, que pour l'installation de chauffage, parce que c'était un chauffage collectif,
il y avait du privé, du professionnel, de l’associatif, du locatif, donc du coup, on a eu des aides
de l’ADEME, du département et de la région uniquement pour le chauffage au bois déchiqueté.
C'est la seule subvention qu'on a eue pour l'instant.
Qu'est que vos activités culturelles et artistiques apportent au sein du territoire ? Est-
ce que ça crée évidemment du lien ? de la cohésion sociale ? une dynamique, justement
culturelle, socioculturelle ? Est-ce que c'est un moyen de mobiliser des personnes

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autour de votre projet ? Oui maintenant. Au début on a été accueillis à bras ouverts par le
village. « Ha ! des artistes, oui c'est bien ». Moi, j'ai été accueilli au comité des fêtes : « Ha !
super. T'es un professionnel pour organiser, pour le son, la lumière, le programme, connaître
le réseau. Mais après, ça a été assez difficile d'être intégrés dans le village par rapport à
l'image d'artistes qu'on donnait, qui n'était pas que justement une peintre, et puis un musicien
et cetera. Dans le fait qu’on fasse impliquer le corps, la réflexion, la citoyenneté, le rapport à
la nature, l'écologie. Ça a plutôt brouillé les esprits, ça a été plus difficile du coup à être
reconnu. Après, c'est dans le temps qu'on s'en aperçoit dans la mesure ou quand la mairie,
par exemple, a organisé des journées sur l'écologie avec « l'île du Beurre », donc qui est un
espace protégé au bord du Rhône, qui gère une partie de la forêt alluviale de Chonas et qui
avait des journées sur l'écologie de sensibilisation avec des ateliers, des intervenants etc. Ce
n’est pas la mairie, c'est l'île du beurre qui s'occupe de la partie écologie du village qui est
venue nous trouver en disant : « La note bleue est un exemple, parce que ce que vous avez
mis en œuvre au niveau cohérence, au niveau de l'eau, au niveau du bâti. On est refuge Ligue
Protection Oiseaux, donc, pas d’insecticide, le compostage. Enfin, tous les choix écologiques
qui sont faits au niveau de l'habitat. Même si ça a eu peu d'impact parce qu'il y a peu de gens
de Chonas qui sont venus. Là, c'est un autre problème, d’un village urbain. C'est des gens qui
viennent de la ville sont parfois plus demandeurs d'évoluer au niveau écologique et au niveau
des pratiques de gouvernance que des gens qui sont là depuis longtemps. Je dis ça sans
jugement, mais en termes de statistiques, on le voit. C’est venu de l'extérieur, la
reconnaissance et donc l'impact qu'on pouvait avoir. Pour moi au niveau purement culturel, je
suis intervenu au niveau de l'école, Katy, au niveau de la bibliothèque, mais après il y avait
une différence de mentalité sur les exigences tant artistiques que financières. En gros, moi, je
ne pouvais pas accepter de jouer gratuitement ou de faire des créations avec les enfants,
créer, composer des musiques gratuitement. Certains du village auraient aimé que, en tant
que Chonarins, j’intervienne gratuitement ou le moins cher possible, alors que moi, je suis
accrédité par la Direction Régionale des Affaires Culturelles depuis des années sur les actions
culturelles liées aux créations. Donc j'ai appliqué pour le village les mêmes tarifs, entre
guillemets, avec des arrangements, et cetera. Mais ça a été plus difficile à faire accepter la
réalité économique des artistes, tant au niveau du comité des fêtes et la fête de la musique.
L’artiste, il fait payer son travail, surtout quand en plus, il y a une vocation d'éducation, et
cetera. Ça a évolué, mais ça a été assez difficile à faire prendre en compte. Face à nos défis
sociaux, économiques et écologiques de notre époque, est ce que vous vous portez
des messages de sensibilisation à la transition écologique et solidaire à travers
justement vos activités culturelles et artistiques ?
Caty : Moi, oui complètement parce que je travaille, quand je donne des stages et puis pour
moi aussi, je ne travaille qu’avec des matériaux de récupération depuis longtemps. Je fais des
collages et je fais faire des collages qui sont du travail, je ne sais pas s'il faut dire artistique,
parce que le résultat n’est pas forcément beau, mais le résultat, il est en lien avec toi et donc
je travaille uniquement avec des magazines qui partiraient à la poubelle sinon qui ont été
vaguement visités comme ça une fois et puis qui sont très beaux comme matériau et que
j'aime les arbres et que je me dis à chaque fois tout ce qu'on jette enfin. Bon voilà, cette
réflexion-là. Et que moi qui ai eu besoin d'avoir un mode d'expression pour moi, au départ, il y
a longtemps qui n'avait pas fait d'études d'art, j'ai fait avec ce que j'avais et ce qu'on trouvait
dans les poubelles. Donc ça, ça m’allait bien. Et puis après, quand j'ai vu tout ce que ça me
permettait de développer, de comprendre, en moi, mais parce que je ne travaille pas avec
projet, je me suis dit, je vais en faire profiter les autres. Et donc, c'est comme ça qu'il y a.30
ans, j'ai commencé à faire des ateliers de création, de collages. Je continue toujours et j'adore
ça. Mais du coup tu travailles avec l'école d'ici ou pas du tout ?
Caty : Non, je travaille qu'avec des adultes parce que si tu veux y a vraiment un travail qui se
passe, qui est vraiment en lien avec l'intérieur. Alors avec des petits, ça m'est arrivé. Il y a eu
des très belles réalisations aussi, mais après, j'ai choisi si tu veux, justement par rapport à
cette conscience écologique, tout ce qu'on dit, de transformation de la société, tout cela. Je
me suis dit, c'est plus urgent de travailler avec les adultes parce, que si tu veux, il y a 30 ans
déjà ou 20 ans, les petits, ils ont ceci cela, on leur propose la musique, l'équitation, la piscine,

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le machin, ils ont de quoi se développer s'ils veulent faire de la peinture ou autre chose. Et
nous, notre génération, c'était vraiment là que je sentais le blocage, votre génération et
d'autres, je ne travaille pas qu'avec des vieux. Bien sûr, mais pour faire changer, en fait,
pour donner des déclics ? Caty : En fait voilà. Et le travail que je fais c'est vraiment oui, c’est
travailler avec la couleur, c'est travailler avec la matière papier mais pas dans un but, d'abord
de réalisation finale pour mettre au-dessus du canapé. Mais par contre, c'est de regarder ce
qui sort de moi, si je n'ai pas d'intention, c'est ça qui se passe. Voilà !
D'accord. Mais du coup, j'ai vu aussi que vous avez une programmation qui fait passer
des messages, il y a une conférence gesticulée de Sophie Assante sur la violence faite
aux femmes, la projection du film Grande-Synthe aussi. Jacques : Nous, on a est artistes
au niveau professionnel et au niveau du choix de vie. Mais ça a toujours été lié, soit alors à
l'engagement citoyen. On a été d'une part dans l'éducation populaire, on est issu de familles
qui étaient dans l'éducation populaire, donc où il y a un projet de société, même si c'est culturel
et ça, c'est lié à un projet de société. Soit dans la transmission de dire où la création, y'a pas
besoin de faire les hautes écoles pour créer, pas besoin d'être malade et alcoolique pour
composer de la musique, sortir des schémas anciens et accéder à une création, ça doit être
possible pour tout le monde. Donc pas une question de droits culturels qui a toujours été plus
présente et donc il y a tout ce passé militant, citoyen par l'éducation populaire. Moi, j'ai
beaucoup été dans le milieu des MJC et moi je suis issu du mouvement folk et dans les années
70, c'était par les MJC et c'était en lien avec l'engagement politique contre le nucléaire.
Caty : On était à Malville, on était au Larzac, on était partout.
Jacques : On est cette génération-là. Pour être cohérent, la pratique musicale, elle, est
forcément liée à nos choix politiques, nos choix écologiques. Et donc ça, on l'a continué. Et
puis pour dire que c'est possible. Donc c’est pour ça que cette programmation est présente,
et que c'est important pour nous, Qu’il y ait ce type de de présentation, de conférence, de film
ou d'assemblée générale d’association citoyenne aussi. Caty : c'est impossible de séparer
pour nous. Jacques : le travail du lien, lieu de liens. C'est dire qu'en fait, rien n'est séparé. On
peut un petit peu cloisonné ou se réserver des espaces ou les temps pour telle ou telle chose,
mais au fond, la vie, c'est qu'un ensemble de liens et donc il y a là, pour rejoindre Pierre Rabhi
dont on a eu un texte affiché pendant très longtemps sous le porche en entrant, qui était sur
la cohérence. C'est cette cohérence-là qu’on cherche et qu'on veut ou qu’on souhaite montrer,
pour dire, c'est possible. Et que l'avenir en gros de la société, ça sera de ne plus marcher sur
la tête, d’être cohérent par rapport à nos choix, aussi bien de vie au quotidien, de construction,
de choix économique, de gouvernance et de création artistique aussi, ou de travail, et cetera.
Caty : Si tu veux, nous, on part du principe que la création artistique, elle, est inhérente à
chacun. On est tous créateurs, donc, après on trouve le moyen, le temps, l'occasion ou pas,
mais on part de ce principe-là. Donc, après, trouver les moyens que tout le monde y ait accès,
tout simplement. Donc, vos activités culturelles et artistiques, à l'intérieur de l’éco- lieu,
même vos activités culturelles et artistiques personnelles, sont aussi quelque part des
moyens de lutte et de résistance ? Caty : Absolument ! ça fait partie de la vie, ce n’est pas
séparé. Tout à l'heure, tu me disais Jacques, que vous aviez des liens avec d'autres
lieux, des structures. Quels sont-ils ? qui sont-ils ? Caty : Ce sont des lieux d'accueil
aussi. D'accord, qui font partie du mouvement colibris ? Caty : Pas spécialement, pas
forcément. Quelquefois. Il y a un lieu dans la Drôme qui est plus spécifiquement axé sur la
thérapie. Ils sont thérapeutes, tous les 2, dans la lignée jungienne. Il y a un lieu en Ardèche
Nord, pas très loin d'ici, où c'est vraiment basé sur l'alimentation saine, direct du jardin, l'accueil
de groupes aussi comme nous, qui s'appelle « la source ». Ils sont installés la même année
que nous. Il y a un tout petit lieu dans la Drôme aussi, qui est un lieu de soins ayurvédiques.
Il y a Catherine et Pierre, qui eux, étaient dans la région avant et qui sont partis en Dordogne
pour des raisons, XY de famille, et qui ont acheté là-bas un très grand lieu parce que justement,
ça coûte beaucoup moins cher. Ils m'ont parlé tout à l'heure de trouver un lieu qui soit
abordable. Jacques : Et puis aussi parce que leur projet a évolué, d'un lieu de stage qu'ils
avaient en Chartreuse, et puis après en Savoie, ils voulaient avoir un aller vers l'écohameau,
plusieurs constructions, plusieurs maisons et avoir des terres, avoir des bois, des étangs, pour
pouvoir faire de la culture.

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Caty : Eux, pour l'instant, ils sont que tous les 2, mais avec du passage aussi, comme ils ont
la place, il y a une petite maison séparée aussi. Ils ont la place pour recevoir des gens,
éventuellement faire des projets. Rien d’obligé parce qu’au début, ils ont eu, ils avaient très
l'espoir que ça pourrait se faire. Et puis finalement, eh bien ! Non, au bout d'un moment, ça
bloque enfin ce qu'on disait. Et puis, alors eux, par contre, ils sont dans une zone
inconstructible. Il y a actuellement une maison qu’ils sont en train de retaper autrement, il y a
la petite maison et il y a tout un une série de granges. C'était une ferme qu’ils veulent retaper
en appartement. Enfin voilà, suivant les gens qui se présenteront, les projets qu'ils auront. Il
s'appelle « la toupie qui sème ». Jacques : Voilà, c'est un petit réseau pareil à nous. Pareil,
on a été plus nombreux et puis on a préféré parce qu'il y a surtout des projets qui sont montés
sur la région, qui ont voulu faire partie de ce réseau. Et on s'est dit non, nous à 5-6 lieux, c'est
pareil, c'est gérable et on peut aller en profondeur. Caty : Et donc on se voit 2 fois par an, tous.
Et on tourne, un coup en Dordogne, etc… On se promène pour voir l'évolution des lieux et
puis on se donne thème, un thème de réflexion à chaque fois : la nourriture, ça dépend ce qui
arrive. Et puis on se donne un coup de main à chaque fois, aussi, on reste sur 3 jours, et à
chaque fois on bosse sur un projet du lieu qui qui a besoin de bras.
Du coup, est-ce que vous avez des liens aussi avec structures culturelles, ici avec qui
vous travaillez peut-être ? Jacques : Oui, moi, j'étais en lien quand j'étais dans le « plein
feu » de mon intermittence. J'avais déjà eu des coproductions avec les structures avec Vienne,
avec le théâtre de Vienne, avec « travail et culture » sur l’agglomération de Roussillon, ou avec
des médiathèques ou des radios. Après, ça a continuer pour moi et ça n'a pas cessé. Au
contraire, ça s'est un peu renforcé du fait d'être plus proche, donc du coup ça m'a permis de
faire de l'action culturelle, en plus des créations, sur plusieurs communes, autour. De créations
de chanson, de créations de spectacles. Parce que mes spectacles étaient co-produits par la
structure culturelle du « pays Roussillonnais », là ici, à côté. Donc, il y a eu des liens. On n’a
pas de lien permanent ou de liens réguliers avec les structures culturelles. Caty : Avec le
théâtre de Vienne, ça a duré un bon moment, c'est à dire qu’ils avaient une grosse
programmation jeune public, qui n'existe plus. Et donc on recevait les compagnies ici, qui
préféraient dormir là plutôt qu'à l'hôtel pendant une semaine quand ils étaient en résidence.
Jacques : C'est vrai que moi, pour avoir été logés en hôtel Ibis, en formule 1, tu vois pendant
qu'on était en création en résidence à une Théâtre. Nous, on a dit, nous, on peut accueillir des
compagnies ici Caty : et tout le temps que cette programmation a duré. On a reçu des
compagnies. Après, la mairie de Vienne l’a supprimée.
Jacques : Il y a toujours une programmation jeune public mais tellement minime. Ce n’est plus
le même type de programmation et puis voilà. Non. Et puis bon, moi j'ai joué avec le musée
Gallo-Romain, tu fais des concerts aussi où j'ai joué, et cetera, mais Cathy, toi, t’as des liens
avec quelques galeries aussi sur Vienne. Oui, c'est vrai que par rapport à l'autre question
précédente, ça s'est fait un petit peu indépendamment de nous ou les gens ont entendu parler
de la note bleue sur la région Lyonnaise, que ça soit au niveau purement culturel ou individuel
aussi. Et quand on dit : oui voilà. On est de la Note bleue. Ils disent : Ha ! la Note Bleue… Caty
: et alors ça nous on ne se rend pas compte du tout.
Jacques : donc ça, on s'aperçoit qu'on a une influence et une réputation soit au niveau
purement culturel, soit à un niveau que dans ce lieu il se passe quelque chose, qui se fait
indépendamment de nous, parce qu'on a arrêté de faire des encarts publicitaires dans les
revues, tu vois comme on a fait au début pour se faire connaître. Et que maintenant on a fait
notre trou, et voilà, Caty : donc aussi parce qu’on ne pouvait pas tout faire, retaper, construire,
animer... A un moment, la documentation, ça passait un peu derrière.
Jacques : Par rapport à L’égo, on préfère mettre la barre plus basse et être cohérent et donc
t'as moins de gros projets avec des gros partenaires, et cetera. Mais, faire notre place, plutôt
que ça coule le plus tranquillement possible. Et ça se fait ! Et puis bon, on est déjà bien assez
occupé, on a de quoi faire pour pas être dans des projets trop compliqués, trop coûteux, en
temps, en énergie, en réunion, en stress de faisabilité et du coup, on obligations vis-à-vis des
partenaires politiques, etc.… C'est plus dans une sobriété heureuse ?
Jacques : Voilà, c'est ça, ça rejoint complètement. Caty : Par contre, quand ça se présente
comme par exemple le film, il y a 2 ans qu'on a reçu de Grande-Synthe. Je ne sais pas si vous

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l'avez vu ce film ? C’est donc tout le travail qui a fait ce maire dans le Pas de Calais, là-haut.
Bon ! Ben ! Je sais plus comment on a rencontré la réalisatrice, Béatrice Camurat Jaud. C'est
quelqu'un qui est connu dans ce milieu-là, maintenant. Puis bon, on l'a rencontrée. Elle a dit :
« Ah oui, je veux bien venir ! » Il faisait une chaleur à crever ce jour-là. Donc, on avait prévu
de faire ça dans la salle, elle a dit : « il n'y a pas un autre endroit ? Donc, on a fait ça dehors
mais c'était carrément miraculeux parce qu'on était dehors, alors c'était faisait un peu
séparation entre la culture de là-haut et puis la culture d’ici, mais c'était complètement juste.
Culture alors là ! il n’y a pas d'autres mots ! Enfin, c'était il y avait tout en même temps. Des
réseaux importants on va dire et nous, un petit lieu comme ça, coincé dans son petit coin.
Enfin bon, tout était juste, d'un seul coup, ça s’alignait tout.
Ça faisait sens ! Caty : Voilà ! et alors si tu veux, nous, on n’a rien contre le fait que des gens
célèbres viennent ici, mais on ne cherche pas. Elle est venue, c'était super !
Est-ce que vous avez du public d'ici ? du village qui sont venus ?
Caty : Du village, il devait y avoir 3 personnes. On était 30 ou 40, on était nombreux quand
même ce soir-là. Des gens concernés par le film et des alentours.
Jacques : Au niveau des statistiques, je les ai faites récemment pour le nouveau maire
justement, de dire, qu'on a quand même une bonne majorité, bien 50 % des gens qui sont là
viennent des environs. Du Pays Viennois ou Roussillonnais ou du pilât, et cetera. D’un rayon
de 10 kilomètres autour. Ça c'est super ! Après, il y en a qui viennent de plus loin ou de Lyon,
du reste de l'Isère ou de France quand c'est des choses plus spécifiques. Mais, on touche un
public qui est à majorité de l'environnement proche. Globalement, quand on fait une synthèse.
Enfin par rapport au COVID depuis un an, vous avez annulé plein de choses votre
programmation ? Donc vos activités culturelles et artistiques, ici, de votre écolieu, ont
régressé. Alors, comment le manque de vos activités culturelles et artistiques a été
ressenti par vous ? Et comment l'avez-vous compensé ?
Caty : Alors, on ne l’a pas compensé. On a eu la chance qui est 4 groupes continus autorisés
à continuer à travailler, qui venait déjà avant, en formation professionnelle continue, avec
l'autorisation de se regrouper. Et dans la salle, il y a largement la place. Il y a un eu par exemple
un travail sur la philosophie, la symbolique du tarot Il y a un groupe de thérapie.et un autre sur
Le Kundalini yoga. Et donc ça, ça a sauvé la mise vraiment parce que le peu de rentrée qui
arrivait dans la caisse de la note bleue permettait juste de payer les charges.
Jacques : Mais par rapport à ta question, on devait aussi fêter les 20 ans de l'association, on
a fait ça pour les 10-15 ans, avec plein de concerts sur le kiosque, des chapiteaux, Atelier
expo. Et curieusement, on s'est dit dans un premier temps, on reporte à 2021, et puis après
on s'est dit cette crise-là qui est planétaire, on ne doit pas revenir à comme avant et ça ne sera
pas possible de revenir à comme avant, ça c'est sûr. Mais nous on le croit. On ne va pas
seulement reporter comme s'il se fait au culturel, parce que là déjà, ça veut dire faire des choix,
parce qu’il y a des centaines, des milliers d'artistes qui téléphonent, en disant : « On veut venir
jouer chez vous, et cetera. » Déjà. Et que nous, on le fait que si ça a un sens, vraiment. On
ne programme pas pour programmer. On programme que si c'est des gens qui sont déjà venus
travailler là, dont on sait le travail, et puis qui continuent quelque chose qui a commencé avant,
avec qui on a créé du lien…
Caty : Ou alors des gens qui sont venus à un autre stage qui disent : « Ah mais moi je fais
aussi ça !» par exemple. Jacques : Donc on s'est dit : « on ne va pas programmer pour
programmer ». En plus, on a fait le choix de pas avoir une licence d'entrepreneur de spectacle,
donc, on est tenu à faire 6 manifestations publiques maximum par an. Ce n’est pas le problème
qui en a un qui prenne la licence d'entrepreneur à son nom. Mais c'est à dire que on n'est pas
programmateur. On n'est pas une structure Culturelle qui est là programmation parce qu’après,
on a tous les Bookers et les artistes en panne qui viennent et parce que ce n’était pas notre
volonté de départ. On n'est pas un lieu de diffusion. Il y a un peu de diffusion, mais on n'est
pas un lieu de diffusion culturelle. Caty : Il y a de la diffusion quand ça nous semble important
de diffuser parce que la personne propose, et ça rejoint ta question de tout à l'heure, sur quel
engagement dans la société, dans le politique, dans tout ça. On programme des choses qui
nous semblent importantes de diffuser, mais on n'est pas un lieu de diffusion qui, même s'il y
a des théâtres qui ont des programmations géniales et tout est important à diffuser. Mais nous,

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ce n’est pas notre boulot. Puis alors, pour le coup, quand ça se passe enfin, quand il y a un
spectacle, c'est nous qui portons. Parce que c'est nous qui sommes là. Bien sûr, on n'est pas
payés pour, donc c'est du temps bénévole, donc on limite un peu aussi. Si on veut avoir le
temps de faire notre truc à nous.
Jacques : Et donc du coup on a choisi de pas reporter tout ce qui était prévu, mais de se dire,
on va se donner plutôt des temps différents de chercher quelque chose de différent, de
marquer une différence par rapport aux autres années. Caty : aux autres fêtes qu'on avait
faites par rapport à celle des 20 ans. On s'est rendu compte, à l'aune de la Pandémie, qu’on
risquait de refaire la même chose que pour les 15 ans par exemple, c'est à dire plein d'ateliers
partout, 300 personnes, etc. Et on s'est dit, on peut plus, on ne va pas refaire la même chose
qu'avant. Alors déjà, sur le principe, ce n’est pas la peine, mais en plus là, avec le temps de
réflexion, de recul, de vide sanitaire, c'est le cas de le dire, on s'est dit, non, ça n'a aucun sens
de refaire la même chose, même si c'était très sympa. Et même si c'était très bien à ce
moment-là. Mais maintenant on doit trouver autre chose. Donc on a commencé à avoir les
choses différemment et par exemple, on s'est pris 4 jours au nouvel an, avec quelques
personnes où on a eu une réflexion sur les lieux d'accueil, les habitats groupés, avec des amis
qui ont un immense lieu vers Troyes dans l'Aube. Et qui eux sont très en avance sur la réflexion
suite à une rencontre avec des gens au niveau des coopératives d'habitants…
Jacques : la structure administrative et coopérative et juridiques soient vraiment accorder,
donc à partir du sommet des oasis qui a eu lieu il y a 2 ans. Et puis des coopératives d'habitants
qui ont été créées. Ils ont mis en place carrément une coopérative d'habitants, en plus de
l'association, pour garder de l'accueil, garder des événements culturels, mais aller vers un
habitat partagé. Caty : Et pour nous par exemple, faire ça. Bon, on était content de se voir,
c'était festif, on a enfreint les règles, on était 20 ou je ne sais pas combien, on était contents.
Mais pour nous, c'est culturel de faire ça. Entre eux, qui apportaient de l'information, nous un
peu aussi, puis d'autres amis qui étaient là, qui sont en recherche de lieux. Enfin, pour nous,
c'est culturel. Bon ! alors ce n’est pas une programmation, mais ça fait partie de ce qu'on a à
faire, ce qu'on estime avoir à faire. Voilà, mais c'est culturel au sens large.
Jacques : c’est de la même manière, du coup, on se prend ce temps plutôt pour des petits
groupes de gens, plutôt de faire des petits cercles, donc faire un gros événement avec un gros
cercle de 300 personnes, et cetera. Et mieux essayer de trouver, de multiplier les petits cercles
dans l'année et puis progresser sur des choses et ne pas reproduire simplement quelque
chose qu'on avait déjà fait.
Caty : Organiser une grosse fête, on sait faire... ça fait très longtemps dans le mouvement
Folk, on organisait des festivals dans les prés. Bon ! Ben ! voilà, maintenant, ça on sait faire,
c'est bon. Donc on passe à autre chose. Jacques : et par contre, gagner en cohérence et en
profondeur y compris sur une chose qui est venue pendant le COVID. C'est tout bête, mais
c'est trouver de la cohérence par rapport aux outils numériques et la place du numérique dans
le quotidien. Après, ça rejoint l'idée d'avoir plus de cohérence au niveau de la gouvernance,
mais il y a une grosse différence au sein du bureau de l'association et du Conseil de
bienveillance, entre ceux qui utilisent déjà à fond l’ordinateur, et ceux qui utilisent des outils
collaboratifs numériques, ceux qui sont conscients de « la googlisation du monde », et ceux
qui sont chez Gmail comme tout le monde ou comme moteur de recherche Google, et puis qui
disent : « Bah ! Ouais ! c’est un peu chiant ce truc là, mais qu'est-ce qu'on y peut ?! ». Et donc,
on a décidé, qui était aussi un souhait qu'on avait aussi dès le début de ce projet, de dire :
l'informatique et le numérique prennent une place de plus en plus grande. Donc on ne peut
pas éviter de se former à l'informatique et d'utiliser des outils numériques qui sont en
cohérence avec nos choix de vie. Tu veux dire comme le « Low-tech » ?
Jacques : Oui, voilà. Et puis surtout dire bon, il y a plein d'outils de travail collaboratif pour
avoir des fichiers partagés, pour avoir des plateformes communes collaboratives, il y a plein
de logiciels libres, il y a plein de solutions numériques qui nous sortent des GAFA, dont Il y a
des ressources lyonnaises, il y a Fram soft à Lyon, il y a plein de choses, donc on a des
possibilités de se former de manière à être le plus cohérent possible. Donc on ne vise pas le
100% parce qu'effectivement pour l'instant on ne peut pas échapper à des fois...

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Et moi, personnellement, j'avais envie que sur cette structure, la Note bleue, ça soit cohérent.
Et puis, quitte à faire de l'auto-formation, à dire : « Moi, par exemple, qui suis au sein du Bureau
et du Conseil de bienveillance, le plus au fait de ça, eh bien, que je puisse auto-former Katy,
les 2 autres coprésidents, déjà au minimum. Voir si on a intérêt à avoir une plateforme
collaborative partagée pour communiquer entre nous. On l'a testé : Le résultat, c'était non. On
peut très bien se téléphoner aux 4 co-président, on ne va pas mettre en place encore un truc
compliqué, à se former pour que tout le monde puisse pratiquer les Frama. Par contre, dire
tant qu'on peut, on a fait une journée d'informations sur le « Big Data » par quelqu'un, un
professeur de l'université de Toulouse, un ami qui fait des conférences là-dessus. Allons plus
loin maintenant ! Engageons-nous plus ! pour dire, on est concernés, nous, en tant
qu’association, parce qu'on est obligés de payer maintenant un diffuseur de mail parce que
Gmail bloque, il veut faire la loi au niveau de la gestion des envois groupés. Il ne distribue plus
les messages à partir du moment où ça vient d'une source d'un IP qui a plus de 20 adresses
et cetera. En gros, les GAFA veulent faire la loi en tout cas. Donc, on paye « Sendinblue » qui
n'est pas complètement indépendant. Sur les 1700 adresses qu'on fait pour une pub, une info
sur spectacle, un stage, et cetera. On veut être sûr que ça arrive, donc on est obligé de payer
un abonnement à « Sendinblue », à repasser par un double fichier, et cetera. Moi, j'y passe 2
fois plus de temps, forcément, mais ça me permet de faire une infolettre alors là avec une mise
en page plus chiadée. Mais c'est pareil, on n'a pas besoin que ça soit hyper chiadé, pourvu
qu'on puisse mettre des photos du texte et quelques liens. Mais, donc pour revenir au
numérique et dire : « eh bien ! voilà, au dernier Conseil de bienveillance, on a partagé cette
question du positionnement individuel sur le numérique et du positionnement collectif, c'est à
dire nous en tant qu’association, comme plein d'associations, quel choix on fait ? On est
collectif, donc on impose aux salariés, quand il y a des salariés, on impose aux adhérents, au
groupe de travail de passer par Google pour avoir des fichiers Google Drive ou des
formulaires. Comment est-ce qu'on cautionne ça ? comment est-ce qu'on est conscient de ça
? et ce qu'on accepte ? On est tous d'accord. Moi, je sais que j'en suis au point où je suis co-
président d'une grosse association sur Lyon, j'en suis en train de mettre mon veto, de ne pas
lire un compte rendu de réunion si on les propose sur Google Drive. Caty : puisqu'il y a
d'autres solutions. Et cela fait vraiment partie de la culture aussi. Jacques : Et donc la question
qu'on pose, qui rejoint aussi bien des poètes, écrivain comme Christian Bobin ou d'autres et
de dire « Est ce que le monde de demain doit être à tout prix pratique et à quel prix ? Oui, mais
ça va plus vite !? Oui, mais combien plus vite ? Et même si tu gagnes 1h, est ce que tu préfères
prendre 1h de plus ?» Mais être cohérent par rapport aux outils que tu utilises. Et puis participer
à une horizontalisation aussi en partageant tes connaissances avec d'autres plutôt que d'être
encore d'un système pyramidal où tu as un GAFA, un gros prestataire international qui va
t'obliger à utiliser ces outils à lui et qui va retirer non seulement du fric mais des données, et
cetera, et te supprimer une part de liberté individuelle
Caty : et ce que tu oublies de dire, c'est Christian Bobin, il dit : « Est-ce que c'est bien que ce
soit pratique ? Est-ce que l'amour, c'est pratique ?»
Jacques : Est-ce que la vie, c'est pratique ? C'est cette question-là : Est-ce que la vie doit être
pratique ? Est-ce que ça va simplifier les choses au point qu'on aura plu le problème de choix
? Oui, on aura plus de problème de choix puisqu'on n’aura plus de droits. Mais est ce qu’est-
ce que on aimera mieux les gens ? Est-ce qu'on sera heureux à l'intérieur de la vie qu'on mène
? Caty : Donc, est-ce que ça nourrira les petits Africains ? Est ce qu'il n’y aura plus la guerre
en Afghanistan ? Jacques : nous le stade après le passage au Colibri, si tu veux, à prendre
sa part de responsabilité. C'est comment habiter poétiquement le monde ? Ça, il y a plein de
choses qui sont écrites en ce moment là-dessus, poétiquement au sens large. Ça rejoint aussi
bien la spiritualité, que la création, la culture, c'est à dire quelque chose qui ait du sens. Et
donc voilà, l'enjeu pour nous, le COVID, Il a permis de dire c'est quoi l'essentiel là maintenant
? Et c'est dire : bon, par rapport au système démocratique de décision, on a plein d'outils, et
cetera, ce n’est pas en place partout et cetera. Il y a un pas à franchir pour dire : Est-ce que je
fais le choix que mes données et mes outils de communication soient imposés par des gens
qui n'ont pour seul but que le profit ?
Caty : Ce n'est pas seulement imposé, c'est voler. Et de culture, j'y tiens.

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Jacques : Et oui, il y a du rapt aussi. Donc du coup, on s'est dit : Ben ! voilà sur les prochains
temps, au lieu d'être festif, on va s'organiser une auto formation d'abord, moi je peux partager
ce que je sais, mais j'ai mes limites. Donc après faire intervenir les intervenants extérieurs, par
exemple de la ville de Lyon et puis faire prendre conscience aux autres associations que
l'enjeu, il est de taille quand même.
Caty : c'est à dire quand on pousse tout ça au bout du bout. Que ce soit pour l'informatique,
que ce soit pour la nourriture, que ce soit pour n'importe quoi. C'est au bout du bout. Il y a quoi,
le boycott ? Il n'y a pas d'autres solutions.
Jacques : et créer nos propres outils et faire un effort de se former à un autre logiciel particulier
mais qui soit cohérent. De demander de l'aide, ça appelle à la solidarité et à l'horizontalité. J'ai
participé à un collectif qui est sur Vienne qui s'appelle « Demain Ad'Vienne » qui était suite au
film demain de Cyril Dion en 2016 qui a fait exploser plein de trucs et après, c'est en train de
se casser la gueule parce qu’il y a la notion d'effort et de choix. Le choix avec effort individuel,
personnel. Il n'a pas été retenu. Le côté pratique et surtout pas demander trop aux gens qui
ont des bonnes volontés pour changer le monde. Je leur demandais trop parce que tu
comprends les gens. Les gens, ils ne vont pas rester dans le collectif. Sur 300 personnes qu’il
y avait au départ, il en reste peut-être 15, 20 maintenant, mais pas parce qu'on a demandé
parce qu'ils ont choisi. On fait une association loi 1901, puis on va voir le maire de Vienne et
puis on lui dit : « Est ce que vous auriez un petit podium pour notre manifestation, s'il vous
plaît ?» Ça, c'est l'ancien monde. Le pouvoir, il est à prendre là où on peut, à notre niveau
déjà, plutôt que d’essayer d'aller quémander un peu de pouvoir et un peu de subventions et
un peu de bancs et de chaises. Alors il en a besoin. On peut demander mais faut pas que ça
vienne de mettre en cause le pourquoi du départ. De garder son indépendance aussi ?!
Jacques : Son intégrité est l'objectif si on veut changer le monde, parce que demain c'est
changer, c'est la transition. Eh Bien ! on met en place déjà bien sûr tous les choix écologiques,
économiques, on peut. Mais au niveau collectif, la question de la gouvernance. Eh Bien ! on
doit créer sa propre gouvernance, trouver une gouvernance qui soit appropriée. Pas reproduire
un modèle, même un modèle d'entreprise ou de coopérative. Une coopérative d'habitants ça
a 2 ans. Ça marche ! C'est possible, mais c'est une adaptation de modèles qui existaient avant.
Aussi, il y a prise de risque, ça prend de la salive pour expliquer aux gens comment ça marche.
Ça demande un temps de formation individuelle aussi. Caty : Et des gens qui n'ont pas peur...
Jacques : Si on ne fait pas cet effort-là. Nous, on ne voit pas comment les comment ça ne
peut pas changer vraiment. C'est avoir confiance qu'on peut prendre des risques. Et que nous,
en tant qu'artistes, on est plus habitués que d'autres gens à prendre des risques. On prend
des risques artistiques, c'est sûr, mais en prenant des risques financiers, après des risques
d'image, comment on va être perçus, compris, et cetera. Caty : Et puis on ne sait pas comment
on mangera le mois d'après et tout ça Jacques : Donc voilà, c'est dire, ça passe par apprendre
à prendre des risques, à prendre du risque. Comme la création de ce lieu aussi quelque
part. C'est une part de risque aussi ? Caty : Oui. Jacques : si on avait écouté les autres
banques classiques, pas la NEF, aussi bien que les amis, certains amis : « Je ne comprends
pas ce que vous voulez faire là moi, si je construis ma maison, je n’ai pas besoin d'aller
demander de l'aide aux copains. J'investis, moi, sur mon travail ». Alors nous, on a dit : « Eh
bien ! nous, on reconnaît nos limites. Et puis on ne fait pas que pour nous. »
Caty : Les chantiers partagés, c'est magnifique par exemple. Et puis, quand on a créé l’AMAP
ici c'est pareil. On l'a créée ici, mais du coup, maintenant, c'est sur la place du village. Vous
faites évoluer aussi bien les changements de mentalité à travers la Note Bleue... je finirai
juste cet interview alors sur une citation que j'ai beaucoup aimée de Francis Ponge, qui
était sur votre site et qui dit : «la fonction de l'artiste, est fort claire, Il doit ouvrir un
atelier et y prendre en réparation le monde par fragments, comme il vient. »

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Annexe 12 : Entretien écrit de Baptou de l’écolieu « Le Château
Partagé » du 10 mai 2021
Jeremy : Quelles-sont les activités culturelles et artistiques que vous développez au
sein de votre écolieu ?
Baptou : Bal folk une fois par an
A l'occasion une projection, un concert ou un spectacle.
Qu’est-ce que vos activités culturelles et artistiques apportent au sein de votre collectif
? (Exemples : Une source de joie, une force motrice fédératrice, de confiance qui vous
rapprochent, d’inclusion pour les nouveaux-velles, de vitalité dans le vivre ensemble et
le faire ensemble, etc.) et ont-elles un impact sur l’aspect économique de votre écolieu ?
De la joie, une culture commune, du vivre et faire ensemble.
Elles sont parfois une toute petite source de revenu, mais c'est assez négligeable.
Qu’est-ce que vos activités culturelles et artistiques apportent au sein de votre territoire
où vous êtes implanté ? (Exemple : Du lien et de la cohésion sociale, du partage, de la
convivialité, un moyen de mobiliser des personnes autour de votre projet, etc…) et ont-
elles un impact sur l’aspect économique de votre territoire ?
Elles drainent peu de monde, mais créent du lien avec d'autres habitants du territoire,
essentiellement dans nos réseaux, mais pas que.
Face aux défis sociaux, économiques et écologiques de notre époque, portez-vous des
messages de sensibilisation à la transition écologique et solidaire ou de luttes à travers
vos activités culturelles et artistiques ?
- Si oui, avez-vous des exemples ?
- Si non, est-ce que la transition écologique et solidaire est secondaire et votre écolieu
n’a pas cette vocation à faire passer des messages à travers l’art et la culture ?
Oui, spectacles féministes, conférences gesticulées sur les ondes, sur le travail, projections
sur l'agriculture et la paysannerie...
Avec la situation sanitaire du Covid, comment le manque de vos activités culturelles et
artistiques a été ressenti au sein de votre collectif et de votre territoire et comment
l’avez-vous compensé ? (En termes de lien social, de convivialité, économique, etc.)
Peu d'impact pour nous, on fait peu d'activités ouvertes au public, on a continué à faire des
choses entre nous et avec des proches.

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Annexe 13 : Entretien de Guillaume Gardette de l’écolieu « l’Arche
Saint Antoine » - La Fève du 6 juillet 2021
Guillaume jongle entre plusieurs responsabilités à l’Arche de St-Antoine, mais est beaucoup
tourné vers l’extérieur à travers des missions d’accompagnement ou de médiations
d’entreprises ou associations en difficulté, et l’animation d’un projet d’énergie alternative
- en lien avec la municipalité. Son implication avec les compagnons Oasis et les réseaux
alternatifs s’articule bien avec sa nouvelle responsabilité générale dans l’association Fève.
Jeremy : Qu’est-ce que ça t’apporte, ton travail au sein de la Fève et de l’arche st
Antoine ? Guillaume : C’est surtout une mise en cohérence entre mes valeurs profondes et
ce que je peux réaliser et donner dans la société, aux gens qui m’entourent et partager des
choses qui m’ont éveillé à une certaine forme de vie, de relationnel et de pouvoir partager cela
avec le plus grand nombre. Ça me paraît essentiel. On nous parle de pied extérieur mais là
on est plutôt dans de l’écologie intérieure, et c’est de partager cette écologie qui est encore
peu connue, ou qui commence à être connue par peu de gens alors que c’est tellement
indispensable. Peut-être en amont de l’écologie extérieure.
Est que la dimension culturelle et artistique est au cœur du projet initiale de L’arche
Saint Antoine ? C’est à la fois au cœur mais il y a plusieurs cœurs. Le fondateur de l’arche
saint Antoine, il y a plus de 70 ans est un philosophe qui était vraiment artiste aussi. Il avait
plusieurs talents : Il écrivait des bouquins, il faisait aussi du chant qu’il écrivait et de la musique.
Il sculptait aussi des sculptures sur bois. Il avait une approche artistique. Un peu dans la
philosophie de l’époque, la beauté est une valeur très importante de l’Arche dans toute ses
formes concrètes, la beauté a une place essentielle à L’arche saint Antoine dans tous les
aspects de la vie. Les pratiques qui sont restées toujours présentes, c’est la danse et le chant.
Il y a beaucoup de chants de chorale, qui font l’unité communautaire. Et puis après, il y a des
grandes fêtes où là on peut exercer nos talents dans la décoration, dans le spectacle, dans le
théâtre, dans la cuisine qui est aussi un art. Le chant aussi, la danse évidemment, dans les
rituels, ça a une très grande place dans les rituels, la beauté, l’organisation, les fleurs. Rien
que le jardin a une certaine grâce. Le côté artistique est vraiment omniprésent.
Merci pour tes réponses à mon questionnaire. Je vois que toutes tes réponses ont
positives. Ça me rassure dans la définition que je donne à l’art et la culture. D’après tes
observations, qu’est-ce que vos activités culturelles et artistiques apportent le plus au
sein de votre communauté, à l’Arche Saint Antoine ?
Je dirais le lien, le lien les uns avec les autres. Ça s’exerce beaucoup par le chant et la danse
qui sont vraiment des activités qui nous relient. La beauté c’est pareil, c’est quelque chose qui
nous unit. La vocation de la communauté c’est de travailler sur l’unité de vie. À double sens,
c’est-à-dire l’unité entre nous, de faire groupe, de faire corps. Et le deuxième qui est de faire
l’unité entre toutes nos différentes parties d’être. Le corps qui a besoin d’être travaillé
physiquement, le lien à la terre. Le côté psychologique aussi, l’âme et puis l’aspect spirituel et
donc de faire le lien entre tous ces aspects-là. Et le côté artistique vraiment nous
Transcendantal est transversale. A travers vos activités culturelles et artistiques, que
voulez-vous apporter au public ? Eh bien, on se l’apporte déjà à nous, en fait ! il n’y a pas
de public, on est tous à la fois acteur et public, ça dépend des moments. Je n’en ai pas parlé
aussi, Il y a des musiciens dans la maison, d’autres souvent qui viennent de l’extérieur et qui
organisent des petites soirées improvisation musicale, des petits concerts. Une année, on a
eu deux musiciens dont un qui avait joué à l’orchestre de Stockholm, qui faisait du cor et l’autre
du violoncelle, donc, ils nous ont fait un beau spectacle. II y a plusieurs petits groupes qui se
sont créées aussi, qui ont des carrières plus ou moins longues. C’est un endroit où on t’invite,
à chaque fois qu’il y a une fête, on a un sketch, un morceau de musique à préparer ? c’est très
valorisé.
A travers vos activités culturelles et artistiques, que voulez-vous apporter au territoire
ou vous êtes installés ? Le territoire, pas grand-chose à vrai dire car il y a peu d’évènements
très ouverts, les évènements ouverts sont souvent ouverts à des amis. Quand c’est ouvert,
c’est proposé par des gens extérieurs qui sont dans nos réseaux et donc parfois, il y a du
conte, il y a du théâtre mais c’est assez rare, ou un concert, mais c’est souvent quand c’est

201
des gens extérieurs qui viennent utiliser nos salles car on a 7 salles dont une qui peut accueillir
150 personnes où là, on ouvre pour qu’elle soit pleine car nous on est entre 50 et 60. Après,
on est en partenariat avec le festival culturel « Textes à l’air » http://www.textesenlair.net/ qui
est dans le village au mois de juillet et qui utilise notre jardin, ou une salle pour proposer un
spectacle. Et donc forcément, il y a des gens extérieurs qui viennent. Après, les fêtes, les
évènements qu’on organise sont ouverts à un grand public, c’est plutôt rare. Je n’ai pas de
souvenirs. C’est souvent très sélectif parce que c’est très intime, c’est au sein de la
communauté. Après, il y a des fêtes religieuses, là où c’est ouvert, c’est-à-dire noël, pâques,
ces moments, des rituels religieux ou spirituels qui sont ouverts. La messe de noël par exemple
est ouverte au village. Il y a peu de gens qui viennent car ils ne nous connaissent pas trop.
Mais à travers vos formations que vous avez, que je considère aussi comme des
activités culturelles, comme les formations à la communication non violentes par
exemple ? Oui, effectivement, là, on touche un large public. Après, il y assez peu de gens,
l’arche est relativement connue dans le milieu alternatif. On a une base de données assez
importante, de 3000 à 4000 personnes, qui reviennent assez régulièrement, qui sont assez
fidèles. Un stage de yoga, un stage de poterie, un stage de calligraphie, un stage de CNV
(Communication Non violente) qui peuvent venir de toute la France, voire du monde entier,
car nous avons des intervenants qui viennent d’Inde par exemple, et qui attirent du monde de
toute la France, voire de l’Europe. Par contre, localement, dans le village même, maintenant
que la communauté est intégrée, on a des gens qui sont installés à proximité qui viennent mais
les autres personnes du village viennent très rarement faire des stages et même dans
l’entourage proche. En Rhône Alpes, on a un bon public, vraiment très localement, il n’y a pas
beaucoup de personnes qui y participent. Est-ce que vous êtes bien considéré par le
village, la commune ou vous êtes installés ? Je dirais, une partie oui et une partie non.
Quand la communauté est arrivée, il y a trente ans, elle a été prise pour une secte, donc,
c’était compliqué. En plus, il y avait des choses qui y ressemblaient, c’est-à-dire qu’il y avait
des gens qui étaient en costume, etc… Petit à petit, la communauté a lâché certains trucs.
Petit à petit, ça c’est détendu. Après, c’est un petit village, il y a 1/3 encore qui vote Front
National et encore, ce n’est pas beaucoup par rapport aux villages autour. Ils se protègent, ils
ont peur de l’étranger, de la différence. On a un adjoint au maire qui est dans la communauté
depuis 30 ans et puis il y a plusieurs personnes qui sont bien intégrées dans le village. Mais
on est un peu des ovnis. Il y a un collègue, Laurent MARSEAULT (accompagnateur,
consultant et fondateur d'Outils-réseaux. Grand spécialiste de la gestion des groupes et de
l'animation de collectifs coopératifs, il apporte sa compétence des outils numériques au projet
Oasis depuis son lancement) qui intervient pour les oasis, il nous a fait un sketch : « Ho ! la !
la ! aux municipales, ils m’arrivent une tuile, c’est vraiment « chiant » mais, il y a une oasis qui
s’installe chez nous. » C’est un peu ça ! C’est là qu’il y a tout un travail des Oasis à faire, à
aller vers les autres, à aller leur expliquer, à aller voir le sens, à les rassurer aussi. « On essaye
autre chose, on veut faire aussi avec vous ! ». Il y a en a qui ont réussi à faire vraiment un
maillage local très fort. Mais tous n’ont pas cette vocation-là et cette envie. Et L’arche saint
Antoine, il n’était pas là-dessus, il était vraiment « Entre-soi » quelque part à chercher à
développer un îlot, au début, d’auto-suffisance et avec l’accueil, évidement c’était ouvert. Mais
il n’y a pas eu d’effort fait pour être en lien avec le village, et de quelques-uns. Ce n’est pas
une vocation individuelle de tout le monde. Je suis parmi ceux qui sont très en lien avec
l’extérieur et il y en a qui passent leur vie à l’intérieur. Et heureusement !
A travers vos événements et activités culturels et artistiques, vous portez des
messages de lutte et de sensibilisation aux enjeux de la transition écologique et/ou pour
les droits humains. D’après vos observations, penses-tu que vous apportez des déclics,
des prises de conscience écologiques et sociales ? si oui, pensez-vous qu’il y a un
impact dans votre entourage, sur le territoire ou vous êtes installés ou même au-delà ?
Je pense qu’on donne énormément de déclics, on reçoit 3000 personnes par an dans les
activités d’accueil et la Fève, à peu près 200 personnes par an quand ça marche normalement
hors Covid. Avec le nouveau programme, on aurait dû monter entre 300 et 400, et on avait
prévisionné un festival. Nous, on s’adresse à un public qui est déjà un peu sensibilisé, la
personne se rend compte qu’il y a un problème, on ne va pas aller militer, on ne fait pas de la

202
sensibilisation, ou on dit au gens, il faut arrêter de faire couler l’eau quand vous vous brossez
les dents. On n’est pas à ce stade-là. On est au stade où les gens ont déjà pris conscience de
ça, et ils sont souvent dans une phase de transition justement. Ils se disent « Bon, ok ! là j’ai
compris le problème, je vois qu’il y a un souci. Je vois aussi comment ma vie est organisée et
je vois que j’ai besoin de la déconstruire et la reconstruire. Ou est-ce que je peux trouver des
gens qui ont fait ça ? Et là, nous, on intervient, en fait ! Et c’est là que les gens viennent au
premier niveau faire un stage, une session. Ils sont déjà dans une démarche qui touche du
doigt qu’on peut vivre aussi en communauté car ils partagent notre quotidien pendant quelques
jours. Et après, tu peux venir aussi en stage communautaire, là, on reçoit plus de 300
bénévoles par an. Ils sont immergés dans la communauté d’une semaine à un an. Ce qui fait
qu’ils ont vraiment le temps de voir, de se déconstruire, de voir comment ils peuvent
relationner, fonctionner différemment, de peut-être s’ouvrir au spirituel, de mettre les deux
mains dans la terre ou dans les travaux, ou dans des choses très manuelles. Ils construisent
une nouvelle vie en fait. Pareil, ils mangent végétarien, donc ça révolutionne complètement.
Organiser une fête, car parfois, ça nous arrive de mettre 1 semaine entière à préparer une
fête, ça c’est assez surprenant aussi de prendre autant de temps à créer un évènement culturel
et artistique. Et participer aussi à des sessions de la Fève entre autres, faire de la CNV, de la
gestion de conflit, aborder la sociocratie, la prise de décision collective, etc… et se poser des
questions sur le sens de sa vie et comment je peux mettre en pratique et devenir acteur par
rapport à mes valeurs profondes. Non, seulement ça touche, mais ça aide à aller plus profond.
Et ils le vivent vraiment comme une expérience car on est en chemin avec les gens, on partage
vraiment un temps d’expérience ensemble.
Avec la situation sanitaire du Covid, comment le manque de vos activités culturelles et
artistiques a été ressenti au sein de votre communauté et auprès de votre public et
comment l’avez-vous compensé ? Au niveau communautaire, il n’y a eu aucun manque,
c’est-à-dire qu’on a suivi notre calendrier. On a quasiment tout fait. Il y a eu un ou deux petits
trucs qui ont sauté. Pendant deux ou trois semaines, il y a eu un moment de crise. Comme
tout le monde, en fait. En mars, quand tout a été fermé, nous, on avait des gens, pareil, qui
avaient très peur, d’autres qui étaient très nonchalants et puis ça a dû faire sauter le Mardi
Gras ou quelque chose comme cela. Ce n’était pas des gros trucs, mais par contre, une fois
qu’on a régulé, qu’on a mis en place des consignes sanitaires qui étaient acceptées,
acceptables, comprises, à peu près par tout le monde, même s’il y avait comme de partout
des diversités de sensibilité par rapport à nos différents problèmes de santé, etc… Une fois
que c’était à peu près régulé, nous, au niveau communautaire, on a fait toutes les fêtes du
calendrier normal. Et après, au contraire, on était compléments résilients là-dessus. C’est-à-
dire qu’on n’a pas eu de manque de relation par rapport au reste du monde. Par contre, c’est
vrai que, je m’aperçois en discutant que ce n’est pas forcément visible de l’extérieur, pour toi
par exemple qui n’est jamais venu. Mais il y a vraiment deux aspects, il y a l’aspect
communautaire, et il y a l’aspect activité d’accueil et dans ce cadre-là, c’est plus les sessions
etc… et par contre les sessions, ça été complément arrêté et c’est vrai que là ça a manqué.
L’année dernière, à la même époque, quand on a réouvert, on a eu plein, plein de demandes
parce que les gens avaient envie de se voir, ils avaient envie de faire une session, ils avaient
envie de repartager des choses fortes aussi. Cette année, c’est un peu plus compliqué. C’est
en train de repartir, mais les gens, je les trouvais plus lents à redémarrer, à reréserver, mais à
priori, j’ai demandé hier, ça avait l’air d’être bien parti. Et surtout, on a eu des annulations, on
a eu des intervenants qui venaient d’Inde, l’année dernière, ils n’ont pas pu venir. Il y en a
certains, pareil, qui étaient plus âgés ou plus fragile d’intervenants ou qu’ils n’avaient pas
assez de réservations, donc forcément, c’était très compliqué. Mais, il y a un grand désir de
revenir. Et en plus, je pense qu’on va malheureusement bénéficier d’endroits qui étaient un
peu fragilisés et qui vont devoir fermer. Nous, vu qu’on est stables, on va éviter certains
groupes, je pense, qui cherchent en dernière minute, une salle, un endroit pour être hébergés.
Nous, notre activité est plutôt pérenne à long terme.
Les deux dernières études de La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation
et des statistiques (Drees) publiées en mars 2021 font état d’un nombre grandissant de
personnes souffrant d’anxiété voire d’un état dépressif surtout. J’ai vu que vous

203
organisiez des stages tel que 2-4 juillet 2021 sur « comprendre ces violences qui
m’habitent » ou sur « la peurs, colères, joies ». Pendant la crise et dans l’après crise,
est ce que tu penses que la dimension culturelle et artistique de vos activités n’aurait
pas un rôle important à jouer dans les besoins psychosociaux de la population ?
Eh bien ! Oui, ça donne plus de force et de sens à notre vocation. C’est clair ! Et à la vocation
de « la Fève », en particulier. C’est évident, et c’est pour cela aussi que à la fève, on a ouvert
aussi « Les coups de pouce » car on était très frustrés. Chez nous, ça allait plutôt bien, mais
ce n’était pas la panacée car on n’était pas très joyeux d’être en confinement, et de pas aller
en montagne, par exemple. Bon ! Socialement, ça allait, notre job n’a pas trop changé et on a
été plus cool car on a pu faire de plus grandes fêtes. Mais, on voyait bien que ça tirait. Ailleurs,
ça tirait fort. Et on s’est dit, c’est frustrant, car nous, c’est le moment où nos outils, justement,
de vivre ensemble, de relationner, de se connaître soi-même, de gestion de conflit intérieur,
car d’abord la gestion des conflits, c’est celle qu’on a avec nous-même. Et après, dans nos
entourages proches, on voit tellement de personnes qui en souffrent que nous, ce n’est pas
qu’on a des solutions, mais a écouté, on a suivi des formations et on essaye d’appliquer et on
voit que ça fonctionne. C’est très frustrant de voir qu’on ne peut pas les transmettre. A cette
époque-là, on a reçu des journalistes du « Monde » et de « La Vie » qui ont fait d’ailleurs un
bel article, aussi entre autres, sur l’éco hameau, Goshen. Les journalistes étaient très touchés.
On parlait « du Monde d’Après » à l’époque. Ils nous disaient, vous avez trouvé quelque chose
que beaucoup de gens sont en train de chercher, en fait. On a dit oui, mais le problème, c’est
qu’on n’a pas accès à ces gens-là car ils sont tellement dans leur monde. Tellement dans leur
bulle et c’est tellement un autre monde, qu’il faudrait qu’ils viennent à nous. Mais, on en est
bien conscients, et nous, on a bien envie de leur envoyer des messages, mais on ne sait pas
trop les contacter. C’est pour cela qu’on a voulu diversifier au niveau de la Fève, c’est pour
cela qu’on a lancé « Les coups de pouce » qui ont très bien fonctionné. C’est des temps de
Visio- conférence, en distanciel, d’une heure ou d’une heure et demi, deux heures maximums,
ou justement, on prend un des thèmes de la Fève qui est large, c’est sur la transition. Et c’est
un temps gratuit, tu te connectes et c’est un temps d’échange, de partage, d’expérimentation.
Et là, on a eu de très bons retours parce que justement, les gens qui ne pouvaient pas se
déplacer, pouvaient au moins le faire. Et après, ça ouvrait des petites portes pour pouvoir
ensuite se déplacer, faire un stage communautaire ou carrément venir aux sessions de la
Fève, etc. Et c’est sûr qu’on est conscients que c’est une de nos vocations que de transmettre
ce trésor. Moi, je le dis toujours, la communauté de l’Arche à découvert vraiment un trésor qui
a été donné aussi par des générations et des générations, et ce trésor, ce qui est chouette,
c’est plus, on le dépense, plus il se multiplie. L’idée est de le dépenser à fond. Le problème
est de trouver les gens qui sont intéressés. Et en plus, c’est ça qui est compliqué c’est que,
c’est une expérience, c’est-à-dire, que nous on ne dit pas, oui c’est bon, on a trouvé des trucs,
asseyez-vous 2 à 3 heures, on va vous expliquer et vous repartirez, et vous serez les rois du
monde. C’est plutôt, venez vivre avec nous l’expérience car nous, on est toujours en train
d’apprendre. Et c’est vraiment un chemin de conscientisation, de qui je suis, de ce que je suis,
ma relation avec l’autre. Et cela, n’est jamais acquis en fait. Souvent, on a les mêmes
problèmes que les autres, le Covid, on s’est pris les mêmes stress, les mêmes extrêmes. On
avait des personnes, les plus jeunes qui avaient 1 ou 2 ans, et la plus âgée avait 80 ans. Des
personnes, culturellement très différentes par rapport à la maladie car nées dans un contexte
différent et un âge différent, etc. Et on a eu les mêmes stress avec des gens hyper inquiets
dès le mois de février. Et quand, c’est arrivé, il fallait qu’on soit tous chez nous, hyper
cloisonnés et d’autres très nonchalants, on verra bien, on s’en fout. On a connu le même
problème que tout le monde. Mais, on a essayé de le résoudre d’une façon différente, c’est-à-
dire dans le respect des uns et des autres, dans l’écoute, dans l’accueil, et puis, à un moment
c’est de trouver une limite qui convienne à tout le monde et avec une tolérance. C’est-à-dire
qu’on a fixé des règles et on a essayé de faire en sorte de pas les imposer à tout le monde et
d’accepter que certaines règles n’étaient pas respectées. Et qu’on essayait de ne pas juger la
personne, de juger tel ou tel acte comme tu vois « Quand tu enlèves par exemple ton masque
et quand tu es au-dessus du plat dans la cuisine et qu’on est tous ensemble, donc ce n’est
pas ce qu’on a décidé ensemble, alors, je te demande de remettre le masque ! » et en même

204
temps, de ne pas dire « Espèce de connard ! » ça peut sortir à des moments comme cela mais
plutôt d’essayer de ne pas juger la personne, lui dire « ça m’énerve ! mais ce n’est pas pour
cela que tu es un « connard » ! » Et donc, essayer d’avancer comme cela, mais c’est un
challenge tout le temps, ça fait trente-quatre ans que la communauté existe. Tous les jours
c’est un challenge.
Questionnaire des Activités Culturelles et Artistiques des Ecolieux
de l’Arche Saint Antoine -La Fève / Guillaume Gardette du 3 juillet
2021

Cocher, svp, la case pour répondre et à la suite de chaque question vous pouvez commenter
votre réponse si vous le désirez.

Est-ce que vous pensez que vos activités culturelles et artistiques ….

OUI NON
1/Sont une source d’enrichissement personnel, de joie et de bonheur ? X ☐
Commentaires :

2/Stimulent les émotions, réduisent le stress et l’anxiété ? X ☐


Commentaires :

3/Favorisent la persévérance, et par conséquent la confiance et la


réalisation de soi ? X ☐
Commentaires :

OUI NON
3/Donnent une vitalité physique, développent les habiletés motrices fines, les capacités
sensorielles visuelles, auditives et tactiles ? X ☐
Commentaires :

4/Permettent d’accéder au calme, à la paix, à la concentration et à


la relaxation ? X ☐
Commentaires :

5/Guident vers un développement personnel ou vers plus de spiritualité, c’est-à-dire nous


rapprochent de notre nature essentielle, de notre « Moi profond »
et nous rendent meilleur ? X ☐
Commentaires :

6/Délivrent et aident à s’évader du réel, des réalités sociales et humaines,


tel un exutoire ? X ☐
Commentaires :

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7/Sont une source de partage, de convivialité, de lien et de de cohésion
sociale ? X ☐
Commentaires :

8/Aident à mieux communiquer afin de mieux s’ouvrir aux autres ? X ☐


Commentaires :

9/Aident à nous dévoiler, et à affirmer notre personnalité à l’autre ? X ☐


Commentaires :

10/Permettent d’interpréter ce que l’on voit, de traduire ce que l’on ressent,


et de le comparer avec les autres dans un esprit critique ? X ☐
Commentaires :

11/Offrent la possibilité de trouver nos pairs, nos âmes complices, dont les goûts et les émotions
rejoignent les nôtres et avec lesquels nous nous sentons des affinités fortes ?
X ☐
Commentaires :

12/Permettent de goûter aux rêves d’autrui ? X ☐


Commentaires :
OUI NON
13/ Développent notre ouverture au monde, notre tolérance et un respect
à l’autre et au vivant ? X ☐
Commentaires :

14/Changent notre perception du monde, nous proposent de nouveaux imaginaires


ou utopies ? X ☐
Commentaires :

15/Offrent une prise de conscience ? X ☐


Commentaires :

16/Servent à nous mobiliser et à protester contre les injustices ? X ☐


Commentaires :

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17/Sont moteurs dans la réalisation de nos défis sociaux, économiques et écologiques de notre
époque, c’est-à-dire dans la construction d’une humanité plus éclairée ? X ☐
Commentaires :

18/Cette liste de rôles que je donne à la notion d’« Activités culturelles et artistiques » n’est pas
exhaustive, vous pouvez rajouter d’autres rôles que vous pensez nécessaire :

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