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Jeunes années Aimé Fernand David Césaire est né le 26 juin 1913 dans l'Habitation Eyma . Il
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faisait partie d'une famille de sept enfants. Son père, Fernand Césaire, était administrateur et
gérant d'une habitation à Basse-Pointe, puis après concours, il est nommé au bureau des impôts
comme contrôleur des contributions, et sa mère, Éléonore Hermine, était couturière3. Son grand-
père paternel, Fernand Césaire, est le premier Martiniquais à suivre les cours de l'école normale
supérieure de Saint-Cloud4,5, il fut professeur de lettres au lycée de Saint-Pierre[réf. souhaitée] et sa
grand-mère, mamie Nini du Lorrain contrairement à beaucoup de femmes de sa génération,
savait lire et écrire, aptitudes qu'elle enseigna très tôt à ses petits-enfants 6.
De 1919 à 1924, Aimé Césaire fréquente l’école primaire de Basse-Pointe, commune dont son
père est contrôleur des contributions, puis obtient une bourse pour le lycée Victor-Schœlcher à
Fort-de-France. En septembre 1931, il arrive à Paris en tant que boursier pour entrer en classe
d’hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand où, dès le premier jour, il rencontre Ousmane Socé Diop à
la Sorbonne puis Léopold Sédar Senghor dans les couloirs du lycée Louis-le-Grand, avec qui il
noue une amitié qui durera pendant plusieurs années.
« J’habitais à la Cité universitaire, boulevard Jourdan, à Paris. C’était l’été. Et l’été est dur à
Paris. Quand on voit fondre l’asphalte sur le boulevard, on regrette la Martinique. Il faisait
horriblement chaud et nous étions seuls. Il n’y avait plus de Français. Il y avait beaucoup
d’étrangers. Il y en a un qui est venu vers moi avec qui j’ai très vite sympathisé. C’était Petar
Guberina, un Croate. Il était venu à Paris passer sa thèse. On a lu ensemble, on a parlé
ensemble. Je lui parlais de la Martinique. Il m’a parlé de la Yougoslavie. Il m’a parlé de la
Croatie. On n’était pas très riches et on se dépouillait pour acheter des livres, chez Gibert en
particulier. Et puis un beau jour, il dit : “Je vais rentrer chez moi. Tu es seul à Paris. Viens me
voir. Ma mère possède une ferme en Dalmatie, à Sibenik.” Il a tellement insisté que j’ai fini
par dire oui. J’ai passé deux bons mois en plein cœur de la Dalmatie. C’était un pays
magnifique. Sous certains aspects il me rappelait la Martinique. En moins verdoyant. Et, chose
très curieuse, j’ai eu un choc. Le matin, en me réveillant, je regarde le paysage et je vois
juste en face de moi, une île.
– Martinska.
Et c’est ainsi que j’ai écrit, en Yougoslavie, avec Martinska dans ma perspective, plusieurs
pages du Cahier d’un retour au pays natal. »
L’été suivant, Aimé Césaire retourne passer ses vacances en Martinique et retrouve sa famille
après cinq ans d’absence. Il est probable qu’à cette occasion, de nouveaux chapitres du
Cahier aient été rédigés où retravaillés. En septembre, à son retour en métropole, Césaire fait
la lecture de son poème à ses amis Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas – futurs
députés du Sénégal et de la Guyane – au cours de leurs réunions littéraires, et y ajoute des
éléments biographiques. En 1937 ou en 1938, Aimé Césaire envoie le manuscrit de son
poème à un éditeur parisien qui le refuse. C’est finalement Petitbon, son professeur à l’École
normale supérieure, qui va deviner la vocation poétique d’Aimé Césaire. Depuis quelque
temps déjà, ce professeur avait remarqué l’originalité des dissertations de son élève. Césaire
lui montre alors son poème et Petitbon lui conseille de l’envoyer à Georges Pellorson, le
directeur de la revue Volontés. Le jeune Martiniquais rencontre le directeur de la revue au
début de 1939, qui lui demande quelques modifications. Le 28 mai 1939, Aimé Césaire lui
envoie le tapuscrit de son poème.
Ce tapuscrit du Cahier d’un retour au pays natal est riche d’enseignements. On peut y
découvrir des passages retranchés et inédits. On peut y lire des ajouts manuscrits et étudier
les variantes. En comparant avec les éditions postérieures, on peut aussi découvrir la genèse
de certains extraits célèbres du Cahier. Ainsi ce passage du tapuscrit :
« Ma bouche sera la bouche des misères qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de
celles qui pourissent [sic] au cachot du désespoir. »
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de
celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. »
Enfin, les pages 41 à 43 du tapuscrit sont entièrement manuscrites, ce qui laisse penser qu’il
s’agit de la conclusion réécrite par Aimé Césaire sur les conseils de Georges Pellorson. Les
dernières pages du Cahier seront également remaniées dans l’édition Bordas de 1947. Grâce
au tapuscrit, on peut suivre le fil de la pensée créatrice d’Aimé Césaire. On touche au mystère
de la poésie. On le voit hésiter, raturer, rajouter, modifier son texte. Le lecteur peut vivre la
genèse d’une œuvre. C’est un plaisir assez rare.
Aujourd’hui, les poèmes d’Aimé Césaire sont universellement connus, et le Cahier d’un retour
au pays natal est l’œuvre « nègre » la plus traduite et lue dans le monde. Les recherches
littéraires concernant Aimé Césaire n’en sont qu’à leur début. Nul doute que cette publication
contribuera à une meilleure compréhension de son œuvre. C’est un très bel hommage qui est
fait à la mémoire d’Aimé Césaire de livrer à la curiosité du public cette version première du
plus universel de ses poèmes. C’est également tout à l’honneur de l’Assemblée nationale
d’assurer la publication du « terreau primordial » du plus fascinant de nos poètes
contemporains.
1) Structure de l'œuvre
Ce poème se présente comme un long texte d'une quarantaine de pages, sous forme de vers
libres. Influencé par le surréalisme, il mêle métaphores audacieuses et expression de la révolte.
Le retour à la Martinique s'accompagne de la prise de conscience de la condition inégalitaire des
Noirs.
« Au bout du petit matin, une autre petite maison qui sent très mauvais dans une rue très étroite,
une maison minuscule qui abrite en ses entrailles de bois pourri des dizaines de rats et la
turbulence de mes six frères et sœurs, une petite maison cruelle dont l'intransigeance affole nos
fins de mois et mon père fantasque grignoté d'une seule misère, je n'ai jamais su laquelle, qu'une
imprévisible sorcellerie assoupit en mélancolique tendresse ou exalte en hautes flammes de
colère; et ma mère dont les jambes pour notre faim inlassable pédalent, pédalent de jour, de nuit,
je suis même réveillé la nuit par ces jambes inlassables qui pédalent la nuit et la morsure âpre
dans la chair molle de la nuit d'une Singer que ma mère pédale, pédale pour notre faim et de jour
et de nuit. »
Cette œuvre poétique est l'un des points de départ de la négritude. Aimé Césaire poursuivra sa
dénonciation du racisme et du colonialisme avec son Discours sur le colonialisme.
« ma négritude n'est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour
ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'œil mort de la terre
ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale »
« Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-
panthères, je serai un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas
l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigot »
2) Réception
Par sa puissance incantatoire et sa révolution lucide, le Cahier d'un retour au pays natal s'est
imposé comme une œuvre majeure de la poésie francophone du XXe siècle. André Breton a
rendu hommage dans son texte Martinique charmeuse de serpents. Étudiée dans les universités,
l'œuvre est entrée au programme des lycées ainsi qu'au programme des ENS Ulm et Lyon
pour 2015. En 2003 Jacques Martial a créé un spectacle autour d'extraits choisis du texte, et
de 2009 à 2011, elle figure au programme de l'agrégation de lettres modernes au sein du thème
de littérature comparée intitulé "Permanence de la poésie épique au XXe siècle".
3) Édition
Cahier d'un retour au pays natal, in Volontés (revue), no 20, 1939, Paris, 1re édition;
Retorno al pais natal, Molina, 1943, La Havane, édition espagnole préfacée
par Benjamin Péret et illustrée par Wilfredo Lam, 1re édition sous forme de livre;
Cahier d'un retour au pays natal, Brentano's, 1947, New York, édition bilingue non
paginée traduction Lionel Abel et Ivan Goll.
Cahier d'un retour au pays natal, Paris, Bordas, 1947.
Cahier d'un retour au pays natal, Présence Africaine, 1956, Paris, 2e édition.
Cahier d'un retour au pays natal, Présence Africaine, 1960, Paris, 2e édition, préface
de Petar Guberina. Rééditions régulières depuis (en 1980, 1983, 1987, 1988, 1995,
2008).
III/ Histoire
Après un rejet par un éditeur français, Césaire soumet le manuscrit du poème à Georges
Pelorson, directeur de la revue parisienne Volontés, qui le publie en août 1939, alors que Césaire
retourne en Martinique pour prendre un poste d’enseignant. [1],[2] Césaire continua à réviser le
poème et publia deux versions augmentées avec des éléments plus surréalistes en 1947,
d’abord chez Brentano à New York et plus tard aux Éditions Bordas à Paris, avec un essai
introductif d’André Breton qui avait paru pour la première fois en 1943 dans la revue new-
yorkaise Hémisphêres sous le titre « Un grand poète noir ». [1],[3] Dans son introduction, Breton a
qualifié le poème de « rien de moins que le plus grand monument lyrique de notre temps
». [4] Une « édition définitive » est publiée en 1956 par Présence Africaine. [5] Dans cette dernière
édition, qui comporte d’autres ajouts et révisions, Césaire a également supprimé certains
éléments des éditions de 1939 et 1947, « éloignant le lecteur du sacrifice spirituel de l’orateur et
l’orientant vers un sens de l’action socialiste collective », comme l’ont dit Arnold et
Eshleman. [6] Alex Gil plaide pour une lecture holistique de toute l’histoire textuelle du poème à
travers ses phases religieuses, surréalistes et marxistes, et pas seulement l’édition finale, notant
que « le thème central et l’approche du poème restent inchangés » tout au long des quatre
éditions. [3]
Selon Bonnie Thomas, le Cahier d’un retour au pays natal a marqué un tournant dans la
littérature caribéenne française : « Le poème novateur de Césaire a jeté les bases d’un nouveau
style littéraire dans lequel les écrivains caribéens en sont venus à rejeter le regard aliénant de
l’Autre en faveur de leur propre interprétation caribéenne de la réalité. » [7]
1) Adaptations et hommages
Le poème a été adapté en one-man show par Cy Grant. [8]
Un passage du poème a fourni le titre d’un volume de Selecte Writings by C. L. R. James, At the
Rendez vous of Victory (Allison and Busby, 1984),[9] ainsi qu’une épigraphe pour ce volume,
beaucoup cité par d’autres écrivains, tels qu’Edward Said. [10]
Car il n’est pas vrai que l’œuvre de l’homme est terminée, que nous n’avons plus rien à faire
dans le monde, que nous ne sommes que des parasites dans ce monde, qu’il nous suffit de
marcher au pas du monde, car l’œuvre de l’homme ne fait que commencer et il reste à tout
conquérir,
Conclusion
– Poème qui chante l’appartenance à un peuple, à une terre ; qui loue le rapport
consubstantiel de l’homme à son milieu , à ses racines.
– Poème de lutte qui invite à se libérer de toute oppression mais qui prône aussi un
esprit de tolérance et d’ouverture à l’Autre.
– Poème qui c rêve d’accorder à l’homme l’omnipotence divine mais seulement pour
faire respecter, la dignité de la condition humaine.
– Poème qui recourt aux mots de l’oppresseur (langue du français) mais qui leur
impulse le rythme d’un chant noir, pour mieux le subvertir.
– Pour Césaire, écrire et agir politiquement vont de paire : « ma poésie et née de mon
action » ; « écrire, c’est dans les silences de l’action » (propos figurant dans Le Monde du
17.03.2006).