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Toute la gloire au Seigneur Jésus qui me donne

toujours la force et l’inspiration pour donner le


meilleur de moi-même.

À mes correctrices Elvire YEKPE, Mimi MWAKU et


Macky BANGOURA qui m’ont aidée à la correction et
la relecture.

QUE DIEU VOUS BENISSE ABONDAMMENT !!!

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judiciaire. Soutenez l’auteur en achetant le livre avec
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DARK 2
M & Mme
IVANOV

Résumé :

Une nouvelle page s'ouvre pour Inayah qui est


maintenant l'épouse du Dark. Pourra-t-elle supporter ce
lourd fardeau ? Aura-t-elle les côtes assez solides pour
endosser ce rôle ? Et Dark, réussira-t-il à façonner Inayah
à son image ?
Rappel du dernier Episode dans DARK

***INAYAH

J’ai passé une nuit horrible. Je n’arrive pas à croire que


j’ai passé la nuit dans une cellule. Je suis courbaturée de
partout. Mon Dieu, c’est affreux. J’ai été conduite très tôt
dans une salle d’interrogatoire. Enfin je crois bien. Ça
ressemble aux salles qu’on voit dans les films policiers.
J’ai encore le sommeil dans les yeux mais tout comme la
nuit, j’ai du mal à fermer les yeux. Je veux savoir quelles
sont les preuves qu’ils ont contre moi et comment ils les
ont eues. J’ai grave la trouille. Monsieur Dark m’avait
assuré qu’il n’y avait aucun moyen de me relier au
meurtre de Toni, alors comment ce Lieutenant en est-il
arrivé ? Je veux appeler Monsieur Dark mais on m’a
retiré toutes mes affaires. Je suis vraiment prise de peur.
Et si c’était lui qui m’avait livré à la police, craignant que
je ne lui joue un sale tour ? Il m’avait pourtant dit qu’il
était rassuré de mon silence. Alors pourquoi suis-je ici ?

La porte s’ouvre sur le Lieutenant. Il tient des documents


en main qu’il pose sur la table entre nous.
‒ Bien le bonjour à vous, me salut-il.
‒ Bonjour Monsieur, répondé-je en me redressant.
‒ Bien, je vais aller droit au but. Comme je vous l’ai dit
hier, vous êtes reconnue coupable pour le meurtre de
l’officier de Police Toni STILLER. J’ai les preuves là,
devant moi. Malgré les efforts de votre complice à
nettoyer vos traces, il faut dire qu’il en a oublié une. Mais
il n’y a pas que ça.

Il ouvre l’un des dossiers.

‒ J’ai aussi mené des enquêtes sur vous, et ce que j’ai vu


me laisse sans voix. Disons que ça n’arrange pas votre
cas. Inayah DUBOIS, née en Côte d’Ivoire, son pays
d’origine, fille ainée d’une famille de quatre enfants dont
trois filles et un garçon. Mais ce qui nous intéresse ici
c’est que… vous êtes activement recherchée pour le
meurtre de votre époux, M. Sébastien BOLI.

Je recule sur ma chaise. Mon Dieu, je suis dans la merde.


Qui lui a dit tout ça ?

‒ Vous êtes donc ici en tant que fugitive, continue-t-il.


Vous avez juste eu la chance de tomber sur Chris
IVANOV qui vous a fait avoir en un rien de temps des
papiers américains et je suis prêt à mettre ma main à
couper que c’est pour que vous travailliez pour lui. Il me
suffit d’un seul coup téléphonique vers les autorités
ivoiriennes pour qu’on vous rapatrie et une fois là-bas
vous irez en prison pour meurtre. Ou encore, je peux
uniquement me pencher sur le cas de Toni pour vous faire
croupir en prison ici le restant de votre vie puisque vous
êtes une citoyenne Américaine. Alors, pour le meurtre
d’un officier de police et pour complicité dans plusieurs
autres meurtres avec le fameux Dark, croyez-moi, vous
ne sortirez jamais de prison. Dans tous les cas, vous êtes
coincée.

Il ferme les dossiers.

‒ Mais… je peux fermer les yeux sur tout ceci, à une


seule condition.
‒ La… laquelle ?
‒ Que vous me donniez Chris IVANOV.
‒ Que je vous le donne ? Comment ?
‒ Je veux que vous me disiez tout ce que vous savez sur
lui. Je veux savoir si oui ou non vous l’aviez déjà vu tuer
une ou toutes ces personnes.
Il aligne devant moi des photos de personnes dont je
reconnais, pour la plupart, le visage. Mes yeux me
picotent et j’ai une boule au ventre.

‒ Voici là le dernier carnage de votre ami, continue


encore le Lieutenant en me montrant cette fois des photos
de scène de crime.

Je suis tout de suite prise de nausée devant tout ce sang


et ces nombreux corps d’hommes qui y baignent. Je
ferme les yeux, histoire de me reprendre.

‒ Je… peux avoir un peu d’eau s’il vous plaît ?

Il sourit.

‒ Ok.

Il sort de la pièce et je peux enfin souffler. C’est quoi ce


guet-apens ? Ses mots défilent en boucle dans ma tête et
ça me fait encore plus peur. Je ne veux pas aller en prison,
ni ici ni dans mon pays d’origine. Rien que cette nuit
passée dans une cellule et je n’ai plus envie d’y retourner.
En plus, j’étais avec une autre femme qui faisait vraiment
peur. Je refuse d’aller en prison. Mais je ne dois pas non
plus dénoncer Monsieur Dark. Il me tuerait à la seconde
même. Là, je suis partagée entre la peur de mourir et la
peur de finir mes jours en prison. Je suis entre le marteau
et l’enclume. Je ne veux ni l’un ni l’autre. Le Lieutenant
va revenir tout à l’heure et je dois impérativement lui
donner une réponse.

‒ Seigneur, j’ai vraiment besoin d’un miracle parce que


là, je suis coincée jusqu’au cou. Quoi que je décide, je
ressors perdante. S’il faut que tu me fasses disparaitre
pour réapparaitre dans un autre pays ou une autre planète,
fais-le.

Le Lieutenant revient avec une petite bouteille d’eau.


J’en bois plus de la moitié.

‒ Alors ? Vous avez réfléchi à ma proposition ? Juste une


petite information et le reste je m’en charge. Si vous avez
aussi peur pour votre vie, je vous rassure, vous serez
protégée. Toute votre vie s’il le faut. Je vous écoute donc.
Regardez bien ces photos et dites-moi qu’il les a bien
tués.
Je fixe chacune des photos. Bizarrement, je n’ai aucune
envie de livrer Monsieur Dark. Rien à avoir avec le fait
qu’il me tuera. J’ai comme une envie de… le protéger.
C’est insensé je le sais, mais c’est ce que je ressens.

‒ Mademoiselle, dites-moi ce que je veux savoir et


j’oublie tout ce que je sais.
‒ Je…

« Comment osez-vous interroger ma cliente en mon


absence ? »

Un homme cintré dans un costume trois pièces fait une


entrée des plus spectaculaires en fixant gravement le
Lieutenant qui pousse un soupir en se relevant. Au fait,
c’est qui sa cliente ?

‒ Ne dites absolument rien, me commande le type. Je suis


votre Avocat et en tant que tel j’exige votre libération
parce qu’il n’y a aucune véritable charge contre vous.
‒ Si. Elle est impliquée dans le meurtre d’un flic, objecte
le Lieutenant.
‒ Montrez-moi les preuves que vous avez.
Le policier ne dit rien.

‒ Je la dénoncerai aux autorités ivoiriennes, finit-il par


dire après un moment. Elle est recherchée pour le meurtre
de son mari.
‒ Faites ça et je me chargerais d’expliquer à vos
supérieurs les circonstances de la mort de votre feu
collègue.

Le Lieutenant devient tout à coup tendu. Je ramène ma


bouteille d’eau à mes lèvres. Cette histoire devient
compliquée.

‒ Vous ne pouvez pas retenir ma cliente plus longtemps


car elle a son mariage à célébrer.

Je recrache l’eau qui était dans ma bouche. Mon….


quoi ?

‒ Son futur époux est mort d’inquiétude de ne pas voir sa


bien-aimée faire son entrée et Monsieur le Maire
s’impatiente car il a d’autres chats à fouetter. Alors, merci
de nous excuser et la prochaine fois, ayez de bons
éléments avant d’arrêter les honnêtes citoyens. (A moi)
On y va. Et prenez votre bouteille d’eau.

J’obéis sans dire mot. Je suis encore sous le choc de la


nouvelle du mariage. Ce doit sans doute être une excuse
pour me faire sortir d’ici. Je veux poser des questions à
l’Avocat mais il m’a l’air bien trop pressé. Même dans la
voiture qui nous ramène, il reste au téléphone avec
Monsieur Dark. Il parle en russe. La voiture entre dans la
concession. Cette maison m’a manqué, en plus du
propriétaire des lieux. Dès que je sors, la voiture repart
aussitôt. Je croise Ben qui me fait signe de le suivre à
l’intérieur. Il cogne la porte du bureau et disparait. La
voix de Monsieur Dark résonne derrière la porte, intimant
l’ordre d’entrer. C’est toute tremblante que je pénètre la
pièce. Il est debout derrière son bureau et Alana est assise
dans le grand divan. Depuis mon départ pour
l’appartement de Shelby, je ne les avais plus revus. C’est
comme si nous avions coupé les ponts.

‒ Bonjour à vous.
‒ Je suppose que tu as des questions à poser sur cette
histoire de mariage ? me demande-t-il.
‒ Euh oui. Avec qui dois-je me marier ? Et pourquoi ?
‒ Avec moi.
J’avale ma salive. Mon cœur commence une course folle.

‒ Pour ne plus avoir à être arrêtée et interrogée comme


une vulgaire criminelle, afin de me dénoncer moi, nous
devons nous marier. Surtout que tu en sais un peu trop
sur moi.
‒ Je…
‒ Ne t’inquiète pas, il y a une deuxième option, continue-
t-il. Tu as le choix entre devenir mon épouse légale ou
disparaitre.
‒ Disparaitre ? Vous, voulez me tuer ?
‒ Non.

Il lance devant moi une enveloppe kraft.

‒ Tu as dans cette enveloppe ta nouvelle identité. Si tu


refuses le mariage, qui est à mes yeux la solution la plus
simple, tu devras disparaitre de ce pays, voire, de ce
continent pour un autre avec une autre identité. Je
m’arrangerai à ce que la police ne retrouve jamais tes
traces et tu pourras refaire ta vie comme tu l’entends. Tu
auras le choix de ta nouvelle destination. Alana pourra t’y
aider. L’avion sera prêt ce soir.
Pourquoi me met-on toujours devant des dilemmes ? A
peine je viens dans ce pays que je dois déjà le fuir.

‒ Est-ce… Est-ce que je peux… vous pouvez m’accorder


quelques heures, s’il vous plaît ? J’ai besoin de me
remettre de toutes ces émotions.

Il regarde sa montre.

‒ Tu as jusqu’à ce soir pour te décider. Tu peux t’en aller


avec le contrat de mariage pour y jeter un coup d’œil.
‒ D’accord.

Les pieds lourds, je prends congé d’eux. Dès que je


franchis la porte de chez Shelby, elle me saute dessus.

‒ Oh Jésus, enfin tu es là ! Bordel, j’étais morte


d’inquiétude. Où étais-tu ?
‒ J’ai eu un petit souci avec la police mais tout est rentré
dans l’ordre. C’était un malentendu.
‒ Mais tu aurais pu m’appeler. J’ai passé toute la nuit à
essayer de te joindre. J’ai même appelé à l’hôtel et on m’a
dit que tu étais rentrée depuis un bon bout de temps. De
grâce, ne me fais plus ce genre de frayeur.

Elle me serre de nouveau dans ses bras. Quand elle me


libère, elle remarque tout de suite le document que j’ai en
main.

‒ C’est quoi ça ?

Elle me le prend des mains avant que je ne puisse réagir.


Je la regarde lire.

‒ C’est un contrat de mariage ? me questionne-t-elle.


‒ Oui. Monsieur Da… Chris m’a demandé en mariage.
‒ Quoi ? Et que lui as-tu dit ? Non, j’espère.
‒ Je n’ai pas encore répondu. Mais je dois le faire ce soir.
‒ Ne me dis pas que tu vas accepter ?
‒ J’ai bien envie.
‒ Inayah ! s’offusque-t-elle. Avec tout ce que je t’ai dit
sur cet homme, tu veux vraiment prendre ce risque ? Tu
veux être sa troisième fiancée à perdre la vie ? Cet
homme est dangereux.
‒ Mais de tous les hommes que j’ai connu de toute ma
minable vie, c’est le seul homme qui m’a protégée envers
et contre tous. Il est le seul homme à m’avoir donné un
semblant d’importance. Être sa femme m’assurera non
seulement une certaine sécurité mais obligera le monde à
me respecter. Tu sais ce que ça fait d’être piétiné par tout
le monde ? D’être l’objet de foutaise de tous ? Je veux
vivre une vie paisible. Je veux qu’on arrête de me traiter
comme de la merde. Et ce respect, il n’y a que cet homme
qui puisse me le donner et tout le pouvoir qui va avec.
‒ Mais et ta vie, tu y as pensé ? Il peut te tuer à la moindre
menace.
‒ Rien ni personne n’a jamais prouvé qu’il était un tueur.
Tu l’as toi-même dit, il n’y a jamais eu de preuve contre
lui. En plus, je n’ai pas dit que j’allais accepter.
‒ Mais ça se voit dans tes yeux que tu brûles d’envie. Tu
es amoureuse de lui donc ça c’est ta chance d’être encore
plus proche de lui. Pourtant tu ne seras pas heureuse. Au
deuxième paragraphe, il est clairement marqué que ce
sera un mariage blanc. Pas d’amour, pas de rapports
sexuels, mais surtout pas d’enfant. Tu entends ? Tu seras
juste un décor, ce que justement tu m’as dit ne plus
vouloir être. Tu mérites mieux, Inayah.

Elle prend un air plus doux et me prend les deux mains.


‒ Je te connais il y a peu mais je t’apprécie énormément,
Inayah. Je veux le meilleur pour toi et cet homme, il est
loin d’en être. Il n’est pas celui qu’il te faut. Il est trop
dangereux et toi, trop douce. Ça ne collera pas.
‒ Je te remercie de t’inquiéter pour moi. Je dois aller
prendre une douche et me reposer.
‒ C’est compris.

Je reprends le contrat de mariage et pars m’enfermer dans


ma chambre. Il me faut vraiment bien réfléchir.

*Mona
*LYS

Ça y est, j’ai pris ma décision. Mon temps de réflexion a


certes été court mais je suis plus que certaine de la
décision que j’ai prise. Je tire mes valises hors de la
chambre. Shelby me regarde, mécontente, mais surtout
inquiète.

‒ Tu vas me manquer, me dit-elle.


‒ Toi aussi. Mais on restera en contact.
Nous nous étreignons encore une fois avant que je ne
parte pour de bon. Je retrouve le chauffeur qui m’a été
envoyé et nous nous mettons en route. Sur le trajet, je
repense en boucle à la décision que j’ai prise. J’essaie
surtout de ne pas changer cette décision en me
convaincant que c’est la meilleure que j’aurais pu
prendre. Mieux vaut ne plus y penser pour ne pas perdre
le peu de courage dont je me suis vêtue.

Monsieur Dark, Alana et l’Avocat qui m’a délivrée des


griffes du policier sont tous présents dans le bureau. Ils
me regardent tous, attendant que je leur annonce ma
décision.

‒ Voilà, j’ai bien réfléchi et… j’accepte le mariage.


MAIS… j’ai aussi une condition. J’ai accepté toutes les
conditions du contrat et je souhaiterais que vous
acceptiez la mienne.
‒ Qu’est-il donc ? demande Monsieur Dark.
‒ Je veux intégrer votre monde.

Il plisse les yeux.

‒ Je veux faire partie intégrante de votre vie et de vos


affaires. Je veux que vous me formiez à être une femme
redoutable, forte, dominante. Enfin, un peu comme ce
que vous avez fait avec Alana. Je ne veux plus être une
victime. Je veux être celle qui décide et que tout le monde
craint. Si je dois être votre femme, il faudrait que j’aie
aussi votre carrure. Sinon, je risque d’être une faiblesse
dans votre business. Si je suis comme vous, personne
n’osera s’en prendre à moi dans le but de vous faire du
chantage. Et je peux aussi vous être très utile.
‒ Tu es convaincue de ce que tu demandes ? En as-tu
seulement conscience ?
‒ Oui.

Je le fixe avec détermination.

‒ Je ne veux plus être celle qu’on piétine, je veux être


celle qui piétine. Je ne veux plus fuir, mais je veux que
les gens prennent la fuite à mon approche. J’ai été douce
toute ma vie et j’en ai souffert. Je veux devenir une
femme forte. C’est ma condition.

Les trois personnes s’échangent des regards. Alana finit


par lui dire quelque chose en russe. Il retourne son regard
sur moi.

‒ C’est d’accord.
Je souris. C’est la phrase de Shelby qui m’a poussé à
prendre cette décision. « Il est trop dangereux et toi, trop
douce. » Je crois que j’en ai marre d’être douce. Ça m’a
rendu vulnérable toute ma vie et les gens faisaient de moi
ce que bon leur semblait. Je veux être respectée et comme
Monsieur Dark l’a dit, dans ce monde, soit tu domines
soit tu te fais dominer et subis. Je suis épuisée de subir.
Je veux maintenant dominer.

‒ Signez donc ici, nous dit l’Avocat en posant des


documents devant Monsieur Dark.

Il signe sans me quitter des yeux et c’est à mon tour. C’est


à ce moment que je me rends compte de la décision que
je viens de prendre. Ma vie ne sera plus la même après
avoir signé ces papiers. Elle va prendre un virage des plus
dangereux. Je serai mariée, mais à l’homme le plus
dangereux de ce pays. M’unir à lui fera aussi de moi la
cible de toute la police américaine.

‒ Vous n’êtes plus sûre de votre décision ?

Je regarde l’Avocat qui me fixe. Tout le monde me


regarde. Je prends le stylo et je commence à signer.
L’Avocat ouvre une petite boite. Je remarque des
alliances. Une en or et l’autre en diamant. Monsieur Dark
prend celle en diamant et s’approche de moi. Les yeux
dans les yeux, il me prend la main gauche. Mon cœur
s’emballe. Il glisse tout doucement la bague sur mon
annuaire. J’en frissonne.

‒ C’est ton tour, me siffle-t-il.

Je prends sa bague et avec les mains moites à cause du


stress, je la lui enfile.

‒ C’est fait, vous êtes maintenant mari et femme, annonce


l’Avocat.
‒ Félicitation à vous, nous dit Alana en souriant de façon
malicieuse.

Elle s’approche de moi.

‒ J’espère que tu as les côtes assez solides pour endosser


ce rôle, me chuchote-t-elle avant de sortir de la pièce avec
l’Avocat.
Le doute veut s’emparer de moi mais je le balaie
rapidement. Ce n’est pas le moment. Mon nouveau
“mari’’ s’avance à son tour.

‒ Monsieur…
‒ Chris. Je m’appelle Chris IVANOV.
‒ Oui ! Chris !

Je ferme les yeux pour me reprendre. Il faut que j’arrête


de perdre les pédales devant lui.

‒ Je t’espère prête et que tu ne fuiras pas à la première


épreuve.
‒ Non. Je suis prête pour ma nouvelle vie.

Il sourit.

‒ Dans ce cas, sois la bienvenue, Mme IVANOV.


1

DEUX ANS PLUS TARD

***INAYAH IVANOV

Une jambe après l’autre, je descends de ma luxueuse


Mercedes. La longue fente de ma robe met en valeur ma
jambe soigneusement épilée et entretenue, tout comme le
reste de mon corps. Mon garde du corps et chauffeur par
moment, me tend sa main que je saisis pour mieux sortir
du véhicule. Un passage de paume de main négligé sur
ma robe pour la lisser et je traverse l’allée, ornée de
fleurs, dans une démarche pleine d’assurance et de
dangerosité. Le bruit du choc de mes talons aiguilles sur
le carrelage brise le silence de la nuit. Les deux hommes
postés à l'entrée ouvrent les deux grands battants, me
cédant ainsi le passage. J'entre dans la grande salle, suivie
de près par mes deux gros gardes du corps. Je fais juste
quelques pas que je m’arrête, dans une posture qui peut
susciter de la crainte chez n'importe qui. Toutes les têtes
tournent vers moi et les yeux se braquent sur moi. Je
remarque surtout les regards de ces dames. Les unes
tueraient pour être à ma place tandis que les autres me
tueraient, moi, pour prendre ma place. Elles désirent
toutes être à ma place. Elles veulent toutes être Mme
Chris IVANOV. La femme du grand Dark. Le plus grand
mafieux de l’Amérique entière. Je promène lentement
mon regard dans la salle pour repérer mon cher époux. Il
a dû me devancer parce que j'avais un boulot à terminer
avant de me rendre ici. Je repère de loin ses deux iris d'un
bleu électrique. Ce regard qui ne laisse aucune femme
indifférente, est braqué sur moi. Uniquement sur moi. Je
me sens comme une Reine, je me sens intouchable et oui,
effectivement, je suis intouchable. Aux côtés de cet
homme, je suis intouchable. Rien que son nom sur moi
fait trembler mes ennemis. Je marche lentement,
assurément, mais surtout sensuellement, vers mon
homme. Je traverse la foule qui s'est divisée de part et
d'autre. Ils me suivent tous du regard jusqu’à ce que
j'arrive au niveau de Chris qui me tend la main. J'y pose
la mienne et il me fait un baisemain.

— Et voici mon épouse.

Les hommes avec lui me dévorent littéralement du


regard.

— Madame ! me fait une révérence l'un des hommes.


Vous êtes beaucoup plus que ce qui se dit.
— Et qu’est-ce qui se dit ?
— Que le grand Dark s'est dégotté la femme la plus
splendide des États-Unis. Mais moi je dirai que vous êtes
la perle la plus belle, précieuse et rare qui puisse exister.
— Humm ! Vous êtes beau parleur dis donc !

Chris pose sa main sur la chute de mes reins en signe de


possession. Un geste qui ne passe pas inaperçu pour les
autres. Et un geste qui me chauffe. Je respire
profondément. Cet homme a le chic pour me mettre dans
tous mes états.

— Oh Dark, pas la peine de la tenir de la sorte. Personne


ne te la piquera.
— Personne n'oserait me piquer ce qui m’appartient,
réplique-t-il de sa voix roque, pleine d’assurance et
d’autorité.

Voilà qui est clair. Je reste près de Dark pendant qu’il


discute affaire avec ces hommes. Je regarde mon mari
discuter avec élégance et charisme et mon cœur danse la
salsa. Je prends plaisir, depuis deux ans à le contempler.
Chaque jour, je l'aime encore plus et être à ses bras à
chaque sortie, me fait me sentir comme une Reine. Il me
regarde, me fait un sourire en coin et rapporte son
attention sur ses partenaires. Je pourrais passer toute la
vie à le regarder.

Gab, mon principal garde du corps me sort de ma rêverie.

— Madame, vous êtes demandée.


— Par qui ?

Il me fait un signe de tête dans une direction. Je roule les


yeux.

— Encore ces bécasses, je chuchote avant de m’excuser


auprès des hommes et de me rendre vers ces dames.

Rien que des lécheuses de boots. Chacune d'elles veut me


mettre de son côté en cassant du sucre sur le dos les unes
des autres. De grosses hypocrites. Elles sont amies mais
ennemies dans l'ombre. Je me fais violence pour rester
trente minutes avec elles avant de retourner près de mon
homme. Je me serais moins ennuyée si Alana était
présente. Elle s’est chopée une grippe depuis trois jours.
Je ne m’inquiète cependant pas pour elle. Elle est entre
de bonnes mains.
*Mona
*LYS

— La mère Noël est là !!!


— Tu m'as apporté mes fruits de mer ?
— Et comment !?

Je dispose tout sur sa superbe moquette blanche.

— Aya, pas sur ma moquette, rechigne Shelby.

Je ne prête pas attention à son bavardage. Elle le fait à


chaque fois ; et à chaque fois elle sait que je n'en ferai
qu’à ma tête. Je pars me laver les mains et je commence
à manger sans l’attendre.

— Oh mais… Attends-moi ! hurle-t-elle en courant vers


moi.
— J’ai faim, meuf.

Nous nous attaquons aux différents mets. S'il y a des


moments dans ma vie que je chéris plus que tout, ce sont
ceux que je partage avec Shelby. Toutes les fois que nous
en avons l’occasion, nous faisons nos journées « spéciale
fille ». Soit je viens chez elle, soit je nous réserve une
chambre dans un hôtel de luxe ou bien nous sillonnons
les rues de New-York entre shopping, découverte de
nouveaux restaurants et cinéma, mais le but c’est de
passer toute la journée ensemble à faire les folles.
Aujourd’hui, nous restons chez Shelby car nous sommes
toutes deux fatiguées par nos boulots respectifs.

— As-tu vu les nouvelles boots de chez Louboutin qui


sont sorties hier ? Une tuerie.
— D'abord, nous avons décidé de ne pas sortir parce que
nous sommes épuisées. Ensuite, Madame IVANOV,
n’oubliez pas que tout le monde n'est pas plein aux as
comme vous pour s’acheter des chaussures hors de prix.
Cinq mille dollars ? Non mais c’est de la folie.
— Elles sont incrustées de diamant, je souligne en
prenant mon portable sur la moquette.
— Même si elles avaient été faites avec les larmes du
Christ, jamais je ne les aurais achetées. C’est trop. S'il te
plaît, laisse passer pour une fois. Tu as déjà toute une
pièce remplie de chaussures dont tu n'arrives à porter la
moitié.
— Tu n'as pas vite parlé. Je viens de les commander.
— Pff, tu es incorrigible.
Je lui sors la langue. Avoir cette fille dans ma vie la rend
plus belle. Je crois qu'elle est l’une des meilleures choses
qui me soient arrivées dans la vie. Quand je suis avec elle,
j'oublie tout. Absolument tout ce qui pourrait me donner
du chagrin. Elle me rend très bien l’amour que je lui
porte. Le seul hic dans notre amitié, c’est Chris. Elle ne
le supporte pas. Elle reste persuadée qu'il me fera souffrir
et gâchera ma vie par la même occasion. Nous ne parlons
quasiment jamais de lui et elle a arrêté de dire du mal de
lui en ma présence. C’était le mieux à faire pour préserver
notre si belle amitié.

— As-tu lu les commentaires sur notre dernière vidéo ?


me demande Shelby pendant que nous nous lavons les
mains dans le lavabo de la cuisine.
— Oui. Ils ont encore adoré. Nous avons eu dix millions
de vues. C’est dingue.
— On en fait une nouvelle ? Il y a de nouveaux
challenges.
— Allons-y !

Nous trouvons une merveilleuse idée pour notre vidéo,


faisons la déco qu’il faut et j'active notre compte TikTok.
Nous nous sommes faits une grande renommée sur
TikTok avec nos vidéos. A la base, la première vidéo que
nous avons faite c’était juste pour le fun. Ayant chacune
un compte sur ce réseau social, nous avons kiffé un
challenge qui faisait mouche. Alors nous en avons fait
une que nous avons balancé sur mon compte.
Sincèrement, nous n'espérions aucune réaction. La
preuve, nous n'y avons pas jeté de coup d’œil durant une
semaine. Puis un jour, juste par curiosité, je me suis
connectée et quelle a été ma surprise de voir plus d'un
million de vues. Certaines pages l'ont relayée. Les gens
en parlaient. Nous avons rencontré des gens qui nous
demandaient des photos. Nous n'en revenions pas. Mon
nombre d’abonnés a grimpé en un clin d’œil. J’ai donc
renommé mon profil pour nous l'attribuer à ma meilleure
amie et moi. Nous ne sommes pas des “TikTokeuses”.
Non, nous sommes juste deux femmes qui veulent se
distraire après de longues semaines stressantes. Nous ne
faisons des vidéos que très rarement. Les gens nous
sollicitent mais nous leur faisons comprendre que nous
n'avons pas le temps et que nous le faisons pour le fun,
pas pour de l'argent ou pour être connues. Mais le truc,
c’est que les gens m'ont suivie jusque sur Instagram où je
poste régulièrement des photos de moi en train de
m'amuser ou des photos de mon business. J'en ai acquis
une centaine de clients. Comme quoi ce n’est pas si mal
d’être populaire.
Après plusieurs tentatives, nous réussissons enfin la
vidéo et la postons. Nous continuons notre journée mais
je sens que Shelby n'est plus dans son assiette. Elle ne fait
que regarder son portable.

— Que se passe-t-il ? je lui demande en aspirant mon jus


de citron par la paille.
— Rien. Enfin, c’est Nick. Je le sens distant ces jours-ci.
— Il est sans doute avec son autre copine.
— Arrête !
— Bah que veux-tu d’autre ?
— Nick ne me trompe pas. Il n'est pas comme Chris.

Je lève les yeux au ciel. Venant d'elle ça ne me blesse pas.

— Je sens que quelque chose le tracasse. Ça fait deux


jours que je n’ai aucune nouvelle de lui.
— Bon, ça suffit ! fais-je en me levant, mon verre à la
main. On part chez lui.
— Quoi ?
— Je sais d'avance que si tu ne le vois pas aujourd’hui, le
reste de notre journée sera gâchée. Alors on y va.
Je vide mon verre après avoir sucé la petite tranche de
citron qui y était accrochée et je prends le sien qui est
toujours plein. Je ramasse au passage mon mini sac à
main et mon portable. Elle n'a d'autre choix que de me
suivre.

— Je ne veux pas avoir l'air de le harceler, relève-t-elle


en marchant derrière moi.
— C’est ton mec. Tu as le droit de le harceler.

Même si je n'aime pas son mec, je ne supporte de la voir


si inquiète à cause de lui. Il ne m'a rien fait de spécial,
mais je ne sais pas, il m'a l’air louche. Elle le sait et, tout
comme moi, elle s'en balance.

Je conduis d’une main et de l'autre, déguste ma boisson.


Lorsque nous arrivons dans ce quartier très fréquenté, je
la laisse monter à l’appartement de son mec. Je reste dans
ma voiture à l'attendre en vérifiant mes mails. Mais au
bout d’une heure de temps, je commence à m’inquiéter.
Je klaxonne une première fois, puis une deuxième fois.
Aucune réaction. Je sors de ma voiture. C’est à cet instant
qu'elle sort du bâtiment, suivie de Nick.

— J’ai cru qu'il t'avait séquestrée.


Elle roule les yeux.

— Arrête d’être bête. Tu sais qu'il ne me ferait jamais de


mal.
— Fhum !
— Salut, Inayah, me salue Nick depuis sa position.

Je lui réponds de la tête.

— Alors c’est quoi son problème ?


— Il avait des petits soucis à régler. Et là maintenant, il
n'est pas très en forme. S'il te plaît, est-ce qu’on pourrait
terminer la soirée avec lui ?
— Tu n'es pas sérieuse ??? On dit journée entre filles. Pas
journée fille et couple.
— Je te rappelle que la semaine dernière tu m'as laissée
en plan au cinéma en plein milieu d'un film pour rejoindre
Chris.
— C’était une urgence.
— Bah ça l'est aussi.

Je la regarde genre.
— S'il te plaît !!! Allez !!!

Je secoue la tête.

— Ok.
— Merci, tu es un amour, se réjouit-elle en m'enlaçant.

Elle va faire signe à Nick et tous les trois, nous montons


dans ma voiture. Bien évidemment, ce sont eux qui
choisissent notre prochaine destination. Je roule jusqu’à
l’une des plages de la ville. Je reste assise dans le sable à
les regarder s’amouracher. Même si je n'aime pas la tête
de ce Nick, force est de reconnaître que Nick sait être
romantique et gentleman. J'en viens à jalouser un peu leur
relation. J'aimerais qu'un jour, Chris me tienne comme
Nick tient Shelby. Qu'il me regarde avec des yeux
luisants d'amour, de passion et de désir. Mais comme on
le dit, le rêve est permis. Après la plage, nous allons dîner
dans un restaurant. Là encore, je tiens compagnie au
couple qui ne s’occupe plus de moi. Shelby est heureuse,
ça saute aux yeux. J’espère de tout cœur que ce mec est
clair avec elle.

Il est 20h quand je gare ma voiture dans la concession.


— Madame, vous avez reçu ce colis, m'informe l’un de
gardes de la maison.
— Merci ! lui dis-je en récupérant de ses mains le carton.

Je monte dans ma chambre pour essayer mes nouvelles


chaussures. Elles sont toutes scintillantes, comme je les
adore. J’ai manifesté ces deux dernières années un amour
fou pour les chaussures. Baskets, talons aiguilles, bottes
etc… Tant que ça brille, je suis partante. Je me rends dans
la pièce adjacente à ma chambre et je pose ma nouvelle
acquisition sur un étagère. Elle rejoint toute ma collection
de chaussures de marque. J'en ai tellement que j’ai été
obligée de modifier la chambre voisine en armoire pour
mes bébés, comme j'aime les appeler. Il y a aussi dans
cette pièce mes sacs à main de grands créateurs. Mes
perruques se trouvent dans une autre pièce aménagée en
mon salon de beauté. Je prends mon bain et redescends.
J’ai remarqué que toutes les voitures de Chris étaient
présentes. Il n'est donc pas sorti. Je marche en direction
de son bureau où il doit être. Il y passe plus de temps que
dans n’importe quelle autre pièce de la maison. Bien qu'il
soit dans des choses pas très nettes, Chris est très bosseur.
Et il n’est pas que dans la mafia, il a aussi des entreprises
qui font des chiffres impressionnants. À la question de
savoir si ses entreprises lui servaient à blanchir l'argent,
il m'a répondu non. Il en avait une toute autre qui avait
été créée spécialement pour ce but. Mais ses grandes
entreprises reconnues sont sans tâches.

Je suis à quelques pas de son bureau quand je perçois de


faibles gémissements. J’ai tout de suite un pincement au
cœur. Encore une nuit que je vais passer à avoir mal en
imaginant mon mari entre les cuisses d'une autre, qui plus
est une pute. Il préfère coucher avec une pouffiasse
qu’avec moi sa femme. Je colle une oreille à la porte pour
être sûre de bien entendre. J’ai la confirmation qu'ils sont
en train de faire l’amour. J’étais juste venue lui souhaiter
une bonne nuit comme j'en ai pris l’habitude. Faut croire
que sa nuit sera très bonne. Je retourne sur mes pas avec
un autre brin de mon espoir qui s’effondre.

***ALANA IVANOV

— Putain, Alana ! Vas-y doucement. Tu vas te faire mal.


— La ferme !

Deux secondes de plus et me voilà projetée dans un


orgasme qui ne dit pas son nom. Jeoffrey me rejoint. Je
m’écroule près de lui.
— Satanée migraine, je me plains en reprenant mon
souffle.
— Tu ne disais pas ça tout à l’heure, rigole Joe.

Il se penche sur moi.

— Ça va ? s’inquiète-t-il.
— Oui.
— En es-tu certaine ? On pouvait très bien attendre que
tu ailles mieux.
— Toi oui, moi non.

J’avais trop envie de lui. Passer trois jours sans le toucher


et lui faire l’amour, c’était insupportable. Je me devais de
me satisfaire au plus vite au risque d’exploser. Je n’arrive
plus à résister à ce type. Être proche de lui me met à
chaque fois dans un état que je ne peux ni maitriser, ni
expliquer. Il m’est dorénavant impossible de me séparer
de lui. Il ne s’agit pas uniquement de sexe, mais
également de sa personne. Après avoir passé deux ans à
me mentir à moi-même, j’ai fini par admettre que je ne
peux plus me passer de cet enfoiré. Non, je ne dirai pas
le mot magique. Je n’en suis pas encore à ce stade. Et
non, je ne lui montrerai pas non plus un quelconque
attachement. Ça ne fait pas partie de mon dictionnaire.
Ça ne fait pas partie du dictionnaire des IVANOV.

Joe sort tout nu du lit et disparait dans la salle de bain. La


fièvre et le froid me rappellent que je ne suis pas encore
rétablie. Je me suis choppée une grippe violente qui m’a
clouée au lit durant trois jours. Grâce à un remède
magique de Jeoffrey, je me sens beaucoup mieux même
si je ne peux encore vaquer à mes occupations. Joe
revient avec un verre d’eau et mes cachets.

— Tiens ça ! me tend-t-il le tout.

J’avale tout ce que je dois prendre et je m’allonge.

— Que veux-tu que je te fasse à diner ? Des pâtes ?


— Non ! Je veux des tacos. Les mêmes que tu m’as
apportés l’autre jour.
— Ok. Je reviens donc. Profites-en pour reprendre des
forces.

Il se vêt et sors de la chambre. J’ai vraiment de la chance


qu’il soit là en cette période de convalescence. Moi qui
n’ai aucune amie, « enfin, en dehors d’Inayah. », je ne
m’en serais pas sortie. J’enfile un peignoir et je me rends
à la cuisine boire un autre verre d’eau. J’ai la gorge sèche
depuis ce matin. J’entends, depuis la cuisine, la porte
d’entrée s’ouvrir.

— Tu es déjà rentré ? je demande en sortant de la cuisine.

Je me fige en tombant sur mon frère. Il me regarde d’une


manière à me donner froid dans le dos.

— Tu es avec quelqu’un ? me demande-t-il.


— Euh…
— J’ai vu un homme sortir d’ici. Qui est-ce ?
— Oh, une personne sans grande importance, dis-je en
espérant le convaincre.

Je sais qu’il ne me croit pas. Je n’ai jamais parlé de


Jeoffrey à Chris. Ils ne se sont jamais rencontrés non plus.
Je n’en ai pas vu l’utilité étant donné qu’il ne représentait
absolument rien à mes yeux si ce n’est un objet sexuel.
Sauf que les choses ont pris une autre tournure au point
où je ne sais plus quoi faire. Je ne sais pas moi-même où
je vais avec Jeoffrey.
— J’étais passé prendre de tes nouvelles avant d’aller à
mon rendez-vous, finit par dire Chris.
— Je vais mieux. Merci. D’ici deux jours, si tout se passe
bien, je pourrai reprendre le boulot.
— Prends le temps de bien te rétablir. Rien n’urge.
— Ok.
— Tu es sûre que je ne dois pas m’inquiéter par rapport
à ce type ?
— Beh non ! C’est un peu comme toi et Shana. Rien que
du passe-temps.
— Si tu le dis. N’oublie surtout pas la règle d’or. On ne…
— Tombe pas amoureux de peur de devenir trop faible et
de se faire avoir par nos ennemis. Je n’ai pas oublié et ça
ne risque jamais d’arriver. Tu as ma parole.
— C’est bien. J’y vais maintenant.

Il tourne les talons et part. Je me laisse tomber dans mon


sofa. Chris vient d’augmenter ma migraine avec ses
avertissements. Je sens que j’aurai du fil à retordre avec
cette histoire. Il me faut mettre certaine base pour ne pas
me retrouver moi-même noyée dans tout ceci.

La porte s’ouvre de nouveau et cette fois il s’agit bien de


Joe. Je reste immobile, les yeux fermés. Je l’entends
poser un paquet sur la table basse et se rapprocher. Il pose
ses lèvres sur les miennes. Ce baiser efface toutes mes
résolutions. J’ouvre la bouche et l’approfondis. Je me
ressaisis aussi rapidement quand je sens ses mains se
poser sur mes hanches.

— Va-t’en, Joe, je lui intime en le repoussant.


— Quoi ?
— Je veux rester seule.
— Je croyais que tu voulais que je reste avec toi cette
nuit ?
— J’ai changé d’avis.
— Que t’arrive-t-il ?

Je me relève et arrange mon peignoir qui s’était


légèrement ouvert.

— Rien. J’ai besoin de repos. Referme derrière toi.

Je disparais dans ma chambre. Je crois qu’il est temps de


mettre un peu de distance. Ça m’aiderait sans doute à me
remettre les idées en place. Je ne dois pas décevoir mon
frère en tombant amoureuse d’un homme.
Quoi que je pense que c’est déjà le cas.
2

***ALANA

— Alors, qu’a-t-il dit quand il l’a vu ?


— Il m’a demandé, avec beaucoup d’insistance, ce qu’il
représentait pour moi.
— Et que lui as-tu répondu ?
— Que voulais-tu que je lui réponde ? Qu’il est juste un
plan cul.

Inayah sourit.

— Ne dis pas ce que tu as en tête.

Elle lève les mains et m’apporte ensuite mon plat. Cette


fille cuisine super bien. C’est pourquoi je prends un malin
plaisir à venir plus tôt, manger avec elle avant de sortir
avec Chris.
— Alors, tu me le présentes quand ? me demande Inayah
en piquant dans son assiette.
— Je n’ai pas à te présenter mon plan cul.
— C’est ça, rigole-t-elle.

L’un des changements qu’il y a eu dans ma vie, c’est mon


attachement à Inayah. Elle est d’une telle simplicité qu’il
ne m’a pas été difficile d’y arriver. Elle est ce que je peux
qualifier de la seule amie que j’ai. Pour moi qui ne suis
pas bavarde, je le suis maintenant. Pas une grande
bavarde, mais quand je suis avec elle, je parle beaucoup
plus qu’avant.

— Chris a quand même mis du temps, tu ne trouves pas ?


fais-je remarquer.
— C’est toujours comme ça quand il est avec sa Shana,
me répond Inayah avec déception et jalousie.
— Je t’avais prévenue.
— Je le sais.

Chris apparait, seul.

— Elle est où Shana ? lui demandé-je.


— Elle est partie depuis plus de trente minutes.
— Ah, je vois.
— On y va !

Je remercie Inayah et suis mon frère. Je m’assieds près


de lui sur le siège arrière. Il me briefe sur son rendez-vous
de ce matin. C’est un rendez-vous d'affaires. Pour les
affaires légales je veux dire. Pas les choses de l'ombre.

— Dis-moi, pourquoi fais-tu ce que tu fais avec Shana à


la maison en sachant bien qu’Inayah, TA femme est
présente ?
— Il se situe où le problème ? Je fais ce que je veux chez
moi.
— Mais penses-tu à Inayah ?
— T’a-t-elle dit quelque chose à ce propos ?
— Non !
— Ça prouve donc qu'elle s'en fiche. Notre mariage c’est
juste du pipo.
— Tu ne t'es pas dit qu'elle pourrait être amoureuse de toi
et dans ce cas elle souffrirait de ta liaison avec Shana ?
— Aucune femme qui a vu un homme tuer n'en tombe
amoureuse. A condition qu'elle soit elle-même une
meurtrière. Ce qui est de loin le cas d'Inayah. Elle s'en
fiche de ce que je peux faire.

Moi je pense plutôt qu'il fait tout ça pour pousser Inayah


à s’éloigner de lui. Il utilise cette méthode pour éviter
qu'il ne se passe quoi que ce soit entre eux. Je connais cet
homme comme la paume de mes mains. Mais je me
retiens de le lui faire savoir au risque de me prendre une
de ses foudres au visage.

Je marche derrière Chris jusqu’à la suite de son futur


partenaire. Trois de nos hommes restent plantés devant,
quant aux autres, ils sont déportés un peu partout dans
l’hôtel et devant. Je vois le partenaire de Chris jeter sur
moi des coups d’œil qui m’interpellent sur ses intentions.
Je reste concentrée sur la conversation entre les deux
hommes. Je joue parfois le rôle de conseillère auprès de
mon frère. Je me dois donc d’être informée de tout. Après
près de deux heures de conversation, ils y mettent fin
avec une poignée de main.

— Je peux avoir quelques minutes avec ton bras droit ?


demande l’homme à Chris.
— Si vous voulez que notre accord tienne, évitez de
regarder dans cette direction, l’avertit Chris sur un ton
dur et un regard menaçant.
Le visage de l’homme se décompose. Nous prenons
congé de lui sans perdre de temps. Lorsque nous sortons
de l’ascenseur, nos hommes qui étaient postés dans le hall
se mettent en mouvement. Sur notre passage, les femmes
sont en admiration devant la carrure imposante et pleine
de charisme de Chris. Ce dernier n’y accorde aucune
importance. Il fut un temps où les gens le pensaient gay,
dû au fait de son indifférence envers les femmes. Jamais
aucune ne lui a fait de l’effet. Jamais aucune ne l’a
marqué au point de la présenter lui-même au monde
entier. Ses défuntes fiancées, eh bien elles ont essayé et
résultat des courses, elles sont six pieds sous terre.
Aucune femme n’est assez forte pour affronter le monde
de Chris IVANOV.

Un homme accoste Chris avant que nous n’atteignions la


sortie. Je le reconnais comme un autre partenaire
d’affaire. Je reçois aussitôt un message qui me ralentit. Je
reprends ma marche vers Chris quand je sens tout à coup
une main m’agripper la taille et me tirer derrière l’un des
gros piliers de l’hôtel. Je suis plaquée contre le pilier et à
peine je reconnais le parfum de Jeoffrey qu’il écrase ses
lèvres sur les miennes. Je suis partagée entre l’envie de
savourer ce baiser et la peur d’être choppée par mon frère.
— Jeoffrey, que fais-tu là ? je lui demande en le
repoussant.
— Je déjeunais avec un client lorsque je t’ai aperçue. Ça
fait trois jours que tu es en mode silence radio. Qu’ai-je
fait ? Tu me manques. Tu…
— Chut ! Arrête de parler. Mon frère est là et je n’ai
vraiment pas le temps de parler de tout ça.
— Oui, je l’ai également aperçu. C’est une bonne
occasion de faire les présentations. Tu ne crois pas ?

Il essaie d’aller vers Chris mais je le ramène avec force.

— Tu es fou ? Qui crois-tu être pour moi pour rencontrer


mon frère ?
— Bah ton petit ami. N’est-ce pas ce que je suis ?

J’ai bien envie de lui répondre par la négative mais il a


raison. Nous n’avons pas eu besoin de nous dire que notre
relation devenait sérieuse. Les choses ont évolué toutes
seules et nous nous sommes laissés entrainer.

— Si, mais pas au point de se présenter à nos familles.


Bref, je dois y aller.
— Je passe ce soir.
— Non, je…
— Lana arrête de me fuir, tu veux ?
— Ok. A ce soir. Lâche-moi maintenant.

Je fais un pas quand il me ramène en arrière et


m’embrasse une dernière fois avant de me laisser m’en
aller. Heureusement pour moi, Chris est concentré sur sa
conversation. Il ne tarde pas à y mettre fin et nous
pouvons nous en aller. Il me confie une tâche à accomplir
ce soir même.

*Mona
*LYS

J’ai reçu un appel inquiétant de mon frère qui m’a fait


sauter de mon lit. Je reprenais des forces après cette
journée chargée, avant que ne vienne Jeoffrey. Chris ne
m’a rien dit d’autre si ce n’est “Emmène-toi
immédiatement’’. J’ai enfilé un jean et crop-top et
j’arrive maintenant chez lui. Inayah mange du pop-corn
devant le home cinéma.

— Où est-il ?
Elle me pointe le couloir qui mène à son bureau. Je m’y
rends à grands pas. Je cogne deux fois et j’entre. Il est
assis derrière son bureau, la chemise ouverte aux
premiers boutons et les cheveux en pagaille.

— Je suis là !

Il lance à mes pieds une enveloppe. Il est de mauvaise


humeur.

— Jeoffrey DAVIS, dit-il calmement. C’est bien ça ?


— Oui, lui répondé-je sans comprendre.

Il fait tressauter ses mâchoires.

— As-tu fait des recherches sur ton “plan cul’’ avant de


lui donner total accès à ta vie ? me demande-t-il en me
fixant durement.
— Euh, non.

Pour dire vrai, je n’en ai pas vu l’utilité puisque nos


rapports n’étaient que platoniques. Je ramasse
l’enveloppe.
— Saches donc que tu couches avec l’ennemi.
— Pardon ?
— Ce type que tu embrassais ce matin à l’hôtel, il est le
cousin du Lieutenant Marc FLYNN.

Cette révélation me fait l’effet d’une douche froide.

— Comment ça se fait ? J’ai…


— Tu as baissé la garde, Alana. Tu t’es faite avoir comme
une débutante. Je t’ai pourtant enseigné de faire des
recherches sur chaque personne qui entre dans ta vie.
— Je n’en ai pas vu l’utilité.
— (Tapant du poing) Tout est utile. Dans notre milieu,
tout l’est.
— Je suis désolée. Je… je…
— Eprouves-tu des sentiments pour lui ?

Cette question tombe dans mes oreilles comme une


bombe qui explosera si je donne la mauvaise réponse.

— No… non. Non je ne le suis pas.


— Dans ce cas, cherche-toi un autre objet sexuel.
— Que… que vas-tu faire de Jeoffrey ?
— Ce que nous avons l’habitude de faire de nos ennemis.
Je te fais un dessin ?

Un frisson glacial fait vibrer mon corps. Je serre mes


poings. Imaginer Jeoffrey avec une balle dans la tête fait
accélérer mon rythme cardiaque.

— Non attends. Laisse-moi lui parler avant. Peut-être


qu’il ne sait pas qui nous sommes.

Il plonge son regard dans le mien. Il me connait, il sait


lire en moi et je crains qu’il ne lise dans mes yeux ce que
je cache depuis deux ans. Il se lève de toute sa hauteur et
vient devant moi.

— Tu as 24h pour trouver une solution, après quoi, je


m’occuperai de lui.

Il me plante là. Dans quoi me suis-je mise ? Et ce Jeoffrey


qui joue avec moi depuis le début. Une sourde colère
s’empare de moi. Je rentre chez moi avec les
informations recueillies par Chris. Je sors mon arme de
mon armoire, je la charge et je pars attendre Jeoffrey dans
le salon. Ce sac à merde m’a piégée. Il s’est mis dans la
peau d’un mec bien pour m’attirer dans son filet. La
lumière jaillissant de mon allée me prévient qu’il est là.
Je me poste derrière ma porte, l’attendant comme un lion
guettant sa proie. Il ouvre la porte. Je le regarde avancer
sans faire de bruit.

— Alana !!! Je suis là !

Je marche dans son dos sur la pointe des pieds. Il pose un


paquet MacDo sur la table. C’est à cet instant précis que
je lui saute dessus. Je le fais tomber dans le divan et place
l’arme sur sa tête. Pour un homme aussi imposant que lui,
il me fallait le mettre à plat au risque de me faire
surprendre.

— Mais qu’est-ce qui…


— Quelle est ta mission et pour qui bosses-tu ?
— Quoi ? De quoi parles-tu ?
— Je parle du fait que tu m’aies caché ton lien avec Marc
FLYNN.

Il pousse un soupir.
— Pouvons-nous parler calmement, s’il te plaît ?
— Non. Tu me réponds et maintenant.
— Alana…

Je charge mon arme.

— J’ai dit, tu me réponds, maintenant.

Il souffle. Puis, contre toute attente, il se relève, me


faisant basculer sur un côté. Je me maitrise et tente de le
maintenir à sa position. Je découvre une force en lui que
je ne lui savais pas. Je découvre surtout une technique de
combat. On aurait dit qu’il pratique ou a pratiqué. Prise
de surprise, je baisse ma garde. Il en profite pour prendre
le dessus. Je me retrouve à mon tour couchée dans le
fauteuil, lui entre mes jambes, ses mains bloquant les
miennes sur ma poitrine et mon arme jetée sur la
moquette.

— Tu restes tranquille ! m’intime-t-il.


— Tu veux me tuer ? Me faire avouer mes crimes et ceux
de mon frère ? Pour ensuite nous livrer à la police ? Eh
bien tu seras obligé de me tuer au plus vite parce que je
ne céderai à aucune de tes menaces. Jamais tu
n’obtiendras des aveux pour ton imbécile de cousin.

Je me débats sous lui mais c’est comme si je ne faisais


absolument rien. Il est beaucoup trop costaud.

— Si tu me fais du mal, mon frère te traquera et te fera la


peau.
— Arrête de raconter n’importe quoi. Je n’ai jamais eu
l’intention de te faire du mal.
— Ah bon ? Pourquoi m’as-tu donc caché ton lien avec
ce flic si tu n’étais pas en mission ?
— Je n’ai rien à avoir avec lui. Oui, nous sommes cousins
mais je ne trame rien avec lui et jamais je ne l’aiderai à te
faire du mal.
— Pourquoi ?
— C’est simple. Parce que je suis fou amoureux de toi et
que j’avais peur que tu me chasses de ta vie si tu savais
la vérité.

Cette réponse a pour don de me faire perdre toute envie


de le tuer.
— Lâche-moi, dis-je en me dégageant après qu’il ait
desserré son emprise.

Il me laisse me relever. Je continue d’être en colère.

— Tu m’as menti.
— Et je viens de t’en donner la raison. Et si tu veux tout
savoir, effectivement Marc m’a proposé, il y a deux ans,
de l’aider à avoir des preuves contre ton frère et toi. Bien
évidemment, j’ai refusé. Il insiste encore et ma réponse
demeure la même. Je t’aime et je ne pourrai jamais te
faire de mal ni aider une personne à le faire.
— Tu aurais pu tout m’avouer dès le début.
— Si je t’avais dit la vérité, m’aurais-tu laissé entrer dans
ta vie ? Serais-tu tombée amoureuse de moi ?
— Qui t’a dit que j’étais amoureuse de toi ?

Il me regarde et sourit.

— Va-t’en ! Tu m’as menti et je ne peux l’accepter. Reste


loin de moi dorénavant, si tu veux avoir la vie sauve.
— Alana !
— Tu es parenté à mon ennemi. Je préfère t’éloigner
avant que tu ne retournes réellement ta veste.
— Jamais je ne le ferai.
— Désolée, mais je ne te fais pas confiance. Je ne fais
confiance à personne. Continuer notre idylle, c’est
prendre le risque de détruire ma famille, la seule que j’ai.

La déception se lit sur son visage. Je suis également


déçue mais je reste convaincue que c’est l’idéal. C’est
prendre un très gros risque que de continuer à le
fréquenter. Il ramasse ses clés et part. Je range la bouffe
dans le réfrigérateur et je m’enferme dans ma chambre.

***CHRIS IVANOV

Le diner avec Inayah se passe dans un grand silence.


Comme tous les précédents. Je la sais bavarde, mais avec
moi, elle est plutôt réservée. Elle se met dans une certaine
bulle et je n’arrive pas à me l’expliquer. Est-ce parce
qu’elle n’a pas envie de discuter avec moi ? Est-ce sa
technique à elle pour éviter un quelconque
rapprochement entre nous comme nous l’interdit notre
contrat de mariage ? Il nous arrive d’échanger des
civilités mais sans plus. En même temps, ce n’est pas
pour me déplaire. Je n’ai jamais eu le temps pour les
bavardages inutiles et blagues sans importance. Elle,
apparemment, elle adore.

Son visage se referme tout à coup en regardant derrière


moi. Je devine tout de suite l’arrivée de Shana.

— Salut la compagnie !!! salue joyeusement celle-ci.

Ni Inayah, ni moi ne répondons. Shana se penche vers


moi et tente de m’embrasser. Je l’arrête
automatiquement.

— Que fais-tu ici ? je lui demande sèchement.


— J’avais envie de passer du temps avec toi.
— C’est la dernière fois que je te le dirai. Tu ne mets
jamais les pieds ici quand ce n’est pas moi qui l’ai
demandé.
— J’ai envie de toi.
— Tu dégages maintenant et tu attends mon appel.

Elle se redresse en regardant Inayah qui a gardé sa tête


dans son plat.
— Ok. Comme tu veux. Mais avant de m’en aller, laisse-
moi t’informer que mes hommes ont aidé les tiens à
maitriser le petit copain d’Alana. Il était beaucoup trop
costaud.

Inayah relève la tête.

— Tu as fait enlever Jeoffrey ? me demande-t-elle toute


inquiète.
— En quoi ça te regarde ? l’agresse Shana.
— Je m’adressais à mon mari. Merci de la boucler.

Shana la fusille du regard. Inayah me regarde.

— Comment es-tu informée de l’opération ? je demande


à Shana sans me préoccuper du regard interrogateur
d’Inayah.
— Ça s’est passé devant mon bar. Il y était avec des amis
à lui.

Mon portable posé sur la table se met à vibrer. Je


décroche et le place à mon oreille.
— « Boss. Nous l’avons. »
— J’arrive.

Je récupère ma veste accrochée sur ma chaise et l’enfile.


Je mets par-dessus mon manteau. Je tourne dos à Inayah
mais je reviens sur mes pas.

— Depuis quand connais-tu ce type ?


— Je connais tous les objets sexuels de la famille
IVANOV.

La réponse était plus destinée à Shana qu’à moi. Je tourne


les talons et cette fois je pars. Shana me suit de très près.

— Chris ! m’appelle-t-elle quand j’ouvre la portière de


ma voiture.
— J’ai dit tu rentres chez toi et…

Je me rapproche d’elle.

— Tu fais gaffe à ta manière de t’adresser à Inayah. Que


ce soit du vent ou pas, madame IVANOV, c’est elle et à
cause de ce titre, tu la respectes. Me suis-je fait bien
comprendre ?

Elle fait la moue.

— Me suis-je fait BIEN COMMPRENDRE ? je réitère


ma question en lui empoignant le bras.
— Oui ! Aïe, tu me fais mal.

Je remonte dans ma voiture et démarre. Je dois me rendre


à mon entrepôt avant de me rendre à un rendez-vous
d’affaire. J’ai des comptes à régler avec ce DAVIS. J’ai
donné 24h à Alana pour me régler cette histoire mais elle
ne m’a rien trouvé de convainquant comme solution. J’ai
tout de suite compris qu’il est un élément gênant au point
de distraire Alana. Jamais elle n’avait été autant à la
ramasse. Jamais elle n’avait perdu le contrôle de quoi que
ce soit. Je l’ai formée comme il se devait. Elle est moi en
version féminine. Si je veux lui faire reprendre ses
esprits, il me faut éliminer ce gars. Je ne peux pas me
permettre de laisser mon bras droit se faire manipuler par
un homme, qui plus est, lié à notre ennemi. Cela fait donc
de lui, notre ennemi.
J’enfile mes gants en cuir noir en marchant vers la petite
porte dans l’entrepôt qui débouche sur la pièce sécrète
destinée à mes règlements de compte. Je sors mon arme
de mon dos une fois devant ma prochaine victime. Il est
attaché à une chaise. Ses lèvres et le côté gauche de son
visage saignent.

— Vous savez qui je suis ? je lui demande en le fixant.


— Chris IVANOV, frère d’Alana IVANOV, me répond-
t-il, avec une certaine énergie qui me surprend vu la
baston qu’il a subie.
— Vous n’auriez jamais dû vous approcher d’elle.
— Il m’était aussi impossible de rester loin d’elle avec
l’emprise qu’elle a sur moi. J’aime votre sœur. Aussi
surprenant soit-il.

Je souris devant tant d’assurance. C’est bien une


première pour moi de voir un homme à quelques
secondes de sa mort être autant rempli d’assurance.

— Votre discours sur l’amour que vous prétendez


ressentir pour elle ne m’atteint pas. Je ne suis pas dupe.
Marc FLYNN vous a certainement envoyé en espion
dans la vie de ma petite sœur.
— Oui, il m’en a fait la proposition. Proposition que je
lui ai jeté à la figure avec un grand non. Je ne sais rien de
vous que ce qui se raconte déjà. Et pour être sincère, je
ne veux rien savoir.
— Je vais vous tuer malgré votre beau discours.
— Et je vous demande de ne pas le faire. Laissez-moi
vous prouver que mes intentions envers votre sœur sont
nobles. Je suis fou d’elle, vous comprenez ?
— L’amour n’existe pas pour nous. Vous devriez le
savoir.

Je charge en un coup sec mon arme et la lève vers sa tête.


Il ferme les yeux. Le doigt sur la gâchette, je me prépare
à appuyer quand mon portable se met à sonner dans ma
veste. C’est Alana. Je le devine grâce à la sonnerie.

— Oui ? je réponds au téléphone sans quitter l’autre


connard des yeux.
— « Ne lui fais rien, je t’en supplie. Laisse-moi gérer ça
à ma manière. »
— Je t’avais déjà laissé 24h.
— « Oui, j’en suis consciente. Je peux gérer. Il ne sera
pas un problème pour nous. Je t’expliquerai mon idée
quand on se verra. Mais laisse-le vivre. Fais-moi
confiance, s’il te plaît. Jamais je ne t’ai déçu. Jamais je
ne t’ai demandé chose pareille. »

Et c’est ce qui m’inquiète. Je baisse mon arme et me


retourne. Ça me fout en rogne qu’elle m’empêche de tuer
cet homme qui représente visiblement un danger pour
nous.

— Si jamais cet homme fout le bordel dans mes affaires,


je vous tue tous les deux. je la menace, en russe. Mon
business, c’est toute ma vie. Je ne laisserai jamais qui que
ce soit le détruire, même pas toi. Est-ce que c’est clair ?
— Ochen’ yasno (Très clair), répond-t-elle en russe
également.

Je raccroche, souffle un coup et me retourne.

— Razvyazhite eto (Détachez-le), j’ordonne à mes


hommes.

Ils s’exécutent. L’homme en est surpris.

— Tu n’aurais jamais dû commettre l’erreur de tomber


amoureux de ma sœur. Ta vie, je la tiens dorénavant entre
mes mains. Un petit écart de ta part et je t’écrase comme
une vermine. Dans le sens propre du terme.

Je range mon arme et sors.


3

***INAYAH

J’écoute et je regarde Shelby raconter ses déboires avec


son mec. Depuis hier, elle n'est pas dans son assiette car
Nick a encore mis une distance entre eux. Elle a donc
tenu à venir déjeuner ce midi avec moi à mon bureau.
Depuis son arrivée, elle ne fait que parler de ce type qui
ne fait que jouer avec elle. C’est clair qu’il n'en a rien à
foutre de cette relation et qu’il joue avec les sentiments
de ma copine. J’essaie de le lui faire comprendre mais
elle demeure aveugle. Disons, aveuglée par ses
sentiments.

Shelby est d'une sensibilité déconcertante. Il en faut peu


pour la toucher en plein cœur. C’est ce qui fait d’elle
aussi une personne géniale car elle est toujours prompte
à venir en aide aux gens, même à ceux qui ne le méritent.

Je continue de déguster mes frites pendant qu'elle


continue de parler. Sincèrement, ça fait plus d'une
trentaine de minutes que mon esprit a voyagé vers
d'autres cieux.

— M’écoutes-tu ?
— Sincèrement ? Non !
— Mais je te raconte mes soucis et toi tu t’en fiches.
— Parce que je t’avais déjà prévenue depuis le début. Ce
type se fout de ta gueule. Il n’en a rien à foutre de toi, tu
comprends ?
— Mais tu es ma…

Elle est interrompue par la sonnerie de son portable. Je


vois le petit nom d’amour que Shelby a attribué à Nick
s’afficher sur l’écran. Elle se met à l’écart pour discuter.
Par l’expression de son visage et sa gestuelle, je devine
aisément qu’ils sont encore en train de se disputer. Elle
revient, toute désemparée.

— Il a rompu, lâche-t-elle dans un souffle et avec


tristesse.
— L’enfoiré ! je lance en tapant ma table. Je voyais bien
dans son jeu. Il t’a utilisée, t’a soutiré de l’argent et
maintenant il rompt comme ça, sans aucune raison
valable j’en suis certaine. Il voulait juste t’utiliser, sinon
qu’il ne t’a jamais aimée. C’est un enfoiré de première.
Un fils de…
— ÇA SUFFIT INAYAH, gueule-t-elle subitement. J’en
ai marre de tout le temps t’entendre dire des méchancetés
sur Nick.
— Oh ! Et tu oses encore le défendre après ce qu’il vient
de te faire ?
— Que m’a-t-il fait ? Tu ne le connais pas. Moi si, et je
peux t’assurer qu’il y a quelque chose qui le tracasse et
qui l’oblige à rompre. Nick est quelqu’un de bien.
— Lol. La bonne blague, dis-je en sirotant mon jus.
— Ce n’est pas parce que tu es mariée à un mafieux,
criminel et assassin que ça met tous les hommes dans le
même sac que lui.
— Woh ! Doucement là !
— Non. J’en ai par-dessus la tête de ton attitude,
continue-t-elle toute énervée en se levant. S’il y a bien
quelqu’un ici qui se fait utiliser vulgairement par un
homme, c’est bien toi. Tu es dans un mariage blanc et tu
es amoureuse d’un homme qui n’a pas un minimum de
respect pour toi. Il couche avec sa pute sous ton nez. Tu
les entends gémir chaque soir et tu n’as pas assez de cran
pour les remettre tous les deux à leurs places. Et c’est à
moi, MOI, que tu veux faire la leçon ? Nick est et sera
toujours mieux que Chris. C’est ce qui te fait mal en fait.
Que moi j’aie trouvé un homme qui m’aime réellement
et que toi tu sers juste de toutou au tien.
— Je ne te permets pas ! dis-je en me levant moi aussi.
— Dans ce cas, ferme-la sur ma vie. Je ne t’ai pas
demandé de conseils donc garde-les pour toi.
— Tu ferais mieux de t’en aller avant que je ne te dise
des choses qui dépasseront ma pensée.
— C’est mieux ainsi.

Elle ramasse son sac et part en claquant la porte de mon


bureau. Je lance un tchip en me rasseyant. Je déteste la
voir se faire manipuler par ce type mais elle est bornée
comme fille. Elle ne voit pas le double jeu de son soi-
disant mec. Je déteste encore plus notre dispute. Je
déteste quand nous sommes en froid. Nous ne nous
disputons presque jamais. C’est bien la première fois que
nous en arrivons à nous gueuler dessus. Ce qu’elle m’a
dit, elle me l’avait déjà dit il y a bien longtemps. Elle n’a
fait que les redire avec des mots crus et en colère cette
fois. Ce qui m’a blessée, c'est qu’elle a raison.

Je balaie du revers de la main ce qui vient de se passer et


je me concentre sur mon travail. Mon assistante vient me
prévenir de l’arrivée de notre nouveau stock. Je me suis
lancée dans l’esthétique. Tout ce qui concerne la beauté
de la femme, je m'en occupe. Soin du corps, du visage,
onglerie, spa, épilation du maillot et salon de beauté. Ici
aux États-Unis, les femmes noires surtout, sont très fans
des perruques faites à base de mèches humaines. J'ai une
équipe qui se charge de la confection sous mes
instructions. J’en fait des ondulées, des frisées, des lisses,
et en toutes tailles. Généralement, selon les préférences
des clientes. Certaines m'en demandent qui leur arrivent
jusqu’aux genoux. Elles sont chelou, ces Américaines.
Des clientes fidèles, j'en ai des tonnes et de nouveaux
visages se présentent chaque jour à ma boutique. Je
compte aussi des célébrités parmi mes clientes. Des
actrices, des présentatrices télé, des chanteuses et des
businesswomen. Dans cette catégorie, je crois savoir que
c'est le nom IVANOV qui en a attiré plus de la moitié. Ce
nom m'a ouvert et continue de m'ouvrir plusieurs portes.
Je profite de ce fait pour me positionner dans la société
jusqu’au moment où cette mascarade de mariage prendra
fin.

Alors, j’ai préféré me lancer dans ce domaine d’activité


dans un premier temps parce que je n’ai aucun diplôme.
Chris m'a proposé de suivre des cours afin d'avoir un
niveau d’études et des diplômes mais à quoi bon ? Je n'en
vois pas trop l'utilité. J’ai alors proposé de suivre des
cours mais uniquement pour me perfectionner dans la
lecture et l’écriture et aussi qu’on me donne des cours de
gestion et d’économie qui me seront bénéfiques dans le
monde des affaires. Je n’ai toujours pas de diplôme mais
je suis devenue une femme d'affaires hors pair. Je me
sens accomplie ainsi.

Je termine la journée à répertorier le nouveau stock des


perruques, faux cils et autres. Je fais les paquets avec mes
employés pour les livrer à ceux qui ont passé des
commandes. Nous faisons le point de la journée et nous
fermons. J'arrive à la maison à temps pour préparer le
dîner.

Durant le dîner, je ne fais que surveiller mon portable,


guettant l'appel ou un message de Shelby. La connaissant,
je sais qu'elle est toujours en colère. Shelby, c’est la
meilleure amie que je n’ai jamais eue et que je n'aurai
jamais. Je dirais qu’elle est comme ma sœur. Alana je
l'adore mais beaucoup de choses encore nous séparent.
Disons donc que Alana c’est ma meilleure amie et Shelby
ma sœur d’une autre famille. Et là, elle me manque.

— Je te sens contrariée. Quelque chose ne va pas ?

La question de Chris me surprend. Il ne se préoccupe


jamais de ce que je peux ressentir. Il ne s'occupe d'ailleurs
jamais des choses qui me regardent, sauf en cas de force
majeure. Moi non plus je ne m’occupe de ses affaires que
lorsqu’il me le demande. Nos rapports sont très
platoniques. A peine si nous avons de vraies discussions,
disons des conversations comme de simples amis. Il n'y
a rien entre lui et moi. Rien qui puisse nous rapprocher.

— Nous ne sommes pas très proches mais nous ne


sommes pas non plus ennemis. Tu peux me parler.
— Il ne se passe rien. Enfin, je me suis prise la tête avec
Shelby.
— Ton amie ?
— Oui.
— A propos ? demande-t-il toujours en découpant son
steak.
— Son mec. Il a rompu avec elle aujourd’hui. Mais ce
n’est pas ça le souci. Au fait…

Je tchip.

— Il est bizarre. JE le trouve chelou.


— Explique ! dit-il en apportant son verre de vin à la
bouche.
— Il s’éloigne toujours pour répondre à son téléphone. Il
est tout le temps en train de se disputer avec Dieu sait qui.

Je parle sans frein. C’est la première fois que nous avons


une discussion de la sorte, alors j'en profite.

— As-tu fait des recherches sur lui ?

Cette question me fait prendre conscience que non, je n'y


avais pas pensé. Chris récupère son portable près de son
assiette.

— Comment s’appelle-t-il ?
— Je ne sais pas si c’est une bonne idée. Shelby
n’apprécierait pas que je fasse des recherches sur son
mec.

Il me regarde.

— Nick WILSON, je lui réponds doucement.

Il passe un coup de fil, parle en russe, termine avec le


nom de Nick et raccroche.
— Tu sauras demain si tu t'es trompée sur son compte ou
pas.
— Merci !
— Toutes les fois qu’une personne devient proche de toi,
tu dois faire des recherches sur elle. Ça t’évitera
beaucoup de mauvaises surprises.
— C’est compris.

Si je suis toujours amie avec Shelby c’est bien parce que


Chris a fait des recherches sur elle qui ont montré qu'elle
était clean à tous les niveaux. Nous terminons le diner et
il part s'enfermer dans son bureau. Moi je reste devant la
télé jusqu’à ce que le sommeil m’emporte.

Je me réveille dans mon lit alors qu’hier je me suis


endormie dans le canapé. C’est la seule chose à laquelle
sert mon garde du corps. Me transporter presque chaque
soir du canapé à ma chambre. En dehors de ça, il ne fait
que me suivre, uniquement quand je le lui demande. Je
déteste me sentir surveillée, même si selon Chris, c’est
me protéger. Il m’a acheté une arme en ajoutant que c’est
soit le garde du corps, soit l’arme, mais lui il m’imposait
les deux à la fois. Bon, j’essaie de jongler avec tout.
J’entame ma journée avec peps. J’ai une tonne de colis à
préparer pour les faire livrer et d’autres pour des
expéditions. J’en confie certains à mes employés et
m’occupe des autres. A l’heure du déjeuner, je décide de
me rendre dans un restaurant. Je gare ma voiture devant
et il me vient à l’esprit d’appeler Shelby. Cette petite
blanche est très capricieuse. Je tape un message mais me
ravise à la dernière minute. Je vais lui laisser encore une
journée et demain j’irai la voir. Je vérifie dans mon sac à
main si j’ai encore de la liquidité sur moi quand je
remarque soudainement une silhouette qui m’est très
connue. C’est Nick. Il sort d’un hôtel non loin du
restaurant avec une blonde accrochée à son bras et il entre
dans le restaurant.

— Oh, l’enfoiré !

Je prends à nouveau mon portable dans l’intention


d’appeler Shelby et lui raconter ce que je viens de voir,
mais je m’arrête juste avant de lancer l’appel. Elle risque
de ne pas me croire et ça va empirer les choses entre nous.
Je vais régler ça moi-même. Je sors de ma voiture. Je les
remarque tout de suite quand je franchis la porte du
restaurant. Nick est de dos. Seule la fille me voit
approcher mais n’y accorde aucune importance étant
donné qu’elle ne me connait pas. Je tape sur la table et y
reste appuyée.

— C’est donc pour cette fille que tu as largué Shelby ?


— Inayah ?
— Oui, Inayah ! Alors ? C’est pour elle que tu as fait du
mal à mon amie ? Non mais quel bel enfoiré tu fais. Tu
ne…

— Non mais c’est qui celle-là ?

Je me retourne très lentement vers la fille qui me regarde


avec dédain.

— Toi, tu te lèves et tu dégages d'ici, j’ordonne, pince-


sans-rire.
— Pour qui vous prenez-vous pour vouloir me donner
des ordres ?

Je prends la fourchette sur ta table et la place devant elle.

— Si dans deux secondes tu ne lèves pas ton joli petit cul,


je t'enfonce cette fourchette dans les yeux.
Mon regard se fait plus dur et plus sérieux. Elle regarde
Nick, me regarde, tchip, ramasse sa bandoulière et sort.
Je m'assieds à sa place.

— Inayah !
— Dis-moi ce que cette fille a que Shelby n'a pas pour
que tu la largues de la sorte et la remplaces aussi vite ?
Elle est meilleure au lit ? Ah oui, je vois maintenant. Tu
en as marre de l’abstinence qu'elle t'impose ? Donc en
fait, ton intention c’était juste de la sauter et t'en aller ?
Et comme ça tarde sans qu’elle ne cède, tu fous le camp ?
— J'aime ton amie, déclare-t-il dans un soupir.
— Balivernes ! Dis plutôt que tu avais pour but de
l'escroquer. Lui as-tu d’ailleurs remboursé l’argent
qu’elle t'avait prêté ?
— Non, dit-il honteusement. J'avais l’intention de le faire
mais les choses ne se sont passées comme je l’espérais.
— Ou plutôt que tu as dilapidé cet argent sur des filles de
joie. Comme celle-là par exemple.
— C’est la mère de ma fille.

Je fronce les sourcils.


— Pardon ? Tu as une fille ?
— Oui.

Un serveur s’approche.

— Nous vous servons quelque…


— Repassez dans trente minutes, dis-je rapidement pour
le faire dégager.

Il ravale le reste de sa phrase et tourne les talons.

— Shelby le sait ?
— Non. Je voulais d’abord être sûr de notre relation avant
de lui en parler.

Son portable sonne. Il regarde, devient tout triste et coupe


l'appel. J’ai l’impression qu'il doit avoir un problème.

— C’est donc pour te remettre avec la mère de ta fille que


tu as rompu ?
— Aucunement. Même pour tout l'or du monde je ne
retournerai avec cette fille. Elle est la source de tous mes
problèmes.
— Bon ok, tu me racontes toute l’histoire maintenant en
m’indiquant la raison de ta rupture, lui dis-je en faisant
signe au serveur.
— Je ne pense pas que…
— Tu as brisé le cœur de mon amie. Tu me dois une
explication. (Au serveur) apportez-nous deux Martini.

Le serveur retourne chercher notre commande. Nick


hésite un moment avant d’ouvrir enfin la bouche.

— Sarah, la mère de ma fille a toujours traîné dans des


choses louches. Ses amis étaient tous des gens peu
recommandables. Au début, j’ai cru qu'elle
abandonnerait ces mauvaises fréquentations mais je me
suis vite rendu compte qu'elle s'y plaisait. Je lui donnais
toutes sortes de conseils qu'elle faisait mine d'écouter
mais elle le faisait juste pour que je la boucle. J’ai cru un
moment à son semblant de changement. Nous avons
aménagé ensemble puis un an après notre fille est venue
au monde. J'avais un boulot stable mais à force d'associer
mon image à celle de Sarah qui enchainait les bêtises, j’ai
fini par me faire renvoyer. Je n'arrivais d'ailleurs plus à
me concentrer sur le boulot. Je passais mes jours à
craindre pour notre fille.
Il marque une pause quand le serveur dispose nos
boissons. Il le remercie. Il boit une grande gorgée avant
de poursuivre.

— Puis un jour, des hommes armés se sont introduits


chez nous. Ils ont affirmé qu'ils étaient venus récupérer
le sac d'argent que Sarah avait volé à leur boss. Son amie
et elle se sont en effet introduites dans la chambre d’un
dealer lors d'une soirée et elles ont emporté un sac
contenant une forte somme d'argent. Bien évidemment,
c’est l'autre qui avait le sac et elle a mis les voiles avec
sans donner la part de Sarah comme elles avaient
convenu. Finalement, tout lui est resté sur la tête. Nous
étions à un cheveu de la mort. Il m'a fallu plaider et
demander un délai pour rembourser le total qui s’élevait
à plus de deux millions de dollars. Le boss a proposé à
son tour que nous travaillions pour lui, ainsi il aura les
yeux sur nous. C’est ainsi que depuis deux ans je bosse
malgré moi pour ce chef de gang. Sarah a fini par
disparaître en me laissant seul dans cette merde. Ce n’est
que la semaine passée qu'elle est réapparue après avoir
reçu une visite peu courtoise. Moi de même.

Il retire ses lunettes de soleil et je vois son œil enflé.

— Il est où le lien avec Shelby ?


— Ils m'ont menacé de s'en prendre à elle si je ne
remboursais pas l'argent avec des intérêts de 20%. J’ai
rompu pour la protéger. Ils ont aussi menacé ma fille.
— Et où est-elle ?
— Entre les mains des services sociaux. Elle sera mise
sous peu dans une famille d’accueil. Je ne le veux pas
mais en même temps je n’ai aucune solution à toutes ces
merdes. Je suis condamné à mourir, parce que oui, c’est
ce qui arrivera.

Je le regarde et malgré moi je lis la sincérité sur son


visage.

— Tu sais, j'aime ton amie à la folie. Elle m'a fait


reprendre goût à la vie parce que j’étais plus bas que terre.
Je n'attendais que le jour de ma mort. Ça fait deux ans
que je n’ai plus vu ma fille. J’aurais voulu fonder une
famille avec elle. C’est la femme parfaite. Je me devais
de l’éloigner de toute cette histoire.

Mon esprit se met à cogiter. Shelby aura de la peine en


apprenant cette histoire. Je n’aimais pas la tête de Nick,
mais maintenant j’ai de la peine pour lui. L'appel de Chris
me sort de ma rêverie.
— Allô ?
— « J’ai les résultats des recherches sur le copain de ton
amie. Peux-tu passer à mon bureau ? »
— J'arrive.

Je raccroche et tend mon portable à Nick.

— Inscris ton numéro.

Il ne comprend pas mon geste mais obéit quand même.


Je laisse un billet sur la table et je pars de là. J'arrive à
l’entreprise de Chris une trentaine de minutes plus tard.
Son entreprise est gigantesque. Elle occupe tout un
building. Il y fait un peu de tout mais l’activité principale
se situe dans le pétrole. Son entreprise extrait le pétrole
du sol et le revend. Tout est fait de façon légale. Cette
entreprise est dans toute la légalité qui puisse exister.

Les employés dégagent le chemin et baissent les yeux à


mon passage. Je marche droit vers l’ascenseur en étant
escortée par deux hommes. L’assistante se lève à mon
arrivée.

— Soyez la bienvenue, Madame.


— Merci !

Le garde posté devant le bureau m'ouvre la porte. Je


rejoins Chris dans le petit salon. Il pointe du menton un
document posé sur la table devant moi.

— Tu avais raison et tort à la fois, commente-t-il. Il vend


de la drogue mais il y est obligé.
— Oui je le sais. Je discutais avec lui, quand tu as appelé.

Je lis dans le document exactement tout ce que Nick m'a


raconté. Je vois également le nom du dealer en question.

— Tu connais le type à qui il doit de l'argent ? je demande


à Nick en refermant le document.
— Oui. Tu veux que j'intervienne ?
— Non. Je vais le faire moi-même.

Il fronce les sourcils.

— J’ai été assez formée ces deux dernières années pour


pouvoir affronter un petit dealer de rue.
— En es-tu certaine ?
— Oui. Je veux aller en personne sur le terrain. Après,
oui, une petite intervention de ta part faciliterait les
choses.
— C’est comme tu veux. Tu iras avec cinq hommes.
— Ok.

*Mona
*LYS

Les cliquetis de mes talons aiguilles percent le silence de


la nuit. Je marche en direction de la boîte de nuit de ce
dealer. Je tiens en main, une mallette contenant la totalité
de ce que Nick et son ex lui doivent. Je suis suivie de près
par mes hommes ou plutôt ceux de Chris. Le baraqué
posté devant la boîte de nuit nous fait signe de nous
arrêter.

— Je suis là pour ton boss. C’est pour parler affaire.


— Vous avez pris rendez-vous ? me demande-t-il.
— Non. Mais dites-lui que je tiens dans cette mallette
trois millions de dollars, dis-je en soulevant l'objet.

Il passe un coup de fil, patiente un moment puis


raccroche.
— Suivez-moi !

Nous faisons comme il a dit. Il nous conduit à un bureau


complètement isolé du reste de la boîte qui bonde de
monde. Il donne trois coups à la porte et l’ouvre. Je
demande à mes hommes de rester devant. Un jeune
homme noir est assis derrière le bureau et nous regarde
entrer. Il a la vraie allure d'un gangster avec ses boucles
aux oreilles et un énorme tatouage sur la moitié de son
visage. Il me détaille du regard avec désir. Je prends la
peine de m’asseoir sans attendre d’autorisation.

— Paraît-il que vous avez quelque chose pour moi.

Je pose la mallette devant lui. Il l'ouvre. Ses yeux


s’illuminent tout d’un coup.

— Alors, c’est pour quelle affaire ?


— Que tu foutes la paix à Nick et son entourage. Il y a là
la totalité de ce qu’il te doit. Dette plus intérêt.

Son visage se referme. Il me regarde méchamment cette


fois.
— Vous croyez pouvoir venir ici et régler le cas de ce fils
de pute aussi facilement ?
— C’est votre argent que vous vouliez ?
— Les choses ne se passent pas ainsi. C’est moi qui
décide de…
— Prenez ce foutu argent et libérez sa vie.
— Vous êtes sa nouvelle pute ? Il vous encule tellement
bien au lit que vous voulez payer ses dettes ? Sauf que
c’est moi qui décide de comment il sera libre.

Je souris.

— Ok. Je vais donc récupérer mon argent et m’en aller.

Je touche la mallette qu’il referme avec force, manquant


de la fermer sur mes doigts.

— Je les garde. Les intérêts ont grimpé. Il lui reste encore


deux millions à me verser pour obtenir sa liberté.

Je souris de nouveau. Je me lève tout doucement, tire


légèrement sur ma courte robe qui s’arrête à mi-cuisse et
j’avance lentement vers lui, de l’autre côté de son bureau.
Je m’assieds sur le bord de la table. Son regard descend
sur ma longue jambe délicatement épilée. Je pose mon
index sous son menton et relève sa tête.

— Ça se passe sur mon visage, lui dis-je en gardant mon


sourire.
— Finalement je crois qu'on peut procéder à un
arrangement. On oublie les deux millions restants si…

Il lève la main.

— … Tu deviens ma pute à moi.

Il frôle à peine ma cuisse que je la saisis par surprise, la


pose sur la table et avec sa propre paire de ciseaux, je lui
transperce la main. Il hurle sa douleur.

— Je vais te tuer, sale pute.

Il essaie de prendre son arme posée sur la table avec son


autre main mais je suis plus rapide. Je la lui arrache et la
place dans son cou. Mes hommes déboulent dans la pièce
et dégainent leurs armes.
— Madame, vous allez bien ? me demande l’un.
— Oui ça va. Je gère, leur dis-je sans quitter le mec des
yeux.

Ils ressortent.

— C’est maintenant à mon tour de poser mes exigences.

Son portable sonne. Je jette un coup d’œil. C’est un


numéro masqué mais je sais qui c’est.

— Réponds, j'ordonne en gardant l'arme dans son cou et


la paire de ciseaux plantée dans sa main.

Il obéit avec hésitation.

— A…Allô ?

Il me regarde et met sur le haut-parleur après avoir posé


le portable.
— « Tu vas obéir à ma femme si tu ne veux pas le payer
de ta vie. »
— Oh putain ! Dark ?
— « Si tu lui tiens tête, tu me verras à la seconde et tu
perdras ta tête l’autre seconde qui suivra. Est-ce
clair ? »
— Ou… oui. Très clair.
— « T’a-t-il manqué de respect ? » me demande-t-il.

L’homme me supplie du regard et semble très apeuré. Je


manque d’éclater de rire. Je le fixe avant de sourire.

— Non !

Il soupire de soulagement. Chris raccroche. Je me lève


avec l’arme à la main et récupère la mallette.

— Mais, c’est mon argent, revendique le type.


— Plus maintenant. J’ai menti à mon époux pour te
sauver la vie, ça mérite une récompense, tu ne crois pas ?
Et une dernière chose. Tu ne t'approches plus jamais de
Nick et de toutes les personnes qui lui sont proches. Tu
l'oublies.
Il fulmine. Je lui sers un dernier sourire avant de sortir de
son bureau. Mes loubards me suivent. Une fois dehors, je
remarque tout de suite, un peu à distance derrière ma
voiture, celle de Chris. Je ne savais pas qu'il serait là. Je
souris et monte dans ma voiture.

— Alors ? s’inquiète Nick à qui j'avais demandé de rester


dans la voiture.
— Tu n'as plus rien à craindre de lui.
— Vraiment ? Mais tu es revenue avec la mallette.
— Oh, faut croire qu'il n'en avait pas si besoin que ça, de
cet argent.

J’ouvre la mallette et en sort quelques liasses de billets.

— Ça, c’est pour le remboursement de la dette de Shelby,


lui dis-je en posant une liasse dans sa main. Et ça, c’est
pour te trouver un autre appartement dans un quartier plus
sécurisé et plus chic. Ma copine mérite le meilleur. Tu
m'enverras aussi ton CV par mail ou WhatsApp sur le
numéro avec lequel je t'ai contacté. Je verrai ce que je
peux faire pour te trouver un bon boulot. Tu mérites plus
avec ces diplômes que tu traînes.
— Merci, Inayah ! Sincèrement.
— Tu me remercieras en rendant ma copine heureuse. Et
n’hésite surtout pas à me mettre au courant si tu te sens
menacé par qui que ce soit.
— C’est noté.
— Et une dernière chose. Tu ne diras rien de tout ça à
Shelby. Tu lui raconteras toute ton histoire et lui diras
tout ce que tu veux sauf que je t'ai aidé à te sortir de ce
merdier. Je ne veux pas qu'elle se sente redevable envers
moi.
— Comme tu veux. Encore merci.

Je jette un coup d’œil dans mon rétroviseur et je ne vois


plus la voiture de Chris. Je démarre et dépose Nick à un
carrefour avant de m'en aller.

***JEOFFREY DAVIS

Je dois paraître fou à encore plus désirer Alana après


avoir frôlé la mort des mains de son cinglé de frère. Un
homme normal aurait pris ses jambes à son cou. Sauf que
moi, je ne suis plus très sensé depuis que je suis tombé
amoureux d’Alana. Qu’est-ce qui me retient près d'elle ?
Qu’est-ce qui m’empêche de m’éloigner d'elle ?
Pourquoi suis-je toujours autant amoureux d'elle malgré
tout ? Eh bien, je ne sais pas. Je ne sais ce qui m'attire
autant à elle. Tout ce que je sais, c’est que je la veux. Je
suis conscient de sa vie cachée, quoi que je n’aie pas
toutes les preuves. Pour le moment. J’ai mené mes
investigations sur la Famille IVANOV et je n’ai
absolument rien trouvé. C’est justement ce qui m'a
confirmé qu'ils font tous partie de l'ombre. On trouve
toujours quelque chose sur les gens. Mais eux, rien de
rien, en dehors de leurs actes de naissance. Je ne lui ai
jamais rien demandé et je ne veux rien savoir. Ce qui
m'importe c’est sa personne. Je l'aime cette fille. De
façon déraisonnable, oui. Je l’aime tellement au point de
vouloir la présenter à ma famille nonobstant tout ce que
je sais, entendu et vu la concernant. Malgré ses airs de
dangereuse, j’arrive à voir en elle une belle personne. Je
l'ai su dès notre première rencontre.

Nous étions dans un bar. Moi pour célébrer avec un pote


sa promotion et elle pour décompresser, selon ce qu'elle
m'a dit quand nous avons commencé à nous fréquenter.
Puis, un homme dans le bar s'est mis à bousculer l'une
des serveuses qui refusait de se laisser peloter par lui.
Tout ça sous le regard du patron des lieux. Alana est
intervenue. Elle a pété le nez au type et quand le patron a
voulu intervenir, elle en a fait de même avec lui. La
sécurité a voulu s'en prendre à elle, c’est là que je suis
intervenu et j'en ai pété la gueule à un. L'autre s'est
aussitôt calmé. Lorsque tout s'est calmé, je m'attendais à
des remerciements, comme le ferait toute personne
normale. Mais en lieu et place elle m'a donné un coup au
visage en ajoutant : « Vous m'avez ôté le plaisir de casser
la gueule aux gens. Ça vous apprendra à ne plus vous
mêler de ce qui ne vous regarde pas. Enfoiré de
première. » J'ai été tellement estomaqué que je n’ai su
quoi répondre. J’ai fini par sourire en la regardant s'en
aller. J’ai su que je devenais fou ce jour-là. Je suis sorti
derrière elle et je l'ai vu tendre de l'argent à la jeune fille
qui s'était faite renvoyer. C’est à cet instant précis que j’ai
su qu'elle avait un cœur. Une personne sans cœur aurait
été insensible à tout ça. Elle était partie avant que je ne
puisse lui dire quoi que ce soit. Je suis retourné dans le
bar demander des renseignements sur elle. On m'a fait
comprendre qu'elle était une habituée. J’ai donné mon
numéro et deux billets au barman pour qu’il m'appelle
quand elle reviendrait. Ça a été fait deux jours plus tard.
Je suis venu la rejoindre, j’ai forcé la conversation sans
rien obtenir. Il m'a fallu près d'un mois pour réussir à me
faire accepter d'elle comme plan cul. Je ne voulais pas de
ce rôle à la base. Je n’ai jamais aimé ce genre d’histoire
de cul. La situation se présentait telle que c’était le seul
moyen pour moi d’être proche d'elle. Je voulais bien plus
et ce plus, je suis en train de l'atteindre lentement mais
sûrement.
Ma mère termine de disposer le déjeuner sur la table à
manger de la terrasse. Il me fallait venir la voir pour lui
faire une annonce de vive voix. Je garde mes lunettes de
soleil pour ne pas lui faire voir le bleu que j’ai à l’œil. Les
hommes de Chris IVANOV ne m'ont pas raté. Mes bleus
disparaissent lentement.

— Alors, qu’avais-tu de si important à me dire ? me


questionne-t-elle une fois installée en face de moi.
— Ils sont où, les autres ?
— Je ne sais jamais rien de ta vie, comment veux-tu que
j'en sache de la leur ? Bref, de quoi voulais-tu me parler ?
— J’ai rencontré quelqu’un et je voudrais te la présenter.

Elle pose ses couverts et son visage s’illumine.

— De quelle famille royale vient-elle ? Ou de quel


Président est-elle la fille ?

Et voilà que ça recommence. Cette femme est obsédée


par son envie de faire partie d’une grande famille. Son
plus grand rêve c’est que l’un de nous, ses enfants, fasse
d'elle la belle-mère d’une grosse personnalité. Elle veut
briller sous le feu des projecteurs. Elle veut voir ses
photos tous les jours dans les magazines, se faire suivre
par des paparazzis, avoir des faveurs un peu partout. En
gros, elle veut une vie de grande dame. Pour la petite
histoire, mon père venait d’une famille royale. Il était un
Prince, donc destiné à prendre le trône après la mort de
son père. Puis il a rencontré ma mère. Leur relation n'a
pas été appréciée, encore moins acceptée par la famille
royale. L’entêtement de mon père lui a coûté sa place au
trône. Ma mère a vu tous ses espoirs s'effondrer parce que
la royauté était l'unique moteur de ses sentiments. Elle
n’avait plus d'autre choix que de rester dans la relation
avec le peu d’amour qu'elle ressentait pour mon père. Je
suis né, ensuite mon petit frère Steven et enfin ma petite
sœur Kira. Ma mère espère que l'un de nous, ou sinon
tous les trois, fassions d'elle une grande dame. C’est
uniquement grâce à mon père que je suis cet homme
aujourd’hui. Il nous a mis, mes frères et moi dans un
centre de Taekwondo pour apprendre à nous défendre.
Les autres ont très vite arrêté. Quant à moi, j'ai continué
jusqu’à ce que j’aie 20 ans, après quoi je me suis
concentré sur ma vie professionnelle.

J’étais beaucoup plus proche de mon père que les autres


qui, eux, l'étaient de notre mère. Elle ne faisait que les
trimballer dans ses soirées mondaines pendant que moi je
passais mes jours et mes nuits à bosser avec notre père.
J’ai été le plus affecté à sa mort, il y a cinq ans de cela.
Les autres sont très vite passés à autre chose. Je n’ai
jamais satisfait les désirs insensés de ma mère. Mes
frères, si. Kira fréquente le fils d'un Ministre qui sera le
candidat du Président aux élections prochaines. Steven
tourne autour des filles de certains hommes politiques
mais n'a pas encore réussi à mettre le grappin sur l’une.

— Ni l'un ni l'autre maman. C’est juste une fille.

Elle roule les yeux et se reconcentre sur son plat.

— Je ne sais pas quand je serai libre pour organiser un


dîner.
— Tu passes toutes tes journées à la maison.
— Cela ne signifie pas que j’ai envie de rencontrer
n’importe qui.
— Elle n'est pas n’importe qui. C’est celle que j’aime.
— Bah fallait choisir mieux.
— Tout ne se limite pas aux gros titres.
— Qui est-elle ? Qui sont ses parents ? Que font-ils dans
la vie.
— Elle est orpheline et travaille avec son frère. Ils font
les affaires.
— Il ne manquait plus que ça, dit-elle avec dédain. Une
orpheline. Ou plutôt une arriviste qui n'en veut qu’à ton
héritage de Prince.
— Je ne suis pas Prince. Je suis un chef d’entreprise.
— Exactement une raison de plus pour elle de te tourner
autour.
— Toi tu cherches pourtant à faire partie de la haute.
— Ce n’est pas pareil. Nous sommes déjà une famille
royale même si nous avons été rejetés. Mais je suis sûre
d'une chose, si tu y retournes, ils te redonneront le trône.
— Maman, nous en avons déjà discuté. Je ne veux pas de
cette vie limitée. J'aime être maître de moi-même. J'aime
ma vie.
— Tsuip ! Si tu tiens tant à me faire rencontrer cette…
fille, libre à toi. Mais tu ne m'obligeras ni à l'aimer ni à
l’accepter dans ma famille. Je mérite d’être liée à des
gens respectables.

C’est fou le chic qu'elle a de bloquer les gens sans même


les avoir une fois rencontrés. Je regrette toujours mon
père qui était un homme tellement simple qu'on ne
croirait pas qu'il venait d'une famille royale. Je sens que
je décevrai toujours ma mère parce que je ne veux aucune
autre femme qu’Alana.
Après ma journée chez ma mère, je fais un tour
rapidement dans mon appartement et je fonce passer la
nuit chez Alana. Depuis que nous nous sommes vraiment
rapprochés, je ne passe presque plus mes nuits chez moi.
C’est elle qui exige, toujours de façon indirecte, que je
reste avec elle. Il est parfois arrivé des nuits où elle a dû
sortir d’urgence régler ‘‘des affaires’’. Sincèrement, si
j’étais le complice de mon cousin, je crois que je lui
aurais fourni des informations très utiles. Jamais je ne le
ferai. J’aime Alana et sa vie d'ombre ne m’intéresse
guère. Notre devise c’est : Tu ne me poses jamais de
question sur mon travail. Je la respecte. Je suis convaincu
que jamais elle ne laisserait quoi que ce soit m'arriver. Si
elle a empêché son propre frère de me faire du mal, je ne
vois pas à qui elle le permettrait.

— Salut ! je la salue alors qu'elle enfile ses boots.


— Salut ! Je sors. Je ne sais à quelle heure je rentrerai.

Elle sort une arme de son coffre secret qu'elle enfile dans
sa chaussure et une deuxième à l’arrière de son legging.
Je déteste ces engins. Elle essaie de sortir de la chambre
sans me décrocher un regard. Je la retiens et l'embrasse.

— Arrête ! me repousse-t-elle. Je n’ai pas le temps


pour…
Je saisis de nouveau ses lèvres. Elle lutte mais finit par
céder. Depuis ce qui s'est passé avec son frère, elle est
devenue distante. Cette distance qu’il y avait à nos
débuts. Je réussis à l’entraîner sur le lit pour lui faire
l'amour. Elle se montre hésitante. Elle prend plaisir mais
en même temps veut être indifférente. Cette femme fait
de tout son mieux pour ne pas laisser paraître les
sentiments qu'elle a pour moi. Ni elle ni personne ne peut
me dissuader qu'elle m'aime. Elle a beaucoup changé
envers moi. Elle me permet certaines choses qu'elle ne
m'aurait normalement jamais permises. Aussi, il y a sa
façon de m’embrasser. Avant elle le faisait juste pour
étancher un désir sexuel. Mais depuis plusieurs mois, elle
m’embrasse chaque jour comme si c’était le dernier. Elle
savoure chaque parcelle de mes lèvres. Elle me désire
plus que je ne la désire. J’ai appris à lire en elle. A lire
ses craintes et ses peurs rien qu'en la regardant.

— Shit ! J’ai maintenant trois minutes pour arriver chez


mon frère, gronde-t-elle en sortant du lit.
— Désolé. Tu m’avais manqué cette journée.

Elle disparaît dans la salle de bain sans me répondre et en


ressort peu de temps après. Elle se rhabille très
rapidement.
— J’ai parlé de toi à ma mère. Je veux que vous vous
rencontriez autour d’un dîner.

Elle arrête tout mouvement, tourne la tête vers moi, me


regarde avec de grands yeux et contre toute attente…
éclate de rire. Je fronce les sourcils, perplexe. Elle rit
encore et encore. Qu’ai-je dit de si drôle ? Elle ramasse
son arme sur la table de chevet.

— Non ! coupe-t-elle subitement.

Elle range l’arme dans son jean.

— Mais…
— Si je rencontre ta garce de mère, je la tuerais.
— Mais…
— Rentre chez toi.
— Je devais passer ma nuit ici.
— M'en fiche.
Elle sort et claque la porte. Je souris. Elle me donne
chaque jour des raisons de faire d'elle ma femme. Elle le
sera. Oh que oui !
4

***INAYAH

Je repose mon portable après avoir encore une fois essayé


de joindre Shelby. Elle refuse toujours de prendre mes
appels. Elle est même sérieuse cette femme ? Bon, je lui
laisserai encore un peu de temps. Cette fille est autant
rancunière qu'elle est géniale. C’est la seule amie que j’ai
et elle me manque.

Je termine l’emballage des dix derniers colis à emballer


et remonte à mon bureau. J'ouvre la porte et qui vois-je
assise à ma place ?

— C’est impoli d'entrer de la sorte dans le bureau des


gens, se plaint faussement Shelby en manipulant mon
stylo personnalisé.

Je souris. Elle sourit.


— Tu mérites une bastonnade pour n'avoir pas pris mes
appels, lui dis-je en allant vers elle.
— Je voulais te faire encore souffrir. Tu m'as manquée.

Nous nous enlaçons.

— Tu m’as aussi manquée.


— Je t'ai apporté ton plat préféré. Des sushis.
— Beurk ! Je déteste ça. C’est le tien plutôt.
— Oui je sais, rigole-t-elle en allant vers le salon.

Je la suis dans mon petit salon. Elle ouvre un paquet et


me tend un énorme plat de Hamburger frites et des
Wings. Nous mangeons, bavardons, sans revenir sur cette
stupide dispute. Nous n'avons pas toujours besoin de
revenir sur les choses. Des fois, il faut juste avancer. Ça
a toujours été ainsi entre Shelby et moi. Nous savons nous
comprendre sans les mots.

— Tu avais raison, à propos de Nick, affirme-t-elle en


s'essuyant la bouche à l'aide d'un papier mouchoir.
— Comment ça ? fais-je en l’imitant.
— Il est venu me voir et m'a raconté toute son histoire
qui m’a mise la tête à l'envers.

Elle prend un grand bol d'air et me fait le récit de


l’histoire que je connais déjà. Je mime avec mon visage
des expressions pour lui faire croire que je suis choquée.

— C’est dingue ça ! je m'exclame en mordant dans une


frite.
— Je ne te le fais pas dire. Mais il m'a rassurée que
maintenant tout est rentré dans l'ordre. Il ne doit plus rien
à l'autre dealer. Son seul objectif maintenant c’est de
récupérer sa fille avant qu'elle ne soit placée dans une
famille d’accueil.
— Vous vous êtes donc remis ensemble ?
— Pas vraiment. Je lui ai demandé un temps de réflexion.
Je ne sais pas si j’ai envie de m'engager dans tout ça.
— Mais il t'a bien dit qu’il avait réglé tous ses ennuis.
— Je sais. Mais… je ne sais pas si je suis prête à être la
belle-mère d'une petite fille. En plus, sa mère est une
toxico cinglée. Elle nous causera toujours des ennuis.
— Si Nick obtient sa garde exclusive, sa mère ne pourra
rien.
Elle me regarde d'un air bizarre.

— Quoi ?
— Depuis quand tu es de son côté ? Tu devrais
normalement jubiler. Je m'attendais à des ‘‘je te l'avais
dit’’. Hum ?
— Je me suis juste rendue compte d’avoir été trop dure
avec Nick. Tout le monde a droit à une seconde chance.
Moi je suis bien la femme d’un mafieux, ça ne t’a pas
empêchée de me prendre comme meilleure amie. Tu es
même folle de moi.
— Tsuip ! fait-elle en tirant la bouche.
— Donne-lui une chance. Vous vous aimez, le reste n’est
que détail.
— On verra.

Elle reste avec moi toute la journée et m'aide dans mon


travail. Elle est maintenant la responsable de plusieurs
grands supermarchés. Sa rigueur et ses bons rendus ont
fini par payer. Elle a été remarquée par le grand patron
qui lui a tout de suite offert cette grosse promotion. Sa
vie a changé du tout au tout.
J’entre à la maison assez vite pour pouvoir préparer le
dîner. Je prends plaisir à faire la cuisine pour Chris. C’est
quasiment la seule chose que nous partageons, en dehors
de ses dîners d’affaires, simplement sans faire semblant.
Nous n’échangeons généralement pas de mot, mais ça
reste un plaisir pour moi de partager ce moment avec lui.
Ce n’est qu’à ces instants que je me sens proche de lui.
Je m’arrange à toujours rentrer avant lui. Il est un homme
très occupé. A peine il rentre qu'il se prépare à ressortir
ou il s'enferme dans son bureau pour travailler toute la
soirée. Alors les dîners, ce sont juste quelques minutes
qu'il se prend pour relaxer un tant soit peu.

Je finis de prendre ma douche et je descends dans la


cuisine. Je donne à bouffer au chien avant de m'attaquer
à notre dîner. C’est en bougeant et dansant au rythme
d'une musique que je fais la cuisine. J’ai fait installer une
petite télé dans la cuisine afin de regarder mes clips et
films lorsque je passe du temps ici. Je suis tout le temps
seule dans cette énorme maison. Personne avec qui
passer du temps en dehors de Loulou, mon adorable
chien. Il me regarde chanter et danser en remuant sa
queue. Ce gros toutou aime s'amuser avec moi. Nous
nous adorons. Je me serais grave ennuyée dans ma
nouvelle vie s'il n'avait pas été là. Je range ma dinde dans
le four quand subitement la télé est éteinte. Loulou aboie
aussitôt en regardant vers l’entrée de la cuisine. Je me
retourne et je tombe nez à nez avec cette garce de Shana.

— J’ai besoin que tu me serves un rafraîchissement.

Je regarde derrière moi, puis je reviens à elle.

— C’est à moi que tu t’adresses ?


— Qui d’autre ? Le clébard peut-être ?
— A qui crois-tu t'adresser ? Ou qui crois-tu être dans
cette maison pour avoir l’audace de me donner des
ordres ?

Elle avance vers moi, avec assurance et un sourire débile


sur les lèvres.

— Je suis celle qui a tous les jours entre ses mains ce


corps si séduisant que tu désires ardemment. Je profite au
maximum de cet homme sur lequel tu fantasmes.
— C’est tout ? Les hommes couchent avec n’importe qui.
Mais ne donnent leur nom qu’à une seule. Mme
IVANOV, c’est moi. Tu n'as donc d'autre choix que de te
soumettre à moi car je suis la Reine du Roi. Tout ce que
tu as, c’est le sexe. Tu n'es qu'un vagin sur pattes pour lui.
Rien de plus. Une pute et c’est tout.

Elle essaie de me donner une gifle. Mais je lui bloque la


main et c’est moi qui lui assène une bonne baffe
résonnante. Loulou se met aussitôt en position d'attaque.
Rien qu’un ordre de ma part et il la réduit en bouillie. Elle
essaie de nouveau de m’agresser. Cette fois je prends la
fourchette sur le plan de travail et je la place dans son
cou.

— N'essaie plus de t'en prendre à moi. Plus jamais.


— Lâche-moi ! grogne-t-elle.
— Je ne suis plus la jeune fille faible et naïve d'il y a deux
ans. L'homme avec qui tu baises a mis ta vie entre mes
mains en faisant de moi sa femme donc juste un ordre,
rien qu’un seul, et tu te retrouveras sous terre. Ne me
provoque surtout pas. Reste dans ton rôle de dévergondée
sans plus jamais t’approcher de moi. Je ne veux te voir
dans aucune autre pièce de la maison si ce n’est dans le
bureau de Chris.

Elle me fusille du regard. Je fais de même. Le chien ne


cesse d’aboyer.
— Que se passe-t-il ici ?

La voix de Chris nous sépare. Shana court vers lui.

— J’étais juste venue me rafraîchir lorsqu’elle m'a


agressée. Elle a menacé de me tuer si je ne m’éloignais
pas de toi.

Je le fixe tout autant qu'il me fixe.

— Et que fais-tu ici ? questionne-t-il Shana en se tournant


vers elle.
— On avait rendez-vous. Tu as oublié ?
— Rentre. Je te contacterai plus tard.
— Mais les informations…
— J’ai dit plus tard, la coupe-t-il sur un ton sans appel.

Elle me lance un regard cinglant et part en prenant le soin


de faire résonner ses talons aiguilles sur le carrelage.

— Qu'il y a-t-il ?
— Il se passe que j'en ai par-dessus la tête que tu ramènes
ta pute dans cette maison.
— C’est ma maison.
— J'y vis alors c'est aussi la mienne. Je suis ta femme,
Chris. Tu me dois du respect.
— Tu n’étais pas sans savoir que ma vie continuerait son
cours. Tu connaissais mon idylle avec Shana. Alors c’est
quoi le souci ?
— Je peux donc me trouver un amant et l'emmener ici ?
N’est-ce pas que ma vie aussi doit poursuivre son cours ?

Je vois son visage virer au rouge.

— Il y a des règles à ne pas déroger, Inayah. Tu ne


ramènes personne dans ma maison.
— Toi aussi tu ne ramènes personne, Chris. Tant que je
suis ta femme, tu ne ramènes personne sous notre toit.
J’ai aussi un cœur et des sentiments que tu es sans
ignorer.

J’éteins le four et je sors de la cuisine. Loulou me suit


comme mon garde du corps. Je commence à en avoir
marre de ces deux-là.
*Mona
*LYS

Je fais le chemin retour vers ma maison en continuant


mon jogging du soir. Faire le sport est devenu une
seconde nature pour moi. Je dois non seulement me
garder en pleine forme et être sur pieds à chaque instant,
mais je dois aussi conserver ma nouvelle plastique. J’ai
travaillé dur pour avoir ce corps sculpté. Des séances de
sport non-stop après avoir fait une chirurgie pour
diminuer la graisse au niveau de mon ventre et une autre
pour me remonter les seins qui étaient un peu flasques.
J’ai de nouveau mon corps d’adolescente avec toutes les
formes qui vont avec. J'avais un coach sportif qui
m’aidait pour le sport mais qui me donnait également des
cours d’autodéfense. Je me suis vraiment métamorphosée
sur tous les plans ces deux années. Je n’ai pas chômé.

Mes Airpods dans mes oreilles, je cours avec Loulou près


de moi. Ce chien m'est devenu si proche au point où je le
considère comme mon bébé, en plus de voir en lui le
meilleur garde du corps que jamais je n'aurais. Nous ne
sommes plus très loin de la maison quand soudainement,
une fourgonnette se gare devant nous. Deux hommes en
cagoule sortent de l’arrière et me sautent dessus. L'un
d’entre eux tient un mouchoir qu’il essaie de me mettre
sur le visage sans doute pour m’endormir. Je me mets à
lutter en évitant de me faire droguer. Loulou bondit sur le
deuxième homme qui hurle de toute son âme à la
première morsure. Le troisième homme qui servait de
chauffeur descend donner un coup de main à ses amis. Je
lutte maintenant avec les deux. Je réussi à donner un coup
avec ma nuque dans le visage du premier qui me tient par
derrière. Il me lâche et dandine. Le mouchoir lui tombe
des mains. Le chauffeur me saisit à son tour. Je lui donne
un coup de coude dans le ventre et le fauche. Il tombe
comme une merde. Je remarque son arme rangée dans
son jean. Je la prends et lui tire une balle dans le ventre
et une autre à l’épaule. Je jette un coup d’œil à Loulou
qui malmène l'autre agresseur. Le premier fonce de
nouveau sur moi en sortant son arme. Je ne lui laisse pas
le temps de me la pointer dessus. Je lui tire également
deux balles dans le corps pour le déstabiliser. Je ne tue
pas. Je ne le veux pas. Mais tirer sur des gens ne me fait
plus trembler. J’ai été formée à me défendre avec des
armes. Arme à feu, couteau et tout ce qui va avec. Je ne
me sens pas assez forte pour ôter la vie des gens.

Les gardes de la maison qui ont certainement été alertés


par les coups de feu arrivent en courant. Gab tue celui qui
lutte sous le chien. Il plante aussi une balle dans la tête
du chauffeur.
— Non attends ! je l’arrête quand il marche vers le
premier qui avait le mouchoir.

Il s’arrête. Étendu au sol, l'agresseur me supplie de ne pas


le tuer. Je le vise avec l’arme.

— Je vous en prie, pour l’amour du ciel. Ne me tuez pas.


— Dis-moi qui vous a envoyé et je t’épargne, lui dis-je
en prenant mon portable pour le filmer.
— C’est… c’est Shana.

La garce !

— Elle nous a demandé de vous enlever, vous emmener


très loin, vous violer et ensuite vous tuer, sans laisser
aucune trace.
— Combien vous a-t-elle payé ?
— Elle nous a versé deux mille dollars et a promis nous
verser les deux mille restant après exécution.
— Quatre mille dollars ? C’est tout ce que je vaux pour
cette chienne ?
Je jette l'arme par terre. Je tourne dos et j'entends un coup
de feu dans mon dos. Gab l'a exécuté. Je rentre à la
maison avec le chien qui n'a rien eu. Je pars récupérer les
clés de ma voiture et j'y monte en faisant signe à Gab de
me suivre avec sa voiture. Je dois rendre une petite visite
à cette poufiasse.

***CHRIS

— Boss, il y a un problème.
— Lequel ? je demande en marchant vers le jet.
— Gab vient de m’informer que Mme Inayah a manqué
de se faire enlever tout à l’heure par des hommes en
cagoules.

Je suspends mon prochain pas.

— Comment cela se fait-il ? Comment va-t-elle ?


— Bien Boss. Elle a su se défendre avant l’intervention
des gardes. L'attaque aurait été orchestrée par
Mademoiselle Shana.
— Quoi ?
— Ce sont les mots d'un des hommes avant de se faire
descendre. Votre femme est en ce moment en route pour
la boîte de nuit de Mademoiselle Shana.
— Chris, on y va ?

Je me tourne vers Alana qui descend de l'avion.

— Quelque chose ne va pas ? me demande-t-elle.


— On retarde le vol. Je reviens.
— Où vas-tu ?

Je pars remonter dans ma voiture sans lui répondre. Ça


ne servirait à rien de lui raconter ce qui se passe pour
l’instant. Elle déteste Shana et elle risque d'envenimer les
choses. Qu’a-t-il bien pu passer par la tête de Shana pour
qu'elle tente pareille chose contre Inayah ? Elle sait
pourtant que je ne tolère pas ce genre de plan. Elle le sait
pertinemment que personne ne s’attaque à mes proches
sans en payer les conséquences. Ce serait vraiment
stupide de sa part si elle a réellement fait ce coup.

Je remarque tout de suite la voiture d’Inayah ainsi que


celle de Gab. Je suis escorté par mes hommes jusqu’à la
pièce qui sert de loge et de bureau à Shana. Je suis encore
devant la porte quand j'entends des cris. J’ouvre la porte
et je cours saisir Inayah qui étrangle Shana dans le divan.

— Inayah !
— Lâche-moi, Chris ! hurle-t-elle en se débattant dans
mes bras. Cette dévergondée a essayé de me tuer.
— Elle ment, Dark, se défend Shana en se relevant
difficilement.
— Ah bon ? Et c’est quoi ça ?

Inayah active une vidéo de son portable. Un homme en


sang étendu au sol fait des aveux. Le nom de Shana est
mentionné. Je regarde cette dernière.

— Je te jure sur ma vie que je suis innocente, continue-t-


elle de se défendre toute affolée. Je suis certaine que c'est
un coup monté de ta pimbêche de fem…

Inayah ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase qu'elle


lui flanque une gifle.

— INAYAH !!! je lui hurle dessus cette fois en la


retenant.
— Tu ne me touches pas, Chris. C’est de ta faute si cette
chienne se permet d’attenter à ma vie. Tu lui as donné
trop d’importance au point où elle se croit supérieure à
moi. Je veux que tu la butes.

Je la regarde sans réagir.

— Sors ton flingue et bute-la. Tu as promis tuer tous ceux


qui s'en prendront à moi.

Je ne réagis toujours pas.

— Waouh !!! Le grand Dark refuse de tuer aujourd’hui ?


Bien. Si je revois ses brindilles de balai dans MA maison,
c’est moi qui la bute.

Elle sort telle une furie et manque de défoncer la porte.

— Dark !
— Ne pose pas tes mains sur moi. Je t’avais prévenue de
ne pas t'en prendre à elle.
— Cette sorcière ment…
Je la plaque violemment contre sa coiffeuse.

— La seule chose qui me retient de te prendre ta putain


de vie c’est uniquement parce que tu m'es utile pour le
business. Mais la prochaine fois que tu refais un coup
pareil, je t'enfonce mes doigts dans la poitrine et je les
ressors avec ton cœur. Ai-je été clair ?
— Dark ! dit-elle, étouffée.
— Ai-je été clair ? je réitère ma question en serrant
encore plus mes doigts autour de son cou.
— Ou… oui !

Je la laisse s’écrouler au sol.

— Une dernière chose. Je ne veux plus te voir chez moi.


Nos seuls rapports seront uniquement que le business et
tu gères tout dorénavant avec Alana.

Elle se relève.

— Tu es amoureux d'elle, hein ?

Je mets de l’ordre dans ma tenue et je lui tourne dos.


— TU ES AMOUREUX D'ELLE, N’EST-CE PAS ???

Je claque la porte derrière moi. Quand je sors, les voitures


d’Inayah et Gab ne sont plus là. Je prends la direction de
la maison plutôt que l’aérodrome. C’est un soulagement
pour moi de voir qu'elle peut se défendre toute seule
dorénavant. Cependant, il m'arrive de craindre qu'elle
n’aille un peu plus loin que ça. Je crains qu'elle ne finisse
par se souiller les mains avec du sang. Je lui ai donné une
arme pour qu’elle repousse le danger, pas pour qu’elle
tue qui que ce soit. L'entendre ce soir me demander de
tuer Shana m'a fait douter des choix que j’ai fait pour elle.

Elle est assise dans le salon, avec la colère qui tire


toujours ses traits. Le chien est assis près d'elle.

— Dis-moi que tu l'as tuée ? demande-t-elle en tapotant


du pied.

Ça commence par me foutre les boules de l'entendre


parler d'un meurtre comme s'il s’agissait d’un jeu.

— Je le savais.
Elle se lève. Le chien l’imite.

— Tu es amoureux de cette connasse. Bien. Garde-la


donc loin de cette maison. Oui, c’est ta maison et tu y
invites qui tu veux. C’est aussi mon arme, et je bute qui
je veux.
— Non mais tu vas arrêter de parler comme une
meurtrière ? dis-je sur un ton calme.
— En quoi ça te dérange ? N’est-ce pas toi qui m'a
obligée à tuer Toni il y a deux ans ? J’ai déjà du sang sur
les mains.
— Tu ne l'as pas tué.
— Hum ?
— Tu avais les yeux fermés. C’est Alana qui a tiré en
même temps que toi. Ton arme n’était pas chargée. Tu
n'as jamais tué qui que ce soit.
— Shana sera donc la première.
— Elle ne mettra plus les pieds ici.
— Y a intérêt. (Au chien) Loulou, on y va.

Le chien suit sa maîtresse en parfait garde du corps. Ça a


été une mauvaise idée de la faire entrer dans mon monde.
***SHANA JACKSON

Je bois un verre de plus, cul sec et le fracasse contre le


mur. Mon plan n'a pas marché et comme si ça ne suffisait
pas, cet imbécile m'a balancée. J'aurais dû les engager par
le biais de quelqu'un d’autre. Pour couronner le tout,
Dark m'a retiré la seule chose sur terre qui me rend
heureuse. Depuis combien d'années que je nourris
l'espoir de devenir plus qu'une pute pour cet homme qui
trouble mes nuits. Je désire de tout mon être devenir
Madame IVANOV. Voici que cette femme dégueulasse
vient de tout gâcher. Mais je ne me laisserai pas faire. Je
ne laisserai pas cette femme me prendre l'homme de ma
vie.

— Que fait-on maintenant ? On tente un autre coup ?


— Non. On laisse couler pour le moment. Laissons les
choses se tasser avant de retenter le coup.
— Bien.

Je vide un autre verre. Oui, je vais laisser les choses se


calmer. Je vais l’observer. Je vais la suivre de près, puis
au moment où elle ne s'y attendra pas, je vais frapper. Ça
arrive de se prendre une balle perdue quand on tombe en
plein milieu d'une fusillade, non ? Ou mieux, des
camions qui perdent leurs freins et qui écrasent tout sur
leur passage, c’est fréquent. Je réfléchirai au meilleur
plan pour que même son corps ne soit plus récupérable.
Cette Africaine ne me prendra pas ce qui m’appartient.
5

***LIEUTENANT FLYNN

Encore une journée sans rien. Absolument rien qui puisse


me redonner de l’espoir. Rien qui pourrait me faire
avancer. Faute n'est pas d’essayer. Je ne fais que creuser
sans voir la lumière au bout du tunnel. J’ai l’impression
que tout m'a été fermé. Je ne cesse de chercher ce petit
truc qui me permettrait de relancer une enquête contre les
IVANOV. Mon supérieur m'a mis à pied plusieurs fois
parce que je devenais obsédé. Je le suis toujours. On m'a
interdit de lancer une quelconque enquête contre Dark et
ses affaires louches. A condition que j’aie un élément très
important qui pourrait me faire vite avancer pour coincer
ces mafieux. Je perds la tête à force de réfléchir. Ma
survie ne dépend que de cette histoire. Il me faut coincer
ces gens, Chris surtout, à tout prix. Ça me fout les boules
de le voir se pavaner dans ce pays, être mis à la une des
magazines comme un modèle de société et courtiser des
hommes politiques. Plus les mois passent, plus sa
notoriété prend de l’ampleur. Cet homme doit payer pour
tous les meurtres qu’il a commis de sang-froid. Il doit
payer pour toute cette jeunesse qu'il détruit avec sa
drogue. J’ai l’impression d’être le seul à vouloir sa
disparition totale de la surface de la terre. Il est adulé par
tous. Il me faut révéler son vrai visage au grand jour.
Dark doit tomber et ses acolytes avec lui.

Du boulot, je descends dans le bar à strip-tease dont je


suis un fidèle habitué. Je reste assis devant le bar à siroter
mon verre de gin-tonic. Je continue de réfléchir à
comment parvenir au bout de ma mission. Toute ma vie
n'est que réflexion. Des putains de réflexions qui
n’aboutissent à rien. Je garde cependant espoir qu'un jour,
un petit détail me viendra et ce petit détail précipitera la
chute des IVANOV.

Mon portable dans la poche de ma veste vibre.

« Je suis en haut. »

Je vide mon verre, pose un billet en dessous. J’emprunte


les escaliers dans le fond de la salle. Ils me mènent plus
haut à un couloir où se trouvent plusieurs chambres.
J’entre dans la première sur ma droite. Elle s'y trouve.

— Tu n'as pas bonne mine aujourd’hui.


— Beaucoup de boulot.
— Viens donc que je te détresse.

Elle me pousse sur le lit sur lequel je me laisse tomber


comme un sac. Elle se charge de me dévêtir et de
s'occuper de moi comme toutes les fois que nous nous
rencontrons. Elle c'est la strip-teaseuse que je fréquente
depuis un long moment. Il n'y a rien de plus entre nous
que du plaisir. Je la paye pour qu'elle m'en procure. Nous
avons fini par être plus que ça. Enfin, nous papotons des
fois mais rien de plus. Rien que des choses basiques. Je
n’ai pas de vie amoureuse. Je n’ai plus de vie, si je peux
le dire ainsi. J’ai fréquenté une femme, il y a des années
en arrière, mais elle a fini par me quitter après m’avoir
supporté trois ans. Mon obsession pour Dark me faisait
manquer les moments importants avec elle. Je n’étais
presque jamais présent pour elle et quand je l’étais, c’est
à peine si je lui accordais de l’attention. Puis un jour,
alors qu’elle était enceinte, elle a eu un incident. Elle m'a
appelé sans relâche pour que je vienne la conduire à
l’hôpital. Moi de mon côté, je refusais de prendre ses
appels parce que j’étais sur une piste qui se disait fiable
pour pincer Dark. Finalement je n’ai pas eu gain de cause
et elle a perdu notre bébé. Ça a été la goutte de trop pour
elle. Elle est partie et depuis je n’ai plus voulu de relation.
Il n'y a pas de place en ce moment pour l’amour dans ma
vie. Je me remettrai sur le marché quand j'en aurais
terminé avec ces mafieux de merde.
Nous restons dans le lit à récupérer nos forces. Un drap
couvre ma nudité tandis qu'elle ne se cache pas. Je
m'allume une cigarette. Je rejette la première bouffée
dans les airs.

— J’aurai besoin de tes services de flic.


— Pour quoi ?
— Retrouver une amie. Disons ma colocataire. Elle était
censée se rendre chez son imbécile de petit ami mais Dieu
seul sait ce que ce vaurien lui a fait. Il est très violent avec
elle. Va savoir la raison qui la retient à ses côtés. Ça ne
m’étonnerait pas qu'il l'ait séquestrée une fois de plus.
— As-tu une photo d'elle ?
— Oui ! Voilà !

Elle me montre une photo beaucoup trop modifiée par un


filtre. Les gens de cette génération ne vivent que par ça.
Les gens nous rapportent des photos de personne
disparues avec toutes sortes de filtres. Ils n'ont plus le
temps pour se faire de vraie carte comme au temps jadis.

— Il n'y a-t-il pas de photo normale ?


— Si. Attends que je fouille.
Elle m'en montre une plus réaliste. Je lui demande de me
l’envoyer sur WhatsApp. Chose faite. Elle se cale contre
moi et continue de faire défiler ses photos. Je les regarde
avec elle avec négligence. Elle s’arrête sur une photo
d'elle à la plage.

— Tu trouves que mon corps il a changé de cette photo à


maintenant ? me demande-t-elle. J’ai l’impression
d'avoir pris du poids au point d'avoir des bourrelets.
— Non, tu n'as pas vraiment…

Un détail sur la photo attire mon attention. Je me redresse


et lui prends le portable des mains.

— Quoi ?

Je zoome afin de mieux voir les deux personnes derrière.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Il y a exactement Toni et Inayah IVANOV sur cette


photo. On les voit clairement, tous deux en train de
rigoler. Si mes souvenir sont bons, elle avait déclaré ne
l'avoir jamais vu en dehors du supermarché dans lequel
elle bossait. Voici ici la preuve que non. Je regarde les
détails de la photo et la date à laquelle elle a été prise
correspond au jour où il m’avait parlé de sa sortie avec
elle. Je crois la veille ou quelques jours avant son
assassinat. Je m’envoie la photo sur WhatsApp.

— Je dois y aller, dis-je en sortant tout nu du lit.


— Quoi ? Mais dis-moi ce qu'il y a.
— Tu viens de me donner une lueur d’espoir, lui dis-je
en enfilant mon jean.

Je pose plus de billets qu'il n'en faut sur le lit et je pars


sans attendre. Il me faut bien exploiter ce petit détail pour
prendre les IVANOV dans mes filets. Si je réussis à
prouver que Toni fréquentait Inayah et qu'ils étaient
ensemble le jour de son meurtre, je pourrais aussi prouver
que c’est Dark qui est l'auteur de ce meurtre parce qu’à
cette période, Inayah était beaucoup trop faible pour
pourvoir tirer sur un homme et nettoyer la scène du crime
sans y laisser ne serait-ce qu'un cheveu comme preuve de
sa présence sur ce lieu.

*Mona
*LYS

— Monsieur, permettez-moi de rouvrir l’enquête du


meurtre de Toni, je vous en supplie.
— FLYNN, passez à autre chose. Vous vous détruisez à
petit feu. Foutez la paix à cet homme. Personne n’a
jamais rien trouvé sur lui.
— Moi je le peux. Permettrez-moi juste d’enquêter de
nouveau. Vous n’avez rien à perdre.

Il me regarde longuement puis soupire.

— Ok. Vas-y ! Mais s’il n’y a rien jusqu’à la fin de cette


année, c’est terminé. On boucle à tout jamais le dosser
Chris IVANOV.
— Ça marche !

*Mona
*LYS

Avec une excitation qui ne dit pas son nom, je me rends


dans la salle d’interrogatoire. Quand j'ouvre la porte, je
sens une force me quitter quand mes yeux rencontrent
ceux d’Inayah. Je ne l'ai plus rencontrée d'aussi près
depuis deux ans et aujourd’hui je la trouve… changée.
Elle est différente de la jeune fille fragile et naïve que j’ai
eu à intimider dans le passé. Il est vraiment dommage
qu'une si belle femme se soit attachée à un être comme
Dark. Que lui trouve-t-elle ?

— Je peux savoir la raison de ma convocation, Lieutenant


FLYNN ?

Je me maîtrise et m'assois en face d'elle. Je glisse sous ses


yeux un cliché de la photo.

— Reconnaissez-vous ces deux personnes ?

Elle regarde. Je la fixe attentivement pour déceler une


quelconque expression faciale qui trahirait ses dires.

— C’est moi, dit-elle tout naturellement.


— Vous n’êtes pas seule.
— Bah avec un homme dont je ne me souviens.
Elle me fixe. Il n'y a aucune expression sur son visage.
Elle a été bien formée par ce démon.

— C’est Toni STILLER. Il y a deux ans je vous avais


demandé si vous le connaissiez et votre réponse a été…
— « Non, je ne le connais pas. Le visage me dit quelque
chose. Je crois qu’il est venu faire des courses plusieurs
fois dans le supermarché où je bosse. Mais je ne le
connais pas personnellement ». Oui je me souviens de ma
réponse. Qu’est-ce qu’il y a ?
— Là on vous voit bien discuter avec lui. Alors comment
avez-vous pu affirmer ne pas le connaître quand vous
aviez été à la plage avec lui ?
— Je suis allée seule à la plage ce jour-là. Je crois qu'il
m'avait accostée pour la drague, si vous voyez ce que je
veux dire.
— Vous auriez pu le signifier il y a deux ans.
— Je ne me souviens pas de tous mes prétendants. Je ne
leur accorde généralement aucune importance.
— Mais là, vous riez bien avec lui ?
— J’ai dit que je ne leur accordais aucune importance.
Pas que j’étais indifférente aux blagues.
— Nous…
— Lieutenant FLYNN, où voulez-vous en venir ? J’ai un
dîner ce soir.
— Je veux en venir au fait que vous avez fréquenté Toni
et ensuite Dark l'a tué parce qu’il représentait un danger
pour lui.
— Alors affaire classée. Foutez-moi en prison pour
qu’enfin vous puissiez vivre en paix.

Elle sourit. Son regard se fait profond à tel point que je


me sens mal à l’aise. Je reviens à moi dans un raclement
de gorge.

— Pourquoi avoir décidé de rester aux côtés de cet


homme alors que vous êtes si différents ?
— La question est plutôt, pourquoi fantasmez-vous sur la
femme de cet homme ?
— Pardon ? fais-je décontenancé.
— Depuis que vous êtes entré dans cette salle vous
n’avez fait que regarder mon décolleté. Je vous ai vu être
mal à l’aise un moment.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez.

Je me rassure de garder mon sang froid car le contraire


pourrait jouer contre moi. Contre toute attente, elle se
lève, dévoilant par-là ses cuisses non couvertes par sa
mini robe. Je relève les yeux assez rapidement sur le mur.
Elle marche vers moi.

— Que faites-vous ? je demande, troublé.

Elle se permet de s'asseoir sur la table juste devant moi.

— Madame, veuillez retourner à votre place.


— Vous avez envie de toucher hein ? suppose-t-elle en
indiquant ses cuisses, avec une voix sensuelle. Je parie
que vous êtes tout excité en ce moment.
— Madame, ne me poussez pas à vous arrêter pour…
— Pour ?

Je me lève et je lui saisis le bras. Ce contact a pour seul


don de me mettre devant une horrible évidence.

— Lâchez tout de suite ma femme !

Dark fait irruption dans la salle. Je libère le bras de sa


femme.
— Cessez d'importuner ma femme pour des affaires qui
ne la concernent pas.
— Le meurtre de Toni la concerne. Une photo datant d'il
y a deux ans montre votre…
— Je ne veux rien savoir. Si vous n'avez pas de preuves
palpables l'incriminant, ne la dérangez plus jamais de
votre vie. Ou je porte plainte pour harcèlement.

Il prend le bras de sa femme et la trimballe à l’extérieur.


Je ne sais par quelle force, le dernier coup d’œil que je
leur jette tombe direct sur le fessier de Mme IVANOV.

— Fais chier !

***INAYAH

Le dîner avec le partenaire d'affaires de Chris se passe


dans une ambiance vraiment joviale qui me met très à
l’aise. Ça n'a absolument rien à avoir avec les dîners entre
les gens de l'ombre. Nous sommes à un dîner d'affaires
concernant les entreprises des deux hommes présents.
Pendant qu'eux discutent entre hommes, la femme de
notre invité et moi papotons des trucs de femme de notre
côté. Nous échangeons en anglais. J’ai appris la langue et
bien d’autres.
— J'adore vos boucles, je la complimente sincèrement.
— Merci ! C’est Jacob qui me les a rapportés de Turquie
lors d'un de ses innombrables voyages d'affaires. Je
devine que Chris vous gâte autant, surtout quand je vous
vois briller de mille feux ce soir. Votre collier est
étincelant.
— Merci !

Collier et autres bijoux que je me suis moi-même achetée.


Des cadeaux, il n'en existe pas entre nous. Il gave mon
compte bancaire d'argent pour que je puisse m'offrir tout
ce que je désire. Je ne crois d’ailleurs pas que ce soit son
genre d'offrir des cadeaux. J’apporte mon verre à mes
lèvres en souriant pour camoufler mon malaise. Je tourne
vivement la tête en sentant quelque chose se poser sur ma
cuisse. C’est la main de Chris. Je lève les yeux sur lui. Il
continue de discuter comme si de rien n’était. Il n'a pas
l'air de se rendre compte de son geste. J'en suis
profondément troublée et excitée à la fois. En voulant
prendre sa coupe, il s’aperçoit de la position de sa main.
Il me regarde, déconcerté et retire sa main. La soirée se
termine sur une bonne note malgré la petite gêne. J’aime
bien la femme. Elle est différente de toutes les bécasses
que je rencontre dans les soirées de l'ombre. Chris et moi
montons dans la même voiture mais à peine elle démarre
que chacun de nous se concentre sur son portable. Depuis
l’incident avec Shana, je me suis mise un peu en retrait,
le temps pour moi de digérer tout ça.

Je jette un coup d’œil à mes nouvelles paires de


Louboutin. Je les ai reçues le lendemain de l’incident
avec Shana et ma dispute avec Chris. Le proprio du
magasin avait tout simplement envie de me faire ce joli
cadeau, selon le petit mot qui se trouvait à l’intérieur du
carton. Ça m'a semblé bizarre mais j’ai pris mes
chaussures avec joie. Une autre chose qui m'a sacrément
rendue heureuse, c’était de savoir que je n'avais pas tué
Toni. Je me détestais tout ce temps d'avoir tué un homme
bien qu’il s’était foutu de moi. Ça m'a arraché une grosse
épine du pied. Il y a eu comme un vent frais qui m'a
soufflé toute cette nuit-là.

Je souris en lisant le long message laissé par Shelby sur


WhatsApp. Elle me raconte sa folle journée
d’aujourd’hui, pleine d’incidents. D’abord son talon
aiguille qui se casse alors qu’elle était super en retard, sa
voiture de service qui tombe en panne, donc obligée de
prendre un taxi. Bref, plein de trucs qui me font rire
doucement pour éviter de déranger Chris. Un gros choc
vient tout à coup secouer la voiture. Nous sommes
bousculés dans tous les sens. Je ne me rends pas compte
de ce qui se passe. J’ai le tournis. La voiture est en train
de faire plusieurs tonneaux. Je suis effrayée. Je ne sais
pas ce qui se passe. Je ne fais que hurler. Je n'entends
juste que des bruits de verre qui se brise. La voiture se
stabilise mais nous sommes dans une position renversée.

— Qu’est-ce qui se passe ? je demande avec la panique


dans la voix.
— Je crois que nous venons de faire un accident, me
répond Chris qui brise la vitre d'un seul coup de pied.
Sors vite de là. La voiture va exploser.

J'essaie de bouger mais impossible.

— Chris, je suis coincée, je l’informe de plus en plus


prise de panique. Le siège du chauffeur m'a bloqué les
jambes.
— Merde !

Je vois le feu s’élever à l'avant de la voiture. Je crois que


le chauffeur est mort. Il ne bouge pas. J'entends Chris
appeler ses hommes en russe et leur demander de venir
l'aider à me faire sortir de là. Je sais que ma vie ne tient
qu’au bout d’un fil depuis que je suis mariée à Chris.
Mais je refuse de mourir calcinée. Je refuse cette
souffrance avant la mort. Pendant que les hommes
essaient de dégager le corps du chauffeur, le feu
s’intensifie.

— Chris !!!
— Je suis là, Inayah. Nous allons te faire sortir de là.

Ils parviennent à démonter la portière du chauffeur et à le


faire sortir, difficilement. Le siège bouge et je peux enfin
sentir mes jambes. C’est Chris principalement qui vient
me donner un coup de main.

— Accroche-toi à moi, m’intime-t-il.

Je n’ai pas d'autre choix de toute façon. Je lui agrippe le


bras de toutes mes forces. Il me tire encore et encore
jusqu’à ce qu’enfin mon corps tout entier soit hors du
véhicule en feu. J’ai perdu une chaussure dans la voiture.
Je balance la deuxième avant de fuir loin. Nous sommes
projetés par l’explosion de la voiture. Nos hommes
accourent pour nous aider à nous relever et nous mettre
en sécurité. Les gens autour sont en panique totale. Il y a
un peu plus loin, une camionnette encastrée dans un
poteau. C’est sans doute lui qui nous est rentré dedans.
— But what the hell happened ? (Mais que s'est-il passé,
merde ?) s’énerve Chris contre ses hommes.
— Cette camionnette sortie de nulle part a foncé sur vous.
Le chauffeur a mis les voiles.
— Retrouvez-moi ce…

Des coups de feu retentissent et les deux hommes devant


nous s’écroulent à nos pieds. Des hommes armés
marchent vers nous.

— Der'mo ! (Merde ! en russe).

Chris sort son arme et tire sur l’un d’eux qui tombe dans
un cri. Une rafale de balles est tirée contre nous. Chris,
très rapidement, me pousse derrière une voiture. Je
m’assois en ramenant mes jambes contre ma poitrine. Il
me rejoint et me couvre de son corps comme une sorte de
bouclier. J'entends le reste de nos hommes qui donnent
l'assaut et c’est parti pour un échange de coups de feu en
pleine ville et en pleine nuit. Heureusement que les rues
sont presque désertes vu l'heure. Chris me serre de plus
en plus fort contre lui. Il pose un bras sur ma tête pour la
protéger. Je suis consciente de la dangerosité de la
situation, surtout que ce jour est peut-être le dernier de
ma vie. Mais je me sens vachement bien dans cette
position. C’est la première fois que je suis autant proche
de Chris. Je me trompe peut-être mais je sens qu’il me
protège pour de vrai.

Les coups de feu prennent fin. Nous nous redressons


lentement. Chris est le premier à vérifier l'état de la
situation. Je pousse un soupir de soulagement en
entendant la voix d'Alana qui est arrivée en renfort. Nous
n’avions pas eu besoin d'elle puisqu’il s’agissait d’un
dîner des plus normal. De plus elle avait une autre affaire
à gérer.

— Comment allez-vous ? s’enquiert-elle avec inquiétude


en nous aidant à nous relever.
— Conduis Inayah à l’hôpital pour se faire examiner.
Moi je rentre. J’ai besoin de voir clair dans cette histoire.
— Non Chris, dis-je en lui retenant le bras. Je reste avec
toi. Si tu rentres, je rentre également.
— Nous avons fait un accident. Tu dois…
— Je vais bien. Juste une douche, une robe neuve et je
serai de nouveau au taquet.

Il me regarde un instant. Un des hommes rapproche de


nous une autre de nos voitures. Chris me prend la main.
— Je veux des réponses avant demain, dit-il à sa sœur.
— Tu les auras.

Il me fait monter avant de faire de même de l'autre côté.


Il grimace en se tenant le côté.

— Tu as mal ?
— Non. Tout va bien.

Le chauffeur démarre et passe entre les corps étendus sur


le bitume.

Avec soulagement, j'entre dans ma chambre. Je m’y sens


en sécurité. J’ouvre la fermeture-éclair arrière de ma robe
et sans la retirer, je m’assois par terre. Cette soirée a été
trop mouvementée pour moi. J'ai connaissance du monde
dans lequel je suis entrée. Un monde de feu et de sang.
Mais c’est bien la première fois que je suis autant
secouée. Un accident suivi d'une fusillade. C’est une
chance que je ne me sois pas prise une balle. Loulou qui
a senti mon angoisse et le tremblement de mon corps
vient se blottir contre moi. Le caresser m'apaise au point
de faire passer les tremblements.
— J’ai besoin de prendre une douche, Loulou. Je reviens.

Je me relève et retire ma robe. Je prends peur en voyant


du sang sur moi. Suis-je blessée ? Ai-je pris une balle ?
Je regarde ma robe mais je n'y trouve aucun trou. Elle est
juste humide sur une partie. Mouillée par du sang. Je me
regarde de partout sans voir de blessures en dehors de
quelques bleus çà et là. Si ce n’est pas moi, alors qui
s'est ? Est-ce Chris ? Je me souviens l’avoir vu grimacer.
Je dois m'assurer qu’il aille bien.

J’entre dans la salle de bain prendre rapidement une


douche sans cesser de vérifier que je n’ai rien. J’enfile
une petite robe de nuit aux manches très fines. Loulou me
suit jusque devant la porte de la chambre de Chris.

— Chris ? je l'appelle en frappant. Chris tu es là ? Je suis


venue voir si tout va bien.

Je n’ai aucune réponse. Je tourne le poignet et la porte


s’ouvre.

— Couché Loulou. Je vais voir s'il va bien.


Le chien se couche aussitôt devant la porte. J’entre et la
première chose que je vois, ce sont les vêtements tachés
de sang jetés par terre. C’est lui qui est blessé. Je balaie
la pièce du regard sans l’apercevoir. Je vois cependant la
porte de la salle de bain grandement ouverte. Je m'y
aventure à pas de loup. J’entends faiblement des
gémissements étouffés. J’avance encore un peu et je peux
voir Chris, debout devant son énorme lavabo, essayant de
retirer quelque chose de son ventre. Il y a des gouttes de
sang qui tombent sur le carrelage et dégoulinent sur son
pantalon. Il parvient à faire sortir une petite chose que je
ne peux identifier et la jette dans le lavabo. Le bruit
ressemble à celui d'un métal.

— Chris ! je l'appelle dans un souffle.

Il tourne la tête vers moi pendant que sa main appuie sur


la plaie à l'aide d'un tissu.

— Que fais-tu là ? me demande-t-il d'une voix empreinte


d’inquiétude. Tu devrais te reposer.
— J’ai vu du sang sur ma robe. Je ne suis pas blessée.
Alors j’ai pensé à toi.
Il me regarde sans rien ajouter. Je prends le risque de
m’approcher. Je pose ma main délicatement sur sa main
qui tient le tissu sur la plaie. Je relève la tête pour voir sa
réaction mais il n'en a aucune. Il me regarde avec toujours
la même intensité dans les yeux. Je regarde la plaie.

— Ça n'a pas l'air très profond. Tu as reçu une balle ?


— Juste un éclat.

Je rince le chiffon qui est en réalité son débardeur et je


nettoie la plaie. Le sang continue de couler mais plus
aussi abondamment. Je regarde dans sa trousse de
secours posé près de moi et en sors de l'alcool plus des
compresses. Je lui prends la main et le fais asseoir sur le
rebord de sa baignoire. Il se laisse faire comme un enfant.
Je récupère la trousse et m'agenouille devant lui. Je
commence à le soigner. N’étant pas confortable, il me
rejoint sur la petite moquette.

— Tu t'y connais en soins ?


— Quand tes supposés parents te refusent des soins
médicaux à chaque bobo sous prétexte que tu les fais
expressément, tu finis par prendre l’habitude de te
soigner toute seule. Si nous étions en Côte d’Ivoire, je
t’aurais mis des écorces et bam tu ne ressentirais plus rien
demain.

Je souris en me remémorant toutes ces fois où j’ai dû me


soigner toute seule à l'aide de médicaments traditionnels
et médicaux parfois. Je couds la petite plaie et lui mets un
pansement.

— Merci ! je l’entends me dire.


— Merci à toi de m'avoir sauvé la vie.

Je baisse un moment la tête.

— Pourquoi ? disons-nous ensemble.


— Vas-y d'abord, me permet-il.
— Pourquoi m’avoir sauvée alors que tes anciennes
fiancées…
— Tu es ma femme. C’est différent. Ce serait bête que la
femme de Dark meure aussi facilement en ma présence.

Je baisse la tête, un peu déçue. Je m’attendais à une autre


réponse. J’entreprends le nettoyage des autres
égratignures sur le reste de son corps avec une compresse
imbibée d’alcool.

— Pourquoi restes-tu avec tout ce que tu vois ? Une autre


se serait enfuie dès la première mare de sang.

Je souris.

— Tu n'es plus une femme désespérée comme il y a deux


ans, continue-t-il. Tu as ton entreprise qui connaît un
succès épatant. Et tu n'as qu’à demander pour avoir trois
fois plus, très loin d'ici. Alors pourquoi restes-tu ?
— Peut-être parce que ce n’est pas le matériel qui me
retient ici, mais plutôt une personne.

Il plisse les yeux.

— Je suis sans doute dingue mais… je ne veux pas partir


loin de toi, lui avoué-je dans les yeux en caressant
doucement son torse avec la compresse. Tu t'en fiches
vraisemblablement mais je tiens à toi. Je n’ai pas choisi
de tomber amoureuse de cet homme si ténébreux que tu
représentes. Malgré tout le danger qui mine ma vie, je
veux être là, près de toi et pour toi. Avec Sébastien,
j’avais envie de fuir très loin mais je n'avais où aller ni de
quoi m'en sortir. Avec toi, je peux aller dans tous les pays
du monde avec tout l'or du monde. Mais tu représentes à
toi tout seul les multiples raisons de rester.

Je souris tristement et termine ce que je faisais.

— Je ne suis pas un homme pour toi. Je suis mauvais. Je


tue des gens sans pitié et sans aucune once de regret.
— Pas avec moi. Tu m’aurais laissée mourir ce soir
sinon. Laisserais-tu quelqu’un me faire du mal ? Ou le
ferais-tu toi ?

Je plonge mon regard dans le sien en attendant sa


réponse. Ses yeux bleus me déstabilisent comme à
chaque fois mais je maintiens mon regard pour espérer
lire dans le sien une quelconque émotion. Il me regarde,
sans me répondre. Comme j’ai envie de… Il m'attire
subitement contre lui et capture mes lèvres. Je suis vrillée
à la seconde. Non, je suis sous le choc. Je jette ce que je
tiens et m'agrippe à son cou pour approfondir le baiser.
Nos gestes se font fougueux. Je me retrouve assise sur ses
jambes en un seul mouvement de sa part. Ses mains
glissent sous ma mini robe et font la navette entre mon
dos et mes fesses. Je sens son membre durcir contre ma
fleur et j’en deviens folle. Je commence tout doucement
des mouvements de hanche sur l'objet de mes fantasmes.
Il grogne. Ce grognement m'encourage à aller plus fort.
J’en ai marre de patienter. J’ouvre, avec des
tremblements de main, son pantalon et sors le mini Dark.
Il comprend mes intentions. C’est alors lui qui décale la
ficelle de mon dessous, me relève un peu et PLOUF me
fait empaler d'un coup sur lui. Le cri de plaisir que je
pousse dans mon orgasme fait aboyer Loulou depuis sa
position.

— Chris ! dis-je dans un gémissement.

Il me fait un suçon dans le cou et mon excitation décuple.


Comme une folle, je tourne les reins, chevauche et fait
des glissades devant derrière. Je fais des choses dont je
ne m'en pensais pas capable.

— Chris !!!
— Meleğim !

Je ne sais pas ce que ça signifie mais la douceur avec


laquelle il l'a dit me rend dingue. J'ouvre subitement les
yeux quand il se lève avec moi encastrée sur lui. Je
m’accroche par réflexe. Il nous conduit sur le lavabo sur
lequel il me fait asseoir, tout au bord. Il me regarde avec
un regard si brûlant de désir que je suis brûlée en retour
dans mes reins. Il cale une de mes jambes dans le creux
de son coude. Il dit encore un truc dans une langue que je
ne connais et BIM BAM BOUM, il me fait l’amour
comme jamais on ne me l’avait fait. Je vois la lune, le
soleil et les étoiles en une seule seconde. Le chien se
remet à aboyer mais au bout d'un moment il s’arrête. Il a
fini par comprendre que maman n'est pas en danger. Elle
prend juste du plaisir.

Je me réveille dans le lit de Chris, toute seule. Ou du


moins avec Loulou. Le côté de son lit est intact. Ses clés
de voiture ne sont pas là. Où a-t-il pu aller à 2h du matin ?
Peut-être régler le problème que nous avons rencontré. Je
soupire et me recouche.

***CHRIS

Je m’étais juré ne jamais franchir cette ligne. Je viens de


commettre la bêtise de trop. Ça me sera fatal, je le sens.
La première a été de la ramener avec moi de la Côte
d'Ivoire. La deuxième a été de l’introduire dans mon
monde et maintenant ça. Maintenant elle va se faire plein
d'illusions. Ça risque de créer d'autres choses que je
voulais éviter à tout prix. Quel merdier !
Un coup est donné sur la porte et quelqu'un entre. Sans
détourner mon regard de la ville que j’observe au travers
la baie vitrée de ma chambre d’hôtel, je reconnais les pas
d'Alana.

— Que fais-tu à 2h du mat dans une chambre d’hôtel ?


— J'avais besoin de réfléchir sur ce qui nous est tombé
dessus.
— Ici ? Ton immense maison t’empêche de réfléchir ?
— Alana !
— Ok.
— Du nouveau ?
— Les hommes ont trouvé quelque chose mais rien
d’encore clair. Ils continuent d’enquêter. Comment se
porte Inayah ?
— Plutôt bien, pour quelqu’un qui a failli mourir.

La sonnerie de mon portable nous interrompt. Alana me


l’apporte. Je décroche sans regarder l’écran.

— Oui ?
— « Où as-tu mis tes bonnes manières, Chris
IVANOV ? »
Cette voix ! Cet accent ! On aurait dit…

— « Quoi ? Tu as perdu ton latin ? Tu ne dis pas bonjour


à ton parrain ? »
— Je te croyais pourri sous terre entre les asticots ?
— « Je l'ai dit à ton défunt père, Romario GOMEZ ne
mourra pas sans avoir achevé sa mission sur terre. Et
cette mission, c’est d'en finir avec ce qui reste de la lignée
des IVANOV. J’espère que tu as apprécié mon show de
ce soir ? »
— C’était donc toi ?
— « En chair et en os. Oh ! Ne me remercie pas de vous
avoir gardé en vie, ta dulcinée et toi. Ce n’était pas
encore le moment d'en finir. Je vais d'abord t'en faire
baver et célébrer ta descente en enfer. Au fait, comment
va Inayah ? Pas trop eu de bobo je l’espère bien ? Je
tirerai sinon les oreilles à mes hommes. »

Je me retiens de dire quelque chose qu'il pourrait utiliser


contre moi.

— « Elle me plaît bien. Et si au lieu de la tuer, je la


prenais comme femme. Une aussi belle jeune femme ne
doit être veuve trop longtemps. Juste une journée et c’est
bon. »
— Tu peux l'appeler directement pour discuter de tout ça
avec elle. Je suppose que tu as déjà son contact ? Ou
veux-tu que je te le donne ?

Il rigole de sa vieille voix rouillée par la vieillesse.

— « Ne fais pas celui qui s'en fiche. Tu tiens à cette


femme plus que tu ne veux me le faire croire. Tu sais, je
t'ai beaucoup observé ces six derniers mois. J’ai appris
à te cerner. Mais ce soir, pendant votre dîner, j’ai eu la
confirmation que je voulais. Tu es obnubilé par cette
femme. »
— Si ça peut te faire plaisir de le penser.

Il rigole de nouveau.

— « Ton père, c’était mon meilleur ami et j’ai connu ton


grand-père. Tu regardais cette fille ce soir exactement
comme ton père regardait ta mère durant toute leur vie.
Pareil pour tes grands-parents. Vous avez tous le même
regard quand vous êtes amoureux. Et c’est ÇA le pire
défaut des IVANOV. Vous devenez faibles lorsque vous
aimez. Palvskov IVANOV s’est fait buter stupidement en
voulant protéger sa femme. Ton père Andreï n'a pas vu
venir sa mort parce qu’il était trop occupé à
s’amouracher avec ta mère. Ou plutôt, il ne m'a pas vu
venir. Les femmes vous rendent faibles et stupides. »

Raison pour laquelle je me refuse toute relation


amoureuse. Ça a détruit ma famille. L’amour rend faible,
même le plus fort des hommes.

— « Je vais te frapper là où ça fait mal. Très très mal. Tu


es intelligent, tu sais de quoi je parle. »

Il raccroche.

— Qui c’était, Chris ? me demande Alana.

Je lève de nouveau les yeux sur la ville.

— Renforce la sécurité autour d'Inayah.


— Pourquoi ?

Parce que mon pire ennemi veut frapper là où ça fait mal.


6

***CHRIS

« — Tu ne dois jamais fléchir devant qui que ce soit.


Même quand tu te sens défaillir, montre à tous que tu
restes le maître du jeu. Ce sera bientôt toi le Roi de
l’ombre. Tu dois être fort en tout temps. Tu dois maîtriser
absolument tout et tous. Tes ennemis, tu les gardes à
portée d’œil. Ne te fais jamais surprendre. Sois
redoutable, crains par tous. Ne leur montre jamais,
jamais, jamais, qu'il peut y avoir une quelconque affinité
entre eux et toi. Ce sont tes ennemis. Il n’y a jamais
d’amitié dans l'ombre. Juste des échanges de bons
procédés. M'as-tu compris ?
— Oui, Dark.
— A la première erreur de ta part, à une quelconque
petite faiblesse, ils te buteront et prendront ta canne en
or.
— Aucune faiblesse. Aucune erreur. Nikogda (Jamais, en
Russe).

Il sourit de satisfaction.
— Rentrons maintenant. Ta mère doit nous attendre avec
impatience.

Nous tournons dos à la falaise au bord de laquelle nous


nous tenions. Mon père a tenu à avoir une conversation
entre hommes avec son fils de 16 ans que je suis. Nous
avions eu ce genre de conversation en tête à tête mais
celle de ce jour m'a semblé différente. Il me parlait
comme si c’était la dernière fois. Il me parlait comme s’il
me donnait la place sur le trône alors que le fils ne peut
monter sur le trône quand le père vit encore. C’est vrai
qu'il se fait vieux mais ce vieux Russe tient encore debout
comme un jeune de 18 ans. Il me forme depuis mes 12 ans
à le remplacer à la tête de l’entreprise familiale. Je suis
issu d’une famille des plus grands mafieux qui ont pu
exister. C’est une succession. Je serai la quatrième
génération à diriger l'ombre. Le quatrième Dark. Je me
sens déjà prêt après toute la formation que j’ai reçue. Je
vais par moment avec mon père régler certaines affaires.
Alors oui, je suis prêt à prendre la canne.

Lorsque nous approchons de la maison, des bruits


d’armes nous font sursauter. Le chauffeur arrête la
voiture brusquement. Mon père regarde en direction de
la maison où les coups de feu continuent. Il ordonne au
chauffeur de m’emmener loin pendant qu’il descend de
la voiture.

— Papa, où vas-tu ?
— Chercher ta mère.
— Mais elle doit être déjà morte. Allons-nous-en.
— Je n'irai nulle part sans ma femme.
— Papa !

Il fait signe au chauffeur qui démarre et roule en marche


arrière. Je regarde mon père rentrer dans notre demeure
en sortant son arme de son dos.

— Arrête-toi ! j'ordonne au chauffeur.


— Le boss a dit…
— Je suis aussi ton boss alors tu m’obéis. Tu gares
maintenant.

Il obéit malgré lui. Je descends tout doucement et suis les


traces de mon père. Dans la cour, les corps des gardes
sont couchés çà et là. Je me faufile entre eux. Je crois que
cette histoire est en rapport avec hier. Mon père était
rentré avec du sang sur ses vêtements. Ensuite je l’ai
entendu se disputer avec maman toute la nuit. J’ai aussi
entendu le nom d'oncle Romario. Depuis quelques temps
ils sont en froid. Pire, je dirai qu’ils sont devenus
ennemis. Il y a deux gardes postés à l’entrée de la
maison. Je me baisse dans la pénombre et entre par un
autre accès. La voix grave d’oncle Romario est la
première que j’entends. Je le vois faire face à mon père
en lui pointant son arme. Deux hommes tiennent ma mère
et trois autres font juste le guet.

— Laisse-la partir, Romario. Tu sais pertinemment


qu’elle n’a jamais rien eu à avoir dans tout ça.
— Mon fils non plus.
— Il m’avait manqué de respect, ce petit enculé. Moi qui
lui ai torché le cul quand il était un échantillon humain.
Et ta connasse de femme n’était pas mieux.
— Que tu la tues elle, ça m’est égal. Mais mon gosse ?
Mon héritier. C’était à lui que revenait le trône de
l’ombre.
— Il était trop faible et tu le savais. Chris, lui, est prêt.
Pourquoi refuses-tu de le reconnaitre ? Ça ne t’a pas
suffi de me planter un couteau dans le dos, tu veux encore
voler le trône qui appartient à ma famille depuis
troisgénérations ? Chris en sera la quatrième. Que tu me
menaces moi, c’est une chose, parce que c’est moi ton
ennemi. Mais que tu menaces de t’en prendre à ma
femme, ÇA NON !
— Regarde comme cette femme te fait perdre tes moyens.
Toi qui as toujours été insensible et redoutable. Te voilà
qui défaillis à chaque fois qu’on menace de s’en prendre
à cette pute.
— Je ne te permets pas !

Mon père fait un pas mais il s’arrête très vite devant


l’arme d’oncle Romario.

— Tu veux tuer quelqu’un ? Vas-y ! Tue-moi !


— Non, c’est elle que je veux. C’est de sa faute. J’ai
menacé de la tuer et tu as fait disparaitre ma famille.
Mon seul et unique fils. Je vais donc te la prendre.

Il pointe son arme sur ma mère qui ne fait que pleurer.

— Non, non, non. Je t’en prie ne fais pas ça, supplie mon
père.

Je reçois un choc. C’est bien la première fois que


j’entends mon père supplier une personne.
— Je t’avais pourtant averti lorsque tu commençais à la
fréquenter, reprend oncle Romario. Je t’avais prévenu de
ne pas tomber amoureux. Mais tu n’en as fait qu’à ta tête.
— Ma vie privée ne te concerne en rien. Ce n’est pas de
sa responsabilité si tu m’as tourné le dos pour t’allier aux
Mexicains dans le but de me combattre. Ce n’est
nullement elle qui t’a dit de trahir ton meilleur ami. Tu
as tout simplement envié ma place et nous voilà
aujourd’hui.
— Oui, le trône ne doit appartenir à un homme qui se
laisse manipuler par une femme. Tu devenais la cible de
nos ennemis. Ils pouvaient t’atteindre par cette femme.
Nous avons tous une famille, d’autres en ont plusieurs,
mais l’amour pour nos femmes n’a jamais existé. La
règle c’est : On prend des arrivistes, on les épouse, elles
nous donnent nos héritiers et les prochains membres de
la League de l’ombre et c’est tout. PAS D’AMOUR. Toi
tu as pris une femme qui sortait de ce lot, tu es tombé
amoureux et tu as commencé à faire n’importe quoi. Tu
manquais des réunions parce que MADAME avait envie
d’un diner en amoureux. UN ROI N’EST JAMAIS
FAIBLE, MÊME DEVANT UNE BONNE FEMME.
— Elle ne m’a jamais empêché de conduire à bien la
League. Je reste malgré tout le plus fort de vous tous.
Oncle Romario rigole.

— On verra bien ça.

Il se rapproche de ma mère, sous le regard assassin de


mon père. Il glisse son arme sur sa joue.

— J’ai bien envie de me la taper avant de ta tuer.


— Ôte tes sales pattes d’elle.

Oncle Romario la retire des mains de ses hommes. Il la


ramène devant mon père et pointe son arme sur sa tempe.

— Tu veux que je l’épargne ?


— Laisse-la partir.
— Agenouille-toi devant moi.
— Tu as perdu la tête.

Il tire près des pieds de ma mère. Elle hurle de peur. Mon


père… également.

— ROMARIO !!! gueule mon père.


— A genoux, j’ai dit !

Mon père ferme ses poings. Ma mère commence à


supplier d’être épargnée. Elle n’a jamais aimé cette
partie de la vie de mon père. Elle espérait juste qu’un
jour il changerait. Je vois mon père faiblir devant les
larmes de ma mère.

— Andreï, tu m’avais promis que jamais rien ne


m’arriverait. C’était la condition pour que j’accepte de
t’épouser.

Mon père baisse la tête. Je le regarde attentivement,


curieux de voir comment il retournerait la situation. Je
déglutis quand il pose un genou au sol. Ensuite le
deuxième. Mon monde s’écroule. Cet homme qui n’a
cessé de me dire, depuis mon premier jour sur terre, de
ne jamais fléchir genoux devant qui que ce soit ; cet
homme qui m’a toujours dit que devant n’importe quelle
situation je devais toujours montrer que j’en reste le
maitre ; cet homme vient de s’humilier devant… un autre
homme ??? Pour… une femme ??? C’est la pire des
humiliations qui pouvait arriver à toute la lignée des
IVANOV.
Oncle Romario et ses hommes se tapent un fou rire. Mon
père relève la tête et m’aperçoit. Il me fait non de la tête.
Je comprends qu’il ne veut pas que j’intervienne malgré
l’arme que j’ai en ma possession.

— Tu vois, cette sorcière t’a rendu faible, conclut oncle


Romario.

Il se tourne vers ma mère et lui tire une balle dans la tête.


Mon père regarde avec horreur le corps sans vie de sa
femme tomber par terre.

— NOONNN !!!

Il rampe vers le corps et le prend dans ses bras.

— Je t’en prie, réveille-toi ! Ma perle, ouvre les yeux,


pour l’amour du ciel.
— Tu ne mérites pas la canne en or de la League.
— Allez tous vous faire foutre.

Mon père fonce sur lui en sortant son arme mais reçoit
vite une première balle dans l’épaule de la part de son ex
meilleur ami. Il recule de deux pas mais revient à la
charge. Il tire à son tour dans le ventre d’oncle Romario.
Ses hommes ne mettent pas du temps à réagir. Mon père
se fait cribler de balles sous mes yeux. Tout son corps en
fait les frais. Il finit par s’écrouler au sol. Malgré toutes
les balles reçues, il rampe vers le corps de ma mère. Il
prend sa main.

— Je te demande pardon.

Ce sont ses derniers mots avant de s’éteindre. »

J’ouvre les yeux et regarde le plafond plusieurs minutes


avant de me lever de mon lit. J’ouvre mon grand coffre
et j’en sors la canne en or. Cette canne représente mon
pouvoir dans la League. Je l’ai depuis mes 18 ans. Après
ma fuite cette nuit, je suis resté dans l’ombre pendant
deux années à relever de façon anonyme les affaires des
IVANOV. J’avais été trop bien formé pour échouer. Je
suis réapparu deux ans après en pleine réunion de la
League et devant tous, j’ai tiré une balle dans l’œil de
Romario. J’ai ensuite récupéré la canne qu’il avait volée
à mon père et j’ai repris la place qui me revenait. Je le
croyais mort. Faut croire qu’il a une putain de longue vie,
cet enfoiré. Maintenant qu’il est revenu, il voudra me
reprendre la canne. Il a toujours été obsédé par le pouvoir.
Il n’a pas hésité à se révolter contre mon père quand ses
compatriotes Mexicains lui ont fait une proposition
alléchante. Prendre la canne des mains des IVANOV
pour la remettre aux Mexicains qui gouverneront à jamais
la League, mais aussi toute la mafia américaine. Il savait
déjà où frapper pour y arriver.

Mon père a été faible à cause de ma mère. Moi je ne le


serai pas. Ma mère, je l’aimais. Mais la League passait
avant tout. Je me devais de relever le nom de ma famille
que mon père avait trainé dans la boue en perdant la tête
à cause d’une femme. Mon grand-père n’est pas mort
pour une femme, il a juste été distrait. Mais c’est tout
comme. C’est pourquoi je n’ai pas hésité à tuer mes
anciennes fiancées. Fallait que tous savent qu’au grand
jamais je ne cèderai à leurs chantages. Je dois éloigner
Inayah de moi avant qu’elle ne devienne un problème.
J’appelle de ce fait Alana à qui je confie une mission.

Je reste assis dans la salle de séjour à attendre Inayah à


qui j’ai exigé un tour chez le Docteur pour se rassurer
qu’elle n’ait rien eu comme mal dans son corps. Je bois
une gorgée de mon scotch en écoutant le bruit des
cliquetis de ses talons. Elle me rejoint comme j’avais
laissé l’instruction.
— Tu as demandé à me voir ?
— Qu’a dit le Docteur ?
— Tout va bien.

Je bois une autre gorgée.

— Prends ces documents, lui dis-je en indexant


l’enveloppe sur la table en verre.
— C’est quoi ? demande-t-elle en la prenant.

Elle sort le contenu.

— Un passeport ? Avec une nouvelle identité ? Un


chèque de plusieurs millions ?
— Pour te permettre de t’installer sans laisser de trace.
Un compte te sera ouvert une fois installée.
— De quoi parles-tu, Chris ?
— Tu t’en vas.
— Quoi ?

Je me lève et pose mon verre sur la table.


— Ton vol c’est pour 1h du matin afin de t’en aller
incognito. Tu ne devras plus jamais me contacter.

Je passe près d’elle en sortant.

— Je n’irai nulle part.

Sa phrase m’oblige à m’arrêter.

— Tu ne peux pas décider à ma place, continue-t-elle


dans mon dos.
— Je suis le maitre de tout ça, lui rappelé-je en me
retournant.
— J’ai aussi mon mot à dire.
— Non mais tu ne comprends pas que tu es en danger ?
— Et pourquoi ça ? Si je suis un pion que tes ennemis
pourront utiliser contre toi, tu n’as qu’à me tuer. Ça ne
sera pas ta première, non ? Tuer une compagne. Sois tu
me tues, soit tu me supportes. De toutes les façons, ma
vie n’aura plus de sens sans toi.
Elle jette l’enveloppe sur la table et part en direction des
marches. Cette fille ne me facilite pas la tâche. J’appelle
Alana.

— « Oui Chris ? »
— Trouves un moyen de me débarrasser d’Inayah. Elle a
refusé de s’en aller.
— « L’unique moyen que je vois, c’est de la tuer toi-
même pour être sûr que personne ne l’utilisera contre
toi. »

Je raccroche. Ça commence à me faire chier.

***INAYAH

Moi, partir loin ? Non mais qu’est-ce qu’il a cru ? Que


j’allais sauter dans cet avion et m’en aller loin de lui ?
Pas maintenant que je sens un rapprochement entre nous.
J’ai trop espéré un truc entre nous pour disparaitre
maintenant que les choses se dessinent. Il parle du fait
que ma vie soit en danger en oubliant que cette vie je ne
l’aurais plus s’il n’avait pas été là.

Je suis tirée de mes pensées par des coups sur ma porte.


— Oui ? je hurle sans aller ouvrir.
— Vous avez de la visite, Madame, m’informe Gab.
— Qui c’est ?
— Madame Shelby.
— Shelby ? dis-je doucement. Je descends, je hurle cette
fois à Gab.

Je suis surprise de savoir Shelby chez moi. Elle n’y avait


jamais mis les pieds auparavant car elle évite de croiser
Chris. Je descends les pieds nus tellement curieuse de
voir s’il s’agit réellement de mon amie. Elle se tient
effectivement près de la porte d’entrée. Elle souffle de
soulagement dès qu’elle me voit. Elle court vers moi et
nous nous enlaçons.

— Putain, ne me fais plus une telle peur, Aya.


— Je suis désolée.
— J’ai cru mourir en voyant les infos. J’ai tout de suite
pris le train pour rentrer. Comment vas-tu ? s’inquiète-t-
elle en me détaillant.
— Bien. Je n’ai absolument rien, je te le promets.
Elle parait plus soulagée.

— Viens, montons dans ma chambre.

Je ne lui laisse pas le temps de refuser. Je la tire par la


main et la conduis dans ma chambre. Je l’y installe et je
redescends nous prendre des amuse-bouche.
Confortablement installées dans mon lit, devant la télé,
nous prenons nos chips.

— Cette attaque dont vous avez été la cible me donne


raison quand je dis que cet homme met ta vie en danger.
— Je le sais. J’en étais consciente lorsque j’acceptais de
l’épouser.
— Inayah, tu dois t’éloigner de lui et refaire ta vie.
— Mais je l’aime.
— Mais tu risques de mourir.
— On mourra tous. Je préfère mourir à ses côtés que loin.
— Inayah !
— Nous avons fait l’amour hier.

Elle soupire.
— Je sens que je suis sur la bonne voie. Il commence à
m’aimer.
— Cet homme n’a jamais aimé personne. Regarde le sort
de ses précédentes fiancées.
— Ce n’est pas pareil. Je sens que je peux arriver à
toucher son cœur.
— Je t’aime, Inayah. Plus qu’une amie. Je ne veux pas
que tu te fasses d’illusion. Tu en mourrais sinon.
— Je le sais.

Elle me fait un sourire attendrissant.

— Ah, au fait, change-t-elle subitement de ton. Je


parcourais les commentaires sous notre dernière vidéo
sur TikTok et j’ai vu le commentaire d’un type qui
t’aurait reconnu depuis la Côte d’Ivoire.
— Ah bon ?
— Oui. Il a même laissé un long message. Dans tout le
jargon ivoirien qu’il a écrit, j’ai pu comprendre que ton
père serait gravement malade et qu’il serait abandonné
par toute sa famille. Sa femme et ses enfants y compris.
— Ça ne me concerne plus. Je ne suis pas de leur famille,
dis-je en croquant une chips.
— Tu devrais quand même jeter un coup d’œil à ce qu’il
a écrit, me conseille-t-elle en ouvrant notre compte
TikTok commun. Il a aussi parlé du fait que ton père ait
découvert que ses enfants, n’étaient pas réellement ses
enfants.
— Hein ? fais-je subitement intéressée par la
conversation. Fais voir ça.

Je lui arrache son portable et me rends directement dans


notre messagerie.

— C’est le premier message, m’informe-t-elle.

Je l’ouvre. Plus je lis, plus mon pouls s’accélère. En


résumé, mon père aurait découvert que Rose, Elvire et
Marcel ne sont pas ses enfants, il a fait une crise d’AVC,
s’en est suivie une autre maladie étrange. Une grosse
plaie qui lui boufferait la jambe. Ils auraient fait une
vidéo SOS pour demander de l’aide sur les réseaux
sociaux. Plusieurs personnes ont répondu en donnant de
l’argent pour certains et finançant des soins médicaux
pour d’autres. Mais plus on essayait de le soigner et plus
la plaie grandissait. La médecine l’a abandonné à son sort
et sa soi-disant famille a dilapidé les trois millions de
dons en espèces qui ont été récoltés. Il y a un lien en fin
de son message. Je clique dessus et ça me conduit sur
Facebook. Il s’agit d’une vidéo. On y voit clairement
Pauline et ses deux pouffiasses de filles qui pleurent près
de mon père allongé dans son lit. Voir mon père tout
amaigri et affaibli me chagrine malgré moi. Je voulais
pourtant être insensible. Mes émotions me prennent aux
tripes quand Pauline soulève le pagne qui couvre mon
père et montre la plaie sur son pied.

— Oh mon Dieu ! s’écrit Shelby. C’est horrible.

Une larme m’échappe. Je pose le portable.

— Ça va ?
— Pourquoi ça n’irait pas ? dis-je en m’essuyant les
yeux.
— Il s’agit de ton père.
— Il n’est pas mon père. Je n’ai pas de famille.
— Tu…
— Parlons d’autres choses, tu veux ?
— Comme tu veux. Mais en tant que ta meilleure amie je
me permets de te supplier de voler à son secours. Tu ne
dois pas garder de rancune contre qui que ce soit, pour
ton propre bien. Il est obligé de vivre avec des gens qui
ont causé sa perte. Je crois que la vie l’a assez puni de la
sorte.
— On se fait une autre vidéo ? dis-je subitement en
souriant pour passer à autre chose.

Shelby me regarde, dépitée. Sans attendre sa réponse, je


me lève et commence à apprendre un nouveau challenge.

*Mona
*LYS

J’ai pourtant essayé, durant ces deux jours passés,


d’oublier ce que j’ai vu et lu concernant mon père. Mais
c’était inutile car les images de ce dernier me hantent
continuellement. Malgré toute la colère que j’ai gardée
contre lui ces dernières années, je me rends compte, pour
mon plus grand regret, que je continue de l’aimer. Il reste
mon père. Même s’il a fini par me renier, je n’oublie pas
qu’à une époque de mon enfance, il a été le meilleur papa
du monde. Lui et moi c’était l’amour fou. Il me comblait
de cadeaux et de tout, jusqu’à ce qu’il épouse Pauline. Je
n’ai pas compris comment il a pu passer du père super
aimant à ce père rempli de colère envers moi. Du jour au
lendemain, il m’a rejetée, m’a abandonnée entre les
griffes de sa nouvelle femme qui était déjà enceinte
jusqu’au cou. Il a eu de nouveaux enfants et m’a reléguée
au rang de boniche dans la maison qui m’a vu naitre.

— Pourquoi pleures-tu, Inayah ?


— Quoi ?

Je relève la tête et au regard interrogateur de Chris, je sors


de mes pensées et me rends compte que j’ai les joues
mouillées de larmes. Je ne sais à quel moment je me suis
mise à pleurer.

— Je… je ne pleure… enfin, si. J’ai appris via les réseaux


sociaux que mon père était mourant. Et pour tout te dire,
je me déteste d’être triste pour lui. Oui quoi, il m’a jeté à
la figure que je n’étais rien pour lui. De tous les rejets que
j’ai eu à essuyer, le sien est celui qui m’a le plus brisé le
cœur. Puisqu’il a choisi sa femme plutôt que moi, bah
qu’il reste avec elle et leurs “enfants’’. Il n’a que ce qu’il
mérite.

J’essuies mes larmes qui n’ont cessé de couler durant tout


mon monologue. Je pique avec hargne dans mon steak.
Je le porte à ma bouche mais je me ravise. Je n’ai
finalement plus faim. Chris ne fait que me regarder sans
toucher à son assiette. J’ai tellement envie qu’il me
prenne dans ses bras, qu’il me dise quoi faire, qu’il me
dise qu’il m’aime.

MERDE !!!

J’avais réussi à me stabiliser mentalement mais voilà que


cette famille vient encore me mettre la tête à l’envers. Ces
gens ont toujours été source de soucis pour moi. En voici
la preuve.

— FAIS CHIER !!! je hurle en me levant tandis que mes


larmes reprennent leur danse sur mes joues. Je suis partie
loin de ces gens pour me reconstruire une nouvelle vie,
mais les revoici qui viennent m’emmerder. Pourquoi
diable ce mec m’a raconté tout ça ? Qu’est-ce que j’en ai
à foutre que monsieur Arsène DUBOIS soit à un pied de
la tombe ?
— Tu devrais te calmer.
— Ce dont j’ai besoin, c’est de me reposer. Oui ! Une
bonne nuit de sommeil et je passerai à autre chose.

Je vide mon verre de vin et je sors de la pièce avec rage.


Je ne vais pas laisser cette famille de merde troubler ma
quiétude.
SIX HEURES PLUS TARD

— Chris ? je l’appelle doucement en cognant la porte de


sa chambre.

Il doit être profondément endormi. Il est deux heures du


matin.

— Chris ?

La porte s’ouvre. Il apparait en jogging, le torse nu et les


cheveux en pagaille. Je souffle pour garder mes esprits
clairs.

— Qu’y a-t-il Inayah ?


— Je veux retourner en Côte d’Ivoire.

Il plisse les yeux.

— Je sais que si je n’y vais pas et qu’il arrivait à mourir,


je m’en voudrais toute ma vie de n’avoir rien fait alors
que j’en avais la possibilité mais surtout les moyens.
— Ok. Retourne maintenant te reposer. Tu auras besoin
de force pour affronter ton passé.

J’opine du chef et retourne dans ma chambre.

*Mona
*LYS

Nous arrivons sur le tarmac où m’attend le jet. Chris


m’accompagne jusque devant. Il a voulu venir avec moi
mais j’ai préféré y aller seule. Je veux être responsable et
affronter mon passé. Je veux que tout le monde sache que
je ne suis plus la même. Il a de ce fait demandé à cinq des
gardes de m’accompagner afin d’assurer ma protection
en cas de danger ou de souci.

— Tu es certaine que tu ne veux pas que je vienne ?


insiste Chris.
— Ouais ! Si j’en ressens le besoin, je te ferai signe.
— Bien.

Je me rapproche de lui et lui prends la main.


— J’aimerais qu’à mon retour dans une semaine, on parle
de nous deux. Ce qui s’est passé avant-hier n’était pas
anodin.

Il se contente de me regarder en gardant le silence.


Malgré mes hauts talons, je me hisse haut pour lui poser
doucement un baiser sur les lèvres. J’ai comme
l’impression qu’il se retient avec moi. Qu’il refuse de se
lâcher, d’exprimer réellement ce qu’il ressent. Je m’y
attarderai à mon retour. Une chose après l’autre.

CÔTE D’IVOIRE***ABIDJAN

Ça y est je suis de retour dans mon pays. Ce pays que j’ai


fui il y a deux ans. Ce pays dans lequel je suis recherchée
pour le meurtre de mon défunt mari. Ce pays qui m’a vu
verser toutes les larmes de mon corps. Je suis nostalgique
des bons moments de ma vie passée ici mais aussi des
pires. Je regarde, à travers la vitre teintée de la voiture, la
ville qui a beaucoup changé à certains endroits. J’aurais
aimé revenir dans d’autres circonstances. Sincèrement, je
n’ai jamais pensé revenir ici. Plus jamais. Ou peut-être
pas de sitôt.
Lorsque nous approchons du quartier où se trouve la
maison de mon père, j’appelle ce jeune qui m’a contacté
via TikTok. Je n’ai pas eu le temps de le prévenir que je
revenais. Je ne sais donc pas s’il est chez lui. Il est
d’abord surpris de ma présence. Il me confirme ensuite
sa présence chez lui qui n’est nulle ailleurs que la maison
juste à côté de celle de mon père. Il me prévient qu’il sera
arrêté devant sa maison pour que je puisse facilement le
repérer. Je le vois dès que Gab entre dans le quartier. Je
reconnais le visage. Je le voyais constamment dans le
quartier lorsque j’étais plus jeune et pas encore mariée. Il
fréquentait Rose pour qui il avait une attirance sexuelle.
Je me demande s’ils n’ont pas même couché ensemble.
Rose a très vite commencé à écarter les cuisses. Je crois
bien qu’il est âgé de moi de trois ans.

Je demande à Gab de garer juste devant lui. Je baisse la


vitre.

— Monte !

Il me regarde un moment avant de sourire.

— Oh c’est toi ? Je ne t’ai pas reconnue.


Il monte.

— Ah tu es bien venue dèh. Les gos-là s’apprêtent à fraya


du quartier.
— Elles quittent le quartier ? Pour aller où ?
— Je crois qu’elles ont eu une petite villa ailleurs. Elles
ont vendu la maison à un type qui revient de bingue. Il
doit aménager cette semaine.
— Et où est mon père ?
— Enfermé dans l’une des chambres, selon les derniers
papos qui me sont parvenus de la bouche de ma mère qui
est très copine à Pauline. Les frères de ton père doivent
venir le chercher avant que le nouveau proprio aménage.
Je crois qu’ils vont le conduire au village. Enfin, s’il ne
meurt pas avant parce qu’il est vraiment mal en point.

Un bruit dehors attire mon attention. Les meubles sont en


train d’être sortis de la maison. Je sors de mon sac à main
une liasse de billets de dollar que je compte avant de les
lui tendre.

— Merci pour tout. Prends ça. Ça doit tourner autour de


cent mille. Tu pourras les convertir à la banque.
— Waouh ! Vraiment merci la vielle-mère.
Comme l’argent donne du pouvoir. Mon grand-frère qui
m’appelle sa vieille-mère. J’aurais tout entendu dans ce
monde. Gab avance la voiture et gare derrière le camion
de déménagement. Le grand portail étant grandement
ouvert, j’entre sans grand problème. Mes hommes me
suivent comme mon ombre.

— Vous, reposez ça, j’ordonne aux déménageurs que je


rencontre dans la cour. Déposez tout et aller me ramener
tout ce qui est dans votre camion.
— Mais on nous a dit de tout mettre dans le camion, me
répond l’un d’eux.
— Et moi je vous dis de tout retourner où vous les avez
pris.
— Ahii !

Son collègue et lui marmonnent en retournant à


l’intérieur. Je peux entendre gueuler depuis l’intérieur.

— Mais pourquoi vous revenez avec les meubles ?


— Parce que je le leur ai ordonné.
Elle tourne la tête et son visage se décompose à la
seconde.

— Non, je rêve, murmure-t-elle.


— Du tout. Je suis bel et bien devant toi.

Rose, Elvire et Marcel apparaissent en rigolant. Trois


gosses courent entre eux.

— Maman on a…

Tous les trois se figent comme leur mère en me regardant


comme un fantôme.

— Inayah ? s’étonne Rose.


— Nous n’avons pas le temps pour les retrouvailles. Où
comptez-vous vous en aller sans papa ?
— Papa de qui ? me demande Rose avec dégout pendant
que les autres demeurent choqués. Pardon, ne nous lie pas
à cet homme.

Comme j’ai envie de lui donner une bonne correction.


Mais je me réserve ça pour plus tard.
— Mais maman, pourquoi les meubles reviennent,
questionne Marcel à sa mère.
— Parce que personne ne déménage, je lui réponds.

Pauline sort de sa torpeur.

— Tu sors d’on ne sait où et tu veux nous empêcher de


déménager ? Tu te prends pour qui ?
— Ne me provoquez surtout pas. J’ai dit personne ne
déménage. Nous resterons tous dans cette maison pour
prendre soin de papa. Où est-il ?
— Dans la chambre qui se trouve dans l’arrière-cour, me
répond Marcel.
— Elvire, tu m’y accompagnes.
— Mais il sent, se plaint cette dernière.

Je lui tourne le dos. Ce sont vraiment de gros ingrats.


Rejeter de la sorte cet homme qui a sacrifié sa vie pour
les mettre à l’aise. Ils iront tous pourrir en enfer. Elvire
m’ouvre la porte avec la clé et c’est une odeur de moisi
qui me frappe en plein nez. Je le couvre avec ma main.
La pièce est sombre. Il n’y a aucune ampoule. Grâce à la
lumière du jour, je vois le corps méconnaissable de mon
père perdu au milieu du lit. Non, ce n’est pas cet homme
qui m’a élevée. Il ne reste quasiment plus rien de lui. Le
passage d’une souris me fait tourner la tête. J’en vois
deux autres qui se faufilent entre la saleté. De la
nourriture pourrit dans des assiettes posées au sol. De la
poussière partout. Ce que je sens ressemble plus à une
odeur d’urine et de chiotte.

— Ça fait combien de temps que vous n’avez pas pris


soin de lui ?

Elvire n’ose me répondre. Elle baisse la tête.

— Inayah !

La voix très très faible de mon père me fait le regarder de


nouveau. Il a toujours les yeux fermés.

— Parait que depuis hier il ne fait que dire ton nom,


m’informe Elvire.

Il ne m’a donc pas oubliée ? L’émotion veut me


déstabiliser. Je referme la porte et retourne à l’intérieur.
Ils sont en train de débattre sur mon apparition.
— Bien, je vais départager les tâches, dis-je en m’arrêtant
devant eux.
— Inayah, nous devons déménager, me dit Pauline. Nous
avons déjà pris l’argent du monsieur.
— Je m’en fiche, Pauline. Tu vas, maintenant même,
nettoyer ce qu’il y a dans le pantalon de ton mari. Après
quoi, vous trois-là (désignant mes frères), vous irez lui
faire changer de chambre pour l’installer dans l’une des
chambres ici à l’intérieur. Ensuite vous ferez le nettoyage
dans l’ancienne chambre, pendant ce temps, toi Pauline
tu reviens lui donner une bonne douche et nettoyer sa
plaie avant que le Docteur n’arrive. Pour finir, tu vas lui
cuisiner son plat préféré et le nourrir.
— QUOI ??? s’écrie Pauline pendant que ses enfants se
plaignent dans les bavardages. QUI N’A QU’A ALLER
SE TUER POUR NETTOYER TOUT ÇA ?

Je tends la main à Gab qui me donne sa deuxième arme.


Je la charge.

— Vous allez vous occuper de lui comme il se doit, sous


ma surveillance et celle de mes gardes du corps. Sinon je
peux vous assurer qu’à chaque désobéissance, vous vous
prendrez une balle dans chaque partie du corps jusqu’à ce
que mort s’en suive. Je suis très sérieuse.
— Non mais, pour qui tu te prends ? continue de gueuler
Pauline. Tu nous donnes tous ces ordres pour nous
occuper de ton père, et toi, tu fais quoi dans tout ça ?

Je passe mon regard sur chacun, leur souris et je m’assois.

— C’est moi qui commande dorénavant.


7

***CHRIS

— Selon les dernières investigations, Romario aurait


quitté le pays pour le sien, avec tous ses hommes. Nous
n’avons plus rien à craindre pour le moment.
— Nous devons tout de même rester sur nos gardes.
— Effectivement, soutien Alana. Nos hommes sont sur
le pied de guerre. Inayah ne craint...

Mes pensées se perdent de nouveau. Sept longs jours


qu’il y a un grand vide dans la maison. Tout est si calme,
si vide, si sombre. Je ne ressens plus ce besoin urgent de
rentrer tôt à la maison pour dîner. Le chien également
ressent ce vide. Il dort dans la chambre de sa patronne
depuis son absence. Elle m'a contacté durant cette
semaine, mais j’ai juste fait l'indifférent comme toujours.

— Chris, tu m’écoutes ?
— Qu’est-ce que tu disais ?
— Tu penses à Inayah ?
— Pourquoi le devrais-je ?

Elle plisse les yeux.

— Pourquoi ne la rejoins-tu…
— Tu peux rentrer chez toi si tu n'as plus rien à me dire.
— Si…
— Si tu essaies de me pousser dans les bras d’Inayah pour
te donner bonne conscience avec ton type, tu te goures.
Je ne tomberai pas dans ces bêtises et toi et l'autre
couillon je vous tiens à l’œil. Rentre maintenant chez toi.

Elle fait la tronche et sort de mon bureau. Je reporte mon


attention sur mes dossiers urgents. Je suis dessus depuis
trois jours sans réellement savoir ce que je cherche. Peut-
être que je veux m’assurer de ne faire aucune erreur.
Assez pour ce soir. Je monte dans ma chambre, prendre
une douche rapide. J’opte pour des vêtements plus
amples. A bord de ma Ferrari, je sillonne la ville qui est
plus animée de nuit que de jour. Je finis par choisir une
destination.

Je reste garé devant la boîte de Shana sans arriver à me


décider à descendre. J’ai donné ma parole à Inayah de ne
plus fréquenter Shana. Elle serait sans doute furieuse de
découvrir que je n’ai pas tenu à ma parole. Je démarre et
quitte finalement les lieux. J'appuie sur une touche de
mon kit mains libres accroché au volant.

— « Allô Boss ? » me répond Ben, mon chef de sécurité.


— Préparez le jet. Je pars en Côte d’Ivoire rejoindre ma
femme.
— « Tout de suite, Boss. »

Je raccroche et appuie sur le champignon. Si je n'y vais


pas, je n'arriverai à me concentrer sur rien.

***INAYAH

Avec espoir, j’assiste le Docteur qui examine mon père


pour la énième fois depuis que nous l’avons transféré
dans cette clinique. Il ne s'est toujours pas réveillé de son
état comateux dans lequel il est depuis cinq jours. Les
examens n’ont encore rien montré. J'en suis perplexe. Ne
rien découvrir retarde son traitement. Ce qui retarde par
la même occasion mon retour aux États-Unis. J’avais
pourtant prévu faire juste une semaine mais là, je vais
rentrer dans la deuxième. Mon homme me manque. Je
veux retourner à ses côtés. Je veux y retourner pour le
convaincre de nous donner une chance. Je sais que, même
s'il n'est pas amoureux de moi, il ressent un tout petit peu
d’attirance pour moi. J’ai tellement hâte de le revoir.

Le Docteur me fait signe de le suivre dehors.

— Les résultats des derniers examens n'ont encore rien


révélé. Hormis les séquelles de son récent AVC, nous ne
pouvons réellement dire ce qu’il a. Je parle surtout de
l’origine de l’ulcère qu'il a au pied.
— Qu'allons donc nous faire ?
— Nous lui avons de nouveau fait passer des examens
mais nous allons commencer un traitement pour voir
comment les choses se présentent.

Il pousse un soupir.

— Vous me permettez de vous dire quelque chose ?


— Allez-y, Docteur.
— Je ne sais pas si vous y croyez mais, je pense que le
cas de votre père doit être plus spirituel que physique.
— C’est-à-dire ?
— Que votre père a sans doute reçu un sort. Un
envoûtement, pour être plus précis.
— Hum ?
— Je dis tout simplement ce que je ressens. Continuons
cependant à espérer que les résultats des examens
montrent quelque chose de plus clair. Veuillez
m’excuser.

Les suspicions du Docteur me troublent mais surtout me


font réfléchir. Si mon père est victime de magie noire, de
qui cela peut-il venir ? D’un de ses frères ? De Pauline ?
Cela ne m’étonnerait pas d'elle. Elle est vile et sans cœur.
Ça ne m’étonnerait pas qu'elle soit en plus une sorcière.
Je sens que j'aurai du fil à retordre durant mon séjour.

Gab me fait signe qu’il a récupéré mon dîner, alors nous


rentrons à la maison. Je ne mange pas les repas cuisinés
par Pauline et ses filles. Avec ces vipères, faudrait pas
prendre de risque. Elles pourraient m'empoisonner. Je les
connais que trop bien.

J’exige que nous soyons toujours réunis à table pour


prendre les repas. Je pouvais bien m’en passer, mais ça
me fascine de voir le pouvoir que j’ai sur eux. Ils ne
peuvent plus rien contre moi. C’est moi qui donne les
ordres et eux qui les exécutent. Ils n'ont pas d'autres choix
de toute façon.

— Tata, on veut voir pépé, me dit l’un des enfants


d’Elvire.

En effet, son mari l'a répudiée avec leurs trois enfants


pour s’installer avec sa maîtresse. Elle ne faisait rien
comme activité. Elle s'est retrouvée à la rue sans rien. La
maison familiale a été son seul recours.

— Très bientôt, chéri, lui dis-je avec un sourire.

Les enfants sont les seuls avec qui je m'entends, avec qui
je rigole. C’est d’ailleurs eux la raison pour laquelle je
donne l’argent de la popote. Ils ne doivent pas subir les
conséquences des bêtises de leur famille. De ce que j’ai
cru comprendre, Rose a fait un gosse dans le dos d’un
homme marié qui visiblement voulait juste du plaisir
avec elle et rien d'autre. Il a dû l’abandonner avec sa
grossesse pour se trouver une autre pute. Elle a fini par
avorter. Marcel quant à lui s'est fait rapatrier après qu’il
ait été pris la main dans le sac en train de dealer de la
drogue dans la rue. En gros, ils ont tous payé pour leurs
méchancetés. Comme on le dit, le mal qu’on fait aux
autres nous revient toujours à la figure.

— Au fait Pauline, dès demain tu ajouteras à tes tâches


les soins de papa. Tu iras dorénavant nettoyer sa plaie et
l'essuyer. D'autres personnes ne devraient pas s'en
charger alors qu'il a une épouse qui ne fout rien de ses
journées.
— Inayah, respecte-moi hein. Je suis ton aînée. Je peux
être ta mère. Et je le suis pour t'avoir élevée. Tu es l’aînée
des enfants donc si quelqu’un doit faire ce travail, c’est
bien toi.
— Aurais-tu oublié que je ne suis pas une DUBOIS ? Je
ne suis rien dans cette famille.
— Tu fais quoi donc ici avec tes grands airs ?
— La reconnaissance, tu connais ? Je reste
reconnaissante à cet homme qui a pris soin de moi et m'a
donné de l'amour avant que tu ne fasses irruption dans sa
vie.
— Maintenant les ordres que tu donnes aux gens à tout
moment viennent d’où ?
— Du pouvoir, très chère, dis-je le sourire en coin. Je
détiens le pouvoir.
Elle me fusille du regard. J’adore la foutre en rogne.
J'aime quand elle perd ses moyens devant moi.

— Ina, m'appelle Marcel, et pour mon concours là c’est


comment ? Les inscriptions ont déjà débuté. Et puis tu
n'as qu’à t'arranger avec les chefs pour que mon nom soit
inscrit sur la liste des officiers retenus. Tu sais que mon
rêve a toujours été d’être policier oh. Voici là la bonne
occasion. Je ne dois pas…
— Cessez de m'emmerder avec vos problèmes, Marcel.
Je ne suis pas là pour ça.

Je regarde Rose et Elvire qui ont gardé silence tout le long


du dîner. Ces deux-là perdent leurs langues lorsque je
suis présente. C’est un peu comme si elles avaient
conscience que je pourrais faire abattre ma fureur sur
elles donc elles préféraient éviter de me provoquer. Je
sais néanmoins que dans mon dos, elles complotent avec
leur mère contre moi. J'ai hâte de découvrir ce qu'elles
comptent me faire.

Mon sommeil est tourmenté. Depuis que j’ai fait ce rêve


dans lequel je voyais Pauline et ses filles comploter pour
tuer mon père, je ne parviens plus à dormir
profondément. Mon sommeil s'entrecoupe chaque trente
minutes. Je bois un verre d'eau et me recouche en
espérant cette fois parvenir à dormir. Je me réveille de
nouveau. Couchée sur mon ventre, je jette un coup d’œil
et je remarque que j’ai pu dormir pendant deux heures de
temps. J’ai une subite envie d’appeler Chris. Entendre sa
voix me ferait tellement de bien. Il doit sûrement faire
jour là-bas. Je récupère mon portable en m’asseyant. Je
sens tout à coup un regard sur moi. Je lève la tête et…

— OH MON DIEU !!!


— Désolé ! Je ne voulais pas te faire peur.

Je reconnais la voix avant même de rallumer la lumière.


Il est debout, dans un coin de la pièce, à me regarder.

— Chris ? Que fais-tu là ?


— Rendors-toi ! On parlera lorsqu'il fera jour. Tu m'as
l'air bien fatigué.

Je suis tellement heureuse de le voir que je sors du lit. Je


me jette quasiment sur lui. Je l’enlace tellement fort que
je l'entends geindre doucement.

— Désolée. Je suis si contente de te voir.


— Comment vas-tu ?
— Bien. Maintenant que tu es là. Viens.

Je le tire par le bras comme un enfant et l’incite à me


rejoindre sur le lit.

— Comment va ton père ?


— Rien de nouveau pour l’heure.

Je souffle en me souvenant des propos du Docteur. Je lui


relate les derniers événements et le rêve que j'ai fait cette
nuit.

— Tout ce que je souhaite là maintenant, c’est qu’il se


réveille, aille mieux pour que je parte d’ici. Je ne supporte
plus cette femme et ses enfants. Être ici me rappelle
tellement de mauvais souvenirs.
— Toujours rien du côté de la justice concernant la mort
de ton défunt mari ?
— Rien. Aucune plainte n’a sans doute été déposée.
Sinon connaissant Pauline, j’aurais déjà reçu la visite de
la police dès mon premier jour ici.
— Tu m’as l’air vraiment épuisée. Remets-toi au lit.
— Où sont tes affaires ?
— A l’hôtel. J’y retourne. On se revoit plus tard.
— Non, reste, s’il te plaît ! dis-je en lui prenant la main.
Reste ici avec moi. Ta présence me fera du bien.
— Tu sais que…
— Oui je sais que tu n’aimes pas cohabiter, encore moins
avec des inconnus. Mais j’ai vraiment besoin que tu sois
là. Je te veux à mes côtés.
— Tu peux me rejoindre à l’hôtel.
— Si je pars de cette maison, il est clair que Pauline et
compagnie cèderont cette maison à l’acheteur qui
patiente toujours et ils disparaîtront. Je veux les garder à
l’œil pour éviter toute surprise. Tu ne seras pas obligé de
passer tes journées ici. On sortira ensemble et on rentrera
ensemble.

Il promène son regard. Je lui en demande trop, j’en suis


consciente. Il m'a beaucoup trop manqué pour que je le
laisse aller à l’hôtel.

— On fera comme tu veux, se résigne-t-il.


— Merci !

Si la première partie de ma nuit se résumait en une série


d’insomnie, dans la deuxième, j’ai pris plaisir à ne pas
dormir car je l’ai passée à contempler Chris. Il était
tellement fatigué par le voyage qu’il s’est endormi à la
seconde même où son dos a touché le lit. C’est la
première fois depuis que nous nous connaissons que nous
partageons le même lit. Je ne veux plus que ça s’arrête.
Si seulement nous pouvions garder cette proximité de
retour chez nous. Je garde cependant espoir. Je le sens
que les choses changeront entre nous les jours à venir.

Je finis par sortir du lit et le laisser tout seul endormi. Je


descends vérifier si les hommes ont ramené de l’hôtel le
petit sac de voyage de Chris. Après l’avoir récupéré chez
Gab, je reviens à l’intérieur.

— Inayah ! m’appelle Pauline.


— Quoi ?
— Le nouveau propriétaire de la maison a encore appelé.
Il s’impatiente.
— Je n’ai peut-être pas été assez claire la dernière fois.
Cette maison n’appartiendra à personne d’autre que
Arsène DUBOIS. Ce sera à lui et uniquement à lui de
décider de son sort. Alors toi et ton proprio, allez vous
faire foutre.
— Nous avons déjà pris son argent.
— Redonnez-le lui.
— Ce n’est pas possible. Nous avons déjà payé la caution
d’une autre maison et fait d’autres dépenses. Nous
devons libérer cette maison au risque de finir en prison.
— Vous irez en prison, Pauline. Vous allez y pourrir.

Rose déboule toute furieuse derrière sa mère.

— Je commence par en avoir marre de ton insolence.


Pour qui tu te prends au final ? Malgré ta nouvelle
fortune, tu ne seras jamais rien d’autre que la pauvre
idiote issue d’une des nombreuses parties de jambes en
l’air de sa prostituée de mère.

Ma main s’abat sur sa joue à la seconde même où sa


phrase finit. Je souris de soulagement.

— C’est fou comme j’en mourrais d’envie.

Son insulte m’a glissé sur le corps. Je voulais juste la


taper. Elle vire au rouge. Elle forme ses poings et fonce
sur moi. Mais s’immobilise aussitôt en fixant un point
derrière moi. Pauline ouvre grand la bouche en regardant
aussi derrière moi.
— Seigneur Jésus Marie Joseph, murmure Elvire qui fait
son apparition en fixant sans doute le même point que les
deux autres.

Je comprends ce qui se passe en humant le parfum hors


de prix qui m’a enveloppée. Elles regardent toutes Chris
qui descend les escaliers. Je le sens se rapprocher et
s’arrêter juste dans mon dos. Sa présence me confère
encore plus de pouvoir.

— Bonjour, les salue-t-il.

Pauline et Elvire répondent difficilement. Rose quant à


elle est toujours hypnotisée par Chris.

— Je me suis réveillé et je ne t’ai pas vue ? me dit


doucement mon mari. Tout va bien ?
— Oui. J’étais descendue récupérer ton sac. On remonte.
— Donc Inayah, c’est pour venir jouer les putes que tu
nous interdis de vendre la maison ? se plaint tout
bêtement Pauline.
— Idiote, c’est mon mari. Tu crois que le diamant sur
mon doigt c’est pour faire joli ?
Elles tombent toutes de haut. Je prends la main de Chris
et nous retournons dans la chambre. Il part se préparer
dans la salle de bains avant de me céder la place. Ce doit
être étrange pour lui de se doucher dans une salle de bain
aussi minuscule, lui qui a l’habitude des grandes.
Heureusement que j’avais fait changer la pompe d’eau
pour une qui distribue aussi de l’eau chaude.

De la maison nous nous sommes rendus à un café pour


prendre le petit déjeuner. Nous n’avons échangé de mot
depuis. Chris ne fait que recevoir des appels pour le
boulot. Les deux types de boulot qu’il gère, je veux dire.
Il raccroche enfin.

— Si tu as du boulot, tu peux rentrer tu sais.


— Alana s’en occupe et pour les autres, je ne paie pas un
salaire conséquent à mon Directeur Adjoint pour qu’il
chôme.

C’est maintenant mon portable qui sonne.

— C’est le Docteur qui s’occupe de mon père, dis-je à


Chris avant de décrocher. Bonjour Docteur.
— « Bonjour Madame IVANOV. Votre père a enfin
ouvert les yeux. »
— Vraiment ? Mais c’est génial ça. Je viens de ce pas.

Je raccroche et Chris se lève sans attendre mon mot


d’ordre. Il laisse deux billets de dix mille sur la table, ce
qui dépasse largement notre consommation. C’est le
serveur qui sera heureux de son pourboire. C’est avec un
visage rayonnant que le Docteur nous accueille.

— Comment va-t-il ?
— Il a l’air de mieux aller. Il vous a demandée.
— Il m’a demandée ? Vous lui avez dit que j’étais là ?
— Du tout. Il a affirmé avoir ressenti votre présence.
Vous pouvez aller le voir.

J’y vais avec hâte. Dès que j’ouvre la porte de sa


chambre, je croise son regard. Je ne sais plus comment
réagir. Dois-je être distante en souvenir de tout le mal
qu’il m’a fait ? Ou dois-je lui tomber dans les bras ?

— Ma petite chérie, dit-il d’une voix faible et brisée par


l’émotion. Je te demande pardon. Je t’ai fait tellement de
mal et je le regrette amèrement. J’en paye les
conséquences aujourd’hui. Pardonne-moi. Au nom de
l’amour qu’il y a une fois eu entre nous.
Voir ce vieil homme fragile pleurer à chaudes larmes me
fait craquer. Comment être insensible à ça ? Je cours me
jeter dans ses bras.

— Arrête de parler, papa. Je ne t’en veux pas. Tu restes


mon père malgré tout.

Nous pleurons l’un dans les bras de l’autre quelques


minutes avant de nous séparer.

— Comment vas-tu ? je demande à mon père en me


nettoyant les joues.
— Mieux, maintenant que je te vois. Après tout ce qui
s’est passé, je n’ai fait qu’implorer le ciel de me permettre
de te voir une dernière fois avant de tirer ma révérence.
Pauline m’a eu. Elle m’a éloigné de ceux qui m’aimaient
réellement pour s’accaparer de mes biens après m’avoir
tué.

Ses mains se mettent à trembler.

— Tu dois te ménager. Tu te réveilles d’un long coma.


— Je te dois des explications. Ta mère n’était pas une
femme légère comme nous l’a fait croire Pauline. En
réalité, lorsque nous étions encore mariés, ta mère et moi,
c’était Pauline qui me rapportait que ta mère sortait avec
untel. Ta mère se défendait à chaque fois mais Pauline
savait tellement manipuler les événements que ça lui
donnait raison. Puis elle est tombée enceinte de toi. A
force d’accusation, ta mère, dans un ras-le-bol, m’a
confirmé les accusations de celle qui était sa meilleure
amie. Aujourd’hui, je comprends juste qu’elle en avait eu
marre d’essayer de me faire entendre raison. Puis tu es
née et je t’ai tout de suite aimée bien que je croyais ne
pas être ton père. La mort de ta mère m’a encore plus
rapproché de toi. Tu n'as pas oublié combien je t’aimais,
hein ?
— Comment oublier ? dis-je la gorge nouée. C’était les
plus beaux moments de ma vie.
— Je te demande pardon d’avoir tout gâché. Je te
demande pardon d’avoir trompé ta mère avec Pauline
malgré que nous étions encore mariés. Je n’ai jamais eu
la force de la répudier. J’avais tout simplement décidé de
me venger en sortant avec sa meilleure amie. Ta mère en
est morte. Cette dernière s’est installée un an après les
obsèques de ta mère pour éviter les regards des gens et
sans que je ne me rende compte, je commençais à
m’éloigner de toi et te mépriser sans le vouloir. J’étais
tout simplement envoûté par cette femme. Elle me
voulait pour elle seule et ses bâtards dont elle a osé
m’attribuer la paternité. Je découvre trop tard toute la
vérité. Je les ai tous mis à la porte et entrepris les
démarches pour le divorce. C’est ainsi que je me réveille
un matin complètement paralysé et avec une plaie qui n’a
cessé de grandir jusqu’à ce jour. Elle veut me tuer pour
que ses enfants héritent de tout. Tout ce qui te revient. Je
vais mourir.
— Ne dis pas ça.
— Je vais réellement mourir, Inayah. Je le sens. Mais je
voulais te demander de ne pas les laisser gagner. J’ai un
peu d’argent sur un compte bloqué. Contacte mon
gestionnaire, il te dira la démarche à suivre pour…
— Papa, papa, stop. Oublions ça pour le moment. Je ferai
tour ce que tu veux mais concentrons-nous d’abord sur
ton état de santé. C’est le plus important. Lorsque tu iras
mieux, on s’occupera des autres.
— C’est compris, ma fille.

Il me caresse la main et sourit.

— Tu es devenue encore plus belle. Où étais-tu tout ce


temps ?
— Une longue histoire, papa. Je te la raconterai plus tard.
La nuit tombée, Chris vient me chercher pour que nous
rentrions. Je fais les présentations avec mon père qui est
très ravi de le rencontrer. Nous nous en allons juste après.
Nous débouchons sur un rond-point quand le chauffeur
freine brusquement. Je jette un coup d’œil à l’extérieur et
je vois qu’il a manqué de renverser un homme en fauteuil
roulant. Le chauffeur descend s’assurer que tout va bien.
En observant la scène, mon sang fait un tour dans mon
cerveau.

— Sébastien ???

Non, je n’ose pas le croire. Il n’est pas mort ? J’ouvre la


portière.

— Où vas-tu ? me questionne Chris.


— Je crois que c’est Sébastien. Mon… mari.

Mon mari ? A y réfléchir, il demeure mon mari puisqu’il


n’est pas mort. Je me tourne vers Chris dont le regard
s’est assombri.

— Si tu descends de cette voiture, je pars sans toi.


— Je dois lui parler, s’il te plaît !
Je descends sans prendre la peine d’attendre sa réponse.
Je suis trop sous le choc pour réfléchir convenablement.
J’ai encore plus ma confirmation en me rapprochant de
Sébastien.

— Mon Dieu ! Sébastien ? Est-ce bien toi ?

Lorsque ses yeux rencontrent les miens, la honte se


dessine tout d’abord sur son visage avant de laisser place
à la panique.

— Inayah ? Non, non. Tu ne dois pas me voir comme ça.


Non ! Ne me regarde pas. Non !

Il fait une manœuvre avec son fauteuil et s’aventure sur


la voie.

— Attends ! Sébastien.

Il traverse à vive allure, manquant de se faire renverser.


Je suis partagée entre le suivre et retourner dans la
voiture. Je suis mon premier instinct. Je lui cours après.
Je traverse malgré le feu passé au vert. Je fais signe aux
voitures de s’arrêter. Il maîtrise son fauteuil dis donc,
pour aller aussi vite. Je réussis à le rattraper et le retiens
par les manches arrières de son fauteuil.

— Arrête-toi, s’il te plaît !


— Que me veux-tu ?
— Parler. Je te croyais mort.
— Ça aurait été mieux que d’être dans cet état. Que d’être
aussi minable devant toi.

Il se met à pleurer. Je tombe des nues. Qui aurait cru


qu’un jour les rôles seraient inversés ? Lui en pleurs,
devant moi toute puissante. La vie et ses surprises. Je le
regarde avec beaucoup plus d’attention et ce qui me
frappe en premier c’est son apparence piteuse. Les
sandales qu’il a aux pieds sont finies et coupées sur
certains côtés. Ses cheveux et sa barbe sont très mal
entretenus. Ne parlons pas de ses vêtements qui sont bons
à être jetés à la poubelle. Un homme s’approche de nous.

— Sébastien, tu allais rentrer sans prendre ta part.

Il tend une pièce de cinq cents FCFA que Sébastien prend


avec beaucoup de gêne. L'homme me salue et part.
— Je dois rentrer, Inayah. J’ai des médicaments à
prendre.
— Nous devons…
— Nous n’avons rien à nous dire. Tout est pourtant clair.
Je paye pour ma méchanceté envers toi et toi tu es
récompensée par ton cœur si pur. J’espère que tu
trouveras un jour la force de me pardonner afin que je
repose en paix.
— Je ne te déteste pas, Sébastien. A une époque oui, mais
plus maintenant. Je…

Je cherche mes mots mais je suis de plus en plus


embrouillée.

— Les regrets, Inayah. C’est la pire chose qui puisse


exister.

Il tourne son fauteuil et s’en va. Je veux le retenir. Savoir


ce qu’il devient, lui venir en aide si possible. Mais je dois
aussi retourner auprès de Chris. Je le laisse donc s’en
aller. Je retourne sur mes pas mais remarque que la
voiture n’est plus là. Il est aussi parti. Un garde se tient
juste devant moi avec mon sac à main. Je me rends
soudainement compte que je me suis retrouvée ce soir
entre mes deux maris.

***ROSE DUBOIS

Je suis amoureuse. Je n’en reviens pas moi-même. Jamais


je n’avais ressenti ce que j’ai ressenti lorsque mon regard
s’est posé sur cet homme. Sa carrure, son physique
imposant et son regard grisant, m’ont scotchée sur place.
Je n’arrivais plus à placer un mot. De toute la journée je
suis restée silencieuse. Et ses yeux bleus ! Bon Dieu !
Rien que de penser à lui, j’ai les poils qui se hérissent. Où
est-ce qu’Inayah a déniché cet homme ? Cette stupide
fille a toujours eu le chic d’attirer de vrais hommes
contrairement à moi qui n’attire que des va-nu-pieds. Je
me souviens de cette époque où des hommes passaient
par moi pour essayer de se rapprocher d’elle. Bien-
évidemment, je ne disais jamais rien à Inayah. Jamais elle
n’a su que des hommes d’une certaine classe sociale la
convoitaient. Je leur disais à chaque fois qu’elle avait été
maudite et que tout homme qui s’approcherait d’elle
mourrait. Ça suffisait pour tous les faire fuir. Elle a pu
avoir Sébastien parce qu’il se sont rencontrés
directement, sans que je ne le sache. Mais quand j’ai su
pour eux, je me suis arrangée à le faire tomber dans mes
filets. Il m’était inconcevable qu’une analphabète comme
elle puisse réussir dans tous les domaines de sa vie
pendant que moi je glanais encore. Elle devait être la
dernière de nous tous. Aujourd’hui elle a de l’argent et
du pouvoir, mais je vais me charger de la faire descendre
de son piédestal. Je m’en fais la promesse.

Je regarde la pommade prescrite par le charlatan que


maman et moi fréquentons depuis des années en arrière.
Ma mère entre dans la chambre que je partage avec
Elvire.

— Tu es déjà revenue ?
— Oui maman. Il m’a remis une pommade que je dois
me frotter sur le corps avant de le toucher.
— C’est bien. Cet homme est beaucoup trop bien pour
cette moins que rien. Je me demande encore ce qu’il lui
a trouvé d’agréable pour faire d’elle sa femme. Avec
l’odeur de poisson pourri qui la suit depuis son
adolescence.
— Une vendeuse de poisson, c’est ce qu’elle est et c’est
ce qu’elle doit rester.
— Nous devons vite agir pour nous débarrasser d’elle
avant qu’elle ne fasse échouer nos plans. Je n’ai surtout
pas d’argent pour rembourser l’homme qui a acheté cette
maison. Nous devons trouver une solution au plus vite.
— Si ce blanc tombe dans mes filets, nous ne craindrons
plus rien. Je suis certaine que c’est grâce à lui qu’Inayah
vit dans cette opulence. S’il la quitte, elle n’aura plus rien.

Nous entendons des bruits dehors. Je le vois à travers la


fenêtre qui descend de sa voiture. Le voir me motive deux
fois plus à aller au bout de mon plan. Il est rentré sans
Inayah. Encore une bonne chose.

— Il est là.
— Vas-y donc, ma fille.

Je me frotte la pommade sur tout le corps. Je sors et je


cours vers la porte d’entrée. Dès que je l’aperçois, je fais
semblant de trébucher et je lui tombe dessus. Il me
rattrape mais me repousse aussitôt.

— Oh Seigneur ! Je suis vraiment désolée, dis-je en


faisant semblant de tituber encore.

Je m’arrange à me frotter contre lui bien qu’il essaie de


me repousser. Il n’est pas content de mon manège mais
je m’en fiche. Je finis par me reprendre.
— Encore désolée. Je retourne dans ma chambre.

Je lui tourne le dos en prenant le soin de bien remuer mon


bassin.

— C’est fait, dis-je à ma mère quand je la rejoins dans la


chambre.
— C’est bien. Je m’en vais avant qu’il ne vienne vers toi.

Elle sort de la chambre et la minute d’après, on frappe à


ma porte. Le sourire aux lèvres, je vais ouvrir après avoir
retiré mon haut et mis à découvert ma voluptueuse
poitrine. C’est bien lui. Il est là, debout dans tout son
charisme devant moi. Son regard descend sur mes seins
et remonte d’une manière tellement séduisante sur mon
visage. Je souris.

Inayah pense avoir le monopole du pouvoir. Je vais lui


montrer que j’en ai également.
8

***JEOFFREY

J’ai dû interrompre de toute urgence ma réunion avec mes


responsables pour me rendre chez ma mère. Je n’ai pas
eu d’autre choix vu la manière dont elle harcelait presque
mon assistante pour qu'elle me demande de passer dans
l’immédiat chez elle. J’espère qu’il s’agit d’une chose
importante, parce que si c’est encore un de ses caprices,
je ne répondrai plus de moi. Elle a conscience que j’ai
horreur d’être dérangé quand je suis au boulot. Je ne
badine pas avec mon travail. Il y va de la survie de mon
entreprise. Je gare près de la voiture de Marc. Le savoir
présent ne présage rien de bon. Je les retrouve dans la
grande salle de séjour. Ma mère bondit sur ses jambes
quand elle m’aperçoit.

— Jeoffrey DAVIS, je te savais tête de mule et prêt à tout


pour me contrarier mais je ne pensais pas que tu irais
aussi loin.
— C’est quoi le souci, maman ?
— Ce n’est pas un souci. C’est une tragédie.
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
— Il y a que tu vas finir par me faire faire une attaque.

Je souffle.

— Bon maman, tu vas devoir être plus claire là. Je dois


retourner bosser. C’est quoi le souci ?
— Une criminelle. Il y a que tu veux faire entrer une
mafieuse dans ma famille.

Je regarde Marc qui sirote son verre comme si de rien


n’était.

— N’y avait-il pas de femme décente dans ton


entourage ? Femme de bonne moralité ? A défaut de me
ramener une héritière ?
— Maman…
— Il a fallu que tu t’entiches d’une vendeuse de drogue
et criminelle. La mafia russe, c’est dans ça que tu veux
nous mettre ?
— Je vois que Marc t’a bien renseignée ? je relève en
négligent un regard du côté de ce dernier.
— C’est donc vrai ?
— La vérité est relative, maman.
— C’est ce que tu me réponds ? Est-elle oui ou non dans
la mafia avec son frère ?
— Bien-sûr qu’elle l’est, répond Marc. Qui ne connaît
pas les IVANOV ?

Ma mère se tient la tête. Qu’est-ce qui me retient de lui


en coller une, à ce cousin merdeux ?

— En gros, toi tu mets une distance avec la famille puis


quand tu décides de revenir, c’est pour foutre le bordel
dans ma vie ?
— Je veux tout simplement t’aider, mon cher cousin.
L’amour te fait déraisonner. Si tu t'unis à ces gens, le sang
qu’ils versent te tombera dessus et tu finiras en prison.
Cette garce ne méri…
— Je t’interdis formellement de la qualifier ainsi, je
gronde en m’approchant dangereusement de lui.

Il se lève.

— Sinon quoi ? me défie-t-il en se tenant sur ses jambes.


Tu vas me tuer ? Ont-ils déjà influencé tes bonnes
manières ?
— Tu vas regretter de me défier.
— Tu me remercieras plus tard quand je t’aurai sauvé des
griffes de ces gens.
— Commence d’abord par te libérer des griffes du passé
qui te bouffent ta vie et t’ont rendu si minable.

Il devient tout rouge de colère.

— Tu fais pitié, Marc. Et retiens que moi vivant, tu ne


toucheras jamais à un seul cheveu d’Alana. Mafieuse ou
pas.
— J’aimerais bien voir comment tu me stopperas.

Nous nous affrontons du regard. On verra bien qui


baissera le sien en premier. Ça ne sera certainement pas
moi. Ma mère met un terme à cette guerre du regard en
se plaçant entre nous.

— Tu vas m'emmener cette fille ici et si sa tête ne me dit


rien qui vaille, tu seras obligé de mettre fin à cette
connerie que tu appelles relation. Maintenant dégagez
tous les deux de ma maison.
— Au revoir, ma tante. On se revoit au dîner de
présentation.
Il sort le premier de la maison. J’attends qu’il s’en aille
avant de sortir à mon tour. Ça m’évite de faire quelque
chose de regrettable. La colère me submerge tellement
que je n’ai plus la tête à bosser. Tout ce que je veux c’est
retrouver Alana ce soir et rester couché, collé contre elle.
Cette femme, je l’ai dans la peau. Je ne vois pas ma vie
sans elle malgré tout ce qu’elle peut être.

Le soir au dîner chez Alana, j’ai la tête ailleurs. Je ne


pense qu’à cette confrontation merdique avec ma mère et
Marc. Concernant ma mère, je sais qu'elle ne fera plus
aucun effort pour connaître plus en profondeur Alana.
Elle se limitera aux préjugés qu’elle a entendu la
concernant.

— Je te sens contrarié.

La remarque d’Alana me ramène sur terre. Je ne veux pas


lui cacher la vérité.

— Marc a raconté des trucs sur toi à ma mère.


— Marc ?
— Le Lieutenant FLYNN.
— Ah ! Je vois. Et c’est quoi le souci ?
— C’est que ma mère ne me foutra plus jamais la paix
avec ça. Je voulais qu’elle apprenne à te connaître mais
pas à te voir du même œil que les autres.
— Et comment les autres me voient ?
— On avait dit qu’on n’aborderait jamais des sujets qui
fâchent. A moins que tu veuilles que je te pose des
questions sur ton boulot ?

Elle sourit.

— Ma mère veut maintenant te rencontrer. Mais la


connaissant, je sais qu’elle veut juste te confronter. Voire
t’humilier. J’étais trop en colère pour lui dire qu’il n’y
aurait plus de rencontre. Je préfère te garder loin d’elle.
Elle peut être utilisée par Marc pour te piéger.

Elle continue de sourire en piquant dans son assiette. Elle


avale ce qu’elle avait dans la bouche, boit une gorgée de
son vin et se lève. Je la regarde venir s’asseoir à
califourchon sur mes jambes.

— Si ta mère veut ‘‘me rencontrer’’, organisons donc ça


autour d’un dîner, comme tu l’avais souhaité.
— Je croyais que tu ne voulais pas rencontrer ma famille.
— Finalement… je le veux. Je sens que ta mère me plaira
beaucoup.
— Alana !

Elle me coupe la parole avec un baiser. Je n’arrive plus à


réfléchir convenablement.

— Organise ce dîner.
— Ok.

Merde ! Je n’aurai pas dû accepter. Je sens qu’il y aura


un combat de titans à ce dîner.

***INAYAH

Je ne retrouve pas Chris dans la chambre quand j’arrive.


Son petit sac par contre y est. J’ai aussi aperçu sa voiture
dans le garage. Je jette un coup d’œil dans la salle de bain.
Non plus. Je lance un appel sur son numéro. J’écoute
sonner sans qu’il ne prenne. Je veux relancer quand la
porte s’ouvre sur lui.
— Où étais-tu ? je lui demande en le scrutant.
— Que veux-tu ?

Il est en colère.

— Tu es rentré sans moi.


— Je t’avais pourtant prévenue.
— Il s’agit de mon…

Je ravale le mot quand il lève les yeux sur moi.

— Tu oses encore le considérer comme ton mari après


tous les changements qui ont été dans ta vie.
— Je parle plus sur le plan juridique que sentimental. Tu
le sais.
— Que veux-tu, Inayah ?
— Lui venir en aide. Rien que ça. Et aussi… entamer une
procédure de divorce pour ne plus être liée à lui. Parce
que là, je suis votre femme à tous les deux.

Il jure en russe. Il me dévie et range son sac.


— Jamais aucun IVANOV n’a rien partagé avec qui que
ce soit. Ça ne commencera pas aujourd’hui. Je retourne.
Tu me feras signe lorsque tu auras mis les choses en
ordre. Dans le cas contraire tu recevras les papiers du
divorce et toutes tes affaires. Tu feras de ta boutique ce
que tu voudras.

Le ton sur lequel il m’a parlé ne m’encourage pas à


poursuivre cette conversation. C’est donc impuissante
que je le regarde s’en aller. Je m’assois toute triste sur le
lit. Je ressens un tel vide que je m’endors sans dîner.

Le lendemain matin, avant de me rendre au chevet de


mon père, je fais un arrêt à l’endroit où j’avais rencontré
Sébastien hier. Je vois des hommes de différents âges
aider des conducteurs de voitures personnels à se garer
dans un espace qu'on pourrait définir comme un parking.
Ceci monnayant quelques pièces. C’est donc ça que
Sébastien fait comme boulot ? J’identifie l’homme qui
avait rapporté la pièce d’argent hier. Je descends de ma
voiture et me rends vers lui, assis sur un banc et observant
les autres travailler. Il tire sur sa cigarette dont il ne reste
plus rien.

— Bonjour. Savez-vous où se trouve Sébastien ?


— Il n’est pas venu aujourd’hui hein, me répond-t-il sans
lâcher les autres des yeux.
— Pouvez-vous me dire où le trouver, s’il vous plaît ?

Il me regarde enfin et glisse son regard sur moi.

— Il a pris votre argent ? Si c’est ça, hum nous ne


sommes pas dedans hein. On ne le connaît même pas bien
oh. Ça fait une semaine seulement qu'il a commencé le
bara (le travail).
— Non, rien à avoir. Je suis juste une ancienne
connaissance. J’étais hors du pays, je suis rentrée et
j’aimerais le voir. C’est moi qui discutais avec lui hier
soir lorsque vous lui avez apporté de l’argent.
— Anhann je vois maintenant. Bon, moi je ne le connais
pas hein. C’est l’un de mes bons petits qui l’a fait entrer
dans le mouvement des djosseurs de naman (ceux qui
aident à garer les voitures). Je vais l’appeler et il va vous
dire où il est.
— Merci !

Il siffle trois fois et fait des signes. Un homme arrive vers


nous en courant. Tout aussi débrayé et suant comme les
autres. Les deux hommes dans le jargon ivoirien, le
nouchi. Le nouveau venu se propose de m’accompagner
chez Sébastien. Je sors deux billets de dix mille FCFA
que je tends au chef des travailleurs, selon ce que j’ai cru
comprendre.

Je gare ma voiture devant une cour familiale sous la


demande du jeune.

— C’est ici, la vielle mère. C’est chez son oncle.


— Merci beaucoup.

Je lui tends vingt mille FCFA et un billet de mille FCFA


pour son transport. Un large sourire déforme sa bouche.

— Merci beaucoup la vieille mère.

Il descend de la voiture. Je reporte mon attention sur la


maison. Je vois des gens aller et venir dans la maison.
Certains sont en pleurs. Je me rends compte que les bruits
que j’entendais depuis que je m’étais garée étaient des
pleurs depuis l’intérieur. Je prends mon courage à deux
mains et j’y vais. Il y a peut-être un décès dans la famille.
Mais je dois voir Sébastien. J’accoste une jeune fille qui
entrait.
— Bonjour ma chérie ! C’est ici que vit Sébastien ? Puis-
je le voir ?

Elle pousse un soupir.

— Bonjour tantie, c’est ici. Mais tonton Sébastien est


mort.
— Qu… quoi ? Comment ça ?
— Fhum ! On ne sait pas ce qui s’est passé oh. Hier nuit
quand il est rentré, il était vraiment bizarre. Il s’est
enfermé dans sa chambre et il n’a même pas mangé. C’est
ce matin que mon grand frère a trouvé son corps. On
dirait qu'il s’est suicidé. En tout cas c’est ce qu’on pense.

Mes pieds manquent de se dérober sous moi. Ces


informations me font l’effet d’une douche froide

— Pourquoi pensez-vous à un suicide ? j’arrive à


demander malgré l’amertume qui me comprime la gorge.
— Parce qu’il y avait à côté de lui beaucoup de plaquettes
de comprimés. Et j’ai entendu qu’il avait aussi laissé une
lettre pour son ex-femme.

Je relève subitement la tête.


— Une lettre ? Pour moi ?
— Hein ? Pour toi ?
— Je suis… Inayah, sa femme. Enfin, je l’étais.

Elle glisse son regard sur moi de haut en bas et


inversement. Elle ouvre la bouche quand un homme que
je reconnais s’approche. C’est l’un des cousins de
Sébastien.

— Inayah ? C’est bien toi ?


— Oui, Moussa. C’est moi.
— Où étais-tu toutes ces années ? Sébastien nous a dit
qu’on t’avait sans doute enlevée après qu’on lui ait tiré
dessus.
— C’est une longue histoire. Est-ce vrai qu’il…
— Oui. Tu devrais rentrer te montrer à toute la famille.
Tu dois des explications sur ton absence tout ce temps
aux côtés de ton mari. Ta famille lui avait tourné le dos.

Je le suis à l’intérieur. Je salue au fur à mesure que nous


avançons. Puis dans le salon, je reconnais la mère de
Sébastien. Elle ne fait que pleurer en parlant dans son
dialecte. Quand Moussa m’annonce. C’est la surprise
générale. Certains me demandent ce qui m’était arrivé
quand les autres me lancent carrément que je réapparais
aujourd’hui après avoir abandonné mon mari pendant
deux ans. Sur la base de la thèse du kidnapping de nos
agresseurs, je rajoute que j’ai pu m’échapper avant de
rencontrer une famille qui m’a accueillie et m’a fait
quitter le pays avec eux. Chacun fait son commentaire.
Son oncle, qui est l’aîné de la famille prend la parole.

— Nous avons voulu porter plainte contre toi parce qu'on


croyait que c’était toi qui lui avais tiré dessus. Mais à son
réveil, il nous a dit le contraire. C’est ainsi que nous
avons laissé tomber. Quand es-tu revenue ?
— Il y a quelques jours. Je le croyais mort mais hier nous
nous sommes rencontrés en ville. J’ai voulu lui parler
mais il a pris la fuite.

Son oncle baisse la tête.

— Je comprends maintenant la lettre.

Il sort un bout de papier dans la poche de son pantalon. Il


me la tend.
— Il a laissé ça pour toi.

Il n’y a que trois phrases : Je ne pourrai continuer à vivre


avec cette énorme honte que j’ai ressentie en te voyant
hier. Tu es devenue deux fois plus belle et en plus de la
honte, un regret sans nom m’a pris aux tripes. Je te
demande pardon pour tout, Inayah.

Une larme s’écrase sur la feuille. Je la plie et m'essuie le


visage.

— La balle qu’il avait reçue dans sa tête lui a paralysé les


membres inférieurs. Je l’ai pris ici avec moi pour que tout
le monde puisse l’aider. Lorsqu’il s’est remis, sa vie avait
basculé. Plus personne ne voulait l’embaucher dans son
entreprise malgré son palmarès. Même son ancien
employeur lui avait tourné le dos. Moi je suis à ma
retraite et c’est déjà difficile de joindre les deux bouts,
surtout avec toutes ces personnes que j’héberge.
Sébastien a commencé à faire les petits boulots mais avec
sa condition, c’était plutôt difficile. Il n’était plus le
même. Il était devenu très misérable.

L’amertume se lit dans sa voix. Je regarde la mère de


Sébastien et il me semble qu’elle soit devenue aveugle
pour cause de sa vieillesse. Je regrette sincèrement que la
vie de Sébastien se soit terminée ainsi. Je m’en veux
surtout d’être la cause de son suicide. La première fois il
avait survécu, mais cette fois, il est réellement parti.

— J’aimerais être tenu informée de tout pour les


obsèques. Mon père est hospitalisé et je dois m’occuper
de lui. Je ferai l’effort de passer constamment.

L’oncle acquiesce.

UNE SEMAINE PLUS TARD

Je reste couchée près de mon père qui lit sa Bible. Il s’y


est mis depuis la semaine passée. Le Docteur serait un
fervent chrétien et il prie souvent pour mon père. Pour
tous ses patients je dois dire. Mon père n’a pas vu
d’inconvénient à reprendre ses anciennes habitudes
perdues après la mort de ma mère. Il a repris des couleurs.
Sa plaie n’est pas tout à fait guérie mais il y a du mieux.
Elle n’est plus aussi dégoûtante qu’elle l’était, alors les
infirmières ont pris la relève pour les soins. Mon père en
avait de toute façon marre de voir la tête de Pauline. Il
m’a demandé de lui interdire à elle et ses enfants de venir
le voir. Il ne voulait plus voir leurs faces d’hypocrites
maintenant qu’il va mieux. Parlant d’eux, je les sens très
heureux et confiants ces jours-ci. Limite s’ils ne me
narguent pas. Je ne sais pas d’où leur sort cette subite
assurance mais je reste sur mes gardes.

Le Docteur nous rejoint dans la chambre avec en main


une enveloppe. Je devine ce que s’est.

— Les résultats du test ADN sont arrivés, nous annonce-


t-il.

En effet, pour avoir l’esprit plus clair sur ce sujet, j’ai


demandé à ce qu’on nous fasse un test ADN à mon père
et moi. Lui, il n’en voyait pas l’importance. Moi si. Je
voulais être certaine à mille pour cent que je suis bien sa
fille.

— Et qu’est-ce que ça dit ? je lui demande avec anxiété.


Lisez-la s’il vous plaît.

Il ouvre l’enveloppe et sort une feuille. Il la lit


silencieusement avant de lever les yeux sur nous.

— C’est positif. Vous êtes bel et bien père et fille.


Je ferme les yeux et souffle de soulagement. La main de
mon père se pose sur moi. Je lui tombe automatiquement
dans les bras. Moi qui croyais être sans identité, sans
famille, je finis par apprendre que ce n’est pas le cas. Je
suis bien la fille de mon père et ma mère n’était rien de
ce qui s’était dit sur elle. Deux bonnes nouvelles qui me
redonnent la paix intérieure.

— Nous allons devoir le préparer maintenant pour


l’opération, reprend le Docteur après avoir rangé les
résultats. Comme je l’ai dit tantôt, il va certes mieux
physiquement mais le mal est toujours présent et nous
devons essayer de le neutraliser avant qu’il ne se
déclenche de nouveau. Nous allons retirer de sa jambe les
morceaux d’os infectés afin d’éviter une totale
contamination.

J’acquiesce.

— Nous aurons aussi besoin d’une transfusion sanguine.


Vous m’aviez dit avoir le même groupe sanguin que lui ?
— Oui Docteur. Je donnerai mon sang.
— Bien. Ne perdons donc pas de temps.
Je veux descendre du lit quand mon père me retient.

— Docteur, permettez-moi de m’entretenir cinq minutes


avec ma fille, s’il vous plaît !
— Allez-y !

Lorsqu’il nous laisse seuls, mon père prend un air très


sérieux.

— Je voudrais te donner quelques instructions à suivre.


Je voudrais que ce soit toi qui m’enterres.
— Hum ? Enterrer ? Pourquoi parles-tu ainsi ? Tu ne
vas…
— Ecoute-moi juste. Ne laisse pas mes frères se faire de
l’argent sur ma dépouille. Occupe-toi de tout et cela si
possible en une semaine. Ne gaspille pas de l’argent en
faisant durer les choses. Ma parcelle de terre et mon
champ qui se trouvent au village, laisse mes frères
s’entretuer dessus. Ne tente rien sinon ils risquent de s'en
prendre à toi mystiquement. Tout ce que tu dois prendre,
c’est la maison qui est dorénavant en ton nom et j’ai fait
de toi l’unique bénéficiaire de mon compte en banque. Ce
n’est certes rien devant ta nouvelle vie, mais je veux que
tu gardes quelque chose de moi. Ne laisse pas Pauline
s’en accaparer. Je ne veux pas de grandes obsèques.
Quelque chose de sobre mais pour le caveau, tu peux
mettre le paquet, sourit-il. Faudrait qu'on sache que j’ai
été enterré dignement par mon unique enfant.
— Papa… c’est quoi…
— Je m’en vais sans remords. Je vais avec la joie au
cœur. Quant à toi, ne laisse personne te rendre
malheureuse comme c’était le cas des années en arrière.
Sois maîtresse de ta vie et de tes humeurs. Ton bonheur
ne doit dépendre de personne à part toi. Hum ?
— D’accord papa, dis-je la gorge sèche.
— Ça fait longtemps que je te l’ai dit, mais je t’aime ma
Inayah chérie.

Je ne peux m’empêcher d’écraser une larme. Je ne


comprends pas pourquoi il parle comme s’il partait
mourir alors qu’il s’agissait juste d’une opération de sa
jambe.

— Je t’aime aussi papa.

Ça fait trois heures de temps que je patiente dans la salle


d’attente. Mes doigts me font mal à force de les triturer.
Les paroles de mon père me hantent encore. Je crains le
pire. Je suis soulagée en voyant le Docteur venir dans ma
direction. Je le rejoins en cours de route.
— Comment ça s’est passé ? Comment va-t-il ?

Il baisse la tête.

— Je suis sincèrement désolé. Il nous a quitté.


— Non !
— Je suis navré. Tout s’était pourtant bien passé. Nous
nous apprêtions à le réveiller quand son cœur s’est
subitement arrêté de battre. Je pense qu’il était temps
pour lui.

C’était donc pour ça qu’il m’a dit toutes ces paroles. Il


savait qu’il ne me reviendrait pas. Ce n’est pas juste.
Nous nous retrouvions à peine. Dieu aurait pu me laisser
profiter encore de lui. J’étais en manque de son affection.
Maintenant je le serais pour toujours.

— Je ne sais pas si ça pourra atténuer votre douleur


mais… nous avons découvert pendant l’analyse de votre
sang que vous étiez enceinte.

Je bug. Moi enceinte ? Je suis partagée entre la tristesse,


la joie et la peur.
— J’avais prévu vous en parler après l’opération sans
savoir que les choses se passeraient ainsi. Encore désolé
pour votre père.

J’ai complètement perdu mon latin. Je porte le bébé de


Chris dans mon sein.

— Voulez-vous le voir avant que son corps ne soit placé


à la morgue ?

Je fais oui de la tête et ramenant mon regard perdu vers


lui. Il me fait signe de le suivre. Ce que je fais. Il m’ouvre
une porte qui donne sur une pièce qui n'a que pour seul
occupant, mon père. Un drap blanc le couvre jusqu’au
cou. Son visage a l’air si paisible. Le voir ainsi me retire
toute envie de pleurer sa brusque disparition. Il est parti
avec la paix du cœur. J’ai mal de le perdre maintenant
mais je pense qu’il était mieux ainsi. Plus personne ne lui
fera de mal.

— Je t’aime mon petit papa.


Je pose un baiser sur son front. Je ressors le cœur serré.
Je ne venais pas enterrer mon père mais le soigner. Il sera
la deuxième personne que j’enterrerai. C’est moi qui ai
réglé toutes les dépenses concernant ses obsèques et j’ai
remis de l’argent pour les soins de sa mère qui se retrouve
malade après le décès de son unique fils.

Je donne des instructions au Docteur et je rentre à la


maison. Durant le chemin retour, mes pensées ne sont
assaillies que par une chose. La grossesse que je porte.
Comment Chris réagira-t-il étant donné qu’il n’a jamais
été question de relation entre nous, à fortiori d’un bébé
qui nous lierait. Je crains qu’il ne refuse la grossesse tout
comme j’espère de toutes mes forces qu’il l’accepte.
Comme ça sera parfait que nous formions une famille
avec notre bébé. Un petit bout de tous les deux. La famille
IVANOV. Je souris en me caressant le ventre. C’est mon
plus grand rêve. Avoir enfin une vraie famille. Je regarde
le numéro de Chris dans mon portable, hésitante. Et si je
l’appelais maintenant ? Je me lance mais tombe tout de
suite sur sa boîte vocale. Je raccroche. Je réessayerai plus
tard. Lorsque nous arrivons à la maison, c’est avec
surprise que je vois la voiture de Chris. Il est revenu ?
Sans me prévenir de sa présence ? Je m’approche de Ben.

— Bonjour. Mon mari est-il revenu ?


— Oui Madame. Il est là-haut, dans votre chambre.
— Ok merci.

La joie et l’anxiété luttent dans mes entrailles. Comment


je lui annonce la nouvelle ? Bon ok, je verrai une fois
devant lui. J’entre dans la maison et Pauline éclate de rire
dès qu’elle me voit. Elle se met à chanter dans son patois.
Je monte les escaliers sans lui accorder d’attention. Je
ferai une réunion de famille pour annoncer le décès de
papa. Ils n’en ont d’ailleurs tous rien à foutre. J’ouvre la
porte de la chambre. Aucune trace de Chris. Il doit être
dans la salle de bains. En entrant totalement, je remarque
des vêtements par terre et aussi sur le lit. Je reconnais
ceux de Chris sur le lit. Ceux au sol sont ceux de…

La porte s’ouvre sur Chris. Son visage se déforme quand


il me voit. La seconde d’après c’est à Rose de faire son
apparition. Toute nue et en sueur, exactement comme
Chris qui a juste couvert sa nudité d’une serviette.

Les lèvres de Rose s’étirent dans un très grand sourire.

Je garde mon regard sur ‘‘mon mari’’. Je le sens troublé


malgré son grand calme. La seule chose qui me passe par
la tête c’est de sortir mon arme et de les flinguer tous les
deux. Un tiraillement sorti de nulle part trouble mon bas-
ventre. S’en suit une sensation d’écoulement. Je serre les
dents pour ne rien laisser paraître. Pour l’avoir vécu un
bon nombre de fois, je suis certaine à mille pour cent
que…

Je suis en train de perdre le bébé.


9

***INAYAH

Tous genres de pensées me traversent l’esprit en cet


instant précis. Mais surtout toutes sortes de réactions.
L’envie me tente de péter un câble et faire un scandale.
Mais je peux aussi bondir sur Rose et la tabasser comme
pas possible. Et si plutôt je lui mettais une balle dans les
jambes pour la rendre infirme toute sa vie ?
L’empoisonner ne serait pas si mal. Quant à Chris, je ne
peux rien lui faire de spécial. C’est le patron du mal. Mais
je peux néanmoins mettre le feu à ses affaires. Tout
comme lui montrer la face cachée des femmes africaines.
Celle-là où nous passons en mode chat en griffant ceux
que nous ne pouvons battre normalement. Le défigurer
momentanément l’empêcherait sans doute de promener
sa queue entre les cuisses de filles toutes aussi
dégoûtantes les unes que les autres. Une rage sans nom
bouillonne en moi. Un brasier de colère me consume. Si
j’étais à bord de ma voiture, je leur aurais roulé dessus.
Je peux descendre me chercher un couteau pour
l’enfoncer dans leurs poitrines à tous les deux.
Chris se retourne vers elle. Comme s’il lui avait passé un
message muet, elle se précipite de ramasser ses
vêtements et de sortir comme si elle avait le feu aux
fesses. Elle claque la porte derrière elle.

— Ina…
— Mon père est mort, dis-je dans un calme qui me
surprend moi-même.
— Je suis désolé. Mais…
— Je suis rentrée prendre une douche avant de ressortir
entamer les démarches pour les obsèques.
— Gab peut s’en…
— Je vais rester encore une semaine pour terminer tout
ce que j’ai à faire.

Je le dévie et me rends devant l’armoire me prendre des


vêtements de rechange et une serviette hygiénique, sans
oublier une serviette. Je me rends dans la salle de bain
située dans le fond du couloir me prendre une douche
rapide. Il n’est pas question que je me lave là où ils ont
fait leur merde. Les caillots de sang que je vois dans mon
dessous me confirment la fausse couche. A peine
j’apprends que je suis enceinte que je perds déjà la
grossesse. Je sens mes larmes monter. Non ce n’est pas
le moment. Je les retiens jusqu’à terminer de me préparer.
Quand je reviens dans la chambre, Chris est assis sur le
lit.

— Inayah, ta sœur…
— Elle est bonne. Je le sais.
— Je ne l’ai pas touchée.

C’est à moi qu’il veut faire croire ça ? Je n’ai pas le temps


d’écouter ses balivernes.

— De retour à New-York, tu trouveras le moyen de me


libérer sans que je n’aie affaire à la justice. J’en ai marre
de toute cette merde. Je mérite le respect, diantre !

Je ramasse mon sac à main, sors et claque la porte


derrière moi. Je tombe en bas sur Pauline et ses filles qui
font des messes basses. Elles se taisent en me voyant.

— Mon père est mort, dis-je de but en blanc. Pauline,


appelle tous ses frères. Qu’ils rappliquent pour les
obsèques qui auront lieu ce week-end. Donc dans quatre
jours.
— Pourquoi aussi vite ? Nous devons faire des réunions
et tout pour…
— Réunir de l’argent ? Je me charge de tout. Contente-
toi de les appeler.
— Mais comment tu peux nous annoncer ainsi sa mort ?
Nous sommes…

Je tourne les talons sans attendre la suite de son cinéma.


Je me rends dans un hôtel car j’ai vraiment besoin
d’évacuer cette rage et cette douleur au fond de ma gorge.
Une fois seule dans la chambre, je me sers un verre de
liqueur. Je n’en ai jamais bu, mais là, j’ai besoin de
quelque de fort. Je bois un coup sec, m’en sers un autre.
Je fais ce manège trois fois et la quatrième, je balance le
verre contre le mur de toutes mes forces.

— AARGH !!!

Le vase près du canapé suit la même trajectoire. S’en


suivent d’autres objets. Ça fait un mal de chien. Je n’avais
plus ressenti pareille douleur depuis les maltraitances de
Sébastien. Je dirai plutôt que cette douleur fait beaucoup
plus mal. Je portais pourtant son enfant. Nous allions
devenir une famille. C’était sans compter sur sa verge de
merde. Il n’est pourtant pas un homme à femme, alors
pourquoi m’avoir fait ça ? Rose est-elle aussi
irrésistible ? Au point où même le grand Dark ne puisse
se retenir ? J’ai perdu mon bébé par leur faute. J’ai la
rage. J’étais tellement heureuse de porter enfin une
grossesse après tant de fausses couches. Rose, je m’en
balance complètement. Mais Chris ! Comment a-t-il pu
me rabaisser de la sorte quand il connaît mon histoire
avec cette dernière dans le passé ? Il a brisé quelque
chose en moi par cet acte.

Ayant marre d’entendre mon portable sonner, je le prends


dans l’optique de l’éteindre. Mais je me ravise en voyant
le numéro de Shelby. Je me dépêche de décrocher. Lui
parler me fera sans doute un bien fou.

— « Hey darling! Comment vas-tu ? »


— Mon père est mort, je lance en me servant un verre.
— « Oh God ! Je suis sincèrement désolée pour toi. »
— Chris a couché avec ma demi-sœur, Rose, dis-je en
buvant cul sec la boisson.
— « Oh ! What the fuck ? »
— J’ai fait une fausse couche quand je les ai surpris alors
que j’apprenais à peine que j’étais enceinte.
— « Waouh !!! Tout ça pour ton petit cœur en une seule
journée ? Je ne sais pas quoi dire. »
— Oh ce n’est rien.
Je renifle.

— Je suis habituée à subir tout le temps des merdes. Ma


vie a toujours été que de la merde. Je suis née pour subir
encore et encore et encore. Le bonheur n’est pas inclus
dans ma destinée.

Je renifle.

— « Tu es saoule ? »
— Non, j’ai mal. Mais j'en ai marre surtout.
— « Tu as le droit de te libérer. C’est vraiment vache tout
ce qui t’es tombé dessus aujourd’hui. C’est deux fois plus
vache de la part de Chris. »
— Qu’est-ce qu’elle a que je n’ai pas ? je demande, la
voix tremblante. Juste quelques jours et il est tombé dans
ses filets. Moi ça fait deux ans que j’espère. Pourquoi
aucun homme ne veut m’aimer ? Qu’ai-je fait de si
atroce ?

Je finis par éclater en sanglot. En parler me fait deux fois


plus mal.
— « Pleure, ma puce. Libère-toi ! Ça te fera un grand
bien. Ne reste pas dans cet état longtemps. Tu es une
femme forte. Une guerrière qui a surmonté bien
d’épreuves. Tu le peux encore. »
— C’est trop dur. J’ai perdu mon bébé à cause de cet
homme. Pourtant j’en suis folle amoureuse.
— « Je te comprends. Je suis aussi passée par là. Ne
commets pas la même erreur que moi en acceptant de
subir dans le silence. Je veux que tu te relèves et décides
de ne plus laisser qui que ce soit te pourrir la vie. Tu dois
être maîtresse de ta vie. Ne donne plus l’opportunité aux
hommes de te briser le cœur. Tu n’as pas besoin de Chris.
C’est plutôt lui qui a besoin de toi. Cesse de lui courir
après. Cesse de te montrer faible devant lui. Il faut qu’il
sache que sans lui, ta vie continue d’avoir un sens.
Inayah, relève-toi ! Tu es une déesse. Et pas n’importe
laquelle. »

Je m’assois par terre, dos contre le mur, à écouter les


paroles de Shelby. Mes larmes continuent de ruisseler.
Mais elle a pleinement raison. J’en ai marre de pleurer
pour des hommes. Je ne suis pas un pantin. Je mérite le
respect même si on ne m’aime pas. Chris a fait tomber
ma goutte d’eau de trop. Il ne me reconnaîtra plus parce
que je vais lui faire ça dur.
*Mona
*LYS

Je reste toujours debout devant le caveau à regarder les


agents du cimetière ensevelir mon père pendant que tout
le monde se retire. Je lui fais ainsi mes adieux. Je retourne
ce soir à New-York. Je n’ai plus rien à faire ici. Je ne
pense plus y revenir. Pour des vacances peut-être, mais
revenir y vivre ? Je ne pense pas. J’en garde malgré les
récents évènements de très mauvais souvenirs. Lorsque
je suis prête à m’en aller, je pose sur la tombe une rose.

— On se revoit de l’autre côté, papa.

Je tourne les talons.

De retour à la maison, je tombe sur une réunion de la


famille de mon père avec Pauline et ses enfants. Ça parle
du partage des biens de mon père. L’aîné annonce à
chacun ce qu’il aura. Un débat se lève lorsqu’il arrive sur
la maison. Apparemment tout le monde la revendique,
Pauline la première.

— Personne n’aura cette maison. Elle est à moi.


— Arrête tes conneries, Inayah, me reprend Pauline.
Cette maison est au nom de Rose depuis des lustres. Donc
elle lui revient de droit.
— Droit ? Et la tradition ? Tu l’oublies ? réplique un des
frères de mon père.

Des chamailleries commencent.

— ASSEZ !!! je hurle en jetant les papiers de la maison


sur la table au milieu d’eux. Cette maison est à moi
légalement. Mon père les a modifiés avant de mourir.
Vos traditions, je n’en ai rien à branler. Vous les oncles,
gardez tous les biens qui se trouvent au village. Champ,
maison et terrain. Je garde tout ce qui est ici, à Abidjan.
— Et que fais-tu de nous ? gueule Pauline en se levant
devant moi. Mes enfants ont aussi droit à l’héritage de
leur père.
— Lequel père ? Que je sache, cet homme qu’on vient de
mettre en terre n’est pas leur père. Il a élevé naïvement
les batards d’un autre. Va savoir qui. Je vous demande
donc à tous, de libérer cette maison sur le champ. Je n’ai
pas que ça à faire.

Mes oncles sont sidérés pour les uns et ravis pour les
autres de ce que je leur laisse tous les biens au village.
Ceux qui ne sont pas satisfaits veulent me défier. Mes
gardent viennent se poster à mes côtés et sortent leurs
armes.

— Quelqu’un a-t-il des revendications ?

Je les regarde chacun droit dans les yeux.

— Non. Nous partons.

L’aîné fait signe aux autres et ils partent. Pauline se met


à tempêter, crier au scandale, suivie de ses trois vauriens
d’enfants. Je souris. S’ils savaient ce qui les attendait. Je
reçois un message qui me fait deux fois plus sourire. Des
hommes en tenue font leur entrée, accompagnés d’un
homme élégamment vêtu. Pauline sursaute en le voyant.

— Monsieur MEMEL ??? Que faites-vous là ? J’avais dit


que je viendrai vers vous.
— C’est elle, monsieur le Commissaire. Elle et l’autre
derrière, dit le monsieur en désignant Pauline et Rose.
Elles m’ont escroqué cinq millions. Qu’elles restent
enfermées jusqu’à ce qu’elles me remboursent la totalité
de ce qu’elles m’ont pris.
— QUOI ??? hurlent les deux femmes.

Elles se mettent à supplier, se traîner par terre pendant


que les officiers entreprennent de leur faire passer les
menottes. Mais elles résistent.

— Inayah, sauve-nous, s’il te plaît ! Ne nous laisse pas


aller en prison. Inayah oohhhh !!! Pour l’amour de Dieu,
me supplie Pauline.
— Vous voulez que je vous sauve ?
— Oui, oui. Tu as de l’argent. Tu peux rembourser pour
nous. Inayah, nous sommes ta famille oh. On ne rejette
pas sa famille malgré les mésententes. Je suis ta mère,
Ina. Tout ce que j’ai pu te faire, c’était pour ton bien.
Sinon je n’ai rien contre toi oohhh. Rose est ta petite
sœur. Si nous partons en prison, que deviendront Elvire
et Marcel ?

Je me retiens d’éclater de rire. Non mais qui l’aurait cru.


Pauline et Rose me supplier à genoux. Rose me lèche
presque les pieds. Je la regarde et rien qu’au souvenir
d’elle et Chris, je suis prise d’un sentiment de dégoût.

— Monsieur le Commissaire !
— Oui, Madame.

Pauline et Rose se mettent à sourire.

— Vous pouvez les emmener. Et j’insiste sur le fait


qu’elles ne doivent sortir sans avoir remboursé la totalité
de la somme escroquée. Qu’elles pourrissent en prison.

Elles ressemblent à des momies tant elles sont


bouleversées. Les officiers les menottent de force et les
relèvent.

— Je te maudis, Inayah, aboie Pauline. Tu ne seras jamais


heureuse avec cette maison et l'argent de ton père que tu
nous prends. C’est l’héritage de mes enfants.
— Blablabla !!! je mime en faisant une grimace. La roue
tourne, Pauline. La roue tourne. Allez, ciao !

Elles continuent de gueuler pendant qu'on les emmène.


Leur victime me fait un signe de la tête avant de les
suivre. En effet, je l’ai contacté pour lui faire une
proposition. Je lui offre une autre maison à la condition
qu’il porte plainte contre Pauline et Rose. Il fallait
qu’elles payent tout le mal qu’elles m’ont fait à moi et
mon père. Ça aurait été injuste qu’elles s'en sortent aussi
facilement après leur méchanceté envers cet homme qui
les a façonnés. Mon père méritait vengeance.

— Et vous ? Qu’attendez-vous pour dégager de ma


maison ?

Marcel et Elvire se regardent. Leurs faces sont mouillées


de larmes. Ça m’aurait ému dans le passé, mais là, je suis
carrément insensible à tous leurs pleurs et supplications.

— Inayah, où veux-tu qu’on aille ? me répond Elvire


toujours en pleurs. Tu viens de laisser notre mère et notre
sœur aînée aller en prison. Nous n’avons plus personne.
Nous n’avons nulle part où aller.
— Regardez-moi, ai-je l'air de m’en soucier ? Allez où
bon vous semblera. Chez votre véritable père ou chez le
pape. Je m’en balance.
— Nous ne savons pas qui est notre père. Maman n’a
jamais voulu parler de lui. Nous ne sommes pas non plus
proches de sa famille à elle parce qu’elle nous a toujours
dit qu’ils nous feront du mal. Inayah, je t’en supplie, aie
pitié. Pense à mes enfants. Où vont-ils dormir ? Que
vont-ils manger ?
— Oh, ne t’inquiète pas pour eux. Leur père viendra les
chercher dans quelques instants et dans deux jours ils
iront en France avec lui et sa nouvelle compagne.
— Quoi ??? Inayah ? Tu veux m’arracher mes enfants ?
Inayah, ne sois pas si méchante, je t’en prie. Ils sont tout
pour moi.
— Si réellement tu les aimes, tu les laisseras à leur père
vu que tu es à la rue. Maintenant trêve de bavardage. J’en
ai assez de cet échange sans fin. Sortez d’ici.
— Non, je ne vais nulle part sans mes enfants. Inayah !

Je ne lui prête plus attention. Je monte dans ma chambre.


Je les entends lutter avec mes hommes. Debout à la
fenêtre de ma chambre, je regarde mes hommes les jeter
à la porte. Je crois que je n’ai plus de cœur parce que les
voir ainsi me dégoûte encore plus. Bien heureusement
que les enfants sont endormis dans leur chambre. J’ai
contacté leur père qui était fou heureux de revoir ses
enfants. Il m’a raconté comment il était devenu le guichet
automatique de Pauline qui trouvait chaque jour des
problèmes à lui raconter afin de lui soutirer de l’argent. Il
n’en dormait plus. Quand il refusait de donner, c’était au
tour d’Elvire de lui faire des palabres jusqu’à le priver de
sexe pendant des jours jusqu’à ce qu’il cède. Il m’a
raconté que Pauline débarquait comme bon lui semblait
chez eux pour y passer des semaines, voire des mois, sans
même qu’il n’en soit informé. Rose avait aussi fini par
élire domicile chez eux, encore sans son consentement. Il
se sentait étranger dans sa propre maison. Il n’a pas
trouvé d’autre solution que de se trouver une autre femme
et de foutre Elvire et compagnie à la porte. Elvire lui a
pris les enfants avec lesquels elle avait disparu pendant
plusieurs mois. Il ne savait même pas qu’elle était
revenue dans la maison familiale. La seule condition
qu’elle lui avait imposée pour qu'il puisse voir ses
enfants, c’était de la reprendre. Il n’a pas voulu céder et
résultat des courses, il a perdu ses enfants. C’était un
homme désemparé que j’avais en face de moi. Je lui ai
redonné de l’espoir en lui disant que j’allais lui remettre
ses enfants. L’entreprise dans laquelle il bosse lui a donné
une promotion mais en France dans une de leurs
succursales. Son rêve était d’y aller avec ses enfants en
plus de sa nouvelle femme. Il faut donc dire que je suis
tombée à pic car son vol est dans deux jours. Ça m’a
soulagée de savoir que je n’allais pas injustement séparer
des enfants de leur mère. Je les aide tout simplement à
avoir une vie meilleure.

*Mona
*LYS
Tout est fin prêt pour mon départ. J’ai vendu la maison et
mis l’argent dans un compte bloqué avec la totalité des
comptes de mon père. A bien y réfléchir, je pense qu’il
serait judicieux d’avoir un compte ici, loin de ma vie à
New-York. Je ne sais pas ce que cette vie me réserve
alors je me prépare en cas de mauvaise passe. Un compte
secours serait judicieux.

Je sors de la maison lorsque toutes mes affaires ont été


rangées dans ma voiture.

— Madame, il y a Monsieur qui demande à ce que vous


le rejoigniez dans sa chambre d’hôtel, maintenant.
— Gab, dis à ‘‘Monsieur’’ que j’ai un vol à prendre. S’il
a quelque chose à me dire, qu’il se déplace ou qu’il
attende une fois à New-York.

Je peux lire la stupéfaction sur son visage. Jamais je


n’avais répondu ainsi à mon ‘‘mari’’. Je me sens plutôt
bien. Je monte dans ma voiture. Il fait de même en étant
au téléphone.

— Monsieur dit qu’il vous attendra donc dans le jet,


m’informe Gab.
— Gab, suis-je venue en Côte d’Ivoire avec ton patron ?
— Euh, non Madame.
— Alors je retournerai sans lui. J’ai dit, soit il vient à moi,
soit il attend qu’on soit à New-York. Donc, tu me conduis
à l’aéroport où je dois prendre l’avion.
— Madame, si je n’obéis pas à…
— Si tu ne veux pas m’obéir, tu descends immédiatement
de ma voiture et je me conduirai moi-même. Mais une
fois rentrée, tu te trouveras un autre poste dans une autre
maison.
— Je suis désolé, Madame !

Il démarre et sous ma surveillance, il prend le chemin de


l’aéroport. Je ne suis plus d’humeur à courir derrière qui
que ce soit, encore moins d’obéir comme un toutou.

DEUX SEMAINES PLUS TARD

***CHRIS

J’observe depuis une dizaine de minute la table à manger


complètement vide. Aucun couvert, aucun mets, aucune
boisson. Il n’y a rien de disposé sur cette table qui
autrefois refusait les plats d’Inayah. Cette femme est
résolue à me faire payer cet acte que je n’ai pourtant pas
commis. Depuis notre retour, à peine si je la vois à la
maison. Elle s’arrange à être absente ou endormie quand
je rentre. C’est dorénavant Alana qui se charge de mon
alimentation et tout ce qui concerne mes besoins,
exactement comme elle le faisait autrefois. La maison
continue d’être sans vie malgré la présence de la
maîtresse des lieux. Je me rends à la cuisine et je me
prends une bouteille d’eau minérale dans le réfrigérateur.
C’est la seule chose qui s’y trouve. Que des bouteilles
d’eau et rien d’autre.

— J’ai apporté ton dîner.

Je relève la tête. Alana se tient sur le seuil de la cuisine


avec un paquet en main. Elle entame la disposition du
contenu sur le plan de travail de la cuisine. Je la trouve,
chaque jour un peu plus changée. Elle m’a rassuré être
maître de la situation avec le cousin de l’autre flic, mais
j’ai plutôt l’impression que c’est lui qui mène le jeu. Je
peux me tromper. Et j’espère que c’est le cas. Je m’assois
quand elle finit. Je jette un coup d’œil à ma montre. J’ai
encore deux heures devant moi avant de me rendre à la
réunion de la League. Je grimace à la première bouchée.
Alana semble agacée.
— Tu grimaces à chaque fois que tu manges ce que je te
rapporte.

Peut-être parce que ça n’a pas été cuisiné par les mains
d’Inayah.

— Pourquoi ne lui expliques-tu pas ce qui s’est


réellement passé afin qu’elle te pardonne et s’occupe de
nouveau de toi ?
— Me faire pardonner ? De qui ? Et de quoi ?
— Chris !
— Je n’ai de compte à rendre à personne. Si Inayah veut
continuer à se torturer l’esprit avec cette histoire malgré
que j’ai été franc avec elle, libre à elle.
— Lui as-tu seulement donné plus de détails ?
— M’en a-t-elle donné l’occasion ? Je ne vais pas lui
courir après. Courir derrière une femme ? Que les
ancêtres des IVANOV me maudissent.

Elle me fait de gros yeux.

— Elle ne représente rien pour moi. Je ne lui dois de ce


fait rien.
Je pose ma fourchette.

— Finalement, je vais rester travailler sur certains


dossiers. Tu me représenteras à la réunion.

Je me lève et sors de la cuisine. Je ne vois vraiment pas


de raison de rendre des comptes à une femme qui n’est
rien d’autre qu’une étrangère. Elle est là juste pour éviter
que la Police ne l’utilise contre moi. Lorsqu'elle en aura
assez de se conduire comme une gamine écervelée, elle
se reprendra. Le monde ne s’arrêtera pas de tourner parce
qu’Inayah est soi-disant en colère. Non mais diantre !

*Mona
*LYS

— Votre épouse viendra-t-elle ?


— Certainement. Elle a dû avoir un contretemps. Nous
pouvons commencer à dîner. Elle nous rejoindra.

Il fait un signe de la main au serveur qui s’emmène


aussitôt. Mes deux partenaires de ce soir et leurs épouses
passent leurs commandes. Quant à moi, je me
recommande un verre de Whisky. Nous sommes censés
célébrer ce soir une collaboration des plus grandes de ce
pays. Trois grands noms réunis pour travailler ensemble.
Les médias ne font qu’en parler depuis ce matin. Mes
partenaires sont présents avec leurs compagnes, sauf bien
entendu moi qui ne sais où se trouve la mienne. Je
m’excuse et m’éclipse dans les toilettes. Je tente plus
d’une fois de joindre Inayah, sans succès. Je finis par
abandonner et retourne près des autres. Je reste
indifférent à toute la bonne ambiance qui plane autour de
notre table.

Finalement, elle n’est pas venue. Je rentre en colère mais


surtout las de son attitude. Ça commence à bien faire.
Qu’a-t-elle à se comporter comme une gamine ? Est-ce la
première fois que je couche avec une autre femme ? Si ça
avait seulement été le cas avec sa sœur, j’aurais essayé de
me remettre en cause. Merde, je n’ai pas touché cette
pute. Je n’allais pas tomber aussi bas. Coucher avec la
sœur de ma femme ? Quel genre d’homme croit-elle que
je suis ? Inayah ne me connait donc pas après ces années
passées à mes côtés.

FLASH-BACK
« Je sens une présence dans mon dos pendant que je
prends ma douche. Je me retourne, pensant tomber sur
Inayah. La simple idée que ce soit elle me donne une
érection que je tente de maîtriser. Non, ce n’est pas elle.
Je tombe nez à nez avec sa petite sœur. Je récupère la
serviette avec laquelle je couvre ma nudité.

— De quel droit te permets-tu de me rejoindre sous la


douche ?
— Oh, j’avais tout simplement envie de te faire passer du
bon temps en l’absence de ta femme, me répond-t-elle
avec sensualité. J’ai vu comment tu t’ennuyais. Je peux
t’aider à t’évader. La dernière fois quand tu es venu dans
ma chambre, j’ai capté tes coups d’œil même si tu as
prétexté être venu me rendre ma boucle.

La seule chose qui me passe par la tête en regardant cette


espèce devant moi, c’est de la flinguer. Mais je me retiens
afin d’éviter d’autres soucis à Inayah. Je contrôle ma
colère et décide de sortir. Mais cette connasse me retient.
Le contact de sa main sur mon bras me fait perdre mon
sang froid. Je la saisis à la gorge et la projette contre le
mur sur lequel je la maintiens. Je fais sortir mon arme
camouflée sous une autre serviette et la place dans sa
bouche.
— La seule chose qui me retient d’appuyer sur la
gâchette, c’est ta sœur. Elle gère déjà assez de choses
pour que je lui mette la police sur le dos. Tu vas
cependant prendre bien note de ceci. Tu t’approches
encore de moi, même avec ton regard et toi et toute ta
famille finirez six pieds sous terre. Tu as pigé ?

Elle s’étouffe mais parvient à faire un oui de la tête. Je la


laisse s'écraser au sol. Je range mon arme dans ma
serviette et sors. Mais à peine j’ouvre la porte que je
tombe sur Inayah. La seconde d’après je sens sa sœur
faire son apparition dans mon dos. »

Je sors de mes pensées quand les bruits des talons


d’Inayah résonne dans toute la maison. J’appuie sur
l’interrupteur qui donne de l’éclat à la pièce.

— D’où viens-tu ? je lui demande en maîtrisant la colère


dans ma voix.

Elle regarde derrière elle puis se retourne vers moi.

— C’est à moi que tu parles ?


— TU NE JOUES PAS À ÇA AVEC MOI, je hurle en
fonçant sur elle.
— Et toi tu ne me hurles pas dessus, hurle-t-elle à son
tour. Pour qui t’es-tu pris ? Mon père ?

Je serre les dents. Il me faut garder mon calme.

— Nous avions un dîner ce soir.


— Bah, je n’avais pas envie de participer à vos
conversations ennuyantes.
— Tu es censée m’accompagner partout où je le souhaite.
— Avant, Chris. Ça c’était avant. Maintenant c’est moi
qui décide de te suivre ou non. Il n’est plus question que
tu m’exhibes comme un trophée à tes soirées mondaines.
Si tu cherches une marionnette, tu vas récupérer Rose en
Côte d’Ivoire.

Je serre les poings. Je dois surtout garder le contrôle.

— Plus jamais tu ne rentres à 1h du matin dans cette


maison.
— Lol. J’aimerais te voir m’en empêcher. Je vais
tellement te pourrir la vie que tu n’auras pas d'autre choix
que de me tuer.
Elle monte les marches.

— En fait, ça te fait mal de savoir que ta sœur est plus


bonne que toi.

Je sais que c’est vache de ma part mais il me fallait lui


faire mal. Je me devais de lui clouer le bec. Le dernier
mot, c’est à moi et moi seul qu’il revient. Elle se fige un
moment avant de se retourner. Je peux voir la colère la
consumer de l’intérieur. J’en suis satisfait.

— Ta mercon, Chris. Ta mercon à chaque respiration.

Et la victoire me revient. Je la regarde s’en aller avec


satisfaction. Si elle veut jouer à ça, nous jouerons. On
verra bien qui finira par céder en premier.

***ALANA

J’ai l’impression d’être en train de commettre la plus


grosse bêtise en allant rencontrer la famille de Jeoffrey.
Même si j’y vais dans l’unique but de mettre cette femme
en rogne, cela n’omet pas le fait que cette rencontre
rendra ma relation avec son fils beaucoup plus sérieuse.
Il n’en était pas question depuis le début. Il n’en a jamais
été question. Tout ce qui devait résumer notre relation,
c’est le sexe et rien d’autre. Je n’ai pas vu cette idylle
évoluer au point d’en arriver à des présentations. Il est
trop tard pour revenir en arrière. C’est ce soir le dîner et
malgré moi, j’ai hâte d’y être.

Je jette un dernier coup d’œil dans la glace et je suis plus


que satisfaite de ce que je vois. Pour être certaine de
mettre la mère de Joe mal à l’aise, j’ai enfilé une robe qui
ne me couvre presque pas. Il m’a dit qu’elle a en horreur
les vêtements trop osés. Elle n’a pas idée de la soirée que
je lui réserve si elle tente quoi que ce soit contre moi.

Jeoffrey se fige comme une statue lorsqu’il me voit.

— Ferme ta bouche. Tu vas avaler une mouche.


— Je ne t’avais jamais vu aussi…

Il cherche ses mots.

— Sexy ?
— Non. Tu l’es toujours. Si… envoûtante, je voulais dire.
J’ai envie de te faire l’amour dans cette robe.

Il m’attire contre lui.

— On devrait sortir plus souvent.


— Règle numéro 3 : on ne s’affiche jamais en public.
— Tu vas rencontrer ma famille. Ça change la donne, tu
ne crois pas ? Il ne sera plus question que de sexe entre
nous.
— Je vais rencontrer ta mère uniquement par curiosité.
Rien de plus.
— Hum ! C’est ça.

Il sourit.

— Tu finiras bien par m’avouer que tu m’aimes. Je suis


très patient. Allons-y avant que je ne déchire cette robe
beaucoup trop sexy.

Il ne se retient pas de m’embrasser avant de me prendre


la main et de me conduire dehors, à sa voiture. Je peux le
sentir un tout petit peu stressé pendant qu’il conduit.
— Pourquoi tu es tendu ? je le questionne en le fixant.
— C’est ma première fois de présenter une fille à ma
mère. Je crains que les choses se passent mal surtout vous
connaissant toutes les deux.
— Oh, moi je ne ferai rien. Tant qu’elle reste à carreau,
ça va.
— Elle ne le fera pas, ça c’est clair. Je te demande juste
de ne pas rentrer dans son jeu en l’humiliant. Je ne veux
pas me retrouver au milieu d'un affrontement entre vous
deux.

Je tourne la tête vers la vitre et contemple la ville sans lui


répondre. Il pose sa main sur la mienne sans en rajouter.
Seule la douce mélodie diffusée par le lecteur audio
anime l’habitacle. Une demi-heure plus tard, nous
entrons dans un somptueux domaine d’un style ancien. Je
comprends l’orgueil de sa mère. La richesse lui ait monté
au cerveau au point de se croire supérieure à tous. Joe
vient m’ouvrir la portière en parfait gentleman. Il
accroche ensuite mon bras au sien et nous pénétrons la
maison.

— Magnifique déco.
— Merci ! Une chose de vraiment positive chez ma mère.
Je souris. A peine nous franchissons le seuil du salon que
mon regard rencontrait celui d’une femme d’un certain
âge mais très bien conservée. Madame DAVIS. Je la
reconnais. Elle me détaille de la tête à la plante des pieds
et vice versa. Joe l’embrasse, embrasse sa sœur et salue
son frère. Le Lieutenant FLYNN est aussi de la partie.

— Maman, je te présente Alana IVANOV. Ma petite


amie. Alana, c’est ma mère. Héléna DAVIS.

Nous nous fixons dans un silence qui change


l’atmosphère de la pièce.

— Bien le bonsoir, Madame DAVIS, dis-je pour mettre


Joe à l’aise, car visiblement cet affrontement des regards
l’embêtait.
— Bien le bonsoir. On passe à table.

Je souris face au ton froid avec lequel elle m’a saluée.


Tous les autres la suivent après présentations. Joe vient
vers moi.

— La première étape est réussie. Ouf !!!


— Tu devrais craindre pour la suite.

Je lui emboite le pas en suivant les autres jusqu’à la salle


à manger. Je m’assieds en face de la mère de Joe. Je sens
que ça a été fait exprès. Deux domestiques viennent faire
le service et disparaissent.

— Où sont les autres, maman ? Je croyais que tu voulais


inviter tante Mira et sa clique.
— Je n’ai pas voulu qu’ils soient négativement influencés
par cette soirée. Il me fallait m'assurer que rien de
désastreux n’entre dans ma famille avant qu’ils n’en
fassent la connaissance.

Je souris doucement en piquant dans mon assiette, à leur


suite. Joe, assis près de moi, pose sa main sur ma cuisse.

— Je suis surpris de vous voir ici et non aux côtés de


votre frère à l’une de vos soirées, relève Marc FLYNN.
— En dehors des affaires, chacun a sa vie, vous savez ?
— Amana I… Pff c’est quoi votre nom déjà ? me nargue
Mme DAVIS.
— Alana IVANOV, je lui réponds avec le sourire.
— IVANOV ! C’est d’où ça ?
— C’est Russe.
— Vous n’en avez pas l’air.
— J’ai été adoptée par mon frère. Mais ça je pense que
vous le savez déjà vu que votre cher neveu n’a pas hésité
à faire mes éloges auprès de vous.

Le neveu en question sourit en sirotant son verre de vin.

— Paraît-il que vous faites partie de la mafia, me lance la


mère de Joe.
— Maman ! l’interpelle Joe.
— Quoi ? Elle est là pour que nous fassions connaissance
alors je lui pose des questions sur sa vie. Est-ce que oui
ou non vous êtes une mafieuse ?

Marc FLYNN me regarde avec beaucoup d’attention. Cet


homme attend une toute petite erreur de ma part pour me
coincer.

— D’autres le disent, certains le pensent, mais cela n’a


jamais été prouvé.
— C’est quoi cette réponse de merde ! s’insurge Mme
DAVIS.
— Maman !
— Ce n’est pas très joli pour une femme de votre âge.

Elle manque de s’étouffer.

— De mon âge ? Quel âge croyez-vous que j’ai ?


— Soixante-dix ans ?

Steven et Kira, les frère et sœur de Joe, pouffent de rire


dans la paume de leurs mains.

— Non mais quelle éducation ! s’énerve Mme DAVIS.


— Désolée si je vous ai offensée, belle-maman.

Là, c’est la totale. Elle devient toute rouge comme une


pivoine. Joe sourit sous cape.

— Lieutenant FLYNN, j’aimerais avoir vos


connaissances juridiques sur une question, dis-je en me
tournant vers le cité.
— Je vous écoute.
— Il y a-t-il une loi contre les clubs BDSM.
A entendre par là Bondage, discipline, domination,
soumission, sado-masochisme.

— Non, il n’y en pas. Chaque personne est libre de faire


ce qu’elle veut de sa sexualité. Pourquoi ?
— Oh rien. J’ai entendu parler d’un endroit dans le
centre-ville qui est très réputé pour cette pratique. Je m’y
suis rendue hier entre 20 et 21h et j’en ai vu des choses
qui m’ont laissée sans voix. Mais surtout des personnes
auxquelles je n'aurai jamais pensé.

Madame DAVIS avale la nourriture de travers. Elle boit


son verre d’eau. Cette femme pensait réellement que
j’allais me pointer ici sans faire la moindre recherche sur
elle. Je savais qu’elle n’était pas si parfaite qu’elle
voudrait le faire croire. Cette vielle peau aime les
sensations fortes. Elle adore se faire fouetter par des
gamins.

— J’ai aussi rencontré un jeune garçon de 19 ans à peine.


Il m’a suffi de deux verres pour qu’il me parle de la
cougar qu’il fréquente. Une femme mûre, mère de trois
enfants, qui adore quand il la suspend au plafond et la
fouette.
Madame DAVIS est de nouveau prise de toux. Cette fois
plus forte.

— Belle-maman, tout va bien ? je lui demande pour me


foutre de sa gueule.
— Oui… j’ai avalé de travers.
— Non mais c’est dégueulasse que des mères de famille
s’adonnent à cette pratique, condamne Steven.
— Hyper, appuie Kira.

Les frères entament un débat sur le sujet. Joe quant à lui


demeure pensif. Il doit se douter de quelque chose.

— Je refuse de croire qu’il y ait des femmes au-delà de


la trentaine qui pratique ce genre de chose, dit Kira.
— Oh que si, il y en a, dis-je de nouveau. J’ai pris des
photos. Vous voulez voir ?

Ils acceptent. Je fais semblant de manipuler mon portable


et le leur tend.

— Ça suffit ! tape la table Mme DAVIS en se levant.


Je ramène mon portable en souriant.

— Nous ne sommes pas à une réunion sexuelle ici,


continue Mme DAVIS. Et puis vous, il est illégal de
photographier des gens sans leur consentement.
— Monsieur le Lieutenant, vous allez m’arrêter ? Surtout
que personne n’a porté plainte ?
— Vous devriez supprimer ces photos. C’est une atteinte
à la vie privée.
— C’est compris chef.

Je prends mon portable.

— Oups ! Il vient de s’éteindre. Bah les suppressions


vont attendre à la maison.

Je ramène mon regard sur la mère de Joe. Elle est à deux


doigts de faire un malaise.

— Je vais nous chercher une autre bouteille de vin, nous


informe-t-elle avant de s’en aller telle une furie.
Je suis plus que satisfaite de la tournure de ce dîner. Elle
croyait pouvoir me faire passer une mauvaise soirée avec
son comportement de vielle femme ménopausée en
manque d’affection ?

— Tu m’indiques les toilettes, s’il te plaît, je demande à


Jeoffrey.
— Je t’accompagne.
— Indique-moi juste.

Il me regarde. Par mon regard, je pense qu’il devine le


fond de ma pensée.

— Dans le fond du couloir. La première porte à droite.


Surtout tu ne fais rien, termine-t-il en chuchotant.

Plutôt que d’emprunter le chemin des toilettes,


j’emprunte celui de la cuisine. Madame DAVIS se tient
dos à l’entrée, la tête baissée et les mains prenant appui
sur l’évier. Je m’approche d’elle et me colle à son dos.
Elle sursaute.

— Chuutt !!!
— Que me voulez-vous ?
— Juste savoir comment vous allez, lui chuchoté-je. Ce
n’est pas apaisant de savoir qu’une personne détient son
secret.
— C’est de l’argent que vous voulez pour la fermer ?

Elle essaie de se retourner mais je l’en empêche en


maintenant mon corps comme une barrière derrière elle.

— Je voulais juste que vous ayez une idée de qui je suis.


Vous parlez beaucoup mais agissez peu. Je fais l’inverse.
Alors vous allez prendre bien note de ce que je vais vous
dire. N’essayez plus jamais de me manquer de respect. Je
me suis retenue de vous humilier uniquement à cause de
Jeoffrey. Mais je peux toujours changer d’avis. Restez à
votre place et tout se passera bien.

Je recule de trois pas. Elle me fait face, toute apeurée. Je


lui souris.

— Détendez-vous ! Je ne mords pas.

« Alana ? »

Je me retourne dans la direction de la voix de Joe.


— Tout va bien ? demande-t-il en entrant dans la cuisine.
— Oui. Ta mère et moi avions une conversation sérieuse.
Nous nous sommes bien entendues maintenant. N’est-ce
pas, belle-maman ?

Elle fait oui de la tête. Quoi ? Elle a perdu l’usage de sa


langue ? Une mauviette, celle-là. Nous retournons à
table. Le reste du dîner se passe sans que nous
n’entendions un seul mot de la bouche de Madame
DAVIS. Son silence inquiète ses enfants. Elle rassure
qu’elle est juste épuisée. A la fin du dîner, Jeoffrey prend
congé en notre nom à tous les deux. Mon éternel sourire
ne me lâche pas. Jeoffrey, n’est pas tout à fait lui. Il est
plutôt calme. Il démarre sa voiture dans le silence. Ce
n’est qu’à une bonne distance de la maison de sa mère
qu'il éclate de rire.

— Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? je lui demande, perplexe.


— Je ne voulais pas rire mais la tête que ma mère faisait
à la fin du dîner était à mourir de rire. Diantre, que lui as-
tu fait ?
— Moi ? Rien du tout.
— Au fait, je ne veux pas savoir. Mais je te félicite. Tu
es bien la première personne à l’avoir réduite au silence
en une seule soirée. Si mon père était là, il t’aurait sans
doute embrassée. Tu es la femme qu’il me faut, Alana.
Une warrior.

Je l’accompagne dans son rire. Il me prend ma main et


l’embrasse. Dès que nous franchissons le seuil de ma
maison, nous nous jetons dessus l’un sur l’autre.

— Je brûlais d’envie de te faire l’amour toute ma soirée,


m’avoue-t-il.
— Et moi donc.

Nous vêtements s’envolent. Là, sur le mur à l’entrée de


la maison, il me plaque.

— Tu me rends chaque jour un peu plus fou de toi. Tu es


ma moitié, n’en doute pas, madame le remède contre la
maladie Hélène DAVIS.

J’éclate de rire.

— Tu es fou, Jeoffrey. Et c’est fou comme je peux


t’aimer.
Son sourire s’agrandit tandis que le mien s’efface. Putain
de bordel de merde ! Je viens de lui faire une déclaration
d’amour là ?
10

***INAYAH

— Inayah !
— Non, Alana, stop ! Ça suffit ! Je ne veux plus entendre
parler de ton frère.
— Vous devez parler pourtant. Laisse-le t’expliquer.
— Depuis trois mois, tu ne fais que me dire qu’il n’a pas
touché ma sœur alors que lui ne cesse de me jeter à la
figure à chacune de nos disputes combien ma sœur était
bonne.
— Il le dit pour te foutre en rogne. Tu ne lui mènes pas
la vie facile ces trois derniers mois. Tu lui en fais baver.
— Et il n’a encore rien vu. Bref, parle-moi de l’évolution
de ta relation avec Jeo.

Je tire le raisin entre mes dents et me cale bien dans le


sofa d’Alana.

— Joe !
— Il s’appelle Jeoffrey donc le diminutif c’est Jeo, dis-je
en rigolant. Alors comment ça va ?
— Il est aux anges depuis que je lui ai accidentellement
fait une déclaration. Il est devenu encore plus…
— Chou ?
— Et démonstratif. Ça m’énerve car il déteint sur moi. Je
ne me reconnais plus lorsque je suis avec lui. Avant je
mettais des barrières, maintenant ce n’est plus le cas. Je
me laisse beaucoup trop aller.
— Il n’y a pas de mal à être amoureux, tu sais.
— Avec le boulot que je fais, si.
— Tu n’as aucune grande responsabilité dans ce cercle si
ce n’est d’assurer les arrières du Dark. Tu n’es donc en
aucun cas concernée par toutes leurs lois.
— Chris m’a élevée et formée sur la base de ces lois.
— Pour pas que tu sois faible dans cette société de merde.
Mais te connaissant, il n’y a pas moyen que tu le
deviennes. Tu es une femme et tu es appelée à fonder une
famille. Te marier et avoir des enfants.
— Beurk ! Tout sauf ça. Les mioches c’est chiant. Je ne
me marierai jamais. Jeoffrey et moi resterons ainsi.
— Et s’il en veut plus ?
— Il ira voir ailleurs. Tout simplement. Je n’ai pas le
temps pour tout ça, tu comprends ? Je gère déjà assez de
choses avec Chris.
— Tu sais hum, t’es pas obligée de rester dans la mafia,
dis-je dans ma gorge. Je dis ça, je ne dis rien.
— Je ne sais rien faire d’autre.
— Commence par apprendre d’autres choses. Ou encore
Chris peut te mettre dans sa boîte.
— Ce n’est pas aussi simple.

Je reçois un message de Shelby.

« — Viens me chercher s’il te plaît. Je n’ai pas la tête à


conduire. »
« — Que t’arrive-t-il ? je lui réponds. »
« — Je t’expliquerai quand on se verra. »
« — Ok j’arrive. »

Je range mon portable et dépose mon assiette de raisin


sur la table basse.

— Je dois y aller. Shelby a besoin de moi.


— Je dois aussi me préparer pour rejoindre ton époux.
— Mtchrrrrrrrrrrr !!!

Elle éclate de rire. Mon époux carrément. Je préfère ne


pas penser à lui pour m’éviter une mauvaise humeur.
J’aperçois Shelby devant l’énorme supermarché dont elle
est le manager. Je gare juste devant elle et elle monte.
C’est une fois à l’intérieur que je remarque ses larmes.

— Que se passe-t-il ?
— Rentrons, s’il te plaît !

Elle n’est vraiment pas bien. Je lui obéis malgré ma forte


curiosité que je maîtrise jusqu’à destination. Elle se laisse
tomber dans son divan et garde toujours le silence.

— Tu vas me dire ce qui ne va pas ? je lui demande sur


un ton de reproche.
— Soit j’écarte les jambes, soit je perds mon travail et
prends le risque de finir en prison.
— Hum ? fais-je en m’asseyant près d’elle, encore plus
curieuse.

Elle pousse un soupir.


— Le grand boss me fait du harcèlement sexuel. Depuis
un moment il ne me fait que des propositions indécentes.
Face à mon refus, il a mis une fausse histoire de
détournement sur ma tête et me met face à un dilemme.
Soit je couche avec lui, soit il porte plainte contre moi
pour détournement et je vais non seulement en prison,
mais j’entache par la même occasion mon CV donc plus
de boulot pour moi de toute ma vie.
— L’enfoiré de première, dis-je en me relevant. Non mais
tu as attendu jusqu’ici pour me le dire ?
— Parce que je savais que tu allais taper un scandale si je
te le disais là-bas. Tu es devenue complètement crazy.
— Et c’est ce qu’il faut pour des gens comme ce connard.
Non mais c’est une pourriture. Tu comptes porter plainte
n’est-ce pas ?
— Lol, c’est perdu d’avance. Cet homme a des relations
partout. En plus de cela, je n’ai aucune preuve contre lui.
Je suis fichue, tu comprends ?

Ses lèvres se mettent à trembler et la seconde d’après elle


éclate en sanglots. Je me rassois et la prends dans mes
bras.

— Je suis désolée, bébé.


— J’ai tellement travaillé dur pour en arriver là. J’en suis
plus d’une fois tombée malade. Et là, je vais tout perdre
comme ça, à cause d’une satané libido. Que vais-je faire
maintenant, hein ? Dis-moi !
— Nous allons trouver une solution, ne t’inquiète pas
bébé.

Je la garde dans mes bras jusqu’à ce qu’elle s’endorme.


Je l’allonge et me rends sur le balcon, passer un coup de
fil. J’appelle ensuite Nick qu’il vienne rester près d’elle.
Quand ce dernier arrive, je m’absente un moment.

Je reviens à la tombée de la nuit. Je la retrouve toujours


autant abattue. Je m’assois près d’elle à la table à manger.

— As-tu pris une décision ? je lui demande.


— Demain j’irai démissionner, me répond-t-elle en
jouant dans son plat.
— Bonne décision.
— Parle pour toi. Comment vais-je survivre ?
— On trouvera une solution. En attendant, suis-moi !
— Où va-t-on ?
— Tu verras.
Je ne lui laisse pas le temps de réfléchir. Je lui tire la
main. Nick reste concentré sur son match. Je trimballe
Shelby avec son énorme pyjama sur le dos jusqu’à ma
voiture. Je sors le paquet de courses.

— C’est quoi ? me questionne-t-elle.


— Bombe de peinture et cagoule.
— Pour quoi faire ?
— Nous allons laisser un petit souvenir à ton cher ex
patron. Nous allons ce soir saccager son supermarché.
— Quoi ? Non ! Non, non je ne fais pas ça.

Elle veut descendre mais je la retiens.

— Si, tu vas le faire. Ce serait trop facile de démissionner


de la sorte. Tu dois lui laisser un très beau souvenir.
— Inayah !
— Et il doit savoir que tu n’es pas le genre de femme
fragile qu’il a l’habitude d’intimider.
— Comment ça ?
Je lui tends un porte-document contenant des photos et
d’autres renseignements sur son pervers de patron. Cet
homme a cette mauvaise habitude d’harceler
sexuellement ses employés. Peu importe leur genre. Il est
de tous les bords ce salop.

— Je n’en reviens pas.


— Tu l’as dit. C’est pourquoi tu dois claquer la porte de
façon mémorable.
— Et s’il décide de porter plainte ?
— Tu crois qu’avec ça il osera porter plainte ?

Elle se mord la lèvre dans une brève réflexion.

— Ok on y va !
— C’est parti !
— Qu’allons-nous faire exactement ? me demande-t-elle
alors que je démarre.
— Tes emplettes, je lui réponds le sourire aux lèvres.

Nous attendons dans la voiture que les derniers clients


s’en aillent et que les employés ferment le local.
— Je sens que je vais très vite regretter de t’avoir suivie.
— Tu te sentiras beaucoup mieux, crois-moi. Allons nous
amuser.

Nous enfilons nos cagoules lorsque nous arrivons devant


la porte. Shelby tape le code d’accès et coupe l’alarme de
sécurité.

— Par quoi commence-t-on ? m’interroge Shelby une


fois à l’intérieur.

Je fais tomber une petite étagère remplie de friandises.

— Par ça. Tu devrais essayer.

Elle hésite. Je la motive avec un sourire. Elle choisit une


deuxième étagère et la fait tomber.

— WOOUHH !!! Ça me fait du bien.

Elle s’élance vers une plus grosse étagère qu’elle fait


tomber après beaucoup d’effort et c’est parti. Nous
foutons le bordel partout. Renversons certains objets.
Ouvrons et consommons tout et n’importe quoi. Shelby
se défoule au maximum. Elle se retrouvera au chômage
de toute façon donc autant tout foutre en l'air.

— Je ne veux pas me cacher derrière une cagoule, me dit-


elle. Je veux qu’il me voit.

En même temps, les cagoules je les ai achetés pour faire


plus gangster. Elle retire la sienne et va se mettre devant
l’une des caméras de surveillance. Elle fait plusieurs
doigts d’honneur en dansant sur une musique imaginaire.

— Allons dans son bureau pour que je lui écrive mon


petit mot de démission.

Je la suis. Elle prend un bout de papier sur lequel elle


note : Je démissionne et si vous essayer d’engager la
justice contre moi, peu importe le motif, je balance toutes
les infos que j’ai sur vous. Regardez votre mail.

— Une fois dans la voiture, je lui enverrai les images de


tes recherches dans sa boîte mail.
— Ça marche !
— Allons maintenant que je récupère mes affaires.
Je l’aide et en trente minutes nous avons tout bouclé.
Nous retournons dans le supermarché et cette fois nous
prenons un caddie dans lequel je m’assieds. Nous roulons
comme des folles parmi les rayons. Prenons tout et
n’importe quoi. Nous nous éclatons comme des gamines.
Nos vêtements sont tous sales mais qu’importe. Lorsque
nous entendons une sirène de la police, nous nous
dépêchons de sortir. Shelby pousse de toutes ses forces
les deux caddies que nous avons remplies, avec moi
assise dans l’une, jusqu’à ma voiture.

— Nous sommes foutuuuuues !!! s’écrie Shelby en


courant.

Nous rions comme des gamines en rangeant tout ce que


nous avons emporté dans le coffre de ma voiture.

— Oh nous avons oublié, dis-je.


— Quoi ?
— Les bombes de peinture.
— Inayah, la police n’est pas loin.
J’en prends quatre et pose deux dans ses mains et je cours
de nouveau vers le supermarché. Shelby n’a d’autre
choix que de me suivre. Nous taguons sur les murs des
mots comme pervers, harceleur sexuel, salop. Nous
fuyons de là sans plus attendre.

— Merci babe ! Je me sens beaucoup mieux maintenant.


— Oh, de rien mon cœur.

Ce sont Nick et son cousin Maxence qui nous accueillent


tout inquiets.

— Non mais où étiez-vous ? demande Nick en nous


regardant à tour de rôle. Et pourquoi êtes-vous dans cet
état ?
— Oh, nous sommes allées faire des emplettes, lui
répond Shelby en l’embrassant. Au fait, pouvez-vous
aller les faire monter ? Prenez des sacs dans la cuisine.

Les deux hommes nous regardent, perplexes. Mais sans


insister, ils descendent ramasser tout ce que nous avons
apporté avec nous. Shelby profite de leur absence pour
prendre en photo les informations sur son patron et les lui
transfère dans sa boîte mail.
— Maintenant je n’ai plus qu’à redéposer mes dossiers.
— Tu trouveras vite quelque chose.

J’aurai pu l’encourager à porter plainte contre ce type


mais ça aurait été trop pénible pour elle, surtout qu’elle
n’a aucune preuve. Je compte l’aider à se relever.

Les hommes reviennent tout chargés de nos courses.

— Vous avez dévalisé le supermarché ou quoi ?

Nous nous regardons et sourions devant l’assertion de


Maxence. Nick nous sert le dîner qu'il a concocté en notre
absence. Shelby décide de se prendre une douche rapide
avant de se mettre à table. Nick la suit dans la chambre.
Je reste avec Maxence qui me plonge dans une bonne
ambiance comme à son habitude. Cet homme blanc aux
yeux verts est d’une très belle compagnie. Il est la seule
famille qui reste à Nick et depuis trois mois, nous le
fréquentons. Moi surtout car nous discutons beaucoup. Il
ne l’a pas encore dit ouvertement mais il a craqué pour
moi. Il se réserve par rapport à mon statut matrimonial. Il
est tout ce qu’une femme peut espérer chez un homme.
Beau, charmant, gentleman, doux, souriant à toutes les
heures. Si je n’étais pas déjà amoureuse de ce connard de
Chris, sans doute de le serais-je devenue de Maxence.
J’adore sa compagnie, ça je ne peux le nier.

— Ça te dirait de dîner avec moi demain ? m’invite-t-il


avec hésitation.
— C’est un rencard ?
— Si tu n’étais pas mariée, ça l’aurait été. On va donc
dire un dîner entre amis.

Je fais mine de réfléchir.

— Ok ça marche. Ça fait un moment que je ne suis pas


sorti dîner dans un bon restaurant.
— Je trouverai le meilleur restaurant et je t’enverrai
l’adresse.
— Ça marche.

Les deux tourtereaux nous rejoignent et nous terminons


la soirée dans une atmosphère magique. Je rentre toute
épuisée à une heure tardive. Shelby a horreur que je rentre
tard chez moi. Elle veut à chaque fois que je passe la nuit
chez elle et rentre le lendemain matin. Sauf que je rentre
tard expressément pour foutre Chris en rogne. Il ne
supporte pas cela. Toutes les lumières sont éteintes
comme à chaque fois que je rentre. Je monte sans
chercher à savoir si Chris est là ou pas. Je rencontre
justement monsieur dans le couloir menant aux
chambres. Je ne lui accorde aucun semblant de regard ni
même une salutation.

— Inayah ! m’appelle-t-il dans mon dos.


— Quoi ? dis-je en me retournant.
— Nous avons un dîner demain avec…
— J’ai déjà quelque chose de prévu.

Je tourne les talons, entre dans ma chambre et claque la


porte derrière moi.

Si je savais Maxence de très bonne compagnie, ce soir il


me fait passer la meilleure soirée de toute ma vie. Entre
rire et échange. J’en apprends beaucoup sur lui. Comme
par exemple sa famille a des biens immobiliers un peu
partout dans les différents états. Il a hérité de l’entreprise
de son père, étant l’unique enfant de ses parents. Il la gère
plutôt bien. Il voyage beaucoup. Il a dû très vite se
responsabiliser après la mort de son père. Sa mère est
morte en lui donnant la vie donc il ne l’a jamais connue
que par les propos de son père.
— Il a de la chance, ton époux.
— Tu devrais le lui dire, dis-je avec une pincée
d’amertume dans la voix.
— Je me trompe peut-être mais je ne te sens pas heureuse.
Tu rentres tard tous les jours. Une femme heureuse en
ménage ne ferait jamais ça.
— Je crois que je me suis lancée dans ce mariage sans
réfléchir. Sans prendre la peine d’analyser tous les
contres. Les pours, il n’y en a eu qu’un seul. L’autonomie
sur tous les plans.

Pour la première fois depuis mon retour de Côte d’Ivoire,


je me laisse dominer par mes émotions. Maxence me
prend la main qu'il caresse tout doucement et me regarde
avec des yeux dégageant beaucoup de tendresse.

— J’ai tellement pris l’habitude de te voir sourire que te


voir triste ce soir me pince le cœur.
— Ne parlons donc plus de ma vie car il ne s'y trouve rien
d’intéressant.
— Comme tu veux.
Il garde une de ses mains sur la mienne et de l’autre, il
me caresse la joue. Je me sens subitement secouée et
relevée d’un seul coup. Je ressens en même temps une
douleur au bras.

— C’était donc pour faire ta pute que tu as refusé de me


suivre à ce dîner important ?

Le regard de Chris est rouge de colère.

— Chris ? Lâche-moi !

J’essaie de me dégager mais il me tient avec beaucoup de


force, mais encore plus de rage. Il me tire hors du
restaurant, sous les regards curieux. J’attends d’être
complètement dehors pour tenter un autre dégagement.
Je réussis cette fois.

— Tu ne me traite plus de la sorte, encore moins en


public.
— Parce que tu trouves normal qu’une femme mariée
s’affiche avec un autre homme ?
— Tu vois maintenant ce que ça fait de voir son conjoint
fricoter avec quelqu’un d’autre.
— Ne me pousse surtout pas à bout, Inayah !

Je souris. Il m’attrape et veut me faire monter dans sa


voiture.

— Tu me lâches ! Je ne suis pas venue avec toi alors il


est hors de question que je rentre avec toi.

Il est de plus en plus furieux.

— Inayah, ça va ?

Maxence se tient derrière Chris avec ma pochette en


main.

— Tu veux que j’intervienne ?

Chris se retourne tout doucement vers lui.

— J’aimerais bien voir votre intervention, lui lance Chris.


— Vous êtes ?
— Son mari ! Un problème ?
Maxence me regarde. Je lui fais non de la tête. Il recule.
Faudrait pas mettre cet homme innocent dans des
problèmes. Je récupère ma pochette.

— Je t’appelle. Merci pour la soirée.

Je lui embrasse la joue. Je monte ensuite dans ma voiture.


Je vois Chris me suivre avec la sienne. Je ne savais
vraiment pas qu’il dinait dans le même restaurant. C’est
cependant une bonne chose car j’ai encore réussi à le
sortir de lui. Il va payer pour toutes les douleurs qu’il m’a
fait encaisser. La première chose que je fais quand
j’arrive à la maison, c’est de monter m’enfermer dans ma
chambre. Vu la colère de Chris, je perdrai toute
confrontation ce soir. Il me faut réfléchir au moyen de lui
faire payer d’avoir gâcher ma soirée.

*Mona
*LYS

J’entre dans le bureau de Chris sans cogner. Il en a


horreur, je le sais. Il me regarde méchamment.
— Trois mois et tu n’as toujours pas trouvé le moyen de
me libérer de ce mariage.

Il souffle.

— Le seul moyen c’est de changer d’identité et de


disparaître loin.
— Dans ce cas tu seras obligé d’élever sous ton toit
l’enfant d’un autre.

Il fronce les sourcils. Je sors de mon sac à main, trois tests


de grossesse positifs. Ce ne sont pas les miens. Je me suis
rendue dans une maternité où j’ai payé une jeune fille
enceinte pour uriner sur ces tests. Je regarde
attentivement Chris, attendant de voir sa réaction. Son
regard reste figé sur les tests.

— Hier j’étais en train d’annoncer la nouvelle au père,


quand tu as fait ton cinéma.

Il reste toujours immobile.

— Tu ne seras pas obligé de dépenser quoi que ce soit


pour le bébé. Son père est un homme responsable.
Je lui tourne dos. J’entends un bruit et dès que je me
retourne, je ne le vois pas arriver mais je suis projetée
contre le mur derrière moi. Un cri de surprise m’échappe.
Chris est au bord de la crise. Ses yeux crachent le feu, ses
tempes battent fort, les nerfs sont visibles partout sur son
visage. Ok, je crois que j’y suis allée un peu fort. Ses
doigts se resserrent autour de mon cou.

— Chris ! dis-je étouffée.

Il ne parle pas, me regarde avec toute la haine du monde.


Il serre encore plus mon cou.

— Chris !

Il respire comme un taureau. Je commence sérieusement


à manquer d’air. Je me débats mais c’est comme si je ne
faisais absolument rien. Il reste stoïque. Je vais mourir
aujourd’hui. Qui m’a envoyée, putain ? Mes yeux
révulsent. Je commence à réciter le ‘‘Notre père’’
mentalement. Je vais revoir mon père un peu plus tôt que
je ne l’avais pensé. Je suis en train de rendre mon dernier
souffle quand je m’écroule subitement. Dieu a entendu
ma prière. Chris m'a lâchée. J’entends la porte claquer.
Ouf ! C’en était moins une.

***CHRIS

Je vais commettre un meurtre ce soir. Je crois avoir été


trop laxiste avec cette fille. Voici qu’elle se permet de me
manquer de respect de la sorte. Se donner à un autre
homme ? Et comme si ça ne suffisait pas, elle tombe
enceinte ? Je ne tolérerai pas un tel manque de respect
sous mon toit de surcroît. Je conduis comme un fou, grille
plusieurs feux et manque de renverser des piétons. Il me
faut faire descendre cette rage au risque de me faire tuer
moi-même dans un stupide accident. Je stationne devant
la boîte de nuit de Shana. J’ai repoussé cette fille pour
Inayah et en retour cette garce se permet de me faire cocu.
Je vais lui faire la peau. Je ne peux accepter un tel affront.

Je marche tout droit vers le bureau de Shana. Elle


comprend le message en voyant traverser son espace
ainsi. Elle me rejoint quelques secondes après m’être
installé.

— Je suis heureuse de te revoir. Tu m’as tellement


manqué.
— Ferme-la et fais ce que tu as à faire, lui dis-je
sèchement, les yeux fermés et la tête ramenée en arrière.

Elle ouvre la fermeture de mon pantalon. J’essaie de me


détendre. Mais la seule chose que j’arrive à faire c’est de
me mettre encore plus en colère. Plutôt que de prendre
plaisir au manège de Shana, j’imagine Inayah dans les
bras de cet homme. Je l’imagine gémir comme elle a
gémi dans mes bras. Je l’imagine dans toutes les
positions. Je vois cet homme la faire sienne. C’en est trop
pour moi.

— Ça suffit !

Je repousse Shana en me levant.

— Que t’arrive-t-il ?

Je sors sans demander mon reste. Ma colère n’a pu


descendre. Ben, qui m’a suivi me donne un document. Ce
sont les renseignements que j’ai demandé hier sur
l’amant d’Inayah. Je ne cherche rien d’autre que son
adresse. Dès que mes yeux se posent là-dessus, je
démarre ma voiture. Il a vu la nudité de ma femme, il
mérite de mourir. Il pourrait l’utiliser contre moi. Je ne
peux le permettre.

Arrêté devant sa porte. Je me craque le cou en tenant en


main mon arme. Je dois maîtriser ma colère au risque de
m’exposer. Ben cogne. La porte s’ouvre quelques
secondes plus tard. Je lève mon arme et la braque sur lui.
Il lève les mains et marche à reculons. J’entre avec lui.

— Ne vous a-t-on jamais dit de ne pas convoiter la femme


d’autrui ?
— Je.. je… je ne lui ai pas fait la cour, Monsieur. Nous
sommes justes am…

Je lui enfonce mon poing dans sa face. Il s'écroule. Je le


relève d’une main et place mon arme sur sa tête.

— Ne me tuez pas, je vous en supplie.


— Vous avez eu assez d’audace pour coucher avec ma
femme. Pire, la mettre enceinte. Je ne peux laisser passer
ça.

Je charge mon arme.


— Quoi ? Enceinte ? Couché ? Non, non non, il y a
erreur.

Je retire mon doigt de la gâchette.

— Il ne s’est jamais rien passé entre Inayah et moi.


— Tout homme face à la mort dirait ça.

J’exerce de nouveau une pression sur la détente.

— Je vous le jure sur la mémoire de mon père. Je n’ai


jamais touché votre femme. Je ne lui ai même jamais fait
la cour, même si j’en avais envie. Elle ne peut donc pas
être enceinte de moi.
— J’ai vu des putains de tests de grossesse.
— Ah bon ? Elle est donc de vous alors. Parce que la
Inayah que je connais ne fréquente aucun autre homme
que vous. Vous pouvez interroger sa meilleure amie,
Shelby. Elle vous confirmera mes dires.

C’est quoi cette histoire ? Elle est enceinte ou pas ?


— Elle vous a peut-être fait un canular. Ou peut-être
qu’elle porte votre bébé.

Nos rapports datent d’il y a quatre mois. Ça se verrait si


elle était enceinte depuis. Cette fille est en train de me
faire perdre la tête. Je suis tellement sonné par toute cette
histoire que je laisse tomber le type et sors de chez lui. Je
viens de me rendre ridicule devant un homme qui ne peut
normalement se tenir devant moi. Inayah va me le payer.

La porte de sa chambre est condamnée. Je ne prends pas


la peine de lui demander de l’ouvrir. D’un coup de pied,
je la fracasse. Elle pousse un cri en sursautant.

— Non mais tu es malade de rentrer de la sorte dans ma


chambre ? Pour qui…

Je la cogne contre me mur et garde ma main autour de


son cou.

— Es-tu réellement enceinte ? je lui demande, prêt à


commettre un meurtre si elle répond par la négative.

Elle sourit.
— Non !

Je la cogne de nouveau contre le mur.

— Donne-moi une putain de seule raison de ne pas te tuer


là maintenant. DONNE-MOI UNE SEULE.
— Je ne t’en donnerai aucune. Tue-moi !

Je resserre mon emprise. Elle sourit. Sa main relève ma


main tenant mon arme. Elle place l'arme sur son front.

— Tue-moi, Chris IVANOV. Montre-moi que tes


couilles ne servent pas qu’à baiser comme un dieu. Si tu
ne me tues pas maintenant, je vais te pourrir la vie. Je te
rendrai tellement fou que tu te donneras la mort. TUE-
MOI QU’ON EN FINISSE.

Nous nous affrontons du regard. Que m’est-il arrivé pour


me montrer si hésitant face à cette femme ? Pourquoi est-
ce que je n’appuie pas sur cette putain de gâchette ?
Elle est en train de me défier. Sérieusement ? Cette fille
que j’ai façonnée ose me défier, moi ? Le Dark ?
11

***JEOFFREY

Je suis un homme heureux. J’ai enfin réussi à faire tomber


toutes les barrières d'Alana. Elle se laisse totalement
aimer par moi. Il n'est plus question que de sexe entre
nous. Je n’ai pas besoin qu'elle me dise qu'elle m’aime.
J'en ai la certitude. Pas besoin de mot quand dans les actes
ça se voit. Je n'exige pas de déclaration parce que je sais
que c’est sa toute première expérience. Aucun autre
homme avant moi ne peut se vanter d’avoir été aimé par
Alana. Je reste le plus chanceux.

— T'as pas vu mon arme ?


— Je n’y touche jamais. Elle doit avoir glissé sous le lit
pendant que tu te déshabillais.
— Tu m’aides à la prendre s’il te plaît ?
— Tu m’as dit de ne jamais y toucher.

Elle roule des yeux et se baisse pour récupérer son arme.


J’en profite pour mettre le genou par terre devant elle.
— Dis plutôt que t’es un froussard, dit-elle en se relevant.
Tu ne… qu’est-ce que tu fais ?

J’ouvre l’écrin.

— Non ! Jeoffrey ! C’est non.

Elle essaie de s’en aller mais je lui attrape la main en


gardant ma position.

— Princesse !
— Joe, non. On se connaît à peine.
— Trois ans.
— Tu sais ce que je veux dire. Je ne suis pas prête pour
ça.
— Tu as peur ou tu n’es pas prête ?
— Je… Joe… Merde qu’es-tu en train de me faire ? Tu
es fou. Tu ne sais pas ce que tu fais.
— Je n’ai jamais été aussi sûr de moi, dis-je en me
relevant.
— Joe !
Elle souffle et se rassoit sur son lit.

— Tu ne peux pas penser à un avenir avec moi. C’est


quasi impossible.
— Pourquoi avons-nous donc cette relation si ce n’est
pour terminer ensemble ?
— Bah, je me suis dit qu’on était là comme ça jusqu’à ce
que tu finisses par te lasser de moi et me jettes comme
une serpillière.
— S’il y a une personne qui finira par faire pareille chose,
c’est bien toi. Moi je suis trop accro à toi.
— Je fais partie de la mafia.
— Je sais.

Elle a un tic de surprise.

— Quoi ? Tu croyais que tout ce temps je ne finirais pas


par le savoir. Je sais absolument tout sur toi et ton frère.
Sur le net il n’y a certainement rien, mais j’ai aussi des
relations. Ce que je sais, c’est que le mafieux, c’est Chris.
Pas toi. Lui il l’a hérité de ses pères. Toi tu es juste son
bras droit. Ta vie n’en dépend pas. Je ne te demande pas
de tout arrêter. J’essaie juste de te faire comprendre que
tu es libre de fonder un foyer.
— Je ne suis pas une femme pour toi. Je…
— Je ne veux rien savoir de ce que tu as fait et fais. Je te
veux toi, malgré tout. Je t’aime à un point que tu ne peux
imaginer.

Ses yeux s’embrouillent de larmes.

— Merde ! fait-elle en se levant et me donnant dos. Je


dois y aller. Chris m’attend.

Elle range son arme d’une main pendant que l’autre se


balade sur son visage. Je lui prends sa main de force et y
dépose la bague.

— Je te laisse le temps de réfléchir. Tu me donneras ta


réponse quand tu te sentiras prête. Retiens que je t’aime
et je te protégerai contre tous.

Je la retourne et l’embrasse. Elle se détend et répond au


baiser. Je la serre ensuite dans mes bras.

— Tu m’attendras ? me demande-t-elle.
— Oui.
Nous nous embrassons une dernière fois avant qu’elle ne
s’en aille. J’espère vivement qu’elle acceptera ma
demande. Je veux d’elle comme compagne pour le
restant de ma vie. Je profite de son absence pour lui
concocter des petits plats à conserver dans son frigo. Ses
différentes occupations l’empêchent parfois de se faire à
manger. Cuisiner pour elle est un réel plaisir. Je constate
qu’il ne reste plus grand-chose dans le frigo. Je prends
ma voiture, direction le supermarché. La fluidité de la
circulation me permet d’arriver en moins de temps. Je
gare dans le parking non éclairé et pendant que je marche
vers le bâtiment, j’entends des pas dans mon dos. Je me
retourne à peine pour voir qu’un sac m’est mis sur la tête.

— Mais… qu’est-ce qui…

J’essaie de lutter mais mes forces me lâchent


instantanément. Je perds connaissance.

Je me réveille en sursaut par le contact de quelque chose


de glacé sur mon visage. C’est de l’eau. Je secoue la tête,
cligne des yeux et je distingue dans le flou une silhouette.

— Qui êtes-vous ? Et où suis-je ?


Ma vue se dégage. Un homme en cagoule se tient debout
devant moi. Derrière lui, sont arrêtés deux autres
hommes, également cagoulés.

— Que me voulez-vous ? Si c’est une rançon que vous


voulez, pas la peine de fatiguer ma mère. Je peux vous la
donner moi-même. Je n’ai pas de temps à perdre avec vos
conneries.

L’homme rigole. Il fait un signe de main. L’un des


hommes derrière apporte une chaise. Le chef s’y assoit et
appuie ses bras sur le dossier. Je remarque le flingue qu’il
tient.

— Je veux des informations.


— Des informations ? Je crois que vous vous êtes trompé
de personne. Je suis un homme lambda qui vit caché et
qui n’a affaire à personne. Je ne vois pas en quoi je
pourrais vous aider.
— Alana IVANOV. Ça te dit quelque chose.

Un horrible frisson me traverse.


— Que… que lui voulez-vous ? je lui demande en
maîtrisant du mieux que je peux le tremblement de ma
voix.
— Savoir tout ce que tu sais sur elle. Vous êtes très
proches donc tu dois avoir pas mal d’informations la
concernant, elle et son frère. Comme par exemple, leurs
sorties nocturnes.
— Je ne sais rien.

Et c’est vrai. Je ne sais pas exactement ce qu’ils font


quand ils sortent. Je sais juste qu’ils sont des mafieux.
Mais je sens que je dois garder cette assertion pour moi.
Ça confirmerait les soupçons. Le type en face de moi
sourit. Il fait un autre signe de main et ses hommes
transportent plusieurs choses. Des outils de… torture ?

— Je sens que nous allons bien nous amuser. J’ai tout


mon temps.

Et moi je sens que je laisserai ma vie ce soir parce que je


n’ai pas l’intention de trahir Alana.

***INAYAH
— Aya, où m’emmènes-tu ?
— C’est une surprise. Un peu de patience.

Je gare devant un bâtiment.

— Terminus. Tout le monde descend.

Elle me suit avec plein d’interrogations jusqu’à


l’intérieur.

— Tadam !!!
— Quoi ?
— Je te présente le local qui abritera ta future entreprise.
Je l’ai acheté pour toi. Pour que tu puisses t’installer à ton
propre compte. Donc, mes hommages Madame la
directrice, lui fais-je avec mon plus beau sourire.

Elle regarde tout autour d’elle, complètement ébahie.

— Alors, qu’est-ce que t’en dis ?


— Je… je t’en suis sincèrement reconnaissante mais je
ne peux pas l’accepter.
— Pourquoi ?
— Parce que c’est… trop. Ça a dû te coûter une fortune,
vu l’immensité de cet espace et te connaissant, je sais que
tu voudras encore financer l’activité qui s’y fera.
— Tu as vu juste. J’ai déjà mis un budget de côté.
— Inayah !
— Shelby, dis-je en lui prenant les mains, tu es ce que je
peux considérer comme ma seule famille. Je n’ai
personne dans ce monde que toi. J’ai des biens que je ne
sais avec qui dépenser.
— Tu m’offres déjà des cadeaux. Ça c’est trop.
— Ce n’est absolument rien comparé à tout le bien que
tu me procures. Personne auparavant ne m’avait donné
autant de considération comme tu l’as fait. Je te prie,
laisse-moi te faire plaisir. C’est la Noël en plus, on ne
refuse pas de cadeau.

Je joue avec mes sourcils en souriant. Elle finit par


sourire.

— Ça marche !
— Yes !
— Mais à une condition.
— Laquelle ?
— Que tu me laisses t’organiser une petite fête
d’anniversaire.
— Ok !

Nous nous étreignons fortement.

— Merci chérie ! J’adore.


— Que vas-tu y faire ? je lui demande en la relâchant.
— J’ai tellement de choses en tête, t’as pas idée.

Je la regarde déambuler partout et parler de tout ce


qu’elle pourrait y faire. J’adore lui offrir des cadeaux et
je ne calcule jamais. Elle le mérite car c’est une fille en
or.

Nous retournons chez elle où Nick nous attend pour le


dîner de Noël. L’année est passée à la vitesse de l’éclair.
A peine nous nous sommes faits les meilleurs vœux que
l’année est terminée. Mais ce n’est pas pour me déplaire,
moi qui aime ces fêtes. Toute ma vie j’en ai été privée.
Plus jeune, je regardais mes frères recevoir des cadeaux
et savourer les meilleurs morceaux de poulet tandis que
moi je ne recevais absolument rien sous prétexte que
l’argent était trop peu pour m’acheter ne serait-ce qu’une
poupée de 1 000 FCFA. Pendant que les autres se
réjouissaient, moi je pleurais. Tout ce que à quoi je
servais, c’était à faire le ménage. J’ai cru que les choses
allaient changer après mon mariage. Je me fourvoyais
grandement. La solitude ne m'avait pas laissée. Sébastien
préférait sortir avec ses amis et Rose que d’être avec son
épouse. Les choses ont changé depuis que j’ai rencontré
Shelby. Je reçois des cadeaux et je ne suis plus seule. Je
suis heureuse malgré le fait que mon plus grand souhait
serait d’être avec Chris.

Nous sommes surprises de retrouver également Maxence


chez Shelby. Il était censé être en voyage hors du pays.
Nous ne nous sommes plus revus depuis le dîner.

— Salut ! me salue-t-il après avoir embrassé Shelby.


— Salut ! Pouvons-nous parler un instant.

Il me suit un peu à l’écart des autres.

— Voilà, je tenais à sincèrement m’excuser pour ce qui


s’est passé avec Chris. Je ne voulais pas te créer des
ennuis.
— Je ne t’en veux pas. Tu en avais sans doute besoin pour
te libérer. J’aurai juste voulu que ma vie ne soit mise en
jeu.
— J’en suis désolée. Je n’ai pas vraiment réfléchi.
— Oublions tout ça.

Il sort une petite boîte de la poche de son pantalon.

— C’est pour toi. Joyeux Noël !


— Merci ! dis-je en prenant le cadeau que j'ouvre pour
découvrir deux petites boucles en diamant. Waouh ! Elles
sont magnifiques. Encore merci !

Je l’enlace. Il me gratifie de son chaleureux et séduisant


sourire. Nous rejoignons les autres autour de la table à
manger magnifiquement décorée et bien garnie. Les
conversations vont bon train. Tout est parfait. Mon
bonheur aurait été total si Chris était à mes côtés comme
Nick l’est aux côtés de Shelby. Ils ne cessent de se
dévorer du regard et se sourire comme des adolescents
qui découvrent l’amour. Chris doit sûrement être enfermé
dans son bureau à travailler. Il s’en fiche de tous ces
moments de partage. Je ne devrais pas être en train de
penser à lui. Je reviens à moi quand Shelby recrache
quelque chose dans son verre.

— Qu’est-ce… Oh my God ! dis-je doucement.


Shelby se fige en regardant l’objet qu’elle a failli avaler.
Un solitaire. Nick pose le genou par terre devant elle et
lui fait la plus merveilleuse des déclarations, suivie de la
demande. Shelby est devenue toute rouge tellement elle
est émue. Je ne savais absolument rien de ce moment.
Shelby ne le laisse pas aller au bout de sa demande
qu’elle se met à hurler plusieurs ‘‘oui ’’. Maxence fait
péter le champagne et nous trinquons.

— Félicitations baby. Tu le mérites.

L’émotion me prend aux tripes. Je suis heureuse pour elle


et en même temps triste car j’aurai voulu vivre une
histoire d’amour aussi magnifique que la leur.

Il est 2h quand je franchis le seuil de la maison. J’ai quitté


la maison de Shelby depuis trois heures de temps. J’ai
juste traîné pour admirer les gens heureux dans les rues
mais surtout les lumières qui rendent la ville deux fois
plus magnifique. Chris et moi tombons nez à nez en bas
des escaliers. Les cernes sous ses yeux montrent qu’il
manque de sommeil. Ce n’est pas mon problème. Je n’ai
pas à m’inquiéter pour lui. Sa perte de poids ne me
regarde pas. Je monte les premières marches après lui
avoir lancé une salutation du bout des lèvres.
— Puis-je te parler quelques secondes, s’il te plaît ?

Je m’arrête et reviens sur mes pas. Je reste sur la première


marche.

— Demain, il y a une grande soirée et nous y sommes


invités. Tu n’es pas obligée de rester toute la soirée. Juste
quelques heures. Les gens se posent des questions depuis
un moment sur ton absence à mes côtés pendant mes
apparitions publiques. La police risque de se pencher là-
dessus. Deux heures. C’est tout ce que je te demande.

Je suis prise de compassion en entendant le ton sur lequel


il me parle. On croirait qu’il me supplie.

— Je ne te promets rien. J’ai déjà quelque chose de prévu


mais je ferai l’effort.

Je remonte les marches.

— Joyeux Noël, me dit-il dans mon dos.

Je m’arrête. Je ne pensais pas qu’il me le souhaiterait. Je


me retourne et le regarde. Il a les yeux levés sur moi.
— Joyeux Noël à toi également.

Nous échangeons un long regard qui finit par me mettre


mal à l’aise. Je décide de continuer mon chemin avant de
lui retomber dans les bras.

C’EST MON ANNIVERSAIRE !!!!!! Comme je suis


heureuse. Être née un 26 Décembre c’est génial. Avant
que Pauline n’épouse mon père, j’avais droit à deux
cadeaux. Un le 25 Décembre, jour de la Noël et le
lendemain 26 pour mon anniversaire. C’étaient mes deux
jours préférés de l’année. Maintenant, j’ai de l’argent et
je peux m’offrir tout ce que je désire. Je me suis
concoctée un programme de folie. Mais avant je dois
subir tout ce que Shelby a prévu pour moi. Je mets de la
musique, chante et danse dans ma chambre. Je me sens
super heureuse de célébrer cet an de plus, surtout que j’ai
frôlé la mort il n’y a pas si longtemps. Je me brosse les
dents et je descends dans ma petite tenue de nuit, bas de
jogging et croc-top, et mes pantoufles aux pieds. J’ai
envie de pancake ce matin. Je suis surprise en voyant les
hommes aligner des tonnes de sacs-cadeaux sous les
escaliers.

— Qu’est-ce que c'est tout ça ? je leur demande.


— C’est pour vous, Madame. Vous ne cessez d’en
recevoir depuis le lever du jour.

Qui peut bien m’envoyer autant de cadeaux ? Je les ouvre


les uns après les autres et j’en reste bouche bée. Il y a un
peu de tout ce que j’aime dans chaque sac. Des
chaussures, des sacs à main, des vêtements de haute
couture, des bijoux. Sapristi ! Je fouille dans chaque sac
et en sort des cartes. Ce sont les différents directeurs et
créateurs qui me les ont apportés à l’occasion de mon
anniversaire. Je ne m’attendais vraiment pas à de tels
gestes de leur part étant donné que je ne fréquente pas la
plupart. J’en ai courtisé certains mais de là à me couvrir
d’autant de cadeau, c’est incroyable. Je sens que j’aurai
encore besoin d’une deuxième pièce pour ranger tout ça.

— Madame, un autre cadeau vient d’arriver pour vous. Il


est dehors.
— Emmenez-le moi.
— C’est impossible, Madame.

Il me tend une boîte enroulée d’un ruban rouge en forme


de nœud. Je l’ouvre et…

— Une voiture ?
Non, ce n’est pas possible. Je cours dehors et je suis
éblouie. Je me mets à hurler et sautiller comme une
gamine. Une nouvelle voiture et pas n’importe laquelle.
J’entre dans mon nouveau joujou avec excitation. J’ai
trop envie de la conduire là maintenant. Je lance un appel
vidéo à Shelby. A peine elle décroche que je me mets à
tout lui relater. Je lui montre l’intérieur de la voiture.

« — Attends, c’est la toute dernière qui est sortie il y a


une semaine-là ? »
— Oui. J’ai du mal à le croire.
« — C’est Chris qui te l’a offerte ? »
— Lol. Non, il s’en fiche de moi. Je ne connais pas plus
de la moitié des donneurs. Mais on s’en fiche. Je suis
gâtée.

Je me remets à jubiler. Je reste un peu au téléphone avec


Shelby avant de retourner à l’intérieur. Je tombe sur
Chris, contre toute attente. Je le croyais déjà parti. Il
regarde les paquets et me regarde. Je m’attends à des
questions et je prépare des réponses cinglantes dans mon
esprit. Il se contente juste de mimer un léger sourire avant
de s’en aller… sans dire un seul mot. J’avais raison, il
s’en fiche. Je m’en fiche également. Je demande à mes
hommes de faire monter tous les paquets et je vais me
préparer pour me rendre chez Shelby. La joie a fait passer
ma faim.

*Mona
*LYS

Si Shelby voulait marquer l’évènement, oh elle l’a fait et


très bien même. Elle m’a organisé la meilleure journée
d’anniversaire qui soit. Elle m’a offert une magnifique
montre en or avec mes initiales incrustées à l’intérieur.
Ce soir, je nous ai préparé une petite soirée mais avant je
dois retrouver Chris à la soirée où nous avons été invités.
J’ai choisi d’enfiler l’une des robes de créateurs que j’ai
reçue ce matin en cadeau. Un petit paquet posé sur ma
table de chevet attire mon attention. A quel moment est-
il arrivé là ? Est-ce venu ce matin avec tous les autres
cadeaux ? Je ne me souviens pas l’avoir vu ce matin mais
il est possible que je l’aie loupé au milieu de tout le lot.
Je reste subjuguée en découvrant le magnifique collier
qui scintille de mille lumières. Je devrais retrouver celui
qui me l’a envoyé pour le remercier grandement. Ce bijou
irait parfaitement avec ma robe. Je termine de me
préparer. Je me sens comme une reine perchée sur mes
hauts talons. Je monte à bord de ma nouvelle et luxueuse
voiture et je me mets en route, suivie de Gab.
Dès que je fais mon apparition dans la pièce, toutes les
têtes se retournent vers moi. Je souris. J’aime être le
centre de l’attention. Je marche tout droit en direction de
Chris qui finit par tourner la tête pour comprendre le subit
changement de ses hôtes. Son regard s’agrandit dans un
premier temps avant d’exprimer une sorte de
soulagement.

— Bonsoir Messieurs ! dis-je en les rejoignant.

Je lève la tête vers Chris pour échanger avec lui un sourire


des plus faux. Mais sans que je ne m’y attende, il me
rapproche de lui par la taille et m’embrasse. Mon traître
de cœur s’emballe alors que je suis censée le détester. Je
ne dois pas me faire de film, c’est juste pour la forme
qu’il l’a fait. Les rumeurs ont commencé à s’étendre,
comme quoi nous serions au bord du divorce. Il veut juste
leur montrer qu’il n'en est rien.

Il me garde près de lui comme s’il craignait que je


disparaisse. Mine de rien ça m’a manqué d’être au bras
de mon mari. Alors que je me mets peu à peu dans mon
bain, une personne apparaît et à sa vue, ma soirée est
gâchée.
— Tiens, Chris !

Shana lui tend une coupe de champagne qu’il prend.

— Oh salut Inayah. Je ne savais pas que tu venais ? me


nargue-t-elle.

Je veux m’éloigner de Chris mais il exerce une pression


qui m’empêche de bouger. Il baisse les yeux sur moi. Je
le regarde avec colère. Son regard à lui a plutôt l’air de
me dire de me calmer. Il me tend sa coupe de champagne
et reporte son attention sur ses partenaires. Shana, qui
visiblement connaît certains, se met dans le bain de leur
conversation qui tourne entre l’Anglais, le russe et
l’Arabe. Je comprends l’anglais et le russe. L’Arabe,
juste un peu. Je comprends donc que Shana est présente
comme un bras droit de Chris. Elle se permet donc de le
toucher bien que je sois dans ses bras et lui l’enfoiré, il
ne dit rien.

— Veuillez m’excuser. Je vais me prendre une autre


coupe de champagne.
Je me dégage de force de l’emprise de Chris. Il me faut
m’éloigner un moment avant de péter un câble. Il est clair
qu’elle me provoque mais je ne vais pas y répondre. C’est
mon anniversaire, pas question que je m’énerve à cause
d’une parvenue. Je perds un peu de temps vers le buffet.
C’est un véritable festin qu’il y a là. Il y a tout ce que
j’aime. Je goutte uniquement les mini quiches et avale le
tout avec du champagne.

— Oh mon Dieu ! Ce doit être humiliant de voir son


époux batifoler avec sa maîtresse devant tout le monde.

Je me tourne vers la femme qui s’est rapprochée de moi.

— Pardon ? dis-je sans comprendre.


— Comment vous sentez-vous en sachant votre homme
dans une pièce à côté en train de coucher avec sa
maîtresse ? Moi en tout cas je ne laisserai pas ça passer.
Il est clair que je taperai un très gros scandale.

De quoi parle cette femme ? Je promène mon regard dans


la pièce et je remarque l’absence de Chris et Shana.

— Oh, vous ne le saviez pas ? Oups ! Je suis désolée. J’ai


cru que vous vous en étiez rendue compte vu la manière
dont l’autre garce le touchait. Avant votre arrivée ils
étaient quasiment accrochés l’un à l’autre. Leur
complicité a sauté aux yeux de tous.

Le vinaigre commence à me monter au nez. J’espère que


cette femme ment car je ne tolérerai pas un tel manque de
respect. Sans répondre à la femme, je fonce vers l’endroit
où je pense qu’ils sont mais avant même que je ne fasse
la moitié du chemin, le couple réapparaît. Certaines
personnes qui ont suivi les choses se mettent à murmurer
et me regarder. L’humiliation mêlée à la colère
s’emparent de moi. Je souffle pour me retenir de bondir
sur eux. Je ne vais pas gâcher ma soirée. Je me rends à la
table où sont alignées les bouteilles de champagne et j’en
prends une que je secoue vigoureusement et fais péter.
Tout le monde sursaute et tourne dans ma direction.

— Oh, désolée de vous déranger, dis-je à haute voix.


C’est juste que c’est mon anniversaire aujourd’hui.

Je me fais acclamer. Chris ne comprend pas ce que je fais.

— Santé à vous !
— Santé !!! me répondent-ils tous.
Je bois à ma santé à même la bouteille. Je me rapproche
du DJ qui joue en fond sonore depuis le début.

— Je te donne mille dollars si tu mets la musique à fond.


De la musique d’ambiance surtout.

Il ne se fait pas prier. Avec un sourire, il augmente le


volume. La surprise se lit sur les visages. Certains se
bouchent les oreilles tandis que d’autres, les femmes
surtout, se mettent à bouger la tête au rythme de la
musique. Ma bouteille à la main, je me déhanche devant
tout le monde. Le visage de Chris est déformé par la
colère. J’incite d’autres femmes à me rejoindre. Je me
mets à l'aise sans m’occuper de qui que ce soit. Je pose la
bouteille et prends une nouvelle que je secoue et fais
péter encore.

— Joyeux Noël à tous !!!

Je vois de loin Chris venir vers moi, les poings fermés. Je


savais que ça le mettrait en rogne. Il déteste ce genre de
scène. Je danse en le regardant venir. Même si certains se
mettent dans la même ambiance que moi, la majorité des
personnes présentes est scandalisée.
— A quoi joues-tu ? chuchote Chris tout près de moi.
— Je profite de mon anniversaire.
— Inayah !

Il m’attrape le bras. Je me dégage.

— Tu ne me touches pas. Tu penses avoir le monopole


de la foutaise ?
— C’est pour me ridiculiser que tu as accepté de venir ?
— C’est toi qui avais pour but de m’humilier en me
faisant venir ici, je réplique entre les dents serrées. Tu as
osé ramener ta pute ici alors que je devais être là. Quel
gros manque de respect.
— Elle n’est pas avec moi.
— Dixit celui qui vient de la baiser. Je te déteste chaque
jour encore plus.
— Je n’ai touché personne. C’est encore quoi ces
conneries ?
— Le rouge à lèvres sur ton cou, c’est un déguisement
d’Halloween ? N’importe quoi !

Il touche son cou. Je ne m’occupe plus de lui. Je donne


l’argent du disc-joker et je sors avec ma bouteille de
champagne en main. Je me rends chez Shelby la
récupérer pour terminer ma soirée d’anniversaire sur des
bonnes notes. Je la trimballe dans toute la ville. Nous
allons dans un casino, jouer à la roulette et nous
terminons dans une boîte de nuit. La scène de ce soir
entre Chris et Shana m’a réellement brisé le cœur. Et
même si j’essaie de l’ignorer, ça joue sur mes émotions.

— Inayah, doucement avec l’alcool, s’il te plaît. Ça fait


la quatrième bouteille de champagne.

Elle a raison. Je la dépose.

— Accepterais-tu de m’héberger quelques jours chez


toi ? Il me faut m’éloigner de cet homme pour pouvoir
mieux réfléchir et prendre des décisions. Je n’en peux
plus de tout ça.
— Tu sais que ma maison te sera toujours ouverte. Ça
n’aurait tenu qu’à moi tu n’en serais jamais partie. Viens-
là !

Elle me serre très fort dans ses bras.

— Tu es magnifique, me complimente-t-elle.
— Merci !
— Tu devrais rentrer maintenant. Je t’attendrai demain à
la première heure.
— Ok !

Je la raccompagne chez elle et rentre à mon tour. Être un


peu loin de Chris m’aiderait sans doute à voir un peu plus
clair dans ma vie. Ce n’est pas possible qu’il puisse autant
se foutre de moi. Je suis un être humain, avec un cœur.
Lui il n’en a pas. C’est clair. Il ne me traiterait pas de la
sorte sinon.

Comme si ça ne suffisait pas qu’ils me gâchent la soirée,


les deux tourtereaux sont tous deux présents dans la
maison. Ils me regardent entrer. Chris est assis dans le
fauteuil, la veste jetée dans le canapé, la chemise ouverte
et les cheveux en pagaille. L’autre se tient debout près de
lui.

— J’avais dit que je ne voulais plus la voir ici.


— J’avais aussi dit que j’avais horreur que mon nom soit
traîné dans la boue par un tiers, réplique Chris. Qu’avais-
tu à faire tout ce cinéma ?
— Tu vas oser me faire des reproches ? Non mais quel
toupet.
— Inayah…
— Tu vas te calmer, IVANOV, je le coupe par un geste
de la main, toute énervée. Tu vas d’abord me mettre cette
femme hors de ma maison avant que toi et moi ne
continuons cette discussion.

La concernée éclate de rire.

— Ta maison ? Non mais on aura tout entendu.


— Shana ! gronde Chris.
— Non, Chris. Laisse-nous parler entre femme.

Elle se rapproche de moi, toute confiante.

— Peut-être que…
— Je ne te le dirai plus, Shana. Sors immédiatement de
MA maison.
— C’est Chris qui m’a demandé de venir. Je ne m’en irai
que sur son…

Bim ! Bam ! Boum ! Elle ne voit pas les coups pleuvoir


sur elle. L’entendre me dire que c’est cet homme qui lui
a demandé expressément de rentrer dans cette maison,
alors qu’il m’avait donné sa parole du contraire, m’a
retourné la tête. La colère que j’avais réussi à apaiser s’est
soudainement réveillée. Chris n’intervient pas. Il reste
assis à me regarder bastonner sa chienne. Il sirote même
son verre.

— Chris, au secours, hurle la garce sous moi.

Je revois le regard des gens sur moi lorsqu’ils sont


revenus tous les deux de leur moment d’intimité. Je me
rappelle de toutes ces fois où je les ai entendu faire
l’amour. Je ramasse ma pochette et sors mon arme. Dès
que je charge, je me sens soulever par la taille.

— Inayah, non !

Le coup de feu part dans le mur. Je me débats avec Chris.


L’autre garce se relève et a encore la force de gueuler.

— Laisse-moi la tuer, Chris !


— Je ne veux pas que tu te salisses les mains, merde !
— Lâche-la, Dark. Qu’elle montre de quoi elle est
capable, cette stupide Africaine. Tu n’es rien et tu n’auras
jamais aucune valeur. Tu es dans cette maison
uniquement parce que Chris veut que tu la boucles. Il se
sert juste de toi. Il ne te l’a peut-être jamais dit mais tu
pues. Tu pues la merde. C’est pour cette raison qu’aucun
homme ne veut de toi. Tu es tout simplement
dégueulasse. Tu es…

Je me jette sur elle et lui donne une claque. Chris me


ramène en arrière.

— LACHE-MOI, CHRIS ! LOULOU !!!

J’entends tout à coup les aboiements du chien qui vient


en courant dans mon dos.

— Inayah, non ! me supplie Chris qui a deviné ce que


j’allais faire.
— ATTAQUE !!!

A la seconde même, je vois le chien se lancer dans les


airs en direction de Shana. Il la saisit à la gorge et la fait
tomber. Elle hurle sous le chien qui la trimballe et la
dévore en grognant. Chris est pris de panique. Il essaie
d’éloigner le chien mais manque de se faire mordre par
son animal qui n'a pas l’intention de lui obéir. Il lui donne
des ordres en russe mais aucune réaction de la part du
chien. Le sang se met à couler sur la moquette. Je regarde
la scène avec rage et satisfaction.
— Inayah, ordonne-lui de la lâcher.

Je ne lui accorde aucun regard. Je reste concentrée sur le


sort que subit Shana. Loulou garde son cou fermement
entre ses crocs. Elle ne fait plus la gueule. Sa vie est entre
mes mains. Je peux décider de la laisser mourir si je le
désire.

— Inayah, tu n’es pas une meurtrière. Épargne sa vie.


INAYAH !!!

Chris est au bord de la crise. Il me supplie plus qu’il ne


veuille me commander. Il a raison, je ne suis pas une
meurtrière. Mais je dois avouer que j’ai adoré ce moment.
Dorénavant elle sait qui commande. Je souris à Chris,
décale ma tête pour regarder de nouveau le spectacle et
je ramène mon regard satisfait sur Chris.

— Loulou, otpusti yeye (Lâche-la, en russe).

Le chien la libère et vient à mes pieds pendant que son


patron et moi nous nous jaugeons du regard. Je tourne les
talons. Je me rends dans la cuisine accompagnée de mon
fidèle garde du corps. Je sors une viande crue et la jette
dans son bol. Avec le sang sur sa gueule, il dévore sa
viande.

— Gentil le chien !

Je sors du frigo le reste du gâteau que m’a offert Shelby


et prends une petite cuillère. J’en prends une bouchée. Je
souris de nouveau.

— Joyeux anniversaire à moi.


12

***INAYAH

— Es-tu certaine de la décision que tu as prise ? me


demande Shelby.
— Tout autant qu’il y a deux ans lorsque je prenais la
décision de faire partie de sa vie. Je suis à bout, Shelby.
Je n’en peux vraiment plus de toutes ces disputes, de ces
foutaises à répétition et de cet amour non réciproque. Je
veux vivre, pour moi. Plus pour quelqu’un. J’ai besoin de
me retrouver avec moi-même.
— Et c’est compréhensible. Je te soutiendrai toujours.

Elle me prend dans ses bras. Après un séjour de trois


jours chez Shelby, j’ai finalement pris la décision qui est
pour moi la meilleure. Divorcer et aller recommencer ma
vie loin avec une nouvelle identité. J’en ai marre d’être
traitée comme de la merde. J’ai un cœur et des
sentiments. A défaut d’être considérée, je mérite un
minimum de respect. Si je ne peux être heureuse avec un
homme, je le dois de par moi-même. Toute ma vie, mon
bonheur n'a dépendu que des autres. D’abord ma famille,
ensuite Sébastien et maintenant Chris. Je n'ai jamais été
maîtresse de ma propre vie. Toujours à attendre que les
autres me rendent heureuse. Il est temps que je sorte de
tout ça.

Je récupère ma petite valise et je rentre à la maison. Si je


ne m’éloigne pas de cet homme, je finirai par devenir un
monstre. Je n’arrive toujours pas à croire que j’en sois
arrivée à prendre du plaisir en regardant quelqu’un se
faire dévorer par un animal. Il s’en est fallu de peu pour
que Shana y passe. Sa vie est maintenant hors de danger
quoi qu’elle s’en sortira avec de grosses séquelles. Ce
n’est pas moi tout ça. Certes, je ne voulais plus être une
femme faible mais je ne voulais non plus devenir une
femme insensible et une meurtrière. C’est exactement ce
que je finirai par devenir si je persiste à rester dans ce
monde.

Je fais monter ma valise dans ma chambre et sans perdre


de temps, je me rends au bureau de Chris. Je donne trois
coups sur la porte avant de rentrer avec sa permission.
Les cernes sont les premières choses qui me frappent au
visage quand mes yeux se posent sur lui. Même ainsi, il
garde sa superbe.

— Bonsoir ! je le salue en allant m’asseoir.


— Comment te portes-tu ?
— Mieux. Je voudrais te demander quelque chose.
— Vas-y !
— Lorsque nous nous étions faits attaquer en pleine ville,
tu m’avais fait une proposition. Tient-elle toujours ?

Une expression que je ne peux décrire traverse son regard


avant qu’il ne reprenne son impassibilité.

— Tu veux t’en aller ? me demande-t-il en posant le stylo


qu’il tenait.
— Il le faut. Pour ma santé psychologique et physique.
Pour mon bien-être. Pour ma dignité. Je ne peux plus
accepter d’être traînée dans la boue tout simplement
parce que je suis amoureuse d’un homme qui n’en a que
faire.

Je souffle pour maîtriser les tremblements de ma voix.

— Mon cœur est sur le point de craquer, tu comprends ?

Il baisse les yeux.


— Je contacterai mon Avocat pour qu’il prépare les
papiers du divorce. Alana se chargera de ta nouvelle
identité. Où veux-tu aller ?
— En Italie. J’ai toujours rêvé y aller.

Il acquiesce. Face à son silence, je déduis qu’il n’a plus


rien à ajouter. Je gardais cependant un brin d’espoir qu’il
essaie de me retenir. Je dois finalement accepter que rien
n’arrivera jamais. Je retire ma bague et la pose devant lui.
Il la regarde sans broncher. Je me lève et je sors. Je dois
commencer à ranger mes affaires.

***ALANA

— J’ai déjà contacté l’Avocat pour les papiers du


divorce. Tu t’occuperas de ses nouveaux papiers, de son
logement en Italie et de tout le nécessaire pour qu’elle
soit introuvable.
— Elle est décidée à s’en aller ? je lui demande avec le
peu de force psychologique qui me reste.
— Oui. Je crois que la récente soirée a été la goutte de
trop. Elle a déduit que j’avais couché avec Shana à cause
d’une simple trace de rouge à lèvres sur le col de ma
chemise.
Je pousse un soupir.

— Comment est-ce arrivé là s’il ne s’était rien passé ?


— Je m’étais éclipsé un moment avec Shana pour lui
faire des reproches sur son attitude à vouloir provoquer
Inayah en ne cessant de me toucher. Elle m'a sauté dessus
à l’improviste avant que nous ne retournions dans la salle.
— Chris, pourquoi tu fais tant souffrir Inayah en ne lui
expliquant jamais les choses ?
— C’était en effet le but de la présence de Shana ici. Elle
était censée lui expliquer les choses et s’en aller. Les
choses sont parties dans tous les sens.

Je jette un coup d’œil sur mon portable.

— Qu’est-ce qui te tracasse ? Je te sens préoccupée


depuis un moment.

Je cherche une excuse mais l’angoisse est telle que je


ressens le besoin de me confier.

— C’est… c’est Jeoffrey.


— Qu’a-t-il fait ?
Je cherche mes mots. Je crains de mettre la puce à
l’oreille à Chris sur mes sentiments pour cet homme. Je
ne suis pas censée tomber amoureuse.

— Je n’ai plus de ses nouvelles depuis le réveillon. Je


crois qu’il a disparu.
— Il t’a fui ou il a disparu ?

Je me pose la même question. Est-ce mon refus de


l’épouser qui l’a fait fuir ? Ou est-ce qu’il lui est arrivé
quelque chose ? J’ai contacté son assistante qui m’a
confirmé son absence au travail depuis la même date. Il
n’avait aucun voyage de prévu hors du pays. Elle a aussi
ajouté que sa mère le cherchait également car il lui avait
promis passer la Noël en famille. Je ne sais pas si je dois
être inquiète ou en colère.

— Je te vois morte d’inquiétude et une question me


taraude l’esprit. Es-tu amoureuse de cet homme ?

J’aimerais tellement lui dire le contraire mais je ne suis


dans l’état d’esprit d’inventer une excuse bidon. Je veux
juste savoir où il est.
— Oui, j’avoue la tête baissée. Mais je te promets que
jamais cela n’a joué sur mon travail. La preuve, tu ne
m’as jamais rien reproché.

Il demeure silencieux un moment à regarder le


mouvement de ses doigts.

— Lui aussi il m’aime. Malgré… tout. Il m’a fait sa


demande, mais j’ai dit non, parce que je suis consciente
qu’il n’y a pas de place pour ça dans nos vies. Je ressens
juste ce que je ressens, c’est tout.

Il reste de nouveau silencieux.

— As-tu pisté son portable ?


— Je ne voulais pas me montrer si désespérée que ça.
— Pour être désespérée, tu l’es, me lance-t-il sèchement.

Il ne doit pas être très ravi de mes révélations sur mes


sentiments pour Jeoffrey. Je le comprends cependant.

— Prends le reste de la journée pour élucider cette


histoire. J’ai besoin de toi à 100%, pas à moitié.
— Non, t’inquiète, je peux…

Il me lance un regard cinglant. Je ravale ma phrase.


J’acquiesce de la tête et je prends congé. Je contacte qui
de droit pour me pister le numéro de Jeoffrey. Il faut que
je sache exactement ce qui se passe. Rester de la sorte
dans l’ignorance me tue. Je patiente chez moi en me
rongeant les ongles. Je reçois un appel de mon élément.

— Tu as quelque chose ?
« — Le portable est hors ligne mais le dernier endroit où
il s’est trouvé c’était dans le supermarché à quelques
rues de chez toi. »
— Je vois. Pourrais-tu me localiser sa voiture ?
« — J’ai déjà lancé la localisation. J’attends… »

Mon portable me signale un double appel.

— J’ai un autre appel. Je te reviens.

Je jette un coup d’œil et je vois le numéro de Jeoffrey.


Mon cœur fait un bond.
— Tu t’es enfin…
« — Tu as trente minutes pour te rendre à l’adresse que
je t’enverrai ou je tuerai ton amoureux. »

Il raccroche. Je reste stupéfaite face à cet appel auquel je


m’attendais le moins du monde. Je reçois en message une
adresse. Je rappelle.

— Pour qui me prenez vous pour me raccrocher au nez ?


Pour l’une de vos victimes faibles et émotives ? Dites
clairement ce que vous voulez pour qu'on passe à autre
chose.
« — C’est vous que je veux. »
— Pourquoi n’être pas venu directement à moi ?
« — Vous le saurez quand vous viendrez. Et croyez-moi,
votre mec est dans un sale état. Si vous ne venez pas, il
mourra. »
— Je veux le voir.

Il raccroche et me rappelle mais cette fois en vidéo. La


première image qui me tombe sous les yeux c’est celle de
Jeoffrey, attaché sur une chaise avec le visage en sang et
tout affaibli. Une sourde colère me monte au nez. La
caméra tourne pour me montrer cette fois un homme en
cagoule.
« — Alors ? »
— Je viendrai mais pas pour faire la causette. Je vous
tuerai.

C’est à mon tour de raccrocher. J’entre dans ma chambre,


troquer mes vêtements. J’enfile un legging noir que je
fourre dans des boots noirs. Par-dessus, un petit haut noir
sous une veste en cuir de la même couleur. Je glisse un
couteau dans une chaussure, glisse une arme dans mon
dos et tiens en main une autre. J’envoie un message à
mon contact. Il me rappelle quand je monte dans ma
voiture. Je pose l'arme que je tenais sur le siège passager
et j’active l’écouteur Bluetooth en démarrant. Ce gars,
c’est le meilleur informaticien que je connaisse.

— Mec, j’ai besoin que tu te connectes au satellite pour


voir l’intérieur de l’adresse que je viens de t’envoyer, je
lui demande en conduisant à toute vitesse. Je voudrais
savoir combien de personne s’y trouvent.
« — Ok. Un instant. »

J’appuie sur le champignon pour éviter d’être retenue par


le feu qui s’apprête à passer au rouge.
« — Je détecte six ombres dont une assise sur une chaise.
C’est un homme. Je crois qu’il est attaché à la chaise. »

Ce doit être Jeoffrey. Je coupe la route à une camionnette


en tournant à un virage.

— J’y suis presque. Tu me conduiras.

Lorsque j’y suis, j’appuie sur l’accélérateur et défonce le


portail. Je freine et récupère mon arme. Dès que je
descends je bute le premier garde qui court vers moi.

« — Ton tir a alerté tous les autres. Deux arrivent vers


toi. »

J’entends leurs pas. Je me planque derrière un mur et


range mon arme dans mon dos. Je saisis avec force la
main tendue du gars de sorte à ce qu’il ne puisse faire
aucun mouvement. Je lui donne un coup de coude dans le
visage et en exerçant une pression sur sa main, je tire dans
la tête de celui qui venait derrière. J’arrache l’arme et tue
le propriétaire. J’efface mes empreintes avant de
continuer mon chemin.
— Où sont les deux autres ?
« — Là-haut. Ils ont l’air de t’attendre. »

Je les retrouve effectivement au dernier étage. C’est un


immeuble inachevé.

— Je te rappelle, dis-je dans un chuchotement.

Le dernier garde pointe son arme sur moi. Un autre est


débout près de Jeoffrey et le tient en joue. Ils sont tous
cagoulés. J’avance doucement.

— Détachez-le maintenant.
— Jette ton arme.

Je tire rapidement sur le garde et pointe l’arme sur l’autre.

— Je n’ai pas de temps à perdre. C’est moi que tu


voulais ? Je suis là alors tu le relâches.
— Et si je refuse ? Tu vas me tuer comme tu en as
l’habitude ? N’est-ce pas que les mafieux n’ont aucune
once de pitié ?
— Il te tend un piège, Alana, me prévient tout faiblement
Jeoffrey. N’y tombe pas.

Je ne comprends pas l’intérêt de cet homme à faire tout


ceci. Quel en est le but ?

— La question est, que fais-je ici ? C’est quoi tout ce


cirque ?
— Je veux juste que tu confesses.
— Mais diantre, confesser quoi ?
— Tous vos crimes, à ton frère et à toi. Ou sinon, je lui
planterai une balle dans sa jolie petite tête, menace-t-il en
collant le bout de son arme sur la tempe de Jeoffrey.

Je regarde Joe qui me fait légèrement non de la tête. Il est


tout amoché. Je garde le silence. Le type commence par
perdre patience. Il coupe la corde qui retient les mains de
Jeoffrey d’un seul coup et le fait lever en le plaçant
devant lui. Joe grimace de douleur en se tenant les côtes.

— Tu vas parler oui ? gueule le bandit.

Mais que gagne-t-il à ce que je dise la vérité ? Ça


m’intrigue. Contre toute attente, il tire dans la jambe de
Jeoffrey. Je sursaute. Je suis prise de panique pour
Jeoffrey surtout. Tellement paniquée que je n’ai pas le
réflexe de tirer à mon tour.

— MAIS C’EST QUOI TON PROBLÈME ?


— QUE TU AVOUES.

Jeoffrey qui hurlait de douleur, profite de la distraction


de son ravisseur pour lui sauter dessus et lui arracher sa
cagoule. Son visage ne me dit rien qui vaille.

— Thomas HILLER ?

Joe semble le reconnaître. Le bandit dévoilé pique une


crise de panique et là… il tire trois coups dans le corps
de Jeoffrey. Cette fois, tout mon être est pris d’horreur.
Je sens mon cœur à deux doigts de lâcher. Jeoffrey
dandine en arrière et arrive vers le rebord qui donne sur
le vide.

— JOE NON !!!

Je cours vers lui pour le rattraper mais trop tard. Il tombe


dans le vide. Je ne sens plus mes jambes. Mon cœur bat
à tout rompre. Je tremble entièrement. Le bandit
s’échappe. Dans d’autres circonstances, mon premier
réflexe aurait été de le tuer, mais au lieu de cela, je me
précipite sur le rebord voir où Jeoffrey a atterri et je
redescends en courant. La distance entre le dernier étage
et le rez-de-chaussée n’est pas si énorme mais elle peut
être fatale. Jeoffrey est allongé au sol, bougeant
faiblement.

— Mon Dieu ! Joe, parle-moi ! Dis-moi quelque chose.


— Tu… m’as… manqué.

Je suis surprise par un sanglot. Mes larmes versent sur


Jeoffrey qui est complètement en sang.

— Je te demande pardon. Je ne voulais pas te mettre en


danger. Pardonne-moi, mon amour.
— Je… t’aime !

Il veut fermer les yeux.

— Non, ne ferme pas les yeux, je lui intime en lui


tapotant les joues. Reste avec moi.
Il lutte pour rester éveillé.

— Joe, bats-toi, pour l’amour du ciel. Ne me laisse pas.

Je lance l’appel vers mon contact.

— Appelle les urgences, vite.


« — Tout de suite. »

Je continue de l’inciter à garder les yeux ouverts sans


pouvoir retenir mes larmes. Tout ceci est de ma faute.
C’est à cause de moi qu’il a vécu tout ça. J’entends la
sirène des urgences. Joe a fermé les yeux. Son pouls est
très faible. Je l’embrasse et me dépêche de quitter les
lieux dans ma voiture. Si on me trouve ici, ça risque de
me porter préjudice. Pas seulement qu’à moi, à Chris
autant. Une enquête sera ouverte et beaucoup de choses
risquent de nous sauter à la figure. Je ne vais pas très loin
cependant. Je me gare à un carrefour, attendant que
l’ambulance s’en aille pour la suivre. Je dois savoir
comment va Jeoffrey. J’espère qu’il survivra.

Camouflée dans un endroit au fond de l’hôpital, je


regarde Mme DAVIS pleurer toutes les larmes de son
corps et être consolée par ses deux enfants. Aucune
nouvelle de Jeoffrey n’a été encore donnée. Je suis morte
d’inquiétude. Je n’en peux plus de rester là sans nouvelle.
Ça fait donc ça quand on est amoureux ? Je crois que je
suis en train de vivre la plus grande peur de ma vie. Et
pour la première fois depuis bien trop longtemps, je me
mets à prier pour Jeoffrey. Mais je promets une chose.
Peu importe qui est l’auteur de tout ça, je vais le retrouver
et le tuer.

***LIEUTENANT MARC FLYNN

Non mais c’est quoi cette merde ? Comment les choses


en sont arrivées là ? C’était censé être juste une
intimidation, pas un meurtre. Jeoffrey n’était pas censé se
prendre une balle. Thomas a merdé. J’ai senti le monde
s’écrouler quand j’ai reçu son appel. Je suis dans la
merde. Si tout se découvre, je ne donne pas cher de ma
peau. Tout ça, c’est de la faute de Chris IVANOV. Cet
homme est une véritable plaie. Je ne pouvais pas me
résigner à laisser son dossier être rangé à tout jamais.
Mon chef a été clair. Si l’année s’achevait sans que je
n'aie coincé Dark, il mettrait son dossier sous scellé parce
que ça fait beaucoup trop longtemps que je le traîne sans
rien apporter de concret. Je n’arrivais plus à me
concentrer sur d’autres dossiers. Je ne pouvais donc pas
accepter d’échouer aussi facilement après tous les
sacrifices que j’ai faits. Je ne pouvais laisser ce démon
gagner. J’ai alors demandé à un ancien collègue, ex-flic
rétrogradé pour plusieurs bavures policières, de
séquestrer Jeoffrey et de le faire parler par tous les
moyens sans mettre sa vie en danger. Cet enfoiré a fait
n’importe quoi.

Les violents coups donnés sur ma porte me font sursauter.


Je me rapproche doucement avec mon arme.

— Qui est-ce ?
— Thomas. Ouvre, je t’en prie.
— Fais chier ! dis-je en lui ouvrant rapidement. Mais
diantre que fous-tu ici ? Et si l’autre cinglée t’avait suivi ?
— Personne ne m'a suivi.
— Maintenant explique-moi ce qui a dérapé, putain. Tu
ne lui tires pas dessus, j’avais dit.
— Tu avais dit de ne pas le tuer mais d’user de tout pour
parvenir à mes fins. Le premier coup de feu c’était dans
sa jambe pour pousser l’autre garce à bout et la faire
parler. Ça me foutait en rogne qu’aucun d’eux ne veuille
passer aux aveux. Ça me donnait l’impression d’avoir
perdu mon temps.
— Ensuite ?
— Ensuite, Jeoffrey m’est tombé dessus par surprise et a
retiré ma cagoule. Il m'a reconnu à la seconde même. J’ai
paniqué et mon seul réflexe a été de lui tirer dessus.
— Trois fois ? Pourquoi pas une fois ? Tu voulais le tuer
c’est ça ?
— Je suis désolé.
— Maintenant je suis dans la merde. Tu avais pour
unique mission de le torturer pour le faire parler et s’il
refusait, tu faisais venir sa petite copine et tu jouais sur
les sentiments qu’elle a pour lui pour la faire avouer et
tout enregistrer. Personne ne devait recevoir de balle.
— J’en suis navré, je te jure. Je suis autant dans la galère.
— Autant ? Non, toi tu n’as plus rien à perdre. Tu es juste
un flic déchu alcoolique et sans aucune famille. Moi j’ai
ma carrière à perdre.

Il s’assoit dans le divan.

— Que fait-on maintenant ?


— Tout d’abord, espérons que Jeoffrey ne se réveille pas
maintenant. Il dira ton nom sinon et on fera très vite le
rapprochement avec moi. Deuxièmement, nous devons
nous occuper d’Alana IVANOV. Nous devons trouver un
moyen de tout lui mettre sur le dos avant qu’elle ne nous
démasque. Tu dois donc disparaître jusqu’à ce que tout
se tasse. Parce que si elle te retrouve, crois-moi, elle te
tuera sans sourciller. Est-ce que tu m’as compris ?
— Oui. J’ai besoin d’un peu d’argent.

Je sors quelques billets de mon portefeuille et les lui


tends. Il s’en va sans perdre de temps. Je reçois dans le
même temps un appel de ma tante, la mère de Jeoffrey.
Je me racle la gorge.

— Bonsoir ma tante, dis-je d’une voix qui se veut


normale.
« — Marc, nous avons retrouvé Jeoffrey, m’informe-t-
elle en pleurant. Mais il est dans un état critique. On lui
a tiré dessus après l’avoir bastonné. J’ai très peur pour
mon bébé. »
— Calme-toi, ma tante. Je viens vous retrouver tout de
suite. Qu'ont dit les docteurs ?
« — Rien justement. Ça fait des heures que nous
attendons et toujours pas de nouvelles. Viens je t’en prie.
Peut-être qu’à toi ils diront quelque chose. Je suis sur le
pont de craquer là. »
— Je viens tout de suite.

Je les rejoins une demi-heure plus tard. Ma tante me


tombe dans les bras.
— Tout va bien se passer, je la console du mieux que je
peux. Vous n’avez toujours aucune nouvelle ?
— Non. Voici le Docteur qui vient.

Nous nous tournons vers ce dernier.

— Docteur, comment va mon fils ?


— Son état est stable pour l’heure mais il n’est pas encore
tiré d’affaire malheureusement. Il est dans le coma et les
choses peuvent basculer d’un moment à l’autre. Je suis
désolé. Nous ferons cependant tout ce qui est en notre
pouvoir pour le garder avec nous.

Toute la famille s’effondre. Je m’en veux d’être à


l’origine de ce malheur mais d’une autre part je suis
soulagé qu’il ne soit pas conscient. Un bruit derrière attire
mon attention. Je vois de loin une silhouette qui me fait
penser à Alana. Elle a heurté une infirmière en s’en allant.
Elle jette un dernier coup d’œil derrière et nos regards se
croisent avant qu’elle ne disparaisse. Je reviens vers ma
tante.
— Je sais que ce n’est pas le bon moment mais si tu veux
retrouver le coupable de l’agression de Jeoffrey, tu dois
porter plainte maintenant.
— Mais contre qui ?
— Alana, sa petite amie. Regarde par toi-même. Jamais
Jeoffrey n’a eu ce genre de problème mais il a fallu qu’il
fréquente cette fille pour que ça lui arrive. Si tu veux mon
analyse de flic, je pense à un règlement de compte. Des
gens en veulent certainement à Alana alors ils sont passés
par Jeoffrey pour l’atteindre. N’oublie surtout pas qu’elle
et son frère font partie de la mafia.
— Tu as sans doute raison. Demain j’irai déposer ma
plainte.

Et moi je m’assurerai que toute la responsabilité retombe


sur Alana.
13

***SHANA

Je souris lorsqu’on m’informe que Dark est enfin venu


me voir. Depuis plusieurs jours que je le supplie pour ça.
Il daigne enfin se pointer. Je m’arrange les cheveux et me
passe une légère couche de maquillage. L’infirmière en
charge de moi me prévient qu’il discute avec le Docteur
avant de me rejoindre dans ma chambre. Malgré le
pansement sur tout le cou, je garde ma superbe. Une
femme, ça se doit d’être belle dans n’importe quelle
situation. Je me redresse quand la porte de ma chambre
s’ouvre. Il est là. Toujours aussi beau et parfait.

— Salut ! dis-je doucement, le visage à moitié triste et


heureux.
— Tu as insisté pour me voir. Je suis là.
— Tu t’es débarrassé de cette sauvage, j’espère. Regarde
ce qu’elle m’a fait. Cette femme ne mérite pas d’être à tes
côtés. Elle foutra tout ton boulot en l’air. Tout ce que tu
as bâti avec ton sang. Elle doit mourir au risque de te
créer des ennuis.
— C’est dommage !
— Oui dommage qu’elle soit une source de problème
après tout ce que tu as fait pour la rendre civilisée.
— Non, c’est dommage que le chien ne t’ait pas tué d’un
seul coup de croc.
— Quoi ?
— Estime-toi heureuse que ce soit elle et non moi qui t’ai
réglé ton compte. Tu serais déjà morte.
— Tu m’aurais tué ?
— Pour ton excès de zèle à vouloir énerver ma femme,
oui je l’aurais fait. Je t’avais mainte fois mise en garde la
concernant. Tu n’en as fait qu’à ta tête. Tu vas maintenant
en assumer les conséquences. Dorénavant, nous ne
collaborerons plus ensemble.
— Tu ne peux pas me faire ça. Je t'ai toujours été d’une
grande utilité.
— Plus sexuellement qu’autre chose. Si tu essaies quoi
que ce soit envers moi ou contre Inayah, je terminerai ce
qu’elle a commencé. Je ne me répéterai pas. J’ai déjà tout
réglé pour ta note en guise de remerciement pour tes
services.

Il tourne les talons et sort. Je lui lance un coussin qui


atterrit sur la porte.
— Va te faire foutre Chris IVANOV.

Il ne se débarrassera pas de moi aussi facilement. J’ai


sacrifié ma vie pour être à son service sur tous les plans
et pour une connasse, il a osé me jeter !? Il va me le payer.
Je connais presque tout de lui. Il suffit que j’ouvre la
bouche pour qu’il coule. Amour ou pas, il me paiera ce
traitement.

***ALANA

« — Les flics seront chez toi dans peu de temps. La


caméra d’un immeuble non loin a filmé ta voiture entrer
et ressortir de l’endroit où était séquestré Jeoffrey
DAVIS. N'essaie donc pas de nier les faits. Sache juste te
tirer de là. »
— Pour une fois que je fais partie des victimes, je ne vais
pas me gêner.

On frappe à ma porte. Je jette un coup d’œil par la fenêtre.

— Ils sont là. On se parle plus tard.


Je raccroche et ouvre aux policiers. Il y a quatre de leurs
voitures dehors.

— Bonjour Madame IVANOV. Nous avons un mandat


d’arrêt pour la tenta…
— Trêve de bavardage. Je vous suis au poste.

L’un s’approche de moi avec des menottes. Je le


dévisage.

— Je ne porte pas ça.

Je ferme la porte derrière moi et marche vers ma voiture.


Je suis suivie de près par tous. Je suis escortée entre les
quatre véhicules jusqu’au commissariat. L’un des flics
qui travaille avec nous m’a déjà fait le briefing sur la
situation. Le Lieutenant FLYNN seconde un autre sur le
dossier.

J’attends patiemment dans la salle d’interrogatoire. Je


frappe mes doigts sur la table. Ils sont sincèrement en
train de me faire perdre du temps et de l’énergie. Je dois
retrouver l’homme en cagoule pour lui régler son compte.
Enfin, un homme entre avec un dossier en main.
— Bonjour, salut-il en s’asseyant face à moi. Vous êtes
le suspect principal de l’enlèvement et la tentative de
meurtre contre Monsieur Jeoffrey DAVIS.

Je le regarde sans sourciller. Il me regarde attendant ma


réaction qui ne vient pas.

— Où étiez-vo…
— Vous savez où j’étais. Allons droit au but. Je n’ai pas
de temps à perdre.

Il me regarde un instant, un peu choqué.

— Qu’y faisiez-vous ?
— J’ai reçu l’appel du véritable coupable par le numéro
de Jeoffrey. Il me menaçait de venir sinon il tuerait Joe.
— Nous avons vu des corps d’hom…
— Je me suis défendue.
— Votre arme…
— J’ai un permis de port d’arme. Vous pouvez vérifier.
— Pouvez-vous me laisser aller au bout de mes
questions ?
— Pourriez-vous cesser de gaspiller du temps et aller
retrouver le véritable coupable ? Il s’appelle Thomas
HILLER. Joe l’a reconnu lorsqu’il lui a retiré sa cagoule.
— Vous avez dit Thomas HILLER ?
— Oui. C’était lui le ravisseur.

Il réfléchit encore un instant.

— Mais pourquoi vous appeler, vous et non un membre


de la famille DAVIS ?
— Va savoir. Il n’a pas eu le temps d’en dire plus lorsque
Joe l’a démasqué.
— Et si tout ceci était un coup monté par vous contre
Monsieur DAVIS ?
— NOUS ALLIONS NOUS MARIER, PUTAIN, je
hurle en tapant du poing. Pour quelle putain de raison je
lui aurais fait du mal ? Pour de l’argent ? Je suis une
IVANOV je vous rappelle. Pourquoi diable donc ?
— Vous alliez vous marier ?
— Il m’a fait sa demande le jour de sa disparition.
Maintenant, puis-je m’en aller ? Étant donné que vous
n’avez rien de concret pour m’enfermer.
— Une dernière question. Pourquoi vous êtes-vous
enfuie ?
— Je ne me suis pas enfuie. J’essayais de rattraper l’autre
type qui s’était enfui après avoir tiré sur Jeoffrey. J’ai
finalement suivi l’ambulance quand je me suis rendue
compte qu’il avait déjà disparu. Vous pouvez demander
au Lieutenant FLYNN, j’étais à l’hôpital. Loin de la
famille mais j'y étais.
— Pourquoi loin ?
— Parce que ce n’est pas l’amour fou avec sa mère.

L’homme semble ne plus avoir de suite dans les idées.


Mon Avocat entre dans la pièce.

— Vous ne pouviez pas interroger ma cliente en mon


absence.
— Elle peut s’en aller. Nous avons terminé. Mais elle a
pour interdiction de quitter le pays tant que l’enquête ne
sera pas résolue.

Je sors de la salle sans attendre. Je tombe nez à nez avec


la mère de Jeoffrey. Elle m’accueille avec une gifle.

— Espèce de garce. Je n’ai cessé de dire à mon fils que


tu étais une source de malheur pour lui. Tu viens de me
donner raison.
Ai-je envie de répondre ? Non. Elle a tout à fait raison.
C’est à cause de moi que Jeoffrey a subi ceci. Et même si
ce n’était pas le cas, sa réaction serait normale car là, c’est
son cœur de mère qui parle. Ma mère était pareille quand
quelque chose m’arrivait. Je n’en veux donc pas à cette
femme. Le Lieutenant FLYNN se tient derrière elle et
paraît satisfait de ce petit numéro. Je contourne Mme
DAVIS et continue mon chemin jusque dehors. La
voiture de Chris y est garée. Ben ouvre la portière en me
voyant approcher. Je m’assois près de Chris et referme la
portière.

— Que fais-tu maintenant ? me demande-t-il.


— Retrouver le Thomas et l’éliminer. Sans laisser de
trace. La police traînera des pieds avant de l’appréhender.
— Arrange-toi à sortir de ce merdier. Je ne t’aiderai pas.
— Je suis assez formée pour me débrouiller toute seule.
— Hum !

Mon portable me notifie un message. J’y jette un coup


d’œil et c’est avec satisfaction que je lis l’adresse du
ravisseur.

— Je dois y aller, dis-je à mon frère.


— Fais attention à toi.
— Comme toujours.

*Mona
*LYS

A l’aide d’une épingle, j’ouvre la porte et pénètre dans la


maison sans faire de bruit. Je sors mon arme et avance en
guettant partout. Je tombe sur un sac de voyage dans le
salon et un billet d’avion avec la photo du ravisseur mais
sous un autre nom. Il veut se faire la malle. Il apparaît
tout essoufflé. Je lève rapidement mon arme sur lui. Il
freine tout d’un coup.

— Alors on veut s’en fuir ?


— Qui… êtes-vous ? feint-il de ne pas me reconnaître.

Je lui tire une balle dans une jambe. Il tombe sur son
genou.

— Tu me reconnais maintenant ?
— Je… je…
Je pointe son autre jambe.

— Oui je vous reconnais.


— Quelles étaient vos motivations ?
— Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je l’ai fait sur un coup
de…

Je lui tire dans l’autre jambe.

— J’AI HORREUR QU’ON ME FASSE PERDRE


MON TEMPS.

Ses lèvres tremblent sans qu’aucun mot ne les franchisse.


Je tire de nouveau sur ses deux jambes puis sur son épaule
droite.

— Non, ne me tuez pas, je vous en supplie. Ce boulot je


l’ai accepté pour me faire un peu de pognon. Je suis
endetté jusqu’au trou du cul.
— Tu as accepté ce boulot ? Cela signifie qu’il y a
quelqu’un d’autre derrière ?
— Oui. C’est lui qui m’a envoyé.
— Qui, putain ?
— Marc. Marc FLYNN. Le Lieutenant.

Je suis partagée entre la surprise et la colère. Qu’il passe


par tous les moyens pour nous avoir, Chris et moi, ça ne
me surprend guère. Mais qu’il aille jusqu’à toucher à la
vie de son propre cousin, ça me laisse sans voix.

— Il voulait obtenir des informations vous concernant


par Jeoffrey. Il m’a demandé de le torturer pour le faire
parler mais de ne pas arriver à des extrêmes. Jeoffrey
refusait de dire quoi que ce soit qui pourrait vous nuire.

Mon cœur se brise à cette information. Il a accepté de se


faire torturer pour me protéger. Je refoule les larmes qui
commencent à menacer.

— Marc a donc demandé à vous faire venir pour vous


pousser à avouer vous-même en jouant sur vos
sentiments. Les choses ne se sont pas passées comme
prévu.
— Tu lui as tiré dessus. Quatre fois.
— J’ai merdé. Je vous demande pardon.
— J’aurais pu vous pardonner. Le souci, c’est que vous
avez touché un innocent. Un homme qui compte pour
moi. Je ne peux laisser ça.
Je lui donne un coup de genou dans le visage. Il se
retrouve allongé au sol sur le dos. J’enchaine des coups
de pieds dans son ventre et dans son visage. A l’aide d’un
vase posé sur une commode, je lui casse le nez et la
bouche. Je brise le vase sur sa tête. Les gangs sur mes
mains me protègent des débris. Le type est complètement
en sang et à moitié mort mais ma rage n’est pas passée.
Elle n’a aucunement diminué. Je change le chargeur de
la nouvelle arme que j’ai achetée et la première balle se
plante dans sa tête. Je vide le chargeur sur le reste de son
corps. Même après ça, je reste en colère. Je dois faire
payer à ce flic de merde.

Je reste assise dans ma voiture à essayer de calmer les


tremblements de mes mains. Je risque de faire n’importe
quoi si je rentre dans cet état chez cet homme. Je
descends de ma voiture et longe l’allée jusqu’à la porte.
Je n’ai pas la patience d’ouvrir la porte alors je la fracasse
d’un coup de pied. Comme s’il m’attendait, il m’accueille
avec son arme levée vers moi.

— J’ai vu ta voiture garée depuis un moment.


— Comment peux-tu être aussi insensible, jusqu’à t’en
prendre à ton propre cousin ?
— Les choses n’étaient pas censées aller à de telles
extrémités.
— MAIS COMMENT AS-TU PU MÊME VOULOIR
QU’IL SOIT TORTURÉ ? COMMENT ???
— Je je je… Je n’ai pas réfléchi. C’est de la faute à ton
frère. Il me fait perdre complètement la tête. J’ai consacré
ma vie à le faire tomber mais je n’y suis jamais parvenu.
Je ne pouvais pas accepter la défaite. Il me fallait tenter
le tout pour le tout.
— Mais pourquoi Jeoffrey ? je demande la voix brisée.
— Si ce gosse capricieux avait accepté de m’aider
comme je lui avais demandé, nous n’en serions pas là.
— C’est donc de sa faute ? dis-je le ton élevé.
— Oui. Il pouvait tout simplement tout balancer. Il
pouvait tout avouer à Thomas pour être libre. Mais ce
connard qui ne réfléchit que par ses couilles s’est tu,
POUR TOI, UNE CRIMINELLE !
— Le criminel ici c’est toi. Quelqu’un est entre la vie et
la mort parce que tu voulais obtenir de stupides
révélations qui ne sont que le fruit de ton imagination.
Chris n’est pas responsable de la mort de ton frère. Il ne
t’a jamais rien fait.
— Balivernes !
Je charge mon arme et me rapproche de lui. Il se tient aux
aguets.

— Je devrais te tuer pour avoir intenté à la vie de mon


mec. Mais je vais laisser la justice se charger de toi. Tu
couleras et jamais, jamais tu ne te relèveras. Ce n’est
qu’une question de temps.

Je baisse mon arme et tourne les talons. Le bruit d’une


arme résonne tout d’un coup et je sens quelque chose me
traverser l’épaule. Il m’a tiré dessus. Le choc est tel que
je me retrouve par terre. Je me retourne. Il avance vers
moi. Je recule sur mes fesses. Il sort son portable et le
colle à son oreille.

— J’ai besoin d’une équipe chez moi. Quelqu’un est


entré par effraction dans ma maison. J’ai réussi à le
neutraliser. Il s'agit d’Alana IVANOV.

Il coupe l’appel.

— Je peux te tuer et dire que tu m'as de nouveau attaqué.


Ce serait de la légitime défense. Ça ferait un IVANOV
en moins donc un criminel en moins.
Il charge son arme et avance. Je le sens sur le point
d’appuyer sur la détente.

— Lieutenant FLYNN, vous êtes là ?

Il baisse son arme. Deux flics entrent.

— Nous étions en patrouille lorsque nous avons entendu


un coup de feu puis votre annonce.
— Oui. Je me suis fait agresser par cette femme. Elle a
tenté de me tuer mais j’ai réussi à la neutraliser.

Pendant qu’ils discutent, je me cale contre un mur. Je


manipule mon portable vite fait sans me faire remarquer.

— Madame, veuillez vous lever. Vous êtes en état


d’arrestation.

Je n’émets aucune résistance. Je suis relevée comme une


vulgaire criminelle bien que je sois en train de pisser le
sang.
— Qu’elle reste en cellule. Demain je viendrai
m’occuper de son cas.

Les officiers obéissent.

— C’est ta fin, Alana IVANOV, me lance le Lieutenant


tout victorieux. Tu n’aurais jamais dû te frotter à moi.

Pour seule réponse, je lui souris. Il n’a pas idée de ce que


je lui réserve. Je suis embarquée dans la voiture de
patrouille. J’ai réussi ma mission plus que je ne l’avais
prévu. Ce Lieutenant aura la surprise de sa vie demain à
son réveil.

Le coéquipier de FLYNN me regarde avancer dans sa


direction avec un regard dur. On m’arrête juste devant
lui.

— Le matin vous êtes suspectée de l’agression contre


Jeoffrey DAVIS, vous jouez la victime et ce soir vous
agressez un officier de police après être entrée par
effraction chez lui.
— Il y a un portable dans la poche arrière de mon jean.
Côté gauche. Écoutez l’enregistrement et on se reparlera
dans peu de temps.
Il fronce les sourcils. Avec hésitation il glisse sa main
dans la poche arrière de mon jean comme indiqué. Il sort
le portable.

— Vous pouvez le garder. Il a été acheté uniquement


pour cette tâche.
— Conduisez-la en cellule et occupez-vous de sa
blessure.

L’officier me conduit presque de force alors que je ne


résiste aucunement. Je compte les minutes, même
pendant mon pansement. Après une quarantaine de
minutes, un officier vient me faire sortir de ma cellule.

— Le Lieutenant demande à vous voir.

On me conduit à la salle d’interrogatoire. Les yeux du


Lieutenant ont viré au rouge. Je m’assois en face de lui.
En effet, j’ai eu la brillante idée d’enregistrer ma
conversation avec FLYNN. J’étais certaine qu'il
avouerait. Cet homme est d’une impulsivité sans nom.
Mais non seulement il ne sait pas que je l’ai enregistré,
mais il ne sait non plus que j’ai glissé sous l’un de ses
meubles l’arme qui a servi à tuer son complice.
— C’est quoi ça ? me demande le Lieutenant, furieux et
perplexe.
— Vous voulez que je vous fasse un dessin ?
— Qu’est-ce que cela veut dire ?
— Que j’ai fait votre boulot.

Il soupire.

— Comment avez-vous découvert que c’était lui ?


— J’ai fait des recherches sur le fameux Thomas
HILLER et j’ai vu qu’il avait travaillé avec FLYNN. J’en
ai déduit qu’il était sans doute derrière cette affaire
surtout quand on sait son acharnement contre mon frère
et moi. Je n’ai pas eu besoin d’insister pour avoir ses
aveux.
— Pourquoi avoir pris un tel risque ? Vous auriez pu
mourir.
— Tant que ça rendrait justice à Jeoffrey, ça n’avait pas
d’importance. J’attends de vous que vous terminez le
boulot. Et croyez-moi, si vous essayez d’étouffer
l’affaire, je vous ferais couler également. J’en ai les
moyens. C’est soit FLYNN, soit vous deux.
— Vous menacez un Lieutenant de police ?
— Oui et ?

Il se pince la lèvre.

— On va vous garder en cellule. Je vais mieux analyser


cette preuve pour être certain de ne pas me faire berner.
— Une dernière chose, je l’arrête quand il ouvre la porte.
J’ai vu le Lieutenant FLYNN cacher une arme lorsque je
suis entrée. Pas celle avec laquelle il m’a tiré dessus. Ça
peut être une preuve de l’agression de Jeoffrey.

Ou plutôt dans le meurtre de Thomas HILLER. Si ce flic


de pacotille sort indemne de cette histoire, je ne mérite
plus de porter le patronyme IVANOV.

On m’a libérée à la première heure ce matin sous l’ordre


du Lieutenant. On ne m’a rien dit de plus. Après le
commissariat, j’ai fini ma course à l’hôpital où se trouve
Jeoffrey. J’ai besoin de le voir, de le toucher, de me
rassurer qu’il s’en sortira. J’attends qu’il n’y ait personne
aux alentours pour récupérer une combinaison
imperméable que j’enfile par-dessus ma tenue. J’entre
incognito dans la chambre où se trouve Jeoffrey. Je
ressens tout de suite comme un coup de poignard dans la
poitrine. Mes yeux me picotent et mes mains
s’alourdissent. Ça ne peut pas être cet homme si fort, si
optimiste et débordant de joie, qui soit étendu dans ce lit
comme un cobaye qu'on veut expérimenter en
laboratoire. Il est branché de partout. C’est plus que je ne
peux le supporter. J’éclate en sanglots. Qu’ai-je fait de
cet homme ? Je suis l’entière responsable. Il se retrouve
entre la vie et la mort parce qu’il a voulu me protéger.

— Je te demande pardon, dis-je entre deux sanglots en


me rapprochant du lit.

Je n’aurais jamais dû le laisser entrer dans ma vie. Je


n’aurais jamais dû ressentir quoi que ce soit pour lui. Si
seulement j’étais restée sur ma position, celle de ne
jamais m’attacher à qui que ce soit… Un innocent en
paye les conséquences. Il est clair qu’après cet épisode,
je ne vais plus continuer cette relation. Jeoffrey mérite
mieux. Il mérite une femme qui ne mettra pas sa vie en
danger, qui saura l’aimer comme il le faut et le rendre
heureux comme il le mérite.

— Je t’aime, lui dis-je doucement en lui caressant la


main.
Il réagit en me serrant la main. Ce geste me met les
émotions sens dessus dessous. Je retire ma main et sors à
la hâte. Je reste cependant un moment contre le mur pour
me reprendre. J’ai vraiment fait n’importe quoi. J’aurais
dû écouter Chris lorsqu’il me mettait en garde de ne pas
tomber amoureuse.

— Alana ?

Je reconnais la voix de Kira dans mon dos. La petite sœur


de Jeoffrey. Je me nettoie le visage et lui fais face.

— Que fais-tu ici ? m’interroge-t-elle en s’approchant de


moi.
— Je voulais… avoir des nouvelles de ton frère.
— Ça a dû lui faire plaisir. J’étais contre le fait que ma
mère porte plainte contre toi. Jeoffrey n’aurait pas aimé
qu’on te traite de la sorte.
— Ce n’est rien. Ta mère a réagi comme toute mère
normale. Le plus important c’est que le véritable
coupable ait été découvert.
— Ah bon ? Et qui c’est ?
— Vous le saurez bien assez tôt.
Un ange passe.

— Comment va-t-il ?
— On garde toujours espoir mais il n’est pas encore tiré
d’affaire.

Je ferme les yeux.

— Il va être évacué dans un autre pays pour de meilleurs


soins. Il ira…
— Mieux vaut que je ne sache pas.

Elle est prise de compassion.

— Il t’aimait, tu sais. Jamais je ne l’avais vu aussi


heureux. Je sais qu’il en est de même pour toi. Tu devrais
donc rester à ses côtés.
— Il serait plus judicieux que je m’éloigne. Je suis un sac
à problèmes.

Pour éviter que la conversation ne s’éternise, je pars aussi


vite que je suis venue. De nouveau assise dans ma
voiture, je sors de ma boîte à gants, l’écrin. Je contemple
le magnifique solitaire qui s’y trouve. A quoi aurait
ressemblé ma vie en femme mariée et mère ? Jamais je
ne le saurais. Je vais juste me contenter des merveilleux
souvenirs laissés par Jeoffrey dans ma vie. J’enfile la
bague à mon doigt. Je démarre et quitte les lieux. Au
moins j’aurais connu la joie d’être aimée par un homme.
Même si ça a été de courte durée.
14

***LIEUTENANT FLYNN

C’est avec une pêche incroyable que je me lève de mon


lit ce matin. J’ai enfin une très belle excuse pour torturer
cette IVANOV. Je cherche rapidement mes clés quand un
objet derrière un pot de fleurs attire mon attention. Je me
rapproche et tire l’objet avant de m’apercevoir qu'il s’agit
d'une arme à feu.

— Qu’est-ce que ça fout ici ? je me demande à moi-


même.

Je sursaute aux coups violents qui sont données sur ma


porte réparée. Je range l’arme dans le pot de fleurs et je
vais ouvrir. Le Lieutenant SAXE me colle à ma figure un
mandat.

— Tu es en état d’arrestation pour séquestration,


tentative de meurtre sur Jeoffrey DAVIS et pour le
meurtre de Thomas HILLER.
— Thomas… quoi ? Il est mort ? Mais que…
— Allez jeter un coup d’œil à l’intérieur, ordonne-t-il aux
autres officiers avec lui.
— Mais qu’est-ce que tu fais Sam ? Que signifie tout
ceci ?
— Alana IVANOV, elle a enregistré toute votre
conversation hier.

J’ai l’impression de tomber du haut d’une falaise. Elle


m’avait donc tendu un piège. Je comprends sa non
réactivité quand je lui ai tiré dessus.

— Sam, laisse-moi t’expliquer.


— Tu expliqueras tout devant la cour.

Un officier interpelle Sam. Nous retournons à


l’intérieure. L’officier tient l’arme que j’ai découvert ce
matin avec un mouchoir.

— Ça correspond aux balles trouvées dans le corps de


HILLER.

Sam se retourne vers moi et me regarde avec déception.


— Je ne t’aurais jamais cru capable de tuer un homme,
qui plus est ton ancien coéquipier.
— Crois-moi, Sam. Je ne l’ai pas tué. Je ne savais même
pas qu’il était mort. C’est sûrement Alana IVANOV.

Il ne m’écoute pas. De force il me retourne et me passe


les menottes. Je sais d’emblée que tout ce que je dirai ne
changera rien. Je suis dans la merde jusqu’au cou.

Assis dans la salle d’interrogatoire depuis trente minutes,


j’essaie de trouver des excuses assez lourdes pour
justifier ces stupides aveux qui me couleront. Sam entre,
toujours autant furieux.

— Tes empreintes ont été retrouvées sur l’arme.


— Parce que je l’ai prise ce matin de sa cachette sans
savoir qu’il s’agissait d’une arme. Je n’ai pas tué
Thomas. Je le jure sur ma vie.
— Comment veux-tu que je te croie ? Tu l’as engagé pour
séquestrer ton cousin. TON COUSIN. Tu as ensuite tiré
sur Alana IVANOV après lui avoir toi-même avoué ton
forfait. Après tout ça, on découvre que Thomas a été
flingué et on retrouve l’arme du crime dans ta maison. Tu
sais ce que ça signifie ? Que tu as éliminé ton complice
afin d’éviter une trahison. Mais tu as trouvé plus malin
que toi.
— C’est elle, c’est Alana qui l’a tué et a mis l’arme chez
moi.
— C’est ça ! C’est aussi elle qui a orchestré l’enlèvement
de son mec puis te l’a mis sur le dos. C’est aussi elle qui
a imité ta voix dans le vocal.

Je n’ai aucune porte de sortie. Je suis coincé à tous les


niveaux. Alana s’est montrée plus maline.

— Tu es convoqué dans le bureau du chef.

Il me passe les menottes et me tire presque de ma chaise.


Sam est connu pour être un flic strict qui ne badine pas
sur l’injustice. Je l’ai toujours admiré pour son sérieux et
sa rigueur. Aujourd’hui, ces qualités sont utilisées contre
moi. Sur le chemin pour nous rendre dans le bureau du
chef, nous tombons sur la mère de Jeoffrey. A la seconde
où ses yeux se posent sur moi, elle bondit de son siège et
la gifle ne se fait pas attendre. D’autres coups
s’enchainent.

— Je t’ai élevé comme mon fils quand ta mère jonglait


entre trois boulots pour vous nourrir, ton frère et toi après
la mort de votre père. J’ai pris soin de toi, je t’ai scolarisé,
je t’ai mis au même rang que mes enfants et comment me
remercies-tu ? En attentant à la vie de mon fils ? Tu es
pire que le diable. Je te souhaite de pourrir en prison. Je
ferai tout pour.

Elle signe sa promesse en me crachant au visage. Sam me


conduit au bureau de notre chef. Le regard qu'il pose sur
moi me remplit de honte. Comment ai-je pu tomber aussi
bas ? Moi qui pourtant ai toujours bien fait mon travail.
Que m’est-il arrivé ? Comment ai-je pu laisser cet
homme vil et sans morale avoir autant d’emprise sur
moi ?

— Je suppose que tu sais d’avance ce qui t’attend ?

Je baisse les yeux.

— Non mais qu’est-ce qui t’es passé par la tête ? Toi un


si bon agent. Plus jamais tu ne pourras exercer. Encore
faut-il que tu sortes tôt ou en vie de prison parce que vu
ton âge avancé, je ne pense pas que tu iras jusqu’au bout
de ta peine. Tu prendras cher. Tu as gâché ta vie à vouloir
faire la peau à un autre.
J’en ai conscience. Dark a fini par me vaincre.

***INAYAH

Les adieux avec Shelby sont forts en émotions. Chris m’a


appelée ce matin pour m’informer que tout était fin prêt
pour ma nouvelle vie. Je dois donc rentrer, ranger le reste
de mes affaires et m'en aller. Je suis restée vivre chez
Shelby tout ce temps pour m’éviter à moi-même de
revenir sur ma décision en succombant de nouveau sous
l’irrésistible charme de mon futur ex-mari. Je me devais
de rester déterminée. Ma rédemption se fera loin de cet
homme et son monde de cinglés.

— Tu vas énormément me manquer, continue de se


lamenter Shelby.
— Mais on se parlera. J’ai demandé à Alana de te trouver
un portable et un ordinateur intraçables.
— Mais ça ne sera pas pareil. Tu sais comme j’aime
toucher ta douce peau.

J’éclate de rire.
— Je t’aime tellement, lui dis-je en l’enlaçant encore une
fois. On se reverra, j’en suis certaine.
— Je t’aime ma fofolle adorée. Tu n’aurais jamais dû
épouser cet homme. Te voilà obligée de partir loin de
moi.
— Je sais. Pardon de ne t’avoir pas écoutée.
— Tu mérites une fessée.

Nous nous séparons avec un sourire cette fois. Nous nous


essuyons les larmes mutuellement.

— Je dois y aller maintenant.

Je récupère ma petite valise, je dis au revoir à Nick d’un


signe de la main et je sors de l’appartement sous le regard
triste de Shelby. L’une des séparations qui me fend le
cœur. Je suis néanmoins moins déçue parce que nous
garderons le contact. J’y tiens. Je refuse de rester toute
seule dans ce monde de fous. La savoir toujours à mes
côtés m’aidera à tenir le coup loin d’ici.

Je suis prise de compassion en voyant Alana. Une autre


personne pour qui j’aurais aimé rester. Elle traverse une
mauvaise passe et je sais que ma présence l’aurait aidé à
la surmonter. Je m'assieds près d’elle pendant qu’elle
avale le contenu de son verre dans le petit bar de la
maison.

— Comment te sens-tu aujourd’hui ? je lui demande.


— Bien.
— Ça ne semblerait pas. Tu as des nouvelles de
Jeoffrey ?
— C’est ce soir qu’il sera transféré hors du pays, répond-
t-elle en apportant son verre à sa bouche.
— Et tu refuses toujours de connaître son lieu de
destination ? Tu pourrais l’aider à se rétablir en lui
rendant visite.
— Comment veux-tu que je le regarde après ce que je lui
ai fait.
— Ce que son cousin lui a fait.
— Y a-t-il une différence ? demande-t-elle en tournant la
tête vers moi. Si tu vois cette personne qui m’a conseillé
de lâcher prise, dis-lui que j’ai deux petits gentils mots à
lui dire.

Je souris. C’est moi qui lui ai donné ce conseil. Je m’étire


par-dessus le comptoir pour me prendre un verre.
— Cette personne ne donnera plus de conseil en amour à
qui que ce soit, crois-moi, dis-je en me servant. J’ai aussi
pris ma dose.
— C’est chiant l’amour, marmonne-t-elle en buvant un
coup.
— On devrait interdire cette merde. Une chose est
certaine : je ne me ferai plus prendre.
— Bienvenue collègue.

Nous trinquons et buvons.

— Tu vas vraiment signer les papiers du divorce et t’en


aller ? me questionne-t-elle après une grimace.
— Pour ma santé mentale, oui.
— J’étais pourtant heureuse de vous voir vous
rapprocher. Mais surtout de voir du changement dans la
vie de mon frère.
— Tu dois être saoule. Il n’y a eu aucun changement dans
la vie de Chris et non, nous ne nous sommes rapprochés
en rien. Il n’a cessé de me faire mal.
— Il est très maladroit, je le reconnais. Mais te faire
souffrir n'a jamais été son intention.
— C’est clair que tu es saoule.
— Je suis lucide, Inayah. Il ne sait juste pas s’y prendre.
C’est nouveau pour lui.
— Qu’est-ce qui est nouveau ?

Elle a un rictus.

— Tu es très différente, Inayah. Ton aura est forte.

Je ne comprends rien à son charabia.

— Tu vas me manquer, m’avoue-t-elle en se levant.

Je reste là à réfléchir sur ses propos. Serait-ce possible


que Chris ressente quelque chose pour moi ? Elle a parlé
de changement et de nouveau. Elle vient de
m’embrouiller l’esprit.

— Attends un instant, je la retiens quand elle est sur le


point de s’en aller. Que signifie Meleğim ? Chris m’a
appelée ainsi une fois. J’ai essayé de trouver la traduction
mais ce n’est pas du Russe. Tu connais ?
— Chris t’a appelée ainsi ? questionne-t-elle avec
surprise.
— Oui.

Elle sourit subitement.

— C’est dommage que tu t'en ailles. Les choses


devenaient intéressantes.

Elle tourne les talons.

— Je t’attendrai dans la voiture. Tu vas me manquer,


bella, dit-elle les deux doigts levés en l’air en signe de v.

Elle vient encore plus de semer le doute en moi. Devrais-


je rester et attendre de voir si Chris succombe ? Mais
pendant combien de temps vais-je devoir supporter son
indifférence ? Combien de temps dois-je encore souffrir
pour qu’il tombe enfin amoureux de moi ? Finira-t-il par
le devenir ?

— Madame ! Vous êtes attendue dans le bureau.

Ben m’escorte jusqu’au bureau de Chris. Il s’y trouve


avec son avocat. Tout un tas de choses sont posées sur la
table devant Chris. Plusieurs jours que nous ne nous
sommes pas vus et le voir fait de nouveau vibrer mon
cœur. Mais son regard sur moi, me fait hésiter à signer
les papiers du divorce. Il n’avait jamais autant attardé son
regard sur moi. Je soutien son regard mais abandonne au
bout d’un moment. Je m’assois en face de lui, toujours
sous son regard. Qu’a-t-il à me regarder ainsi ? L’avocat
brise ce lourd silence.

— Votre nouvelle identité, commence-t-il en disposant


devant moi des documents. Inès DUPRET. Père français,
mère ivoirienne. Nous avons préféré maintenir vos
origines pour que vos connaissances vous aident quand
vous devriez parler de vous. Vous êtes née et avez grandi
en Côte d’Ivoire avec vos parents avant de rentrer sur
Paris où vous avez passé cinq années durant lesquelles
vos deux parents sont morts dans un accident de voiture.
Vous vous êtes installée en Italie pour reprendre votre vie
en main après le deuil. Ni plus ni moins. N’essayez pas
d’entrer dans des détails au risque de vous contredire.
Vous vous ouvrirez vos nouveaux comptes sociaux une
fois installée en Italie. Vos nouveaux appareils vous
attendent dans l’avion. Une coiffeuse sera là d’un
moment à l’autre pour vous relooker. Nouvelle vie,
nouveau style. Vous devez être différente. Ne vivez pas
trop cachée au risque d’attirer la curiosité des gens sur
vous. Il est très facile de reconnaître des étrangers dans
ce pays. Socialisez. Faîtes-vous des amis, un petit ami.
Chris lève les yeux sur l’avocat qui émet un petit sursaut
et se racle la gorge.

— Euh, ce que je veux dire c’est, socialisez mais n’en


faîtes pas trop non plus. Parlez moins de vous.
— J’avais demandé des appareils intraçables pour ma
meilleure amie.
— Ils sont dans ce paquet. Elle les aura dans quelques
heures. Et j’oubliais, évitez d’avoir des démêlés avec la
police. Ne cherchez pas non plus du boulot. Vous n’en
avez pas de besoin. En tout cas pas dans votre première
année. Votre compte est bourré. Vous allez aussi recevoir
les recettes de votre boutique chaque semaine. Vous
déciderez du sort de cette boutique plus tard. Des
questions ?
— Non.
— Dans ce cas, nous allons procéder à la signature des
papiers du divorce.

Et voici mon cœur qui se met à battre à tout rompre.


J’aurais souhaité que Chris signe en premier mais
l’avocat dépose les papiers devant moi et me tend un
stylo. Chris me regarde attentivement. J’espère encore
qu’il m’empêche de le faire. Je suis convaincue que partir
me ferait du bien mais mon amour pour Chris me crie fort
de ne pas abandonner si vite. Si seulement j’avais un petit
signe venant de lui, rien qu’un tout petit qui me
prouverait qu’il y avait des chances entre nous, je resterai.
Ce n’est qu’une perte de temps d’espérer. Je récupère le
stylo et signe là où il faut. Il est temps que je passe à autre
chose. Chris signe les papiers également.

— Voilà, vous êtes donc officiellement divorcés. Le


contrat de mariage n’est donc plus valable. Monsieur
IVANOV m’a rassuré de votre silence concernant tout ce
que vous savez.
— Oui. Je n’ai jamais eu l’intention de dire quoi que ce
soit. Tout ce que je désire c’est m’en aller.
— Remettez-moi tous vos appareils. Ils seront détruits.

Je sors un par un mon portable, mon Mac et ma tablette.


Mon portable se met aussitôt à sonner. L’avocat me fait
signe de décrocher. Il récupère les deux autres. C’est
Monsieur MEMEL. Celui qui avait acheté la maison de
mon père des mains de Pauline.

— Oui Allô ?
« — Bonsoir Madame. J’appelais pour vous informer
que votre belle-mère Pauline a rendu l'âme ce matin. Elle
avait piqué une crise cardiaque et sa santé s’est dégradée
au fil des jours. Elle avait aussi fait une dépression. Elle
ne supportait pas la vie en prison. »
— Qu’on fasse de son corps tout et n’importe quoi. Ce
n’est pas mon problème.
« — Que faisons-nous de votre sœur ? Elle ne fait que me
supplier de la laisser sortir pour pouvoir me rembourser.
Elle est aussi au bord de la dépression. »

Je lève le regard sur Chris et l’image des deux me revient.


Malgré toute la douleur qu’elle a pu m’infliger, je ne
ressens plus le besoin de lui faire payer. A vrai dire, j’en
ai marre. J’ai décidé de reprendre ma vie à zéro, alors je
me dois de me séparer aussi mentalement de tout ce qui
pourrait me stresser. Rose a déjà payé. Ça suffit.

— Retirez votre plainte et remettez-lui deux cent mille.


Mon gestionnaire vous fera un transfert.
« — Comme vous voulez. »

Je raccroche et j’envoie un mail à mon gestionnaire de


compte en Côte d’Ivoire. Je remets ensuite mon portable
à l’avocat de Chris.
— Je peux aller récupérer mes affaires ? je demande à
l’avocat.
— Vous le pouvez.

Je ressors sans que Chris n'ait placé un mot.

Je n’ai pu prendre toutes mes affaires. Il y en a beaucoup


trop. J’en ai pris que la moitié. Uniquement ce que je n’ai
pas encore utilisé. J’ai aussi fait un petit sac à faire
parvenir à Shelby. Nous faisons la même taille en tout.
Elle va adorer les chaussures. J’ai toujours voulu lui en
acheter mais elle les trouvait trop coûteuses pour son
statut social. Les cadeaux que je devais lui offrir ne
devaient dépasser un certain montant. Comme elle aime
le dire, à quoi ça sert d’avoir des choses coûteuses quand
après on doit glaner pour se mettre quelque chose sous la
dent ?

On me fait signe qu’une coiffeuse est là. Elle a été


conduite sur l’une des nombreuses terrasses de la maison.
Je me fais relooker. J'opte pour des cheveux courts et
colorés en blond. Après la séance, je peux maintenant
m’en aller. Les hommes rangent mes valises dans
différentes voitures. Je monte dans celle d’Alana.
— On y va ? me demande-t-elle.

Je regarde une dernière fois la maison. Elle va me


manquer. Loulou ne cesse d’aboyer depuis qu’il m’a vu
descendre avec mes valises. Il m’a été difficile de lui faire
mes adieux. Si je redescends de cette voiture, je risque de
ne plus monter.

— On y va !

Elle démarre. Loulou court derrière la voiture en aboyant.


Je ne peux retenir mes larmes. Ce n’était pas ainsi que
j’avais imaginé ma vie en venant ici. J’espérais que les
choses se déroulent mieux que cette vie que j’ai fui en
Côte d’Ivoire. Mais au final, rien n’a changé. Je souffre
toujours pour un amour non réciproque. Je vais mettre
une parenthèse à ma vie amoureuse. Je vais uniquement
me concentrer sur ma personne. Être heureuse pour moi-
même d’abord avant de songer de nouveau à me lancer
dans une nouvelle aventure avec un homme. Peut-être
qu’en fait, je ne suis pas faite pour l’amour. Quelqu’un a
dit une fois que toutes les femmes ne sont pas faites pour
se marier. Je n’avais pas partagé cet avis mais au vu de
ce que je vis, j’en viens à croire à cette phrase. Je ne suis
certainement pas faite pour le mariage.
Alana gare la voiture juste devant le jet. Les hommes
s’empressent de faire monter mes affaires. Nous
descendons de la voiture.

— L’un de nos hommes t’attendra de l’autre côté pour


t’expliquer tout ce que tu devrais savoir. Chris s’est
assuré que tu ne manques de rien.
— C’est de lui dont j’ai besoin. Pas son argent.
— Tu t’y feras.

Je souffle. Nous nous prenons dans les bras pour un


ultime au revoir. Nous ne nous reverrons plus. Enfin, sauf
par le fruit du hasard. Mon aventure avec les IVANOV
est terminée. J’entame les marches de l’avion en revivant
dans mon esprit tous mes moments ici. Malgré tout, j’en
ai passé de très beaux. Surtout avec Shelby. Une belle
personne que je compte garder dans ma vie à tout jamais.

— Inayah !

Je me retourne rapidement au son de la voix de Chris.


Mon cœur se lance dans une danse folle. Est-il venu me
supplier de rester ? Il monte les marches jusqu’à la
marche avant celle où je suis arrêtée. Je suis obligée de
lever la tête pour pouvoir le regarder dans les yeux. Cette
proximité entre nous allume un feu en moi. Je me perds
dans son regard.

— Chris ! Que… que veux-tu ? je lui demande dans un


souffle.

Mon Dieu, j’espère qu'il me retiendra.

— Je n’ai pas couché avec ta sœur.


— Quoi ? fais-je en retombant de mon nuage. C’est pour
ça que tu es venu ?
— Il fallait que tu le saches. Je ne voulais pas que tu
partes en me détestant pour une chose que je n’ai pas
faite. Elle m’a rejoint alors que je prenais ma douche. Il
ne s’était rien passé si ce n’est que je l’ai menacée. Crois-
moi.

Je baisse la tête. D’une part je suis soulagée qu’il n’ait


pas couché avec Rose mais d’autre, je suis déçue que ce
soit juste pour me dire ça qu’il est venu.

— Ok. Je te crois, dis-je en le regardant.


— Tant mieux.
Mais qu’attend-t-il pour me prendre dans ses bras,
m’embrasser et me demander de rester pour qu'on se
donne une chance ? Son regard est brillant de désir, je le
vois clairement. Mais il ne réagit pas. Ou attend-t-il que
je fasse le premier pas ? Non, je ne me rabaisserai plus de
la sorte. S’il me veut, qu’il le dise. Après plusieurs
minutes à se regarder sans rien dire, je décide de mettre
fin à ce manège.

— Si tu n’as rien d’autre à me dire, je vais y aller


maintenant.

Il ouvre la bouche puis la referme avant de l’ouvrir de


nouveau.

— Prends soin de toi. Tu auras une autre arme pour te


défendre en cas de danger.

Et c’est tout. Il descend deux marches à reculons. Je fais


oui de la tête et lui tourne le dos. Je monte pour de bon
dans l’avion et cette fois nous pouvons y aller.

***ALANA
Après le départ d’Inayah, nous n’avons pas eu la tête à
faire quoi que ce soit en ce réveillon du nouvel an. Chris
est donc rentré chez lui et moi chez moi. Assise dans mon
divan, j’ai le regard perdu dans le vide. Dans d’autres
circonstances, Jeoffrey serait là à vouloir me faire
bavarder et me cuisiner de petits plats. Son absence me
fait prendre conscience qu’il m’était devenu
indispensable. Sa présence dans ma vie apportait un plus
que je désire retrouver aujourd’hui. Je regarde ma bague
de fiançailles et j’ai de plus en plus mal. Mon cœur est en
miettes à l’idée de ne plus jamais le revoir. Ma vie ne sera
plus la même sans lui.

La sonnette me fait sortir de ma rêverie. Je regarde par le


judas et c’est toute surprise que je constate la présence de
la mère de Jeoffrey. Je lui ouvre.

— Madame ? Comment avez-vous trouvé ma maison ?


— J’ai demandé votre adresse aux policiers. J’avais
besoin de vous parler.
— Vous voulez entrer ?
— Non ça va. Je vais faire vite. J’ai un avion à prendre
dans une trentaine de minutes.

Elle baisse la tête et se triture les doigts.


— Voilà, je tenais à m’excuser pour le sale traitement que
je vous ai infligé depuis notre rencontre.
— Vous n’avez pas.
— J’ai été manipulée par Marc. Je me déteste pour ça. Je
tenais aussi à vous remercier d’avoir trouvé le coupable
de l’agression de mon fils. Vous avez vraiment pris des
risques.
— C’était nécessaire.

Je me passe la main sur le visage afin de dégager une


mèche. Le regard de Madame DAVIS suit le mouvement
de ma main.

— Jeoffrey vous a fait sa demande ? me demande-t-elle


avec surprise.

Je baisse les yeux sans répondre. Je ne veux pas en parler.

— C’était la bague de ma mère, m’informe-t-elle.


— Oh, je n'en savais rien. Je vous la redonne donc.
— Non, non. Gardez-la. Si mon fils vous l’a donnée, c’est
qu’il devait vachement tenir à vous. Il adorait ce bijou et
le gardait jalousement pour la femme qui se montrerait à
la hauteur. Faut croire que c’est vous.

Je me pince la lèvre, prise par l’émotion. Je me garde de


pleurer devant cette femme.

— Je vais y aller maintenant. Merci encore.


— Pas de quoi.

Je referme la porte aussitôt qu’elle tourne le dos. J’éclate


en sanglots et me laisse glisser sur la porte jusqu’au sol.
Pour une fois que je me décidais à aimer, il a fallu que ça
se termine en catastrophe. Je me libère de cette amertume
de longues et bonnes minutes, après quoi je pars me laver
le visage dans ma salle de bains. Je dois oublier toute
cette histoire et continuer ma vie comme si rien ne s'était
jamais passé. Chris compte sur moi pour assurer ses
arrières. Tout ceci doit dorénavant faire partie de mon
passé.

On sonne de nouveau à ma porte. Je m’essuie le visage et


vais ouvrir. Cette fois c’est mon frère. Sa mine montre
clairement qu’il n’est pas bien.

— Tu es occupée ?
— Pour toi je ne le serai jamais. Tu le sais.
— J’ai apporté une bouteille, dit-il en sortant de son dos
une bouteille de Vodka.

Se saouler la gueule pour oublier notre chagrin, c’est une


meilleure idée. Je lui cède le passage. Je nous rapporte
des verres dans le salon. Je le rejoins dans le divan. Nous
avalons un coup sec le premier verre.

— Je suis désolée pour Jeoffrey.


— J’aurais dû t’écouter.
— C’est ton cœur tu aurais dû écouter et c’est ce que tu
as fait.
— Et on voit le résultat.
— Écouter son cœur ne garantit pas toujours la réussite.
Mais c’est avantageux car là on a moins de regret.
— Quand était la dernière fois que tu as écouté ton cœur ?
— Le cœur n’a pas tellement sa place dans mon monde.
Je me demande si j’en ai un encore.
— Si tu n’en avais pas un, tu ne serais pas tombé
amoureux d’Inayah.

Il ne me contredit pas.
— Pourquoi l’as-tu laissé partir ?
— Pourquoi as-tu laissé partir Jeoffrey ?

Nous échangeons un regard. Je nous sers un autre verre.


Nous buvons cul sec. Nous nous détendons dans le divan.

— Si un jour l’envie de te fonder une famille te reprenait,


tu auras mon soutien.
— Après ce qui s’est passé ? Y a plus moyen.
— Ne limite pas ta vie à moi. L’héritage des IVANOV
m’incombe. Je t’ai formé selon mes principes pour te
préserver mais tu es libre. Toi, tu dois vivre ta vie comme
tu l’entends. Je te promets de te protéger.
— N’en parlons plus, Chris. N’en parlons plus.

Il sonne minuit à cet instant. Chris nous sert.

— Bonne année, me souhaite-t-il en me tendant mon


verre.
— Bonne année.
Nous trinquons et avalons notre verre d’un seul coup.
L’amour, ce n’est clairement pas pour les IVANOV.
15

UNE ANNÉE PLUS TARD

***INAYAH

— Ils vécurent heureux et eurent beaucoup de petits


lapins. Fin.

Je lève les yeux sur le petit garçon endormi. Je lui baise


le front, pose le livre près de lui et sors de sa chambre.

— Il s’est endormi ? me demande l’infirmière de son


accent italien.
— Oui, je réponds le sourire aux lèvres.
— Infiniment merci pour tout ce que vous faites pour ces
enfants. Votre présence les rend heureux.
— Je suis heureuse également d’être en leur compagnie.
Ils sont adorables. C’est vraiment dommage qu’ils
doivent lutter contre cette fichue maladie.
— Vraiment dommage, soutient-elle tristement. C’est
pourquoi nous nous assurons de leur faire vivre
d’agréables moments afin qu'ils ressentent moins tous ces
traitements.
— Je dois y aller. Vous direz à Annabella que je passerai
la voir demain.
— Je n’y manquerai pas. Et encore merci pour la fête du
nouvel an avant-hier. Ils ont adoré.
— J’en suis ravie. A plus tard.
— Ciao (Au revoir) !

Je repars de la clinique satisfaite de moi malgré l’état de


santé des personnes que je viens voir. Depuis quelques
mois, je me suis lancée dans le bénévolat. Je fréquente un
orphelinat où j’aide en tant que monitrice et chaque
week-end, je viens voir les enfants malades du cancer
dans un centre spécialisé et là encore j’aide à faire du bien
à ces enfants-là, entre cadeaux, histoires, jeux, spectacles.
Bref, tout ce qui ferait plaisir aux enfants. Je devais
passer ma première année en toute discrétion pour
pouvoir mieux m’adapter mais j’avais sincèrement
commencé à m’ennuyer. Je passais du temps devant la
télé. J’ai tout de suite fini par me faire chier. J’ai ensuite
commencé à prendre des cours d’Italien en ligne. Ça m’a
beaucoup aidé mais j’en voulais plus. C’est ainsi que j’ai
vu sur Instagram qu’un orphelinat recherchait des
moniteurs pour leurs petits. J’ai tout de suite postulé en
signifiant que je ne voulais être rémunérée. L’intégration
s’est faite facilement malgré les petites difficultés au
niveau de la langue. Je ne maîtrise pas totalement l’Italien
mais je peux tenir une conversation si l’autre personne en
face n’emploie pas des mots soutenus. Quand je suis
bloquée, je passe à l’Anglais et ça, tout le monde
comprend. Il y a quand même certaines personnes qui
parlent la langue française.

Comment se passe ma nouvelle vie ? Pour une première


année je dirai que ça va. Je m’intègre peu à peu. Ce n’est
pas évident pour moi qui suis habituée à vivre toujours
entourée. J’ai vécu avec ma famille, ensuite avec
Sébastien avant de finir avec Chris et sa sœur. Là, je suis
complètement seule. Personne à mes côtés. Il m’arrive de
me sentir seule mais je tiens le coup parce que ça a été
mon choix. Je finirai par trouver ma propre voie et m’en
sortirai. M’habituer à ma nouvelle identité a été plus
facile que je ne le pensais. Je ne parle presque jamais de
moi. J’évite surtout les questions sur ma vie. Des amis, je
n’en ai pas tout à fait. A l’orphelinat, j’ai sympathisé avec
les autres moniteurs et responsables mais je ne qualifierai
pas nos rapports par de l’amitié. Nous sommes justes des
connaissances. Ma seule et unique amie reste jusqu’à ce
jour, Shelby. J’ai été contrainte de patienter deux mois
avant de pouvoir la contacter. Il n’y a qu’elle qui met de
l’ambiance dans ma vie. Et parlant d’elle, je dois la
contacter par appel vidéo. Je lance l’appel sur mon
ordinateur. Nous avons des jours et des heures précis
pour nos appels. La première image que je vois, c’est sa
robe de mariage qu’elle a enfilé.

— Rhorrr, elle est trop belle.


« — Tu trouves ? »
— Mais bien-sûr. Elle est magnifique.
« — Je l’adore. »

Elle tourne sur elle-même. J’acclame.

— Je devais être à tes côtés pour partager ces instants


avec toi, dis-je toute triste.
« — Je comprends ta situation et je ne t’en veux pas.
L’essentiel est que tu seras présente pour le grand jour.
Tu seras là n’est-ce pas ? »
— Et comment ? Je ne vais rater ça pour rien au monde.
Sans moi, il n’y aura pas de mariage. Tout est ok à Paris ?
« — Grâce à toi, oui. Merci pour ce cadeau. Merci pour
tous ces cadeaux. »
— Tu le mérites. J’aurais fait plus si je ne devais pas me
faire discrète.
« — Vivement que l’effet IVANOV te lâche la grappe. »
A l’évocation de ce nom, je deviens morose. Cet homme
me manque de façon insensée. Plus d’une fois j’ai voulu
tout envoyer paître pour retourner près de lui mais je me
suis ravisée. Je dois guérir de cet homme. Je dois pouvoir
l’oublier si j’ai pu survivre une année sans lui. Cela n'a
pas été tâche facile. Dans les premiers mois je
l’espionnais via les réseaux sociaux. Il n'a pas fait
beaucoup parler de lui alors je me contentais de regarder
les anciennes photos de lui postées par des magazines ou
paparazzis. Je me retrouvais toujours à lutter contre
l'envie de l'appeler ne fusse que pour entendre le son de
sa voix. Je me suis faite violence et j’ai réussi. Ma plus
grande mission c'est de réussir à faire disparaître ces
sentiments qui me tourmentent en perpétuel. Je dois
arriver à ne plus rien éprouver pour lui. Si j’y arrive, je
pourrai reconstruire ma vie totalement.

FRANCE ***PARIS

— Je suis làà !!!!

Le visage de Shelby s’illumine en me voyant entrer dans


sa chambre. Nous nous jetons littéralement dans les bras
l’une de l’autre. Je sens un vent d’aise me souffler. Enfin,
je la tiens dans mes bras. Après douze longs mois.
— Mon Dieu comme je suis heureuse de revoir après tout
ce temps, se réjouit Shelby, l’émotion dans la voix.

Je lui fais plein de bisous au visage qui la font éclater de


rire.

— Tu m’as trop manquée, lui dis-je en lui tenant les


mains. Mon Dieu comme tu es magnifique. Cette robe est
encore plus belle en vrai.
— Tu me trouves vraiment belle ? J’ai l’impression que
le maquillage ne me va pas assez.
— Tu es parfaite, mon cœur. Je t’ai choisi l’un des
meilleurs visagistes de Paris. C’est Nick qui va tomber à
la reverse en te voyant.
— Je stresse tellement, si tu savais. Je n’arrête pas de me
demander si cette fois sera la bonne ou si ce sera le
remake de…
— On ne pense pas négativité le jour de son mariage.
Nick est différent de ton précédent mari. Cette fois sera
la bonne. Tu vivras heureuse avec lui et vous fonderez la
meilleure famille qui soit avec plein de petits Shelby et
Nick.

Elle sourit.
— Merci d’être là !
— C’est normal. Je t’aime ma puce.
— Moi aussi, ma Aya.

Je la serre dans mes bras. On nous fait signe qu’il est


temps pour la mariée de se montrer. Enfin, ils pourront se
dire oui. Ils ont dû reporter plusieurs fois la date de leur
mariage pour différents problèmes liés à leurs vies
professionnelles. Chacun avait des défis à relever de son
côté et ça leur a pris du temps avant d’en arriver là. Elle
tenait à ce que je sois présente mais vu que je ne pouvais
retourner à New-York, j’ai alors décidé de lui offrir le
mariage de ses rêves ici à Paris ainsi que la lune de miel.
Ce sera un mariage privé. Rien que moi et Maxence en
tant que témoins des mariés. Personne de plus. J’ai été
surprise qu’ils veuillent se marier ainsi. Chez nous en
Afrique, tu fais un truc pareil, tu seras maudit par toute ta
famille. Les occidentaux n’ont aucun compte à rendre à
leurs familles en ce qui concerne surtout leurs vies
sentimentales. Certains le font, mais pas par obligation.
Juste par amour et parce qu’ils le veulent.

Sur la belle terrasse au dernier étage de l’hôtel, se tient la


magnifique cérémonie de mariage. Pour un aussi simple
mariage, l’émotion est à son comble. Nick ne cesse de
faire le pitre et les échanges de vœux sont tellement
sincères que j’en pleure. C’est de ça que je rêve depuis
des années. Un homme qui m’aime avec autant de
sincérité. Un homme qui fera de moi sa priorité et me
traitera comme sa reine. Espérons que lorsque je
déciderai de me remettre sur le marché, je tomberai sur
l’homme de mes rêves. Pour l’instant je veux juste vivre
pour moi.

Maxence me tend le petit mouchoir de sa veste. Je le


gratifie d’un sourire en guise de remerciement et me
nettoie le visage avec. La cérémonie prend fin et nous
pouvons féliciter les mariés.

— Félicitations, Madame WILSON !


— Merci ! Je te donne mon bouquet. Tu dois aussi
trouver le vrai amour et être heureuse.
— Merci ! dis-je en prenant le bouquet de fleurs.

Je l’enlace une dernière fois avant de faire pareil avec


Nick. Nous entamons ensuite notre magnifique journée
programmée. La robe de mariage de Shelby étant courte,
elle peut se permettre de parcourir la ville avec. Nous
allons dans un restaurant déguster un festin
préalablement commandé. Nous partageons un moment
génial. Certaines personnes présentes dans le restaurant
devinent qu’il s’agit de nouveaux mariés. Nous recevons
des bouteilles de champagne offertes et des gâteaux de la
part de certains d’entre eux mais surtout venant du
restaurant même. Ces cadeaux embellissent la journée
des mariés. Après le restaurant, nous allons visiter
quelques endroits amusants. Maxence et moi tenons la
chandelle aux deux tourtereaux qui ne font que
s’amouracher devant nous.

— C’est beau l’amour hein, me souffle Maxence.


— Avec ces deux-là, oui.

Il me regarde avec des yeux brillants de désir. Je fais


mine de ne rien voir.

Nous sommes retournés à l’hôtel, nous changer pour


nous rendre en boite et là nous pétons le champagne en
l’honneur des amoureux. Ils vont ensuite en direction de
la piste de danse. Je reste en compagnie de Maxence.

— Tu veux bien m’accorder une danse ? me demande-t-


il à l’oreille.
— Peut-être plus tard. Là, j’ai les jambes en compote.
Il se rapproche encore plus de moi.

— Maintenant que tu es célibataire, ai-je une chance avec


toi ?

Je souris.

— Peut-être bien. Je me suis prise une pause pour


l’instant. Il n’y a que de moi que je veux être amoureuse.
— Je garde espoir qu’un jour ce sera de moi que tu seras
amoureuse.
— Si tu y tiens.

Nous échangeons un sourire. Ça me fait plaisir malgré


tout d’avoir dans ma vie des gens qui tiennent à moi.

***JEOFFREY

Je ne sais plus depuis combien d’heures je suis posté


devant la grande fenêtre en verre, perdu dans mes
pensées. Je ne supporte plus ce manque. Jour et nuit je ne
fais que penser à elle. Comme j’aimerais me remettre
totalement sur pieds pour pouvoir retourner près d’elle.
Je n’en peux plus d’être si loin d’Alana. Notre histoire ne
peut se terminer aussi bêtement, sur cette mauvaise note
qui n’est même pas de notre ressort. Je refuse cette forme
de défaite face à Marc. Son but était de nous séparer. Je
refuse de lui donner cette satisfaction. Ma vie n’aura plus
aucun sens sans Alana. Cette histoire ne peut rester ainsi
inachevée. J’ai besoin de lui parler.

— Bonjour Jeoffrey.

Ma kinésithérapeute est là. Je lève la main en guise de


réponse.

— Tu n’es pas de bonne humeur ? me demande-t-elle


arrêtée derrière moi.

Seul mon silence lui répond. Je n’ai pas la tête à parler.


Je veux rester seul.

— Tu viens on va faire un peu de marche dans le jardin ?

Je ne lui réponds toujours pas. Elle s’approche et


s’accroupit devant moi.
— Qu’il y a-t-il ? s’inquiète-t-elle en me caressant la
main. Tu peux me parler tu sais.

Son regard ne trompe personne sur ses sentiments pour


moi. A force de prendre soin de moi, elle a fini par tomber
amoureuse. Anaïs est une très belle femme, douce et
attentionnée. Elle est attachante et de bonne compagnie.
Je ne regrette pas l’avoir eue comme aide. Seulement, je
regrette de devoir lui briser le cœur car incapable de
répondre à ses sentiments. Je n'aime qu’une seule femme.
Si Alana n’avait pas existé, sans doute que oui, j’aurais
donné sa chance à Anaïs. Elle me regarde tendrement en
attente de ma réponse.

— As-tu du forfait ? je lui demande enfin.


— Euh oui. C’est pourquoi ?
— Je voudrais passer un coup de fil important. Je les
remplacerai, t’inquiète.

Elle sort son portable de la poche de son jean et me le


donne.

— J’aimerais rester seul si cela ne te dérange pas.


— Pas du tout, répond-t-elle avec de la déception dans la
voix.
Elle sort de la pièce malgré elle. J’appelle Alana. J’espère
que cette fois elle me laissera lui parler. La première fois
que je l’ai appelé, juste après mon réveil, elle m’a
raccroché au nez. Elle a bloqué tous les numéros avec
lesquels je l’ai contactée. J’ai fini par laisser tomber pour
mieux me concentrer sur ma rééducation. Mais après
plusieurs mois, l’envie de l’entendre se fait toujours
ressentir. Il y a des chances qu’elle ne réponde à l’appel
si elle reconnaît l’indicatif de l’Angleterre. Elle ne
répond effectivement pas au premier appel. Je relance et
toujours pas de réponse. Je continue d’insister jusqu’à ce
que, pour ma plus grande satisfaction, sa voix se fasse
entendre à l’autre bout du fil.

« — Jeoffrey, que veux-tu ? »


— Comment as-tu deviné que c’était moi ?
« — Parce qu’il n’y a que toi qui aies tendance à autant
insister quand je ne réponds pas à tes appels. Que me
veux-tu ? »
— Entendre ta voix. Tu me manques, tu sais.

Je peux l’entendre soupirer doucement.

— Pourquoi refuses-tu de me parler ?


« — Parce que nous n’avons plus rien à nous dire. Je
croyais avoir été claire la dernière fois. »
— Si tu me dis exactement ce que j'ai fait de si horrible
qui mérite un tel rejet, je te promets de ne plus te harceler.

Elle murmure un juron. Elle demeure dans le silence sans


doute pour se trouver des excuses.

« — Bébé, à qui parles-tu ? J’ai encore envie de toi. »

Mon sang fait un tour au son de cette voix masculine mais


surtout au sens de sa phrase.

— C’était qui ça ?
« — Je n’ai pas de compte à te rendre. »
— Alana !
« — Je suis passée à autre chose. Fais de même. »
— Ne…

Elle raccroche. J’ai les nerfs à vif. Je balance le portable


contre le mur. Anaïs revient dans la salle, apeurée.

— Qu’il y a-t-il ? Oh mon portable.


Je sors de ma poche ma carte de crédit et la jette sur la
table basse.

— Désolé. Tu peux aller t’en acheter un autre.


— Que t’arrive-t-il ? insiste-t-elle en ramassant ce qui
reste de son portable.
— Je veux rester seul.
— Mais dis-moi au moins ce qui ne va…
— J’AI DIT… (Je souffle) Je veux rester seul, s’il te plaît.

Elle me regarde déçue et perplexe. Je me lève de mon


fauteuil roulant et marche vers ma béquille. Je peux
marcher sans mais il m’a été conseillé d’utiliser ses outils
pour éviter de fournir trop d’efforts. Je m’épuise assez
vite raison pour laquelle je dois faire des exercices pour
retrouver mon souffle. Anaïs sort au même moment que
ma mère fait son entrée.

— Vous avez fini votre marche ?


— Je retourne à New-York à la fin de cette semaine ?
— Quoi ? Que se passe-t-il ?
— J’ai des choses à régler. Je n’en peux plus de rester ici.
Elle me regarde attentivement.

— Ça a un rapport avec Alana ? Elle ne veut plus de toi.


Comprends-le une bonne fois pour toute.
— Elle devra me le dire en face.
— Jeoffrey, passe à autre chose. Anaïs est intéressée par
toi. Tu devrais lui donner une chance.
— MAMAN !!! J’AI DIT JE RENTRE.

Elle me regarde, effarée.

— Tu veux encore mettre ta vie en danger pour cette


femme ? Elle a encore plein d’ennemis qui peuvent s’en
prendre à toi.
— Je me souviens que rien ni personne ne t’a empêché
d’épouser mon père. Pourquoi veux-tu que je renonce à
elle ?
— Ce n’était pas pareil. Je n’étais pas en danger de mort.
— Jamais je n’avais été menacé jusqu’à ce que ton cher
neveu se donne cette tâche spéciale.
— Jeoffrey !
— N’essaie pas de me faire changer de décision. Tu n’y
es jamais parvenue de toute façon.

Elle affaisse ses épaules et s’assoit. Elle est consciente


qu’elle ne gagnera jamais ce combat.

— Que feras-tu des séances ? me demande-t-elle toute


déçue.
— Je les continuerai à New-York.
— Ok. Donne-moi jusqu’à la fin de ce mois, le temps
pour moi de tout mettre en ordre pour ton retour.

Je réfléchis un bref moment.

— Ok.

Elle me regarde en secouant la tête. Je n’ai jamais eu rien


à craindre de la vie d’Alana. Le seul qui pouvait me nuire
a écopé de plusieurs années derrière des barreaux. Je ne
vois donc pas de raison de renoncer à mon amour pour
cette femme. Il n’est pas question que j’abandonne
maintenant. Je n’ai pas patienté toutes ces années pour
abandonner aussi facilement.
***SHANA

Bon je crois que maintenant Chris a digéré sa colère. Un


an c’est assez pour oublier sa rancœur. Je suis restée à
l'écart pour lui laisser le temps de me pardonner mais
surtout parce que je pensais que sa garce d’ex-femme
reviendrait assez vite. J’ai été soulagée que ce ne soit pas
le cas. Chris est dorénavant un homme libre. Aucune
femme dans les parages. Je peux tenter une fois de plus
ma chance. Ce soir il y a une grande soirée pour
l’ouverture de sa deuxième boîte dans la même ville. Les
autres sont dispersées dans certains États. Toutes les
grosses têtes dans le monde des affaires seront présentes.
Pour l’occasion, j’ai porté une robe d’un grand créateur.
Je dois mettre toutes les chances de mon côté pour
l’attirer dans mes filets.

Je me fais tout d’abord discrète pour ne pas déranger


Chris qui est en pleine conversation avec un groupe
d’hommes. Je ne passe cependant pas inaperçue devant
quelques mâles qui ne se cachent pas de me dévorer de
leurs regards pleins d’appétit sexuel. Ils détaillent tous
ma cuisse carrément exposée par cette fente interminable
de ma robe. Les femmes, quant à elles me dévisagent.
Chris se tourne et me voit enfin. Je n’arrive pas à
interpréter l’émotion sur son visage. Ce qui importe est
qu’il sache que je suis venue le soutenir. Il dit quelque
chose à Alana et prend la parole dans un micro. La
prestance et le charisme de cet homme me fascineront
toujours. Je le dévore de yeux et nous imagine dans des
positions très salaces après cette soirée. Comme l’envie
de lui me consume le bas-ventre.

— Chris demande à ce que tu t’en ailles, me dit une voix


dans mon dos.

Je me tourne vers Alana et je lui fais un sourire.

— Qu’il vienne me le dire lui-même.


— S’il doit se rapprocher de toi, ce serait pour prendre ta
vie.
— Chris n’oserait jamais. Je compte beaucoup trop. Je te
parie que nous terminerons la soirée ensemble. Si tu vois
ce que je veux dire.

Elle sourit.

— Je maudirai le jour de ma naissance le jour où mon


frère poserait de nouveau les mains sur toi.
— Tu es tellement certaine que je ne referai plus partie
de sa vie.
— Oh que je le suis. Il l’a promis à Inayah et il tiendra sa
promesse.
— Et où est-elle ? je demande en tournant la tête dans
tous les sens à la recherche de cette garce. Elle n’est plus
là et elle n’a plus aucun lien avec Chris. La place de la
Reine du Dark est vacante.
— Oh tu reverras sa Reine très bientôt. Un homme
amoureux ne reste jamais trop loin de l’amour de sa vie,
me lance-t-elle avec un sourire narquois.
— Qu’est-ce que cela signifie ?
— Que tu devrais rentrer chez toi. Le cœur de Chris n’est
plus à prendre.

Elle essaie de me toucher. Je dégage mon bras.

— Essaie de me toucher et je tape un scandale.

Elle recule en gardant toujours son sourire.

— Maintenant je vais vers Chris. J’aimerais bien voir qui


oserait m’en empêcher.
Je la dévisage avant de lui tourne le dos. Je fais deux pas
quand le bruit d’un tissu m’oblige à m’arrêter. Je baisse
la tête et…

— Oh mon Dieu !

Alana m'a déchirée ma robe en maintenant son pied sur


la traîne. La fente s’est agrandie jusque sous ma poitrine.
Des têtes se tournent et des chuchotements emplissent la
salle devant ma nudité qui est exposée. Je me cache du
mieux que je peux. Oui je suis une strip-teaseuse et mon
travail consiste à être quasi nue. Mais ça c’est humiliant.

— Tu n’es qu’une sale garce, Alana.


— Oups !
— Tu vas me le payer.

Je rebrousse chemin en direction de la sortie quand je


trébuche sur je ne sais quoi. Je fonce la tête la première
dans le château de verre disposé sur une table. Je me
prends tout sur le corps. De la tête aux pieds. Je vois
certaines personnes rigoler. Des femmes surtout. Alana
s’approche.
— Tu voulais te donner en spectacle ? Bah, c’est réussi.

Je bouillonne de rage. Je cherche Chris du regard en


espérant qu’il vienne à ma rescousse mais il reste stoïque
à sa place et me regarde avec grand calme comme si rien
ne se passait. Je sors de là en courant. Je venais passer
une très belle soirée mais c’est la pire de toute ma vie. Je
hurle plusieurs fois quand je me retrouve seule dans ma
voiture. Les IVANOV ont osé m’humilier, moi Shana
JACKSON ? Je ne laisserai pas passer ça. Ils vont me le
payer. On va commencer par Chris. Je compose un
numéro. La personne au bout de fil ne met pas de temps
à répondre.

« — Bonsoir beauté. »
— Paraît-il que tu cherches le moyen de te venger de
Dark après qu’il ait décimé toute ton équipe et ruiné tes
affaires.
« — C’est exact. »
— Je sais comment. Prends note. Je vais te donner la
nouvelle adresse de son ex-femme. Je sais où elle se
cache.
« — Qu’as-tu en tête ? »
Je souris. Je suis désolée Chris. Tu es amoureux
d’Inayah ? D’après les dires de ta sœur. Je suis désolée
de devoir t’obliger à la tuer. Tu ne cèdes à aucun
chantage, tu as dit ? Débarrasse-moi donc de cette
Africaine de merde.
16

***INAYAH

Je me réfugie dans un endroit isolé pour reprendre mon


souffle. Ces enfants vont m’achever. Ils sont débordants
d’énergie. Si je veux suivre leur rythme je risque de faire
une attaque. Mais je n’échangerai ces instants pour rien
au monde. Je crois que ce sont les meilleurs moments de
toute ma vie. Redonner le sourire à ces enfants
abandonnés ou rejetés, c’est la meilleure chose que j’ai
faite de toute ma vie jusque-là.

— Trouvé !!! me hurlent les enfants en me dénichant de


ma cachette.
— Oh non ! Vous êtes trop forts. Venez me faire un câlin.

Ils se jettent tous sur moi pour un câlin groupé. Comme


c’est réchauffant. Passer du temps avec ces enfants a
accentué mon désir de devenir mère. Je songe depuis un
moment à avoir recours à l’adoption à défaut d’avoir un
homme avec qui en faire. Je veux vivre ce genre de
moment tous les jours de ma vie chez moi.
L’une des responsables de l’orphelinat sonne la cloche
qui annonce la fin de la journée. C’est le moment de
prendre sa douche ensuite on passe au dîner pour terminer
au lit. Je donne encore un coup de main pour toutes ces
tâches. Je n’ai pratiquement pas grand-chose à faire en
dehors d’ici. J’aide à donner leur bain aux plus petits.
J’aide également au service de la nourriture.

— Inès, tu peux donner son biberon à ce bébé, s’il te


plaît ?
— Oui, donne-le-moi.

Encore une chose qui me gonfle le cœur d’amour.


Prendre soin de ces petits bouts d’homme. J’y prends
grand plaisir mais j’en ai par ricochet un pincement au
cœur. Donnerais-je seulement un jour la vie ? Je le désire
tellement, c’est à en devenir folle de déception. J’ai un
rapide flash-back de ma dernière fausse couche. Ce bébé
serait présent à ce jour s’il n’y avait pas eu cette scène. Je
ne contrôle pas la larme qui tombe de mes yeux. Je
l’essuie très rapidement.

— Quelque chose ne va pas ?


Je relève et baisse rapidement la tête devant le regard
interrogateur de la directrice du centre.

— Oh tout va bien. Je trouvais ça injuste que des êtres si


innocents puisse être abandonnés. Ils méritent tellement
qu’on les comble d’amour mais surtout de grandir dans
une belle famille réunie.
— Les mères qui abandonnent leurs bébés sont
généralement irresponsables. J’en viens à me réjouir de
leur acte car sans doute que ces enfants auraient souffert
auprès d’elles. Beaucoup de parents adoptifs sont cent
fois meilleurs que les génitrices. C’est pourquoi j’aime
cet adage qui dit que le parent, ce n’est pas celui qui
donne la vie, mais celui qui en prend soin.
— Je suis d’avis. Pourrais-je adopter un de ces enfants si
je le désirais ?
— Bien évidemment, me sourit-elle. Et je m’arrangerais
à ce que tout se fasse très rapidement car je sais le genre
de merveilleuse mère que tu seras.
— Merci !

Nous baissons nos regards sur le bébé qui a fini par


s’endormir, le biberon à la bouche. Elle est très mignonne
cette petite. Mon cœur se gonfle d’amour pour elle. Je
vais sérieusement songer à adopter. Je dois avant tout être
rassurée que ma vie passée ne vienne pas tout gâcher. J’ai
parfois l’impression qu’elle me reviendra en pleine
figure.

Je termine l’histoire que je racontais aux plus petits dans


leur dortoir. Les garçons sont d’un côté et les filles de
l’autre. Ils ont entre deux et quatre ans. Certains ont fini
par s’endormir. Les autres me regardent avec des yeux
brillants.

— Bonne nuit mes lapins.


— Bonne nuit, tata Inès.

Je leur lance plein de bisous en marchant vers la sortie.

— Endormis ? me demande Enzo, un autre bénévole.


— Oh tu les connais, je réponds en rabattant la porte.

Nous échangeons un sourire.

— Puis-je t’inviter à dîner ce soir ?

J’appuie mon regard sur lui.


— Rien qu’entre amis. Je ne te ferai pas d’avance.

Je lui souris.

— Ok ça marche. Tu m’enverras l’adresse le temps pour


moi de rentrer me changer.
— Perfetto (Parfait, en italien).

*Mona
*LYS

Pourquoi est-ce que je rencontre tous les mecs géniaux


maintenant ? Pourquoi pas avant Chris ? Enzo, c’est la
représentation de l’idéal masculin. Cet Italien aux longs
cheveux bruns est d’une élégance qui ne dit pas son nom.
Il paraissait très simple quand je le voyais à l’orphelinat.
Mais ce soir, je le découvre sous un autre jour. Un chef
d’entreprise qui se met dans la peau d’une simple
personne. Il me fait passer une excellente soirée.

— J’ai encore du mal à croire que tu sois célibataire, me


dit-il.
— Et pourtant c’est vrai. Je fais un break.
— Et ce pendant combien de temps ?
— Bof, jusqu’à ce que je me sente prête. Pour le moment,
je vis ma vie de célibataire et je me sens bien.
— Quand tu seras prête, n’oublie pas que je suis sur ta
longue liste d’attente.
— Ma longue liste d’attente ? je répète amusée.
— Avec une telle beauté il est clair que tes admirateurs
sont nombreux.

Je rigole. Nous terminons la soirée quelques instants plus


tard.

— Je te raccompagne ? se propose-t-il en ne voyant pas


ma voiture.
— Non ça va. J’ai ma voiture garée juste à côté.
— Je te raccompagne donc jusqu’à elle.

En parfait gentleman il m’ouvre la portière de ma voiture.


Je lui fais un signe de la main en m’en allant. J’ai quand
même passée une superbe soirée. Si je n’étais pas
déterminée à rester célibataire, j’aurais peut-être tenté un
truc avec lui. Je me souviens aussitôt de Maxence. Fhum,
le choix me sera bien difficile entre ces deux-là. Je souris
en repensant à eux. J’ai deux merveilleux hommes qui
me courtisent mais mon stupide cœur bat encore pour
l’autre type qui s’en contrefiche de moi. Quelqu’un a dit
que les femmes aiment les hommes qui les malmènent et
fuient ceux qui les traitent comme des reines. Je suis le
parfait exemple de cette assertion.

Je suis bousculée par un véhicule qui me rentre là-dedans


par derrière. J’essaie de comprendre ce qui se passe
quand la même voiture passe devant moi et me barre la
route. Je manque de me casser le nez pour la deuxième
fois en freinant. Deux hommes sortent de la voiture avec
des armes.

— Sortez immédiatement, les mains levées, m’intiment-


ils.

J’obéis, prise de peur.

— Prenez tout ce que voulez. La voiture est à vous. Mais


ne me faites pas de mal, je vous en prie.
— C’est toi que nous voulons, me répond l'un en
s’arrêtant devant moi.

Je pense au pire. Ils veulent me violer ? Ah non, je ne me


laisserai pas faire. Dès qu'il essaie de me toucher, je lui
donne un violent coup dans l’entrejambe, pousse l’autre
de toutes mes forces et me mets à courir. Je ne pense pas
pouvoir m’échapper avec la voiture. Je ne vais pas bien
loin quand un coup de feu est tiré.

— Arrête-toi ou le prochain coup est pour toi.

Je me fige sur place. Je les entends approcher dans mon


dos. J’ai mon cœur qui bat à tout rompre.

— C’est toi qu’on veut mais ce n’est pas à toi que nous
avons affaire.
— A qui donc ? Et pourquoi passer par moi ?
— Chris IVANOV. C’est lui la cible.

On me met un sac sur la tête et je perds connaissance.

Je me réveille dans un endroit étrange. Je dirais un


entrepôt. Je suis attachée à une chaise, en haut comme en
bas. Je me débats. Un homme arrive avec d’autres
hommes qui ont des allures de garde du corps.

— Laissez-moi partir, je leur hurle en luttant avec les


cordes. Je ne suis pas celle que vous croyez.
— Inayah DUBOIS IVANOV. Mais maintenant, Inès
DUPRET. Tu n’es toujours pas celle que je crois ?
— Que me voulez-vous ?
— Ton mari.
— Chris n’est plus mon mari. Et diantre, je vous vouvoie,
faîtes-en de même.

Il sourit.

— Tu es charmante. Je comprends pourquoi Dark est


amoureux de toi.
— Lol. Vous ne savez donc pas à qui vous avez affaire.
Dark ne tombera jamais amoureux de toute sa vie.
Maintenant dites-moi ce que je fous ici.
— Tu seras le moyen par lequel j’obtiendrai tout ce que
je voudrais du grand Dark.

J’éclate de rire.

— NON MAIS VOUS ÊTES MALADE ? je hurle


subitement. Vous allez nous faire tuer tous les deux.
Depuis votre fichue naissance, avez-vous entendu que
Dark a déjà cédé à un quelconque chantage ? Tout ce que
vous réussirez à faire, c’est de me faire tuer. Et vous
aussi. Mais là encore, faudrait qu'il prenne la peine de
venir jusqu’ici ce qui est quasiment impossible. Il ne se
déplace jamais pour des futilités de ce genre.
— Crois-moi, très chère il viendra. Et plus tôt que prévu.

Il sort et les hommes viennent vers moi. On me met un


autre sac sur la tête et je m’endors de nouveau.

*Mona
*LYS

— Depuis combien de jours suis-je ici ?


— Trois jours, me répond mon ravisseur.

Je souffle.

— Je vous ai dit qu’il ne viendrait pas. Je suis fatiguée,


je veux rentrer chez moi.
— Personne ne sort d’ici tant qu’il ne s’est pas pointé. Et
si jusqu’à ce soir il ne se montre pas, je te tuerai moi-
même.
— Dans ce cas faites-le maintenant parce que j’en ai
marre. Je ne sens plus mon dos et mes fesses à force de
rester assise. Et si par miracle il venait, c’est nous deux
qui mourront. Mon sort, il est donc scellé. Alors soit vous
me tuez, SOIT VOUS ME FICHEZ LA PAIX.

Un homme arrive tout essoufflé.

— Patron !
— Qu’est-ce qui t’arrive ?

Il fait signe à son patron de s’approcher. Les deux


hommes discutent dans des chuchotements. Mon
ravisseur sourit. Deux autres hommes arrivent en étant
aux aguets. Mon ravisseur revient vers moi à la hâte et
me coupe les cordes.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Où m’emmenez-vous ?


— Nous avons de la visite.
— De la visite ? Mais que…

Il me relève de force et me positionne devant lui. Il sort


ensuite son arme. Ses hommes et lui regardent tous vers
l’entrée. Quatre hommes, tous de noir vêtus, font leur
entrée avec des armes à la main. Leur accoutrement me
rappelle étrangement les hommes de Chris. Ils s’habillent
exactement de la…

— Alana ? je chuchote, surprise et heureuse de la voir.

Elle affiche un air super sérieux. Un peu comme dans les


débuts quand je l’ai connu. Je savais bien que Chris ne
perdrait jamais son temps à venir pour des bêtises
pareilles. Il a envoyé sa petite sœur faire le sale boulot.

— T’a-t-il fait du mal ? me demande-t-elle toujours le


visage fermé.
— Euh, à part me laisser assise sur cette chaise durant des
jours, non.
— Il est où Dark ? s’énerve mon ravisseur. C’est lui que
je veux voir. Pas son garde du corps.

Un autre bruit se fait entendre et tous se mettent en alerte


en se tournant vers l'entrée. Cette fois c’est Ben qui fait
son entrée, suivi de Gab. Les deux se positionnent de part
et d’autre. Puis là, une jambe interminable apparaît. Les
scintillements de la paire de Richelieu me fait penser à
une et unique personne. La silhouette toute entière passe
la porte et là j’ai le souffle court.
C’est un Dark, cintré de la tête aux pieds, respirant classe
et élégance, inspirant la crainte malgré son magnifique
accoutrement sur mesure, qui fait majestueusement son
entrée. Son aura de terreur se propage dans l’habitacle.
Les hommes de mon ravisseur reculent malgré eux
lorsqu’il se met à avancer vers nous. Chacun de ses pas
semble être une condamnation à mort pour tous ses
adversaires présents. Mon cœur à moi bat au rythme de
ces pas.

Inayah, cet homme est là pour enlever la satisfaction à


son adversaire de te tuer en le faisant lui-même donc
arrête de fantasmer sur lui, me souffle ma conscience.

Il s’arrête enfin, un peu devant Alana.

— Je t’écoute, dit-il à l’auteur de tout ceci.


— Tu sais ce que je veux. Je t’ai tout expliqué dans mon
message. Allons donc droit au but ou je la bute.

Chris sort son arme en un clin d’œil et tire près de ma


jambe.

— OH MON DIEU !!! je hurle en fermant les yeux.


— Ça c’est pour que tu saches que je peux moi-même la
tuer. Par contre, si toi tu touches à un seul de ses
cheveux…
— Tu vas me tuer ? termine l’autre type. Ouais je connais
la chanson. Je m’y suis déjà préparé.
— Ta vie m’importe peu. Et elle ne sera suffisante pour
venger la mort de cette femme. Je tuerai d’abord tes
quatre premiers gosses sous tes yeux, je tuerai ensuite ta
femme puis tes parents. Pour finir je donnerai ton bébé
de cinq mois à bouffer à mon chien et je t’obligerai à
regarder ce festin.
— Je…
— Tu croyais vraiment avoir mis à l’abri toute ta
famille ? Tu croyais les avoir mis dans l’ombre ? Peut-
être que oui, pour les autres couillons de ton genre. Mais
tu oublies une chose, je suis le Dark, la personnification
des ténèbres. Je sais tout, je vois tout. Maintenant on va
récapituler la situation. Si tu la touches, elle, tu
enclencheras le massacre des tiens. Le choix te revient.
Quant à tes revendications, je crois qu’il n’est pas utile
de te donner une réponse. Tu la connais déjà. Passe une
excellente soirée.

Il range son arme et tourne les talons. Mais qu’est-ce qui


vient de se passer ? Comment peuvent-ils jouer avec ma
vie de la sorte ? Chacun donne la possibilité à l’autre de
me tuer et ce, sans se soucier de ce que je peux ressentir.
Et Chris qui n’a carrément pas jeté un semblant de regard
sur moi. Alana et tous les autres sortent à la suite de leur
chef. Je peux sentir la respiration saccadée de mon
ravisseur dans mon dos. Le point positif, c’est que Chris
ne m’a pas tuée, contrairement à ses ex. Soit j’ai une
bonne étoile, soit il se fiche tellement de moi que m’ôter
la vie serait le rabaisser.

— Vous me tuez ou pas ?

J’attends impatiemment sa réponse. Son silence se fait


long. Ses hommes attendent également sa décision. Je
prie qu’il me laisse partir. Je ne me sens pas prête à
mourir maintenant. J’ai encore de beaux jours à vivre.

— Va-t’en !

Je ne me le fais pas dire deux fois. Je sors de là en courant


sans me retourner. Je souffle quand je suis complètement
hors de sa portée. Je craignais qu’il me tire dans le dos.

Je tombe sur Alana quand j’ouvre la porte de ma maison.


— Je vous croyais partis, lui dis-je en refermant derrière
moi.
— Comment tu vas ?
— J’ai le dos en compote. Comment m’a-t-il retrouvée ?
Je croyais que c’était quasi impossible.
— Shana. Je ne sais pas pourquoi mon frère la garde
encore en vie.
— Peut-être parce qu’il l’aime, dis-je dans ma gorge en
me déchaussant.
— Désolée pour cet épisode.
— Que va-t-il se passer maintenant ? Je vais encore fuir
loin avec une autre identité ?
— Chris n’a encore rien dit.
— Décidément je ne me libérerai jamais de cette union
avec cet homme, j’affirme en m’asseyant. Quel esprit
m’avait possédée ?

Je me passe les mains sur le visage. Finalement c’est


Shelby qui avait raison. Ma vie est ainsi fichue parce que
j’ai accepté de faire partie de la vie d’un mafieux. Si je
devais revenir en arrière, je fuirais loin de lui quand
l’occasion se présenterait.
— Bref, il faut que j’aille prendre une douche. Je pue de
partout. J’ai aussi faim et sommeil. Vie de merde, je lance
en montant les escaliers menant à ma chambre.

Je remarque sur mon lit toutes mes affaires qui se


trouvaient dans ma voiture. Je jette un coup d’œil à mon
portable et comme je le pensais, j’ai eu plusieurs appels
manqués. Je donnerai des nouvelles plus tard. J’entre
dans la salle de bains pour en ressortir fraîche et propre
plusieurs minutes plus tard. Je reste dans mon peignoir,
les pieds nus et je passe des coups de fils en redescendant
dans le salon. J’invente une maladie qui m’aurait clouée
au lit durant ces trois jours. Je suis tellement plongée dans
ma conversation que je ne fais pas attention à la présence
dans mon salon. Je vais à la cuisine me chercher de quoi
manger dans le frigo. Vide. Il n’y a rien de rien. Je suis
obligée de me commander à manger. Je le fais en
revenant sur mes pas. J’ai un léger sursaut en croisant le
regard de Chris. Je reste immobile un moment avant de
reprendre mon souffle et d’avancer.

— Je te croyais déjà parti.


— Comment vas-tu ?
— J’ai connu pire. Je croyais qu’on ne devait plus jamais
se revoir.
— On rentre, Inayah.
Je fronce les sourcils.

— ‘‘On’’ avec qui ?


— Tu rentres avec moi à New-York.

Je le regarde attentivement histoire de déceler un air de


plaisanterie mais je me souviens que cet homme n’a
jamais plaisanté de toute sa vie. J’éclate de rire.

— Non, je n’irai nulle part avec toi.


— Bien-sûr que si.
— Je ne suis plus ta femme donc plus obligée de te suivre.
Le but en venant ici c’était de ne plus jamais te revoir,
Chris IVANOV. Il n’est donc pas question que je
retourne dans cette vie que j’ai fuie.
— Si un t’a retrouvée, les autres ne tarderont pas.
— Eh bien tant pis. Je reste ici. S’ils veulent me tuer,
qu’ils viennent. Je n’ai plus rien à perdre dans cette vie.
Si mourir est la seule issue pour que j’ai la paix, qu’il en
soit ainsi. Mais moi, retourner dans ta maison ? Que
Arsène DUBOIS me fouette de là où il se trouve.

Il me fixe longuement.
— Ce sera comme tu voudras.

Il se lève et sort. Non mais qu’est-ce qu’il a cru lui ? Qu’il


pouvait décider de ma vie comme on décide du sort d’une
poupée ? Retourner chez lui carrément. Il s’est cru où ?

L’un des gardes m’apporte mon dîner. Je saute dessus. Je


ne me suis pas bien nourri ces trois jours passés. On me
servait que de la merde. Pendant que je mange, je suis
prise de sommeil. Je ne fais que bailler. Finalement je
repose ma fourchette et m’en dors sur place dans le
canapé. Je suis bien trop épuisée pour monter les
marches. Une bonne nuit de sommeil et je reprendrai des
forces.

*Mona
*LYS

Je sens quelque chose de gluant et humide sur mon


visage. J’ouvre les yeux et c’est une langue que je vois en
premier. Je me décale légèrement et je vois la tête d’un
chien. C’est la tête de…
— Loulou ? dis-je en me redressant.

Je regarde autour de moi et je tombe des nues.

— Non, il n’a pas osé.

Je suis dans mon ancienne chambre. Chez Chris. Cet


homme m’a ramenée de force chez lui. Loulou ne cesse
de manifester sa joie alors que de mon côté la colère me
monte au nez.

— Salut toi. Tu m’as manqué, dis-je quand même au


chien en lui faisant des papouilles.

Je le laisse me lécher encore un peu et je me dirige vers


la porte. Elle est condamnée.

— L’enfoiré !

Je me rends à la fenêtre voir si je peux faire signe aux


gardes de venir m’ouvrir. Je ne peux non plus ouvrir les
fenêtres. Non mais il se prend pour qui ? Je fais volte-
face quand la porte s’ouvre. Il apparaît avec un plateau
repas.
— Chris, comment as-tu osé ? Tu m’as kidnappée. C’est
un délit.
— Tu n’allais jamais accepter de me suivre, répond-t-il
calmement en déposant le plateau comme s’il n’avait rien
fait de grave.
— Oui, et j’en ai le droit. On ne kidnappe pas les gens
comme ça.
— Tu voulais que je te brutalise comme l’autre.
— Je voulais que tu me laisses chez moi.

Il soupire et glisse ses mains dans ses poches.

— Tu resteras enfermée dans cette chambre jusqu’à ce


que tu acceptes de rester.
— Et si je ne changeais d’avis ?
— Tu resteras enfermée toute ta vie. Bon appétit.

Il ressort. Je lance à sa suite un coussin qui atterrit sur la


porte fermée. Je le déteste cet homme. N’importe quoi.

*Mona
*LYS
— J’ai un dîner d’affaires. Tu as tout ce dont tu auras
besoin déjà dans ta chambre. Gab reste cependant devant
ta porte pour d’autres besoins.
— Chris, je veux sortir de cette chambre. J’étouffe. Je
veux juste m’aérer dans d’autres pièces ou dans le jardin.
Ça fait deux jours que je poirote dans cette chambre.
C’est à en devenir folle.
— Si tu tentes quoi que ce soit, les hommes auront pour
ordre de te descendre à la seconde.

Je tire la bouche. Il sort et cette fois laisse la porte


ouverte. Gloire au Seigneur. Je peux enfin me mouvoir.
Je peux surtout aller me relaxer dans le jacuzzi. Je
cherche un ensemble trois pièces dans mes valises que
j’ai refusé de défaire car je reste sur ma position de m’en
aller. Gab et Loulou me suivent comme mon ombre
jusqu’au jacuzzi situé de l’autre côté du jardin. Je m’y
assieds et l’effet de l’eau bouillante me fait soupirer
d’aise. Je réfléchis à un moyen de m’en aller d’ici. Je ne
vois réellement pas de raison de rester. Je n’ai plus
aucune place dans cette maison. Quel serait mon rôle ?
La protégée de Dark ? Non, je ne suis plus à ce stade. Je
ne veux plus vivre dans son ombre. Ma vie en Italie avait
commencé à se tracer. Je commençais à avoir de
nouveaux objectifs. Je dois vraiment partir. Rester
signifierait accepter de souffrir à nouveau. Je refuse
également.

Je me balade maintenant dans la maison à la recherche


d’un plan. Si seulement j’avais mes papiers et ma carte
de crédit. Rien que ça, je pourrais partir loin. Je retourne
dans ma chambre fouiller dans mes affaires. Par le plus
grand des hasards, je retrouve plusieurs liasses de billets
dans une poche de ma valise et le duplicata de ma
nouvelle pièce d’identité. Je peux au moins quitter la ville
avec ça dans un premier temps et après je trouverai le
moyen de sortir de ce pays. Je me fais rapidement un petit
sac avec quelques vêtements. Je fais tourner rapidement
mon cerveau à la recherche d’un plan. J’en trouve un. Je
me planque derrière la porte, une barre de fer en main. Je
commence à hurler au danger. Loulou penche la tête sur
le côté. Il doit se demander : mais qu’est-ce qu’elle fout ?
J’ai envie d’éclater de rire mais je me retiens. Gab
déboule dans la chambre avec son arme à la main. Sans
perdre une seconde, je l’assomme avec la barre de fer. Il
tombe comme un sac de patate. Je lui prends son arme,
récupère mon sac et je sors en courant. Je sens le chien
me suivre. Je lui ordonne de rester coucher. Il obéit. Je
continue mon chemin. Je récupère la clé d’une des
voitures dans le garage. Je sors et je mets à joue les
hommes dehors.
— Ouvrez-moi la grille.
— Madame, nous avons reçu pour ordre…

Je tire non loin de la tête de celui qui avait la parole.

— Ce n’était pas un tir manqué, je lui souligne en


renfrognant de plus en plus mon visage.

Il s’exécute avec tremblements. Je monte rapidement


dans la voiture et fonce hors de ce lieu. Comme j’aurais
aimé avoir des pouvoirs pour apparaître très loin en un
clin d’œil. D'un coup d’œil en arrière, je m’assure de
n’être pas suivie. Je vois juste la grille se refermer. J’en
suis soulagée. Je conduirais très loin et j’abandonnerai la
voiture pour prendre un taxi. Je ne veux garder cette
voiture car Chris la retrouvera assez rapidement grâce au
GPS. Une fois à une bonne distance de la maison, je sens
le vent de la liberté me souffler, malgré le pressentiment
que ça sera de courte durée. Je vois à travers le
rétroviseur, les phares d’une voiture qui fonce sur moi. Je
regarde avec plus d’attention et je reconnais la voiture de
sport de Chris. Fais chier ! Je ne me laisse pas intimider.
J’appuie sur l’accélérateur. Il fait de même. Nous nous
lançons dans une course poursuite dans les rues de New-
York. Je refuse de me laisser faire. Je dois montrer à cet
homme que je suis déterminée à m’en aller loin de lui. Je
prends le risque de griller un feu tricolore. Je le sais très
à cheval sur le code de la route. Il ne grillera aucun feu.
Il me prouve que j’ai raison en s’arrêtant. Je continue
mon chemin avec beaucoup plus d’assurance. Je reste
néanmoins aux aguets. Je suis en plein dans ma conduite
quand sort de nulle part devant moi la voiture de Chris. Il
me coupe la route. Prise de surprise, je freine si fort que
je serais passée par le pare-brise si je n’avais pas de
ceinture de sécurité. Je prends un moment pour reprendre
mes esprits. Je sors ensuite de la voiture.

— Non mais tu es complètement cinglé ! je hurle en


allant vers lui. C’est quoi ton putain de problème ?
— Tu ne l’avais peut-être pas compris la première fois
mais j’ai dit que tu n’irais nulle part tant que je ne l'ai
décidé.
— Pour qui te prends-tu ? Le maître de ma vie ?

Il me fixe sans répondre.

— Quitte mon chemin ou je t’écrase.

Je tourne les talons. Une arme coulisse soudainement sur


le bitume jusqu’à se retrouver devant moi.
— Je vais t’épargner cette fatigue, me dit Chris. Juste un
click et c’est bon.

Il est fou ou quoi ? Il me demande de le tuer ? Je ramasse


l’arme et la pointe sur lui. Je charge.

— Laisse-moi m’en aller, Chris. Je vais réellement tirer.


— Vas-y ! me défie-t-il en se rapprochant de moi.

Je colle le bout de l’arme à son torse.

— Chris !
— Vas-y !
— Chris !
— C’est soit ça, soit on rentre à la maison.
— MAIS PUTAIN, C’EST QUOI TON
PROBLÈME ??? fais-je en tournant sur moi. Pourquoi
tiens-tu tant à me faire mal ? Tu ne penses pas que j’en ai
déjà assez morflé ?

Malgré mes efforts, je finis par me laisser noyer par mes


émotions.
— Oui je suis consciente de tes avertissements
concernant mes sentiments. Mais mon cœur n’a pas
d’oreille et il est tombé amoureux de toi. J’ai essayé, tu
comprends ? J’ai essayé de te faire partager ces
sentiments et je me suis pris un mur en pleine face. Pire,
tu as mis ta pute au-dessus de moi. Combien
d’humiliations ai-je essuyées ? Mon cœur n’en peut tout
simplement plus. Je veux m’en aller. Je veux retrouver
ma vie. La vivre comme je l’entends. Chris, je veux la
paix. La paix du cœur, Rien que ça.
— Eh bien cette paix tu ne l’auras jamais…

Je ferme les yeux.

— Ok j’abandonne, dis-je dans un soupir en affaissant


mes épaules.
— Tu ne l’auras jamais si tu pars loin de moi car je te
traquerais. Je serais comme ton ombre. J’éliminerais un
par un tous les hommes qui oseront poser les yeux sur toi.

Je souffle, de plus en plus abattue.

— Jamais tu ne te marieras à un autre. Jamais tu ne


fonderas de famille avec un autre. Tu veux t’en aller ?
Bute-moi avant. Ma vie est d’ores et déjà fichue car j’ai
brisé les règles primaires de la mafia. Tu ne tomberas pas
amoureux, m’a-t-on dit. Je ne suis pas amoureux, Inayah.
C’est pire que ça. Je te hais à un point que je sens ma vie
s’éteindre quand tu n’es pas là.
— Quoi ? dis-je le souffle court.
— Te détester est la meilleure chose qui me soit arrivé,
continue-t-il en se rapprochant de moi, le regard plongé
dans le mien. Je déteste quand tu souris. Ça me fait perdre
le contrôle. Dark ne perd jamais le contrôle. Ta joie de
vivre me fait chier parce que ça illumine les ténèbres que
je suis censé représenter. Mon père m’a dit : ne fléchis
jamais les genoux devant qui que ce soit. Devant toi, il
n’y a pas que mes genoux qui ont fléchis. Aucun mot
dans aucun dictionnaire ni aucune langue n’est assez fort
pour imager ce que je ressens quand tu poses ton regard
innocent sur moi. Tu m’as mis dans une merde sans nom
et il n’est pas question que je vive ça tout seul. On
s’emmerdera ensemble. Alors je te donne deux options.
Soit tu me tues ou tu restes, soit je te laisse partir et je te
pourris tellement la vie que tu reviendras de ton plein gré.
— Pourquoi ? je demande dans une voix qui se veut
sourde, tellement sonnée par toutes ces paroles.
— Parce que la place d’une Reine, c’est au côté de son
Roi.

Mince ! Est-ce… Est-ce une déclaration ?


— OH PUNAISE !

Oh putain ! Je viens de lui tirer dessus.


17

***INAYAH

— Je suis sincèrement désolée, dis-je, plus bouleversée


par sa déclaration que le tir. Je ne…
— Tu ne m’as pas touché, dit-il en se vérifiant.
— Mais j’ai…
— Ça suffit ! Viens-là !

Il m’attire contre lui et fond ses lèvres sur les miennes. Il


me presse fortement par la taille. J’oublie toutes mes
résolutions. Je laisse tomber l’arme et m’accroche à lui.
C’était la plus belle déclaration qu’il pouvait me faire. Il
m’aime donc. Je le repousse et lui donne une claque.

— Pourquoi m’avoir fait autant souffrir si tu partageais


les mêmes sentiments ?
— Fallait que je comprenne avant ce qui m’arrivait.
— T’es qu’un salaud, Chris.
— Je sais, répond-t-il doucement.
J’en ai les larmes aux yeux. Mais des larmes de joie. J'ai
l’impression d’être dans un rêve. Chris est amoureux de
moi ? C’est… waouh !

Nous rentrons dans la maison main dans la main. Il me


conduit à sa chambre. C’est toute excitée que je le suis. Il
referme la porte et me saute dessus. Je ne vais pas me
faire prier pour répondre à ce baiser. Alors là non. J’en ai
trop rêvé pour faire ma star. Je me laisse complètement
aller dans ses bras. Il déchire tout ce qui me couvre le
corps. Ses mains empoignent mes fesses et me soulèvent.
Je l’encercle avec mes jambes. Il nous conduit vers le lit
et tout doucement me fait allonger sans que nos lèvres ne
se décollent. Ses baisers commencent un parcours sur
mon corps. Je reçois des suçons plein le cou. Je cambre
le dos quand il descend au niveau de mes seins. Je ne fais
que geindre, arc-boutée contre les draps. Son odeur
imprégnée dans ses draps m'enveloppe. Elle m'avait
manqué cette odeur enivrante. Un volcan de plaisir se met
en éruption en moi quand ses lèvres se referment sur ma
fleur. Mes jambes se mettent à trembler pendant que
j’étouffe mon cri dans le coussin. Chris ne s’arrête pas de
me torturer. Je le supplie de me faire sienne. Avec toute
la grâce qui le détermine, il retire sa chemise en me fixant
d’une intensité qui fait vibrer mon cœur. Je me mords la
lèvre en le contemplant. Je veux lui dire à quel point je
l’aime et que je suis heureuse de me retrouver dans ses
bras. N’en pouvant plus de la lenteur avec laquelle il se
dessape, je me lève et m’attaque à son pantalon. Il me
pousse sur le lit et se positionne entre mes jambes. La
seconde d’après, je le sens me traverser centimètre par
centimètre. Je suis obligée de m’accrocher à lui pour ne
pas défaillir. Mes ongles laissent leurs marques dans son
dos et mes dents dans son épaule. Il n’y a que mes
gémissements qui brisent le silence de la chambre. Le
plaisir monte des deux côtés et ensemble nous atteignons
le point de non-retour. C’est entrelacés que nous
reprenons nos souffles.

J'ouvre les yeux, frappée par les premières lueurs du


soleil. Je regarde la place près de moi. Elle est vide. Ai-
je rêvé ? J’en ai bien l’impression bien que je sois dans
son lit. Tout était si parfait, plus que dans mes rêves.
Chris m’a-t-il réellement fait une déclaration ?

— Seigneur, faites que ce ne soit pas un rêve, je chuchote


les yeux fermés.

Je sens une présence dans mon dos. Je me retourne. C'est


Chris qui sort de sa salle de bains en enfilant sa montre.
Mon cœur se gonfle d’amour.
— Salut ! me salue-t-il en s’asseyant sur le lit près de
moi.
— Tout ce qui s’est passé hier, c’était réel ?
— Tu es dans ma chambre, dans mon lit, toute nue et moi
je suis devant toi.

Je rougis au souvenir de tout ce que nous avons fait cette


nuit. Il glisse son doigt sur ma joue.

— Je voudrais qu’on se marie demain. Pour de vrai cette


fois.
— Hum ? fais-je en redescendant sur terre. Pourquoi si
vite ?
— Pourquoi pas ? réplique-t-il les yeux plissés.
— Parce que…

Je cherche mes mots en me calant sur le coude.

— Nous venons de nous retrouver après une année de


séparation. Il y a certainement eu des changements.
— Le seul changement qu’il y a eu dans ta vie c’est ton
bénévolat auprès des enfants.
— Comment tu…
Je lève les yeux au ciel. Cet homme n’a jamais cessé de
m’espionner.

— Ok. Mais parlons de toi.


— Ma vie est toujours la même depuis des lustres.
— Shana ?
— Elle n’a jamais rien représenté.
— Mais elle était là.
— Elle ne le sera plus.

Je tourne des yeux, Non convaincu de sa phrase. Il me


prend la main.

— Je t’ai choisie, Inayah. Pas elle.

La sincérité se lit dans ses yeux. Je ne peux que baisser la


garde.

— Une demande en mariage se fait avec une bague, je


plaisante en le gratifiant d’un sourire.
— Tu iras te choisir toutes les bagues que tu voudras.
Mon sourire s’agrandit. Non à cause de cette histoire de
bague. Je le trouve juste trop mignon en mode lover. Je
m’étire vers lui pour l’embrasser.

— J’ai encore envie de toi.

Il me tient les joues et approfondit le baiser. Je le


déshabille alors qu’il vient tout juste de s’habiller.
Maintenant qu’il est à moi, je dois profiter de lui. On ne
sait ce que demain nous réserve.

Après des heures à faire l’amour. J’ai pu enfin sortir de


la maison. J’arrive dans les locaux de Shelby. Elle a
transformé le local en un très grand supermarché qu’elle
a reparti en deux. Un côté pour les vivres et autres et
l’autre est destiné aux magasins de différents particuliers
qui lui versent des loyers. A y voir le monde, je peux
affirmer que les choses marchent plutôt bien. Je me
renseigne auprès de celle qui est censée être son
assistante et elle me confirme la présence de mon amie
dans son bureau. Je lui fais signe de ne pas m’annoncer.
J’ai bien envie de lui faire une surprise. Je cogne une fois
et entre. Elle a le portable scotché à l’oreille et le regard
perdu dans le vide au point de ne pas remarquer ma
présence.
— Baby ! je l’appelle en avançant tout doucement.

Quand elle me voit, elle bondit de son siège et accourt


vers moi.

— Mon Dieu ! Inayah, où étais-tu passée ? Je ne cesse de


t’appeler depuis plusieurs jours en vain.

Elle me serre fortement dans ses bras.

— Mais… que fais-tu là ? demande-t-elle en se rendant


compte de la situation. Ne me dit pas que la police…
— Non. Rien de grave. Bon enfin, un peu si. Je m’étais
faites enlever en Italie mais Chris a très vite réglé la
chose. Il m’a ensuite ramenée de force ici. J’ai tenté de
m’enfuir mais finalement je suis restée.
— Tu ne retourneras plus en Italie ?
— Non. Il y a beaucoup mieux ici.
— Hum ? fait-elle en arquant un sourcil.

Je la tire vers son salon où nous nous installons.


— Chris m’a enfin avoué qu’il était amoureux de moi, lui
dis-je toute excitée comme une puce.

Elle plisse les yeux. Je lui raconte l’histoire dans son


entièreté sans omettre une seule virgule.

— Il m’a fait sa demande ce matin et il veut qu’on se


remarie demain pour de vrai.
— Et tu as accepté ?
— La demande en mariage, oui. Mais pour la date je l’ai
convaincu de la repousser d’une semaine. Il me fallait te
prévenir pour que tu te prépares.
— A quoi ?
— Comment ça à quoi ? A être mon témoin et ma dame
de compagnie, voyons.

Elle secoue la tête. Je me trompe peut-être mais j’ai


l’impression de lire de la déception sur son visage.

— Ce sera sans moi, lance-t-elle en se levant.


— Pardon ?
— Inayah ! Tu vas de nouveau gâcher ta vie auprès de cet
homme. Que fais-tu de ta nouvelle vie ? De tous ces
efforts faits pour aller de l’avant ? Tu vas les jeter à la
poubelle tout simplement parce que ‘‘Monsieur’’ a enfin
eu les couilles de te dire ce que tu voulais entendre depuis
des années ? Ça n’a pas de sens.
— Waouh ! je m’écrie ne me levant à mon tour. Ce qui
n’a pas de sens, c’est que ma meilleure amie refuse de se
réjouir pour moi de ce que j’ai enfin obtenu ce que je
désirais.
— Comment le puis-je quand ton désir a toujours été
source de malheur et tristesse pour toi ? Je t’aime mais je
refuse d’assister à cette mascarade. Tu vas de nouveau
gâcher ta vie. Cet homme est un poison pour toi.
— Sauf que c’est celui que mon cœur a choisi d’aimer.
Tu comprends ?
— C’est un mafieux.
— Mais il a un cœur. Un cœur qui m’aime en retour.
— T’a-t-il dit avec les mots justes qu’il t’aimait ?
— Il me l’a dit d’une autre manière. Avec d’autres mots
et des actes.

Elle ricane.

— La bonne blague. Tu es entrain de te faire avoir


comme une débutante. Tu vas souffrir, Inayah.
Ses paroles me choquent de plus en plus. Je suis plus
déçue qu’autre chose. Je récupère mon sac à main.

— Tout ce que je voulais, c’était partager mon bonheur


avec la seule famille que j’ai. J’ai toujours été là pour toi.
Je t’ai soutenu en tout temps même quand je n’étais pas
d’accord. Être présente à mes côtés pour le plus beau jour
de ma vie, c’est tout ce que je demandais. Pas d’aimer
Chris. Mais ça également c’est trop te demander. Je ne
vais pas insister. Passe une belle fin de journée.

Je tourne les talons et prends la porte. Je ne m’attendais


pas à ça de sa part. Je sais qu’elle n’aime pas Chris, mais
j’ai cru qu’elle allait se réjouir du fait qu’il ait enfin
décidé de m’aimer comme il se doit. Je me suis trompée
on dirait.

UNE SEMAINE PLUS TARD

Je ne me reconnais pas dans la glace. Le coiffeur et la


maquilleuse m’ont métamorphosée. Je suis trop belle. Je
ne me sens plus, comme on le dit en Côte d’Ivoire. Je me
marie de nouveau. Pour la deuxième fois de ma vie.
J’espère du plus profond de mon cœur que ce mariage ne
sera pas une reproduction du premier avec des douleurs
en continu. Je veux être enfin heureuse et vivre le parfait
amour. Je ne connais que le côté obscur de Chris. Je ne
peux affirmer qu’il fera un bon époux. Cet homme n’a
jamais manifesté de l’amour envers quiconque. Fera-t-il
seulement l’exception avec moi ?

— Prête ? me demande Alana en entrant dans la chambre.


— Tu crois que je fais une erreur ? je lui demande en la
regardant à travers la glace.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas. Tu crois que Chris saura me traiter
comme je le mérite ? Me donnera-t-il ma place ?
— S’il ne t’aimait pas tu serais déjà morte.
— Je ne parle pas de ça.

Je souffle et lui fais face.

— En français simple, me traitera-t-il aussi bien ou mieux


que Jeoffrey te traitait toi ?

Les traits de son visage s’assombrissent.

— Je suis désolée. Je ne voulais pas…


— Non ce n’est rien. Je reconnais que mon frère n’est pas
un habitué des choses de l’amour. Mais je sais une chose
de ma propre expérience. C’est que quand on aime, on ne
peut s’empêcher de le démontrer. Chacun à sa manière
selon sa personnalité. C’est à toi de connaître ton homme
et de savoir lire ses actions envers toi. Une chose est
certaine, il ne te fera jamais de mal intentionnellement.
— Je sais.
— Sois heureuse. Tu as enfin ce que tu voulais.

Je réponds à son sourire. Elle a raison. Je dois vivre


l’instant présent. Trois petits coups sont frappés sur la
porte. Alana qui se tient juste à côté l’ouvre. Elle s’excuse
et sort en laissant la porte ouverte. Je retourne à mon
miroir pensant sans doute qu’il s’agirait d’un garde qui a
besoin d’Alana.

— Salut !

Je fais volte-face. Shelby avance à pas lents

— Tu es à tomber par terre, me complimente-t-elle.


— Merci ! Si tu es là pour me dire que je fais une erreur…
— Tu crois que je me serais vêtue comme une star de
cinéma au red carpet pour venir te dire une telle chose ?

Effectivement, elle est magnifiquement bien vêtue.

— Je suis là pour vivre ce merveilleux moment avec ma


meilleure amie.
— Ne t’y sens pas obligée.
— Aucunement. Je suis là parce que je le veux. Je me
suis trouvée égoïste de te tourner le dos pour la première
fois que tu as besoin de moi. D’habitude c’est toi qui
viens à ma rescousse. Comme avec Nick.

Je fronce les sourcils.

— Il m’a avoué que tu lui avais remonté les bretelles


quand il avait rompu et ça lui avais fait prendre
conscience qu’il tenait à moi. Je me suis sentie nulle et la
honte m’a fait rester dans ma bulle. Si tu n’avais pas fait
cela fait, je serais toujours célibataire et ennuyante, dit-
elle avec une grimace.

Je souris. Elle me prend les mains.


— Je suis avec toi. Mafieux ou pas mafieux. Tant que tu
es heureuse, ça me va.
— Merci !
— Viens me faire un gros câlin.

Je me sens beaucoup mieux maintenant qu’elle est là.

***CHRIS

— Tu crois que je fais une erreur ?

Alana sourit.

— C’est drôle, elle m’a posé la même question. Et non tu


ne fais pas une erreur en épousant la femme que tu aimes.
— M’unir à elle signifierait la mettre perpétuellement en
danger.
— Tu sauras la protéger comme tu l’as fait jusque-là.

Je jette mon regard vers le jardin à travers la fenêtre de


mon bureau. Les invités sont tous présents. L’officiant
aussi. Il ne reste plus que nous. Depuis mon réveil ce
matin, je ne cesse de refouler cette pensée négative qui
me dit d’annuler ce mariage car ce serait signer l’arrêt de
mort d’Inayah. Je sais mes ennemis nombreux et tous
l’utiliseront, elle, pour m’atteindre. Je suis prêt à les
affronter. Mais elle, est-elle assez solide pour supporter
tout ce qui lui tombera dessus ? Elle est trop sensible, trop
douce pour ce monde de brutes. Je crains de la briser.

— On devrait tout annuler, dis-je en gardant le regard


dans la même direction.
— Et faire souffrir de nouveau Inayah ? Chris, oublie tout
pour cette journée et marie-toi. On affrontera la suite le
moment venu.
— Tu as pourtant rejeté Jeoffrey, lui fais-je remarquer en
lui refaisant.
— Ce n’est pas pareil, répond-t-elle embêtée.
— En quoi ?
— Je suis une femme. Je ne pourrai pas protéger un
homme. Je ne suis que ton bras droit et ta sœur. Je n’ai
pas de pouvoir, si ce n’est celui que le nom IVANOV me
procure. Toi, tu es Dark. Tout le monde te craint. Les
gens réfléchissent à deux fois avant de t’attaquer. Quoi
qu’il advienne, Inayah sera toujours en sécurité. Moi j’ai
échoué à la première épreuve. Ce n’est donc pas pareil.
Bref, c’est le moment d’y aller. Viens que je t'arrange un
peu.
Elle nettoie çà et là de la poussière invisible et me fait
signe de la suivre. Je salue tous mes invités dans le jardin
et je rejoins l’officiant.

Je comprends à cet instant précis, en regardant Inayah


marcher vers moi, ce qui a poussé mon père à protéger
ma mère au péril de sa vie. Je serai prêt à faire de même
pour cette femme qui avance vers moi. Je tuerai
quiconque la regardera de travers ou lui manquera de
respect. Je me battrai bec et ongles pour garder ce sourire
magnifique sur son visage. J'enverrai en enfer toute
personne qui voudra m’en priver. A chacun de ses pas qui
la rapproche de moi, je lui fais une promesse silencieuse.
Elle prend la main que je lui tends et se laisse guider par
moi à sa place devant l’officiant. Je réponds à son sourire.

— Tu es magnifique, je la complimente en lui tenant les


mains.

Ses lèvres s'étirent encore plus comme espéré. Je fais


signe à l’officiant de commencer sa tâche. Notre
cinquantaine d’invités assistent à la cérémonie avec
beaucoup d’attention. La majorité est composée de mes
partenaires en affaires. Pas de l’ombre. Les affaires
légales. A quoi m’aurait-il servi d’inviter à ce jour si
spécial pour moi et Inayah des gens qui veulent ma peau ?
Mais non seulement cela, aussi mon trône. Ils me
sourient, me font la courbette mais orchestrent ma mort.
Je n’ai tissé aucune amitié dans l’ombre. Aucune car la
traitrise en est la deuxième devise. Tous les moyens sont
bons pour arriver à ses fins dans ce milieu.

— Monsieur Chris IVANOV, consentez-vous prendre


pour épouse Mademoiselle Inayah DUBOIS ?
— Oui je le veux, je réponds en fixant la concernée qui
sourit.

Il pose la même question à Inayah.

— Oui je le veux.

Alana nous tend les alliances. Inayah s’engage la


première.

— Moi Inayah, par cette alliance, je te promets d’être la


meilleure femme pour toi. De t’aimer plus que tout. Tu
ne regretteras pas de m’avoir choisie. Je te soutiendrai
dans tout et je saurai t’épauler quand il le faudra. Merci
de me redonner une nouvelle lueur d’espoir. Je t'aime à
un point que tu ne peux imaginer.
Elle me glisse l’alliance à l’annuaire. Je récupère la
sienne.

— Je te promets qu’une seule chose. Jamais ce sourire ne


s’effacera de tes lèvres.

Je lui porte l’alliance.

— Tu es à moi maintenant.

Sans attendre le mot d’ordre de l’officiant, j’attire Inayah


contre moi et nous scellons nos vœux sous les
applaudissements des invités. Nous nous faisons féliciter
par eux après quoi peut commencer la fête. Je prends la
main de ma femme et la ramène à l’intérieur de la maison.
Je lui fais comprendre dans notre désormais chambre
combien je brûle d’envie de savourer son corps si bien
dessiné. A la seconde où mes yeux se sont posés sur elle
dans sa robe, je n’avais qu’une seule envie, que l’officiant
la ferme pour que je puisse me retirer avec ma femme et
lui retirer sa robe. Mes caresses et mes baisers expriment
à ma place tout le désir qu’elle réveille en moi. Sa robe
finit en plusieurs morceaux de tissu insignifiants au sol.
Je me noie en elle et prends plaisir à écouter ses douces
complaintes. Ses ongles qui s’enfoncent dans ma chair
me rappellent tout que j’ai manqué toutes ces années à la
repousser comme une peste. Je les prends comme une
punition. La délivrance finit par arriver et je me sens léger
comme une plume. Je la serre contre moi. Elle se cale
confortablement afin de mieux profiter de mes caresses.
Nous reprenons nos souffles complètement saccadés par
cette séance torride.

— Je vais demander à Alana de faire partir tous les


invités, dis-je en cherchant mon portable.
— Quoi ? Non ! s’oppose-t-elle en se redressant sur un
coude. Ce serait malpoli de les renvoyer de la sorte. Ils
ont sans doute modifié leurs emplois du temps pour nous.
Le minimum c’est de terminer cette soirée avec eux.
— Nous sommes mariés, c’était ça le but de leur
présence. Je leur avais prévu des paquets cadeau à
emporter. On le leur rendra maintenant et c’est bon.

Je donne des instructions à Alana. Le reste du temps, je


le passe à faire l’amour à ma femme.

Il est maintenant temps pour nous de prendre l’avion. Je


réveille Inayah après m’être apprêté.
— Je suis épuisée, Chris, ronchonne-t-elle.
— Nous devons prendre l’avion dans une heure.
— Pour aller où ?
— En Russie.
— Hum ? fait-elle en ouvrant totalement les yeux. Il y a
un problème ?
— Je veux te faire visiter mon pays. Ce sera par-là que
débutera notre lune de miel. A moins que tu ne veuilles
rester…
— Non, on y va.

Elle bondit du lit et court dans la salle de bains. J’en suis


amusé. Je vérifie par appel avec Alana que tout soit prêt
pour notre voyage. Je descends ensuite avec nos valises
les remettre aux gardes qui les rangeront dans les
véhicules. Ben me prévient qu’il y a quelqu’un pour moi
dans la salle de séjour. C’est apparemment la meilleure
amie d’Inayah. Elle n’est pas rentrée comme tous les
autres.

— Bonsoir Madame, je la salue en m’arrêtant devant elle.


— Bonsoir Monsieur IVANOV, me répond-t-elle en se
tenant debout. J’ai tenu à vous parler avant de rentrer
chez moi.
— Pourquoi n’avoir pas demandé à mes hommes de me
prévenir ? Ça vous aurait éviter de vous taper toutes ces
heures d’attente.
— Ce n’est pas bien grave. Je ne voulais pas déranger les
nouveaux mariés.
— Que puis-je donc faire pour vous ?
— C’est concernant Inayah. Sachez que je n’ai pas été
d’accord avec ce mariage et je maintiens mes
appréhensions. Ce que vous faites de votre vie ne me
concerne pas. Mais si vous faites souffrir ma sœur,
Mafieux ou pas, je m’en prendrai à vous, même si je dois
y laisser ma peau.
— Je n’ai pas l’intention de la faire souffrir ni de vous
tuer.
— C’est tant mieux.
— Vous ne m’aimez évidemment pas, mais ma maison
vous sera toujours ouverte. Ça me rassure de savoir qu’il
y a quelqu’un qui saura prendre soin d’elle s’il m’arrivait
quelque chose.
— Ne parlons pas de malheur. Je veux juste que vous la
rendiez heureuse comme elle le mérite.
— Je n’y manquerai pas.

Inayah fait son apparition dans la pièce en calant son sac


à main dans le creux de son coude.
— Shelby ? Tu es encore là ? Désolée de t’avoir
abandonnée.
— Ce n’est rien, dit-elle en répondant à l’étreinte de son
amie. Je voulais te voir avant que vous ne vous envoliez
pour votre lune de miel. J’y vais donc.
— Allons que je demande à mon garde de te
raccompagner. Il se fait un peu tard.

Nous sortons tous les trois. Les deux amies se font une
dernière embrassade avant qu’Inayah ne me rejoigne à
notre voiture. J’ai voulu retourner dans mon pays avec
Inayah pour entamer cette nouvelle phase de ma vie.
Retourner à mes origines m’a toujours permis de me
ressourcer. De reprendre des forces quand je me sentais
faible. De me reposer l’esprit quand je dois prendre des
décisions importantes. Je veux faire connaître ce petit
monde à celle qui partage ma vie dorénavant.

Je ne lui lâche pas la main jusque dans l’avion. Je


comprends de mieux en mieux pourquoi mon père a fait
tant de sacrifices pour ma mère. Je ressens une sensation
de bien-être que jamais de toute ma vie je n'avais ressenti
et ce, rien qu'en tenant la main de cette femme. Je la
regarde pendant qu'elle manipule la tablette. Elle relève
la tête, me sourit et retourne à son occupation. Il me faut
trouver la bonne formule pour ne pas finir comme mon
père, ni elle comme ma mère. Je ne suis pas prêt à quitter
l’ombre et je ne suis encore prêt à renoncer à cette
femme.

***SHANA

— AARRGHH !!!

Je projette une autre chaise contre le mur. Chris n’a pas


pu se marier à cette dévergondée. Je refuse de le croire.
Ce doit être encore un mariage blanc. Mais qui va en lune
de miel pour un mariage faux ? Je le pressentais qu’il était
amoureux de cette femme. Qu’a-t-elle de plus que moi ?
Qu’a-t-elle fait pour lui que je n’ai fait ? Tous mes
efforts, tombés à l’eau. J'aurais dû la tuer quand je l’avais
en face de moi.

— Calme-toi, chérie !
— Je ne le peux pas. Après tous mes sacrifices, il s’est
entiché d’une moins que rien qu’il connaît à peine. J’ai
travaillé toute ma vie à être la femme du Dark. Lui et moi
devions régner ensemble sur la League. Je connais
presque tout de ce milieu. J’aurais été une parfaite aide
pour lui.
— Pourquoi veux-tu régner derrière lui si tu peux régner
toute seule et avoir la canne en or ?
— Je suis une femme, tu l’as oublié ? Le trône c’est pour
les hommes.
— Nous sommes au 21e siècle et les femmes prennent du
pouvoir. Tu peux changer les choses. Tu es longtemps
restée cachée. Il est temps que tout le monde sache qui tu
es. Tu dois gagner les cœurs des plus puissants pour
qu’ils puissent t’aider à accéder au trône. Le règne des
IVANOV doit maintenant prendre fin. Je t’ai laissé le
temps de le séduire pour devenir sa femme, avoir un fils
et ensuite le tuer pour que par votre fils, notre famille
puisse enfin régner sur la League.
— Mais je suis tombée amoureuse de lui. Et je ne voulais
pas qu’il meurt. Mais maintenant, je me fiche bien de ce
qui peut lui arriver. On peut même le flinguer ce soir que
ça ne me dirait rien.
— Tout doux. Une chose après l’autre. Le tuer serait
déclencher une guerre que nous perdrons d’avance.
Allons étape par étape.
— Tu crois que nous allons gagner ? C’est quand même
Chris IVANOV.
— Et moi je suis Romario GARCIA et je te rassure que
nous y arriverons. J’en ai déjà fini avec un IVANOV. Je
le pourrai encore avec un autre IVANOV. Ce sera un jeu
d’enfant. Alors tu es avec moi pour en finir avec la lignée
IVANOV et prendre la canne en or de la League de
l’ombre ?

Je regarde ce vieil homme plein d’assurance et je ne peux


qu’en avoir.

— Je le suis… Papa.
18

***INAYAH

J’ai l’impression d’être dans un rêve. Chris me fait vivre


un rêve. Le meilleur des rêves. Je suis si heureuse, en
seulement une semaine de mariage. Je découvre un autre
Chris, carrément différent de cet homme si froid et
ténébreux qu’on a l’habitude de voir. Je n’ai pas besoin
de l'entendre me dire qu’il m’aime. Si, avec la manière
dont il me traitre, il ne m’aime pas, c’est qu’il est un
putain de très bon acteur. Moi qui cherchais un homme
attentionné, je suis servie.

Depuis notre arrivée en Russie, Chris n’a fait que me


combler de cadeaux. Ses petites attentions me rendent
encore plus amoureuse de lui. Il me rend heureuse à tous
les niveaux. Le sexe avec lui est divin. J’ai découvert des
parties sensibles de mon corps que je ne connaissais pas.
J’ai découvert des plaisirs que je n’avais jamais
expérimenté. Il sait manier mon corps avec expertise.
Rien que d’y penser j’en ai des frissons tout le corps. Je
crois plutôt que ces frissons sont dû à la présence de Chris
dans la salle de bains derrière moi. Il était sorti faire son
jogging. Je veux me retourner mais il me retient dans ma
position. Son corps nu se colle au mien et je peux le sentir
durcir au fur et à mesure. L'eau de la pompe continue de
retirer la mousse sur moi. Il plaque mes deux mains sur
le mur. Ses mains descendent le long de ma silhouette,
me procurant de vifs frissons. Une main se faufile entre
mes jambes quand l’autre pétrit un sein.

— O Bozhe (Oh mon Dieu, en russe) ! dis-je en me


mordant la lèvre.

Chris n’écoute pas mes soupirs. Il continue de me


torturer. Ses lèvres rejoignent la partie. Il me fait des
suçons dans le cou et descend dans le dos. Il aligne
plusieurs mots dans sa langue avant de se redresser de
tout son long. Il m’incite à me hisser sur la plante de mes
pieds mais il est quand même obligé de descendre un tout
petit peu vu qu’il me dépasse de trois têtes. J’enfonce mes
dents dans ma lèvre quand je le reçois de tout son long en
moi. Ses coups sont secs mais très vigoureux. Il n’y a rien
sur lequel je puisse m’accrocher et ça me fait perdre la
tête. Je lui demande d’aller plus vite. Je comprends, oh
oui je comprends pourquoi cette garce de Shana est autant
accro à cet homme. N’importe quelle femme rêverait
d’être à ma place entre les mains de cet apollon. Pourquoi
ne l’ai-je pas connu avant Sébastien ? Pourquoi ne l’ai-je
pas connu lui seul tout court ?
Après la séance dans la salle de bains, nous sommes
venus prendre le déjeuner dans l’un des meilleurs
restaurants du pays. Nous devons ensuite prendre l’avion
dans quelques heures pour Paris. Chris nous a prévu un
voyage dans plusieurs différents pays pour me faire
passer une lune de miel féerique.

— Je sais que je te l’ai déjà dit mais j’adore ton pays.


Pourquoi tu n’y es pas venu vivre après la mort de tes
parents ?
— Pour diverses raisons que tu sauras certainement le
moment venu. Je ne veux en parler maintenant. Mais
sache que la maison m'appartient. Mes parents et moi y
venions chaque vacance lorsque j’étais gosse. Tu pourras
y venir quand bon te semblera.

Il regarde rapidement sa montre.

— On y va maintenant.

Il m’aide à sortir de table et me prend la main jusqu’à la


voiture. Je fonds à chaque fois face à ses gestes
d’attention. J’adore le nouveau lui.
Chris m’ouvre la portière quand un homme un peu plus
âgé que Chris s’approche de nous. Il darde son regard sur
moi de longues minutes avant de le diriger sur Chris qui
a suivi la scène. Il se place devant moi comme un
bouclier. Les deux hommes échangent en russe. J’ai
appris la langue mais là je suis blasée vu les lourdes
expressions qu’ils utilisent et ils vont trop vite. Mais je
devine aisément que cette conversation n'est pas très
joyeuse à voir l'air hyper sérieux de Chris.

— J’espère que tu ne commettras pas la même erreur que


ton père en te laissant distraire par cette bonne femme,
dit-il en lorgnant son regard sur moi. Nous n’accepterons
pas une énième humiliation de votre part.

Il tourne les talons et monte. L’humeur de Chris est


changée. Il m’aide à monter en voiture et part faire de
même par l’autre côté. Je veux lui poser plusieurs
questions mais je suis hésitante. Je pense bien que cette
conversation est en rapport avec l’ombre. Il ne me rend
jamais de compte concernant cette partie de sa vie.
J’ouvre ma bouche et la referme.

— Tu auras les réponses à toutes tes interrogations plus


tard. Profite juste de ta lune de miel.
Je ravale ma question définitivement. Il se concentre sur
son portable et passe différents coups de fils avec à
chaque fois des échanges dans une langue différente.
J’espère ne pas lui causer d’ennuis.

FRANCE *** PARIS

Je suis surprise par l’accueil qui m’est réservé dans


l’hôtel où nous allons séjourner. Quelques membres du
personnel se tiennent à l’entrée et me tendent chacun un
bouquet de fleur. Chris reste derrière moi, les mains dans
les poches. Je ne prête pas tout de suite attention à la
musique qui s’élève dans les enceintes. Mais je me
retourne quand une voix qui semble très réaliste s’élève.
J’ouvre grand la bouche en découvrant Collins qui chante
dans son micro rien que pour moi. Je me retourne vers
mon mari qui me fait un sourire en coin.

— Comment as-tu su que j'adorais cet artiste ? je lui


demande en lui donnant un léger coup sur son buste.
— Je te suis sur tous tes comptes sociaux.
— Même sur TikTok ?

Il fait oui de la tête. Je n’en reviens pas. Je l’embrasse et


me retourne vers Collins qui continue de chanter en play-
back. Son DJ et petit frère se tient dans un coin et
manipule ses appareils. Je me laisse emporter par
l’ambiance. Je chante avec ma star. J’adore trop cet
homme mais surtout ses belles mélodies. Je chante et
danse avec lui. Les gens de l’hôtel nous regardent,
certains filment et d’autres se mettent dans l’ambiance.
Collins met le feu dans l’hôtel. Je crois que c’est la
meilleure surprise que Chris pouvait me faire.

Le show prend fin après plus une heure de temps. Collins


m’a fait un Medley de ses deux derniers albums. Je monte
dans notre suite, toute épuisée. Chris m’avait devancée
depuis quelques minutes. Il avait des coups fils à passer.
Il est toujours au téléphone quand j’entre dans la suite. Je
vais directement prendre une douche. Quand je reviens
dans la chambre, Chris est assis sur le lit. Ma serviette
nouée sur la poitrine, je me rapproche et m’assois à
califourchon sur lui. Il pose son portable et me tient la
hanche.

— Merci pour la surprise. J’ai adoré.

Je l’embrasse suavement. A la base ça devait juste être


un simple baiser mais le contact de nos lèvres et de nos
corps fait grimper la température. Il détache la serviette
pour avoir libre accès à mes seins. Nous nous retrouvons
très vite à faire l’amour, après quoi nous partons tous
deux prendre une douche rapide. Je mène la conversation
mais il se montre peu bavard. Je le sens inquiet. Je sors la
première car je commence à prendre froid. Je me réfugie
sous les draps. Je le regarde ensuite me rejoindre dans le
lit. Il me souhaite une bonne nuit avec un baiser sur le
front, éteint sa veilleuse et se met sur le dos. Il ferme les
yeux mais je peux l’entendre réfléchir. Je l’observe grâce
à la lumière tamisée de ma veilleuse.

— Qui était l’homme que nous avons rencontré ce matin


à Moscou ? je lui demande après m’être tournée vers lui.
— Un agent de la League, me répond-t-il sans déranger
sa position.
— Que voulait-il dire par sa dernière phrase ?

Il ne répond pas tout de suite. Il soupire, se tourne sur son


flanc et cale son bras sous sa tête. Il plonge son regard
dans le mien.

— En tant que grand chef de la League de l’ombre, j’ai


certaines interdictions.
— Tu ne dois pas tomber amoureux.
— Entre autres. Je peux me marier mais sans m’y
impliquer émotionnellement. Le mariage c’est juste pour
avoir une certaine stabilité, soigner son image et avoir un
héritier. Les autres membres peuvent tomber amoureux
mais doivent être prêts à laisser mourir leurs épouses
pour sauver leurs places au sein de la League. La League
doit passer avant tout.

Deux questions, ou sinon trois, me brûlent les lèvres.


J’hésite à les poser.

— Je suis disposé à répondre à trois questions maximums


sur ma vie de l’ombre. Réfléchis donc bien car nous n’en
parlerons plus.
— Tu serais prêt à me tuer ou me laisser mourir pour
protéger tes affaires ?
— Le simple fait que tu aies la possibilité de me poser
cette question constitue une réponse.

Je souris.

— Voudrais-tu avoir des enfants ?


— Je suis appelé à avoir un héritier qui me succédera sur
le trône ou ce sera la fin de la dynastie IVANOV.
— Je n’ai pas demandé ce qui était ton devoir vis-à-vis
de la League. Je veux savoir si en tant qu’homme, tu
désires avoir DES enfants avec la femme que tu aimes ?

Il me fixe intensément.

— Je ne connais qu’une seule chose : mon devoir envers


la League.
— Ça ne répond pas vraiment à ma question.
— Était-ce ta dernière question ?

Je tire la bouche.

— Non. Pourquoi avoir choisi la mafia et pas quelque


chose de plus ‘‘normal’’ ?
— Je n’ai pas choisi la mafia. Elle s’est imposée à moi.
J’ai été formaté depuis mon enfance pour la diriger.
— C’est-à-dire ?
— Ton quota de question est atteint, annonce-t-il en se
remettant sur son dos.
— Non, attends s’il te plaît, dis-je en le retenant. Je veux
vraiment le savoir. S’il te plaît !
Il me regarde un moment avant de revenir à sa position.
Il m’explique en juste quelques phrases l’implication de
sa famille dans la mafia depuis les générations passées
jusqu’à lui. Il termine son récit avec l’assassinat de ses
parents et son retour deux ans après.

— Tu sais maintenant tout ce qu’il y a savoir. Veux-tu


prendre la fuite pour sauver ta vie ?
— Je veux plutôt encore plus rester à tes côtés.

Je pose un baiser sur ses lèvres et me cale contre lui dans


ses bras. Il me serre contre lui. C’est tout ce dont j’ai
besoin. Lui. Le reste m’importe peu.

***ALANA

Sans regarder mon portable, je coupe l’appel. Jeoffrey ne


cesse de m’appeler depuis ce matin. Je lui ai pourtant fait
comprendre que je ne voulais plus avoir affaire à lui. Je
ne comprends donc pas autant d’insistance de sa part. Je
ne peux compter le nombre de ses numéros que j’ai
bloqué mais il trouve toujours le moyen de me joindre.
S’il pense pouvoir me faire changer de décision ainsi, il
se trompe lourdement.
Je range mes courses dans le coffre de ma voiture.
Jeoffrey m’appelle encore une fois de plus. Cette fois je
réponds après m’être installée dans ma voiture.

— Qu’est-ce tu n’as pas compris dans ‘‘Je ne veux pas te


parler’’ ?
— « Ne me parle pas. Écoute-moi juste. »
— Ça aussi je ne le veux pas. Laisse-moi tranquille.
— « Tant que nous n’aurons pas discuté, je ne pourrai
me résigner à renoncer à toi. Permets-moi donc de… »
— Je ne te permettrai rien, Jeoffrey. Ne m’appelle pas.
Merde ! En quelle langue veux-tu que je te le dise ?
— « Ok. C’est comme tu voudras. »

Il raccroche. Ce n’était pas trop tôt. Je prends le chemin


retour pour ma maison. Jeoffrey me manque bien que je
fasse la difficile. Je souffre silencieusement de son
absence. Je veux que tout redevienne comme avant. Je
suis grave en manque de lui. Mais surtout de son sourire
qui à la fois m’énervait et me séduisait. J’ai passé toute
cette année à souffrir de son absence. J’en arrivais à lutter
contre moi-même pour ne pas prendre le premier avion
pour le retrouver. J’ai eu aussi à songer à quitter la mafia
mais j’ai chassé cette pensée. Je ne peux pas tourner dos
à Chris après tout ce qu’il a fait pour moi. Personne
n’assurera sa sécurité mieux que moi et il ne fait autant
confiance à personne autre que moi. Peut-être plus tard
j’accepterai de fonder un foyer avec un autre homme.
Pour l’instant je veux juste aimer Jeoffrey, même s'il
s’agit d’un amour complexe.

A mon premier pas chez moi, je sens une intrusion. Rien


n'a pourtant été déplacé ni ma porte forcée. Je pose mes
courses au sol et sors mon arme en avançant doucement.
Je regarde un peu partout sans rien voir d’anormal. Je
range mon arme donc mais je comprends vite mon erreur
quand je sens deux bras super musclés me saisir par
derrière. Je tourne la tête en espérant voir le visage de
mon bourreau mais il porte une cagoule. Je réussis à lui
donner un coup dans les côtes. Il grogne et desserre son
emprise. Je profite pour reprendre de nouveau mon arme
mais le type se jette sur moi en brandissant un mouchoir
sous mon nez. Je lui donne un autre coup qu'il encaisse
beaucoup mieux que le premier. Avant que je ne puisse
utiliser mon arme, il m’étouffe avec le mouchoir et je
tombe dans ses bras comme un sac de patate.

La première chose que je constate quand je me réveille,


ce sont mes mains attachées autour d’une chaise et aussi
mes pieds. Je gesticule pour me détacher. Je cherche un
objet dans ma chambre qui pourrait m’aider à me libérer.
Et d’ailleurs il est où le cinglé qui m’a séquestrée ? La
porte s’ouvre tout doucement. Une jambe apparaît. Je la
regarde attentivement en attendant de voir tout le reste du
corps apparaître. Il s’agit sans doute d’un de nos ennemis
dans l’ombre qui essaie d’obtenir quelque chose de moi
par cette stupide méthode. Il est bien idiot. Il devrait
savoir que la torture ne marche pas avec moi. Peu importe
ce qu’il veut, il ne l’obtiendra pas. Je ne suis pas une…

Quoi ? C’est quoi cette histoire ?

— Bonjour Alana.
— Mais… que fais-tu ici Jeoffrey ? C’est quoi ce
manège ?
— C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour avoir ton
temps et ton attention.
— Mais tu es complètement fou. J’aurais pu te tuer si les
choses s’étaient déroulées autrement.
— Au moins tu aurais mis fin à mon calvaire.

Cet homme est fou. Je le jure qu’il est complètement


malade. Il tire difficilement un pouf jusque devant moi et
grimace en s’asseyant.
— Tu ne vas pas bien ? Tu as mal quelque part ? C’est
moi qui t’ai fait mal ?

Il sourit. Je me mords la langue.

— Ça me réjouit de te voir t’inquiéter pour moi.

Je détourne mon regard.

— Tu m’as manqué, continue-t-il en me fixant


intensément.
— Si c’était pour me dire ça que tu as fait tout ce manège,
tu nous as perdu notre temps à tous les deux. Tu me
l’avais déjà dit.
— Je veux qu’on reprenne là où on s’était arrêté.
— Pas possible.
— Pourquoi ?
— Nous ne sommes pas compatibles.
— Pourquoi ?
— Parce que je représente un danger pour toi.

Il sourit.
— Tu me trouves drôle ?
— Tu n’as pas dit la seule chose qui m’aurait fait
renoncer à toi.
— Quoi ?
— Que tu ne m’aimes plus.

Je lève les yeux au ciel.

— Je ne t’en veux pas, Alana.


— Mais moi je m’en veux, dis-je au bord des larmes. Tu
aurais pu mourir.

Je me laisse entraîner par ce flot d’émotions que j’ai


longtemps enfouies.

— Je me suis tellement détestée d’avoir été la cause de


ce qui t’était arrivé. J’aurais pu te perdre pour de bon. Je
t’ai vu prendre quatre balles, je t’ai vu lutter contre la
mort et je n’ai rien pu faire pour t’aider. Je suis non
seulement la cause de ton malheur mais je te suis inutile.
Alors pourquoi veux-tu de moi ? Tout ce que je pourrais
te donner c’est du chagrin.
— Hey regarde-moi, me demande-t-il en s’agenouillant
devant moi. Tu n’as pas idée de tout le bonheur que ta
présence dans ma vie m’a procuré.
— Mais tu as failli mourir. Par ma faute.
— Le responsable est derrière les barreaux. Arrête de te
torturer autant. Je t’aime. Tu m’aimes. C’est tout ce qui
doit compter. Tu m’aimes n’est-ce pas ?

Je fais vigoureusement oui de la tête en reniflant.

— Regarde-moi et dis-le-moi.

Je plonge mes yeux brouillés de larmes dans les siens.

— Je t’aime, Jeoffrey. Je t’aime tellement.

Il sourit. Mes lèvres se font vite emprisonner par celles


de Jeoffrey. Je réponds fiévreusement à son baiser. Je
sens mon cœur reprendre vie.

— Je veux te toucher, lui dis-je entre deux baisers.


Il se dépêche de couper les cordes qui me retiennent. Je
me jette dans ses bras quand il se relève et nous reprenons
notre baiser avec deux fois plus de fougue. Je m’acharne
sur ses vêtements. Je veux le toucher directement, le
caresser, le sentir contre moi. Il déchire mon haut, me
soulève et me fait allonger sur le lit. Le reste de nos
vêtements s’envolent les secondes qui suivent. Sans
perdre de temps dans les préliminaires, il se glisse en moi.
J’enfonce mes ongles dans son dos. Il y va fort en
grognant en même temps que moi je gémis. J’étais en
manque de sexe, j’étais en manque de lui. Plus aucun
homme ne m’avait touchée après lui. Plus aucun homme
ne me touchera en dehors de lui. Que nous soyons
ensemble ou pas. Cet homme m’a marquée à tous les
niveaux.

Allongée sur son torse, je balade mes doigts sur les


cicatrices laissées par les balles.

— Comment vas-tu ? je m’enquiers en continuant mon


manège.
— Beaucoup mieux. Je dois faire beaucoup de marche
pour réguler mon souffle et me déplacer avec des
béquilles de temps en temps pour m’éviter trop d’efforts.
Sinon à part ça, je vais bien. A mon réveil, ma mère m’a
raconté tout ce que tu avais fait pour coincer Marc.
Merci !
— Je n’ai fait que ce que j’avais à faire. Je ne pouvais
laisser passer ça.
— C’était qui l’homme la dernière fois au téléphone ?
— Personne d’important. Il a failli être un coup d’un soir
mais je me suis ravisée après ton appel. En plus il était
déjà saoul et chiant, raison pour laquelle il racontait
n’importe quoi. Si tu veux le savoir, aucun homme ne
m’a touchée après ton départ.
— As-tu toujours la bague de fiançailles ?
— Oui. Pourquoi ?
— Je veux qu’on se marie dans les semaines qui viennent.

Je me relève brusquement.

— Jeoffrey, non. Ne recommence pas. Ça ne nous a pas


réussi la première fois.
— J’ai dit que je voulais qu’on reprenne là où s’était
arrêté.
— Tu reviens d’entre les morts, Joe. Et tu veux de
nouveau mettre ta vie en danger ? C’est hors de question.

Je veux sortir du lit mais il me retient.


— Ne recommence pas avec ta résistance, Alana. Pour
une fois laisse-toi juste aller et fais les choses comme
elles se présentent. Donne-moi la bague.
— Joe !
— Donne !

Je sors la bague d’un des tiroirs de la commode et la lui


tends. Il la prend et me prend la main.

— Alana, veux-tu m’épouser et nous permettre de vivre


heureux ?

Je le regarde et comme par magie, toutes mes craintes


tombent de mes épaules. Je me sens tout à coup légère.

— Oui, je veux t’épouser.

Je vais me jeter dans la gueule du loup. Advienne que


pourra.

***SHANA
— Tu dois par tous les moyens mettre cet homme de
notre côté. Il est la troisième tête la plus importante de
l’ombre.
— Mais qu’est-ce qui te fait penser qu’il acceptera de
trahir Dark ?
— Parce que je les connais tous et lui particulièrement
j’ai décelé en lui une certaine jalousie envers Dark. Il fut
un temps où il avait essayé de renverser le Roi mais il a
échoué. Je pense que nos deux forces réunies, nous y
arriveront.
— Alors récapitulons. Je lui propose une association pour
détrôner Dark et lui et moi ensemble, nous gouvernerons
la League. Je lui propose aussi de faire sauter certaines
têtes dont il récupèrera les territoires.
— C’est bien ça. Mais tu gouverneras avec lui pour un
temps. Lorsque tu maîtriseras tous les rouages, nous nous
débarrassons de lui également. Le trône doit te revenir à
toi toute seule.
— Mais pourquoi ne flinguons-nous pas Dark et toute sa
clique directement. On pourrait ainsi prendre le trône
plus facilement.
— Si nous le tuons, la seconde d’après nous serons
décapités. Dark a une forte armée russe derrière lui. Les
russes ne badinent pas. Avant de tuer Andreï, j’ai assuré
mes arrières si bien que personne ne pouvait m’atteindre
et j’ai éliminé ceux qui avaient refusé de s’allier. C’est ce
que nous allons encore faire. En allant voir cet homme ce
soir, tu mets en place une stratégie pour avoir la vie
sauve. Si cet homme accepte notre alliance, il pourra
aussi convaincre d’autres de leur groupe à nous rejoindre.
Dark n’aura plus de soutien et nous pourrons en finir avec
lui et toute sa bande. Suis mes conseils et nous y
arriverons.

J’opine du chef. Je termine de me préparer et je descends


rejoindre mon chauffeur et mes gardes. Pour ma nouvelle
conquête, je me dois de changer de mode de vie. Fini la
pute de service. Je vais bientôt diriger toute une
organisation. Il me faut me mettre dans la peau du
personnage. Ce soir mon père ne vient pas avec moi. Il
me laisse affronter toute seule cet homme. J’ai grandi loin
de lui sans le voir ni l’entendre jusqu’à ce que j’atteigne
la majorité. Il est réapparu dans ma vie et m’a fait part de
ses projets qui m’assurerait un avenir radieux. En
l’occurrence celui de diriger la League de l’ombre. C’est
à cause de cette League qu’il nous a éloignées de lui, ma
mère et moi. Elle était un coup d’un soir qui m’a conçue.
Étant sa maîtresse, il lui a demandé de rester dans l’ombre
tout en prenant soin d’elle. Je ne le voyais qu’en photo.
Ma mère est morte quand j’avais 15 ans. J’ai été
récupérée par la petite sœur de ma mère puis pendant que
nous cherchions à rentrer en contact avec mon père, nous
avons appris son assassinat dans l’info du soir. C’était
apparemment un règlement de compte entre mafieux. A
18 ans j’ai quitté le toit de ma tante pour me prendre en
charge. Je suis revenue sur New-York où j’ai ouvert mon
énorme bar à striptease. Je me faisais de la tune. Ma
clientèle était majoritairement composée de
personnalités. Je vivais comme je l'entendais jusqu’à ce
que mon père ressurgisse d’entre les morts. Il m’a raconté
toute l’histoire. Il voulait tuer Chris pour prendre sa place
mais sa santé ne lui permettait pas grande chose. C’est
alors que j’ai proposé de séduire l’ennemi, l’épouser,
faire un enfant et enfin le buter. L’enfant ne serait pas un
IVANOV, mais un GARCIA pour que notre nom soit
élevé et le Mexique avec.

J’ai fait des recherches sur Chris et je me suis arrangée à


entrer dans son cercle d’amis en l’aidant une fois dans
une affaire. Nos rapports ont évolué, je lui ai proposé
d’être sa pute, il a accepté et les choses se déroulaient
bien. Il gardait toujours ses distances mais je savais qu’il
finirait par baisser la garde. Puis cette garce d’Inayah est
apparu. Sa présence mettait non seulement notre plan en
danger, mais mes plans propres à moi car j’ai fini par
réellement tomber amoureuse de cet homme. Tout ça
c’est derrière moi maintenant. Nous allons passer à la
phase offensive.
Sergueï PETROV me reçoit dans sa suite. Cet homme vit
en Californie mais passe le clair de son temps à parcourir
le monde. Je l’ai contacté pour une entrevue au cours de
laquelle je lui ferais part de mes projets. A voir le regard
qu’il glisse le long de mon corps, je sais d’emblée qu’il
me faudra user de mon charme pour le convaincre.

— Je vous sert quelque chose ? me demande-t-il de son


fort accent russe.
— Ce que vous avez.

Il nous sert du vin blanc. Je croise les jambes en prenant


soin d’ouvrir la fente qui expose ma cuisse. Son regard
s’y attarde.

— Vous vouliez vous entretenir avec moi, entame-t-il


après s’être repris. De quoi est-il question ?
— De Dark et la League.
— Hum ?
— J’ai les moyens de me débarrasser de lui mais il me
manque une seule chose. Le soutient des russes.
— Euuhh, êtes-vous consciente que vous me parler de
tuer mon chef ? Je pourrais vous tuer à cet instant ou vous
livrer à mes confrères.
— Le fait que je parle encore prouve que vous ne ferez
pas. Votre chef est sur le point de tous vous conduire à la
ruine mais aussi à la mort, tout comme son père l’avait
fait. Nous devons éviter ça en lui prenant la canne.
— Il n'a pas fait de faux pas jusque-là malgré la présence
de cette femme dans sa vie.
— J’ai été dans son intimité et je peux vous jurer qu’il est
raide dingue de cette bonne femme. Je l’ai vu sortir de
ses gongs quand quelque chose lui arrivait. Il a plus d’une
fois risqué sa vie pour sauver la sienne. Elle a représenté
un danger pour lui et plutôt que de la buter, il l’a fait partir
loin. Il est allé jusqu’à décimer toute une famille pour la
protéger. La liste est longue. Ne me faites pas parler
longtemps. Nous savons tous les deux que vous
convoitez le trône depuis bien trop longtemps.
L’occasion est là pour vous de réaliser votre rêve.
— Êtes-vous en train de m’offrir le trône en échange de
mon soutien ?
— Oui. Mais pas que le vôtre. Je compte sur vous pour
convaincre au minimum la moitié de votre groupe à nous
rejoindre. Vous pourrez récupérer tous les territoires de
Dark. Tout ce que je veux, c’est 20% de chaque territoire
sur leurs ventes. N’en avez-vous pas marre d’être dirigé
par plus jeune que vous ? Demain ce sera autour de son
fils et vous, vous resterez toujours un subordonné.
Je vois son humeur changer. Pour convaincre une
personne, il faut fouetter son orgueil. Il avale tout son
verre.

— Votre offre est alléchante. Je reste cependant sur mes


gardes.
— Peut-être que me présenter vous aidera à prendre une
décision. Je suis Shana JACKSON, sur les papiers. Mais
en vrai c’est Shana GARCIA, fille de Romario GARCIA.

Il paraît choqué.

— Romario a eu une fille avant de mourir ?


— Oui, il m’a eue. Mais nuance, il n’est pas mort. Il reste
tout simplement dans l’ombre pour mieux frapper quand
il le faudra. S’il a pu en finir avec un IVANOV une
première fois, croyez qu’il pourra de nouveau le faire.
Vous y gagnerez donc à être du bon côté quand la barque
IVANOV coulera.

Cette fois je crois que j’ai touché en plein dans le mil.

— Vous savez argumenter, me complimente-t-il.


— Si je dois travailler avec vous, je me dois d’être à la
hauteur.
— Vous avez le cœur de votre père à vouloir entrer dans
l’arène des loups.
— J’ai d’autres qualités que vous aurez sans doute
l’opportunités de découvrir, dis-je de façon suave en
promenant mes doigts sur ma cuisse.
— Peut-être que me les faire découvrir tout de suite me
ferait prendre une décision aussitôt. Après tout, nous
serons associés. Mieux vaut se connaître maintenant pour
renforcer les liens.

Je souris et pose mon verre.

— Pouvez-vous m’indiquer la salle de bains, s’il vous


plaît ! J’ai besoin de me rafraîchir un tout petit peu.
— Entrez dans la chambre derrière.

Je me lève en le fixant droit dans les yeux. Devant lui je


commence à faire descendre la fermeture éclair de ma
robe. Je retire mes talons aiguilles et me dirige vers la
chambre. Je laisse la porte ouverte. Je peux sentir son
regard dans mon dos. J’entends la porte se refermer
derrière moi. Il pose ses mains sur mes hanches.
— Avant quoi que ce soit, convoque une réunion
d’urgence avec tes confrères. Je veux être sûre que nous
sommes sur la même longueur d’onde.

Il recule et sort son portable. Il discute un moment avant


de raccrocher.

— Je vais rencontrer certains en qui j’ai confiance et nous


établirons les choses.

Je suis satisfaite. Je peux enfin le satisfaire.

Il est 2h du matin lorsque je sors de l’hôtel. J’appelle mon


père en montant dans ma voiture.

— Papa, il est dans la poche.


— « C’est bien ma fille. Prochaine étape, rencontrer la
League le plus vite possible avant que Dark ne revienne
de sa lune de miel. Faudrait qu'à son retour il ne retrouve
plus sa place de Roi. »
— Ça marche, papa.

Je raccroche et souris. Lorsque j’aurai le pouvoir, je me


chargerai personnellement de cette garce d’Inayah mais
aussi de son acolyte Alana. Je vais les broyer comme les
vermines qu’elles sont.
19

***SHANA

Je finis d’énumérer toutes raisons pour lesquelles tous


mes membres de la League doivent s’aligner derrière moi
et se débarrasser de Chris IVANOV. Ils savent que toutes
ces raisons tiennent la route car elles ont été les causes de
la chute de la League pendant un temps jusqu’à ce que
mon père ici présent en prenne les rênes. Ils ont été la
cible de leurs adversaires et ennemis qui en ont tué
plusieurs et dépouillé certains. Aujourd’hui, Dark se met
dans cette mauvaise posture. Tout ça par la faute à qui ?
Inayah. Les africains et leur poisse.

— Tous les éléments que vous avez énumérés sont des


excuses valables pour la League d’éjecter Dark. Mais
pourquoi devons-nous vous choisir vous comme nouveau
chef ? Déjà que nous ne vous connaissons pas, vous êtes
en plus une femme.
— Vous ne me connaissez certes pas, mais mon père que
voici, si.
— Oui et il est l’ennemi de la League toute entière. Ou
bien a-t-il oublié le sort qu’il avait réservé à certains
d’entre nous ? Nous avons eu la vie sauve parce que nous
avions fui le pays et ne sommes revenus que lorsque Dark
a repris le pouvoir d’entre ses mains.

Mon père ricane et prend la parole.

— Me connaître et connaître mes œuvres doivent être des


raisons suffisantes pour vous allier à nous, parce que si
nous réussissons encore une fois à détrôner le Roi, et je
sais que nous y arriverons, je ne donnerai pas cher de
votre peau.
— Vous nous menacez de mort ?
— Loin de là. Mais je rendrai les territoires de mes alliés
beaucoup plus productifs que les vôtres. Au fait, vos sorts
dépendront de ma fille et de Sergueï PETROV.
— Sergueï PETROV ??? chuchotent-ils tous en
échangeant des regards.
— Lui-même, je réponds. Nous avons son soutien et celui
de la moitié des membres de la mafia russe. En gros, nous
n’avons pas vraiment besoin de vous. C’est une faveur
que nous vous faisons.

Ils se concertent dans des chuchotements. J’échange un


regard et un sourire avec mon père. Je sens que c’est dans
la poche. Le porte-parole reprend la parole.
— Supposons que nous acceptons de vous suivre. Que
gagnerons-nous ?
— Déjà vous vous partagerez les territoires de Dark. Je
n’en ai pas besoin. Ensuite, je ne prendrai que 30% des
revenus de chaque territoire au lieu de 40% comme vous
l’exigeait Dark. Je partagerai avec vous mes nombreux
contacts dans le monde entier et vous ne serez plus la
dépendance des Russes. Vous serez libre de fonctionner
comme vous l’entendrez. Sergueï gouvernera pendant
une période le temps que les choses se tassent et après je
prendrai le contrôle avec l’un d’entre vous comme
second.
— Aucune femme ne nous a jamais commandés.
— Je serai la première. Ne voyez pas le genre, voyez ce
que je peux vous offrir.

Encore un échange de regard. Ils passent le temps à


s’interroger quand une personne fait subitement son
entrée dans la salle que nous avons réservé juste pour
cette rencontre. Tous sursautent à la vue de Dark. Je suis
en même temps surprise et troublée. Le charme de cet
homme aura toujours du pouvoir sur moi. Mais d'ailleurs
que fout-il là ? N’était-il pas censé être en lune de miel ?
Comment a-t-il su que nous étions ici dans ce restaurant
et dans cette salle privée ? Il promène son regard sur
chaque visage. Je peux sentir la crainte sur les traits des
autres.

— Paraît qu'un coup d’état se prépare, dit-il en glissant


ses mains dans ses poches.

Aucune réponse ne lui est donnée. On peut même


entendre les mouches voler.

— Laissez-nous ! ordonne-t-il à ses subordonnés.

Les uns après les autres, ils se lèvent et sortent. Il s’assoit


à l’autre extrémité de la table, face à moi. Malgré tout
mon zèle, je dois avouer que son regard perçant
m’intimide. Je garde cependant mon air hautain et serein.

— Je vois que tu t'es trouvé un autre hobby, me lance-t-


il avec sarcasme.
— Effectivement.
— Tu crois que la mafia c’est comme un bar à striptease ?
Où n’importe qui peut y entrer et faire ce qu’il veut ?
— J'en sais beaucoup plus sur ce milieu que tu ne le
penses.
— Et que veux-tu ? Te faire plus d’argent ? Avoir plus de
clients pour tes putes et toi ?
— Je veux diriger la League.

Il me regarde un moment puis éclate de rire.

— Passer sa vie à coucher avec des mafieux ne fait pas


de soi une mafieuse. Tu es faible.
— Tu la sous-estimes exactement comme ton père
m’avait sous-estimé, lui répond mon père.

Dark tourne les yeux sur lui.

— Oncle Romario. Pourquoi ne suis-je pas surpris que tu


sois derrière cette absurdité ? C’est donc toi qui as bourré
le crâne de cette jeune fille.
— Elle est plus forte que tu ne le crois.
— Elle te l’a démontré au cours d’une partie de jambes
en l’air ?
— Je le sais parce qu’elle porte mon ADN.

Il fronce les sourcils. Son regard passe de moi à mon père.


Son visage se déforme par la surprise.
— Tu vois, Chris, tu as beau être prudent, tu n’as jamais
su que tout ce temps tu couchais avec la fille de l’ennemi.
— Waouh ! Chapeau pour ce coup. Mais ça ne suffit pas.
— J’y suis arrivé une fois avec ton père.
— Et tu ne m’as pas vu revenir récupérer mon trône,
réplique-t-il avec un sourire.

Il tapote ses doigts sur la table et se lève. Il ramène son


regard sur moi.

— Je n’ai eu besoin de l’aide de mon père pour prendre


le trône des mains de ton père. Réfléchis bien avant de
m’attaquer.

Il range ses mains dans ses poches et sort. La sérénité de


cet homme sème le doute en moi.

— Papa !
— Cesse de trembler. Nous y arriverons.
— Et si les membres de la League refusent de nous
suivre ?
— Nous passerons à une autre étape. Mais nous ne
baisserons pas les bras tant que nous ne serons pas arrivés
à notre fin. Tu seras la prochaine Reine de League de
l’ombre.

Je l’espère bien parce qu’après cette confrontation, je ne


suis plus sûre de rien.

***INAYAH

Je regarde Chris assis devant son plat sans jamais y


toucher. Depuis notre retour brusque de notre lune de
miel, je le sens préoccupé et distant. Ça fait deux
semaines que je ne sens plus mon mari. Il sort tôt, rentre
à 19h se préparer pour ressortir et ne rentre que très tard.
Je n’ai plus le temps de profiter de lui. S’il me parlait, se
confiait à moi, les choses seraient plus faciles. Il continue
de me mettre à l’écart d’une partie de sa vie. Je ne sais
pas si je dois m'en foutre ou demander à ce qu’il m’y
implique.

— Tu n'aimes pas le plat ? je lui demande juste pour le


faire parler. Je peux te faire autre chose si tu le désires.
— Non, c’est parfait.
— Mais tu n’y as pas touché.
Il regarde son plat.

— Écoute, je dois y aller. Ne m’attends pas pour te mettre


au lit. Je rentrerai tard.

Il se lève en manipulant son portable.

— Tu ne m’embrasses pas ? lui dis-je alors qu’il m'a


tourné le dos.

Il revient sur ses pas, pose un baiser sur mes lèvres et


repart en vissant son portable à son oreille. J’entends les
premiers mots en Arabe avant qu'il ne disparaisse hors de
la maison. Je dois savoir ce qui le tracasse au risque de
m’imaginer n’importe quoi.

J’ai prétexté une urgence à la boutique pour sortir tôt ce


matin. Il me faut parler à Alana avant que son frère ne se
réveille et ne l’appelle. Elle m'ouvre avec son pyjama sur
elle.

— Inayah ? Il est arrivé quelque chose ?


— Non. Il fallait que je te parle de toute urgence, lui dis-
je en rentrant sans attendre sa permission.
— Qu’il y a-t-il ? s’inquiète-t-elle en refermant la porte.
— C’est ton frère. Que lui arrive-t-il ? Il n’est pas lui-
même depuis notre retour. Nous avons fait deux semaines
de lune de miel au lieu d’un mois et depuis deux semaines
que nous sommes là, il est étrange. Ça a un rapport avec
la League de l’ombre ?
— Donne-moi un instant.

Elle disparaît dans un couloir et revient quelques instants


plus tard.

— Jeoffrey est endormi dans la chambre. Baisse donc la


voix.
— J’ai besoin de réponse. Je t’en prie.
— Pourquoi tu ne lui demandes pas ?
— Il ne me dira jamais rien.
— Et moi il me tuera si je t’en dis trop.
— Dis-moi donc le peu que je dois savoir.

Elle soupire. Je l’imite quand elle s'assoit.


— Sa place à la tête de la League est menacée.
— Parce qu’il m’a épousée ?
— Parce qu’il est fou amoureux et qu’il a déjà fait des
folies pour toi qu’il n’aurait pas dû faire car ça prouve
que tu es une faiblesse pour lui, hors… le Roi ne doit
avoir aucune faiblesse en dehors de son héritier. C’est lui
et uniquement lui qui doit compter. Dans la League, les
épouses ne comptent pas assez. Les épouses des chefs
surtout.
— Il va perdre sa place ?
— S’il prouve qu’il reste le même dangereux et
indétrônable homme que tout le monde craint, il se
maintiendra même s’il est clair que certains tenteront de
le faire dégager par tous les moyens. Et parmi eux on peut
compter Shana.
— Shana ?
— Oui. Aux dernières nouvelles elle est la fille de
Romario.
— Celui qui a tué les parents de Chris ? demandé-je toute
surprise.
— Oui. Et ils veulent tous les deux la place de Chris. Ils
ont réussi à mettre de leur côté plusieurs membres de la
League russe. Chris est certes le chef, mais si tous lui
tournent le dos, il est dans la merde. Alors, soit il les
liquide tous et recrute de nouveaux membres, ce qui va
prendre beaucoup de temps et d’énergie, surtout pour
placer les bases de la confiance. Soit il les rassure par des
actes qu’il reste toujours leur chef qui saura toujours
protéger leurs vies et leurs affaires. Ce doit être pour ça
qu'il est distant. Pour mieux se concentrer.

Je me passe les mains sur le visage. Je suis déçue que


Chris ne se confie pas à moi.

— C’est pour te protéger qu’il ne te dit rien, me rassure


Alana comme si elle avait lu sans mes pensées.
— Je vais y aller. J’ai du boulot qui m’attend. Merci de
m’avoir éclairée.

Je prends congé un peu plus déçue qu’à mon arrivée.


Chris ne me fait-il pas assez confiance pour se confier à
moi ? Je sais qu’il m’a toujours tenue loin de la mafia en
dehors des soirées. J’espère cependant que maintenant en
tant que sa femme il m’y impliquerait un peu plus. Je
veux tout savoir de lui. Je veux qu’il n’y ait aucun secret
entre nous. Je suis assez formée pour amorcer sa vie de
l’ombre. Je voudrais jouer entièrement mon rôle
d’épouse en le soutenant dans toutes ses luttes.
Je suis tout à coup prise de froid. Je vais tout de même à
la boutique. J’ai plusieurs commandes à faire livrer. Je
fais le vide dans mon esprit et entame ma journée
positivement. Je la passe entre les toilettes et mon bureau.
Je ne fais qu’uriner alors que je n’ai bu qu’une seule
bouteille d’eau depuis mon réveil. Je me commande à
manger mais une fois la bouffe devant moi, je n'en ai plus
envie. Je me commande autre chose, pareil. Finalement
je bois un jus de fruit. Je confie les colis à mes employés
et m’étends dans mon sofa.

Je me réveille trois heures plus tard, la bouche sans goût,


la fatigue dans le corps et la fièvre plus élevée que ce
matin. J’ai l’impression que j’ai fini par chopper le palu
à force de réfléchir. Je demande à Gab de me reconduire
à la maison. Je me mets tout de suite au lit pour un autre
moment de sommeil.

Je me réveille de nouveau avec une faim de loup mais


sans aucune envie. Je relève la tête et je tombe sur deux
iris bleus qui me regardent. Je regarde l'heure. J’ai
beaucoup dormi dis donc.

— Tu es rentré un peu tôt, fais-je remarquer à Chris en


restant couchée.
— Gab m'a informé que tu n'étais pas très en forme.
Comment te sens-tu ?
— Lourde. J’ai l’impression d'avoir reçu un camion sur
le corps.
— J'appelle le médecin ?
— Non, pas la peine. C’est juste de la fatigue. Je prendrai
des remontants.
— J’ai demandé à ton amie de venir rester ici avec toi le
temps que je réponde à un rendez-vous important. Je
l’aurai bien annulé mais le client est venu d’Espagne rien
que pour ça.
— Je te comprends. Je meurs de faim. Je vais nous faire
à manger, dis-je en voulant me lever.
— Reste allongée. Ton amie t’apportera un dîner.
— Et toi ? Tu iras sans manger ?
— Le rendez-vous se tiendra dans un restaurant.
— Je vois.

Il pose la main sur mon front.

— Tu as encore de la fièvre. Tu ne veux vraiment pas que


j’appelle le docteur ?
— Ça va. Je te le promets. Ce que je veux plutôt, c’est
toi, dis-je en glissant ma main sur son torse.
Très vite nous nous retrouvons nus et essoufflés à faire
l’amour comme deux affamés. C’est un véritable régal de
faire l’amour avec cet homme. Chaque moment dans ses
bras est magique. Ben derrière la porte nous informe de
l’arrivée de Shelby. Je vais la première prendre une
douche rapide et je la retrouve dans le salon principal. Il
y a plusieurs paquets posés sur la table.

— Coucou baby ! je la salue en lui ouvrant mes bras.

Elle se lève et m’enlace.

— Salut toi ! Comment te sens-tu ? demande-t-elle en


me touchant le front. Tu es un peu brûlante. Tu as pris
quelque chose ?
— Oui. Je vais mieux que ce matin, je réponds pendant
que nous nous asseyons. Là maintenant, je crève la dalle.
— Je t’ai apporté tout ce que tu aimes. Mais aussi des
tests.
— Quels tests ?
— De grossesse

Je suspens ma main qui fouillait déjà dans les paquets.


— Tu n’es pas sérieuse ? Je ne peux pas être enceinte
maintenant. Ça fait un mois que je suis avec Chris.
— Et un seul jour suffit pour procréer.
— Non je ne suis pas enceinte. Je le saurais sinon, la
contredis-je en sortant la nourriture.
— Et comment tu le saurais ?
— Par des vomissements voyons.
— Toutes les grossesses ne s’annoncent pas ainsi.
— Shelby tu fatigues. Ne me donne pas de faux espoirs.
Tu sais pertinemment que ce sujet m’est très sensible.
— Comme tu veux. Mais garde quand même les tests,
recommande-t-elle en me tendant le paquet.

Chris apparait à ce moment-là. Je cache rapidement les


tests.

— Bonsoir Shelby. Merci d’être venue. Je rentrerai très


vite.
— Pas de quoi.
— J’y vais, me dit-il à moi cette fois.
— Sois prudent.
Un signe de la tête et il part.

— Pourquoi avoir caché les tests ? Il ne veut pas


d’enfant ?
— Plus par devoir que par envie.
— C’est-à-dire ?
— Tu ne comprendras pas. Laisse tomber.

Elle n’insiste pas. Je pars nous chercher des plats dans


lesquels je renverse la nourriture. Rien que l’odeur
m’enlève tout appétit. Mais je commence à me sentir
faible alors je fais l’effort d’avaler quelques bouchées. Je
finis par m’assoupir sur les jambes de Shelby malgré ma
bonne volonté à rester éveillée pour papoter avec elle.

Je me réveille dans mon lit. C’est sans doute Chris qui


m’a fait monter. Il m’a avoué lors de notre lune de miel
que c’était lui qui me faisait monter dans ma chambre
quand je m’endormais dans le salon. Bref, je dois
certainement avoir un problème pour pouvoir me
réveiller à 10h du matin alors que je dois faire le
petit-déjeuner et aller bosser. Je vais rapidement prendre
une douche pour faire passer mon étourdissement. Je
finis de me faire belle et pendant que je tire les rideaux,
je remarque plusieurs hommes assis autour d’une table
sur l’une des terrasses de la maison. Chris en fait partie.
Les autres hommes parlent et lui il écoute. A voir leurs
airs dangereux, j’ai la nette impression qu’il s’agit des
membres de la League. Ils sont pour la plupart plus âgés
que Chris. Je descends rapidement et je me fais discrète
jusque-là où ils sont. J’écoute en douce leur conversation.

— As-tu oublié ce que nous avons subi après l’assassinat


de ton père ? dit tout énervé l’un des leurs dans un fort
accent russe. Romario ne nous a pas fait de cadeau à nous
les russes. Il a éliminé certains d’entre nous et fait tomber
les affaires de ceux qui étaient en cavale à l’eau. Nous en
avons bavé jusqu’à ce que tu reviennes récupérer le trône.
Et aujourd’hui tu veux faire les mêmes erreurs que ton
père ?
— Pouvez-vous me dire en quoi ai-je fauté dans mon rôle
depuis que je suis marié ? leur demande Chris.
— Personnellement nous n’avons rien constaté. Mais il
nous est revenu des témoignages d’autres gens qui te
fréquentent.
— Vous croyez aux rumeurs maintenant ?
— Justement non. Raison pour laquelle nous tenons cette
réunion afin que toi tu nous rassures.
— Ma femme ne représentera jamais un point de chute.
Et si vous voulez tout savoir, elle est tout le contraire de
ma mère. Elle a plus d’une fois côtoyé notre monde sans
en être effrayée. Elle s’est montrée à la hauteur. Cette
femme ne craint rien ni personne.
— Va falloir nous le prouver.
— Vous en aurez l’occasion.

Poussée par je ne sais quel esprit, je me montre.

— Je peux faire mes preuves maintenant si vous le


voulez.

Ils tournent tous la tête dans ma direction. Chris est le


premier surpris.

— Inayah, que fais-tu ?


— Ce que je dois faire. Leur prouver que je peux assurer
tes arrières et même te représenter par moment. Leur
montrer que je ne suis pas une femme faible comme leurs
différentes épouses.

Je vois le soulagement sur le visage de certains tandis que


d’autres ont la mine toujours fermée.

— Ça ne me dérange pas de t’envoyer sur le terrain.


— Vous êtes ?
— Sergueï PETROV.
— Pour commencer, vous me vouvoyer.

Il a un tic.

— Je suis la femme de votre chef et en tant que telle je


mérite un minimum de respect.

Il ricane.

— Mon respect, tu l’auras quand tu m’auras prouvé que


tu mérites ta place dans ce monde. Si tu n’avais été
qu’une simple femme choisie par lui pour lui donner un
héritier et orner son bras lors de nos soirées mondaines,
nous ne nous serions pas attardés sur ton cas. Mais les
nouvelles qui nous sont parvenues nous poussent à
refuser soit ta présence dans la vie de notre chef, soit qu’il
continue de nous diriger.

Un autre se racle la gorge pour interrompre celui qui avait


la parole. Il se repositionne dans son siège et prend la
parole.
— Voyez-vous, Madame, Dark, le père, a fait la même
erreur que votre époux aujourd’hui et nous les russes en
avons payé de nos vies et celle de nos familles. Ma
femme et ma sœur ont été éventrées sous mes yeux tout
simplement parce que j’avais refusé de trahir mon chef
Andreï IVANOV. Comprenez que nous craignons pour
notre avenir.
— Alors j’ai tous les droits de te manquer de respect
quand je sais que tu représentes un danger pour mon
avenir, reprend avec virulence Sergueï. Voici donc ce que
nous allons faire. Ce soir il est prévu un rendez-vous avec
Dylan FOXX, un chef de cartel redoutable. Il s’est
emparé du butin et de la marchandise de l’un d’entre nous
à cause d’un fâcheux malentendu. Il exige de s’entretenir
avec notre chef pour un échange qui peut très bien finir
ou très mal, si tu vois de quoi je veux parler. Puisque tu
veux faire tes preuves, tu iras donc représenter Dark.

Chris relève subitement la tête.

— Quoi ? Non mais tu as perdu la tête ? Tu veux envoyer


ma femme sur un terrain que tu as toi-même fuit comme
une couille molle ? Il n’est pas…
— Ok. Je vais y aller.
— Pardon ? fait de nouveau Chris en tournant la tête cette
fois vers moi. Tu n’iras nulle part.
— Chris, je vais y aller. Si ça peut fermer le clapet de
certains, dis-je en lorgnant Sergueï.

Chris s’excuse auprès de ses amis, me prend par le bras


et me ramène dans notre chambre.

— As-tu perdu la tête, Inayah ?


— Je veux juste t’aider.
— Je ne t’ai rien demandé. Je gère ces gens depuis mes
18 ans et je sais comment les gérer.
— Alana m’a tout expliqué. Je refuse d’être une source
de problème pour toi. Cette League c’est toute ta vie. Par
ma faute, certains sont près à te tourner le dos et à donner
ton trône à une garce comme Shana et son père qui est
l’assassin de tes parents. Ça sera une véritable
humiliation pour toi et toute la lignée IVANOV. Alors si
je dois prendre ce risque, je le ferai sans hésiter.
— Un, tu n’iras nulle part et deux, c’est la dernière fois
que tu t’invites dans une de mes réunions. Tu risques de
ne plus m’aimer la prochaine fois que tu le feras.

Il sort et claque la porte derrière lui. S’il pense qu’il va


m’intimider avec ses menaces, il se fourvoie. Je compte
aller au bout de mon idée. J’appelle Alana. Elle n’est pas
présente car elle a dû effectuer un voyage aller-retour
dans une autre ville pour le compte de son frère.

« — Salut Inayah ! »
— Coucou ma belle. Euh, s’il te plaît, pourrais-tu me
parler d’un certain Dylan FOXX ?
« — Où as-tu entendu ce nom ? »
— Euh, j’ai entendu ton frère parler d’un rendez-vous
avec lui. Je voudrais me rassurer qu’il ne court aucun
danger en allant le rencontrer. Est-il dangereux ?
« — Il l’est. Mais tu n’as rien à craindre car Chris sait
s’occuper de ce genre de mec. Cet homme consomme de
la drogue autant qu’il en vend et il a toujours voulu
régner sur certains territoires gérés par un membre de la
League. »
— Qui ?
« — Sergueï PETROV. Mais Chris l’a menacé de le tuer
s’il s’en prenait à son élément. Perso, je n’aime pas la
tête de ce Sergueï mais bon ce n’est pas moi le Roi. Bref,
tu peux rester tranquille. Chris ne craint rien surtout
qu’il sera bien gardé. »
— C’est compris. Merci !

Il me faut trouver toutes les autres informations pour me


rendre sur le lieu de rendez-vous et pour cela je sais qui
contacter. Je récupèrerai le numéro de ce Sergueï dans le
portable de Chris. Son désir de me voir me jeter dans la
gueule du loup l’emmènera sans doute à me procurer plus
d’informations. En attendant le retour de Chris, je vais
me prendre un petit-déjeuner. Chris monte dans la
chambre quelques minutes plus tard. Je l’y rejoins quand
je finis. Il est occupé à se changer dans son dressing. J’en
profite pour chiper le numéro de Sergueï. A peine je
repose le portable que Chris sort. Il reste debout devant
moi à me détailler.

— Tu te portes mieux ? me demande-t-il avec plus de


douceur qu’il y a quelques heures.
— Oui. Je vais faire un tour à la boutique et rentrer me
reposer.
— Ok. A ce soir.
— A ce soir.

Il m’embrasse, récupère ses effets et s’en va. Je me


prépare à mon tour et pars au boulot.

Nous sommes l’après-midi quand je rentre à la maison.


Je n’ai fait que vomir tout ce que j’avalais au bureau. Il
m’a fallu me mettre du chewing-gum dans la bouche pour
faire passer la nausée et l’envie de cracher. Je dois être en
forme pour ce soir. J’ai contacté l’autre imbécile qui m’a
donné avec joie les informations sur la rencontre de ce
soir. Il est allé jusqu’à appeler le Dylan en question pour
avancer l’heure d’une heure afin que je puisse y être
avant Chris. Maintenant que tout est calé, je suis remplie
d’anxiété. Je sens que je suis en train de faire une grosse
bêtise. Je cours dans les toilettes me vider les boyaux.
Merde mais qu’est-ce qui m’arrive ? Et si… Je me mets
à faire des calculs mentaux. Je me rends compte n’avoir
pas eu mes règles ce mois-ci.

— Merde ! dis-je doucement.

Je sors les tests de grossesse et les utilise tous. Je me tords


les doigts en attendant les résultats. Qu’est-ce que je fais
si je suis enceinte ? Je ne sais même pas si je dois me
réjouir ou pas. Je jette un coup d’œil sur le premier test.
Positif. Merde ! Le second, pareil. Tous les quatre tests
affichent le même résultat. Je suis bel et bien enceinte. Je
m’assieds sur la lunette des toilettes. Et dire que j’ai fixé
un rendez-vous avec homme dangereux qui pourrait me
buter à la seconde. Je veux tout arrêter mais si je le fais
ça risque de porter plus préjudice à Chris.

— Merde, merde, merde !


Mais qu’est-ce qui m’est passé par la tête pour accepter
un tel défi ? Est-ce que je le dis à Chris ? Non. Pas
maintenant. J’irai à la rencontre, je la mènerai à bien et je
reviendrai parler à Chris de la grossesse. Ça pourra peut-
être le dissuader de me tuer.

*Mona
*LYS

— Madame, je risque d’avoir des problèmes avec le Boss


s’il apprenait que je vous ai conduite ici sans l’en
informer.
— Je lui dirai tout de retour. Toi et les autres contentez-
vous d’assurer ma sécurité.

Gab descend et vient m’ouvrir la portière. Trois voitures


sont garées face aux nôtres. Je suis venue avec quatre
gardes pour ne pas attirer l’attention de Chris. La chance
pour moi il n’était pas encore rentré quand je me mettais
en route. Un homme sort de l’une des voitures et est suivi
de ses gardes. Il a envoyé toute une armée. Cet homme a
une allure qui fait peur. Une grosse barbe lui mange le
visage. Son ventre pendouille comme une femme à
terme. Malgré sa petite taille, il ne passe pas inaperçu. Il
tire une bouffée de son cigare et jette la fumée dans ma
direction.

— J’avais rendez-vous avec Dark. Qui êtes-vous ?

Sa voix rocailleuse me donne des frissons. Je plaque


malgré tout une assurance sur mon visage.

— Je suis sa femme et j’ai tenu à vous rencontrer.


— Soit Dark a perdu la tête soit il n’avait pas envie de se
salir les mains en vous tuant lui-même.
— Vous détenez des biens appartenant à Vladimir
ASSIMOV. Je suis là pour les récupérer.

Il a un petit rire moqueur.

— Il est clair que Dark vous a livrée en pâture parce que


vous faîtes n’importe quoi. Il sait que je déteste qu’on me
fasse perdre mon temps.

Il rejette encore de la fumée dans l’air. Il fait un léger


signe de tête qui passe presque inaperçu. Ses hommes
maîtrisent aussitôt les miens avec leurs armes et l’un de
ses hommes me saisit par le cou. Il place son arme sur ma
tempe. Je ferme les yeux et avale une grosse rasade de
salive. Putain je suis fichue. Il se rapproche de moi.

— Je devrais sans doute te décapiter et envoyer ta tête à


ton cher époux pour lui faire comprendre qu’il m’a
sérieusement mis en colère en envoyant une parvenue me
rencontrer à sa place. C’est le summum de la foutaise et
ça je ne peux l’accepter.
— Je porte l’héritier de Dark. Vous croyez sincèrement
qu’il serait aussi fou pour me livrer à vous avec son
enfant dans mon ventre ? Si jamais il m’arrivait quelque
chose, vous recevrez également chaque partie du corps
de votre mère demain à la première heure.

Il reste stoïque mais je sais que j’ai touché un point faible.


Sa mère. Si j’ai compris une chose dans ce milieu, c’est
que, bien qu’ils veuillent se jouer les indifférents, ils ont
tous un point faible. Ça peut être leur femme, leurs
enfants, leur maman, leur père, leur sœur… bref, il y a
forcément quelqu’un à qui ils tiennent plus que tout. Mais
pour la majorité, c’est plus un membre de leur famille de
sang qu’une épouse.

— N’est-ce pas qu’elle représente tout pour vous ? J’ai


pu rentrer en contact avec elle. Elle est une femme
charmante. J’ai adoré discuter avec elle.
Je bluffe.

— Vous n’allez pas m’avoir.


— Vous pouvez l'appeler. Mais ça risque de nous perdre
du temps car j’ai une proposition alléchante à vous faire.
J’ai cru comprendre que vous convoitez depuis plusieurs
années les territoires de Sergueï PETROV… Bon, on en
reparlera après votre coup de fil à votre mère. Ce sera
sans doute la dernière fois que vous entendrez sa voix
parce que, si je ne suis pas de retour dans les trente
minutes suivantes, elle recevra une visite et vous un colis.

Je n'en reviens pas moi-même de parler avec autant


d’audace. Je joue ma vie et celle de mon enfant. Je suis
consciente que si je meurs, j’aurais perdu car Chris
continuera sa vie. Après tout, ce n’est pas lui qui m’a
envoyée. Dylan FOXX fait signe à son homme de main
qui me tient. Je suis libérée de sa prise.

— Je t’écoute, me dit-il. Si ta proposition n’est pas


alléchante, je te tuerai et j’attendrai la réplique de Dark.

Je mets de l’ordre dans ma tenue.


— Vous redonner tout ce que vous avez pris à Vladimir
et en échange vous aurez deux des six territoires de
Sergueï.
— Quel pouvoir as-tu pour me faire une telle
proposition ?
— Je suis la femme de Dark et il m’a donné du pouvoir.
Juste un mot et c’est fait.
— Dans ce cas je veux cinq des six territoires.
— Ne soyez pas si gourmand.
— J’en veux cinq.
— Deux.
— Quatre.
— Trois. C’est mon dernier mot. C’est soit ça, soit vous
n’aurez rien et vous passerez votre vie à faire la guerre
contre Dark et toute sa clique.

Son regard se fait tellement profond que j’ai l’impression


qu’il veut voir mon âme. Une voiture fonce tout à coup
sur nous et gare juste à côté. D’autres voitures la suivent.
Tous les hommes de Dylan sont aux aguets. Je ne sais si
je dois être soulagée ou craindre en reconnaissant la
voiture de mon mari. Il sort avec toute la prestance qui le
caractérise. Le vent fait valser son manteau noir. Le faible
éclat de la lune fait briller ses mocassins noirs. Ses mains
sont protégées par ses gants en cuir noir. Ses hommes à
lui se placent un peu partout en position de guerre. J’ai le
cœur qui bat à tout rompre. Il est sur le point de
s’échapper de ma poitrine. A chaque pas de Chris, un
vent glacial souffle. J’ai l’impression de ne pas connaître
l’homme que j’ai épousé. Ça me rappelle notre rencontre.
Je ressens la même crainte. Il garde son regard sur Dylan.

— Et voilà Dark qui vient à la rescousse de sa femme.


— Je ne suis pas ici pour elle. Elle est assez forte pour se
défendre. Tu devrais savoir que je n’aurais pas épousé
n’importe qui.

Dylan FOXX sourit.

— Tu lui as transmis ta grande gueule tu sais, reconnaît-


il.
— Je vais prendre la relève et crois-moi je n’ai pas de
temps à perdre avec des négociations.
— Justement, ta femme et moi concluons notre affaire.
Elle m’a proposé trois des territoires de Sergueï en
échange de tout ce que je détiens de Dimitri. Je vais aussi
ajouter une collaboration entre tous les deux. Tu assures
mes arrières, j’assure les tiens. Je crois que tu as bien fait
de la faire venir. Elle vient de réaliser un rêve.
Je suis soulagé. Chris reste toujours sérieux.

— Quand pourrais-je entrer en possession de mes


territoires ?
— Dès demain, répond Chris. Mais tu devras avant tout
restituer tout ce que tu as pris.
— Je le ferai ce soir même. Mais si tu me joues un sale
tour, ton héritier ne verra pas le jour.

Chris glisse un regard négligé dans ma direction et


revient à Dylan.

— Je suis un homme de parole.


— Je le sais.

Dylan me regarde.

— Pour ma mère…
— Je bluffais.

Il sourit.
— Je l’aime bien ta femme. Elle sait y faire. On se dit à
demain.

Il fait signe à ses hommes qui regagnent tous leurs


véhicules. Nous les regardons s’en aller. Chris manque
de m’arracher le bras en me conduisant avec hargne à sa
voiture. Bon, je vais subir la fureur du Dark. Il ne parle
pas durant tout le trajet. Il passe un coup de fil, raccroche
et demeure silencieux jusqu’à ce que nous arrivions à la
maison. Il me jette dans le canapé.

— Chris !

Il cogne dans le mur.

— J’ai horreur, Inayah. J’ai horreur qu’on me désobéisse.


— Je suis désolée. Il fallait que je le fasse.
— Et qu’as-tu gagné si ce n’est te faire remarquer par
l’un des plus grands dealers de ce pays ?
— Mais j’ai réussi. Tu devrais en être fier.
— Tu ne connais pas ce monde. Tu n’y connais
absolument rien. Peux-tu rester insensible devant une
décapitation ? Peux-tu supporter de voir une femme se
faire éventrer ?
Je ferme les yeux.

— Regarde-moi ! m’ordonne-t-il sur un ton mordant.

J’ouvre les yeux malgré moi. Il se baisse à mon niveau et


plonge ses yeux bleus dans les miens.

— Pourrais-tu laisser Shelby se faire flinguer pour te


sauver la peau ? Tu es forte, mais beaucoup trop fragile
pour ce monde. Alors c’est la dernière fois que je te le
répéterai. Tu en restes loin sinon je te le ferai regretter.
Est-ce que cette fois je me suis fait bien comprendre ?
— Oui ! dis-je d’une toute petite voix.

Il se redresse et monte les marches. Je suis incapable de


me lever tellement terrorisée par les propos de Chris. Je
caresse mon ventre, me rendant compte du gros risque
que j’ai pris.

***CHRIS

Je reste assis dans ma voiture histoire de faire passer ma


colère. J’ai été à deux doigts de perdre la tête lorsque Gab
m'a informé par le biais de Ben de ce qui se tramait dans
mon dos. Cette femme est une véritable tête de mule. Elle
n’a pas idée du grand danger auquel elle s’est exposée.
Dylan FOXX n’est pas un homme stable. Il aurait pu la
tuer à la seconde même où il l’a vue. Il est reconnu pour
sa barbarie et sa dépendance à la drogue. Il est
imprévisible alors avec lui il faut être tout le temps sur
ses gardes.

Je rejoins tous les autres à la réunion que j’ai convoquée.


Les russes sont encore présents alors je ferai d’une pierre
deux coups.

— Pour commencer, ma femme a rencontré ce soir,


Dylan FOXX et il a accepté de tout rendre à Vladimir.
Alors maintenant qu’elle a relevé votre stupide défi, et ce
contre mon gré, vous allez lui foutre la paix et arrêter de
me faire chier avec cette histoire de mariage. Je me marie
à qui je veux et j’en tombe amoureux si bon me semble.
Si ça ne vous convient pas, vous pouvez toujours changer
de clan ou aller vous faire voir ailleurs. Je n’ai plus le
temps pour ce genre de bêtise.
— Tu vas nous faire croire que cette femme a réussi là où
nous tous avons échoué ? demande Sergueï avec orgueil.
La bonne blague.
— Que cela te plaise ou non, elle y est arrivée. Et au
passage, elle a vendu la moitié de tes territoires en
échange des biens de Vladimir.
— QUOI ??? I vy opravdyvayete eto ? (Et tu cautionnes
cela ?)
— Oui. Tu lui as manqué de respect. C’était sa réponse.
— Tu vas laisser cette garce…

Je lui explose la cervelle.

— Quelqu’un d’autre a quelque chose à reprocher à ma


femme ? je leur demande en gardant mon arme à la main.

Ils baissent tous la tête.

— Inayah est mon épouse. Vous n’êtes pas contraint de


l’aimer. Mais vous avez obligation de la respecter. Tant
que j’en aurai la capacité, je mènerai à bon escient cette
League. Lorsque que je me sentirai fatigué, je passerai le
flambeau. Mais pour l’heure, vous me devez soumission
et fidélité. Celui qui veut tourner sa veste en est libre.
Seulement, qu’il soit prêt à m’affronter car je ne fais
jamais grâce aux traîtres. Des questions ?
Silence de cimetière. Je range mon arme.

— Ya zadolbalsya (J’en ai terminé), dis-je en m’en allant.

Je regarde depuis un moment Inayah débout en peignoir


près du balcon de la terrasse de notre chambre.
Maintenant que je suis plus calme, je m’en veux de lui
avoir gueulé dessus comme je l’ai fait. J’aurais pu lui
expliquer les choses autrement. Elle voulait simplement
m’aider à garder ma place. J’aurais sans doute réagi
pareillement à sa place. Un couple n’est-il pas censé se
protéger ? Je retire ma veste que je laisse sur le lit.
J’ouvre les premiers boutons de ma chemise pendant que
j’avance derrière elle. Elle ne m’entend pas arriver. Ou
peut-être que si. Elle garde cependant sa position. Je
passe mes bras autour d’elle et la ramène contre mon
buste. Je hume le doux parfum de ses cheveux en
l’enserrant contre moi. Elle soupire d’aise et se cale
confortablement dans mes bras. Nous contemplons les
lumières qui illuminent le jardin. L’arrosage automatique
se met en action.

— Je n’aurais pas dû y aller aussi fort, lui dis-je en


espérant qu’elle comprenne les excuses qui y sont
dissimulées.
— C’est moi qui n’aurais pas dû te désobéir en prenant
autant de risque. Surtout en ayant connaissance de… Je
suis désolée.
— Es-tu enceinte ? J’ai vu les tests dans la salle de bains.

Un ange passe et repasse.

— Oui.
— Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
— Je ne sais pas. J’ai flippé. Tu ne m’as jamais dit
vouloir un enfant avec moi.
— Je te l’ai dit à Paris.
— Non tu m’as dit que c’était un devoir que tu aies un
héritier qui te succédera à la tête de la League. C’est
différent.

La note de déception n’est pas passée inaperçue. Je la


retourne et lui relève la tête du bout de l’index.

— Je veux tout avec toi. Tout ce qui te rendra heureuse.


Combien de bébé veux-tu ?
— Cinq ? dit-elle d’une petite voix de bébé.
— Nous les aurons et je les aimerais tous autant que toi.
Là je ne te parle pas de devoir.

Elle sourit sous ses larmes. Je les nettoie.

— Promets-moi de ne plus jamais prendre autant de


risque. Si j’ai besoin de ton intervention, je te le
demanderai. Je ne veux en aucun cas que tu t’entaches les
mains de sang. Tuer, ça détruit l’âme et on finit par se
retrouver insensible à tout.

Je la prends dans mes bras.

— La tienne est pure, Meleğim. Il serait dommage de la


détruire.

Je pose un baiser sur sa tempe. Ça fait un bien fou de se


retrouver dans ses bras après une folle journée.

— Dis, que signifie Meleğim ? me demande-t-elle


subitement. C’est en quelle langue déjà ? Parce que je
n’ai rien trouvé en russe.

Je souris.
— C’est en turc.

Elle sort rapidement son portable de la poche de son


peignoir. Je la regarde le manipuler. Son sourire
s’agrandit. Elle me regarde et sourit de plus belle. Elle se
blottit de nouveau dans mes bras.

Mon ange. Voici comment je la vois quand je pose mes


yeux sur elle. Car tel un ange elle est entrée dans ma vie
et a apporté de la lumière dans mon monde ténébreux.
20

QUATRE MOIS PLUS TARD

***JEOFFREY

Ce matin je me rends à la prison où se trouve incarcéré


Marc. Après plusieurs mois d’insistance, j’ai enfin
accepté de venir le voir. Qu'il me dise ce qu'il a à me dire
pour enfin me foutre la paix.

Je patiente dans la salle des visites. Certaines sont pleines


en émotion avec des épouses ou des mères chagrinées.
D'autres encore sont des enfants en pleurs devant leur
parent qui se retrouve enfermé. C’est horrible de vivre
séparé de la personne qu'on aime. Je me détourne des
scènes autour de moi à l'arrivée de Marc. Deux choses me
frappent en premier. Son amaigrissement et son œil au
beurre noir. Je ne ressens aucune pitié. Juste du dégoût.
Si l’occasion m’était donnée de le buter, je le ferai sans
hésiter.
— Je suis content que tu sois là, me dit-il une fois assis
en face de moi.
— Tu n'as que cinq minutes de mon temps, je lui réponds
sèchement.

Il baisse la tête quelques secondes et la relève.

— Tout d’abord, je tenais à te demander pardon, du plus


profond de mon cœur. Ce n’était pas prévu que tu te
fasses tirer dessus. Les choses ont dérapé.
— C’est censé me rassurer ? Ou me pousser à te
pardonner ?
— Non. Mais j’espère que ça t’apaisera un tant soit peu.
— Ça y est ? C’est tout ?
— Non. J’ai eu vent de ton prochain mariage avec la sœur
IVANOV.
— Tu veux officier la cérémonie ?
— Je sais que je suis en mauvaise posture mais je tenais
à te prévenir du danger que toi et la famille encourez. Ils
sont depuis quelques mois dans une guerre de succession
avec d’autres mafieux et ces gens sont prêts à tout pour
parvenir à leur fin. Quitte à éliminer toutes les personnes
que les IVANOV fréquentent. La famille et toi êtes donc
en danger. Tu dois t’éloigner d’elle au plus vite avant que
ces mafieux ne s’en prennent à vous.
— Même enfermé tu ne t’arrête pas. Tu es toujours autant
obsédé par cette famille. Je savais que je n’aurais jamais
dû venir, dis-je en me levant.
— Je veux te protéger.
— Je ne t’ai rien demandé. Alana aurait dû te tuer.

Je quitte les lieux en colère. Ce mec a besoin de voir un


psy. On ne peut pas être autant obsédé par une personne.
Ce n’est pas normal. Ça frise la folie.

Un message que je reçois change positivement mon


humeur.

« — On le fait ce week-end pour de bon cette fois. »

Je souris. Ah cette femme ! Je n’ai jamais connu de


femme ayant autant peur de se caser. Depuis quatre mois
qu’elle ne cesse d’annuler toutes les dates de notre
mariage que nous avons choisi. Elle se dit prête
aujourd’hui et à quelques jours elle désiste. J’ai subi ce
manège tous ces mois. Je la comprends en quelque sorte.
Tout ça c’est nouveau pour elle. L’amour, l’engagement,
le mariage. Je me suis promis être patient et c’est ce que
je fais. Je lance son numéro. Elle répond dès la première
sonnerie.
« — Tu n’étais pas obligée de m’appeler tu sais. »
— Je voulais te l’entendre dire.
« — Je dis qu’on se mariait ce week-end. »
— Sûr à 100% cette fois ?
« — A mille pour cent. ».
— Dans ce cas on le fait demain.
« — Quoi ? Pourquoi si vite ? »
— Si vite ? Bébé, ça fait quatre mois que tu repousses ce
mariage. Je veux être sûr que tu ne te défiles pas de
nouveau.
« — Mais je suis prête pour qu’on le fasse ce week-end. »
— Si tu es vraiment prête, autant le faire demain. Nos
deux tenues sont déjà prêtes et les alliances également. Il
ne manque plus rien. Allez, on le fait demain à quatre.
« — Je te déteste, Jeoffrey. » dit-elle doucement entre les
dents.
— Moi aussi. On se voit demain et cette fois tu n’y
échapperas pas.

Je raccroche avant qu’elle n’essaie de me convaincre. Je


ne fais que sourire tout le long du trajet. Je change
d’itinéraire. Je me rends chez ma mère plutôt que chez
moi. Je vais la prévenir. C’est sans surprise qu’elle m’a
dit ne pas être d’accord pour le mariage. Elle désire
ardemment que je m’éloigne de cette famille. J’aurais pu
le faire, si je n’étais pas autant amoureux d’Alana. Cette
femme m’a marabouté, c’est clair.

C’est Steven que je retrouve au salon en lieu et place de


ma mère.

— Salut toi ! Elle est où maman ? je lui demande en lui


tapant dans la main.
— Au téléphone. Alors quoi de neuf ?
— Finalement je me marie demain. Un mariage à quatre
et toi tu seras mon témoin.
— Mais c’est super génial. Par contre maman va te tuer.
— Je sais.
— Qui va tuer qui ? questionne une voix dans notre dos.

Je me lève pour embrasser ma mère. Steven en profite


pour disparaître.

— Alors ? revient-elle sur sa question pendant que nous


nous rasseyons.
— Finalement Alana et moi ferons un mariage à quatre.
Demain.
Elle bug.

— Tu es malade ? Ça ne te suffit pas de vouloir épouser


une fille que je ne veux pas, tu veux en plus le faire à
quatre ?
— Tu ne seras pas là de toute façon. Tu me l’as toi-même
dit.
— Tout enfant rêve d’avoir sa mère à ses côtés le jour le
plus important de sa vie.
— Je le désire. Mais tu déteste ma femme.
— Je ne la déteste pas. Ou du moins plus. Je lui suis
reconnaissante pour ce qu’elle a fait pour te rendre
justice. J’ai tout simplement peur. Malgré sa bonne foi,
rien ne me garantit que tu ne cours pas de danger en étant
avec elle. Le milieu qu’elle fréquente…
— Maman, ne revenons pas sur ce sujet. Je vais me
marier. Retiens que je ne t’en veux guère et que je
continue de t’aimer.

Elle secoue la tête. Elle ne comprendra jamais mon choix


et moi je ne saurai jamais réellement le lui expliquer.
Alana compte quitter le monde ténébreux de son frère.
Elle en a juste peur. Je compte l’y aider peu à peu. Cette
femme sera la meilleure qui ait pu exister.
Je passe le reste de la journée à tout organiser pour
demain. Kira me donne également un coup de main bien
qu’il n’y ait pas grande chose à faire. Je suis très
enthousiaste pour la journée de demain. Mon souhait est
qu’elle ne change pas de nouveau d’avis.

*Mona
*LYS

— Que fais-tu ?
« — Je me prépare. » répond Alana le rire dans la voix.
— Pour de vrai ?

Elle rigole.

« — Je suis avec Inayah. Tu veux l’entendre ? »


« — Je vais te l’emmener par la peau des fesses s’il le
faut mais elle sera ta femme aujourd’hui. N’aie crainte. »
me hurle Inayah.

Je me sens rassuré.
— C’est compris. On se dit donc à tout à l’heure.
« — A toute. »
— Hey !
« — Quoi ? »
— Je t’aime.

Je peux entendre son sourire.

« — Je t’aime. »

Je coupe en gardant mon sourire aux lèvres. Dans


quelques heures nous serons mariés. Elle sera
entièrement à moi. La première chose que je ferai c’est
de la mettre enceinte. Je veux des enfants avec elle. Des
petits bouts de nous.

Je lance de nouveau l’appel vers le numéro de Steven. Il


est 15h et il n’est toujours pas là. Il m’avait pourtant
assuré de sa présence depuis ce matin. Il m’avait laissé
un message ce matin m’expliquant qu’il avait une course
urgente à faire mais qu’il en avait pour une heure max.
Là ça fait 7h de temps et toujours pas de trace de lui. Son
portable qui sonnait depuis ce matin dans le vide est
maintenant hors service. Je continue de me préparer en
espérant le voir les minutes qui suivent. Je reçois un appel
de ma mère. Je n’y réponds pas au premier. Je ne veux
rien entendre de négatif à cet instant. Je dois rester focus
sur mon mariage. Elle ne lâche pas l’affaire. Elle
enchaîne les appels. Je décroche au quatrième appel.

— Maman…
« — Elle l’a tué. Elle a tué mon garçon. »

J’entends des pleurs derrière. Ma mère pleure également


mais est en même temps en colère. Je panique.

— Que se passe-t-il, maman ?


« — Il se passe que ta garce a tué ton frère. Steven s’est
fait assassiner, tu m’entends ? J’ai son corps sous mes
yeux devant la maison. »

Elle éclate en sanglots. Je sens mes jambes se dérober


sous moi. Elle raccroche. J’essaie de me convaincre que
c’est une tactique pour venir et m’empêcher de me rendre
à mon mariage. Mais là il s’agit de mon frère. Elle
n’oserait quand même pas aller si loin ? Il faut que j’en
ai la confirmation.
J’arrive comme une furie et gare. Je n’ai pas besoin de
descendre de ma voiture pour voir le corps sans vie de
mon petit frère. Je descends rapidement m’assurer qu’il
s’agisse d’un autre et non Steven. C’est bien mon frère
pourtant.

— Non pas toi. NON !!!

Ma mère et ma sœur sont effondrées. Inconsolables je


dirais. Je me rapproche en fixant la tête. Quand mes yeux
tombent sur son visage, je tombe sur mes genoux.

— Non pas mon frère. Pas toi Steven.

Je sens mon cœur partir en lambeau. Jamais je n’avais eu


autant mal depuis la mort de mon père. Je refuse de croire
que ce soit mon petit frère qui soit allongé là comme un
déchet. Il a dû sang partout comme s’il avait été
sauvagement tabassé. J’ai mal, très mal. Je viens de
perdre une partie de moi. Il était censé me conduire à mon
mariage, putain.

— Je t’avais dit de ne pas faire entrer cette femme dans


notre famille, reprend ma mère toute furieuse. Mais tu
n’en as fait qu’à ta tête. Maintenant elle a tué ton frère.
ES-TU SATISFAIT MAINTENANT ???
— Maman arrête avec ça, je t’en prie, je la supplie en
pleurant, toujours sur mes genoux.
— Voici le mot qu’il y avait sur le corps.

Elle place un bout de feuille sous mon nez. Je le prends


et ce que je lis fait bouillonner le sang.

« Dis à Alana IVANOV que son défi a été relevé. »

Non cette fois c’est de trop. Je peux bien accepter des


menaces et tentatives contre ma personne. Mais contre
ma famille, ça jamais. Rempli de rage, je remonte dans
ma voiture. Telle une furie, je manœuvre ma voiture et
dans un crissement de pneu je sors de la concession. Je
manque de rentrer dans une voiture de police qui y
entrait.

***ALANA

— Voilà, tu es fin prête, me dit Inayah après sa dernière


touche de maquillage.
Je me regarde dans la glace et c’est parfait. Un
maquillage léger, ma coupe de cheveux bien taillée et une
robe beige droite en satin, longue avec une fente qui
s’arrête sur mon genou et démembrée. Les robes
princesses c’est pas pour moi. De petites boucles en
diamant offertes par Jeoffrey.

— Bon ça suffit, cesse de t’admirer sinon nous serons en


retard, me presse Inayah.
— Laisse-moi prendre mon bouquet, je rigole en le
prenant sur le lit.

C’est juste un tout petit bouquet. Je n’en voulais pas car


ç’est trop gneugneu mais Inayah m’a convaincue. Un
grand bruit dehors nous fait subitement sursauter. Nous
échangeons un regard d’incompréhension.

— C’est peut-être ton frère. Je vais voir.

Inayah sort. Quelques secondes après je l’entends essayer


de retenir une personne devant la chambre. La porte
s’ouvre en fracas.

— Putain Jeoffrey, tu nous as fait peur. Que fais-tu là ?


Il est tout débraillé avec les yeux tout rouges et transpire
de grosses gouttes de sueur.

— Steven est mort.


— Quoi ? Comment ?
— Je suis justement venu pour que tu m’expliques le
comment, hurle-t-il.
— Quoi ?

Il me lance une feuille à la figure.

— Qu’à avoir ma famille dans ta double vie ?


m’interroge-t-il alors que je lis la note.
— Je… je ne comprends pas.
— TU AS PARIÉ SUR MA FAMILLE ???
— Joe ! (Je cherche mes mots) Je suis confuse. Je ne sais
pas… Je…
— Mon frère s’est fait tuer par ta faute. A qui as-tu lancé
ce défi ? Contre qui es-tu en guerre ? Dis-moi que j'aille
lui faire la peau.
Je suis tellement dévastée que je suis prise de vertige. Je
m’assois sur le lit. Je laisse mes larmes ruisseler sur mes
joues.

— J’étais prêt à tout supporter pour toi. Des menaces, des


harcèlements, des tentatives. TOUT. Tant que ça
n’impliquait pas ma famille. En quoi tes affaires louches
concernent mon frère ? En quoi sa mort t’aurait été
bénéfique ? RÉPONDS-MOI !!!
— Je ne comprends pas. Je n’ai lancé de défi à personne.
Mon frère non plus.

Il cogne dans le mur. Je sursaute.

— Je te le promets. Depuis l’annonce du mariage mon


frère m’a mise à l’écart de certaines choses. Je n’ai rien
fait. Crois-moi. Mais je te promets de retrouver le ou les
responsables et de rendre justice à ton frère. Laisse-moi
juste deux jours.
— Non. Tu en as trop fait. Tu sais quoi ?

Il se passe la main sur le visage.

— Le mariage est annulé.


J’ouvre la bouche sans qu’aucun mot ne puisse en sortir.
Reporté ou annulé ? Il sort et claque la porte près
d’Inayah qui est restée là depuis le début sans broncher.
Le bruit de la porte me ramène à la réalité et me fait
prendre conscience des paroles de Jeoffrey. Je me lève
d’un bond et lui cours après.

— Joe, attend ! Laisse-moi trouver une solution.

Il continue de marcher vers la sortie. Il garde ses poings


fermés.

— Joe !

Il ne s’arrête pas. Je le suis jusque dehors.

— Joe, viens qu’on en parle. Ne pars pas comme ça.

Il monte dans sa voiture. J’ouvre la portière mais il me la


tire des mains assez violemment. J’en suis estomaquée.
Il démarre et part en trombe. J’ai l’impression de vivre
un cauchemar. Je le regarde partir, impuissante. Steven
est mort. Joe a annulé le mariage. Ce qui est
compréhensible. Mais est-ce que cela signifie la fin de
notre relation ?

— Alana !!! Attention !!!

J’entends le cri lointain d’Inayah. Je ne comprends pas


pourquoi elle hurle autant. Je sens juste mon corps
s’allonger sur le carrelage de mon allée. Je ferme ensuite
les yeux.

Je me réveille dans mon lit. Inayah et Chris y sont


présents. Inayah touche son mari quand elle me voit
réveillé.

— Que s’est-il passé ? je demande en essayant de me


lever.
— Tu t’es évanouie, me répond Inayah en venant me
rejoindre sur le lit.
— Ce doit être le choc des derniers évènements. Je dois
élucider cette affaire pour arranger les choses avec
Jeoffrey.

J’essaie encore de me lever mais Inayah m’en empêche.


— Reste tranquille s’il te plaît. Le Docteur t’a conseillé
du repos.
— Je me reposerai plus tard. Chris, je dois contacter
Larry pour qu’il nous donne des infos sur les éléments
qu’a la police.
— Je m’en suis déjà chargé, me répond mon frère. Toi tu
te reposes. Je m’occupe de tout.
— Mais pourquoi me traitez-vous comme si j’étais une
femme faible qui a besoin d’être couvée ?

Inayah pose sa main sur la mienne.

— Le Docteur t’a fait une prise de sang pour des analyses


approfondies. Il vient d’appeler pour donner les résultats
à ton frère.
— Et ? Je suis malade ?
— Tu es enceinte.

C’est le coup de massue qui vient m’ôter toute force. Une


grossesse ? Maintenant ? Mauvais timing. Mais surtout,
qu’est-ce que je fais de cette grossesse ? Je ne suis pas
prête à être mère.

***SHANA
— Salut beau gosse.

Il m’ignore et vide un coup sec son verre.

— Je t’observe depuis un moment et j’ai remarqué que tu


n’étais pas dans ton assiette.

Il continue de m’ignorer. Je persiste.

— Tu n’es pas obligé de me parler. Je peux juste t’aider


à oublier ton chagrin.
— Je ne couche pas avec des putes.

S’il savait le nombre d’hommes qui m’ont sorti cette


phrase et qui ont fini par me coller aux fesses après juste
une nuit.

— Je ne parle pas de sexe forcément. On peut juste


discuter, dis-je en m’asseyant près de lui. Parler ça fait du
bien.
— Je veux juste oublier.
— On n’oublie jamais les mauvais souvenirs. On apprend
seulement à mieux vivre avec.
— Fhum !

Le serveur lui apporte un autre verre qu’il boit cul sec. Il


sort son porte-monnaie.

— Laissez, c’est la maison qui offre.


— Vous êtes ?
— La proprio.
— Ah !

Il range l’objet. Il se met sur ses pieds mais dandine


légèrement. Je l’attrape pour m’assurer qu’il ne tombe
pas.

— Vous êtes venu en voiture ?


— Oui.
— Dans ce cas laissez-moi vous conduire.
— Ça va. Je ne suis pas si saoul que ça.
— Je suis navrée mais je ne peux vous laisser conduire
dans cet état. Soit vous acceptez que je vous conduise,
soit vous prenez un taxi. Mais dans votre état, je crains
que vous ne soyez une victime de ces chauffeurs
cambrioleurs et assassins. Je vous dépose et je rentre.

Il ferme les yeux un long moment. Il les rouvre et me tend


sa clé de voiture. Je souris. Il me montre sa voiture. Une
magnifique caisse. Ce gars pète la tune. Durant le trajet il
reste les yeux fermés et la tête posée contre la vitre de sa
portière. Je suis le GPS jusqu’à destination. L’ascenseur
s’ouvre devant sa porte. En le tenant fermement, je l’aide
à accéder à son appartement haut standing. Je suis séduite
par la beauté des lieux. Pour un homme, il a vraiment mis
l’accent sur la déco.

— Mission accomplie, dis-je en le relâchant. Vous êtes


arrivé à bon port. Je retourne à ma boîte.

Je pose ses clés et lui tourne le dos. Il m’attrape le bras et


me ramène sur mes pas.

— Restez !

Je saisi cette ouverture pour lui rouler une pelle. Il a un


petit sursaut d’hésitation. Je mets la langue. Il finit par se
laisser aller. Je ne perds pas de temps pour éviter qu’il se
résigne. Je m’attaque à ses vêtements. Il en fait de même.
Pas le temps pour se rendre dans sa chambre. Je le pousse
dans le divan, m’empale sur lui et je le chevauche comme
je sais si bien le faire. Il est tendu, ne semble pas à l’aise.

— Détends-toi, bébé, je lui souffle en continuant à lui


faire l’amour. Je m’occupe de toi.

Il relâche ses épaules, ramène sa tête en arrive et ferme


les yeux. Le sexe, c’est mon domaine. Je sais m’y prendre
pour avoir n’importe quel homme.

Je le regarde endormi dans le divan. Sa chemise couvre


sa nudité. Les seins à l’air, je cherche sa cuisine et je m’y
rends mon portable à la main. Je lance un numéro. Ça met
du temps avant de décrocher.

« — Allô ! »
— Je suis chez ton cousin. Il est endormi. Tout épuisé
après une partie de sexe.
« — Je ne veux pas savoir ce que vous faîtes dans
l’intimité. Assure-toi qu’il ne se remette pas avec Alana
IVANOV. Cette femme doit sortir de ma famille pour de
bon. Si elle est déstabilisée, il y aura une grosse faille
dans la sécurité de Dark. On pourra l’atteindre sans trop
d’embûches. »
— A vos ordres, monsieur le Lieutenant, je plaisante en
tirant dans ma bouche un raisin.

Je raccroche. Les ennemis de mes ennemis sont mes


amis. Si le Lieutenant FLYNN peut m’aider à faire
tomber Chris, je suis partante. C’est une aubaine qu’il ne
sache pas qu’en réalité, c’est moi qui ai tué son petit frère
et jeté son corps dans une benne à ordure. Ça faisait partie
de mes tactiques de rapprochement vers Dark. Il devait
voir que j’étais disposée à travailler pour lui et avec lui.
Je m’occuperai de tuer ce flic une fois notre mission
accomplie. Faudrait pas qu’il essaye de m’entuber s’il
venait à découvrir la vérité sur le meurtre de son petit
frère. C’est lui qui m’a contactée en premier pour une
union de nos forces. Je lui ai expliqué que nous sommes
sans limites dans nos actes. Il n’a pas trouvé
d’inconvénient à ce que nous nous attaquions à sa
famille. Tant que ça le rapproche de sa victoire sur les
IVANOV. Son objectif, séparer son cousin d’Alana par
tous les moyens. Le mien, l’affaiblir et la tuer. Il nous a
donné les informations qu’il me fallait sur sa petite
famille. Si la mort de ce jeune ne suffit pas à séparer
Alana de son mec, la prochaine victime sera la mère. Ce
coup sonnera sans aucun doute le glas de leur relation.

Je retourne vers mon bel étalon toujours endormi.


Comme j’aimerais voir la tête de cette garce d’Alana.
Force est de reconnaître qu’elle a du goût. Ça ne serait
pas si mauvais de tenter le coup avec lui. Je vais le séduire
et faire de lui mon homme. Je suis dans ma contemplation
quand on sonne à la porte. Je vais dans un premier temps
vérifier l’identité du visiteur par le judas. Je souris
comme une maboule. Ma prière vient d’être exaucée.
J’ouvre la porte sans prendre le temps de me vêtir. Je la
vois défaillir devant moi.

— Que fous-tu ici ? m’agresse-t-elle.


— Salut toi ! Je passais du bon temps avec Jeoffrey.
Dommage que tu ne sois arrivée que maintenant. Une
partie à trois aurait été fantastique.

Elle bouillonne de rage. Et retour à l’envoyeur.

— Jeoffrey s’est endormi après le sexe. Tu voulais


quelque chose ?
— Tu as terminé ton travail de pétasse. Tu peux rentrer
chez toi.
— Pétasse ? Lol. On va donc dire qu’il a aimé le travail
de la pétasse parce qu’il a a-do-ré. Il m’a avoué que
jamais une femme ne lui avait donné autant de plaisir.

Oh, qu’elle se retient de me cogner ! Elle souffle.


— Je te laisse faire ce pour quoi il t’a payée. Mais ne t’y
habitue pas. Les putes, ce n’est pas son genre. Et si tu
tentes un truc contre lui, une balle peut vite s’échapper de
mon arme.

Elle tourne le dos. Je referme la porte. C’est plaisant de


la voir en rogne. Inayah n’a qu’à se préparer. Elle est la
prochaine sur la liste.
21

***JEOFFREY

J'écoute ma mère me sermonner depuis plus d'une heure


de temps sans pouvoir broncher. Elle m’accable de tout.
Me désigne comme responsable de la mort de Steven et
que puis-je dire ? N’a-t-elle pas raison ? Elle n’avait sans
cesse de me prévenir des répercussions qu’aurait la vie
d’Alana sur nous. Dire que je m'en veux est un
euphémisme. Qu’est-ce que je croyais ? Que la double
vie d'Alana ne me tomberait jamais dessus ? Je viens
d’avoir la preuve du contraire. Je ne veux plus y penser.
Tout ce que je veux, c’est faire le deuil de mon frère en
toute tranquillité. Les autopsies prendront fin aujourd’hui
et demain nous pourrons procéder à l’ensevelissement.
Nous ne voulons pas perdre de temps. Cette situation a
détruit ma famille, et je m’en voudrai toute ma vie.

— Maman, cesse de hurler, s’énerve Kira dont le visage


est mouillé de larmes. Ne vois-tu pas que Jeoffrey est déjà
par terre ? Il a autant mal que nous. Cesse de lui gueuler
dessus. Ça ne ramènera pas Steven.
— Mais s’il m’avait écouté, Steven serait encore parmi
nous.

Je ferme les yeux face au déchirement que cause cette


phrase à mon cœur.

— Cette Alana doit payer. Le meurtre de mon fils ne


restera pas impuni.

Je suis sauvé par le retentissent de la sonnette. La femme


de ménage part ouvrir la porte. Deux officiers de police
suivent ses pas. L’un est un ami de longue date.

— Bien le bonjour à vous, nous salue Boris, mon ami.


— Quoi de neuf ? demandé-je en glissant mes mains dans
mes poches.
— Nous avons les résultats de l’autopsie. Steven a été
tabassé avant de recevoir trois balles dans la poitrine.

Ma mère s’effondre dans le fauteuil. Kira la calme du


mieux qu’elle peut. Je ferme les poings depuis mes
poches.

— Je suis sincèrement navré.


— Merci ! dis-je doucement.
— J’aurai quelques questions pour vous. Hier aucun de
vous n’était en état de parler. J’espère que nous aurons
des réponses pour entamer les enquêtes.

Je fais oui de la tête.

— Steven avait-il des ennemis ? Fréquentait-il des gens


pas nets ?
— Il…
— La seule personne dans cette famille qui fréquente des
gens pas nets c’est Jeoffrey, intervient abruptement ma
mère en se relevant. Il est fiancé à une mafieuse. Alana
IVANOV.

Les deux hommes échangent un regard.

— Il y avait un message sur le corps de Steven. Donne-


le-leur, m’ordonne-t-elle.

Je ne réagis pas.
— Jeoffrey, donne-leur ce fichu bout de papier, me hurle-
t-elle.

Je le sors de mon portefeuille. Je savais que ça


constituerait un élément d’enquête. J’hésitais entre le
détruire et le donner à la police. J’hésitais entre protéger
Alana et rendre justice à mon frère. Je me déteste de
vouloir protéger Alana. Ma mère me prend la feuille de
force et la tend à Boris. Il la lit et la donne à son collègue.

— Nous allons de ce pas lui envoyer une convocation


avec nos agents.
— Boris, je te donnerai tout ce que tu veux, continue ma
mère. Je viderai mes comptes pour toi mais pour l’amour
du ciel, ne laisse pas cette femme s’en tirer. Elle doit
payer pour le meurtre de mon bébé.
— Si elle est réellement coupable, je m’assurerai qu’elle
finisse derrière les barreaux.

Boris pose d’autres questions auxquelles répondent ma


mère et Kira. Je n’arrive à dire quoi que ce soit. Tout
semble embrouillé dans mon esprit. Je lutte sans cette
entre mon amour et mon devoir de frère.

*Mona
*LYS

Les personnes présentes partent peu à peu en réitérant


leurs sincères condoléances. La mise en terre a été une
épreuve super difficile pour ma famille et moi. Ma mère
en a fait un malaise. Du cimetière, nous sommes revenus
à la maison partager une collation en guise de
remerciement aux personnes ayant effectuées le
déplacement malgré la rapidité des choses. Je n’ai pas
voulu voir le corps de Steven. La dernière image de lui
que je veux garder c’est celle où il est souriant, blagueur
et amusant. Voir son corps gelé dans du formol m’aurait
hanté toute ma vie. Ma mère ne m’adresse quasiment plus
la parole. Je la comprends. Je lui laisse le temps de
digérer.

Je reçois un appel de Boris qui m’annonce l’interpellation


d’Alana. La police serait en chemin avec elle pour le
commissariat. Sans rien dire à qui que ce soit, je me mets
en route. Je veux savoir comment les choses se passeront.
Je veux la regarder et voir si elle ment ou pas. Je suis
immédiatement conduit à Boris qui discutait avec un
officier.

— Vous avez déjà terminé l’interrogatoire ?


— J’y allais de ce pas.
— Est-ce possible que j’y assiste depuis l’extérieur ?
— Jeo…
— S’il te plaît ! Je connais cette femme et je peux vous
être utile. Je sais quand elle dissimule la vérité.

Il souffle.

— Suis-moi !

J’obéis. Mon cœur s’affole en la voyant assise dans la


salle. Un homme que je peux déduire être son avocat se
tient près d’elle. Boris et son collègue font leur entrée.
Mes yeux ne quittent pas Alana d’une seule seconde. Elle
paraît pâle et amaigrie. Je ne la sens pas en pleine forme.
Boris commence sa série de questions. Il lui montre le
papier.

— Ce message a été retrouvé sur le corps de Steven


DAVIS. Savez-vous de qui ?
— Je n’en sais rien.
— Avez-vous des ennemis, mademoiselle IVANOV ?
— Personnellement, non. Mais par mon travail aux côtés
de mon frère et ma relation amoureuse avec Jeoffrey
DAVIS, je pense que je m’en suis attirée quelques-uns.
— Quel travail faites-vous aux côtés de votre frère ?
— Je suis son bras droit dans les affaires. Il est chef
d’entreprise. Je ne pense pas que ça ait à avoir ici. Ce
meurtre a été commis dans l’unique but de me séparer de
Jeoffrey. Et donc là, je peux vous citer le nom d’une
personne qui irait à de telles extrémités pour y arriver.
— Qui ?
— Marc FLYNN.
— Le Lieutenant et cousin de la victime ?
— Lui-même.
— Il est en prison et ce pour de nombreuses années.
— Vous faites exprès ou quoi ?
— Faites attention aux mots qui sortent de votre bouche.
— Non mais attendez ! Vous faites exprès d’ignorer
qu’on n'a pas besoin d’être sur place pour commettre un
crime ? Juste un appel et le tour est joué.
— Vous vous y connaissez apparemment. Faites-vous
réellement partie de la mafia comme cela se raconte ? Ça
peut aussi venir de là.

L’avocat d’Alana l’empêche de répondre et le fait à sa


place.

— Ce sont des accusations là ?


— J’ai juste posé une question.
— Avec pleins de sous-entendus. Vous n’en avez pas
marre de lui poser toujours la même question ?

Un sacré comédien cet avocat. Alana reprend la parole.

— Lieutenant, je n’ai rien à voir avec ce meurtre. Si cette


personne voulait m’atteindre directement, elle s’en serait
prise à mon frère, ma belle-sœur ou mon… ou Jeoffrey.
C’est à ces gens-là que je suis liée. Écoutez, c’est mon
honneur qui est en jeu. Je suis disposée à vous aider à
élucider cette affaire.
— Ce que vous feriez de mieux c’est de rester dans les
parages. Vous restez le suspect principal tant que nous
n’aurons pas mis la main sur les auteurs du crime.

Il récupère son document et sort.

— Alors ? Qu’en dis-tu ? me demande-t-il en venant vers


moi.
— Elle a l’air de dire la vérité.
— J’en ai aussi l’impression. Elle a surtout soulevé un
point important. Le meurtrier pouvait vous en vouloir à
tous les deux. Nous allons nous pencher là-dessus.
Il me raccompagne à l’extérieur en m’expliquant les
détails de l’enquête. Ils iront faire un tour au dernier
endroit où Steven s’est rendu. S’il y avait une caméra de
surveillance, ça permettrait d’avoir une idée claire des
choses.

— Encore merci de gérer cette affaire, lui dis-je en lui


serrant la main.
— Je te le dois bien. On garde le contact.
— Ok.

Je relève la tête et croise le regard d’Alana qui avance


avec son avocat. Elle lui siffle quelque chose. Il me
regarde et accélère ses pas. Elle s’arrête devant moi mais
fuit mon regard.

— Comment… comment vas-tu ? s’enquiert-t-elle.

Toute réponse reste coincée dans ma gorge.

— Je tenais avant de rentrer à te rassurer de deux choses,


poursuit-elle malgré mon silence. Premièrement, que je
n’ai absolument rien à voir avec la mort de Steven. Et
deuxièmement, que je lui rendrai justice. Peu importe ce
que cela m’en coûtera.
— N’en rajoute pas. Laisse la police faire son travail.
— C’est trop tard. Mon nom a été cité dans cette affaire
et je me dois, non seulement de le blanchir, mais aussi de
te prouver qu’au grand jamais je n’aurais mis
intentionnellement ta vie ou celle de ta famille en danger.
Notre relation est certes fichue à jamais car marquée
négativement par ce meurtre, mais je tiens à ce que tout
soit mis en ordre.

Je sais d’ores et déjà que quoi je dirai, elle fera ce qu’elle


voudra. Elle retire sa bague de fiançailles et me la tend.

— Je suppose que tout est terminé entre nous. Reprends-


la donc.

Je décèle l’interrogation dans son affirmation. Elle


s’attend sans doute à ce que je lui dise que rien n'est
annulé concernant notre mariage. Que nous reprendrons
tout là où nous les avons laissés après les enquêtes. Mon
cœur me dicte de la rassurer mais ma conscience me
gronde. Je ne devrais plus rien avoir avec la probable
meurtrière de mon frère. Je récupère la bague,
douloureusement. Elle me contourne et disparaît dans sa
voiture. Je ne sais plus où j’en suis.

***INAYAH

— A quoi penses-tu ?
— À rien, je réponds à Chris en pliant le vêtement de
bébé que je contemplais depuis plusieurs minutes et qui
m’a fait perdre dans mes pensées.
— Ça fait plus de cinq minutes que je suis rentré et je te
vois, perdue dans tes pensées avec ce bout de tissu en
main.

Je grimace en allant m’asseoir sur le lit.

— Tu as mal ? se soucie-t-il en s’asseyant près de moi.


— Un peu, oui, je confirme en caressant la petite bosse
de mon ventre. Je ressens des douleurs depuis hier.
— Ne t’es-tu plus rendue chez le docteur ?
— J’y suis allée et il m’a rassurée que tout allait bien.
— Quelle est donc la raison de cette mine angoissée ?
— J’ai peur, Chris, j’avoue la voix tremblante.
— Peur de quoi ?
Il me prend la main et la caresse tendrement.

— De perdre le bébé.

Je n’arrive pas à retenir la larme qui se déverse tout à


coup sur ma joue. Il l’essuie de son pouce.

— Pourquoi penses-tu pareil ?


— Parce que je n’en suis pas à ma première grossesse. Je
les ai toutes perdues. J’ai déjà été enceinte de toi tu sais.

Il est confus.

— Je l’ai su lorsque nous étions en Côte d’Ivoire. Mais


j’ai fait une fausse couche quand je t’ai surpris avec Rose
dans la chambre. Le choc était trop.
— Pourquoi tu me le dis que maintenant ?
— Parce que j’avais mal. Je détestais le monde de me
faire souffrir autant.

Il pose sa main sur mon ventre et le caresse doucement.


— Tout se passera bien. Je t’éviterai tout stress ou choc
émotionnel qui pourrait occasionner un malheur. De ton
côté, fais le vide. Profite de ce moment avec ton bébé.
Tout se passera bien, je t’en fais la promesse.

Il scelle cette promesse par un baiser sur le front.

— Repose-toi maintenant. Tu as des cernes.

Il m’aide à m’allonger. Il me suffit juste de fermer les


yeux pour que le sommeil m’emporte.

Je suis réveillée par la sonnerie incessante de mon


portable.

— Oui allô ?
« — Bonsoir madame. C’est bien Madame Inayah
IVANOV ? »
— Oui. A qui ai-je l’honneur ?
« — Ici l’hôpital Mont Sinaï. Nous avons reçu des
patients et vous êtes le plus proche parent à contacter en
cas d’urgence. »
— Hum ? De quels patients s’agit-il ?
« — Monsieur Nick WILSON et Madame Shelby
WILSON. Ils ont tous deux été agressés alors qu’ils
sortaient d’un restaurant. »

Je bondis du lit. Le sommeil me libère à la seconde.

— Comment vont-ils ? je demande en courant vers mon


dressing me choisir une robe.
« — La femme va mieux mais l’homme est encore en
soins intensifs. Nous aurons besoin de vous pour régler
certaines formalités. »
— Faites ce qu’il y à faire. L’argent n’est pas un souci.
Je me mets en route.

Je récupère à la volée mon sac à main dans lequel je


fourre mon portefeuille et quelques liasses de billets. Je
demande à Gab de me conduire une fois dehors.

Gab a conduit assez vite sous la pression que je lui


mettais. Je fonce directement vers l’accueil. On me
conduit vers le docteur en charge de mes amis. Il me
rassure sur la stabilité de Nick qui demeure inconscient.
— La mauvaise nouvelle est que votre amie a perdu le
bébé qu’elle portait.
— Non pas ça, dis-je en me tenant le ventre.

Je ne savais même pas qu’elle était enceinte. Je demande


à la voir. Nous entrons dans la chambre pendant qu'une
infirmière en sort. Le Docteur nous laisse seules. Elle a
énorme bleu sur la partie gauche de son visage.

— Bébé, comment tu vas ?

Je me précipite vers elle.

— Ne t’approche surtout pas de moi.

Je suspends mes pas à la seconde.

— Qu’est-ce qui se passe ? je lui demande, perplexe.


— C’est ta faute, Inayah. C’est votre faute à ton mari et
toi.
— Que racontes-tu ?
— Les gens qui nous ont agressés, ils nous ont fait
comprendre qu’ils s’en prenaient à tous les proches des
IVANOV pour leur faire passer un message. ILS ONT
FAILLI NOUS TUER PARCE QUE NOUS SOMMES
TES AMIS.

Cette révélation me fait l’effet d’une douche froide. Je ne


sais quoi dire. Comment cela est possible ?

— Nick me protégeait, explique-t-elle en pleurant. Et ils


l’ont pris de côté pour le tabasser à mort. Je ne pouvais
rien faire si ce n’était les supplier. J’ai commencé à
appeler à l’aide. L’un m’a donné un coup au visage puis
dans le ventre. Inayah, j’ai perdu mon bébé alors que je
venais d’apprendre que j’étais enceinte de trois mois.
Nous étions allés le célébrer autour d’un dîner et voilà.
Tu sais combien j’ai désiré tomber enceinte. Je n'ai cessé
de te mettre en garde. De te prévenir que t’unir à cet
homme était une grosse erreur. Mais tu as persisté dans
ta bêtise. Aujourd’hui, c’est moi qui prends les pots
cassés. J’ai perdu mon bébé et mon mari se retrouve entre
la vie et la mort. Qu’est-ce qui me rassure qu’ils ne
viendront pas ici nous achever ? Ce qui s’est passé
prouve que jamais je ne serais en sécurité tant que nous
serons amies.

Elle s’essuie le visage. Mes larmes à moi ne cessent de


ruisseler sur mes joues.
— Je ne veux plus que tu t’approches de nous.
— Shelby, ne dis pas ça.
— Tu représentes un danger pour la famille que je veux
fonder.
— Laisse-moi tout arranger. S’il te plaît !
— Cela ramènera-t-il le bébé que j’ai perdu ?

Je baisse les yeux.

— Va-t’en ! coupe-t-elle sèchement.


— Shelby !
— JE T’AI DEMANDÉ DE T’EN ALLER. VA AU
DIABLE, INAYAH. ALLEZ TOUS POURRIR EN
ENFER. BANDE DE MAFIEUX QUE VOUS ÊTES. JE
VOUS DÉTESTE TOUS. DÉGAGE DE MA VIE.

Elle continue de hurler des insultes. Des infirmières


accourent et me demandent de m’en aller. Je sors de là en
courant. Je pleure comme une madeleine en allant vers
ma voiture. Les mots de Shelby sont trop forts, trop
douloureux. Mais je ne peux lui en vouloir. Ils ont failli
y passer. J’ai mal. Affreusement mal. Je viens de perdre
ma seule amie. La sœur que la vie m’a donnée. Je veux
croire qu’elle a parlé sous l’effet de la colère. Mais son
regard était plein de colère, de haine envers moi. Je ne
pourrai supporter de perdre une autre personne que
j’aime. Ça me briserait.

Je déboule dans le bureau de Chris.

— Tes ennemis ont intenté à la vie de mes amis.

Il plisse les yeux. Il parle en Anglais et raccroche le


téléphone de son bureau.

— Qu’il y a-t-il ?
— Shelby et Nick ont été agressés par des gens qui disent
vouloir nous faire passer un message.
— Qui ‘‘nous’’ ?
— Les IVANOV. Mais étant donné que je n’ai rien à
avoir avec la mafia, je dirais toi et Alana.
— Si les victimes sont tes amis, alors le message il est
clairement pour toi non ?
— MAIS JE N’AI AUCUN ENNEMI DANS CE FICHU
PAYS SI CE N’EST…
Une évidence me frappe.

— Shana. Ça ne peut être qu’elle.


— En as-tu la preuve ?
— Et tu recommences à la défendre ?

J’ai haussé le ton. Je commence sérieusement à me mettre


en colère.

— Non, réfute-t-il en venant vers moi. Mais on ne peut


répondre à une attaque que si on a la preuve de l’identité
de l’ennemi.
— Dans ce cas mène tes enquêtes, Chris. Trouve le
responsable de ceci. Par sa faute j’ai perdu des amis, dis-
je en pleurant. Shelby ne veut plus me voir. Elle me
déteste.
— Ça lui passera.

Il me prend dans ses bras.

— Je te promets de résoudre cette affaire.


— Y a intérêt, Chris. Y a intérêt.
***ALANA

— J’ai bien réfléchi et je vais me faire avorter.

Chris lève les yeux sur moi.

— Sais-tu pourquoi je ne t’ai pas demandé ce que tu


ferais ?
— Non.
— Parce que tu n’as d’autres choix que de poursuivre
cette grossesse jusqu’à son terme et de t’occuper du bébé.
— Mais…
— On ne tue pas une génération des IVANOV, Alana.
Cet enfant naîtra.
— Comment je m’en occupe ? Le travail ?

Il se cale dans son siège.

— Dès aujourd’hui, je te relève de toutes fonctions.


— Mais que veux-tu que je fasse de ma vie ? Il n’y aura
plus de mariage.
— Une fois l’affaire de Steven DAVIS résolue, tu t’en
iras dans la maison familiale en Russie. Tu y resteras,
suivras une formation et après la naissance du bébé, tu
prendras la tête de nos entreprises. Tu choisiras laquelle.
Ou si tu veux faire autre chose tu me le feras savoir. Mais
la mafia pour toi, c’est terminé.

Quitter la mafia était déjà prévu depuis l’annonce de mon


mariage avec Jeoffrey. Après l’annulation, j’ai pensé que
l’idée serait avortée étant donné que celui pour qui cela
devait être fait ne veut plus de moi. Je suis maudite, je
crois.

Ben nous rapporte une enveloppe kraft contenant les


résultats de nos recherches. Je m’impatiente de découvrir
ce qu’ils ont trouvé. Je récupère l’enveloppe des mains
de Ben. Je sors en premier les images d’une caméra de
surveillance. A la vue des trois jeunes sur la photo, je me
lève d’un bond.

— Je le pressentais que cette garce y était pour quelque


chose.

Chris récupère les photos. Ces jeunes sont des


mercenaires utilisés par n’importe qui ayant besoin de
faire ses sales coups. Mais je sais pour qui ils travaillent
et leur patron c’est un ami fidèle ou plutôt un client fidèle
de cette dévergondé de Shana.

— Je suis prête à mettre ma main au feu que c’est encore


elle derrière l’agression des amis d’Inayah.

Je cogne dans le mur.

— J’aurais dû en finir avec elle quand j’en avais eu


l’occasion. Chris, tu lui as certes donné ta parole que tu
ne toucherais jamais à sa vie après qu’elle t’ait sauvé la
vie à deux reprises. Mais moi je ne lui ai fait aucune
promesse. Cette nuit-même, elle ira rejoindre l’au-delà.
— Je ne t’en empêcherai pas.

C’est tout ce que j’attendais. Son aval. Je récupère ma


blouse sur le siège d’un coup de main en sortant et je
l’enfile. Je connais ces gens. Je sais tout d’eux. Shana s’y
connait certes dans notre milieu mais s’il y a une chose
qu’elle n’a jamais su faire, c’est se cacher sous ses actes.
Elle ne maîtrise pas tous les rouages pour ne jamais se
faire prendre. A quoi a-t-elle pensé ? Que je ne
découvrirais jamais la vérité ? Ces gens nous ont une fois
été utile et ils n’ont pas manqué de nous dire qu’une
certaine Shana était l’une des leur. Elle sait courir mais
pas se cacher. Elle a signé son arrêt de mort en s’en
prenant à Jeoffrey.

*Mona
*LYS

J’entame ma tâche chez Foxer, le chef des mercenaires.


Il n’y pas qu’elle qui doit payer. Lui également. Tous
ceux qui ont contribué de près ou de loin à la mort de
Steven. Je prends le nourrisson de Foxer. Il est tout
minuscule. C’est une petite fille. Sa copine a donné
naissance il y a une semaine. Prendre ce bébé dans mes
bras me remue les tripes. C’est donc à ça que ressemblera
mon bébé ? Un tout petit être innocent. Comment une
femme avec autant de sang sur les mains pourrait devenir
une bonne mère ? C’est incontestablement impossible.

Le bébé calé dans le creux d’un bras et mon arme dans


mon autre main, je pénètre la chambre parentale. Le
couple fait la sieste. Je m’assieds dans le siège en face de
leur lit. Ben fait le guet devant la porte. Deux autres
hommes sont dehors. Je sifflote un air avec ma bouche
jusqu’à leur réveil qui ne se fait pas attendre.
— OH MON DIEU ! MON BÉBÉ ! s’écrie la copine de
Foxer.
— Alana ?
— Salut Foxer. Comme ça fait un bail.

La fille se lève rapidement du lit.

— Eh, tsi tsi, reste dans le lit, je l’arrête en la visant avec


mon arme. Si l’un de vous deux tente quoi que ce soit, la
tête de ce petit ange explosera.
— Je vous en supplie, ne faites rien à mon bébé,
m’implore la mère.
— Je ne lui ferai rien tant que Foxer m’obéit.

Foxer guette son arme posée sur le guéridon non loin.

— Que veux-tu, Alana ? me demande-t-il avec une


pincée de défi dans la voix.
— Il y a une semaine approximativement tes hommes ont
tué le frère de mon mec. Steven DAVIS.

Il chuchote un juron.
— C’est Shana. Je lui avais pourtant dit que c’était une
mauvaise idée de t’attaquer de la sorte mais elle m’y a
contraint. Je suis désolée. Je suis prêt à être à ton service.
Tu veux que j’envoie mes hommes contre elle ? On le
fera.
— C’est aussi elle qui t’a contraint à récupérer la montre
en or de la victime ?

Il regarde la montre à son poignet. Je la reconnaîtrai


parmi mille. C’est moi qui ai aidé Jeoffrey à la choisir. Il
y avait aussi fait marquer en diamant les initiales de son
frère. Foxer la retire et la roule au sol vers moi.

— Reprends-la. Je n'en veux pas. Je suis tout à ta


disposition. Mais pour l’amour du ciel, ne fait rien au
bébé. Elle est toute ma vie.

Jeoffrey aussi était toute ma vie. Mais je l’ai perdu.

— Tu vas maintenant te rendre au centre de police et tout


avouer.
— Quoi ? Mais… je risque de pourrir en prison.
— Tu préfères donc que ta fille se sacrifie à ta place ? dis-
je en pointant le bout de l’arme vers le bébé.
— Non non non, s’écrient-ils tous les deux.

La mère s’agenouille rapidement.

— Je vous en supplie. Ma fille et moi n’avons rien à voir


dedans. Je n’avais aucune idée du boulot qu’il faisait.
Laissez-moi partir, je vous en prie.
— Vous serez mes otages jusqu’à ce que j’aie
confirmation qu’il s’est rendu à la police et a balancé le
nom de tous ses complices. Je n’ai pas que ça à faire.
— Je peux tout simplement envoyer une preuve de
l’implication de Shana, me propose Foxer.

Cette fois je charge l'arme et la colle à la tête du bébé qui


se met aussitôt à pleurer.

— MERDE, TU VAS Y ALLER OUI !? le gronde sa


copine en lui lançant un coussin. Assume tes actes pour
une fois.
— Ok je vais y aller, finit-il par dire les genoux par terre.
— C’est bien, dis-je en retirant l’arme. Tu expliqueras
tout et n’essaie pas de m’entuber. Tu n’es pas sans savoir
que nous avons des complices dans la police mais tu ne
connais pas leurs identités. A la moindre gaffe, tu le
regretteras.
— Je ne dirai rien sur toi.
— Et quand on te demandera pourquoi moi…
— Je dirai que c’était dans l’unique but de gâcher ta
relation. Aucune information de plus sur toi ou ton frère.
— Vas-y maintenant. L’un de mes hommes te déposera.
Moi j'attendrai ici sagement avec ta petite famille.
— Ok.

Il se lève et se vêt à la hâte. Il essaie de toucher sa copine


qui lui tape la main. Elle a vraiment l’air de ne rien savoir
de la vie de son mec. Ben part avec Foxer et est remplacé
par un autre garde. Je regarde le bébé qui ne cesse de
pleurer.

— Je vous prie de ne rien faire à mon bébé. Je vous jure


sur ce que j’ai de plus cher au monde, je ne savais rien de
tout ceci. Je ne savais même pas que Foxer était un
assassin. Il m’a parlé de ses bars qui marchent super bien.
Ayez pitié de mon bébé.
— Je ne lui ferai rien. Prenez-la.
Elle hésite une seconde avant de courir récupérer le bébé
de mes bras.

— Chutt mon bébé. Maman est là.

Elle lui donne la tétée. Le bébé mange avec beaucoup


d’appétit et se rendort sur le sein de sa maman. J’en suis
émerveillée. Je détourne les yeux de peur de m’émouvoir.
Je demande à deux gardes de garder un œil sur elle. Moi
je vais prendre de l’air. Je reste sur la terrasse le temps
d’avoir un retour du commissariat. Je visite ma galerie
photo. Mes seules photos sont de Jeoffrey et moi et elles
m’ont été transférées par lui. Il me harcelait tout le temps
pour qu’on se fasse des selfies ou il me faisait des photos
surprises et me les envoyait. Je fais la tronche sur presque
toutes. Je m’arrête sur une photo de nous deux dans mon
salon. Il s’est pris en selfie avec moi derrière qui
travaillais sur mon ordi. Son sourire illumine cette photo.
Je souris de tristesse. Décidément notre relation était
maudite. Nous n’étions pas faits pour être ensemble.

L’écran de mon portable est changé par un appel. C’est


l’un des flics qui travaillent pour nous.
« — Madame ! Il a tout avoué. Je viens de le mettre en
cellule. »
— Tu sais ce qu’il te reste à faire.
« — Oui Madame. »

Je raccroche et retourne à l’intérieur.

— Nous y allons, j’informe la fille. Vous devriez en faire


de même et ne plus revenir. Vous méritez mieux que ce
type.
— Merci de nous avoir épargnées.
— Vous n’étiez pas ma cible. Mais si jamais vous ouvrez
votre bouche sur ce qui s’est passé ici cet après-midi, je
vous trouverai et vous tuerai.
— Je ne dirai rien, dit-elle effrayée.

J’emboîte le pas à mes hommes qui me suivent.

Il est exactement 21h lorsque Shana sort de son bar.


Garée à quelques mètres loin derrière elle, je l’observe
monter dans sa voiture. Je lance aussitôt l’appel. Elle y
répond bien très vite.
« — Alana ! Ma belle-sœur chérie. Comment vas-tu ? »
me demande-t-elle amusée.
— Qui croyait prendre est pris.
« — Qu’est-ce que cela signifie ? »
— Essaie de sortir de ta voiture.

Il y a un moment de silence et je la vois depuis ma


position essayer d’ouvrir la portière de sa voiture. Elle y
est condamnée. Je sors de ma voiture et tout doucement
j’avance vers la sienne.

« — Lol. Tu penses pouvoir me faire peur ? »


— Je ne perds pas mon temps à faire peur. Je fais ce que
j’ai à faire. Tu as fichu mon mariage en l’air et brisé la
belle amitié d’Inayah et Shelby.
« — Oh ! Tu as mis du temps à le découvrir. Maintenant
que vas-tu faire ? Me tuer ? Tu oublies que mon père m’a
dégoté les meilleurs gardes du monde. »
— Et où sont-ils ? Ou plutôt où étaient-ils lorsque je
piratais le système de ta voiture et faisais couler ton
essence ?
« — Tu as fait quoi ? »

J’allume une cigarette.


— Tu as bien réussi ton coup. Dommage que tu ne
puisses plus être là pour en jouir. Regarde derrière.

Elle tourne la tête. Je lui fais un coucou et souffle dans


l’air la bouffée de ma cigarette.

— Tu salueras les IVANOV et tu leur diras que la relève


est assurée.

Je jette la cigarette dans l’écoulement de l’essence de sa


voiture. Le feu s’élève.

« — Alana ! Tu ne peux pas… Alana, ouvre-moi cette


portière. »
— Je t’avais prévenue que je te tuerais. Pétasse !

Je raccroche et recule de plusieurs pas. Je la regarde


tenter en vain de sortir de la voiture. Puis dans un grand
bruit, la voiture explose. Je remonte dans ma voiture et
pars en marche arrière. Je m’arrête très loin pour observer
la scène. Les gens accourent pour tenter un sauvetage
mais trop tard. Le feu est beaucoup trop fort pour essayer
quoi que ce soit. Une autre mission accomplie. Il me reste
une dernière chose à faire avant de partir loin de ce pays.

Je reste debout une dizaine de minutes devant la porte de


Jeoffrey. Je meurs tellement d’envie de le voir, de lui
parler de nous, du bébé, de me frotter contre lui et de le
sentir en moi. Mais ça ne ferait que compliquer les
choses. Pour le bébé ? Je m’en irai avec ce secret. Avec
toutes ces complications autour de nous, il est préférable
que nous nous éloignions l’un de l’autre pour de bon. Il
me déteste déjà et il gardera toujours en tête que c’est en
partie ma faute si son frère a été tué. S’il apprend pour le
bébé, il voudra que je reste pour qu’on s’en occupe
ensemble. Ce qui risque de nous faire recoller les
morceaux et engendrer d’autres problèmes. Je vais devoir
renoncer à lui. Je pose la montre de son frère devant la
porte. Je ramène ma main à mes lèvres, y pose un baiser
et ramène la même main sur la porte.

— Adieu Joe.

Je tourne dos à sa porte. Je donne également dos à


l’amour.
22

***JEOFFREY

Je suis chaque jour un peu plus rongé par la culpabilité.


Je me sens affreusement mal. Mal d’avoir perdu mon
frère. Mal de m’être séparé d’Alana. Mal que tout ceci
m’arrive à moi. Je suis à deux doigts de frôler la
dépression. Mes jours et mes nuits je les passe à naviguer
dans mes pensées. J’étais censé être un homme marié et
heureux à ce jour. En lieu et place je suis dans un trou
noir où mes seuls compagnons sont tristesse et amertume.
Je n’ai plus mis les pieds au bureau depuis ce jour
chaotique. Je veux pouvoir m’endormir et me réveiller de
ce cauchemar. Ma famille est brisée. Ma mère se retrouve
hospitalisée chez elle. Elle souffre du manque de son fils.
Nous en souffrons tous.

Je décide de descendre faire du jogging pour entamer ma


journée. Ça m’aidera sans doute à détendre mes nerfs qui
finiront par sauter si je ne sors pas de cette maison. Mon
pied heurte quelque chose quand j’ouvre la porte. Je
remarque une montre en or. Je la ramasse et c’est avec
étonnement que je la reconnais. C’est la montre de
Steven. Je la lui avais offerte pour son dernier
anniversaire. Comment est-elle arrivée là ? Je ne l’avais
pas retrouvée lorsque je rangeais les affaires de mon
frère. J’ai tout suite compris que ses assassins la lui
avaient prise. Qui l’a ramenée ?

— Salut mec !

Je regarde Boris venir vers moi depuis l’ascenseur. Je


range la montre dans ma poche et lui serre la main.

— Quoi de neuf ? je lui demande.


— J’ai de bonnes et de mauvaises nouvelles pour toi.
— Je t’écoute.
— La première bonne nouvelle, c’est que ta fiancée n’a
rien à avoir avec le meurtre de ton frère.

Je m’en doutais bien.

— La deuxième est que nous avons les identités des


véritables coupables. Hier, un homme est venu se rendre
et a avoué avoir exécuté les ordres d’une femme. Une
certaine Shana JACKSON. Tu connais ?
— Bof, je ne crois pas. Et vous l’avez appréhendée ?
— Non et c’est là que les choses deviennent étranges.
Figure-toi que le type qui s’est rendu a été retrouvé mort
dans sa cellule ce matin.
— Pardon ? Il s’est suicidé ?
— C’est ce que nous essayons de comprendre. C’est soit
une overdose soit un empoisonnement. Nous espérons
avoir des réponses après les autopsies. Les hommes qui
ont accompli la mission sur ton frère ont été interpellés et
ils ont corroboré les dires de leur chef.
— Et la femme ?

Il souffle.

— Morte également. Calcinée dans sa voiture.


— Comment ? Tu crois que c’est une coïncidence si ces
gens qui ont tué Steven sont…

Mon esprit s’ouvre tout à coup sur une probable


évidence. Je sors la montre de Steven.

— Qu’il y a-t-il ? s’inquiète Boris.


— C’est la montre de Steven. Je l’ai trouvée ce matin
devant ma porte.
Nous échangeons un regard.

— Ces trois événements seraient-ils l’œuvre d’une


personne ? Ou serait-ce juste des coïncidences ?
m’interroge Boris.
— Je n’en sais rien.
— Connais-tu quelqu’un qui aurait voulu rendre justice à
ton frère ?

« — Je tenais avant de rentrer te rassurer de deux choses.


Premièrement, que je n’ai absolument rien à voir avec la
mort de Steven. Et deuxièmement, que je lui rendrai
justice. Peu importe ce que cela m’en coûtera. »

C’était les derniers propos d’Alana.

— Jeoffrey ?
— Non, je ne connais personne.
— Et concernant ta fiancée. Tu as été avec elle. Aurais-
tu remarqué ou entendu des choses qui confirmeraient
qu’elle et son frère soient des mafieux ?
— Non. Elle a toujours été clean.
— Ok. Merci. Je te ferai signe s’il y a du nouveau. Mais
je crois que vous pouvez faire votre deuil puisque les
coupables sont hors d’état de nuire.
— Encore merci.

Il retourne sur ses pas mais revient aussitôt.

— Je ne sais pas si je devrais te le dire vu que nous


n’avons pas encore assez d’informations dessus, mais le
chef des mercenaires dans ses aveux a dit avoir entendu
la dénommée Shana communiquer avec un type en prison
qui en savait beaucoup sur ta famille et toi. J’ai pensé à
Marc mais ça peut tout aussi bien être quelqu’un d’autre.
Je me pencherai là-dessus.
— Merci encore.

Je rentre et referme derrière moi. Pourquoi ça ne


m’étonne pas que Marc soit derrière cette monstruosité ?
Il est déterminé à faire du mal à Alana au point de se
transformer en criminel. Si j’ai la confirmation qu’il est
réellement derrière ça, je m’assurerai qu’il pourrisse en
prison.

Je gare devant la maison d’Alana mais reste dans ma


voiture quelques minutes. Qu’est-ce que je lui dis ?
Merci ? Je suis désolé d’avoir douté d’elle ? Je veux
qu’on remette le mariage au programme ? Ce mariage
aura-t-il seulement un sens ? Il y aura toujours une épée
de Damoclès sur nos têtes. Aujourd’hui c’était Steven. A
qui le tour demain ? Si nous nous marions malgré tout,
arriverions-nous à être heureux avec tout ce sang qui a
coulé ? Je me portais mieux quand je ne savais pas de
quoi elle était capable. Pour une femme, elle a sacrément
un sang-froid qui fait peur. On verra la suite plus tard. Je
veux juste la voir, lui parler et si possible la prendre dans
mes bras. Elle me manque tellement.

Un homme sort de la maison quand je m’apprête à glisser


la clé dans la serrure. Je recule.

— Bonjour, qui êtes-vous ? je lui demande, animé d’une


sourde jalousie.
— Un ami à Alana, me répond-t-il en refermant la porte.

Quand il se retourne, je remarque son arme. Il a des


allures de garde du corps. J’ai une idée de qui il peut être.

— Est-elle à l’intérieur ?
— Non. Elle est partie.
— Partie où ?
— Je n'en sais rien. Vous êtes Jeoffrey DAVIS ?
— Euh, oui.
— Elle m’a remis ça pour vous.

Il sort un bout de papier dans la poche de sa veste. Je le


prends et lis la note.

« Pas la peine de me remercier. J’ai fait ce que j’avais à


faire. Sinon ne me déteste pas. Je l’ai fait pour que tu
puisses faire ton deuil. On se reverra peut-être dans une
autre vie. »

Je ne sais pas comment prendre cette nouvelle de son


départ. Tout s’emmêle en moi. Je range la feuille dans ma
poche.

— Si jamais vous entrez en contact avec elle, dites-lui


merci de ma part.
— Je n’y manquerai pas.

Je retourne à ma voiture, tout désespéré. J’aurais souhaité


lui parler, même si ça aurait été la dernière fois. Nous
aurions peut-être pu trouver une solution. Que dis-je, un
remède au mal qui mine notre relation. Peut-être qu’au
final c’est elle qui avait raison. Nous ne sommes sans
doute pas faits pour être ensemble.

De retour chez moi, je tombe sur Anaïs. Elle est devant


chez moi avec un petit sac.

— Salut Anaïs. Je ne savais pas que tu venais.

Je lui fais la bise.

— J’ai appris la tragédie et j’ai tenu à vous apporter mon


soutien.
— C’est gentil. Viens, entre.

Je l’installe et lui serre à boire. Elle m’informe qu’elle est


déjà passée voir ma mère et Kira. Nous discutons de
longues heures durant lesquelles j’oublie mon chagrin.
Elle commence à démontrer des signes de fatigue.

— T’es-tu reposée depuis ton arrivée ?


— Non. De l’aéroport j’ai continué chez ta mère et de
chez elle à ici. Je tombe de sommeil.
— Tu peux occuper la chambre d’ami durant ton séjour
si tu veux.
— Oh non je ne veux pas déranger.
— Nous avons déjà vécu ensemble madame ma
kinésithérapeute.

Elle sourit.

— Viens que je te montre.

C’est une bonne chose qu’elle soit là. Sa présence


m’empêchera de trop penser à Alana.

TROIS MOIS PLUS TARD

***INAYAH

Je pleure de joie devant cette image. Je n’avais jamais


ressenti ça auparavant. En même temps je n’étais jamais
arrivée à cette étape d’une grossesse. Mes jumeaux
bougent sur l’écran et je le ressens dans mon ventre.
Après s’être longtemps caché, le deuxième bébé s’est
enfin montré. Moi qui croyais ne porter qu’un seul
IVANOV, voilà que j’apprends que j’en porte deux. Une
double joie pour moi. Je cherchais un enfant. Dieu m’en
donne deux. J’ai hâte qu’ils soient dans mes bras pour les
couvrir d’amour. Encore quelques petites semaines à
supporter et ils seront là.

Le Docteur me libère en confirmant la bonne santé de


mes bébés et la mienne malgré les remontés d’acides.
C’est pénible mais je supporte pour la bonne cause. Je
sors de la clinique toute souriante. Enfin une bonne chose
qui me redonne le sourire qui s’est effacé de mes lèvres
ces dernières semaines. Je ne veux pas y penser. Je veux
profiter de cette bonne nouvelle. Chris sera autant
heureux que moi.

De la joie, je passe à la tristesse en rencontrant Shelby.


Son visage se fait dur à la seconde où nos regards se
croisent.

— Salut Shelby, je la salue en l'obligeant à s’arrêter.


Comment vas-tu ?
— Que veux-tu ?
— Tu me manques.
— Ce n’est pas réciproque. Écoute, je ne veux pas qu’on
nous voit ensemble. Vos ennemis sont partout. D’ailleurs
je vais changer d’hôpital.
— Tu vas m’en vouloir toute ta vie ?
— Oh, j’ai maintenant plus qu’intérêt à rester loin de toi.

Elle pose la main sur son ventre. Je devine qu’elle est de


nouveau enceinte. Elle a compris que j’ai découvert. Elle
retourne sur ses pas.

— Tu vas jeter à la poubelle tous nos beaux moments à


cause de la méchanceté d’une autre personne ?
— Sauf que cette méchanceté a failli me coûter mon mari,
réplique-t-elle en revenant vers moi. Il était à deux doigts
de perdre un œil et il ne pourra plus utiliser son bras
gauche totalement. Il s’en est sorti avec un handicap qui
me rappellera toujours qui en sont les responsables.

Elle me lance un regard dédaigneux et monte dans sa


voiture. Je monte à l’arrière de la mienne. Cette rencontre
a sapé ma bonne humeur. J’ai cru que ses paroles étaient
dû à la colère et qu’une fois rétablie elle revendrait à de
meilleurs sentiments mais les mois ont passé et elle n’a
pas décoléré. Moi j’ai retenté le coup et comme résultat
elle a bloqué tous mes numéros. Je déteste cette vie. Ces
trois derniers mois, j’ai fini par en avoir marre de cette
vie. Oui quoi ! Que nous apporte-t-elle si ce n’est du
chagrin et la crainte de se faire buter à n’importe quel
moment ? Je n’en peux vraiment plus. Mais comment le
dire à Chris. J’étais consciente de tous ces paramètres
avant d’accepter de passer le reste de mes jours à ses
côtés. Je lui avais promis lors de notre mariage de le
soutenir dans tout. Aujourd’hui que mes sentiments ont
changé, je crains de mettre mon mariage en péril. J’ai
appris à connaître cet homme et si je sais une chose, c’est
que la mafia c’est toute sa vie. Il y tient plus qu’à sa vie.
Alors quels que soient mes arguments, il n'abandonnera
jamais ce monde. C’est encore moi qui sortirai perdante.

Cette boule que je garde sur mon cœur m’empêche de


manger convenablement. Déjà que je dine seule parce
que monsieur mon époux est sorti depuis ce matin régler
une urgence et qu’il n’est toujours pas rentré. Je lui avais
pourtant confié que je détestais rester seule à la maison
trop longtemps. Depuis que j’ai entamé le troisième
trimestre de ma grossesse, je veux tout le temps être
entourée de personne. Je me sens tout le temps seule et
ça me rend mélancolique à chaque fois. Il le sait mais il
préfère aller tuer ses ennemis que de rester me tenir
compagnie. J’ai tellement envie en ce moment de parler
à quelqu’un. D’exprimer tout ce que je ressens. Joie,
peine, tristesse, tout.

Je me mets au lit et j’ai du mal à dormir. Les bébés font


des gymnastiques dans mon ventre. On croirait qu’ils
sont plus que deux. Je ne fais que tourner sur le lit. Il est
23h quand Chris entre dans la chambre. Il se dirige
directement dans la salle de bains. Il en ressort plusieurs
minutes plus tard vêtu de sa tenue magique qu’il enfile
uniquement lorsqu’il a des comptes à régler mais surtout
du sang à faire couler. Je me redresse sur le lit.

— Où vas-tu ?
— Désolé, je ne voulais pas te réveiller, s’excuse-t-il sans
pouvoir dissimuler la colère dans sa voix.
— Aussitôt rentré que tu pars. J’ai aussi besoin de toi,
Chris.
— J’ai des choses à régler et je te reviens.
— Chris !
— Inayah s’il te plaît ! coupe-t-il en haussant le ton. Tu
ne vas pas recommencer. J’ai des choses à régler. Je serai
tout à toi quand j’en aurais fini.

Il part vers son armoire, sort son arme à feu et la range


dans son dos. Il sort ensuite et claque la porte derrière lui.
Je dois supporter ses humeurs quand les gens de
l’extérieur le mettent en rogne. Mais moi qui supporte
mes humeurs de femme enceinte ?
Trois heures trente minutes. L’heure à laquelle il rentre.
Il a l’air plus apaisé. Il entre encore dans la salle de bains
sans refermer derrière lui. J’entends l’eau couler. Je m’y
rends sans faire de bruit. Il y a son pull noir à col roulé
qu’il avait porté dans la poubelle. Je le palpe et du sang
se colle sur mes doigts. Je n’en peux plus de cette vie
d’assassin. Je veux qu’il soit un homme normal. Depuis
la nuit des temps, nous savons que les meurtriers sont
dans le mauvais camp. Dieu a dit, tu ne tueras point. Je
veux être un modèle pour les plus jeunes, surtout les
jeunes filles. Je me mets dans la peau des familles de ces
victimes. Certaines victimes font certes partie de ce
monde de fous mais d’autres ne le sont pas. Elles ont juste
la malchance d’être là au mauvais moment ou de payer
pour les bêtises des autres. C’est plus cette deuxième
catégorie de personnes qui me fait me sentir mal.

Je retourne me coucher. Il ressort avec juste un bas de


jogging sur lui. Ça me met tout de suite en chaleur. Je
ferme les yeux quand il s’approche. Il se place derrière
moi et automatiquement me serre dans ses bras. Ce geste
a pour don de faire passer ma colère. Je me retourne en
faisant attention de ne pas retirer son bras autour de ma
taille. Il a les yeux fermés.

— Pourquoi ressens-tu le besoin de tuer, lui dis-je en le


regardant dans la pénombre.
Il ouvre les yeux. Un long moment de silence s’installe.
Il soupire et ferme les yeux.

— Ce n’est pas un besoin. C’est une obligation si je veux


me faire respecter.
— Est-ce possible d’arrêter ? Je commence à détester
cette partie de toi.
— Tu vas devoir t’y faire.
— Je…
— Comment va le bébé ?

Je soupire.

— Les bébés.

Il ouvre les yeux.

— Des jumeaux ?
— Oui. Et je ne veux pas qu’ils grandissent dans ton
monde.
Je lui tourne le dos. Il pousse un soupir mais garde
toujours son bras autour de ma taille. Je dois parvenir à
le convaincre. Nous ne pouvons pas continuer à vivre
cette vie.

Je le regarde s’asseoir autour de la table à manger pour le


petit-déjeuner. Il est magnifiquement bien vêtu. J’aime
tellement l’admirer. Je peux y passer des heures. Il
entame son petit-déjeuner quand moi je termine le mien.

— Chris !

Il soulève les paupières en buvant son café.

— Concernant ce que je t’ai dit hier, j’étais sérieuse.


— Moi également.
— Mais…
— Non, stop. Je commence par en avoir par-dessus la
tête. Je déteste le jeu auquel tu veux jouer. Tu veux
essayer de me faire changer ? Tu as perdu d’avance. Je
suis comme je suis. C’est à prendre ou à laisser.

Il pose sa serviette de table et quitte la maison. Je m’y


prends sans doute mal mais ça brûle en moi. Je veux un
homme normal. Je ne veux pas que mes enfants touchent
aux armes, à la drogue et deviennent des personnes
insensibles. Je veux le meilleur pour eux. Je ne demande
pas à Chris d’abandonner la mafia. Je veux qu’il arrête de
tuer. C’est plus là que se situe mon problème.

DEUX JOURS PLUS TARD

Je regarde Chris rentrer tout furieux dans la salle de bains.


Le regard sombre que j’ai vu me fait deviner ce qui se
passe. J’en ai la confirmation quand il réapparaît dans sa
tenue des jours mauvais. Il se dirige vers le tiroir qui
contient son arme. J’en profite pour me coller à lui par
derrière.

— J’ai envie de toi, je lui souffle en commençant par le


défourrer.
— Pas maintenant, s’il te plaît ! m’arrête-t-il en stoppant
mon geste.
— On ne dit pas non à une femme enceinte.
— Je m’occuperai de toi à mon retour.

Il me repousse doucement et marche vers la porte.


— Tu préfères aller tuer que de t’occuper de ta femme
enceinte, c’est ça ?

Il s’arrête. J’attends qu’il réponde mais il reprend son


chemin vers la sortie. Je le suis.

— Chris pourquoi me négliges-tu ?

Il continue sans me répondre. Je le suis jusque dans les


escaliers en continuant à bavarder. Je sais que j’en fais un
peu trop mais je suis enceinte et les hormones ne sont pas
pour arranger les choses. Je trébuche subitement entre
deux marches. Mon cri alerte Chris qui se retourne et
accourt vers moi.

— Pourquoi tu n’écoutes pas, Inayah ? me gronde-t-il se


baissant pour vérifier ma cheville qui n’a heureusement
rien eu de grave.
— C’est toi qui n’écoutes pas. Jamais je n’avais été autant
chiante. La grossesse ne me facilite pas la tâche et tu ne
m’accordes pas assez de ton temps comme avant. J’ai
pourtant besoin de toi. Je veux me sentir aimée.

Je me mets à pleurer. Fichues hormones. Chris s’assoit


près de moi.
— Tout ce que je fais c’est pour te protéger, me confie-t-
il avec plus de douceur. Je dois éliminer toute personne
susceptible de te faire du mal.
— Je serai plus en sécurité si tu es là. C’est de Chris dont
j’ai besoin. Pas de Dark.

Il regarde dans le vide un long moment avant de passer


un coup de fil durant lequel il parle sa langue. Il raccroche
et se lève. Il me soulève dans ses bras et me reconduit à
notre chambre.

— Je suis tout à toi maintenant.


— Tu ne sors plus ?
— Quelqu’un d’autre se chargera de ma tâche.

Je souris. Je ne pensais pas réussir mais ça me réjouit


qu’il reste finalement pour moi. Il nous déshabille et nous
passons un fantastique moment.

*Mona
*LYS
Pour me faire changer un peu les idées, Chris m’a
emmenée ce soir à la soirée anniversaire de mariage d’un
de ses partenaires d’affaires. Cette soirée est carrément
différente de toutes les autres auxquelles nous avons pu
assister. Les gens sont détendus. Tout le monde rigole,
échange, mange, boit et danse pour certains. Chris ne me
l’a pas dit mais je sais que le type en question fait aussi
partie de la mafia. Il y a d’ailleurs plusieurs autres visages
que je reconnais. Pour une fois que je les vois tous autant
détendus, je ne vais pas m’en plaindre. Et pour une fois,
il y a des enfants. Ces mioches courent partout entre les
tables. Ça procure la bonne humeur. Chris et moi sommes
assis à la table d’honneur avec le couple célébrant. Les
LAURENZ. La femme réussit enfin à mettre la main sur
son petit garçon qui depuis le début de la soirée n’a cessé
d’être en mouvement dans tout le jardin.

— Josh, viens que je te présente, lui dit-elle.

Je fonds devant tant de beauté et d’innocence. Il me


regarde avec ses magnifiques petits yeux verts.

— C’est le petit dernier. Il a cinq ans.


— Salut Josh. Comment vas-tu ?
— Très bien Madame.
Waouh ! Il est très bien éduqué. J’en félicite la mère.

— Quand je serai plus grand, je demanderai votre main à


oncle Chris, dit-il subitement.

Je suis tellement épatée par son éveil que j’éclate de rire.

— Ça va être difficile de réussir à le convaincre, lui dis-


je.
— Nous trouverons bien un terrain d’entente. Vous êtes
belle avec votre ventre. Moi aussi j’étais dans le ventre
de maman. Fille ou garçon ?
— Josh, ça suffit, le reprend sa mère.
— Oh non, laissez-le. Ça ne me dérange pas. Ce sont des
jumeaux. Quant aux sexes, je préfère avoir la surprise à
l’accouchement.
— Ce seront deux garçons comme ça ils viendront jouer
au foot avec moi. J’ai toute une salle de jeux à moi tout
seul. Bon, mes frères viennent souvent m’embêter mais
comme maman dit toujours de partager, je les laisse se
servir. Par contre eux ils refusent que moi je touche à
leurs choses. C’est injuste. Quand je deviendrai leur
grand-frère, je les punirai.
Je ne peux m’empêcher de rire franchement. J’adore cet
enfant. Sa mère secoue la tête, tellement surprise par les
paroles qui sortent de la bouche de son fils. L’enfant
retourne courir après son long discours.

— Des fois je n’en peux plus d’eux, m’avoue-t-elle.


— Il est adorable.
— C’est bien ce qui m’empêche de le vendre, rigole-t-
elle. Malgré tous les maux qu’ils peuvent nous causer, les
enfants restent toujours nos plus belles réalisations. Je ne
les échangerai pour rien au monde. Ils sont ce qu’il y a de
plus précieux dans ma vie. Tu comprendras quand les
jumeaux naîtront.
— Qu’est-ce que ça fait d’être mère ?
— C’est épuisant crois-moi mais très passionnant. On ne
veut plus arrêter de jouer ce rôle une fois qu’on y a goûté.

Je regarde mon ventre en le caressant. Comme j’ai hâte


de vivre ça. Je lève les yeux vers Chris qui est depuis un
moment arrêté avec certains des hommes présents à
discuter. Il me regarde également. Nous nous regardons
juste. Cet échange de regard exprime tout l’amour que
nous ressentons l’un pour l’autre. Je ne doute pas qu’il
sera un génial père pour nos enfants.
Des coups de feu retentissent de l’autre côté de la maison.
Des regards d’interrogations sont échangés entre tous.

— C’étaient des coups de feu ? me demande mon hôte.


— Ça y ressemblait.

D’autres coups de feu retentissent de nouveau et des


hommes armés sortent de nulle part. Ils se mettent à tirer
dans le tas.

— INAYAH !!!

Chris court vers moi en sortant son arme. Gab et Ben me


protègent en tirant dans la direction des bandits. Des
corps tombent comme des mouches. Certains réussissent
à s’échapper. Les hommes se dirigent vers le couple
LAURENZ. Je crois que ce sont eux la cible. Chris me
tire par la main et nous réussissons à accéder à la maison.
Mais nous tombons sur deux hommes. Nos deux gardes
les éliminent. Nous courons vers l’extérieur quand une
voix d’enfant derrière nous m’oblige à me retourner.
C’est Josh. Il est tout en pleurs et réclame ses parents.
— Chris, nous devons le récupérer.
— C’est trop dangereux. On y va.

Je retire de force ma main de la sienne et cours vers le


gosse. Je ne vais pas bien loin quand il se fait cribler de
balles par un homme apparu devant lui. J’ai le sang qui
se congèle automatiquement. Je me fige sur place
tellement heurtée par cette atrocité. Je regarde le corps de
l’enfant tomber au sol. La douleur que je ressens dans
mon cœur se répercute dans mon ventre. Le meurtrier du
petit se tourne vers moi mais le choc est tel que je n’arrive
pas à m’enfuir. Je reste bloquée sur le corps sans vie de
l’enfant.

— INAYAH !!!

Chris se place devant moi et prend la balle qui m’était


destinée. Il tire ensuite dans la tête du bandit. Il me prend
de nouveau la main et me conduit dehors.

Durant tout le trajet, je n’ai pas pipé mot. Je ne cessais de


voir encore et encore la scène du l’assassinat de Josh. Ce
n’est pas possible d’être autant insensible. Tuer un enfant
innocent de sang-froid ? Mon Dieu, dans quel monde
sommes-nous ? Assise sur le lit, je regarde mon mari qui
agit comme si rien ne s’était passé. Tout ce qui le
préoccupe c’est son bras blessé. Il déchire la manche de
sa chemise et examine sa plaie.

— Comment peux-tu être aussi calme après ce à quoi


nous avons assisté ?
— Ce sont des choses qui arrivent. Repose-toi, demain tu
seras passée à autre chose.
— JE TE PARLE D’UN ENFANT QUI S’EST FAIT
TUER.

Ma gorge se noue sur le coup de l’émotion qui me prend


aux tripes. Mes larmes coulent comme un ruisseau.

— On aurait pu le sauver.
— Si nous l'avions pris, nous ne serions pas là ce soir.
Son sort était déjà scellé.
— Et tu me le dis comme ça, sans une once de
compassion. Comment tu peux être autant insensible ?
Ça aurait pu être nos enfants.
— Inayah, mon monde est rempli de ce genre d’injustice.
Tu vas devoir t’y faire.
— Non je refuse. Mes enfants ne feront pas partie de ton
monde. Non. Tu ne les y entraîneras pas.
— Pourquoi réagis-tu comme si tu venais de découvrir le
milieu de l’ombre ? Je te rappelle qu’il y a huit mois tu
étais prête à prouver à la terre entière que tu pouvais être
une mafieuse.
— Oui, parce qu’il n’y avait pas d’enfants en jeu. Chris,
tu dois quitter la mafia. Pour le bien de nos enfants.
— Le choc t’a sans doute fait perdre la mémoire mais la
League est un héritage familial depuis quatre générations.
Mes garçons y grandiront, y règneront et deviendront
forts. Je ne t’ai jamais caché cette partie de ma vie et tu
l'as acceptée. Maintenant, si tu en as marre de voir du
sang et des armes, tu peux toujours t’en aller. Le divorce
n’existe pas pour les animaux.

Il entre dans la salle de bains et claque la porte. C’est à


moi qu’il a parlé de la sorte ? Je ne vais pas rester là à
supporter l’insupportable. Mettre la vie de mes enfants
continuellement en danger ? Jamais. Je sors deux grandes
valises et commencent à ranger mes vêtements. Je préfère
partir pour préserver la vie de mes enfants que de rester
vivre une quelconque histoire d’amour qui les exposera
encore plus.

— Que fais-tu ? me demande Chris qui est ressorti de la


salle de bains avec un bandage sur le bras.
— Tu as dit que je pouvais partir si j’en avais marre alors
je pars. Loin de toi et de tes cinglés de partenaires.
— Arrête tes caprices et couche-toi. Tu devrais éviter
autant d’agitation.
— Mais bordel tu ne vois pas que la mafia détruit peu à
peu ta vie ? Elle t’arrache, ou du moins nous arrache les
gens que nous aimons. La mafia t’a pris tes parents,
Alana a perdu le seul homme qu’elle ait jamais aimé, j’ai
perdu ma meilleure amie et toi tu vas maintenant me
perdre. Dis-moi donc ce qu’elle t’apporte de concret cette
fichue mafia ? De l’argent ? Tes autres entreprises t’en
rapportent autant. Alors c’est quoi ?

Il me fixe durement sans oser réfuter mes dires.

— Tu viendras me chercher quand tu te seras décidé à


tout quitter pour le bien-être de ta famille. Ou sinon, tu
peux me faire parvenir les papiers du divorce.

Je boucle mes valises. Je sors demander à Gab de venir


les récupérer pour les ranger dans ma voiture. Il insiste
pour me conduire pour ma sécurité. Je ne vais pas refuser
après ce que j’ai vécu cette nuit. J'en tremble encore. Je
ne regarde pas en arrière quand la voiture sort de la
concession. Je suis déterminée dans ma décision. Je
perdrai sans doute l’homme que j'aime. Mais j’aurai au
moins mes deux enfants en bonne santé près de moi. Ils
ne subiront pas le même sort que Josh. Qu’il repose en
paix ce petit ange.
23

***JEOFFREY

Réussirai-je à oublier Alana ? Pourrais-je passer à autre


chose ? Arriverais-je à aimer une autre autant, voire plus
que je n’ai aimé Alana ? Telles sont les questions que je
me pose en regardant le corps nu d'Anaïs blotti contre
moi. Comment cette relation a-t-elle débuté ? Je ne
saurais le dire. Nous nous sommes juste rapprochés lors
de son premier séjour chez moi. Puis au deuxième, les
choses sont allées assez vite sans que je ne puisse avoir
le contrôle. Je me suis surpris en train de l’embrasser. Je
crois qu’elle a entamé les choses et je n’ai pas pu la
repousser. Comment l’aurais-je pu quand j’étais au plus
mal ? J’avais besoin d’affection, elle m’en a donné, j’ai
succombé. Voilà quatre semaines que nous sortons
ensemble pour le plus grand bonheur de ma mère. Elle
parle déjà de notre mariage. Ça ne fait pas partie de mes
projets pour l’heure. J’ai pris la décision de faire de mon
travail ma priorité. On verra si le mariage finit par
reprendre sa place dans mes projets.

— Tu es réveillé ?
Je rencontre ses yeux ouverts et braqués sur moi.

— A quoi penses-tu ?
— A rien.

Elle jette un coup d’œil au réveil.

— Je vais nous faire le petit-déjeuner.

Elle disparaît toute nue dans la salle de bains et après


quelques minutes ressort en peignoir de bain. Je profite
de son absence pour prendre une douche. J’entends la
sonnette retentir pendant que je m’habille.

— Il y a ton ami flic qui est là, m’annonce Anaïs en


rentrant.
— Ok je viens.
— Je vais me préparer pour aller faire les courses. Il ne
reste presque rien dans le frigo.
— J’irai te déposer avant de me rendre au bureau.
— Ça marche.
Je retrouve Boris dans le salon.

— Comment vas-tu frangin ? je le salue en lui serrant la


main. Quelles sont les nouvelles ?
— Je vais bien mais je n’ai pas de très bonnes nouvelles.
— Qu’y a-t-il ?

Je lui fais signe de s’installer.

— C’est à propos de Marc. Il s’est évadé de prison.


— Quoi ? Comment cela se fait-il ?
— Il l’a fait avec la complicité de certains gardes qui lui
devaient des services. Nous les avons cuisinés et ils ont
fini par avouer. Les enquêtes que nous avons menées ont
fini par révéler que Marc était en contact avec la
dénommé Shana.
— Celle qui est morte calcinée ?
— Oui. Nous avons conclu qu’il avait de même planifié
le meurtre de Steven.

Bien que j’en doutais, cette révélation me fait l’effet


d’une bombe. Comment est-ce qu’il a pu nous faire ça,
nous sa propre famille ? Et pour quel but ? Atteindre
Alana ? Me faire du mal à moi ? Nous étions tous les
deux visés c’est certain.

— Vous devez le retrouver, dis-je avec colère.


— Ça sera difficile vu que nous soupçonnons qu’il ait
quitté le pays. Son plan était bien ficelé. Mais nous
mettrons toutes les chances de notre côté pour le
retrouver. Néanmoins, vous, vous devez rester sur vos
gardes. Son ennemie c’est ton ex mais les données ont
sans doute changé.
— Merci !

Je le raccompagne à la porte. Marc a atteint le fond. Je le


déteste de plus en plus. Je ne souhaite plus qu’il parte en
prison. Je veux qu’il meurt. La prison est une bien une
trop petite peine pour lui. J’espère qu’il se fera prendre le
plus vite possible.

— Ça va ? s’inquiète Anaïs en remarquant l’inquiétude


sur mon visage.
— Ça pourrait aller. Mon cousin s’est échappé de prison.
— Vos vies sont en danger ?
— Je ne pense pas. Nous n’avons jamais été ses ennemis.
Tout ce qu’il a fait c’était contre… Bref, oublions. Si tu
es prête on peut y aller.
Nous arrivons au supermarché une quinzaine de minutes
plus tard. Finalement j’entre faire les courses avec elle.
Je n’ai plus la tête à aller bosser. Je pousse le caddie à
travers les rayons pendant que Anaïs le remplit. Elle me
raconte des anecdotes vécues avec sa famille. Je reste sur
place un moment pour répondre à un appel. Elle part dans
un autre rayon chercher des produits ménagers. Une
femme enceinte entre avec son caddie dans le rayon où je
me trouve. Je ne lui prête pas tout de suite attention. Mais
lorsque mon regard rencontre celui de la deuxième qui
apparaît à sa suite, mon cœur manque un battement.
Alana ne me voit pas tout de suite. Elle discute avec celle
que je reconnais comme étant Inayah. Elle manque de
tomber en prenant un paquet de couche de bébé trop haut.
Je me dépêche de lui attraper le bras. Quand elle
s’aperçoit de ma présence, elle recule de deux pas et place
le paquet devant elle. Le temps semble s’être arrêté dans
cet échange de regards. Mon cœur bat à une folle allure.
Je la trouve un peu changée. Elle a pris énormément de
poids mais qui la rende encore plus belle. Je cherche quoi
lui dire. Aucune phrase adéquate ne tombe sur ma langue.
Son regard m’embrouille.

— Chéri, j’ai trouvé ça pour toi ?


Anaïs s’accroche à mon bras et me met une boîte de
chocolat sous le nez.

— Tu m’avais dit ne plus en trouver partout.


— Merci !
— De rien.

Elle pose un baiser sur mes lèvres et sans faire attention


aux deux femmes en face, elle se lance dans la recherche
d’autre chose. Alana me contourne avec son caddie et
sort du rayon. La présence d’Anaïs m’empêche de la
retenir. Je n’arrive plus à me concentrer sur la
conversation de cette dernière. Je dois impérativement
parler à Alana avant qu’elle ne disparaisse de nouveau.

***ALANA

— Pourquoi tu ne lui as pas parlé ?


— Pour lui dire quoi ? Tu as bien vu comme moi qu’il
était très bien accompagné.
— Et toi tu as vu comme moi de l’amour dans le regard
qu’il a posé sur toi.
— Ça ne compte plus. Passons à autre chose.
— Tu ne lui diras donc jamais pour le bébé ?
— Pas tant que je serai enceinte. C’est une aubaine qu’il
n’ait pas remarqué mon petit ventre. Après
l’accouchement je verrai. Et toi au lieu de me faire la
morale, rentre auprès de ton homme.
— Tchip !

Elle croise les bras et tourne la tête de l’autre côté de la


vitre. Je n’avais pas prévu rencontrer Jeoffrey. Je ne
voulais pas. Mais cette rencontre a mis, l’espace d’un
moment, toutes mes résolutions en doute. Je me secoue
la tête pour le chasser de mon esprit. Je dépose Inayah
dans son nouvel appartement et je me rends chez mon
frère. Je suis rentrée hier mais pas définitivement. Je
retourne ce soir même. Je devais récupérer certains
dossiers et le reste de mes affaires. Dans la précipitation
j’avais laissé des choses importantes.

— Comment va-t-elle ? me demande mon frère après que


je me sois assise devant lui.
— Épuisée par la grossesse.
— Tu sais de quoi je veux parler.
— Toujours en colère.
— Elle se calmera après l’accouchement. Ce sont les
hormones qui la font réagir de la sorte.
— Tu ne comptes donc pas lui parler ? Je veux dire,
essayer d'arranger les choses.
— Ça lui passera.
— Les cernes sous tes yeux montrent que tu as des nuits
agitées.

Il joue avec son stylo.

— Dis-moi toi ce que tu en penses, me demande-t-il avec


beaucoup de sérieux.
— Toi et moi n’avons pas les mêmes raisons de mener
cette vie. Moi j’y suis entrée parce que c’était la seule
porte d’un avenir meilleur qui m’avait été ouverte. Toi
c’est tout autre chose. On parle d’héritage familial. Toi,
serais-tu prêt à tout abandonner pour disparaître avec
elle ?

Il se redresse dans son siège. Il geint.

— La League c’est toute ma vie.


— Et Inayah ? Les bébés ?

Il se masse le visage.
— C’est insensé qu’elle me demande de faire un choix.
Je ne peux vivre sans l’un ni l’autre.
— Peut-être que le moment est arrivé de passer le
flambeau.

Ses yeux se braquent sur moi.

— Il est peut-être temps de tracer un autre chemin aux


IVANOV, lui dis-je avec appréhension.

Je redoute sa réaction mais bizarrement aucune ne vient.


Il demeure pensif.

— Bon je vais y aller. Mon heure est arrivée.


— Tu m’appelles quand tu arrives.
— Sans faute.

Je pose ma main sur mon ventre en m’en allant. C’est un


reflexe que j’ai acquis depuis un moment. Je me touche
le ventre à chaque fois pour mesurer le volume. J’en suis
à presque sept mois mais il se voit à peine. On aurait dit
j’en suis à trois. Je me réjouis du fait que je n’ai ni nausée
ni tous ces maux liés à la grossesse. Je respire la forme.
Je me demande encore comment je réussirai à vivre avec
cette grossesse. J’avais déjà dépassé le premier trimestre
quand j’ai découvert que j’étais enceinte. Les mois qui
ont suivi ont été agités pour moi car je ne savais quoi
faire. J’aurais dû insister pour que nous n’arrêtions pas
les protections. Comme j’aurais aimé que Jeoffrey soit là.
Comme j’aimerais tant l’embrasser une dernière fois
avant de m’en aller. J'entends le bruit d’une voiture quand
j’ouvre la porte de chez moi, mais je n’y prête pas
attention.

— Alana !

Je me retourne vivement après avoir reconnu la voix.


Jeoffrey fonce droit sur moi. Je recule de trois pas. Il n’est
pas là pour bavarder. Je le sens. Il se jette directement sur
mes lèvres et me soulève. Je m’accroche
automatiquement à lui. Il nous fait entrer, claque la porte
d’un coup de pied et me plaque contre cette porte.

— Joe ! dis-je dans un gémissement.

Il ne m’écoute pas. Il coupe d’un coup sec mon dessous


sous ma robe. Ses doigts caressent ma fleur pendant que
son baiser se fait de plus en plus langoureux. Je suis
partagée entre le repousser de peur qu’il découvre mon
petit ventre rond et le désir qu’il me fasse l’amour.

— Joe !

Il arrête ses caresses et la seconde qui suit, je le sens


ouvrir ma chaire d’un coup violent.

— Joe ! dis-je cette fois dans un cri de plaisir.

Il y va avec hargne comme s’il voulait exprimer un


ressentiment. Mais ça me procure le plus grand bien. Je
m’agrippe à lui de peu de tomber tellement c’est intense.
Le manque l’un de l’autre nous fait lâcher assez vite.
Nous restons tout de même accrochés l’un à l’autre. J’en
profite pour humer son parfum. M’en imprégner à vie si
possible. Cet homme me rend folle. Si je reste dans ses
bras une minute de plus je risque d’envoyer tout bouler,
tout lui avouer sur mon état et nous redonner une autre
chance. Je le repousse et descend. Je referme ma blouse
sur mon ventre.

— Tu dois t’en aller.


— Nous devons parler.
— Tu sais pertinemment que nous n’avons plus rien à
nous dire. J’ai un avion à prendre.

Je vais dans la salle de bains de ma chambre me nettoyer


en pensant qu’il s’en irait mais à mon retour il est encore
là.

— Ne t’en vas pas, s’il te plaît !


— Va-t’en Joe.
— J’ai besoin de toi.
— Tu as une copine. Concentre-toi sur votre relation.
— C’est toi que j’aime. Tu le sais. Je veux que tu restes.
Toi et moi devons parler, trouver une solution, se
remettre ensemble ou demeurer amis le temps d’y voir
plus clair. Bref, mais tu dois rester.
— Tu perds ton temps. Et c’est mon dernier mot.

Il me fixe avec une telle intensité que je suis obligée de


détourner la tête. Il finit par s’en aller. Pourquoi devrais-
je prendre le risque maintenant de rester près de lui en
ayant connaissance de l’évasion de Marc FLYNN. Me
remettre avec Jeoffrey serait le mettre en perpétuel
danger. Et pas que lui. Sa famille avec. Je ne veux plus
de sang sur mon nom. Marc et Shana en ont assez fait.
Nous savions pour l’implication de Marc mais Chris a
préféré qu’on le laisse aux mains de la justice. J’essuie
les larmes qui ont déversé sur mes joues. Je ramasse mes
affaires et claque la porte derrière moi.

***CHRIS

Que m’a fait cette femme ? Comment a-t-elle fait pour


avoir autant d’emprise sur moi ? Je n’en reviens pas. Ça
fait pratiquement plus de cinq minutes que je tiens du
bout de mon arme un homme qui a failli faire foutre en
l’air une affaire importante et je n’ai toujours pas les
couilles pour lui flanquer une balle entre les yeux. Ça
commence à bien faire.

— Boss, vous voulez que je m’en charge ?

Si j’en arrive au point où Ben se propose d’accomplir ma


tâche, ça signifie que j’ai touché le fond.

— Occupe-toi de lui, je lui ordonne en tournant le dos.

Je fais deux pas quand je m’arrête. Je me retourne vers


Ben.
— Non, relâche-le.
— Hum ?
— J’ai dit de le relâcher. Ou si tu veux donne-lui
quelques coups mais tu le relâches vivant.

Je range mon arme et retourne à ma voiture. Après tout,


cet homme n’a rien fait qui mérite qu’on lui prenne sa
vie. J’ai pris l’habitude d’en finir avec toute personne qui
se met sur mon chemin d’une façon ou d’une autre. Et je
suis en train de perdre cette habitude. Inayah agit sur mon
cerveau bien qu’absente. Comme mon père, je suis en
train de me laisser dominer par une bonne femme.

Je suis bien loin quand Ben m’appelle.

— Quoi ?
« — Gab vient de m’appeler. Madame se trouve à
l’hôpital. Elle aurait des contractions. »

Fais chier ! Je change de chemin. J’ai les mains qui


deviennent toutes moites sur le volant. Si l’accouchement
doit se faire cette nuit je dois avouer que je ne me sens
pas prêt. Je ne l’ai jamais avoué mais l’idée d’être père
m’a toujours foutu la frousse. Mon père a été le meilleur
pour moi. Seulement les événements qui ont précédé sa
mort m’ont affecté négativement. J’ai eu honte de mon
père. Honte d’être son fils. J’en ai souffert. Voir son père,
ce grand homme que tout le monde craignait, cet homme
qui ne souriait presque jamais hors de chez lui, s’humilier
devant un homme sans grande importance. Ça avait brisé
quelque chose en moi. Je ne voulais pas être une honte
pour mon fils raison pour laquelle j’avais décidé de ne
pas en avoir. Le jour où j’ai découvert les tests de
grossesse dans la salle de bains, j’ai tout de suite paniqué.
Mais pas pour bien longtemps car Ben m’informait la
bêtise d’Inayah d’aller rencontrer Dylan FOXX.
Comment allais-je perpétuer la League chez les
IVANOV. Alana était le choix parfait. C’était la
principale raison pour laquelle je l’avais prise sous mon
aile. Une femme à la tête de la League ? Je voulais
changer cette règle et j’étais plus que persuadé qu’elle
aurait assuré. Après on aurait avisé. Les choses ne se sont
pas passées comme je l’avais programmé. Tout est parti
en sucette. Est-ce une bonne chose ? Je me le demande
chaque jour.

J’ouvre avec force la porte de la chambre où se trouve


Inayah. Je souffle de soulagement en la voyant assise
paisiblement sur le lit. Le Docteur se trouve à ses côtés.

— Bonsoir Monsieur IVANOV.


— Comment va ma femme ?
— Elle va bien. C’était une fausse alerte.

Je souffle de nouveau. Le Docteur nous laisse seuls. Je


m’approche d’Inayah qui évite de me regarder.

— Comment vas-tu ? je lui demande.


— Tu as entendu le Docteur.
— Inayah !

Elle soupire.

— Je vais bien, répond-t-elle en faisant toujours la


tronche.
— Tu dois rentrer à la maison.
— Je t’ai déjà donné ma seule condition.
— Tu ne peux pas me demander de tout jeter à la poubelle
en un claquement de doigt. On parle de toute ma vie.

Elle roule les yeux. Je me rapproche encore plus d’elle.

— J’ai épargné une vie cette nuit.


Elle me regarde enfin.

— A vrai dire, ça fait la quatrième vie que j’épargne


depuis une semaine que tu es partie.

Son visage se détend.

— J’ai besoin de temps, Inayah. De beaucoup de temps.


Quatre générations, ça ne se balaie pas aussi facilement.

Elle détache ses bras et pose une main sur son ventre. Je
pose ma main par-dessus. Nous recevons des coups des
bébés.

— J’ai terminé la chambre des bébés. J’ai ajouté ce qu’il


fallait pour le deuxième. Tu dois rentrer.
— Je veux rentrer dans mon appartement.

Je n’insiste pas. Les formalités terminées, je l’aide à


s’installer dans sa voiture. Gab se charge de la
reconduire.
*Mona
*LYS

Je me réveille tout courbaturé après avoir passé la nuit


dans mon bureau. Le lit était trop froid pour que j’y passe
la nuit. Je monte dans ma chambre me préparer pour le
boulot. Je ressors plus tard de la salle de bains en
m’essuyant les cheveux. Je ne regarde pas où je mets les
pieds quand j’entre dans un objet. Je relève la tête et
tombe sur deux grandes valises. Elle est rentrée ? J’enfile
assez rapidement un pantalon et un tee-shirt. Depuis les
escaliers j’entends du bruit provenant de ma cuisine.
J’accélère les pas. Je les ralentis quand je la vois enfin.
Elle est de dos, occupée à faire à manger. Le chien remue
la queue près d’elle. Je sens un poids me libérer en la
voyant de nouveau ici. Elle m’aperçoit quand elle sert la
bouffe au chien.

— Quand es-tu rentrée ?


— Ce matin. Je t’ai trouvé amaigri hier.

Peu importent toutes les raisons qu’elle me sortira, je suis


heureux qu’elle soit près de moi. Je capture ses douces
lèvres en tenant sa tête en coupe. Elle m’attrape et répond
au baiser.
— Merci d’être revenue.
— Je ne voulais pas que tu meures de faim.

Je ris. Je pose mon menton sur sa tête en la serrant contre


moi.

— Ne repars plus.

Elle répond de la tête. Je savoure de nouveau ses lèvres


en prenant le soin de lui faire comprendre à quel point
son corps m’avait manqué.

— Chris… Le petit-déjeuner, dit-elle entre mes baisers.


— Ça peut toujours attendre.

Je la conduis à notre chambre où je lui fais l’amour


pendant de longues minutes. J’ai longuement été privé de
sa présence. Faut bien que je me rattrape.

Ce soir, j’ai invité Inayah à dîner dans un restaurant en


ville. C’est la toute première fois de toute ma vie de le
faire. Nous avons déjà eu à partager des repas dans des
restaurants mais pas de façon aussi solennelle. Ce soir je
lui ai préparé un diner en amoureux. Je me sens blasé
avec tout ceci. Je ne sais pas faire dans le romantisme.
J’ai fait sacrément d’effort pour la faire se sentir aimée.
Disons que j’ai une aubaine qu’elle ne soit pas trop
exigeante de ce côté. Elle sait se contenter de ce que je
lui donne gauchement. J’ai demandé à ce qu’on nous
dresse une table sur la terrasse du restaurant. Aucun autre
client ne devra avoir accès à cette terrasse. Je veux me
retrouver en tête à tête avec ma femme.

Je lui tire sa chaise et m’assois après elle. Elle est


émerveillée par la vue que nous propose cette terrasse. Ce
sourire sur ses lèvres, je ne veux jamais cesser de le voir.
Elle regarde la vue, je la regarde elle. Aucune vue ne sera
aussi belle qu’elle. Elle tourne la tête et me sourit.

— A quoi penses-tu ? me demande-t-elle.


— Je n’en sais trop rien. Tu aimes ?
— J’adore. Mais j’ai faim. Tes enfants ne cessent de me
donner des coups.

Je souris. Je fais signe au serveur qui apporte une


charrette sur laquelle sont disposées plusieurs différents
mets que j’ai choisi au préalable.
— J’espère ne m’être pas trompé sur tes goûts, dis-je avec
crainte.
— Il y a tout ce que j’aime.

Je me sens soulagé. Elle choisit ce qu’elle veut manger


tout de suite. Le serveur lui fait le service avant de
s’arrêter à une certaine distance de nous. Je la contemple
engloutir tout ce qui se trouve devant elle.

— Si je dois tout arrêter, je serais donc obligé de tout


vendre et nous acheter une petite île rien qu’à nous pour
garantir votre sécurité.

Elle lèche la petite cuillère entachée de crème au chocolat


et la dépose.

— Je me suis rendue compte avoir été égoïste. Je n’aurais


jamais dû te demander chose pareille.
— Tu as réagi comme ma mère autrefois. Mon père avait
réussi à la convaincre qu’il ne nous arriverait jamais rien.
Je ne veux pas que tu finisses comme elle. Je ne veux pas
que nos enfants subissent le même sort que le petit Josh
LAURENZ. Toute la famille LAURENZ a péri cette
nuit-là. Je ne veux pas de ça pour vous.
— Tu le feras quand tu t’en sentiras prêt. Faudrait pas
avoir des regrets plus tard.

Elle pose sa main dans la mienne.

— Je t’aime Chris.

Une déclaration que je ne me lasserai jamais d’entendre.


Je souris. Je me lève en premier et l’incite à faire pareil.
Son énorme ventre me tient un peu à distance mais je
peux lui attraper la taille et l’attirer contre moi pour
l’embrasser.

— Vy prekrasny (Tu es magnifique, en russe).

Son visage s’illumine. Elle se blottit dans mes bras. Dans


cette position, nous bougeons tout doucement au rythme
d’une musique imaginaire. C’est apaisant. J’oublie tout.
J’oublie la mafia, les armes, le sang, la drogue,
absolument tout. Je me retrouve dans son monde à elle.
Un monde qui procure une certaine tranquillité. Je veux
y rester. Rester dans cette position toute la nuit. Au bout
d’une trentaine de minute, elle finit par s’assoupir. Alors
que nous nous préparons à rentrer, je reçois un appel
urgent qui nécessite que j’y aille.
— J’ai un truc important à gérer. Ça ne te dérange pas de
rentrer seule avec Gab ?
— Pas du tout. Je tombe de sommeil déjà.

Je lui prends la main et la raccompagne à la voiture.

— A tout l’heure. Je ne tarderai pas, lui dis-je après lui


avoir ouvert la portière.
— Ok. Sois prudent.

Elle monte dans la voiture et ressort aussitôt la tête.

— Hey Chris ! Toi et moi c’est pour la vie hein ?


— Tu l’as dit.

Elle me montre son petit doigt. J’y accroche le mien


comme un pacte. Je referme la portière. Je regarde la
voiture s’en aller jusqu’à se perdre dans une pénombre.
Je marche ensuite vers la deuxième voiture en répondant
à un appel. Le bruit subit d'un violent choc nous fait tous
sursauter. Ça vient de la direction empruntée par la
voiture d’Inayah. De la fumée s’élève dans le ciel et les
cris des passants troublent le silence de la nuit.
— Qu’est-ce que…
— Boss, c’est la voiture de votre femme, m’informe Ben.
— Quoi ?

Aussitôt l’information arrivée à mon cerveau que je me


mets à courir en direction de l’accident. La distance me
paraît interminable. J’y vais de toutes mes forces. Un
bolide est rentré en collision avec notre voiture. Seul le
côté avant est touché. La portière arrière est cependant
ouverte.

— Inayah !

Aucune trace d’elle dans la voiture. Je contourne la


voiture mais toujours aucune trace. Je reviens vers Gab
qui est effondré sur le volant. Je le relève par le col. Il est
en sang.

— Où est Inayah ? Où est ma femme ?


— Ils l’ont… emmenée, répond-t-il de façon inaudible.
— Qui ? QUI ???
Il tombe dans les pommes. Je le laisse tomber de nouveau
sur le volant. Je jette un coup d’œil à la voiture. Elle ne
me dit rien qui vaille. Mais je comprends tout de suite que
ma femme vient de se faire enlever. Le sang me monte à
la tête.

— Je veux des noms, Ben. JE VEUX DES NOMS


MAINTENANT.

Oser s’en prendre à ma femme ? Qui que ce soit, des têtes


vont tomber.
24

***CHRIS

J’explose la première tête.

— Qui vous a envoyé et où se trouve ma femme ?

Ils se mettent tous à trembler. J’ai pu mettre la main sur


ceux qui ont causé l’accident et enlevé Inayah. Ces
enfoirés n'ont rien voulu dire à mes hommes. Je me
voyais obligé de prendre la relève. Ils sont tous tombés
de haut en découvrant que c’était ma femme leur victime.

— Dark, nous ne savions pas que…

Je le fais taire avec une balle dans l’œil.

— Épargnez-moi les mots inutiles. Je veux une réponse


claire et précise. Qui et où ?
Ils échangent de nouveau des regards. Je tue un troisième.
Il en reste trois.

— Nous ne connaissons pas leurs noms. Ils nous ont juste


dit ce que nous devons…

Je le tue.

— Réponse claire et précise, j’insiste en marchant devant


les deux autres.
— La League, dit subitement l’un d’eux. Il a dit qu’il fait
partie de la League. Que lui et ses amis avaient besoin de
nos services en échange des postes élevés au sein de cette
League.
— Mais nous ne savions pas qu’il s’agissait de vous et
votre femme et que c’était vous le chef de la League.
Nous vous demandons pardon.
— Où est ma femme ?
— Nous ne le savions. Notre rôle était de la ramener dans
le QG de la League. Peut-être qu’elle s’y trouve toujours.
Il y avait cinq hommes quand nous avons livré le colis.

Je le bute.
— Ma femme n’est pas un colis, sale enfoiré.

J’affiche une photo sur l’écran de mon portable.

— Lesquels reconnais-tu ?

Il regarde et montre quelques visages. Mais mon intuition


me souffle qu’ils sont tous mouillés. Je flingue le dernier.
Personne ne sortira vivant de cette histoire. Ils vont tous
y passer.

*Mona
*LYS

Mes investigations m’ont révélé que les agents de la


League se sont organisés une soirée en catimini pour
jubiler de ma prochaine chute. Je vais leur faire une petite
surprise qu’ils n’oublieront jamais. Je débarque à
l’improviste à leur petite soirée. J’avance doucement vers
la salle avec la canne en or dans ma main. Les deux
gardes devant la porte ouvrent la porte avant même que
je n’ose le leur ordonner. Toutes les paires d’yeux se
tournent dans ma direction. Les verres sont suspendus,
les sourires figés et la confusion se lit sur les visages. Je
ne comprends pas comment peuvent-ils être autant
débiles pour jubiler de ma chute alors que je suis encore
debout. On jubile généralement lorsque l’ennemi est à
terre. Ou croyaient-ils que je me suiciderais après la
séquestration de ma femme ? Ils sont tous là avec leurs
maîtresses. Ces connasses n’ont rien d’autres dans la tête
si ce n’est se pavaner dans les soirées mondaines à
engloutir les bouteilles de champagne. Je suis navré pour
elles mais elles devront y rester également. Aucun témoin
ne sort d’ici.

J’avance de deux pas en prenant soin de cogner ma canne


sur le carrelage.

— S’en prendre à une femme enceinte, c’est très lâche


pour des hommes comme vous. En jubiler, c’est encore
plus ridicule.
— Nous ne savons pas de quoi tu parles, Dark. Ta femme
a disparu, c’est bien dommage, mais nous avons le droit
de faire la fête. Nos vies ne se limitent pas à elle. La
tienne, si, apparemment.

Je souris.

— Tu as raison Michel. Vos vies ne se limitent pas à elle.


Mais elles prendront fin à l’instant à cause d’elle.
Mes hommes sortent à l’étage qui donne sur des
chambres. Ils pointent tous leurs armes sur la petite foule
en face de moi. Ils paniquent tous.

— Dark, tu vas arrêter avec ça. Nous n’avons rien à avoir


avec la disparition de ta femme. Tu peux mener tes
enquêtes.
— Déjà fait. Et je sais que vous avez travaillé en accord
avec Romario GARCIA. En attendant que je le retrouve
ou qu’il daigne m’appeler, je vais régler mes comptes
avec vous.

Une fille se démarque du groupe.

— Monsieur, nous n’avons rien à avoir avec tout ça.


Laissez-nous partir, s’il vous plaît !
— Règle numéro cinq de la Mafia : Ne jamais laisser de
témoin. Paix à vos âmes.

Je recule de deux pas. C’est le signal à mes hommes. Je


regarde les corps tomber les uns sur les autres, je les
regarde pousser leurs derniers cris, je les regarde se vider
de leur sang, je les regarde me supplier avant de se
prendre une balle dans chaque partie de leur corps. Ce
spectacle ne suffit toujours pas à épurer ma colère. Les
tirs cessent. Une longue marée de sang coule jusqu’à mes
pieds. Je me décale sur le côté et la laisse sortir. Mon
portable sonne. Je regarde l’écran et je devine qui s’est.

— J’espère pour toi que tu n’as pas touché à un cheveu


de ma femme.
« — Oh non. Je n’allais pas me retirer le plaisir de
t’humilier avant. Elle t’attend dans l’ancien entrepôt de
ton père. »

Je coupe. Mes hommes et moi retournons à la maison


nous ravitailler encore plus en armes et prendre plus
d’hommes avec nous. Ce vieux con s’est sans doute bien
préparé à nous recevoir. Ben met sur pied une tactique
avec ses hommes. Gab insiste pour venir. Quatre gardes
restent veiller sur ma maison.

J’entre dans le local avec trois hommes. Les cinq autres


se faufileront afin d’éliminer les hommes de Romario.
Comme nous nous y attendons, nous sommes désarmés
par les hommes présents. Ils nous escortent jusqu’à
Romario et prennent le soin de maintenir mes hommes en
retrait. Romario se tient au milieu de la pièce avec une
béquille. Ça se voit qu’il n’est pas bien. Il revient d’un
malaise survenu à l'annonce de la mort de Shana. Quatre
hommes se tiennent derrière lui.

— Où est ma femme ?

Il fait un signe de la main. Deux hommes sortent de nulle


part avec Inayah. Ils la tiennent chacun d’un côté. Quand
elle me voit, elle se met à pleurer.

— Chris, sors-moi d’ici je t’en prie. Je n’en peux plus.

Je ferme les poings. Une rage sourde monte en moi.

— Tout se passera bien Meleğim. Je te le promets.


— Rhorrr comme c’est touchant de te voir si amoureux.
Toi le grand Dark.
— Que veux-tu ? La canne en or ? La voici. (Je jette la
canne). Je te la donne. Prends tout. J'ai trouvé un autre
sens à ma vie. La League est à toi.

Il rigole.
— Ta canne, je n’en veux plus. Je veux ta vie, celle de ta
femme, des enfants qu’elle porte et d’Alana. Je veux
éteindre la lignée des IVANOV. Ce nom doit disparaître
de la surface de la terre. C’est ainsi que ma fille pourra
reposer en paix et moi aussi.
— Tu as toujours été faible, raison pour laquelle tu t’en
prends toujours aux femmes. Laisse-la partir et on règle
ça entre hommes.
— Je ne veux rien régler. Je veux te voir souffrir comme
j’ai souffert en voyant le corps calciné de ma fille.

Il empoigne fermement les cheveux d’Inayah et ramène


sa tête en arrière. Je fais un pas quand ses hommes lèvent
leurs armes sur moi.

— Ton père et toi avez du goût en matière de femme, je


dois le reconnaître.

Il rapproche son visage d’elle et contre toute attente


l’embrasse. Je fais encore deux pas mais un tir près de ma
jambe me ralenti. Inayah mord la lèvre à Romario et
recrache son sang. Il lui flanque une gifle et la projette
par terre. Son cri de douleur me fait perdre de plus en plus
la tête. Je vais massacrer cet homme. Je fonce sur lui
malgré la menace des hommes. Certainement que les
hommes ont reçu pour ordre de ne pas me tuer car ils
rangent leurs armes et me retiennent de force. Je me
débats mais ils s’y mettent à quatre sur moi.

— Romario je vais te tuer si tu oses encore lever la main


sur elle, je le menace avec rage.
— Oh je n’ai aucunement peur de mourir. Il ne me reste
que cinq jours à vivre selon mon docteur. Ça ne me
dérangerait donc pas de mourir aujourd’hui. Mais toi, tu
vas mourir bien trop jeune et plein de vie, mais avant, tu
vas regarder ta dulcinée y passer.

Il lui donne un coup dans le ventre. Je suis pris d’horreur.


Le cri d’Inayah est à réveiller un mort.

— ROMARIO !!! je hurle en luttant avec les quatre


hommes.
— J’aime te voir dans cet état, jubile-t-il. Alors, dis-moi
ce que ça fait de voir l’être qu’on aime mourir sous ses
yeux.

Il donne un deuxième coup encore dans le ventre.


— Noonn mes bébés, pleure Inayah. Pas mes bébés. Je
vous en supplie. Chris !

Je vais exploser tant la rage qui bouillonne en moi est


sans pareille. Je réussis à faire quelques pas dans cette
lutte alors les hommes de Romario me font tomber à plat
ventre et me maintiennent au sol. Mes hommes derrière
luttent avec ceux qui les retiennent. Toute mon attention
est sur Inayah qui se tord de douleur et pleure à chaudes
larmes. Ses supplications me font me sentir minable.

— Ne la touche pas, Romario, j’ordonne en luttant au sol.

Quelle menace pourrais-je lui proférer qui l’arrêtera ? Cet


homme n’a plus rien à perdre. Il est prêt à mourir. Tout
ce que je peux faire c’est de lutter pour sortir ma femme
de là. Romario donne un troisième coup à Inayah au
même niveau. Cette fois elle s’évanouit. Du sang sort
d’elle. Si je dois mourir aujourd’hui, je mourrai. Mais il
n’est pas question que je laisse Inayah et mes enfants
payer pour mes choix. Je dois la faire sortir de là.

— Laisse mes hommes la conduire à l’hôpital je te prie !


dis-je désespérément.
— Quoi, tu me supplier ? rigole Romario.
— Tue-moi si tu le désires mais épargne sa vie. Elle n’a
rien à voir dans toute cette histoire. C’est moi ton ennemi.
Je ferai tout ce que je veux. Mais laisse-la partir.
— Supplie-moi encore !
— Je t’en prie.

Ma dignité n’a tellement plus d’importance à mes yeux


que la vie de ma famille qui se meurt. Romario rit à gorge
déployée pendant de longues minutes qui me paraissent
interminables. Il s’accroupit devant moi.

— Peut-être que tu n’as pas saisi la première fois. Ça ne


me dérange pas de le répéter. Ma dernière mission sur
terre c’est d’éteindre le nom IVANOV. Vous avez tué
tous mes héritiers. Autant il n’y aura plus de GARCIA, il
n’y aura plus d’IVANOV. Je vais tuer ta femme ainsi que
les enfants qu’elle porte. Je vais ensuite te tuer après que
tu aies souffert le martyr. Je terminerai par Alana.
Peut-être qu’elle est déjà morte. J’appellerai mon contact
plus tard.

Il se relève et retourne vers Inayah qui baigne dans son


sang.
— Ah, et si tes hommes et toi tentez quoi que ce soit, je
nous fais tous exploser, dit-il en sortant un détonateur de
la poche de sa chemise. Un petit clic et boum.

Il rigole. Je cherche quoi lui dire, quoi faire. Mais je suis


au pied du mur. Je retrouve un peu d’espoir quand des
coups de feu retentissent depuis l’extérieur. Les hommes
qui me tiennent se laissent distraire. J’en profite pour
cogner un et lui prendre sa mitraillette. J’arrose les trois
autres. Gab et l’autre garde neutralisent ceux devant eux
et prennent leurs armes.

— Gab, conduis ma femme à l’hôpital, je hurle en


courant vers Romario qui manipule le détonateur.

Je dois le lui arracher. Me voyant foncer sur lui, il tire


deux balles dans mon épaule. Ça ne suffit pas à m’arrêter.
Je lui saute dessus. Nous tombons tous les deux à la
renverse. Le détonateur roule loin de nous. J’assène un
violent coup à Romario et jette un coup d’œil derrière.
Gab a récupéré Inayah mais n’est pas encore sorti du
local qui est très grand. Mon père y stockait toutes ses
cargaisons raison pour laquelle il est si énorme. Il y a
encore des blocs de caisse posés un peu çà et là. Une
bagarre éclate entre mes hommes et ceux de Romario. Ils
sont tous à court de balles. Chacun se sert des barres de
fer et morceaux de tuyaux qu’il trouve.

— NE LE LAISSEZ PAS S’EN ALLER AVEC LA


FEMME, hurle Romario à ses hommes. TUEZ-LES.

Deux de mes hommes assurent aussitôt la sécurité de Gab


qui tient dans ses bras ma femme. Il avance très
difficilement à cause du poids d’Inayah. Romario profite
de ma distraction pour prendre le dessus sur moi. Pour un
vieux, il est résistant. Il n’a rien oublié de ses cours de
défense lorsqu’il était plus jeune. Il appuie à chaque fois
sur ma plaie à l’épaule pour prendre le dessus. Il me
donne un coup au visage, récupère son arme et tire sur
moi. Mon mouvement rapide fait atterrir la balle dans
mon autre épaule plutôt que mon cœur. Je m’écroule
quelques secondes. Il en profite pour reprendre
possession du détonateur. Gab n’est toujours pas sorti.
Merde !

— Nous allons tous mourir, dit-il.

Je saute sur l’arme de l’un des gardes, mort près de moi


et je tire maladroitement dans la poitrine de Romario. Il
ne lâche pas pour autant l’objet. Je tire dans sa jambe. Il
fléchit et le détonateur lui échappe des mains. Je le
ramasse et lui donne un coup de genou au visage. Gab est
maintenant sorti. Mais les hommes de Romario lui
courent après en chargeant de nouveaux leurs armes. Ben
et deux des survivants de notre effectif sont affaiblis au
sol. Ils ne peuvent plus rien faire. Si ces gens sortent, il
est clair qu’ils vont en finir avec Gab et Inayah. Je ne
peux tous les neutraliser.

— Tu ne peux plus rien faire pour la sauver, jubile


Romario, couché au sol.
— C’est ce que tu crois.

Je regarde le détonateur. Si j’appuie, tout explose avec


nous. Les hommes ne pourront donc plus sortir s’en
prendre à Inayah. Je n’avais pas prévu une telle fin. Mais
si c’est ce qu’il faut pour sauver la vie d’Inayah et nos
enfants, autant faire ce sacrifice.

— J’espère que toi et les enfants serez fiers de moi, je


chuchote en regardant la sortie que les gardes ont déjà
atteint.
Je regarde Romario puis le détonateur. S’il faut qu’un
IVANOV meurt. Autant que ce soit moi. J’appuie sur le
détonateur. Boom ! C’est la dernière chose que j’entends.

***INAYAH

Je reviens à peine à moi que le bruit d’une explosion me


fait sursauter. Je regarde autour de moi. Je suis couchée
à l’arrière d’une voiture. J’ai affreusement mal et je me
sens très faible. Je reconnais néanmoins Gab au volant.

— Gab… que… se… passe-t-il ? Où… est… Chris ?


— Accrochez-vous Madame. Je vous conduis à l’hôpital.

Je sens du liquide sortir de moi. Les derniers évènements


tournent dans ma tête. Je veux parler, me lever, chercher
Chris mais j’ai le tournis. Des coups de feu retentissent.
Gab accélère. Il accélère tellement que nous rentrons en
collision avec quelque chose. Gab tombe inerte sur le
volant et moi je perds de nouveau connaissance.

A mon réveil, je suis couchée dans un lit d’hôpital. Je


souffle de soulagement d’être encore en vie. Je me sens
tout de même beaucoup trop faible. Ma bouche a un
arrière-goût indésirable. Je n’ai pas oublié ce qui s’est
passé. Impossible d’oublier. Je touche rapidement mon
ventre. Il est vide.

— Non, non. Mes enfants, dis-je dans la panique.


— Calme-toi, Inayah. Ils vont bien.

Je suis surprise de voir Shelby à mon chevet.

— Que… que fais-tu là ? je lui demande.


— L’hôpital m’a appelée.
— Où sont mes bébés ?
— Laisse-moi appeler le docteur.

La porte s’ouvre sur une femme qui est visiblement le


docteur.

— Nous sommes heureux de vous voir réveillée, me dit-


elle avec un sourire réconfortant. Vous êtes forte.
— Comment suis-je arrivée ici ? Et où sont les enfants ?
Où est mon mari ?

Le Docteur et Shelby échangent un regard.


— Quoi ? Que se passe-t-il ? je demande en paniquant de
nouveau.
— Calme-vous, madame. Vos enfants vont bien. Enfin.
— Comment ça enfin ?
— L’un des bébés a reçu tous les coups qu’on vous a
donné et il n’a pas survécu.
— Non ce n’est pas possible. Dis-moi que le deuxième
est en vie. Je ne peux pas perdre mes enfants.
— Nous avons gardé un en soins intensifs car il a aussi
été touché mais légèrement. Mais les deux autres sont très
bien portants.

Hum ? Je ravale les pleurs qui venaient.

— Les deux autres ? je demande perplexe.


— Oui. Vous portiez des quadruplés.

Quoi ?

— Mais… on m’avait dit des jumeaux.


— Ça arrive que les bébés se cachent les uns derrière les
autres. Vous avez trois magnifiques garçons au lieu de
deux.

Dois-je encore pleurer ? Je n’en ai plus la force. Je


pensais avoir deux enfants mais j’en ai finalement trois.
Je suis triste pour le quatrième mais mon cœur se sent
apaisé.

— Où est donc mon mari ?

Encore un autre regard échangé. J’entends le nom de


Chris à la télé qui se trouve dans ma chambre que Shelby
regardait. Il y a un gros titre.

Une fin tragique pour le grand homme d’affaires Chris


IVANOV.

— C’est quoi ça ? Augmentez le volume, dis-je en


cherchant la télécommande.

Shelby veut plutôt éteindre la télé.


— JE T’INTERDIS D’ÉTEINDRE CETTE PUTAIN DE
TÉLÉ.

Elle abandonne et sous l’approbation du docteur, elle


monte le son. Tout ce que j’entends c’est explosion, corps
calciné et en morceaux de Chris IVANOV.

— Non c’est faux. Non, non.

Je me gratte les cheveux. Je commence à perdre la tête.


Je veux sortir du lit mais j’y suis retenue de force.

— Lâchez-moi ! Je dois aller chercher mon mari. Il ne


peut pas être mort. Il m'a promis que c’était pour toute la
vie. Chris ne peut pas mourir. NON !

Je parle, hurle, me gratte le corps, me débats. Je veux mon


mari. Je lui ai donné trois enfants. Il doit venir les voir.
Je refuse d’y croire. Chris ne peut pas m’abandonner. Il
m’avait promis, putain. Je veux mon mari. Je veux ma
moitié. Je veux le père de mes enfants.

AU MÊME MOMENT, A MOSCOU


***ALANA

Je sens qu’il se trame quelque chose mais qu’on me


cache. Depuis plusieurs jours j’ai un mauvais
pressentiment. J’en ai parlé à Chris qui m’a rassurée qu'il
n’y avait rien de son côté et que c’était dû aux hormones.
Mais mes intuitions ne m’ont jamais trompée. J’ai
toujours pressenti quand quelque clochait. C’est toujours
le cas aujourd’hui. Surtout que depuis hier je n’ai plus de
nouvelles d’eux. Aucun numéro ne passe. A force de
stresser, j’ai fini par saigner. Le Docteur m’a alors donné
rendez-vous ce matin à son cabinet. Si jusqu’à ce soir ce
pressentiment ne me lâche pas, je serais obligée de
prendre l’avion pour New-York. Je dois m’assurer que
tout va bien. Surtout que j’ai senti de l’inquiétude dans la
voix de Ben la dernière fois que nous avons discuté.

— Votre fille se porte à merveille, me rassure le Docteur.


L’écoulement du sang est sans nul doute dû au stress.
Tâchez de vous en éloigner et vous détendre. Vous êtes
dans le dernier trimestre.

— Merci Docteur.
Je ressors toujours chagrinée de cet hôpital. Jeoffrey
voulait une fille comme premier enfant. Son rêve se
réalisera. Je continue de me poser la question de savoir à
quel moment je lui dis pour le bébé ? Doit-il faire partie
de la vie de cet enfant, surtout quand on sait le danger qui
plane autour de nous ? C’est horrible de priver un père de
son enfant et vice versa. Peut-être que je devrais le lui
annoncer sans lui dire où je me trouve. Ainsi je lui
donnerai des nouvelles à distance. Ça nous évitera tout
rapprochement. Pour l’accouchement ? On verra le
moment venu.

Je compose donc son numéro en marchant vers ma


voiture. Ça sonne un long moment avant qu’il ne
décroche.

« — Allô ? »

Cette voix me fera toujours de l’effet. Je l’entends parler


et j’ai le cœur qui bat à tout rompre. Je m’apprête à lui
répondre quand subitement gare devant moi une voiture
noire aux vitres teintées. Avant que je ne me rende
compte de ce qui se passe, une main tenant une arme
apparait. Je pousse un cri. Mon portable me tombe des
mains et se fracasse. Je ferme instantanément les yeux.
J’entends trois coups de feu. Tout ce que je ressens par la
suite, c’est mon cœur qui arrête de battre.
25

***INAYAH

Mon monde s'est écroulé. Ma vie n'a plus aucun sens. J’ai
perdu le seul être qui m’avait redonné goût à la vie. Je
n'ai plus de force pour pleurer. J'en ai perdu le sommeil.
Le Docteur est obligé à chaque fois de m'injecter des
somnifères pour me faire dormir. Je pleurais tellement
qu'on a dû me faire plonger dans un coma artificiel durant
quatre jours le temps que mon corps se remette un tant
soit peu. J’ai mal à en mourir. Je ne veux plus vivre. S'il
n'y avait pas eu les bébés, je crois que je me serais donnée
la mort. C’est horrible ce qui s’est passé. Chris et ses
hommes sont morts calcinés. Certains ont été déchiquetés
par les explosions. Oui il y en a eu plusieurs dans le local.
Romario avait tout planifié. Cet homme est enfin parvenu
à ses fins. Je suis de nouveau seule au monde. Enfin, mes
enfants et moi. Je me demande avec quelle force je
pourrais élever ces trois garçons. Et je leur dis quoi si plus
grands ils demandent après leur père ? Je leur dis qu’il
était un mafieux et qu’il est mort d’une façon aussi
atroce ?
Pourquoi m’as-tu fait ça, Chris ? Pourquoi m’as-tu
abandonnée ? Qu’est-ce que je fais maintenant ? Où vais-
je avec nos enfants ? Tes héritiers ?

Je m’essuie les joues humidifiées de larmes. Je continue


de suivre l’émission spéciale qu’il y a encore sur Chris.
Certains intervenants se réjouissent de sa disparition car
selon eux, c’est sa faute à lui et son organisation si la
jeunesse se détruit par la drogue. Certains parents se
réjouissent du fait qu’en tant qu’idole, Chris avait un
mauvais impact sur leurs enfants. De l’autre côté, il y a
ceux qui le défendent en affirmant quand jamais il n’y
avait eu de preuves incriminantes contre Chris et qu’il
était un exemple pour les jeunes par son acharnement au
travail et ses entreprises qu’il a développé avec brio.
Chacun y va de son commentaire. Moi par contre, toute
mon attention est captée sur la photo de lui qui est
affichée sur le côté de l’écran. La vie vient de me donner
le coup le plus dur qu’il puisse y avoir. Je suis condamnée
à ne jamais être heureuse.

Une infirmière me rapporte un petit colis. C’est la bague


de Chris. La police me l'avait rapportée hier. Comme elle
avait été un peu abimée par le feu, j’ai demandé à ce
qu’on la fasse nettoyer et qu’on me la rapporte sur une
chaîne. Je la passe donc à mon cou. J’ai été interrogée
hier et j’ai dit ce que j’avais à dire. J’avais été séquestrée
puis battue. Chris était là pour tenter une négociation
mais les choses se sont déroulées autrement. Quant à la
question de savoir le lien entre Romario et Chris, je leur
ai répondu que le seul apte à leur donner une réponse
claire c’était Chris. Puisqu’il n'est plus, ils vont devoir
creuser tout seuls.

L’un des garçons couine dans son couffin. Je le prends


dans mes bras et tout doucement le berce avant qu’il ne
se mette à pleurer. Je regarde les deux autres qui dorment
paisiblement. Les trois prochains IVANOV. Je sens qu’il
va falloir les éloigner d’ici avant qu’un autre ennemi dans
l’ombre ne se révèle et ne s’en prenne à eux. Le troisième
qui était en soins intensifs va beaucoup mieux. Il mange
beaucoup plus que les autres, m’a-t-on dit. Je ne leur
donne pas le sein pour l’heure. J’ai reçu beaucoup trop de
dose de médicaments dans le corps qui risquent d’être
dangereux pour eux. Je pourrai les allaiter dans quelques
semaines quand tout ceci sera dissipé dans mon sang.
Alors que je contemple le magnifique visage de mon
bébé endormi dans mes bras, on m’apprend que j’ai de la
visite. L’instant d’après, deux hommes en costume font
leur entrée. Je les reconnais. Ils font partie de la League
russe. Je serre mon fils quand leurs regards se posent sur
lui.

— Bonjour, Madame. Toutes nos sincères condoléances.


— Merci ! je réponds doucement.
— Le Docteur a dit que vous aviez besoin de repos. Nous
allons donc tâcher d’aller droit au but. Dans nos règles,
c’est le fils héritier qui prend la relève de son père à la
tête de la…
— Aucun de mes fils ne succédera à leur père. Dark est
mort. Fin du règne des IVANOV. Choisissez-vous un
autre Roi et soyez sans crainte, jamais ils ne reviendront
revendiquer quoi que ce soit.
— Concernant la police.
— Je n’ai rien dit et je ne dirai rien. Ma promesse envers
Chris tient même après sa mort.
— Voilà qui est clair. Nous allons vous laisser. Prompt
rétablissement à vous.

Ils sortent comme ils sont entrés. Ils sont remplacés par
Shelby avec son ventre qui pointe. Je repose le bébé dans
son couffin.

— Coucou. Comment tu te sens aujourd’hui ? s’enquiert-


elle en posant près de moi un panier de fruits.
— Je vais bien.
— Je t’ai apporté des fruits.
— Je vois ça, dis-je avec désinvolture.
— Nick te passe le bonjour. Il y a aussi Maxence qui…
— Qu’est-ce que tu fais ? je la coupe tout à coup.
— Comment ça ?
— Tes visites, tes petites attentions.
— Tu es mon amie. J’essaie d’être là pour toi.

Je laisse échappe un ricanement.

— Que se passe-t-il ?
— Il se passe que tu arrives au mauvais moment avec ton
amitié. Que m’as-tu dit les dernières fois que nous nous
sommes parlées ?

Elle baisse la tête.

— Tu m’as dit que tu avais intérêt à rester loin de moi.


Que Chris et moi devrions aller bruler en enfer. Bah c’est
fait. Chris est mort dans les flammes et moi je me
retrouve veuve et mère de trois gamins que je ne sais pas
comment gérer. L’enfer il est donc là. Alors dis-moi ce
que toi tu cherches maintenant ?
— Je… je suis désolée pour ce que j’avais dit. Je ne le
pensais pas.
— La bonne blague.
— Inayah !
— Va-t’en et surtout ne reviens plus.
— Inayah, tu as besoin de moi.
— NON. J’AI BESOIN DE MON MARI, C’EST
TOUT ! Combien de fois t’ai-je suppliée de ne pas me
tourner le dos ? Je t’ai suppliée comme un gamin supplie
sa mère de lui acheter des friandises. Tu m’as bloquée de
partout. Tu as même supprimé notre compte TikTok
commun sans m’en parler.
— Je…
— Je n’ai pas terminé. Tu vois ton mec, l'argent qui lui a
servi de fonds pour ouvrir son entreprise, eh bien c’est de
l’argent sale. Ça vient de Chris.

Elle déglutit.

— Il était dans la merde, une très grosse merde qui l'a


obligé à rompre avec toi. Il avait affaire à un dealer. C’est
Chris qui l’a sorti de ce merdier en menaçant le dealer en
question. Tu peux demander à ‘‘ton mari parfait’’, il
confirmera. Donc cet homme que tu haïssais tant avait
aussi un cœur et de la bonté à revendre. Tu peux
maintenant t’en aller. J’en ai fini.
Je me couche dos à elle et monte le drap sur moi.

*Mona
*LYS

Aujourd’hui ont eu lieu les obsèques de Chris. J’étais


seule au milieu de tous ces inconnus même si je connais
certains pour les avoir côtoyés lors des nombreuses
soirées mondaines. Des gens sont venus de partout. Il y a
de nombreuses personnalités. J’ai reconnu parmi elles
des hommes du gouvernement des États-Unis, de la
Russie et de la Côte d’Ivoire. On m’a aussi présentée
ceux d’autres pays. Des hommes d’affaires étaient en
grand nombre. Je n’ai pas déboursé un seul centime en
dehors de ma tenue. Tout a été pris en charge par la
League de Russie. J’ai préféré rester en retrait et assister
à tout ce qui s’est fait. Maintenant que tout le monde est
parti, je peux me recueillir sur la tombe de mon mari. Je
reste assise seule près de sa tombe à la fixer. Je n’en
reviens pas qu’il soit sous terre. Je n’ai pas voulu voir son
corps. Ou du moins ce qu’il en restait. Selon les dires de
la police, le corps avait été coupé en deux et il n’y avait
que le buste qui était entier. Le bas était parti en plusieurs
petits morceaux. Il a été identifié grâce à quelques objets
personnels à lui et des tests effectués plus tard. Je ne
voulais pas garder cette sale image de lui. Je préfère me
souvenir de l’homme en pleine forme et coriace qu’il
était. Je reste une heure de temps avant de me décider à
rentrer. Mes bébés m’attendent à la maison avec les deux
nounous que j’ai engagées. Les quatre gardes qui étaient
restés à la maison cette nuit-là surveillent ces nounous
afin de s’assurer qu’elles ne soient pas des espionnes. Je
suis escortée par Gab jusqu’à ma voiture. J’ai été
heureuse de le revoir. Il avait été grièvement blessé mais
avait survécu et de ce fait a tenu à venir reprendre son
poste à mes côtés. Au moins sa présence me donne un
peu d’assurance.

Je retrouve Jeoffrey dans mon salon, tout de noir vêtu. Il


a été à mes côtés pendant quelques heures avant de se
retirer pour des exigences personnelles. Je me sens mal
pour lui. Il perd Alana sans savoir qu’elle portait son
bébé.

— Tu n’as toujours pas eu des nouvelles concernant


Alana ? me demande-t-il totalement inquiet.
— J’ai discuté avec les Russes présents et personne n’a
toujours de nouvelle d’elle. Cette histoire laisse tout le
monde perplexe.
— Je veux croire qu’elle est toujours en vie.
— Moi aussi.
Alana a disparu sans laisser de trace. Personne ne sait où
elle se trouve. Le dernier endroit où elle s’était rendue
c’était chez son Docteur. Après plus rien. Je ne sais pas
si je devrais parler de la grossesse à Jeoffrey.

— Bref, je ne vais pas te fatiguer avec ça, finit-il par


renoncer. Je voulais te dire que peu importe l’heure ou le
jour, je serai toujours disponible pour toi si besoin. Tu
pourras compter sur moi à 100%.
— Je le sais, Jeoffrey. Et je t’en remercie.

TROIS MOIS PLUS TARD

Je regarde la maison une dernière fois avec un pincement


au cœur. J’y ai vécu des trucs fous. Positivement comme
négativement. Mais j’y ai surtout trouvé et vécu une belle
histoire d’amour. J’abandonne aujourd’hui mais une
partie de moi y sera à jamais. Je ne la vends pas car un
jour j’y enverrai mes enfants pour qu’ils se rapprochent
de la mémoire de leur père. Les gardes continueront de
veiller sur la maison. Moi j’ai besoin de m’éloigner.
Rester ici ne ferait qu’alimenter ma souffrance. Je pars
donc.
Gab m’aide à installer les bébés dans l’avion. Mes trois
bébés d’amour. Andreï, Alexeï et Chris. Loulou, mon
fidèle compagnon, se couche à mes pieds. Après de longs
jours de réflexion, j’ai fini par choisir la Côte d’Ivoire
comme pays de destination. Je retourne à mes sources. Je
veux protéger mes enfants du monde de feu leur père. Je
veux qu’ils aient une vie normale. Je ne veux qu’ils
entendent toutes les horreurs qui ont été dites sur lui
malgré la véracité de certaines. Ils doivent avoir une
image saine de Chris. Ils doivent rester loin de tous ses
potentiels ennemis. Je dois les protéger contre tous.

L’avion décolle enfin. Je regarde par le hublot avec


tristesse. Une nouvelle page s’ouvre pour moi. J’étais
venue dans ce pays avec l’espoir de me construire une
nouvelle vie. Ça a été fait mais de courte durée. Je
retourne chez moi avec les plus beaux cadeaux que la vie
pouvait m’offrir. L’argent ne nous manquera pas. Il y en
a tellement que je ne serais pas obligée de travailler pour
nourrir mes enfants. Une enquête a été lancée sur les
affaires de Chris. La police veut y voir plus clair dans la
source de sa fortune. Notre Avocat veillera au grain et me
tiendra informé. Cela ne nous empêche aucunement de
profiter des biens laissés par le défunt. Mais que sont ces
biens sans mon homme ?
Je pousse un soupir et tourne la tête vers les petits qui
dorment, chacun dans son siège auto, sous la surveillance
de Gab et de Loulou qui les adore. Que sera ma vie sans
Chris ? Arriverais-je à retrouver le bonheur ? Je suis
persuadée d’une chose. Jamais je ne pourrais retomber
amoureuse d’un autre homme car Chris en mourant, a
emporté mon cœur avec lui.

***JEOFFREY

La solitude, le désespoir, la douleur, le sentiment de vide,


m’ont finalement poussé à officialiser les choses avec
Anaïs. Ce soir, nous célébrons nos fiançailles chez moi
autour d’un grand dîner avec nos deux familles. C’est ma
mère la plus heureuse. Je le suis également. Mais pas
comme ça l’a été avec Alana. Après trois mois, j’ai fini
par accepter l’idée qu’elle était morte. Dire qu’elle me
manque est un euphémisme. Je me suis senti coupable
bien des fois ces trois derniers mois. Je n’ai cessé de me
dire que j’aurais dû l’obliger à rester. En même temps,
aurais-je pu la maintenir en vie quand on sait que même
son frère, qui est très gardé, a lui-même péri de façon
écœurante ? Je ne maîtrisais rien de son autre vie. Je
voulais tellement l’en sortir. Tellement lui donner une vie
plus saine. J’ai échoué.
— A quoi penses-tu ?

Je reviens à Anaïs qui racontait une anecdote sur nous à


ses parents.

— Rien de particulier, je réponds avec un sourire qui se


veut convainquant.

La sonnerie de la porte retentit. J’y vais car je suis


visiblement le seul à ne pas être concentré sur ce qui se
dit autour de cette grande table à manger. Je regarde par
le judas sans voir personne. J’ouvre quand même.
Certains prennent le plaisir à se caler sur le côté de la
porte. Je n’y vois pourtant personne. Au moment de
refermer, mon regard est attiré vers le bas. Je tique en y
voyant un grand panier. J’essaie de le prendre, pensant
sans doute à un panier de fruits mais il paraît plus lourd.
Je le redépose et retire la couverture. Je sursaute.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? je me chuchote à moi-


même.

C’est un bébé. Une fille. Elle est endormie avec sa tétine


dans sa bouche. Il y a un mot posé sur elle. Je le prends.
« Un enfant se doit d’être au côté de son père. Tu feras
meilleur parent que moi. A. »

Mes bras m’en tombent. Alana était enceinte ? Je


retourne rapidement à l’intérieur avec le panier contenant
le bébé et je me précipite vers la fenêtre. La personne qui
l’a déposé doit être encore dans l’immeuble. J’aperçois
une silhouette vêtue de noir de la tête aux pieds. Une
capuche lui couvre la tête. La personne lève la tête et nos
regards se croisent.

— Alana ?

Elle monte dans une berline noire qui disparaît dans un


crissement de pneu. Comment peut-elle me ramener un
enfant dont j’ignorais l’existence. Il y a dans le panier, le
carnet de santé du bébé et c’est tout. Un scintillement me
fait vérifier le cou du bébé. Elle porte une chaîne en or
que j’avais offerte à Alana lors de son anniversaire. Non
mais c’est quoi cette histoire ?

Anaïs me cherche visiblement. Elle m’aperçoit et vient


vers moi.

— Que fais-tu ? Qui était-ce ?


Elle s’immobilise à la vue du bébé.

— A qui est ce bébé ? Et que fait-il là ?

Je regarde la magnifique bouille de cet ange et mon cœur


s’emballe d’amour.

— C’est ma fille. Zoé DAVIS.

Elle ouvre grand la bouche. Je n’entends plus ses


questions. Toute mon attention est portée sur ma fille.
MON ENFANT. Waouh ! Je serai un père pour elle. Le
meilleur qui soit.

***ALANA

— Es-tu certaine de ce choix ? On parle d’un enfant que


tu as porté.
— Je ne serai jamais une bonne mère. La seule preuve
d’amour que je pouvais lui apporter c’était justement de
m’éloigner d’elle. Tant que je serai en vie, je serai
toujours sous menace de mort et elle aussi. Sa vie sera
meilleure avec Jeoffrey.

Je descends de la voiture d’un des hommes de Dylan


FOXX. Cet homme était sérieux lorsqu’il disait à Chris
qu’il assurerait nos arrières. Il avait envoyé vers moi ses
hommes pour assurer ma sécurité lorsqu’il a eu vent du
plan de Romario et ce sans que je ne le sache. Ce sont ces
hommes qui m’ont sauvée de justesse de la fusillade. Nos
ennemis sont encore nombreux dehors. Je me dois de
rester cachée pour ma survie. Raison pour laquelle j’ai
ramené le bébé chez son père après avoir déclenché moi-
même l’accouchement par une césarienne. Je n’avais pas
le temps d’attendre la date du terme.

— Le jet t’attend.
— Merci encore.
— De rien.
— Concernant ma belle-sœur…
— Des hommes la suivent de près pour assurer sa sécurité
et celle des enfants jusqu’à ce qu’ils se fassent oublier.
— Exprime toute ma reconnaissance à ton boss.
— Je n’y manquerai pas.
Je monte à bord du jet et nous nous envolons en direction
de la nouvelle acquisition des IVANOV. Une ile privée.
J’y resterai le temps qu’il faudra. Mais dans l’ombre, je
travaillerai. Puis, le moment venu, nous reviendrons plus
forts. Je veillerai sur mes neveux car des hommes forts,
ils doivent le devenir. Ils assureront la relève. Peu
importe le domaine, mafia ou pas mafia, nous
reviendrons plus forts et plus invincibles. Nous nous
imposerons au monde.

Les IVANOV ne s’éteindront pas de sitôt.

~~~FIN
Autres livres du même auteur :

1-Juste un peu d’amour


2-Ami-Amour
3-Lizzie, une exception
4-La vengeance est une femme
5-Mon cœur contre ma raison
6-Leela, la défigurée
7-Du contrat à l’amour
8-Un amour dangereux tome 1
9-Un amour dangereux tome 2
10-Un sacrifice très coûteux
11-Floriane, les épreuves d’une orpheline
12-TY : ce cœur à conquérir
13- L’autre lui
14-La vengeance est une femme tome 2
15-Si seulement…tome 1
16-Si seulement…tome 2
17-TY : Cet homme à tout prix
18-Plus qu’un regard
19-Murima tome 1
20-Murima tome 2
21- Dark
22- Ma plus belle MELODIE

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Mona LYS, 2022
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