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Nouvelle 

: Les confessions

Il y’a eu quelqu’un qui pouvait me comprendre.


Mais c’est, précisément, la personne que j’ai tuée.
Le tunnel, Ernesto Sabato

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Ezaleli na yo Maria Valencia é-eh-eh
Ezaleli na yo Maria Valencia a-ah
Ezaleli na yo Maria Valencia é-eh-eh
Ezaleli na yo Maria Valencia a-ah…
« …De retour sur ce plateau. Vous venez d’écouter Maria Valencia de Jules Shungu
Wembandio Pene Kikumba dit Papa Wemba, Notre Père, Le Roi de la Sape, Le Vieux Bokul,
Le Chef du village Molokaï qui nous a quittés trop tôt, trop tôt c’est-à-dire un certain 24 avril
2016 à Abidjan… C’est sur cette note musicale que nous vous souhaitons la bienvenue à vous
fidèles auditeurs et surtout à vous qui venez de nous rejoindre sur les ondes de la Radio
Trottoir, la 98.9 FM. Vous suivez votre programme : Confession ! L’émission qui donne la
parole à ses auditeurs. L’émission qui vous raconte avec vos mots. Pour passer sur nos ondes
envoyez votre texte par mail au tinda_lisolo@gmail.com. Partagez donc avec nous vos vécus,
vos joies, vos peines, vos aventures, vos questionnements, vos témoignages et surtout vos
confessions que nous lirons bien entendu sans censure parce qu’il le faut, tout le monde doit
savoir, tout le monde doigte le savoir ! Evidemment, sans aller par le dos de la cuillère, ni en
mastiquant les mots, sans caresser la réalité, du quotidien kinois… Tout sera dit, tout se
saura ! Bref nous lirons tout ce qui vous trottera dans la caboche. Sachez que seuls les trente
premiers mails seront retenus pour la lecture du jour par, notre consœur, votre humble
servante Mamie Wata, Grand-prêtre-mère, Maman ya Bana, La première Dame, Denise
Nyakeru ya biso, La mère-chef, Mamu nationale, Bafana, Mère des mères, Mère ya palais,
Là où repose la confiance du chef, Première banc, Oyo aleki bango tout, Fastsi Beeeeeeeeee,
… Revenons à notre mouton, il est temps pour nous d’entamer la seconde partie de notre
tranche. La seizième histoire du jour nous vient de… Attendez… Fidèle auditeur le
correspondant du jour ne veut pas se murer dans l’anonymat. Il souhaite que son identité soit
divulguée. L’auteur de la correspondance du jour s’appelle M****, pour ceux qui ne le
connaisse pas, c’est l’un des grands auteurs qui a écrit entre autre : Le bout du tunnel peut-être
l’autre côté, La feinte et le très controversé Caroline. Prêtez-nous vos oreilles chères
auditeurs. Jouez le jeu. Sans plus tarder continuons notre lecture. Mamie Wata à vous la
parole :
« Ce jour-là, je me baladais paisiblement comme de coutume. Je ne sais plus trop d’où je
venais. J’avais un coup de blues. Ayant décidé de flâner sans but précis pensant à tout et à
rien à la fois, j’tentais de faire le vide dans ma tête. De la musique mélancolique dans les
tympans pour rythmer mon pèlerinage vers je ne sais où… sans véritable intention. J’atterris
au pied d’un immeuble. Un hôtel pour être précis. C’était marqué en grand sur une pancarte :
Hôtel M.P. À en croire les multiples entrées-sorties, ce modeste lieu de passe avait la côte.
Sûrement parce que le tarif y était très abordable, peut-être… et les nombreuses prophéties
pour filer un coup de pouce publicitaire parce que Dieu voit tout, même l’intimité de nos
chambre, surtout celle de la chambre 26… Bref, je me suis appuyé contre le tronc d’un
lampadaire pour tirer un coup. J’avais repris avec cette manie de me bousiller les poumons.
Depuis peu, j’avais cette habitude de vadrouiller sans but apparent. Toutes mes errances se
concluaient en face de ce modeste hôtel. Cette fois, je remarquais qu’en face, sur l’autre bord
de la chaussée, une femme me scrutait intensément, sûrement une prostituée qui s’efforçait de
m’appâter, d’attirer mon attention, me suis-je dit, avais-je cru. Parce que nombreuses d’entre
elles infestaient les rues. Moi, je le faisais pour tuer le temps. Elles le faisaient pour gagner

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leur croûte. Je l’ignorais. Je continuais à consumer mon joint. Rien n’y fait. Ces yeux se
faisaient plus perçants. Je continuais à réduire mon cône en cendre. Le regard de la prédatrice
se fît de plus en plus insistant et intense. Au moment où je pensais me fournir un alibi pour
faire appel à ces services, elle traversa la rue, se dirigeant d’un pas décisif vers moi. Dieu
merci ! Elle avait enfin compris que son petit manège ne fonctionnait pas avec moi. C’est ce
que j’avais cru comprendre. Comme c’est Moise qui doit aller vers la montagne, pas l’inverse.
Je m’étais résolu à me laisser immoler, à lui simplifier la tâche. La tigresse se jeta sur moi.
Elle me saisit par le col. Elle m’assenait avec ces : « Pourquoi tu m’as fait ça ? Pourquoi tu
m’as dit ça ? Pourquoi tu ne veux pas te… ». Tant de pourquoi que je demandais à moi-même
pourquoi elle s’acharnait autant sur moi. Il ne fallait pas trop pour attirer l’attention des
passants qui me prenaient pour un mauvais client. Un faux-tête. Certains s’étaient même
arrêtés pour se délecter du spectacle. La jeune femme continuait toujours de s’acharner sur le
col de ma chemise au point de la froisser entièrement. Je me devais trouver une solution pour
me sortir de ce traquenard avant que les Lucky-Luke ne viennent. Ceux-là ce sont des sorciers.
Des vrais sorciers. On sait comment ils sont nos policiers, friands de ce genre d’opportunité.
Et s’ils sont de mèche avec la fille, c’est fini pour toi ! Ils vont te dégraisser jusqu’à l’os.
Véritable opération chirurgicale sans anesthésie ! J’étais suffisamment fauché pour me laisser
à la merci de ces mbila qui ne louperaient pas cette occase en or de me plumer et déplumer…
je ne pouvais être leur butin nocturne, leur madesu ya bana. Déjà que je suis un menu fretin.
Je proposais donc à la tigresse de rentrer ses griffes et de me laisser m’expliquer parce que la
foule ne cessait de s’enfler autour de nous. Lui faire comprendre qu’elle se trompait de
personne ! Tout ce vacarme ne laissait aucune place à un tant soit peu de justification, de
compréhension Elle me prit par le poignet me trainant dans son antre, de l’autre côté de la
chaussée, sans dire mot je ne compris pas pourquoi je me suis laissé faire. D’un autre point de
vue, je préfère ça qu’à troubler l’ordre public. Nous nous faufilâmes dans un labyrinthe des
tunnels, comme on dit chez nous, aussi sombre qu’étroite, nous franchîmes la porte d’une
maison puis celle de ce qui était sa chambre, une fois seul avec elle, elle me plaqua sur lit.
Elle se mit à califourchon sur moi. Elle reprit, encore, avec ces pourquoi tu… Cette fois ces
pourquoi étaient plus différents que ceux de la rue : « Pourquoi tu m’as fait ça ? Pourquoi tu
m’as quitté ? Pourquoi tu as dit à tes amis de me dire que tu es mort ? Pourquoi vouloir me
faire souffrir autant ? Pourquoi ? Tu ne m’aimes plus ? Pourquoi tu… » Son dernier pourquoi
échoua dans ma bouche. La tigresse glissa sa langue sur la mienne. Elle me chuchota de la
fourrer, de la démonter comme si c’était la première fois, ce que je ne compris pas. Je n’ai
jamais eu affaire à ce corps. Je m’exécutai sans broncher. Je lui fis l’amour. Sans réfléchir, je
fonçais sur le tas. Jamais de ma vie, je ne l’avais fait aussi bien et longtemps. Ce corps à corps
improbable avait remué de chaleureux souvenirs… Ce marathon s’acheva après que nos corps
aient décidés à l’unisson de ne plus suivre le rythme. J’essayais de me reprendre, de me
remettre de mes émotions que la tigresse reprit avec ces pourquoi. Cette fois j’avais besoin
d’une explication, des réponses à mes pourquoi ! Pourquoi tu m’as attaqué en route ? Lui ai-je
demandé. Sa tête contre mon épaule, elle délia enfin sa langue : « J’étais très en colère contre
toi. Parce qu’à mon retour de Dubaï, tes amis m’ont appris que tu étais mort d’une longue
maladie. Je n’ai jamais cru à cela. Je savais que tu étais capable de créer tout un scénar pour
devenir un fantôme sur la face de la terre. Ils ont essayé de me convaincre que tu étais
souffrant depuis des années… Tout ça parce que tu as peur d’admettre que tu aimes une
femme telle que moi. J’ai enquêté. Je t’ai cherché partout. Je ne me suis jamais résigner à
accepter ta soi-disant mort ». « On t’a dit que j’étais mort de quoi ? » ai-je questionnée en
retour. « On m’a dit que tu étais mort d’une longue maladie qui te rongeait déjà le corps
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depuis longtemps ». Je n’en revenais pas ! Obnubilé par son obsession et avec les concours
des circonstances aidant, la pauvre m’avait confondu à un de ses amants qui l’avait laissé en
plant. C’est ce que j’ai cru comprendre encore une fois ! Epuisée, elle s’était endormie sur
mon épaule. À mon tour, je m’époumonais à éteindre Morphée et remettre les réponses aux
pourquoi à demain. J’étais crevé. En tournant ma tête sur l’autre côté du lit, je tombais sur un
portrait qui attira toute mon attention. Avec la lumière de l’abat-jour à mes côtés, je
rapprochais la photo de mes yeux. Belle horreur ! L’homme sur la photo me ressemblait trait
pour trait. Coïncidence ? Je ne sus quoi répondre. Comme si ce n’était pas assez. C’était le
moi d’il y’a dix-huit ans… Je la sortis de son repos dans l’immédiat…
- C’est qui cet homme sur la photo ?
À moitié réveillée, elle affirma que c’était bel et bien moi. « …Chérie, tu ne te reconnais
plus ? On parlera demain. Na lembi pardon ». Moi qui comptais piquer un bon somme, ça
aussi, je le remettais à plus tard… Je remuais la moindre parcelle de ma mémoire. Creusant
jusqu’à la racine de mes souvenirs. Aucune image. Même pas un à peu près. Pas même un
souvenir flou, ne se pointa. Rien. Je ne me souvenais pas d’elle, la tigresse. La photo, je m’en
rappelais vaguement. Il me manquait une case. Je rembobinais jusqu’au début. Il me fallait
savoir qui était cette femme. Et puis la photo… C’est là que tout me revient : « Il y’a de cela
dix-huit ans. Nous venions décrocher notre diplôme d’Etat. La tigresse et moi étions dans
l’euphorie comme la plupart de jeunes. Nous étions excités par la pensée d’embrasser enfin le
monde universitaire. Ce qui nous réchauffait par-dessous tout ce n’était pas ce qui viendrait
après plutôt le sentiment de savoir nos efforts récompensés à sa juste valeur. Et c’est ce
sentiment, celui de reprendre vengeance, sur tous ce temps consacré à réviser… qu’il fallait
rattraper. Le tournant nous souriait enfin ! Dans ce cadre, nous organisions un after, comme
dit chez nous, une fête qui aurait lieu après les trois jours de festivité que nous accordait l’Etat
pour mettre la ville sens dessous dessus à coups de sifflet, de vuvuzela… et le coutumier, si
pas légendaire, aspersions de poudre sur la tête. L’after fut organisé par G**** qui était le fils
d’un ministre. C’est lui qui était la main chaleureuse qui finançait nos délires. Il réserva tout
le Pima Bar. À 18 heures, toute la sixième littéraire se retrouvait dans le lieu. Comme il est de
coutume chez nous : l’invité invite. Quelques potes de Bio-chimie et Math-physique étaient
aussi de la partie. La tigresse avait accepté de se rendre avec moi à l’after ce qui n’avait rien
d’exceptionnel étant son meilleur ami. Cette dernière fête fit aussi une occasion pour nous de
se dire au revoir car il y’avait ceux qui dans quelques mois prendraient l’avion pour un coin
du monde pour continuer les études, renforcer les liens entre nous, raconter les bons moments
et les anecdotes, avouer à cœur ouvert ce que l’on pensait ou cachait à l’autre et se
confesser… J’avais profité de l’opportunité pour cracher mes sentiments, jouissant de cet
instant où la bouche se confiait à cœur ouvert, connaissant que l’alcool dans les veines aidant
déliait facilement la langue. Ce n’était plus un secret tout le monde sur le lieu était au courant
que le couple de la tigresse battait de l’aile. Je m’appuierais sur cet alibi pour me donner
bonne conscience. C’était quitte ou double. J’étais tellement noyé dans la foule que je ne
remarquais pas que la tigresse s’était éclipsée. Je m’étais alors mis à sa recherche. Je la
retrouvais assise dans son coin, à l’écart. Je compris voyant les larmes qui pointillait ces joues
qu’elle venait de faire face au pire... Je la pris dans mes bras. À défaut de meubler
maladroitement son silence par des plates excuses. Le simple contact de son corps contre le
mien suffit pour me mettre le feu entre les jambes. Mes caresses se hissèrent de plus en plus

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vers les zones inexplorées. Ma main s’hasarda le long de son dos, tentant de s’infiltrer dans sa
culotte, qu’elle l’ôta avec dégoût.
- Qu’est-ce que tu essayais de faire là ?
- Je… Je… Je… Je… Je… bégayais-je.
- Je quoi ? Les hommes vous êtes tous pareils !
- Ce n’est pas ce que tu crois ! C’est juste que je…
- Tu quoi ?
- Je t’aime !
Je l’avais lâché comme ça m’était venu. Comme cela m’était monté aux lèvres. Elle était
restée sans mot. Elle esquissa un sourire pour masquer sa surprise si pas son dégoût. Elle me
bredouilla que c’en valait plus la peine parce qu’elle était au courant. Mes actes étaient plus
forts que les mots. Je lui demandais si ça ne le faisait rien, si elle ne ressentait pas quelque
chose pour moi, même un grain d’amour… « Tu es et resteras mon ami, voilà ce que je
ressens pour toi ». Je n’oublierais pas cette phrase qui m’a descendu avec mépris. J’essayais
désespérément une dernière approche, plus culottée, je voulus l’embrasser. Dans mon élan,
ma joue alla à la rencontre de sa main. Avant de prendre les jambes à son cou, elle me confia
qu’elle préférait de loin ce « moi » réservé, timide, qui avait du respect pour sa personne. Pas
ce fichu personnage que l’alcool avait fait resurgir. Je venais d‘envoyer en l’air dix ans
d’amitié. Je ne m’efforçais plus de la retenir. Ma présence ici n’avait plus raison d’être. En
regagnant la piste de dance, je l’avais revu enlacer dans les bras de G**** qui lui faisait la
cour depuis le maquis. En bon opportuniste, il avait sauté premier sur elle. Je fis encore plus
chagriner. Il fallait que je garde la tête haute, bendele ekweya te, que même toucher, je me
devais tenir le coup comme un bon noko. Même s’il a été fatal. Pour lui prouver que j’avais
tourné la page, je bus comme un trou. « Boire pour oublier, méfie-toi les chagrins savent
nager » m’avait confié T**** qui avait tout compris sans que je ne dise quoi que ce soit…
Bientôt minuit, certains avaient commencé à déguerpir. Pendant que les enfants de la maison
pliaient bagages, les autres, les ntela ntela, qui se foutaient éperdument de l’heure,
n’attendaient plus que de passer aux choses sérieuses, faire les histoires de papa et maman.
Minuit et demi, à peu près… j’avais égaré le sens du temps. C’est les bruits des gémissements
qui me tirèrent de mon assoupissement. Titubant vers les toilettes, ma tête avait le poids d’une
enclume qui s’entêtait à se stabiliser le long de mes jambes en coton, j’avançais en
m’appuyant sur les chaises et tables éparpillées çà et là. Les effets de la bière agissait sur tout
mon corps sauf sur ma vue. Je distinguais clairement les choses. Surtout cet attroupement
dans les toilettes pour hommes, je ne voulais pas réfléchir avec mon cerveau. Je voulais voir.
Raisonner avec ma vue. Mes oreilles à demi assourdis par la musique King Kester qui
empoissonnait l’appréhension de mon ouïe. J’entendais un mélange des gémissements, des
pleurnicheries, des rires, des chuchotis… un salmigondis nauséabonds et excitants. La source
était une scène macabre. Elle, la tigresse, était étalée à même le lavabo où tous les hommes
autour avaient dégainés leur pantalon, leur queue braquée sur son vagin. On l’avait cloué le
clapet en l’enfonçant un bout de chiffon dans le palais. Un maigre ruisseau de sang filait du
bout de l’orifice vaginal passant par l’anus pour s’écraser à même le sol comme des gouttes
de pluie. Mon intrusion n’avait pas l’air de les surprendre. G**** en bon chef de file me
convia à leur table. Remuer le couteau dans la plaie. T**** passa son bras le long de mon

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épaule. Il alerta les autres de mon intrusion, surtout ceux qui n’avaient rien à faire de voir
planté là, G**** me passa la bouteille de vodka pour je prenne courage. « Bois et prends
courage (G**** m’approcha du corps de la tigresse affaissée sur le lavabo) car celle-ci, c’est
mon corps livré pour vous » dit-il en me forçant d’ingurgiter. Les smartphones étaient déjà
aux aguets pour immortaliser le moment. T**** et G**** se donnèrent à cœur joie de mettre
mon sexe en joue. Pantalon en berne, la queue prête pour l’assaut. Pour assener le coup de
grâce. Au premier va-et-vient, le peu de lucidité qui me restait commencer à s’évaporer. Je
commençais à prendre mon pied. Je passai ses jambes par-dessus mes épaules. Sous les flashs
des caméras des smartphones qui immortalisaient mes moindres faits et gestes. Quand mon
regard croisa celui de la tigresse, j’eus un court arrêt. Elle avait les yeux trempés dans ses
larmes. Cette tristesse me glaça que je ne me rendus pas compte que je venais de jouir. Je me
détachais d’elle et un liquide d’une couleur indéfinissable coulait de son sexe. Une mixture
sperme et sang… Ce sont les vestiges de soirée qui me revinrent en premier. Puis en second
ce fît l’après viol. L’affaire avait fait jaser comme toutes les nouvelles qui font bander
Kinshasa. La police tenta de remonter jusqu’à nous. Heureusement que G**** était là pour
couvrir nos arrières. Après deux trois semaines, l’affaire fut vite mise sous le tapis. Et pour
être sûr que rien et ni personne ne l’échapperait. Il nous mit en garde s’il s’avérait que
quelqu’un crache de morceau, il serait dépourvu de son engin de reproduction, il y veillerait
personnellement. Le Pima Bar au centre de la polémique fut blanchi par la bonne fois des
juges qui, en passant, ont eu la patte gracieusement graissé… Profitant de cette occasion pour
reprendre la vie à zéro loin des projecteurs. J’avais terré ce souvenir quelque part loin dans ma
mémoire. Je n’eus plus aucune nouvelle de la Tigresse jusqu’à ce jour… »
Elle était là. Juste à mes côtés. Je ne sus quoi dire. Je riais, riais à gorge déployer parce que je
m’étais avoir ; je riais, riais de toute mes forces parce qu’elle était là, celle que j’avais tué ; je
riais, riais parce qu’elle n’était jamais vraiment parti ; je riais, riais parce qu’il faut rire de tout
; je riais, riais parce que les fantômes ne meurent jamais ! Je riais, riais parce que les anges
meurent de nos blessures ! Elle restait impassible à mon délire. Je me hissais dans son dos. Je
bredouillais des excuses troublé par mes pleurer-rire. Elle sortit de son mutisme. Elle avait le
regard de cette abominable nuit, je me revis sur elle.
« À eux, je les ai accordé mon pardon. Mais toi, je ne te pardonnerai jamais. Je suis venue
pour t’apporter dans ma tombe. Ta mort sera longue, un doux supplice que tu subiras en
mémoire de moi…
- Autant le faire tout de suite.
La tigresse se jeta sur mon corps que le sien dévora avec un appétit de cannibale.
Le matin, elle n’était plus là. Depuis cette nuit psychédélique, j’attendais ma mort. Or elle
m’avait déjà été administrée. Une année plus tard, j’amenai ma carcasse chez le médecin qui
m’annonça que j’étais séropositif. Il me convia à suivre un traitement que je déclinais. Pour
m’expier de ma faute, je me devais / de la rejoindre le plus vite dans la tombe pour qu’on
fasse tous plus qu’un… »

… Fidèle auditeur, nous nous excusons de cette interruption, pour des raisons de déontologie
journalistique, nous sommes obligés de suspendre ces aveux criminels. Nous venons de
recueillir plus qu’un aveu pour qu’enfin les agents compétant de l’Etat mette la main sur cet

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incivique, un odieux personnage, doublé d’un violeur sans morale ni scrupule, cet assassin…
Likambu yako kamua, qu’il aurait cru ? Grâce à la Radio Trottoir, nous venons de mettre la
puce à l’oreille sur ces cols blancs qui se font passer pour des personnes respectables et
irréprochables comme le proverbe le dit : Nonante neuf jours pour le voleur et un jour pour le
propriétaire. C’est sur ce mot de sagesse que nous clôturons, notre seizième lecture, DJ Virus
balancez nous un bon morceau pour nous faire oublier ce que l’on vient d’entendre… »

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