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La sémantique

Chapitre 6
lexicale
 Description linguistique (et autres)
 Modélisation informatique

La sémantique lexicale est l'étude du sens des ``mots'' -ou


plutôt des morphèmes- d'une langue. Cette définition est
en réalité assez problématique, puisque la notion même de
``sens'' n'a rien d'évidente. Le problème tient précisément
à ce que, pour définir le ``sens'' d'un mot, on recourt en
général à d'autres mots. Pourtant, la consultation d'un
dictionnaire d'une langue donnée est de bien peu d'utilité si
on n'a pas déjà d'un minimum de connaissance de cette
langue. Comment échapper à cette ``circularité du sens'' ?
Nous evisageons dans ce chapitre (et le suivant) diverses
tentatives qui peuvent être regroupées en trois familles :
 utilisation de ``primitives sémantiques'' (non
analysables) à partir desquelles les sens des mots
peuvent être construits par combinaisons ;
 définition de ``réseaux de sens'' à l'aide de relations
entre morphèmes ou entre concepts : le sens d'un
mot se confond alors avec sa position dans le
réseau ;
 définition d'un ``monde de sens'' (fondé en général
sur les mathématiques et la logique) sur lequel on
peut projeter le sens des morphèmes.

Nous verrons que ces familles ont donné lieu à des


théories variées qui ne s'excluent pas nécessairement les
unes les autres. Nous verrons aussi qu'elles traitent avec
plus ou moins de bonheur de la diversité des ``sens''
associés aux différentes catégories de morphèmes : le sens
d'un morphème grammatical est évidemment beaucoup
plus difficile à cerner que celui d'un morphème lexical. Le
domaine de la lexicologie s'intéresse d'ailleurs
exclusivement à la sémantique de ces derniers.

1 Description linguistique (et autres)


En matière de sémantique, la linguistique entre souvent en
dialogue avec d'autres disciplines, en particulier avec la
psychologie et la philosophie. Nous évoquons ci-dessous
quelques-unes des notions fondamentales que ces
disciplines ont contribué à mettre à jour, tout en en
détaillant les approches plus spécifiquement linguistiques.
Lorsque cette description atteint un certain niveau de
précision, elle peut très bien se confondre avec un modèle
informatique. La distinction entre ``description
linguistique'' et ``modélisation informatique'' qui
structurait les chapitres précédents sera donc moins
rigoureusement tenue qu'avant : la section informatique
sera plus réduite, et contiendra surtout un état des lieux
des implémentations mettant en oeuvre les théories
présentées dans cette première section.

1.1 Des choses aux mots

Pendant très longtemps, la sémantique lexicale a été


conçue en termes ``analogiques'' : pour Platon et tous les
représentants de la philosophie médiévale, un mot
représente un sens par la vertu d'une certaine
``ressemblance'' ou ``similitude'' avec lui. Saussure a, de
ce point de vue, marqué une rupture, en insistant sur le
caractère fondamentalement arbitraire du rapport entre les
mots et les choses ou, comme il le formule, entre les
``signifiants'' et les ``signifés''. Dans la plupart des
langues, seules quelques onomatopées (imitation de cris
d'animaux par exemple) gardent un lien non arbitraire avec
ce à quoi ils réfèrent.

A cette dualité ``signifié/signifiant'', certains auteurs


substituent un ``triangle sémiotique'' qui relie trois termes,
comme dans la figure 6.1. La sémiologie (ou sémiotique)
étudie les systèmes de communication par signes, dont les
langues naturelles ne sont que des cas particuliers.

Figure 6.1 : triangle sémiotique

Explorons donc quelques uns des liens entre ces termes.

Nombre d'auteurs ont remarqué que les différentes langues


humaines ne ``découpent'' pas le monde de la même
manière. Par exemple, la traduction du mot français
``bois'' en allemand ne sera pas la même suivant qu'on
veut désigner le matériau (``Holz'') ou un sous-bois, une
petite forêt (``Wald''). En danois, ce sont encore d'autres
choix qui sont à l'oeuvre, comme le montre le tableau
suivant :

français arbre (sous-)bois forêt


allemand Baum Holz Wald
danois troe skov

La façon de nommer les couleurs est un autre exemple


classique de différences linguistico-culturelles. Le
``spectre des couleurs'' est en effet un continuum physique
de longueurs d'ondes : en voir sept dans un arc-en-ciel est
un choix qui n'a rien d'universel. Pour étudier les
alternatives, les psychologues procèdent à des expériences
où ils présentent à des locuteurs de langues différentes des
petits morceaux de carton, en leur demandant de ranger
ensemble ceux qui sont de la ``même couleur''. Le tableau
suivant montre les regroupements réalisés par des
représentants de cultures différentes :

français indigo bleu vert jaune orange rouge


chona (Zambie) cipsw uka citema cicera cipsw uka
bassa (Liberia) hui (``froides'') ziza (``chaudes'')

Donner le même nom de couleur à des cartons qu'on


qualifie en français de ``jaune'' et ``rouge'' ne signifie pas
du tout ``ne voir aucune différence'' entre ces cartons. Un
nom de couleur doit plutôt être conçu comme une
catégorie, c'est-à-dire une classe d'équivalence de
perceptions acquise par éducation. De même, tout
francophone a appris à désigner par la catégorie ``chien''
un grand nombre de perceptions très différentes... Cette
capacité de catégorisation est une compétence
fondamentale des êtres humains : c'est grâce à elle que le
monde réel, appréhendé par des perceptions
physiologiques (sons, images, gôuts, etc.) continues, peut
être discrétisé en unité linguistiques distinctes.

Chaque langue ``découpe'' ainsi le réel suivant ses propres


``catégories''. Suivant certains auteurs, ce découpage a des
répercutions sur le fonctionnement de la pensée. On
désigne par ``thèse de Sapir-Whorf'' l'hypothèse suivant
laquelle ``les mondes où vivent des sociétés
[linguistiquement] différentes sont des mondes distincts,
pas simplement le même monde avec d'autres étiquettes''.
La langue induirait en quelque sorte une ``vision du
monde'' ainsi qu'une manière spécifique de se situer dans
l'espace et le temps, et donc finalement un mode de pensée
particulier.

Cette relativité linguistique radicale est néanmoins


controversée. Certaines études ont ainsi mis à jour des
invariants cognitifs dans l'espèce humaine, qui se
retrouvent dans certains traits de ses langues. Par exemple,
si une langue ne dispose que de deux mots pour les
couleurs, la distinction opérée sera toujours clair/foncé ou
chaud/froid. Et si un troisième mot existe, il servira
presque toujours à désigner la couleur rouge...

1.2 Sens et référence

On doit à Frege (1848-1925), mathématicien et philosophe


allemand, par ailleurs aussi inventeur de la logique des
prédicats du 1er ordre (que nous évoquerons dans le
chapitre suivant), une distinction fondamentale entre le
sens et la référence (ou la dénotation) d'une expression
linguistique.

Pour définir la notion de sens, on peut s'inspirer de la


façon dont nous avons procédé pour définir les catégories
grammaticales : deux unités linguistiques ont le même sens
si elles sont substituables l'une à l'autre dans n'importe
quelle proposition en préservant la valeur de vérité de
cette proposition. Un ``sens'' est ainsi, encore une fois, une
classe d'équivalence pour une relation de substituabilité, et
ce qui doit rester invariant est encore ce qui caractérise le
``niveau d'analyse supérieur'' (ici : la notion de ``valeur de
vérité''). On dit aussi que deux expressions sont
``synonymes'', c'est-à-dire ont le même sens, si elle sont
interchangeables dans n'importe quel contexte.

Tout le mérite de Frege est de montrer que cette notion de


sens ne coïncide pas avec la fonction de ``désignation
d'une portion du monde'' par laquelle on la définit parfois.
L'exemple, devenu classique, qui permet d'illustrer cette
distinction, est tout ce qui sépare ``l'étoile du matin'' de
``l'étoile du soir''. Ces deux termes désignent en fait le
même ``astre'' : la planète Vénus (qui est aussi, d'ailleurs,
``l'étoile du berger''). On dit qu'ils ont la même dénotation
ou qu'ils réfèrent à la même portion de la réalité. Ils ne
sont pas pour autant substituables dans tous les contextes
linguistiques. Par exemple, on peut très bien associer une
valeur de vérité différente aux deux propositions suivantes
:
 Jean aime l'étoile du matin.
 Jean aime l'étoile du soir.

Deux expressions qui partagent la même référence n'ont


donc pas nécessairement le même sens.

Cette distinction sens/référence a été reprise plus tard par


Carnap (1891-1970), autre philosophe allemand (puis
américain), sous la forme d'une distinction similaire entre
ce qu'il appelle ``l'intension'' et ``l'extension'' d'un concept
(ou d'une catégorie, pour reprendre notre terme précédent).
Pour la comprendre, faisons un détour par les
mathématiques. L'ensemble noté P des nombres pairs peut
être défini de deux façons radicalement différentes :
 P={n∈N | ∃ p∈N, n=2p}
 P={0,2,4,6,8...}

Le premier ensemble auquel P est égal est une


caractérisation abstraite : c'est une définition en intension
ou intensionnelle, tandis que le deuxième est une simple
énumération de ses éléments : c'est une définition en
extension ou extensionnelle. De même, on peut très bien
définir la catégorie des ``chiens'' en intension, en la
caractérisant comme une espèce animale ayant telles
propriétés physiologiques ou génétiques, ou bien en
extension, en énumérant les unes après les autres toutes
ses instances (``Médor'', ``Milou'', ``Idéfix'', etc.). Le
première définition coïncide (à peu près) avec la notion de
sens, la deuxième avec celle de référence.

1.3 Décomposition en primitives ``sémiques''

L'analyse sémique ou componentielle (terme anglo-saxon)


est une des premières tentatives systématiques de
décomposition du sens d'un mot en unités de sens
élémentaires. Elle est née dans le contexte de ce qu'on
appelle l'analyse structurale dans les années 1960.

Dans cette théorie, l'unité minimale de signification est


appelée un sème. Un sème est un trait sémantique minimal
dont les seules valeurs possibles sont : positif (+), négatif
(-) ou sans objet (Ø). En informatique, on dirait que c'est
une variable booléenne. Un sémème est un faisceau de
sèmes correspondant à une unité lexicale. L'analyse
componentielle de l'ensemble des mots {jument, poulain,
pouliche} pourrait ainsi ressembler au tableau suivant :

  cheval mâle adulte


jument + - +
poulain + + +
pouliche + - -

Les mots ayant un (ou des) sème(s) positifs en commun


appartiennent au même champ sémantique : c'est le cas
des trois mots de notre exemple, qui partagent le trait
``cheval''. Mais les sèmes ont aussi une fonction
distinctive (ou contrastive) puisqu'ils rendent explicite ce
qui fait la différence entre chaque couple de mots pris
parmi ces exemples.

Les sèmes peuvent aussi servir à caractériser les différents


sens possibles de mots ambigus. La figure 6.2 donne sous
la forme d'un arbre la décomposition en sèmes des six
significations possibles du mot ``canard''. Ce genre de
représentation montre qu'une analyse sémique sert aussi à
relier les unes aux autres les significations. Elle ne
s'oppose donc pas à une conception systémique du sens,
suivant laquelle les unités lexicales ne prennent sens que
les unes par rapport aux autres, dans un réseau (conception
que nous reprenons plus loin).

Figure 6.2 : arbre de désambiguisation à base de sèmes

Disposer d'un tel arbre peut servir à désambiguiser l'usage


d'un mot dans un texte. Par exemple, dans la phrase ``Jean
tenait le canard dans sa main'', le verbe ``tenir'' contraint
son complément d'objet à avoir un trait ``matériel'', ce qui
élimine toute la branche gauche de la structure. Si, dans la
suite du texte, nous apprenons que ``le canard s'envola'', le
trait ``animé'' doit être vérifié et l'ambiguité quant au sens
du mot ``canard'' est levée. Mais une telle analyse
nécessite quelques informations complémentaires (traits
acceptés ou non en sujet ou complément de verbes) et est
donc difficile à automatiser complètement.

Les critiques qu'on peut formuler à l'encontre de ce genre


d'analyses sont les suivantes :
 même dans un domaine restreint, il y a rarement
concensus entre différents auteurs sur la nature des
sèmes pertinents
 personne n'a jamais prétendu exhiber un ensemble
fini de sèmes à partir desquels les sens de tous les
morphèmes d'une langue donnée (voire de toutes
les langues possibles) pourraient être définis. Ce
serait une tâche titanesque et vaine, puisque
l'analyse structurale vise plutôt à comprendre les
relations distinctives entre unités lexicales.
 l'analyse sémique est surtout adaptée aux mots
lexicaux : quel ensemble de sèmes associer à des
morphèmes grammaticaux comme ``par'', ``de'',
``qui'', ``dont'', ``or'', etc. ?
 quelle est exactement la nature de la composition
entre sèmes appartenant à un même sémème ? Se
confond-elle simplement avec un ``ET'' logique
entre variables booléennes ? Parfois, on aurait
envie de modes de compositions plus élaborés,
ainsi que de règles de compatibilités entre sèmes
associés à des mots liés syntaxiquement (comme
dans notre exemple de canard).

Il y a eu, à notre connaissance, peu de tentatives


d'utilisation à grande échelle de l'analyse sémique en tant
que telle. Mais elle reste une source d'inspiration pour
certains travaux contemporains. Certains formalismes
syntaxiques intègrent par exemple des ``traits
sémantiques'' à leur vocabulaire, pour contraindre la
construction de phrases non seulement syntaxiquement
correctes, mais aussi sémantiquement interprétables.

1.4 Décomposition des actions selon Schank

Il existe d'autres tentatives de décomposition de la


sémantique de certains mor-phèmes en primitives. Une de
celles qui a été poussée le plus loin est due au spécialiste
d'intelligence artificielle Roger Schank (né en 1946), et
date des années 1970. Elle s'intègre dans une démarche
globale de représentation des connaissances, et ce que
nous en présentons ici ne rendra que très partiellement
justice à l'ensemble de la proposition où elle s'inscrit (nous
y reviendrons dans le chapitre suivant).

Schank estime pouvoir décrire la totalité des actions


possibles en se ramenant à onze concepts de base. Cinq
concernent les actions physiques :
 PROPEL : appliquer une force à quelque chose
 MOVE : déplacer une partie du corps
 GRASP : attraper un objet
 INGEST : introduire quelque chose à l'intérieur
d'un objet animé
 EXPEL : rejeter quelque chose à l'exterieur d'un
objet animé

Deux autres mettent l'accent sur le résultat produit par


l'action :
 PTRANS : changer la position d'un objet physique
 ATRANS : changer une relation abstraite d'un
objet (comme la possession)

Les deux suivantes interviennent comme instrument


d'autres actions :
 SPEAK : produire un son
 ATTEND : diriger un organe sensoriel vers un
stimulus

Et les deux dernières sont des ``actes mentaux'' :


 MTRANS : transfert d'information d'un indivisu à
un autre, ou entre deux éléments de la mémoire
d'un même individu
 MBUILD : création de nouvelles pensées

Par exemple, la vente d'un objet est une combinaison entre


une action de transfert de possession de cet objet entre
deux agents, et une action de transfert d'argent dans la
direction opposée. Pour que ce genre de combinaisons soit
possible, il faut ajouter un certains nombres de
descripteurs que nous n'aborderons que dans le chapitre
suivant, parce qu'ils relèvent plutôt de la sémantique
propositionnelle : c'est le cas notamment des rôles
sémantiques, qui décrivent des fonctions comme ``acteur'',
``objet'', ``bénéficiaire'', etc.

Cette proposition a le mérite de se présenter comme


complète, et d'être intégrée dans un système de
représentation des connaissances de plus haut niveau. Son
originalité est de s'appliquer plutôt aux verbes qu'aux
noms, ce qui est assez rare pour être souligné. Elle a été
mise en oeuvre par Schank, et a été parfois reprise dans
certains systèmes ultérieurs. Nous la retrouverons dans le
chapitre suivant, intégrée à des formalismes de
représentation du sens de propositions complètes (voir le
chapitre 7, section 2.4).

1.5 Analyses par prototypes et proximités

Pour éviter la ``circularité du sens'' dans le domaine du


lexique, la principale alternative à la décomposition en
primitives repose sur la prise en compte des liens
qu'entretiennent les morphèmes entre eux. Saussure, déjà,
considérait que le langage constituait un système et que la
sémantique d'une unité se mesurait surtout à l'aune de ses
différences et similitudes avec les autres unités (suivant un
axe ``paradigmatique'').

Cette hypothèse a été en partie confirmée par des études


psycholinguistiques menée par Eleanor Rosch sur
l'organisation de la mémoire humaine menées dans les
années 70, visant à comprendre comment s'opérait la
catégorisation. La conception classique, datant d'Aristote,
qu'on avait à cette époque d'une catégorie était celle d'une
conjonction nécessaire et suffisante de traits (qu'on peut
assimiler à des sèmes) : on supposait, par exemple, que
l'appartenance d'un individu à la catégorie `` oiseau''
pouvait se décider en vérifiant si celui-ci satisfaisait
chacun des critères de l'ensemble { vole, a-des-plumes, a-
des-ailes, a-un-bec, est-ovipare, etc.}. Pourtant, tous les
individus catégorisés en ``oiseau'' ne satisfont pas chacun
de ces traits : l'autruche, le pingouin ou le poussin ne
volent pas, le kiwi et le pingouin n'ont pas vraiment de
plumes, etc.

En fait, il semble que la catégorisation humaine fonctionne


plutôt par proximité à un prototype. A chaque catégorie,
pourrait ainsi être associé un représentant privilégié
appelé prototype, qui exprime l'essence des propriétés des
membres de cette catégorie : le ``moineau'' ou le ``rouge-
gorge'' pourraient jouer ce rôle pour la catégorie ``oiseau''.
L'appartenance d'un individu à une catégorie s'évalue alors
par sa proximité avec le prototype : c'est une question de
degré plus que de frontière claire. Ce fonctionnement a pu
être validé en mesurant les temps de réponse à des tests de
catégorisation : plus on présente à un sujet humain une
instance qui ``ressemble'' au prototype, plus son
appartenance à la catégorie est jugée rapidement.
Cette nouvelle conception de la sémantique en terme de
``proximités'' est souvent rapprochée de la ``ressemblance
de famille'' proposée bien avant par le philosophe
Wittgenstein (1889-1951) pour analyser ``les processus
que nous nommons "jeux"'' : jeux de plateau, de cartes ou
de balles, jeux solitaires ou collectifs, jeux compétitifs -ou
pas-, divertissants -ou pas-, où interviennent -ou pas- la
chance, l'adresse... L'ensemble des jeux n'est pas
caractérisable par un ensemble de traits fixe : à la place,
``nous voyons un réseau complexe de similitudes qui
s'entrecroisent et s'enveloppent les unes les autres''.
Certains auteurs ont proposé de représenter ce ``réseau''
par des cercles qui ont certaines intersections communes, à
la manière de la figure 6.3.

Il faut imaginer que chaque instance de ``jeu'' figure dans


un des cercles. Cette figure très simplificatrice (on peut
envisager des recoupements plus complexes) illustre
surtout que chaque cercle a des traits commun avec un ou
plusieurs autres, mais aussi qu'il existe des cercles (et donc
des instances de jeux) qui ne partagent aucun trait. Ils sont
identifiés comme appartenant à la catégorie des jeux en
vertu de proximités successives, et non parce qu'ils
vérifient une propriété particulière.

Figure 6.3 : représentation graphique de la ``ressemblance


de famille''

1.6 Organisations hiérarchiques


Même si, bien sûr, ce vocabulaire n'était pas présent dans
ses textes, chacun des types de jeux évoqués par
Wittgenstein constitue une ``sous-catégorie'' spécifique de
la catégorie ``jeu'' et pourrait même avoir son prototype
propre. De même, la catégorie ``oiseau'' est un cas
particulier de la catégorie ``animal'', elle-même cas
particulier de la catégorie ``être vivant'', etc. L'ensemble
des catégories peut donc être organisé de manière
hiérarchique par la relation ``est un cas particulier de'',
comme dans la figure 6.4 où cette relation est représentée
par une flèche.

Figure 6.4 : organisation hiérarchique d'une ensemble de


catégories

Ce genre de modélisation est devenue la base des langages


de programmation ``orientés objets''. Ils s'accompagnent
dans ce cadre de mécanismes d'héritage : sauf exceptions
explicitement déclarées, les catégories ``inférieures''
héritent des propriétés et fonctions de leur(s) ancêtre(s).
Par exemple, si la propriété ``voler'' est associée à la
catégorie ``oiseau'', elle sera automatiquement associée
aussi à toutes les sous-catégories d'oiseaux.

La mémoire humaine est probablement aussi organisée de


façon similaire. Mais tous les éléments figurant dans une
structure de ce genre ne sont pas pour autant équivalents
d'un point de vue psychologique : des expériences ont
montré que, quand on demande à quelqu'un de décrire une
situation ou une image, il a tendance à utiliser les
catégories se situant à un certain niveau dit ``de base'' dans
cette hiérarchie : il utilisera le mot ``oiseau'' ou ``lion''
plutôt qu'``animal''. Ces mots ne se situent d'ailleurs pas
toujours au même niveau global dans notre arbre de la
figure 6.4 : le ``niveau de base'' psycholinguistique ne
correspond pas nécessairement à un niveau précis des
taxonomies scientifiques ; il peut être différent pour
chaque ``branche'' de l'arbre.

Une organisation hiérarchique implique l'existence d'une


relation d'ordre. Ainsi, malgré les apparences, l'arbre de la
figure 6.2 permettant de distinguer les différents sens de
``canard'' n'est pas vraiment hiérarchique. En effet, l'ordre
dans lequel les sèmes y sont évalués est relativement
arbitraire, et on peut même retrouver le même test à des
niveaux distincts dans différentes branches (c'est le cas du
trait ``oiseau'' dans notre exemple).

Les arbres du type de la figure 6.4 ont une traduction


contemporaine dans la notion d'ontologie. Ce terme, hérité
de la philosophie, signifie littéralement ``science de ce qui
est''. L'informatique l'a réinvesti récemment pour le ``Web
sémantique'', projet de mise en commun de connaissances
générales et de données factuelles via Internet. Dans ce
contexte, une ontologie est une hiérarchie de concepts
censés être indépendants d'une langue donnée et
founissant un vocabulaire général (comme le fait que les
oiseaux sont des animaux et volent) pour décrire des
connaissances plus spécifiques (concernant par exemple
des instances particulières d'oiseaux).

Il existe une autre branche de la linguistique dans laquelle


la structuration hiérarchique est bien ancrée : c'est la
terminologie, l'étude des termes (cf. chapitre 5, section
1.2) pouvant servir de mots clés dans l'indexation d'un
texte. Pour aider les documentalistes à naviguer dans un
ensemble de mots clés, les terminologues les organisent
dans un thesaurus comme celui de la figure 6.5 (fondé sur
un petit échantillon de genres cinématographiques).

Figure 6.5 : petit thesaurus de genres cinématographiques


Les principales propriétés d'un thesaurus comme celui-ci
sont les suivantes :
 il ne contient que des termes, sous la forme de
noms communs ou de groupes nominaux, en
général en forme lemmatisée ;
 les termes figurant dans un thesaurus sont censés
être représentatifs d'un certain domaine ;
 parmi ces termes, certains sont descripteurs (ils
peuvent servir à indexer un texte), tandis que
d'autres sont non descripteurs (ils ne doivent pas
être utilisés lors d'une l'indexation). Ces derniers
doivent être reliés à des termes descripteurs du
thesaurus, qui leur seront substitués si quelqu'un
les emploie lors d'une requête. Dans notre
exemple, le terme ``science fiction'' est souligné
pour signaler qu'il n'est pas descripteur.
 les termes sont liés entre eux par des relations. On
considère classiquement trois types de relations
possibles :
o la relation ``générique/spécifique'' est une
relation d'ordre : elle fournit la structure
globale du thesaurus mais ne le contraint
pas pour autant à être représentable sous la
forme d'un unique arbre : il n'y a pas
nécessairement unicité du terme le plus
général. Elle est représentée dans notre
figure par une flèche.
o la relation de ``synonymie'' (aussi notée
``employée pour'') est symétrique et relie
deux termes pouvant être échangés l'un
avec l'autre : de ce fait, elle est souvent
utilisée pour relier un terme descripteur et
un terme non descripteur, comme c'est le
cas dans la figure entre ``anticipation'' et
``science fiction''.
o la relation ``terme associée'' associe deux
termes du même ``champ sémantique'' sans
être pour autant synonymes : elle sert à
étendre une requête à des termes
sémantiquement proches : la flèche en
pointillées entre ``drame'' et ``comédie
dramtique'' en est une instance dans notre
thesaurus.

Les thesauri sont des outils linguistiques : ils permettent


d'élargir un critère de recherche d'information sur la base
de relations sémantiques contrôlées. Il n'ont pas pour
ambition de modéliser le sens global des termes qui y
figurent, mais seulement d'expliciter quelques-une de leurs
relations.

D'autres relations sémantiques peuvent bien sûr être


définies entre unités lexicales, et contribuer à enrichir un
réseau de sens plus complexe qu'un arbre.

1.7 Critiques générales et alternatives

Nous avons dans ce chapitre, plus que dans les précédents,


cité les noms des auteurs des théories et concepts
introduits. C'était, en partie, parce que le corpus des
travaux sur la sémantique n'est pas aussi consensuel et
``unifié'' que certains des autres domaines évoqués. Peut-
être n'a-t-il pas encore atteint le même niveau de maturité
scientifique.

Aucune des théories et propositions évoquées jusque là ne


sont en effet exemptes de critiques. Elle ne traitent, pour la
plupart, que de la caractérisation du sens d'une toute petite
partie d'un lexique : en général les noms communs, plus
rarement les verbes.

Que dire, par exemple, du sens des adjectifs ? Ces derniers


servent traditionnellement à exprimer des qualités
attribuées aux noms auxquels ils s'adjoignent. Mais la
caractérisation du sens d'un adjectif est un problème
difficile, car il dépend souvent de son environnement
syntaxique. Certains adjectifs, en effet, décrivent une
propriété relativement ``autonome'' : les couleurs d'une
``maison bleue'' et d'une ``orange bleue'' sont sans doute
comparables. Mais d'autres adjectifs sont indissociables du
nom qu'ils qualifient : un ``grand écrivain'' est ``grand en
tant qu'écrivain'' et pas nécessairement ``grand'' pour
autant. D'ailleurs, même le sens usuel de ``grand'' est
relatif à l'échelle du nom considéré : une ``grande souris''
et une ``grande girafe'' n'ont certainement pas la même
taille. Sans compter que certains adjectifs changent de
sens en français suivant qu'ils sont anté ou post-posés (mis
avant ou après le nom) : un ``homme pauvre'' n'est pas
forcément un ``pauvre homme'', etc.

Autant les noms communs et les entités nommées jouent


un rôle crucial pour savoir ``de quoi'' parle un texte, autant
les adjectifs et les verbes sont fondamentaux pour
connaître ``comment'' il en parle. Les systèmes qui
essaient de classer les textes porteurs d'opinion (par
exemple les critiques littéraires ou cinématographiques,
les argumentations militantes, les compte-rendus
d'utilisation d'un produit, etc.) en plus ou moins
``favorables'' se focalisent en général sur les adjectifs et les
verbes qu'il contiennent.

Le cas des adverbes est encore moins souvent abordé. Ces


derniers jouent en effet souvent le rôle de modifieurs : leur
fonction est de renforcer ou d'amoindrir le sens des mots
(en général adjectifs ou verbes) avec lesquels ils
apparaissent, comme dans ``courir vite'' ou ``très cher''.
Leur sémantique est donc difficile à décrire en elle-même.
Et, enfin, le sens des morphèmes grammaticaux ne peut
être envisagé que si on dispose d'une théorie du sens
global d'une proposition, dont ils constituent des briques
indispensables. Nous y reviendrons donc dans le chapitre
suivant.

Citons pour finir une approche récente et assez


prometteuse, qui tente de remédier à plusieurs de ces
critiques : la théorie du lexique génératif, introduite par le
linguiste américain Pustejovsky dans un livre de 1998.
Son ambition est d'expliquer la sémantique de toutes les
unités lexicales en contexte à partir d'un ``ensemble
noyaux'' et de mécanismes génératifs et dérivationnels.
Pour cela, Pustejovsky propose d'associer à chaque unité
lexicale quatre niveaux distincts de représentation :
 une structure argumentale qui spécifie le nombre
et le type de ses arguments (ex : sujet et
complément direct d'un verbe transitif)
 une structure événementielle, par laquelle on
distingue les activités, les états et les transitions
 une structure de qualia, qui se décompose elle-
même en quatre rôles :
o le rôle constitutif décrit la relation entre
l'objet référencé par le mot et ses
composantes : par exemple, pour un
``livre'', ses pages, sa couverture...
o le rôle formel est ce qui distingue l'objet
d'un domaine plus large : celui d'un livre
est de contenir de l'information
o le rôle télic est la fonction pour laquelle
l'objet a été conçu : celle d'un livre est
d'être lu
o le rôle agentif explicite les facteurs
impliqués dans sa création : l'auteur du
livre.
 une structure d'héritage lexical

On le voit, cette théorie est déjà très articulée et complexe,


et il n'est pas question de la détailler plus avant ici. Elle
cherche à analyser le sens d'un mot en le décomposant en
différentes facettes, qui contraignent la façon dont il se
combine avec d'autres dans une phrase. Elle est l'objet de
nombreux travaux et discussions à l'heure actuelle.

Les approches citées jusqu'à présent relèvent surtout des


deux premières ``familles'' identifiées en introduction de
ce chapitre : celles qui privilégient le découpage en
primitives (ou en ``facettes'' !) et celles qui préfèrent une
conception du sens en réseau. La troisième famille, où l'on
cherche à définir un ``monde de sens'' propre, concerne en
fait plutôt la sémantique propositionnelle et sera donc
surtout représentée par les exemples du chapitre qui suit.

2 Modélisation informatique
Nous l'avons déjà annoncé : cette partie sera limitée parce
que nous avons préféré mettre sur le même plan, dans la
partie précédente, les ``descriptions linguistiques'' et les
``modèles informatiques''. La frontière entre les disciplines
est parfois difficile à tracer en la matière. Par exemple,
l'analyse sémique a été élaborée dans un contexte
linguistique, mais elle est implémentable assez facilement
(et cela a parfois été tenté). Pour continuer à brouiller les
pistes, nous nous contenterons ici de retranscrire un
argumentaire philosphique célèbre qui nie la possibilité
même pour un ordinateur d'avoir accès au ``sens''
véhiculée par le langage.

2.1 Critique épistémologique

En 1980, le philosophe américain John Searle a fait


paraître un article où il imaginait ce qui est désormais
connu comme l'expérience de pensée de la ``chambre
chinoise''.

Dans cette expérience, il demande au lecteur de se mettre


dans la peau d'un expérimentateur enfermé dans une pièce.
La pièce communique avec un interlocuteur extérieur
grâce à un dispositif matériel quelconque (papier passé
sous la porte ou boîte aux lettres électronique). Les
informations qui s'échangent par ce canal se font
uniquement en chinois. Bien sûr, Searle s'adresse à des
lecteurs qui ne sont pas censés parler le chinois : la langue
elle-même a peu d'importance mais l'important est qu'elle
n'est pas comprise par la personne se trouvant dans la
pièce.

L'expérimentateur dispose d'un stock suffisant de


caractères chinois (ou il sait les produire avec un
ordinateur), et d'un manuel rédigé dans sa langue
maternelle. Quand un texte en chinois lui parvient, il
consulte le manuel. Celui-ci est rédigé sous forme de
règles qui lui expliquent, en fonction des caractères
figurant dans le message reçu, quels caractères il doit à
son tour choisir pour répondre. L'expérimentateur se
contente d'exécuter les ordres du manuel. Si celui-ci est
bien fait, on pourrait avoir l'impression qu'une vraie
conversation en chinois a eu lieu entre la pièce et
l'interlocuteur externe.

La ``chambre chinoise'' reproduit en fait le comportement


d'un ordinateur programmé pour réussir le ``test de
Turing'' (cf. chapitre 2, section 5). Le manuel joue le rôle
du programme, l'expérimentateur celui de l'unité centrale.
Même si le test est ``réussi'', la personne enfermée dans la
pièce n'aura à aucun moment ``compris'' quoi que ce soit à
la nature de la discussion, et encore moins à la langue
chinoise... Le coeur de l'argument de Searle, c'est que la
compréhension ne peut se réduire à la manipulation
syntaxique (au sens de ``régie par des règles formelles'') de
symboles. Or, c'est la seule chose dont sont capables les
ordinateurs.

Cet article a provoqué, dans les années qui ont suivi sa


parution, un débat intense (pas encore totalement clos), où
les échanges d'arguments et de contre-contre-arguments
ont été particulièrement riches. Parmi les ``reponses'' les
plus souvent mises en avant, on retiendra les suivantes :
 l'expérimentateur, à lui tout seul, ne comprend pas
le chinois, mais cette compétence émerge peut-être
de l'ensemble du dispositif, de même qu'aucun
neurone ne comprend non plus le langage, qui est
une compétence plus globale du cerveau.
 le sens émerge du lien entre les mots et les choses
auxquels ils réfèrent : ce qui manque aux
ordinateurs, ce sont des organes sensoriels pour
percevoir leur environnement, les catégoriser, et
les relier à des unités lexicales. On peut ainsi
espérer que des robots dotés de capteurs, capables
de catégoriser les données qui leur en parviennent
et de leur associer un symbole linguistique
auraient, eux, une vraie ``compréhension'' de ces
symboles.

L'engouement qu'a suscité l'article de Searle témoigne à


tout le moins qu'il a pointé un problème important pour la
communauté des chercheurs en ``intelligence artificielle''.
Depuis, les informaticiens ne prétendent en général plus
reproduire l'intelligence humaine dans leurs programmes,
mais au mieux simuler ses effets par d'autres moyens. Ils
adoptent la plupart du temps une démarche très
pragmatique, consistant simplement à exploiter au mieux
les capacités de calcul de leurs machines.

2.2 Sites Web

Les sites Web référencés ci-dessous illustrent


principalement la représentation du sens d'unités lexicales
sous forme de réseaux ou d'arbres. Dans le chapitre
suivant, seront présentés d'autres projets qui visent à
expliciter des connaissances plus générales, et qui
intègrent souvent une décomposition du sens en unités
plus élémentaires.

Le plus célèbre projet lexicologique mené jusqu'à une


réalisation informatique effective est le réseau ``Wordnet'',
né de travaux psycholinguistiques sur le fonctionnement
de la mémoire humaine. Wordnet est un dictionnaire
hypertexte -et bien plus que cela- : il contient des mots de
toutes catégories (y compris des entitées nommées) et est
structuré par un grand nombre de relations. A partir d'un
mot, on peut avoir accès à son ou ses hyperonymes (mots
``plus généraux que''), hyponymes (mots ``moins généraux
que''), antonymes (``mots de sens opposé à''), etc.
Il en existe une version pour les langues européenne,
nommée ``Eurowordnet'', incluant le français, mais elle est
payante. Eurowodnet a, semble-t-il, été fait plus en
traduisant Wordnet qu'en reconsidérant les liens
sémantiques propres à chaque langue, et ses utilisateurs
n'en sont pas toujours très satisfaits.

Quelques ontologies (anglaises) plus ou moins générales


et ambitieuses :
 virtual.cvut.cz/kifb/en/toc/229.html
 www.cs.umd.edu/projects/plus/SHOE/onts/
 ontologyportal.org/

Quelques thesauri (français) dans lesquels on peut


naviguer en ligne :
 grds.ebsi.umontreal.ca/r/thesaurus-activite-
gouvernementale/site-web/categories.htm
 www.bdsp.tm.fr/TSP3/Default.asp
 europa.eu/eurovoc/ (multilingue)

Autres représentations de relations sémantiques en réseaux


(pour le français) :
 www.enekia.com/thesaurus.html
 www.memodata.com/2004/fr/
dictionnaire_des_synonymes/
TGLinkBrowser.shtml

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Lexique

Didactique des langues

Macro-syntaxe de l'écrit et de l'oral

Ressources et normalisation
publiées

informatisées

logicielles

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publications scientifiques dans HAL

archives des publications

a Préface originale du TLF

L'ŒUVRE ET SES OUVRIERS

Nous croyons nécessaire, dans un esprit de justice, de donner en tête de ce volume les
personnes qui à des titres divers y ont collaboré de près ou de loin. En tête on trouv
des membres du Comité de Direction, suivie de celle du personnel du laboratoire po
sor de la Langue française. Dans l'une et l'autre liste les noms des membres qui n'étaien
onction le 15 septembre 1971 sont marqués d'un astérisque.

Composition du Comité de Direction. Présidents : *M. R. Lebègue, de l'Institut ; M. F.


'Institut. Directeurs scientifiques du C.N.R.S. : *M. M. Lejeune, de l'Institut ; *M. P. Mon
P. Bauchet. Le Directeur du laboratoire : M. P. Imbs. - Membres désignés par décis
ecteur Général du C.N.R.S. : M. C. Brunel, de l'Institut ; *M. J. Pommier, de l'Institut ; M
oine ; K. Baldinger ; J. Dubois ; J. Fabre ; G. Gougenheim ; Y. Lefèvre ; G. Mator
mada ; J. Stéfanini ; R.-L. Wagner. - Membres élus par le conseil scientifique du labora
R. Martin, représentant des chercheurs ; M me M. Chauvet, *M. L. Gardoni, M lle M.
résentants des ingénieurs, techniciens et agents administratifs. - Secrétariat : M. G. Gor

e personnel du laboratoire a collaboré à ce premier volume et a préparé les vo


rieurs à divers titres et fonctions.

Dans des fonctions de direction et de responsabilité des services : M. P. Imbs, Dir


ntifique et administratif du laboratoire ; M. G. Gorcy, Sous-Directeur (organisation
action, service de nomenclature, analyse synchronique) ; M. A. Caromel, M. J.-M. C
vice d'exploitation de l'ordinateur) ; M. J. Elmaleh (service technique des manusc
euves) ; *M. R. Fullenwarth (service d'analyse et service électronique) ; *M. L. G
alyse diachronique, service technique des manuscrits et épreuves) ; M me Th. Gérard (a
hronique) ; Mme E. Martin (service de documentation, enquêtes bibliographiques) ;
tin (analyse synchronique, analyse fonctionnelle de problèmes lexicologiques) ;
ucourt (service de programmation) ; *Mme M. Ornato, *Mme L. Pasques (analyse phonéti
ographique), M. J. Reimen (analyse et enquête phonétiques) ; M. J.-M. Retournard (s
mprimerie et de reprographie) ; M lle E. Schneider (service de bibliothèque, sélection des t
M. G. Spillebout (gestion documentaire, analyse synchronique) ; *M. R. Vienney (anal
vice électronique) ; *Mlle I. Vogel (analyse synchronique) ; Mme Y. Walterspieler (serv
oration).

es autres membres du laboratoire (auxquels s'ajoutent un certain nombre d'


ataires) étaient répartis comme suit dans les différents groupes de travail ou services :

Services de rédaction. - Groupes d'analyse synchronique : M. G. Arnould, *Mme D. Béche


Bégin, Mme F. Berrezel, *M. P. de Bodin de Galembert, Mme F. Calvet, Mme J. Cilia,
endon, Mlle G. Clavier, M. M. Colin, M. J. Elmaleh, M. P. Faucon, M lle Ch. Finlay, Mlle M.
C. Halbin, *Mlle S. Hommel, Mme G. Huguin, Mme J. Jan, M. J.-P. Jurin, *M. J.-P. Lehr
ngin, Mme M.-C. Marchalant, M. P.-M. Marquaire, *M. G. Meyer, Mme L. Mougin, Mlle M. M
M. Papin, *Mlle N. Petrovic, Mme M. de Saint-Albin, *Mlle Ch. Sabethay, Mlle C. Sénécaille,
y, M. C. Sylvestre, Mme G. Sylvestre, Mme G. de Vivar. - Groupes d'analyse diachr
mologie et histoire) : M. E. Ammann, Mlle J. André, *M. J. Bargallo, M lle V. Boccara,
rion, *M. D. Bugeanu, Mme M. Chauvet, *Mme G. Daufresne, M me G. Dufour, *Mme C. Lé
J. Mathieu, Mlle M.-O. de Metz, *M lle J.-M. de Miscault, *M. H. Niederehe, M me E. Papin,
rd, *M. N. Pinto, *Mlle Ch. Richard. - Analyse phonétique et orthographique : Mme C. Ch
ervice de documentation : Mlle A.-M. Becquer, Mme A. Bernardoff, *Mlle E. François,
ner, Mlle M. Jacquemin, Mme F. Lépine, *Mme A. Meunier, Mme F. Surdel. - Serv
iothèque et de préédition : *M. J. Colin, Mlle N. Damonneville, Mme D. Deshayes, M
ndjean, Mme M. C. Humbertjean, *Mme D. Steinmetz. - Organisation de la réd
menclature, coordination, dossiers de mots : M. G. Arnould, M. J.-P. Jurin, M lle C. Sénéc
vice technique des manuscrits et épreuves : Mmes P. Brochier, T. M. Wioland. - Secr
ntifique : Mlles M. Baermann, M. Charuel, Ch. Delperdange, Mme S. Dufour, Mlle G. Gué
teray, Mme F. Hamon, Mlle F. Hassler, Mme M.-A. Monin, Mme D. Pierre, Mlle Denise Reb
Danièle Rebouillet, *Mlle C. Romenville.

Service de mécanographie (perforation des textes) : Mmes M. Charroy, I. Licourt ;


ard, Mme G. Courtois, Mme M.-L. Cuccuru, Mme S. Dufour, *Mme N. Fanack, Mme A. Favarett
recher, Mlle Georges, Mlle M. Gobel, Mlle C. Grandjean, Mlle S. Grüntz, Mlle F. Hassler, Mlle B
M.-F. Herry, Mme J. Karcher, Mme S. Majin, Mme A.-M. Merny, Mlle F. Muller, *Mme N. Pa
N. Pirès, Mlle D. Rebouillet, Mlle N. Ricard, Mlle E. Rotach, Mme N. Vilhelm, Mme M. R. Wach
C. Wagner, Mlle F. Weiss.

Services électroniques. - Service d'analyse : M. M. Papin. - Service de programmation :


main, J.-Y. Hamon, A. Lebaillif, Mme N. Pierre, M. J.-P. Schiell. - Service d'exploitation :
elin, J.-L. Artis, J. Hammerschmitt, D. Monod, M. Oster, C. Quillé, A. de Vivar.

Services généraux. - Secrétariat : Mlle N. Adam, Mme M. Jeansen, Mme J. Oster, Mme J. Ren
vices techniques et d'entretien : M. Ch. Artis, Mme R. Artis, Mlle M.-J. Benedic, M. M. Clé
.-M. Guinard, Mlle M.-C. Hemmert, M. R. Mercier, Mme R. Peccolo, M. J. Stenger.

PRÉFACE
TABLE ANALYTIQUE

ROFIL GÉNÉRAL DU DICTIONNAIRE T.L.F.

A. Dictionnaire de langue et linguistique

1. Dictionnaire de langue et dictionnaire encyclopédique

2. Dictionnaire de langue et dictionnaire idéologique

3. Dictionnaire descriptif, dictionnaire d'exemples, dictionnaire linguistique

4. Dictionnaire ou inventaire ?

B. Dictionnaire historique et philologie

1. Dictionnaire synchronique et dictionnaire historique

2. Dictionnaire et philologie

C. Dictionnaire descriptif et normativité


DE LA PROCÉDURE LEXICOGRAPHIQUE

A. Les conditionnements externes

1. Profil d'un public

2. Problèmes de périodisation

3. La documentation lexicographique

4. La nomenclature

5. Langue parlée et langue écrite

B. L'information lexicographique

1. L'analyse sémantique

a) Mots polysémiques et analyse distributionnelle

b) Limites de l'analyse distributionnelle

c) L'analyse componentielle

d) De l'usage des synonymes en lexicographie

2. La définition
a) Contenu et forme de la définition

b) Le langage de la définition

3. Les exemples

a) Définition et exemples

b) Le choix des exemples

4. Informations complémentaires

a) Phonétique et orthographe

b) Étymologie et histoire

c) L'information statistique

d) L'information bibliographique

THÉORIE ET PRATIQUE LEXICOGRAPHIQUES

I. - PROFIL GÉNÉRAL DU DICTIONNAIRE T.L.F.


e premier article d'un dictionnaire devrait être l'article dictionnaire, qui, en fais
ologie des œuvres qui portent ce nom et en récapitulant l'essentiel de ce qu'on ente
endait sous chacune des étiquettes définitoires, aiderait à caractériser le projet actue
ciser ses conditions de réalisation, en même temps qu'il fournirait un échantillon de c
uvre se propose d'offrir au lecteur. L'introduction du dictionnaire se bornerait a
aphraser, au meilleur sens du mot, c'est-à-dire à expliciter et à faire comprend
rmations de l'article dictionnaire.

l est une autre manière de présenter une œuvre lexicographique : elle consiste
terroger sur ce qu'on a fait le long de la procédure lexicographique et à confronter le ré
c le projet initial ; à soumettre en somme l'œuvre provisoirement achevée à un e
que - comme eût fait un Pierre Corneille sur une de ses tragédies -, examen au bout
dresserait le bilan provisoire de l'actif et du passif, et mesurerait avec une approxim
isante les chances et les périls de l'étape suivante d'une œuvre de longue haleine. Mét
p sûr profitable, quand il s'agit, comme c'est le cas pour le « Trésor », d'un trava
complissant au fur et à mesure, s'est donné d'emblée la liberté - disons mieux : l'oblig
réviser d'étape en étape ses méthodes en vue d'une meilleure appropriation à des fi
hangées. Car tout n'est pas planifiable d'avance dans une entreprise d'une certaine ét
es corrections de parcours font partie de sa déontologie fondamentale : rigueur n'e
eur, et n'est statique que ce qui n'a point de vie, n'a point sa vie. La définition
ionnaire viendrait ainsi, enfin d'analyse, équilibrer la définition du dictionnaire produ
ut d'examen. Telles seront en effet les limites dans lesquelles se tiendra ce di
naire : du dictionnaire à ce dictionnaire.

Dictionnaire de la langue et linguistique.

Nous avons dès l'abord entendu assumer l'essentiel de ce qu'implique en fait de contr
elles et de servitudes extérieures le genre dictionnaire ; contraintes et servitudes, que
r R.-L. WAGNER, B. QUEMADA, A. et J. REY, et C. DUBOIS ont récemment rappelées ou
umière [1], et nous avons d'emblée opté pour l'espèce dictionnaire de langue, dont re
dictionnaires aussi connus (pour ne parler que des plus récents) que le Dictionna
adémie, le LITTRÉ, le Dictionnaire général, les ROBERT-REY, le Grand Larousse de la
çaise.
1. Ce que de tels dictionnaires ont en commun est d'abord un trait négatif : ils réduis
inum l'information sur les contenus. Que ceux-ci se réfèrent à des concepts ou à des c
que leur description, sommaire ou détaillée, est entreprise pour elle-même et se ti
eau non pas des mots, mais de leur référé conceptuel ou « chosal », elle est du resso
ionnaires encyclopédiques. Les dictionnaires de langue, au contraire, se bornent, quan
nt, à l'information sommaire qu'apporte ce type original de discours abrégé que l'on app
nition. Il s'ensuit que leur objet positif est d'aider leurs usagers à interpréter correctem
ls entendent dire ou lisent, et à dire et à écrire correctement et « recevablement » ce
lent faire entendre ou lire ; d'aider en somme à décoder ou à encoder des messages pr
d'autres ou à produire par eux-mêmes, grâce à l'usage aussi pertinent que possib
es que la langue met à leur disposition. Au rebours de cette très modeste ambitio
ionnaires encyclopédiques se proposent d'aider leurs usagers non seulement à interprét
, mais encore et surtout à connaître et à manier les concepts et les choses mêmes, vu
gle de leur vérité ou de leur rendement non langagier. En d'autres termes, sur le chem
s le signe mène du support matériel au sens, puis du sens au concept ou à la chose à q
re virtuellement et intentionnellement le sens, le dictionnaire de langue s'arrête au
s que le dictionnaire encyclopédique va nécessairement plus loin en direction de la réali
uistique - sans d'ailleurs jamais la rejoindre tout à fait puisqu'il ne peut en donner
résentation elle-même langagière ou pour le moins figurative ; en sorte qu'on peut a
si le dictionnaire encyclopédique implique le dictionnaire de langue, la réciproque n
.

2. Il y a une autre espèce de dictionnaire dont le dictionnaire de langue se distingue : c


ionnaire idéologique ou dictionnaire des idées. Ce que le dictionnaire de langue m
ette, choisit comme entrée, est un mot ou un élément de mot compris comme une séq
phonèmes ou de signes d'écriture, de graphèmes : le travail du lexicographe cons
ntifier puis à énumérer derrière ces séquences les contenus sémantiques qu
espondent et à préciser la manière dont ces contenus entrent dans la phrase. Le dictio
ologique, au contraire, met en vedette (donne comme entrée) les seuls contenus, qu
n obligé de traduire, pour le lecteur qui n'accède aux contenus qu'à travers leurs su
phiques, par des séquences de graphèmes ; mais il est entendu une fois pour toutes qu
tel dictionnaire le signe graphique devrait être entouré de guillemets, selon la tradition
exicologie, qui précisément entoure de guillemets les mots ayant valeur de notions univ
ervant à traduire ce que le support matériel non entouré de guillemets ne fait que sug
d'autres termes, s'il est vrai que dans un dictionnaire de langue on va du mot au se
ifiant au signifié) et que donc le point de vue y est sémasiologique (un signifiant qui se
sens), un dictionnaire idéologique procède au contraire du sens au mot (du sign
ifiant) et son point de vue est donc onomasiologique (un sens qui se cherche un s
ériel). En d'autres termes encore, le dictionnaire de langue est d'abord un dictionna
ure, d'interprétation, de décodage, et il répond à la question : si je rencontre tel mot, q
qu'il veut ou peut dire ? Le dictionnaire idéologique au contraire est un dictionnaire
ure » ou d'écriture, et il répond à la question : si j'ai telle « idée » à exprimer, quel mo
u puis-je employer ? De là vient que dans l'un (le dictionnaire de langue), en face d'u
e, je puis rencontrer plusieurs sens entre lesquels je dois choisir pour aboutir à une a
ecte du discours (ce sont des cas de polysémie), tandis que dans l'autre (le dictio
ologique), en face de tel concept, je puis rencontrer plusieurs mots totaleme
iellement équivalents entre eux (ce sont des cas de synonymie ou de quasi-synonym
je puis utiliser pour nuancer ou varier l'expression.

En toute rigueur de pensée un dictionnaire de langue n'apprend directement qu'à inter


à lire les discours des autres, et il devrait donc pouvoir négliger la seconde fonction qu
avons plus haut assignée, qui est d'apprendre aussi à parler et à écrire ; nous verron
comment, sans nuire à sa cohérence, un dictionnaire de langue c'est-à-dire d'interpré
t s'incorporer un dictionnaire des idées et devenir ainsi un instrument aidant à la « prod
arlée ou écrite d'énoncés suscités dans l'instant de l'acte de langage.

l va de soi que ce qui vient d'être dit du sens peut s'appliquer aux autres information
cure le dictionnaire : emploi grammatical, niveau « stylistique », prononciati
ographe, etc.

3. Il faut d'autre part mentionner une distinction qui a son prix, encore qu'elle tende à
son acuité, à savoir celle qui s'établit entre les dictionnaires simplement descriptifs
ionnaires visant à donner du fonctionnement de la langue une interprétation lingui
te distinction passe à travers la catégorie du dictionnaire de langue. Si on affirme qu'ell
son acuité, on veut dire par là que de plus en plus les dictionnaires de langue de q
ergure veulent être aussi, à titre principal ou accessoire, des ouvrages rendant com
ème qui sous-tend les emplois des unités linguistiques inventoriées. Depuis
amment, tous les dictionnaires importants du français moderne ont eu pour responsab
compté dans leur personnel de rédaction des spécialistes informés de la science du lan
ont seulement évité un vocabulaire descriptif d'une technicité trop poussée, visant à
ser de ce que la linguistique et la logique contemporaines appellent métalangue. La dis
s l'emploi de la métalangue est en effet un des traits qui distingue la lexicographie
cologie ; elle se justifie par les égards dus au public non spécialisé auquel s'adresse
ionnaires généraux. Elle a eu pour corollaire heureux que ce public a accepté et so
ntenant qu'un dictionnaire de langue soit l'œuvre de linguistes : à ceux-ci, dans un siè
t à la validité et à l'efficacité de la science, le public fait confiance comme à des gara
thenticité de la documentation, de la vérité de l'interprétation, et, s'il se peut,
étration des analyses.

a linguistique se transforme comme les autres sciences, et les auteurs de dictionnaire


urellement tributaires de la linguistique du moment où ils se mettent à l'ouvrage. On n
, ce disant, que la linguistique évolue ces derniers temps plus vite que d'autres discipli
n qu'entre le début et la fin d'une entreprise lexicographique de longue haleine le statu
uistique peut s'être modifié et parfois de manière importante. On n'ignore pas non plus
uistique n'est pas nécessairement une, et qu'à côté de courants temporairement domin
t en exister qui soit prolongent des courants plus anciens, soit procèdent de pri
érents, soit enfin préparent des orientations nouvelles. De bons esprits ont parfois con
e situation qu'un dictionnaire vaut avant tout par la qualité et la richesse de ses exe
l suffirait de classer à l'aide d'étiquettes très brèves. On sait que d'importants diction
ant notamment sur des états anciens de la langue (GODEFROY, TOBLER-LOMMAT
GUET, p. ex.) obéissent à un tel point de vue incontestablement pratique.

Tout en faisant droit dans une large mesure à ce que cette exigence traduit de po
cent mis sur les exemples - nous avons cru devoir aller plus loin, et faire appel à un min
linguistique - nous dirons plus loin laquelle. Nous avons certes voulu faire œuv
umentalistes, en fournissant une ample matière à la réflexion de lecteurs qui déjà sav
donc ne demandent au dictionnaire que d'enrichir un savoir dont l'organisation est lai
libre décision ; mais nous avons voulu fournir nous-mêmes les cadres d'une interpré
ssée parfois jusque dans le détail, précisée par des sous-titres, nuancée entre cro
signée dans des remarques nombreuses, et cela pour plusieurs raisons dont le
ortantes doivent être brièvement exposées.
En premier lieu, s'il est vrai que la linguistique évolue très vite et qu'à un même m
vent vivre côte à côte des linguistiques différentes, il n'en n'est pas moins vrai que, so
ors parfois polémiques et sous l'agressivité des vocabulaires opposés et parfois hermé
dessine entre les linguistiques successives une continuité, caractérisée par l'intégratio
pes antérieures plutôt que par leur éviction : on perçoit une progression qui est au
grès, dans la mesure où l'instrument, dans son approche du réel, s'affine et le saisit
s sa cohérence ou dans sa faculté créatrice. En second lieu, la linguistique connaît le sor
ongue date aux autres disciplines scientifiques : à côté de la science théorique, orient
pointe abstraite vers la sémiotique et la logique, et peut-être, par-delà, vers une s
verselle de l'être, il se constitue lentement mais avec une sûreté croissante une lingu
liquée, visant notamment (mais non exclusivement) à mettre les connaissances théoriq
vice de la pratique, p. ex. scolaire, donc pédagogique, ou simplement didactique comm
cette communication d'un savoir qu'est nécessairement un dictionnaire. Enfin, en
c l'œuvre, il y a les ouvriers, dont la personnalité a sans doute le droit de se faire ente
e-ci s'exprime précisément dans ce qui va au-delà du simple classement documentaliste
es déjà sa noblesse, mais qu'une ambition plus haute - si elle est fondée sur une cap
t sans doute transcender. Au reste, il faut le redire encore, on peut être assuré que la
umentaire n'est jamais perdue de vue : la mise en valeur des exemples par une typog
tivement coûteuse permet de lire les articles de ce dictionnaire sans incursion dans la
alinguistique, qui ne servira de béquille qu'à ceux qui en éprouveront le besoin ou le pla

4. Restent les négateurs de toute idée de dictionnaire de langue. Notre maître Mario R
t un peu de ceux-là, et il était alors président de la Commission des spécialistes q
tre National de la Recherche Scientifique, avait à donner à son Directoire un avis moti
portunité de notre dictionnaire ; après un long débat, demeuré seul de son opinion
animité des autres commissaires, il s'inclina devant leur suffrage et aida dés
treprise de ses conseils. Mario Roques pensait qu'un Inventaire sur fiches, comme cel
it créé sous l'autorité du C.N.R.S., suffisait aux besoins actuels de la recherche. C'était
la mécanographie, puis l'électronique ne fussent appliquées au traitement du vocabul
généralement aux problèmes linguistiques. Des linguistes, notamment parmi les plus j
tinrent que ces nouveaux moyens devaient servir avant tout à créer des index d'auteurs
e époque ou de tel domaine du présent ou du passé, ou encore de tout le vocab
temporain en si rapide transformation ; un grand ordinateur pouvait aussi enregist
cles des grands dictionnaires de langue déjà existants, ou recevoir à la rigueur des artic
thèse ou d'actualisation d'après les données les plus récentes : les informations
magasinées pourraient être « sorties » à la demande sur papier imprimé ou sur tel
port de moindre encombrement, comme p. ex. la microfiche, chaque utilisateur cons
propre fichier, son propre inventaire, son propre dictionnaire limité à ses besoins pers
nseignant ou de chercheur.

Tel n'était pas notre point de vue. Sans méconnaître l'intérêt ou l'utilité de tels p
iellement d'ailleurs en voie de réalisation, il nous a semblé qu'en pareil cas valait l
ge sacré : haec facere, nec illa omittere, faire ceci sans omettre cela. L'idée d'un u
llectuel qui se passerait de grands dictionnaires scientifiques imprimés, ou mêm
éralement de livres, est encore du domaine de l'utopie, même si, comme l'usage s'en ré
voit dans l'utopie un grand projet orientant la construction méthodique de l'avenir. Dan
uel du monde, il nous a semblé que la machine était encore serve du livre et non pa
stitut : elle déleste l'homme de tâches serviles, notamment dans le domaine
umentation, qu'elle aide à maîtriser lorsqu'elle est, pour les grandes langues de c
abondante et constamment foisonnante ; elle peut aussi l'aider à poser et à résoud
blèmes de nature quantitative ou même qualitative, en lui fournissant p. ex. des listag
r grossière que soit leur approche, n'en facilitent pas moins les analyses fines, qu
sence même de la science exacte.

Au reste, participant du destin général du livre, le dictionnaire est aussi créateur de s


lui-même, dans la mesure précisément où, étant d'abord rassemblement de docu
ers et donc d'éclairages variés, il contraint à la synthèse, laquelle est toujours déco
tive, pour peu qu'elle connaisse ses limites. Ces limites sont celles de son car
essairement provisoire en raison de la remise en cause possible de l'acquis sous l'ef
nées nouvelles, ou trop personnel par l'intrusion de la subjectivité du rédacteur. Con
veauté il n'y a heureusement point d'assurance, et le salut d'une œuvre comme celle
s sa révision permanente par ses ouvriers mêmes ; contre la subjectivité le remède
ique partiel, est la méthode, complétée par le contrôle accepté de coéquipiers se comp
uns les autres. En fait, du moins en sciences humaines, il n'y a point d'objectivité absolu
l'on nomme ainsi, ce sont des additions de subjectivités critiques, confessantes du ch
s raisons formelles, c'est-à-dire des points de départ et des points de vue par
sciemment adoptés.
Dictionnaire historique et philologie.

1. Un bref retour sur les origines de ce dictionnaire achèvera d'en dessiner le profil géné
embre 1957, sous la présidence de M. Clovis BRUNEL, membre de l'Institut, se ten
tre de philologie romane de Strasbourg, dans le cadre des colloques internationa
.R.S., une table ronde de lexicologie et de lexicographie françaises et romanes, à la
icipaient quelques-uns des plus illustres romanistes d'Europe [2]. L'occasion de
contre avait été la question posée aux savants et aux éditeurs lorsque le Littré fut tomb
omaine public : fallait-il rééditer tel quel ce « monument » à la fois de son auteur,
ologie et d'un certain corpus de la langue ? ou le soumettre à une révision approfondi
n le remplacer par une œuvre entièrement nouvelle ? Par le détour d'une enquête
ats fructueux consignés dans les actes du colloque, c'est à ce dernier point de vu
semblée se rallia dans sa séance de clôture tenue en présence de M. Michel LEJEUNE
cteur adjoint du C.N.R.S. L'extrait suivant des conclusions présentées par le signataire
es en tant qu'organisateur du colloque résume les positions d'alors :

conomie générale du Trésor

1. Après l'achèvement, voici bientôt trente ans, du grand Dictionnaire d'Oxford, ap


ise en chantier du Diccionario Historico de la Lengua Espanola, et l'annonce d'un no
et de Trésor de la langue italienne (Accademia della Crusca) ; étant donnés le n
ssant des dépouillements ou enquêtes lexicologiques et les progrès récents de la scien
abulaire, l'idée d'un Trésor général de la Langue française prend de plus en plus co
ent l'attention des spécialistes de la lexicologie française et romane.

2. Il semble que ce Trésor, sans méconnaître les besoins de l'enseignement universita


x d'un large public cultivé, doive s'adresser principalement aux spécialistes, qu'ils
uistes et historiens de la langue française, ou philologues attachés à l'interprétation
textes ou historiens des idées, des institutions, des sciences, etc. Il devra répondr
gences actuelles de la lexicologie et de la lexicographie scientifique, dont il convien
ciser les normes, dans la ligne des conclusions générales définies par le présent colloque

3. L'économie générale du Trésor pourrait être la suivante :

Au centre, un dictionnaire de base ou dictionnaire général, contenant les mots usuels


gue française qui se rencontrent dans les textes littéraires ou dans la langue parlée. En
cerne les périodes à considérer, trois types de délimitation ont été proposés : le dictio
ou bien des origines à nos jours sous la forme soit d'un dictionnaire unique (sur le m
dictionnaires anglais, espagnol et italien), soit d'une série de dictionnaires par époqu
n de la fin du XIXe au XXe siècle.

En marge de ce dictionnaire général, une série de lexiques spéciaux recueilleraient les


n'auraient pas été retenus dans le Dictionnaire Général. On envisagerait égaleme
ertoires onomastiques. Le cas échéant, des encyclopédies compléteraient ces le
ciaux.

4. Entreprise nationale française, le Trésor requerra aussi la collaboration étrangère en


amment des importants travaux de lexicologie française réalisés par des roma
ngers.

5. Les dimensions du Trésor devront être précisées, compte tenu du temps et des m
nomiques nécessaires à sa réalisation ; on veillera à une présentation aussi esthéti
si pratique que possible [3]. »

Au cours du colloque même une triple préoccupation s'était manifestée : il s'agissait d'un
doter le vocabulaire français d'un instrument de travail aussi prestigieux que le New E
ionary (NED), appelé plus sommairement Dictionnaire d'Oxford ; d'autre part
éficier le nouveau dictionnaire historique de la langue française des possibilités
cologie postérieure à Littré (champs notionnels, phraséologie, niveaux et registres de la
) ; enfin de raccourcir les délais de rédaction par l'utilisation de machines, lesquelles de
outre permettre de se procurer un grand choix d'exemples empruntés à des textes nom
ariés complétant la documentation déjà existante, qu'il convenait au surplus de rassemb

C'est donc vers une double synthèse que l'on s'orientait : d'un côté une intrication
cologie historique et de la lexicologie synchronique, de l'autre une association étroite e
eur artisanal traditionnel et les méthodes de traitement documentaire qu'autor
ormais la mécanographie et l'électronique.

Concrètement cela aboutissait, pour la conception même du dictionnaire historique, à su


dèle proposé par M. W. von Wartburg : au lieu d'un dictionnaire unique où chaque mot
jet d'une monographie qui le suivrait tout le long de son histoire à l'intérieur de la langu
ait une suite de dictionnaires comprenant chacun le vocabulaire d'une des cinq ou six co
tivement homogènes en quoi se laisse découper l'histoire du vocabulaire français ;
endu que, en raison de l'urgence de la demande et aussi parce qu'il apparaissait plus fa
mer ou d'éprouver les futurs collaborateurs au contact du français moderne, l'on comme
la couche la plus récente, dont l'étendue restait à définir.

Quant au support matériel et administratif, il serait constitué par la création d'un Cen
herche ayant statut de laboratoire extérieur du C.N.R.S. ; ce centre, implanté en pr
n les règlements alors en vigueur, bénéficierait du concours de machines mécanograp
lectroniques, conçues, dans leur phase originelle, selon les vues de l'initiateur que fut d
maine en France M. B. QUEMADA. Trois ans après le colloque de Strasbourg, le Centr
ciellement créé à Nancy, où il put lentement se doter des moyens en personnes, machi
ux lui permettant d'élaborer le dictionnaire, que sur la proposition du professeur
LIORINI il avait été décidé d'appeler Trésor de la langue française [4].

e moment n'est pas venu et ce n'est pas ici le lieu de retracer l'histoire du Centre ni d
entaire détaillé de ses travaux annexes. Disons seulement qu'en marge du Trésor propr
l publie depuis janvier 1970 un Bulletin analytique de linguistique française (6 livraiso
et qu'en même temps que commence la publication du dictionnaire débute aussi cell
ionnaire de fréquences du vocabulaire français des XIXe et XXe siècles, d'apr
ouillements des textes « littéraires » traités sur ordinateur en vue du dictionnaire [5].

l convient aussi de mentionner brièvement deux importantes crises qui se sont ou


amment à la suite des développements récents de la linguistique américaine. C
ordait une importance primordiale, voire prioritaire à l'aspect grammatical des faits de l
emettait à une étape ultérieure de la recherche le renouvellement de la sémantique :
iquement exclure de la linguistique l'aspect fondamental de la lexicologie, et à plus
on de la lexicographie, qui ne devenait plus qu'une entreprise utilitaire de
agogique. Cette phase de la linguistique semble heureusement dépassée et les tr
rofondis de sémantique, tant théorique qu'appliquée, connaissent un remarquable reno
t la lexicographie peut déjà faire son profit.

a crise des études historiques est plus ancienne. Commune à l'ensemble des sc
maines, qui, après un siècle et demi d'intense investigation historique, ont de propos d
culé vers les recherches synchroniques, elle a gagné depuis de nombreuses ann
uistique, devenue un long moment discipline pilote de ces nouvelles orientations
herche à qui elle fournit une logique et un langage à portée quasi universelle. Commen
el revirement justifier une entreprise de lexicographie conçue dès le départ comme hist
n a déjà laissé entrevoir comment à nos yeux le principe des strates historiques perme
certaine mesure d'accorder diachronie et synchronie ; il en sera question de manièr
aillée dans la seconde partie de cette préface. Pour le moment il importe de remarque
trairement à ce qu'il semblait, l'histoire en tant que discipline de recherche n'est point
plus qu'elle ne disparaît des programmes d'enseignement ; elle est simplement rénové
l'ouverture aux disciplines synchroniques transposées dans l'étude du passé, soit pa
velle manière de mettre la diachronie en perspective par rapport à la synchronie. Au r
viction demeure que le devenir traverse l'être, et que l'intelligence de celui-ci ne p
ser de l'éclairage fourni par celui-là, dont la connaissance achève, en l'équilibrant, l'éc
curé par le fonctionnement actuel des unités de langue engagées dans un système
renaissance et donc une revalorisation de la linguistique historique se dessin
ement, moins voyante que celle de la linguistique synchronique, mais allant dans le
s, c'est-à-dire vers une linguistique intégrée appréhendant dans la diversité compléme
ses faces la totalité du phénomène langue.

2. Une autre observation préliminaire doit être faite avant que soient abordés les divers
a procédure lexicographique. La linguistique moderne se veut non seulement, comme
nce, orientée vers la formulation de lois générales, elle est aussi de plus en plus étroit
à la logique ou à la sémiotique, dont elle tend à n'être qu'un secteur particulier, ayan
bition de découvrir, sous la dispersion des faits de langue, les règles formelles fondame
en constitueraient l'armature invisible mais opérante. Dans cette visée, elle n'a beso
n échantillonnage réduit de données formant un inventaire à la fois représentatif, cohér
; bref le modèle de la syntaxe, où ces conditions sont relativement aisées à réaliser, co
anter l'esprit des linguistes au courant de ces recherches de pointe.

Or la lexicographie est nécessairement à contre-courant d'une telle orientation. Son ob


domaine par définition non clos, puisque au rebours de la morpho-syntaxe dont les do
t en nombre limité et sont le théâtre de changements toujours lents et peu nombre
que est par définition ouvert, pratiquement sans limite concevable, et beaucoup plus e
changement par disparition, modification ou création d'unités lexicales. Si la lexicologie
s une certaine mesure, se contenter elle aussi d'inventaires limités pour dégager les règ
ctionnement du vocabulaire, la lexicographie est dans sa finalité première au service no
gue en tant que système, mais du discours déjà existant qu'il s'agit d'interpréter
ours à créer dont il s'agit de garantir la rectitude. Elle comprend donc nécessairemen
programme la masse non limitée des faits de vocabulaire, telle qu'elle fonction
mande à fonctionner dans l'actualité du discours. Les matériaux qu'elle doit traite
essairement nombreux et cela se manifeste notamment dans la richesse de la nomenc
on ne saurait déclarer close que pour des raisons externes et pratiques, telles que p.
lic visé ou le coût de l'entreprise. Elle a besoin aussi, pour la pertinence de son observ
ne documentation très vaste, sinon exhaustive (l'exhaustivité en pareil domaine est un
uel, parce qu'aucune entreprise n'est à ce jour assez puissante pour rassembler to
uments où s'actualise le vocabulaire d'une époque ou d'une culture ; elle est sans doute
eurre définitif, parce qu'aucune culture n'actualise jamais tous les « items » virtuellem
ôt dans son Trésor) ; pour l'illustration de ses analyses elle a besoin d'exemples en
mbre qui soient la preuve de la pertinence et du réalisme de ses analyses. Quant au r
son travail, il est constitué par un genre de discours - l'article de dictionnaire - d
actéristique la plus voyante est qu'il est marqué du signe du grand nombre, lequel affec
ement la nomenclature, mais aussi les divisions intérieures des articles, ainsi que le ré
s tous les articles le nombre des rubriques, et dans les plus importants les cases multip
distribuent les faits de polysémie.

a discipline la plus proche de la lexicographie est à cet égard non pas la linguistique, m
ologie, science du discours concret et naturellement attachée à la précision du détai
nce des emplois, à l'exacte situation de chaque occurrence de vocabulaire dan
ironnement thématique, socio-culturel, historique. En effet une lexicographie qui da
cédure sinon dans l'exposé de ses résultats ne serait pas appuyée sur la philologie (éten
angue parlée, qui est, en tant que discours actuel, de même nature que la langue écr
ait plus digne de la confiance qu'elle réclame de ses usagers.

Est-ce à dire que la lexicographie aurait un statut marginal par rapport à la linguistiqu
'a pas cru au T.L.F., qui s'est voulu linguiste dès le départ. La lexicographie telle que
tendons est une discipline mixte, composite, faite à la fois, mais sans confusion, de phi
e linguistique. Est philologie tout ce qui concerne les références et dans une large mes
x même des exemples ; est philologique le principe, posé dans ce dictionnaire, q
ncés servant d'exemples ne sont pas l'œuvre des rédacteurs, mais d'auteurs usant
gue sans préoccupation linguistique directe et donc non suspects de gauchir les matéria
reuve dans le sens de la thèse à prouver ; est philologique encore l'idée que les diction
érieurs sont des textes qu'il y a lieu de consulter et d'utiliser, naturellement av
cautions appropriées à la nature de chacun.

Est linguistique au contraire tout ce qui concerne la métalangue et donc la théorie qui es
œuvre dans l'analyse des données lexicologiques, de leurs relations syntagmatiqu
adigmatiques ; le découpage des sens qui en dérive ; la notation des con
mmaticales, sémantiques et parfois stylistiques d'emploi. Linguistique encore tout
cerne le sommaire historique qui accompagne les articles, ainsi que les brèves indic
nétiques qui les complètent. Si bien que, tout compte fait, un dictionnaire de cette sorte
ois, en tant qu'il est philologique, un livre de lecture où se déposent un certain n
hantillons d'énoncés qui ont été des possibles réalisés, et, en tant qu'il est linguistiq
e de réflexion, où de brefs énoncés lexicographiques sur des énoncés philologiques invi
eur-consultant à prendre conscience de ce qui se passe quand le vocabulaire remonte d
a mémoire, où il est déjà, mais n'est encore qu'une virtualité disponible, pour entrer da
ases d'un discours intentionnel actuel à travers lesquelles s'appréhendent les pulsions ca
système. (Les disciples d'Aristote seraient satisfaits d'un tel schéma, où se retro
ectique, c'est-à-dire le va-et-vient incessant, du virtuel à l'actuel et de l'actuel au virtu
xistent chacun que dans et par une tension complémentaire s'accomplissant simultan
s le temps individuel de chaque locuteur et à travers eux dans le temps collectif du
al.)

Dictionnaire descriptif et normativité.

Reste à élucider un dernier problème général qui se pose à propos de tout dictionnaire
lle mesure est-il normatif ? Qu'un dictionnaire vise à rendre service, en perm
amment une consultation aisée grâce à la succession alphabétique de ses entrées, e
ition vénérable et pratiquement contraignante, eu égard à ce que l'usager attend de lu
technique de consultation, consistant à recourir à un moyen court pour accéder
ière sans supposer chez le consultant d'autre connaissance que de savoir lire et de con
succession traditionnelle des lettres de l'alphabet, n'engage pas de soi une int
mative. Ni la philologie qui choisit les unités lexicales et les matériaux qui les illustrent
uistique qui les traite et les interprète ne sont de soi des disciplines normatives
ervent, classent, proposent des énoncés métalinguistiques, elles ne formulent pas d'ord
e « ne dites pas, mais dites » : elles ne sont pas intentionnellement didactiques au se
actique signifierait relatif à un enseignement contraignant.

Certes un dictionnaire est didactique en ce sens que, devant communiquer un sav


lant le communiquer avec tout le complexe des conditions qui en entoure
ctionnement, il est contraint d'élaborer et de pratiquer un savoir-faire approprié à la nat
ommunication et à la spécificité de ses destinataires adultes ; on l'a dit : il y a une rhét
discours lexicographique, mais cette rhétorique concerne la forme du message et non
stance.

l demeure cependant que toute communication élaborée vise à l'audience et à l'adhés


tinataire. Les exemples, en même temps qu'ils sont des preuves, sont aussi des m
sibles d'énoncés analogues ; les précisions sur les conditions d'emploi sont aus
tations contraignantes à la liberté d'emploi ; les définitions sont une incitation à la ré
'usager (locuteur ou scripteur) de la langue pour qu'à son tour, à l'imitation du lexicog
si possible mieux que lui, il se pénètre de l'idée qu'une langue est un système do
ments se font équilibre, et que par conséquent chacun de ceux-ci y a sa fonction et qu
t absolument interchangeable, quelles que soient par ailleurs les similitudes de
mmaticale, de sous-système sémantique ou de catégorie socio-stylistique. La
eignante d'un dictionnaire linguistique et philologique serait idéalement remplie si, à fo
voir répéter - mot après mot, sens après sens, acception après acception - les con
mploi, le lecteur du dictionnaire était pénétré de la double certitude 1° que toute norm
ditionnelle et s'énonce en la forme d'une proposition hypothétique (si vous vous trouve
e circonstance de discours, si vous avez dans l'esprit telle intention de significati
xpression affective, si vous avez opté pour telle partie du discours pour exprimer tel de
cts » du moment, etc., vous devez ou, suivant le cas, vous pouvez dire...) ; 2° que d
e norme ainsi conçue se cache et se laisse découvrir à la longue un rouage du systèm
el sous-système) de la langue, dont la connaissance intuitive ou acquise par l'exercice
éfléchi est la meilleure garantie de la régularité, et, par-delà la correction, de la
atrice qu'autorise ou favorise la langue.

II. - DE LA PROCÉDURE LEXICOGRAPHIQUE

Un dictionnaire est le résultat d'une série d'options entre plusieurs hypothèses égal
sibles ; ces options sont commandées par les finalités que se proposent les auteur
nissent ces finalités en fonction d'une image globale de l'ouvrage à produire. L'analyse
lités et leur mise en perspective par rapport à cette image globale déterminent la nat
étapes de la procédure lexicographique.

l convient cependant de préciser que la définition des finalités et des étapes de la proc
peut se faire dans l'abstrait, selon des règles purement logiques. Elle est largement fo
moment historique de l'entreprise et des conditions techniques de sa réalisation, notam
a nature de la documentation et de la manière dont elle est procurée. En présence
ditionnements externes, inéluctables, le rôle du lexicographe est de veiller au respect
érence linguistique et de l'exactitude philologique. C'est la tension entre les imp
prement scientifiques et le poids des conditionnements extérieurs qui sera le principa
analyses de ce chapitre.

On groupera celles-ci sous trois chefs : 1° Les conditionnements externes : définitio


lic, découpage historique et problème de la périodisation, documentation et nomencla
La partie centrale de l'article de dictionnaire : analyse sémique et définition, comme
stique, relations syntagmatiques (faits de construction et phraséologie) et paradigma
nonymes et antonymes), le choix des exemples ; 3° Informations complémenta
nonciation et orthographe, étymologie et histoire, information statistique, bibliographie.

Les conditionnements externes.

1. Profil d'un public. - Un dictionnaire est à l'égard du public dans une situation am
ne part, bien avant de naître, il a déjà un public, dont on sait d'avance qu'il est deman
utre part il se crée son public, dans la mesure où, en vue des choix nécessaires, il do
ner une image à la fois globale et différenciée.

a) Du consentement assez général d'un certain public savant (notamment d'enseignants


rcheurs d'orientation principalement littéraire et philologique), priorité était demandé
dictionnaire étendu de la langue moderne. Non pas que des dictionnaires de cette nat
ent pas disponibles ou en voie d'élaboration : le Robert en six volumes (complété
plément et un important « Petit Robert »), l'ensemble des petits et grands Larousse
iculièrement le Dictionnaire du français contemporain en un volume et le Grand Larou
angue française en six volumes), les Quillet dans une certaine mesure, offrent ou allaien
public une ample matière lexicographique et une image déjà largement représentative
gue actuelle ; leur succès a montré qu'ils répondaient à une attente, que la seule réimpr
LITTRÉ ou du Dictionnaire général ne permettait pas de satisfaire.

Ce qui nous était demandé était cependant autre chose, sinon davantage. Le Rober
ert la voie en procédant artisanalement, pour la langue du XX e siècle, à de
ouillements de textes littéraires et « techniques » ; il fallait amplifier cette tâche e
ait être possible par le recours aux machines mécanographiques et électroniques.

es Larousse encyclopédiques, qui sont aussi des dictionnaires de langue, se distingue


endue d'une nomenclature intégrant, grâce à une infrastructure de manuels faisant au
vocabulaires caractéristiques de la civilisation contemporaine. Il n'était certes pas qu
r le T.L.F. de concurrencer ces encyclopédies, mais leur succès auprès d'un public c
s non spécialisé, soulignait à l'évidence que la notion même de culture avait changé
n d'âme, et qu'une nomenclature de la langue commune ne pouvait pas ignorer
ntifique et technique - pas plus d'ailleurs que ne l'avaient ignoré Littré et les auteu
ionnaire Général. On dira plus loin dans quelles limites on a voulu se tenir pour ne pas n
ohérence interne de l'œuvre.

e Dictionnaire du français contemporain restreint volontairement sa nomenclature et l'a


significations ou des valeurs à l'usage vivant de mots constamment et aisément dispo
s un large réseau d'intercommunication culturelle ; mais en même temps il donnait l'ex
ce que pouvait être l'application d'une linguistique moderne à l'analyse du vocabula
araissait évident que c'est sur ce dernier point que nous nous rencontrions av
ionnaire, même si sur le premier nos intentions étaient autres, ne serait-ce qu'en raison
résentation que nous nous faisions du public auquel nous destinions notre ouvrage.

On ne s'étonnera pas que notre rencontre avec le Dictionnaire de l'Académie ne pouva


marginale ; mais parce que ce Dictionnaire est nécessairement en retard sur l'état
gue à cause notamment de sa méthode de composition et de son mode de publication,
un précieux instrument de travail pour les lexicographes, qui y trouvent, tel qu'il est
choix de mots et de sens reflétant l'usage d'un certain type de culture, et une riche col
xemples procurés en séance académique même par les auteurs du dictionnaire, qui sont
majorité, des écrivains attestant à travers ces choix et ces énoncés une certaine perma
a culture française traditionnelle.

'homme cultivé moderne tel que nous nous le représentons a, sommairement esquiss
ts suivants. En premier lieu, un fonds traditionnel et plus ou moins sécurisant de c
maniste, domaine privilégié d'un enseignement scolaire qui à tous ses degrés en est jusq
fortement imprégné ; la première place y est accordée à la connaissance de l'hom
nel », mais aussi, et de plus en plus, de l'homme « en situation », avec les prob
viduels ou collectifs que, par-delà la spécification croissante des activités profession
ève la vie quotidienne de tous. Sur quoi vient se greffer, également hérité de la tra
s plus mouvant parce que moins à l'abri des changements sociaux, politiqu
omatiques, le besoin manifeste, sinon le sens profond, d'une organisation juridique de
ective, garantissant à la fois la solidité des structures de protection et la libe
uvement de chacun ; avec, pour une minorité ambitieuse, l'accès rapide au pouvoir,
nces assurées de s'y maintenir. Enfin, devant l'ampleur des développements toujours am
a science et des techniques, une attitude admirative qui pousse à en intégrer le plus po
a pensée et à l'existence personnelles, mais aussi et en même temps une interro
stante sur l'aptitude de l'homme moderne à maîtriser cette civilisation avec les
sources de l'humanisme traditionnel. Si on essayait de figurer graphiquement la structur
ur simple et complexe de ces composantes, on obtiendrait sans doute un schéma de c
centriques, comportant chacun ses ensembles et sous-ensembles de vocabulaires
tenus sémantiques appropriés. Le tout ayant aussi sa profondeur et sa hauteur, car les
ne culture se manifestent à tous les niveaux de l'être, depuis celui où se situent ses b
ogiques et sa sensibilité élémentaire, en passant par celui des mouvements de l'âme e
ur », jusqu'au niveau de l'intelligence organisatrice et de l'imaginaire, avec, chez un n
prits qui demeure important et se renouvelle, celui des essais de percée ver
nscendance poétique, métaphysique ou spirituelle : à chacun de ces niveaux correspo
vocabulaires spécifiques ou du moins un minimum d'infléchissements et de var
cales réclamées par leurs besoins propres d'expression.

Concrètement, ce type d'homme cultivé s'incarne dans ce que naguère on nommait les
s qu'on préfère aujourd'hui appeler les cadres supérieurs ou moyens de la société, c
les éléments moteurs des principaux secteurs de la vie moderne, entourés de
quipiers associés, sans en exclure, en les privilégiant même quelque peu, ni les écriva
vains de toute espèce qui tiennent la plume de notre culture, ni les enseignants d
rés qui la mettent en forme didactique en vue de la translation des études à des mas
en plus étendues.

b) Le dictionnaire que demande un tel public est d'abord un recueil d'inform


cologiques, semblable aux dictionnaires généraux du type LITTRÉ ou Dictionnaire gén
it moins d'un livre qui aurait à enseigner une matière entièrement nouvelle que d'un
moire au sens étymologique du mot, c'est-à-dire d'un livre rappelant et précisant ce qu'
à ou ce qu'on peut induire ou déduire de ce qu'on sait. Pour un public qui sait, les an
mantiques seront indication et orientation de sens plutôt que définition exhaustive
cisions stylistiques, suggestion de nuance plutôt que traduction en métalangue ; la no
constructions grammaticales mentionnera avec les règles contraignantes leur au-d
rtés et de variations permises. Quant à la prononciation, on en indiquera la
itionnelle, et si possible les modifications qu'elle est en train de subir. Des éléme
istique lui donneront une idée sommaire de l'actualité d'un mot dans l'usage littérai
nira à ce public de culture traditionnelle quelques ouvertures sur le passé proche ou lo
mots, c'est-à-dire, pratiquement, sur leur entrée dans la langue (ou étymologie)
cipales étapes de leur histoire. Dans la mesure où ce public comprend aussi des ho
ude, une brève bibliographie l'informera des sources de notre information et lui donn
sibilité de la prolonger par la recherche personnelle.

Dans la mesure où le lecteur de ce dictionnaire sera tenté lui-même d'écrire, c'est-à-d


er en vue de l'expression verbale dans quelque domaine que ce soit, le nombre et par
gueur des exemples lui donneront l'idée de ce que peut être un énoncé soigné,
issant à la norme empirique procurée par la définition et les informations stylistiq
mmaticales adjointes, tantôt s'en écartant de propos délibéré par un retour à des u
lis ou un saut en avant dans des usages nouveaux qui seront peut-être la norme banali
main. Bref, après avoir été invité à réfléchir à partir de ce qu'il sait déjà sur le statut p
n mot et sur le cheminement antérieur d'où il procède, la lecture des exemples pourra
re sens devrait - l'inciter à la créativité active, allant ainsi d'un déjà exprimé mieux com
expression personnelle inédite.

c) La nomenclature devait dans ces conditions privilégier un vocabulaire traditionnel d


maniste. Un vocabulaire, par conséquent, analysant et décrivant l'homme avec tout ce q
evient dans les dimensions de son être extérieur, intérieur, supérieur, inférieur, etc., o
relations actives ou passives avec le monde qui l'entoure ; d'autre part, ce monde m
s la mesure où et tel que, dans l'expérience, l'homme le rencontre et le découpe au ter
relation avec lui (c'est-à-dire un monde analysé en unités ou en structures animé
nimées, terrestres, infra- ou supra-terrestres, etc.). Cette image du microcosme
crocosme de l'humanisme traditionnel, donnée par l'expérience collective et essentiell
-scientifique (même s'il s'agit de concepts ou de mots d'origine scientifique : entrés d
gue commune ils y ont acquis le statut de mots et de concepts non-scientifiques) do
mplétée, lorsqu'on s'adresse à l'homme cultivé, par des vocables à large diffusion,
actéristiques de la culture moderne, où entrent par conséquent des éléments de s
manistes, c'est-à-dire principalement scientifiques et technologiques, la difficulté m
nt ici celle des limites, dont les critères sont nécessairement incertains et « l'object
ment contestable (on reviendra plus loin sur cette importante question).

d) Une certaine cohérence se dessine donc dans ces choix, lorsqu'on les envisage du po
(une cohérence ne peut jamais être que celle d'un point de vue) des destinatai
vrage.

Mais il est impossible de séparer de l'œuvre les ouvriers ou destinateurs, dont les exigen
érence ne sont pas nécessairement celles des destinataires. On a déjà esquissé plus h
ble nature de cette cohérence, qui se veut d'une part fidèle aux règles éprouvées
ologie et d'autre part en accord avec les principales positions de la linguistique moderne
à indiqué en outre que ces deux cohérences ne s'excluent pas, puisque l'une est relativ
e documentaire et l'autre aux modalités du traitement interprétatif appliqué
umentation ; étant entendu seulement qu'en cas de conflit entre les deux cohérences, c
érence linguistique qui l'emporte. L'exposé des divers aspects de la procédure lexicogra
endra nécessairement sur ce problème.

Disons aussi dès maintenant que la somme des informations rassemblées dans les rub
articles de ce dictionnaire pourrait donner l'impression que ses auteurs visaient
thèse des disciplines linguistiques habituellement séparées par souci de rigueur ou pe
urel de spécialistes. Telle avait en effet été un moment notre ambition. Mais la pr
cographique, et aussi une connaissance plus exacte de la situation de chacune des disc
uistiques, persuadent très vite que celles-ci sont encore trop loin d'avoir résolu
blèmes propres d'inventaire ou de méthode pour qu'une doctrine commune et unifo
se dès maintenant être formulée et appliquée au traitement des langues naturelle
iance reste grande à l'égard d'une synthèse qui ne serait que nominale et se plaquer
faits au lieu de les intégrer dans leur plénitude. La conviction demeure cependant
lité ultime des disciplines particulières doit être d'éclairer le tout de chaque unité de la
ie à la fois comme moment de son fonctionnement dans les énoncés actuels
nifestent et comme moment de son histoire qui se renouvelle ou se prolonge en eux
c comme pierres d'attente d'une synthèse appelée de tous nos vœux que les inform
mentaires et dispersées voudraient pouvoir être appréciées ici.

2. Problèmes de périodisation. - On a indiqué plus haut comment s'était posé le pro


la périodisation du dictionnaire historique de la langue projeté : il s'agissait de défi
tes temporelles entre lesquelles une description tant soit peu homogène des faits de
vait s'inscrire, de manière à appliquer à leur traitement le maximum de règles de lingu
chronique.

a) On sait qu'en stricte théorie une telle fragmentation est en contradiction avec
ubitable du changement ininterrompu de la langue. Mais on sait aussi qu'il y a des pé
dant lesquelles les changements sont plus lents, et que ce sont ces périodes d'évolution
donnent quelque consistance à la notion d'état de langue.
En serrant la réalité de plus près, on constate d'autre part que, s'opposant aux changem
manifestent des forces qui agissent comme des freins plus ou moins puissants. Parm
ns un des plus actifs est l'enseignement scolaire de tous niveaux, qui, parce qu'on n
eigner que ce qui est, tend à stabiliser et à perpétuer ce qui est donné par la tradition ;
oute que l'enseignement, surtout élémentaire, est naturellement normatif en ce sen
pose et impose un système très différencié de contraintes aboutissant à des modèles, q
es ont pour tâche essentielle de répéter et d'imiter sous peine de sanction (no
rante, examens, concours, etc.).

Mais le plus actif des freins est celui que le langage, en tant que fonction inhérente à l'h
nt en société, oppose de lui-même au changement : la communication interperso
uelle ou entre générations ne peut en effet correctement fonctionner que si les f
bales (au sens large de cet adjectif) et les valeurs qui s'y attachent ou bien ne changen
bien changent de manière identique et cohérente sous la contrainte de censures imposé
milieu socio-culturel, lequel est spontanément intolérant envers les écarts ou barbarism
ours visant à la communication.

En d'autres termes le principe d'identité, également inhérent au langage et à l'enseign


tant que fonctions de communication, s'oppose au principe d'innovation, que tendr
traire à privilégier, en droit comme en fait, un langage qui serait surtout expressio
sonnes prises isolément. On sait que la réalité concrète est faite de compromis entre
tre principe, qui selon les moments historiques pèsent plus ou moins lourd dans les do
compromis.

b) Il faut rappeler aussi, avant de préciser la manière dont a été pratiquement résolu p
ionnaire le problème de la périodisation, que les divers éléments dont se compose une
urelle ne sont pas dans la même situation au regard de l'inévitable changeme
mmaire change moins vite que le lexique ; dans le lexique la forme phonétique et gra
moins sujette à modification que le contenu sémantique ou la connotation stylistique. D
abulaire lui-même (abstraction faite des mots grammaticaux) tous les ensembles séman
sont pas également exposés au changement. Les vocables désignant les parties et fon
mentaires du corps humain sont plus stables que ceux des structures affectives, et ceu
t plus que ceux des structures intellectuelles ; de même les termes de parenté évoluent
que ceux des formes plus complexes de l'organisation sociale ; sont également relativ
bles les mots désignant les divisions du temps les plus proches de l'expérience quoti
mois, semaine, jour, heure), ou les divisions les plus élémentaires de la matière ou du
sique qui constitue ou entoure la terre, ou encore les animaux les plus fréquem
contrés, etc. Bref on découvre sous les variations incessantes du vocabulaire un voca
base, dont la relative permanence s'oppose aux changements plus étendus et plus rapid
ctent les vocables dits de civilisation.

l résulte de cette situation que seuls ces derniers peuvent entrer en ligne de compte p
oupage de l'histoire du vocabulaire en périodes. Cela revient à dire que le critère princ
périodisation est extérieur à la langue en tant que système. Celui-ci est, en effet
eption à l'époque moderne, peu affecté par les mots nouveaux créés ou empruntés
gue ; c'est donc la langue en tant qu'informée par ses référents (ou, soit mieux dit, p
rés) historiques qui est principalement prise en considération dans la procédu
odisation.

c) En choisissant comme limites extrêmes de ce dictionnaire la Révolution de 17


anouissement de la deuxième révolution industrielle nous étions sûrs de retenir deux
ortants de l'évolution de la société nationale et humaine telle qu'elle se reflète d
gage. Il n'est point nécessaire d'insister sur 1789. Quant à la date de 1960, elle n'a
eur symbolique et chronologiquement très approximative ; elle est pour nous significat
veau tournant qu'amorce la civilisation humaine, avec les signes de plus en plus nombr
e atomique, la diffusion de l'informatique et de moyens de communication de plus e
sants, le règne de quelques grandes idéologies qui se redistribuent la terre, les phéno
stes et antiracistes, la décolonisation et dans son sillage la contestation universel
eurs transmises par voie d'autorité ; avec, en face, le maintien et parfois le rajeuniss
mportantes forces conservatrices, une tension constante se créant ou se renforçant ains
rants antagonistes, dont l'enjeu est en dernière analyse le niveau et le style de vie
on appelle de plus en plus couramment les partenaires sociaux. Le tout s'exprimant da
gages généralement engagés, qui transforment substantiellement l'héritage linguistiq
urel, avec naturellement en dessous la banalité partout affleurante des vocables et de
s, monnaie courante des échanges qui échappent à l'histoire.

De là notre parti pris, chaque fois que notre documentation nous y invite, de notatio
ges communs et des variations momentanées ou durables que la pression de l'h
urelle ou de fortes personnalités impriment aux mots de la tribu ; de là en particulier le
nombreux archaïsmes (mots vieux ou vieillis), ou de néologismes persistants, voire de
plois isolés) d'auteurs, révélateurs des tensions ambiantes ou de hardiesses individ
rant à leur socialisation ; de là, finalement, entre autres raisons (on y reviendra plus lo
x délibéré des textes dits « littéraires » en tant que témoins de la vitalité et parfo
biguïtés du langage référé à un monde perpétuellement en tension.

d) Il est aisé de prévoir les objections contre des limites distantes de près de deux si
périodisation plus fine, de trente ans par exemple, ou plus resserrée encore de quinze
nze ans comme nous l'avons tentée dans notre Dictionnaire des fréquences (2e p
ionnaire des fréquences décroissantes), qui est le complément nécessaire du Trés
ra, p. XV et infra, p. XLIV). Mais il n'est pas sûr que les événements ou les nappes cult
jalonnent cette période de deux siècles aient la signification et le relief des deux
êmes que nous avons choisis ; il est évident d'autre part qu'une périodisation fine ré
études lexicologiques par domaines, chacun des domaines (cf. plus bas, p. XXIV, la lis
ante-dix domaines dans lesquels on a jugé commode et autant que possible pertin
ser les activités des Français au cours de ces deux siècles) tendant à avoir son r
pre, si bien que les limites chronologiques des uns ne coïncident pas nécessairemen
es des autres ; et l'on n'ignore pas que de telles études (notamment des statistiqu
ifiés) ne sont encore disponibles que dans une trop faible mesure. Dussent-elles d'a
ter, il n'est pas impossible, à en juger du moins par notre expérience de quelques ann
cographie active, que dans le domaine du vocabulaire les phénomènes de con
ilibrent les phénomènes de rupture, notamment dans le vocabulaire humanist
itionnellement forme le fonds principal des dictionnaires généraux : or c'est là le
mier d'une périodisation large.

Pour des raisons principalement pratiques, nous avons divisé notre documentation origin
x tranches à peu près égales, la première allant de 1789 à 1880, la seconde de 188
irons de 1960, et cette division se retrouve dans les indications sommaires de fréquen
s donnons en fin d'article à titre d'extraits du Dictionnaire des fréquences ci-
ntionné (1re partie : Dictionnaire alphabétique des fréquences ). Cette coupure a-t-el
ification historique ? On l'a pensé, les années 1880 marquant un certain clivage
entation culturelle et sociale de la France (réorganisation de l'enseignement primaire
versités, occupation des rouages de l'État par les anciens des grandes Écoles, loi
orce, reconstitution d'une grande politique internationale, naissance du nation
itionaliste ; croissance industrielle et épanouissement du syndicalisme ; développemen
herche mathématique, des études médicales ; mort de V. Hugo, phénomène Zola, symb
fluence du roman russe, de Nietzsche, du drame wagnérien ; Bergson en vue, un
ode du face-à-face des mystiques et des rationalistes préparé, tandis que, à un autre n
quissent les signes avant-coureurs de la « belle époque » scintillant sur un fond de civil
plus en plus technicienne et de moins en moins paysanne, conséquence pratique d
onde révolution industrielle »).

De tels événements, qu'ils soient déjà manifestés ou encore à l'état latent, ne peuvent
retentir (pour peu qu'ils contiennent assez d'éléments récurrents ou des éléments
ement récurrents) sur le vocabulaire, soit qu'ils l'infléchissent vers de nouvelles accepti
nouveaux clivages affectifs ou socio-linguistiques, soit qu'ils lui apportent de nouvelles
ificatives (néologismes, témoins d'une nouvelle vitalité des éléments formants préfix
out suffixaux). La réalité des relations entre société et langage, objet maintenant de la
uistique, est indéniable, la dynamique sociale servant de motivation externe à la créativ
gage.

Ceci précisé, on ne se fait d'illusion ni sur l'exhaustivité des traits ci-dessus énumérés ni
inence universelle (c'est-à-dire convenant également à tous les domaines du lexique)
pure de 1880. Celle-ci d'autre part ne peut pas être conçue comme une ligne d'ar
mme un mur infranchissable. La réalité mélange sans cesse le continu et le discontinu, e
t jamais être question que de dominances dans le dosage de l'un et de l'autre : un
ctions des exemples relativement nombreux et en apparence pléthoriques parce que ré
précisément d'attester les permanences sous les ruptures. Mais dût-on récuser totalem
pure adoptée par nous (on eût pu penser aussi, p. ex., aux années 1900-1905), il re
l fallait équilibrer, dans la mesure du possible, les deux masses de documents que
ons à traiter : le partage de 1880 répond à cette exigence élémentaire de notre travail.

3. La documentation lexicographique. - La nomenclature d'un dictionnaire


rmations lexicographiques qui s'attachent aux unités lexicales qui le composent ne so
ement une projection de ce qu'on suppose demandé par un public défini ; elles ne so
ement contenues dans et par les limites chronologiques qu'on s'est assignées ; elle
si fonction de la documentation utilisée, de ce que, en un langage plus savant e
éralement reçu, on appelle un corpus.

À vrai dire, un corpus est chose complexe ; il est fait à la fois d'éléments déjà donn
éments qu'on se donne, les uns et les autres étant rassemblés selon certains critèr
mmandent leur choix.

a) Les éléments déjà donnés représentent l'ensemble des travaux documentaires réunis
s : dictionnaires, inventaires de toute nature (inventaires proprement dits du type I.
ex, glossaires, concordances), thèses, livres, articles de périodiques et de jou
semble des documents signalés dans la rubrique bibliographique des articles
ionnaire.
Notre propos a été de n'exclure en principe aucun de ces types de documents, pour peu
ortent un élément d'information utile à la constitution de la nomenclature et de l'inform
cographique. On définira plus loin, à propos de la nomenclature, les critères qui no
dés dans le choix entre des documents de rendement très variable et de crédibilit
gale. Deux types appellent cependant dès maintenant une brève appréciation
ionnaires et l'Inventaire général de la langue française (I.G.L.F.).

Nous avons dès le principe considéré les dictionnaires comme des documents importan
travaux sur les dictionnaires de MM. Matoré, Quemada et Wagner), fournissan
menclatures (plus ou moins extensives et plus ou moins en retard sur la situation rée
abulaire), des définitions (plus ou moins exactes ou complètes, et plus ou moins origina
port aux dictionnaires antérieurs), des indications « stylistiques » (plus ou moins nomb
plus ou moins précises), des exemples (créés par les lexicographes ou empruntés
eurs), ainsi que, souvent, des indications de type encyclopédique dues parfois
cialistes de confiance ; bref dès le départ les dictionnaires représentaient pour nou
ertoires de mots, de sens et de « valeurs », c'est-à-dire des textes, qui comme tels rele
a philologie, définie comme la science critique des textes de toute nature. D'autre part,
ut aussi, nous avons considéré que, quelles que soient les lacunes ou les erreurs d
ueils, ils méritaient d'être pris en considération du seul fait que, ayant été lus ou consul
agi sur la langue, soit en la stabilisant ou en en freinant l'évolution, soit en inci
lisation de matériaux qui acquéraient une autorité du seul fait qu'ils étaient accueillis p
cographes. N'ont été écartés de propos délibéré que ceux des dictionnaires
périence, se révélaient comme trop fréquemment plagiaires.

En revanche ont été retenus : toutes les éditions du Dictionnaire de l'Académie fra
ues au cours des deux siècles (soit de la 5 e à la 8e ), en tant qu'elles attestent un voca
ctif caractéristique d'un certain type de (haute) culture et fournissent des exemples ori
t les auteurs sont des spécialistes de l'écriture ; tous les grands dictionnaires Larousse,
extensifs et constamment actualisés ; le LITTRÉ, à cause de la richesse de sa nomenc
a précision de ses définitions, de la prospection très poussée de la langue « classiqu
se enfin de son autorité stabilisatrice qui n'a fait qu'augmenter avec les année
ionnaire général, en raison notamment de la rigueur logique de ses classements séman
du choix de ses exemples tantôt créés par les lexicographes, tantôt empruntés à des
uteurs ; plus près de nous le grand et le petit Robert, qui se distinguent l'un par la riche
yntagmatique et de sa paradigmatique (mots habituellement contigus et liés dans le di
susceptibles de s'évoquer l'un l'autre par l'effet de quelque analogie de forme, de conte
valeur), l'autre par la densité d'une information lexicologique rigoureuse, ouverte et fi
ionnaire du français contemporain qui a fait date par son propos délibéré de n'accueillir
abulaire (forme, sens et valeur) usuel, par l'application systématique des règles de l'a
ributionnelle, par l'exclusion de tout exemple d'« auteurs » autres que le groupe d
cographes dont l'accord garantit la recevabilité des exemples « inventés ».

À ces dictionnaires généraux nous avons ajouté un nombre élevé (on en trouvera la list
) de lexiques de langues spéciales, dans la mesure où nos règles d'« extensivité » (cf
XXVII) nous conduisaient à faire appel à leur aide. La règle de sélection a été partout, d
sure du possible, le principe d'autorité : autorité de fait en raison de leur unicité po
maine, autorité de droit de par la compétence de leurs auteurs ou la valeur des colle
quelles ils appartiennent. Confiée à l'ordinateur, une nomenclature cumulati
stamment mise à jour était à la disposition des rédacteurs, qui ne peuvent fournir, da
maines traités par ces lexiques, qu'un travail de seconde main.

Une mention spéciale doit être faite du FEW (Französisches étymologisches Wörterbu
ter von Wartburg : inclassable parce que extensif jusqu'à la quasi-exhaustivité considér
dans le temps (le vocabulaire enregistré est suivi depuis ses origines dans la langue j
jours), dans l'espace géographique (depuis les dialectes et patois d'oïl, d'oc et du do
co-provençal jusqu'aux formes successives de la langue commune d'extension nation
cophone), et dans la distribution socio-culturelle (toutes les couches de la société, tou
cialisations, tous les registres stylistiques dont le vocabulaire porte témoignage) ; le tou
mise en perspective qui se veut en même temps classificatrice et explicative ; avec en
vues sur la problématique de chaque mot : cet ouvrage, vraiment grandiose da
ception et monumental dans sa réalisation, est devenu, maintenant qu'il touche à sa
la révision des premiers volumes est en cours, la référence primordiale pour tout tra
cographie française ; même si la linguistique a désormais d'autres visées ; même si, c
est inévitable, il n'est pas sans lacunes ou contient des erreurs, et n'a pu fournir
mple à l'appui des définitions ; même enfin si l'on doit regretter qu'il ait utilisé (ou dû u
r le cadre conceptuel des données et les discussions techniques qu'elles appellent une
ns universelle que celle qu'il décrit.

L'Inventaire général de la langue française (I.G.L.F.), entrepris dans le cadre des acti
.R.S. par le regretté Mario Roques à partir de 1936 et clos en 1969 par M. Félix Leco
collection d'environ six millions de fiches classées par auteurs et textes dépouillés. Un
fichier original, installé à Paris-Sorbonne (responsable M. B. Quemada), a été mi
osition du T.L.F. Afin de faciliter les recherches, et pour remédier à des perturb
sécutives à plusieurs déménagements du fichier, l'intervention de l'ordinateur a perm
sser la nomenclature complète dans l'ordre alphabétique des mots-vedettes, avec une
lisation de chacune des fiches dans les tiroirs qui les contiennent.
On trouvera plus loin la liste des ouvrages dépouillés par l'I.G.L.F. ; ils se répartissent en
ndes sections : textes dits « littéraires » de toutes les époques de l'histoire de la la
es dits « techniques », c'est-à-dire appartenant à des domaines de toute spécialité, a
re un important fonds d'argot. Les dépouillements de l'I.G.L.F. ne sont en principe
graux, les documentalistes ayant reçu pour consigne de relever les écarts par rappo
gue commune : mots rares et néologismes absolus, écarts de sens ou de valeur, termin
ntifique et technique, comme s'il s'agissait, en quelque manière, de constituer un glossa
ge des grands dictionnaires usuels. Que les fiches se rapportant aux différentes œ
nt en nombre très inégal ne saurait étonner : tous les livres dépouillés n'offrent pas le
rêt d'innovation ou de technicité, et tous les collaborateurs de l'I.G.L.F. n'avaient
me compétence que des hommes comme L. Foulet pour l'ancien français et G. Esnau
got. Le nombre des textes exploités est très inégal selon les domaines, dont quelqu
usique, architecture) ont été privilégiés pour des raisons sans doute contingentes. En
t nombre seulement de fiches proviennent de périodiques (sciences physiques p. ex.)
tidiens ( L'Œuvre notamment).

Tel quel, le fonds I.G.L.F. reste précieux : malgré l'extrême brièveté de certains r
noncés, l'I.G.L.F., à cause de son principe même de glossaire sélectif, à cause aussi
eur du contrôle de la plupart des fiches (soumises jusqu'à cinq vérifications, se
oignage de Mario Roques), comble bien des lacunes d'une documentation
canographique et électronique ; l'usage qu'avant nous en a fait telle grande maison d'
notre propre usage quasi quotidien témoignent en faveur de la valeur jusqu'ici irrempl
ce fonds qu'entre beaucoup d'autres initiatives la science doit à l'activité inlassable d
ateur.

Il n'est ni possible ni dans notre intention d'énumérer ici tous les usuels auxqu
cographe a le plus fréquemment recours ; on se reportera pour cela aux listes publiée
. Il faut cependant faire une exception pour deux groupes ayant pour centre Bes
iversité et C.N.R.S.). Le premier, constitué et animé par R. Journet, J. Petit et G. Rob
lié à partir de 1966, sous le titre Mots et Dictionnaires [6], six volumes d'extrai
cipaux dictionnaires de langue et des grands dictionnaires encyclopédiques (qui sont
dictionnaires de langue) parus entre 1798 et 1878, c'est-à-dire entre la 5 e et la 7e édit
ionnaire de l'Académie. Ces extraits, nombreux et abondants, groupés autour de
artenant à la langue littéraire ou commune, relèvent, avec les exemples, les définitio
arques sur l'usage, sur la construction syntaxique, etc., et donnent ainsi une imag
trastée de l'évolution du vocabulaire vue à travers ses enregistrements ou ses refus p
ueils lexicographiques. L'autre équipe qu'il faut mentionner ici est celle qu'anime
mada, qui, tant par ses concordances d'auteurs que par ses recueils de datations nou
par les études ou relevés lexicographiques publiés dans les périodiques fondés par
ore par les matériaux tirés des journaux ou les relevés lexicographiques de pronon
ralement mis à notre disposition, continue à rendre de grands services à tous les lexico
exicographes travaillant sur le français, qui trouvent dans ces nombreux documen
mplément à grande échelle aux recensements traditionnellement et constamment procur
revues spécialisées comme la Romania, la Revue de linguistique Romane, la Zeitsch
anische Philologie, Le Français moderne, etc.

b) Les éléments de documentation que nous nous sommes nous-mêmes donnés ap


ieurs remarques, qui permettront de préciser davantage la nature de ce dictionnaire.

D'abord une brève indication sur ce que cette documentation n'offre pas. Nous
mitivement envisagé des enregistrements et de la langue parlée et de la langue écr
gue parlée étant universellement et légitimement considérée comme le lieu privilég
ouvellements de l'idiome, et, par voie de conséquence, la source principale de la
te. Pour l'inventaire de celle-ci, nous ambitionnions d'autre part de recourir à des
tivement spontanés, reflets aussi directs que possible de la langue parlée ou en to
stant un nouvel usage en train de se stabiliser ou tout fraîchement établi, obéissant
c les adaptations nécessaires, au schéma des cheminements linguistiques jadis élégam
uissé par Fénelon dans un célèbre passage de la Lettre à l'Académie (chap. III : « Un
s manque, nous en sentons le besoin : choisissez un son doux et éloigné de toute équiv
s'accommode à notre langue, et qui soit commode pour abréger le discours. Chacun e
bord la commodité : quatre ou cinq personnes le hasardent modestement en conver
ilière ; d'autres le répètent par le goût de la nouveauté ; le voilà à la mode. C'est ainsi
tier qu'on ouvre dans un champ devient bientôt le chemin le plus battu, quand l'
min se trouve raboteux et moins court. » Les textes auxquels, à ce point de vue
sions étaient par exemple les sténogrammes transcrits mais non encore arrangés des
ementaires et tous textes similaires enregistrés par sténotypie ou sur rubans magnéti
textes de tout niveau de langue et de toute spécialité provenant de journaux quotidie
domadaires, de périodiques mensuels ou trimestriels, etc. L'ambition était disproportion
moyens ou au temps dont nous disposions, même lorsque nous fûmes dotés, à pa
5, d'un puissant ordinateur (Bull Gamma 60) : l'ordinateur lui-même a besoin de tem
nous pressait de publier. Du moins avons-nous cherché, en choisissant les œuvres qu
vions lui soumettre dans un délai raisonnable, à retenir un nombre important de
ceptibles de nous livrer une langue relativement proche de la langue parlée : jou
mes, correspondances, mémoires, théâtre en prose, parties dialoguées des romans,
que jusqu'à un certain point.
De là procède aussi pour partie notre décision de compléter nos dépouillements de
raires par l'exploitation d'un nombre limité (dans la proportion d'environ un « texte
, le mot texte étant pris ici au sens d'unité de longueur constante, soit environ 100 000
texte) d'ouvrages ou d'écrits non littéraires, sommairement dénommés techniques. En
a spécificité du vocabulaire propre au domaine exploré, de tels textes usent général
ne langue dégagée de certaines particularités des langues littéraires, dont la caractér
pre est moins la communication que l'expression : charge excessive d'éléments (mots
valeurs) provenant de la mémoire « culturelle » de tel écrivain ou de tel groupe d'éc
tisfaits des ressources de la langue commune actuelle (d'où fréquemment la teinture p
ns archaïsante des langues littéraires) ; ou, au contraire, grand nombre d'écarts par rap
orme sociale en raison d'un excès de créativité de mots, de sens ou de valeurs, en d
mes, de néologies de toute espèce. Mise à part la technicité du vocabulaire propre à c
maine ou partie de domaine, les ouvrages non littéraires tendent au contraire à attest
e de langue moyenne, visant plus à la clarté de la communication qu'à la vivac
pression, usant par le fait même des éléments de langue le plus communément re
nus de leurs interlocuteurs, et fournissant ainsi d'excellents échantillons d'un état de
quelque sorte « classique », proche de ce qu'on qualifie habituellement de norme.

On trouvera plus loin la liste des textes que nous avons soumis à la mécanographie
oration sur bandes à huit canaux et à l'ordinateur pour divers traitements principalem
tion. Le choix de ces textes a obéi à deux considérations : d'une part à une limite quant
osée par la capacité d'absorption de l'atelier de mécanographie et de l'ordinateur d
ps dont nous disposions, d'autre part, à l'intérieur de ces limites, à un principe uniq
ction.

Afin que la documentation fût à notre disposition assez tôt pour permettre le début
action vers 1968 ou 1969, il a fallu limiter le nombre des textes littéraires à 416 ou
r le XIXe siècle, et à 586 ouvrages pour le XXe , l'ensemble ayant été calculé de manièr
dépasser 70 millions d'occurrences (les noms propres et les signes de ponctuation n
comptés pour fixer la hauteur de ce plafond) ; pour les textes « techniques » nous po
r jusqu'à un ensemble se sommant à environ 20 millions d'occurrences.

Pour la sélection des textes littéraires un seul principe a été retenu : le principe d'au
torité telle que nous l'entendons est avant tout celle qui est généralement reconnue
ain nombre de spécialistes, puis, dans une moindre mesure, celle que nous nous so
onnue à nous-mêmes. C'est dire que nous avons renoncé à des critères de pure obje
e-ci n'étant souvent, on le répète ici à propos de la documentation, qu'une somm
jectivités se contrôlant ou contrôlées. Du moins avons-nous essayé de réduire les périls
jectivité, 1° en choisissant autant que faire se pouvait des autorités externes général
onnues, et en n'intervenant nous-mêmes qu'à titre complémentaire ; 2° en procédant
oupements et contrôles cumulatifs.

Une fois les ouvrages de base choisis [7], la procédure était la suivante : un relevé
lité des titres d'œuvres cités dans le texte de ces ouvrages permettait de leur affec
fficient de fréquence ; ceux dont le coefficient était 7, 6 et 5 pour le XIX e siècle, 4 et 3 p
, étaient retenus d'office ; nous discutions en groupe restreint sur ceux qui étaient a
pectivement des coefficients 3 et 2, les critères de sélection étant alors ce que nous-m
vions savoir sur la sûreté de la langue, la richesse du vocabulaire et, à cause d'une inf
sible sur l'usage, la diffusion des œuvres [8].

es listes ainsi établies étaient d'abord l'objet d'une comparaison minutieuse av


ouillements de l'I.G.L.F., dont l'état détaillé dressé par l'ordinateur nous permett
naître exactement, œuvre par œuvre, l'étendue : les œuvres pour lesquelles l'I.G.L.F
nissait un nombre proportionnellement élevé de fiches ont été rayées de nos listes, s
exception, le texte nous paraissait assez important pour mériter un dépouillement
tement intégral sur ordinateur [9].

es listes des textes retenus en première sélection étant ainsi mises au point ont été e
mises à quelques spécialistes [10], qui ont bénévolement accepté de les réviser, s
anchant soit en ajoutant des titres, chacun agissant pour son propre compte. Une no
thèse était alors faite et ajustée par nous de manière à ne pas dépasser dangereuseme
tes que nous avions dû nous imposer. Une deuxième liste, assez différente de la premiè
ultait, qui était soumise à l'appréciation des membres du Comité directeur du labo
F. [11] : la troisième liste (dans l'ensemble peu modifiée par rapport à la seconde) qui ré
cette ultime consultation devenait la liste définitive. On trouvera en tête de la liste publ
ès une brève notice donnant quelques indications sur le choix des éditions et qu
blèmes de datation [12].

Une question importante était celle de la « préédition » des textes à soumettre à l'ordina
e-ci consistait principalement à éliminer du texte ce qui n'était pas de l'auteur : citations
lemets, notes d'éditeurs par exemple ; un code spécial, adressé par la mécanogr
mettait à l'ordinateur d'éliminer de ses états imprimés les noms propres (les ethniques n
compris dans ce nombre) qui n'intéressent pas la lexicographie des langues communes

La sélection des textes « non-littéraires » ou « techniques » a obéi, mutatis mutandis


cipes analogues. Le travail spécifique pour cette partie du corpus a consisté à nous d
alablement à toute sélection, une liste, de type encyclopédique, des domaines dans le
vait se distribuer la production des textes de cette section de notre documentation ; lis
ait elle-même le reflet des activités principales de la nation ou de l'ethnie française au
deux siècles considérés. Pour des raisons pratiques, il ne pouvait s'agir que d'un
nsembles à très large extension, nous contentant, pour les sous-ensembles, de renvoy
uments utilisés pour l'établissement de cette liste : la Classification décimale univ
tion abrégée, La Haye, F.I.D., 1958), les plans de l'Encyclopédie française, de l'Encycl
a Pléiade, etc. Voici cette liste :

SCIENCES EXACTES ET DOMAINES PARASCIENTIFIQUES.

Section I. Sciences exactes : (1) Mathématiques. (2) Astronomie, cosmologie. (3) Sc


siques et chimiques. (4) Minéralogie. (5) Sciences biologiques. (6) Sciences de la T
tion II. Domaines parascientifiques : (7) Alchimie. (8) Astrologie. (9) Parapsychologie.

SCIENCES ET TECHNIQUES APPLIQUÉES.

10) Mathématiques appliquées. (11) Météorologie. - Mesure du temps. (12) Chasse,


age. (13) Culture des végétaux : arboriculture, horticulture, sylviculture, viticulture
ustries alimentaires : meunerie, conserverie. (15) Industries et techniques d'extraction
rgie. (17) Mécanique. (18) Industrie chimique. (19) Textile et habillement. (20) Pote
amique. (21) Orfèvrerie, joaillerie ; travail du cuir et des peaux. (22) Ameublement. (23
nagers. (24) Arts culinaires. (25) Bâtiment : architecture, entreprises. (26) Urbanisme
énagement du territoire. (28) Travaux publics, télécommunications, transports.
hnologie militaire. (30) Techniques de documentation, de bibliothéconomie, muséogr
(31) Techniques de diffusion : journaux, livres, radio, télévision ; publicité.
SCIENCES MÉDICALES ET PHARMACEUTIQUES.

32) Médecine humaine. (33) Médecine vétérinaire. (34) Pharmacie humaine et animale.

SCIENCES HUMAINES.

Section I. (35) Géographie physique, économique, humaine. (36) Histoire et sc


oriques. - Section II. (37) Anthropologie et ethnologie. (38) Rites, religions, théolo
nces occultes. (39) Philosophes et philosophies ; logique, métaphysique, morale
ique et systèmes des valeurs ; idéologies. (41) Psychologie. (42) Linguistique et phil
) Sociologie et sciences sociales. (44) Sciences économiques et commerciales. (45) Sc
tiques, juridiques ; organisation administrative publique et privée. - Section III
cation et enseignement.

ARTS ET TECHNIQUES D'EXPRESSION ; LOISIRS ; INFORMATION.

Section I. Arts et techniques d'expression. (47) Arts plastiques et arts graphiques : de


vure, peinture, sculpture, arts graphiques (y compris imprimerie). (48) Arts music
sique vocale et instrumentale ; chant et chansons d'art. (49) Arts chorégraphiques. (50
matiques. (51) Arts littéraires et paralittérature. (52) Arts photographiqu
matographique ; radio, télévision. (53) Arts d'agrément : ouvrages de dames, etc
lore. - Section II. Loisirs : (55) Jeux. (56) Sports. (57) Divertissements publics et pr
tion III. (58) Information.
GRANDS SERVICES ET ORGANISMES PUBLICS ET PRIVÉS.

59) Justice. (60) Diplomatie. (61) Armée. (62) Finances. (63) Services généra
ministration (type préfecture, S.N.C.F.). (64) Santé, services sociaux. (65) Établisse
aires et universitaires. (66) Bibliothèques, services de documentation, musées.
emblées (départementales, régionales, nationales, internationales). (68) Établisse
sanaux, industriels et commerciaux. (69) Groupements professionnels et associations
anisation des loisirs, tourisme.

Dans ce cadre sommaire, sur la base de manuels si possible historiques sur chacun
maines, ont été dressés des tableaux des principaux « événements », avec en face la lis
es typiques qui les ont illustrés ou relatés. Ce sont de tels textes qui, dans leur totalité
aits caractéristiques suivis, ont, avec des chapitres importants d'encyclo
temporaines, fourni les documents sélectifs pour chacun des soixante-dix domaines rete
spectés.

Tous les textes ou extraits choisis, qu'ils fussent « littéraires » ou « techniques », o


mis, après « préédition », à une perforation intégrale et au traitement de l'ordinateur. A
nt été demandés en premier lieu des travaux de stockage, sur rubans magnétiqu
semble des textes perforés. Grâce à des dictionnaires-machine recueillis sur
gnétiques (dictionnaire des formes flexionnelles des verbes avec environ 400 000 ent
ionnaire des formes homographes de verbe à verbe, de verbe à non-verbe, de non-v
-verbe ; dictionnaire de mots grammaticaux de très grande fréquence) l'ordinateur
tre à notre disposition une série d'états ou de fiches dont voici la liste et les princ
actéristiques :

a) Des états-concordances imprimés formant deux séries (une série XIX e et une sér
le) et présentant sur feuilles de grand format l'ensemble du vocabulaire de chacun de
les. Chaque état correspond à un mot (le mot vedette ou entrée) et contient, dans
onologique des textes perforés, des suites de contextes de trois lignes (le mot vedette fi
ours dans la ligne médiane). Chacun de ces passages est exactement référencé :
sion et subdivision de l'ouvrage, page de l'édition utilisée. Les relevés de la machine
graux, certains mots très fréquents occupent sur les rayons de la bibliothèque du
ieurs volumes brochés, l'ensemble des états y étant rangé, à l'intérieur de chaque
s l'ordre alphabétique des mots vedettes. Pour limiter le nombre des états imp
dinateur a, grâce aux dictionnaires-machine, pu regrouper sous l'infinitif les formes ve
exception cependant des participes présents et des participes passés considérés comm
s distincts ; on a de même laissé séparés le singulier et le pluriel des formes nomina
oncé à redistribuer les formes homographes. On s'est d'autre part imposé de ne
rimer pour chaque texte perforé que 10 exemples (choisis aléatoirement) des mots d
nde fréquence groupés dans le dictionnaire des mots grammaticaux ci-dessus mention
fiches-concordances sont le principal document de travail des rédacteurs.

b) Des fiches-textes de 18 lignes, contenant le mot vedette dans une des huit lignes mé
mérotées, au numéro de laquelle renvoie un rectangle figurant en place bien visible en
chacun des extraits de trois lignes des états-concordances. Ces fiches-textes sont dema
le rédacteur après examen des états-concordances ; elles lui permettent, grâce
textes larges, d'arrêter définitivement son choix d'exemples et de les présenter dan
me grammaticalement complète et sémantiquement intéressante.

) Un troisième document, dont l'importance est allée croissant dans la préparati


ionnaire, est constitué par les états dits de groupes binaires [15]. Nous appelons ainsi de
lesquels, d'après les textes introduits dans l'ordinateur, les mots «sémantiques » (c'est-
mots autres que ceux qui constituent le dictionnaire des mots grammaticaux) sont, d'ap
gramme spécial, groupés deux à deux par l'ordinateur, avec restitution d'un minimu
texte avant et après le groupe, et la totalité des mots grammaticaux qui, le cas éc
ent les deux mots associés. L'utilité de telles listes est évidente quand on sait le rô
vironnement immédiat d'un mot joue dans le fonctionnement du langage soit p
mpréhension du message par son destinataire (et donc pour l'analyse de contenu
cographe, qui est d'abord, en face des énoncés, dans la situation d'un lecteur-destina
pour les choix que la langue impose au sujet parlant (ou destinateur) entre des m
cipe également possibles, mais en fait subordonnés à des servitudes de contiguïté, soi
r l'histoire et donc le degré de coalescence des termes associés dans un groupe.

En effet l'énoncé d'un mot polysémique n'indique pas de lui-même le sens choisi
vironnement général du discours, et plus particulièrement le mot immédiatement asso
met au destinataire de lever l'ambiguïté, et au lexicographe de distinguer les sens et d
ouper l'article de dictionnaire selon des divisions dictées non par une logique abstraite
l'usage même de la langue « naturelle » qu'il analyse : ainsi accorder prend un sens di
ant qu'il a pour complément d'objet le piano, deux personnes, dans certaines la
onales un jeune homme et une jeune fille (« les fiancer »), un verbe (avec son sujet
eur, ou une séquence introduite par la conjonction que (je vous accorde que...).
nversement la langue impose au sujet parlant des servitudes, c'est-à-dire des restr
mploi ou des choix contraignants. Restrictions d'emploi : le mot toit ne peut pas se d
mporte quelle couverture supérieure (on dit le toit d'une maison, d'une voiture autom
ne galerie de mine, mais le mot n'est pas, comme on dit, compatible ou licite, sauf par
ontairement métaphorique, avec des abris occasionnels : fournis par un arbre ou un ro
ix contraignants : à un niveau très concret, la langue connaît l'opposition ouvrir, ferm
e ; à un niveau de sens figuré on dit ouvrir une séance, une session, ou encore un c
banque), mais pour aucun de ces trois compléments le contraire d'ouvrir n'est ferme
e une séance, clôt une session, et on dit plus habituellement arrêter que clore un com
s qu'il est licite de dire clôture d'une séance, d'une session ou d'un compte. De tels « ca
e l'usage comme disait l'ancienne grammaire sont directement révélés par les lis
upes binaires, qui les assortissent constamment, pour en assurer l'usage réel, d'indi
uence ; une des principales originalités d'un dictionnaire qui se veut aussi manuel d
e est de fournir au lecteur ces syntagmes inscrits dans la langue même.

es listes de relevés binaires sont en outre de précieux instruments pour la connaissance


cture et l'appréciation du degré de lexicalisation, c'est-à-dire de contrainte et de coale
termes associés. Ainsi le verbe avoir sert à former beaucoup de locutions dites verbal
nt pas toutes la même structure : on dit avoir la fièvre, mais avoir faim ; on est libre de
le temps ou j'ai tout mon temps, mais non *j'ai le loisir ni *j'ai tout mon loisir, alors q
peu de temps, j'ai un peu de loisir sont également possibles. Dans certaines loc
sociation est si contraignante que la substitution d'un verbe quasi-synonyme n'es
sible : on peut dire j'ai ou je sens la fièvre, mais avec raison et tort, avoir n'e
mmutable avec sentir (on dit : je sens que j'ai raison). Dans certaines locutions le de
escence est tel que rien ne peut s'insérer par exemple entre le verbe et le substant
t dire avoir tout à fait raison, tout à fait tort, mais en dehors de la négation rien n
sérer entre avoir et lieu dans la locution avoir lieu ; la négation même est impossibl
aines locutions verbales insérées dans une formule proverbiale figée : avoir un pied d
be.

Ajoutons encore qu'à côté de tels groupes qui relèvent de la syntagmatique (où l'u
mes est syntaxiquement subordonné à l'autre), il en existe d'autres qui sont de
adigmatique (synonymes ou antonymes coordonnés ou simplement juxtaposés) e
uemment attestés dans des textes provenant d'écrivains quelque peu prolixes ou dé
seulement de dire mais encore d'éclairer leur dire par les ressources synonymiqu
onymiques du vocabulaire. Or de tels groupes, repérables grâce aux listes des com
aires (et parfois ternaires ou quaternaires), sont non seulement utiles pour l'
rprétation de tel énoncé, mais sont révélateurs du fonctionnement même de la langu
ermine les significations dans des structures de complémentarité et d'opposition.

l va de soi que dans la mesure où les associations syntagmatiques ou paradigmatiqu


genèse, le relevé des groupes binaires et de leur fréquence dans un corpus étendu p
de l'établir avec quelque précision.

d) Il faut encore mentionner, parmi les états fournis par l'ordinateur, un dictionnaire in
t l'utilité est grande pour l'analyse des dérivés, nombreux dans toute langue na
luée, et la rédaction des articles consacrés aux suffixes, qui entrent nécessairement d
gramme d'un dictionnaire qui se veut aussi dictionnaire de production (cf. infra p. XXVII

4. La nomenclature est une des caractéristiques les plus révélatrices de la natur


ionnaire ; son établissement obéit à des critères théoriques et pratiques.

a) Les critères théoriques découlent des finalités que l'on s'est proposées en concev
ionnaire. La première de ces finalités s'exprime par le concept de dictionnaire de langu
me précisé par celui de langue d'une culture de type humaniste actualisée, avec ce
manisme moderne comprend nécessairement de notions et donc de vocabulaire scientifi
hnique ; en d'autres termes, le dictionnaire tel que nous le concevons doit compren
abulaire de la langue commune à tous les francophones ayant reçu une telle culture d
maniste, la part des vocabulaires spéciaux étant limitée à ceux qui ont reçu une diffusion
e pour n'être plus seulement la propriété du milieu clos qui les a vus naître.

On a dit plus haut comment a été conçue la documentation originale du Trésor de la L


çaise, à laquelle nous avons demandé principalement de nous procurer la nomenclature
ionnaire : la forte proportion de textes littéraires correspond au principe humaniste ado
pos délibéré ; étant donné que le choix des textes littéraires T.L.F. a été fait par référen
es déjà dépouillés par l'I.G.L.F., il était obvie d'y ajouter les vocables fournis par ceu
es littéraires de ce dernier fonds qui appartiennent au XIXe et au XXe siècle.

N'ont été exclus des listes ainsi constituées que les mots qui ne relèvent que de la fa
bale (et s'expliquent donc d'eux-mêmes ou par les ressources du contexte), comme pe
e par exemple des contre-pèteries. En revanche ont été retenus dans ces listes to
logismes de type authentiquement français, c'est-à-dire construits selon la règle d'« an
les vocables sortis de l'usage mais ayant servi à un écrivain à décrire une réalité hist
érieure à la période considérée (vocabulaire historique), avec une précaution compléme
endant dont il sera question plus loin sous b ; non pas les noms propres, mais les déri
ms propres de pays, peuples, villes ou personnes (on ne trouvera pas France, mais Fra
çais, francophone, etc. ; pas Abel mais abélien, etc.).

b) Le principe d'autorité. Les termes régionaux ont été admis dans la mesure où il ét
ls n'étaient pas seulement dialectaux, mais en usage dans telle région chez les ha
orant le dialecte et les employant spontanément sans avoir l'idée de se singularis
port à la langue commune (on dit en Lorraine d'un appartement qu'il est clarteux, po
l a une bonne exposition au soleil ; on emploie en Belgique le mot aubette pour désig
ques à journaux, etc.). Nous avons cependant cru nécessaire de nous entourer po
ables régionaux de précautions « objectives » - identification comme tels par le
station d'authenticité par quelques spécialistes consulteurs - obéissant là aussi au p
utorité qui guide toute notre procédure documentaire.

Nous avons de même cru indispensable de recourir à la caution d'autorités extérieure


mission définitive des locutions et vocables latins ou grecs rencontrés dans nos texte
orités qui se sont révélées les plus « discrètes » et les plus sûres sous ce rapport so
ions du Dictionnaire de l'Académie parues au cours des XIXe et XXe siècles, ainsi que les
petit LITTRÉ, dont on sait la prudence et l'influence normative qu'ils ont exercée pou
réditer les vocabulaires dans le « bon usage » écrit ou parlé et plus généralement d
on pourrait appeler « l'usage éclairé »

Une précaution semblable, à vrai dire assez libérale, a été appliquée pour l'admission dé
mots du vocabulaire historique (cf. supra, sous a) et des mots étrangers rencontrés ; l
mots n'étaient attestés qu'une seule fois dans nos textes, nous avons demandé qu'ils
outre « autorisés », c'est-à-dire accrédités par leur présence dans la nomenclature
adémie ou des LITTRÉ, ou encore du Dictionnaire général, d'un des grands Lar
yclopédiques ou de l'un des deux ROBERT ; c'est-à-dire dans des ouvrages lexicographi
menclature ouverte et à autorité consacrée soit à cause de la qualité ou de la qualificat
s auteurs, soit en raison de leur large diffusion auprès du public cultivé.

On verra plus loin (cf. infra, sous d) que l'autorité lexicographique joue encore comme p
mplémentaire lorsqu'il s'agit de mots sélectionnés quoique ne figurant pas dans nos p
ers documentaires.

c) Le principe philologique. Une forme particulière d'autorité est celle qui s'attach
ncés traditionnellement appelés exemples. Ces énoncés ont pour premier trait spé
ls sont organisés en phrases de discours normal, c'est-à-dire syntaxiquement clos e
onomes ; sont de ce fait éliminés ces énoncés d'un type spécial que sont les définiti
ionnaire, lesquelles sont syntaxiquement tronquées et non autonomes, puisqu'elle
oin, pour être comprises, du terme-vedette à définir, qui les précède toujours et se
taxiquement à l'extérieur de l'énoncé définitoire. Nous considérons donc qu'un v
sent dans nos fonds, mais qui ne serait pas illustré par un énoncé « organisé », c'est
taxiquement autonome, n'a pas droit de figurer dans notre nomenclature (à moins q
réclamé par l'application d'un autre principe de sélection). Cette règle a été notam
ie pour l'admission des termes scientifiques et techniques procurés par les fichiers I. G
T.L.F. ; elle a aussi permis de retrancher de notre nomenclature ceux des term
abulaire historique qui ne figureraient chez un auteur que dans des séquences de
mération documentaire, et ne seraient donc pas insérés chacun individuellement da
ncé organisé avec ou pour lui.

Cette règle n'est à tout prendre qu'un cas particulier du principe philologique, qui est
cipes directeurs de ce dictionnaire. Par ce principe nous entendons la primauté acc
s la documentation de départ de nos analyses, à des textes déjà produits avant l'interv
exicographe et en dehors de celui-ci. Dans cette hypothèse le lexicographe se trouve
ant les textes et les exemples dans lesquels ils sont découpés, comme un observate
nces exactes et positives, et ce positivisme méthodologique est la condition pre
oique non suffisante) de l'authenticité de son répertoire de faits. C'est dans ces énoncé
mot trouve chaque fois un de ses avatars possibles, ou, si l'on préfère, une d
rnations, dont la somme, jamais définitive, mais pour un mot fréquent généralemen
ortante, constitue, à telle étape de son histoire, son champ d'actualisations. C'est ce
tualisations que le lexicographe doit explorer ; c'est lui qui est au principe de la nomenc
l se donne. La nomenclature est la somme des mots différents révélés par ces champs,
agés de l'environnement sémantique et syntaxique qu'ils y reçoivent, mais justifiés par
n le principe philologique, par lui d'abord sinon seulement. Positivisme méthodologi
cipe philologique coïncident à cet égard : un mot sans exemple(s) est selon eux u
pect de non-vie ou de survie abusive dans la seule tradition lexicographique.

d) Le principe morphologique. Cependant une double inquiétude s'empare très


cographe ayant à établir une nomenclature. D'une part il se trouve en présence d'une
oriquement illimitée de vocables notamment scientifiques et techniques présents da
umentation propre ou dans les dictionnaires spéciaux qu'il consulte ; d'autre part, s'il e
limiter à sa documentation propre, il court le risque d'omettre des vocables qu
itivement importants, mais absents de sa documentation pour la seule raison que celle
tée et comporte donc une part d'aléatoire. Trop ou trop peu, tel est le dilemme. Les pri
cédemment invoqués n'ayant pas suffi pour apaiser toute inquiétude à ce sujet, il
uver un principe complémentaire permettant d'éviter l'un et l'autre des deux écu
dition, cela va sans dire, que ce principe ne fût pas en contradiction avec les pri
cédemment retenus.

C'est la considération de l'une des deux visées fondamentales de notre dictionnaire,


t non seulement dictionnaire d'interprétation, mais aussi dictionnaire de production
ativité langagière, qui a fourni, nous est-il apparu, la solution. La créativité d'une lang
sure, entre autres paramètres, à sa capacité d'invention de mots nouveaux par le procé
érivation préfixale ou suffixale.

Cette dérivation, nous entendions d'abord la montrer comme déjà réalisée. Il était dè
qué d'adjoindre à notre nomenclature des mots absents de celle-ci mais attestés
lques-uns des dictionnaires généraux déjà retenus (Académie, y compris le Complém
2 sauf pour les mots connotés par celui-ci 'vieux langage', LITTRÉ et Dictionnaire gé
i que dans les dictionnaires « techniques » des XIX e et XXe siècles choisis par nous (cf.
XXI), à condition toutefois que ces mots fussent morphologiquement rattachés à un mo
mis dans la nomenclature de base et que ces dictionnaires fournissent une définition
vant être reproduite avec sa référence et mieux encore avec un exemple syntaxiqu
forme au modèle habituel. Le même principe nous permettait de réintroduire dans
menclature un certain nombre de mots éliminés pour une des raisons ci-dessus rappelées

e deuxième usage que nous avons estimé pouvoir faire du principe morphologiq
mission dans la nomenclature des éléments formateurs du vocabulaire. Ceux-ci y so
t accueillis au même titre que les mots eux-mêmes, avec lesquels ils ont en commu
aine personnalité sémantique et leur appartenance à la grande famille des « monèmes
ixes et aux suffixes proprement dits on a joint (à cause de leur rôle de plus en plus imp
s la formation des nomenclatures scientifiques et techniques) ce qu'on est convenu d'a
ments préfixaux ou suffixaux, c'est-à-dire des unités lexicales non-autonomes, le plus so
pruntées au latin ou au grec, où ils avaient généralement un statut de mots autonomes
-, métro-, ou -gramme, -graphe). Les articles qui leur sont consacrés sont illustrés
mbre parfois élevé de mots qu'ils ont servi à former. Ces listes regroupent un grand nom
s « récupérés » par application du principe morphologique, et permettent ainsi d'allé
menclature d'un excès de mots débutant ou se terminant par le même élément format
r lesquels la vitalité d'emploi ou la diversité des exemples disponibles nous parais
uffisantes.

On n'a pas cru devoir pousser jusqu'au bout l'application du principe morphologiq
uant aussi dans la nomenclature par exemple des affixes proprement grammaticaux c
désinences (sauf s'ils ont la forme d'une lettre de l'alphabet, auquel cas ils sont ment
s cette lettre, à laquelle est de droit consacré un article).

e) Un problème particulier est posé par le vocabulaire utilisé dans la desc


cographique, dans la mesure où cette description utilise un vocabulaire technique spé
emploie le vocabulaire général dans des acceptions particulières à la linguistique : c
blème bien connu de la métalangue, c'est-à-dire de la langue spéciale employée pour
a langue.

e lexicographe se trouve à l'endroit de la métalangue dans la situation critique suivan


n il l'écarte de propos délibéré de sa nomenclature en renvoyant, pour l'élucidation
minologie choisie, à un ou plusieurs ouvrages de référence dont il accepte les définition
n il inclut cette nomenclature spéciale à la nomenclature générale de son dictionna
ait ainsi sous ce rapport un caractère d'exhaustivité comparable à celle qu'il ambitionn
angue commune.

a première solution n'est guère possible en l'état actuel de la linguistique e


iculièrement de la sémantique, pour lesquelles il n'existe pas encore d'ouvrage de réf
ssant d'une autorité suffisamment universelle (on reviendra sur cette question plus l
XVIII) : le lexicographe doit choisir son propre langage métalinguistique, et parfois en
ner plusieurs simultanément lorsqu'il s'agit du travail d'une équipe comme celle qui pro
sent ouvrage. La seconde solution présente l'inconvénient de supposer l'ouvrage ache
ment où s'élabore la nomenclature définitive, qui serait ainsi le fruit d'une l
apitulative et conduirait à un nouvel effort rédactionnel, lequel, à moins de s'interdire
ovation dans l'emploi de la terminologie linguistique, serait à soumettre à une seconde l
apitulative, et ainsi de suite à l'infini, sans que l'exhaustivité de la nomenclature pût
atteinte ni finalement que l'ouvrage pût voir le jour.

Seule une série de décisions pratiques permet de sortir du cercle infernal. La première
le lexicographe doit s'imposer est une certaine discrétion dans l'emploi de la métalang
e de discrétion est une tradition du genre, que même un dictionnaire d'inspiration lingu
pouvoir respecter. La seconde règle pourrait s'appeler règle de redondance, laquelle co
troduire d'avance dans la nomenclature un nombre plus étendu de termes métalinguis
l ne semble à première approximation nécessaire. Tout en observant au maximum la rè
rétion, nous avons fait un pas vers l'application de la règle de redondance, en incorpo
re nomenclature deux fichiers d'inégale importance : d'une part, à cause de sa
sique, quoique « dépassée » par les linguistiques de pointe, la nomenclature de la 3e
Lexique de la Terminologie linguistique de J. Marouzeau (Paris, 1951, puis 1961) ; d'aut
fichier établi au T.L.F. même d'après des ouvrages récents de linguistique génér
çaise, et dont il se dégage un minimum de consensus communis sur un certain nom
mes ou de notions. Enfin l'on se propose, et cela en vertu d'un principe général du
ectif qui est la condition permanente du T.L.F., de soumettre à l'ordinateur, volum
ume, les analyses sémantiques du corps principal des articles : une révision
menclature sera ainsi possible, et des corrections ou compléments pourront s'ajouter à l'
fur et à mesure. On a voulu de la sorte fournir la preuve de l'intérêt que l'on attache
abulaire linguistique tant soit peu rigoureux, afin que, contrairement à ce qu'il est a
xcellents esprits de dire ou d'écrire, il soit de plus en plus entendu que la linguistique elle
sera une science que du jour où elle disposera d'un vocabulaire bien fait.

) Pour l'entrée des articles de ce dictionnaire nous nous sommes strictement conformé
ition lexicographique. Non seulement nous avons gardé partout l'ordre alphab
sacré, le plus commode pour le lecteur qui n'a sous ce rapport à connaître que ce que s
ant ayant appris à lire, et le plus neutre aussi parce que n'engageant d'avance aucun sy
elations « idéologiques » entre les mots ni à plus forte raison aucune doctrine d'interpré
uistique. Nous avons aussi d'emblée accepté la tradition selon laquelle seules des f
minales ont le droit de figurer à la nomenclature : substantifs, adjectifs, pronoms (pour
l est traditionnel de traiter comme vedettes distinctes les formes toniques et les f
nes ; les premières sont traditionnellement traitées comme les autres mots du lexique
ns procédé de même pour les secondes, contrairement à la tradition qui regroupait s
sujet les autres formes casuelles), adjectifs pronominaux (avec des distinctions compar
articles ; adverbes, prépositions, conjonctions ; infinitif (à son rang alphabétique san
mpte de son éventuel emploi pronominal) et participe passé pour les verbes (les par
sents seulement s'ils sont attestés comme formes variables et donc adjectivées) ; les
mposés seulement s'ils sont traités comme tels (c'est-à-dire spécifiés par l'emploi d
nion) par la langue écrite, qui reste là aussi (cf. infra, p. XXIX) le point de départ de l'a
cographique : notre dictionnaire se veut d'abord dictionnaire de lecture et secondair
riture, les deux visées se recouvrant sous le rapport des entrées. D'ailleurs, en procéd
orte pour les composés, on évite de prendre prématurément parti sur la coalescen
ments d'un composé (il est en effet plutôt du domaine d'une réforme courageu
hographe d'étendre le champ des séquences de mots susceptibles de recevoir la marq
t d'union) : il suffit que l'usager du dictionnaire sache qu'il trouvera toujours les « le
s trait d'union sous le premier mot de la séquence.

C'est une question de savoir ce que représentent ces entrées du point de v


ctionnement de la langue, et l'on s'est demandé si l'on peut légitimement apprécier
vices » de celle-ci d'après le nombre de ces entrées : c'est un problème qu'il faut renvoy
cologie, qui rencontre ce même problème lorsqu'elle se livre par exemple à des enquê
uence. Disons seulement que pour nous les « services » ou « performances » d'une
peuvent se mesurer que pour un état de langue donné révélé par l'enquête philol
tée et de caractère positif, c'est-à-dire contingent, qui est l'infrastructure d'un dictionn
orique » : un dictionnaire des fréquences comme celui qui accompagne le dictionnaire
ont un court extrait figure dans les Notes et éclaircissements de nos articles, permett
naissance déjà plus approchée de la « productivité » de la langue à un moment et da
ditions données de son histoire.

Quant à savoir ce que représente le mot vedette pour l'usager, la réponse est claire. En
cerne sa forme matérielle de signifiant, il ne peut être autre chose que le symbole, cho
vention, des avatars matériels possibles du mot : les indications d'ordre gramm
jointement avec les énoncés-exemples, aident le lecteur à choisir, parmi toutes celle
résente conventionnellement l'entrée, la forme adéquate appelée par l'énoncé en cou
ette, en tant que forme matérielle, n'est pas un signe, ni un signifiant particulier virtua
à s'actualiser à nouveau ; elle n'est plus que le signal commode des signifiants virtue
uète comme par délégation. Il n'en est pas tout à fait de même du contenu, dont le
résente d'emblée l'ensemble des avatars possibles dans son champ de signification. C
eux assemblage d'une forme matérielle choisie par convention et d'une « sommation
ualités sémantiques qu'on appelle un mot (ou toute autre unité) lexicographique
iquement la forme matérielle (ou support) de l'entrée peut elle aussi être considérée c
ynthèse résumée des formes virtuelles qu'elle représente : la forme-vedette matérielle
tenu virtuel sont tous les deux des abstractions (l'infinitif n'est pas là en tant qu'in
issant à la règle selon laquelle un signifiant ou un signifié peut représenter une class
te pour laquelle il n'existe pas de mot spécifique (c'est alors le contexte lexicographiq
mme tel spécifie ce mot dans la fonction occasionnellement assumée). Quant au choix
me faisant fonction de signal, il peut être entièrement conventionnel, pourvu que la
sie soit la même dans tous les cas semblables. (Pratiquement le lecteur-consultan
lconque dictionnaire effectue les opérations mentales suivantes : rencontre d'un mot ac
s un énoncé donné, dégagement de ce mot de son conditionnement actuel, production
ge visuelle générale hors contexte, mais spécifiée [infinitif pour les verbes, forme du sin
r les substantifs qui en ont un, etc.] et correspondant à la vedette du dictionnai
cédure est à peu de chose près la même pour le consultant producteur d'énoncé : il
ayé le mot dans un énoncé provisoire dont il est l'auteur, et il procède à la vérification d
ploi de ce mot en parcourant le même chemin entre le mot en situation d'énoncé et le m
ation de dictionnaire.)

Or un mot (ou un monème quelconque) est défini en langue comme l'association


ifiant et d'un signifié virtuels : si l'un des deux varie, le mot n'est plus le même. Cette
t également pour ces synthèses abstraites de formes et de sens que sont les mots (et
és) lexicographiques. De là le problème de l'homonymie interne, dont nous traitero
ant du découpage des sens ; de sa solution dépend directement un aspect important
blématique des entrées.

l faut encore signaler un trait qui caractérise l'entrée lexicographique. Positivement


eur de signal sémasiologique : elle invite à découvrir sous le signifiant abstrait les sign
urtout les signifiés concrets qui peuvent se rencontrer dans les discours déjà réalisés, e
onnée à l'audition ou à la lecture selon l'économie générale d'un dictionnaire de langue
émarche fondamentale est d'aller du signifiant au signifié. Pour être aussi un dictionna
aux onomasiologiques, c'est-à-dire permettant d'aller du signifié au signifiant, il faudra
vedettes fussent tour à tour des unités lexicographiques (sémasiologiques) du
itionnel ci-dessus décrit et des unités onomasiologiques présentées entre guillemets.
gramme complémentaire est habituellement dévolu aux dictionnaires « idéologiques
t concevable qu'une fois le dictionnaire sémasiologique achevé. Le dictionnaire « anal
ù les articles et divisions d'articles renvoient les uns aux autres, peut être considéré c
utile pierre d'attente de l'édifice en perspective.

5. Avant d'aborder les étapes ultérieures de la procédure lexicographique mise en œu


vient d'insister sur un point déjà effleuré précédemment, mais non suffisamment élu
mment justifier, dans la phase actuelle de la linguistique, le privilège accordé ici à la
écrivains, et parmi ceux-ci aux écrivains les plus importants ou du moins les plus notoir

On a déjà fait entendre plus haut qu'au départ de ce privilège il y avait un ac


gnation : l'enquête in vivo sur la langue parlée spontanée se révélait pratiqu
ossible. Impossible aussi, pour les mêmes raisons de temps et de moyens disponib
ouillement de textes sténographiés ou sténotypés, qui eût fourni des énoncés en q
e en genèse d'actualisation, et parfois d'actualisation transformante et novatrice. Il a
u faire de nécessité vertu.
On a déjà mentionné aussi les inconvénients d'une telle situation : la langue des écriva
vée ou d'un excès de mémoire culturelle et donc d'archaïsmes (parfois ga
ontairement ou involontairement), ou d'un excès d'innovations individuelles et do
logismes (parfois de pure fantaisie ou involontairement ignorants du « génie » de la la
s on a indiqué d'autre part comment à notre sens le témoignage de textes non-litté
mettait d'obtenir une langue plus proche de la norme, qui est l'objectif souhaité d
ionnaire de langue. On a surtout considéré que les écarts, par définition individu
pres à un groupe d'écrivains, sont neutralisés par la confrontation d'un grand n
xemples. C'est alors à une sorte d'usage moyen dégagé par abstraction que l'on abou
t ce travail d'abstraction consciente qui en face de ses fiches incombe d'abo
cographe. Celui-ci quitte dès lors le champ de la pure observation positive pour s'en
s une procédure réflexive qu'il n'abandonnera plus, sauf à confronter chaque fois a
ité les résultats de ses analyses avant de les formuler dans les définitions
mmentaires ; sauf aussi, sans doute, à présenter ainsi de la langue une image fort
quée par la procédure de documentation ou d'exploitation de celle-ci.

Mais une « langue » est-elle jamais autre chose que le produit d'une abstraction ? J
issable en soi puisqu'elle est d'abord faite de tous les énoncés virtuels dont une infime
ement (comparée à la somme non-finie des possibles) s'actualise, elle n'est « approch
à travers un nombre fini d'énoncés, que le lexicographe réduit encore selon les do
joncturelles de son travail. La langue parlée n'est pas mieux située sous ce rapport
gue écrite : au stade où elle est une donnée observable, elle est une somme limitée d'én
iculiers, individualisés, le plus souvent transcrits avant d'être étudiés, elle n'est pas la
arlée » .

Certes de tels énoncés sont moins que la langue littéraire écrite sujets à ces écarts do
question plus haut. Dans la mesure où la langue parlée est, à un pourcentage très élevé
clichés qu'on se répète de génération en génération, d'aîné à plus jeune, de m
lconque d'un groupe à d'autres membres quelconques, elle révèle un usage moyen qui,
l est répétitif et imitatif, est une certaine approximation du niveau langue. Mais jamai
ation n'est parfaitement fidèle, sinon dans la forme matérielle, du moins dans le conte
, ne serait-ce que parce que nulle part ailleurs que dans la mémoire n'existent de m
aitement stabilisés qu'il suffirait, au moment de l'acte de parole, de bien regarder p
enir une exacte reproduction. Aussi est-ce d'une suite d'(essais de reproduction, ave
ords, corrections, reprises, redites et redondances que procède le discours parlé
rises sont certes dictées et orientées par la censure qu'exerce en chacun des locuteurs c
ssimilé du système de la langue et de ses normes ; mais les corrections auxquelles il pr
r satisfaire aux exigences de la norme sont toujours secondes (sauf chez les gens
outent » parler, mais qui à cause de cela ne parlent pas vraiment) et n'abou
exceptionnellement, arrêtées qu'elles sont ou par le sentiment qu'une plus g
roximation de la norme n'est pas nécessaire du fait que le message communiqué
epté et (à peu près ou suffisamment) compris par l'interlocuteur, ou plus banalement
essité de mettre un terme à la recherche du mot propre ou de l'image expressive pour
ours puisse progresser vers sa conclusion : le temps qui fuit est le maître du discours
autant, sinon plus souvent, que la censure du sur-moi normatif.

Comparée à la condition faite au discours parlé, la langue écrite est dans une sit
ement plus avantageuse sous le rapport de l'approximation de la norme ; parce qu'éc
e de discours est soustrait à la servitude de l'irréversibilité, il peut se lire dans les deux
donc être corrigé par rature et substitution, et la voix de la censure s'y fait entendr
ment, plus longuement, plus opiniâtrement : la communication du message
tinataire n'y est certes pas négligée, mais précisément l'obéissance exacte à la norme
ème reçus y est assumée et appréciée à sa pleine valeur de condition fondamentale
mmunication, privée qu'est celle-ci des langages supplétifs (intonation, gestes, to
èmes « déictiques ») qui dans la communication parlée fonctionnent en étroite asso
c le langage articulé. La langue même des écrivains, qui par rapport à un usage
naire, représente un état de discours marqué, à première vue et avant tout, par des é
en réalité d'abord et fondamentalement un discours soigné, et le premier bénéficiaire
est la norme sur l'arrière-fond de laquelle pourront se détacher les écarts. L'écrivain
se fait lire et surtout relire par un public critique et qui ne soit pas seuleme
sommation - est en quelque sorte un artisan du discours et de l'écriture, laquelle n'e
ement pour lui truchement par quoi il communique, mais aussi fin en soi et donc ob
pect à l'instar de celui qu'on voue à une personne à qui il peut être demandé de servi
de s'aliéner. Même chez des « spontanéistes » comme Ch. Péguy, qui pratiquent la mé
ajouts successifs de synonymes, il ne s'agit jamais que d'ajouts de quasi-synonymes,
n tri réfléchi, lui-même commandé par l'expressivité, c'est-à-dire par un effort pou
dre à la langue encore plus qu'elle n'a coutume de rendre dans le discours habituel, ré
banal. Dans le brillant des écarts comme dans les tâtonnements vers l'expression ju
it toujours d'un acte de foi dans les pouvoirs illimités d'une langue, généreusement
s l'instant même de l'énoncé qui la fait servir.

Ce dont on est privé de la sorte, c'est d'une vue concrète, à travers les tâtonnements
gue parlée, de la genèse actuelle de l'énoncé au moment même du discours, et donc
cultés latentes. Et naturellement des manières de parler propres au discours famil
ulaire. Mais outre que nombre de textes écrits surtout littéraires se sont proposé de r
registres ou niveaux de langue (qui représentent pour eux autant de signes d'identif
types humains ou des appartenances sociales) et de ce fait n'échappent pas aux inven
austifs des textes soumis à l'ordinateur, il faut souligner encore une fois qu'il est de la
n dictionnaire de langue qu'il soit aussi, dans toute la mesure du possible, un dictionnair
duction langagière » et qu'il fournisse au lecteur des énoncés finis, qualitativement clos,
que, par leurs auteurs mêmes, et donc, mutatis mutandis, proposables à l'imitation en
veaux énoncés.

L'information lexicographique.

'information lexicographique d'un dictionnaire historique découpé en tranches ou co


sidérées par convention comme synchroniques devrait se déployer selon deux axes
hronique ou vertical et l'axe synchronique ou horizontal, les deux axes se croisant, se
éma bien connu de F. de Saussure, en un point nodal d'où le développement
ctionnement des faits de langue devraient également se percevoir, la vue diachronique
s conçue comme une vue plongeante n'aboutissant qu'en fin de perspective aux faits le
ens. Tel était en effet notre programme primitif pour ce dictionnaire des XIX e et XXe s
nos premiers essais comprenaient d'amples développements historiques pour les pé
cédant la nôtre : les premiers articles de ce premier volume, quoique réduits par rapp
mier jet, gardent des traces de cette ambition, à laquelle il a fallu renoncer en raison
ension prévue de l'œuvre, et aussi à cause du caractère nécessairement provisoire
onde main de ces notices, que les dictionnaires ultérieurs auraient à corriger au fu
sure. On n'a pas cru cependant devoir renoncer totalement à ce programme. Un aperçu
du passé d'un mot en éclaire le fonctionnement actuel, dans lequel tout n'est pas l
e ou simple application à un cas particulier de principes généraux : il entre beauco
tingence dans le fonctionnement d'un système même cohérent ou dans les emplois
onnés d'un mot, et c'est précisément une des fonctions de l'histoire que d'être science
tingence, c'est-à-dire de ce qui aurait pu ne pas naître et être et a cependant été. D
, il est à peu près sans exemple qu'un mot ne se ressente pas, dans son être physiq
s son contenu, des conditions dans lesquelles il est entré dans la langue ou qui l'ont aid
stituer ; et c'est précisément le rôle de l'étymologie (au sens étroit et traditionnel du mo
ablir la grille de ces conditions qui retentissent sur toute la destinée du mot. Il est e
sumer que la confrontation de la vision plongeante des faits en diachronie et de leu
ndue en synchronie pourrait procurer un accroissement qualitatif de connaissance, r
ne de ces « fertilisations croisées » dont parle l'épistémologie générale (Curien). En pré
endant que ce n'est qu'« en amont », par rapport à l'usage actuel, que les deux vues di
urs chemins « en aval » se confondent, puisque désormais c'est dans leurs actualis
velles que se dessinera aussi le nouveau devenir historique des unités de vocabulai
rrait en dire autant de l'histoire de la prononciation et de l'orthographe, qui ne sont q
ects particuliers, de soi importants, de l'histoire globale d'un mot. On trouvera ce
riques, ainsi réduites, à la suite de la rubrique « sémantique » ; une typographie diff
ignera leur caractère sommaire de simples notes et éclaircissements. On donnera pl
lques indications plus techniques sur ces rubriques, en même temps qu'on définira c
résentent les informations statistiques et bibliographiques par lesquelles se termine
es complémentaires.

Précisons seulement ceci : en privilégiant l'analyse sémantique d'une époque considér


vention comme privée de sa profondeur temporelle, on ne vide pas totalement le
orique » de sa substance ; on atteste seulement par là, en accord avec le p
ologique fondamental, que l'objet dont on rend compte est situé et délimité dans le
orique, qui est une des composantes de toute donnée positive : on atteste ce
ctivement existé en discours et non ce qui en système était ou est seulement possible
des sous-entendus de tout dictionnaire que de laisser supposer que ce qui a été ma
à dans un passé récent, se manifestera encore, selon toute probabilité, d'une m
ntique ou analogue dans un avenir prochain : c'est ce pari qui fait qu'un dictionnaire d
venu est aussi un dictionnaire du encore à venir, et que de témoin du passé il devient
'avenir.

1. L'analyse sémantique.

a tradition lexicographique moderne vise à l'économie du nombre des entrées (ou u


ettes). Certes chaque mot phonétiquement distinct constitue par cela même une
incte, puisque le point de vue du dictionnaire est fondamentalement celui du lecteur-au
t la démarche va du signifiant au signifié ; en d'autres termes, si nous assimilo
ionnaire monolingue à un dictionnaire bilingue, le dictionnaire alphabétique moderne
ionnaire de version. Aucun problème pour la masse des mots monosémiques que poss
gue et dont le nombre croît à mesure que l'on s'éloigne de la langue commune en dir
nomenclatures scientifiques et techniques.
a situation n'est plus aussi simple quand il s'agit des quelques milliers de mots polysém
a langue commune. Le dictionnaire de Richelet (1680) avait adopté à leur égard une a
ique intuitivement très juste. Chaque mot est considéré comme rattaché à un
mettre, admission ont chacun leur radical) et à chaque radical peuvent se rattacher plu
s constituant avec lui une famille ou une sous-famille. Le mot qui, selon l'ordre alphabé
nt en tête de son groupe (ADMISSIBLE) est imprimé en lettres capitales, le ou les
mbres du groupe (admission) suit ou suivent, imprimé(s) en lettres minuscules. Le m
c inséré dans un ensemble morphologiquement cohérent avant d'être l'objet d'une anal
tenu. Un principe analogue préside au traitement d'un mot polysémique. Chacun des se
sidéré comme appartenant à un ensemble introduit par une vedette en lettres capitales
que changement de sens est traité pour lui-même, la vedette est répétée en alinéa
rimée en lettres minuscules, le ou les sens propre(s) venant en tête, puis le ou le
ré(s), enfin les sens techniques (emplois comme « termes d'art »). Les conditions
ngements ne sont spécifiées que s'il y a, par exemple pour un verbe, changement imp
construction (accorder construit avec la conjonction que suivie du subjonctif) ; partout a
exemples simples suggèrent les conditions d'emploi, qu'il est dès lors facile d'interpré
angage plus ou moins métalinguistique ; en revanche pour les emplois comme « terme
domaine d'application est indiqué avec précision. Il n'est pas dans notre intention d'exa
dans le regroupement des sous-vedettes il n'entre pas quelque préoccupation
mologique que systématique ; il suffit de constater que sont posés et appliqués
sentiel les principes d'une analyse distributionnelle du contenu et des emplois, dans le
ne conception unitaire du mot considéré comme l'association d'une séquence phon
phique et d'un sens (cf. s.v. parole : « Mot. Explication de sa pensée par le son, et la vo

a) La polysémie, telle qu'elle est habituellement entendue en lexicographie, ne se confo


c l'homographie. Celle-ci est un trait spécifique de la langue transcrite par l'é
habétique (aménagée), et n'affecte pas le mot en langue, lequel se définit, on l'a rappelé
instant, par l'association d'un support matériel ou signifiant et d'un contenu sémiq
ifié, signifiant et signifié étant pris au sens le plus large possible, c'est-à-dire convenan
n aux unités « lexicales » qu'aux unités grammaticales ou « fonctionnelles ». Le trait qui
s polysémiques (écrits) et mots homographes est celui de l'ambiguïté à la lecture. On s
mophonie crée elle aussi une ambiguïté, mais une ambiguïté à l'audition. Homograp
mophones offrent cette parenté que l'ambiguïté qu'ils créent ne se rencontre qu'au nive
ifiant : sa levée se fait par le regroupement de telle forme graphique ou de telle
nique avec les autres formes d'un même paradigme de système (une même conjugaiso
me « déclinaison », une même partie du discours). Elle ne pose guère de problèm
cographe travaillant sur des énoncés réels écrits.

'ambiguïté qui est le fait des mots polysémiques est d'un autre ordre, puisqu'elle exi
é du signifié. Pour en comprendre la nature, il faut d'abord se placer dans la situation du
ant ou locuteur. Celui-ci, au moment d'engager un mot polysémique dans un énoncé,
e plusieurs sens possibles celui qui convient au propos particulier qui est le sien dans l'i
discours (écartons, pour simplifier, les cas où son intention est de communiquer le mot a
lité de son contenu demeuré indifférencié) ; or son choix doit être fait de telle manière
tinataire puisse l'identifier sans difficulté, c'est-à-dire sans ambiguïté. L'énoncé do
struit de telle façon que le destinataire y trouve des adjuvants dont la fonctio
cisément de permettre la levée des ambiguïtés : on dit qu'un discours est clair lorsque c
ncé comprend en qualité et en quantité les adjuvants nécessaires à la levée d'ambigu
destinataire. Le nombre de ces adjuvants est naturellement plus important (et parf
ure différente) dans la langue écrite, qui suppose l'absence du destinataire et ne peu
utiliser les adjuvants propres au discours parlé : liaisons en fin de mot, intonation et p
miques, mimique, connaissance intuitive de la situation in praesentia commune au
ant et au sujet écoutant, redondance calculée suivant la réaction instantanée du destin
La langue écrite en revanche possède des adjuvants qui lui sont propres : les morp
mmaticaux muets mais écrits (certaines terminaisons notamment), les systèmes d'acc
concordance (redondants du point de vue du sujet écrivant, mais non du sujet lisa
ctuation, les règles de rhétorique élémentaire faisant appel aux ressources
adigmatique de (quasi-)synonymes ou d'antonymes, voire à la paraphrase définitoire (c
: le choix des exemples), et surtout le soin du contexte immédiat, qui est la prin
née adjuvante que le discours écrit met en œuvre pour la levée d'ambiguïté.

e rôle du lexicographe consiste d'abord à souligner les adjuvants contextuels


ocations) dans la mesure où ils sont inscrits dans la langue et commandés par l'usage,
re dans la mesure où ils sont habituels, répétitifs, spontanés, dépouillés de toute
ction que celle de la levée d'ambiguïté. L'adjuvant différenciateur peut se situer
vironnement contextuel immédiat : sa recherche est l'objet propre de l'a
ributionnelle. L'adjuvant différenciateur est alors ou bien de nature catégorielle (un mo
nger de sens en changeant de classe, c'est-à-dire de partie du discours : passager adje
le même sens que passager substantif) ; ou bien de nature syntaxique (beauté chan
s suivant qu'il ne s'emploie qu'au singulier, ou qu'il peut s'employer à la fois au singulie
iel ; ciseau, suivant qu'il ne s'emploie qu'au pluriel ou s'emploie à la fois au singulier
iel ; âgé n'a pas le même sens s'il est suivi de la préposition de ou employé en constr
olue) ; ou bien sémantique (aimer n'a pas le même sens suivant que son objet e
sonne ou une chose ; ou suivant que la personne est un membre de la famille de l'ag
personne étrangère à cette famille ; le sens change encore si le sujet est un végétal
nte aime le soleil ; l'absence d'objet dans elle aime « elle est amoureuse » est une fa
r l'ambiguïté) ; ou bien stylistique (dans le style soutenu accommodement peut sign
ord à l'amiable » ; dans l'argot du milieu galette signifie « argent qu'une fille doit
teneur ») ; ou bien rhétorique (le contexte indique qu'un mot est employé par figure
valeur métonymique (toit ouvrant d'une voiture) ou métaphorique (la fièvre électora
tique (une [voiture] automobile) ; ou enfin thématique-situationnelle (le mot silence n
même sens suivant qu'il est employé dans la langue commune ou que l'on parle de my
de musique (cf. ce qui est dit plus loin sur le domaine).

Ces adjuvants que distingue leur nature n'ont pas le même retentissement sur le sen
s les vocables : leur action, toujours possible, est soumise à la contingence historique
ré de réalisation dans chaque cas caractérise ce qu'on appelle l'usage, que l'on peut d
ant le cas, comme une contingence permissive (la réalisation est une variante offe
x du locuteur, qui peut dire par exemple : il a de la fièvre ou il fait de la fièvre, il fai
re ou il fait de la température,) ou comme une contingence contraignante (le changem
be ayant une influence sur le changement de sens, il faut dire, suivant le cas : il a ma
mal). Il est du programme traditionnel des dictionnaires de faire l'inventaire de ces adj
de les indiquer avec le maximum de précision. On a suivi le plus souvent possible d
ionnaire la tradition éprouvée, en tâchant toutefois de marquer avec plus de netteté la
pre de l'élément adjuvant.

L'adjuvant le moins immédiatement contextuel est le domaine. Quand ce domai


itutionnel, parce qu'il représente un corps de métier ou une branche cataloguée du
s l'avons détaché en l'imprimant en capitales italiques ; quand il n'a qu'un car
asionnel, et que donc il est plus thématique qu'institutionnel, nous disons ordinairemen
domaine de..., imprimé en minuscules italiques. Le changement de domaine en
éralement un changement de sens par inclusion dans son sens d'éléments emprunté
lications du domaine. Quand ce changement est minime, il n'est pas marqué par une dé
sens : on le considère comme une acception particulière en relation avec une varian
mple technologique, qui ne touche pas à l'invariant du noyau sémique. Une division d
t ainsi embrasser plusieurs domaines, la définition donnée fournissant une représen
érique du noyau sémique (cf. infra, sous c).

L' adjuvant rhétorique, qui consiste dans l'inclusion d'une figure de rhét
ncipalement métonymie, métaphore et ellipse) à la délimitation des sens à l'intérie
mp sémique d'un mot, est traditionnellement inventorié par la lexicographie. Nous avon
e tradition, en essayant de distinguer, autant que faire se peut, les situations-types
uelles peut se trouver tel sens d'un mot en langue. Le problème essentiel est ici cel
ent les figures (figures de sens ou tropes), dont les traits pertinents, en rhétorique, son
voir qu'elles confèrent aux mots qu'elles affectent de se tenir en même temps, dans l'i
discours actuel, sur deux plans : un plan de départ (côté source ou amont) et u
rivée (côté cible ou aval) : au plan de départ, en amont, un mot a, dans l'instant act
ours, tel sens (« bureau sur lequel j'écris, plume avec laquelle j'écris »), ou s'insère da
tagme (voiture automobile) ; au plan d'arrivée, en aval, il acquiert un autre sens (la
s laquelle se trouve mon bureau, quand par exemple je dis : les heures d'ouvertu
eau ; le style quand je dis : cet écrivain a une plume élégante, voire l'écrivain lui-
nd j'écris : c'est une bonne plume) ou une autre structure syntagmatique (voit
omobile peuvent chacun s'employer sans la présence de l'autre terme : je prends ma v
course automobile) ; b) le fait que point de départ et point d'arrivée n'ont pas le mêm
archique : le second (la cible, l'aval) représente la visée de la communication, ce qu'o
e entendre dénotativement par le destinataire, la source ayant seulement valeur conn
condaire du point de vue de l'information communiquée, quoique pouvant être premi
nt de vue de l'impression esthétique recherchée).

e plus souvent il s'agit ou de métonymie (le bureau : nom du meuble employé pour dé
eu où il se trouve ; plume : l'instrument servant à qualifier la nature du travail effect
voire l'écrivain envisagé du point de vue de son style) ou de métaphore (la fièvre du m
vant à désigner l'agitation plus ou moins incontrôlée qui, dans une élection, s'est empar
didats et de leurs partisans ou adversaires) ; plus rarement il s'agit d'ellipses (voit
mprend sans l'adjectif automobile ; automobile, abrégé en auto, se comprend sans v
t il adopte la partie du discours).

Nous avons, chaque fois que cela a paru utile, mentionné le rapport métonymique d'u
c le précédent ; le sigle p. méton. a été dans ce cas employé même si par ailleurs le co
tagmatique fournit un critère suffisant pour la distinction des sens (casser un verre, bo
e) : le discours lexicographique, on l'a rappelé plus haut, aime la redondance, par
amment à la variété de ses lecteurs virtuels. Le cas des noms d'action, résultant
nsformation par passage d'un mot du plan du verbe à celui du substantif, est un cas par
a métonymie : gouvernement correspond à plusieurs avatars du verbe transposé, et il s
s tantôt l'action en cours (le gouvernement des hommes est chose difficile), tantôt les
'action (le gouvernement est démissionnaire : le gouvernement procède de « les gouve
articipe présent substantivé, le pluriel étant réduit en singulier collectif), tantôt le l
verne un gouverneur (rejoindre son gouvernement). Conformément à la tr
cographique, nous n'avons pas cru nécessaire d'indiquer dans ce cas le processus men
nsformation, dont l'analyse est confiée à la définition, à laquelle la langue fourn
cripteurs suffisamment génériques pour être en même temps classificateurs et explicatif

Pour le rapport métaphorique, il nous a paru souvent nécessaire de distinguer a) d'un


cas où la métaphore n'est qu'une extension analogique (nous disons dans ce cas p.
n sens à la dénomination d'un concept auquel il n'est pas principalement approprié
né, qui se dit d'un métal, se dit aussi, par analogie, d'un paysage) : c'est le jeu langag
mme si qui se trouve ainsi mis en relief, une ressemblance partielle étant assimilée
ntité totale ; b) d'autre part les cas où la métaphore est encore très perceptible q
elle, mais entraîne déjà des changements de plans importants (comme p. ex. du con
strait) qui font qu'il ne s'agit plus d'un jeu de comme si, mais d'un comme de comparai
relève aussi, à côté des ressemblances, des différences sensibles (nous disons parfois
cas, par métaph., comme dans la locution : la montagne a accouché d'une souris) ;
mploi proprement figuré, où le passage du concret à l'abstrait n'est plus perceptible q
exion (non historique) principalement du sujet écrivant, qui, dans la rédaction lente ou d
cture, peut soumettre le mot à un examen critique attentif qui rétablit mentalement la
sens figuré au sens « propre » (p. ex. il est maintenant bien acclimaté dans son milieu
à, c'est-à-dire quand la liaison n'est plus possible sans le secours de l'histoire du mot,
t plus le même, et c'est alors le problème de l'homonymie interne qui se trouve po
a, sous b et c).

L'adjuvant que nous appelons stylistique est distinct de l'adjuvant rhétorique en ce sen
concerne pas les figures de pensée, mais les situations réciproques de l'auteur
tinataire de la communication (niveaux de langue), ou l'intensité expressive ou af
gistres de langue) qui caractérisent l'emploi d'un mot. Ces connotations distinguent c
s de certains de leurs synonymes sémantiques ; elles peuvent aussi intervenir da
inctions de sens qui s'opèrent dans l'aire de signification d'un mot polysémique. Ainsi b
ient synonyme d'amusant que dans un syntagme du type raconter une bonne histoi
ve du style familier ; homme n'est synonyme de mari que dans les syntagmes du typ
mme, son homme, qui appartiennent à la langue populaire ; abîme ne signifie « enfer
s un contexte religieux appartenant au style soutenu ; ainsi encore abondant peut d
oratif ou mélioratif suivant son environnement syntagmatique : s'agissant d'un déser
rce abondante est considérée avec faveur, alors que parole abondante peut être p
uvaise part si dans son entourage il est question de prolixité et de fatigue. L'
hémique d'un mot entraîne un changement de sens si le contexte y prépare ; ainsi d
ase il s'est affaibli, tout sera bientôt fini, le syntagme tout sera fini signifie « il sera m
uphémisme consistant aussi dans une substitution de terme, il peut être rapproché
aphore). La nomenclature de ce dictionnaire étant « ouverte » dans la mesure
rature, expression, dans une large mesure, des valeurs et des valorisations positiv
atives, stables ou changeantes d'une société elle-même de plus en plus changeant
aliste », il est normal qu'on y trouve ce que les puristes du XVII e siècle appelaient le
syllabes) « bas » ou « sales ». Nous englobons leur caractérisation sous la dénomi
érale de caractérisation stylistique, mais confions généralement à des Remarques ce q
d'en dire, et qui est d'ordinaire plus nuancé que ce que des indications stéréo
rraient suggérer : les valorisations lingua-culturelles sont naturellement plus complexe
caractérisations seulement linguistiques, ne serait-ce que parce qu'elles sont valorisatio
alorisations) du point de vue de quelqu'un, dont l'appartenance sociale et la mentalité d
voir être précisées dans une certaine mesure. Or les valorisations et dévaloris
urelles interviennent aussi, occasionnellement, dans la délimitation des sens, p. ex. l
mot devient terme d'injure (aristo[crate] dans la bouche d'un jacobin, calotin dans cel
clérical, capitaliste dans celle d'un socialiste, ceux de la haute [société], etc. ; invers
peuple, épicier, prolétaire, etc. dans la bouche de membres de la bourgeoisie). Mais
vent la valorisation socio-culturelle intervient pour rendre polysémiques des mots qui sa
ent ou seraient monosémiques ; il en est de même des conditions historiques-culturelle
uelles des mots prennent un sens emphatique (aussi bien au sens ancien que mode
), p. ex. certains mots à la mode comme demeuré, formidable, sensationnel, etc.

Les adjuvants démarcatifs qui intéressent le plus directement le sens sont ceu
adrent le mot dans son environnement ou l'affectent dans sa forme la plus immédiat
t ceux que l'on regroupe le plus habituellement sous le nom de distribution. L'a
ributionnelle concerne tantôt les relations syntagmatiques d'un mot avec ceux qu'il déte
qui le déterminent (verbe - sujet - objet, adjectif - substantif, etc.), tantôt des variati
me morphologique. Du point de vue de leur valeur, elles sont d'ordre grammati
mantique. Elles sont autant de conditions d'emploi d'un mot, c'est-à-dire de manifestati
c, dans le cas des mots polysémiques, de délimitations de sens dans l'aire de signif
n mot. Les conditions grammaticales d'une grande généralité sont traditionnel
quées, en ce qui concerne la partie du discours, derrière la vedette elle-même ; c'est là
sont données des indications relatives à la construction (transitive, intransitive) ou à la
onominale) d'un verbe. Les changements de sens qu'entraîne un changement de nombr
quées en italique dans le corps de l'article (dans l'article affaire on trouvera l'indicat
iel : les affaires [sont les affaires] « ce dont on s'occupe professionnellement »
ngements de construction sont d'ordinaire mentionnés sous forme de titres ou de sous
s l'économie générale d'un article, et c'est la définition seule qui permet de constater q
si un changement de sens ; les cas particuliers sont précisés dans des crochets droits
ossibilité ou la nécessité d'un objet secondaire).

Les conditions sémantiques sont les plus importants des adjuvants démarcatifs de
s les avons généralement fait figurer dans les titres et sous-titres lorsqu'elles entrent da
ndes catégories ou sous-catégories classificatrices telles que animé/inanimé, personne/
sonne/animal. Quand il s'agit de sous-catégories plus ténues, c'est-à-dire de m
ension, il en est fait mention dans des crochets droits (p. ex. inanimé naturel/inanimé a
et fabriqué], inanimé concret/inanimé abstrait).

'ensemble des relations, larges ou étroites, qu'un mot entretient dans le discours av
ironnement et qui actualisent telle de ses virtualités inscrites dans son aire sémantique
ant de précisions qui le font passer de la pluralité des possibles en langue à la particula
essaire dans l'énoncé. Tout se passe comme si dans la langue les signifiants étaient r
c des étiquettes spécifiant leurs signifiés et les conditions de leur apparition dans le dis
sont ainsi dans la situation d'un nom propre de famille devant devenir nom propre d
sonne particulière, le nom propre de famille convient à tous les membres d'une fam
ois à plusieurs familles), mais pour qu'il puisse devenir nom propre unique d'une per
que, il faut qu'il soit déterminé, précisé par l'adjonction d'autres éléments d'informa
m(s) de personne, parfois sobriquets, à la limite toutes les indications figurant sur une
entité ou sur un passeport ; l'identification du référent s'opère à coup d'additions succe
sont autant de conditions de reconnaissance du référent. Les conditions d'emploi s
me ordre : en même temps qu'elles précisent l'actualité d'un sens, elles permette
tinataire de l'énoncé d'identifier lequel des sens possibles a été effectivement manifest
oncé qui lui est transmis dans la communication. Le lexicographe, en notant les con
mploi d'un mot ou d'apparition d'un sens, rédige la carte d'identité d'un mot ou d'un
carte d'identité est un syntagme composite, comme l'est un article de dictionnaire.

Une carte d'identité comporte généralement dans une des divisions de son cham
tographie de la personne désignée ; à la rigueur la photographie dispense des indic
icularisantes ajoutées au nom de famille : il y a synonymie entre ces informations pri
et la photographie qui procure elle aussi une représentation globale de la personne. T
as en lexicographie lorsque en face d'un mot vedette on se contente d'indiquer un équ
onyme.

b) Le repérage des adjuvants différenciateurs, qui est la fonction propre de l'a


ributionnelle, ne résout pas, malgré la richesse d'information qu'elle procure en vue
e d'ambiguïté, tous les problèmes sémantiques posés au lexicographe traitant d'u
ysémique. Relevons-en seulement deux parmi les principaux : d'une part celui de l'homo
rne, d'autre part celui de l'ordre de présentation des sens ou acceptions.
'analyse distributionnelle repérera toujours dans l'environnement d'un mot des adj
cificateurs. Affranchir un esclave ou affranchir une lettre forment deux lexies différencié
ature de l'objet du verbe affranchir ; on saura donc qu'il faudra les présenter comme
ssant d'une certaine autonomie. Mais la différenciation n'affecte la vedette qu'en ta
ifiant : on saura que affranchir, en tant que séquence sonore ou graphique, sert d'étiqu
x emplois que l'usager ne doit pas confondre, mais le signifié ne sera pas caractérisé
lexicographique est un signe complet, fait de l'union d'un signifiant et d'un signifié, e
ns rappelé (cf. supra, p. XXIX) la règle élémentaire selon laquelle un changement inte
s le signifiant et/ou dans le signifié pouvait entraîner un changement de mot, donc p
cographe un changement d'entrée ou de vedette. Pas de problème si le changement aff
ifiant : tout nouveau signifiant (sauf les cas de variations seulement grammatical
ra, p. XXVIII) a droit à une entrée. Mais si le changement affecte non pas le signifiant m
ifié, la décision de découpe aboutissant à un changement d'entrée ne peut intervenir qu
analyse du signifié, dont les composantes inventoriées indiqueront s'il s'agit encore du
ou d'un mot différent. C'est le rôle de l'analyse componentielle (dont le résultat est con
s la définition) que de pénétrer à l'intérieur du mot déterminé par ses adjuvants, et ce
alors que l'on pourra décider si la découpe ou rupture d'emploi déterminée par l'a
ributionnelle marque aussi une rupture de mot. C'est dire que l'analyse distributio
cède nécessairement l'analyse componentielle ; celle-ci consistant dans le relevé des
signifiés pertinents minimaux, auxquels s'arrête l'analyse), on dira qu'un signifia
résente plus le même mot si dans tel de ses emplois l'analyse componentielle ne repèr
un sème commun aux autres emplois du même signifiant. Ainsi dans la lexie affranch
re, où affranchir signifie « coller un timbre sur une lettre en vue de son acheminement
te », il n'y a aucun sème commun avec ceux que l'analyse relève dans la lexie affranc
ave, où affranchir signifie « donner la liberté civique » à un esclave ; là où l'a
ributionnelle ne marquait qu'une rupture d'emploi, l'analyse componentielle marqu
ture de mot : conformément à une tradition récente mais bien établie, nous indiquer
ngement de mot (donc de vedette ou d'entrée) par des indices en chiffres arabes, e
ons donc un affranchir 1 et un affranchir 2.

D'autre part, l'analyse distributionnelle, qui indique les découpes de sens, ne fournit p
ères pour l'ordre dans lequel, à l'intérieur d'un mot polysémique, doivent se succéder le
acceptions. Certes il y a une tradition lexicographique, que suggérait déjà (cf. supra, p.
helet : le sens propre passe avant le sens figuré, et un sens ou emploi technique passe
sens ou un emploi de la langue commune ; mais la hiérarchie de ces indications ne peu
ait de la seule analyse distributionnelle, puisque la succession traditionnelle repose dé
analyse de contenu. Il y a des cas où seule l'analyse componentielle, c'est-
iquement la définition analytique, permet un ordre tant soit peu rationnel. Ainsi hu
t signifier tour à tour 1. « ensemble des hommes », 2. « qualités de bonté ou d'indu
pres aux hommes considérés dans leur ensemble » ; on voit, d'après les définitions,
s 1 est supposé par le sens 2, en d'autres termes que le sens 2 a intégré les sèmes du
y ajoutant les siens propres : le sens intégrant suivra naturellement le sens intégré. S
ons passer le sens figuré après le sens propre, c'est que celui-ci est intégré (totalem
iellement) à celui-là, ou en tout cas supposé par celui-là ; il en est ainsi des autres règ
cession des sens ou acceptions ou emplois.

l va de soi que l'analyse componentielle ne peut être envisagée que du seul point d
chronique à l'intérieur d'un état (historique) de langue donné ; en d'autres termes, e
e du point de vue des usagers contemporains de l'emploi analysé et n'a pas à faire a
éléments d'information empruntés à l'histoire antérieure du mot.

c) L'analyse componentielle consiste donc à inventorier les sèmes ou unités de sens min
tenus dans le signifié, et à les confronter de sens à sens à l'intérieur d'un mot polysém
semble des sèmes d'un sens constitue sa compréhension ; celle-ci est plus ou moin
n le nombre de sèmes. La permanence d'au moins un sème à travers les divers se
eptions d'un mot polysémique garantit l'unité du champ de signification d'un mot. A déf
e permanence il y a rupture de l'unité de champ : c'est ce qu'on appelle traditionnell
monymie interne, qui se traduit aujourd'hui par l'éclatement de l'entrée unique en plu
ées indexées (entrée1, entrée2, entrée3, etc.) comme on l'a indiqué plus hau
ngements de sens à l'intérieur d'un champ de signification se traduisent par des additi
suppressions (ou par les deux à la fois) de sèmes. Lorsque de femme « être humain d
inin » on passe à femme « épouse », on ajoute au sens 1 le sème « unie à un homme
iage » (ou la variante : « qui peut être unie à un homme, par le mariage ») ; lorsque d
nfant du sexe féminin » on passe à fille « prostituée », on ajoute en outre une
orative) aux sèmes précédents. Au contraire lorsque de homme « être humain de
sculin » on passe à homme « être humain », on retranche le sème « de sexe masc
dition de sèmes équivaut donc le plus souvent à un contenu sémique plus conc
straction d'un sème aboutit au contraire à un contenu abstrait. Il y a à la fois soustrac
ition lorsque de siège « meuble sur lequel on peut s'asseoir », on passe à siège « lieu
nit l'état-major d'une société industrielle ou commerciale. »

Un sens plus abstrait est en principe classificateur par rapport à un sens plus concret ;
l est générique par rapport à celui-ci, tout en conservant un certain nombre de ses sèm
classificateur de ce type correspond ce que l'ancienne logique appelle le genre procha
se des espèces caractérisées par rapport à celui-ci par la présence dans leur compréh
sèmes spécificateurs correspondant à ce que l'ancienne logique appelait la diff
cifique. La représentation graphique correspondante est celle d'un arbre hiérarchi
mmet duquel se trouve placé le genre prochain (qui est ce qu'on peut appeler un hypéron
dessous duquel se trouvent rangés les termes classés (qu'on peut appeler des hyponym
te un autre type de classificateurs, qui ne présentent pas l'opposition du genre prochain
ifférence spécifique : ce sont les classificateurs collectifs. Ceux-ci sont de la nature du p
uel groupe en les additionnant des singuliers qui gardent la totalité de leur compréhensi
de leurs sèmes ; le collectif est un rassembleur d'entités identiques, qu'il présen
térieur comme un singulier ; sa représentation graphique n'est pas celle d'un
archisé, mais plutôt celle d'une parenthèse précédée d'un terme très général du
emble ou groupe.

On voit que ce n'est que dans le premier cas (rapport d'hyponyme à hypéronyme
serve la règle du rapport inverse de la compréhension et de l'extension ( femme
main de sexe féminin » a une compréhension plus pauvre, mais s'étend à un nombre
grand que femme « épouse », qui a une compréhension plus riche, mais une m
ension que femme « être de sexe féminin »). À la différence aussi des termes génériqu
ectifs entraînent souvent un changement du mot physique : pour passer de femm
me2 il n'est pas besoin de changer de signifiant, mais pour passer de homme « être hu
ensemble des êtres humains » il faut faire intervenir un suffixe qui modifie la forme ph
mot (homme ® humanité).

l existe d'autres termes classificateurs sous-jacents aux mots dont on analyse le co


mantique, comme p. ex. ceux qui groupent sous une dénomination commune des
iculiers, ou tous ceux que suggère le contenu sémantique des suffixes : ce son
embleurs du type collectif ou des hypéronymes du type genre prochain, mais il faut so
r les expliciter, emprunter le signifiant à d'autres familles morpho-étymologiques (
il, lune, terre ont pour assembleur astre ; bonheur, malheur peuvent avoir pour classif
exie état d'une personne qui, etc.).

l existe une hiérarchie entre les classificateurs, selon qu'ils indiquent un genre proc
gné : chose classe plus d'entités que objet, qui lui-même en classe plus que p. ex. corp
apport qui existe entre terme classificateur et terme classé est un rapport d'inclusion
s les rapports d'inclusion ne sont pas du même type ni de même sens. Ainsi lorsqu'on
verre « matière » à verre « objet fabriqué à l'aide de cette matière » il y a certes inclus
e-objet » inclut « verre-matière »), mais en passant de l'un à l'autre on ne concréti
entité générique en entité spécifique, mais on passe d'un tout à une partie de ce tou
ecourt à des transformations du type de celles que l'on groupe sous la notion de méto
ce qui est commun à tous les objets inclus est déjà spécifié au départ et le reste da
nsformations en objets.

l existe enfin des classificateurs très généraux qui jettent des ponts entre le sémantiqu
taxique : ce sont les parties du discours. La partie du discours regarde d'une part v
tenu sémantique, qu'elle encadre d'une manière très vague, mais assez précise pour
encadré par elle s'oppose aux mots encadrés par d'autres parties du discours (les subs
gèrent tous, même les plus abstraits, quelque chose comme un objet saisissable ; un a
gère toujours l'idée d'une précision qui s'attache à un substantif ; un verbe suggère to
e que quelque chose arrive ou existe cum/sine tempore) ; d'autre part elle regarde v
struction syntaxique de la phrase, dont elle commande la coloration grammaticale spéc
tant qu'elle regarde vers le contenu sémantique d'un mot, la partie du discours fait su
tenu, considéré comme un invariant, des variations qui constituent la série morphologiq
ariant sémique : produire, produit, producteur ; blanc, blancheur, blanchir, etc. ; e
elle est tournée vers la phrase, elle permet à ces variations d'y assumer des fon
taxiques définies. D'où l'importance de la spécification de cette étiquette, qui d'un
blit des liens entre les variantes morphologiques des invariants sémiques (passage de b
nchir, etc.), et en établit d'autres entre sémantique et syntaxe (parce que substantif, u
t être sujet ou objet, etc.) : les parties du discours sont les clefs de voûte des enti
gage dans un idiome bâti comme le français, dont elles commandent la dynamique en
ps qu'elles en structurent la statique.

d) Les termes classificateurs, de quelque type qu'ils soient, appartiennent toujours à la


ie du discours que les termes classés. Il en est de même lorsque, renonçant à l'a
mponentielle, on met en regard d'un mot un mot équivalent ou sensiblement équivale
utres termes un synonyme ou un quasi-synonyme. On sait que plus une langue est ri
ables, plus elle abonde en synonymes, qui ont pour fonction première de perme
ondance fonctionnelle (particulièrement importante pour la transmission claire et compl
ssage, lorsque le destinataire est éloigné ou que le message est écrit) et/ou la v
hétique en cas de répétition obligatoire. Mais on sait aussi que plus une langue est ma
l'esprit d'analyse qui anime des usagers éduqués et entraînés à distinguer là o
ervation superficielle unifie (et le français classique est une langue animée de cet esprit
tend à spécifier les synonymes pour n'en plus faire que des quasi-synonymes, prédéter
avant leur entrée dans un contexte, soit stylistiquement (différence de niveau de la
re/jaunisse ; d'affectivité : thésauriser/économiser ; d'expressivité : avare/grippe-sous
mantiquement (différence d'intensité : froid/glacial ; de qualité : mauve/violet ; de conno
ationnelle : contrat/traité). Il est enfin constant que la synonymie entre deux
ysémiques n'est jamais que partielle : elle s'établit entre deux sens ou acceptions de c
mots, et non entre deux aires complètes de signification.

C'est dire qu'en lexicographie il y a lieu de manier avec prudence l'explicitation du sens p
onymes. En effet, il est rare que le lexicographe dispose du temps nécessaire pour
vance un dictionnaire complet et nuancé des synonymes et pour en contrôler la fines
analyses componentielles définitives ; ses indications synonymiques sont nécessair
intuitives que systématiques. En outre si, pour des raisons d'économie de
ormation proprement sémantique se borne à l'indication de synonymes, on s'expose d
lleure des hypothèses à des approximations qui orientent vers le sens exact plutôt q
n rendent compte ; autant dire que de telles indications s'adressent à des usagers qui
à et n'ont de ce fait besoin que d'un rappel sommaire. Pour les autres, l'utilisati
ormation synonymique demande, si l'on peut dire, une véritable contorsion mentale, p
approchement de signifiants synonymes suppose le renvoi à leur contenu sémique com
l'esprit de l'usager du dictionnaire doit dégager afin de constater qu'effectivement
ifié commun correspondent plusieurs signifiants ; en d'autres termes, venu au dictio
c un état d'esprit sémasiologique (du signifiant au sens), il se voit imposer d'emblée u
prit onomasiologique (du sens au(x) signifiant(s). Il faut mentionner enfin pour mém
ue des « définitions circulaires », où A est « expliqué » par B (juste : légitime) et B
itime : juste) et ainsi de suite, avec des variantes triangulaires, où A est traduit par B, q
uit par C, lequel a pour correspondant A [16].

En revanche lorsque l'information synonymique est considérée comme une inform


iliaire, elle peut être d'un grand prix. Pour les mots polysémiques, on peut admettr
que découpe sémantique correspond un synonyme différent ; si ces synonymes s'op
e eux par des nuances seulement stylistiques, il n'y a pas lieu de marquer dans l
ysémique une découpe de sens proprement dite ; si au contraire l'opposition entre de
synonymes est aussi sémantique, il y a lieu de se demander si le mot-vedette ne do
scindé en deux vedettes différentes (prendre « voler » et prendre « capturer » p
er ensemble à l'intérieur d'un même champ de signification ; mais châtier « punir
tier [son style] « affiner [son style] », étant donnée la forte opposition sémantique en
onymes de chacun des deux châtier, doivent être séparés et demandent deux entrées d
inctes). Pratiquement cela revient à définir ce qu'on entend par forte opposition séman
s entendons par là une opposition qui ne procède pas seulement d'une différence de
s la périphérie du contenu, mais aussi d'une différence dans le noyau sémique même, c
dans le genre prochain, contrairement à ce qui se passe p. ex. entre deux synonymes
uels le genre prochain reste constant : punir et affiner ont un noyau sémique (un
chain) entièrement différent [punir relève de la répression juridique ou morale après une
mmise, affiner d'un processus de purification en vue d'une plus grande perfection)
traire voler et capturer consistent toujours à s'approprier un bien que l'on n'a pas (
mique ou genre prochain), seule la spécification de la notion d'appropriation varie et i
c pas lieu de distinguer deux mots sous le même signifiant-vedette.

D'autre part si l'indication du synonyme est placée après l'analyse componentielle


llection peut s'appuyer sur la connaissance du contenu, dont le lexicographe lui de
ement de vérifier qu'entre la vedette et le synonyme l'analyse componentielle représen
ts de signifié communs aux deux mots.

On ne mentionne que pour mémoire que c'est par l'inventaire des synonymes q
ionnaire de lecture devient aussi un dictionnaire d'écriture.

Sans se dissimuler les périls de l'entreprise, on a, dans ce dictionnaire, progressivement


s une indication de plus en plus complète de la synonymie. Au départ on a considéré qu
exemples choisis à cette fin à en fournir l'inventaire : les mots imprimés en i
résentent des paradigmes (sur les associations paradigmatiques, cf. infra, p. XL),
uels figurent de nombreux synonymes. Pour certains mots où le nombre des synonym
tivement élevé, on a, dans la tradition des dictionnaires de synonymes, essayé de p
opposition, si ténue soit-elle. Ailleurs on s'est contenté d'indiquer le synonyme aussitôt
éfinition et avant les exemples. Enfin, pour les mots les plus fréquents, qui sont aus
s à polysémie et à synonymie ouvertes, on a parfois regroupé dans une remarq
cipaux synonymes (et antonymes) rencontrés dans la documentation utilisée. C'est ce d
cédé qui sera de plus en plus systématiquement appliqué dans l'avenir.

2. La définition.

a) Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'information sémantique principale consiste d
nition, qui est la forme lexicographique traditionnelle de l'analyse componentiel
nition consiste en effet à rendre compte, sous la forme d'un énoncé analytique, des
inents qui entrent dans la composition d'un sens. Fondamentalement, c'est-à-dire qua
se sémantique dont relève la définition, définition et synonyme sont une seule et même
les consistent à placer derrière le mot vedette une séquence langagière sémantiqu
ivalente, la différence consistant en ce que, comme il a été dit plus haut, la définition ex
ontenu commun au défini et au définissant, alors que le synonyme suppose que le
xplicitation a été fait d'avance et est donc inutile ou est laissé à la diligence du le
mpte tenu de cette situation, la règle de substitution formulée par Pascal est applicable
à l'autre mode : la recevabilité de la substitution sémantique est le critère d'une
nition, tout comme elle est le critère de la synonymie.

Cependant, quant à leur intention, synonyme et définition poursuivent des visées différ
synonyme, s'il est un équivalent sémantique (comme par exemple bécane par rap
clette), révèle à l'analyse les mêmes sèmes componentiels que son partenaire ; la déf
cographique, en tant qu'elle est linguistique, ne retient parmi les sèmes que ceux qu
inents, c'est-à-dire utiles pour marquer la différence sémique entre deux mots classés s
me hypéronyme. En d'autres termes, si la définition doit informer sur la substance sémi
de manière à permettre à celui-ci de désigner déictiquement le référé translinguistiq
l'objet final de tout discours humain, elle doit aussi et surtout viser à ce que cette désig
voie au référé distinctivement, c'est-à-dire sans confusion avec un autre référé et don
fusion avec un autre mot : la spécificité, c'est-à-dire l'indication du ou des tr
inctifs(s), est sa règle principale.

C'est pourquoi la définition lexicographique peut sans difficulté assumer la conc


totélicienne de la définition, conçue comme un énoncé indiquant d'abord le genre pr
nc a pour genre prochain « siège avec ou sans dossier ou bras, assez large pour se
ieurs personnes », genre prochain qu'il partage par exemple avec canapé), puis la diff
cifique (par rapport à canapé, banc a pour différence spécifique d'être moins profond e
et de ne pas figurer dans le mobilier de salon). Par le genre prochain la définition insis
ubstance sémique en orientant le mot vers l'objet trans- et extralinguistique (le réfé
n la terminologie habituelle, le référent) qu'elle montre (c'est la fonction désignat
tique de la définition) ; par la différence spécifique elle délimite le mot par rapport
ins et lui sert en quelque sorte de guide et de garde-fou dans son cheminement v
ré. Toutes les définitions lexicographiques n'ont cependant pas cette forme classique
vent remplacer l'indication du genre prochain par celle du genre éloigné (« action de...
celle de l'ensemble (cf. supra, p. XXXV) qui groupe en un singulier une pluralité d'
ntiques ; ou encore par celle d'une similitude (« espèce de..., sorte de... n) ou d'une pr
absence de..., cessation de... »), c'est-à-dire par des déterminations sémantiques du p
de la définition, souvent réduite dans ce cas à un synonyme.

Mais à la différence de la définition aristotélicienne qui cherchait à dire le vrai, c'est-à-d


existe réellement en dehors et indépendamment de nos représentations de la réa
nition lexicographique ne vise qu'à appréhender celles-ci sans avoir à se préoccuper d
té. Elle n'a donc pas à connaître la différence entre définitions de choses (c'est-à-d
ités non créées par notre esprit) et définitions de mots (comme par exemple
appellent les concepts mathématiques, œuvres conventionnelles de notre esprit sans re
stantielles avec le réel). En revanche, du fait qu'elles ne visent pas à saisir la réalité, ma
s sur la réalité ou des créations imaginaires, les définitions linguistiques sont toujours su
ariation, liées qu'elles sont à la situation contingente des sujets parlants qui ont élabo
s ou ces créations imaginaires : celles-ci sont fragiles comme tout ce qui est histori
urel, et comme la langue elle-même, création et recréation continue d'un donné ma
ce que maniable dans et pour des situations seulement historiques et naturellemen
nelles. Elle n'a pas davantage à s'inquiéter outre mesure de la distinction entre ce q
uistique et ce qui est encyclopédique, les informations encyclopédiques allant par natu
à des traits déictiques et différenciateurs que relève l'analyse componentielle et qui, c
l'a rappelé plus haut, constituent l'essence même de la définition en tant qu'elle
tenu : celui-ci n'est que le contenu utile pour le fonctionnement correct du langage,
le contenu nécessaire pour la connaissance exhaustive du référé. Elle reflète le statut
a langue, qui dans sa structure interne n'est ni physis ni thesis, mais poiesis.

e lexicographe doit en revanche se préoccuper de la forme de la définition, et cela d'un


s l'aspect de la dichotomie sur laquelle repose la définition en tant qu'analyse du co
utre part sous celui des éléments dont se compose chacun des deux termes de ce co
te définition analytique est en principe bipolaire, avec un premier membre indiquant le
ochain ou éloigné) ou un ensemble ou une relation (similitude ou négation), et un deu
mbre qui complète les indications générales données par le premier. Le premier est e
ours général par rapport au second, ce qui a pour conséquence que par exemple le verb
xister » ne comporte pas de définition analytique parce qu'il n'y a pas de terme aya
tenu plus général que lui, faute de quoi on a recours à des définissants simpl
onymes et/ou à des indications d'antonymie. Chacun des deux membres de la définitio
mporter plusieurs termes, comme c'est le cas par exemple lorsque la langue ne possède
simple pour exprimer le genre prochain et qu'il faut donc inventer une lexie com
mulant ce genre prochain (« siège... pour plusieurs personnes »). La structure discursi
x parties de la définition dépend de la richesse de contenu du mot pilote qui les intr
grande est la compréhension du mot pilote, moins nombreuses sont les indic
mplémentaires de la séquence qu'il introduit.

Puisque la définition est une manière de synonyme, l'idéal serait que le mot pilote qui
présentât derrière le mot défini comme un synonyme simple et exhaustif. Cet idé
iellement rempli en ce sens que la définition est toujours rangée derrière le terme
mme une apposition directe l'est à son antécédent ; il l'est aussi en général en ce qui con
artie du discours, en principe identique à celle du défini (enterrer : mettre un mort en
ugle : qui ne voit pas ; battre : donner des coups, etc.), étant entendu que les part
ours sont comprises au sens large (un pronom relatif est un adjectival par rapport a
l détermine ; le groupe ce qui équivaut à un substantif ; un complément prépositio
eur d'adverbe, etc.).

Un cas intéressant est celui des dérivés par suffixe ou par préfixe. En principe, si le sen
a dérivation subsiste, c'est-à-dire, pratiquement, si l'élément de base existe sous for
autonome, il suffit, dans la définition, de rappeler le mot de base, et l'on se cont
xpliciter l'apport spécifique du suffixe ou du préfixe : montée « action de monter », incita
on d'inciter », dépolir « enlever le poli » ; apporter « porter vers ». Lorsque la base n
sous forme de mot autonome (avec ou sans changement de partie du discours), il es
que la langue ne possède pas un synonyme servant de substitut au mot manq
ension pourra se définir comme une « marche vers un sommet », descendre peut se
« aller vers le bas ». Sans vouloir traiter ici de la question complexe du rapport entre l
es affixes (suffixes ou préfixes), il est bon de rappeler que suffixes et préfixes sont loin
voques et que plusieurs d'entre ces derniers ont par exemple valeur de simple déterm
ectuel (revenir c'est « venir en arrière », mais remplir c'est « emplir complètement »). D
, une fois qu'un dérivé est formé, il se comporte comme un mot simple, c'est-à-dire qu'
exemple modifier son sens suivant sa place paradigmatique dans son champ sém
miter « tracer des limites autour de... » se définit par opposition à limiter « impos
tes à » plutôt qu'à partir des éléments morphologiques qui entrent dans sa structure.
nt qu'un verbe comme accourir ne signifie pas seulement « courir vers », mais qu
osition à venir vers, il suggère aussi l'idée d'une venue répondant à une attente ou à un
ex. au secours). De même encore un dérivé peut, comme un mot simple, recevo
eptions nouvelles dans tel contexte syntagmatique, et devenir ainsi polysémique :
éliorer les conditions d'habitation, habitation signifie « action d'habiter », mais ch
abitation c'est changer de lieu où l'on habite. En d'autres termes, la situation du
mme d'ailleurs celle du composé, auquel s'appliquent plusieurs des remarques fai
sus) est celle de toute structure : son tout n'est pas nécessairement égal à la somm
ies, une chauve-souris n'est pas une souris chauve.

b) La théorie de la définition appelle encore une remarque importante concernan


gage.

e principe même d'un dictionnaire est qu'il aide à la compréhension et au manieme


tés dont se compose une langue : il répond à des questions de traduction que se p
eur-consultant, qui est aussi généralement un lecteur pressé. Le dictionnaire prend don
ière des données qu'il est censé connaître, mais que le lecteur-consultant est censé i
moins partiellement : son discours est donc un discours didactique, en ce sens qu'il en
qu'il sait (ou est censé savoir) à quelqu'un qui ne sait pas ou sait moins bien que
orie donc il ne doit expliquer l'inconnu ou le mal connu de la langue qu'à l'aide de mots
ctures syntaxiques supposées connues du lecteur-consultant.

C'est là qu'intervient à nouveau le profil du public destinataire du dictionnaire, et notam


niveau de culture. Le public auquel est destiné cet ouvrage ne peut être considéré c
orant l'essentiel de la langue commune ; il faut aussi admettre que le maniemen
ionnaires lui est déjà familier, et que par conséquent la tradition lexicographique entr
lque chose dans l'idée qu'il se fait du langage descriptif dont se servira le lexicographe
ns déjà dit (cf. supra, p. XII) que cette tradition est celle de la simplicité et de la dis
s l'emploi du vocabulaire technique de la linguistique, notamment lorsque celui-ci n'e
ore largement répandu ou reconnu ; et telle est en effet la règle qu'on a généralement
our le libellé des définitions.

l est cependant un minimum de métalangue dont une analyse lexicographique précise o


saurait se passer : ce sont autant que possible des mots techniques usuels, traditionn
l'on explique au moment de les employer. Il ne doit pas être présomptueux de su
nu l'essentiel de la nomenclature grammaticale, dont les termes doivent pouvoi
sentés en abrégé lorsqu'ils sont très usuels. D'autre part, lorsque les mots employés da
nitions sont polysémiques, notamment les termes généraux ou génériques qui o
éralement la définition (p. ex. action, état, qualité, etc.), leur réduction à l'un
alinguistique obéit aux règles qui normalement gouvernent l'actualisation d'un sens da
ours : l'environnement général (le domaine de la lexicographie) et le voisinage cont
erminent là aussi la sélection que le lexicographe opère dans le champ des sens possibl
ra, p. XXXII), qui comprend naturellement aussi dans son aire le sens lexicographique
e est en outre la raison profonde du privilège que le lexicographe accorde aux mots o
s spéciaux que certains mots reçoivent dans le domaine de sa spécialité.

D'une manière générale, à l'exception de cette dernière catégorie de mots ou de sens


ervé la métalangue aux conditions d'emploi dont l'indication précède ou suit la définition
définition elle-même, on a, en dehors des raisons pratiques ci-dessus rappelées, o
cipe formulé par Jakobson : toute langue sécrète par elle-même les classificateurs
cripteurs qui correspondent à sa structure et à sa situation linguistiques. Le discours usu
t, est plein de redondances, de soi étrangères au message qui forme l'objet spécifique
mmunication. Ces redondances sont des commentaires clarificateurs (synonymes synta
exicaux) ou orienteurs (des répétitions analytiques, classificatrices), c'est-à-dire des
damentalement semblables à celles qu'offre la définition de dictionnaire : tout commun
un lexicographe qui s'ignore, et qui à la limite le devient consciemment dans le jeu raff
e technique particulière de communication qu'est, et que surtout fut, la conversation (c
ex. chez les habitués des salons classiques, pour qui la définition fut un jeu de soci
me titre que la définition de synonymes, l'improvisation de maximes ou la composit
raits). En empruntant à la redondance de la langue commune les éléments de la lang
nitions, on est - et cela est important - en outre prémuni contre le risque, auque
osés les métalangues empruntées à la logique ou à la psychologie scientifique
erposer des structures inventées à d'autres fins aux structurations spontanées, socia
oriquement marquées qui caractérisent les langues historiques naturelles.

3. Les exemples.

a) De par sa dynamique interne, la définition est orientée vers la langue, en tant que c
le réceptacle de ce que les énoncés, une fois réalisés, reversent à la mémoire à l'é
mes virtuelles, disponibles, parce que virtualisées, pour de nouvelles réalisations : ce so
mes à contenus minimums, au-delà desquels elles craqueraient par perte de leur consi
pre. En face d'elles les exemples sont des formes pleines, réalisées, selon la mesu
rés (ou référents), lesquels constituent la situation actuelle qui suscite le discours : i
act contrepoids de la définition, qu'ils illustrent à titre d'énoncés effectifs et donc réell
sibles et qu'ils cautionnent quant à son exactitude linguistique. Ils sont à la fois témo
uves. De soi ils sont obérés par la situation « historique » de l'ici-maintenant qui les a pr
s sont faits de noms propres, c'est-à-dire de mots exactement appropriés à une sit
née, alors que les définitions et leurs composantes sont des espèces de noms com
érieurs aux situations particulières, auxquelles elles sont seulement préparées, vers lesq
s sont seulement orientées le long de leur pente individuelle, sur laquelle, dans chaqu
langage qui fait appel à eux, elles glissent plus ou moins avant suivant les nécessi
ours. En d'autres termes, définitions et exemples sont complémentaires et se
cturellement équilibre.

C'est par ce vis-à-vis de l'exemple et de la définition (complété par l'analyse des con
mploi) qu'un dictionnaire qui ne se veut que descriptif devient aussi normatif. À conditio
éfinition soit à la fois indicative et distinctive et que les exemples soient assez nombre
eur est en présence en même temps de schèmes abstraits et de modèles concrets, qu'il
ble, en cas de doute, de consulter tour à tour et de confronter avec ses propres énoncé
lité complémentaire lui sert de garantie quant à la soumission à l'héritage, qui est la con
mière du bon fonctionnement de la langue en tant qu'usage commun au groupe
ance irréductible lui indique d'autre part les initiatives qu'il peut se permettre sans ris
audaces qu'il assume quand, à l'imitation de quelques-uns, il franchit le seuil d
mmunément réalisé : contraintes de la communication et liberté d'expression trouvent
rce et leurs ressources, en même temps que leur sont offertes, pour le contrôle, les con
n usage critique de la langue.

Ce vis-à-vis leur rappelle aussi, et il en est toujours besoin, que toute norme langagiè
ns contingente que conditionnelle : elle est norme définie par la définition, mais norme
situations typisées, selon ce qu'indiquent les conditions ou règles d'emploi, et qu'illustr
mples.

b) Le choix des exemples de ce dictionnaire obéit à cette situation fondamentale.

On les a voulus nombreux pour les mots les plus fréquents. En fait, pour ne pas
mesurément l'ouvrage, on s'est imposé certaines limites, parfois cruelles après les pa
herches des rédacteurs. Le grand nombre se justifiait par ce que nous avons dit plus ha
ncés littéraires : pour illustrer un état de langue il fallait qu'ils pussent se neutrali
lque sorte, en permettant au lecteur attentif de dégager dans une série ce qu'ils illustr
mmun et qui échappe à la particularité stylistique d'écarts seulement personnels. On
i le lecteur à faire à son tour le travail d'abstraction auquel se livre le lexicographe con
c un donné qu'il n'a que le droit d'observer et d'interpréter, mais non de créer ou de mo

'autre motif du grand nombre des exemples procède d'une vue sur l'histoire. Selon no
vrai qu'elle est connaissance des ruptures (les événements sont par définition ru
qu'ils sont ce qui se détache sur la tradition), elle est aussi, en raison de ce postulat, s
continuités, qui portent l'événement comme un support porte un objet ou comme une f
e en elle un enfant. Dans les affaires de langage, où la continuité est synonyme d'iden
uve de la continuité par des exemples disposés de point en point sur l'axe du temps e
ortante que partout ailleurs : la continuité qui garantit la transmission de l'hé
uistique doit être prouvée autant que la rupture qui fait événement, et ce sont les exe
fournissent ces preuves.

On les a voulus d'autre part démonstratifs du fonctionnement de la langue. On a privi


effet les exemples qui font varier les contextes syntagmatiques autour du context
analyse le commentaire. On a privilégié surtout ceux qui illustrent les assoc
adigmatiques indicatrices de synonymes ou d'antonymes, ou illustrant par des con
es les thèmes ou les domaines d'application des acceptions ou valeurs retenues, ou enc
eaux de langue ou les conditions affectives ou expressives des divers emplois inventori
aturellement exploité les états de groupes binaires (cf. supra, p. XXV) pour obten
mples illustrant les associations les plus fréquemment attestées dans nos textes. On a
ilégié les exemples empruntés aux textes en prose, en général plus proches de la
le, c'est-à-dire parlée, que nous essayons tant soit peu de saisir à travers les attest
tes.

On les a voulus en outre authentiquement historiques (ou « culturels »), c'est-


monstratifs d'usages datés et liés à des conditions de milieu, de soi, c'est-à-dire du po
de la langue, contingentes, mais socialement ou rhétoriquement contraignantes en
phénomènes de mimétisme qui caractérisent toute société, dans le domaine du la
amment, où tout est reçu avant d'être assumé et converti en donné. C'est à la paradigm
out que revient la tâche d'être le témoin historique d'usages transitoires, qui peuve
ations de fréquences l'attestent) devenir contraignantes pour la syntagmatique parc
enues habituelles et permanentes : la syntagmatique a sa source dans les variations
adigmatique.

C'est par là aussi qu'un dictionnaire de langue se prolonge tant soit peu en dictionnair
ses » ; prolongement sans lequel, il ne faut pas hésiter à le dire, on ne rend pas nett
mpte du fonctionnement réel de la langue. C'est par des informations de cette n
tenues dans les exemples, que le lexicographe rappelle sans cesse cette vérité,
cturalisme clos sur lui-même tendrait à oublier, à savoir que la langue est faite pour fr
lôture (par ailleurs nécessaire) de son intériorité pour rejoindre le réel de l'expérience,
ne en même temps et en permanence impulsion et finalité. Les exemples doivent ser
uves de ce saut de la langue hors de son immanence, et rappeler constamment sa fo
hropologique totale, laquelle est sa vraie et première transcendance et comme son lieu.
est le théâtre d'événements non prévisibles et de données créées par l'homme, non
s le langage, mais souvent avant son intervention et à coup sûr pour des fins autres q
nes propres : le langage est serf avant d'être maître, et c'est comme serviteur qu
bord prouver sa maîtrise.

Dans les limites de la place disponible, et en regrettant que celle-ci ne soit pas plus g
a aussi tâché, par certains exemples, de révéler la langue comme voulue pour elle-m
t-à-dire belle par ses rythmes, la fonctionnalité ou au contraire la gratuité de ses imag
assements de l'usage banal de la tribu maniant le langage seulement comme une mon
on a cherché à montrer le langage comme expression et pas seulement c
mmunication instrumentale ; comme pouvoir et comme valeur de poésie, au sens le plu
erme ; comme le lieu d'une seconde transcendance, où s'actualisent l'imprévu de l'ima
es singularités pour le moins provisoirement inclassables de la sensibilité. On pardonne
rd à cette ambition, certains exemples redondants du seul point de vue de la
ctionnalité : les pouvoirs non fonctionnels du langage doivent aussi être montrés
montrés.

Peut-être nous reprochera-t-on d'avoir gaspillé en blancs une place récupérable pour u
nd nombre d'exemples en les imprimant en caractères moins gros, en les numérotan
éas, en les faisant suivre de références moins détaillées et moins immédiat
hiffrables. Mais il fallait être logique avec notre principe initial : notre dictionnaire part
es écrits d'origine principalement littéraire, et compte tenu des nombreuses informatio
s abandonnions aux exemples eux-mêmes, il fallait choisir ceux-ci relativement longs, e
disposer en alinéas pour en assurer la lisibilité ; par respect des auteurs auxquels
pruntions les textes, il n'était pas possible d'escamoter les références, un peu de sensib
minimum d'éthique voire d'esthétique ne messeyant pas au lexicographe ; Godefroy e
ert nous ont précédés dans cette voie. Ce qui ne signifie pas que nous n'ayons pas
rché, quand cela se donnait, des exemples courts, mais le plus possible syntaxiqu
evés jusqu'aux confins de la « phrase » entièrement grammaticalisée ; cela se ren
amment dans ces genres, si richement illustrés dans les textes littéraires, de la maxime
tence ou encore de la phrase définitoire.

Dans certains cas, pour économiser de la place et lorsque aucune nécessité grave ne n
pêchait, nous avons résumé des séries d'exemples par des énoncés réduits, attestant m
evabilité sémantique d'un syntagme (la preuve de celle-ci incombe surtout aux exe
eloppés) que sa grammaticalité avec ses contraintes minimales imposées par la s
dre des mots, présence ou absence ou variation de prépositions, mode ou temps du
). Mais là-même nous avons cherché à garantir l'homogénéité de notre point d
damentalement philologique : l'énoncé réduit est tiré d'un ou de plusieurs exemples at
s notre documentation, à la manière des (anciennes) grammaires latines qui annonçaie
tel syntagme l'exemple complet qui suit l'énoncé de la règle ; il est représentatif d'un
ement attesté et doit donc figurer sur les états de groupes binaires ; tout dépouillé qu'il
enfin être par lui-même intelligible. Parfois on ira jusqu'à indiquer le nombre des exe
uyant le syntagme choisi ; souvent aussi on trouvera des exemples réduits complémen
s les remarques consacrées aux syntagmes fréquents, qui sans être exhaustifs comp
ormation sur l'usage sémantique qu'attestent nos textes. Lorsque ces syntagmes -
s de paradigmes qui les complètent souvent - sont des créations visiblement individ
s les faisons d'ordinaire suivre de leur référence exacte.

Bref, s'agissant d'un dictionnaire historique, c'est-à-dire ne se posant pas dans l'absol
sent inconditionnel sans passé ni avenir, on a cherché, par une doctrine sur le cho
mples, à rétablir le pont vers le concret actualisé qu'a nécessairement rompu la défi
s nous interdisions de ce fait la création d'exemples personnels, qu'un ouvrage com
ionnaire du français contemporain, qui partait d'autres principes, pouvait parfaitem
mettre. En revanche les exemples (comme d'ailleurs les définitions) créés p
cographes, une fois qu'ils étaient produits et publiés, devenaient pour nous des
ologiquement situables dans l'espace, la société et le temps : la tradition lexicogra
enait pour nous une source d'autorités qu'il suffisait d'interpréter philologiquement pou
ortée de leur témoignage. On comprendra que nous ayons réservé progressivement une
ssante aux exemples des différentes éditions - maintenant mieux connues - du Dictio
l'Académie française. On peut certes regretter que ce dictionnaire atteste un usage
nt à son espace social et parfois attardé quant à son espace temporel ; mais ceci ad
ologiquement compris, il est important pour le lexicographe de disposer, pour les u
entiels, d'exemples contrôlés par une instance collective d'écrivains dont on sait
aillent d'autre part en liaison avec des spécialistes représentatifs de nombreux domain
erce l'activité nationale : le Dictionnaire de l'Académie reste pour un historien de la lang
ument irremplaçable, aux imperfections duquel il serait sans doute facile de porter re
st dans cette même ligne que se situent les relevés lexicographiques de MM. Journet, P
ert (cf. supra, p. XXII), qui offrent l'avantage de citer les exemples avec les définitions
mpléter les relevés tirés du dictionnaire de l'Académie par des emprunts faits à de nom
es dictionnaires souvent peu accessibles. Deux traditions parallèles, quant aux exe
amment, se constituent ainsi : celle des écrivains nommément désignés et cell
cographes groupés ou travaillant seuls (mais dans ce cas se copiant souvent les uns les
ans toujours en convenir). L'Académie jette un pont entre les deux traditions, qu'elle u
cipe et départage souvent.

es dictionnaires encyclopédiques et techniques sont une ressource constante pour les a


sacrés aux vocabulaires spéciaux. Sans vouloir - ni pouvoir - donner pour les mots o
hniques une description remontant aux sources, leur attestation dans les dictionnaires à
usion constitue une sorte d'avènement en langue, souvent d'ailleurs provisoire dans la m
a langue est elle-même le reflet de la culture d'un temps ; là une définition de dictio
t souvent lieu d'exemple, disons mieux : définition et exemple se confondent dans la m
e dictionnaire est considéré à la fois comme un texte et comme une source d'informati
me doctrine vaut pour les éléments préfixaux et suffixaux (type aéro- et -gramme), qu
trés par des mots-exemples accompagnés d'une définition abrégée emprunté
ionnaires.

4. Informations complémentaires.

Nous avons dit déjà (cf. supra,). p. XV) pourquoi nous avons cru nécessaire de complé
rmations principales par une série d'informations complémentaires, qui achèvent de de
rofil d'un dictionnaire général à orientation délibérément culturelle. On se contentera
lques indications techniques générales.

a) Phonétique et orthographe.

'ambition première avait été de donner du support phonique et graphique du vocabulai


cription complète, par l'exploitation des ressources d'une documentation de plus en plus
ique de qualité inégale. Il a fallu pour des raisons pratiques et à contre-cœur renoncer
e visée ; nous devions renoncer en particulier à publier l'inventaire des f
phologiques réelles que l'ordinateur nous procurait, et qui nous paraissait particulièr
ressant pour les formes verbales, persuadés que nous étions que tous les parad
baux, et notamment ceux des verbes dits réguliers, étaient défectifs par rapport au m
mplet qu'en offrent les grammaires : le tableau des formes réelles, c'est-à-dire historiqu
stées par l'usage, devra être renvoyé à une publication annexe, que nous penson
curer un jour si le public scientifique, comme nous l'espérons, nous en adresse la dem
s nous bornons donc à donner, quand il y a lieu, des renseignements sommaires s
mes rares, complétés par de brèves informations de type traditionnel sur les
phologiques appartenant aux mêmes ensembles étymologiques. Le même car
mmaire affecte les indications relatives à l'orthographe : seuls les écarts historiques ou a
rapport à la norme ont été relevés et parfois commentés.

'effort principal a porté sur la description phonétique du vocabulaire. Un relevé


nonciation notée par quatre ouvrages spéciaux [17] a pu être mis à notre disposition par
mada ; nous l'avons largement utilisé dans la mesure où il attestait des change
venus au cours de la période ici considérée. Aux deux bouts il a semblé intéressa
sulter quelques dictionnaires particulièrement utiles. À un bout, le Dictionnaire gramm
a langue française contenant toutes les règles de l'orthographe, de la prononciation,
sodie, du régime, de la construction..., Paris, Vincent, 1768, 2 t., de Féraud, qui, u
érieur à notre époque, fait connaître un état approché qui selon toute vraisemblance
lué jusqu'en 1789. À l'autre bout, les plus récentes enquêtes consignées par les diction
age, et notamment par le Petit Robert, nous ont fourni une documentation précieuse.

Une vaste enquête à travers le français actuel, étudié par couches sociales et dan
cipales variations régionales, devait être menée, à notre demande, par M. B. Quem
i-ci n'a pu être doté des moyens nécessaires à une action de cette envergure. L'idée no
s venue de confier à un de nos collaborateurs une enquête réduite, mais cepe
ificative. L'hypothèse de départ avait été la suivante : chaque culture s'incarne dans un
al déterminé et déterminant, exerçant l'autorité de haut en bas, tout en recevan
ulsions de bas en haut, bien plus, rayonnant en tous sens les aspects les plus variés
originaux de la civilisation, qui sont aussi langagiers dans la mesure où le langa
anise et canalise les courants d'impulsion et de rayonnement. Il nous a semblé que le
al typiquement représentatif de notre temps était celui des ingénieurs, directeme
rectement en contact avec la science qu'ils appliquent, et les cadres ouvriers qui exé
s directives dans l'entreprise. L'ingénieur est le personnage décisif situé aux carrefours
contrent d'une part donneurs d'idées et d'argent, d'autre part donneurs de mains et de s
e technologiques ; il noue en quelque sorte notre civilisation, à laquelle il pa
nsément comme créateur et comme distributeur de biens sociaux, en même temps qu'
yens matériels et culturels de promouvoir et de rayonner un style de vie affectant le
mes et les plus intimes détails de l'existence quotidienne.

Mais comment, avec des ressources réduites de temps et de personnel, pénétrer dan
nde » nullement fermé, mais très dispersé ? L'idée s'est présentée comme d'elle-mê
r parti d'une institution typiquement française : les Grandes Écoles d'ingénieurs. Celles-
microcosme des cadres de la société française, puisqu'elles se recrutent dans tout
vinces de France, avec, pour les plus représentatives, une dominance d'un bon tiers d'
inaires de la région parisienne. Au bout d'un an ou parfois de deux, il se crée dans ces f
parée par la fréquentation des classes préparatoires des grands établissements du s
ré de Paris ou de la province, une sorte de neutralisation des appartenances originai
que promotion est ainsi une préfiguration de la société future, qu'achèvent d'intégr
mbreuses réunions de cadres supérieurs qu'appelle la société industrielle moderne
uête sur la prononciation de quelques dizaines d'élèves bien choisis serait, pensions
tivement économique, facilitée qu'elle serait - et qu'elle a été en fait - par l'ouvertu
cteurs d'École à nos problèmes, et le volontariat des élèves-ingénieurs invités à se prê
: la prononciation notée, en même temps que représentative, avait des chances d'être
lque peu prospective. Un enquêteur unique garantirait l'unité du point de vue et
hode.

Une fois esquissée et vérifiée l'hypothèse de départ, il fallut organiser l'enquête. Une pre
pe - la préenquête - consistait à sélectionner les sujets sur la base d'un questionnaire p
par non comportant un millier de mots dont on savait d'avance, notamment par les
à consacrées aux fluctuations de la prononciation actuelle, que leur notation serait pert
r le degré d'attention dont étaient capables les sujets. L'exploitation par l'ordinate
uments réunis par la préenquête permit cette sélection, en même temps qu'elle autoris
nement des listes définitives de vocables estimés représentatifs. Arrêtés à 10 000, c
ent soumis à vingt-cinq témoins de l'École des Mines de Nancy, qui après la préen
araissaient suffisamment représentatifs de la prononciation des Écoles consultées
ytechnique de Paris, École Nationale Supérieure de Chimie, École des Mines et École Na
érieure d'Électricité et de Mécanique de Nancy, auxquelles il a paru intéressant, p
frontation, de joindre les Écoles Normales Supérieures de Saint-Cloud et de Fontena
es) ; il suffisait ensuite par simple extrapolation d'étendre à l'ensemble de la nomenc
résultats obtenus par l'enquête définitive. Une note technique donnera plus loi
cations précises sur la manière de lire les résultats consignés dans la rubrique Pronon
rthographe des articles du Dictionnaire.

b) Étymologie et histoire.

es notices étymologiques et historiques ont elles aussi connu des phases successives, d
ume offre des échantillons de plus en plus réduits à mesure qu'il avance vers la fin.
s une perspective largement ouverte notamment pour les mots les plus fréquen
gramme primitif tendait à présenter une information critique de l'état actuel des questio
upe d'étymologie du laboratoire avait pour première tâche de confronter le statut des
moments, aussi rapprochés que possible, de leur sortie de la langue source (le lat
mple) et de leurs plus anciennes attestations dans la langue cible (qui est toujours le fra
ur la base du FEW de W. v. Wartburg et de quelques autres dictionnaires étymolo
dernes, ceux notamment des principales langues romanes, et, pour les mots de civili
x aussi des principales langues européennes, une étude attentive de la bibliographie aff
haque mot devait permettre aux rédacteurs, spécialisés dans telle langue ou dans tel g
angues sources, de présenter un tableau exact de ce qui en fait d'étymologie était acq
ce qui paraissait moins sûr. Un retour en arrière sur les anciens dictionnaires étymolo
ait d'autre part fournir une histoire sommaire des étymologies proposées pour chaque
mpris les étymologies manifestement erronées, mères possibles, comme les étymo
es, d'énoncés créateurs chez des écrivains habitués à creuser les mots (comme on cre
mp de fouilles) pour y découvrir on ne sait trop quelle pureté des origines (qu'on songe
re de l'Art Poétique de Paul Claudel).

a notice historique reprenait les signifiés attestés aux deux bouts de l'analyse lexicale,
re les sens et valeurs relevés dans la notice étymologique et ceux que révélait l'a
mantique du corps principal de l'article. De la comparaison des deux états extrêmes
ulter un exposé à deux colonnes : d'une part celle qui notait ce qui était mort, de l'autr
relevait ce qui survivait ou était nouvellement arrivé à la vie ; chaque fait nouveau
sté par des exemples empruntés aux meilleurs dictionnaires ou aux recueils de dat
velles qui sont allés récemment en se multipliant. Une brève note de synthèse devait ré
mouvement propre à chaque mot, dont la figure historique prenait tour à tour la
bres à couronne largement déployée, prolongée par des troncs de plus en plus min
prochant de racines à peine esquissées ; ou au contraire celle d'une riche ramification
e de départ, contrastant avec la pauvreté de la partie vivante de l'arbre ; ou parfois ce
osités successives sur le même tronc, attestant des alternances de vitalité
sèchement de l'usage ; ou encore celle de rameaux latéraux - ce sont notamment les e
hniques - rattachés tant bien que mal à des troncs vieillis ou rabougris. Quoique de se
n, et nécessairement précaires en raison des renouvellements toujours possibles (et to
haitables) de la documentation, ces tableaux procuraient dans leur sécheresse une
ière à méditer par le lecteur soucieux de rattacher le présent au passé, conscient c
s-mêmes que l'éclairage du passé, sans se confondre avec l'analyse synchronique, co
e-ci en la replaçant dans le devenir historique réel par rapport auquel elle n'est
traction bloquée par convention.

Pour les mêmes raisons pratiques déjà mentionnées, il a fallu réduire ce program
lques indications essentielles. Plusieurs d'ailleurs penchaient pour sa suppression com
s n'avons pas cru devoir les suivre, ne serait-ce que par mesure, si l'on peut dire, de
llectuelle de mise en garde. En effet une notice historique, si réduite soit-elle, rappell
se par sa seule présence cette vérité première : toute structure est datée, c'est-à-dire
un moment de son devenir, lequel est un procès permanent inscrit dans la sub
onde de l'être et des êtres. Il faut d'ailleurs se persuader que l'historicité des faits de
fecte nullement leur fonctionnement en système : si l'histoire telle que nous la concevo
histoire intégrale, elle note d'abord les permanences, sur lesquelles est fondé le p
entité inhérent à tout fonctionnement actuel, en même temps que devient compréhens
sibilité du dialogue, même heurté, entre générations et de la transmission des hé
urels, même contestés. En notant d'autre part les ruptures, la plus petite notice hist
d témoignage du dynamisme adaptatif de la langue, serve, par-delà sa cohérence inter
insisté plus haut (cf. p. XL), de l'expérience même inédite qu'elle montre et permet à
ppréhender en vue des tâches translinguistiques de la vie. Mais même ce qui est mor
aître un jour grâce à un travail culturel-mémoriel sur la langue et ses témoins écrits ;
e raison ce qui est en train de mourir peut-il recevoir par un travail semblab
ongement de vie, qu'on ne peut qualifier d'artificiel que si, à tort croyons-nous, on pr
la culture n'est pas une donnée universelle de l'anthropologie intégrale (on n'a pas
elé de groupe humain sans culture, et en premier lieu sans mémoire technologique, d
moire linguistique est une variété). On sait d'ailleurs qu'entre le passé qui meurt
veauté qui naît, le phénomène de la synonymie, par exemple, jette un pont, permetta
ualité temporaire des signifiants (par exemple de caput-chef et de testa-tête,) d'ass
asi) identité des signifiés sous le changement des signifiants : dans la synonymie, diac
ynchronie se tendent la main, comme le cercle et la droite orientée s'associent dans la
que de la spirale.

Concrètement, voici donc ce qu'offrent au minimum nos rubriques. Une partie propr
mologique, donnant dans l'ordre historique de leur apparition les sens et emplois le
ens attestés dans des textes français ; indiquant ensuite, avec discussion éventuel
mons proposés, l'étymologie la plus vraisemblable selon les données actuelles, avec, à t
uves, les attestations correspondantes de la langue source recueillies dans les répertoi
autorisés et si possible les plus récents de cette langue. Puis une brève notice histo
trant, d'après les répertoires du français, les principaux sens ou emplois attestés aujou
autant que faire se peut, dans la langue classique. Nous espérons ainsi rendre serv
eur pressé, qui n'a pas toujours à sa portée un dictionnaire étymologique et hist
eloppé (mais un tel dictionnaire existe-t-il en dehors de l'immense FEW, qu'au demeur
ait-ce que pour des raisons de langue tous les lecteurs francophones ne peuvent lire ?
sons-le encore : autant que le renseignement précis, nous importe, dans un souci de ré
uistique et philologique, la présence organique de la diachronie à côté de la synchronie,
'existant que par et dans celle-là, et réciproquement. Quant à l'histoire proprement di
ables, qui est science explicative, il est certainement prématuré, pour une entreprise c
ôtre, d'y songer : nos renseignements sont chronologiques, voire chronothétiques (c
dit Gustave Guillaume) : ils posent les faits comme des jalons successifs, datés, c'est
uetés par rapport au cours irréversible du temps, marqué par ailleurs par des faits d'un
chronie culturelle. Au lecteur, s'il le désire, d'établir une continuité provisoire entre ces
tisser des liens avec cette synchronie : l'histoire suppose des enquêtes minutieuses pu
lisations hiérarchisées pour lesquelles nous ne sommes pas prêts.

c) L'information statistique.

'information statistique a eu dès le départ un caractère volontairement sommaire. Elle


ait du grand ouvrage publié en même temps que celui-ci (cf. supra, p. XXIX) et qui com
tre fascicules réunis sous le titre de Dictionnaire alphabétique des fréquences. Nous c
e d'attirer à nouveau l'attention du lecteur sur ce travail complémentaire d'environ
es, dont nous reproduisons à titre documentaire de larges extraits tirés de la préfa
roduit :

« I. A l'origine de ce Dictionnaire des fréquences il y a la décision générale d'accompag


ionnaire appelé Trésor de la langue française d'une série de publications docume
mplétant, sur la base des fonds lexicologiques utilisés, les informations nécessair
densées du dictionnaire alphabétique. Les documents ainsi rassemblés reposeraient
me fonds que le dictionnaire proprement dit, à savoir le corpus très vaste, q
essairement limité, des textes retenus pour la perforation et l'introduction en ordinateur

Ces documents, qui s'adressent principalement aux spécialistes de la lexicologie et


cographie françaises, seront de contenu varié, suivant les besoins ou les demandes exp
les savants, selon aussi les possibilités des équipes travaillant au laboratoire du Tréso
gue française (T.L.F.)...

I. Le présent Dictionnaire des fréquences ne concerne que les textes littéraires du XIX
siècle (exactement entre 1789 et 1964), dépouillés au laboratoire et traités su
nateur Bull Gamma 60. Ces documents ont fourni un total de 71 415 « vedettes »
ées » différentes, représentant environ 71 millions d'occurrences. A notre connai
une liste de fréquence n'a jusqu'ici été élaborée sur une base aussi large.
Nous n'ignorons naturellement pas la fragilité d'une telle base. Elle ne contient pas
vait pas contenir tous les textes de ces deux siècles, ni même tous les textes utiles : le
santes machines imposent des limites non seulement spatiales mais aussi temporelles..

D'autre part un certain nombre de textes n'a pas été retenu parce que les rédacte
ionnaire disposaient déjà du fichier d'environ six millions d'occurrences, rassemblées s
ction de Mario ROQUES à l'Inventaire Général de la langue française (I.G.L.F.) : lorsq
entaire (non exhaustif par principe, parce que constitué par dépouillement artis
tenait pour certains ouvrages un nombre relativement important de fiches, ces ouvrage
été retenus pour le dépouillement toujours exhaustif du laboratoire T.L.F. ; et il n'était
cevable, pour d'évidentes raisons de disparité, de tenir compte de ces fichiers p
ionnaire des fréquences établi sur d'autres bases.

l faut ajouter que les textes choisis pour le traitement en ordinateur sont principalem
raires » (parmi les textes non littéraires n'ont été retenus que quelques titres en rais
influence sur la production littéraire), ce qui élimine d'une part la masse des
quement scientifiques, techniques ou simplement documentaires, et le plus souvent a
oignage des quotidiens ou des hebdomadaires, d'autre part l'immense domaine de la
ée, que de propos délibéré nous abandonnions à la diligence du laboratoire lexicologiq
ançon (Dir. M. B. QUEMADA).

En d'autres termes, outre sa fragilité interne, le présent dictionnaire des fréquences de


mpléter tôt ou tard par deux ouvrages similaires reposant l'un sur un corpus de texte
raires, l'autre sur des enregistrements du langage parlé. Le premier de ces deux ou
rra sans doute être entrepris un jour par le laboratoire T.L.F., qui introduit dans l'ordi
certain nombre de textes scientifiques, techniques et documentaires répartis da
ante-dix domaines où il nous a semblé que se distribuait l'activité des Français au cou
x derniers siècles ; il y manquera cependant la langue des journaux et des périodiques,
sai privilégiés pour la « socialisation » (c'est-à-dire le passage dans l'usage commu
logismes de toute nature. Quant à la langue parlée, on le répète, elle est du ressort
e équipe de lexicologues.

II. Le Dictionnaire des fréquences se divise en quatre parties d'inégale longueur.

1. Des tables alphabétiques des fréquences, où sur 11 colonnes sont données, pour c
figurant à son rang alphabétique, des informations, distinguées selon le siècle, su
méro de classe, sa fréquence absolue, sa fréquence relative, c'est-à-dire sa distri
ntitative dans les œuvres en prose, en vers ou les « poèmes en prose », et enfin suiv
ure du contenu, distribué, d'après le critère des pronoms personnels dominants, en soli
minance de je), dialogues (dominance de tu ou vous,) et « le reste » (dominanc
noms de 3e pers.). On aurait voulu affiner davantage la distribution chronologique : po
ons de place disponible, il a fallu s'arrêter, pour la fréquence relative, au demi-sièc
sions plus petites (jusqu'à la décennie) étant renvoyées à la troisième partie
ionnaire (cf. infra).

2. Une table des fréquences décroissantes groupe les informations par classes de fréqu
s lesquelles se rangent, disposés dans l'ordre alphabétique à l'intérieur de chaque clas
ables recensés dans les tables alphabétiques susdites ; on trouvera là des indications ch
le nombre de mots de chaque classe, un rappel du rang occupé par chaque mot da
es alphabétiques, ainsi que des indications numériques diverses qui tiennent compte d
arition comme éléments de lexies composées.

3. Une table des variations de fréquence a pour principe d'affiner les informatio
uence fournies par la table alphabétique, en descendant, en principe, pour le rang
uence relative, jusqu'à la décennie ; en fait, de manière à comparer toujours des tranc
pus tant soit peu homogènes, on s'est aussi arrêté parfois au-delà (deux premières tra
e plus souvent en deçà de la stricte décennie - ce dont les amateurs de linguistique hist
se plaindront pas. Il n'a été retenu pour cette table que les 4 000 vocables les plus fréq
s chaque tranche (environ 7 000 au total), pour lesquels une distribution chronol
lque peu fine avait véritablement un sens.

4. Enfin une Table de répartition des homographes complète l'ouvrage. Cette dernière
aissait particulièrement utile, étant donné le nombre impressionnant des homographes r
l'ordinateur : plus de quatre mille. La seule publication alphabétique de cette liste ava
rêt ; on a voulu aller plus loin, en en tentant la répartition approximative par un p
ement mécanique. Que cette distribution ait imposé des sacrifices (comme p. ex. da
mes participes la distinction de l'emploi verbal et de l'emploi adjectif, ou la distinctio
res dans certains substantifs) va de soi ; tout en les regrettant, on a cru devoir passer o
enquêtes artisanales, que l'ère électronique ne rend nullement superflues, les corriger
e toute manière fallu passer par là, pour ne pas grever de déformations parfois importa
e numérique des trois tables précédentes, auxquelles les résultats de la répartitio
mographes ont dû être incorporés.

On trouvera en tête de chacune des parties de ce dictionnaire des renseignements d


ntifique ou technique sur leur établissement et leur consultation. »
es informations publiées sous la rubrique Statistique donnent donc, pour l'emploi des
rant dans nos textes littéraires, la fréquence absolue dans les deux siècles (sur un total
234 occurrences), puis, s'il y a lieu, demi-siècle par demi-siècle, la fréquence relati
port à la fréquence absolue rapportée à 100 000 000 d'occurrences. L'absence de
rique dans un article signifie que ce mot ne figure pas dans nos textes littéraires et
oduit dans la nomenclature d'après d'autres sources ou critères : ce renseignement nég
a pas le moins intéressant pour le lecteur averti.

d) L'information bibliographique.

'information bibliographique clôt les rubriques lexicographiques chaque fois que nos f
s le permettent. Nous avons dit plus haut comment le principe philologique qui
entation linguistique, anime tout l'ouvrage, considère nécessairement les
iographiques comme une source ou comme un moyen de contrôle de l'information.
ons voulu que cette bibliographie fût sélective et présentât ses informations par exemp
x étages, distingués par des typographies correspondant à l'importance relative des tr
s. La pratique nous a fait vite abandonner ce système, commode pour certains mot
uels le tri est fait ou possible sans grands frais ; mais le plus souvent les informations
décisives sont dispersées dans des publications nombreuses, entre lesquelles un choix c
quasi impossible. Nous avons donc préféré donner trop plutôt que pas assez ou q
céder à des choix arbitraires ; l'ordinateur permettra peut-être demain ce qui est
cessible au travail artisanal.

Ajoutons qu'un répertoire bibliographique (environ 1 800 pages par an réparties s


icules), publié par le Centre pour un Trésor de la Langue Française, donne de brefs ré
lytiques, une information bibliographique régulièrement mise à jour, d'où son titre de B
lytique de linguistique française. Nous croyons utile de reproduire le cadre conceptue
uel ce Bulletin classe ses informations :

IBLIOGRAPHIE
MÉTHODOLOGIE ET TERMINOLOGIE LINGUISTIQUES appliquées au français

TUDES GÉNÉRALES

2.1. Études historiques : études d'ensemble ; histoire de la langue par périodes

2.2. Études descriptives

3. PHONÉTIQUE \ PHONOLOGIE

3.0. Études d'ensemble

3.1. Phonétique historique

3.2. Phonétique descriptive

3.3. Phonétique expérimentale

3.4. Phonologie historique et descriptive

ORTHOGRAPHE

4.0. Études d'ensemble et méthodologie

4.1. Histoire de l'orthographe

4.2. Réformes

YSTÈME GRAMMATICAL DU FRANÇAIS

5.0. Méthodologie

5.1. Grammaires

5.2. Études de morphologie


5.3. Études de syntaxe et de morphosyntaxe

EXIQUE. Études générales ; étymologie et histoire des mots

6.0. Études descriptives générales ; méthodologie générale

6.1. Étymologie ; histoire des mots

61.0. Études d'ensemble et méthodologie

61.1. Études par mots

61.2. Datations

61.3. Emprunts par langues d'origine

MORPHOLOGIE LEXICALE

7.0. Études d'ensemble ; principes

7.1. Composition

7.2. Dérivation

7.3. Abréviation

ÉMANTIQUE LEXICALE

8.0. Études d'ensemble

8.1. Etudes par mots

8.2. Études par champs

8.3. Synonymes, homonymes, paronymes, antonymes, etc.


8.4. App. : Études thématiques

OCABULAIRES TECHNIQUES

9.0. Études d'ensemble

9.1. Études par domaines et par mots

ARGOTS

10.0. Études d'ensemble

10.1. Études par milieux et par mots

ONOMASTIQUE

11.0. Études d'ensemble

11.1. Toponymie

11.2. Anthroponymie

LE VOCABULAIRE FRANÇAIS PAR MOTS (récapitulation)

12.1. Études de mots français

12.2. App. : Études auxiliaires (études de mots étrangers utiles à l'étude des mots fr
espondants)

LEXICOGRAPHIE

13.0. Études

13.1. Dictionnaires généraux de langue


13.2. Dictionnaires encyclopédiques

13.3. Dictionnaires spéciaux (synonymes, antonymes, etc.)

13.4. Dictionnaires techniques

13.5. Dictionnaires étymologiques

13.6. Dictionnaires multilingues

13.7. Glossaires - index - concordances

STYLISTIQUE ET RHÉTORIQUE DE L'EXPRESSION

14.0. Études d'ensemble et méthodologie

14.1. Études de détail ; langue des auteurs

DIALECTES ET PARLERS

15.0. Méthodologie

15.1. Dialectes et patois

15.2. Le français régional en France

15.3. Le français hors de France

STATISTIQUE LINGUISTIQUE ; LINGUISTIQUE QUANTITATIVE appliquée au français.

III. THÉORIE ET PRATIQUE LEXICOGRAPHIQUES


1. Au terme d'une première étape on mesure, avec le chemin parcouru et les pay
brassés, la distance qui sépare l'œuvre réalisée de l'œuvre conçue.

Ce qu'on a voulu présenter au lecteur est clair et simple : une certaine lecture de la lan
ers des informations dispensées dans des monographies alphabétiques. Cette lecture e
ure post rem dans sa procédure, puisqu'elle part des énoncés pour remonter à leur sou
gue ; elle l'est encore selon l'exposition de la matière lexicographique, dans la mesu
e-ci est faite d'exemples, qu'un lecteur habitué au déchiffrement des textes peut lir
ourir aux commentaires qui les encadrent. Elle est une lecture ante rem, c'est-à-dire
te de langage, dans la mesure où le dictionnaire définit les conditions auxquelles un m
ir pour entrer dans des énoncés grammaticalement corrects et sémantiquement receva
s la mesure aussi où elle présente le mot comme une virtualité porteuse de l'héritage c
s'y attache et qui attend de nouvelles confrontations avec le réel dans de nouveaux ac
gage. Elle est une lecture cum re, dans la mesure où, grâce à la définition notamm
ionnaire offre le moyen de contrôler au fur et à mesure la pertinence des choix au
cède le locuteur dans l'instant du discours. Elle est enfin une lecture de re dans la mesu
amment avec l'aide des commentaires historiques et documentaires, le dictionnaire e
tation à réfléchir sur les possibilités de l'acte de langage, qui, jouant en quelque sorte av
és de langue venues de la tradition, se charge de les conduire, dans la fidél
chissement ou la rupture, vers une nouvelle étape qui peut être aussi la dernière.

Dans la mesure où le dictionnaire offre une suite de vues fragmentaires mais cohérentes
ctionnement abstrait et concret du système qui encadre les mots, il leur donne forme
arant intelligibles et communicables et donc aptes à des discours éventuels possibles
mesure où il précise le détail des conditions d'emploi, il définit, fragment par fragme
ges, c'est-à-dire les énoncés non plus seulement possibles, mais permis et admis
été qui s'exprime à travers eux ; dans la mesure où il tire sa substance de textes
ctionnés en raison non seulement de leur apport linguistique mais aussi de leurs quali
ection formelle, le dictionnaire initie à l'art du discours rhétorique, que celui-
quement littéraire ou se réalise sous la forme plus sobre du discours scientifiq
hnique.

Dans la mesure où le dictionnaire reflète une culture ou une succession de cultures,


accumulation de vues partielles sur l'esprit de cette culture, qui grâce au vocabula
ne des cadres supra-individuels, dans lesquels chaque usager trouve les schèmes virtu
établis de sa prise sur le réel, en même temps que les moyens de combiner libreme
mes du langage et d'infléchir ainsi le schématisme linguistique héréditaire selo
méneutique nouvelle et personnelle du réel. Si bien que le dictionnaire présent
ement la langue comme une monnaie que, en la vérifiant à chaque acte de langage,
se de main en main dans la communication courante, mais aussi comme une souple m
vre de moyens prédéterminés mais capables de s'adapter aux mouvances et nuanc
pression personnelle ou de groupe. Les exemples, surtout quand ils ont un min
endue, sont la preuve de cette plasticité de la langue naturelle, à l'intérieur de la
yennant les simplifications et spécifications nécessaires, les langues « artificielles », c
techniques, trouvent aisément une place.

Dans la mesure où le dictionnaire offre toutes ces informations, il est aussi un man
mativité, mais de normativité réelle et réaliste, parce que nuancée (cf. supra, p. X
munit ainsi contre la cacolexie et la cacographie, en enseignant ce qui est grammatical
traignant et en montrant ce qui est sémantiquement acceptable ; mais en même te
te à la « créativité poétique » en montrant jusqu'où règne la liberté admise part
qu'où ont pu aller trop loin des écrivains pour lesquels la langue est moins instrum
mmunication avec autrui que possibilité de discours à soi-même (un je s'adresse à u
posé au courant de la situation, laquelle peut donc rester totalement implicite
rmétisme et le caractère elliptique du discours lyrique), ou plus simplement encore instr
cantation affective ou expressive, en d'autres termes musique mélodique et rythmique.

Chaque œuvre lexicographique a enfin son esprit propre, qui lui donne son unité sin
érence ; nous avons déjà dit que la nôtre a pour ambition de faire sentir partout l'esprit
cte philologie, c'est-à-dire d'une pesée des données collectées, contrôlées, sélectio
rprétées dans le respect de la réalité historique attestée ; c'est seulement sur la base
cte philologie qu'un tel dictionnaire peut aussi être linguistique, c'est-à-dire scientifique
de compte remplir sa fonction de manuel pratique capable de répondre aux questions
sé poser le public qu'on s'est donné par hypothèse ou construction.

2. Il est certes trop tôt pour dresser un bilan total des écarts de la réalité par rapp
et : la critique y pourvoira. Précisons cependant encore une fois que nous somme
ntenant conscients des conséquences de certains aspects de notre mode de travail. Ce
e autres caractères d'être une œuvre collective, créée par des équipes dont les memb
ois les responsables changent. Une certaine disparate est donc inévitable, sans qu'el
essairement fatale. La doctrine, quelque unie qu'elle soit, peut selon ces fluctuations
cent sur tel aspect plutôt que sur tel autre ; on verra des traces nombreuses de la pen
tave Guillaume dans les articles consacrés au vocabulaire grammatical, on retrouve
obson dans les articles sémantiques, du Fouché ou du Martinet dans telles rubriqu
nétique et d'orthographe, du Meillet traditionnel dans les rubriques étymologiqu
oriques. Des divergences apparaîtront aussi dans la manière d'équilibrer le cho
mples, tel rédacteur ayant tendance à privilégier le début de notre période, tel autre pl
Les analyses sémantiques elles-mêmes sont plus ou moins poussées selon les tempéra
rédacteurs. Tel qui est sensible au caractère démonstratif des exemples pense moins a
user l'élaboration des cadres classificateurs ; tel autre au contraire pousse le scrup
alyse culturelle jusqu'aux confins de l'information encyclopédique. Celui-ci se content
igner avec soin les groupements paradigmatiques qu'offrent les exemples, celui-
vera plutôt dans des remarques substantielles notant jusqu'aux singularités les plus rar
gique interne » présidant à l'économie des articles les plus riches - en raison de la fréq
e la polysémie de certains mots - peut varier : tel sera plus sensible au contexte gramm
l mettra donc en évidence, tel autre choisira pour cadre général de l'exposé les g
ositions sémantiques. De semblables inégalités se constatent dans les autres rubriques
cles. Nous avons dans nos relectures et corrections successives tâché de remédie
nvénients d'une certaine disparate doctrinale, mais nous n'avons pas cru devoir impo
ule absolument uniforme aux quelques dizaines de collaborateurs associés mais heureus
dépourvus de personnalité.

En revanche nous avons mis à rude épreuve leur amour-propre d'auteurs en leur dema
cepter (sous réserve d'une discussion toujours possible avant la décision finale
aniements parfois complets de leurs projets d'articles, un peu à l'exempl
hématiciens Bourbakistes qui doivent à cet effacement devant le travail des révise
utation d'aimer certes Platon (c'est-à-dire leurs conceptions personnelles), mais de lui p
-dessus tout, dans chaque cas, la « vérité ».

e deuxième trait qui caractérise notre travail est qu'il doit constamment compter a
eur temps. Notre méthode s'est constituée au fur et à mesure de l'évolution doctrinale
uistique moderne ; à mesure aussi que se constituait l'inventaire des faits que nous av
rpréter ; au rythme enfin des moyens en personnel et en techniques, qui étaient mis à
osition moins en fonction de nos besoins que des ressources de notre organisme pu
achement. On a déjà dit comment les conditions de calendrier nous avaient imposé, au
me de la rédaction de ce premier volume, des modifications importantes à notre progra
techniques même de la présentation matérielle de notre information ont évolué au fu
sure, par une confrontation constante des exigences théoriques et des réalités concrète
issait de présenter.

On ne mentionne que pour mémoire les lacunes de notre information, les erreurs de dé
conception, sans parler des difficultés inhérentes à une typographie qui met en œu
yenne 8 500 signes par page imprimée.
Pour tout cela nous faisons appel non à l'indulgence, mais à la compréhension de nos lec
cialistes ou non de la langue dans son ensemble ou d'un de ses domaines particulier
ntenant nous accueillerons avec gratitude toute suggestion positive nous perm
méliorer la rédaction ou la présentation de nos prochains volumes. Nous pouvons
oncer dès maintenant que grâce à une gestion intégrale de ce premier volum
dinateur nous pourrons déceler les déséquilibres ou inégalités de traitement des
ments dont se composent nos articles.

3. Tel quel nous livrons ce début de notre œuvre commune à l'usage actif de nos lec
l connaisse auprès d'eux son destin, que nous voudrions aussi propice que possible.

En formulant ce vœu, nous ne pouvons nous empêcher d'exprimer nos remerciements


x qui nous ont aidés depuis plus d'une décennie dans le lourd travail de mise en route e
âche plus lourde encore de la poursuite obstinée de l'entreprise. Nous devons mention
mier lieu les Directeurs Généraux et les Directeurs Scientifiques du Centre National
herche Scientifique, qui, dans des tournants parfois décisifs, nous ont soutenus et no
és de très importants moyens de production. On voudrait nommer en particulier MM.
eune, membre de l'Institut, et Pierre Bauchet, directeurs pour les Sciences humaines l'u
ériode du début, l'autre vers la période d'achèvement de notre organisation scientifi
ministrative : sans eux, ni le Centre T.L.F., ni ses publications n'existeraient avec
pleur qui fait légitimement envie aux moins pourvus. Nous avons déjà mentionné ce qu
ons à notre maître disparu Mario Roques et à la Commission du C.N.R.S. qu'il présidait
ublierons pas davantage M. Clovis Brunel, qui au nom de l'Académie des Inscriptions et
res, présida avec autorité le Colloque de Strasbourg d'où est sortie notre œuvr
erciement spécial va naturellement au Comité directeur de notre Centre, e
iculièrement à ses présidents successifs MM. Maurice Lebègue et Félix Lecoy, memb
stitut, dont l'amicale et efficace sympathie ne nous a jamais fait défaut. Nous d
ercier très chaleureusement la Bibliothèque universitaire et la Bibliothèque municip
cy, qui inlassablement, sous l'impulsion de Mlle M. Marchal, et de MM. Cuénot, No
ion, nous ont procuré les nombreux documents imprimés dont nous avions besoi
stitut de Recherche et d'Histoire des textes (CNRS), qui grâce à Mlle Ed. Brayer a pu
nir régulièrement les datations de manuscrits que réclamaient les notices étymolog
mment enfin oublier les conseils, suggestions et amendements qui nous sont venu
cialistes qui ont bien voulu examiner nos fascicules d'essai, et parmi lesquels je ne vo
ntionner pour l'exemple que M. A. Goose, professeur à l'Université de Louvain ?

Que j'adresse aussi un grand merci à mes collaborateurs du Centre pour un Trésor
gue française, et plus particulièrement à ceux qui y assumèrent ou assument enco
ponsabilités parfois écrasantes, ne surprendra personne : sans qu'il soit besoin ici
gner nommément - on a trouvé leur liste en tête de ce volume - ils savent quels liens t
eur quotidien, soutenu de-ci de-là dans la lutte, toujours dans l'effort, mais souvent auss
oie que procure la conviction que nous faisons œuvre utile au service de cette
timable qu'est une grande langue humaine, où s'incarne le génie d'un peuple, d'une e
ne culture répandue à travers le monde, que simultanément elle reflète et contribue à cr

Nancy, le 25 août 1971

Paul IMBS.

1. DUBOIS (J.), Recherches lexicographiques : esquisse d'un dictionnaire structural. Étu


guistique appliquée, 1962, t. l, pp. 43-48.-ID., Représentation des systèmes paradigma
malisés dans un dictionnaire structural. Cah. Lexicol, 1964, t. 2, pp. 3-15. - ID., Dictio
discours didactique. Langages. Paris, 1970, t. 19, pp. 35-47. - ID. et DUBOIS
oduction à la lexicographie : le dictionnaire. Paris, Larousse, 1971, 211 p. (Lang
gage). - MATORÉ (G.), Histoire des dictionnaires français. Paris, Larousse, 1968, 27
EMADA (B.), Les Dictionnaires du français moderne. 1539-1863. Étude sur leur histoire
es et leurs méthodes. Paris, Didier, 1968, 684 p. - REY (A.), À propos de la déf
cographique. Cah. Lexicol 1965, n° 6, pp. 67-80. - ID., Les Dictionnaires, forme et co
. Lexicol. 1965, n° 7, pp. 66-102. - ID., Les Bases théoriques de la description du fran
dances actuelles. Trav. Ling. Litt. Strasbourg, 1968, t. 6, n° 1, pp. 55-73. - ID., Typ
étique des dictionnaires. Langages. Paris, 1970, t. 19, pp. 48-68. - REY-DEBOVE (
nition lexicographique : recherches sur l'équation sémique. Cah. Lexicol 1966, n° 5, p
- ID., Le Domaine du dictionnaire. Langages. Paris, 1970, t. 19, pp. 3-34. - ID.,
uistique et sémiotique des dictionnaires français contemporains. La Haye, Mouton, 1
GNER (R.-L.), Les Vocabulaires français. I. Définitions. Les Dictionnaires. Paris, Didier,
p. ; II. Les tâches de la lexicologie synchronique. Glossaires et dépouillements. A
cale. Paris, Didier, 1970, 184 p. - Nous avons en outre tiré grand profit des
mantiques de O. DUCHACEK et de A. J. GREIMAS. Dans l'impossibilité de les citer, n
voyons une fois pour toutes le lecteur.
2. Liste des participants : Allemagne : MM. BALDINGER K., ELWERT T., JOCHEM ?, LAUS
PIEL J.-M., SCHALK F., WAN-DRUSZKA M. ; Belgique : M. RENSON J. ; Espagne : M. L
; France : MM. BACQUET P., BAULIG H., BRUNEL C., BRUNEAU Ch., CHENNEVEL
EVALIER J., DAGENS J., GARDETTE P., GAULMIER J., GILBERT P., M lle GONON M
RAUD P., GUYARD M.-F., IMBS P., KOHLER E., LEJEUNE M., MATORÉ G., MICHA A., M
, NANDRIS O., Mlle PARENT M., MM. QUEMADA B., RENUCCI P., ROBERT G., ROBE
ON M., STRAKA G., VARET G., WAGNER R.-L. ; Grande-Bretagne : MM. ULLMANN S., W
J. ; Italie : MM. BATTISTI C., MIGLIORINI B. ; Pays-Bas : M. VIDOS B. E. ; Pologne
SPRZYK ; Suisse : MM. COLON G., MANGOLD M., M lle MULLER M., MM. VOILLAT F
RTBURG W.

3. Dans Lexicologie et Lexicographie française et romanes. Orientations et exigences act


asbourg, 12-16 novembre 1957 (Paris, Éditions du Centre National de la Rec
entifique, 1961, 293 p. - Colloques internationaux du Centre National de la Rec
entifique. Sciences Humaines), pp. 285-6.

4. Cf. p. XIV.

5. La liste des textes dépouillés est donnée p. XLIX.

6. JOURNET (René), PETIT (Jacques), ROBERT (Guy), Mots et dictionnaires (1798-


s, Les Belles Lettres, 1966-1971, 6 vol., (Annales litt. de l'Univ. de Besançon, 78, 9
, 108). 1. Abandon - Cancanier. 1966, 215 p. ; 2. Cancre - Dévouement. 1968, pp. 217
Dextrement - Hagard. 1968, pp. 525-856 ; 4. Haineusement - Maculer. 1969, pp. 857-
Madame - Partiellement. 1970, pp. 1173-1536 ; 6. Partir - Produit. 1971, pp. 1537-1932

7. Liste des manuels systématiquement consultés :

a) En vue de la sélection.

XXe siècle : BOISDEFFRE (P. DE), Une Histoire vivante de la littérature d'aujourd'hui,
in, 1962. - CLOUARD (H), Histoire de la littérature française du Symbolisme à nos
s, A. Michel, 1959-1962. 2 vol. - PICON (G.), Panorama de la nouvelle littérature fran
s, Gallimard, 1960. - SIMON (P.-H.), Histoire de la littérature française au XX e siècle
0), Paris, A. Colin, 1962. 2 vol.

XIXe siècle : BÉDIER ( J.), HAZARD (P.), Littérature française, Paris, Larousse, 1948. 2
oire des Littératures, t. 3 : Littératures françaises connexes et marginales, sous la dir.
neau, Monaco, Imprimerie Nationale, 1958. - LANSON (G.), Manuel bibliographique
rature française moderne (1500-1900), Paris, Hachette, 1912. 4 vol. - THIBAUDET
oire de la littérature française de 1789 à nos jours, Paris, Stock, 1937. - VAN TIEGHEM
ertoire chronologique des littératures modernes, Paris, Droz, 1937. - GIRARD (A.), Le J
me, Paris, PUF, 1963. - LELEU (P.), Les Journaux intimes, Paris, PUF, 1952.

b) En vue de la datation.

TALVART (H.), PLACE (G.), PLACE (J.), Bibliographie des auteurs modernes de
çaise (1801-1962), Paris, éd. de la Chronique des Lettres Françaises [® Mirbeau]. - T
go P.), Bibliographie de la littérature française de 1800 à 1930, Paris, Droz, 1933. 3 vol

Périodiques et catalogues : L'Information littéraire (mises au point bibliographiques). -


stoire littéraire de la France. -Biblio (numéros mensuels consacrés à un écrivain, a
iographie). - Bibliographie de la France. - La Librairie française (1930-1933). - Id. (
5). - Id. (1946-1955). - Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque Nation

8. Nous aurions voulu connaître avec exactitude les tirages des œuvres ; l'enquête s'e
élée quasi impossible ou douteuse quant à ses résultats chiffrés.

9. Quelques exemples de doubles dépouillements (à la fois par l'I.G.L.F. et le T.L.F.) :


alligrammes de G. Apollinaire, Journal d'A. Gide, New-York de Paul Morand, etc.

10. Pour le XIXe siècle : M. J. Pommier, de l'Institut ; MM. J. Gaulmier, M.-F. Guyard, L.
evaillant, J. Mourot. - Pour le XXe siècle : MM. M.-F. Guyard, J. Levaillant ; Mlle M. Parent

11. Pour la composition du Comité directeur, cf. supra p. V.

12. Quelques œuvres ayant connu des éditions successives très modifiées ont fait l'objet
oration édition par édition, telles p. ex. les trois Tentation de saint Antoine de G
ubert, les deux Tête d'or et les deux La Ville de Paul Claudel.

13. Ils peuvent cependant être fournis à la demande en vue de quelque « onomastico
ir.

14. Liste des mots grammaticaux de très grande fréquence : a, à, afin, ailleurs, ainsi,
ès, arrière, assez, au, aucun, aucune, aucunes, aucuns, auprès, auquel, aussi, au
ant, autre, autrement, autres, autrui, aux, auxquelles, auxquels, avant, avec, beaucoup
çà, car, ce, ceci, cela, celle, celles, celui, cent, cents, cependant, certain, certaine, cer
ains, ces, cet, cette, ceux, chacun, chacune, chaque, chez, ci, cinq, cinquante, com
mme, comment, contre, d', dans, davantage, de, deçà, dedans, dehors, déjà, delà, d
rière, des, dès, desquelles, desquels, dessous, dessus, deux, devant, devers, dix, donc
ze, du, duquel, durant, elle, elles, en, encore, enfin, ensemble, entre, envers, environ,
, fors, fort, franco, guère, hormis, hors, hui, huit, il, ils, j', jamais, je, jour, jusqu', jusq
à, laquelle, le, lequel, les, lès, lesquelles, lesquels, leur, leurs, lez, loin, lors, lorsqu', lo
m', ma, maint, mainte, maintenant, maintes, maints, mais, mal, malgré, me, même, m
s, mien, mienne, miennes, miens, mille, moi, moins, mon, moyennant, n', ne, nenni, n
, notre, nôtre, nôtres, nous, nul, nulle, nullement, on, onze, or, ou, où, oui, outre, par,
mi, pas, pendant, personne, peu, plus, plusieurs, plutôt, point, pour, pourtant, pourvu
squ', presque, puis, puisqu', puisque, qu', quand, quant, quarante, quasi, quatorze, q
, quel, quelle, quelles, quelqu', quelque, quelquefois, quelques, quels, qui, quiconque, q
i, quoiqu', quoique, rien, s', sa, sans, sauf, se, seize, selon, sept, ses, seulement, si
ne, siennes, siens, sinon, sitôt, six, soi, soit, soixante, son, sous, suivant, sur, sus,
dis, tant, tantôt, te, tel, telle, tellement, telles, tels, tes, tien, tienne, tiennes, tiens, to
toujours, tous, tout, toute, toutes, treize, trente, très, trois, trop, tu, un, une, unes
s, via, vingt, vingts, voici, voilà, voir, voire, volontiers, vos, votre, vôtre, vôtres, vo
milés aux mots de cette liste : avait, avoir, chose, dire, dit, est, était, être, faire, fait
, fort, grand, homme, jour, petit, peut, plein, suis, temps, vie, vite.

15. Pour des précisions techniques sur les états de groupes binaires, cf. G. Gorcy, R. Ma
ucourt, R. Vienney. Le Traitement des groupes binaires dans Cahiers de lexicologie, 17,
ousse, Paris, 1970-71, pp. 15-44.

16. C'est une question de savoir si, considéré dans son ensemble, et non dans chacune
nitions, tout dictionnaire unilingue n'est pas affecté du péché de circularité, puisque to
rvenant dans les définitions revient nécessairement dans la nomenclature ; le r
versel à une métalangue très différenciée permettrait d'éviter la circularité, m
ionnaire d'unilingue deviendrait alors bilingue. Pratiquement, ce qui est deman
cographe d'un dictionnaire unilingue, c'est qu'il évite la circularité cas par cas, de re
voi, comme dans l'exemple ci-dessus donné. Le problème théorique trouve sa solution
s, dans la résignation (à laquelle doivent consentir lexicologues et lexicographes) à lais
mbre de termes très généraux en dehors de l'analyse componentielle, la suggestion de t
opposition sémantique étant suffisante pour les personnaliser.
17. A. BARBEAU, É. RODHE, Dictionnaire phonétique de la langue française... F
alslexikon..., Stockholm, P.A. Norstedt, 1930. - P. FOUCHÉ, Traité de prononciation fran
d., Paris, C. Klincksieck, 1959. - Harrap's standard French and English dictionary, Ed. b
nsion, With suppl. (1962), London-Toronto-Wellington-Sydney, G. G. Harrap, 1968, 2 v
RNANT, Dictionnaire de la prononciation française, 3e éd. rev. et corr. ..., Gemblo
ulot, 1968.

 
etour

SÉMANTIQUE  TEXTUELLE 1

Michel BALLABRIGA
Université de Toulouse II-Le Mirail

SOMMAIRE :
1. De la linguistique générale à la sémantique
1.1. Situation
1.2. La linguistique structurale
1.2.1. Vers la constitution d’une linguistique
structurale
1.2.2. Concepts de base de la linguistique
structurale
2. La sémantique
3. La sémantique textuelle
3.1. Méthode d’analyse en champs lexicaux
3.1.1. Présentation
3.1.2. Analyse textuelle
3.1.2.A. Les champs lexicaux
3.1.2.B. Éléments de commentaire
3.2. Sémantique textuelle interprétative
3.2.1. Texte
3.2.1.A. Les composantes de la textualité
3.2.1.B. Les paliers de la description sémantique
3.2.1.C. Les degrés de systématicité
3.2.2. Classes, isotopies, typologie sémique,
opérations interprétatives
3.2.2.A. Classes et isotopies
3.2.2.B. Typologie sémique
3.2.2.C. Les opérations interprétatives
3.2.2.D. Les conditions des opérations
interprétatives
3.2.3. Analyses textuelles
3.2.3.A. Relations de sens
3.2.3.B. Classes, isotopies, parcours interprétatifs
Bibliographie thématique

RÉSUMÉ : Fiches de cours pour les étudiants en


DEUG 2ème année de Sciences du langage

 Rappels : de la linguistique structurale à la


sémantique structurale ; du signe au signifié ;
l'analyse du signifié : la notion de sème et
l'analyse sémique ; les champs lexicaux dans la
description/construction du sens d'un texte ;
analyses textuelles.
 Nouvelles notions : Notions de base en
sémantique interprétative : texte, composantes de
la textualité, paliers de la description, classes,
typologie sémique, opérations interprétatives ;
analyses textuelles.
Vous pouvez adresser vos commentaires et
suggestions à : miballa@univ-tlse2.fr

©  mars 2005 pour l'édition électronique.

Référence bibliographique : BALLABRIGA, Michel.


Sémantique textuelle 1. Texto ! mars 2005 [en ligne].
Disponible sur :
<http://www.revue-texto.net/Reperes/Cours/Ballabriga
1/index.html>. (Consultée le ...).
 

SÉMANTIQUE TEXTUELLE 1

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1. De la linguistique générale à la sémantique

Avant d’aborder la sémantique textuelle et même la


sémantique, il est bon de situer ces disciplines dans la
linguistique générale.

1.1. Situation

Si, à l’époque classique, le langage analysait la pensée,


au 19ème siècle, il devient un organisme grammatical
soumis à l’Histoire. Le fait capital est constitué par la
restitution de l’indo-européen, restitution corrélative d’une
méthodologie, le comparatisme (F. Bopp et R. Rask :
communauté d’origine du sanskrit, du grec, du latin, du
persan, du germanique, dérivés d’une hypothétique
langue-mère, l’indo-européen), méthodologie de plus en
plus rigoureuse et précise. Se manifeste aussi l’influence
des sciences de la nature (Cuvier, Darwin) sur l’étude du
langage : la langue est considérée comme un organisme
en évolution (naissance, vie et mort). Deux noms
symbolisent les grandes tendances du 19ème siècle : W.
von Humboldt et A. Schleicher. Les néo-grammairiens (fin
19ème siècle) affirment l’aspect essentiellement historiciste
de la linguistique (méthode historique et réaction contre
l’importance indue accordée à la reconstruction de l’indo-
européen au détriment de l’évolution des langues
chronologiquement plus proches et c’est le modèle
psychologique qui s’impose au lieu du modèle
biologique). F. de Saussure édifie la linguistique
structurale sur les acquis et les impasses de la
linguistique du 19ème siècle, historique essentiellement.

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1.2. La linguistique structurale

1.2.1. Vers la constitution d’une linguistique


structurale

F. de Saussure appelle de ses vœux une science qui


étudierait « la vie des signes au sein de la vie sociale ».
Cette science dont la linguistique ne serait qu’une partie
et qui, elle-même, se situerait dans la psychologie
sociale, il la nomme sémiologie (équivalant,
approximativement, à sémiotique). La linguistique fait
partie de la science générale des signes ou sémiologie ;
toutefois, la langue, système particulier, semblait le plus
important des systèmes de signes et le modèle de toute
sémiologie (les autres systèmes peuvent être traduits
dans la langue alors que l’inverse, disait-on, n’est pas
vrai).

La linguistique affirme la primauté de l’oral sur l’écrit : la


parole est plus ancienne et plus répandue que l’écriture et
les systèmes d’écriture, dont le rôle est second et
représentatif, sont fondés sur les unités de la langue
parlée. La linguistique se démarque ainsi de la philologie,
dans ses versions historique et comparative, qui étudie
principalement les textes et pour qui les langues ne
constituent pas l’objet de l’investigation qui débouche sur
l’histoire littéraire, celle des mœurs et des institutions
(éléments considérés comme externes à la langue par la
linguistique). On verra que la sémantique textuelle
rétablit, sur d’autres bases, la priorité des textes.

Sont posés le principe d’immanence et l’autonomie de la


l’objet-langue : « la linguistique a pour unique et véritable
objet la langue envisagée en elle-même et pour elle-
même » (dernière phrase du Cours de Linguistique
Générale de F. de Saussure). A travers la masse des faits
linguistiques (la matière), il faut reconstruire le système
formel (terme défini plus bas) d’une langue déterminée
(l’objet). La linguistique devra faire la description et
l’histoire de toutes les langues, dégager des lois
générales à partir de la diversité des langues. Le but de la
linguistique structurale (générale ou rapportée à telle
langue précise) est de décrire/expliquer le fonctionnement
des langues, sans préoccupations normatives ou
esthétiques, et de construire des « grammaires » (des
modèles rigoureux et explicites des langues). Le langage
peut être étudié dans son fonctionnement comme un
ensemble autonome. Depuis les organes physiques
jusqu’aux idées transmises, le langage peut être défini
comme un ensemble systématique. Ce travail immense
de comparaison des différentes langues voudrait
constituer le système de toutes les langues en repérant
leurs structures simples élémentaires au départ :
phonétique (sons), morphologique (formes), syntaxique
(ordre des mots), sémantique (ordre du sens).

Sont mises au premier plan les notions de structure et de


système. Selon G. Mounin, la structure, c’est ce qui
permet de construire un objet et elle est immanente. La
notion de système implique la présence de signes stables
d’un message à l’autre, se définissant fonctionnellement
par leur opposition les uns aux autres.

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1.2.2. Concepts de base de la linguistique structurale

*langue/parole : Le langage est une faculté, alors que la


langue est définie par Saussure comme un produit social,
une convention adoptée par les membres d’une
communauté linguistique. L’acte individuel de parole est
incompréhensible si je ne postule pas que les individus en
présence possèdent en commun un système
d’association et de coordination des sons avec les sens,
ce que Saussure nomme la langue et que l’on peut définir
comme un pur objet social, un ensemble systématique
des conventions indispensables à la communication.
Séparer la langue de la parole revient à séparer le social
de l’individuel, l’essentiel du contingent, le virtuel de la
réalisation. Il s’agit de l’opposition entre un code universel
à l’intérieur d’une communauté linguistique, indépendant
des utilisateurs, et l’acte libre d’utilisation par les sujets,
du code. Cette présentation est assez sommaire et
devrait être affinée et précisée (voire critiquée), mais par
cette séparation, Saussure garantit l’autonomie de la
linguistique et permet l’étude de la langue comme
système fermé de signes et de valeurs, ce qui rend
possibles les démarches formalisantes. Cependant, en
postulant un système idéal, distinct des mécanismes réels
d’utilisation, on donne à la linguistique comme objet
d’étude un code idéal, neutre (dont le lien à la réalité
sociale devient problématique) et on ne conçoit le rapport
des sujets au langage que sous l’angle individuel. C’est
oublier aussi le caractère différentiel de la réalité sociale
et de ses traces dans le langage. De nouvelles disciplines
(psycholinguistique, sociolinguistique, analyse de
discours au sens large) couvrent aujourd’hui le terrain
laissé vierge par Saussure et la linguistique structurale
(linguistique de la parole) à partir d’une remise en
question de la dichotomie langue/parole, qui avait une
valeur méthodologique.
*synchronie/diachronie : Le mot de synchronie désigne un
état de langue considéré dans son fonctionnement à un
moment donné du temps, le mot de diachronie une phase
d’évolution de la langue. C’est une différence de points de
vue : soit j’adopte un point de vue synchronique sur la
langue, c’est-à-dire que je m’applique à décrire des
rapports entre éléments simultanés, soit j’adopte un point
de vue diachronique, c’est-à-dire que j’essaie de
considérer des éléments dans leur successivité, j’essaie
d’expliquer les changements survenus dans la langue par
exemple.

Pour illustrer cette autonomie, Saussure emploie la


célèbre comparaison du jeu d’échecs : de la même façon
que je n’ai pas besoin, pour comprendre la partie qui se
joue devant moi, de savoir quels coups ont été joués
précédemment, il ne me sert à rien, pour saisir les
mécanismes d’un système linguistique tels qu’ils
fonctionnent dans la conscience des sujets parlants ici et
maintenant, de connaître les phases d’évolution
(diachronie) de la langue en question. Là aussi il faudrait
nuancer fortement (cette vision est plus valide pour la
phonologie que pour la sémantique…), mais cette
opposition a encore une fois, pour Saussure, une valeur
méthodologique ; elle n’existe pas dans les faits : « à
chaque instant, le langage implique à la fois un système
établi et une évolution » (Cours de Linguistique Générale,
Payot, p. 24) ; toutefois, il est impossible de faire une
étude diachronique sans considérer le fonctionnement
global du système, car les changements de certains
éléments de la langue (changements phonétiques,
changement de sens des mots…) mènent à une
configuration différente du système ; ainsi, on ne peut pas
assimiler la linguistique synchronique de Saussure à
l’ancienne linguistique historique, puisque l’histoire d’une
langue est toujours l’histoire d’un système linguistique ;
autrement dit, on doit considérer la diachronie comme
une succession de synchronies.
Avec L. Hjelmslev, la structure devient « une entité
autonome de dépendances internes » et si « derrière tout
procès on doit trouver un système », le processus n’est
que le passage d’un système à un autre, en vertu
d’interactions purement synchroniques. Le système
consiste en lois d’équilibre qui retentissent sur ses
éléments et qui dépendent de la synchronie ; ainsi,
l’ensemble des significations forme un système à base de
distinctions et d’oppositions puisque ces significations
sont relatives les unes aux autres, et un système
synchronique, puisque ces relations sont
interdépendantes : par exemple, il y a une relation étroite
entre passé simple (inaccompli) et passé antérieur
(accompli) ; le passé simple ayant disparu dans certaines
formes de narration et ayant été remplacé, avec la même
valeur, par le passé composé, il a entraîné dans sa chute
le passé antérieur, ce qui a provoqué, par rééquilibrage
des éléments de ce micro-système, la création d’une
forme d’accompli originale : le passé surcomposé (du
type « il a eu fini », forme non enregistrée par les
grammaires normatives et pourtant attestée chez de
grands écrivains !). Il s’agit donc de privilégier les lois
d’équilibre par rapport aux lois de développement et de se
libérer des éléments étrangers à la linguistique pour s’en
tenir aux caractères immanents du système.

Le structuralisme linguistique, qui peut paraître descriptif


et statique, a pris (depuis Z. Harris et N. Chomsky) une
orientation nettement génératrice sur le terrain de la
structure des syntaxes (structuralisme transformationnel) :
sont mis en valeur l’aspect créateur du langage (de la
parole vs la langue) et l’idée que la grammaire plonge ses
racines dans une raison « innée » (énoncés dérivés tirés
d’énoncés-noyaux stables référés à la logique : sujet +
prédicat par exemple). La méthode générative est
authentiquement structuraliste puisqu’elle dégage un
système cohérent de transformations.

Pour Saussure, la langue est un système de signes : ces


deux notions sont indissociables.
*Le signe linguistique : Dans sa structure, le signe (= le
mot, très approximativement cf. plus bas) est « une entité
double qui unit non pas une chose et un nom mais un
concept et une image acoustique » (définition de
Saussure). Cette définition, d’abord, implique un rejet du
référent (la « chose », objet désigné par le signe) hors du
champ linguistique et une autonomie de la langue comme
système formel par rapport aux substances – idées, sons
– quelle organise. Ensuite, le concept et l’image
acoustique sont inséparables comme le recto et le verso
d ‘une feuille de papier : ils s’impliquent l’un l’autre et leur
différence est interne au signe lui-même. Soit le signe
« sœur » : l’idée de ‘sœur’ constitue le concept ou, bien
mieux, le signifié et la représentation matérielle (des sons
ici) constitue le signifiant.

La notion d’arbitraire du signe doit être expliquée : une


explication répandue consiste à dire qu’il n’y a aucun
rapport de motivation entre l’idée de ‘sœur’ et la suite de
sons qui lui sert de signifiant. Est-ce dans la nature des
choses que tel signifiant soit apparié à tel signifié ? Non, à
preuve la diversité des langues : le signifié ‘bœuf’, dit
Saussure, a pour signifiant /bœf/ en France et /oks/ en
Allemagne. Cependant, E. Benveniste a montré
(Problèmes de linguistique générale, « nature du signe
linguistique ») que dans cette interprétation on confond le
signifié et la réalité de cette notion (voire le concept).
« Entre le signifiant et le signifié, le lien n’est pas
arbitraire ; au contraire, il est nécessaire. Le concept
(« signifié ») ‘bœuf’ est forcément identique dans ma
conscience à l’ensemble phonique /bœf/. Comment en
serait-il autrement ? Ensemble les deux ont été imprimés
dans mon esprit ; ensemble ils s’évoquent en toute
circonstance ». Ce qui est arbitraire à la rigueur c’est que
tel signe et non tel autre soit appliqué à tel élément de la
réalité et non à tel autre. Le concept ou la représentation
en général est à distinguer du signifié, propre à telle
langue, et qui s’analyse en éléments constituants
(sémèmes et sèmes, cf. plus bas). En fait, cette notion
d’arbitraire du signe sera mieux comprise si on la relie à
celles de système et de valeur.

*Système/valeur : Il s’agit en effet de ruiner une certaine


conception de la langue comme nomenclature,
conception selon laquelle la langue ne serait rien d’autre
qu’une liste de termes correspondant à autant de
« choses » et qui suppose des idées toutes faites
préexistant aux mots, c’est-à-dire l’antériorité de la
pensée sur la langue. Or, avant l’apparition de la langue,
il n’y a pas d’idées préétablies, la pensée n’est qu’une
« masse amorphe et indistincte » ; c’est la langue qui
donne forme à la substance du sens, comme elle
découpe la réalité ; chaque langue peut avoir une
manière différente d’articuler le réel, d’organiser les
données de l’expérience. On sait bien qu’apprendre une
langue étrangère ne saurait consister à acquérir une
nouvelle liste de termes…

Saussure insiste longuement sur la définition de la langue


comme forme. De la même façon que la pensée sans la
langue n’est qu’une « nébuleuse », les sons ne
constituent pas des unités délimitées d’avance : c’est la
langue qui introduit un ordre dans ce chaos ; elle articule
l’une sur l’autre ces deux masses amorphes, en les
découpant d’une manière arbitraire en éléments distincts.

Quand Saussure évoque l’importance primordiale du


principe de l’arbitraire, il pense plus à celui du système
qu’à celui du signe : les signes ne sont délimités par rien
d’autre que par leurs relations mutuelles dans la langue
(notion de système). Avec la théorie de la valeur
linguistique fondée sur ce dernier arbitraire, on peut
comprendre l’indissociabilité des notions de signe et de
système.

Qu’est-ce que la valeur d’un signe ? Envisageons le


problème des identités et des différences dans la langue :
« messieurs ! » peut être prononcé avec toutes sortes
d’intonations, c’est toujours le même mot. Ce mot peut se
charger de nuances de sens différentes, sans que son
identité soit compromise. Le sentiment de l’identité de ce
terme, de sa prononciation et de sa signification provient
de différences qui existent avec d’autres prononciations,
d’autres significations possibles (d’autres mots). La réalité
d’un signe linguistique est inséparable de sa situation
dans le système : la valeur d’un signe résulte du réseau
de ressemblances et de différences qui situe ce signe par
rapport à d’autres signes ; dans le jeu d’échecs, une
pièce, isolément, ne représente rien ; elle n’acquiert sa
valeur que dans le cadre du système (règle de
fonctionnement du jeu) ; on peut remplacer une pièce par
n’importe quoi, pourvu que l’on conserve le même mode
de fonctionnement. On ne peut identifier, délimiter les
signes qu’après avoir reconnu le caractère systématique
de la langue : la définition du signe doit être rapportée à
celle du système, puisque le propre du signe est d’être
différent d’un autre signe. Saussure définit la langue
comme un système de différences. Considérer la langue
comme un système de valeurs a été la condition de
possibilité du développement de la linguistique
structurale.

Est ainsi affirmée la primauté des rapports entre éléments


sur les éléments eux-mêmes, qu’il s’agisse des signes,
des signifiants ou des signifiés.

Par exemple, deux langues peuvent ne pas faire les mêmes


distinctions dans le spectre des couleurs ; c’est ce que
montre le schéma ci-dessous qui illustre la différence de
découpage lexical en français et en gallois : ainsi, « glas »
correspond en français à « bleu », mais aussi en partie à
« vert » et en partie à « gris » (ce qu’indique la non-
concordance des frontières) ; le lexique français fait des
distinctions que ne fait pas le lexique gallois ; à l’inverse,
le « gris » du français est rapporté soit au « glas » soit au
« llwydd » (le lexique gallois fait une distinction que ne
fait pas le lexique français :
 
    gwyrdd  

  vert    

       

français bleu glas gallois

       

  gris    

    llwyd  

  brun    

Fig. 1 Les couleurs

D’autres zones lexicales sont concernées par ce


phénomène, abondamment décrit dans la littérature
linguistique. Par exemple, l’anglais dispose de deux
termes « mutton » (viande de mouton ) et « sheep »
(l’animal), là où le français n’use que du seul mot
« mouton ». L’anglais utilise donc un micro-système
comportant deux unités et le français un micro-système
ne comportant qu’une unité. La signification de « mutton »
ne dépend pas seulement du lien qui l’attache à la réalité
extralinguistique, mais aussi, et surtout, des rapports qu’il
entretient avec « sheep ». La signification de « mutton »
dépend donc de l’existence de « sheep » et inversement :
« mutton » et « sheep » n’ont pas la même valeur (cf. la
différence entre « pez » et « pescado » pour les
hispanophones).

A partir de telles constatations, il ne faut pas évidemment


généraliser à outrance, sinon on conclurait à
l’impossibilité de la traduction ! or la traduction est
largement possible, même si elle est parfois malaisée…
Plus que l’idée que les langues découpent différemment
la réalité, ce qu’il faut retenir c’est le caractère relatif (au
sens de relationnel) des unités linguistiques.

Ces constatations sont valables évidemment pour le


signifiant (cf. l’analyse phonologique) mais aussi pour le
signifié. Pour la sémantique structurale, les signifiés aussi
sont différentiels : si on compare « espérer » et
« craindre », du point de vue du signifié, ces verbes ont
en commun, notamment, l’idée de /sentiment/ (mais qui
ne se comprend que relativement à d’autres idées, celles
de /pensée/ ou d’/action/ par exemple, et qu’on trouverait
dans d’autres mots), celle de /relatif au futur/ (mais qui ne
se comprend que par opposition à /relatif au passé/ qu’on
trouverait par exemple dans « regretter ») ; enfin, ces
termes se différencient notamment par l’opposition
/euphorie/ vs /dysphorie/, dont les termes sont relatifs
(l’un à l’autre). Ces éléments de sens entre barres
obliques portent le nom de sèmes. B. Pottier a essayé
d’analyser ainsi la signification d’un certain nombre de
termes appartenant à l’ensemble des « sièges » à l’aide
de semblables traits différentiels (le « fauteuil » se
différencie ainsi de la « chaise » grâce au trait /avec
accoudoir/). On y reviendra.

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2. La sémantique

On aborde ici la discipline qui a pour but la description de


la signification, la sémantique.

Les problèmes de signification envisagés dans le cadre


du mot (lexique) sont plutôt du ressort de la lexicologie
qui étudie notamment certaines relations de sens bien
connues : l'homonymie, la polysémie, la synonymie,
l'antonymie, l'hyperonymie/hyponymie ; ce dernier couple,
moins connu que les autres, renvoie à la notion
mathématique d'inclusion : par ex. « fleur » est
l'hyperonyme d'un ensemble qui comprend les co-
hyponymes « tulipe », « rose », « lys » etc.. Dans la
perspective, textuelle, qui est celle de ce cours, il convient
d’être attentif à la manière dont les textes utilisent ou
construisent, de façon plus ou moins originale, ces
relations de sens. Certains textes publicitaires,
notamment, sont intéressants de ce point de vue : « Lego
développe l’ego » (homonymie qui dépasse le cadre strict
du mot), « à ce prix-là, elle ne devrait pas être à ce prix-
là » (publicité Leclerc pour une bague ; exemple de
polysémie jouant sur des syntagmes), « au lieu d’acheter
une voiture, achetez une SAAB », « quand on regarde
Canal +, au moins on n’est pas devant la télé » (dans ces
deux derniers exemples, c’est la relation
d’hyperonymie/hyponymie qui est en jeu). Nous
reviendrons plus loin sur certains de ces exemples pour
les analyser. De même, lorsqu’on évoque l’antonymie, on
cite des termes dont la relation antonymique « va de soi »
(noir/blanc, pair/impair…) ; mais il arrive, et c’est le plus
intéressant, que des termes sans relation antonymique
attestée en langue soient présentés, dans des textes,
comme des antonymes ; par exemple, les termes
« beauté » et « confort » ne s'opposent pas en soi ;
pourtant, on a pu voir une publicité pour soutien-gorge, de
marque X, comportant cet énoncé : « Vous choisissez
entre confort et beauté ? Moi pas ». C'est dire que jusqu'à
l'apparition de la marque X, confort et beauté sont
présentés comme ayant été en relation d’antonymie pour
ce type de produit : il fallait choisir l'une ou l'autre qualité,
exclusivement, et le nouveau produit défait la relation
d'antonymie (relations que ce discours publicitaire
présuppose).    

La lexicologie utilise aussi la notion de champ : le champ


peut correspondre à l'ensemble des unités lexicales
construites à partir d'un mot-base (lune =>  lunaire,
lunatique, lunaison... ; champ morphologique), à
l'ensemble de termes relevant d'une même notion
(automobile =>  ensemble structuré des termes qui
renvoient à cette notion : garagiste,
mécano.../carburateur, frein.../garage, parking.../ vignette,
permis... ; c'est le champ notionnel ou lexical), à
l'ensemble des emplois d'un mot (les emplois de
« rouler » par exemple, cf. l'article de dictionnaire ; c'est le
champ sémantique). Pour une vue plus précise sur la
lexicologie structurale (basée sur la notion capitale de
différence, fondatrice de l'apparition du sens), se reporter
aux ouvrages mentionnés en Bibliographie – section
Lexicologie.

La sémantique structurale proprement dite met l'accent


sur la notion de différence, fondatrice de la signification
qui est envisagée cette fois-ci dans le cadre du signifié
(ou forme du contenu). La méthode est empruntée à
l'analyse en traits distinctifs courante en phonologie
(forme de l'expression) ; de même que le phonème est
défini par un ensemble de traits distinctifs (mode et point
d'articulation), le signifié est constitué de traits distinctifs
sémantiques qui caractérisent tel signe par rapport aux
autres au sein d'un ensemble ou champ ; ces traits se
nomment sèmes et l'ensemble de ces traits constitue le
sémème (dont l'équivalent approximatif est
« acception »), étant entendu qu'un lexème peut
comprendre plusieurs sémèmes (ex. du lexème « table »
dans les dictionnaires : outre son acception courante, il
comporte aussi les acceptions : table d’écoute, tables de
la loi, table de multiplication etc.). Partant d’un ensemble
de définition, on compare des signifiés entre eux pour
établir les sèmes des termes comparés (cf. le champ
lexical des sièges par B. Pottier où « fauteuil » s'oppose à
« chaise » par le trait /avec accoudoir/). Sur un exemple
plus réduit, si l'on prend les lexèmes « espérance » et
« crainte », ces deux termes ont en commun notamment
des traits comme /attitude psychologique/, /orienté vers le
futur/ et s'opposent par l'aspect /agréable/ ou
/désagréable/ de ce qui est attendu (un terme comme
« regret » ferait ressortir le trait /orienté vers le passé/).
Autre exemple : les lexèmes « dépouillé » et « dépourvu »
sont entre eux en relation d’équivalence (ils possèdent en
commun le sème /privation/) et d’opposition (le premier
comporte le sème /avec possession antérieure/ et le
second le sème /sans possession antérieure/, dans
certains contextes du moins…). Les sèmes ont une valeur
différentielle et relative, plutôt que minimale. On a ainsi pu
constituer des grilles lexicales de certaines zones du
lexique (dont vous trouverez des exemples dans
l’ouvrage de Chiss, Filliolet et Maingueneau cf.
bibliographie), mais la validité de ces grilles doit être
appréciée en fonction des différentes situations de
communication (caractère relatif). L'archilexème
(« siège » par ex.) est substituable à tous les lexèmes
dont il est l'archilexème quand le contexte n'exige pas
plus de précisions (parfois l'archilexème n'existe pas, il
est reconstruit : c'est l'archisémème, ensemble de traits
communs à tous les termes du champ). Deux autres
notions sont importantes, celles de compréhension et
d'extension : une analyse en extension énumère tous les
éléments d'un ensemble (l'ensemble des cas du latin par
ex.) ; une analyse en compréhension indique les
propriétés que les éléments de l'ensemble présentent
nécessairement (pour décrire les phrases grammaticales
d'une langue par ex.) ; un concept s'étend à d'autant plus
d'éléments qu'il réunit moins de caractères ; ainsi, la
compréhension et l'extension sont en raison inverse l'une
de l'autre (par ex. « faire » a une grande extension et une
faible compréhension, à l'inverse de « scier »). La
méthode présentée relève d'une analyse en
compréhension ; c'est ce qu'on appelle analyse sémique
componentielle. La signification des mots repose sur un
groupement de sèmes (ainsi, une des acceptions de
« homme » : /mâle/+/humain/+/adulte/, par comparaison
avec d'autres termes comme « femme », « enfant » );
avec quelques sèmes, on peut décomposer le sens de
mots formant le micro-système lexical porteur du signifié
'siège' (présence de certains sèmes et absence d'autres).
Un mot est composé d'unités de signification dont il peut
partager certaines avec d'autres mots (si deux mots ont
exactement les mêmes traits, ils sont synonymes).
Dénotation et connotation : La dénotation (ou désignation
ou référence) est le rapport entre le signe et le référent
(élément du monde réel ou imaginaire, par nature
extralinguistique, mais de nature sémiotique). Cette
question du référent est assez complexe et sera
examinée en licence (relation référent, concept, signifié
notamment). Il importe pour l’instant de ne pas confondre
référent et signifié. Le schéma suivant, dit « triangle
sémiotique », permet de fixer les idées :

Fig. 2 Le triangle sémiotique

Le signifié est constitué de traits distinctifs sémantiques


qui, dans une langue donnée, caractérisent tel signe par
rapport à d’autres. L’appel au référent passe le plus
souvent par le signifié (la ligne pointillée signifie qu’en
principe il n’y a pas de relation directe entre signifiant et
référent). Le rapport signifiant-signifié est la signification
(ou sémiosis).

Les signes « étoile du matin » et « étoile du soir » ont le


même référent (Vénus), mais des signifiés différents. Un
même signifié peut correspondre à des signes différents :
le signifié ‘la femme du fils’ est rendu par les signes
« belle-fille » et « bru » (cas de synonymie, mais partielle,
car « belle-fille » a un autre sens que n’a pas « bru »).

A la suite de Hjelmslev, et de Barthes, la dénotation est


conçue comme un premier système de signification,
constitué d’une expression (E) ou signifiant, d’un contenu
(C) ou signifié et de la relation entre ces deux plans (R),
soit ERC. La connotation est un second système de
signification dont le plan de l’expression est constitué lui-
même par un système de signification ; un terme connoté
comporte un signifiant constitué du signifiant et du signifié
de dénotation, et son propre signifié : par exemple, le mot
« flamme », en dénotation a un signifiant /flam/ et un
signifié ‘mélange gazeux en combustion’, en littérature il
connote ‘l’amour’. A un autre niveau, dire « flamme » pour
« amour » c’est connoter ‘poésie’. Autre exemple : « t’es
mon pote » signifie « tu es mon copain » et connote le
niveau de langue populaire.

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3. La sémantique textuelle

3.1. Méthode d’analyse en champs lexicaux

3.1.1. Présentation

Avec la sémantique structurale textuelle, on applique


cette méthode à l'analyse de texte en construisant des
champs lexicaux. Cette notion, dans cette perspective,
doit être revue et précisée. Le champ lexical, appliqué au
texte, désigne l'ensemble des mots (n'appartenant pas
nécessairement à la même catégorie grammaticale) qui
ont entre eux au moins un élément de signification
commun ; on range ces mots dans un ensemble et on
donne à cet ensemble, comme titre, cet élément commun
qui est un sème. Si les mots a, b, c, d, e, f ont /x/ en
commun, ils forment le champ dénommé /x/ ; si, en outre,
a, c et d ont /y/ en commun, ils forment un autre champ
dénommé /y/ (un même mot pouvant appartenir, suivant
ses unités constitutives, à plusieurs champs). Ces unités
de signification doivent être rapportées au contexte, car
elles sont souvent suggérées par le texte qui choisit dans
les virtualités du dictionnaire. On voit qu'on est ici dans
une présentation en extension (ranger dans le même
ensemble tous les termes contenant tel trait), mais qui
repose sur  une analyse en compréhension (identifier tous
les traits, de façon contextuelle, des termes du texte).
Pour ce qui est de l'organisation des champs, ce type
d'analyse met en jeu plusieurs relations sémantiques :

- la relation d'équivalence entre des termes qui ont en


commun un ou plusieurs sèmes. L'équivalence
correspond à une identité sémique partielle entre deux ou
plusieurs lexèmes.

- la relation d'opposition, d'antonymie, à relier à la


précédente (on n'oppose que des termes qui peuvent être
comparés, qui sont équivalents sous un certain aspect),
telle qu'elle existe, par exemple, entre des opposés
comme « vie »/ « mort », « chaud »/ « froid », « blanc »/
« noir », « santé »/ « maladie ». C'est une des
conséquences du postulat théorique de la sémantique
structurale : la signification se crée à partir d'oppositions
du type « haut »/ « bas », « grand »/ « petit ». Il faut
repérer le plus possible de ces oppositions, les intégrer à
des champs antonymes et voir comment le texte se
comporte à l'égard de ces oppositions.

- la relation d'inclusion : les champs sont souvent articulés


en sous-champs ; ainsi le champ du /mouvement/ pourra
s'articuler, si c'est le cas, en /mouvement horizontal/ vs
/mouvement vertical/.

Soit les termes suivants que l’on supposera appartenir à


un texte : {infime, étroit, court, gigantesque, large, long,
minuscule, nain, maisonnette, colossal, géant, building}.
Une analyse sommaire permet de constituer deux
champs lexicaux : celui de la /petite quantité/ comprenant
les termes {infime, étroit, court, minuscule, nain,
maisonnette} et celui de la /grande quantité/ comprenant
{gigantesque, large, long, colossal, géant, building}. On
retrouve la relation d’équivalence (elle est constitutive de
chaque champ), la relation d’opposition (opposition entre
les champs) et la relation d’inclusion (dans la mesure où
l’opposition /petite quantité/ vs /grande quantité est
subsumée par un axe sémantique générique que l’on
pourrait dénommer /quantitatif/). Noter que les termes
appartiennent à différentes catégories morphologiques :
on est dans une perspective textuelle.

Un même lexème peut être à la croisée de plusieurs


champs lexicaux. Le sème est une unité minimale de
signification, mais surtout c'est par comparaison
systématique avec d'autres termes qu'un terme lexical
peut être décomposé en différents sèmes ; le sème n'est
pas un élément atomique et autonome ; il ne tire son
existence que de l'écart différentiel qui l'oppose à d'autres
sèmes. La nature du sème est relationnelle et non
substantielle ; il vaut mieux insister sur ce caractère
relationnel et différentiel du sème (noté entre barres
obliques : /sème/) que sur son caractère d’élément
minimal de signification, cette minimalité étant toute
relative...

Après le montage des champs lexicaux qui s'effectue


progressivement et par lectures successives du texte, on
peut examiner la distribution de ces éléments de sens
dans le texte (où se trouvent-ils, comment sont-ils
repartis? - étude distributionnelle) et les relations qu'ils
contractent par le biais de la syntaxe (étude
syntagmatique).

Les champs peuvent être présentés, pour plus de lisibilité,


sous forme de colonnes.

Voici une analyse textuelle appliquant cette méthode des


champs lexicaux. Il convient de préciser que ces types
d’analyses, et cela est valable pour toute analyse
textuelle en général, ne sont pas des modèles et ne
prétendent pas dire le vrai sens du texte. Nous utilisons
certains outils pour interpréter un texte et les résultats
peuvent (et peut-être doivent) être critiqués sur les
mêmes bases méthodologiques
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3.2. Sémantique textuelle interprétative

Nous abordons maintenant une théorie sémantique


textuelle nouvelle et très importante. Il s’agit de la théorie
dite « sémantique interprétative » dont le fondateur est
François Rastier (cf. ouvrages cités en bibliographie,
auxquels nous nous référons largement). Les
cours/séminaires de sémantique textuelle en 2ème et 3ème
cycle sont consacrés spécifiquement à cette théorie (aux
niveaux spécialisation et recherche) et des comparaisons
y sont effectuées avec la sémiotique du discours (école
de Paris : A. J. Greimas, J. Courtés) afin d’évaluer les
descriptions, méthodologies, théories respectives et
d’établir une recherche interdisciplinaire sur cette quête
du sens.

Nous allons faire une présentation succincte mais assez


approfondie des principaux concepts de la sémantique
interprétative avec des illustrations et des analyses,  en
réservant pour la licence des points et des
développements plus complexes, ainsi que des aspects
critiques. Il s’agit pour vous, en fin d’année, de savoir
analyser/interpréter de courts textes avec la méthode et
les outils de la sémantique interprétative.

En fait, la présentation de cette théorie peut se faire à


partir de l’explicitation de la signification des termes de
l’intitulé de cette théorie (« sémantique textuelle
interprétative »). Le terme de « sémantique » a
suffisamment été explicité dans ce qui précède ; certes,
l’affaire est plus compliquée – il y a plusieurs sémantiques
notamment -, mais les considérations théoriques sur ce
point sont mieux à leur place en licence. La notion
d’interprétation s’éclairera plus bas et on va commencer
par l’explicitation de la notion fondamentale de « texte ».

Toutes les définitions qui vont suivre sont empruntées aux


glossaires des ouvrages de François Rastier (ceux cités
en bibliographie, référencés de façon abrégée en FR 87,
FR 89, mais aussi deux autres ouvrages – de lecture plus
difficile – Rastier, F., Cavazza, M. et Abeillé, A. (1994)
Sémantique pour l’analyse, Paris, Masson ; et Rastier, F.
(2001) Arts et Sciences du Texte, Paris, PUF - référencés
FR 94 et FR 01).

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3.2.1. Texte

Le texte est défini comme « suite linguistique autonome


(orale ou écrite) constituant une unité empirique, et
produite par un ou plusieurs énonciateurs dans pratique
sociale attestée. Les textes sont l’objet de la linguistique »
(FR 94). En outre, le texte est fixé sur un support
quelconque, ce qui est la condition de son étude critique
et rompt avec le privilège exclusif de l’écrit ; le texte n’est
pas une construction théorique, un artefact, et c’est là un
principe d’objectivité (cf. au contraire les exemples
construits des grammairiens et de certains linguistes),
c’est une « unité empirique » et qui est produite dans une
pratique sociale déterminée, et c’est là un principe
d’écologie.

Cette définition du texte doit être complétée, dans la


perspective du problème de la diversité des textes, par la
thèse selon laquelle il n’existe pas de texte sans genre et
que tout genre relève d’un discours (ex. discours
politique, juridique, religieux etc.) rattaché à une pratique
sociale (l’activité politique, juridique, religieuse etc.) : par
exemple, dans le discours médical, on peut distinguer des
genres écrits dont dispose un médecin dans sa pratique
professionnelle : l’observation clinique, l’article
scientifique et la lettre au collègue. Les genres n’existent
donc pas que dans la pratique de la littérature, loin de là,
et leur (re)connaissance est primordiale pour
l’interprétation des textes : ils sont un élément
fondamental de leur contexte.

Genre : « programme de prescriptions positives ou


négatives (et de licences) qui règlent la production et
l’interprétation d’un texte. Tout texte relève d’un genre et
tout genre, d’un discours. Les genres n’appartiennent pas
au système de la langue au sens strict, mais à d’autres
normes sociales » (FR 94).

Passons maintenant, après avoir évoqué cette question


des genres, aux grandes structures constitutives du texte
lui-même.

A. Les composantes de la textualité

Tout texte est articulé autour de composantes.

Une composante est « une instance systématique qui, en


interaction avec d’autres instances de même sorte, règle
la production et l’interprétation  des suites linguistiques.
Pour le plan du contenu, on distingue quatre
composantes de la textualité : thématique, dialectique,
dialogique et tactique » (FR 94).

On laissera de côté la question de l’interaction des


composantes qui débouche sur la problématique des
genres et de leur typologie.

Voici les définitions de chacune des composantes :

 Thématique : « étude des contenus investis et de


leurs structures paradigmatiques » (FR 89). Pour
une première idée, l’analyse en champs lexicaux
constitue une étude de la thématique du texte (cf.
aussi la critique thématique dans les études
littéraires).
 Dialectique : « composante sémantique qui
articule la succession des intervalles dans le
temps textuel, comme les états qui y prennent
place et les processus qui s’y déroulent » (FR 01).
Cela est à rapprocher des théories du récit, de la
narrativité en sémiotique, mais ici il s’agit d’une
composante de la textualité et non pas de la forme
générale de tout texte comme cela a pu l’être en
sémiotique.
 Dialogique : « composante sémantique qui
articule les relations modales entre univers et
entre mondes ; sa description rend compte de
l’énonciation représentée » (FR 01). Cette
composante est donc consacrée à l’étude de
l’énonciation (parfois extrêmement complexe, cf.
les textes littéraires).
 Tactique : « composante qui règle la disposition
linéaire des unités sémantiques » (FR 89)

Seules la thématique (de quoi est-il question ?) et la


tactique (ordre des unités) sont nécessaires dans tout
texte. Nous en resterons, dans le cadre de ce cours,
essentiellement à la composante thématique.

B. Les paliers de la description sémantique

On distingue, du côté de l’objet décrit, des degrés de


complexité nommés paliers ; les principaux paliers sont le
morphème, mot, syntagme d’abord, la phrase/période
ensuite, le texte enfin. Du côté de la théorie sémantique
interprétative, on distingue la macrosémantique (qui a
pour objet d’étude le texte), la mésosémantique (qui a
pour objet la phrase) et la microsémantique (qui a pour
objet les unités du palier inférieur : morphème, mot, lexie,
syntagme). Cela est très approximatif : ces distinctions
sont commodes pédagogiquement, mais la théorie
présentée est une sémantique unifiée, c’est-à-dire que les
différents outils/concepts présentés peuvent s’appliquer
aux différents paliers qui ne diffèrent que par des degrés
de complexité et dont les frontières ne sont pas absolues
(par exemple, une phrase, voire un texte, peut consister
en un mot). D’autre part, cette théorie affirme aussi la
détermination du local par le global (du texte donc, dans
son contexte).
Nous nous en tiendrons ici à la microsémantique et, en
partie, à la mésosémantique

C. Les degrés de systématicité

On n’entrera pas ici dans le détail. On distingue le


dialecte (« langue fonctionnelle – ou langue considérée
en synchronie, par opposition à la langue historique », FR
94), le sociolecte (« usage d’une langue fonctionnelle,
propre à une pratique sociale déterminée », ibid.) et
l’idiolecte (« usage d’une langue et d’autres normes
sociales propre à un énonciateur », ibid.). « Seuls
relèvent du système fonctionnel de la langue l’inventaire
des morphèmes et les règles de leur combinaison » (FR
94, p. 48). Un sociolecte correspond à une pratique
sociale (ex. judiciaire, politique, religieuse) avec son
lexique propre structuré, ses genres… ; l’idiolecte renvoie
à l’ensemble des régularités personnelles ou « normes
individuelles » (FR 01, pp. 178-179).

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3.2.2. Classes, isotopies , typologie sémique,


opérations interprétatives
Il convient avant tout d’indiquer que la signification d’un
mot varie avec les classes où il se trouve inclus, en
langue comme en discours. C’est la théorie des classes
lexicales qui fonde l’analyse de la signification lexicale.

Par exemple, pour « femme », le Dictionnaire du Français


Contemporain distingue deux significations :

1. « personne du sexe féminin »

2. « personne du sexe féminin qui est ou a été mariée »

Certains y voient deux significations en relation de


« restriction de sens » : « personne » correspondant à un
élément générique, « du sexe féminin » à un premier
élément spécifique et « qui est ou a été mariée » à un
second élément spécifique.

La théorie présentée ici  propose l’analyse suivante :

pour 1., « personne » constitue un élément générique et


« de sexe féminin » un élément spécifique, par opposition
à « homme » qui possède le même élément générique
mais a « de sexe masculin » comme élément spécifique.

Pour 2., « personne » constitue un premier élément


générique, « du sexe féminin » un second élément
générique et « qui est ou a été mariée » est un élément
spécifique, par opposition à « fille » ou « demoiselle » qui
contiendront les mêmes éléments génériques mais auront
l’élément spécifique « non mariée »

Dans cette description, l’élément « de sexe féminin » est


générique dans 2. et spécifique dans 1., car 1. et 2.
n’appartiennent pas au même ensemble (classe) de
définition.

Ces éléments, génériques et spécifiques, constituent des


sèmes (« élément d’un sémème, défini comme l’extrémité
d’une relation fonctionnelle binaire entre sémèmes. Le
sème est la plus petite unité de signification définie par
l’analyse », FR 94 ; le sème n’est pas libre, il est le
constituant d’un sémème et il est l’aboutissant d’une
relation associant deux aboutissants, chacun appartenant
à un sémème distinct : ex. /bas/ pour ‘sol’ et /haut/ pour
‘plafond’, la nature du sème est donc relationnelle,
relative) ; le sémème (ensemble des sèmes) correspond
(en partie ou en totalité) au signifié d’un morphème (qui
peut comprendre plusieurs sémèmes) ; le morphème est
« le signe minimal, indécomposable dans un état
synchronique donné : ex. rétro-pro-puls-eur-s comporte
cinq morphèmes » (FR 94).

On adopte les conventions suivantes pour représenter les


différentes unités linguistiques : « signe », signifiant,
/sème/, ‘sémème’, //classe sémantique //. Les notions de
sème et de sémème sont absolument dépendantes de la
notion de classe.

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3.2.2. Classes, isotopies , typologie sémique,


opérations interprétatives

A. Classes et isotopies

Les classes sont au nombre de trois. On les présentera


par ordre de généralité décroissante :

Une dimension est la classe de plus grande généralité.


Elle inclut des sémèmes ayant le même trait générique à
grande généralité (sème macrogénérique), comme
/animé/ ou /humain/, /concret/, /abstrait/… (cf. les traits de
sélection de la grammaire générative), avec souvent des
relations d’opposition du type /animé/ vs /inanimé/.
Un domaine est une classe intermédiaire qui comprend
des sémèmes (plus exactement des sous-ensembles de
sémèmes, cf. plus bas) ayant un même trait générique de
moindre généralité (sème mésogénérique) et qui
correspond à une pratique sociale, par exemple
/alimentation/ ; on trouve trace dans les dictionnaires de
ce concept de domaine dans le recours aux abréviations
comme cuis. (pour cuisine), mar. (pour maritime), jur.
(pour juridique) pour indexer la signification d’un terme. Il
est à noter que dans un domaine donné il n’existe pas de
polysémie en principe (ni de connexion métaphorique
entre membres d’un même domaine : la métaphore
s’établit généralement entre domaines différents, ex.
« Chirac transforme un essai » connecte les domaines
//sports// et //politique//) : ‘canapé’ renvoie soit au
domaine //alimentation//, soit au domaine //habitation//. La
composition et l’inventaire des domaines sont liés à des
normes sociales. Alors que les dimensions sont groupées
en petites catégories fermées et qu ‘elles sont
indépendantes des domaines (une même dimension peut
concerner des domaines différents et un même domaine
peut être traversé par des dimensions différentes), les
domaines sont en beaucoup plus grand nombre et le
domaine est en général constitué d’un groupe de taxèmes
lié à une pratique sociale et il est commun aux divers
genres propres au discours qui correspond à cette
pratique.

Le taxème est la classe la plus basse, c’est une classe de


sémèmes minimale en langue ; là se trouve défini le sème
de plus faible généralité du sémème (sème
microgénérique) ainsi que les sèmes spécifiques. Les
taxèmes sont le reflet de situations de choix dans des
pratiques concrètes ou théoriques ; par exemple, les
sémèmes {‘métro’, ‘train’, ‘autobus’, ‘autocar’} relèvent du
domaine //transports// (moyens collectifs) articulé en deux
taxèmes, le taxème //ferré// (comprenant les sémèmes
‘métro’ et ‘train’ opposés par les sèmes spécifiques /intra-
urbain/ et /extra-urbain/) et le taxème //routier//
(comprenant les sémèmes ‘autobus’ et ‘autocar’
différenciés, eux aussi, par les sèmes spécifiques /intra-
urbain/ et /extra-urbain/). A noter que la présentation qui
ferait de /intra-urbain/ et /extra-urbain/ des traits
microgénériques et de /ferré/ et /routier/ des traits
spécifiques correspondrait aux situations pragmatiques
les plus courantes : en principe, on choisit un moyen de
transport en fonction de sa destination, et non parce qu’il
est ferré ou routier. Mais les deux analyses restent
valables, cela dépend de la situation, du contexte et on
voit par là qu’aucun trait n’est par nature spécifique ou
générique. Le taxème est pratiquement la seule classe
nécessaire et diverses relations peuvent articuler les
membres d’un taxème : contrariété, contradiction,
gradualité, implication, complémentarité ; souvent, les
énumérations linéarisent des taxèmes, parfois créés par
le texte (ex. du texte publicitaire Bénédicta : « amour,
fraternité et mayonnaise » ! ou certaines énumérations de
J. Prévert). Tous les taxèmes ne relèvent pas d’un
domaine (ex. des taxèmes grammaticaux comme le
nombre).

Ainsi donc, par exemple, le sémème ‘cuiller’ aura les


sèmes  suivants :
sème /couvert/ (microgénérique, appartenance à un
taxème)
sème /alimentation/ (mésogénérique, appartenance à un
domaine)
sèmes /concret/, /inanimé/ (macrogénériques,
appartenance à des dimensions)
mais aussi, notamment, le sème spécifique /pour puiser/
opposé au sème spécifique /pour couper/ de ‘couteau’
appartenant au même taxème //couvert//

Nous allons voir de façon plus précise la typologie


sémique, mais il convient auparavant, en relation avec les
notions qui viennent d’être vues,  d’évoquer le concept
d’isotopie. L’isotopie sémantique, plus particulièrement,
est un « effet de la récurrence syntagmatique d’un même
sème » (FR, 94) ; l’itération de ce sème identique (dit
« sème isotopant ») induit des relations d’équivalence
entre les sémèmes qui l’ incluent et on peut ainsi établir
des isotopies. On reconnaît là quelque chose d’analogue
aux principes et à la constitution des champs lexicaux.
Les deux démarches présentent de fortes analogies :
elles reposent sur une analyse sémantique différentielle
et la constitution d’ensembles sur une base sémantique et
non morphologique, adoptent une présentation
paradigmatique (tabulaire) d’un phénomène
syntagmatique, visent à une certaine exhaustivité dans
les relevés. Mais, l’étude par les champs lexicaux est
fondée sur des catégories générales, un peu a priori, et
non sur une typologie des classes, contextuelles
notamment (se pose alors la question de la pertinence
d’un relevé minutieux qui n’est pas cadré par des classes
repérées dans le texte et qui assurent un meilleur contrôle
de l’indexation) ; ce type de méthode ne repose pas sur
une typologie sémique (pas de distinction entre générique
et spécifique, elle-même tributaire de la notion de classe,
ni entre inhérent et afférent – cf. plus bas dans la
typologie) ; l’étude  du rapport des sémantismes y est
confiée au commentaire où entrent en jeu les
considérations morpho-syntaxiques de mise en relation
(d’où un certain cloisonnement, un peu artificiel, entre
l’indexation et le commentaire, d’autant que celle-ci
s’appuie assez souvent sur des éléments de celui-ci et on
a l’impression d’être encore tributaire d’une problématique
du signe…). Néanmoins, la méthode des champs
lexicaux, par les qualités d’observation, d’analyse et de
raisonnement qu’elle exige, par les questionnements
même qu’elle soulève, est une première étape fort
importante pédagogiquement et théoriquement qui
prépare à l’analyse isotopique dont l’examen détaillé et
assez difficile est reporté en licence.

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3.2.2. Classes, isotopies , typologie sémique,
opérations interprétatives

B. Typologie sémique

Nous avons vu les définitions du sème et du sémème. Il


faut maintenant apporter certaines précisions qui
découlent du point précédent sur les classes.

Plus précisément, le sémème est constitué par le


sémantème (ensemble de sèmes spécifiques du
sémème) et le classème (ensemble des sèmes
génériques du sémème). Le plus important est toutefois
constitué par les définitions de sème générique et de
sème spécifique, distinction en rapport avec la notion de
classe(s).

=> sèmes génériques et sèmes spécifiques (dans la


présentation, on utilisera souvent les abréviations sg et sp
pour les désigner)

Le sème générique marque l’appartenance du sémème à


une classe sémantique : il peut être microgénérique
(relatif à un taxème), mésogénérique (relatif à un
domaine), macrogénérique (relatif à une dimension) – cf.
plus haut pour certains exemples, au paragraphe sur les
classes.

Le sème spécifique marque l’opposition du sémème à un


ou plusieurs sémèmes de la classe (en principe le
taxème) à laquelle il appartient.

Ainsi ‘couteau’ et ‘cuiller’, de par leur appartenance au


même taxème //couvert//, ont le même sème
microgénérique /couvert/ et s’opposent par les sèmes
spécifiques /pour couper/ vs /pour puiser/. Ou encore, si
on revient aux définitions de ‘femme 1 ‘ et de ‘femme 2’,
le premier a pour sème générique /personne/ et pour
sème spécifique /de sexe féminin/, du fait de la classe
considérée soit {‘femme’, ‘homme’}, et le second a pour
sèmes génériques /personne/ et /de sexe féminin/ et pour
sème spécifique /qui a été ou est mariée/, du fait de la
classe considérée soit {‘femme’ vs ‘fille’ ou ‘demoiselle’}.

L’opposition générique/spécifique est donc relative à son


ensemble de définition (classe) et cet ensemble de
définition n’est pas forcément donné en langue (a priori), il
peut (doit) souvent être construit à partir de l’examen du
texte.

Il convient de ne pas assimiler la spécificité d’un sème à


une restriction de généralité. Tout ce qu’il faut voir pour
l’instant est que les sèmes spécifiques disjoignent des
sémèmes qui sont par ailleurs conjoints par un ou des
sèmes génériques communs

En outre, spécifiques ou génériques, les sèmes peuvent


être inhérents ou afférents.

=> sèmes inhérents et sèmes afférents (dans la


présentation, on utilisera souvent les abréviations si et sa
pour les désigner)

Les définitions de ces notions ont varié et/ou se sont


diversifiées dans la théorie. On réserve pour plus tard
(licence) le débat que ces variations et leurs implications
théoriques/pratiques peuvent susciter.

Dans FR 87, le sème inhérent est défini comme


« l’extrémité d’une relation symétrique entre deux
sémèmes appartenant au même taxème » et le sème
afférent comme « l’extrémité d’une relation anti-
symétrique entre deux sémèmes appartenant à des
taxèmes différents ».

Ces deux notions se présupposent, comme se


présupposent les notions de générique/spécifique, et il
faut les penser ensemble, sinon on pourrait ne pas 
comprendre la distinction entre sème spécifique et sème
inhérent, qui semble substantiellement la même. Ce qui
compte ici, c’est cette opposition « symétrique vs anti-
symétrique » qui met en relation ces deux types de
sèmes. Prenons quelques exemples.

Soit le titre de l’ouvrage de Stendhal Le Rouge et Le Noir.


On a là une sorte de taxème textuel, avec le sg /couleur/
et les sp /rougeur/ vs /noirceur/ pour ‘rouge’ et ‘noir’.

Par ailleurs, on sait que Julien hésite dans le choix de sa


carrière : va-t-il choisir l’église ou l’armée ? Nous avons là
un second taxème avec pour sg /carrière/ et pour sp
/église/ vs /armée/.

A l’intérieur de chacun de ces taxèmes, nous n’avons que


des relations d’inhérence (/rougeur/ et /noirceur/ sont
symétriques, comme /église/ et /armée/). Mais le titre de
l’ouvrage renvoie de façon anti-symétrique à la carrière
(c’est-à-dire que /rougeur/ et /noirceur/ sont mis pour
/armée/ et /église/, mais pas l’inverse ; on n’aura pas
/armée/ pour /rougeur/ etc. : cela ne fonctionne que dans
un sens), si bien que dans ce complexe de
signification, /couleur/ est sgi (sème générique inhérent)
et /rougeur/ ainsi que /noirceur/ spi (sèmes spécifiques
inhérents) et /carrière/ est sga (sème générique afférent)
et /armée/ comme /église/ sont spa (sèmes spécifiques
afférents).

On aurait les mêmes relations entre les taxèmes


{‘homme’, ‘femme’} et {‘force’, ‘faiblesse’} dans la phrase
« je suis femme et je sais ma faiblesse » où ‘femme’ se
trouve, via le contexte, doté du spa /faiblesse/.

Il est à noter qu’un sème afférent doit être actualisé par


instruction contextuelle. Nous reverrons cela plus bas
(opérations interprétatives). On voit d’ores et déjà que
l’inhérence et l’afférence sont deux statuts différents qui
caractérisent le mode d’actualisation des sèmes en
contexte.
A partir de FR 89, le sème inhérent est défini comme
« sème que l’occurrence hérite du type, par défaut : par
ex. /noir/ pour ‘corbeau’ ». Cette variété de sème est
définitoire du type. Cela signifie qui si , dans un texte,
vous voyez l’occurrence de ‘corbeau’ – et s’il n’y a pas de
contre-indication contextuelle du genre ‘corbeau blanc’ –
ce terme a pour si /noir/. Mais le contexte peut imposer
une valeur atypique ; aucun sème inhérent n’est donc
manifesté en tout contexte. On est ici, semble-t-il mais
c’est plus compliqué (cf. licence), au niveau du système
de la langue (dialecte).

Pour les sèmes afférents, la définition initiale est gardée,


mais il est noté que ces sèmes sont associés au type
sans avoir de caractère définitoire au même titre que les
sèmes inhérents : ce sont des valeurs prises dans
l’occurrence par des attributs facultatifs du type ; ils ne
sont pas hérités par défaut, mais doivent être actualisés
par une instruction contextuelle. Par exemple, le sème
/péjoratif/ n’est pas définitoire de ‘corbeau’, mais il peut
être actualisé dans une expression comme « un corbeau
de mauvais augure » : on dira alors que, du fait du
contexte « de mauvais augure », il est afférent (actualisé)
dans ‘corbeau’ Ces sèmes afférents ont un caractère
périphérique par rapport aux sèmes inhérents (on n’est
pas loin des phénomènes de connotation) et ils
dépendent de normes sociales différentes du système de
la langue. On voit que c’est un peu différent de la
première définition des sèmes afférents (on reviendra là-
dessus en licence). On parlera ici de sèmes afférents
socialement normés (sasn). A rapprocher, mais des
nuances s’imposeront, du degré sociolectal.

Enfin, on distingue une seconde sorte de sèmes


afférents, lesquels ne dépendent pas de relations
paradigmatiques entre classes (et du rapport type-
occurrence), mais résultent uniquement de propagation
de sèmes en contexte. On parlera de sèmes afférents
contextuels (sac) : ce n’est pas le rapport entre types et
occurrences qui est mis en jeu, mais uniquement le
rapport entre occurrences dans le contexte. Ces sèmes
ne sont pas représentés dans le type lexical, mais sont
propagés dans l’occurrence par le contexte au moyen de
déterminations ou de prédications : par exemple, dans
l’expression « le corbeau apprivoisé » le sème
/apprivoisé/ est actualisé dans l’occurrence ‘corbeau’. Ce
sème, certes local, doit y être stocké pour permettre
ultérieurement la construction de *l’acteur corbeau
(composante dialectique, non étudiée cette année).

Cette question de la typologie des sèmes sera étudiée de


façon plus approfondie, avec les questions qu’elle
soulève, à partir de la licence.

De toute façon, dans tous les cas (cf. point suivant), le


contexte a un rôle primordial. Contexte : « pour une unité
sémantique, ensemble des unités qui ont une incidence
sur elle (contexte actif), et sur lequel elle a une incidence
(contexte passif). Le contexte connaît autant de zones de
localité qu’il y a de paliers de complexité. Au palier
supérieur, le contexte se confond avec la totalité du
texte » (FR 01). Dans le dernier exemple, « apprivoisé »
est le contexte actif pour « le corbeau ».

Remarque : le contexte peut déformer les occurrences


par rapport au type ; le type n’étant qu’une reconstruction
conventionnelle à partir des occurrences, celles-ci
peuvent modifier le type par création et/ou délétion
(suppression) d’attributs. Il s’agit là d’une position
théorique non réaliste qui va à l’encontre de la tradition
aristotélicienne courante en philosophie du langage. Le
type ne représente pas une substance dont les
occurrences marqueraient les accidents ; il n’est lui même
qu’une collection structurée d’accidents momentanément
considérés comme invariants. Cette théorie renonce à
l’ontologie des substances, d’où la modification de la
notion de type.

On notera ici aussi, comme pour la différence


spécifique/générique, que la distinction entre sèmes
inhérents et sèmes afférents est toute relative (différence
de degré plus que de nature – la réflexion sera poursuivie
ultérieurement).

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3.2.2. Classes, isotopies , typologie sémique,


opérations interprétatives

C. Les opérations interprétatives

C’est le texte qui détermine le sens des mots – à partir


certes de leur signification en langue, mais en l’élaborant,
en l’enrichissant et/ou la restreignant par l’action de
normes génériques et situationnelles. Les significations
répertoriées en langue ne sont que des virtualités. « La
langue propose, le texte dispose » (FR 94, p. 68) ! C’est
cette élaboration du sens en contexte que tentent de
décrire les opérations interprétatives.

Il y a d’abord deux lois fondamentales (utilisées depuis


longtemps dans d’autres domaines de la linguistique, la
phonétique par exemple) ; ce sont les lois d’assimilation
et de dissimilation, mais appliquées au contenu cette fois-
ci. La dissimilation se produit lorsqu’on est en présence
de contrastes sémantiques faibles, dont l’exemple le plus
flagrant est la pseudo-tautologie du type « un sou est un
sou » ou « une femme est une femme » ; on peut avoir
l’impression que l’on dit la même chose (contraste
sémantique faible) ; pour interpréter correctement, il faut
donner un sens différent à la seconde occurrence de
« sou » et de « femme » ; on est là dans un cas de
dissimilation. L’assimilation se produit en présence de
contrastes sémantiques forts, contradiction, coq-à-l’âne,
des contrastes assez fortement ressentis ; par exemple,
dans la suite « des fous, des femmes et des fainéants »,
le second terme contraste fortement avec les termes à
valeur nettement péjorative qui l’entourent et dont il va
prendre ce sémantisme négatif ; on est là dans un cas
d’assimilation.

Ces lois gouvernent les opérations interprétatives que l’on


va détailler. Rappelons qu’il y a deux statuts des sèmes
qui caractérisent leur mode d’actualisation (qu’ils soient
génériques ou spécifiques) : les sèmes inhérents et les
sèmes afférents et que, parmi ces derniers, on distingue
les sèmes afférents socialement normés (sasn) et les
sèmes afférents contextuels (sac).

D’une façon générale, que l’on va préciser plus bas,


l’actualisation est l’opération interprétative permettant
d’identifier un sème en contexte ; quand il s’agit de traits
inhérents, on parle d’héritage, quand il s’agit de traits
socialement normés (fondés sur des topoï externes : un
topos externe est un axiome normatif sous-tendant une
afférence socialisée, du type si « femme », alors
« faiblesse » !), on parle d’activation, quand il s’agit de
traits afférents en contexte, on parle de propagation (par
prédication et/ou qualification).

Les opérations peuvent jouer sur les différents paliers ; on


en restera ici aux paliers du syntagme et de la phrase.

a) les sèmes inhérents : ces sèmes peuvent être hérités


du type par l’occurrence, si le contexte ne l’interdit pas
(ex. de /noir/ pour ‘corbeau’ dans le texte de Giono ci-
dessus) ; mais ils peuvent également être virtualisés. La
virtualisation est la neutralisation d’un sème en contexte :
quand il s’agit de traits inhérents, on parle d’inhibition
(mais l’affaire est plus complexe, à suivre…). L’inhibition
empêche l’actualisation de sèmes inhérents qui sont alors
virtualisés et cette inhibition (virtualisation) peut avoir lieu
par assimilation ou par dissimilation.
- par assimilation : dans « le chevalier Bayard monte au
créneau », l’expression « monte au créneau » comprend
les sèmes inhérents /spatialité/, /architecture/, /verticalité/,
/guerre/ ; ils sont actualisés (hérités) dans « le chevalier
Bayard monte au créneau » ; en revanche, ils sont
virtualisés dans « Rocard monte au créneau » ; leur
saillance perceptive est diminuée. Le contenu ‘Rocard’
relève du domaine //politique// et induit une allotopie
générique avec le domaine //guerre// présent dans la
première phrase (allotopie : « relation de disjonction
exclusive entre deux sémèmes (ou deux complexes
sémiques) comprenant des sèmes incompatibles ; par
extension, rupture d’isotopie », FR 01). La lecture inhibe
certains sèmes qui indexent l’expression dans le domaine
//guerre// pour mettre en relief ceux qui sont compatibles
avec //politique// : on est là dans un cas d’assimilation
(présence d’un contraste sémantique fort). S’il y a
violence, elle restera verbale (usage phraséologique de
l’expression). Cependant, dans notre société, les
domaines //guerre// et //politique// sont traditionnellement
comparés et le sème /guerrier/ peut être réactivé à tout
moment (sauf si l’expression devient tout à fait figée et
lexicalisée de telle façon que son sens « premier » soit
complètement oublié). C’est pourquoi on peut aussi
considérer que dans cet exemple nous avons affaire à un
cas de propagation (cf. point c) ci-dessous) où le trait
/guerrier/ est propagé sur ‘Rocard’ à titre de sème afférent
contextuel (autre cas d’assimilation)

- par dissimilation : la dissimilation (présence de


contrastes sémantiques faibles) peut inhiber
l’actualisation de sèmes. Soit les deux énoncés que l’on
peut relever dans des menus de restaurants : « fromage
ou dessert » et « fromage ou fromage blanc » ; dans le
premier énoncé, le sémème ‘fromage’ aura aussi bien les
traits inhérents /fermenté/ que /non fermenté/ ce dernier
étant caractéristique des « fromages blancs » ;  dans le
second énoncé, les traits inhérents spécifiques de
‘fromage blanc’, du fait de la présence de ce syntagme,
sont inhibés dans ‘fromage’ qui signifie alors,
contrastivement, « fromage fermenté ». On pourrait aussi
parler de mise en saillance du sème inhérent /fermenté/
par dissimilation. 

b) les sèmes afférents socialement normés : ces sèmes


doivent être activés par le contexte  

- par assimilation : soit la phrase de Zola « Guillaume était


la femme du ménage, l’être faible qui obéit, qui subit les
influences de chair et d’esprit » (Madeleine Férat). Le trait
/faiblesse/ n’est pas un sème  inhérent de ‘femme’, il fait
partie d’une certaine conception socioculturelle de la
femme (« norme ») et sa présence est liée à une
actualisation par le contexte ; c’est le cas ici où « l’être
faible… et d’esprit » permet d’activer sur ‘femme’ le trait
/faiblesse/. Ce trait, d’ailleurs, se propage (cf. point
suivant) sur « Guillaume », le trait inhérent de /sexe
féminin/ de ‘femme’, quant à lui, étant exclu (inhibé)
puisque Guillaume est un homme.

- par dissimilation : cela peut intéresser certaines figures


classiques de rhétorique. Dans le vers de Racine :

« Un père en punissant, Madame, est toujours père »

on constate deux occurrences de « père » ; du fait du


contexte, les sens de ces occurrences se dissimilent : en
effet, le contexte « en punissant » active sur la première
occurrence le sens de /éducateur/ tandis que la fin du
vers active sur la seconde occurrence le sens de
/bienveillant/. C’est là ce que l’on appelle l’antanaclase
(acceptions différentes de deux occurrences d’un même
terme). Dans cet autre exemple, tiré de La Fontaine :

« Tout père frappe à côté »

le syntagme verbal, assez complexe, permet d’activer


simultanément sur ‘père’ les sèmes afférents /éducateur/
(« frappe ») et /bienveillant/ (« à côté »). On parle de
syllepse, lorsqu’on a deux acceptions contrastées d’une
même occurrence.

c) les sèmes afférents contextuels : ces sèmes sont


actualisés par propagation et leur rôle est primordial dans
la dynamique du sens textuel. Soit l’énoncé de J. Gracq
évoquant les littérateurs :

« Ecrivain ou plumitif, percheron ou pur-sang » (Lettrines,


II)

Cet exemple est assez complexe et on présentera une


interprétation simplifiée suffisante pour les besoins
actuels. Ce petit texte d’abord est construit sur un
parallèle de deux énoncés disjonctifs (cf. le « ou »).
Ensuite, ‘plumitif’ et ‘pur-sang’ contiennent de façon
inhérente, et respectivement, les traits /péjoratif/ (un
« plumitif » est un mauvais écrivain) et /mélioratif/, ce qui
n’est pas le cas de ‘écrivain’ et de ‘percheron’. La
structure disjonctive permet l’afférence (propagation)
de /mélioratif/ sur ‘écrivain’ et de /péjoratif/ sur
‘percheron’. Il se produit ainsi une dissimilation entre les
termes de chaque paire et une assimilation entre, d’un
côté, ‘écrivain’ et ‘pur-sang’ et, de l’autre, entre
‘percheron’ et ‘plumitif’.

Ce fonctionnement peut s’appliquer à certaines


métaphores. Dans le vers d’Apollinaire (« Zone » in
Alcools) :

 « Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce


matin »

La tour Eiffel est comparée à une bergère (la métaphore


se justifiant d’une autre métaphore avec « le troupeau des
ponts » !) ; ‘bergère’ est en quelque sorte un prédicat de
‘tour Eiffel’ ; de ce fait les traits /animé/ (dimension) et
/gardienne/ (domaine), voire /rural/ sont propagés sur
‘tour Eiffel’ (sans d’ailleurs que celle-ci perde ses traits
/inanimé/ et /urbain/).
La qualification et la prédication sont les moyens
privilégiés des afférences contextuelles. Si, dans un
roman par exemple, un personnage se trouve doté, par le
texte, de sèmes afférents contextuels, il les conservera
sauf modification (par défaut donc) dans toutes ses
occurrences ultérieures. C’est une caractéristique de la
textualité, qui permet ainsi la construction d’acteurs
(composante dialectique).

On voit que l’actualisation de tous les sèmes (inhérents et


afférents) dépend du contexte . Même les sèmes
inhérents peuvent être virtualisés par le contexte. Le rôle
du contexte est donc :

-de permettre ou d’interdire (ce mot est un peu trop fort)


l’actualisation de sèmes inhérents

-de prescrire l’actualisation de sèmes afférents


socialement normés

-de propager d’occurrence en occurrence des sèmes


afférents contextuels

L’actualisation des uns comme des autres dépend donc


du contexte, soit qu’il la prescrive, soit qu’il ne l’interdise
pas (par défaut).

L’interprétation est donc l’assignation de sens à une suite


linguistique et elle est conditionnée par une suite
d’opérations cognitives ou parcours interprétatif. Ces
derniers se fondent sur des interprétants (interprétant :
« unité du contexte linguistique ou sémiotique permettant
d’établir une relation sémantique pertinente  entre des
unités reliées par un parcours interprétatif », FR 01).

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3.2.2. Classes, isotopies , typologie sémique,


opérations interprétatives

D. Les conditions des opérations interprétatives

a) Les opérations interprétatives décrites manifestent des


régularités, non des règles, et sont soumises à conditions.
Pour déclencher le parcours interprétatif, on distingue :

-le problème qu’il a pour effet de résoudre

-l’interprétant qui sélectionne l’inférence à effectuer

-la condition d’accueil qui permet ou facilite le parcours

Il faut aussi préciser le signifié qui est la source du


parcours et celui qui en est le but.

La morphosyntaxe se définit comme un ensemble de


contraintes sur le tracé des parcours interprétatifs.

La condition d’accueil est nécessaire, mais jamais


suffisante. Elle stipule les constructions
morphosyntaxiques qui permettent le parcours. Par
exemple, il est facilité à l’intérieur du même syntagme.

Le problème interprétatif le plus simple est posé par la


discohésion sémantique, par exemple la juxtaposition de
sémèmes contradictoires. On notera toutefois, et ce point
sera explicité en licence, que toute discohésion, comme
toute cohésion, dépend d’une présomption propre à la
situation interprétative.

L’interprétant est une unité linguistique ou sémiotique qui


permet de sélectionner la relation sémique pertinente
entre les unités reliées par le parcours interprétatif. Parmi
les interprétants, les axiomes normatifs implicites (topoï)
jouent un grand rôle.

b) exemples : pour illustrer les remaniements sémiques


qui s’opèrent quand le contexte remanie les classes
sémantiques codifiées en langue, on prendra deux
exemples complémentaires.

=> Premier exemple : on peut trouver, affiché sur la vitrine


d’une buvette, l’énoncé suivant : « Bières : 0.90 € ;
Boissons : 0.60 € ». On est là devant une variété de
distinguo (strictement, la forme la plus élémentaire du
distinguo est la coordination de deux occurrences du
même lexème du type « il y a mensonge et mensonge »,
ce qui implique une dissimilation, cf. l’antanaclase et la
syllepse plus haut ; il y a plusieurs variétés : peuvent être
opposés deux synonymes* ou parasynonymes).

- le problème interprétatif ici réside dans la juxtaposition


contrastée de l’élément et de la classe (tous les
dictionnaires conviennent que la bière est une boisson).

-  la condition d’accueil est dans la distinction des deux


propositions et la structure (répétée) sujet/prédicat.

- l’interprétant comprend à la fois nos connaissances en


ce qui concerne la signification de « bière » et de
« boisson » et la distinction juridique et fiscale entre les
boissons alcoolisées et les boissons non alcoolisées, qui
fait partie des « connaissances d’univers ».

- l’opération interprétative : le terme de « boisson »


renvoie à tout liquide que l’on peut ingurgiter qu’il soit
alcoolisé ou non ; le terme de « bière » renvoie à un
certain type de boisson alcoolisée : le trait /alcoolisé/ est
un sème inhérent, hérité dans ce contexte, de ‘bière’ (si
on demande une bière dans un établissement qui ne
possède pas la licence, on vous précisera que l’on n’a
que des bières sans alcool) ; l’opération interprétative, qui
repose sur une dissimilation, actualisera sur ‘boissons’ le
sème /non alcoolisé/ ; ‘bière’ est le sémème-source de
l’actualisation et ‘boissons’ en est le sémème-cible. Bien
sûr, le sème /alcoolisé/ de ‘bière’, hérité, est mis en
saillance dans ce contexte particulier. On voit que l’affaire
est assez complexe, car les sèmes évoqués dans cet
exemple ne font pas partie de normes, mais
appartiennent à la signification en langue : /non alcoolisé/
et /alcoolisé/ sont des virtualités pour ‘boissons’, le
contexte n’en retenant qu’une. On pourrait aussi dire,
mais cela ne change pas l’explication générale, que le
sème /alcoolisé/ est virtualisé (neutralisé) dans ‘boissons’.

=> Second exemple : ce sera un peu plus complexe

 « Un opéra raisonnable, c’est un corbeau blanc, un bel


esprit silencieux, un Normand sincère, un Gascon
modeste, un procureur désintéressé, enfin un petit-maître
constant et un musicien sobre » (Antoine La Motte,
épigraphe au livret d’Alcyone, de Martin Marais).

- le problème interprétatif n’est pas tant dans la


juxtaposition, apparemment incohérente (on a
l’impression d’un coq-à-l’âne général), de syntagmes de
même type que dans la contradiction entre le substantif et
l’adjectif au sein de chaque syntagme. La plus évidente,
et c’est donc une base pour l’interprétation, est celle de
« corbeau blanc » : on a ici l’afférence d’un sème
contextuel /blanc/ qui contredit le sème inhérent /noir/ de
‘corbeau’ ; c’est aussi probablement le cas pour « un bel
esprit silencieux » où « silencieux » paraît contradictoire
avec la définition de « bel esprit » ; d’autres relèvent de
normes plus ou moins évidentes, mais pouvant être
reconstruites à partir de « corbeau blanc », puisque, par
présomption, tous les syntagmes fonctionnent de la
même façon : ainsi des topoï sont transgressés (cf. point
suivant sur les interprétants) dans « un Normand
sincère », « un Gascon modeste », « un procureur
désintéressé » et « un petit maître constant ». On peut
supposer qu’il en va de même pour « un musicien sobre »
et bien sûr pour « un opéra raisonnable » dont tous les
autres syntagmes constituent la prédication, mais là,
semble-t-il, il ne s’agit plus de normes sociales.

- la condition d’accueil est constituée par la structure sujet


(« un opéra raisonnable »)/prédicat (verbe copule + tous
les autres syntagmes), la parataxe de l’énumération qui
autorise à traiter par le même type de parcours les divers
syntagmes qu’elle juxtapose et la forme même des
syntagmes (Dét. + N + Adj.).

-  les interprétants résident dans notre connaissance


d’univers (les corbeaux sont noirs et les beaux esprits
diserts) et une série d’axiomes normatifs ou topoï, qui
témoignent de la doxa ou opinion supposée commune de
l’époque : les Normands sont hypocrites, les Gascons
vantards, les procureurs avides, les petits maîtres
volages.

- les parcours interprétatifs sont assez complexes


(attention : on ne veut pas dire que ce soit la « bonne »
interprétation ; d’autres sont peut-être possibles sur les
mêmes bases méthodologiques) et reposent sur une
série d’implications (d’inférences) du type « si… alors ».
Les résultats pourraient être les suivants :

*actualisation des sèmes inhérents /noir/ pour ‘corbeau’ et


/disert/ ou /bavard/ pour ‘bel esprit’ (il y a là des
contradictions majeures à résoudre, cf. plus bas, et on
revient à l’héritage).

*actualisation, par activation, des sèmes afférents


socialement normés /hypocrite/ sur ‘Normand’, /vantard/
sur ‘Gascon’, /avide/ sur ‘procureur’ et /volage/ sur ‘petit-
maître’.

*actualisation, par propagation, des sèmes afférents


contextuels /buveur/ sur ‘musicien’ et surtout
/déraisonnable/ sur ‘opéra’. On notera que le syntagme
initial et le syntagme final relèvent du domaine //musique//
et qu’il y a un certain rapport entre l’ivresse et la
déraison !

Il s’agit d’évaluer la relation entre « opéra » et


« raisonnable » (qui ne présente pas de caractère
contradictoire) à l’aune de syntagmes prédicatifs qui
offrent des contradictions internes. Nous laissons de côté
le fait qu’il pourrait s’agir d’oxymores recevables dans un
certain type de discours (poétique, par exemple) ; nous
sommes ici dans un discours de type persuasif qui essaie
de défendre une certaine conception du genre opéra dans
une épigraphe (il y a donc ici un aspect dialogique sous-
jacent) et qui en « rajoute » pour persuader (« un opéra
raisonnable, c’est un corbeau blanc » aurait pu suffire
pour entendre le propos) ; les syntagmes prédicatifs sont
des contre-vérités (universelles ou sociales), des
paradoxes et, étant donné la relation équative du prédicat
copule, le syntagme « un opéra raisonnable » est aussi
une contre-vérité. Mais le caractère déraisonnable de
l’opéra, revendiqué ici, va à l’encontre de l’opinion et le
« paradoxe » est reconduit… D’une certaine façon, le
travail textuel vise à faire passer le sème /déraisonnable/
du statut de s.a.c à celui de s.a.s.n, voire à celui de s.i. !

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3.2.3. Analyses textuelles

Nous envisagerons des textes publicitaires surtout et


quelques textes littéraires.

A. Relations de sens (polysémie, antonymie,


hyperonymie/hyponymie pour les exemples traités)

a) « A ce prix-là, elle ne devrait pas être à ce prix-là »


Il s’agit d’une affiche publicitaire pour les magasins E.
Leclerc comportant, outre l’énoncé, la représentation
d’une bague accompagnée de l’indication de son prix.

Il s’agit évidemment de la relation de polysémie (on


notera toutefois qu’elle concerne tout un syntagme et non
un seul mot) ; le problème interprétatif réside dans cette
apparente tautologie au sein d’une même phrase
(condition d’accueil) qui induit une lecture dissimilatrice.
L’interprétant est essentiellement représenté par ce que
l’on sait de la politique commerciale des magasins
Leclerc, offrant des produits de qualité à des prix défiant
toute concurrence (prenant le contre-pied d’un topos
général, au sens argumentatif cette fois et à valeur
d’interprétant aussi, selon lequel si un produit est de
bonne qualité alors il est cher : cet aspect dialogique
ressort de la structure modale et négative « elle ne devrait
pas »). Il semble raisonnable de penser que la seconde
occurrence de « à ce prix-là » renvoie à la valeur
marchande du bijou (localisation de la source) et donc
que sur la première occurrence est actualisée
(localisation de la cible) la valeur non marchande
(sème /précieux/ ou /prestigieux/). Se trouvent conciliées
qualité et modicité. Toutefois, le sens non marchand est
surtout représenté par « de ce prix-là » postposé : on a
affaire à une polysémie créée (avec la figure de
l’antanaclase) et la phrase est plutôt bizarre…

b) « Vous choisissez entre confort et beauté ? Moi pas. »

Il s’agit d’une affiche publicitaire pour une marque de


soutien-gorge dont l’image représente une jeune femme
au buste revêtu de ce type de soutien-gorge et qui est
censée prononcer la phrase ci-dessus.

L’antonymie ressort du choix exclusif, présenté


syntaxiquement, qu’il y aurait à faire, selon un certain
univers de croyance dans lequel le personnage de
l’énoncé croit ou feint de croire que le destinataire de
l’énoncé pourrait se trouver (dialogisme simulé) pour
mieux le provoquer ou le séduire, entre confort et beauté.
Cette antonymie n’appartient pas à la langue, mais au
discours examiné qui réfère à une forme de doxa
(critiquée ici) qui s’expliciterait dans un topos (à valeur
d’interprétant) : plus un soutien-gorge est confortable,
moins il est beau – et probablement inversement. Ce type
de structure appartient au sens commun et est à relier
aux réflexions actuelles des sémioticiens sur la valeur et
la valence : ce qu’on gagne d’un côté, on le perd
fatalement de l’autre. Cette antonymie discursive est
(donnée comme) présupposée. On notera aussi que les
sémèmes ‘beauté’ et ‘confort’ ne s’opposent pas
axiologiquement, ils sont tous les deux positifs.
L’antonymie n’est pas à ce niveau-là mais tient au
caractère (présupposé) inconciliable entre valeur
esthétique et pragmatique (peut-être sommes-nous au
niveau des dimensions). Le discours publicitaire mis en
scène récuse la fatalité de cette antonymie pour proposer
une conciliation (qui s’apparente à une forme
d’assimilation) entre ces valeurs senties communément
comme contradictoires (conciliation relevant de l’utopie,
comme dans les mythes, entre valeur pratique et valeur
esthétique ; cf. aussi l’exemple publicitaire précédent). La
persuasion repose sur un travail sur les structures
sémantiques. On peut peut-être distinguer entre un
discours-source (opposant les valeurs et dévalorisé) et un
discours-cible (conciliant les valeurs et valorisé).

c) « Au lieu d’acheter une voiture, achetez une Saab »


(affiche publicitaire pour une voiture Saab) et « Quand on
est devant Canal +, au moins on n’est pas devant la télé »
(publicité pour la chaîne C+).

C’est la relation hyperonymie/hyponymie qui est


concernée dans ces deux exemples. Le problème
interprétatif réside dans l’opposition (illogique) de
l’élément (C+, Saab) et de la classe (télé, voiture) ; la
condition d’accueil est représentée, dans une même
phrase, par la matérialisation syntaxique de l’opposition
(« au lieu d’acheter X, achetez Y », « quand on est devant
X, au moins on n’est pas devant Y ») ; l’interprétant réside
dans nos connaissances encyclopédiques (on sait que
Saab est une voiture et que C+ est une chaîne de télé) et
probablement aussi dans des contraintes juridiques
pesant sur la publicité comparative ; l’énoncé veut
signifier que Saab n’est pas une voiture et que C+ n’est
pas de la télé : ce sens (l’élément n’appartient pas à la
classe) s’oppose à notre savoir. D’une certaine façon,
l’hyponyme privilégié (Saab et C+) sort de la classe (cette
logique différenciatrice symbolique du produit n’est pas à
négliger) et surtout devient un antonyme de la classe
globalement, de l’hyperonyme (Np vs catégorie). On a
affaire à un phénomène de dissimilation, avec
actualisation par propagation des sèmes /haute qualité/
ou /prestige/ sur des termes-cibles (‘C+’ et ‘Saab’) et des
sèmes /moindre qualité/ ou /moindre prestige/ sur des
termes-sources (‘télé’ et ‘voiture’). On remarquera que de
toute façon se reconstitue une catégorie qui comporte un
axe commun /qualité/ qui se décline en /degré bas/ vs
/degré haut/ et que les termes opposés appartiennent de
toute manière à la classe générique (voiture, télé).

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3.2.3. Analyses textuelles

B. Classes, isotopies, parcours interprétatifs

a)  « Du pain, du vin, du Boursin » entrée dans la classe


(vs sortie de classe in Saab, C+…)

- Problème interprétatif : peut-être y a-t-il in effet de


surprise dans cette extension d’une classe fermée « du
pain, du vin » (et juxtaposition catégories « pain » et
« vin » et élément d’une catégorie « Boursin »).
Domaine //alimentation// et taxème //aliments// : mais ici,
plutôt qu’une succession ou une relation paradigmatique
de type hyperonymie/hyponymie et qui repérerait comme
sp /ce qui se boit/ (à base de raisin, le « vin » qui ferait
lien avec les deux autres composants) et /ce qui se
mange/ (à base de farine ou de lait), c’est ce qui va
ensemble au cours d’une phase – terminative – d’un
repas à la française. Pain et vin accompagnent en fait le
Boursin (élément principal).

- Condition d’accueil : énumération de 3 SN sur le même


plan (avec « du » partitif et effets des récurrences nasales
identiques) – 3 noms communs (même classe) : en fait
« Boursin » est un nom propre devenu nom commun
(antonomase catégorisante). En fait chaque élément se
présente comme un élément représentatif de classe
(classe du pain, du vin et du fromage ; le Boursin est en
quelque sorte un parangon de la classe des fromages).

=> source : pain et vin ; cible : Boursin

- Interprétants et opérations interprétatives : (noter qu’ici


le nouveau taxème « se tient » tous les termes relevant
de l’alimentation, à l’inverse de ce qui se passe pour
« amour fraternité et mayonnaise » - interprétation non
vraiment contrainte, cf. pas de véritable problème…) : les
interprétants sont ici d’ordre encyclopédique :

sur un plan profane, le pain et le vin représentent des


symboles d’une alimentation (française) traditionnelle et
comportent un trait /essentialité/ ; sur un plan religieux (cf.
l’eucharistie), ils comportent un trait /sacré/ (tradition
alimentaire et religion valant sga) ; les éléments du
taxème profane comme ceux du taxème religieux sont
valorisés ; on est là au niveau de sasn [mais qui ne sont
pas prescrits par le contexte ; ils servent d’interprétant et
peut-être ont-ils le statut de si sociolectaux ?]. Ces deux
interprétants ne sont pas exclusifs l’un de l’autre (il est
courant en publicité de mêler le pratique et le mythique,
mais ici, en outre, les deux plans sont quelque peu
« mythiques »). A partir de ces valeurs socialement
normées, il se produit (assimilation) une propagation des
traits /essentiel/ et /sacré/ sur « Boursin ». Ce sont en fait
ces sac les plus importants dans la pratique publicitaire
(qui englobe tradition et religion, ou deux traditions –
jonction de domaines ?) de valorisation (c’est le connotatif
qui passe au premier plan ainsi que Boursin dans la liste).

Ces traits communs (/essentiel/, /sacré/, mais je pense


que c’est le premier qui opère surtout ; c’est plus distancié
pour le second), ne sont pas pour autant génériques, car,
dans la perspective publicitaire de promotion, le produit
promu (de marque) se doit d’être particulièrement
valorisé ; il est intégré à une classe qui lui confère cette
valorisation, mais on peut penser qu’il est plus valorisé
que les autres. Il y aurait donc une différence de degré
entre « du pain, du vin » d’un côté, et « du Boursin » de
l’autre (spa). Une accentuation valorisante caractérise
aussi bien l’entrée dans la classe que la sortie de classe.

C’est à revoir, car assez complexe

b) « les hommes aiment à être éblouis mais non pas


éclairés » (Proudhon, 1809-1865)

- condition d’accueil : structure morpho-syntaxique de la


phrase qui présente une disjonction (mais réfutatif).

 - problème : vient de cette mise en opposition de deux


termes (éblouis/éclairés) dont le premier, dans une
certaine interprétation (physique, sensorielle), n’est
qu’une intensification du second (ébloui présuppose
éclairé) ; de plus, dans ce cadre sensoriel, ébloui peut
avoir une valeur négative (j’ai été ébloui etc.).

- interprétant : essentiellement le genre (gnomique, cf


« les hommes » et le présent de vérité générale) de cet
énoncé qui invite à une interprétation « morale ».

- opération : lecture dissimilatrice. Cette isotopie de la


« lumière » se répartit sur des dimensions/facultés
différentes (sensation, impression vs jugement) avec
probablement des actualisations réciproques des traits
dimensionnels (chaque terme étant à la fois source et
cible) ; sens figuré dans les deux cas. Un premier
problème porte donc sur la dimension sur laquelle on doit
lire ces termes. Ensuite, propagation de /+mélioratif/ sur
« éblouis » et de /-mélioratif/ sur « éclairés » (c’est le
point de vue des « hommes » et, dans cette
interprétation, l’intensification ne semble jouer qu’à un
niveau superficiel : on n’est pas sur le même plan, mais je
ne suis pas sûr). Le point de vue de l’énonciateur inverse
les valeurs (il vaut mieux être éclairé qu’ébloui)].

c)

« Les femmes regardaient Booz plus qu’un jeune


homme
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est
grand
Le vieillard qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours
changeants,
Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes
gens,
Mais dans l’œil du vieillard on voit de la
lumière »         

V. Hugo, Booz, fin

Même isotopie et topos que précédemment


(hommes :moraliste ::jeunes gens :vieillard). Le contexte
restreint – « aux yeux »/ « dans l’œil » : faire un sort à la
différence pl/sg ici aussi bien que dans «des  jeunes
gens » vs « du vieillard » - sélectionne semble-t-il les
acceptions de « flamme et de « lumière » ; c’est évident
pour « flamme » dont est actualisée l’acception « éclat,
brillant» - en parlant des yeux, acception non enregistrée
comme figurée dans le dictionnaire – voire l’acception
abstraite (décrite comme figurée dans le
dictionnaire) « ardeur, feu » (+ amoureux, cf. contexte
large ici) ; pour « lumière » le sens physique est présent
mais il se double surtout, contrastivement par rapport à
« flamme », d’un sens abstrait de type /sagesse/,
/maturité/, /divin/ cf. « éternels ». Diverses afférences se
produisent du fait du contexte local :

- aspectuelles : pour « flamme » : /discontinu/ (cf.


pluriels), /intensité +/, /instabilité/ cf. « changeants » ; pour
« lumière » : /continu/ (cf. sg), /intensité -/, /stabilité/ cf.
« jours éternels » etc.

-  axiologiques : articulation autour des valeurs


sémantico-pragmatiques des « mais » qui opposent non
pas du dévalorisé et du valorisé, mais du moins valorisé à
du plus valorisé (afférence en contexte), de façon
graduelle. Construction axiologique contextuelle qui
relève d’un processus tropique.

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SÉMANTIQUE TEXTUELLE 1

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Bibliographie thématique :

CHISS, J.-L. et alii. 1977. Linguistique française : initiation


à la problématique structurale, Paris, Hachette (tome 1,
3ème partie).

MAURAND, G. 1992. Lire La Fontaine (analyses de


fables), Toulouse, CALS.

RASTIER,  F. 1987. Sémantique interprétative, Paris,


PUF.

------------------ 1989. Sens et textualité, Paris, Hachette


(ouvrage particulièrement recommandé).
TAMBA-MECZ, I. 1994. La Sémantique, PUF, Coll. Que
sais-je.

=> Lexicologie :

PICOCHE, J. 1977. Précis de lexicologie française ,


Paris, Nathan.

NIKLAS-SALMINEN, A. 1997. La lexicologie, Paris,


Armand Colin (Cursus).

LEHMANN, A. et MARTIN-BERTHET, F. 2000.


Introduction à la lexicologie – sémantique et morphologie,
Paris, Nathan (Lettres Sup.).

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 Quels présupposés des méthodes


de traduction et d’analyse des textes
bibliques ?

Gaëll Guibert, Equipe LaLICC


Langage, logique, informatique, cognition et
communication
UMR 8139 - CNRS/Paris-Sorbonne
Résumé

Une question peut être posée eu égard à l‘analyse de textes


bibliques, lorsqu’on étudie le discours résultant de
l’application de certaines méthodes ou même dans le cadre
de la traduction d’un texte. Peut-on déceler une pré-
compréhension, une interprétation tacite du texte qui
jouerait le rôle d’un présupposé par rapport à l’analyse de
texte mise en œuvre ? En ce cas, comment qualifier les
résultats d’une telle traduction ou d’une telle analyse ?
Qu’apportent des présupposés, s’il en existe, à la mise en
œuvre d’une traduction ou d’une analyse textuelle ? Faut-
il chercher comment éviter cette mise en œuvre de
présupposés dans l’analyse textuelle et pourquoi ? telles
sont les questions que nous soulevons, sans pouvoir toutes
les résoudre, dans cet article.

Introduction

Nous voudrions exposer quels peuvent être les


présupposés de la traduction et des méthodes d’analyse
littéraire ou sémiotique, afin d’interroger sur la possibilité
d’une analyse du texte libérée de ces présupposés. De tels
présupposés existent-ils ? Quels sont-ils en ce cas ?
Comment influent-ils sur les résultats obtenus par
l’application de la méthode ou de la traduction qui
comportent de tels présupposés interprétatifs ? Si tel est le
cas, que dire des résultats obtenus vis à vis du texte ? Tout
d’abord, faut-il proposer une traduction sans présupposé
interprétatif ? Cette traduction serait-elle seulement
possible étant donné le travail du traducteur :
compréhension du texte-source, reformulation dans le
texte-cible.

AS/SA nº 18, p. 67

Que dire également, de la méthode utilisée : celle-


ci doit elle avoir des présupposés propres au fait qu’il
s’agit de tel ou tel texte dans tel ou tel genre littéraire :
texte narratif, texte technique, texte biblique ? Doit-on
accepter les résultats obtenus sans critique si la méthode
utilisée pour les obtenir met en œuvre des présupposés de
toute sorte ? identifier de tels présupposés ne revient-il pas
alors à pouvoir utiliser la méthode en connaissant à
l’avance le statut relatif des résultats obtenus ? Enfin, quel
genre de présupposé, une fois décelé, permettrait de mieux
juger le résultat de la méthode, et quel serait le genre de
présupposé capable d’être bénéfique au résultat de
l’application obtenu, à la connaissance donc ? en d’autres
termes, faut-il les déceler pour les éliminer ou sont-ils
profitables d’un point de vue épistémologique ?
Finalement, quels sont les présupposés mis en
œuvre par l’analyse exégétique ? Ces présupposés
existent-ils, et quelle est leur nature ? Sont-ils toujours
présents ? En quoi diffèrent-ils du “ point de vue ” qui
caractérise l’approche par rapport à la méthode, tandis que
l’application méthodique n’en comporterait pas ? La
question du présupposé épistémologique des méthodes
mises en œuvre sur les textes est importante. Il faut
également étudier plus en détail les présupposés mis à
l’œuvre dans l’application de la sémiotique et de l’analyse
de la conversation. Nous aboutissons ainsi à soulever des
questions épistémologiques et à réfléchir au type de
connaissance ainsi construit. Puis, nous essayons de
définir des critères de scientificité, pour le discours de
l’exégèse, en continuant à nous interroger sur son type
spécifique s’il existe. Nous nous interrogeons alors sur
l’objet et les méthodes qui pourraient s’y appliquer, où ces
derniers se trouvent définis et quelle pourrait être l’utilité
de ce type d’approche.

Les méthodes linguistiques, utilisées actuellement


par l’exégèse, outre la sémiotique, concernent la
traduction du texte, la conversation parlée à laquelle on
peut le rapporter, ou encore le niveau narratif du texte. Ces
méthodes travaillent au niveau du texte littéraire, en
synchronie (au sens du mot dans l’exégèse, sur le texte
final) et au niveau historique, qui concerne encore la
construction littéraire.
La traduction travaille sur la sémantique, afin de
donner, dans une langue d’arrivée, les mêmes sens des
mots, des phrases et de l’ensemble du texte, qu’ils
comportaient dans une langue de départ. Ce niveau
sémantique du texte est élargi, ensuite, dans le cas de
l’étude de Meschonnic, qui étudie la rythmique du texte de
départ, en plus de sa sémantique. Puis, des études comme
celle de Person font droit à l’aspect pragmatique du texte,
et non plus seulement à la traduction. Ainsi, ils étudient le
texte dans sa dimension communicative, même si celui-ci,
en temps qu’écriture, rompt au contraire avec la dimension
du texte, comme échange parlé. L’analyse du texte, au
niveau pragmatique, commence à intégrer la dimension de
l’auteur implicite, et du lecteur impliqué, comme éléments
actifs, pour établir le sens du texte. Enfin, l’étude du texte
au niveau narratif, en temps que pièce de littérature,
comme le propose G. Genette, est effectivement réalisée.
Cette étude au niveau narratif est également étudiée par
J.M. Adam : la « stratégie narrative » se présente comme
une recherche de la cohérence (Adam 1985 : 7).
Ces différentes études ne sont pas sans rappeler
l’essai sémiotique de Greimas. En effet, la sémantique et
la narratologie étaient également des domaines internes,
d’une analyse sémiotique, menée au niveau littéraire. Ces
domaines ne pouvaient être couverts par l’analyse de
l’énonciation, ou toute analyse spécifique des
significations internes au texte, comme système de
signifiants. Le problème de la traduction n’était pas
davantage analysé, il relève du problème linguistique
spécifique, puisqu’il concerne le texte et son sens. Le
problème de l’intégration de l’aspect pragmatique était, en
revanche, soulevé par l’analyse sémiotique. Cet aspect est
donc, de plus en plus, intégré dans l’analyse sémiotique.
Mais voyons de plus près les domaines respectifs de la
traduction, de l’analyse pragmatique et de la narratologie,
en temps que procédés linguistiques et sémiotiques, à
l’œuvre dans l’analyse actuelle des textes, qui sont
éventuellement appliquées à des textes bibliques.

AS/SA nº 18, p. 68

A titre d’exemple, l’ensemble des traductions ou analyses


présentées au cours des pages suivantes, porteront sur le
livre de Jonas1[1]. De cette façon, il sera possible de
comparer les résultats entre eux, puis de comparer avec la
méthode linguistique proposée dans la deuxième partie. Le
lecteur se remémorera ce texte en n’importe quelle Bible,
pour mieux comprendre les analyses suivantes.

o 3.1. Le problème de la traduction

1
Une traduction, si proche d’un texte qu’elle soit,
pose cependant de nombreux problèmes. Celle-ci ne peut
jamais trouver l’équivalent dans une langue étrangère de
la totalité du signifiant langagier d’un texte. Etienne Nodet
signale que le surplus de signifiant résiste à l’audition, ou
à la lecture d’un texte, résiste à la traduction. C’est
d’autant plus vrai, selon lui, que la langue est inconnue ou
morte ; le signifié devient infime (Desclés 2000). Cette
réalité de la résistance doit être prise en compte a fortiori
dans le cas de l’hébreu biblique, même s’il s’agit d’une
théorie générale.
En effet, une belle traduction, par exemple, est une
reconstruction dans une autre langue d’idées perçues dans
l’enchaînement de mots de la langue originale (Greenstein
1989: 97) Pour G. Mounin, dans les problèmes de la
traduction, « si elle est belle, elle est infidèle, si elle est
fidèle, elle n’est pas belle ». Plus cette traduction du texte
tend à s’écrire de façon littéraire dans une langue
étrangère, plus elle risque de s’éloigner par rapport au
texte de départ, dans la langue en laquelle le texte a été
écrit (Meschonnic 1970 : 413)2[2]. En tous cas, elle exige
de trouver des équivalences en passant d’une grammaire à
une autre; or, celles-ci n’existent pas toujours (Nida, Taber
1969: 12)3[3].
Toutefois, une traduction qui renonce à une certaine
esthétique du langage, en essayant d’être plus littérale, ne
vaut en réalité pas mieux qu’une belle traduction : il s’agit
2[2] Meschonnic 1970, p. 413: “ Si le découpage du réel n’est
pas le même d’une langue à l’autre, la traduction, suivant
l’évolution même de l’anthropologie, n’a plus à être annexion,
mais rapport entre deux cultures - langues: non la disparition
fictive de l’altérité, mais la relation dans laquelle on est, ici et
aujourd’hui, situé, par rapport au traduit. La traduction alors
n’est plus la “ belle infidèle ”, mais la production et le produit
d’un contact culturel au niveau des structures mêmes de la
langue. ”
3[3] “ Such a restructuring is fully justified, for it is the closest
natural equivalent of the source-langage text. ”
seulement d’un outil qui permet de comprendre le sens
global d’un texte; c’est le cas de celle que nous proposons
ici, qui ne recherche pas à être écrite dans un français
littéraire. Elle nous permettra seulement de comprendre
quelle est la nécessité de concevoir d’autres voies de
compréhension d’un texte en langue étrangère que celle de
la traduction. Cette dernière peut cependant être conservée
à titre d’outil, puisqu’elle instaure une relation entre une
langue de départ et une langue d’arrivée (Meschonnic
1970 : 345).
Le problème du texte soumis à différentes traductions,
en diverses langues humaines, est qu’il s’exprime, de cette
manière, au niveau du phénotype ; or, sachant qu’il existe
un langage génotype, il est possible de travailler, dans une
langue donnée, à un niveau différent de l’épiphénomène
de la traduction. La première analyse que nous
effectuerons, sera celle d’un texte soumis à différentes
traductions. Le texte que nous choisirons comme texte de
référence pour nos applications est celui de la T.O.B., tout
en restant conscients de la justesse de certaines remarques
par exemple d’un Massignon (cité dans Meschonnic
1970 : 412)4[4], qui nous invitent à formuler d’autres
propositions que celle d’une traduction.

AS/SA nº 18, p. 69

Par exemple, la traduction de la T.O.B. n’accepte


pas les expressions littérales telles que “ la chaleur de son
nez ”, désignant la colère de Dieu et ne la mentionne qu’en
note. De même, “ les buées de néant ”, expression

4[4] Massignon, cité dans Meschonnic 1970, p. 412:


“ L’incommensurabilité entre la logique grecque [...] et la
grammaire sémitique. ”.
hébraïque désignant les idoles, n’est pas traduite de façon
littérale. Certaines expressions idiomatiques sont en effet
intraduisibles en français. Il suffit de comparer deux
traductions d’un même texte pour apercevoir qu’elles
peuvent diverger, par rapport au texte d’origine. Une
traduction travaille avec une « langue source » et une
« langue d’arrivée » (Meschonnic 1970 : 365). Elle
comportera toujours un écart par rapport à l’expression
première du texte dans une langue étrangère; toute notre
approche cherchera donc à cerner des invariants. En vue,
d’une part, d’une compréhension du texte dans sa langue
d’origine; et d’autre part, d’une modélisation plus
formelle, allant vers un traitement informatique du
langage. Nous verrons donc comment analyser un texte
par un autre moyen que celui de la traduction (Desclés
1995 : 53-81).
Un enjeu réel de traduction peut apparaître lorsque la
traduction réalisée affecte le sens du verset. D’une part, en
ce qui concerne la réalité sémantique du verset, d’autre
part en ce qui concerne le sens théologique que l’on peut
en dégager. Des problèmes célèbres de traduction existent,
tel que le fameux Ex 3 : 14, où le ‘ehye hébreu fut traduit
par o on en grec, et où la compréhension du verset devint
‘Dieu est l’être’. Il s’agit d’un problème grammatical qui
se règle au niveau 2 (génotype). Un autre exemple propose
un problème lexical : le texte d’Isaïe 7 : 14 déjà cité,
mentionnant la “ almah ” hmly ((« Jeune fille ») dans
l’A.T. en langue hébraïque, traduit « parthenos » parqenov
((« Vierge » puis « Jeune fille ») dans la Septante en grec.
Ce terme a été lu, compris et traduit dans la T.O.B. par
« vierge » dans le N.T. (Mt 1 : 23 citant Is 7 : 14 en grec,
mentionne la parthenos du grec de l’A.T.), comme si le
mot hébreu était bethoula hlwtb (« Vierge ») et non almah
(« Jeune fille »). Pourtant Isaïe avait le choix, puisqu’en
23 : 12, il mentionne bethoula hlwtb (« Vierge ») pour la
fille de Sidon. Dans le N.T., en Lc 1 : 27,  parthenos,
parqenov ((« Vierge ») est choisi pour dire « une vierge
fiancée à un homme, son nom Joseph », puis « le nom de
la vierge était Marie », choix du terme confirmé par le
verset 1 : 34 où Marie dit : « Comment cela peut-il être,
puisque aucun homme ne m’a pénétrée ? ». Or la
traduction du N.T. Hébreu des juifs messianiques est
“ almah bethoula ” hmly (hlwtb (« Jeune fille vierge »),
puis “ almah shema ” hmX hmly « son nom était Marie »,
traduit « Jeune fille » dans la T.O.B., dont la note précise
que le verset 1 : 34 lève toute ambiguïté : c’est une vierge.
Mais encore, toujours dans le grec de l’Evangile ou du
N.T., le « achréion doulon » de Mt 25 : 30, acreion doulon
“ serviteur inutile ”, qui était en réalité un « simple
serviteur » (c’est-à-dire un serviteur « sans intérêt »).
Des difficultés de traduction peuvent être réelles,
soit parce que le mot original est trop ancien et qu’on en a
perdu l’usage au moment où est réalisée la traduction, soit
qu’un sens possible est compris en fonction du contexte
alors qu’un autre sens devait en réalité être attribué au mot
qu’on a traduit. Ou encore, le mot que l’on doit traduire
n’a pas d’équivalent dans la langue de traduction, soit que
l’objet n’y existe pas concrètement, soit que son concept
ne fasse pas partie des concepts de la langue de traduction.
En ce sens, le passage d’une langue à l’autre pose
problème pour toutes sortes de raisons.
Les problèmes posés par la traduction existent dans le
domaine de l’exégèse biblique. Par exemple, certaines
structures grammaticales existent dans une langue-source,
et pas dans une langue-cible (Nida 1980 : 162). Une
nouvelle traduction doit par ailleurs répondre à certains
critères d’acceptabilité (Nida 1996 : 233) ; comme si le
principe de canonicité pouvait s’appliquer aussi aux
traductions des textes bibliques. La traduction fut un outil
politique au 18° siècle (Chedozeau 1992 : 127) ; mais
aujourd’hui, certaines sont scientifiques ou littéraires
(Gueunier 1997 : 265) ; les unes privilégient le texte-
source, les autres le texte-cible (Gueunier 1997 : 261).
Manifestement, la formation exégétique du traducteur est
prépondérante, par rapport à sa formation de traducteur
(Margot 1979 : 30). Mais C. Taber pense que ce devrait
être le contraire (Margot 1979 : 35). Nida soulève le
problème de l’analyse componentielle dès 1975 ; ainsi que
celui de la signification, faisant appel à des bases
linguistiques (Nida 1975 : 64).

AS/SA nº 18, p. 70

La traduction évolue ensuite, en tenant mieux compte


des contextes, et en traduisant des écarts (Escande 1978 :
353, 355) qui existent, entre la représentation et la
réception. Enfin, le contexte de départ est considéré
(Carroll 1996 : 259). Toujours est-il qu’une analyse
exégétique fait partie de la traduction, en tant
qu’interprétation du texte à traduire (O’Donnell 1999 :
165). Tel est aussi le sentiment de J. Barrie Evans, alors
même que l’environnement cognitif généré par le texte
doit être pris en compte (Evans 1997 : 129, 137). Puis, la
participation du lecteur devient nécessaire au procès de
communication ; l’équivalence dynamique ne suffit plus
(Lategan 1993 : 171). L’équivalence transitionnelle
représente alors la signification (Louw 1991 : 130), qui est
le contenu à communiquer, dont les mots ne sont que les
représentants. Mais, pour Greimas, cette traduction n’est
jamais innocente ; elle re-crée toujours le sens (Greimas
1983 : 2, 10), même si elle n’a plus les mêmes fins qu’au
18° siècle.
Par exemple, le manuel à l’usage du traducteur du livre
de Jonas est destiné à aider à la traduction du livre de
Jonas de l’hébreu en français (Price, Nida, Peter-Contesse
1997 : 125p). L’introduction qu’il comporte débute
l’ouvrage, par une relation au sujet du message du livre de
Jonas. Puis, la structure et le titre du livre de Jonas sont les
critères qui suivent la question du message, dans
l’introduction. Le message du livre concerne
préférentiellement deux points du livre de Jonas, qui sont
deux points de la théologie proposée par ce Le
commentaire se veut être un ouvrage linguistique, destiné
à aider les traducteurs dans leur travail. Sa seconde
préoccupation est de savoir quelle est la structure du livre
de Jonas, en tant qu’œuvre littéraire. En effet, deux parties
sont visibles, la première comprenant les chapitres 1 et 2,
la seconde, les chapitres 3 et 4. Dans les chapitres 1 et 3,
Jonas se trouve en compagnie des marins et des ninivites,
tandis qu’aux chapitres 2 et 4, il se trouve seulement en
présence du Seigneur.
Enfin, “ En hébreu, le livre s’achève sur une
question rhétorique, mais la réponse implicite est claire. ”
(Price, Nida, Peter-Contesse 1997 : 11-12). Au terme de la
détermination de la structure, une question rhétorique se
fait jour, cette question est étroitement corrélée à la
structure de surface du texte, qui s’achève ainsi sur une
ouverture. D’autres y perçoivent la stratégie de
communication de l’auteur du texte, avec le lecteur de
cette histoire, qui s’y trouve ainsi progressivement
impliqué. De fait, la question posée laisse le lecteur face à
un choix, ce choix peut être, tout d’abord, celui de la fin
de l’histoire. Ensuite, il peut être celui du lecteur qui s’est
mis à la place de Jonas. Le commentaire proposé par ce
manuel parcourt les différentes possibilités de traduction, à
partir de l’hébreu, dans différentes langues. Ces diverses
traductions sont envisagées, de façon à rester le plus fidèle
possible à la langue-source. Mais, ce faisant, il prend
nécessairement des options sur le sens du texte; il réalise
donc, simultanément aux propositions de traduction qu’il
formule, des choix interprétatifs. Ce manuel, qui se veut
linguistique, donc être une étude de langue, manifeste tout
à fait à la fois qu’il existe un réel problème de traduction,
et que le passage d’une langue-source à d’autres langues
ne va pas de soi. Ce passage nécessite une interprétation
des expressions de la langue de départ, puis un choix de
l’expression la plus appropriée, dans la langue d’arrivée.
Mais, d’une part, l’interprétation de l’expression ou du
syntagme, dans la langue de départ, relève de l’attribution
d’une sémantique aux mots considérés, donc il s’agit
d’une interprétation. D’autre part, le choix du syntagme,
de l’expression ou de la périphrase dans la langue
d’arrivée relève du seul choix du traducteur, ou de
l’équipe chargée de la traduction. Pour cette raison, le
choix du mot correspondant conserve toujours quelque
chose d’arbitraire. Il est aussi lié au contexte, car tout texte
est considéré, non pas “ en lui-même ”, mais dans un
contexte, où il entre en résonance avec d’autres textes, à
travers divers phénomènes, tels que la citation, le motif
récurrent d’un texte à l’autre, un palimpseste ...

AS/SA nº 18, p. 71

Dès le titre, le traducteur commence par effectuer des


choix, dont il doit pouvoir rendre compte, mais dans
lesquels, comme en tout choix, est une part d’arbitraire,
relevant de la subjectivité. Car, certains mots sont
effectivement traduits différemment, par d’autres
traducteurs; cette traduction différente, est tout aussi
argumentée, et relève tout autant, en dernière analyse,
d’un choix arbitraire. Ces deux raisons principales font de
la traduction, fut-elle linguistique, un projet
problématique, qui renvoie les linguistes et les logiciens à
la possibilité du choix. Or, le choix est ce qui, finalement,
explique mieux que tous les autres arguments, les mots
préférés par les traducteurs, parmi d’autres mots. Ces
choix sont, certes, justifiables par le groupe auquel le texte
d’arrivée est censé s’adresser, qui diffère s’il s’agit de la
Bible de la Pléiade ou de la Bible en français courant.
Ce type de choix présuppose, d’une part, qu’il existe
des bons et des mauvais choix, en matière de traduction.
D’autre part, les choix de traduction présupposent que le
sens du verset, ou de l’expression, en langue originale, est
parfaitement éclairci, ou tout au moins, que l’on a opté
pour la solution la plus simple, ou la plus claire. Donc,
tout d’abord, si certains choix sont finalement meilleurs
que d’autres, c’est donc qu’il existe de bonnes et de
mauvaises traductions. Pour cette raison, les traductions
sont sans cesse refaites, parce qu’elles sont susceptibles
d’être améliorées. Les critères qui permettent d’évaluer si
une traduction est bonne ou mauvaise, sont établis par les
différents groupes de traduction; ceux-ci critiquent, avant
de proposer une nouvelle traduction, les traductions
anciennes. De bons critères de traduction sont donc
présupposés, d’où il est possible de conclure qu’il existe
une certaine forme de correspondance, entre les langues
humaines.
Or, les logiciens et les linguistes contestent, de plus en
plus, ce fait que les traducteurs croyaient acquis. De
l’hypothèse d’un mentalais, en passant par des
correspondances de catégories de pensée, d’une langue à
l’autre5[5]. Cette correspondance, presque automatique,
d’une langue à une autre, est de plus en plus controversée.
Depuis trente ans déjà, d’autres hypothèses sont discutées.
Par exemple, pour la position universaliste (langage
interne), le système central de la pensée (Fodor) est relié
au système périphérique linguistique, par la forme

5[5] Desclés 2001, sur la position anti-relativiste ou


universaliste. Pour cette hypothèse, il existe des représentations
cognitives universelles, il existe un langage de la pensée
indépendant de toutes les langues. Ce langage de la pensée a
une structure logique, le « Mentalais » (Fodor) universel est un
langage interne dans lequel on représente toutes les expressions
des langues.
logique : constituée de concepts, celle-ci (Sperber et
Wilson) est le correspondant logique d’une représentation
conceptuelle (Moeschler 1989 : 125). En tant que concept,
une représentation mentale est générique (détermine des
catégories, des classes extensionnelles d’individus,
satisfaisant les informations contenues dans la
représentation mentale correspondante) ou spécifique
(identifie un individu) (Reboul 2000 : 13). Elle semble
pourtant acquise, pour les traducteurs bibliques, qui ne
font jamais référence à la possibilité d’invariants du
langage. Ce premier présupposé de la traduction biblique,
même si elle se veut correspondre au sens du texte de
départ, est sans doute une présomption par rapport à ce
qu’elle peut faire. Le second présupposé de ces traductions
est dans le fait qu’une correspondance existe, malgré tout.
Mais, les traducteurs ne font pas toujours état de la nature
de cette correspondance, qu’ils jugent pourtant avérée.
Leurs options en faveur de tel ou tel type de traduction
sont souvent claires et exposées. Par contre, ils ne
présentent pas toujours leur théorie de la traduction, ni le
niveau auquel cette correspondance présupposée est
effective.

AS/SA nº 18, p. 72

Un second exemple consiste en la traduction rythmique


proposée par Meschonnic, qui fait appel à la rythmique du
texte et en particulier, aux accents proposés au 8° siècle,
pour segmenter chaque verset. En donnant plein droit
d’exercice à ces accents, Meschonnic réalise une
traduction originale. Etant donné que la graphie des
signifiants utilisés est aussi importante, dans le cadre de la
compréhension et de la lecture d’un texte, la graphie de
Meschonnic voudrait tenir compte de ce fait acquis. Cette
graphie respecte l’accentuation hébraïque tardive, qui
permet de découper chaque verset en segments plus petits.
Ce découpage est une interprétation, parce que, par
ailleurs, en ce qui concerne le verset d’Isaïe, bien connu
maintenant, lire “ voix qui crie dans le désert: “ préparez
les chemins du Seigneur ”. ”, est différent de lire “ voix
qui crie : “ dans le désert, préparez les chemins du
Seigneur ”. ”. Il est donc important aussi, en ce qui
concerne l’interprétation, car la ponctuation induit un sens.
De même, le découpage des versets en sous-segments de
la chaîne écrite hébraïque, oriente la compréhension d’un
verset, dans telle direction. Cette interprétation s’exerce,
jusque sur le corps du signifiant, lorsque la graphie n’est
pas restituée. Cette graphie, en tant que projection
subconsciente du scripteur, quel qu’il soit, est aussi
importante que le texte écrit. C’est pourquoi, le choix de
présenter le texte selon les retours induits par les accents,
est un choix de donner au texte français, un rythme
semblable à celui du texte hébreu.
Ce procédé de traduction présuppose, à son tour, que la
rythmique hébraïque, quoique tardive, est tout à fait digne
d’intérêt, en matière de traduction. Il faut supposer que le
respect de cette rythmique est une précision, au sujet du
sens réel des mots, dans leur contexte, en matière de
traduction. Il présuppose, aussi, qu’il est judicieux de
décaper le texte de son hellénisation, et de sa
christianisation habituelle. C’est pourquoi, il prône ainsi
qu’une meilleure traduction tient compte de ce décapage,
pour retrouver le sens original des textes bibliques; ceux-
ci n’ayant pas été formulés, au départ, à travers les cadres
de la pensée hellénique et chrétienne. Mais, au contraire,
suivant des schèmes de pensée propres aux langues
sémitiques et parmi ces procédés, l’accentuation selon
Meschonnic. Dans la traduction qu’il propose, le
présupposé épistémologique est donc le suivant: il s’agit
de transformer le sens du texte traduit, dans le sens de ce
décapage possible. La vérité du sens du texte
augmenterait, dans cette perspective, en fonction de ce
décapage, qui révèle le sens original. Retrouver les
formulations des textes originaux, avant qu’on les traduise
et qu’on les interprète, serait donc un moyen de mieux
comprendre les textes et de mieux transmettre leur sens
premier. Ce présupposé épistémologique, qui permet à
Meschonnic de proposer une autre forme de traduction, est
le garant de la validité, de la valeur de la nouvelle
traduction proposée; en d’autres termes, si l’ancienne
manière de traduire avait de meilleures raisons,
Meschonnic s’éloignerait au contraire de la vérité du sens
réel, contenu dans les textes.
Il présuppose effectivement ainsi, que le schème de la
pensée hellénique et chrétienne d’une part, et celui de la
pensée sémitique d’autre part, ne se correspondent pas.
Dans le même temps, il juge nécessaire de retrouver le
schème de pensée sémite, qui s’est perdu au fur et à
mesure, dans les différentes traductions, de la Septante
aux traductions dans les langues courantes modernes. Les
présupposés de cette nouvelle traduction proposée
apparaissent donc, en conflit avec les anciens présupposés
qui ont permis la traduction biblique, jusqu’à aujourd’hui.
C’est-à-dire, avant que la rythmique ne soit réhabilitée,
par une pensée comme celle de Meschonnic. Certains de
ces présupposés épistémologiques, qui garantissent qu’elle
puisse être valide, sont mis en œuvre par une pratique de
la traduction, telle que celle de Meschonnic.

AS/SA nº 18, p. 73

Ces réflexions de Meschonnic montrent la neutralité


impossible de la traduction. Elle ne peut se détacher de
celui qui la pratique, car ce dernier effectue simultanément
une herméneutique religieuse, tout en demeurant incapable
de comprendre réellement l’univers religieux et culturel
dans lequel le texte a vu le jour, parce que cet univers est
bien trop ancien. Dans la pensée de Meschonnic, l’Ancien
Testament est traduit dans le Nouveau, c’est-à-dire qu’il y
est transmis, comme un signifié par le signifiant du
Nouveau Testament. Ce signifié fait partie du signe de la
lettre et le signifiant qui le porte est l’Ecriture du Nouveau
Testament. Mais la conséquence immédiate de cette
traduction de l’Ancien dans le Nouveau, qui permet sa
transmission, en est aussi une annexion: une
christianisation, d’une part, alors que l’Ancien Testament
n’est pas chrétien, au départ, une francisation ou
occidentalisation, d’autre part, puisque l’Ancien
Testament n’est pas indo-européen, mais sémitique.
De surcroît, Meschonnic conçoit ainsi que l’Ancien
Testament doit être compris comme le signifié du
Nouveau, qui serait le signifiant de l’Ancien. Mais
l’établissement d’un rapport de ce type, entre deux corps
de texte écrits, ayant chacun été précédé d’une tradition
orale, suppose que l’on mette deux choses concrètes, dans
le rapport d’une chose concrète avec une chose abstraite.
D’une part, le signifié est alors de l’ordre d’un concept, de
ce qui est transmis: peut-il être encore lui-même un
transmetteur ? Cette comparaison n’est-elle pas trop
radicale ? Ne risque-t-elle pas de gommer la réalité
signifiante de l’Ancien Testament ? Certes, au profit de ce
qu’il signifie, mais en modifiant, là encore, son statut
propre, et en ne faisant pas droit à sa matérialité, donc à
son histoire, et aux circonstances dans lesquelles il a vu le
jour. C’est l’exemple déjà cité que les juifs reprochent
encore aux chrétiens : la “ alma ” (en hébreu « jeune
fille ») d’Isaïe, devenue “ parthenos ” (en grec « vierge »,
puis « jeune fille ») dans la Septante, pourtant traduction
juive de la Bible hébraïque, et interprétée “ bethoula ” (en
hébreu « la vierge ») dans le Nouveau Testament.
“ La tradition massive porte la traduction biblique vers
la langue d’arrivée, du moins en France depuis Lemaistre
de Sacy, au XVII ° siècle, qui traduisait d’après la
Vulgate. Le transport de la Bible vers le français est une
traduction-annexion. ” (Meschonnic 1991 : 31).
Non seulement l’empreinte, dans le texte traduit, est
une empreinte religieuse, mais cette marque est aussi la
trace du conditionnement culturel du traducteur. Ce
conditionnement est donné à travers la langue, qui permet
à celui qui pense dans une langue donnée, de penser avec
des catégories de pensée exprimables, qui le précèdent, et
au moyen desquelles il peut se faire comprendre, par les
autres utilisateurs d’une même langue6[6]. Ces catégories
sont également présentes, lorsqu’il s’agit de traduire un
texte. Or, dans le cas du français, par exemple, par rapport
à l’hébreu, la seule certitude que l’on peut concevoir est
qu’il existe effectivement des catégories, dans chacune de
ces langues. Il ne s’ensuit absolument pas que ces
catégories se correspondent, ni que la pensée primitive et
de type oral de l’hébreu, puissent être transmises sûrement
au moyen du français. En effet, il existe des catégories de
pensée propres et internes à la langue de l’hébreu, mais
lorsqu’un traducteur, en français, veut transmettre la
pensée du texte biblique, il travaille davantage le français,
afin de se faire comprendre. Par exemple, les aspects
6[6] Desclés 2001: L’hypothèse de Sapir-Worf consiste en une
position relativiste. Celle-ci pose les points suivants : chaque
langue construit une représentation du monde. Il n’y a pas de
langage interne (LI) qui serait commun à toutes les langues. Il
n’y a pas non plus de représentations cognitives universelles.
Pour B. Whorf, les langues ne donnent pas un reflet du monde
externe ; elles contribuent à structurer notre conceptualisation
du monde. Les langues ne sont donc pas directement
commensurables, chaque langue apporte sa propre
conceptualisation. Notamment, il n’y a pas d’intuition générale
du temps. On se reportera au premier chapitre de la seconde
partie pour une présentation détaillée de cette position par
rapport à l’universalisme et à l’anti-anti-relativisme.
hébraïques ne sont pas réductibles aux temps du français,
aucune correspondance stable ne peut être établie, à
laquelle on ne trouverait pas d’exceptions : on ne peut pas
associer l’inaccompli en hébreu et le futur en français sans
plus de discussion, il ne s’agit donc pas d’une simple
correspondance d’une catégorie dans telle langue à une
autre catégorie dans telle autre langue.

AS/SA nº 18, p. 74

o 3.2. Problématique de la méthode


d’analyse

L’analyse de la conversation telle que la pratique


Person, sur le texte de Jonas, utilise elle aussi certains
présupposés. Cette analyse particulière, réalisée par
Person, que nous avons exposée (Desclés 2000), est une
analyse linguistique, qui utilise l’approche pragmatique.
Pour la pragmatique, tout langage a une dimension de
communication; cette dimension doit être prise en compte,
et les actes de langage doivent être considérés. Mais, ils
doivent être considérés en fonction de la dimension
essentielle, grâce à laquelle ils communiquent. Dans cette
perspective, l’analyse de la conversation se définit, en
fonction de certains paradigmes. Ainsi, certaines répliques
sont attendues après telle expression et utilisées dans tel
contexte. La conversation utilise certaines “ paires
adjacentes ”, des expressions qui fonctionnent en binôme.
Elle est, de ce fait, organisée et structurée en relation avec
l’organisation de base de tout langage.
L’objection qui demeure, pour ce type d’analyse, et que
Person rappelle lui-même, est la suivante (Person 1996 :
28): tandis que les conversations orales sont généralement
composées de “ paires adjacentes ”, même lorsqu’elles
sont entrecoupées de plans narratifs, leur mise à l’écrit
pose la question de savoir ce qui change, dans leur statut,
par rapport à l’oral. Les écrits narratifs ne peuvent
représenter complètement les aspects variés de la
conversation orale. De plus, l’analyse des intentions, du
caractère, de l’atmosphère, et du ton réel, dans le livre de
Jonas, supposent qu’il existe en toute narration,
susceptible d’être analysée d’un point de vue narratif, une
intention, un caractère, une atmosphère et un ton réels.
Une telle analyse suppose donc qu’il existe au départ
des modèles, qu’il est judicieux d’appliquer à tel et tel
texte. Ces modèles sont notamment celui des paires, à
l’œuvre en toute conversation, et qui déterminent
simultanément le ton, l’intention, le caractère et
l’atmosphère de l’histoire. De tels modèles travaillent, eux
aussi, avec un présupposé épistémologique, puisqu’ils sont
censés servir de catégories adéquates, pour analyser le
texte étudié et mettre en évidence sa structure, ses
contenus de sens, et toute l’organisation narrative. Cette
organisation ne peut être déterminée autrement, qu’à partir
des paires adjacentes, qui façonnent l’ensemble du texte;
la composition de celui-ci est donc prédéterminée, connue
comme composée de paires adjacentes, avant que
l’analyse ne débute.
Ce type d’étude analyse également la situation du
narrateur, dans l’organisation du matériel narratif; elle
détermine ainsi l’action de ce narrateur dans les autres
paramètres utilisés (Person 1996 : 82-83). La situation du
narrateur et son action dans le texte rejoignent l’intenté de
l’auteur, étudié par d’autres méthodes. La situation du
narrateur est aussi l’empreinte humaine dans ces textes; la
façon dont celui qui raconte organise l’histoire, d’une
façon plutôt que d’une autre. Cette position du narrateur
définit l’intervention de celui-ci dans le matériel à
organiser. Le matériel peut venir de plusieurs endroits, de
plusieurs strates de la rédaction. D’après Person, dans le
livre de Jonas, ce narrateur est clairement omniscient,
étant donné qu’il connaît toute l’histoire, il l’organise en
toute liberté. Il influe, à travers la manière dont il rapporte
l’histoire, sur le lieu laissé au “ lecteur implicite ”. De ce
fait, il informe la situation du lecteur, et la façon dont
celui-ci sera impliqué dans le texte.

AS/SA nº 18, p. 75

Un autre présupposé de ce type d’analyse consiste en la


notion d’implication du lecteur, d’interaction entre le
lecteur et le texte, à travers la notion de lecteur implicite
donc impliqué, “ implied reader ”. Dans le dernier couple
de décades, les critiques littéraires ont peu à peu accordé
plus d’importance à ce rôle du lecteur, dans la création de
sens. Ce type de notion suppose que le sens du texte est
effectivement différent pour chaque lecteur et varie en
fonction de l’implication du lecteur, de la force de
l’interaction, entre le texte et le lecteur. Les lecteurs
apportent, au fur et à mesure, une nouvelle manière de
voir le texte. De ce fait, les lecteurs présupposent une
certaine stratégie narrative, à l’œuvre dans le texte. La
stratégie du narrateur et sa situation jouent donc un rôle,
par rapport à cette implication du lecteur. La situation du
narrateur et l’implication du lecteur influent
considérablement sur les significations à l’œuvre dans le
texte (Person 1996 : 98). La théorie correspondant à ce
type d’analyse est une réelle analyse de la logique de
conversations, avec constamment la notion de la réplique,
attendue, d’une paire adjacente; c’est-à-dire, que dès que
quelqu’un dit quelque chose, une réplique implicite est
attendue. En fonction de ce critère implicite, chaque
proposition est supposée comporter une autre proposition,
avec laquelle elle forme une paire. Si cette proposition
n’est pas dans le texte, il faut cependant la supposer. Cette
théorie est tirée de la logique de H. Paul Grice, dans
Logique et conversation. Ensuite, ce type de lecture du
récit, nécessite que le commentateur fasse, lui aussi,
certaines présuppositions, en entrant dans cette stratégie
de la narration. La narration de Jonas comporte ainsi de
nombreuses présuppositions, sur lesquelles repose le récit
(Person 1996 : 109). C’est-à-dire, en somme, qu’il faut
présupposer que l’histoire est cohérente, organisée, et que
chaque détail est susceptible d’entrer dans la stratégie du
narrateur. Cette stratégie rend finalement raison de tous les
éléments du texte, dont aucun ne peut plus être qualifié
d’étrange. Tous les éléments présents dans le texte sont
ainsi justifiés, à travers une logique d’analyse
conversationnelle. Le texte de Jonas ne comporte plus
aucune faille, aucun élément n’est étranger à cette logique
conversationnelle, qui les prend tous en charge. Le
présupposé majeur qui résume cette suite de faits devant
être tenus pour acquis, si le lecteur veut entrer dans cette
analyse de la conversation, est que ce texte est un texte
cohérent, dont chaque élément fait partie d’une stratégie
narrative, et dont aucun n’est laissé au hasard. Là où il y a
une stratégie narrative mise à jour, apparaît
nécessairement, encore, un intenté de l’auteur.
Finalement, une fois que la stratégie du narrateur a fait
entrer le lecteur dans le texte, en interaction avec lui, la
narration de Jonas devient celle du lecteur. En effet, le
lecteur finit par lire sa propre histoire, en lisant une
histoire, dans laquelle il est impliqué complètement. Cette
implication est en réalité l’intention narrative, c’est-à-dire
l’intention de la situation du narrateur, de l’organisation
stratégique qu’il fait du matériel dont il dispose. Le
présupposé de cette stratégie est donc qu’il existe, de
façon implicite, dans le texte, un narrateur, qui écrit en
fonction d’une certaine stratégie et un lecteur, qui
s’implique dans le texte, en fonction de l’interaction qu’il
possède avec le texte en question. Le narrateur joue avec
le lecteur, ainsi qu’avec ses attentes. Comme le lecteur
impliqué le sait, le narrateur omet parfois le dialogue, en
vue de ses propres buts. De tels buts sont à l’œuvre dans le
texte, et la narration les sert avant tout. Donc, si le
narrateur veut créer un récit satirique, il peut le faire en
fonction de ces intentions. Mais analyser de cette façon le
report du refus des marins, et celui du refus de Jonas,
revient à présupposer que le narrateur a effectivement un
tel jeu et une telle intention, en plus de la stratégie
narrative qui vise à impliquer le lecteur. Le lecteur n’est
pas seulement impliqué, le narrateur possède de surcroît
une intention précise, en rapportant cette histoire de telle
manière spécifique. Cela suppose encore que le lecteur, en
entrant en interaction avec ce texte, est acheminé vers une
intention précise, fixé par le narrateur. Une telle intention
est sans doute, elle aussi implicite, puisque le livre de
Jonas est supposé être un livre prophétique. Elle a trait au
genre littéraire de ce livre, qui est ici, de cette façon, défini
comme une satyre. Cette prise de position de l’analyse de
la conversation, au sujet de l’intention du narrateur,
revient à définir un genre littéraire, lié à l’intention de
l’auteur, selon d’autres méthodes littéraires, dont il semble
qu’on retrouve ici une des particularités.

AS/SA nº 18, p. 76

Un autre exemple de méthode d’analyse est la méthode


sémiotique. Les essais de Greimas expliquent et tentent de
mettre en œuvre la sémiotique. Cette méthode s’apparente
à la conception de F. de Saussure, selon laquelle la langue
est un système de signes, et de relations entre ces signes;
elle a évolué depuis, sous l’influence de linguistes
(Klinkenberg 1996 : 22)7[7]. La sémiotique, bien que sa
relation avec la sémantique soit sujet à controverse dans la
linguistique, ne devrait pourtant pas être exactement un
mode d’analyse littéraire des textes. Elle devrait plutôt se
situer au niveau de la structure profonde des textes, et les
envisager comme systèmes de signes, en étudiant les
relations profondes qui y sont solidaires de leur existence
comme unité; c’est-à-dire, enfin, comme texte. De fait,
son objet principal est la communication et la signification
(Klinkenberg 1996 : 81) ; la structure élémentaire de cette
signification étant le carré sémiotique (Klinkenberg 1996 :
167). Or, cette sémiotique produit une analyse littéraire
des textes, basée sur le principe d’opposition (comme c’est
le cas dans la description du carré) :

l’opposition structure tout l’univers sémiotique


(Klinkenberg
1996 : 168)

Cette grille d’analyse induit une pré-compréhension du


texte sur la base d’oppositions. La signification se fonde
sur la constitution interne du signe, et non sur le rapport
des signes aux choses; cette dernière relation relève de la
fonction référentielle du signe. Dans cette perspective, les
mots relèvent d’une structure de discours, et gardent la
mémoire de leurs emplois, en contexte de discours. Dans
le cas de l’étude d’une langue morte, la signification de
chaque mot fait appel à tous ses autres emplois en
contexte (corpus fermé). La signification dont elle traite

7[7] Ainsi, les deux pères fondateurs convergeaient sur deux


points importants : d’abord pour faire de ce qu’ils nomment
l’un sémiologie et l’autre sémiotique la science des signes ;
ensuite pour mettre en avant l’idée que ces signes fonctionnent
comme un système formel. » (Peirce et Saussure).
est davantage liée à une organisation logique, qu’à des
mécanismes sémantiques, ou une interprétation.
Dans les années quatre-vingt, l’étude du langage en action
s’est beaucoup développée, sous forme d’analyse
pragmatique, d’étude des actes de parole, d’analyse
conversationnelle, ainsi que d’études littéraires,
s’intéressant à la coopération du lecteur. Les études
sémiotiques s’orientent vers l’instance que le discours
présuppose et la recherche porte peu à peu sur
l’organisation discursive et sa compétence, ou le sujet de
l’énonciation qu’appelle l’articulation du discours.
L’organisation discursive est le lieu de la recherche de
structures narratives, puis de structures profondes ; elle
constitue l’objet de l’étude sémiotique.
La sémiotique comprend également une étude de
l’énonciation, bien que cette dernière soit peu pratiquée
dans l’application aux textes bibliques, hormis le CADIR
et ses précurseurs. Cette étude de l’énonciation a tout
d’abord été appliquée au langage de la foi par le P. J.-P.
Sonnet s.j., en 1984 (Sonnet 1984). Celui-ci propose
d’adapter la théorie des actes de langage, qui vient
d’Austin puis de Searle, ainsi que la linguistique de
l’énonciation, au langage de la foi ; tout au moins, de se
rendre compte de leurs points communs. Cette adaptation
est rendue possible par la relation entre le signe et l’acte,
qui est le symbole chez Peirce ; cette relation permet de
penser le signe “ transi ” par l’actualisation, et par le fait
même la réalité dont il parle rendue présente par sa seule
présence. Comme si l’horizon du langage constituait ce
dont il est le media, une réalité invisible mais existante. Le
“ symbole ” rend présent ce qu’il représente, car il en est
le témoin, tandis que l’actualisation par le dire transit le
signe (Sonnet 1984 : 67 )8[8]. L’énonciation elle-même est

8[8] “ Il importe donc de penser le symbole sur un mode plus


large que celui de la représentation, si du moins celle-ci est
conçue comme un processus transitif, une forme de renvoi vers
une réalité “ autre ”. Son fonctionnement nous oblige à mettre
tout d’abord l’énonciation évangélique, puis la ré-
énonciation, par l’Eglise, du récit évangélique (Sonnet
1984 : V-VI de la préface). Cette “ énonciation ”, en temps
qu’étude linguistique, est adaptée au récit évangélique, qui
est lui-même au départ une énonciation (Sonnet 1984 :
124 )9[9].

AS/SA nº 18, p. 77

Dans la pratique sémiotique, l’énonciation ne se réduit


pas à un jeu de structures en transformation. Elle s’atteste,
par l’agencement des figures de contenu. Cette
énonciation sera conçue comme une instance immanente
de mise en discours. Le texte est ensuite envisagé comme
un système clos, en temps qu’unité globale de
signification. L’analyse sémiotique est alors l’étude de la
structure des significations, comme le dit très justement
Louis Panier, dans un article de 1997, “ Du texte biblique
à l’énonciation littéraire et à son sujet ” (Panier 1997 :
323). L’énonciation littéraire concerne la lettre, le statut
d’écriture dans lequel se trouve le “ média ” (le texte)
d’une relation entre le lecteur et l’écrivain (Panier 1997 :
316-317). L’antériorité de la parole est fondatrice de la
spécificité du sujet humain en temps que sujet parlant.

l’accent sur son intransitivité et sur son efficacité


“ présentificatrice ”. Le symbole est un signe qui, affirmant sa
forme et réfléchissant l’acte de son instauration, témoigne de la
présence de ce qu’il représente. ”
9[9] “ Les récits évangéliques intègrent la mise en abyme de leur
propre énonciation, ils racontent leur propre émergence, et
situent ainsi le lieu de leur effectivité. ” et p. 126 : “ Mais
l’énonciation évangélique a elle-même pour point de départ
l’énonciation divine. ”
L’écrit, comme répercussion d’une parole vive et
spécifique, doit être analysé comme tel, comme
énonciation scripturaire ou littéraire, réitérée à la fois par
la lecture et par l’écriture. Ce type d’analyse, clairement
différencié des analyses au niveau littéraire du texte
(niveau de l’intenté de l’auteur) se situe au-delà d’une
considération de l’écrit comme « objet-message ». Un
texte est ainsi davantage qu’une somme ou une
juxtaposition d’énoncés, comportant différentes strates de
rédaction, il forme un système, un ensemble ayant sa
propre cohérence.

Il convient de proposer dès maintenant la théorie


de l’énonciation de Jean-Pierre Desclés ; car l’énonciation
n’est pas seulement un mot, mais encore un outil original
d’analyse, pouvant être utilisé pour étudier des textes.
Jean-Pierre Desclés fait une distinction préalable,
empruntée à Charles Bally, entre le Dictum et le Modus.
Le Dictum est le corrélatif du procès qui constitue la
représentation, tandis que la modalité, composée du verbe
et du sujet modal, constitue le modus. Le sujet
énonciateur, à la suite d’E.Benveniste, est le sujet modal
qui compose le modus ; le sujet prend en charge le dictum,
i.e. « ce qui est dit » (Desclés et Guentchéva 2000 : 79).
Le sujet énonciateur ne va pas sans un sujet récepteur, qui
est lecteur du texte. La pragmatique étant, dans la
distinction de Charles Morris, une sous-division de la
sémiotique, l’intérêt pour l’acte de lecture peut être une
sous-partie de l’intérêt pour l’énonciation; le texte
s’adresse encore, de façon actuelle, au lecteur. Cette prise
en compte du sujet est appel à interprétation pour
l’herméneutique.
Le sémioticien voit et met en scène des actants : le sujet et
l’objet.

Un Sujet sémiotique existe comme sujet s’il est en


relation avec un objet ; de même un objet, s’il est
visé par un sujet (en relation avec un sujet) (Coquet
1989 : 10).

Entre ces deux instances, le langage est mis en action ;


l’actant sujet est le lieu d’une combinatoire modale
(Coquet 1989 : 11). Dans cette combinatoire : pouvoir,
devoir, savoir, vouloir, s’origine sans doute un certain
nombre d’oppositions. La définition modale octroie à ces
quatre modalités, des traits génériques et spécifiques
capables de caractériser les actants. L’identité sémiotique
se construit avec l’actant sujet et ces modalités ; le
programme de cet actant sujet est objet de l’analyse
sémiotique (Coquet 1989 : 30-38). Ce programme peut
être en fonction de diverses modalités : programme
d’appropriation, d’acquisition. L’actant peut être sujet
destinateur et non-sujet :

Il n’est pas exclu d’ailleurs que l’on puisse faire


apparaître, du moins à l’occasion de certains textes,
le double statut de l’actant, à la fois sujet et non-
sujet.

C’est ce qu’a tenté de faire Julia Kristeva, auteur de


l’une des théories les plus fortes de la dernière décennie.
Si le sujet, dit-elle, est soumis aux principes de la raison (il
se manifeste dans les écrits scientifiques par exemple) le
non-sujet « se meut dans un espace « vide » [ situé au]
pôle opposé de notre espace logique dominé par le sujet
parlant ( Shmeiwtikh Seuil 1969, p . 274) » (Coquet 1989 :
105). Ce non-sujet est constitué par l’actant sujet entré
dans la catégorie du non-sujet, une fois réduit à l’opérateur
grammatical ; dans cette catégorie, l’actant est en jonction
aléatoire avec le pouvoir, ou réduit à la fonction qu’il
exerce malgré lui (Coquet 1989 : 110). La catégorie du
non-sujet se caractérise par un actant opposé au sujet
comme choisissant librement son acte et demeurant un
actant destinateur. Il s’agit d’un actant individuel ; seul le
sujet cartésien est un actant collectif, avec pour trait
identitaire pertinent l’invariance (Coquet 1989 : 178). Le
sujet du discours est donc très important en sémiotique ; il
fait partie des actants du texte : sujet, objet, accusatif. La
primauté du sujet caractérise ainsi l’analyse sémiotique, au
détriment de la référence (Bertrand 2000 : 69). Le texte
peut-il s’organiser sans sujet, le discours sans auteur
vivant ? Certes, cette approche a le grand mérite de faire
droit à la réalité du sujet. Toutefois, nous voudrions
analyser un objet ; un discours-objet, avec lequel la
subjectivité du récepteur n’entre pas, dans un premier
temps, en interaction. De ce fait, est-ce bien les actants du
texte que nous devrons chercher en tant que sujet,
destinateur, objet, ou bien l’ensemble des protagonistes
sans les caractériser dans ce modèle ? Les énonciateurs
dans le texte sont des instances de prise de parole et donc
d’action, susceptibles d’être non seulement, de ce fait,
actants, mais encore acteurs.

AS/SA nº 18, p. 78

Un dernier problème consiste à analyser un texte-


discours et un texte-récit. La sémiotique a permis de
mieux connaître le récit (Coquet 1997 : 224)10[10].

Ces différentes instances sont l’expression du sujet


dans et par le texte, énoncé en discours. Dans le cas des
textes qui sont lus, tout récit devient ainsi discours en

10[10] « Avec le discours en effet nous abordons une


problématique toute différente. Il s’agit bien encore d’un
organisation transphrastique, mais cette fois rapportée à une ou
plusieurs instances énonçantes. Autrement dit, la notion de
discours n’est pas séparable de la notion d’instance. ».
retrouvant une instance extérieure qui le ré-énonce. De ce
fait, le texte-récit lu, retrouve sa dimension de discours, à
condition qu’il ait déjà des instances internes de prise de
parole, d’énonciation. La sémiotique a pris en compte le
récit ; elle a également pris en compte l’énonciation ; elle
est ainsi susceptible d’étudier le discours.
Le commentaire biblique est un discours à part entière,
qui ne peut servir le texte commenté sans s’en servir.
L’analyse sémiotique est provoquée par ce qui se passe
entre eux. Traiter de la relation entre le commentaire et le
texte revient à traiter une relation de discours; c’est
compter avec l’instance d’énonciation de l’un et celle de
l’autre.
La question de savoir ‘qui parle à qui’, dont fait état
l’article ‘sémiotique ’, est-elle suffisamment posée au
texte ? La question de l’énonciation, qui indique
l’énonciateur ultime du texte, au-delà des auteurs
implicites, et des lecteurs impliqués, est-elle suffisamment
examinée dans les textes ? Qui en a tenu compte, depuis le
travail du P. Sonnet sur l’énonciation, hormis quelques
rares et très récentes publications, paraissant dix années
plus tard ? L’écriture qui a donné sa pérennité à une parole
n’est-elle pas un objet privilégié d’analyse pour la théorie
de l’énonciation ?

Dans ses essais sémiotiques (1970, 1983), A.J. Greimas


n’applique pas forcément ses modèles sémiotiques aux
études bibliques; il les présente, comme modèles
susceptibles d’avoir un intérêt pour les analyses littéraires.
Nous voudrions résumer ici celui du texte-invariant. Un
texte-invariant est, sans doute, plus sûrement décrit par un
modèle algorithmique (c’est-à-dire une procédure), qui
détermine quelles sont les fonctions-prédicats du texte.
Dans cette perspective, il faudrait commencer par
représenter chaque prédicat du texte par un modèle
abstrait, une fonction. Dans cette perspective, le récit est
algorithme (Greimas 1970 :185-187 )11[11] L’ensemble des
transformations contenues dans la séquence étudiée est
susceptible d’être subsumé, sous forme d’un algorithme
dialectique. Un algorithme peut, par exemple, regrouper
des procédures identifiables (Greimas 1970 : 219).
Comme l’énonciation (Greimas 1983 : 67), qui est une
présupposition logique, assertée à propos du texte, les
algorithmes sont susceptibles de se situer dans un autre
registre que celui de l’intenté de l’auteur, et de fournir
ainsi une analyse sémiotique du texte. Les algorithmes
narratifs de la sémiotique sont pour la linguistique
textuelle aujourd’hui un modèle théorique susceptible de
permettre l’analyse d’un texte et de rendre compte de sa
spécificité (Adam 1985 : 77 et ss.). Une telle recherche de
procédures est à l’ordre du jour dans les recherches de
psychologie cognitive, telles que celle de M. Fayol (1994 :
122)12[12].
La recherche d’une structure d’ensemble sous-jacente
au texte, faisant intervenir la notion de niveau de
représentation et de macro-structure permet de chercher,
avec l’apparente organisation linéaire d’un texte, une
structure arborescente représentative des significations du

11[11] “ Le récit, unité discursive, doit être considéré comme un


algorithme, c’est-à-dire comme une succession d’énoncés dont
les fonctions-prédicats simulent linguistiquement un ensemble
de comportements orientés vers un but. ”
12[12] « «  Retenons donc que la représentation en mémoire à
long terme des éléments d’un texte compris s’organise
hiérarchiquement. On peut la symboliser à l’aide d’un graphe
arborescent renvoyant à la macrostructure et regroupant par
paquets (clusters) les unités micro-structurelles connectées par
des relations à des niveaux différents (Glowalla et Colonius
1982 ; Graesser, Robertson et Anderson 1981).
Malheureusement, cette organisation peut être « expliquée » par
deux théories différentes et concurrentes : celle du « schéma » -
voir par exemple l’arborescence associée au récit de l’âne
(chapitre 4) – mais aussi celle du « chemin critique » développé
par Black et Bower ».
texte. Cette structure est une première organisation
arborescente du texte. François Rastier propose également
une structure de significations représentée par un graphe
sémantique:

un sentiment est une structure actantielle où un


actant humain se trouve affecté d’évaluations. Cette
structure peut être représentée par un graphe
sémantique, qui décrit sa molécule sémique. (Rastier
2001 : 197-198)

AS/SA nº 18, p. 79

La molécule sémique figurée comprend des actants et


différents sèmes ; elle représente un thème et non pas une
structure profonde, mais il s’agit quand même d’une
certaine organisation du sens dans un texte. 
La pensée à laquelle le texte biblique nous confronte,
est une pensée autre; il s’agit davantage d’une pensée
procédurale, et non d’une pensée conceptuelle ou
scientifique. La pensée biblique ne donne pas lieu à des
généralisations; elle n’est pas du type de l’induction, qui
ne cesse de dégager des généralisations, à partir des
données observables. En ce sens, ce n’est pas une pensée
qui tire une leçon, une norme ou une loi, à partir de
quelques faits remarqués. Cette pensée ne déduit pas non
plus de conséquences; elle est essentiellement symbolique
et parabolique (analogique), et fonctionne par analogie
plutôt comme un proverbe, un mashal (une parabole).
Pourquoi la recherche de procédures, d’un texte-invariant,
n’a-t-elle pas été faite ?
Ainsi considéré comme organisation signifiante, et
significative par le fait même, le texte est comparable à
n’importe quel autre système symbolique, production
langagière ou non de l’être humain. A ce stade de l’étude,
il n’est plus question de sémantique, mais réellement de
sémiotique, c’est-à-dire de science des significations;
celles-ci ne peuvent être reconstruites au niveau littéraire
du texte, au niveau de son message, coïncidant avec
l’intenté de l’auteur. L’analyse sémiotique, telle que nous
la voyons pratiquée pour l’instant, ne peut en rendre
compte; pourtant, ce type d’analyse sémiotique ressortit
effectivement de ses possibilités.
Les présupposés d’une telle analyse, telle qu’elle est
pratiquée actuellement, sont ceux de toute analyse
littéraire. Pour ce type d’analyse, les mots sont organisés
en phrases, et ces dernières forment une somme. Le sens
du texte est celui de l’intenté de l’auteur, c’est pourquoi, la
sémantique (c’est-à-dire, en ce cas, l’interprétation)
attribuée aux phrases, influe sur la sémantique attribuée au
texte. Le sens est fonction des différentes phrases, conçues
comme strates de la rédaction. Ces différentes strates
déterminent finalement le sens du texte, le message que
l’auteur voulait faire passer; celui que les différents
auteurs ont voulu, les uns après les autres, transmettre. Le
premier présupposé est donc celui d’un intenté de l’auteur,
qui serait le sens du texte.
De surcroît, ces analyses littéraires pensent que
l’analyse doit porter sur la part humaine prise dans le
texte; et, une fois cette part humaine déterminée, elle
l’érigent en sens du texte, dans l’interprétation. Ces
analyses littéraires ne servent pas à faire la part du sens
humain, pour ensuite déterminer la part divine éventuelle,
présente également dans le texte; elles considèrent au
contraire, les résultats de leur application, comme le sens
scientifiquement déterminé du texte. L’analyse structurale
ou la sémiotique, ont valeur d’exégèse scientifique, dans
ce cas. Le présupposé épistémologique est, alors, que
l’analyse littéraire détermine tout le contenu de sens du
texte; en ce sens, il y a projection du sens humain, sur la
catégorie de parole. Or, en l’occurrence, la parole mise en
œuvre dans cette écriture qui demeure et qui constitue le
texte, est une parole de Dieu; en temps que telle, celle-ci
échappe, en réalité, aux sens intentionnels qu’a voulu
consigner l’être humain. Car a priori la Parole de Dieu qui
se révèle à l’auteur humain à travers ses paroles n’est pas
du type de la dictée automatique. Elle ne peut donc
concerner que l’énonciation, cette première “ fracture ”
(Martin 1996 : 148) du texte. Mais, si le premier indice de
cette parole est une fracture du texte, ne doit-on pas
rechercher les endroits en lesquels cette écriture est brisée,
pour en déterminer la structure profonde ? N’est-il pas
temps, dans cette polyphonie où chacun intervient, de
repérer les fractures du texte, par lesquelles l’ultime sujet
énonciateur essaie sans doute encore de se faire entendre ?

AS/SA nº 18, p. 80

Une fois la méthode appliquée, le résultat demeure sujet à


interprétation. Des règles issues de l’herméneutique, de la
théologie biblique, de la philosophie, de l’analyse littéraire
également lorsqu’il s’agit d’une méthode de linguistique
existent. Toutefois, le sujet est livré à sa capacité de
réception d’un texte en tant que sujet ; de ce fait, sa parole,
en quelque sorte convoquée par celle du texte, donne à son
commentaire et à sa vision du texte, un caractère de
discours subjectivisé. C’est pourquoi, nous voudrions nous
interroger dans une deuxième partie sur la construction de
règles plus rigoureuses dédiées à l’analyse des textes, afin
que le discours issu de leur application conserve
davantage un caractère objectif, lié à l’objet analysé, c’est-
à-dire à un objet-texte (comme le réalise idéalement Jean-
Claude Gardin pour le discours des sciences humaines).
Car aujourd’hui, avec l’évolution des sciences et des
techniques, le discours de la connaissance est de plus en
plus un discours dé-subjectivisé ; il ne rend pas compte du
sujet, mais des faits observables autour de lui ; la
connaissance tend à devenir une connaissance objective,
vérifiable et partagée.

L’exégèse risque toujours la parole qu’elle commente;


celle-ci n’est pas forcément retransmise par le méta
discours, qui la prend cependant pour objet; en tous cas,
elle est manifestement toujours prétexte à analyse. Dans le
discours de l’exégèse, d’après J. Ladrière, il y aurait une
forme de scientificité, dont l’exégèse se réclame
effectivement. Mais, cette scientificité est toujours
engagée, et dans une relation de totale démaîtrise avec
l’objet qu’elle a pour objectif de transmettre. Cet objectif
est implicite, le plus souvent, puisque les différents
articles étudiés en font rarement état, si ce n’est J.
Ladrière, qui semble comprendre l’objectif du discours
exégétique de cette manière, à savoir un “ discours d’une
altérité du salut ” à transmettre. Il faudrait concevoir une
méthode, qui prête attention à cette altérité, tout en ayant
les moyens d’une analyse rigoureuse du texte. Or, des
méthodes telles que l’analyse sémiotique, l’analyse
linguistique ou pragmatique, étant donné qu’elles prennent
en considération la dimension dialogale, ou de
communication, présente en tout texte, semblent adaptées.
Il est alors d’autant plus regrettable qu’elles comportent
des présupposés, et ne développent pas davantage
l’énonciation. Ces divers méta-discours étaient-ils donc
vraiment destinés à rendre compte de cette altérité et à
transmettre son dire ?

Les différentes méthodes du texte de la commission


biblique pontificale peuvent être situées sur le schéma
suivant, qui fait état d’une scission entre des méthodes qui
s’appliquent à un phénotexte, ou une méthode qui définit
d’abord un objet-texte multiple; contenant, à titre
d’hypothèse, un structure abstraite pour ces divers textes
ou encore génotexte.

AS/SA nº 18, p. 81

L’explication linguistique commence par l’étude de


l’énonciation; cette dernière, en étudiant les conditions de
production du discours, qui génèrent le texte dans son
ensemble, découvre les structures profondes du discours
qu’elle étudie. Le travail débute par la définition d’un
objet, afin de délimiter ce sur quoi porte l’investigation.
Cette explication linguistique voudrait “ faire parler le
texte par lui-même ”, ou rechercher ses contenus de
signification internes.
Les méthodes proposées par la Commission Biblique
pontificale portent toutes sur le phénotexte, à partir duquel
nous définirons l’objet-texte multiple, mais auquel
manque l’horizon d’un texte, travaillé en fonction
d’invariants langagiers, et non plus en fonction d’une
possible traduction. Ce phénotexte, le plus souvent objet
d’études philologiques, puis de critique textuelle, est une
réalité très complexe, si on tient compte de tous ces
problèmes, en y ajoutant ceux apportés par la traduction,
et la critique de la rédaction. L’objet comporte des strates,
des variantes, différents auteurs, un état final composite.
Mais le phénotexte est pris en compte à titre descriptif,
lorsqu’il s’agit de retrouver des états antérieurs du texte, et
les différentes strates qui le composent; ou bien, il est pris
en compte dans un état particulier, l’état final, ou encore
dans telle traduction, où il est encore différent du texte
massorétique.
Le phénotexte, sur lequel porte donc ces différentes
méthodes exégétiques, n’est pas décrit par le commentaire
comme une réalité multiple, dont il sera possible de faire
une synthèse globale, mais dans un temps linéaire et selon
deux approches, diachronique et synchronique. C’est
pourquoi, une telle étude porte sur la critique de la
formation du texte dans le temps, ou bien elle considère le
texte dans son état final, c’est-à-dire actuel. En revanche,
aucune méthode ne considère à la fois, d’une seule étude,
le texte en cours de formation et le texte en l’état actuel de
sa formation, à l’aide du concept dynamique de formation.
De surcroît, ce phénotexte est considéré au niveau
littéraire, et non pas au niveau de ses articulations, logique
et structure profonde. La structure de surface est dégagée,
à l’aide de l’organisation thématique, des champs
sémantiques, ou encore d’une étude de syntaxe; il s’agit de
la structure littéraire du texte. Nous voudrions créer le
concept, utile pour les besoins de l’analyse, d’un objet-
texte multiple. Il ne faut pas perdre de vue, dans l’analyse
synchronique menée sur le texte tel qu’il est, les données
de l’analyse diachronique, qui figurent à titre de trace, ne
serait-ce que dans les notes des Bibles consultées. Les
méthodes proposées dans le document de la Commission
Biblique Pontificale ne comportent pas non plus le
caractère d’analyses de linguistique textuelle, portant sur
la structure profonde du texte.

AS/SA nº 18, p. 82
Pour une méthode qui tient compte du texte, la théorie
de l’énonciation s’intéresse aux opérations énonciatives.
Toutefois, les opérations prédicatives inscrivent
également, dans un texte, l’action et la parole de
l’énonciateur. Il semble utile d’en faire l’analyse, comme
de tous les marqueurs linguistiques possibles, en règle
générale de l’analyse linguistique que nous proposons.
Dans les approches de psychologie du langage, la notion
de prédicat et d’argument est bien prise en compte ; la
considération d’une micro et d’une macro structure s’en
enrichit (Coirier, Gaonac'h, Passerault 1996 : 16-19)13[13].
L’approche de psychologie du langage permet également
d’étudier le texte en fonction de ces différents niveaux de
structure, voire de construire un réseau de ses
significations, jusqu’à en extraire le résumé le plus
succinct, au dernier niveau (Coirier, Gaonac'h, Passerault
1996 : 21 )14[14]. Un changement de niveau peut aboutir à
choisir les énoncés les plus représentatifs du texte, de
façon à en avoir un résumé au dernier niveau de macro-
structure, c’est-à-dire de l’analyse de l’ensemble (la
microstructure portant sur les propositions séparées).
L’analyse logiciste a également pu dégager des
représentations de textes interprétatifs sous forme
d’enchaînements de propositions : elle analyse leur
13[13] « Ainsi, dans un modèle propositionnel du type de celui
de Kintsch (1974), la signification de toute unité lexicale
correspond en mémoire à une liste de propositions (…) Une fois
le premier niveau de macrostructure élaboré, les macrorègles
s’appliquent à nouveau, ce qui permet d’aboutir à différents
niveaux de représentation, le niveau le plus élevé constituant
une sorte de résumé très synthétique du texte. »
14[14] « le contenu informatif d’un texte peut être représenté à
différents niveaux : certains constituent une représentation
littérale de l’information, d’autres en construisent une
interprétation plus globale. » 
argumentation et permet ainsi de dégager leurs articulation
et leur enchaînement discursif et logique. En particulier,

la schématisation rassemble des propositions au(x)


sommet(s) de l’arborescence (fig. 2), mais il n’y a là
aucune trace de résumé : ces thèses du texte sont reprises
dans leur intégralité (Gardin 1974).

Ces niveaux de représentation rendent possible une


approche formelle du texte que nous ne réaliserons pas,
mais dont nous essaierons de poser la problématique.
Nous proposerons pour l’instant une représentation de la
réalité du texte, tout en suggérant d’autres niveaux de
représentations structurels, de façon à approfondir le plan
linguistique et l’étude de la macrostructure. Nous
n’utiliserons pas l’informatique dans l’application
proposée, mais nous avons mentionné l’état de l’art et la
démarche nécessaire à la constitution d’un système expert
pour expliquer la démarche dans laquelle nous voudrions
nous situer pour proposer une méthode vraiment réitérable
d’analyse, à tel point qu’elle pourrait l’être avec l’aide
d’une machine.

Nous avons montré que la traduction, aussi bien


que les méthodes d’analyse littéraire et linguistiques telle
que l’analyse de la conversation ou l’analyse sémiotique,
mettent en oeuvre des présupposés interpétatifs
susceptibles de se retrouver dans l’analyse qu’elles
pourront fournir des textes. Ne faut-il pas, de ce fait,
proposer une méthode d’analyse textuelle qui analyse le
texte sans présupposer ni de répliques u’il devrait contenir
en termes d’analyse de la conversation, ni d’oppositions
qu’il contiendrit nécessairement pour instncier un carré
sémiotique. Toutefois, comme il semble possible de mettre
à jour ces présupposés, il doit être aussi possible d’intégrer
la relativité du point de vue dans les résultats ; c’est-à-dire,
de savoir que ces résultats donnent une vue du texte, mais
tributaire d’une pré-compréhension, d’une grille de
lecture.
Nous avons choisi l’exemple de textes bibliques
car cet objet d’analyse comporte les textes les plus traduits
au monde et constitue de fait un objet complexe puisqu’il
comporte également parfois plusieurs versions et
différents témoins dans sa rédaction. Notre réflexion
s’applique pourtant à tout texte ; cet exemple permet par
ailleurs de constater, ces textes étant beaucoup
commentés par l’exégèse, la diversité des interprétations
du sens de ces textes. Or nombre de ces commentaires
utilisent des méthodes littéraires ou sémiotiques, et les
présupposés de l’explication de tels textes peuvent par
ailleurs être nombreux, indépendament de la méthode
d’analyse des textes qui pourraient en comporter. Or, une
analyse linguistique de ces textes ne doit-elle pas avoir
pour objectif celui qu’elle a sur tout le texte, à savoir
dégager un sens du texte sans mettre en œuvre une pré-
compréhension du texte qui pourrait fausser son analyse
« objective », c’est-à-dire de l’objet-texte complexe sur
lequel porte son application ?

AS/SA nº 18, p. 83
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Pour écrire à la rédaction

© 2006, Applied Semiotics / Sémiotique


appliquée

2. ASPECTS SÉMANTIQUES :
SIGNIFIÉ ET SIGNIFIANT
o 2.0. Introduction
L'analyse sémantico-terminologique ci-dessous vise,
premièrement, à structurer le signifié du système de la
mode et, deuxièmement, à créer une corrélation entre le
contenu sémantique et la forme des termes attestés.
J'utiliserai comme exemple un sous-domaine
vestimentaire, celui de 'pantalon', et j'analyserai tous les
termes recensés dénommant différentes variantes de
/pantalons/.

C'est-à-dire, au cours de mon analyse, je devrai :


- grouper les termes du système de 'la mode' selon leur
contenu sémantique ;
- déterminer la place du sous-domaine 'pantalon' dans le
système ;
- discerner les notions principales selon lesquels les noms
des pantalons sont créés ;
- établir la liste des sèmes lexicogéniques pour le sous-
domaine 'pantalon' ;
- particulariser les modèles morphologiques et syntaxiques
qui permettent de créer de nouveaux termes vestimentaires
pour chaque sème ;
- analyser ces modèles (patrons) de formation de termes.

o 2.1. Structure du signifié de la mode


Si je considère toute la mode comme un système de signes
ou comme un signifié complexe, uni et structuré, je peux
essayer de discerner sa structure. Cette compréhension de
la terminologie me permet de la représenter comme un
arbre hiérarchique et de l'étudier comme un système. La
structuration du signifié de la mode doit assister l'analyse
sémantique des termes attestés.

2.1.1. Tentatives de création d'un lexique


vestimentaire structuré
Je commencerai par décrire brièvement deux tentatives de
structurer le signifié de 'la mode' que j'ai trouvées utiles
pour ma recherche : l'inventaire du « vêtement écrit » de
Roland Barthes et le système descriptif du costume de
l'équipe du Musée national des arts et traditions populaires
à Paris sous la direction de Marie-Thérèse Duflos-Priot.

L'inventaire de Barthes (1967 : 307-20) est une liste


alphabétique des « termes de mode » (en fait, de tous les
mots relevés dans les revues dépouillées) indexés selon
deux listes : « Liste des genres » et « Liste des variantes ».
Par exemple, dans la liste alphabétique, les quatre mots
désignant des espèces de pantalons, 'pantalon' y compris,
sont indexés par le chiffre arabe 45 renvoyant au « Genre
45. Pantalon ».

Fuseaux : 45
Jeans : 45
Pantalon : 45
Short : 45
Au même inventaire alphabétique, le mot « droit », qui
pourrait décrire un modèle de pantalon (ou de jean), est
indexé en chiffres romains et renvoie à trois « Variantes ».
Droit : V, XVIII, XXI
V. Forme ; XVIII. Clôture ; XXI. Position
horizontale.
Dans l'inventaire de Barthes, les noms des vêtements et
des détails sont mélangés, dans « les Genres » et les noms
des qualités sont rassemblés dans « les Variantes ». Les
qualités sont groupées selon les idées générales qui
peuvent être attribuées à n'importe quel type de vêtement :
(configuration) : V. Forme ; VI. Ajustement ; VII.
Mouvement.
L'inventaire de Barthes aide à distinguer les principaux
types de vêtements, leurs détails et leurs qualités les plus
typiques. Pourtant, ses listes de mots, aussi thématiques et
précises qu'elles soient, n'offrent pas de structure
perceptible comme ce serait le cas de n'importe quelles
listes. L'autre tentative est moins connue mais plus
pertinente pour ma recherche puisqu'il s'agit d'un lexique
raisonné qui met en évidence des relations d'inclusion en
proposant une classification de forme arborescente. Ce
travail a été effectué par le Musée national des arts et
traditions populaires à Paris et il a été publié sous le titre
Système descriptif du costume traditionnel français par les
Éditions de la Réunion des musées nationaux (Duflos-
Priot 1988).

Pour construire leur système descriptif, les chercheurs du


musée ont adapté la relation du vêtement et du corps
comme fil conducteur. Cinq critères obligatoires proposés
pour le vêtement historique - grandes divisions
anatomiques, hauteur couverte, permanence de volume,
séparation des membres, semelle - peuvent toujours être
utilisés pour la classification du vêtement contemporain.
La liste non limitative des critères facultatifs - à capuchon,
à basques, à ouverture, cintré, croisé, à col, etc. - est aussi
applicable au vêtement de nos jours à l'exception de
quelques traits non pertinents (Duflos-Priot 1988 : 29). Le
lexique raisonné est composé de six sections, divisées
selon la fonction :

- vêtements proprement dits


- sous-vêtements
- plastique du corps
- chaussage
- ganterie
- supports-attaches-liens
Les vêtements proprement dits sont subdivisés [1] selon
l'espace d'utilisation (d'extérieur, d'extérieur et d'intérieur,
d'intérieur), selon l'appui du vêtement sur le corps, selon la
superposition sur le corps (Duflos-Priot 1988 : 41).

2.1.2. La taxonomie vestimentaire


Tout en tenant compte des critères proposés par le Musée
national des arts et traditions populaires, je dresserai une
structure arborescente plus convenable pour la présente
recherche. Le but du Musée était de créer une
classification commode pour ses items vestimentaires.
Mon but est de comprendre mieux la structure interne du
signifié de la mode et de faciliter l'analyse sémantique des
termes vestimentaires.

2.1.2.1. L'approche onomasiologique


L'approche onomasiologique de l'École de Vienne assume
l'existence d'un système de notions qui est indépendante
de l'existence des termes. [2] Ce système de notions
permet de définir clairement ses concepts (Begriffen)
parce qu'elle parvient à définir les frontières (Abgrenzung)
entre les notions (Wüster 1991 : 1-2). La situation idéale
pour créer une terminologie serait de construire un
système de notions d'abord et d'attribuer consciemment un
terme à chaque nœud de ce système après. Il est bien
connu que cette situation idéale n'existe pas dans les
terminologies scientifiques, je m'attendrais à encore plus
de désordre dans le langage spontané et changeant de la
mode.

Rita Temmerman énumère cinq « principes » de la


terminologie traditionnelle (les concepts sont primaires et
les termes sont secondaires ; les concepts sont définis
précisément (clear-cut) selon leur place dans la structure
conceptuelle ; les concepts ont une définition
intensionnelle ; un concept correspond à un terme ; un
terme assigné à un concept est permanent) et démontre
que les cinq principes ne sont pas respectés dans la
terminologie d'un langage spécialisée de biotechnologie
(Temmerman 2000 : 15-16). Même si je ne m'attendais pas
à l'existence de ces principes dans la terminologie de la
mode « banalisée », cette observation de Temmerman est
importante parce qu'elle met ma terminologie banalisée
sur des terrains égaux avec les terminologies techniques et
avec la langue commune à la fois. Le tableau de cinq
principes terminologiques et cinq contradictions
correspondantes est un témoignage bien documenté de ce
que les terminologues aperçoivent depuis le
commencement de la science terminologique : la
terminologie, même technique et scientifique, comprend
tous les problèmes d'une langue naturelle et tous ces
principes doivent être accompagnés du mot
« idéalement ».

Puisque les terminologies se heurtent contre les mêmes


problèmes sémantiques que les langages non spécialisés,
toute la polémique concernant l'approche la plus adéquate
au problème du sens peut servir à choisir une approche
appropriée pour l'étude de la dénomination dans un
vocabulaire spécialisé. Deux approches semblent
productives pour ce but : premièrement, l'approche
sémantique componentielle ou différentielle (descendant
du Structuralisme européen : Greimas, Pottier, Coseriu)
pour étudier le sens des termes et leur relations ;
deuxièmement, l'approche psychologique (Rosch, Kleiber,
Rastier) pour l'étude du processus de dénomination.
L'approche componentielle permet, d'une part, de
décomposer le sens d'une unité lexical et, d'autre part,
d'établir les relations entre les signifiés des unités lexicales
différentes, de mettre en évidence des corrélations entre
les unités linguistiques et les objets physiques
correspondants. L'approche psychologique propose la
notion de typicalité et de prototype qui, a priori, semble
jouer un rôle important dans la procédure de dénomination
vestimentaire. Le problème est que les représentants de
l'approche psychologique n'acceptent pas indubitablement
l'idée que le vocabulaire puisse être organisé de façon
taxonomique. En fait, les taxonomies conceptuelles sont
peu appréciées dans la philosophie du langage en
général. [3]

Par ailleurs, les linguistes qui travaillent dans le domaine


informatique trouvent souvent la construction d'un
système conceptuel indispensable pour leurs projets. S'il
s'agit de systèmes automatiques de traduction ou de
représentations numériques du savoir, les ontologies
informatiques semblent être indispensables (Nirenburg et
Levin 1991 [4] ; Lenat 1989 ; Horty 2001 ; Brachman
2004). Cependant, les linguistes-informaticiens ne sont pas
totalement satisfaits des ontologies hiérarchiques. Fleury
(1997 : 147), par exemple, a consacré sa thèse de doctorat
à la recherche d'une méthode de représentation des
connaissances conceptuelles plus flexible que la structure
hiérarchique (difficile à modifier ou incapable
d'accommoder des informations à venir).

Malgré toute la controverse concernant les hiérarchies


conceptuelles, je trouve qu'une taxonomie rigide de
notions vestimentaires est exactement ce dont j'ai besoin
pour jalonner la masse amorphe des listes
terminologiques. Je n'affirme ni l'existence objective ou
indépendante de la structure conceptuelle ni sa
correspondance exacte à la réalité physique, mentale ou
linguistique. J'utilise cette structure comme un outil ou
plutôt comme un point de repère. Pour cette raison, je
commencerai l'analyse du corpus par la construction d'un
système de notions vestimentaires selon l'approche de
Wüster (1991 : 1) « jede terminologiearbeit geht von den
Begriffen aus » (chaque travail terminologique commence
par des concepts).

2.1.2.2. Structure arborescente du signifié de la


mode
Comme la plupart des lexicologues [5], je commencerai
par utiliser les tables des matières des encyclopédies de la
mode pour en extraire des notions principales du système
vestimentaire. En me basant sur cette information et en
utilisant les critères proposés par le Musée (Duflos-Priot
1988), je construirai une structure arborescente pour la
mode contemporaine. Cette structure qui organise les
notions vestimentaires en hiérarchie facilitera l'analyse
pour trois raisons :
1) la structure arborescente permettra de
différencier les sous-domaines et de délimiter d'une
manière plus claire (ou plus littéralement plus
visible) des sous-domaines des vêtements
proprement dits ;
2) la hiérarchie mettra en relief des relations entre
hyperonymes et hyponymes, et donc facilitera le
choix du classificateur pour l'analyse sémique ;
3) la correspondance de chaque niveau à un critère
de différenciation aidera à distinguer mieux des
sèmes composants.
Chaque niveau de la structure regroupera les notions selon
un seul critère : fonction générale, fonction spécialisée,
destination intérieur / extérieur, partie du corps couvert,
séparation des membres ou des pièces. Il est possible que
ce critère corresponde à une composante du sens ou à un
sème dans la structure sémantique de chaque terme.
Il faut insister sur la caractéristique « vague » quand on
parle de structure arborescente telle que ci-dessus. Il est
incontestable que les groupements des notions dans cette
structure sont des ensembles flous comme dans le cas de
n'importe quel champ lexical de langue naturelle.
Cependant, cette imprécision ne diminue pas le caractère
systématique de l'ensemble de notions. Malgré que la
décision ne soit pas toujours facile à certains niveaux,
l'image résultante reflète toujours les critères structuraux
les plus importants. Par exemple, cela n'a pas d'importance
si l'on sépare /vêtements/ - /chaussures/ - /coiffures/ au
premier niveau selon le critère « fonction générale » (vêtir
- chausser - coiffer) ou si l'on considère leur fonction
comme plus générale (couvrir ou protéger, par exemple);
en tout cas, /vêtements/ se sépareront de /chaussures/ et de
/coiffures/ au quatrième niveau subdivisant les ensembles
selon la partie du corps couverte.

Il est bien évident que toute tentative de structuration de la


réalité extralinguistique aura toujours quelques degrés de
subjectivité. On sait que la langue même influence la
perception de la réalité. On trouve un peu partout l'idée
que « chaque langue opère un découpage unique parmi
une infinité de découpages possibles d'une réalité qui est
elle-même infinie. » (Cosette 1994  7). Cependant, il faut
toujours souligner que dans le cadre de la même
civilisation, les découpages de la même réalité seront très
proches. Il est possible que la langue anglaise ne favorise
pas le découpage /vêtements/ - /chaussures/ - /coiffures/ au
premier niveau selon le critère « fonction générale »,
puisque l'absence des verbes comme « chausser » et
« coiffer » n'inciterait pas à penser à une fonction
spécialisée. En plus, le verbe « dress » n'est pas lié au
substantif « clothes » aussi directement que « vêtir » et
« vêtement » sont liés en français. Néanmoins, au bout du
compte, n'importe quel locuteur (ou lexicologue) anglais
saura distinguer entre « clothes », « shoes » et
« headgear » selon les mêmes critères basiques des
niveaux supérieurs de sa structure arborescente.

2.1.2.3. Structure arborescente et signe


linguistique
Ce qui est important dans cette structure, c'est qu'elle
montre que la structuration des notions de mode est
possible avec l'utilisation de critères tout à fait communs.
Si l'on considère la terminologie vestimentaire comme un
signe linguistique complexe, on peut dire que le haut de la
structure, correspondra au denotatum de ce signe, c'est-à-
dire, à la réflexion vague des composants principaux de la
mode contemporaine dans la conscience d'un locuteur.
Généralement, chaque locuteur français ou anglais sait
que, de nos jours, la mode vestimentaire concerne les
accessoires, les bijoux, les chaussures et les vêtements
proprement dits. Chaque locuteur est ainsi capable de
nommer les types principaux des accessoires, des bijoux,
des chaussures et des vêtements. Cela veut dire que tous
les locuteurs partagent les idées les plus générales de la
mode vestimentaire et que ce sont les idées structurées
principalement du premier jusqu'au cinquième niveau du
système.

Il en est de même pour chaque terme qui se trouve au-


dessus du sixième niveau du système terminologique.
Chaque locuteur est capable de définir tous les types
principaux de vêtements selon la partie du corps couverte,
selon la couche (intérieure / extérieure / sous-vêtement), et
selon ce qui distingue ce type de vêtement d'un autre type
ayant les caractéristiques semblables. Par exemple, chaque
locuteur sait que 'le pantalon' couvre la partie basse du
corps, qu'il peut être un vêtement d'intérieur et d'extérieur,
et qu'il se distingue de 'la jupe' en couvrant les deux
jambes séparément. Ce fait veut dire que l'image vague
d'un type de vêtement, correspondant au denotatum du
signifié de signe linguistique, est suffisante pour définir ce
type de vêtement et pour se mettre d'accord avec tous les
autres locuteurs.

La situation est différente dans le cas des variantes de


vêtements. Après le cinquième ou sixième niveau de la
structure arborescente, il n'y a pas d'unanimité non
seulement parmi les locuteurs moyens, mais aussi même
parmi les professionnels de la mode. Par exemple, les
définitions et le découpage des variantes du sous-domaine
'pantalon' varient selon les auteurs. (Cf. facteurs subjectifs
en 4.4.3.1.)

o 2.2. Niveaux supérieurs de la structure


de la mode
La structure arborescente aide à étudier la composition
sémique des termes génériques. Ci-dessous, je
représenterai la structure sémantique des archétypes
vestimentaires sous forme de combinaison sémique où un
sème correspondra à un niveau de la structure.

2.2.1. Analyse des notions de vêtements


Le premier et le deuxième niveaux de la structure
arborescente aident à délimiter le domaine de la recherche.
Je m'occuperai des vêtements proprement dits, écartant de
mon analyse les vêtements spécialisés. Cela veut dire que
je peux commencer par la notion 'vêtement commun'
comme classificateur et utiliser la forme abrégée de cette
notion - 'vêtement' - à partir de ce moment.

Les trois notions du troisième niveau correspondent à


l'idée de destination de 'vêtement' selon l'environnement. Il
est bien confirmé par les catalogues et par les
encyclopédies vestimentaires qu'il y a des vêtements qui
ne sont destinés qu'à être portés à l'extérieur ou à
l'intérieur. Il est aussi connu que la plupart des vêtements
conviennent pour les deux environnements. Je peux donc
essayer de présenter ce concept par présence ou absence
de possibilité d'utilisation de vêtements à l'extérieur ou à
l'intérieur, en utilisant les abréviations Ext et Int. Pourtant,
si je considère les vêtements convenables pour les deux
environnements comme non-spécifiés, il semble
raisonnable de représenter ce même concept en utilisant un
seul sème binaire « EXT » spécifié de façon positive ou
négative : « +EXT » et « -EXT ».

Le quatrième niveau offre une division générale selon la


partie du corps couverte. Cette division peut être
représentée par trois combinaisons de deux notions de ce
concept - Haut et Bas ; ou bien par un seul sème binaire
« BAS ». Les catalogues français ne propose pas de
division des vêtements en 'haut' et 'bas' comme le font
souvent les catalogues anglais. Cependant, la liste des
contextes pour le fichier des termes génériques a révélé les
termes « sous-vêtement haut » et « sous-vêtement bas »
employés par le catalogue Damart.
Les nœuds du quatrième niveau ne se divisent qu'en deux.
Cela veut dire que le cinquième niveau retrace un trait
binaire, qui consiste en la présence ou en l'absence d'une
seule caractéristique - SÉPARÉ :
Finalement, en utilisant trois sèmes principaux, ou six
sèmes complémentaires, en leurs combinaisons logiques,
je peux représenter tous les sous-domaines du domaine
'vêtement commun' dans un tableau componentiel. Je vais
garder les représentations de tous les traits des concepts
dans le tableau, afin que les vêtements non-marqués ne
soient pas laissés sans identification. Plus tard, dans
l'analyse sémique des termes, je n'utiliserai que les trois
sèmes principaux.
Inévitablement, dans le tableau (2.e), il y a des problèmes
d'attribution d'un équivalent linguistique exact, mais ce
sont des problèmes d'ordre général pour une langue
naturelle. L'attribution de deux termes pour certains nœuds
ne résulte pas de la synonymie, mais s'explique plutôt par
l'existence de deux variantes du même vêtement (féminine
et masculine) ou par l'absence d'un terme général sûr.
Dans ces deux cas, les termes sont séparé par « / ». Le
terme que je propose comme général (selon le sens et la
fréquence dans le corpus) est cité le premier sans
parenthèses; un autre terme qui contient la même
configuration de sèmes est cité entre parenthèses.

On peut voir que tous les types principaux de vêtements


trouvent une place dans le tableau ci-dessus. Presque tous
les termes à la fréquence élevée extraits des tables des
matières des catalogues en ligne font partie du tableau
(2.e). A titre de comparaison, je cite encore une fois la
liste des termes génériques retenus comme archétypes de
vêtement en 1.3.3. avec l'indication « + » ou « - » de leurs
sèmes principaux :
2.2.2. Terme générique pour l'archétype
'VÊTEMENT&+BAS&+SÉPARÉ' : « pantalon »
ou « culotte »
Les listes de termes génériques extraits des catalogues en
ligne ne proposent pas d'autre terme générique que
« pantalon » [6]. Sous cette rubrique, on vend souvent
n'importe quel bas aux jambes séparées, y compris des
shorts. Cependant le terme vieilli « culotte » est utilisé
comme classificateur par la plupart des dictionnaires
français. Il vaut la peine de comparer deux variantes
d'analyse possible : l'une basée sur les données de la
structure arborescente, l'autre basée sur les données des
dictionnaires.
Deux dictionnaires très utilisés de la langue française
courante donnent deux définitions plus ou moins
identiques :

Larousse (2004) : Longue culotte descendant de la


ceinture aux pieds et enveloppant séparément
chaque jambe.

Petit Robert (2004) : (v. 1800, 1650; du nom d'un


personnage de la comédie italienne) Culotte longue
descendant jusqu'aux pieds.

Si on comprend « culotte » au sens contemporain de ce


mot, on doit imaginer 'pantalon' comme un sous-vêtement
aux jambes séparées et longues (jusqu'aux pieds), genre de
'caleçon masculin' d'autrefois. Le terme « short » est défini
à l'aide du mot « culotte » aussi, mais dans cette définition,
il est précisé qu'il s'agit d'une 'culotte' portable pour le
sport et les vacances :
Petit Robert (2004) : (1933) Culotte courte (pour le
sport, les vacances).
Bruno Remaury (1994), dans son Dictionnaire de la mode,
mentionne qu'il s'agit d'un 'vêtement' (et non d'un 'sous-
vêtement', sous-entendu) mais il utilise, lui aussi, le mot
« culotte » dans sa définition.
Dictionnaire de la mode : Vêtement formé d'une
culotte à jambes longues.
Pour voir si les définitions dictionnairiques du terme
« pantalon » correspondent à la réalité vestimentaire et à
l'analyse componentiel du tableau (2.e), on doit considérer
la définition du mot « culotte ».
Petit Robert (2004) : (1593; haut de chausses à la
culotte, 1515; de cul)
1. Vêtement masculin de dessus qui couvre de la
ceinture aux genoux (d'abord serré aux genoux) et
dont la partie inférieure est divisée en deux
éléments habillant chacun une cuisse (opposé à
pantalon; Cf. Les sans-culottes) V. Chausses.
2. Vêtement féminin de dessous qui couvre le bas
du tronc, avec deux ouvertures pour les jambes. V.
Slip.
Culotte 1. VÊTEMENT&+MASC&+BAS&+SÉPARÉ
Culotte 2. VÊTEMENT&+DESSOUS&-
MASC&+BAS&+SÉPARÉ

Il est évident qu'aucune des deux définitions ne permet


d'utiliser le mot « culotte », comme classificateur pour
'pantalon' dans le sens du mot d'aujourd'hui. On sait bien
que le vêtement /pantalon/ est porté aujourd'hui par les
deux sexes, et, donc, la présence du séme +MASC, ainsi
que -MASC, contredit le sens contemporain du terme
« pantalon ».

Il apparaît que dans une conscience opérée par la langue


française, il existe une image vague d'un vêtement
d'autrefois qui couvre le bas du corps et les jambes
séparément. Cette image est utilisée par les créateurs des
dictionnaires français pour produire des définitions
compréhensibles des termes « pantalon » et « short », mais
ces définitions ne procurent pas de matériel acceptable
pour une analyse componentielle juste.

De plus, il y a un seul catalogue, Damart, qui utilise le


mot « culotte » dans ses tables des matières, et dans les
deux cas, ce terme ne peut pas être considéré comme
générique pour le sous-domaine 'pantalon' d'après ces
contextes fournis par TACT :

culotte (2)
(damart) * Bas / Chaussette / Collant | * Culotte | *
Gaine / Panty /
(damart) Prêt-à-porter | * Bermuda / Jupe culotte /
Caleçon | *
Il faut ajouter que tous les autres catalogues n'utilisent le
terme « culotte » que dans le sens de sous-vêtement
féminin, le sens qui est proposé comme deuxième par le
Petit Robert.

La définition du terme « pantalon » serait plus exacte et


plus juste si elle était basée sur la réalité vestimentaire et
linguistique d'aujourd'hui ; par exemple, si elle utilisait
comme classificateur le terme plus générique mais
contemporain « vêtement », au lieu du terme vieilli
« culotte » comme le fait le dictionnaire anglais
Webster's :

Webster's (1988) : Pants : Trousers - an outer


garment (often called a pair of trousers) extending
from the waist to the ankles and divided so that the
wearer's legs are separately covered.
Cette définition du Webster's ne contient pas de sèmes
contradictoires. En plus, elle correspond parfaitement à la
combinaison des sèmes du tableau (2.e) et à l'ordre des
niveaux de la structure arborescente (1).
Classificateur : garment
Superposition / destination : outer
Partie du corps : from the waist to the ankles
Separation (de members) : legs are separately
covered
En se basant sur cette définition, sur l'analyse
componentielle du tableau (2.e), et sur les parties
acceptables des définitions du Petit Robert, on peut
formuler une définition plus cohérente du terme
« pantalon » :
Pantalon : vêtement (de dessus) couvrant le bas du
tronc et les jambes, en enveloppant chaque jambe
séparément.

Classificateur : vêtement
Superposition / destination : (de dessus) --- (non-
marqué)
Partie du corps : le bas - +BAS
Séparation (de membres) : chaque jambe
séparément - +SÉPARÉ

Tous les termes du niveau 5 peuvent être définis


convenablement à partir du classificateur « vêtement » et
que toutes leurs caractéristiques prototypiques peuvent
être décrites par les combinaisons de trois sèmes
principaux proposés en (2.e) [7]. Ceci est confirmé par une
définition française plus récente [8] et par une définition
anglaise, provenant d'un dictionnaire spécialisé.
Hachette en-ligne, (http://encyclo.voila.fr/, 20 avril
2004) : Pantalon n. masc. Vêtement qui couvre le
corps de la ceinture aux chevilles, avec jambes
séparées.

Fairchild's Dictionary of Fashion (1988 : 413) :


Pants 1. Clothing for the lower torso made to fit
around each leg, may be any length and width,
some have cuffs, some do not … - now it is an all-
inclusive term for all types of TROUSERS,
BREECHES, BLUE JEANS, etc.

Il faut noter que la définition de « pants » du Fairchild`s,


comme la définition de « pantalon » que je propose,
n'insiste pas sur la longueur concrète de ce vêtement. Cela
permet d'utiliser un terme générique pour définir tous les
types de pantalons indépendamment de leur longueur.

En imposant la définition proposée, je vais considérer le


terme « pantalon » comme le nom de l'archétype
vestimentaire '+BAS&+SÉPARÉ' et comme l'hyperonyme
du sous-domaine correspondant. Cela me permettra
d'analyser les termes de ce sous-domaine, en n'utilisant
que des termes et des notions qui existent dans le langage
de mode banalisé contemporain.
De plus, les définitions seront plus homogènes si j'insiste
sur l'utilisation du mot « vêtement » comme classificateur
pour tous les archétypes. On peut voir le manque
d'uniformité, si on considère la définition du terme
« jupe » proposée par le même Petit Robert qui définit son
terme complémentaire « pantalon » à partir de 'culotte'.

Petit Robert (2004) : Jupe : ((XIIe) 1. Partie de


l'habillement féminin qui descend de la ceinture à
une hauteur variable.

Classificateur : partie d'habillement = vêtement


(Spécificateur du sexe porteur) : féminin = -MASC
Superposition / destination : entendu de
« habillement » = +Int+Ext (non-marqué)
Partie du corps : descend de la ceinture = +BAS
Séparation (de membres) : entendu puisque n'est
pas spécifié = -SÉPARÉ

On peut voir que pour les vêtements /jupe/ et /pantalon/


qui peuvent être complémentaires dans la garde-robe
féminine, Petit Robert utilise les classificateurs différents
et oppose ces deux vêtements par le sème « -MASC »,
puisque le classificateur « culotte » contient le sème
« +MASC » dans son sens vieilli utilisé dans la définition.

L'analyse du contenu sémantique de l'archétype


'VÊTEMENT&+BAS&+SÉPARÉ' en comparaison avec
des définitions lexicographiques, a démontré que
l'approche sémasiologique des dictionnaires de la langue
commune ne représente pas la meilleur méthode pour
étudier la structure sémantique des termes. Cette approche
qui part d'un signifiant (« pantalon ») et cherche à
l'expliquer à l'aide d'un autre signifiant (« culotte »)
n'assure pas la représentation juste des relations
conceptuelles actuelles de leurs signifiés et peut voiler les
rapports entre les notions complémentaires ('jupe' et
'pantalon') en utilisant des classificateurs différents
('habillement' et 'culotte' respectivement) pour leurs
définitions. Pour mes analyses suivantes je m'appuierai
avant tout sur les données de ma structuration
onomasiologique des notions vestimentaires et sur les
données des glossaires spécialisés.

o 2.3. Contenu et forme des termes


dénommant les types de /pantalon/
Pour examiner les termes dénommant les types de
vêtement, je commence par étudier les termes qu'on trouve
sous la rubrique de chaque archétype dans les catalogues
qui offrent une classification plus détaillée de leurs
marchandises. Comme exemple, je prendrai l'archétype
« pantalon » et tous autres types de ce vêtement
mentionnés dans les tables des matières des catalogues.

2.3.1. Termes désignant les types de


/pantalon/
Voici toutes les désignations des types de 'pantalon'
extraits du fichier des termes génériques et rangés selon
leur fréquence :
> pantalon 26
> short 16
> bermuda 11
> jean 7
> pantacourt 6
> jogging 4
> caleçon 4
> corsaire 2
Au premier coup d'œil, il apparaît que le trait principal
selon lequel on distingue les types principaux de pantalons
est la longueur, puisque tous les catalogues distinguent
'pantalon', 'pantacourt', 'corsaire', 'bermuda', 'short'.
Cependant, pour définir la longueur d'un type de vêtement
on ne peut pas opérer facilement au moyen d'un sème
(+LONG ou -LONG) ou de deux notions (+ ou -, Long ou
Court) comme on pouvait le faire au cours de l'analyse
sémantique des archétypes : la caractéristique de longueur
est plus diversifiée et plus nuancée que les caractéristiques
fondamentales des archétypes vestimentaires. Plus bas,
j'essaierai d'analyser les noms des types et des variantes de
/pantalon/ en utilisant la notion de trait terminogénique.

2.3.2. Sèmes lexicogéniques ou traits


terminogéniques
Rappelons qu'un trait terminogénique est le trait qui
permet de distinguer un item vestimentaire des autres
vêtements ayant le même classificateur et qui se reflète
dans sa forme linguistique.

Le premier tri des termes du sous-domaine 'pantalon`


selon leurs traits terminogéniques permet de distinguer
quatre groupes de variantes de ce vêtement :

1. Nommés selon leur aspect (le pantalon fluide)


2. Nommés selon leur fonction (le jogging)
3. Nommés selon leur origine (le jodhpurs)
4. Nommés selon leur matériel (le pantalon
velours)
Les trois derniers groupes sont plus ou moins homogènes
tandis que le premier peut être divisé en plus petits
groupes correspondant aux caractéristiques plus
concrètes :
- Longueur (le pantacour)
- Coupe (le pantalon droit, le pantalon coupe
droite)
- Détail (le 5 poches)
La coupe est la plus générale des trois caractéristiques qui
peuvent déterminer l'aspect d'une variante de 'pantalon'. Il
est souvent difficile de distinguer s'il s'agit de l'aspect
visuel ou de la coupe proprement dite (Le pantalon
cigarette). Je réunirai donc l'aspect visuel et la coupe sous
le nom d'un seul trait terminogénique ASPECT mais je
différencierai ASPECT (VISUEL) et ASPECT (COUPE)
là où c'est possible. Deux autres caractéristiques de
l'aspect sont assez spécifiques pour correspondre à deux
traits terminogéniques distincts : LONGUEUR et
DÉTAIL. Les caractéristiques des groupes homogènes
peuvent correspondre à trois traits terminogéniques :
FONCTION, ORIGINE, MATÉRIEL.

2.3.3. Groupe de sèmes terminogéniques


reliés à la même caractéristique
La longueur semble être une des caractéristiques les plus
importantes du 'pantalon' ou, au moins, une des plus
faciles à distinguer. Presque tous les catalogues vendent
des /pantalons/ de longueurs différentes séparément (cf.
1.3.2. et 1.3.3.). De plus, la longueur est une
caractéristique typique du vêtement prototypique nommé
« pantalon » : un pantalon typique couvre les jambes
jusqu'aux pieds. La typicalité de la caractéristique 'long'
peut être validée par l'emploi du terme « pantalon » et de
l'adjectif « long » dans une subordonné de conséquence, ce
qui formera un test pour la caractéristique prototypique [9]
- 'long' :
1) P. est un pantalon, donc il est long jusqu'aux
pieds (caractéristique prototypique)
2) *P. est un pantalon, donc il n'est pas long
(caractéristique prototypique)
Cela veut dire que le locuteur aura tendance à interpréter
tous les hyponymes du sous-domaine « pantalon » comme
ayant cette caractéristique si rien n'est spécifié autrement
dans le nom hyponyme. Naturellement, les types de
/pantalons/ qui diffèrent selon une variation de cette
caractéristique typique doivent avoir une indication
spécifique dans leur nom. Ces types ne sont pas
nombreux : dans les catalogues en-ligne, on trouve :
/pantalon raccourci/, /pantacourt/ [10], /pantalon cheville/.
On peut même considérer /short/ comme une variante
atypique de /pantalon/ (cf. l'inventaire de Barthes en
1.0.1., où /short/ appartient au Genre « 45. Pantalon »).
Pour tester une caractéristique au sujet de l'atypicalité, on
peut former des phrases coordonnées par la conjonction
« mais ». Ce sera un test pour la caractéristique atypique -
'court' :
3) P. est un pantalon mais il est très court.
(caractéristique atypique)
ou
Un short est un pantalon mais il est très court.
(caractéristique atypique)
ou
Un short est un pantalon mais il s'arrête au-dessus
de genou. (caractéristique atypique)
La définition du Fairchild's Dictionairy of Fashion
confirme les résultats des tests ci-dessus :
Shorts 1. Pants shorter than knee-length worn
mainly by adults and children for sportswear.
Worn by little boys from late 19th c. but not called
by this name until 1920s.
La variante plus longue de 'short', 'le bermuda', est aussi
caractérisée par la longueur mais cette fois le Petit Robert
(2004) utilise l'hyperonyme « short » et sa caractéristique
typique 'court'. Comparé au 'short', le 'bermuda' est décrit
comme long :
(v. 1960 ; mot amér., nom des îles Bermudes).
Short collant à longues jambes s'arrêtant au genou.
Porter un (ou des) bermuda(s).
Il y a encore un type de /pantalon/ qui se distingue de son
hyperonyme par une variation de sa caractéristique
prototypique 'long', ce type est /corsaire/. (Dans la citation
suivante le soulignement a été ajouté.)
Dictionnaire de la mode de Remaury (1994 : 430,
sous la rubrique « pantalon ») : Pantalon corsaire
dit Corsaire : pantalon étroit voire moulant,
s'arrêtant au mollet (milieu du XXe siècle). Il doit
son nom au pantalon de même longueur que
portaient les corsaires.
Je peux donc classifier et analyser certains types de
/pantalon/ comme contenant le sème terminogénique de la
même nature.
HYPERONYME&+caractéristique de
LONGUEUR
Je représenterai le concept auquel le sème appartient par
un mot écrit en lettres majuscules. Quand au sème lui-
même, je vais le décrire par les mots après deux-points,
faute de meilleur métalangage.
Pantalon longueur classique :
PANTALON&LONGUEUR : long jusqu'aux
pieds
Pantalon raccourci : PANTALON&LONGUEUR :
plus long que chevilles mais pas jusqu'aux pieds
Pantacourt : PANTALON&LONGUEUR :
jusqu'aux chevilles
Pantalon (longueur) cheville :
PANTALON&LONGUEUR : jusqu'aux chevilles
Corsaire : PANTALON&LONGUEUR : jusqu'au
mollet
Bermuda : PANTALON&LONGUEUR :
jusqu'aux genoux
Short : PANTALON&LONGUEUR : Au-dessus
des genoux
Le fait que le 3 septembre 2006, La Redoute offrait
/pantacourt, bermuda, short/ sous la rubrique
« pantacourt » semble confirmer la possibilité de grouper
différents types de 'pantalons' nommés selon la longueur.
Cependant, l'analyse proposée ne peut pas être considérée
suffisante pour tous les termes ci-dessus. Les termes
« pantalon longueur classique », « pantalon raccourci »,
« pantacourt », « pantalon (longueur) cheville » et
« short » reflètent clairement le sème du concept
LONGUEUR dans leur forme linguistique (même si
« short » a été emprunté de l'anglais). En même temps, les
termes « corsaire » et « bermuda » doivent être analysés
plus exactement puisque leurs formes ne renvoient pas à la
caractéristique de la longueur, je reviengrai à ces termes
en 2.3.5.

Il faut noter que la structure sémique de l'hyperonyme


'pantalon' lui-même ne peut pas être représentée de la
même façon. Son hyperonyme 'vêtement' plus une
caractéristique, même prototypique, ne seraient pas
suffisants, il faut inclure tous autres sèmes qui permettent
de le distinguer des autres archétypes de 'vêtement'.

2.3.4. Structure sémique des termes


désignant les types de /pantalon/
Il serait logique de supposer que tous les termes qui
servent à désigner des catégories des archétypes de
/vêtement/ dans les catalogues, contiennent tous les sèmes
du vêtement-hyperonyme plus au moins un sème
particulier. On peut aussi s'attendre à ce que ce sème
particulier, qui distingue chaque type de vêtement d'autres
types, soit justement le sème terminogénique à partir
duquel ce type de vêtement est nommé.

Pour vérifier cette hypothèse, j'analyserai la structure


sémique des termes qui peuvent désigner les types de
'pantalon'. Ce seront : premièrement, les termes les plus
fréquents des tables des matières cités en 2.3.1. et non
analysés en 2.3.3. (« caleçons », « jean », « jogging ») ;
deuxièmement, les termes des tables des matières fournis
par la liste des contextes (« Pantalons Sport » ou
« Sportswear », « Casual », « Ville ») ; troisièmement, les
termes les plus fréquents non complexes du fichier
« pantalons » (« le battle dress », « la salopette »).

Il est entendu que tous les sèmes de 'pantalon' sont


présents dans le sens de chaque nom des catégories ci-
dessus puisque ce sont des catégories de /pantalon/. En ce
qui concerne leurs sèmes particuliers, la situation est
beaucoup moins évidente. Pour juger comment les traits
typologiques et les noms des catégories de pantalons sont
liés, j'utiliserai d'abord des définitions dictionnairiques là
où c'est possible. Dans les cas où il n'y a pas de définition
« officielle », je définirai les traits typiques de la catégorie
en question en me basant sur les images et les descriptions
des pantalons vendus sous cette catégorie.

Pour les trois termes ayant des définitions


dictionnairiques, j'utiliserai ces définitions pour
représenter la structure sémique de notion correspondante.
Cependant, je devrai faire les ajustements nécessaires,
attendu que les dictionnaires n'offrent pas d'informations
exactes ni mises à jour. Pour chaque caractéristique
spécifique qui forme la notion, j'indiquerai son concept
comme j'ai fait avec le concept de LONGUEUR en 2.3.3.

« Caleçons »

Petit Robert (2004) : (1680, it. calzoni de calza


« chausses », lat. calceus). 1. Sous-vêtement
masculin, culotte à jambes longues ou, plus
souvent, courtes. 2. vieilli. […] 3. Mod. Pantalon
de femme très collant, en maille.

Caleçon (3) : PANTALON&ASPECT : collante


&MATÉRIEL : en maille

« Jean »
Petit Robert (2004) : JEAN n.m. 1. Pantalon de
toile très solide (bleu à l'origine => blue-jean), à
coutures apparentes. 2. Toile très solide […] 3.
Pantalon coupé comme un jean.

Jean : PANTALON& ASPECT : coutures solides,


apparentes &(MATÉRIEL : en jean) [11]
Pour analyser les termes qui sont absents aux dictionnaires
de la langue commune comme le Petit Robert, je vais
utiliser les définitions des autres vêtements qui ont le
même nom. Il est évident que dans ces cas, le nom utilisé
renvoie à un autre vêtement qui a le même aspect.

« Jogging »

Petit Robert (2004) : (1974; angl. Jogging, de to


jog « trottiner »). Anglicisme. 1. Course à pied, à
allure modérée, sur terrains variés ou en ville, sans
esprit de compétition. Faire du jogging. 2. Un
jogging : un survêtement.

Jogging : PANTALON&FONCTION : jogging.

« Pantalon sport » (trouvé parfois sous la rubrique


« sportswear »)
Petit Robert (2004) : SPORTSWEAR ou
SPORTWEAR. Adj. Et n. m. (v. 1966; de l'amér.
Sportswear). Americanisme. Vêtement de sport. V.
jogging, survêtement.

Pantalon sport : PANTALON&FONCTION :


sport.

« Ville »
*pantalon de ville : PANTALON&FONCTION :
porté en ville (= au bureau).
« Battle-dress »
Petit Robert (2004) : (1943) Blouson militaire en
toile

Battle-dress : PANTALON& ASPECT : militaire.

« Salopette »
Petit Robert (2004) : (1836 ; de salope, adj.).
Vêtement de travail qu'on met par-dessus ses
vêtements pour éviter de les salir. <> Vêtement
d'enfant composé d'un pantalon et d'un plastron
retenu par des bretelles.

Salopette : PANTALON&DÉTAIL : plastron


retenu par bretelles.

La structure de tous les termes analysés peut être


représentée par l'hyperonyme PANTALON plus un sème
particulier. Néanmoins, il n'y a pas beaucoup de termes
qui montrent une correspondance évidente entre leur sème
particulier et leur forme.

2.3.5. Correspondance entre la structure


sémique et la forme des termes désignant les
types de /pantalon/
En fait, sur sept termes présentés en 2.3.4., il n'y en a que
trois qui manifestent une correspondance entre leur
structure sémique et leur forme. « Pantalon sport »,
« *pantalon de ville » et « jogging » contiennent des mots
correspondant à leur sèmes terminogéniques décrivant leur
FONCTION. Sur trois termes génériques caractérisés
selon leur LONGUEUR en 2.3.3. (« pantacourt »,
« bermuda », « short »), « pantacourt » seul contient la
partie « -court » décrivant son trait distinctif,
LONGUEUR : jusqu'aux chevilles.

Les quatre autres termes en 2.3.4. (« caleçons », « jean »,


« salopette », « battle-dress ») ne manifestent pas de
correspondance directe entre leurs distingueurs
sémantiques et leur forme. Les signifiants de deux termes
analysés selon le concept sémique LONGUEUR en 2.3.3.,
« corsaire » et « bermuda », n'ont rien qui soit relié
directement à cette caractéristique. Cela peut signifier que
pour la dénomination de toutes ces catégories de
/pantalon/, on utilisait les sèmes qui ne sont pas basés sur
les caractéristiques mentionnées dans les définitions
dictionnairiques. Dans tous ces cas, il s'agit plutôt du
concept ASPECT : ces six catégories de /pantalon/ ont été
nommées à cause de leur ressemblance aux autres
vêtements. Je peux donc représenter leur structure sémique
en utilisant ce concept et le sème qui pourrait être
terminogénique.

Battle-dress : PANTALON&ASPECT : ressemble


au pantalon militaire.
Bermuda : PANTALON&ASPECT : ressemble au
pantalon porté à Bermuda.
Caleçon : PANTALON&ASPECT : ressemble à
/caleçon 1./.
Corsaire : PANTALON&ASPECT : ressemble au
pantalon des corsaires.
Jean : PANTALON&ASPECT : ressemble à /jean
1./.
Salopette : PANTALON&ASPECT : ressemble à
une salopette d'enfant.
Il y a donc des cas où le trait particulier n'est pas évident,
ou très compliqué, ou n'est pas facile à décrire en un mot.
Dans ces conditions, la dénomination n'utilise pas le sème
correspondant au concept principal, mais cherche un autre
chemin, par exemple, utilise la ressemblance à un autre
vêtement. Cela veut dire que le sème ASPECT ne peut pas
toujours être réduit à une caractéristique plus concrète
comme LONGUEUR, COUPE, DÉTAIL. Parfois, il
faudra parler d'un ensemble de traits terminogéniques qui
reflète une ressemblance générale à un autre type de
vêtement. Il faudra donc ajouter le sème ASPECT
(INTÉGRAL) à la liste des sèmes terminogénique prévus
pour analyser les vêtements. De plus, il faudra chercher un
moyen de représenter la structure conceptuelle plus
précisément.
Dans les cas de « caleçon », « jean » et « salopette », il
semble que le nom d'un autre vêtement soit carrément
emprunté et utilisé tel quel dans le contexte du vêtement
féminin. Dans ces exemples, les noms empruntés
contiennent déjà le même hyperonyme PANTALON dans
leur signifié, ce qui explique l'absence de groupes
terminologiques contenant un mot générique et un
spécificateur. Il paraît que « le jean » a changé son sens
graduellement ce qui est reflété dans les définitions du
Petit Robert en 1991 et en 2004 :

Petit Robert (1991) : JEAN ou JEANS n. m. (v.


1967; mot amér., « treillis »). Anglicisme. 1.
Blue*-jean. 2. Pantalon en jean, de n'importe
quelle couleur. 3. Toile servant à confectionner ces
pantalons.

Petit Robert (2004) : JEAN n.m. 1. Pantalon de


toile très solide (bleu à l'origine => blue-jean), à
coutures apparentes. 2. Toile très solide […] 3.
Pantalon coupé comme un jean.

Puisque le MATÉRIEL est devenu un trait facultatif pour


le jean pendant ces dernières années [12], il est possible
d'analyser le terme « jean » comme un pantalon possédant
des traits typiques d'un jean (e.g. coupe confort, poches
multiples, couture rabattue double à la couleur
contrastante) et dont l'aspect ressemble au jean classique
en général.
Jean : PANTALON&ASPECT : ressemble au /jean
2./.
Dans les cas de « battle-dress » et « corsaire », il est plus
vraisemblable que le mot correspondant à l'ASPECT soit
d'abord ajouté au terme générique « pantalon ». Les
catalogues procurent beaucoup de groupes comme « le
pantalon battle dress », « le pantalon battle » mélangés
avec « le battle-dress » et « le battle ». Les dictionnaires
ne contiennent pas le terme « battle-dress » dans le sens de
pantalon mais proposent la définition pour 'battle-dress' -
'veste' qui semble avoir la même structure conceptuelle :

La situation illustrée par A. et B. ci-dessus semble être


productive dans la terminologie de la mode (et non
seulement de la mode, si on pense à deux objets différents
nommés « portable », par exemple). Il paraît que deux
objets qui ont des Denotata différents mais partage le
même trait dominant dans leurs Designata ont la tendance
à partager le nom dans les situations où la confusion n'est
pas envisageable.

Le Petit Robert et le Dictionnaire de la mode citent le


groupe « pantalon corsaire » et permettent de préciser la
structure conceptuelle du 'corsaire' qui comprend non
seulement la longueur au-dessous de genou mais aussi la
coupe spécifique :

Petit Robert (2004) : 4. Pantalon corsaire =


pantalon court (au-dessous de genou) et moulant.

Petit Robert (1991) : (Corsari, fin XII; it. Corsaro,


de corsa « course »). 1. Ancienn. Navire armé en
course par des particuliers, avec l'autorisation du
gouvernement. - Le capitaine qui commandait ce
navire. 2. Avanturier, pirates. Spécialt. les
corsaires barbaresques. 3. Vx. 4. Adj. Mod.
Pantalon corsaire, serré au-dessous du genou. [13]
Corsaire : PANTALON&(COUPE : moulante ou
serré au-dessous du genou) [14] &LONGUEUR :
au-dessous du genou.

La structure conceptuelle du 'bermuda' doit être précisée


de la même façon que la structure du 'corsaire' : il s'agit
non seulement d'un 'Short à longues jambes s'arrêtant au
genou' mais aussi d'un 'short collant' d'après la définition
du Petit Robert.
Bermuda : PANTALON&(COUPE : collant) [15]
&LONGUEUR : aux genoux.
Pour définir le terme « bermuda », j'emprunterai une
notion élaborée par Pustejovsky (1995 : 91) : Paradigme
conceptuel lexical (Lexical Conceptual Paradigm = lcp).
Ce paradigme permet de caractériser des items lexicaux
comme méta-entrées (metaentry) qui peuvent fonctionner
différemment du point de vue sémantique dans des
contextes différents. Grâce à ce paradigme, les alternances
sémantiques des noms comme « Reeboks » peuvent être
vues comme un type particulier de polysémie, soit comme
diathèses produit / producteur de la même méta-entrée.

Ce qui n'est pas tout à fait suffisant pour interpréter


« bermuda » comme diathèse place / peuple c'est qu'il y a
encore quelques étapes à reconstituer : peuple > vêtement
typique d'un peuple > pantalon typique d'un peuple. Est-ce
que cela veut dire que non seulement le lcp de 'bermuda'
peut être représenté comme place / peuple lcp mais
comme un lcp de trois composants place / peuple /
vêtement. La représentation de Pustejovsky serait :
place.peuple_lcp= {place.peuple, place, peuple}. Cette
représentation veut dire que les deux sens peuvent
représenter une combinaison de sens, ce qui semble moins
probable pour le sens vestimentaire. Je peux essayer de
représenter la différence entre les sens de 'Bermuda' et
'Haïti' comme Pustejovky (1995 : 95) l'a fait pour
'newspaper' et 'book' pour mieux comprendre la relation
entre les sens différents du mot « Bermuda » anglais qui a
donné naissance au terme vestimentaire anglais et français.

On doit noter la différence de forme écrite, le mot écrit


« bermuda » ne demande pas de majuscule dans le sens
de /vêtement/. De plus, j'ai dû rajouter encore un lien
(entre 'peuple' et 'vêtement') qui illustre le rapport
contourné entre le nom des îles et les habitudes
vestimentaires de sa population.

Les termes nommés selon leur ressemblance à un autre


vêtement montrent que dans la situation dénominative où
il s'agit de plus de deux traits saillants à mettre en relief, la
terminologie vestimentaire ne favorise pas la
dénomination explicite de chaque trait (au moins au
niveau des types de vêtements). Le terme préfère chercher
un spécificateur qui permet d'indiquer tous les traits
particuliers à la fois. Tous les termes qui sont nommés
selon le concept sémique ASPECT ont la même forme
linguistique : ils ne détiennent pas de nom générique, mais
maintiennent le nom spécifique emprunté à un autre
vêtement avec lequel ils partagent le concept du
designatum ou emprunté ailleurs, à une autre langue, par
exemple.
(N gén ) + N spéc (emprunté)
Les termes nommés selon la FONCTION peuvent contenir
la préposition « de », mais pas obligatoirement. On
rencontre dans les catalogues les syntagmes « pantalon de
ville » et « pantalon ville », « pantalon de sport » et
« pantalon sport », « pantalon de jogging » et « pantalon
jogging ».
N gén + (de) +N fonc
Le seul terme dont la forme représente un mot neuf, créé
pour nommer ce type de vêtement caractérisé par sa
LONGUEUR jusqu'aux chevilles.
N gén tronqué + Adj
Cette forme neuve n'étant pas typique, il faut essayer
d'expliquer pourquoi on a nommé ce type de pantalon de
cette façon et non pas tout simplement « pantalon court »,
ou « pantalon raccourci », « pantalon cheville ».

Au moins une tendance semble déjà évidente : les


catalogues préfèrent utiliser des noms de vêtements déjà
existants au lieu d'en inventer de nouveaux. L'autre
tendance - chaque sème terminogénique dispose de son
modèle de formation de termes préféré - doit être vérifiée
sur la base d'un plus grand nombre de données.

2.3.6. Continuation de la structure


arborescente
Le matériel à étudier peut être étendu en deux directions
du système terminologique :
- horizontalement, vers les termes désignant les types des
autres archétypes de vêtement - /jupe/, /veste/, /robe/, etc. ;
- verticalement, vers tous les termes relevés sous la
rubrique « pantalon » et correspondant aux variantes et
aux variantes des variantes de ce vêtement.
2.3.7. Le niveau de base
La continuation de la structure arborescente (2.i),
comparée à la structure (2.a), met en évidence la haute
valeur catégorielle (classificatrice) des termes qui se
trouvent au cinquième niveau. Les termes comme « jupe »
et « pantalon » ci-dessus, tout en étant des mots parmi les
plus connus de la langue commune et les termes les plus
fréquents, semblent en même temps correspondre aux
catégories de base de la terminologie vestimentaire. Le
cinquième niveau de la taxonomie vestimentaire proposée
correspond conséquemment à la définition du « niveau de
base » des taxonomies proposée par Rosch : « les
catégories des taxonomies d'objets concrets sont structurés
de telle manière qu'il existe généralement un niveau
d'abstraction auquel les « coupures » les plus basiques des
catégories peuvent être faites » (Rosch 1978 : 30).

Selon l'hypothèse de Rosch, des « objets de base »


manifestent des faisceaux d'attributs perceptifs et
fonctionnels qui permettent de produire des coupures de
catégorisation. Les objets du niveau d'abstraction de base
sont caractérisés par : la communauté des attributs, la
communauté de mouvements moteurs, la similitude
objective de formes, et la possibilité de reconnaître des
formes moyennes. De plus, Rosch indique que le niveau
de base est celui où s'ajuste la dénomination lexicale ;
logiquement, le nom du niveau de base représente « le
nom le plus utile et le plus utilisé » (Rosch 1978 : 35). En
ce qui concerne la terminologie vestimentaire, non
seulement les listes de fréquence confirment le statut « le
plus utilisé » des termes du cinquième niveau qui ont été
choisis comme archétypes vestimentaires, mais aussi
l'expérience quotidienne confirme l'impossibilité de
confondre 'les jupes' et 'les pantalons' selon les quatre
critères d'abstraction de base.

Même si les recherches ultérieures ont démontré que les


taxonomies différentes peuvent être structurées selon des
principes différents et que la notion de niveau de base n'est
pas toujours évidente (Dubois 1991a : 40), pour la
terminologie banalisée vestimentaire cette notion est tout à
fait valable et utile. Ce niveau représente une véritable
frontière conceptuelle entre les notions génériques (ou
collectives comme 'les vêtements couvrant le bas du
corps') des niveaux supérieurs et les notions spécifiques
(dénommant des types et des variantes plus concrets
comme « le battle » ou « la minijupe ») des niveaux
inférieurs. Il ne faut que préciser que le sixième niveau où
se trouvent les noms des types principaux de vêtements
demande sûrement plus de « finesse de discrimination »
ou bien plus d'expertise, mais ce niveau peut aussi inclure
des notions qui peuvent répondre aux quatre
caractéristiques d'objet basique et dont les noms peuvent
être presque aussi fréquents que les noms du niveau de
base (jean). Je peux considérer le sixième niveau comme
le niveau transitif du point de vue de la lexicalisation des
termes banalisés vestimentaires.

o 2.4. Contenu et forme des termes


désignant des variables de /pantalon/
Plus haut, en 2.3., j'ai analysé les types de /pantalon/ qui
trouvent place sur le sixième niveau du système
terminologique et représentent les types principaux de ce
vêtement. Plus bas, je me pencherai sur les termes
désignant des variantes de /pantalons/ qui se trouvent sur
les niveaux inférieurs.

2.4.1. Correspondance entre le trait


terminogénique et la forme des termes
désignant des variantes de pantalons
Ci-dessous, je grouperai tous les termes relevés sous les
rubriques 'pantalon' selon leurs traits terminogéniques. À
l'intérieur de chaque groupe, je rassemblerai les termes
selon leur forme.

Pour le sous-domaine de 'pantalon', je distinguerai cinq


traits terminogéniques : A. MATÉRIEL ; B. FONCTION ;
C. ASPECT(VISUEL/INTÉGRAL ou COUPE) ; D.
LONGUEUR ; E. DÉTAIL. (A) Trait terminogénique
MATÉRIEL _____________________________136
exemples
Les termes formés à la base du trait MATÉRIEL ci-dessus
offrent trois patrons principaux de formation de termes : le
patron N+N sans préposition (A.a), le patron N+A (A.b) et
le patron N+en+N avec la préposition « en » (A.c). Dans
le cadre du sous-domaine 'pantalon', je peux comparer la
productivité de ces patrons en utilisant une formule
simple. [16] En fait, je ne compterai que le pourcentage de
termes produits par chaque patron pour chaque trait
terminogénique mais j'appellerai ce pourcentage
« productivité » pour simplifier la terminologie. Puisque
les exemples cités sous (A.a.a)-(A.a.d) représentent des
variations du patron (A.a), je les compte sous cette
rubrique.

Il est évident que le patron qui produit 64% de termes est


le patron préféré pour ce trait terminogénique. Si je
compare la productivité des deux autres patrons,
prépositionnel N + en + N représenté par les exemples
dans (A.c) et (A.c.a) et adjectival N + A dans (A.b), je
peux faire des conclusions concernant le patron le moins
populaire.

La comparaison des résultats : 63,9 % pour (A.a) avec


21,3 % pour (A.b) et 14,7 % pour (A.c) démontre non
seulement la où dominance absolue du patron sans
préposition mais aussi l'usage très limité (14,7%) du
patron prépositionnel. De plus, en huit cas de (A.c.a), la
présence de la préposition peut être expliquée par la
présence du deuxième nom spécificateur. Un déterminant
comme « extensible » en (A.b) est acceptable parce qu'il
n'y a pas de confusion possible : cet adjectif peut aussi
bien décrire le pantalon que le matériel. Possiblement
donc, les constructions avec « en » s'utilisent pour éviter la
confusion si le sujet dénommant veut souligner qu'il s'agit
d'une qualité du matériel et non pas de tout le vêtement.
Les exemples ci-dessous ne décrivent pas le matériel
proprement dit mais son motif.

D'après ces exemples, il est évident que les motifs


différents préfèrent des patrons différents. Cependant,
dans le seul cas où le même motif utilise deux patrons
différents, la variante sans préposition est encore plus
fréquente « le pantalon chevrons » (5 exemples) et « le
pantalon à chevrons » (2 exemples).
Pour le trait FONCTION, la prédominance du patron sans
préposition N + N dans (B.a) est évidente :
Dans le cas du trait ASPECT, la décision concernant le
trait terminogénique exact n'est pas toujours facile. En fait,
le groupement ASPECT contient beaucoup de termes qui
ne peuvent pas être référés à aucun autre groupe, mais qui
décrivent des pantalons assez spécifiques pour parler de
leur aspect en général. Il est possible que ce soit justement
la complexité du concept de leur Designatum qui oblige à
chercher un nom étranger (baggy), ou propre (Palm ou
Energy) pour nommer les variantes de /pantalons/ qui ont
plus d'un trait spécifique. Ceci pourrait expliquer la
quantité élevée d'emprunts dans le groupement du trait
ASPECT. Quand il s'agit de ce trait complexe, que je
précise comme ASPECT INTÉGRAL, le patron de
formation est N+N et ses variations dans (C.a.a)-(C.a.d). Il
faut noter que les douze noms « propres » cités dans
(C.a.d), sont d'origine anglaise sauf « Oméga ». En (C.a),
32 spécificateurs sur 39 sont des anglicismes, ce qui
représentent 82 % d'exemples.

Quand s'il s'agit d'une caractéristique concrète de la coupe


du /pantalon/ précisée comme ASPECT COUPE, le patron
préféré est N + A / PP dans (C.c). Cependant, ce patron
inclut un nombre important (29) de termes cités en (C.c.b)
qui sont formés avec un mot explicatif et dont le patron de
formation se rapproche du patron N+N sans préposition :
N+Nexplicatif+A.

Deux patrons principaux sont utilisés pour dénommer la


longueur N + PP « raccourci » ou N + Nombre fraction
« 3/4 ». L'adjectif « court » n'est employé qu'une fois, ce
qui renvoie au terme « pantacourt » qui est formé à l'aide
de cet adjectif sur le radical « pantalon » et qui a la
fréquence de 206 dans le corpus. Cela fait supposer que le
chiffre 23 exemples pour le trait LONGUEUR ne reflète
pas l'importance de ce trait pour le domaine 'pantalon' où
ce trait est souvent présent dans le signifié des types
principaux de pantalons comme je l'ai démontré en 2.3.3.
Quand il s'agit d'un seul détail comme en (E.c), le modèle
avec la préposition « à » est préféré. Cependant, si ce
détail a un attribut ou s'il s'agit de plusieurs détails comme
en (E.a.a), (E.a.b) et en (E.d), le modèle sans préposition
est utilisé. C'est, encore une fois, question de production
de syntagmes bizarres dans les cas d'un seul détail comme,
par exemple, « *pantalon revers ». Bien que les mots
« revers », « pont », « pinces » puissent être facilement
interprétés dans le contexte vestimentaire, ils ne s'utilisent
pas dans le patron non prépositionnel (E.a). Il est possible
que ce soit l'existence de leurs homonymes plus fréquents
qui empêche au sujet dénommant de créer des syntagmes
sans préposition.
2.4.2. Forme des termes désignant des
variantes de /pantalon/
Les termes dénommant des variantes de vêtements sont le
plus souvent formés comme syntagmes nominaux et
représentent des exemples classiques de modification
restrictive. Chaque déterminant ajouté au nom du type de
vêtement restreint le sous-domaine de ce vêtement en le
réduisant à la classe plus étroite de ces variantes qui
partagent la même caractéristique (souvent reflétée par le
déterminant).

Tous les groupements de termes ci-dessus offrent le même


tableau du point de vue de la forme des termes :

1) La plupart des termes sont formés de deux mots


ou plus.
2) Certains termes sont construits comme des
syntagmes traditionnels français (e.g. N gén +
Adj ; N gén + prép + N spéc).
3) La grande majorité des termes sont formés par
simple juxtaposition de deux, ou même trois,
noms.
4) Parfois, le même terme a deux formes : avec et
sans préposition.
Il semble que, là où c'est possible, les catalogues utilisent
une formule de dénomination sans préposition. Non
seulement c'est le modèle préféré de formation de termes,
mais c'est une norme évidente. Ce qui a probablement été
le principe d'économie s'est développé en une sorte de
langage assez spécifique. C'est un genre de grammaire à
l'envers, où presque tous les cas de l'utilisation de
prépositions peuvent s'expliquer par l'impossibilité de les
omettre.

En me basant sur les exemples analysés, je peux déjà


énumérer les cas où une omission de préposition ne
semble pas permise :
1) Quand la juxtaposition peut former des groupes
au sens percevable comme bizarre à cause de
l'existence de l'homonyme du déterminant, e.g. :
a) « Le pantalon en crêpe » en (A.d.) - « *le
pantalon crêpe » ;
b) « Le pantalon à pont » en (F.a) - « Le
pantalon pont ».
2) Quand il y a un adjectif (ou un autre attribut) qui
ne peut être attribué qu'au nom spécifiant selon le
sens, mais dont la forme permet une attribution au
nom générique aussi, e.g. :
a) « Le pantalon en velours côtelé
extensible » en (A.e) - ce n'est que le
velours qui est côtelé ;
b) « Le pantalon velours extensible » en
(A.b) - les deux, le pantalon et le velours,
sont extensible ;
c) « Le pantacourt poches cavalières » en
(F.c) - selon la forme de l'adjectif, ce ne
sont que les poches qui sont cavalières.
3) Quand il y a déjà plus de deux mots spécifiant,
e.g. « Le pantalon bassin plat en gabardine bi-
extensible » (A.d.d.d)
Il faut noter que dans ces trois cas qui requièrent des
syntagmes avec préposition, il s'agit plutôt de description
d'une variante très particulière de /pantalon/ que de nom
d'une variante typique.

2.4.3. Nom de vêtement versus description de


vêtement
Toutes les unités décrivant ou dénommant les vêtements
dans les catalogues font partie de la nomenclature
vestimentaire, puisqu'elles sont créées afin de nommer
chaque modèle destiné à la vente. Néanmoins, on peut
distinguer deux types principaux de ces unités
dénominatives :
1) Noms vestimentaires qui ne se distinguent pas
d'unités syntaxiques ordinaires et qui ont un sens
complètement transparent.
2) Noms vestimentaires qui ne sont pas formés
selon les règles syntaxiques habituelles et dont le
sens n'est pas toujours évident.
Les noms vestimentaires du premier type sont plutôt des
descriptions des modèles de vêtements. Les noms de ce
type ne seront jamais listés dans un dictionnaire, même
pas dans une encyclopédie spécialisée de la mode, en
raison de leur transparence - il suffira que leurs
composants soient expliqués. Les noms du deuxième type
peuvent représenter plus d'intérêt lexicographique puisque
leur sens n'est pas toujours facilement interprétable. Les
noms de ce dernier type peuvent être qualifiés comme
termes vestimentaires. Ces noms de vêtements
représentent aussi beaucoup d'intérêt linguistique comme
des unités oscillant entre le lexique et la syntaxe. [17]

À première vue, tous les termes qui n'utilisent pas de


prépositions font partie de ce dernier groupe
« lexicalisable ». Il paraît très naturel qu'en absence de
préposition il soit impossible de déchiffrer la relation
exacte entre les éléments de l'unité. [18] Toutefois, après
avoir trié les termes selon leurs sèmes
« terminogéniques », il est devenu évident que les
composants correspondant à certains sèmes ne produisent
presque jamais d'ambiguïté même dans les constructions
sans préposition. Dans le sous domaine de 'pantalon', ce
sont des composants correspondant aux sèmes 'matériel',
'longueur', 'détail' qui ne produisent presque jamais de
confusion. Il n'y a rien à deviner quand il s'agit de
« pantalon velours », de « pantalon cheville » ou de
« pantacourt poches cavalières » (si on sait ce qu'est une
'poche cavalière'). Il s'agit ici des termes complexes où les
relations implicites entre les composants du sens sont
limitées.
Les composants correspondant aux sèmes 'aspect intégral'
et 'fonction', au contraire offrent souvent de l'incertitude
d'interprétation. Néanmoins même dans ces cas, il apparaît
que très souvent ce n'est pas l'absence de préposition qui
rend l'interprétation difficile, mais la nature du sens des
composants. On a beau savoir que « Johdpurs » est le nom
d'une ville en Inde, on peut même savoir que cette ville est
connue pour ces nombreuses fabriques de cotonnades, ceci
n'aidera pas à imaginer l'aspect de /pantalon johdpurs/
comme « un pantalon long utilisé pour monter à cheval,
serré à partir du genou jusqu'à la cheville et renflé par des
« joues d'aisance » sur le coté extérieur des cuisses »
(Remaury 1994 : 430). Le même problème de relation
nom-image s'observe dans les termes qui sont formés par
le sème 'fonction'. Même si on comprend le mot anglais
« jogging » et si on peut deviner que le « pantalon
jogging » était initialement destiné à faire du jogging, il
n'est toujours pas possible d'imaginer ni la coupe ni les
traits spécifiques de ce genre de pantalon.

Il faut bien noter que la présence d'une préposition ou de


n'importe quel élément liant les deux mots ne pourrait pas
aider non plus : /pantalon de johdpurs/, /pantalon aspect
johdpurs/, /pantalon genre johdpurs/ ne semblent pas plus
illuminants que /pantalon johdpurs/. Ce n'est pas par
hasard que ce problème ressortit surtout avec les
composants du sème 'aspect' : par définition 'aspect
intégral' n'est pas facile à décrire. En fait, c'est la
complexité du concept qui peut inciter à chercher un
attribut surprenant ou à emprunter un mot étranger pour
nommer un vêtement qui a plus d'un trait particulier.
Naturellement, on ne trouve un déterminant spécifique que
dans les cas ou le vêtement à l'aspect complexe devient
très populaire. Si le modèle de vêtement n'est que
passager, son nom apparaît sous forme de description et
disparaît avec la disparition du modèle.
La complexité du concept peut être une des raisons de
l'absence de préposition : il n'est pas facile de définir la
relation entre deux noms même au moment de la
dénomination. En pareils cas, le modèle de production de
termes sans préposition rend un service énorme à ceux qui
doivent créer ou choisir des noms de vêtements. Ce qui
peut partiellement expliquer la popularité du modèle N+N
surtout pour le groupement de ASPECT INTÉGRAL.

2.4.4. Trois types de termes


Les termes qui posent des problèmes d'interprétation de
leur sens semblent être aussi distincts des termes
génériques que des termes descriptifs. Le matériel extrait
des catalogues me permet de distinguer trois groupes de
termes dont chacun diffère des deux autres selon trois
critères : selon la structure de leur signifié, selon la forme
de leur signifiant, et selon leur fréquence dans le corpus.
Évidemment, ces groupes de termes sont des ensembles
flous et certains termes ne sont pas faciles à attribuer à un
seul groupe. Il y a donc, dans chaque groupe des
représentants plus typiques et moins typiques, mais cela
n'empêche pas d'établir un tableau général.

Ci-dessous, je décris ces trois groupes de termes sous la


forme de trois tableaux. Chaque tableau contient la
description du signifié et caractérise le signifiant selon la
forme et la fréquence d'occurrence dans le corpus étudié.
J'ai aussi ajouté le nombre total de réponses offertes par
Google en 2007, qui peut donner une idée sur l'utilisation
du terme en général. Les tableaux contiennent trois
colonnes : la première présente la moyenne pour tout le
groupe, la deuxième donne les chiffres pour un exemple
typique, la troisième pour un exemple atypique. [19]
Le premier groupe, décrit dans le tableau (2.j) est
représenté par les archétypes de vêtements qui sont
représentés dans le tableau (2.e) et dans la liste des termes
génériques en 1.3.3. Le pourcentage (80%) est la moyenne
de 76% (des 17 termes du tableau (2.e) dont 13 sur 17 sont
des termes simples) et de 85% (de la liste des termes
génériques en 1.3.3. dont 22 sur 27 sont des termes
simples). [20]
Les huit types de pantalons viennent des tables des
matières citées en 2.3.1. Les onze termes considérés
comme « variantes principales » de pantalons étaient
choisis du corpus selon le critère de fréquence : les onze
termes ont la fréquence plus haute que trois dans le
corpus. Ce sont : baggy, bootcut, charpentier, chino,
denim, droit, extensible, jodhpur, raccourci, slack, stretch.
Cinq sur ces dix-neuf termes (en fait, cinq sur huit types
de pantalons) ont une forme simple (26,3%) ; six ne se
rencontrent qu'en combinaison avec un mot générique
(31%) ; cinq s'utilisent avec ou sans un mot générique
(26,3%). [21]
Tous les termes de ce groupe ont une forme complexe
(100%). Il est possible de compter le pourcentage de
termes à trois éléments ou le pourcentage de termes à
quatre éléments, ou le pourcentage pour chaque patron de
formation. Cependant, les termes qui ne se composent que
de deux éléments, mais qui ne montrent pas de fréquence
assez élevée pour être inclus dans le deuxième groupe
représentent le plus d'intérêt. Très souvent se sont des
anglicismes redoublant le sens de termes français (e.g.
worker, slim).
Les exemples atypiques semblent être les plus intéressants
à étudier puisqu'ils peuvent représenter des termes en état
transitif. Ces termes transitifs peuvent contribuer à l'étude
du processus de dénomination ou de lexicalisation.
o 2.5. Conclusion du chapitre 2

Dans ce chapitre, j'ai analysé la structure conceptuelle de


la terminologie vestimentaire et la structure sémantique de
ses termes. Pour mieux saisir la taxonomie de la
terminologie, j'ai construit une structure arborescente de
ses niveaux supérieurs en commençant par le terme le plus
générique « vêtement ». Cette structure arborescente a
aidé à particulariser les sèmes principaux des archétypes
de vêtements (± EXTÉRIEUR, ± BAS, ± SÉPARÉ) et de
représenter la structure sémique des archétypes sous forme
de formules (tableau (2.f).

La structure arborescente a mis en évidence l'existence du


niveau de base (dans le sens de Rosch 1978 : 30) qui
regroupe les noms des archétypes correspondant aux
coupures de catégorisation de la terminologie. La tentative
de continuer la taxonomie après le niveau de base, le
cinquième, a démontré que les notions des niveaux
inférieurs ne sont pas aussi faciles à structurer que les
notions des niveaux supérieurs. Après le sixième niveau
qui regroupe les types de vêtement, la structure des
notions devient de plus en plus chaotique comme le
démontre la figure (2.i) représentant la tentative
d'organiser les variantes et les variantes des variantes du
'jean'.

La notion de trait terminogénique a été très utile pour


représenter la structure sémantique des types et des
variantes des vêtements. À titre d'exemple, j'ai analysé
tous les types principaux du sous-domaine 'pantalon' qui
est le plus grand sous-domaine du corpus (1907 termes).
La structure conceptuelle des types et de variantes de
'pantalon' a été représentée à l'aide des formules
comprenant le classificateur PANTALON et un ou deux
traits terminogéniques. Finalement, la corrélation entre la
structure sémantique et la forme des termes analysés a été
mise en évidence.

Les analyses effectuées dans ce chapitre ont permis de


distinguer trois groupes de termes qui diffèrent selon leur
structure sémantique, leur forme et leur fréquence : le
premier groupe se compose des archétypes vestimentaires,
le deuxième des types et des variantes principales, le
troisième des variantes des variantes. Les différences de
ces groupes de termes sont présentées dans les tableaux
(2.j) - (2.m).
o 4. RÉGULARITÉS SÉMANTICO-
SYNTAXIQUES ET DÉNOMINATION
o 4.0. Introduction
Dans les chapitres 2 et 3, j'ai exposé certaines
particularités des termes vestimentaires. Dans ce dernier
chapitre, je me pencherai sur les régularités de
dénomination que j'ai discernées en analysant les termes
du corpus. D'abord, j'essaierai d'expliquer les particularités
et les régularités du point de vue de la corrélation entre le
contenu et la forme de ces termes. Pour affiner l'analyse de
cette corrélation, j'utiliserai d'abord la sémantique du
prototype et la sémantique générative (en 4.1.- 4.3.).
Après, en 4.4., je mettrai les résultats de cette analyse dans
une perspective élargie, celle du signe linguistique. Le
modèle du signe linguistique de Piotrowski (figure (4.j))
me permettra de représenter le monde extérieur, le signe
terminologique et les moyens linguistiques disponibles
dans le même schéma et de décrire le processus de
dénomination à partir de l'objet vestimentaire à nommer
jusqu'au terme attesté. Finalement, j'esquisserai le rôle des
facteurs subjectifs et le caractère incontournable des
facteurs objectifs dans le processus de dénomination.
o 4.1. Notion de prototype et structure

qualia
Avant de passer à l'explication des particularités des
termes vestimentaires, il faut créer une base conceptuelle
plus précise que la structure arborescente (figure (2.i)), qui
est loin d'être aussi bien ordonnée que la structure des
niveaux supérieurs (figure (2.a)). À la différence des
archétypes vestimentaires qui peuvent être systématisés et
décrits selon trois caractéristiques stables (sèmes
principaux en 2.2.1.), les types et les variantes sont trop
nombreux et n'offrent pas de critères de systématisation
évidents. Il est donc nécessaire de trouver une formule qui
permettrait de représenter la structure conceptuelle des
types et des variantes vestimentaires d'une manière
uniforme. Cette formule doit être complète, c'est-à-dire,
elle doit contenir toutes les caractéristiques des items
vestimentaires qui peuvent être importantes du point de
vue de la dénomination. Certaines de ces caractéristiques
variables - ASPECT, LONGUEUR, FONCTION - ont été
présentées dans l'analyse sémantique des types de
'pantalon' en 2.3., ces caractéristiques ont été complétées
de MATÉRIEL et DÉTAIL au cours de l'analyse des
variantes vestimentaires en 2.4. L'analyse des termes
complexes en 3.4. a démontré que ces caractéristiques
n'ont pas la même valeur (obligatoires, variables,
complémentaires) et que leur expression manifeste un
ordre préféré dans la structure syntaxique des termes
complexes.

Pour préciser la structure conceptuelle des termes,


j'utiliserai des idées provenant de deux approches
sémantiques : la sémantique du prototype (Rosch 1973,
1975, 1978 ; Dubois 1991b) et la sémantique générative de
Pustejovsky (1991, 1995).

4.1.1. Les notions profitables de la


sémantique du prototype
D'après l'analyse des termes du niveau de base en 2.3.7.,
l'approche de la sémantique du prototype semble être très
appropriée pour expliquer certaines particularités de la
terminologie vestimentaire. Beaucoup d'idées de cette
approche ont de la résonance avec le matériel du corpus :
la notion de prototype et de degré de représentativité d'un
exemplaire (archétype du niveau 5 en 2.2.) ; la perception
des frontières entre les catégories floues (structure
arborescente de la figure (2.i)) ; « l'air de famille » comme
principe de groupement de catégories (cf. « battle-dress »
figures A. et B. en 2.3.5). Cependant, cette approche
psychologique semble contredire le rationnel de l'approche
onomasiologique que j'ai choisie pour mon étude
terminologique. Basée sur la perception psychologique des
individus, la sémantique du prototype ne favorise pas la
représentation des différences catégorielles en termes
logiques des conditions nécessaires et suffisantes. Malgré
ces contradictions apparentes, j'essaierai d'incorporer
certains concepts de la sémantique du prototype dans mes
analyses, d'autant plus que la version révisée de la
sémantique du prototype n'insiste plus sur l'origine
alogique du prototype et parle plutôt d'effets et de degrés
de prototypicalité.

Il existe deux versions principales de la sémantique du


prototype [1] : la version standard représente le prototype
comme une image globale d'un exemplaire par
excellence ; la version étendue le représente comme un
effet ou produit des structures catégorielles profondes
(Kleiber 1991b). Même s'il n'y a pas d'unanimité au sujet
de la représentativité catégorielle du prototype entre la
version standard et la version étendue, je retiendrai de la
sémantique du prototype l'idée de la possibilité de
catégoriser de façon globale et non pas de façon
analytique. Parmi les types de prototypes proposés par
Fillmore (1982 : 32-34), je choisirai le type « oiseau » qui
(en étant le seul substantif concret) semble convenir le
mieux aux objets vestimentaires : pour ce type, « la
catégorie est identifiée en termes d'un ensemble de
conditions, mais les meilleurs exemplaires sont ceux qui
sont les plus proches d'une idéalisation de la catégorie,
cette idéalisation étant une conjonction des traits qui
assurent la cue validity pour la catégorie » (cité d'après
Kleiber 1991b : 119).

Dans mon analyse des données terminologiques, j'ai utilisé


l'approche onomasiologique pour avoir un canevas logique
qui permettait de structurer et grouper les items recensés.
Dans mon analyse du processus de dénomination,
j'utiliserai la notion de prototype pour avoir une carcasse
typique qui permettra de comparer les termes dénommés
selon les traits différents. Pour ne pas me perdre dans les
contradictions terminologiques de la sémantique du
prototype, je considérerai l'archétype vestimentaire comme
porteur des traits catégoriels (et prototypiques) qui
assurent la distinction des catégories principales
vestimentaires.

Pour simuler le processus de dénomination, chaque item


vestimentaire dénommé (considéré comme item à être
dénommé) sera comparé à l'archétype correspondant,
d'abord globalement, au niveau du denotatum (Dn) et,
après plus en détail, au niveau du désignatum (Ds). Ces
deux étapes de la comparaison correspondent aux deux
étapes principales de la dénomination. Lors de la première
étape, on choisit un classificateur conceptuel. Lors de la
deuxième étape, on précise les caractéristiques - c'est une
étape de comparaison analytique des traits de l'item
dénommé avec les traits conceptuels de l'archétype choisi
comme classificateur.

Pour examiner la deuxième étape de la comparaison, j'ai


besoin de structurer les traits catégoriels, prototypiques et
variables des archétypes. Je différencierai les traits
catégoriels (obligatoires) des traits prototypiques (c'est-à-
dire, non obligatoires mais associés étroitement avec
l'archétype en question, comme 'long jusqu'aux pied' pour
'pantalon'). La charpente qui permettra de structurer les
traits catégoriels et prototypiques et, en même temps, de
prévoir les traits variables sera construite sur la base de la
« structure qualia » de Pustejovsky (1995).

4.1.2. Le modèle de Pustejovsky et la


structure conceptuelle
L'approche de Pustejovsky (1995), une description
sémantique formalisée à l'aide de la « structure qualia » [2]
empruntée à Aristote, aide à expliquer certaines
particularités des termes vestimentaires.

Pustejovsky interprète la structure qualia comme un


ensemble de qualités essentielles (ou de contraintes
lexicales) qui permet de comprendre l'emploi du mot par
la langue. Cet ensemble de quatre qualia se compose de :
quale Constitutive, quale Formelle, quale Télique et quale
Agentive. Le discernement des qualia peut aider à étudier
la relation entre les composants du sens et leurs
représentations dans la terminologie des catalogues. À son
tour, la précision des composants du sens, peut aider à
mieux structurer le système conceptuel des niveaux
inférieurs de la terminologie vestimentaire.

Ci-dessous, j'interprète deux archétypes vestimentaires


différents, « pantalon » et « veste », selon la structure
qualia de Pustejovsky (1995 : 85-86). J'ai choisi deux
archétypes complètement différents pour discerner les
composants que je peux prendre en considération comme
qualités essentielles d'un vêtement en général.
L'ensemble de propriétés de 'pantalon' [3] et de 'veste' [4]
inscrites dans la troisième et la quatrième colonne du
tableau (4.a) constitue une description assez complète et
reconnaissable de ces archétypes de vêtement. En même
temps, le tableau a mis en évidence le fait que les
composants des qualia n'ont pas la même valeur dans la
structure conceptuelle d'un 'vêtement' :
1. Plusieurs composants ne semblent pas pertinents
pour la structuration conceptuelle de la
terminologie vestimentaire parce qu'ils sont les
mêmes pour tous les vêtements proprement dits
comme ceux de la quale Agentive - fabrication
d'artéfact ('confectionner') ou la quale Télique -
fonction prévue ('vêtir'). Cependant, la quale
Télique peut avoir besoin d'une précision
pertinente ('pas chez soi') dans le cas de 'veste'.
2. Certains composants ont un contenu permanent
pour chaque archétype (les qualités qui
correspondent à la structure sémique de (2.f) sont
soulignées dans le tableau) : quale Constitutive -
parties ; quale Formelle - forme, position. Ces
composants sont suffisants pour distinguer des
archétypes de vêtements.
3. D'autres composants qui sont désignés comme
« variables » ouvrent la possibilité d'imaginer des
variantes potentielles de cet archétype de vêtement.
Si on invoque un exemplaire abstrait d'un archétype
vestimentaire, les composants qui sont spécifiés dans le
tableau (4.a) correspondront aux caractéristiques
différentes du point de vue de leur typicité.

Je distinguerai trois types de propriétés archétypiques :

- catégorielles ou obligatoires qui sont absolument


nécessaires pour assurer l'appartenance du
vêtement à son archétype ;
- prototypiques qui sont typiquement associées
avec cet archétype ;
- variables ou facultatives qui peuvent différer ou
être absentes dans l'image d'un exemplaire abstrait
selon expérience individuelle.
La structure qualia proposée par Pustejovsky peut servir
de base pour décrire les qualités essentielles selon
lesquelles les variantes vestimentaires, ainsi que leurs
propriétés catégorielles, prototypiques et facultatives,
peuvent être distinguées. Cependant, il est évident qu'il
faut élaborer un ensemble de composants conceptuels plus
convenable à l'étude des vêtements. Il s'agit des qualités
obligatoires et prototypiques auxquelles on pourrait
comparer des qualités spécifiques et variables.

Pour élaborer une structure de composants adéquate à


l'étude des termes des catalogues, il est nécessaire de faire
les changements suivants dans la colonne 2 du tableau
(4.a) :

- éliminer les caractéristiques qui n'ont pas de


pertinence pour les artéfacts comme vêtements
('but d'un agent', 'type naturel') ou qui n'ont pas
d'importance pour la terminologie des catalogues
('magnitude' (ou plutôt 'taille'), dimensionnalité et
'couleur' [5]) ;
- formuler les caractéristiques principales et
qualités prototypiques des archétypes ;
- anticiper les caractéristiques variables selon les
types, sous-types et variantes des vêtements.
Après avoir fait ces changements, j'ai revu l'ensemble des
composants des qualia, qui est plus approprié à la
description d'un artéfact vestimentaire. Ces composants
sont présentés dans la deuxième colonne du tableau (4.b)
ci-dessous. Dans la troisième et la quatrième colonnes, le
pouvoir descriptif de ces composants est vérifié sur deux
exemples d'archétypes vestimentaires similaires, 'pantalon'
et 'jupe'.

Pour chaque quale, j'ai mis les traits catégoriels des


archétypes en premier lieu. Si le même composant peut
contenir des traits catégoriels et des traits variables, les
variables sont donnés entre les parenthèses. J'ai remplacé
les formulations générales des qualia Télique et Agentive,
'fonction prévue' et 'artéfact', par les verbes « vêtir » et
« confectionner » plus appropriés pour les vêtements. J'ai
aussi remplacé la dimensionnalité de la quale Formelle par
ses caractéristique plus pertinentes - 'longueur' et 'largeur' :
la dimensionnalité est toujours la même pour tous les
vêtements proprement dits contemporains qui sont à trois
dimensions. Ce ne sont que certains accessoires comme
châles, écharpes ou foulards qui sont à deux dimensions.
Pour chaque archétype vestimentaire la structure qualia
représente un moule de ses qualités obligatoires,
prototypiques et variables. Ce moule d'archétype facilitera
la comparaison des types et des variantes de vêtements.

Pour distinguer plus facilement les traits du point de vue


de leur typicité :

- les traits catégoriels (et les parties obligatoires)


sont soulignés ;
- les traits prototypiques sont en gras ;
- les traits variables et les parties variables ou non
obligatoires sont entre parenthèses.
Les composants variables de ce tableau seront pertinents
pour l'analyse des sous-types de chaque archétype dans le
futur mais ils ne sont pas pertinents pour la comparaison
des archétypes 'pantalon' et 'jupe' [6]. Ici, je me pencherai
sur le terme « jupe-culotte » qui combine les propriétés de
ces deux archétypes.

4.1.2.1. Jupe-culotte ou pantalon-jupe


La comparaison des structures qualia de 'pantalon' et de
'jupe' dans le tableau (4.b) permet d'expliquer le nom du
type vestimentaire « jupe-culotte » qui contredit l'analyse
componentielle des archétypes présentée dans la structure
(2.a). Ce terme composé qui doit avoir 'pantalon' comme
son classificateur selon sa structure conceptuelle (la jupe-
culotte couvre deux jambes séparément) a été dénommé à
partir du classificateur 'jupe'. De plus, les glossaires et les
dictionnaires utilisent 'pantalon' ou 'culotte' comme
classificateur :
Jupe-culotte
Pantalon très ample et long ou mi-long coupé de
manière à tomber comme une jupe. Sobre et
élégante version femme, elle est espiègle et colorée
pour les petites filles, à porter avec une paire de
salomés.
(http://www.shopoon.fr/guide/guide-
pratique_glossaire-mode.aspx , 14 janvier 2007)

JUPE-CULOTTE n.f. (v.1935 ; de jupe et culotte)


Vêtement féminin, sorte de culotte très ample qui
présente l'aspect d'une jupe. Des jupes-culottes
(Petit Robert 2004)

Le concept d'« air de famille » formelle n'expliquerait pas


le choix de 'jupe' comme classificateur : la ressemblance
est normalement exprimée par le spécificateur (cf.
« pantalon battle », « pantalon corsaire ») et le nom devrait
être « pantalon-jupe ». L'« air de famille » dans l'esprit de
la sémantique du prototype qui « permet aux membres
d'une catégorie d'être reliés les uns aux autres sans avoir
une propriété en commun qui définisse la catégorie »
(Kleiber 1991b : 106) pourrait servir d'explication faute de
mieux. Cependant, il s'agit d'un trait capital, en fait, selon
l'analyse componentielle, le seul trait qui distingue les
deux catégories 'jupes' et 'pantalons'. Il est douteux que la
ressemblance puisse faire « plus jupe que pantalon » de ce
vêtement qui couvre les jambes séparément. Le choix de
'jupe' comme classificateur ne peut pas être expliqué en
termes d'« expérientalisme » de George Lakoff (1987 :
XV) non plus : il est impossible d'affirmer que la jupe-
culotte soit sentie ou portée plus comme jupe et moins
comme pantalon - elle est enfilée comme un pantalon et
procure la même liberté de mouvement.

C'est la quale Télique de 'jupe' qui offre une explication


plausible : 'jupe-culotte' partage avec 'jupe' une
caractéristique importante, elle ne peut vêtir que les
femmes. Perçu comme un vêtement strictement féminin,
ce type de vêtement a été classifié comme 'jupe'. Cette
hypothèse est confirmée par l'histoire de l'apparition de ce
vêtement citée d'après Boutin-Arnaud et Tasmadjian
(2001 : 48) : « La jupe-culotte fit une véritable révolution
lors de son apparition, en 1890. Elle permettait aux
femmes, par sa forme intermédiaire entre la jupe et le
pantalon, de s'adonner à la bicyclette. Les premières jupes-
culottes étaient bouffantes et longues. » Il est tout à fait
naturel qu'au dix-neuvième siècle, alors que les femmes ne
portaient habituellement que des jupes longues, ce
vêtement féminin croisé a été classé parmi les jupes, si
c'était un 'pantalon', il ne pourrait pas avoir la fonction
télique « vêtir les femmes » à l'époque. Cet exemple
illustre une des raisons pour lesquelles le sens linguistique
ne correspond pas toujours exactement au sens
conceptuel : le système des concepts change tout en
gardant des unités linguistiques anciennes.

Il faut ajouter que de nos jours aussi, ce vêtement, ayant


l'air de 'jupe', peut être porté dans les mêmes situations
dans lesquelles on porte une jupe. Cependant ce n'est pas
la seule raison pour laquelle ce nom vestimentaire
continue d'être employé sans être perçu comme vieilli ou
inadéquat. Le raisonnement linguistique concernant la
nature de ce composé peut expliquer ce fait. Il s'agit ici du
type de composés que Brousseau (1988) appelle
« composés appositionnels » (comme, par exemple,
auteur-compositeur ou moissonneuse-batteuse) et
représente graphiquement comme deux cercles croisés à la
différence des composés endocentriques qu'elle représente
comme un cercle inclus dans un autre. En me basant sur
cette idée, je peux représenter les termes « jupe-culotte »
et « pantalon baggy » de la façon suivante :

Ces représentations démontrent la différence entre ces


deux termes. 'Le pantalon baggy' est inclus dans la classe
des 'pantalons' comme une sous-classe, il possède toutes
les caractéristiques de son archétype hyperonyme
'pantalon'. La 'jupe-culotte' partage les caractéristiques
conceptuelles des deux archétypes et peut être considérée
comme hyponyme des deux (et vendue sous les deux
rubriques). La comparaison des structures qualia montre
que ces archétypes n'ont que deux distinctions : la quale
Formelle du 'pantalon' est marquée par le sème +SÉPARÉ,
la quale Télique de la 'jupe' est marquée par le sème
+FEM. La 'jupe-culotte' possède les deux traits sèmes
marqués : comme pantalon, elle enveloppe les jambes
séparément mais, en même temps, comme jupe, elle est un
vêtement strictement féminin.

4.1.2.2. Composés vestimentaires


La représentation graphique des figures (4.c) en
combinaison avec la structure conceptuelle des niveaux
supérieurs de la terminologie (voir figure 2.a), met en
évidence un fait important concernant la dénomination
terminologique. Dans les cas où le concept vestimentaire à
nommer combine des qualités de deux notions
vestimentaires qui se trouvent sur le même niveau du
système conceptuel, la dénomination peut résulter en un
composé appositionnel comme « jupe-culotte » qui réunit
deux notions du niveau des archétypes.

Cependant l'analyse des composés du corpus révèle encore


une condition pour la création des composés
appositionnels : les deux notions à réunir dans un terme
doivent aussi se trouver à proximité l'un de l'autre dans la
structure conceptuelle arborescente ou, en autres termes,
partager la plupart des sèmes ou avoir des structures qualia
similaires. Les deux éléments des composés suivants se
trouvent sur les branches rapprochées de l'arbre
terminologique (2.a) et partagent la plupart des sèmes, ce
qui semble être condition pour le concept d'un vêtement
hybride :

La jupe short (un hybride des vêtements qui


couvrent le bas du corps)
La veste-manteau (un hybride des vêtements
d'extérieur)
La veste-chemise (un hybride des vêtements qui
couvrent le haut du corps)
Le chemisier-veste (un hybride des vêtements qui
couvrent le haut du corps)
Le dessus-dessous (un hybride des vêtements
d'intérieur qui couvrent le haut du corps)
Dans le cas de chaque composé, les structures qualia des
deux termes constituants sont aussi similaires, comme le
confirme le tableau (4.d) ci-dessous.
Dans le cas des composés qui réunissent des archétypes
des sous-domaines assez éloignés l'un de l'autre, il s'agit
plutôt des composés endocentriques avec la tête à gauche :
La robe-pull (est plutôt une robe qui ressemble à
un pull)
La robe-tablier (est une robe dont la fonction est
plutôt celle de tablier)
Le gilet-cape (est un gilet qui ressemble à une
cape)
C'est presque le même cas que celui des termes dont le
classificateur vient du niveau supérieur et dont le
spécificateur vient d'une autre terminologie (ou de la
langue commune) et délimite une sous-classe à l'intérieur
de la classe délimitée par l'hyperonyme : « pantalon
baggy », « jupe portefeuille », « jean denim » etc.
Cependant, si le spécificateur provient du domaine des
accessoires, ces composés ont souvent le sens 'doté de' :
Le pull-cravate (un pull avec une cravate)
Le pull sangle (un pull à fermeture sangle)
Le pyjashort (un pyjama avec un short au lieu de
pantalon)
Quand les composés utilisent les termes des niveaux
inférieurs (par rapport au classificateur) comme deuxième
constituant, ils peuvent aussi être classifiés comme
endocentriques. Par exemple, le constituant « tunique »
ajoute au classificateur le sens 'allongé' et 'droit' en même
temps :
Le pull-tunique (ou le pull tunique)
La chemise-tunique
La robe-tunique
La blouse tunique
Les autres constituants empruntés aux niveaux inférieurs
de la terminologie, eux aussi, le plus souvent rajoutent le
sens de leurs traits typiques au sens des archétypes qu'ils
caractérisent, ce qui résulte en termes dénommant les
vêtements selon le trait terminogénique ASPECT
(VISUEL) dont le statut, composés ou syntagmes, reste
aussi incertain :
La veste redingote (est une veste qui ressemble à
une redingote)
La chemise boléro (est une chemise courte qui
ressemble à un boléro)
Le T-shirt kurta (est un T-shirt qui ressemble à une
kurta)
Il reste à mentionner les composés exocentriques qui
semblent résulter de l'omission du classificateur mais qui
peuvent bien être créés tels quels initialement puisque le
modèle productif existe en français. Ce modèle est choisi
dans les cas où on veut mettre en relief la quale Télique
spécifique, différente de la quale Télique 'vêtir'
caractéristique pour tous les vêtements :
Le coupe-vent (protéger contre le mauvais temps)
Le cache-épaule (accessoiriser les épaules)
L'analyse des termes composés du corpus confirme que les
concepts vestimentaires différents résultent en
dénominations de nature différente.
o 4.2. Comparaison des structures qualia

des types vestimentaires avec la


structure qualia de leur archetype
L'analyse des dénominations des types de 'pantalon' en
2.3. a démontré que la plupart des types de ce vêtement, (4
sur 7), sont distingués selon la LONGUEUR, un
composant conceptuel qui est associé avec une
caractéristique prototypique de l'archétype. Il est pertinent
que tous ces types de 'pantalon' dénommant des rubriques
des catalogues, ont reçu des noms particuliers
correspondant aux termes simples (construit
« pantacourt », empruntés « short » et « bermuda », ou
résultant d'une ellipse « corsaire »), tandis que les
rubriques analogiques de l'archétype 'jupe' sont dénommés
tout simplement par les termes complexes, « jupes
longues » et « jupes courtes ». Puisque selon leurs
structures qualia (tableau (4.b)) ces archétypes diffèrent en
ce que pour 'jupe' il n'existe pas de LONGUEUR
prototypique, il est possible de supposer que dans la
situation où le trait terminogénique du type de vêtement
contredit un composant prototypique de l'archétype, le
choix de forme linguistique opte vers une création lexicale
(comme, par exemple, « pantacourt »). Cependant, dans la
situation de dénomination selon un composant variable, le
choix de forme linguistique adopte la spécification
syntaxique du trait en question (comme, par exemple,
« jupe longue »). La formation du terme « minijupe » à
l'époque (1965 Mary Quant et 1967 Courrège, d'après
Boutin-Arnaud 2001 : 48) où l'archétype 'jupe' avait un
composant prototypique 'au dessous des genoux' semble
confirmer cette hypothèse qui doit être vérifiée par la
comparaison des structures qualia des autres types
vestimentaires avec la structure de leur archétype.

Les tables des matières des catalogues contiennent cinq


autres archétypes qui offrent des rubriques séparées pour
leurs types différents (cités en 1.3.3 et complétés en
1.4.1.2.) : manteau (imperméable) ; chemise (chemisier,
tunique) ; ensemble (tailleur) ; veste (blouson, parka, gilet,
caban, cardigan, polaire, survêtement) ; T-shirt (polo,
sweat, débardeur, T-shirt manches courtes, T-shirt
manches longues). Je compare ci-dessous la structure
qualia de l'archétype 'T-shirt' [7] avec ces quatre types
principaux. [8]
Le tableau montre que dans tous les quatre cas où un nom
complètement nouveau est choisi pour nommer un type de
'T-shirt', il s'agit d'une contradiction concernant ou bien les
parties obligatoires ('polo' a un col qui n'est pas prévu par
la quale Constitutive de l'archétype ; 'débardeur' n'a pas de
manches qui sont prévus et forment le 'T' terminogénique
de l'archétype), ou bien un trait prototypique ('sweat' n'est
pas confectionné en maille de coton mais en molleton ;
'polo' et 'débardeur', eux aussi, violent le trait prototypique
'encolure ras du cou ronde'). Dans les cas où aucun trait
catégoriel ni prototypique n'est violé, l'archétype 'T-shirt'
est utilisé pour former les termes complexes précisant la
variation d'une des parties « T-shirt manches courtes » et
« T-shirt manches longues ». Pour vérifier cette
observation, j'analyserai un sous-domaine différent, par
exemple, 'manteau'. Je n'inclurai dans le tableau que les
noms des types vestimentaires fréquents dans le corpus
(leur fréquence est citée entre parenthèses) et définis à
partir du classificateur « manteau » [9] par les glossaires
de mode.
Le tableau (4.f) confirme les observations faites à la base
des données du tableau (4.e) : les structures qualia de la
plupart des types de 'manteau' contiennent des traits
contradictoires vis-à-vis les traits prototypiques de leur
archétype. Deux termes, 'parka' et 'caban', violent le trait
prototypique « long » de la quale Formelle et trois termes
'imper', 'trench' et 'parka' ne sont pas conformes au trait de
la quale Constitutive « matériel épais ». De plus tous les
types de 'manteau', sauf 'imper', possèdent au moins deux
traits caractéristiques obligatoires qui les distinguent du
prototype 'manteau'.

De la même façon, il paraît qu'on préfère trouver un terme


simple au lieu de dénommer chaque trait séparément
quand le vêtement offre plus d'un trait spécifique qui le
distingue de l'archétype. On peut emprunter un nom si le
vêtement vient de l'étranger (jean) ou créer un terme
complètement nouveau à l'aide d'une association
(corsaire) ou du nom du (peuple) créateur (bermuda).

Cependant, comme je l'ai démontré dans le chapitre 3, les


dénominations divergentes de deux traits conceptuels
peuvent aussi coexister dans un terme complexe. Plus bas,
je me pencherai sur les régularités de l'expression
syntaxique des traits terminogéniques.

o 4.3. Explication des patrons syntaxiques


d'expression des traits terminogéniques
La structure qualia permet de préciser la corrélation entre
les traits terminogéniques et les patrons syntaxiques
utilisés pour former les termes complexes. Puisque les
traits conceptuels sont mieux structurés, les traits
terminogéniques peuvent aussi être affinés. À titre
d'exemple, j'analyserai ci-dessous deux traits
terminogéniques, DÉTAIL et MATÉRIEL, correspondant
à deux composants de la même quale, la quale
Constitutive.
4.3.1. DÉTAIL - trait terminogénique et
composant de la quale Constitutive
Les termes complexes assemblés en 2.4.1.(E) sous le trait
DÉTAIL peuvent être regroupés en affiliations plus
étroites et homogènes grâce à la structure qualia
vestimentaire. Le plus souvent il s'agit de la quale
Constitutive, et plus précisément, de sa section 1. Parties
obligatoires (détails supplémentaires). Par exemple, pour
l'archétype 'pantalon' dans le tableau (4.b), j'ai prévu les
parties suivantes : 2 jambes, devant, dos, taille, bas,
braguette ou pont, pinces ou plis, ainsi que 'poches'
comme détail supplémentaire typique. Le degré de
prototypicalité des parties aide à expliquer les patrons
syntaxiques différents utilisés pour créer un terme
complexe.

(1) Spécification d'une partie obligatoire ou d'un détail


typique

Dans le cas où le terme décrit une qualité spécifique d'une


partie obligatoire ou d'un détail typique, la terminologie
préfère le modèle non prépositionnel : il est évident qu'il
s'agit d'un constituant du vêtement et qu'il n'est pas
nécessaire de préciser la relation constitutive à l'aide d'une
préposition.
Le même patron non prépositionnel est utilisé pour
spécifier le nombre des détails typiques ou variables :

Il est possible que ce patron soit devenu tellement


commun, qu'il peut être utilisé avec n'importe quel détail
supplémentaire si ce détail peut être interprété sans
ambiguïté.

(2) Absence d'une partie obligatoire ou d'un détail


typique

Dans le cas d'absence d'une partie ou d'un détail typique


qui fait partie de la quale Constitutive de l'archétype
correspondant, cette absence devient un trait
terminogénique avec le patron syntaxique correspondant :

(3) Choix de détails limités ou détail atypique

Quand il y a un choix limité de détails nécessaires (comme


deux possibilités de fermeture, par exemple, un pantalon
peut avoir une braguette ou un pont; ou bien il est
normalement ajusté à la taille par des plis ou par des
pinces) ou quand il s'agit d'un détail atypique (au moins
pour une saison donnée, par exemple 'revers' ne sont pas
fréquents dans le corpus de l'an 2006), le patron
prépositionnel est utilisé :
(4) Opération supplémentaire de quale Agentive

Quand la réalisation d'un détail ou d'un effet


supplémentaire demande une opération de couture
supplémentaire, autre que « confectionner », cette
opération peut être mise en relation avec la quale Agentive
et former un trait terminogénique AGENTIVE. Son patron
syntaxique utilise le participe passé du verbe
correspondant.

Cependant, le participe passé n'est pas le seul moyen


possible pour créer un terme. Très souvent, le même type
de vêtement est décrit à l'aide du modèle NN, à l'aide d'un
groupe prépositionnel ou, pour certains détails
détachables, à l'aide d'un groupe à la conjonction « et ». Le
'pantalon avec ceinture', par exemple, peut être dénommé
à l'aide des patrons suivants :
Puisque les images des 'pantalons' correspondants ne
manifestent pas de différence stable selon le modèle de
dénomination, les occurrences citées ci-dessus permettent
de supposer que le sujet dénommant peut percevoir le
même vêtement différemment. Le vêtement avec un détail
peut être perçu de trois perspectives différentes :
- comme marqué grâce à une opération
supplémentaire effectuée (N gén + ceinturé) ;
- comme marqué grâce à un détail spécifique (= (à)
ceinture) ;
- comme vendu avec un accessoire supplémentaire
(= et ceinture).
Les perceptions différentes correspondent aux
structurations conceptuelles différentes qui, à leur tour,
mènent vers les dénominations différentes. Autrement dit,
les différences dans le designatum (voir 0.2.1) résultent en
choix des moyens linguistiques distincts et en créations
des termes complexes disparates (cf. Pustejovsky (1995)
en 4.3.3).

Les termes complexes du corpus qui correspondent à la


notion 'pantalon avec une ceinture' font remarquer encore
une particularité de la dénomination. Le patron
dénominatif avec le participe passé « ceinturé » ne peut
pas être utilisé dans les cas où une qualité du détail
'ceinture' est spécifiée alors que ce patron est utilisé dans
les neuf occurrences du terme « pantalon ceinturé » où le
détail 'ceinture' n'a pas de spécificateur. Il est possible que
ce soit la situation où les moyens linguistiques influencent
la perception. Puisque le patron avec participe ne permet
pas d'indiquer une caractéristique de détail, dans les cas où
cette caractéristique est importante ('élastiquée' ou
'réglable'), le sujet dénommant perçoit la 'ceinture' comme
un détail, c'est-à-dire comme une part additionnelle, et elle
est dénommée à l'aide d'un nom avec déterminant. En
revanche, si le sujet dénommant ne veut mentionner que le
fait de présence de 'ceinture', il a tendance à percevoir ce
fait comme une simple opération supplémentaire qui
correspond au verbe « ceinturer » et utilise le patron N gén
+ PP, suggéré par la quale Agentive.

Il reste à remarquer que le patron avec la préposition « à »


n'est utilisé que dans le cas où la construction sans
préposition serait ambiguë comme dans le cas de « Le
pantalon à ceinture extensible ». La préposition « avec »
n'est utilisée que dans le cas où il s'agit d'un détail
supplémentaire ou, plutôt, d'une décoration imprévue par
la structure qualia « Le pantalon avec dentelle ».

4.3.2. MATÉRIEL - trait terminogénique et


composant de la quale Constitutive
Un des traits terminogéniques les plus homogènes,
MATÉRIEL, correspond à un seul composant de la quale
Constitutive (ce qui explique son homogénéité),
notamment, au composant portant le même nom. Le
patron typique pour ce trait est non prépositionnel, Ngén +
Nmat, mais comme on a vue en 2.4.1. (A), le trait
MATÉRIEL peut incorporer la préposition « en » dans son
patron syntaxique (2.4.1. (A.c)). Il faut remarquer que ce
sont plutôt les raisons syntaxiques (discutées supra en 3.3.
et infra en 4.3.3.1.2) ou possiblement parfois euphoniques
qui demandent l'emploi de la préposition. Du point de vue
de la corrélation entre le contenu sémantique et la forme
des termes vestimentaires, la préposition n'est pas
nécessaire parce que la structure qualia de ces termes
permet seulement l'interprétation « matériel de
confection » pour les noms de matériel qui suivent
directement un nom de vêtement.
La notion de structure qualia aide à expliquer les
différences de forme des termes vestimentaires [10] qui
possèdent des structures conceptuelles différentes. En ce
qui concerne les différences de forme des termes ayant la
même structure conceptuelle, elles peuvent être expliquées
à l'aide de la notion de réalisation syntaxique canonique
introduite plus bas.

4.3.3. Explication des patrons syntaxiques


contractés
La notion de réalisation syntaxique canonique, introduite
initialement par Chomsky (1986), est développée par
Pustejovsky comme forme syntaxique canonique
(canonical syntactic form : csf). Pustejovsky (1995 : 132)
entend par csf la réalisation syntaxique la plus adéquate de
la sémantique d'une expression de type particulier.

S'il existe une réalisation canonique, il en existe des


alternances. Pustejovsky (1995 : 132-3) affirme que les
réalisations syntaxiques différentes sont possibles grâce
aux mécanismes génératifs (generative devices) comme la
coercition et la co-composition et qu'elles sont
partiellement déterminées en vertu du type sémantique.

Cela veut dire que les représentations syntaxiques


possibles pour chaque trait terminogénique dépendent de
la sémantique des composants lexicaux qui expriment ce
trait sémantique. Dans la partie du chapitre 2 consacrée à
la polysémie du terme « bermuda » (figure (2.h)), il
s'agissait du paradigme conceptuel sémantique qui a été
constitué par plusieurs variations de sens représentant une
seule entrée lexicale. Ci-dessous, il s'agit du paradigme de
plusieurs formes syntaxiques représentant une seule
caractéristique sémantique. Il est utile d'essayer de
représenter graphiquement ces deux paradigmes :
Pustejovsky (1995 : 134-7) montre que la sélection
sémantique détermine le comportement syntaxique en
utilisant les exemples des phrases formées avec les verbes
anglais « like » et « enjoy » qui sont normalement utilisées
comme contre-exemples de l'hypothèse de sélection
sémantique. Le verbe « like » (But I like that chair)
sélectionne une attitude à n'importe quel type de sens
(événement, propriété, etc.) et donc n'a pas de forme
syntaxique canonique (cf. Mary likes (to watch/watching)
movies/(for) John to watch movies with her/that etc/). Le
verbe « enjoy », au contraire, sélectionne un type
particulier « événement » (il présuppose une activité) et
pour cette raison possède une forme canonique VP
[+PRG] (Mary enjoys watching movies). Cependant, cette
contrainte peut être satisfaite indirectement, grâce au
mécanisme de coercition (coercion) parce que l'activité
correspondante (watching) peut être supplémentée et
reconstituée à partir de la quale Télique du nom (Mary
enjoys movies).

Dans la terminologie vestimentaire, puisque les sens de


l'hyperonyme et les traits terminogéniques sont déterminés
à l'intérieur du domaine terminologique vestimentaire,
c'est surtout le sens du modificateur qu'il faudra considérer
pour expliquer les alternances des structures syntaxiques.
Je vérifierai sur le matériel du corpus le postulat suivant de
Pustejovsky (1995 : 134) :

Dans l'exemple ci-dessus, dans le cas du verbe « like » (


= (tous les types)), sa forme syntaxique canonique (fsc)
est indéfinie. Dans le cas de « enjoy » ( = [événement] ce
qui résulte en fsc : = fsc ( ) = Xi = PV [+PRG] =
watching movies), la forme syntaxique contrainte (Yi =
csf( ) = PN = movies) n'est possible que parce qu'on peut
reconstituer l'action de 'regarder ' par opération
d'extraction (decontraction) du composant Télique du sens
de 'movies'.

Ce postulat me permettra d'évaluer mes observations


concernant les dénominations vestimentaires complexes
exposées en 3.4.5. Il est vraisemblable que les formes
contraintes sont caractéristiques pour les termes
vestimentaires grâce au même mécanisme de la
reconstitution du sens de tout le terme à partir des
composants sémantiques de ses éléments.

4.3.3.1. Interaction des sens lexicaux


Dans le chapitre 3, l'observation des patrons syntaxiques
typiques pour chaque trait terminogénique a été résumée
en tableau (3.r). Ce tableau a démontré que pour nommer
les vêtements catalogués selon n'importe quel trait
terminogénique, on peut employer le patron syntaxique
N1N2, deux noms juxtaposés. Cependant les termes formés
selon les traits ASPECT, FONCTION et LONGUEUR
n'utilisent jamais de prépositions, tandis que les termes
formés selon les traits MATÉRIEL et DÉTAIL sont
parfois dotés de préposition « en » et « à » respectivement.

Je démontrerai ci-dessous que dans les catalogues


vestimentaires en ligne, la forme contrainte remplace (ou
est préférée à) la forme syntaxique complète chaque fois
où la coercition est possible, grâce à la possibilité de
reconstituer la relation entre l'hyperonyme et le
modificateur par opération d'extraction (decoercion) d'un
des composants des qualia vestimentaires. Plus
exactement, la relation entre l'hyperonyme et le
modificateur peut être facilement reconstruite grâce à
l'interaction de leurs sens lexicaux.

Dans son article « Lexical Structures and Conceptual


Structures », John F. Sowa (1993 : 227) utilise l'exemple
de Harris (1968 cité d'après Sowa 1993 : 227) du domaine
de la biochimie pour illustrer l'interaction des deux
systèmes, lexical et conceptuel. Dans cet exemple, la
phrase syntaxique est réduite à deux groupes nominaux
différents :

The polypeptides were washed in hydrochloric


acid
= a hydrochloric acid wash
= a polypeptide wash
La phrase exprime clairement la relation entre ses
composants, l'acide et les peptides, mais les groupes
nominaux ne permettront pas de comprendre le processus
décrit si on ne connaît pas le sens lexical de ces
composants. Pour un chimiste, néanmoins, les deux
groupes nominaux expriment clairement le processus
parce que pour lui il est évident que les polypeptides ne
peuvent pas être utilisés pour laver quoi que ce soit et que
l'acide hydrochlorique est normalement utilisée pour laver
les polypeptides.

La même situation d'interprétation est typique pour les


groupes nominaux N1N2 de la terminologie vestimentaire :
si on connaît le sens lexical du modificateur et si on a une
bonne idée de la structure qualia de l'hyperonyme, on peut
facilement comprendre quelle propriété du vêtement-
hyperonyme N1 est caractérisée par le modificateur N2. Il
faut ajouter que puisque la terminologie vestimentaire
utilise des mots de la langue courante, l'interprétation du
sens des groupes nominaux non prépositionnels ne
demande pas normalement de connaissances approfondies
du domaine de la mode. Par exemple, il ne faut pas être
spécialiste pour comprendre le style télégraphique du
catalogue Saint James (http://www.saint-james.fr/duffle-
coat-homme.asp, le 16 mars 2006) :

NATHAN
Caban. Double boutonnage. 2 poches passepoilées.
Surpiqûres contrastées sous col avec gros fil de
coton. Broderie saint-james sur badge appliqué sur
manche.
Longueur : 80 cm
100% Coton. Canvas (gros grain).

NOROIT
Duffle coat. 2 poches basses plaquées avec rabats.
Pattes d'attache boutonnées sur poignets.
Fermeture par zip et brandebourgs.
Longueur : 98 cm
80% Laine / 20% Polyamide.
DAMIEN
Caban. Doublure personnalisée Saint-James.
100% Pure Laine. Drap.

De la même façon, il ne faut pas être spécialiste pour


comprendre les dénominations elliptiques utilisées par
tous les autres catalogues en ligne. Plus bas, j'examinerai
l'interprétation du sens des dénominations vestimentaires
elliptiques plus en détail.

4.3.3.1.1. Interaction des sens et traits FONCTION,


ASPECT et LONGUEUR

Ces trois trais terminogéniques utilisent le même patron de


formation syntaxique, N1N2, mais ASPECT et
LONGUEUR utilisent parfois des mots explicatifs.
J'examinerai ci-dessous les cas d'utilisation des mots
explicatifs pour démontrer pourquoi la structure qualia et
le sens du modificateur ne sont pas toujours suffisants
pour reconstituer le sens du terme complexe de structure
N1N2.

Les tableaux (3.f) et (3.g) montrent que le trait


FONCTION n'utilise jamais la préposition « pour » qui
serait employée dans un syntagme commun pour exprimer
la destination d'un objet. Cela doit être dû au fait que la
structure qualia vestimentaire ne permet qu'une seule
interprétation du modificateur désignant une activité qui
est ajoutée à un hyperonyme désignant un type de
vêtement. Tout le monde qui comprend les mots
« pantalon » et « jogging » peut facilement reconstituer la
quale Télique dans le groupe « pantalon jogging » et voir
qu'il s'agit du type de 'pantalon' qui est porté pour faire du
jogging. De la même façon, les modificateurs désignant
les professions ont la seule possibilité d'interprétation à
travers la quale Télique : « à être porté au travail par les
représentants de ces professions ». Naturellement, dans le
contexte des catalogues des vêtements non spécialisés,
l'interprétation doit aller encore plus loin et on comprendra
qu'il s'agit plutôt d'un modèle vestimentaire qui ressemble
un vêtement typiquement porté pour exercer la profession
en question. Dans le cas de ressemblance, il s'agit plutôt de
la définition de l'aspect visuel à l'aide d'un terme
polysémique, cependant, la quale Télique garde toujours
son importance pour l'interprétation du sens.

La relation entre l'hyperonyme et le modificateur


correspondant aux traits ASPECT et LONGUEUR est le
plus souvent de même nature : on ne peut imaginer qu'une
seule interprétation possible du point de vue de la structure
qualia de l'hyperonyme. La représentation (4.g) ci-dessous
démontre les corrélations entre les modificateurs de
l'hyperonyme « jean » et les composants de la structure
qualia de son archétype 'pantalon'.
Il faut noter que très souvent les caractéristiques des
parties obligatoires sont ajoutées au nom de l'hyperonyme
directement, sans mentionner la partie caractérisée. Il est
possible de dénommer un 'jean' « jean taille basse » ou
« jean bas » puisque aucune autre partie obligatoire de
'pantalon' ne peut pas être caractérisée comme basse.
Cependant, le mot explicatif est parfois nécessaire pour
préciser de quoi il s'agit si le modificateur peut être relié à
plus d'un composant de qualia. Par exemple, le terme
« jean bas évasés » précise qu'il ne s'agit que du bas du
jean et non pas de la coupe de toute la jambe. Le terme
« pantalon longueur classique » explique qu'il ne s'agit que
de la longueur et non pas d'un autre composant des qualia
Constitutive ou Formelle ou de tout l'ensemble des
composants. Le modificateur « classique » utilisé sans mot
explicatif est normalement interprété comme « le plus
proche du prototype ».

4.3.3.1.2. Interaction des sens et trait MATÉRIEL

Le patron non prépositionnel est aussi largement préféré


pour dénommer les vêtements selon le trait MATÉRIEL.
Ce patron est utilisé même avec les noms de tissus comme
« parachute » ce qui produit des termes complexes
difficiles à interpréter hors contexte et surtout sans
connaître le terme de l'industrie de textile « (toile)
parachute ». Les sujets parlants, qui ne connaissent pas
bien le vocabulaire de la mode vestimentaire, ont tendance
à interpréter le terme « robe parachute » comme « robe en
forme de parachute » (huit réponses sur dix enquêtes
personnelles, deux réponses alternatives étant « je ne sais
pas » et « aucune idée »). Puisque dans le corpus le terme
« robe parachute » ne se rencontre qu'en forme non
prépositionnelle, j'ai interrogé GOOGLE pour vérifier si la
forme prépositionnelle est répandue ailleurs.

Google, le 28 octobre 2006 :


574 pages en français pour « robe parachute ».
1 page en français pour « robe en parachute ».
1 page en français pour « robe en toile parachute ».
6 pages en français pour « robe toile parachute ».
Dans le contexte des catalogues de vente, ce terme n'est
utilisé qu'en forme sans préposition parce que, semble-t-il,
les sujets dénommant ne se rendent pas compte de
l'existence d'une autre possibilité d'interprétation. Pour les
connaisseurs de la mode contemporaine, le contexte
vestimentaire et les qualia vestimentaires sous-entendues
permettent d'interpréter « parachute » d'une seule façon
possible, comme « toile parachute » puisqu'ils connaissent
beaucoup d'autres termes du domaine qui contiennent le
même modificateur. D'après la même recherche sur
l'Internet, ces termes existent en abondance :
Google, le 28 octobre 2006 :
25 900 pages en français pour « toile parachute ».
145 pages en français pour « pantalon parachute ».
700 pages en français pour « jupe parachute ».
Il reste à essayer d'expliquer pourquoi la préposition « en »
est parfois utilisée avec le modificateur MATÉRIEL plus
évident que « parachute » malgré l'impossibilité d'une
interprétation alternative. Pour analyser les cas
d'utilisation de cette préposition, j'ai interrogé TACT sur
les contextes de « en » dans le sous-domaine 'pantalon'.
Sur 1070 occurrences de « en », seulement 50
correspondent à la traduction du trait MATÉRIEL ; 1020
occurrences sont dues à l'utilisation de la phrase « Dans
mon panier en 1 clic ! » par le catalogue La Redoute.

La préposition « en » est ajoutée au trait MATÉRIEL


surtout dans les termes complexes d'une longueur
considérable (29 sur 50) qui contiennent trois composants
ou plus. Treize exemples, qui contiennent un modificateur
du trait MATÉRIEL comme troisième composant,
s'expliquent facilement : la préposition sert à distinguer la
structure syntaxique [jean [en denim extensible]] de la
structure [[jean denim] extensible] expliquée en 3.3.3.2.1.
En ce qui concerne seize termes qui contiennent des
déterminants correspondant aux autres traits
terminogéniques, je peux supposer que la préposition doit
être là pour des raisons plutôt euphoniques : un terme de
plus de trois composants juxtaposés ne ressemble plus ni à
une dénomination ni à une phrase, en ajoutant une
préposition, on le fait ressembler à une description
définitoire aux éléments du style télégraphique. Cela
arrive le plus souvent dans le cas de MATÉRIEL pour
deux raisons possibles : premièrement, le matériel est le
plus souvent mentionné vers la fin du terme complexe, où
on peut avoir besoin de raviver la monotonie des noms
juxtaposés; deuxièmement, le trait MATÉRIEL possède
une préposition « canonique » qui est capable de casser la
monotonie tandis que les mots explicatifs utilisés par
ASPECT ou LONGUEUR ne peuvent qu'alourdir le terme
et rajouter de la monotonie. » [11]
Dans les termes à deux composants, la préposition « en »
n'est utilisée que 21 fois. On peut aussi supposer que la
proposition « en » est parfois utilisée avec les noms de
matériel pour des raisons euphoniques : par exemple avec
des noms monosyllabiques comme « lin » pour leur
donner de l'appui ou du poids « pantalon en lin » ou
« pantalon lin ».
J'ai consulté la liste des fréquences des 'matériaux' qui
figurent dans ces 21 contextes de la préposition « en »
pour comparer la quantité des occurrences des noms de
matériel monosyllabiques et polysyllabiques avec et sans
préposition. Il a fallu exclure « jean » comme nom de
matériel parce que il est impossible de le distinguer du
nom de vêtement. En fait, dans le cas du « pantacourt en
jean » cela explique la présence de la préposition. Après
avoir exclu deux occurrences du « pantacourt en jean », il
ne reste que 19 termes prépositionnels à analyser : dix
avec un nom de matériel monosyllabique et neuf avec un
nom de matériel polysyllabique. Je peux compter le
pourcentage de leur utilisation avec et sans préposition en
utilisant le chiffre de leur fréquence dans le sous-domaine
'pantalon'. Je dois extraire de ce chiffre la quantité des
occurrences dans les termes à plusieurs composants
expliqués ci-dessus.

Après avoir extrait quatre occurrences de « en voile » et


une occurrence de « en lin » citées ci-dessus du chiffre
total (38-4-1=33), je peux calculer le pourcentage
d'utilisation des noms de matériel monosyllabique avec
« en » :

Les noms de matériel polysyllabiques sont beaucoup plus


fréquents dans le corpus.

Dans ce cas, je dois extraire cinq occurrences de « en


velours », deux occurrences de « en gabardine » et une
occurrence de « en denim » citées ci-dessus (157-5-2-
1=149).

Le pourcentage d'utilisation des noms de matériel


monosyllabiques avec la préposition « en » est cinq fois
plus élevé (30,3%) en comparaison avec les noms de
matériel polysyllabiques (6%). Il s'agit d'un résultat
significatif, pour le sous-domaine 'pantalon' du moins; il
faut vérifier ces résultats sur le matériel plus extensif ou,
plutôt sur le matériel d'un domaine de connaissance
différent.

4.3.3.1.3. Interaction des sens et trait DÉTAIL

Le fait que la préposition « à » est utilisée avec le


modificateur du trait DÉTAIL dans les mêmes cas qu'avec
le modificateur du trait MATÉRIEL ne peut que confirmer
la demande d'euphonie. Comme le trait MATÉRIEL, le
trait DÉTAIL possède une préposition « canonique » et il
est aussi mentionné vers la fin du terme complexe le plus
souvent.

Cependant, il y a une particularité de la traduction


syntaxique de ce trait qui doit être expliquée. Cette
particularité concerne l'impossibilité d'omettre la
préposition chez les termes complexes à deux composants,
l'hyperonyme et le modificateur de DÉTAIL (« chino à
pinces » ne peut pas exister sous la forme *« chino
pinces »). Comme je l'ai décrit en 4.3.1., ce patron
syntaxique n'est utilisé que quand il y a un choix limité de
détails (plis ou pinces) ou quand il s'agit d'un détail qui
n'est pas obligatoire ou qui est atypique.

L'utilisation de la préposition « à » est nécessaire quand le


modificateur DÉTAIL n'inclut qu'un seul nom de 'détail'
pour faciliter l'interprétation du terme. Même s'il ne s'agit
pas d'éviter l'ambiguïté « avec » ou « sans » puisque
normalement la structure syntaxique N1N2 ne peut pas être
interprétée comme « sans N2 », le sujet dénommant peut
vouloir préciser la relation « avec N2 » quand il s'agit d'un
détail variable. Puisque dans la terminologie vestimentaire
il existe beaucoup de termes qui contiennent un nom de
'détail' avec la préposition « sans », le sujet dénommant
peut sentir que la structure qualia, tout en permettant de
relier le modificateur DÉTAIL au composant 'détails
supplémentaires' de la quale Constitutive, ne permettrait
pas de décider s'il s'agissait de 'chino avec pinces' ou de
'chino sans pinces'. Il paraît que dans les cas où la
structure qualia n'assure pas la seule interprétation correcte
du terme, le patron syntaxique N1N2 est évité même si du
point de vue de la syntaxe il est acceptable pour exprimer
la relation en question.

Le même raisonnement permet d'expliquer pourquoi les


termes complexes qui contiennent le modificateur
DÉTAIL avec ses propres modificateurs (pantalon poches
cavalières) n'utilisent pas de prépositions. L'ambiguïté
conceptuelle « avec » ou « sans » devient impossible
quand on ajoute au nom de 'détail' un nombre ou une
caractéristique. Bien naturellement, si les 'détails' (ou leur
quantité) sont décrits, l'interprétation « sans » est
impossible. Le terme « pantalon 2 pinces » ne permet
aucune autre interprétation que 'pantalon ajusté à la taille à
l'aide de deux pinces' et, par conséquent, le patron
syntaxique sans préposition domine.

4.3.3.2. Interaction des sens et notion de


prototype
Les analyses précédentes (en 3.3.4. et 4.3.3.) ont démontré
que la forme contrainte est la forme qui est largement
préférée dans le corpus étudié. En fait, pour les catalogues
vestimentaires c'est la forme contrainte qui devrait être
appelée « canonique » (ou « normative » pour ne pas
confondre avec le terme de Pustejovsky) puisqu'elle est
devenue le patron syntaxique le plus typique et que la
forme complète n'est utilisée que dans les cas où le sens ne
peut pas être reconstruit avec sûreté. Il faut préciser que
cette forme contrainte peut être facilement interprétée par
un locuteur moyen dans la plupart des cas.

Il est possible que la structure conceptuelle que j'appelle


« structure qualia », comme proposée par Pustejovsky, soit
présente dans le système conceptuel du locuteur moyen
sous forme d'image floue de prototype vestimentaire.
Cependant, cette image prototypique, aussi indéfinie soit-
elle, peut toujours se préciser dans la partie qui est mise en
relief par le modificateur. Ce mécanisme de précision des
sens lexicaux des constituants des termes complexes
permet une grande économie des moyens linguistiques
dans le contexte des catalogues vestimentaires.

Malgré qu'il soit impossible d'observer directement ce qui


se passe dans le cerveau du locuteur pour vérifier cette
hypothèse de l'existence de l'image prototypique, il peut
être profitable de revaloriser les analyses précédentes du
point de vue du signe linguistique. Puisque, dans la
tradition saussurienne, le signe linguistique est une entité
psychologique qui réunit le signifié et le signifiant (figure
0.a) et donc représente la mentalité du locuteur, la
corrélation des particularités des termes du corpus avec les
composants du signe peut aider à mieux discerner les
opérations psychologiques derrière le processus de
dénomination.

o 4.4. Conclusions portant sur le processus


de dénomination
Après avoir étudié les particularités et les régularités
linguistiques des termes vestimentaires du corpus, il est
possible de suivre le conseil de Guilbert et d'« aborder le
problème par une démarche inverse en prenant en
considération d'abord la formation du concept et en se
demandant comment elle peut déterminer le nom »
(Guilbert 1975 : 14-15).

L'intérêt et la difficulté de la démarche proposée par


Guilbert ont été discutés depuis le dix-neuvième siècle au
moins. En 1887, Gaston Paris (Mélanges linguistiques 2,
1906 : 289) reprochait à Darmesteter de ne pas chercher
« comment les idées nouvelles s'arrangent pour trouver
leur expression dans les mots ». Wexler (1955 : 9) et
Guilbert (1975 : 15) affirmaient que le processus de
dénomination nous échappe parce que nous ne disposons
que de termes déjà constitués. Ces termes lexicalisés, ou
les termes qu'on a fini par adopter, ne sont que « le résultat
d'un choix multiple, l'aboutissement d'une période de
flottement plus ou moins prolongée. » (Wexler, 1955 : 9).

La démarche inverse, du concept vers le nom, est possible


si on peut contourner la difficulté décrite par Wexler.
Wexler l'a contournée en adaptant une approche
diachronique (voir 1.0.2.1.) et en considérant tous les
noms concurrents de l'époque de la dénomination de
chaque notion qu'il étudiait. Puisque dans le cas de la
terminologie vestimentaire, il s'agit de notions plus
éphémères, tous les termes oscillants correspondant à la
même notion peuvent être considérés « les noms
concurrents ». Je peux donc adopter l'hypothèse que les
termes oscillants que j'ai analysés dans le chapitre 3
représentent la période de flottement qui précède la
dénomination stabilisée ou définitive. Les régularités de
formation de ces termes oscillants doivent permettre
d'analyser cette « interaction entre l'analyse conceptuelle
et la dénomination » qui, d'après Guibert (1975 : 15), « se
révèle dans l'étape de création d'un nom nouveau en
correspondance à l'objectivation conceptuelle d'un contenu
nouveau. »

Sur la base de cette hypothèse et en mettant à profit les


régularités sémantiques et syntaxiques des termes
oscillants observées jusqu'ici, je propose de caractériser les
scénarios possibles de dénomination.
4.4.1. Modèle élargi et précisé du signe
linguistique vestimentaire
Pour appliquer l'approche de Guilbert à l'étude de l'acte de
dénomination, il faut tout d'abord développer le modèle du
signe linguistique vestimentaire. Pour pouvoir mieux
retracer « l'objectivation conceptuelle d'un contenu
nouveau », je combinerai le modèle élargi du signe
linguistique (figure (0.b)) et la structure qualia
vestimentaire (tableau (4.a)).

4.4.1.1. La structure conceptuelle précisée


En 3.4.4., l'analyse des termes complexes oscillants m'a
permis de déterminer l'ordre relatif des modificateurs
correspondant aux traits terminogéniques. Cette régularité
d'expression des traits conceptuels sur la surface
syntaxique incite à changer l'ordre des qualia dans la
structure qualia vestimentaire qui a été développée à la
base de la structure proposée par Pustejovsky (voir
tableaux (4.a-4.c)). Je réarrangerai les qualia dans l'ordre
de leur importance du point de vue de la dénomination des
termes vestimentaires. Puisque les composants de la quale
Formelle (ASPECT et LONGUEUR) sont toujours
mentionnés avant toutes les autres caractéristiques, je
mettrai cette quale à la première place de la structure.

La quale Formelle sera suivie de la quale Télique qui


correspond souvent au trait terminogénique FONCTION.
Ce trait est normalement exprimé à la même place que le
trait ASPECT (correspondant à la quale Formelle) mais se
rencontre moins fréquemment. De plus, dans le contexte
des catalogues non spécialisés, le trait FONCTION se
rapproche du trait ASPECT puisque il sert plutôt à
désigner les vêtements qui ressemblent aux habits
professionnels. D'autres modificateurs, comme « de
femme » ou « d'intérieur », qui décrivent l'aspect télique
des vêtements, sont aussi placés le plus souvent
immédiatement après l'hyperonyme.

La quale Constitutive prend la troisième place, du fait que


les modificateurs des traits MATÉRIEL et DÉTAIL
correspondant à ses composants sont toujours ajoutés
après les traits des qualia Formelle et Télique. La quale
Agentive, qui le plus souvent décrit la marque du
vêtement, se trouve à la dernière place parce que les noms
des marques sont presque toujours mentionnés en dernier
lieu dans les catalogues en ligne ainsi que le trait DÉTAIL
qui implique une opération de couture autre que
'confectionner'.
Il faut ajouter que Pustejosky (1995 : 85) lui-même
définissait la quale Formelle comme celle qui permet de
distinguer l'objet à l'intérieur du domaine plus large
(Formal : That which distinguishes the object within a
larger domain). Il n'est pas du tout surprenant que les
composants de cette quale soient normalement mentionnés
en premier lieu dans les dénominations des vêtements. En
attribuant un nom, on essaie de classifier un item ou
d'identifier son appartenance à un des groupements de son
domaine, et après, on précise des détails plus spécifiques.
Je me pencherai sur ce processus dans les paragraphes qui
suivent.
4.4.1.2. Le signe linguistique
Les structures conceptuelles proposées ci-dessus (en
4.4.1.1.) ne représentent qu'une partie du signe
linguistique vestimentaire - le signifié. Dans l'introduction,
le modèle du signe linguistique représenté en (0.a) a été
élargi par l'indication des liens de chaque composant du
signe avec les paradigmes linguistiques correspondants en
(0.b). Ici, j'envisagerai la dénomination dans un contexte
encore plus large : j'observerai ce processus à partir de
l'image du vêtement réel jusqu'au terme produit. J'essaierai
de trouver la corrélation entre les étapes de dénomination
et les liens établis pendant ces étapes. Il peut s'agir des
liens à l'intérieur du signe linguistique ou des liens entre le
signe linguistique et les deux systèmes participants, le
système conceptuel et le système linguistique.

Pour mieux représenter la corrélation entre ces deux


systèmes, je reproduis ci-dessous le modèle du signe
linguistique qui a été partiellement représenté en (0.b). Je
compléterai cette représentation par les rapports
syntagmatiques qui font partie du modèle du signe
linguistique et sa position dans le monde extérieur proposé
par Piotrowski (1990 : 23).
Dans ce schéma, il s'agit des objets appartenants aux
réalités différentes : objet physiques - /veste capuche/ ;
objets psychologique - 'Ds' ; objet linguistique (sonore ou
écrit) - « Veste capuche ». Aussi s'agit-il des compétences
différentes aux différentes étapes du processus de
dénomination - la compétence conceptuelle et la
compétence linguistique.

4.4.2. Étapes de dénomination


Je distingue quatre étapes principales du processus de
dénomination que j'indique par les flèches et les chiffres
inscrits dans les carrés sur le schéma du signe linguistique
et ses relations extérieures. Je décris chaque étape
séparément infra.
Il est possible que dans le cas des catalogues, les
différentes étapes de dénomination soient assurées par des
gens différents. Cependant, tous ces gens doivent partager
les mêmes compétences conceptuelles et linguistiques. Je
parlerai donc du sujet dénommant en général.

4.4.2.1. Première étape : réalités physique et


psychologique
La première étape représente une relation établie entre la
réalité physique (l'objet vestimentaire et la situation
dénominative) et la réalité psychologique (denotatum et
connotatum du signe linguistique). À cette étape l'objet est
classifié selon son archétype et, en même temps, la
situation de dénomination détermine le registre de la
langue.

La /situation de vente en ligne au public/ se trouve reliée


au 'Cn', connotatum, et favorise le registre de la langue
commune. En général, la situation détermine le contexte
ou le domaine de connaissance, et conséquemment, la
terminologie. Dans le cas de mon corpus, la /situation de
vente/ engage le domaine de connaissance - « la mode
vestimentaire » et précise le registre - « terminologie
banalisée ».

Dans l'exemple de la /veste capuche/ sur le schéma du


signe linguistique, l'image globale de ce /vêtement
physique/ est reliée au composant 'Dn', denotatum, du
signe linguistique. Selon Piotrowski (1990 : 24), le
denotatum est une réflexion indivisible du référent
(« indivisible reflection of the referent ») dans l'esprit du
sujet parlant. Cet entendement du denotatum permet de le
relier à l'idée de prototype. Ce qui se passe au cours de
cette première étape, c'est non seulement le miroitement
intellectuel du référent mais aussi la comparaison
(possiblement inconsciente) de son image globale avec les
prototypes qui sont déjà présents dans le système
conceptuel du sujet dénommant. Puisque le domaine de
connaissance est déjà déterminé par la situation, la
quantité de prototypes à comparer au denotatum est déjà
réduite au nombre d'archétypes ou même de types
principaux d'un sous-domaine vestimentaire. Il s'agit donc
d'une opération d'adéquation qui ressemble à la tâche
'Trouvez l'image identique'. À cette étape, il existe deux
scénarios possibles qui sont représentés ci-dessous comme
( ) et ( ).
Dans le scénario ( ), la comparaison de l'image globale
(denotatum) du vêtement à nommer avec les prototypes
existants résulte en la constatation que le denotatum du
vêtement est absolument identique à un des prototypes
connus. Dans ce cas, l'acte de dénomination se termine à
cette étape, le vêtement reçoit le nom de l'archétype
retrouvé - l'invention d'une nouvelle dénomination n'est
pas nécessaire. Ce scénario semble être assez répandu
dans le corpus : par exemple, le terme « manteau » qui
correspond à l'archétype de son sous-domaine se rencontre
seul dans 26 sur ses 107 occurrences. (Ce qui veut dire
qu'environ 25% des dénominations des vêtements
catalogués n'aboutissent à rien de nouveau : on ne leur
attribue que le nom de l'archétype et de la société
productrice.) Cependant pour la /veste capuche/ en (4.j), il
n'est pas possible de trouver une image de prototype
identique. On ne peut identifier que son archétype.

Il est possible qu'à cette étape d'identification préliminaire


la /veste capuche/ passe par une notion générique comme
'vêtement d'extérieur' ou 'manteaux'. Cependant, il est
encore plus vraisemblable, que certains types
vestimentaires bien connus peuvent être identifiés
directement, sans passer par la notion générique de leur
sous-domaine. Cela expliquerait partiellement l'absence de
termes collectifs sur les niveaux 2, 3, et 4 de la structure
arborescente (2.a) : Puisque les archétypes vestimentaires
sont reconnaissables comme prototypes dans la totalité de
leurs images, il n'est pas nécessaire de recourir aux notions
intermédiaires pour les identifier. Puisque ces notions, qui
regroupent les archétypes, ne s'utilisent pas, elles n'ont
jamais été dénommées.

En tout cas, il est évident que dans le scénario ( ), la


même comparaison ne résulte qu'en la constatation que le
denotatum ne ressemble que partiellement à un des
prototypes. Dans ce cas, le sujet dénommant n'a fait que
trouver l'archétype correspondant et doit passer à la
deuxième étape de dénomination.

Il faut noter la possibilité du scénario ( ) à cette étape. Si


l'archétype n'est pas facile à déterminer parce que le
vêtement en question est un hybride de deux archétypes, le
vêtement peut être dénommé à l'aide d'un composé
appositionnel (« la veste-manteau »). Dans le cas de ce
troisième scénario, la dénomination peut se terminer à la
première étape ou bien peut continuer à la deuxième étape
si le vêtement-hybride a des particularités à spécifier.

4.4.2.2. Deuxième étape : denotatum -


designatum
Puisque le denotatum a permis de déterminer l'archétype
du vêtement à nommer, il est possible de préciser le
concept de ce vêtement en le comparant avec son
archétype. La deuxième étape correspondra donc à la
précision de la structure conceptuelle du vêtement et à la
relation entre le denotatum et le designatum. À cette étape,
les composants typiques, prototypiques et variables de la
structure qualia de l'archétype sont comparés aux
caractéristiques du vêtement à nommer. Encore une fois, il
s'agit de l'opération d'adéquation mais limitée à un seul
prototype et plus détaillée. Cette fois il s'agit plutôt de la
tâche 'en quoi ces deux images sont différentes'.

C'est à cette étape qu'on détermine les traits


terminogéniques en choisissant les traits les plus saillants
ou ceux qui semblent les plus importants. Puisque le
corpus permet d'établir l'ordre préféré de l'expression des
traits terminogéniques, il est possible de supposer que les
traits sont comparés à l'ordre de l'importance des
composants de la structure qualia vestimentaire établi en
4.4.1.1 et illustré par (4.h) et (4.i) : en commençant par les
composants prototypiques de la quale Formelle et en
terminant par les variables de la quale Agentive.
Les premières et les seules différences qu'on rencontre en
comparant le prototype et le vêtement à nommer se trouve
au niveau de la quale Constitutive : la veste réelle est
dotée d'une capuche, d'un zip, et de poches. » [12] On doit
donc choisir des moyens linguistiques pour dénommer le
vêtement selon la quale Constitutive ou selon le trait
terminogénique DÉTAIL.
4.4.2.3. Troisième étape : réalités
psychologique et linguistique
À la troisième étape, on choisit des constituants
linguistiques pour exprimer le concept formé au cours de
l'étape précédente. Cette étape demande de la compétence
linguistique pour choisir un classificateur et un
spécificateur linguistique appropriés. Cette opération
demande la consultation du Thésaurus disponible, ainsi
que le Paradigme de connotata. De plus, c'est à cette étape
qu'on choisit le modèle de formation du terme et emploie
les outils linguistiques disponibles.

Le choix du modèle linguistique dépend du choix des


traits terminogéniques qui s'effectue à l'étape précédente.
Il y a au moins cinq scénarios possibles qui peuvent se
dérouler à la deuxième étape. L'observation du corpus
permet d'esquisser les scénarios éventuels de la deuxième
étape et d'expliquer certaines régularités de l'ordre
d'expression des traits terminogéniques chez les termes
complexes.

4.4.2.3.1. Explication de l'ordre d'expression des traits


terminogéniques

Comme on l'a vu en 3.4.4.1., l'ordre d'expression des traits


terminogéniques ne correspond pas exactement à
l'importance conceptuelle de ces traits. Premièrement, les
traits catégoriels et les traits prototypiques ne sont pas
exprimés explicitement parce qu'ils sont sous-entendus ou
évoqués par le nom générique (qui peut être présent ou
sous-entendu lui aussi). Deuxièmement, les traits variables
ne sont pas toujours exprimés avant les traits optionnels.
Cependant, il y a quelques régularités à noter et à
expliquer :
- la caractéristique du vêtement, qui contredit un
des traits prototypiques de l'archétype, est
normalement exprimée tout de suite après le nom
générique ;
- le trait LONGUEUR occupe le plus souvent la
même position « prestigieuse », tout de suite après
le classificateur (même s'il ne s'agit pas de
'pantalon' pour lequel il existe une longueur
prototypique) ;
- les traits MATÉRIEL et DÉTAIL ont tendance à
être mentionnés vers la fin du terme complexe à
plusieurs composants.
Ces régularités de l'ordre d'expression des traits peuvent
s'expliquer si on représente le processus de dénomination
comme processus de comparaison de l'image du vêtement
à nommer à l'image de son archétype.

4.4.2.3.2. Cinq scénarios du processus de dénomination

Le processus mental de comparaison de l'image concrète


du vêtement à nommer à l'image conceptuelle de son
archétype peut comprendre jusqu'à cinq opérations de
comparaison. Chaque opération dépend du résultat de la
comparaison précédente; c'est la raison pour laquelle la
description de chaque scénario commence par « si ».
J'assume ci-dessous que l'archétype du vêtement à
dénommer est déjà déterminé mais que le sujet
dénommant veut préciser la dénomination.

( ) Si l'archétype est déjà déterminé, la première


comparaison consiste en la vérification des traits
catégoriels et prototypiques correspondants à la structure
qualia de l'archétype. Si une contradiction est trouvée, le
vêtement est dénommé tout de suite selon le trait défectif
(souvent à l'aide d'un autre hyperonyme dénommant un
type de vêtement correspondant, « le pantacourt », ou à
l'aide de terme complexe avec la préposition « sans »
comme « le pull sans manches »).

( ) Si aucune contradiction n'est trouvée, on se met à la


recherche des traits saillants parmi les traits variables qui
permettent d'identifier le vêtement sur l'image comme un
type spécifique (le jean, le trench).

( ) Si aucun ensemble identifiable de traits variables n'est


remarqué, le nom d'archétype est choisi comme
classificateur et la recherche de traits spécifiques continue
parmi les composants de la quale Formelle, parce que c'est
la quale Formelle qui a comme fonction primaire la
distinction des sous-classes à l'intérieur d'une catégorie. Le
plus souvent, c'est la longueur qui est la composante la
plus facile à remarquer et le trait terminogénique le plus
facile à nommer (la jupe longue, le manteau trois-quarts).
La découpe aussi peut offrir beaucoup de possibilités à
cette étape de comparaison (le pantalon large, la veste
croisée)

( ) Si la quale Formelle n'offre rien de spécial, la


recherche continue au niveau de la quale Constitutive : on
nomme le vêtement selon le matériel, selon une propriété
spécifique d'une partie obligatoire ou selon un détail
supplémentaire (la jupe velours, le pantalon taille basse, le
sweat capuchon). Ce quatrième scénario se déploie dans le
cas de « veste capuche » dont l'exemple illustre la
deuxième étape en 4.4.2.2.

( ) Si on ne trouve toujours rien de spécifique, on laisse


l'archétype tel quel ou on ajoute le modificateur du
matériel (ou du motif) même s'il n'a rien de spécial (la
jupe, le pantalon uni). Il est toujours possible de laisser le
nom de l'archétype seul comme le nom du vêtement parce
que presque tous les modèles vendus sont spécifiés par la
quale Agentive, il y a toujours le nom de marque à ajouter.

Naturellement, si le vêtement offre plus d'un trait saillant à


nommer, l'ordre d'expression de ces traits correspondra
plus ou moins aux étapes du processus de comparaison de
décrit ci-dessus (le pantalon charpentier en denim). Les
données du corpus, comme par exemple l'analyse de
l'ordre des composants dans le sous-domaine 'manteau' en
3.4.4.1., confirment cette conception du processus de
dénomination.

Cependant, puisque la même structure sémantique peut


avoir plusieurs traductions au niveau de surface, il faut
considérer toutes les variantes de traduction. En ce qui
concerne l'ordre des traits, le sous-domaine 'manteau' a
montré qu'à l'intérieur d'un trait terminogénique l'ordre
d'expression des caractéristiques peut varier comme dans
le cas de « la veste capuche zippée » et « la veste zippée
capuche ». Il faut néanmoins ajouter que cette alternance
n'est possible que pour les composants variables de la
même quale.

4.4.2.3.3. Exemple de « veste capuche »

Pour trouver des termes réels qui puissent nommer le


référent du schéma (4.k), j'ai consulté la liste des contextes
du sous-domaine 'manteaux' de mon corpus et,
notamment, les contextes du composant « capuche » qui
correspond au trait le plus saillant du référent en question.
Sur 51 termes qui contiennent le composant « capuche »
31 termes pourraient correspondre au vêtement dont la
structure qualia est représentée en (4.n) :

Le blouson capuche zippé (2)


Le blouson à capuche (1)
Le coupe-vent à capuche (1)
La parka à capuche (16)
La parka à capuche amovible (1)
La parka à capuche multipoches (1)
La veste capuche (3)
La veste capuche zippée (3)
La veste zippée à capuche (2)
La veste zippée capuche (1)
Les outils linguistiques utilisés pour la construction de ces
termes sont les patrons de formation des termes complexes
accompagnés de toutes les restrictions et contraintes dont
il était question en 4.3. La situation similaire existe dans
tous les sous-domaines vestimentaires : de toutes les
possibilités de formation terminologique, le corpus
favorise surtout la synapsie et la composition, en recourant
à l'emprunt de temps en temps.

À cette étape le processus de création du terme banalisé se


termine : le nom vestimentaire est proposé et entré dans le
catalogue en ligne, d'où il doit disparaître plus tard avec le
vêtement particulier qu'il nommait. Cependant, certains
termes banalisés ont une vie plus longue qu'une saison de
vente de vêtements et peuvent passer à la quatrième étape.

4.4.2.4. Quatrième étape : lien « réalité


linguistique - réalité psychologique »
Certains vêtements deviennent très populaires et persistent
dans les catalogues et dans la réalité physique pendant des
années ou même des dizaines d'années (comme « jean »,
par exemple). Les termes créés pour ces vêtements
commencent à s'utiliser dans le discours, ce qui peut
changer leur forme linguistique : la fréquence d'utilisation
résulte en une abréviation, et de cette façon aboutit à la
création d'un terme nouveau en remplaçant son ancien
élément 'Tm' par sa forme abrégée.

Boswell (1982 : 110) examine les cas de conversion


nominale à partir de bases adjectivales provoquée par
l'ellipse du nom dans des syntagmes nominaux et conclut
que « dans ces exemples le contenu sémantique de lutte (la
(lutte) gréco-romaine) a été transféré respectivement aux
adjectifs » (Boswell 1982 : 110). Dans la terminologie
banalisée, il arrive souvent que le spécificateur prenne la
place du classificateur en absorbant le sens de ce dernier.
Cela peut être dû au fait que, sous la rubrique du
catalogue, qui affiche le nom de l'hyperonyme des
vêtements vendus, il est plus facile d'omettre cet
hyperonyme dans les noms des vêtements. Ce fait doit
contribuer à l'utilisation du terme vestimentaire dans le
discours en sa forme elliptique et à l'ellipse complète de
l'hyperonyme.

Le nouveau terme ainsi formé représente un nouveau signe


linguistique ou une nouvelle réalité psychologique. Le
plus souvent un tel terme change de statut dans le système
conceptuel de la terminologie : il devient un des types
principaux et peut servir de prototype pour la formation du
concept ou du designatum de nouveaux termes.
Conséquemment, sa forme linguistique s'utilise de plus en
plus souvent comme classificateur pour créer de nouveaux
termes. Dans ce cas, ce terme fréquent peut s'introduire au
niveau de base et dans la langue commune. Ainsi un signe
complètement nouveau peut apparaître. Si un terme
technique passe au niveau de la langue commune il change
de registre et son constituant 'connotatum' est différent : il
n'appartient plus au registre de la terminologie banalisée
mais au registre de la langue courante. Si un terme
spécifique devient un terme typique, sa structure
conceptuelle change aussi : au lieu d'être perçu comme un
archétype avec un ou deux traits saillants précisés au
niveau du 'designatum', sa forme linguistique abrégée
n'évoque qu'une image monolithique de 'denotatum'
prototypique.
Dans son livre Predicting New Words, Allan Metcalf
(2002) a essayé de discerner les facteurs qui peuvent
influencer la « longévité » des néologismes. Il présume
que les mots, comme les êtres vivants, sont soumis à la
lutte darwinienne et que ce ne sont pas ceux qui sont les
plus gros ou les plus éclatants (biggest and flashiest) qui
survivent mais ceux qui sont les plus capables de se
camoufler (Metcalf 2002 : 2). Le corpus de ma recherche
révèle que la terminologie vestimentaire est surpeuplée de
représentants longs et exotiques. Cependant, cela peut
dépendre du niveau de la hiérarchie terminologique. Au
sens de Metcalf, « survivre » veut dire avancer vers les
niveaux supérieurs et occuper une place dans la partie de
la terminologie qui est partagée avec la langue commune.
Metcalf (2002 : 2) affirme que deux générations sont
nécessaires pour assurer le statut permanent du mot dans
le vocabulaire (« it takes about two generations to know
for sure whether a word will be a permanent addition to
the vocabulary ). Il serait intéressant de vérifier si les
termes vestimentaires des niveaux supérieurs qui sont
partagés avec la langue commune sont âgés d'une
quarantaine d'années au moins. Ce qui serait encore plus
intéressant, c'est d'étudier les termes oscillants du point de
vue de cinq critères de l'échelle qui permet de prédire le
succès ou l'échec de nouveaux mots. Metcalf a emprunté
l'idée de l'échelle à la médecine, plus précisément, il s'est
inspiré du test de Dr. Apgar qui a été créé pour évaluer
instamment le physique des nouveaux-nés selon cinq
indications APGAR : Apparence, Pouls, Grimace,
Activité, Respiration. Chaque indication reçoit 0, 1, ou 2
points. Si le total est moins de 6, le bébé est en danger ; si
le total est plus haut que 7, le bébé survivra sans
intervention médicale. C'est de la même façon que Metcalf
fait une estimation de possibilité de survivre pour les mots
nouveaux-nés, seulement ses cinq critères sont différents,
il évalue les propriétés FUDGE » [13] suivantes :
- Fréquence d'usage ;
- Uniformité, discrétion, forme non-embarassante ;
- Diversité d'utilisateurs et de situations ;
- Génération d'autres formes et d'autres sens ;
- Endurance de la notion.
Je vois dans ces cinq facteurs un mélange des
caractéristiques du mot portant sur les trois facettes
principales - l'usage, le sens et la forme - selon lesquelles
j'étudie mon corpus de termes vestimentaires :
1) Le corpus est constitué et trié selon les critères
d'usage : leur fréquence et leur distribution qui
correspond à la diversité d'utilisateur.
2) Les termes sont structurés selon leur sens et
leurs « sèmes terminogéniques » : leur place dans
la hiérarchie correspond à l'endurance de la notion
(plus haut, plus persévérant).
3) Les termes formés selon le même sème
terminogénique sont classés selon leurs patrons
dérivationnels - emprunt, composition, etc - qui, à
leur tour peuvent être caractérisés selon leur
discrétion ou leur capacité de générer d'autres
termes.
Tout cela veut dire que si le corpus étudié ne permet pas
d'observer la quatrième étape de formation des termes
vestimentaires (l'étape de leur admission dans la langue
commune ou de leur disparition), le corpus et les analyses
effectuées permettent d'évaluer les perspectives
(lexicalisation ou disparition) que les termes étudiés
peuvent engager à cette étape. La structuration du corpus
(structure arborescente et tableaux) et les listes
(fréquences et contextes) créées par TACT peuvent
faciliter l'attribution des valeurs (0, 1 ou 2) aux facteurs
FUDGE et prédire ou étudier l'évaluation éventuelle ou
réelle des termes vestimentaires. Cela serait une des
continuations possibles de la présente recherche. Ce que
cette recherche peut déjà apporter à l'étude des
néologismes c'est l'analyse de la nécessité de leur création.

4.4.3. Génération de termes vestimentaires


complètement nouveaux
L'analyse de la structure qualia des termes attestés a
démontré que deux facteurs majeurs (hors de facteurs
extralinguistiques) sollicitent la création d'un nouveau mot
ou favorisent l'introduction d'un emprunt :
1. La corruption d'un trait prototypique de
l'archétype par sa variante : cela explique pourquoi
les types de pantalon distingués selon la longueur
qui contredisent la qualité prototypique 'jusqu'aux
pieds' reçoivent des noms particuliers « short »,
« pantacourt », etc., tandis que les types de jupes
sont tout simplement appelés « jupes longues »,
« jupes courtes ».
2. La complexité et un grand degré de nouveauté
du modèle de vêtement : cela veut dire que quand
il y a plus d'un trait de quale Formelle à préciser
pour distinguer le nouveau vêtement de son
archétype, la terminologie opte pour une
métaphore (« saharienne ») ou pour un emprunt
(« duffle-coat ») au lieu de recourir à la synapsie
habituelle. Il semble que deux traits appartenant à
des qualia différentes puissent coexister plus
facilement dans les termes complexes.
S'il s'agit d'un seul trait spécifique, il est plus
vraisemblable que la formation d'un nouveau terme soit
graduelle : le terme passera par l'étape de terme complexe
(« pardessus imperméable », « pantalon jogging ») avant
de se stabiliser sous la forme abrégée.

4.4.3.1. Facteurs subjectifs et objectifs


Piotrowski (1990 : 22) distingue non seulement
Denotatum et Designatum, mais aussi deux types
correspondants de semiosis : le premier type prévoit le
choix arbitraire du nom (comme « Paris » pour le centre
administratif de la France) ; le deuxième type produit la
dénomination qui reflète l'essence ou le trait sémantique
primordial du signifié et de son référent (comme « la
capitale de la France » pour la même ville).

Le schéma (4.j) représente le terme vestimentaire comme


signe linguistique ou comme unité psychologique
bilatérale reliée d'un coté à la réalité physique et de l'autre
à la réalité linguistique. L'analyse des termes
vestimentaires démontre que ces deux réalités restreignent
considérablement les moyens que la réalité psychologique
peut utiliser pour les relier dans le signe linguistique.

L'analyse du sens et de la forme des termes a mis en


évidence deux types de facteurs - objectifs et subjectifs -
qui sont en jeu lors du processus de dénomination dans la
terminologie de la mode. Les facteurs subjectifs sont reliés
à la liberté de choix et à la créativité. Les facteurs objectifs
limitent la créativité individuelle par des restrictions de
nature conceptuelle et linguistique.

Les facteurs subjectifs ont été mis en relief par les


approches psychologiques comme la sémantique du
prototype qui s'intéressait surtout à l'interaction entre
« l'homme-processeur » (Rosch 1978) et le monde
physique. Dans le monde des catalogues vestimentaires,
l'image du vêtement réel qui doit être dénommé pose deux
problèmes majeurs au niveau conceptuel : le choix du
classificateur convenable et le choix des traits
spécificateurs à nommer. La liberté ou la subjectivité des
deux choix est limitée par l'objectivité de la réalité
conceptuelle.
Au niveau linguistique, les facteurs objectifs sont
représentés par les lexèmes et morphèmes disponibles et
par les règles de leur combinaison.

L'analyse du processus de dénomination du point de vue


du signe linguistique et de ses relations permet de
considérer en même temps le sujet dénommant (emprunté
de la sémantique du prototype), la structure ontologique
du domaine étudié (emprunté à l'approche
onomasiologique à l'étude de la terminologie) et les
contraintes linguistiques (considérés du point de vue de la
grammaire générative). De ce point de vue, la
dénomination vestimentaire n'est pas totalement arbitraire
à cause des facteurs objectifs : par exemple, il est presque
impossible que la dénomination se trompe d'archétype.
Cependant, la dénomination n'est pas strictement motivée
non plus à cause des facteurs subjectifs qui peuvent
intervenir : par exemple, c'est le sujet dénommant qui
décide quels traits saillants doivent jouer le rôle des traits
terminogéniques. De plus, la dépendance du sujet
dénommant du matériel linguistique explique la
dépendance relative de la conceptualisation logique (ou
classification) des sens linguistiques disponibles. Par
exemple, le choix du classificateur est limité par les noms
des types ou sous-types disponibles.

o 4.5. Conclusion du chapitre 4


Dans ce chapitre, j'ai réuni les données et les analyses des
deux chapitres précédents en appliquant les idées de la
sémantique du prototype et du modèle du lexique génératif
de Pustejovsky.

J'ai adapté la structure de qualia de Pustejovsky au


contenu sémantique des termes vestimentaires. La
comparaison des structures qualia des archétypes et des
types vestimentaires a permis de mieux structurer et
d'expliquer les patrons dénominatifs correspondant aux
traits terminogéniques. J'ai distingué quatre types de
composants des qualia : obligatoires, facultatifs,
prototypiques et variables. Les correspondances entre les
traits terminogéniques et ces composants ont permis
d'expliquer l'ordre d'expression des traits terminogéniques
dans les termes complexes. Deux notions qui ont été
développées dans le modèle du lexique génératif,
l'interaction des sens lexicaux et la forme syntaxique
canonique, m'ont permis d'expliquer pourquoi les patrons
syntaxiques contractés sont des patrons privilégiés dans le
corpus.

J'ai associé la notion de prototype avec la notion


d'archétype vestimentaire et, dans le schéma du signe
linguistique de Piotrowski, avec le denotatum.
L'association des notions d'archétype et de prototype a
amené vers l'idée que la structure qualia de chaque
archétype vestimentaire est présente dans le système
conceptuel du locuteur (et du sujet dénommant) sous
forme d'image floue de prototype. L'association de ces
notions avec le denotatum, qui est une réflexion globale et
floue d'un objet dans le cerveau humain, a permis de
formuler la première étape du processus de dénomination
comme le choix de l'archétype ou comme la transition
entre la réalité physique (le /vêtement/ à nommer) et la
réalité psychologique (denotatum) sur le schéma du signe
linguistique (4.k).

Dans cette optique, je détermine la deuxième étape de


dénomination comme la comparaison des qualités réelles
du vêtement à dénommer avec les composants des qualia
de son archétype ou comme la précision de la réalité floue
du denotatum et formation du designatum, la structuration
conceptuelle du signifié du futur terme. La troisième étape
est l'étape du choix des moyens linguistiques appropriés à
la structure conceptuelle du designatum ou la transition
entre la réalité psychologique et la réalité linguistique. Je
particularise la quatrième étape comme étape d'utilisation
du terme créé mais je la place hors du cadre de la présente
recherche.

En bref, les analyses présentées dans ce chapitre


expliquent les particularités des termes du corpus et
résultent en distinctions des quatre étapes (4.k) et sept
scénarios possibles (( )-( ) en 4.4.2.1. et ( )-( ) en
4.4.2.3.2.) du processus de dénomination, ainsi que des
facteurs objectifs et subjectifs qui influencent ce
processus.

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