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Un Vélo Pas Comme Les Autres !

Comme nombre d'entre nous, avec le temps, peut-être que le goût de la perfection vient avec
l'âge, je suis agacé par les petits bruits de chaine, de frottements, de passage difficile des vitesses,
du croisement inéluctable de la chaine surtout en compact, etc. Alors, j'ai cherché, parmi ce que la
technologie pouvait actuellement nous offrir, à monter un vélo qui pallie au plus grand nombre des
inconvénients que j'ai rencontré avec mes différentes montures !

Tout a débuté avec le, ou plutôt les dérailleurs. Voilà un composant qui s'avère des plus
utiles, certes, mais en même temps des plus délicats... Un petit contact contre une roue du cycliste
qui vous suit de trop près, voire un simple mauvais appui de repos contre une murette ou un trottoir
et c'est le début des ennuis lors des changements de braquet. Le passage à l'électrique n'a pas
amélioré ce point (mais il en a amélioré nombre d'autres, à commencer par l'asservissement
automatique du dérailleur avant par rapport au pignon engagé à l'arrière !). Donc, il a fallu
rechercher une alternative élégante et fiable à ces dérailleurs. Les constructeurs ont depuis
longtemps apporté des solutions techniques avec des modèles variés de boite de vitesses... intégrées
dans le moyeu arrière ! Oui, comme les freins à mâchoires dans le temps... Shimano avec son Nexus
et l'allemand Rohloff proposent tous deux des boitiers de ce type. Sur la photo 1 on voit le détail du
moyeu Rohloff que j'ai finalement choisi pour son nombre de vitesses (14 au lieu de 11 sur le
Nexus) et son étagement linéaire, même si ce dernier n'est pas forcément le plus adapté à l'usage.
Disons qu'il faut parfois pédaler plus en souplesse ou plus en force de façon inopinée, mais le plus
souvent ça ne dure pas et l'étagement est adapté dans l'immense majorité des cas. En effet, il est de
526 %, équivalent à un 3x9 vitesses, c'est à dire en clair et en pratique, si l'on choisit correctement
le plateau et le pignon arrière, nous verrons comment plus loin, on peut faire plus long que 50/12 et
plus petit que 34/25 pour comparer avec les compacts.

Photo 1
Et puis, comme il était question de changer de transmission, autant aller le plus loin possible
sur ce poste, c'est à dire oublier... la chaine ! En lieu et place, une belle courroie en carbone, comme
sur certaines motocyclettes ! Fini les chaines à changer (je ne sais pas ce que c'est que de changer
un kit chaine sur ma moto, alors qu'elle tourne avec une courroie depuis plus de 10 ans...), les mains
pleines de cambouis et de gras à chaque démontage de roue et... les cliquetis et autres bruits ! (cf.
photo 2a, b et c). La roue arrière est donc parfaitement centrée, bien rigide et donc moins fragile
qu'avec les parapluies asymétriques de la plupart des roues actuelles, certaines roues Time
exceptées. De plus, le rendement est optimisé, puisque la ligne de chaine ne varie plus du tout lors
des changements de braquets !... Une évolution encore plus radicale eût été le cardan, comme celui
proposé par Sussex Enterprise (Shaftdrive) mais l'argument du coût et surtout du poids restent
dissuasifs pour le moment.

Photo 2a

Photo 2b
Photo 2c
Vous pourrez trouver en français sur le lien suivant toutes les informations souhaitables sur
cette courroie (http://www.carbondrivesystems.com/images/uploads/installation_1271412418.pdf)

En choisissant 55 dents pour le plateau et 19 dents pour le pignon arrière, avec une courroie
Gates en carbone de 113 dents, l'étagement concret des braquets est le suivant :

Vitesse Rapport final Développement (m)


1 0.81 01/01/73
2 0.91 1.94
3 1.04 2.22
4 1.18 2.52
5 1.34 2.86
6 1.53 3.26
7 1.74 3.71
8 1.97 4.20
9 2.24 4.78
10 2.55 5.44
11 2.89 6.16
12 3.29 7.02
13 3.74 7.98
14 4.25 9.07

Tableau 1

A titre de comparaison, en 34/25 on atteint à peine 1,36 au lieu de 0,81 ici et au maximum
vous obtiendrez en 50/12 autour de 4,17 au lieu de 4,25 avec la solution intégrée (voir Tableau 1).
Donc au moins aussi bien pour la partie grand braquet et beaucoup mieux pour les petits
développements. Parfois, ça se révèle très utile... Si, si, lorsque l'on rencontre un mur à 20% ou
plus, je vous jure que c'est appréciable !... Par exemple, dans l'Angliru, sur la Vuelta, les pros
montaient les 23,5 % à... 7 km/h, une moto suiveuse est même tombée en raison de la très faible
vitesse... Bon, d'accord, on ne fait pas l'Angliru à chaque sortie non plus !
Vous trouverez au Tableau 2 l'étagement donné par un compact 50/34 – 12/25 ainsi que les
développements obtenus pour dix pignons.

Plateau Pignon Rapport Développement


50 12 4.174.17 8.89 m
50 13 3.853.85 8.21 m
50 14 3.573.57 7.61 m
50 15 3.333.33 7.10 m
50 16 3.133.13 6.68 m
50 17 2.942.94 6.27 m
50 19 2.632.63 5.61 m
50 21 2.382.38 5.08 m
50 23 2.172.17 4.63 m
50 25 22.00 4.27 m
34 12 2.832.83 6.04 m
34 13 2.622.62 5.59 m
34 14 2.432.43 5.18 m
34 15 2.272.27 4.84 m
34 16 2.132.13 4.54 m
34 17 22.00 4.27 m
34 19 1.791.79 3.82 m
34 21 1.621.62 3.46 m
34 23 1.481.48 3.16 m
34 25 1.361.36 2.90 m

Tableau 2
Pour le calcul des braquets j'utilise volontiers cette page : http://cyclurba.fr/braquet.php.

Je ne vais pas reprendre les différents arguments du constructeur relatifs aux apports de leur
moyeu intégré, vous pourrez les lire vous même sur Internet, ici :
http://www.rohloff.de/fileadmin/rohloffde/download/werbung/prospekte/prospekte_14_facts/prospe
kt_14_facts.fr.pdf
Enfin, le pédalier est ici un Truvativ 1.1 avec un excentrique permettant le réglage de la
tension pour la courroie (photo 3) plus élégant et facile à régler qu'un tendeur de chaine disgracieux.

Photo 3
Malheureusement, la courroie ne peut pas "s'ouvrir" comme une chaine pour permettre son
installation... C'est donc le cadre lui-même qui doit autoriser ce passage ! Il y a de nombreuses
façons d'ouvrir un cadre, le constructeur allemand (tiens, lui aussi...) à qui j'ai confié cette
adaptation a choisi la façon qu'illustre la photo 4. Très franchement, je n'ai pas eu la sensation d'une
quelconque faiblesse au niveau du triangle arrière à l'usage. Y compris en tirant très fort dessus dans
les côtes.

Photo 4
Une autre particularité imposée par ce moyeu intégré, est le passage des vitesses. On ne peut
pas faire plus élémentaire : un câble monte les braquets et un autre les descend ! La photo 5 montre
la commande de changement de vitesses. On remarquera que pour pouvoir installer cette commande
rotative, fournie avec le moyeu, à cet endroit sur le cintre, il faut que ce dernier s'ouvre aussi ! J'en
ai trouvé un de ce type. Oui, en Allemagne également... Après, d'aucuns s'étonnent que l'industrie
germanique connaisse de meilleurs résultats que celles du reste de l'Europe !...

Photo 5
Le cadre a été construit sur mesure en scandium (le carbone ne semble pas encore être à
l'ordre du jour pour ce type de montage). Cette construction "sur-mesure" contribue très
certainement à la sensation notable de confort dès que l'on s'installe sur ce vélo. Il pèse un peu
moins de 1200 g. La fourche est droite en carbone, de marque X-peria, la 9200 SL Full Carbone,
très légère, de l'ordre de 360 g (photo 6).
Photo 6
J'ai opté pour des roues spécifiques, montées à partir de jantes aluminium Stan Notubes
Alpha Road 340 (340, c'est leur poids en grammes) car elles sont également utilisables en...
Tubeless ! Pour cet usage, ce sont des pneus Hutchinson, Atom ou Fusion, qui sont "obligatoires"
pour le moment...
Enfin, j'ai pensé installer des freins à disques, mais l'UCI ne souhaite pas, pour le moment,
voir ce type de freins sur les vélos de route. Mais cette option est d'ores et déjà possible avec le
montage tel qu'il a été réalisé ici et j'en dirai encore un mot plus loin au sujet des VTT.

Les impressions :
A l'usage, ce vélo est particulièrement agréable, absolument silencieux, avec une
maintenance réduite, puisque le moyeu se contente d'une vidange (!) tous les ans ou tous les 5000
km environ et qu'il est garanti par le constructeur pour plus de 100 000 km ! La courroie est en
principe inusable, mais ça je ne pourrai le dire qu'à l'usage. Son poids le rend plus sûr en descente et
il est très confortable en toute circonstance, même sur chaussée dégradée, alors qu'avec mes autres
coursiers, sur les mêmes routes, j'ai l'impression parfois d'être dans une machine à laver sur le
programme "essorage" ! Ce poids est en même temps le point faible pour le moment, puisque tel
quel, ce vélo pèse près de 8,5 kg, soit 1 kg de plus que mes vélos carbone plus... "classiques". Qui
plus est, il existe a un certain déséquilibre entre avant et arrière. Cela étant dit le montage moyeu-
courroie est à peine 100 g plus lourd qu'une transmission complète Super Record Campa
traditionnelle !...

Et l'avenir ?
L'avenir est... déjà là en réalité ! En effet, Shimano a "électrifié" son Nexus en Di2... La
boîte dispose même d'un mode "automatique" avec changement des vitesses de façon optimisée en
fonction de la cadence de pédalage. Une dynamo est également intégrée fournissant le courant
nécessaire au fonctionnement de cette boite automatique. Il est également possible d'intervenir
manuellement en pressant sur un petit bouton qui modifie ainsi l'utilisation du changement de
vitesse. Ce qu'il serait souhaitable de faire évoluer sur le modèle présenté ici, c'est le poids de ce
moyeu, surtout si l'on envisage son électrification à terme. Ceux qui ont essayé les dérailleurs
électriques sont, pour la plupart, convaincus de leur apport, j'en fais partie en tous les cas. Ce gain
de poids est dans l'intention du constructeur depuis plusieurs années, mais la nouvelle mouture
"allégée" n'est pas encore sortie à ma connaissance. Ce qu'il faudrait sans doute également changer,
c'est le mode de passage des vitesses en utilisant une manette classique à gauche pour les monter et
une à droite pour les descendre (ou l'inverse selon le goût de chacun !) en lieu et place de la
commande rotative fournie avec le moyeu, moins pratique à mon sens que la poussée des
commandes de frein, car en utilisant une main de chaque côté, on optimise notablement la vitesse de
ce passage. Comme de plus, le passage des rapports est possible en salve, je vous laisse imaginer
l'extrême optimisation de ces opérations ! Cette dernière "option" est déjà commercialisée, pour les
moyeux Shimano Nexus à 8 et à 11 vitesses, aux USA par Dynamic bicycles, mais pas pour Rohloff
(http://www.dynamicbicycles.com/synergy/synergyroad8.php).
Je rappelle que ce moyeu autorise également le passage des rapports... à l'arrêt ! C'est parfois utile
en ville aux sémaphores et... en côte lors d'une interruption intempestive !

Certains ont opté pour le développement de vélos très haut de gamme sur cette base hub-
courroie-disques (cf. ici http://www.krencker.com/). Dans un tout autre registre, l'intégration sur des
VTT devrait-être également des plus bénéfiques, car le risque de casse, notamment du dérailleur
arrière, devrait se réduire d'autant. Par ailleurs, une courroie restera toujours plus opérationnelle
qu'une chaine dans des conditions de terrain lourd et boueux !... Comme ce moyeu est apte à
recevoir au choix des freins à disques ou des freins hydrauliques (V-Brakes) sur cadre, les Vététistes
ne seraient pas pénalisés... Enfin, le centrage permanent de la roue arrière, sa rigidité intrinsèque et
la ligne de chaine optimisée devraient contribuer à un meilleur passage de la puissance au sol.
L'étagement linéaire de 13,6 % entre les différents rapports peut éventuellement être discutable,
mais en pratique, comme je l'ai dit plus haut, ça se passe plutôt bien. Qui plus est, elle peut être
optimisée à l'envie en modifiant le plateau et/ou le pignon de sortie de boite. Enfin, le fait d'avoir un
peu de réserve dans la partie "petits braquets" peut s'avérer un plus dans certaines conditions de
route à fort pourcentages et donc en VTT également.
Conclusions :

Voilà, je crois que ce type de moyeu a de l'avenir, car il est plus robuste et présente nombre
d'avantages par rapport à une transmission classique avec... deux dérailleurs ! Le démontage de la
roue arrière est très simple, comme sur un vélo à transmission classique, avec une petite molette à
dévisser pour désaccoupler le boitier recevant les câbles. Le coût est élevé par rapport à une
transmission d'entrée de gamme classique, mais se compare très favorablement avec les groupes
haut de gamme.

Le mariage moyeu à vitesses et courroie carbone est, en pratique, extrêmement onctueux,


mais reste cependant très répondant, il simplifie notablement la gestion des braquets, ainsi que la
maintenance mécanique de l'ensemble et s'avère particulièrement fiable sur le long terme. Est-ce-
que cela signe, de façon plus ou moins imminente, la mort des transmissions "classiques" à deux
dérailleurs et à chaine ? Un élément de réponse sera sans doute apporté le jour où une version
allégée et, pourquoi pas, électrique de cet ensemble apparaitra sur le marché... Cette évolution n'est
peut-être pas si éloignée que cela... Quoiqu'il en soit, ceux qui pensaient qu'en matière de vélo, nous
avions depuis longtemps fait le tour, risquent d'être les premiers étonnés par ce que nous réserve,
dès à présent, cet univers en perpétuelle évolution de la bicyclette !

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