Vous êtes sur la page 1sur 64

Retrouver ce titre sur Numilog.

com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

LES GRANDS AUTEURS


Collection dirigée
par
Claude Glayman
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

L'AVENTURE DES SURRÉALISTES


1914 - 1940
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Du même auteur

LE MARQUIS DE SADE ET LA CONQUÊTE DE L'UNIQUE.


L e T e r r a i n Vague.
ROGER VAILLAND, TENTATIVE DE PRÉSENTATION. L e
T e r r a i n Vague.
ALBERT CAMUS, PHILOSOPHE POUR CLASSES TERMI-
NALES. B a l l a n d .
MON DIEU, QUEL MALHEUR, MON DIEU, QUEL MALHEUR
D'ÉCRIRE UN ROMAN ÉROTIQUE! Mercure de
France.

NIZAN, INTELLECTUEL COMMUNISTE. M a s p é r o .


Retrouver ce titre sur Numilog.com

ytpe="BWD"

Jean-Jacques Brochier

L'aventure
des
surréalistes
1914 - 1940

Stock
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Tous droits réservés pour tous pays.


© 1977, Éditions Stock
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Avant-Propos

Pourquoi cet essai consacré à l'aventure des


surréalistes? Pour plusieurs raisons — et d'abord
une déjà ancienne affinité — mais surtout pour
celle-ci, essentielle : la problématique que pose le
surréalisme, sa démarche, son mode de pensée,
autant d'éléments infiniment modernes, actuels,
urgents même.
Presque, cette actualité est devenue, depuis
quelques années, encore plus grande. Depuis Flau-
bert est posée clairement, mais jamais résolue, la
question de l'œuvre d'art, et particulièrement de
l'œuvre littéraire. Qu'est-ce qui s'écrit, pourquoi
cela trouve-t-il quelqu'un pour l'écrire, où se situe
celui qui écrit, d'où parle-t-il? Flaubert, Proust,
Freud, Sartre, Blanchot, Lacan et bien d'autres
jalonnent le chemin de cette interrogation. Les
surréalistes ont eux aussi balisé le chemin, et
reconnu quelques cols des plus périlleux. Notam-
ment la mise en cause, radicale, de l' « arrangement
en poème », selon le terme de Breton, de l' « ar-
rangement en littérature », ou même en écrit,
pourrait-on dire.
Aussi comprend-on que Breton et les surréalistes
Retrouver ce titre sur Numilog.com

aient sursauté en lisant, sous la plume de Maurice


Nadeau, dans son Histoire du surréalisme, cette
phrase : « Les surréalistes ne sont ni des politiques,
ni des savants, ni des philosophes, et si peu des
médecins! Ce sont des poètes, des spécialistes du
langage, et c'est à lui qu'ils vont s'attaquer. » Ce
n'est pas que Nadeau ait tort, mais l'ambition du
surréalisme, précisément, était de dépasser la spé-
cialisation poétique et langagière, dans une voca-
tion de totalité.
Si le langage est le propre de l'homme, inventer le
procédé — en insistant sur ceci, qu'il s'agit d'un
procédé délibéré — de l'écriture automatique,
c'était mettre en cause tout l'homme, et le monde,
qui n'est que parce que, d'une manière ou d'une
autre, il est dit. C'était jeter superbement à la face
de dizaines de siècles de littérature, d'écriture, de
culture, que le langage avait été trop longtemps
dévoyé pour qu'on puisse lui faire confiance, dans
sa forme traditionnelle; et aussi que l'homme était
une richesse inexploitée, puisqu'il pouvait surgir de
lui, automatiquement, un autre langage, vrai, où les
mots brûlent, et, selon l'expression d'André Breton,
qui l'avait reprise à Duchamp, « font l'amour ».
C'était affirmer qu'il allait se passer quelque
chose, où tout était en jeu, une révolution. Et une
révolution qui n'est pas près de s'arrêter, si nous en
croyons Aragon, qui écrit en 1974 : « [L'époque] où
l'écriture automatique prend le nom de surréalisme
ne s'est, de mon point de vue, jamais terminée, en
ce sens qu'il ne sera jamais plus possible d'ignorer
ce stade de la formation de la pensée, même le
croyant dépassé... même pour ceux-là qui semblent
en nier la nécessité. »
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Il y a bien longtemps qu'on s'est aperçu que le


surréalisme marchait à la fois sur deux plans, celui
de la « création artistique », de l'œuvre d'art qu'il a
dû, volens nolens, créer — et il ne s'est pas fait faute
d'en laisser d'admirables — et celui, global, du sort
de l'homme, donc de la politique, dans son sens le
plus large, mais aussi le plus précis.
Et c'est la seconde manifestation de cette actua-
lité prégnantissime du surréalisme. Breton et ses
amis ont été infiniment marqués par la guerre de
14, et leur réaction unanime est : plus jamais ça.
Très vite ils ont été tentés d'aller là où la révolution
était officiellement réclamée, c'est-à-dire au Parti
communiste, et la première tentative d'adhésion de
Breton et d'Aragon eut lieu en 1921 — ils furent
rebutés par l'ouvriérisme primaire, la vulgarité et le
mépris d'un certain Pioch. Plus tard, ils adhérèrent,
et Breton, affecté à la cellule du Gaz, fut découragé
lorsqu'on lui demanda, en tout et pour tout, un
rapport sur la situation industrielle en Italie. Ara-
gon et lui se retirèrent à nouveau.
C'est que, me semble-t-il, le surréalisme et la
bureaucratie sont physiologiquement incompa-
tibles. On a beaucoup glosé sur le procédé maintes
fois employé de l'exclusion, sur le côté apparem-
ment centrifuge du surréalisme, où tant sont passés,
et si peu restés, sur Breton « pape du surréalisme ».
Mais s'il y eut quelques brouilles solides — Breton-
Tzara notamment — ce furent des brouilles entre
des personnes; pas entre un individu et un appareil.
Le seul cas où, entre Breton et d'autres, les relations
furent définitivement interrompues, ce fut lorsque
ceux-ci entrèrent dans le cadre d'un appareil
bureaucratique : Aragon puis Éluard.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Les héritiers véritables du surréalisme ne s'y sont


d'ailleurs pas trompés : les situationnistes, qui
préférèrent la dissolution à la concrétion bureaucra-
tique.
Mai 1968 est un autre signe de cela. Non
seulement on vit sur les murs de Paris des citations
de Breton et de Péret — et c'était un mouvement,
un goût et un style peu portés vers la citation, la
célébration des anciens, et le soin de se rechercher
des ancêtres, des autorités ou des cautions dans le
passé — mais on vit aussi fleurir, quasi naturelle-
ment, spontanément en tout cas, des phrases de
nature et d'expression surréalistes.
A côté de cet admirable extrait de l'Ode à
Fourier, de Breton : « Au grand scandale des uns,
sous l'œil à peine moins sévère des autres, soulevant
son poids d'ailes, ta liberté », on pouvait lire, en
vrac : « Savez-vous qu'il existait encore des chré-
tiens » (ceux-là, merci, on les a vus réapparaître
depuis!), « Exagérer c'est commencer d'inventer »,
« Les réserves imposées au plaisir excitent le plaisir
de vivre sans réserve », « Ceux qui prennent leurs
désirs pour des réalités sont ceux qui croient à la
réalité de leurs désirs », ou encore : « Vive le
pouvoir des conseils ouvriers étendu à tous les
aspects de la vie ! »
La subversion des mots, l'immédiateté du désir,
le refus des appareils politiques traditionnels, quels
qu'ils soient — parce qu'un appareil devient tou-
jours un appareil de torture — Mai 68 l'a mani-
festé spontanément, le surréalisme l'avait exprimé
systématiquement.
C'est que le groupe est le contraire du parti. Si
Breton pouvait être trotskyste, c'est qu'il n'y avait
Retrouver ce titre sur Numilog.com

pas de parti trotskyste — au plus des groupuscules


— que Trotsky ne représentait pas le pouvoir, mais
l'opposition, la critique vivace et qui fait vivre...
enfin qui aurait pu faire vivre. Je vois mal Breton
inscrit, de nos jours, à la Ligue communiste.
De plus, le drame idéologique que nous vivons,
depuis quelques années, c'est, si j'ose dire, la
disparition de « la solution de rechange ». Il y avait
la droite traditionnelle, mais il y avait aussi, il y a
vingt ou trente ans, « la patrie du socialisme », le
pays qui avait connu un Octobre 17 victorieux.
Cette illusion ne nous est plus permise : des deux
côtés la même exploitation, le même recours aux
camps de concentration (fascistes en Europe,
simplement capitalistes dans les colonies, socialistes
en U.R.S.S.), le même mépris des intellectuels, des
créateurs, des hommes lorsqu'ils osent dire qu'ils ne
sont pas d'accord avec la vérité officielle (et, celui-
là, moins rude dans les pays capitalistes), le même
refus de la liberté.
Ce drame, cette illusion perdue, non seulement
l'ont vécu des gens comme Edgar Morin, exclu du
Parti, ou Sartre, qui avait vu là, peut-être, pendant
un temps, une solution — à améliorer, mais une
solution quand même — mais ceux qui, sans
appartenir au Parti communiste, ni l'approuver en
tout, voyaient en lui autre chose que la médiocrité
et la sauvagerie de l'exploitation capitaliste.
Or Breton, et les surréalistes, ont été parmi les
premiers à dénoncer les procès de Moscou, la
pesanteur et l'absurdité de l'appareil du Parti, à
refuser de marcher dans la combine, et à échapper à
la naïveté. Sans le faire pour les mêmes raisons, ni
pour les mêmes intérêts, que des gens comme
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Ramadier ou Pinay, pour citer deux politiciens bien


oubliés.
Et cette perspicacité, je crois que c'est elle qui a
été perçue spontanément, il y a une quinzaine
d'années.
La réponse officielle de l'appareil, nous la trou-
vons d'ailleurs dans un des très rares textes
médiocres de Roger Vailland, qui avait été autrefois
déçu par les surréalistes, et qui rédigea un de ces
devoirs que le Parti communiste faisait parfois
écrire à ceux qui voulaient le rejoindre. Cela
s'appelle Le Surréalisme contre la révolution, publié
en 1948. On peut y lire : « Ce qui est dérisoire
aujourd'hui, ce n'est plus seulement La Révolution
surréaliste, c'est aussi Le Surréalisme au service de
la révolution. La révolution n'a pas besoin de
surréalisme, elle a besoin de charbon, d'acier, de
l'énergie atomique sans doute, et surtout de cette
énergie virile qui fait grands les savants, lucides les
chefs et héroïques les penseurs qui se haussent à la
grandeur de leur temps. » C'était le ton de cette
époque.
Or, s'il y a une chose que l'expérience du monde
nous a apprise, c'est bien que la révolution a besoin,
et avant tout, de surréalisme précisément.
Cette double invention problématique, dans le
domaine du langage comme dans le domaine
politique, c'est ce qui fait l'actualité du surréalisme.
Mais il n'est pas interdit d'y voir également d'autres
aspects. Par exemple que le surréalisme se laisse
malaisément réduire à l'analyse de l'histoire litté-
raire. Qu'on puisse y voir un mouvement roman-
tique, sans doute. Mais le romantisme se traduit par
son goût de la réaction politique, du retour au
Retrouver ce titre sur Numilog.com

passé, et sa volonté, d'autre part, du bouleverse-


ment dans le vocabulaire. Or le surréalisme, au
contraire, allie sa révolution syntaxique à son projet
de changement radical de tout. Et si, comme le
romantisme, le surréalisme est parfois — comme
tout groupe — élitiste, son programme en revanche
est universel. Et se ralliait au mot d'ordre de
Lautréamont : « La poésie doit être faite par tous,
non par un. »
Une dernière raison enfin, et non la moindre;
Vailland avait raison de constater que l'humour
noir était l'arme spécifique du surréalisme. L'un des
plus beaux livres de Breton est l' Anthologie de
l'humour noir, et le personnage tutélaire du mouve-
ment, Jacques Vaché, qui avait fait de l'humour
noir son unique démarche.
Or l'humour, et particulièrement l'humour noir,
me semble une arme de circonstance, indispensable,
depuis déjà un certain nombre de décennies que
nous supportons. Au moment où l'adhésion est de
plus en plus impossible — mais entendons-nous
bien, l'humour noir n'empêche ni l'enthousiasme ni
l'action, il contraint de garder sa distance — c'est
par cette critique corrosive qu'il nous faut réagir. Et
l'humour ne supporte que très mal la faiblesse, pas
du tout la compromission.
Cela posé, le problème est : a-t-on le droit
d'écrire un ouvrage sur le surréalisme, sans l'avoir
été soi-même? Et même, en toutes circonstances?
Les surréalistes répondraient volontiers que non.
Témoin Robert Lebel, qui écrit : « Pour ce qui est
du surréalisme, une crispation peut-être excessive —
mais à qui la faute? — nous rend également
insupportables les justifications méticuleuses des
Retrouver ce titre sur Numilog.com

dépouilleurs d'archives et les pieux rabâchages des


meilleures volontés. Au point où nous en sommes,
l'occultation est-elle encore l'issue la plus souhaita-
ble? » Mais il écrit précisément cela en avant-
propos à un livre, La Civilisation surréaliste. Recon-
naissons-le, il ajoute tout de suite : « Il reste
d'abord à définir les conditions d'une prophylaxie
personnelle qui nous retienne au moins de contri-
buer à cette incontinence, faute de pouvoir y mettre
un terme.
« Certes nous n'avons que foutre des leçons de
l'histoire, de la sagesse antique, des miracles de la
science ou de l'art, nous avons pris nos distances
avec l'idéalisme, avec le matérialisme historique,
mais ne sied-il pas d'en faire autant avec l'hermé-
tisme, la psychanalyse et leurs succédanés? Le
moment n'est-il pas venu de liquider au plus vite la
conscience malheureuse et la nostalgie qui s'appe-
santissaient sur le surréalisme des années 50 et 60?
Il n'est même pas certain que la poésie, telle qu'on
la cuisine, puisse encore nous abuser ou nous
amuser. Par curiosité, par indulgence ou par déri-
sion, nous nous sommes attardés devant quelques
aspects du mécanisme des sociétés humaines
d'autrefois ou d'ailleurs, mais c'était comme on
ralentit le pas pour voir remuer des marionnettes ou
pour glaner des épaves. »
Ce que dit ici Robert Lebel est intéressant : non
seulement le surréalisme ne se laisse point enfermer,
mais il est, avant tout, un état d'esprit, donc
perpétuellement présent et recommencé. Quand
Breton écrivait superbement : « Hugo est surréaliste
quand il n'est pas bête... Raabe est surréaliste dans
Retrouver ce titre sur Numilog.com

la mort », jusqu'au fameux « Vaché est surréaliste


en moi », il ne disait pas autre chose.
Et cet état d'esprit s'est poursuivi, nous l'avons
vu, jusqu'à hier encore, et sans doute aujourd'hui et
demain.
Mais le surréalisme est aussi mouvement précis,
groupe constitué. C'est celui-là qui, dans le détail,
nous intéresse ici. Nous avons, dans ce livre, donné
systématiquement la parole aux surréalistes, au prix
parfois de longues citations. C'est qu'ils ont eu,
qu'ils aient ou non quitté, voire traversé seulement
le mouvement, grand soin d'écrire eux-mêmes, de
dire dans des entretiens, de noter ce qu'ils ont
fait, pensé, écrit en tant que surréalistes. L'enjeu
était trop important, pour eux et certainement
pour notre pensée aujourd'hui même, pour courir
le risque d'erreurs, de déformations, de caricature.
A bien chercher, Breton, comme Aragon, Péret,
ou Prévert et Jacques Baron, sans tenir ici compte
de la valeur relative de leur œuvre, de l'importance
de leur rôle, ont parlé d'eux et de leurs amis, de ce
qu'ils ont pensé ou fait ensemble. C'est notre
chance. Pour ce livre, qui se veut simple narration,
présentation, la certitude qu'apportent de telles
autorités est précieuse. Et le mot « autorité » n'est
pas trop fort : les surréalistes ont toujours trop été
conscients de l'importance de ce qu'ils étaient pour
ne pas se prendre, fort légitimement, au sérieux —
ce qui n'excluait pas l'humour.
Un mot encore. Ce livre s'arrête avec la Seconde
Guerre mondiale. Pourquoi? Le surréalisme ne s'est
pas arrêté là; Breton a donné quelques-unes de ses
œuvres majeures pendant l'exil américain, ou en
Retrouver ce titre sur Numilog.com

France après la guerre. La chronologie que fournit


Philippe Audoin, dans son excellent Les Surréalistes
(coll. « Écrivains de toujours », Le Seuil), compte
cinq pages pour la période 1919-1940, et cinq pages
aussi de 1940 jusqu'à la dissolution officielle du
groupe, en 1970.
Cependant il nous a semblé que l'aventure sur-
réaliste proprement dite se déroulait avant la guerre.
Que sa problématique littéraire et politique était in-
séparable de la guerre de 1914, mais que la guerre
de 1940 était venue redistribuer les cartes, changer
les problèmes, mondialiser davantage les choses. Le
refus surréaliste de l'habitude, de la sclérose, du
conformisme continue, mais ses objets se sont dé-
placés. Qui aurait dit en 1929 que les psychiatres
eux-mêmes dénonceraient, et dans des termes autre-
ment décisifs et sans appel, les asiles et la psychia-
trie, alors qu'à cette époque ils voyaient dans Nadja
et dans la Lettre d'Artaud aux directeurs des asiles
un véritable appel au meurtre à leur endroit?
Et puis il y a eu les camps de concentration,
nazis et soviétiques, la bombe atomique. Péret a
eu beau écrire, contre Aragon, Le Déshonneur des
poètes, qui, sinon lui, est allé se battre en Espagne
aux côtés du P.O.U.M.? Il savait aussi que la poésie
n'est pas éternelle et hors du temps.
Si donc le surréalisme a vécu bien après 1940, il
s'est alors transformé. Ne serait-ce que par la relève
qu'ont assurée de jeunes poètes, souvent à peine nés
en 1930. Disons que notre Aventure des surréalistes
en raconte la première partie, qui fut la plus
importante : celle qui vit naître, se préciser, se
développer le mouvement, et qui connut la plus
belle moisson d'idées et d'œuvres.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Si les dictionnaires sont utiles, leurs définitions


laissent parfois rêveur... Celle-ci est extraite du
Nouveau Larousse universel :

SURRÉALISME, n. m. Mouvement littéraire et


artistique qui, en refusant les cadres de la pensée
logique, tend à exprimer le contenu de l'inconscient,
des rêves, et à favoriser l'épanouissement de l'être
profond.
— ENCYCL. Proclamant la toute-puissance du
rêve, de l'instinct, du désir et de la révolte, le
surréalisme se dresse contre toutes les formes
d'ordre, logique, moral, social. Se réclamant de la
psychanalyse et de philosophes comme Hegel,
voyant des précurseurs en Baudelaire, Rimbaud,
Lautréamont, Jarry, il procède du mouvement dada
de Tristan Tzara. Annoncé par Apollinaire dans sa
conférence sur L'Esprit nouveau (1917), défini par
André Breton (Manifeste du surréalisme, 1924), le
nouveau mouvement se signale par des manifesta-
tions agressives (publication du pamphlet Un
cadavre à l'occasion de la mort d'Anatole France),
par des publications : les revues Littérature, La
Révolution surréaliste, et par des prises de position
politiques (contre la guerre du Rif, l'Exposition
Retrouver ce titre sur Numilog.com

coloniale, le fascisme). Le groupe surréaliste évolue


ensuite au gré des engagements (adhésion au parti
communiste d'Aragon, de Breton, d'Éluard et de
Péret), des querelles et des anathèmes (départ de
Desnos, de Prévert, de Leiris, de Queneau en 1929;
affaire Aragon en 1931-32). Exclu du parti commu-
niste en 1935, Breton se déclare désormais en faveur
d'un art qui porte en lui-même sa propre force
révolutionnaire. La Seconde Guerre mondiale met
un terme provisoire à l'activité surréaliste, que
Breton s'efforce de renouveler par la fondation de
nouvelles revues (La Brèche, 1961), et l'organisa-
tion d'expositions rétrospectives (galerie Cordier,
1956; galerie de l'Œil, 1965). S'il a échoué dans sa
tentative de résoudre l'antinomie poésie-action, s'il
n'a pas « changé la vie », le surréalisme a cependant
fait sentir son influence sur toutes les formes
artistiques modernes, poésie, roman, peinture
(Ernst, Mirό, Picabia, Dali), cinéma (Bunuel),
sculpture (Arp), et même sur le décor de la vie
quotidienne (affiches, vitrines, etc.).

Autres définitions, de Breton celles-là, extraites


du Premier, puis du Second Manifeste du surréa-
lisme :

SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique


pur par lequel on se propose d'exprimer, soit
verbalement, soit par écrit, soit de tout autre ma-
nière, le fonctionnement réel de la pensée.
L'acte surréaliste le plus simple consiste, revol-
vers au poing, à descendre dans la rue et à tirer au
hasard, tant qu'on peut, dans la foule. Qui n'a pas
eu, au moins une fois, envie d'en finir ainsi avec le
petit système d'avilissement et de crétinisation en
vigueur a sa place toute marquée dans cette foule,
ventre à hauteur de canon.

Tout porte à croire qu'il existe un certain point


Retrouver ce titre sur Numilog.com

de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et


l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et
l'incommunicable, le haut et le bas, cessent d'être
perçus contradictoirement. Or c'est en vain qu'on
chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile
que la détermination de ce point.

Pour l'esprit commun, est « surréaliste » tout ce


qui est différent, inhabituel, dérangeant, ou teinté
de rêve. Comme tout dessin, affiche, sculpture,
vaguement contorsionné, en un mot inhabituel, est
« du Picasso ».
Quelle meilleure approche, car quel pire ennemi
que l'habituel, le semblable, le conforme?
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Le décor
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Le surréalisme n'aurait pas eu lieu si ne l'avaient


précédé le romantisme, puis les petits romantiques,
puis le symbolisme, puis le cubisme, le futurisme, etc.
Il faut bien des ancêtres à chacun de nous. Mais si
le surréalisme s'est nourri de tout cela, de tous ceux-
là, le surréalisme n'aurait pas existé, vraiment, s'il n'y
avait eu la guerre de 1914.
André Breton, Louis Aragon, Philippe Soupault,
Paul Éluard, tous sont nés entre 1895 et 1897. Tous,
en 1914, avaient entre dix-sept et dix-neuf ans.
L'âge où l'armée, à court d'hommes pour sa
boucherie, n'hésitait pas à prendre des enfants.
Breton est mobilisé en 1915 : il a dix-neuf ans.
Classes rapides, puis, étudiant en médecine, il est
affecté au service de santé à Nantes. Louis Aragon,
mobilisé en 1917, après avoir été deux fois ajourné
pour raison de santé. Il a vingt ans. Il sera lui aussi
« médecin auxiliaire », étant lui aussi étudiant en
médecine.
Deux jeunes gens confrontés brutalement à la
souffrance, à la mort ou à la mutilation sauvage.
Combien de millions de morts en quatre ans?
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Aragon fera, de surcroît, l'occupation en Alle-


magne, réduite à la famine après une saignée aussi
horrible. Et l'on voudrait qu'ils aiment le monde
comme il est, qu'ils n'aient pas une joyeuse — ou
furieuse — envie de tout foutre en l'air, une envie
que la réalité ne soit pas — ne soit jamais plus — ce
qu'elle vient d'être et ce qu'elle est encore? Le
dictionnaire a beau jeu de nous dire qu'ils sont
contre tout ordre (ce qui, en outre, n'est pas tout à
fait vrai). Il y a de quoi! En tout cas l'ordre tel
qu'ils le voient, ils n'en veulent plus. A aucun prix.
Aragon, plus tard, décrira la guerre en quelques
vers fort beaux. Dans Le Roman inachevé :

Troupeau confus les boutons arrachés aux capotes de


terre
Sans armes sans ceinturons enroués à force de se
taire
Le pas rompu le visage étrangement sans expres-
sion...
Plus grands que nature à côté des fusils Gras qui les
escortent
A travers ce pays où pour eux les maisons n'ont pas
de portes.
D'autres les ont à la taverne
J'eus moi mes vingt ans en caserne
Enfant maigre habillé de bleu
Rêvant beaucoup et mangeant peu.

Aussi : « La guerre c'est de la guerre que je


parlais quand la prose s'y est mise comme la misère
sur le pauvre monde et bien sûr que tout me paraît
pauvre enfantin qui s'arrête au bout de quelques
Retrouver ce titre sur Numilog.com

syllabes comme un qui balbutie pour dire l'énorme


dévastation mais la prose la prose ici croyez-m'en
ce n'est pas l'impuissance à décrire l'horreur ici qui
la ramène écumante soufflante haletante hors d'elle
animal traqué ce n'est pas la guerre hors d'échelle
toujours et toujours dévorante ce n'est pas la guerre
la mémoire le spectre de ce qu'elle fut et j'ai vu la
Woëvre à tombe ouverte j'ai vu la Champagne
dépouillée de gencives sur ce ricanement de sque-
lette et la forêt d'Argonne avec l'épouvante des
patrouilles égarées les sables la tourbe de la Somme
et le long dos d'âne disputé du Chemin des Dames
cette arête vive du massacre... »
Ce ne sont pas mots d'ancien combattant, mais
de qui, si longtemps plus tard, garde une vision
précise. « Dominos d'ossements que les jardiniers
trient. »
En 1928, la chanson est un peu plus violente. On
connaît le morceau d'ouverture du Traité du style.
« Faire en français signifie chier. Exemple :
Ne forçons pas notre talent :
Nous ne FAIRIONS rien avec grâce...
« Matière éminemment française, et qui voudrait
la laisser perdre? Tout ce qui est national est nôtre.
Aussi ce peuple de vidangeurs se targue-t-il d'avoir
la première peinture du monde, le premier cam-
bouis, la première cuisine, les premières putains, la
première politesse (Après vous. Je n'en FERAI rien,
etc.). »
La fin du livre relance la violence :
« J'appartiens à, dit-on, la classe 17. Je dis ici, et
peut-être ai-je l'ambition, et certainement j'ai l'am-
bition de provoquer par ces paroles une émulation
violente chez ceux que l'on appelle sous les dra-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

peaux, je dis ici que je ne porterai plus jamais


l'uniforme français, la livrée qu'on m'a jetée il y a
onze ans sur les épaules, je ne serai plus le larbin
des officiers, je refuse de saluer ces brutes et leurs
insignes, leurs chapeaux de Gessler tricolores. Il
paraît que le nommé Painlevé, un homme qui jadis,
mais si l'air est resté le même les paroles ont bien
changé, qu'un certain Painlevé, ministre de la
Guerre, a signé l'autre jour un décret monstrueux :
n'importe quel officier ou sous-officier, n'importe
quel crétin payé pour marcher au pas, a désormais
le droit de m'arrêter dans la rue. Ce n'était pas
assez des agents. Et comme eux, ils sont désormais
assermentés. Ils ont, ces matières fécales, une parole
qui fait loi. Ah l'agriculture ne manquera pas de
vaches. Eh bien puisque les regarder de travers dans
la rue vaut de coucher au violon, j'ai bien l'hon-
neur, chez moi, dans ce livre, à cette place, de dire
que, très consciemment, je conchie l'armée française
dans sa totalité. »
Il est difficile d'aller plus loin, sinon l'attentat.
Mais la gravité de la proclamation souligne celle de
la situation. Assurément, c'est bien la guerre de
14-18 qui a été l'accoucheuse du surréalisme.

Il y a aussi, dès avant la guerre, des mouvements,


des revues, des écrivains, Les Soirées de Paris, Nord-
Sud, Sic, Reverdy, Pierre Albert-Birot, Apollinaire
surtout.
C'était aussi l'époque où l'on pouvait assister à
une scène aussi loufoque que Picasso parrain de
Max Jacob, lors de son baptême célébré par le
curieux abbé Mugnier, qui avait juré de convertir.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

avec le couple Maritain, tout ce qu'il pouvait


attraper d'écrivains. Il en attrapa d'ailleurs
quelques-uns : outre le pauvre Max (qui lui, y crut
jusqu'au bout), d'autres qui se défilèrent peu après
comme Cocteau ou Maurice Sachs.
Dans l'ensemble, les écrivains, même les plus
honorables, emboîtèrent d'un pas martial la propa-
gande chauvine, guerrière et militariste la plus
déterminée, dès le chant du Départ par la gare de
l'Est. Même Cocteau, jamais en retard d'une
actualité. On s'enrégimentait à qui mieux mieux, les
yeux fixés sur la forte poitrine de Marthe Chenal,
qui chantait La Marseillaise drapée dans son
drapeau tricolore. Gide militait au Foyer franco-
belge, où l'on soignait des poilus — lui qui avait
créé Lafcadio — et Valéry, loin de la distance
dédaigneuse de Monsieur Teste (texte capital que
Breton savait par cœur, et auquel, longtemps plus
tard, il donnait encore raison), publiait en 1917 La
Jeune Parque, où le mallarméisme distingué gardait
un silence prudent sur les événements. Le pauvre
devait d'ailleurs bientôt finir à l'Académie.
Si les jeunes poètes ne réclamaient d'engagement
de leurs aînés, ils devaient, cependant, être un peu
perplexes. D'autant que la « promenade vers Ber-
lin » était marquée de quelques incidents de par-
cours. La route ne se révélait guère aussi facile et
rectiligne que Déroulède la prévoyait. La guerre
tuait fort, et durait.
En mai 1916 (il avait été trépané le 10 mai),
l'artilleur Wilhelm Apollinaris de Kostrowitsky,
plus connu sous l'aspect du poète Guillaume
Apollinaire, était de retour à Paris. Apollinaire, vu
d'aujourd'hui, était à la fois une sorte de prince des
Retrouver ce titre sur Numilog.com

poètes, de prince des critiques, et de prophète du


modernisme. Lié dès 1904 ou 1905 avec Jarry, Max
Jacob et Picasso, aucun mouvement de l'avant-
garde, si riche, des premières années du XX siècle
ne lui avait échappé. Son livre sur les peintres
cubistes avait été un coup de tonnerre, même si la
qualité de sa critique, sa naïveté, nous déconcertent
un peu maintenant.
Sur le plan des échos pittoresques, il avait été, à
la suite du vol de La Joconde, en septembre 1910,
inculpé de recel. Mis enfin hors de cause, il fit
cependant une semaine de prison. Et, pour la droite
d'alors comme pour celle d'aujourd'hui, il ne faisait
pas bon, en semblable cas, être un métèque.
Il en garda une prudence qui le fit, longtemps,
réticent à l'égard des revues suisses allemandes de
Dada, pendant la guerre. Cette lettre, écrite à Tzara
le 6 février 1918, et citée par Michel Sanouillet, en
fait foi :
« J'ai bien reçu Dada 2. Je vous remercie de la
note que vous m'avez consacrée. Toutefois je ne
vous ai pas envoyé de copie parce que la situation
de cette revue vis-à-vis de l'Allemagne ne me paraît
pas assez nette. Notez que je n'incrimine nullement
l'attitude même de la revue. Je ne me le permettrais
pas, cela ne me regardant pas, outre que la
tendance générale me paraît conforme aux vues et
au patriotisme des Roumains, et justement vous
êtes roumain, vos vues et votre patriotisme sont
ceux de l'Entente. Et d'autre part je n'ai pas de
leçon à vous donner. Mais, pour ce qui me
concerne, je suis, quoique soldat et blessé, quoique
volontaire, un naturalisé, tenu, par conséquent, à
une très grande circonspection. Je crois qu'il pour-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

rait être compromettant pour moi, surtout au point


où nous en sommes de cette guerre multiforme,
de collaborer à une revue, si bon que puisse être
son esprit, qui a pour collaborateurs des Allemands,
si ententophiles qu'ils soient. Je dois cela à mes
opinions et à ma conduite même, mais je serais
imprudent si j'agissais autrement. »
C'est dire où la névrose antiallemande et la
crainte, justifiée, de la censure entraînaient les
meilleurs esprits.
Calligrammes, paru en 1918, marquait bien ce
retour en force du patriotisme cocardier. Apolli-
naire, qui s'était engagé volontaire dès le début des
hostilités, avait été blessé d'un éclat d'obus en 1916,
trépané deux fois, et portait en permanence un
bandeau noir, qui soulignait le blanc du pansement
qui entourait sa tête. Dans Calligrammes il avait
écrit : « Ah Dieu que la guerre est jolie. »
Aragon cependant le défend encore. Comme je
lui demandais 1 si la guerre avait été pour lui d'une
importance capitale, il me répondit :
— J'ai hésité un instant, en me demandant de
quelle guerre vous parliez; il y en a eu tant! En
1914, la guerre était un fait. On ne songeait pas à
s'y soustraire. Lorsque je l'ai vue, j'ai compris que
c'était une horreur, mais ce qui me choquait le plus,
c'était ce que les gens pouvaient en dire. Cette
espèce d'exaltation absurde par quoi se sont désho-
norés un très grand nombre d'écrivains français
entre 1914 et 1918. J'étais de la génération suivante
et nous avions, comme toutes les générations, un
grand mépris des idées de nos aînés. C'est sur ce

1. Pour un entretien paru dans le Magazine littéraire.


Retrouver ce titre sur Numilog.com

mépris, en m ê m e temps que sur u n certain n o m b r e


d e g o û t s c o m m u n s d a n s le d o m a i n e d e l a p o é s i e , d e
l a p e i n t u r e , q u e s ' e s t f a i t le r a p p r o c h e m e n t entre
A n d r é B r e t o n et m o i , lorsque nous nous sommes
r e n c o n t r é s , e n s e p t e m b r e 1 9 1 7 , a u V a l - d e - G r â c e . Il
était étudiant en médecine comme moi, et nous
étions t o u s d e u x mobilisés c o m m e élèves m é d e c i n s
auxiliaires.

— P a r m i c e s é c r i v a i n s q u i se s o n t déshonorés,
rangez-vous G u i l l a u m e Apollinaire qui écrit : « A h
D i e u q u e la g u e r r e est jolie » ?
— « Ah Dieu que la guerre est jolie » peut
s'entendre de plusieurs façons, d o n t l'une au m o i n s
est ironique. Et puis Apollinaire avait plusieurs
manières de parler des choses. Les gens de ma
génération ont été très c h o q u é s d ' u n certain acadé-
m i s m e d'Apollinaire, qui, bizarrement, apparaissait
bien plus dans ses p r o p o s que dans ses œuvres.
M a i s , d e t o u s n o s c o n t e m p o r a i n s , il é t a i t p o u r n o u s
la f i g u r e d o m i n a n t e . Il n ' é t a i t p a s d é s h o n o r a b l e . »
Apollinaire était le poète d'Alcools. Il avait
i n v e n t é , e n 1 9 0 7 , d a n s O n i r o c r i t i q u e , le m o t m ê m e
de surréalisme. En 1917, il a v a i t fait j o u e r Les
M a m e l l e s d e T i r é s i a s , « d r a m e s u r r é a l i s t e ».
« L a pièce, selon B r e t o n , avait c o m m e n c é avec
un retard de près de deux heures sur l'horaire.
A s s e z d é c e v a n t e p a r e l l e - m ê m e , elle était e n o u t r e
médiocrement interprétée et les spectateurs, déjà
énervés par l'attente, a v a i e n t a c c u e i l l i le p r e m i e r
a c t e p a r des c l a m e u r s . » U n incident, m a i s d e taille,
nous y reviendrons : Jacques Vaché, en uniforme
d'officier anglais, avait dégainé son revolver et
m e n a ç a i t d e tirer à balles s u r la foule.
Apollinaire marqua aussi bien, profondément,
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Breton qu'Aragon. Dans ses Entretiens, Breton


d é c l a r e : « Il avait choisi pour devise " J'émer-
veille ".Et j ' e s t i m e e n c o r e a u j o u r d ' h u i q u e d e s a
part ce n'était pas trop prétendre, muni des
c o n n a i s s a n c e s é t e n d u e s q u ' i l é t a i t p r e s q u e le s e u l à
a v o i r d a n s d e s d o m a i n e s s p é c i a u x (les m y t h e s , t o u t
ce q u i ressortit à la g r a n d e curiosité, aussi bien q u e
t o u t ce q u i gît d a n s l'enfer d e s b i b l i o t h è q u e s ) et n e
s'en m o n t r a n t pas m o i n s t o u t ouvert sur l'avenir.
N o n c o n t e n t d ' a p p u y e r les e n t r e p r i s e s a r t i s t i q u e s les
p l u s a u d a c i e u s e s d e s o n t e m p s , il a v a i t é p r o u v é le
b e s o i n d e s ' i n t é g r e r à elles, d e m e t t r e à l e u r s e r v i c e
t o u t c e d o n t il d i s p o s a i t d e h a u t s a v o i r , d ' a r d e u r . . .
et d e rayons. D e m ê m e qu'il a été c o n q u i s a u m o i n s
p a r le p e r s o n n a g e d e J a r r y , d o n t il t r a c e u n p o r t r a i t
é m u d a n s ses C o n t e m p o r a i n s p i t t o r e s q u e s , q u ' i l a su
r e c o n n a î t r e d ' e m b l é e le g é n i e d ' H e n r i R o u s s e a u , il a
situé une fois pour toutes la démarche d'un
Matisse, d ' u n Derain, d ' u n Picasso, d ' u n Chirico.
Il l ' a située a u moyen d'instruments d'arpentage
mental c o m m e o n n'en avait plus vu depuis Baude-
l a i r e . L u i , si i m b u d e m u l t i p l e s t r a d i t i o n s , il a v a i t
t e n u à h o n n e u r d e r é d i g e r le m a n i f e s t e d e " l ' a n t i -
t r a d i t i o n futuriste ". A l o r s q u e V a l é r y s u r ce p l a n
c o n s t i t u a i t u n é l é m e n t a t t a r d é et m ê m e rétif (intéres-
s a n t d ' a i l l e u r s e n t a n t q u e tel), A p o l l i n a i r e allait d e
l'avant, quitte à d o n n e r parfois dans l'envers d u
décor. Je l'aimais, je persiste à l ' h o n o r e r grande-
m e n t , c o m m e t e l . Il f u t u n " v o y a n t " c o n s i d é r a b l e . »
Ce rôle de découvreur, de chef de file ne se
d é m e n t i t j a m a i s , q u e l l e s q u e f u s s e n t les p r u d e n c e s ,
ou les réserves, qu'Apollinaire pouvait lui
adjoindre. Cependant Breton n'oublie pas n o n plus
q u ' i l é t a i t « le l y r i s m e e n p e r s o n n e ». « Il t r a î n a i t
Retrouver ce titre sur Numilog.com

l'impossibilité de maintenir sa confiance à un


homme que des raisons strictement opportunistes
pouvaient déterminer d'un jour à l'autre à condam-
ner par ordre toute son activité passée, et qui se
montrait ensuite incapable de justifier si peu que ce
fût cette volte-face. Le postulat essentiel que heurte
une telle attitude n'est pas propre au surréalisme :
c'est le postulat de l'identité de l'esprit. Un esprit
déterminé ne peut s'abdiquer si vainement dans
toute l'étendue de sa démarche, ou il en doit
immédiatement un compte public dans la mesure
même où cette démarche a été publique. Il ne peut
s'agir, au cas contraire, que d'une conversion ou
d'une trahison. Il faut dire que, depuis lors, Aragon
tente de systématiser le reniement : " Il en viendra
(Victor Margueritte) à contredire son passé (c'est lui
qui souligne) et il y aura là aussi de la grandeur. "
Pour quiconque a connu Aragon, il est aisé de voir
là l'aboutissement des deux tendances : " ne pas
mettre ses actes en rapport avec ses paroles "
(Traité du style) et " crachons, veux-tu bien, sur
tout ce que nous avons aimé ensemble " (La Grande
Gaîté). On ne se contredit pas autant qu'on le veut.
Les deux derniers articles que nous ayons lus
d'Aragon : " D'Alfred de Vigny à Avdeenko "
(Commune, 20 avril 1935) et " Message au congrès
des John Reeds clubs " (Monde, 26 avril), quelque
absence de scrupule qui s'y manifeste, dénotent
chez lui un grave malaise. Derrière une série de
déclarations ambitieuses et de faux témoignages —
nous y reviendrons — s'exprime une inquiétude
symptomatique : celle d'être victime de sa suren-
chère qui tend aujourd'hui à le mettre en désaccord
avec les mots d'ordre du 1 Congrès des écrivains
Retrouver ce titre sur Numilog.com

soviétiques, beaucoup plus larges que ceux de


Kharkov. »
Ce fut le dernier mot. Quant au dernier acte? Je
ne sais si je l'ai lu dans un texte d'Aragon, s'il l'a dit
au cours d'un entretien, peut-être même celui qu'il
m'avait accordé, ou si je l'ai tout simplement rêvé
— mais pourquoi? Un souvenir vague d'Aragon,
ainsi disant, ou écrivant, que sa dernière rencontre
avec Breton fut place de la Concorde, le soir d'une
des journées d'émeute de février 34, Breton planté
là, pensif, au bord d'une flaque, peut-être d'eau,
peut-être de sang — il n'y eut finalement pas
tellement de morts, pour une si grande place — et
Aragon passant, et les deux échangeant des propos
assez anodins sur les événements, comme on dit,
puis se séparant. Et ç'aurait été leur dernière
rencontre. Si non è vero...
En 1935, Breton, au cours de la même interview,
énumère les thèses du matérialisme dialectique avec
lesquelles il est d'accord, c'est-à-dire toutes : « pri-
mat de la matière sur la pensée, adoption de la
dialectique hégélienne comme science des lois géné-
rales du mouvement tant du monde extérieur que
de la pensée humaine, conception matérialiste de
l'histoire [...], nécessité de la Révolution sociale
comme terme à l'antagonisme qui se déclare, à une
certaine étape de leur développement, entre les
forces productives de la société et les rapports de
production existants (lutte des classes) ».
Toute la lyre. Breton continue à soutenir Freud,
notamment en ce qui concerne le rêve et l'explora-
tion clinique de l'inconscient, mais rejette « la plus
grande partie de la philosophie de Freud comme
métaphysique ».
Retrouver ce titre sur Numilog.com

C'est que même après la rupture avec Aragon,


Breton et les surréalistes s'imaginent qu'il est
toujours nécessaire — et possible — de travailler
avec les instances intellectuelles du Parti, « le seul
parti de la Révolution ». C'est ainsi que Breton fait
partie du bureau de la section française de l'Asso-
ciation des écrivains et artistes révolutionnaires,
dont le secrétaire général, pour la France, est ce
même Vaillant-Couturier qui porta, le 9 mars 1932
dans la nuit, la note d'Aragon à L'Humanité, où il
désavouait Misère de la poésie et Breton.
C'est ce même Vaillant-Couturier qui, en 1934,
prononça l'exclusion de Breton de l'A.E.A.R., pour
trotskysme invétéré.
En 1932, Breton, Éluard et Crevel ont été
officiellement expulsés du Parti communiste, pour
avoir publié dans Le Surréalisme A.S.D.L.R. une
lettre de Ferdinand Alquié à propos des Chemins de
la vie, film de Nicolas Ekk, où Alquié dénonçait
« le vent de crétinisation » qui soufflait sur
l'U.R.S.S., et le caractère franchement réaction-
naire de l'art et de la morale officielle. Cependant
Crevel est réintégré, au moins partiellement, dès
l'année suivante.
Breton ne retournera jamais au Parti, Éluard —
qui se brouille avec Breton pour avoir, en 1938,
laissé publier des poèmes de lui dans Commune —
reprend sa carte en 1939.
Après les émeutes, les surréalistes signent, avec
les communistes, le 10 février 34, un Appel à la
lutte, mais protestent vigoureusement contre l'arrêté
qui expulse de France Léon Trotsky, et saluent
« l'auteur de cette formule qui nous est une raison
permanente de vivre et d'agir : " Le socialisme
Retrouver ce titre sur Numilog.com

signifiera un saut du règne de la nécessité dans le


règne de la liberté, aussi en ce sens que l'homme
d'aujourd'hui plein de contradictions et sans har-
monie fraiera la voie à une nouvelle race plus
heureuse " 1 ». Mais cette unité d'action, si pré-
caire, éclate moins de deux ans plus tard, lors du
Congrès des écrivains pour la défense de la culture,
organisé par l'A.E.A.R.
Quelques jours plus tôt, Breton avait rencontré,
sur le boulevard du Montparnasse, Ilya Ehren-
bourg, le publiciste soviétique bien connu.
Mais laissons Breton raconter l'incident, seize ans
plus tard : « Je n'avais pas oublié certain passage de
son livre intitulé Vu par un écrivain de l'U.R.S.S.,
paru quelques mois plus tôt, où il était dit
notamment : " Les surréalistes veulent bien et du
Hegel, et du Marx et de la Révolution, mais ce
qu'ils refusent, c'est de travailler. Ils ont leurs
occupations. Ils étudient, par exemple, la pédérastie
et les rêves... Ils s'appliquent à manger, qui un
héritage, qui la dot de sa femme... " etc. Après
m'être nommé, je le souffletai à plusieurs reprises,
tandis qu'il essayait piteusement de parlementer
sans même lever la main pour protéger son visage.
Je ne vois pas quelle autre revanche j'eusse pu
prendre de ce diffamateur professionnel qui,
quelques années plus tard, soutiendra publiquement
que Le Silence de la mer, de Vercors, est un poison
qui ne peut provenir que de l'officine des services
secrets allemands. J'ignorais que notre insulteur fit
partie de la délégation soviétique au congrès, que je
n'avais certes pas l'intention d'offenser dans sa

1. Cité par Maurice Nadeau.


Retrouver ce titre sur Numilog.com

personne. C e n ' e n est p a s m o i n s s o u s ce prétexte


q u ' o n m e fit s a v o i r par des tiers que la parole
m ' é t a i t retirée. »

E t B r e t o n a j o u t e : « C ' é t a i t , il f a u t b i e n le d i r e ,
l ' é c r o u l e m e n t des espoirs q u ' e n v e r s et c o n t r e t o u t ,
d u r a n t des a n n é e s , n o u s a v i o n s m i s d a n s la concilia-
tion des idées surréalistes et d e l'action p r a t i q u e sur
le p l a n r é v o l u t i o n n a i r e . »
Cette éviction des surréalistes eut une consé-

quence dramatique. René Crevel, l'un des sur-


r é a l i s t e s les p l u s a n c i e n s , et les p l u s r e m a r q u a b l e -
ment doués, proche alors du Parti communiste,
c o l l a b o r a t e u r d e M o n d e et d e C o m m u n e , a v a i t fait
l'impossible pour obtenir que les surréalistes
puissent s'exprimer librement a u congrès. Devant
son i n s u c c è s , le 18 j u i n 1 9 3 5 , il s e s u i c i d a , après
s ' ê t r e p e n d u a u t o u r d u c o u u n é c r i t e a u s u r l e q u e l il
a v a i t é c r i t : « R e n é C r e v e l ». Il a v a i t c o m p o s é d e u x
ans auparavant ce « brouillon » de lettre à un
dirigeant communiste :

« V o u s comprenez... q u e je ne saurais ratifier p a r


m o n silence l'exclusion d ' A n d r é Breton, alors q u e je
la tiens p o u r u n e victoire d e s p r o v o c a t e u r s , victoire
si c o m p l è t e q u e le p l u s f a m e u x d ' e n t r e e u x , V a n d e n
Brook, estime maintenant n'avoir plus qu'à se
r e p o s e r s u r ses lauriers avant d'entreprendre une
c a m p a g n e électorale contre nous.
« Breton n'avait point à se d é s o l i d a r i s e r d e la
lettre d e F. A l q u i é p o u r la simple, b o n n e , u n i q u e et
plus que suffisante raison que rien dans son œuvre
(et s p é c i a l e m e n t d a n s sa c o l l a b o r a t i o n a u x d e r n i e r s
n u m é r o s d u S u r r é a l i s m e a u service de la révolution)
ne permet de supposer qu'il en ait été solidaire.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Vous et c e u x qui, d'accord avec vous, ont voté


l'exclusion de Breton, vous avez été bien p r o m p t s à
oublier que, hors Breton, nul n'a jamais, ici, e n
France, écrit rien qui vaille sur la littérature
prolétarienne. N e vous rappelez-vous point aussi
c o m b i e n d'intellectuels doivent à l'influence de
B r e t o n et d u s u r r é a l i s m e d ' ê t r e allés à la R é v o l u -

t i o n ? P a r ailleurs, u n e r u b r i q u e correspondance "


est t o u j o u r s libre. C e c i dit, e n c o r e q u e je n e fasse
nullement miennes les d é c l a r a t i o n s de F. Alquié,
j ' e s t i m e qu'il est d e la plus inqualifiable m a u v a i s e
foi d e r e p r o c h e r à B r e t o n u n e m i s s i v e p a r lui r e ç u e
et p u b l i é e e n t a n t q u e telle, s o u s u n titre q u i ne
laisse p o i n t d e p l a c e p o u r la m o i n d r e é q u i v o q u e .
« A u j o u r d ' h u i 6 j u i l l e t 1 9 3 3 , l a c l a i r v o y a n c e e t le
c o u r a g e intellectuel d ' A n d r é B r e t o n m ' a p p a r a i s s e n t
p l u s et m i e u x q u e j a m a i s a u service d e la R é v o l u -
tion. P a r contre l'A.E.A.R. n'a cessé de p r o u v e r
q u e p o u r elle, la m o d e n'est ni à la c l a i r v o y a n c e
ni a u c o u r a g e intellectuel. L ' a n n é e dernière à
l ' A . E . A . R . la m o d e était à u n o u v r i é r i s m e d e b a s

é t a g e o n n e p e u t p l u s i n j u r i e u x p o u r le p r o l é t a r i a t .
Breton fut traité de contre-révolutionnaire pour
l'avoir fort pertinemment constaté. Cette année,
avec les Gide et les Malraux qui lui tiennent
lieu d e v e d e t t e s , l ' A . E . A . R . se d a n d i n e d e l ' o p p o r -
tunisme journalistique à u n révolutionnarisme esthé-
tique opiacé et montparnassien. Mais puisqu'à
l'A.E.A.R. c'est la m ê m e petite parade littéraire
q u ' à C o m œ d i a o u à la N . R . F . , à q u o i b o n discuter.
« Veuillez d o n c recevoir m a démission.
« Salutations communistes.

« R e n é Crevel. »
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Et sa dernière lettre, à Tzara, contenait ce


p a s s a g e : « L a d i p l o m a t i e , la p o l i t i q u e littéraires m e
s o n t à tel p o i n t o d i e u s e s q u e m o n é c r i t u r e p o u r r a i t
s ' e n d é n o u e r d ' u n c o u p et n ' ê t r e p l u s q u ' u n e l o n g u e
ficelle, la c o r d e d u pendu, sombre sur une plage
plâtreuse, sur ce m u r de papier increvable contre
lequel u n e génération littéraire semble venir [se]
casser la tête après tant d'autres. »
Finalement, et à cause de la vive impression
qu'avait créée le suicide de Crevel, le texte de
B r e t o n (repris plus t a r d d a n s Position politique du
surréalisme sous le titre : « Du temps que les
surréalistes avaient raison ») fut lu a u C o n g r è s p a r
É l u a r d , m a i s à la fin d ' u n e séance, « à m i n u i t passé,
a l o r s q u e le v i d e c o m m e n ç a i t à se f a i r e d a n s la salle
e t q u ' o n é t e i g n a i t p r o g r e s s i v e m e n t ».
Breton y témoignait la plus vive méfiance à
l'égard de la pureté des intentions d u g o u v e r n e m e n t
Laval, qui venait de signer u n pacte de collabora-
t i o n a v e c l ' U . R . S . S . , e t d é n o n ç a i t d é j à les d a n g e r s
d e g u e r r e a v e c l ' A l l e m a g n e . I n u t i l e d e d i r e si u n t e l
discours pouvait plaire aux assistants. Breton en
t e r m i n a i t p a r la p h r a s e c é l è b r e : « T r a n s f o r m e r le
m o n d e , a dit M a r x ; c h a n g e r la vie, a dit R i m b a u d ;
ces d e u x m o t s d ' o r d r e p o u r n o u s n e f o n t q u ' u n . »
La rupture avec le P . C . F . et ses o r g a n i s a t i o n s
culturelles devient encore plus définitive, si l'on
p e u t dire, a v e c la p u b l i c a t i o n d ' u n tract e n 1936 :
« L a v é r i t é s u r l e s p r o c è s d e M o s c o u ». E n e f f e t ,
a p r è s l'assassinat, m a c h i n é p a r Staline, d e K i r o v , la
série des g r a n d e s p u r g e s avait c o m m e n c é .
Les surréalistes suivent avec la plus grande
s y m p a t h i e les c o m b a t s r é v o l u t i o n n a i r e s d e la g u e r r e
d'Espagne — P é r e t y p a r t i c i p e d a n s les r a n g s d u
Retrouver ce titre sur Numilog.com

P.O.U.M. — j u s q u ' à l'étouffement par l'interven-


tion de Staline. Enfin, en 38, Breton part au
M e x i q u e p o u r y faire u n e série de conférences, et y
rencontre, grâce à D i e g o Rivera, T r o t s k y qui y était
réfugié, après s o n expulsion de France. « T r o t s k y ,
longtemps chargé du plus haut potentiel révolution-
n a i r e », d i t B r e t o n , q u i p o u r s u i t : « P o u r c e r t a i n s ,
d o n t j e suis, ce n o m fait d é f i n i t i v e m e n t o b s t a c l e à
t o u t ce q u i p o u r r a i t m e rallier à u n régime qui n ' a
r e c u l é d e v a n t r i e n p o u r l ' a b o l i r . Il m e s e m b l e q u ' e n
portée cela dépasse de loin l'assassinat du duc
d'Enghien... O n a fait g r a n d usage, dans le s u r -
r é a l i s m e , d e la s e n t e n c e d e L a u t r é a m o n t : " T o u t e
l ' e a u d e la m e r n e s u f f i r a i t p a s à l a v e r u n e t a c h e d e
s a n g i n t e l l e c t u e l l e " ; m a i s il n ' e s t p l u s q u e s t i o n , ici,
d e la p r e n d r e s e u l e m e n t a u figuré... »
C ' e s t avec T r o t s k y et D i e g o R i v e r a q u e B r e t o n
m e t a u point u n manifeste : P o u r un a r t révolution-
naire indépendant, r é p o n s e , et fin d e n o n - r e c e v o i r ,
a u j d a n o v i s m e alors é l a b o r é sous Staline. C ' e s t à la
s u i t e d e c e m a n i f e s t e q u e se c r é e u n e « F é d é r a t i o n
internationale de l'art révolutionnaire indépen-
d a n t » ( F . I . A . R . I . ) q u i sera n o y é e bien vite p a r
M u n i c h et les d é b u t s d e la S e c o n d e G u e r r e m o n -
diale.
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

L'explosion surréaliste
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Il n'est pas de notre propos d'analyser les œuvres


surréalistes. Les surréalistes se sont toujours défen-
dus de vouloir faire œuvre « artistique », Artaud et
plusieurs autres ont été exclus pour avoir sacrifié à
l'ambition littéraire. Ernst, à la fin de sa vie, sera
même exclu pour avoir accepté, et reçu, le grand
prix de peinture de la Biennale de Venise!
Et Breton précisait dans le Second Manifeste :
« Il est clair que le surréalisme n'est pas intéressé à
tenir grand compte de ce qui se produit à côté de lui
sous prétexte d'art, voire d'anti-art, de philosophie
ou d'anti-philosophie. En un mot de tout ce qui n'a
pas pour fin l'anéantissement de l'être en un brillant
intérieur et aveugle, qui ne soit pas plus l'âme de la
glace que celle du feu. »
Pourtant tout ce qui a compté et compte encore
entre 1920 et 1970 a passé par le surréalisme, y est
resté, en est parti en claquant la porte, en a été
exclu, ou, à tout le moins, s'est posé contre lui.
Faire la liste des hommes qui ont participé aux
activités de la centrale de la rue de Grenelle, ont
assisté aux apéritifs rituels de Cyrano ou de la
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Promenade de Vénus, ont signé tel ou tel manifeste,


serait infini. Et que m'excusent tous ceux qu'au
cours de ce livre je n'ai pas nommés.
Même la bibliographie serait interminable. Celle-
ci, bien incomplète, veut seulement indiquer à
quelle vitesse se succédaient, en rafales, les livres
essentiels. Un simple signe, mais combien impres-
sionnant, que cette chute de feuilles lourdes de
conséquences :

1920-1922 : Les Champs magnétiques, de Breton et


Soupault. Feu de joie, Anicet ou le panorama,
roman, Les Aventures de Télémaque, d'Ara-
gon. Le Passager du transatlantique, de
Péret.
1923 : Au 125 du boulevard Saint-Germain, de Péret.
Clair de terre, de Breton. Mourir de ne pas
mourir, d'Éluard. Le Libertinage, d'Aragon.
Tric-trac du ciel, d'Antonin Artaud.
1924-1925 : Manifeste du surréalisme, Les Pas per-
dus, de Breton. Deuil pour deuil, de Desnos.
Mon corps et moi, de Crevel. Il était une
boulangère, Immortelle Maladie, de Péret. Et
de Péret, avec Éluard : 125 proverbes mis au
goût du jour. D'Éluard : Capitale de la
douleur. Une vague de rêves, d'Aragon.
L'ombilic des limbes, Le Pèse-nerfs, Corres-
pondance avec Jacques Rivière, d'Artaud.
1926-1927 : Aragon : Le Paysan de Paris, Le
Mouvement perpétuel. Péret : Dormir dans les
pierres. A la grande nuit, ou le bluff sur-
réaliste, d'Artaud. La Mort difficile, et
Babylone, de Crevel. Breton : Introduction au
Retrouver ce titre sur Numilog.com

discours sur le peu de réalité. La Liberté ou


l'Amour, de Desnos.
1928 : Aragon : Traité du style. Défense de savoir,
d'Éluard. Le Grand Jeu, Et les seins mou-
raient, de Péret. Breton : Nadja, Le Sur-
réalisme et la Peinture.

1929 : Breton : Second Manifeste du surréalisme.


L'Amour la poésie, L'Art et la Mort,
d'Éluard. Aragon : La Grande Gaîté. Crevel :
Êtes-vous fous? Bunuel et Dali : Un chien
andalou. La femme 100 têtes, par Max
Ernst. Le Grand Masturbateur, de Salvador
Dali.
1930 : Aragon : La Peinture au défi. Dali : La
Femme visible. L'Ange garde-chiourme, de
Prévert. Corps et Biens, de Desnos. L'Age
d'or, de Bunuel et (un peu) Dali. Breton,
Éluard et René Char : Ralentir travaux.
Breton et Éluard : L'Immaculée Conception.
Gengenbach : Judas ou le vampire surréaliste.
1931 : André Breton : L'Union libre. Persécuté,
Persécuteur, d'Aragon. Crevel : Salvador
Dali ou l'anti-obscurantiste, et La Méthode
paranoïa-critique, de Dali.
1932 : Le Clavecin de Diderot, de Crevel. Les Vases
communicants et Le Revolver à cheveux
blancs, de Breton. Éluard : La Vie immé-
diate. Où boivent les loups, de Tzara.
1933 : Crevel : Les Pieds dans le plat.
1934 : De derrière les fagots, de Benjamin Péret. Le
Marteau sans maître, de René Char. Breton :
Retrouver ce titre sur Numilog.com

L'Air de l'eau, Point du jour. Éluard : La


Rose publique.
1935 : Position politique du surréalisme, de Breton.
Éluard : Facile. Dali : La Conquête de l'irra-
tionnel.

1936 : Éluard : Les Yeux fertiles. Je ne mange pas


de ce pain-là, de Péret.
Etc.

Quel plus étonnant bouquet, en une quinzaine


d'années. Et, outre les titres qui manquent, manque
aussi à cette bibliographie l'étonnant fourmillement
de tracts, de conférences, de manifestations, de
tableaux, de revues qui marque le passage du
surréalisme.
Même si les surréalistes n'ont pas voulu faire
d'œuvre, au sens où l'on fait carrière, ou au sens où
toute œuvre est fermée, cohérente, exclut le « droit
de se contredire », ils n'ont jamais hésité à faire des
œuvres, à s'exprimer et à agir selon le mode qui
convenait le mieux, et qui était souvent le mode de
la parole, et de l'écrit.
Il y en eut pourtant d'autres. Et, au premier chef,
la peinture. Cependant on peut hésiter : qu'est-ce
qui eut le plus d'importance dans l'entreprise
révolutionnaire du surréalisme, les tableaux de
Max Ernst ou de Tanguy, ou les deux textes
essentiels : Le Surréalisme et la Peinture, de Breton,
et La Peinture au défi, d'Aragon? C'est que le
tableau, même aussi volontairement provocant que
La Joconde de Duchamp, même aussi complexe et
métaphysique que La Mariée mise à nu par ses
célibataires, même, du même Duchamp, reste un
Retrouver ce titre sur Numilog.com

objet clos, un à-plat de la signification. Or l'entre-


prise révolutionnaire du surréalisme est inséparable,
rappelons-le, de la volonté de signification, et de
signification à plusieurs degrés. En ce sens, le
vertige holographique de Dali, par exemple, et sa
constitution de la méthode paranoïa-critique ont été
plus importants pour le surréalisme que toutes les
recherches — et les trouvailles — picturales des
autres.
Dali fait progresser formidablement, pendant
quelques années, l'aventure surréaliste.
Henri-François Rey dans l'excellent livre qu'il
lui a consacré 1, part de deux constatations. D'une
part que « les surréalistes sont enfants macrocé-
phales de Marx et de Freud. Et Dali comme les
autres, enfant du grand barbu de Londres et du
petit professeur de Vienne ».
D'autre part que « la biographie en tranches de
Dali passe par quatre groupes sociaux bien détermi-
nés :
a) la famille petite-bourgeoise de Figueras qui lui
inculque les notions sacrées d'ordre et d'argent ;
b) le stage universitaire à Madrid où entre Garcia
Lorca (la Méditerranée putassière) et Bunuel (l'ange
noir) Dali apprend le maniement des idées et
commence à pressentir son destin ;
c) le surréalisme, en 1929, où Dali, introduit par
l'ange noir, prend la dimension exacte de son
personnage et trouve le détonateur idéal pour le
constituer. Surréalisme tremplin, l'artiste prend son
vol et ne touche plus que rarement terre. A
remarquer qu'il travaille toujours sans filet;

1. Dali dans son labyrinthe, Grasset.


Retrouver ce titre sur Numilog.com

d) la high s o c i e t y q u i p e r m e t à D a l i d e v i v r e d e s o n
a r t , e t c o n f o r t a b l e m e n t , e t d e v é r i f i e r s u r ses
" clients " l'efficacité de sa provocation néces-
s a i r e ».
C ' e s t d e ce d) q u e v i e n d r a d ' a i l l e u r s la r u p t u r e
a v e c B r e t o n , q u i i n v e n t a le c r u e l a n a g r a m m e
S a l v a d o r D a l i / A v i d a d o l l a r s . M a i s s u r t o u t d e ce
q u e D a l i , a d o p t a n t p a r p r o v o c a t i o n (?) les s t é r é o -
t y p e s les p l u s d é m o d é s d e l a p o l i t i q u e et d e l a
p h i l o s o p h i e (la m o n a r c h i e , l ' É g l i s e c a t h o l i q u e , p u i s ,
q u a n d t o u t le m o n d e a t t e n d a i t la m o r t d u v i e i l l a r d ,
le f r a n q u i s m e ) , s'il est s e n s i b l e , ô combien! au
« p r o f e s s e u r d e V i e n n e », se m o q u e é p e r d u m e n t d u
« b a r b u d e L o n d r e s ». C e q u i lui v a u t t r è s vite,
semble-t-il, l'inimitié d ' A r a g o n , q u i n e p o u v a i t pas
le s u p p o r t e r .
D ' o ù l'anecdote étonnante que rapporta Breton :
« D a l i , dit-il, est b i e n d é c i d é à p o u s s e r d e p l u s e n
p l u s l o i n c e t t e a v e n t u r e [cette p a r t d ' a v e n t u r e q u i
d o i t p o u v o i r ê t r e c o u r u e d a n s le s u r r é a l i s m e , e n
t o u t e liberté] et à s e c o u e r t o u t e e s p è c e d e frein. Il
arrive q u ' A r a g o n d o n n e à c e p r o p o s d e s signes
d'agitation quelque peu fébrile. Un jour, par
exemple, D a l i venait de décrire et de profiler a u
c r a y o n s o u s n o s y e u x le d e r n i e r " o b j e t s u r r é a l i s t e "
de s o n invention qui consistait e n u n e veste d e
s m o k i n g t o u t entière garnie de verres à liqueur
c o n t e n a n t d u lait. A la s t u p e u r g é n é r a l e , A r a g o n
t r è s é m u s ' é l e v a c o n t r e le g a s p i l l a g e d e ce lait, d o n t
il a l l a j u s q u ' à dire que des enfants pouvaient
manquer... »
D a l i , d a n s L a Vie s e c r è t e d e S a l v a d o r D a l i , e n
d o n n e u n e v e r s i o n u n p e u d i f f é r e n t e : « L a crise
é c l a t a le j o u r o ù j e p r o p o s a i la f a b r i c a t i o n d ' u n e
Retrouver ce titre sur Numilog.com

m a c h i n e à penser composée d ' u n e chaise à bascule


r e c o u v e r t e d e g o b e l e t s d e lait c h a u d . A r a g o n
s ' i n d i g n a : " F i n i e s les e x c e n t r i c i t é s d e D a l i ! L e lait
c h a u d s e r a p o u r les e n f a n t s d e c h ô m e u r s . " »
R a p p e l o n s que c'est u n texte de Dali, Dulita, qui
c h o q u a c e r t a i n s d i r i g e a n t s c o m m u n i s t e s et e n t r a î n a
les i n c i d e n t s d o n t n o u s a v o n s parlé. D e ce t e x t e ,
T h i r i o n , d a n s ses M é m o i r e s , d o n n e c e t t e v e r s i o n
parodique : « Le studieux Dali frappait son ventre
nu avec son pénis en regardant la nubile et
rougissante Dulita qui feuilletait un album de
dessins pornographiques. L ' a u t e u r d u Con d'Irène
f u t t o u t à c o u p c h o q u é p a r ce spectacle. Il p e n s a
avec compassion aux malheureux chômeurs qui
p e u t - ê t r e se m a s t u r b a i e n t eux aussi devant des
p e t i t e s filles, m a i s n ' a v a i e n t p a s d ' a r g e n t p o u r l e u r
acheter des a l b u m s p o r n o g r a p h i q u e s . » P r o v o c a t i o n
pas morte.
D a l i , c o m m e a v a n t lui A r t a u d , s e r a d o n c exclu
p o u r i n d i f f é r e n c e o u i n i m i t i é e n v e r s la R é v o l u t i o n
sociale, pour provocation exagérée. « Dès ce
m o m e n t (1938), d é c l a r e B r e t o n , d e g r a v e s d i s s e n -
s i o n s i d é o l o g i q u e s o n t s u r g i a v e c D a l i . Il a d é j à
frôlé, à p l u s i e u r s r e p r i s e s , l ' e x c l u s i o n , q u e ce soit
p o u r a v o i r , d a n s u n e d e ses toiles, p r o p o s é u n e
i m a g e g r a t u i t e m e n t i n d é c e n t e d e L é n i n e , q u e ce soit
p o u r d é c l a r e r à q u i v e u t l ' e n t e n d r e q u e les d é r a i l l e -
m e n t s d e c h e m i n d e f e r le m e t t e n t a u x a n g e s , à
condition toutefois que les w a g o n s de première
classe soient épargnés... Ses sympathies, qui le
p o r t e n t d e p l u s e n p l u s o u v e r t e m e n t vers le fas-
c i s m e , v o n t e n t r a î n e r i n c e s s a m m e n t la r u p t u r e a v e c
lui. »
M a i s , e n t r e 29 et 38, D a l i a u r a doté le sur-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

réalisme de la m é t h o d e paranoïa-critique, participé


a u x d e u x films surréalistes, et peint quelques-unes
d e s t o i l e s s u r r é a l i s t e s les p l u s m a r q u a n t e s , n o t a m -
m e n t L e G r a n d M a s t u r b a t e u r , L a M é t a m o r p h o s e de
N a r c i s s e , L a P e r s i s t a n c e d e la m é m o i r e e t R é m i n i s -
cence archéologique de l'Angélus de Millet.
D e u x des q u a t r e « hypothèses » fondamentales
de H.-F. R e y introduisent bien à cette découverte de
la paranoïa-critique : la quatrième : « " Le daguer-
réotype remplacera la peinture " (Flaubert, Idées
reçues). Et à partir de cela, affirmer et démontrer
que la peinture dite reproductive n'a jamais été
qu'un vague constat d'une réalité à bien des égards
suspecte 1 Et que seule la peinture onirique et
imaginative exprime l'homme, recherche constante
et éperdue de son identité. »
Et la troisième : « Affirmer et démontrer que
Dali n'est et ne fut jamais " fou ", mais qu'il se
créa systématiquement et méthodiquement un
dérèglement mental à partir d'éléments NORMAUX de
son enfance. Afin de vivre constamment entre son
inconscient et son conscient (et en faire une
synthèse) et d'atteindre à une provocation-création
destinée à lui faire prendre la mesure de lui-même
par rapport au monde. »
Que Dali se soit constitué systématiquement une
structure mentale paranoïde ou qu'il n'ait eu qu'à
cultiver d'indéniables dons dans ce domaine, peu
importe : l'essentiel est qu'il soit parvenu ainsi à
structurer son insconscient de manière à ce qu'il
parle, à ce qu'il s'exprime à travers des textes, ou

1. La formule « à bien des égards suspecte » est de Breton.


Retrouver ce titre sur Numilog.com

des tableaux. Et H.-F. R e y a g r a n d tort, m e semble-


t-il, d ' a t t a q u e r a i n s i F r e u d et s u r t o u t les f r e u d i e n s ,
p u i s q u ' i l d i t la m ê m e c h o s e q u ' e u x , et q u e t o u t e
l ' a c t i v i t é d e D a l i le p r o u v e : q u e l ' i n c o n s c i e n t est
structuré c o m m e u n langage.
Le problème p o u r Dali, qui parle quelque part
des ennuyeux récits de rêves et de l'échec de
l'écriture automatique, est q u e , j u s q u ' à lui, ces
tentatives d'explorations de l'inconscient n'ont
d o n n é q u ' u n e m a t i è r e b r u t e , i n c o n s i s t a n t e et f i n a l e -
m e n t s a n s réalité. L a r é a l i t é d e l ' i n c o n s c i e n t n e
p o u r r a ê t r e d é v o i l é e q u e p a r l ' e x p l o i t a t i o n d e la
structure paranoïaque.
C e qu'il explique fort bien d a n s L a Conquête de
l ' i r r a t i o n n e l , e n 1935 : « C ' e s t e n 1929 q u e S a l v a d o r
D a l i fait p o r t e r s o n a t t e n t i o n s u r les m é c a n i s m e s
i n t e r n e s d e s p h é n o m è n e s p a r a n o ï a q u e s , e n v i s a g e la
possibilité d ' u n e m é t h o d e expérimentale basée sur
le p o u v o i r subit des associations systématiques
p r o p r e s à la p a r a n o ï a ; c e t t e m é t h o d e d e v a i t d e v e n i r
p a r la s u i t e la s y n t h è s e d é l i r a n t e - c r i t i q u e q u i p o r t e
le n o m d ' " a c t i v i t é p a r a n o ï a q u e - c r i t i q u e " . P a r a -
n o ï a : délire d ' a s s o c i a t i o n interprétative c o m p o r t a n t
u n e structure systématique. Activité paranoïaque-
critique : m é t h o d e s p o n t a n é e de c o n n a i s s a n c e irra-
tionnelle basée sur l'association interprétative-cri-
tique des p h é n o m è n e s délirants. L a présence des
é l é m e n t s a c t i f s e t s y s t é m a t i q u e s p r o p r e s à la p a r a -
noïa garantit le c a r a c t è r e évolutif et productif
p r o p r e à l'activité paranoïaque-critique. La pré-
s e n c e d e s é l é m e n t s actifs et s y s t é m a t i q u e s n e s u p -
p o s e p a s l ' i d é e d e p e n s e r d i r i g é e v o l o n t a i r e m e n t ni
d e c o m p r o m i s intellectuel q u e l c o n q u e , c a r , c o m m e
o n sait, d a n s l a p a r a n o ï a , la s t r u c t u r e a c t i v e et
Retrouver ce titre sur Numilog.com

systématique est consubstantielle au phénomène


délirant lui-même — tout p h é n o m è n e délirant de
c a r a c t è r e p a r a n o ï a q u e , m ê m e i n s t a n t a n é et s u b i t ,
c o m p o r t e d é j à " e n e n t i e r " la s t r u c t u r e s y s t é m a -
t i q u e et n e f a i t q u e s ' o b j e c t i v e r a p o s t e r i o r i p a r
l'intervention critique. L'activité critique intervient
u n i q u e m e n t c o m m e liquide révélateur des images,
d e s a s s o c i a t i o n s , c o h é r e n c e s e t finesses s y s t é m a -
t i q u e s , g r a v e s et d é j à e x i s t a n t e s a u m o m e n t o ù se
p r o d u i t l ' i n s t a n t a n é i t é d é l i r a n t e , e t q u e seule, p o u r
le m o m e n t , à ce d e g r é d e r é a l i t é t a n g i b l e , l ' a c t i v i t é
p a r a n o ï a q u e - c r i t i q u e p e r m e t d e r e n d r e à la l u m i è r e
objective. L'activité paranoïaque-critique est u n e
f o r c e o r g a n i s a t r i c e et p r o d u c t r i c e d e h a s a r d o b j e c -
tif. L'activité paranoïaque-critique ne considère
plus isolément les phénomènes et images sur-
réalistes, mais au contraire dans un rapport
cohérent de rapports systématiques et significa-
tifs. »
T e x t e c a p i t a l , et o n n e p e u t p l u s clair. D a l i insiste
sur le c a r a c t è r e productif de la paranoïa, sur
l ' o r g a n i s a t i o n i m m é d i a t e , c o n s u b s t a n t i e l l e , q u e la
c r i t i q u e n ' a q u ' à d é v o i l e r , m a i s q u i est d é j à , e n
quelque sorte, manifeste. L'analyse du cas du
président Schreber par F r e u d l'avait déjà montré.
D e m ê m e il lie c e t t e i n s t a n t a n é i t é à la m a n i f e s t a -
t i o n d e « r é a l i t é t a n g i b l e ». L ' a c t i v i t é c r i t i q u e d u
p e i n t r e , f i n a l e m e n t , d a n s ce cas, s e r a u n i q u e m e n t la
l e n t e u r à p e i n d r e , si l ' o n p e u t d i r e la r é s i s t a n c e d u
m a t é r i e l , la p l u s o u m o i n s g r a n d e h a b i l e t é t e c h -
nique. Qu'on ne croie pas cependant que la
paranoïa-critique peut être assimilée à u n e sorte
d'inspiration, thème dont Breton avait d é j à fait
justice plusieurs années auparavant. L a paranoïa-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

c r i t i q u e est u n l a n g a g e m a n i f e s t e , et l ' i n t r o d u c t i o n
du « hasard objectif » ne lui a j o u t e pas grand-
chose.
R e m a r q u o n s a u p a s s a g e q u e D a l i , d a n s ce t e x t e ,
donne une définition de la structure telle que
l'entendra Lévi-Strauss quinze ans plus t a r d : l'en-
s e m b l e c o h é r e n t d e r a p p o r t s s y s t é m a t i q u e s et signi-
ficatifs.
Et Dali poursuit : « L'activité paranoïaque-cri-
t i q u e o r g a n i s e et o b j e c t i v e d e f a ç o n exclusiviste les
possibilités illimitées et inconnues d'association
s y s t é m a t i q u e d e p h é n o m è n e s s u b j e c t i f s et o b j e c t i f s
q u i se p r é s e n t e n t à n o u s c o m m e des s o l l i c i t a t i o n s
i r r a t i o n n e l l e s , à la f a v e u r e x c l u s i v e d e l ' i d é e o b s é -
dante. L'activité paranoïaque-critique découvre p a r
cette m é t h o d e des " significations " n o u v e l l e s et
o b j e c t i v e s d e l ' i r r a t i o n n e l , elle fait p a s s e r t a n g i b l e -
m e n t le m o n d e m ê m e d u d é l i r e s u r le p l a n d e la
réalité. »
M a i s , c o m m e t o u j o u r s d a n s le s u r r é a l i s m e , le
c ô t é « b a r b u d e L o n d r e s » v i e n d r a é q u i l i b r e r le c ô t é
« p r o f e s s e u r d e V i e n n e ». A u s u b j e c t i v i s m e e x c l u s i f
d e D a l i , r é p o n d le cri d e r é v o l t e , le « d é s e s p é r é ,
passionné appel a u m e u r t r e » de Bunuel. Lui aussi
espagnol, venu à Paris quelque temps avant Dali,
c ' e s t lui q u i l ' a v a i t i n t r o d u i t d a n s le g r o u p e sur-
réaliste.
D a l i c o l l a b o r e a v e c B u n u e l d a n s U n chien a n d a -
lou, q u i c h o q u a le p u b l i c p o u r l ' i m a g e d ' u n e
extrême cruauté o ù une lame de rasoir sectionnait
l'œil d ' u n e j e u n e fille. M ê m e si t o u s les c i n é p h i l e s
s a v e n t a u j o u r d ' h u i q u ' i l n e s ' a g i t q u e d ' u n œil d e
v e a u , l'effet r e s t e e n c o r e c o n s i d é r a b l e .
C ' e s t p o u r le s e c o n d f i l m d e B u ñ u e l et D a l i q u e le
Retrouver ce titre sur Numilog.com

scandale éclata. Dali, d'ailleurs, qui avait participé


a u s c é n a r i o , vit b i e n , à s o n r e t o u r d ' E s p a g n e , q u e
s o n i n f l u e n c e a v a i t p r a t i q u e m e n t d i s p a r u d u film.
C o m m e il le d i t d a n s L a Vie s e c r è t e d e S a l v a d o r
D a l i , « d a n s m o n i d é e c e f i l m d e v a i t t r a d u i r e la
violence de l ' a m o u r i m p r é g n é p a r la s p l e n d e u r des
c r é a t i o n s d e s m y t h e s c a t h o l i q u e s ». Si l a v i o l e n t e
splendeur de l ' a m o u r y subsiste — c'est sans d o u t e
le p l u s g r a n d f i l m d ' a m o u r f o u , incarné par le
c o u p l e G a s t o n M o d o t e t L y a L y s — la s p l e n d e u r
d e s m y t h e s c a t h o l i q u e s e n p r e n d , c ' e s t le m o i n s
q u ' o n puisse dire, p o u r s o n grade. D a l i d'ailleurs
c o n s t a t a : « Je fus terriblement déçu. Le film n'était
p l u s q u ' u n e c a r i c a t u r e d e m e s idées. L e c a t h o l i c i s m e
y é t a i t a t t a q u é d e f a ç o n p r i m a i r e et s a n s a u c u n e
p o é s i e [...]. Il m e s e m b l a i t a b s u r d e et i n i n t é r e s s a n t
de faire scandale avec l'anticléricalisme, alors qu'il
y avait tant d'idées subversives autrement plus
v a l a b l e s à r é p a n d r e d a n s le p u b l i c [...]. Si le f i l m
a v a i t u n e v a l e u r , c ' é t a i t celle d e l ' a n a r c h i e . »
L ' a n t i c l é r i c a l i s m e , l ' a n t i r e l i g i o n d u film, t o u t à
fait d a n s l a t r a d i t i o n s u r r é a l i s t e , é t a i t t r è s v i o l e n t ,
e n effet. A l o r s q u e le f i l m d é b u t a i t p r a t i q u e m e n t
p a r l'arrivée des archevêques qui f o n d e n t la R o m e
i m p é r i a l e s u r u n sol p a r s e m é d e c a d a v r e s p o u r r i s -
s a n t s , la s é q u e n c e f i n a l e m o n t r e les q u a t r e l i b e r t i n s
d u g r a n d r o m a n d e S a d e L e s C e n t Vingt J o u r n é e s d e
Sodome sortant du château de Silling (nommé
c h â t e a u d e Selliny, s e l o n la l e c t u r e , f a u t i v e m a i s
u n i q u e à c e t t e é p o q u e , d u m a n u s c r i t d e S a d e p a r le
D r E u g e n D ü h r e n , qui l'avait découvert e n Alle-
m a g n e après u n e disparition de près de cent vingt
a n s ) , et le d e r n i e r , le d u c d e B l a n g i s , c o s t u m é e n
C h r i s t — « il est é v i d e m m e n t J é s u s - C h r i s t », p r é c i -
Retrouver ce titre sur Numilog.com

sait le p r o g r a m m e p o u r c e u x q u i n ' a u r a i e n t p a s
compris — y rentrer précipitamment pour y
a c h e v e r u n e v i c t i m e q u i r e s p i r a i t e n c o r e , et q u i
m e u r t d a n s u n g r a n d cri. M a i s il y a v a i t a u s s i u n e
d i m e n s i o n s o c i a l e r é v o l u t i o n n a i r e très m a n i f e s t e : le
c h a r i o t o c c u p é p a r les p r o l é t a i r e s t r a v e r s a n t le s a l o n
d e r é c e p t i o n , la m è r e d e la j e u n e fille giflée p o u r
s ' o p p o s e r à l ' a m o u r d e sa fille. C o m m e le dit A d o
K y r o u d a n s son excellente analyse d u Surréalisme
a u c i n é m a 1, « B u n u e l a y a n t à d é c r i r e l ' a m o u r a
l a n c é à la police, à l ' a r m é e , la f a m i l l e les p l u s
v i g o u r e u s e s gifles q u ' e l l e s a i e n t j a m a i s r e ç u e s d e
l ' é c r a n , et a i n s i l ' a m o u r a p p a r a î t seul, g r a n d , e s p o i r
u n i q u e , r é v o l t e m a j e u r e d e l ' h o m m e ».
L ' A g e d ' o r est l ' u n d e s plus beaux films de
l'histoire d u cinéma, encore a u j o u r d ' h u i étrange-
ment fascinant, et parfaitement scandaleux. Le
v i c o m t e d e N o a i l l e s , q u i a v a i t p r o d u i t ce film e n
m ê m e t e m p s q u e L e S a n g d ' u n p o è t e , d e C o c t e a u , et
q u i y a v a i t fait f a i r e d e la f i g u r a t i o n à t o u s ses a m i s
d e l ' e x c e l l e n t e société, v o u l u t , d i t - o n , d é t r u i r e les
c o p i e s , m a i s il e n reste e n c o r e , m i r a c u l e u s e m e n t ,
une, que l'on a pu contretyper.
R a p p e l o n s b r i è v e m e n t q u e B u n u e l , d o n t l'inspi-
r a t i o n est t o u j o u r s s a n s c o n c e s s i o n (cf. le p l a n d u
b u r e a u d u c o m m i s s a i r e d e police, d a n s C e l a s ' a p p e l l e
l ' a u r o r e , o ù les m e n o t t e s s o n t n é g l i g e m m e n t p o s é e s
s u r les Œ u v r e s c o m p l è t e s d e C l a u d e l , l e c t u r e f a v o -
rite d u d i t fonctionnaire), n ' a p a s c h a n g é e n ce
q u i c o n c e r n e l ' a n t i r e l i g i o s i t é , n i la r é v o l u t i o n , et a
inscrit, d e p u i s L ' A g e d ' o r , d a n s sa filmographie

1. Le Terrain vague édit.


Retrouver ce titre sur Numilog.com

q u e l q u e s - u n s des plus b e a u x films q u e n o u s a y o n s


j a m a i s vus.
Le scandale de L ' A g e d ' o r fut grand. A p r è s plus
d ' u n m o i s d e p r o j e c t i o n s a n s i n c i d e n t , le S t u d i o 28
f u t e n v a h i , le 3 d é c e m b r e 1930, p a r u n e b a n d e d e
v o y o u s q u i m a c u l è r e n t l ' é c r a n , a u x cris d e « O n v a
v o i r s'il y a e n c o r e d e s c h r é t i e n s e n F r a n c e » e t d e
« M o r t a u x j u i f s », d é t r u i s i r e n t les t a b l e a u x s u r -
réalistes qui étaient exposés dans le h a l l (sauf,
r a c o n t e D a l i , u n e d e ses t o i l e s q u ' u n e o u v r e u s e e u t
l ' i d é e d e d i s s i m u l e r d a n s les t o i l e t t e s ) , l a n c è r e n t d e s
b o m b e s f u m i g è n e s et m a t r a q u è r e n t les s p e c t a t e u r s .
L ' a t t e n t a t f u t r e v e n d i q u é p a r la L i g u e d e s p a t r i o t e s
et la L i g u e a n t i - j u i v e , q u i r é c l a m a i e n t l ' i n t e r d i c t i o n
d u film, r e l a y é s p a r la p r e s s e d e droite. Ainsi,
raconte Kyrou, une lettre de protestation du
conseiller municipal Le Provost de Launay, publiée
d a n s les j o u r n a u x , d e m a n d a i t d e s m e s u r e s c o n t r e les
« o r d u r e s » d u surréalisme et c o n t r e « d ' a u t r e s
films d ' i m p o r t a t i o n o u d ' o r i g i n e g e r m a n i q u e q u i se
jouent ou vont se j o u e r dans le quartier des
C h a m p s - É l y s é e s [je n e sais si les m a j u s c u l e s s o n t d e
Kyrou ou du quidam] A DEUX PAS du Soldat
inconnu ».
La censure demanda d'abord la suppression des
« deux passages d'évêques », puis de la phrase dans
le programme : « Le duc de Blangis est évidemment
Jésus-Christ. » Le 10 décembre, Gaétan Sanvoisin,
dans Le Figaro, écrivait : « Il s'agit d'un essai de
bolchevisme de caractère spécial, oui, réellement
spécial, qui vise à nous pourrir. La propagande de
Lénine a rencontré dans certains studios, plus ou
moins improvisés, des concours inattendus. Elle en
Retrouver ce titre sur Numilog.com

profite... Allons, Monsieur Chiappe 1 un coup de


balai! Vous le pouvez, vous le devez. » Tandis que
L'Écho de Paris, se plaçant « du point de vue de
l'art », déclarait : « Ce pensum prétentieux et morne
n'a aucun rapport avec l'art d'avant-garde, ni avec
l'art tout court. L'exécution technique est d'une
pauvreté qui soulèverait les huées dans la plus
humble salle du dernier chef-lieu de canton 2 »

Malgré des articles de soutien dans la presse de


gauche, le film fut finalement interdit le 11 et les
copies saisies le 12 décembre.
Complémentairement, Dali et Bunuel mar-
quaient, dans les années 30, l'un des sommets du
surréalisme dans la provocation, la revendication de
la liberté, la reconnaissance de l'inconscient freu-
dien comme appel à la révolution.

1. Alors préfet de police. Bien plus tard, dans Le Journal d'une


femme de chambre, du même Buñuel, une manifestation d'extrême
droite se déroulera aux cris de « Vive Chiappe ».
2. Cité par Ado Kyrou, op. cit.
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Conclusion

Le surréalisme ne s'est pas arrêté avant la guerre


de 40. Ni dans le domaine politique, ni dans le
domaine poétique. Nous lui devons, en politique,
les premières et les plus vigoureuses protestations
contre le stalinisme, contre les guerres coloniales
menées par la France. Dans le second domaine, il
suffit de rappeler que l' Anthologie de l'humour noir,
l'un des livres essentiels de Breton, interdit par la
censure pendant la guerre, fut révélé au public en
1945. Et La Lampe dans l'horloge fut publié en 48.
Et l'œuvre de Gracq se poursuit encore.
Il n'est même pas sûr que le surréalisme se soit
arrêté, ni qu'il soit arrêtable. Même si le groupe
surréaliste en tant que tel a été officiellement
dissous en 1970.
C'est que le surréalisme est un état d'esprit,
radical. Il prétend, comme le disait Breton, changer
le monde en même temps que changer la vie,
reconnaître l'individu, l'homme, et peut-être le
changer aussi.
Ce qui fait sa force, c'est son intransigeance en
même temps que sa généralité. Généralité : il est de
Retrouver ce titre sur Numilog.com

tous les pays, le seul mouvement, sans doute, à avoir


été réellement international, et ne se cantonne pas à
un aspect du monde. Vouloir réduire le surréalisme
à un mouvement littéraire ou pictural, même s'il a
été cela aussi, serait une erreur profonde. Le
surréalisme réclame le bouleversement profond de
tout.
Bien des aspects du surréalisme, dans ce livre,
n'ont pas été traités, ou simplement effleurés, nous
en sommes parfaitement conscient. Particulièrement
nous nous sommes refusé à toute critique littéraire
ou picturale, et n'avons rappelé les œuvres que
parce qu'elles marquaient des temps, des étapes de
cette « aventure surréaliste ». Ainsi, nous avons
laissé de côté la question du surréalisme et de la
sexualité, et du surréalisme et du féminisme, capi-
tales toutes les deux. C'est sans doute qu'en ce
domaine il n'y a pas eu aventure. De même, nous
ne nous sommes pas intéressé au contenu des récits
de rêves, si abondants dans les premiers numéros de
La Révolution surréaliste. C'est que l'événement
consistait d'abord à rédiger ces récits, à les publier,
à leur attacher cette importance et cette significa-
tion. D'autres en ont étudié, et étudieront, les
contenus.
L'étonnant de l'aventure surréaliste, c'est que
beaucoup y ont participé, qu'elle a été réellement
collective. Et que d'y participer, même peu de
temps, même épisodiquement, a de toute évidence
marqué ceux qui l'ont fait. Non seulement les
surréalistes les plus importants, et qu'Aragon y
fasse aujourd'hui si souvent référence est un signe.
Certains en sont même morts, comme Crevel, de ne
pouvoir concilier la radicalité du surréalisme avec
Retrouver ce titre sur Numilog.com

les opportunismes de la politique. Aussi, que tous


ceux qui y ont participé en ont été grandis, d'où
qu'ils soient partis.
H.-F. Rey donne cette description du surréalisme
à laquelle on ne saurait refuser de souscrire : « Le
surréalisme fut la plus extrême tentative pour
anéantir l'ordre bourgeois et fonder une humanité
différente. Conception globale d'une révolution
totale qui visait beaucoup moins la production
d'œuvres esthétiques que la création d'un homme
nouveau, sexuellement, psychologiquement, psychi-
quement, socialement nouveau. Une totalité. Le
surréalisme est bien autre chose qu'une façon de
peindre ou d'écrire. Ce fut une révolution culturelle
totale. »
Il ajoute qu'elle a échoué. Est-ce bien sûr?
Sans doute, si on considère qu'elle n'a pas changé
radicalement l'homme, ni les hommes, d'un coup.
Mais que le surréalisme ait pesé, et pèse d'un grand
poids, aujourd'hui même, me semble indéniable. Il
y a des choses qui étaient possibles, regardables,
tolérables avant lui, qui ne le sont plus après. Dans
les domaines politique comme esthétique, en littéra-
ture, en peinture comme en morale.
Soyez justes et n'acceptez pas, il en restera
toujours quelque chose. C'est la leçon que nous
donnent Breton et ses amis.

Paris, le 25 octobre 1976.


Retrouver ce titre sur Numilog.com
Petite bibliographie succincte

Les œuvres des surréalistes, longtemps introuvables pour un


grand nombre de titres, commencent à être rééditées, particu-
lièrement grâce à l'effort d'éditeurs comme Eric Losfeld, et les
éditions du Terrain vague, et Jean-Jacques Pauvert.
Nous avons indiqué essentiellement les textes trouvables
actuellement en librairie.
L'événement le plus important, récemment, étant bien sûr la
réédition en un volume de : La Révolution surréaliste, 1924-
1929, J.-M. Place édit., et du Surréalisme au service de la
révolution (ibid.). J.-M. Place annonce une prochaine réédition
de Littérature.

M. ALEXANDRE : Mémoires d'un surréaliste.


ARAGON : Œuvres croisées, Aragon-Elsa Triolet, 38 volumes,
pour les œuvres d'Aragon en prose, C.D.L.P.
Œuvre poétique complète, 14 volumes (6 sont parus), avec
des préfaces d'Aragon et des notes de Jean Ristat, C.D.L.P.
Antonin ARTAUD : à la N.R.F. : Œuvres complètes.
J. BARON : Denoël : L'An 1 du surréalisme.
BRETON : à la N.R.F. : Les Pas perdus, Introduction au discours
sur le peu de réalité, Le Surréalisme et la Peinture, Nadja,
Les Vases communicants, L'Amour fou, Point du jour,
Poèmes, Entretiens (avec A. Parinaud), Clair de terre. Et, en
collaboration avec Philippe Soupault : Les Champs magné-
tiques.
Denoël-Gonthier : Position politique du surréalisme.
J.-J. Pauvert : Les Manifestes du surréalisme, Anthologie de
l'humour noir, Arcane 17, La Clé des champs.
Sagittaire : Martinique charmeuse de serpents.

Vous aimerez peut-être aussi