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5 La traversée

Je viens te chercher Dimanche. Dés que j’ai dit ces mots, la frénésie m’habite. Je téléphone à
Gérard. Ce Weekend il ne peut pas, il s’est engagé il regrette sincèrement. Tant pis, je sais un
peu naviguer je ferai sans lui La Dominique n’est qu’a une centaine de Kilomètres.
Je téléphone aux sociétés qui louent les bateaux. C’est la saison creuse (la saison cyclonique
n’est pas tout à fait terminée) le plus petit qu’ils ont, huit places est à mille deux cent euro le
weekend et en tant que résident, nous avons droit à coucher à bord dés vendredi soir. Je
réserve.
Je prends rendez vous à la banque pour faire un emprunt ; Il peut me recevoir le lendemain.
Je téléphone à Fabrice, pas de problème, il se chargera des provisions de bouche.
Claudine sera là aussi sans problèmes. Gérard m’appelle, sa sortie a été annulée, il se joindra à
nous. Il ne faut jamais désespérer.
Je téléphone à Kimberly, la liaison est très mauvaise :
- Je serais là samedi, ou on se retrouve ?
- Là où on a pris le bateau pour Indian river.
- Ok J’arriverai à trois heures au plus tôt, mais ça risque d’être plus long. Il faudra que
tu surveilles, ça va dépendre du vent.
- Le bateau sera comment
- Ce sera un grand voilier blanc
- Ils sont tous blanc !
- Oui mais celui là, je serais dessus. Il faut que tu ais un maillot de bain.
- Achètes m’en un, je n’ai plus d’argent.
- Tu t’es fait rembourser l’assurance et le bateau ?
- Oui, mais j’ai tout dépensé
Où me suis-je encore embarqué ? (J’ai su plus tard qu’elle avait envoyé une grosse partie de
l’argent à sa famille en Haïti et payé toutes ses dettes en Dominique).
- Ok Pend très peu d’affaires dans un simple sac. On achètera ce qu’il te faut en
Guadeloupe.
J’espère qu’on ne se fera pas attrapé par les douaniers. En fait, que risque-t-on.
Je vais appeler mon avocate, la charmante Nadia qui s’est occupée avec brio de mon divorce.
En fait, je ne suis toujours pas divorcé et je me souviens qu’elle m’avait dit lors de notre
première rencontre de la prévenir si je rencontrais quelqu’un d’autre. Je l’appelle donc. Mon
histoire lui parait compliquée, elle veut me voir le lendemain à la première heure. Je ne sais
pas si tous les avocats sont comme ça, mais celle là se lève tôt.
Le lendemain, jeudi, j’arrive à sept heures quinze avec un quart d’heure d’avance chez mon
avocate, elle est déjà au travail. On débarrasse une chaise de ses dossiers afin que je m’assoie.
Je raconte mon histoire, elle est formelle. Il ne faut surtout pas que je fasse ce que j’ai prévu,
ce serait la pire des choses je risque la prison et la perte de mon emploi. Il me faut patienter
pour trouver une autre solution. Je lui dis qu’il est trop tard pour revenir en arrière et que je le
ferais de toute façon. Elle me conseille d’avoir sur moi à tout moment son numéro de portable
car elle est assez pessimiste quant à la réussite de mon projet. M. Sarkozy ministre de
l’intérieur est en train de faire des prouesses en matière de lutte contre la clandestinité.

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Le plus rigolo, c’est que je suis en parti d’accord avec lui. Si on rentre illégalement en France,
il ne faut pas demander à avoir des droits.
En ce moment, on ne parle que de ça et toujours des haïtiens concernés :
- Des passeurs clandestins, sur le point de se faire prendre, on jeté tous leur passagers à
la mer ; il y a eu dix sept noyés, hommes, femmes dont une enceinte et des enfants.
- Suite à un contrôle routier, plusieurs clandestins ont été arrêté et aussi, un conseillé
municipal de Saint François, qui leur louait des chambres.
- Une descente a été faite dans les transports en commun, quatre illégaux arrêtés.
- Le marché de Bergevin à Pointe à Pitre a été bouclé et passé au crible, douze
expulsions.
C’est vrai qu’il faut faire quelque chose contre l’afflux d’immigrés illégaux, mais je pense
quand même que notre cas est exceptionnel. Le fait que Kimberly soit haïtienne ne plaide
pas en sa faveur, tout le monde va penser qu’elle cherche un bon pigeon pour entrer en
France. Moi, je crois qu’elle m’aime et comme bien faire et laisser dire est ma devise, je
continue mes préparatifs.
Le banquier ne me fait aucune difficulté pour me prêter trois mille euro. Comme mon compte
était déficitaire depuis ma séparation d’avec mon ex, ça va le mettre à jour et je paierai des
intérêts au lieu d’agios.
Je passe aussi à ma mutuelle, afin qu’elle est une couverture médicale. Je repars avec des
formulaires à remplir.
Reste le plus difficile à faire, dire à mon fils que je vais me remettre avec quelqu’un. Je ne
sais vraiment pas comment m’y prendre et j’ai repoussé jusqu’à aujourd’hui jeudi, mais là, je
suis acculé.
Il me fournit lui-même l’entrée en matière en me parlant de Tara, sa copine.
- En parlant de petite amie… En parlant de petite amie… En parlant de
- Ben quoi, ça fait trois fois que tu me dis en parlant de petite amie.
- Et bien, j’en ai une maintenant et est ce que tu verrais un inconvénient à ce qu’elle
vive avec nous ?
- Tant que ce n’est pas le défilé…
Sa réponse m’indique que son court séjour avec sa mère l’a perturbé. Surtout le fait d’avoir un
nouveau papa à la maison tous les samedi matin, mais moi, je ressens un vif soulagement.
Ainsi à j-2, tout est réglé.
Le lendemain vendredi, je fais rapidement le ménage afin qu’a notre retour nous trouvions
une maison propre. Nous avons tous rendez vous à bord pour le repas du soir et la consigne
est de dire que pour mon anniversaire, j’ai loué un bateau pour faire une croisière avec
quelques amis. Ainsi, si on se fait attraper, mes partenaires ne seront pas impliqués. Ils sont
censés ne même pas connaître notre destination.
Kimberly me téléphone d’une cabine pour me dire qu’elle n’a plus de portable et nous
confirmons le rendez vous pour le lendemain à Portsmouth, là ou on embarque pour Indian
river.
Ce jour là, il fait un vent comme nous en voyons rarement au Antilles où les alizés dépassent
difficilement trente kilomètres heure, aujourd’hui il souffle à soixante dix et il y a un avis de
tempête. Dans l’après midi, je me rends à la marina pour prendre possession du bateau en
m’interrogeant pour savoir si ils me le loueront quand même. Apparemment, ils ne veulent

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pas perdre une location et la météo prévoit une amélioration pour le lendemain. J’ai donc droit
aux explications sur le fonctionnement de cette merveille technologique où pour naviguer, le
plus gros problème est de programmer le GPS et de tendre les voile, le reste se fait à peut prés
seul.
Le premier à arriver est Fabrice. Sa femme et les enfants ont déclaré forfait. Vu le temps qu’il
fait, je ne peux leur en vouloir. Sa voiture est pleine de provisions. Il a amené au moins deux
cent litre d’eau. A croire qu’il veut qu’on coule avant de quitter le port.
A la nuit tombée, nous sommes tous là et Fabrice a préparé un repas gargantuesque. C’est vrai
qu’il à déjà vu Claudine à table. D’entré de jeux, Gérard nous dit que si le vent se maintient,
nous ne pourrons pas partir le lendemain. Je dis que quelque soit le temps, je suis obligé d’y
aller, car si je manque le rendez vous je ne sais plus comment joindre Kimberly. Fabrice dit
qu’il viendra avec moi quelque soit le temps. Claudine dit que ce n’est même pas la peine de
lui poser la question elle vient. Gérard dit qu’on verra demain, mais devant notre
détermination, on sent qu’il viendra.
Le lendemain matin, au point du jour, je démarre le moteur pour bien réveiller tout le monde.
Le vent a faibli pendant la nuit, mais il reste fort quand même. Tout le monde est d’accord, on
lève l’ancre.
Comme le vent est fort et nous avançons vite, par contre, le pilote automatique n’anticipe pas
sur les vagues gigantesque que nous recevons par trois quart arrière et qui mettent le bateau en
travers à chaque fois. Nous coupons donc le pilote et Gérard prend la barre. Au bout d’une
heure, je dois être vert, car Gérard me dit de prendre la barre, ça ferra passé mon mal de mer.
Il a raison, je suis tellement absorbé à redresser le bateau avant que les vagues ne le déportent,
que je ne pense plus au mal de mer. Mes équipiers on l’air bien. Fabrice s’est mis un bandana
et ressemble à un pirate. Claudine a pris ses aises à l’avant et joue les playmates. Gérard,
peaufine en permanence le réglage des deux voiles et garde un œil sur le GPS donc sur le cap.
Un peu avant midi, nous somme à l’abri de la Dominique et s’est sur une mer d’huile que
nous terminons le trajet jusqu'à Portsmouth, la deuxième ville de la Dominique où nous avons
rendez-vous. Dés que la mer s’est calmée, nous avons été assailli par une flottille de hors-bord
qui sont venu nous proposer, qui un restaurant, qui des fruits, qui une excursion à Indian river.
Nous disons à ce dernier que peut être après le repas nous irons.
Nous mouillons donc au large de l’embarcadère d’Indian river. Je regarde le rivage aux
jumelles, pas de kimberly. Nous allons manger, on verra après. Pendant le repas mon
téléphone sonne :
- C’est Kimberly, je te téléphone avec le téléphone de Margareth.
- Je suis déjà arrivé, où tu es ?
- A Roseau, je vais prendre le car
- Fait vite, le plus tôt tu arrive, le mieux c’est
- On peut amener Margareth avec nous
- Non impossible, il y a trop de risque et mes copains ne seraient pas d’accord.
- Elle va m’accompagner à Portsmouth.
- Si elle veut, mais elle ne pourra pas monter à bord.
A peine le repas terminé, deux hors-bords viennent nous chercher pour nous mener à Indian
rivers. Personnellement, je suis trop sur les nerfs pour faire autre chose que d’attendre. Le
Batelier nous rappelle que nous devons aller faire les formalités de police. Il m’indique le

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bâtiment. Je dis que dés que ma copine se réveille de sa sieste, j’y vais. Tous les autres partent
pour Indians river. Si Kimberly arrive avant leur retour et que ça se passe mal au retour, ils
auront un alibi inattaquable : ils sont revenus, ma copine était à bord.
Je fais un essai pour voir si l’annexe fonctionne bien, et vais jusque au débarcadère. La zone
est à peu prés déserte, je retourne sur le voilier.
Quatre heures approche, je me ronge les sangs. Flûte, suis-je bête, si elle m’a appelé avec le
téléphone de Margareth, j’ai donc son numéro. Je fais rapidement le calcul pour appeler ce
numéro depuis la Guadeloupe et je l’ai au bout du fil.
- où es tu ?
- Je suis presque arrivé
- Presque dans combien de temps
- Deux minutes.
Je ne peux plus tenir. J’ai le pressentiment qu’au dernier moment, quelque chose ira de
travers. Je saute dans l’annexe, sans oublier mon téléphone et vais m’amarrer au débarcadère.
Cinq minutes faciles se sont écoulées maintenant.
Je rappelle :
- où est tu ?
- je suis arrivé
- je ne te vois pas
Sur ces entrefaites un bus arrive et elle descend avec sa copine.
- Je te présente Margareth
Je suis au raz de l’eau, elles sont sur le quai, je les vois comme des géantes.
- Bonjour Margareth, je suis désolé mais on ne peut vraiment pas t’amener.
- Tant pis dit elle avec le fatalisme des gens des îles.
Elle se penche me fait un baisé sur les joues pour me dire bonjour. Ca m’arrache le cœur, car
elle est sympathique et j’ai toujours eu du mal à dire non. J’imagine, la planche de salut que
ça aurait été pour elle de pouvoir venir. Je dis à Kimberly :
- monte vite il faut y aller.
Elle saute dans le Zodiac et nous faisons route vers le voilier. Nous l’accostons et montons à
bord. Une fois dans la cabine, un long baisé celle nos retrouvailles. Comme la radio diffuse un
zouk, on se met à danser sur sur la chanson « Clalèr » de kasav. La chanson à peine terminée,
un bruit de moteur m’incite à passer la tête par l’écoutille pour voir ce qui se passe. C’est
l’équipage qui rentre à bord. Je leur présente Kimberly et Fabrice me dit :
- Quand j’ai vu ta tête sortir de l’écoutille avec la banane (il parle de mon sourire), j’ai
compris qu’elle était à bord !
Pour Brouiller les cartes, au cas où on soit observés, nous changeons de mouillage et allons
nous installer à quelques kilomètres en face d’une boîte de nuit et d’ailleurs, dés le repas du
soir terminé, tout l’équipage excepter Kimberly et moi s’en va à la boîte de nuit. Nous ne les
avons même pas entendu revenir tant nous devions dormir profondément.
Le lendemain à la première heure, nous levons les amarres, direction Pointe à Pitre. C’est là
que c’est dangereux. Ce n’est que plus tard en discutant avec un procureur, que j’ai su comme
c’était grave de faire rentrer une étrangère sur le territoire français et comme je risquais une
lourde peine. Le vent est un peu tombé par rapport à la veille, mais la mer est toujours agitée.

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La Guadeloupe nous est apparue comme une montagne couronnée de Nuage. Son volcan, la
Soufrière trône fièrement à 1467m.
D’abord, c’et la solitude, puis, au fur et à mesure qu’on se rapproche, le nombre
d’embarcation augmente. Des bouées rouges apparaissent signalant l’emplacement des
casiers, ces pièges à poisson tant redouté des participants à la route du rhum.
Soudain, fendant l’écume et venant de la direction Pointe à Pitre, un bateau couleur kaki se
dirige vers nous. On ne voit que son étrave mais qui grossi rapidement. Aussitôt je donne les
consignes.
- Tout le monde sur le pont, nous dirons que nous venons des saintes. Kimberly, quoi
qu’il arrive tu ne montres pas tes papiers, tu dis que les a laissé chez nous. Tout le
monde sourit, Claudine, tu diras que toi aussi tu n’as pas pris tes papiers.
En effet, qui va faire un tour en mer avec ses papiers ?
Arrivé à une vingtaine de mètre, la vedette des douanes, car s’en est bien une, coupe ses
moteur et nous voyons son étrave redescendre sous l’effet du ralentissement. Gérard se
rapproche des boutes et s’apprête à mettre en pane, mais le bateau nous croise simplement à
environ quatre mètre et le douanier que nous apercevons se contente de nous regarder
dédaigneusement, ne répondant même pas à nos bonjours.
Je ne sais pas comment je n’ai pas attrapé de torticolis à force de me tordre le coup à
surveiller si la vedette ne revenait pas. Vers dix sept heures, nous arrivons sans encombre au
port de Pointe à Pitre.

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