Carnets

d’une ville
en héri-
tage la pierre
 Le patrimoine de la ville de Bordeaux

Limites Zone tampon La ville de pierre Ensemble

communales du Périmètre ensemble urbain urbain classé
UNESCO reconnu au titre sur la liste du
du 7° de l’article patrimoine
L123-1 mondial par
l’UNESCO

2 3
 Sommaire
7 Glossaire
11 Introduction
12 Petite histoire de la pierre de Bordeaux
16 La pierre calcaire
18 Le mortier
19 Les maçonneries
23 Les métiers de la pierre
34 La diversité des architectures
46 Les fragilités: reconnaître les altérations
53 Recommandations
46 L’encrassement
47 Les traces d’humidité
48 Les mousses, les lichens et la végétation
48 La maladie de la pierre : le sulfin
49 Les fissures et lézardes
49 L’éclatement
49 Le salpêtre
50 Altérations des joints
50 Les revêtements inadaptés
62 Conseils
62 Faire un diagnostic
63 Faire appel à des professionnels
64 Observer la façade et repérer les désordres
67 Quand et comment nettoyer une façade en pierre
85 Quand et comment restaurer des maçonneries en pierre
92 La protection des façades en pierre
92 À éviter
93 Les bons choix pour l’environnement
94 Formalités administratives
97 En savoir plus
101 Épilogue
126 Contacts
4
 Glossaire
Pour cette première édition Bandeau Plate-bande unie en saillie
des « Carnets d’une ville
séparant horizontalement les niveaux
en héritage », une série
de définitions appartenant d’un édifice.
au vocabulaire technique Calcin Couche de carbonate de calcium
est présentée dans les qui recouvre la surface des pierres
paragraphes qui suivent.
calcaires taillées, sous l’action du gaz
L’usage des carnets, les
questions posées au cours carbonique et de l’eau.
des dialogues qu’ils veulent Chaux La chaux vive est fabriquée à
susciter contribueront à
partir de calcaire pur chauffé à très haute
compléter cette liste initiale.
Vous pouvez dès à présent, température. Refroidie et mélangée à
enrichir le glossaire en l’eau, c’est de la chaux éteinte. La chaux
nous faisant part de vos
aérienne ne durcit qu’au contact du gaz
remarques et poser
vos questions en écrivant carbonique qui la transforme en calcaire.
à la Direction Générale Corniche Moulures en saillie l’une
de l’Aménagement au-dessus de l’autre qui couronnent une
villedepierre@mairie-
construction et la protègent de la pluie.
bordeaux.fr
Efflorescences Sels accumulés à la
surface de la pierre apparaissant sous la forme d’une
couche poudreuse. La plus courante est le salpêtre.
Encadrement Profils ou ornements servant d’entourage à
un panneau. L’encadrement d’une baie est un chambranle.
Enduit Couche de chaux, de plâtre, de mortier… qu’on
applique sur une maçonnerie mixte ou en moellons pour
la protéger.
Épaufrer Érafler, écorner une pierre de taille d’un corps
mal appliqué.
6 7
 Glossaire
Étage d’attique Dernier niveau d’un édifice situé au-
dessus ou au-dessous de la corniche et généralement
moins haut que les autres niveaux. L’attique est en retrait
s’il n’est pas aligné à la façade qu’il surmonte.
Exfoliations Dégradations et détachements par plaques
de la surface des pierres provoqués par l’accumulation de
sels à l’intérieur.
Frise En architecture, partie de l’entablement située entre
l’architrave et la corniche.
Linteau Pièce de bois, de pierre, de béton, de fer…
placée au-dessus de l’ouverture d’une porte ou d’une
fenêtre.
Maçonneries en pierre de taille Assemblage de
pierres taillées et appareillées sans vides entre elles.
Maçonnerie mixte Maçonnerie dont seuls les éléments
structurels sont en pierre de taille par opposition au
remplissage.
Maçonnerie en moellons Assemblage de pierres non
taillées dont la liaison est assurée par le mortier.
Modénature Proportion et galbe d’une moulure.
Par extension, ensemble de la mouluration d’un édifice.
Mortier Mélange de chaux et de sable dont on se sert
pour lier les pierres d’un mur. Ce terme de maçonnerie
vient de ce que le mortier se préparait dans un mortier.
Mur de refend Mur intermédiaire qui consolide une
construction. Les murs de refend sont perpendiculaires
aux murs de façade.
Nu En architecture, surface verticale extérieure ou
8 intérieure d’une maçonnerie.
Glossaire
Pierruche Poudre de pierre calcaire qui entre dans la
composition des mortiers de finition.
Pignon Mur où ne se déversent pas les eaux de pluie,
contrairement au mur gouttereau.
Porométrie Mesure de la taille des pores de la pierre.
Plus les pores sont grands, plus les saletés et les
pollutions s’y logent, plus elle est poreuse.
Porosité Qualité des trous dans la pierre. Plus une pierre
est poreuse, moins elle est lourde et résistante, plus elle
absorbe d’eau aussi.
Ravalement Action d’aplanir la surface d’un mur neuf
en réduisant de quelques millimètres l’épaisseur des
pierres. On emploie par abus ravalement pour indiquer
le nettoyage ou la restauration d’une façade.
Remontées capillaires Aspiration par les cavités
poreuses des pierres de l’humidité.
Saillie En urbanisme, maison dépassant d’un alignement
dans une rue, son contraire est le retrait. En architecture,
élément dépassant le nu d’un mur ou d’un tableau.
Sommier Pierre qui supporte la retombée d’une voûte
ou d’un cintre.
Soubassement Partie inférieure d’une construction
marquée horizontalement et en contact avec le sol.
Sulfin Croûte noirâtre formée de sels résultant de la
pollution de l’eau qui bouche progressivement les pores
de la pierre et l’empêche de respirer.
Voussoir Pierre qui entre dans la composition d’une voûte.
✲ 9
 Portes et fenêtres dans la ville de pierre

La pierre
Au-delà de la grande Ce carnet expose brièvement
façade des quais, la ville l’histoire de la pierre et son
de Bordeaux se distingue
par la valeur patrimoniale
importance dans la construc-
de son centre historique ettion à Bordeaux. Il signale les
des quartiers résidentiels principales  caractéristiques
qui l’entourent, constitués
techniques qui font son inté-
d’ensembles d’architectures
composant la ville de rêt pour la construction. Il
décrit les principaux types
pierre, reconnue aujourd’hui
comme référence du paysage
d’architecture qui font la qua-
urbain d’agglomération.
lité et la richesse du paysage
bordelais.
Il donne des clés de lecture pour observer les
façades, comprendre le vieillissement naturel de la
pierre et identifier les désordres qu’il faut prévenir
pour entretenir la construction, les restaurer, les
mettre en valeur et les protéger. Enfin, il est destiné
à aider toute personne désirant entreprendre des
Carte des anciennes carrières à proximité de Bordeaux. travaux d’entretien, de nettoyage, de restauration
ou de mise en valeur sur des architectures de
pierre.
C’est un outil essentiel pour la préservation et la
conservation du patrimoine bâti.
Esperons que ce carnet participera au maintien et
à l’amélioration de la qualité des travaux et des
savoirs-faire.

✲
10 11
 Petite histoire de la pierre à Bordeaux Petite histoire de la pierre à Bordeaux

Petite histoire de la pierre marché (place Fernand-Lafargue), de Saint-Éloi,

des faubourgs de Saint-Michel et de Sainte-
à Bordeaux Croix, et qu’elles disparurent comme en témoigne
Partout où elles sont Les pierres le petit nombre de pans de bois encore visibles
disponibles, les pierres Le bois fut donc peu à peu aujourd’hui.
sont utilisées pour réservé pour la construc-
la construction. Comme
tion des planchers, des La ville s’est donc littéralement pétrifiée. Ce phé-
de nombreuses villes
françaises, Bordeaux est charpentes et des menui- nomène n’a pu d’abord se produire que grâce à la
devenue une ville de pierre series, tandis que des murs richesse du sol et du sous-sol girondin.
à partir du moment où en maçonnerie de pierre Le bassin de l’Éogène fournissait, dans un rayon
un célèbre édit de Henri IV, calcaire tendre remplacè- de 25 km environ autour de Bordeaux, un sous-sol
en 1607, a progressivement
rent les structures à pans riche de veines calcaires d’une variété, mais aussi
interdit l’emploi du bois
dans la structure des murs de bois. L’édit de 1607 d’une qualité fort disparate. Les principales carriè-
des constructions, car portait en effet : “de défen- res se concentraient à proximité de la Dordogne et
ce matériau propageait dre qu’il soit fait aucune de la Garonne. L’exploitation était facilitée par le
le feu d’une maison à l’autre saillie, avances et pans de transport fluvial, depuis Langon, Libourne, Bourg
en cas d’incendie.
vois ès rues aux bâtiments et Blaye. Les bateaux, de petit tonnage et gabarit,
neufs ou déjà construits, de les réédifier ni faire arrivaient au port de Bordeaux pour décharger
ouvrage qui les puissent conforter conserver et leur cargaison. Le marché aux pierres, sur le quai
soutenir ni faire encorbellement en avance pour de Paludate, fut longtemps réputé comme le prin-
porter aucun mur de pan de bois ou autre chose cipal lieu d’approvisionnement des maçons et des
et ainsi faire le tout continuer à plomb depuis le entrepreneurs. C’est là aussi que l’on jugeait de
rez-de-chaussée.” la qualité suffisante du matériau exigée pour la
construction des maisons de Bordeaux.
Ce phénomène s’accéléra au XVIIe et surtout
au XVIIIe, gagnant les constructions neuves, En 1848, un ingénieur dénombre 600 carrières en
et remplaçant peu à peu les anciennes façades Gironde. C’est dire l’extraordinaire activité locale
alignées sur les voies publiques. C’est ainsi que des carriers. Ces derniers travaillaient souvent
seules quelques maisons médiévales existaient à leur compte. Un carrier pouvait extraire dans
encore au XIXe dans les quartiers de l’ancien une année de 275 jours de travail près de 700
12 13
 Petite histoire de la pierre à Bordeaux
m3 de moellon et 200 m3 de pierre dure. Laroque
produisait des pierres moyennement dures
entre le ruisseau de Gauriac et de Bourg. Entre
Gauriac et Cubzac, les pierres dites “ de Bourg ”
étaient plus grandes et plus dures. Des produits
très médiocres s’extrayaient à Saint-Émilion,
Montagne, Lussac, Puyseguin, Saint-Laurent,
Sainte-Colombe et Saint-Pé de Castets. Les pier-
res de Latresne, Créon et Langoiran étaient répu-
tées d’une dureté moyenne et assez grossières.
Près de Langon, dans les communes de Preignac,
Barsac, Saint-Macaire et Saint-Pierre-du-Mont,
les produits très durs étaient utilisés pour les
parties structurelles des bâtiments. Sur la rive
gauche de la Gironde, l’on trouvait des produits
de qualité médiocre sauf à Saint-Yzan et Civrac
qui fournissaient des pierres très dures de grande
dimension.
Le développement du chemin de fer et, particuliè-
rement à Bordeaux, de la ligne de la compagnie
d’Orléans, à partir de 1852, permit d’introduire
d’autres variétés de pierres. Si celles d’Angoumois
et de Saintonge, très dures, très claires, étaient
importées dès le XVIIIe, par la mer puis l’estuaire,
elles le furent désormais aussi par le rail et leur
quantité se multiplia au début du XXe car elles
avaient une apparence plus blanche, voire grise,
plus lisse et donc plus “moderne”. Répandues
dans les constructions publiques et les maisons
14
Petite histoire de la pierre à Bordeaux
des années 1920-1930, les pierres des carrières
de Saint-Même et Vilhonneur, voire certaines du
Poitou, à Lavoux, Tercé et Chauvigny, furent ainsi
mises à la mode jusque dans les années 1950 où le
ciment détrôna ce matériau traditionnel.
L’exploitation des carrières locales, qui remonte à
l’Ancien Régime pour les plus anciennes d’entre-
elles, fut victime du succès de la mécanisation du
XIXe qui permit d’extraire à profit des produits
d’une qualité souvent peu recommandable.
La dimension et la dureté des pierres furent au
cœur de la législation de l’octroi, qui taxait tous
les produits entrant en ville. Toutes les pierres
devaient être pétrifiées dans toutes leurs parties,
non argileuses, sans fil et non sujettes à la décom-
position par la pluie ou la gelée. La pierre dure,
non traversée “de veines molles, ni poreuse, ni
coquilleuse, pleine et sonore sous le marteau de
l’ouvrier.” Toutes les pierres qui n’avaient pas les
qualités requises et présentaient des cubes infé-
rieurs à ceux autorisés étaient vendues propor-
tionnellement. Les autres transportées à l’hôtel
de ville, et leur marchand poursuivi : elles étaient
mises au rebut et transformées en moellon.
Ainsi à Bordeaux en 1864, on comptait une quin-
zaine de variétés de pierres admises dans les
constructions, dont la dureté oscillait de 16 à 500
kg/cm² à la rupture, des plus tendres aux plus
15
 Petite histoire de la pierre à Bordeaux
dures. La jauge des pierres de l’Ancien Régime
avait été reprise au début du XIXe. Les pierres
de La Roque de Tau avaient une longueur de 22
pouces, une hauteur de 12 et une épaisseur de 11
(soit 60x32x29 cm). Celles de Bourg un module de
26x12x12 (soit 70x32x32 cm). Mais, en réalité, les
dimensions étaient très variées, l’on trouvait ainsi
des modules courants qui devaient présenter au
moins 56 cm d’épaisseur, 27 cm de largeur et 30 cm
de hauteur . Le reste était considéré comme moel-
lon.
La richesse du paysage de la ville de pierre tient
donc autant à l’histoire du matériau, à la diversité
de ses provenances, de son aspect et de sa mise en
œuvre, qu’à sa rareté actuelle. Aujourd’hui, seules
les carrières de Frontenac, Bourg et Vilhonneur
fonctionnent encore  : ce patrimoine de pierre de
Bordeaux est donc d’autant plus précieux que son
matériau constitutif est devenu rare.
La pierre calcaire
Selon sa provenance, la pierre présente des qua-
lités d’aspect et des caractéristiques techniques
différentes. La pierre utilisée à Bordeaux pour la
construction est un calcaire issu d’un processus de
sédimentation. Sa première qualité est d’être un
matériau naturel c’est-à-dire qu’il ne subit, pour
être utilisé dans la construction, d’autre transfor-
mation que la taille.
16
Petite histoire de la pierre à Bordeaux
Comme tous les matériaux, la pierre est définie par
une série de caractéristiques techniques qui permet-
tent de l’identifier et d’en reconnaître les différentes
qualités correspondant à différents usages dans la
construction. Il s’agit de la provenance (carrière et
banc), la résistance à la compression, la densité, la
difficulté de taille, la dureté, la qualité acoustique,
la vitesse de propagation du son, la teinte, la poro-
sité… Toutes les pierres n’ont pas la même texture
et la même couleur. Celles-ci varient selon les car-
rières et les bancs. Très lisses ou coquillières, leurs
teintes vont de l’ocre-jaune au blanc marbré.
De toutes ces caractéristiques, les principales sont :
•la résistance à la compression qui fait que les
pierres peuvent être utilisées pour monter des murs ;
•la dureté, définie en fonction de la position et de
l’usage d’une pierre dans une façade ;
•la porosité qui fait varier le poids et la résistance :
plus une pierre est dense, moins elle est poreuse,
son poids augmente, et sa résistance également ;
•la porométrie qui mesure la taille des pores : plus les
pores sont grands, plus les saletés et les pollutions
pourront s’y loger.
La porosité de la pierre est un élément-clé.
Elle permet à l’eau et à l’air de circuler au travers.
Une pierre trop poreuse ne pourra donc être expo-
sée à la pluie sans être recouverte d’un enduit.
17
 Petite histoire de la pierre à Bordeaux
Frontenac
Sireuil
Bourg
Résistance à la
* ** **
compression
Masse ** * ***
volumique
Porosité * *** **
Les pierres calcaires taillées se couvrent, sous l’ac-
tion du gaz carbonique et de l’eau, d’une couche de
carbonate de calcium appelée calcin. Le calcin est la
forme naturelle de vieillissement et de protection de
la pierre. Cette couche, plus dure et moins poreuse
que la pierre, réduit l’impact des intempéries, des
frottements et des petits chocs mécaniques, et limite
l’adhérence de la salissure. C’est pourquoi la pierre
calcaire peut être utilisée sans adjonction d’enduit
dans la construction de murs extérieurs.
Le mortier
À Bordeaux, les murs en pierre sont assemblés avec
un mortier de chaux. La chaux est fabriquée à par-
tir de calcaire pur chauffé à très haute température
pour former la chaux vive. Le mélange de chaux
vive refroidie et d’eau produit la chaux éteinte.
Elle ne durcit qu’au contact du gaz carbonique qui
la transforme en calcaire. C’est la chaux aérienne.
18
Petite histoire de la pierre à Bordeaux
Les mortiers adaptés aux constructions en pierre
Vilhonneur
calcaire présentent une capillarité et un coefficient
de dilatation comparables à ceux des pierres calcai-
res. Ils comportent un mélange de sable ou de gra-
***
viers avec de la chaux aérienne. Ils durcissent plus
lentement que les mortiers à la chaux hydraulique
*** ou des ciments qui contiennent de l’argile.
Les mortiers à base de ciment ont une capillarité
** moins forte que la pierre calcaire, ce qui peut gêner
le séchage des murs après la pluie. Les mortiers
hydrauliques (ciments) ont un coefficient de dilata-
tion plus important, égal à celui du fer.
Les maçonneries
On distingue plusieurs types de maçonneries,
celles en pierre de taille appareillées, celles en
moellons et les maçonneries mixtes. Les variantes
sont multiples.
On parle de maçonneries en pierre de taille quand
les pierres sont taillées et appareillées afin qu’il n’y
ait aucun vide entre elles. Elles sont orientées pour
recevoir la pression et posées les unes sur les autres
par l’intermédiaire d’un lit de mortier de chaux qui
offre une certaine souplesse à la maçonnerie par la
répartition de la charge des pierres. Les joints sont
fins et ne sont visibles que de près.
On parle de maçonnerie en moellons quand les murs
sont montés avec des pierres non taillées.
Le mortier assure alors non seulement la cohésion
19
 Petite histoire de la pierre à Bordeaux
des moellons entre eux mais encore bouche les
vides irréguliers entre les pierres. Les joints sont
plus larges et les murs moins solides que ceux en
maçonnerie appareillée. Les murs en moellons
sont protégés par un enduit car ils ne sont pas
imperméables à l’eau.
On parle de maçonnerie mixte quand les éléments
structurels, angles de murs et/ou les encadrements
de baies sont en pierre de taille alors que le rem-
plissage est composé de pierres en tout-venant, de
moellons équarris -qui s’apparentent beaucoup à
des pierres fortes-, de petits moellons ou alors de
pierres diverses.
Les façades de la plupart des maisons de Bordeaux
sont en pierre de taille appareillée.
Deux modes de mise en œuvre sont principalement
utilisés pour l’assemblage des pierres :
•l’appareil simple, sur une seule épaisseur (mur dit
aussi parpaing)
•l’appareil double sur deux épaisseurs (mur dit en
carreaux et boutisses).
Sur la pierre appareillée aux murs nus et lisses,
la modénature et la sculpture créent le relief qui
accroche la lumière et organise les ruissellements.
Ce jeu de la lumière sur les reliefs et les teintes si
douces des façades de pierre qui fait l’identité de
Bordeaux.On observe les maçonneries mixtes et les
murs en moellons enduits sur les constructions les
plus anciennes et les plus modestes.
20
Petite histoire de la pierre à Bordeaux
À l’époque de leur construction, l’épaisseur de la
maçonnerie des immeubles bordelais est définie en
fonction des charges et des normes de solidité impo-
sées par la Ville dans les règlements de voirie. Les
murs de façade sont les plus solides par rapport aux
murs sur cour ou jardin et aux murs de refend. Les
murs de cave et les semelles de fondation augmen-
tent d’épaisseur à mesure que la construction est
fondée en profondeur, c’est ce qu’on appelle l’empat-
tement des fondations. À l’inverse, l’épaisseur des
murs diminue à mesure que la construction s’élève
en hauteur : ainsi de minces murs dans les étages
d’attique allègent le poids des parties supérieures.
La pierre est choisie selon sa destination et sa fonc-
tion dans la construction.
On utilise des pierres plus fermes pour les élé-
ments sculptés (corniches, frises, décors…), pour
des éléments soumis à de fortes charges (linteaux,
encadrements, voussoirs, sommiers…), à un usage
fréquent (pierre marbrière, marches de seuil, esca-
liers), au feu (entourage et manteau de cheminée)
ainsi que pour les éléments exposés à l’humidité et
aux contraintes climatiques (éléments en saillie,
soubassements, bandeaux…).
On utilise des pierres tendres et moins coûteuses
pour les parties de maçonnerie les moins sensibles
afin de diminuer les coûts de construction. On les
emploie pour les pignons, les refends et en remplis-
sage. Le remplissage en briques, classique au XVIIe,
21
 Petite histoire de la pierre à Bordeaux Petite histoire de la pierre à Bordeaux

réapparaît à la fin du XIXe dans l’architecture éclec-

tique et Art nouveau. Les appareillages Art déco
jusque dans les années 1950, présentent une modé-
nature d’une grande austérité.
La qualité des architectures de la ville de Bordeaux
dépend de la manière dont les générations passées
ont su tirer parti des qualités de la pierre calcaire
pour édifier toutes sortes de bâtiments.

Les métiers de la pierre

La construction en pierre est un métier complexe,
un métier de spécialistes amoureux de ce matériau.
Les blocs de pierre sont extraits par les carriers
dans des carrières à ciel ouvert ou bien en galeries.
Bien qu’il existe encore quelques exploitations
artisanales, la plupart des carrières disposent
aujourd’hui d’équipements mécaniques modernes.
L’appareilleur dessine les formes sur un calepin
d’appareillage.
Le tailleur de pierre débite d’abord le bloc en tran-
ches, puis coupe, façonne, moulure, les différents
éléments de pierre pour les monter, les assembler
suivant un ordonnancement rigoureux et méthodi-
que. La taille de finition ne s’effectue qu’après la
pose.
L’ornemaniste ou le sculpteur interviennent direc-
tement sur l’ouvrage après l’épannelage des pierres,
La beauté des paysages de la ville de pierre tient aux variations
bien que certaines sculptures, pour des raisons de la lumière sur le matériau, aux nuances de teintes,
pratiques, soient souvent réalisées en atelier. à la variété de la modénature et des sculptures qui donnent
du relief aux façades. Le matériau défie les styles et les époques.
✲
22 23
 Petite histoire de la pierre à Bordeaux Petite histoire de la pierre à Bordeaux

A Bordeaux, la majorité des immeubles sont construits en pierre de taille

appareillée. Travée rocaille (milieu XVIIIe s.)

Les constructions les plus anciennes présentent souvent

une maçonnerie mixte. Seuls les éléments structurels sont
en pierre de taille, le remplissage des parois est en moellons
assemblés au mortier et recouverts d’un enduit à la chaux.

24 25
 Petite histoire de la pierre à Bordeaux Petite histoire de la pierre à Bordeaux

Décor en méplat sur une travée Art déco.

La pierre calcaire est un matériau naturel qui ne demande pas d’autre

transformation que la taille. C’est un matériau noble, durable et qui peut
être réutilisé.

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 Petite histoire de la pierre à Bordeaux Petite histoire de la pierre à Bordeaux

Les assises de pierre d’un même immeuble sont parfois de qualité Les murs secondaires sont parfois construits avec des pierres de moins
différente, dans leur teinte ou leur dureté. Deux lits de pierres plus durs bonne qualité. Ce mur montre un remplissage de moellons assemblés au
ont été utilisés en allège du second étage de cette maison. mortier entre des chaînes de pierre taillée. On peut apercevoir les pierres
de taille en attente du mur de façade principal.

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 Petite histoire de la pierre à Bordeaux Petite histoire de la pierre à Bordeaux

Les parpaings de mâchefer, matériau moins résistant et moins coûteux Les maçonneries mixtes offrent des contrastes de couleur qui apportent
que la pierre, sont également dans les pignons. une animation dans le paysage urbain.

30 31
 Petite histoire de la pierre à Bordeaux Petite histoire de la pierre à Bordeaux

La pierre meulière contraste avec la pierre calcaire par sa couleur ocre A la fin du XIXe, le recours à la brique, naturelle ou vernissée,
rouge, mais aussi sa texture très rugueuse. est fréquent et annonce l’art nouveau.

32 33
 La diversité des architectures La diversité des architectures

La diversité des architectures

L’intérêt du paysage L’architecture  privée est très
présente et la maison bordelaise
bordelais tient à la diversité
des architectures qui
évolue au fil des époques mais
déclinent sur les façades
l’ornementation
elle garde, quel que soit le
du répertoire classique. budget du propriétaire, un
certain nombre de caractères
communs. Les exemples suivants illustrent les
types les plus représentatifs auxquels peuvent
se rattacher ces maisons bordelaises, quelles que
soient les variations et adaptations de chacune
d’entre elles.

Maison à pans de bois (XVIe-XVIIe)

Il ne reste que quelques maisons de ce type dans le vieux Bordeaux.
Les pans de bois sont surtout utilisés dans les parties supérieures
du rez-de-chaussée ou dans les murs secondaires en retour des maisons
d’angle. Ces murs sont parfois en surplomb de l’alignement.
Les rez-de-chaussée sont en pierre appareillée, les pans de bois
sont garnis de moellons enduits à la chaux

34 35
 La diversité des architectures
Maison à maçonnerie enduite (XVIe-XVIIIe)
Quelques maisons de ce type subsistent dans le vieux Bordeaux.
Leur façade étroite présente un pignon percé d’une grande baie cintrée
au rez-de-chaussée. Les baies des étages sont rectangulaires, parfois à
meneau. Les maçonneries des murs sur rue sont mixtes, la pierre
appareillée est utilisée pour les encadrements, le moellon en remplis-
sage est enduit. La décoration est rare, la modénature soignée dans
les bossages et les encadrements de baies.
36
La diversité des architectures
Maison de bourg (XVIIIe-XIXe)
Modestes et fragiles, ces maisons ressemblent aux maisons de bourg et
de campagne girondines, construites en moellons ou en pierres de taille
tendres, de qualité moyenne, voire médiocre. Des génoises remplacent
fréquemment les corniches. La composition des façades est simple,
sans décor, les baies rectangulaires, les linteaux droits. Des bandeaux
séparent les niveaux. Certaines maisons de ce type s’inspirent
des façades ordonnancées du XVIIIe et en reprennent les motifs : baies
en arc segmentaire, pilastres plats ou à refends.
37
 La diversité des architectures
Immeuble classique (XVIIIe)
Ces immeubles locatifs sont très fréquents à Bordeaux dans le centre
ville et les faubourgs. Ils sont construits sur cave en pierre de taille
appareillée. Ils présentent une entrée et un couloir latéral,
le rez-de-chaussée est affecté à une boutique ou un atelier.
L’escalier de pierre se situe dans le prolongement du couloir ou sur
la cour. Ces maisons en série s’élèvent sur un rez-de-chaussée à arcades
surmonté de deux ou trois étages et parfois d’un comble mansardé ou
d’un attique. Les niveaux sont marqués de bandeaux et les travées
séparées de chaînes de refends. Les baies en plein-cintre sont
fréquentes en rez-de-chaussée ; leurs grilles d’imposte sont
particulièrement soignées. Les baies d’étage en arc segmentaire sont
entourées de chambranles saillants et décorées de garde-corps en
ferronnerie.
38
La diversité des architectures
Echoppe simple (XIXe-XXe)
Au XIXe, ces petites maisons de plain-pied sont construites
par centaines et souvent en série dans toute la proche périphérie
de Bordeaux. Elles ne présentent qu’un niveau de rez-de-chaussée
parfois sur cave. A l’arrière, sur le jardin, on observe parfois deux ou
trois niveaux. L’échoppe simple présente un couloir latéral, l’échoppe
double un couloir central. Les murs de face sont en pierre de taille
appareillée. Toute la gamme décorative s’exprime en fonction
des moyens des propriétaires dans les entablements, les clés,
les menuiseries. Certaines échoppes sont associées à des travées
cochères ou à des boutiques.
39
 La diversité des architectures La diversité des architectures

Immeuble de rapport (XIXe-XXe)

Les immeubles de rapport sont fréquents dans le centre et les faubourgs
de Bordeaux. Implantés à l’alignement et en mitoyenneté ils présentent
Maison de ville ordinaire (XIXe – XXe)
deux à cinq étages de logements avec souvent des commerces en rez-
Ces maisons sont produites en grande quantité dans toute la proche
de-chaussée. Un grand nombre de travées s’observe en façade.
périphérie de Bordeaux. La maison de ville est une maison individuelle,
Les portes d’entrée, latérale ou centrale, ouvrent sur un couloir et un
mais parfois aussi locative, d’un étage sur rue, implantée à l’alignement
grand escalier qui distribue les étages.
et en mitoyenneté. Elle dispose souvent d’un jardin à l’arrière.
Les murs de face sont en pierre de taille massive forte, souvent de
Le mur de face en pierre de taille appareillée est composé généralement
double épaisseur. La composition des façades est ordonnancée,
de trois travées. La porte, latérale ou centrale, donne sur un couloir qui
la hiérarchie des niveaux est marquée par des bandeaux, cordons,
distribue les pièces de séjour en rez-de-chaussée et les pièces de nuit à
balcons filants ou balconnets, corniches et entablements décorés ou
l’étage. Ce dernier est souvent marqué par un balcon ou un balconnet.
nus selon les modes. Les immeubles de la deuxième moitié du XIXe
Les répertoires stylistiques sont des plus variés.
présentent une abondance de décor qui contraste avec ceux plus
anciens.
40 41
 La diversité des architectures La diversité des architectures

Hôtel particulier (XIXe-XXe)

Les hôtels particuliers bourgeois sont différents de ceux de l’Ancien
Régime. Ils se caractérisent surtout par la sophistication
de leur architecture et de leur décor. Implantés isolément au milieu
de vastes parcs ou bien alignés sur la rue comme les autres maisons,
leurs murs de façade sont très travaillés : appareillés en pleines pierres
dures, l’étage noble présente une mouluration et un décor raffinés.
Les saillies des balcons, consoles, balustrades, encadrements
de fenêtres, sont recherchées. Les étages en surcroît, combles
en ardoise ou attiques en pierre donnent caractère luxueux
et bourgeois à ces constructions. Les appareillages mixtes avec
des bossages rustiques, des briques et des carreaux de faïence sont
très fréquents dans ce type d’immeuble.

42 43
 La diversité des architectures
Maison de ville art déco (XXe)
Dans l’entre-deux-guerres les maisons de ville bordelaises s’adaptent
à la mode. Elles demeurent à l’alignement de la rue et conservent
un étage et un jardin à l’arrière. Les murs de face sont en pierre dure
appareillée, plus blanche, ou plus grise que les pierres locales.
Le rez-de-chaussée s’ouvre d’une porte de garage. La composition
des travées n’est plus symétrique. Les baies en anse de panier
s’élargissent, les pans coupés sont nombreux. La modénature et
le décor sont caractérisés par une grande austérité de lignes et
de composition. Les motifs géométriques sont nombreux, les décors
gravés en méplat aussi qui stylisent les formes végétales.
44
La diversité des architectures
Dernières maisons de ville en pierre (1940-1950)
Les dernières maisons de ville en pierre sont réalisées à Bordeaux
des années 1940 à 1960. Elles restent implantées à l’alignement et en
mitoyenneté sur des parcelles étroites. Elles disposent toujours
d’un jardin à l’arrière. La façade ne présente plus de symétrie.
Les baies sont désormais horizontales ou réunies en bandeau.
Les portes de garage sont intégrées au rez-de-chaussée. Les saillies
sont limitées, les balcons disparaissent. Le décor est exclu.
Seule la modénature très sobre (bandeau, encadrements de baie,
corniches) apporte du relief à la façade. Le béton entre en force dans
la construction ainsi que les pierres ou marbres de parement dans
les rez-de-chaussée et les marches de seuil.
45
 Les fragilités : reconnaître les altérations
Les fragilités :
reconnaître les altérations
Entretenir une construction Malgré son apparence robuste,
en pierre de taille impose la pierre est aussi un matériau
de bien connaître les qualités
sensible dont il faut prendre
et les fragilités de ce matériau.
soin. Elle réagit à l’eau, au
gel, à la pollution, aux bactéries, à l’acidité des
plantes, aux sels minéraux. Dans le département
de la Gironde, Bordeaux est proche de l’océan.
Les embruns chargés de sel et d’eau parcourent
les terres par très mauvais temps et agressent la
ville de pierre. Les pierres peuvent aussi se casser
sous l’effet de chocs ou de surcharges. Bien souvent,
l’altération de la pierre est due à une combinaison
de facteurs et de phénomènes variés. C’est pourquoi
seul un diagnostic complet permet de déterminer,
de comprendre les causes d’une altération et de
choisir la technique adaptée à sa restauration.
Utiliser des techniques inadaptées s’avère toujours
néfaste à plus ou moins long terme.
L’encrassement
Avec le temps, les belles nuances des façades en
pierre ternissent et deviennent grises. La plupart
du temps, des poussières s’immiscent dans les pores
de la pierre. La salissure qui en résulte apporte
progressivement des sels solubles. Au fil du temps,
ces sels dégradent la pierre.
Un degré d’encrassement trop important empêche
46
Les fragilités : reconnaître les altérations
la respiration de la pierre et gêne son séchage
naturel.
Ces salissures se concentrent souvent sur les parties
de façades qui ne sont pas “lavées” par l’eau de pluie,
en sous-face des bandeaux, corniches, dans les
parties en creux des décors et de la modénature.
Plus la porométrie (taille des pores de la pierre) est
grande, plus l’encrassement est facilité.
Les parties basses sont aussi salies par l’urine des
chiens et les corniches, bandeaux et sculptures par
les fientes des oiseaux, ce qui s’avère très nocif.
Les traces d’humidité
Les maçonneries en pierre de taille sont sujettes à
de nombreuses sources d’exposition à l’eau, l’eau de
pluie, les vapeurs d’eau résultant de l’activité de la
maison, les remontées capillaires…
L’eau ne pose pas de problème dès lors qu’elle peut
s’évacuer et sécher. Les traces d’humidité à l’intérieur
ou à l’extérieur témoignent que la pierre ne sèche
pas normalement. Plus la pierre est humide, plus
son coefficient de conductivité thermique augmente,
ce qui signifie que plus la pierre est mouillée, plus
ses capacités d’isolation sont réduites.
Les pierres en contact avec le sol sont les plus
sensibles à ces phénomènes. Les pierres en
soubassement “absorbent” l’humidité du sol qui
migre du bas vers le haut à travers le mur : ce sont
les remontées capillaires. Pour assainir le mur, il
convient de déterminer ce qui empêche qu’il sèche.
47
 Les fragilités : reconnaître les altérations
Les mousses, les lichens et la végétation
Les mousses et les lichens s’installent sur les faça-
des en pierre dès qu’elles trouvent l’humidité néces-
saire pour se développer.
Lorsque la maçonnerie comporte des fissures et/ou
que les joints des maçonneries sont abîmés, et/ou
que les descentes d’eau pluviale sont endommagées,
la végétation s’installe.
Les végétaux entretiennent l’humidité sur la façade,
ce qui empêche la pierre de sécher et favorise leur
développement. Les plantes agissent de manière
insidieuse sur la pierre, l’acidité sécrétée par les
lichens, mousses et autres organismes végétaux
altère leur surface.
Lorsqu’elles s’enracinent dans les joints ou les
fissures des maçonneries, les plantes ne font
qu’accentuer leur dégradation. Sur les balcons,
les plantes en pots peuvent aussi générer des alté-
rations car elles sont souvent chargées de résidus de
sels des engrais.
La maladie de la pierre  : le sulfin
La pollution apportée par l’eau de pluie produit
avec le temps une croûte noirâtre appelée sulfin
qui bouche progressivement les pores de la pierre
et l’empêche de respirer. Le sulfin forme des plaques
plus dures que la pierre. Avec le temps, elles se
désolidarisent de la façade, ce qui altère son aspect
de surface ainsi que ses reliefs.
48
Les fragilités : reconnaître les altérations
Les fissures et lézardes
Les fissures ou les lézardes sont dues à l’infiltration
d’eau, au gel, à de légers mouvements de terrain dus à
la nature du sol ou à des transformations inadaptées
faite sur le bâtiment après sa construction. Quand
la répartition des charges n’est plus équilibrée, des
ruptures apparaissent dans l’appareillage de la
maçonnerie.
Les tassements de sol sont très fréquents à Bordeaux
à cause de la nature marécageuse du sol et de la
proximité des nappes phréatiques.
L’éclatement
En cas de gel, si l’eau occupe le vide des pores à plus
de 85%, elle fait éclater la pierre.
Les chocs mécaniques sont aussi parfois la cause
d’éclatement.
Le salpêtre
L’eau absorbée par la pierre n’est jamais pure, elle
contient des sels solubles qui pénètrent la pierre
constamment mouillée puis séchée. Quand l’eau
s’évacue, ces sels se cristallisent. Peu à peu, ces
cristaux de sel s’accumulent à l’intérieur de la pierre,
exercent des pressions et l’altérent. Ces dégradations
se manifestent par un détachement en plaque à la
surface de la pierre : ce sont les exfoliations.
Ces formations de sels peuvent également se produire
à la surface de la pierre : il s’agit d’efflorescences. Cela
se traduit par l’apparition d’une couche poudreuse,
49
 Les fragilités : reconnaître les altérations
la plus courante est le salpêtre, présent dans de
nombreuses maisons bordelaises.
Altérations des joints
Les joints assurent la cohésion des pierres entre elles
et sont donc essentiels à la stabilité de la construction.
Sous l’action du vent et des pluies battantes, parfois
acides (acide chlorhydrique), les joints s’effritent et
se désagrègent, ce qui engendre des problèmes de
stabilité. Ces altérations peuvent être très ponctuel-
les et ne rendent pas forcément nécessaire la reprise
de l’ensemble des joints.
Les revêtements inadaptés
En revêtement de façade, certains enduits présentent
des fissures ou se décrochent par plaques, les
peintures cloquent et s’écaillent.
Par leur composition et leurs caractéristiques tech-
niques, les peintures et le ciment sont incompati-
bles avec la pierre. Le ciment est, contrairement
à la pierre, un matériau non poreux. Pourtant, au
XIXe, l’apparition du ciment a été perçue comme
une véritable révolution pour tous les métiers de la
construction.
C’est pourquoi on a voulu l’employer sur les
constructions en pierre de taille comme matériau
de revêtement sur les façades mais aussi dans la
structure des murs anciens.
50
Les fragilités : reconnaître les altérations
Appliquées sur une façade en pierre, la peinture et
le ciment forment une barrière étanche qui empê-
che la maçonnerie de respirer. La pierre située à
l’arrière d’un enduit inadapté conserve l’humidité
qui ne peut s’évaporer et ne peut sécher. Elle va
petit à petit fondre et se transformer en poudre,
jusqu’à ce que la couche de ciment se désolidarise
de son support et laisse entrevoir la pierre abîmée.
La peinture pénètre dans les pores de la pierre, et
l’humidité qui cherche à s’échapper l’écaille rapi-
dement jusqu’à ce qu’elle se décolle par petits mor-
ceaux. Elle est d’autant plus difficile à nettoyer
qu’elle a pénétré dans les pores de la pierre.
Les qualités thermiques du matériau sont compro-
mises par des revêtements inadaptés. L’habitation
devient humide et l’air à l’intérieur de la construc-
tion n’est plus sain. Pierre et maison se dégradent
rapidement. L’esthétique du bâtiment est égale-
ment altérée. Un bâtiment ancien et les qualités
de sa mise en oeuvre peuvent ainsi disparaître
sous l’aspect d’un bâtiment neuf.
Les placages, même en pierre, ne sont pas
satisfaisants car l’épaisseur est insuffisante pour
garantir la solidité de la maçonnerie. Les mortiers
ou colles utilisés pour les fixer peuvent avoir le
même effet que le ciment. Seules des reprises
de parements de forte épaisseur convienne pour
restaurer les maçonneries très abîmées.
✲
51
 Les fragilités : reconnaître les altérations Les fragilités : reconnaître les altérations

Avec le temps, les belles nuances des façades en pierre Si elle n’est pas nettoyée, la pierre calcaire noircit et le détail
calcaire ternissent et deviennent grisâtres. de l’architecture des façades s’efface sous une couche de pollution.

52 53
 Les fragilités : reconnaître les altérations Les fragilités : reconnaître les altérations

Le décor et notamment les ornements sculptés accroche en premier lieu Les salissures se concentrent dans les creux et en sous-face des éléments
la poussière. en relief qui ne sont pas naturellement lavés par l’écoulement des eaux
de pluies

54 55
 Les fragilités : reconnaître les altérations Les fragilités : reconnaître les altérations

Les parties horizontales sèchent moins vite que les parties verticales de Les pieds d’immeuble et le cartier en contact avec l’eau de pluie et
la façade. C’est là que prolifèrent les lichens qui forment des tâches gris l’humidité du sol sont les plus fragiles. C’est là que se développe
jaune. la végétation.

56 57
 Les fragilités : reconnaître les altérations Les fragilités : reconnaître les altérations

La pollution entraîne avec le temps la production d’une couche noirâtre

(le sulfin) qui bouche les pores des pierres et l’empêche de respirer.

Les fissures ou lézardes sont le signe de désordres plus ou moins

importants dans la structure de la construction.
Ils peuvent être liés à l’effet du gel ou aux tassement de terrain mais
aussi aux surcharges survenues après des travaux de modification
de façade.

Le sulfin empêche la pierre de respirer et se détache par plaques,

laissant apparaître les pierres altérées par l’humidité.

58 59
 Les fragilités : reconnaître les altérations Les fragilités : reconnaître les altérations

La peinture se décolle très rapidement de la pierre sous l’action Les bandeaux et encadrements en pierre se désagrègent au-dessus
de l’humidité qui cherche à s’échapper de l’intérieur du mur. d’une reprise en ciment. Le ciment est imperméable et empêche
la pierre de respirer.

60 61
 Conseils Conseils

Conseils Faire appel à des professionnels

L’embellissement et la mise Faire un diagnostic
en valeur des architectures Avant toute intervention, il
de pierre vont du simple
est primordial d’effectuer un
nettoyage à des travaux
de restauration importants.
diagnostic précis.
Afin d’éviter de lourds Les variétés de pierre ont
chacune leur façon de vieillir
travaux,il convient  d’entretenir
en fonction de leur prove-
régulièrement les constructions
et de respecter les
nance, de leur emploi et de
caractéristiques du matériau
pour ne pas engendrer des
leur exposition. Le diagnos-
altérations irrémédiables. tic permet de déterminer la
nature et les causes des alté-
rations constatées mais surtout de déterminer
l’urgence des travaux et les procédés à mettre
en œuvre.
Le diagnostic doit prendre en compte:
•La nature de la façade,
•L’origine et les caractéristiques techniques des
matériaux de la construction,
•Les différentes causes des dégradations,
•La nature de la saleté et le degré d’encrassement,
•Le niveau d’usure des pierres,
•L’identification des pierres à assainir et à restaurer
ou à remplacer,
•L’état des joints et leur composition (avec ou
sans ciment blanc),
•Le diagnostic s’appuie sur la lecture de la
façade.
62
L’entretien, la mise en valeur et la restauration des
architectures de pierre imposent une connaissance
approfondie des techniques de construction et
de restauration. Le diagnostic, le programme de
travaux à réaliser, l’adéquation entre le budget
et le résultat escompté, le choix des entreprises,
l’analyse des devis, la conduite d’un chantier et la
coordination des entreprises sont des tâches qu’il est
nécessaire de confier à des professionnels qui sont
capables de contrer tous les désagréments possibles
en cas d’imprévus. C’est le travail des architectes
du patrimoine, spécialistes de la restauration des
bâtiments anciens.
Ils vous apporteront leurs compétences et leur
expérience mais aussi la garantie de travaux
réalisés dans les règles de l’art.
•Choisir un architecte
Le choix de l’architecte qui vous accompagnera
pour mener à bien votre projet est très important
car il prendra en charge vos travaux et sera votre
interlocuteur jusqu’à la fin du chantier. Vous pou-
vez vous renseigner auprès de l’Ordre des archi-
tectes.
•Consulter plusieurs entreprises et analyser les
devis
Au moment de choisir une entreprise, il convient de
faire établir plusieurs devis. Il est indispensable de
rencontrer l’entreprise et de préciser avec elle les
travaux nécessaires et le niveau de finition attendu.
63
 Conseils
Les coûts ne sont comparables que si les travaux
apparaissant dans le devis sont identiques. Il est
possible de demander à chaque entreprise de pro-
poser des variantes selon les techniques préconi-
sées. Il ne faut choisir la solution la moins coûteuse
que si l’on est conscient du résultat que l’on peut
attendre des travaux qui ont été chiffrés.
•Connaître les qualifications des entreprises
consultées
Le travail de la pierre, son entretien et sa res-
tauration imposent des savoir-faire spécialisés
qui font l’objet de qualifications particulières. Il
en existe plusieurs qui correspondent aux tech-
niques maîtrisées par l’entreprise qui les a obte-
nues.
•Faire réaliser des essais
Des tests sont nécessaires pour s’assurer que le
résultat soit satisfaisant et que la technique choi-
sie est la plus adaptée.
Observer la façade et repérer les désordres
Il est important d’observer la façade et de pouvoir
détecter les petits désordres qui pourraient devenir
plus importants. Le nettoyage ne peut être entrepris
que sur une façade en bon état. Si la façade n’est
pas en bon état, des travaux de restauration sont
nécessaires au préalable.
64
Conseils
Vérifier
•L’aspect extérieur général
Des salissures irrégulières sont souvent le symptôme
de l’altération de la pierre.
Les parties basses comme les soubassements et les
éléments en saillie comme les bandeaux, frontons,
balcons ou appuis de fenêtres, sont les plus exposés
et donc les plus fragiles.
Les lichens et les mousses sont les premiers indices
d’humidité. Si ces mousses et lichens s’installent, ils
contribuent à gêner la respiration et le séchage des
pierres. Ils doivent être nettoyés régulièrement, au
printemps et à l’été.
Vérifier
•Le bon état des pierres appareillées
Les croûtes noirâtres et les irrégularités de surfa-
ces indiquent que les pierres sont malades. L’action
conjointe de l’eau et de la pollution bouche les pores
du calcaire et forme du sulfin. Cette croûte superfi-
cielle est étanche. Elle doit être enlevée car elle ne
peut être nettoyée.
Les fissures ou lézardes indiquent que la construc-
tion a bougé et que la maçonnerie n’a pas pu amor-
tir les mouvements ; les pierres n’ont pas résisté
et se sont cassées. Cela ne remet pas forcément
en cause la stabilité de la construction mais des
travaux de restauration sont alors nécessaires. Il
faut constater si la situation est évolutive ou s’est
figée. Pour cela il est important de vérifier que ces
65
 Conseils
fissures ne s’agrandissent pas et de faire réaliser
un diagnostic approfondi de la structure et des
fondations.
Vérifier
•Le bon état de l’étanchéité des couvertures,
gouttières, chéneaux, balcons, appuis de fenêtres
et évacuations d’eaux pluviales.
L’eau qui s’écoule depuis la toiture ne doit pas
ruisseler abondamment sur les façades en pierre
calcaire, mais doit être canalisée et évacuée dans
le réseau d’eaux pluviales.
Un bon écoulement implique que les gouttières,
chéneaux et descentes n’aient pas de fissures et
ne soient pas bouchées. On remarque souvent des
salissures plus importantes aux endroits où ces
éléments sont abîmés. Parfois même, la végéta-
tion s’est installée.
Les corniches et les autres éléments en relief de
la façade contribuent aussi à rejeter les eaux de
pluie vers l’extérieur. S’ils sont endommagés, ils
ne remplissent plus cette fonction et l’eau peut
pénétrer dans les pierres et les joints, les dégra-
der et provoquer des désordres plus importants.
Ces éléments doivent être réparés avant tout net-
toyage.
Vérifier
•Le bon état de scellements
Des salissures ponctuelles ou des coulures appa-
66
Conseils
raissent parfois au droit de certains éléments
métalliques comme les gouttières, les chéneaux,
les garde-corps ou les balcons, les gonds des
volets, ou autres dispositifs accrochés à la façade.
L’humidité provoque la corrosion qui se traduit
par le gonflement des éléments métalliques qui
rouillent et finissent par casser la pierre.
Ces supports doivent être gardés propres et en bon
état, de même que leurs fixations dans le mur.
Vérifier
•Le bon état des joints 
Les joints doivent être réguliers, secs et durs. Ils
assurent la cohésion des pierres entre elles. S’ils
sont irréguliers et abîmés, l’eau pénétrera plus
facilement et en plus grande quantité dans le mur
qui séchera mal. Les mousses et les lichens pourront
se développer plus facilement et aggraveront la
situation. Les joints défectueux doivent être grattés
sans altérer les pierres et refaits proprement.
Vérifier
•Le bon état des enduits 
L’enduit doit être lisse et régulier sans cloques, ni
surépaisseur, ni auréoles ou tâches. Ces désordres
sont le signe d’une humidité qui persiste à l’inté-
rieur du mur. Un enduit adapté ne doit être passé
qu’après assainissement du mur.
67
 Conseils
Quand et comment nettoyer une façade en pierre
Le nettoyage consiste à décrasser une façade. Il
vise l’embellissement mais aussi l’assainissement
des pierres par la suppression de la pollution
qui la rend malsaine. Le nettoyage ne peut être
entrepris que sur une façade en bon état. Sur une
façade en bon état, l’encrassement est régulier,
les pierres sont dures et ne présentent pas de
fissures ou de lézardes, les joints sont réguliers,
les éléments assurant l’écoulement des eaux de
pluies sont étanches. Le nettoyage de la pierre
ne doit pas être considéré comme une “ remise à
neuf  ”, il doit se contenter d’enlever la salissure
et laisser la patine. Les techniques utilisées ne
doivent pas laisser de polluants et encore moins
en apporter.
Préserver la protection naturelle de la pierre
La surface de la pierre est sa première protection
naturelle, appelée calcin. Celui-ci est très fragile
et ne doit en aucun cas être supprimé lors d’un
nettoyage.
Choisir la bonne technique
Il existe plusieurs techniques adaptées à chaque
situation, selon le degré d’encrassement, la dureté
de la pierre, la finesse de l’ornementation. Chacune
présente des avantages et des inconvénients, et
leur coût dépend essentiellement du temps et
du soin nécessaires à leur mise en œuvre. Il faut
68
Conseils
éviter les méthodes agressives et les polluants.
Si la façade est peu sale
Pour les façades en pierre tendre et peu sales, un
brossage ou un lavage à faible pression avec de
l’eau peut être suffisant. L’eau peut être projetée
sous forme de brume ou ruisseler le long de la
façade. Une autre technique consiste à enduire de
savon le mur et procéder ensuite à un rinçage.
Si la façade présente des mousses ou lichens
Les mousses ou lichens peuvent être éliminés par
brossage à l’eau ou à l’aide d’un produit spécifi-
que. Il convient alors d’être prudent sur la compo-
sition de ces produits qui peuvent être polluants
et toxiques pour la pierre comme pour l’environ-
nement.
Si la façade est très sale
Pour les façades en pierre dure présentant un fort
degré d’encrassement, le nettoyage au savon s’avère
moins efficace, car plusieurs passes sont nécessaires
avant d’obtenir un résultat satisfaisant.
Seule la retaille mécanique apporte une solution
satisfaisante. Elle consiste à retirer les croûtes et à
régulariser la planéité de la façade en supprimant
un peu de son épaisseur. Cette opération ne doit pas
être répétée car elle affaiblit la résistance du mur.
Les alternatives sont :
- La projection sous pression d’eau ou de vapeur
69
 Conseils
d’eau, réponse la moins dangereuse pour la pierre.
- La projection de particules abrasives (sable,
noyaux de pêches broyés, poussière de verre…) à
l’eau permet un nettoyage rapide des façades très
encrassées. Elle est cependant très agressive et
ne doit pas être utilisée en cas de pierres de diffé-
rentes duretés. Le réglage qui convient pour les
pierres dures provoque en effet des trous et des
microfissures dans les parties plus tendres. On
parle alors de sablage, de micro sablage, de gom-
mage, selon la composition de l’abrasif projeté.
La réussite de telles opérations est directement
liée à la formation et à l’expérience de l’interve-
nant qui doit maîtriser les angles d’attaque du
jet ainsi que la durée d’exposition du parement
au jet.
Dans tous les cas, il est fortement conseillé qu’un
professionnel expérimenté teste ces méthodes
sur une petite surface avant de les appliquer à
l’ensemble de la façade.
Si la façade a été peinte
La peinture, quelle que soit sa qualité, n’est pas
adaptée sur les façades en pierre. Elle ne permet
pas l’évacuation de l’humidité et rapidement, elle
fait des cloques et se détache par croûte. Elle nuit
à la lisibilité de la façade car elle masque la tex-
ture, l’appareillage des pierres et la finesse de la
modénature et des sculptures.
70
Conseils
Il convient de :
- décaper mécaniquement sans agresser la pierre
- nettoyer les résidus
Dans le cas de salpêtre
La pierre doit être dépolluée des sels minéraux.
Après brossage des murs, des produits spécifiques
peuvent être appliqués par compresses.
Ils absorbent les sels et assainissent les murs.
Les parties les plus fragiles, les ornements et les
décors
Certaines parties des façades en pierre sont plus
fragiles que d’autres. C’est le cas des décors souvent
très fins qui individualisent les maisons. Bien que
les sculptures soient généralement réalisées avec
des pierres dures, un nettoyage à trop forte pression
peut les endommager. Le relief et les motifs risquent
d’être effacés.
- Le nettoyage au laser
La salissure est décollée et désintégrée par les
bombardements d’un rayon laser sans toutefois
altérer la pierre sous-jacente.
- Le nettoyage par compresses
Ce procédé consiste à appliquer, par l’intermédiaire de
compresses ou de cataplasmes, un produit chimique
qui dissout la saleté. La façade est ensuite nettoyée
et rincée.
- Les films pelables (peeling)
Le produit liquide appliqué sur la maçonnerie se
71
 durcit et prend la forme d’un film flexible sur lequel
se fixe la saleté accumulée sur la façade.
Certaines façades gardent la mémoire d’anciens
noms de rues, gravées en creux à même la pierre.
Ces noms anciens sont précieux et ne doivent pas
être effacés.
Quand et comment restaurer des maçonneries en
pierre
Si la façade n’est pas en bon état
Des travaux de restauration s’imposent et aucune
technique de nettoyage n’apportera de résultat
satisfaisant et durable. Pour engager une restau-
ration, il faut faire appel à des professionnels pour
réaliser un diagnostic technique complet, effectuer
les sondages nécessaires, proposer les réponses
adaptées et garantir la durabilité de travaux qui
peuvent être coûteux. Consulter un architecte ou
un architecte du patrimoine s’avère souvent indis-
pensable quand il s’agit de restaurer les maçonne-
ries en pierre.
La qualité et l’aspect des murs intérieurs et exté-
rieurs sont indissociables. Restaurer la maçonnerie
embellit la façade mais surtout assainit également
l’intérieur des constructions.
Si l’enduit est abîmé ponctuellement  Incompatibles avec la pierre, ils finissent par fis-
Les murs en moellons doivent être recouvert d’un
72
enduit à la chaux aérienne (CL90) qui protége le
mur des intempéries. Avec le temps, les mouve-
ments des murs, des chocs, l’humidité, l’enduit
peut être abîmé et doit être réparé.
Il convient de : 
- brosser afin de supprimer toutes les parties de
l’enduit qui se décollent et les impuretés,
- réparer les parties dégradées avec un enduit
comparable en teinte et texture.
Si l’enduit est humide
Il est tâché d’auréoles ou présente des surépais-
seurs, c’est qu’il empêche l’évacuation de l’humi-
dité provenant de l’habitation ou des remontées
capillaires.
Il convient de le déposer et de le remplacer par un
enduit à la chaux aérienne (CL90). Si le mur est
en moellons, il doit être recouvert d’un enduit qui
le protége des intempéries. Si le décapage de l’en-
duit révèle une maçonnerie appareillée en pierre
de taille, la retaille peut être plus satisfaisante, et
un enduit n’est pas forcément nécessaire.
Si des parties de la façade ont été enduites au ciment 
Les parties les plus fragiles et exposées des
constructions en pierre comme les soubassements
ou les encadrements de baies ont pu avoir été
réparés avec des mortiers inadaptés.
surer et se désolidariser du mur par plaques.
73
 Conseils
À l’arrière, la pierre est souvent abîmée parce
qu’elle a été piochée afin de favoriser l’adhérence
du ciment, et parce que l’humidité l’a attaquée.
Restaurer le mur implique en premier lieu de déposer
tous les enduits anciens.
Ensuite, selon l’état des pierres, il est possible de :
-procéder à un ravalement complet qui supprimera
l’épaisseur de pierre nécessaire pour retrouver une
surface plane.
-enduire avec un enduit traditionnel à la chaux
aérienne (CL90).
Si quelques pierres sont abîmées
Une fois supprimées les causes des altérations, les
pierres abîmées peuvent être réparées ou repla-
cées.
Une pierre abîmée affaiblit la construction et doit
être remplacée. Le remplacement consiste à chan-
ger une pierre sur tout ou partie de son épaisseur.
La réparation se fait exclusivement avec des mor-
tiers de chaux (CL90), et le remplacement par des
pierres de même nature.
Il convient de :
- retirer les parties de pierre endommagées jusqu’à
atteindre la partie saine (c’est ce que l’on appelle
un refouillement) et étayer la partie affaiblie si
nécessaire,
- respecter le dessin de l’appareillage et des mou-
lures,
74
Conseils
- choisir la couleur selon la teinte des pierres
conservées,
- faire les joints en harmonie avec les joints conser-
vés.
Les pierres neuves peuvent être patinées pour
harmoniser l’ensemble et gagner du temps sur
l’oxydation naturelle. Après la patine, il est par-
fois impossible de voir quelles pierres ont été
remplacées: seul le tailleur de pierre le sait.
La réparation par l’utilisation de mortiers imitant la
pierre est possible pour les altérations légères des
parements, des petites fissures et sur de petites sur-
faces. Il s’agit d’un ragréage qui consiste à rebou-
cher les endroits où la pierre est abîmée avec un
mortier de chaux aérienne (CL90).
Il convient de :
- brosser afin de supprimer toutes les parties mala-
des et impuretés,
- utiliser un mortier de chaux,
- choisir la couleur du sable selon la teinte de la
pierre,
- reformer les joints selon l’épaisseur et la nature
des joints existants,
- poncer et patiner les parties neuves pour se
fondre dans la façade.
Si l’ensemble est très altéré
Quand l’ensemble de la façade a été pioché et
présente de grosses irrégularités, un ravalement
75
 Conseils
complet peut être envisagé. Le ravalement n’est
pas un simple nettoyage comme il est d’usage
d’employer qu’en cas le mot dans le langage cou-
rant. C’est une intervention lourde qui consiste à
régulariser la façade en supprimant l’épaisseur de
pierre abîmée.
Il se traduit par le retaillage d’un à trois centimè-
tres du nu extérieur de la façade, généralement
avec un outil connu sous le nom de chemin de fer.
Cette méthode ne doit être employée qu’en cas
extrême, et de manière exceptionnelle, car elle
consomme l’épaisseur de la pierre.
Si les joints sont abîmés
Le jointoiement est un art. Il n’est pas nécessaire
de refaire tous les joints, seulement ceux qui sont
altérés et représentent une faiblesse et n’assurent
plus leur fonction d’étanchéité d’une façade. Les
mortiers des joints anciens abîmés sont grattés
(sciottés) sans épaufrer les pierres. Les joints sont
regarnis d’un mortier le plus proche possible de
la teinte des pierres. De loin, l’ensemble doit se
présenter uni et les joints les plus fins possibles.
Il convient de :
- dégarnir les joints à la sciotte ou au ciseau, sans
épaufrer les lèvres des pierres ni élargir les joints.
Les joints neufs doivent être identiques à ceux
conservés. Ils ne doivent pas être plus durs que le
matériau que l’on rejointoit, - préparer un mortier
de joint, avec de la CHAUX, du SABLE et de la
76
Conseils
PIERRUCHE, dans des proportions variables, en
fonction de l’existant, de la nature de la pierre, de
la couleur recherchée,
-tamiser le mélange pour obtenir un mortier très fin
qui permet de remplir les espaces les plus étroits,
-mouiller le mélange pour obtenir un mortier onc-
tueux. S’il est trop liquide, il bave, tâche la pierre
et faïence ; s’il est trop sec, il est difficile d’emploi
et tient mal,
-dépoussiérer et humidifier le support avant l’ap-
plication,
- gratter au bon moment (l’expérience !).
Le joint bien refait est le prolongement du nu du
parement, pas de retrait ni de surépaisseur qui
faciliterait les retenues des salissures ou des pol-
lutions. On ne jointe pas par temps de gel, ni sous
la canicule !
Si des modifications de la structure sont envisagées
Les travaux de création d’ouverture, surélévation,
remplacement de plancher… s’ils ne sont pas exé-
cutés dans les règles de l’art, peuvent être la cause
de désordres structurels qui se traduisent par des
fissures ou des lézardes.
Toute modification de l’ordonnancement d’une
façade ne peut être envisagée sans une étude
préalable et une consultation des services compé-
tents (Ville, architectes des bâtiments de France,
CAUE).
77
 Conseils
Avant de réaliser les travaux, il convient de :
- faire un diagnostic,
- s’assurer que l’épaisseur et l’appareillage des
murs anciens supportent les travaux prévus,
- choisir les procédés et les matériaux adaptés,
- obtenir l’autorisation d’urbanisme nécessaire en
s’adressant au service du droit des sols et de l’ar-
chitecture durable.
La protection des façades en pierre
Le calcin est la protection naturelle de la pierre
calcaire. Il faut d’abord veiller, lors du nettoyage
de la pierre, à le préserver.
Cette protection naturelle peut être complétée par
un chaulage qui permet d’uniformiser le neuf et
l’ancien par exemple, éviter de trop insister trop
lors du gommage pour obtenir une façade immacu-
lée. Un chaulage n’est pas irréversible. Il doit être
discret et sans coulures, c’est-à-dire invisible.
Les chaulages doivent être composés de chaux
aérienne (CL90), de pigments (terre de Sienne
naturelle claire, ocre jaune etc...) et d’eau, car il ne
faut pas qu’ils soient trop blancs ! Pour obtenir la
pérennité et une bonne résistance à la pluie, il est
d’usage d’ajouter une petite proportion de résine
d’accrochage (latex par exemple <5%). Le mélange
est très fluide et très transparent.
Sur toutes les saillies, bandeaux, corniches, fron-
tons, il est recommandé d’apposer une protection
78
Conseils
en métal, pour défendre les immeubles contre les
fientes de pigeons, les mousses et les lichens.
À éviter
- Empêcher la pierre d’évacuer l’humidité
- Nettoyer une façade alors que les causes de l’en-
crassement subsistent,
- Ôter le calcin qui protège la pierre,
- Utiliser des procédés à grande eau en période
de gel,
- Camoufler les défauts avec de la peinture ou de
l’enduit au ciment,
- Utiliser des matériaux incompatibles comme les
ciments ou peintures hydrofuges,
- Abîmer les pierres en regrattant les joints.
Les bons choix pour l’environnement
•La pierre est un matériau rare, ce qui en fait un
matériau précieux. Quand un bâtiment en pierre
est démoli, les pierres devraient être récupérées
et réemployées par la suite en construction neuve
ou en restauration lorsqu’elles ne sont pas en trop
mauvais état. Il faut s’assurer lors de son réem-
ploi, que la pierre n’est pas trop chargée en sels
solubles, ce qui pourrait endommager les pierres
voisines.
•Choisir les procédés les plus économes en eau et
en énergie et qui permettent de traiter les éven-
tuels déchets.
•Éviter les produits toxiques qui peuvent atta-
quer la pierre mais sont aussi potentiellement
✲
dangereux pour l’environnement. 79
 Conseils
Les procédés abrasifs (sablage, ravalement, chemin de
fer) sont interdits. Le nettoyage est un terme plus exact que
le ravalement pour désigner l’opération courante qui consiste
à décrasser une façade. Ce nettoyage doit être respectueux
du calcin qui protège la pierre et ne pas l’ôter.
Le plus souvent, un nettoyage au savon seul est suffisant.
80
Conseils
1 2
1 - Degré d’encrassement trop important pour un nettoyage au savon.
2 - Des tests sont nécessaires pour voir le résultat.
Ici, essai de nettoyage au savon.
3 4
3 - Nettoyage au savon et patine : détails du fini.
4 - Les dangers d’une pression trop forte : altérations des surfaces
et des calcins.
81
 Conseils
1 2
1 - Avant le nettoyage, quel que soit le procédé adopté, il faut déposer
les éléments qui sont fixés dans le mur, comme les plaques de rue,
enseignes, sinon le relief de la pierre apparaît lorsque l’on dispose
ces éléments après nettoyage. Sinon, le relief de la pierre apparaît
lorsque l’on dépose ces éléments après nettoyage.
2 - Des recharges (ragréages très fins) peuvent être réalisées.
82
À éviter
3 4
3 - Pulvérulences : à nettoyer et re-minéraliser.
4 - De mauvaises pierres, ou des pierres mortes, peuvent avoir été
employées. Il peut aussi s’agir d’un délit, c’est-à-dire que la pierre
n’a pas été posée dans le bon sens par rapport à ses caractéristiques
structurelles. Dans ces cas, il faut changer les pierres détériorées.
83
 À éviter
Bien que ces sculptures aient été réalisées sur des pierres plus dures
que celles de remplissage, un nettoyage à trop forte pression les a
endommagées. Le relief et les motifs se sont effacés.
Les adresses gravées sont la mémoire des anciens noms des rues et
ces inscriptions ont aussi une valeur historique. Au temps des Intendants,
on appelait la place de la victoire, « Place d’Aquitaine », et sous la révolution,
« Place de la convention ».
84
À éviter
Quelle que soit la technique employée (en gros œuvre, enduit ou
placage) le ciment est un matériau incompatible avec la pierre.
Il l’empêche de respirer, accélère les remontées d’humidité, et dégrade
profondément la pierre calcaire. Il est donc déconseillé d’employer
du ciment, seule la chaux convient.
Les soubassements sont les parties les plus fragiles car ils sont les plus
exposés à l’humidité. Les peindre produit un effet de « propre »
qui n’est pas durable et surtout risque de gêner l’évacuation
de l’humidité et le séchage des pierres. Seuls les enduits et badigeons
à la chaux sont adaptés mais ne sont pas recommandés car il faut les
refaire tous les ans.
85
 À éviter À éviter

Le placage des pierres n’est pas une solution durable pour la restaura-
tion des façades en pierre de taille. Il n’est pas assez épais pour garantir
la solidité de la maçonnerie,
Les peintures synthétiques non respirantes type acrylique fonctionnent il camoufle les dégradations et ne conforte pas la maçonnerie.
de la même manière que le ciment en créant une barrière étanche
à la surface de la pierre. Elles compromettent la respiration.
La peinture se détache rapidement par petites croûtes sous l’action
de l’humidité qui tente de s’échapper de la pierre.
Le seul remède est le décapage chimique avant un nettoyage par
projection.

Les enduits au ciment sont non poreux. Appliqués sur la pierre, ils Les placages même en pierre ne sont pas satisfaisants car
empêchent son séchage naturel et conservent l’humidité dans les murs. leur épaisseur est insuffisante pour garantir la solidité
À la longue cette humidité provoquera la désagrégation de la pierre. de la maçonnerie.
Les colles employées peuvent avoir le même effet que le ciment.

86 87
 À éviter Conseils

Des altérations lourdes en façade peuvent nécessiter un véritable

ravalement, c’est-à-dire la reprise sur un ou deux centimètres du nu Bien choisies, les pierres de remplacement, si elles ne sont pas
extérieur de la façade. Cette méthode ne doit être employée qu’en cas invisibles, s’intègrent parfaitement dans les façades, elles se patineront
extrême nécessité, car elle consomme l’épaisseur de la pierre. avec le temps.

88 89
 Conseils Conseils

1 2 3 4

1 - Le refouillement – opération préalable au remplacement de(s) pierre(s) 3 - Le remplacement de pierres pleines nécessite un mortier mince
– peut s’effectuer selon des profondeurs variables. adapté. Ici, on rejointoie la pierre neuve repositionnée.

2 - Les pierres moulurées doivent être remplacées en suivant le module 4 - Le jointoiement est un art. Les mortiers des joints anciens abîmés
et le profil existants. sont grattés sans épaufrer les pierres.
La pierre remplacée sur le même profil, la partie supérieure est ragréée
en attente de patine, les joints sont regarnis ensuite.

90 91
 Conseils Conseils

Après le nettoyage ou les travaux de restauration, il est possible de

1 2
1 - Les joints sont regarnis d’un mortier le plus proche possible
de la teinte des pierres.
réaliser un chaulage qui protége la pierre et permet d’uniformiser
le neuf et l’ancien.
Il doit être discret et sans coulures, c’est-à-dire invisible et composé
à base de chaux aérienne (CL90).

2 - De loin, l’ensemble doit se présenter uni et les joints les plus fins
possibles.

La qualité des joints contribue à la solidité de la maçonnerie mais

également à l’esthétique de la construction. Ici des joints trop épais
et irréguliers perturbent la lecture de l’architecture.

92 93
 Conseils
Formalités administratives
Pour réaliser certains travaux sur la pierre
(ravalement, modification de façade etc…), une
déclaration préalable doit être déposée en Mairie
auprès de la Direction du droit des sols et de l’ar-
chitecture durable.
Cette déclaration permettra aux services com-
pétents (Mairie, architecte des bâtiments de
France) de s’assurer que votre projet respecte les
règles d’urbanisme et d’architecture en vigueur
dans la ville.
Le formulaire de déclaration préalable est
disponible
- à la Mairie de Bordeaux, Direction Générale de
l’Aménagement - Direction du droit des sols
57 Cours Pasteur
33 000 Bordeaux ;
- sur le site internet de la Mairie  la situation de votre immeuble : consultez la direc-
www.bordeaux.fr : accueil /vos démarches /toutes les
démarches /logement-urbanisme /constructions /
formalités ;
- sur le site internet du Ministère de l’Équipement  La mairie dispose d’un mois pour instruire le dos-
www.developpement-durable.equipement.gouv.fr
Pièces à joindre pour une déclaration préalable
L’imprimé de demande : identité du ou des décla-
rants, localisation et superficie du ou des ter-
rains, nature des travaux ou du changement de
94
Conseils
destination, SHON et destination des construc-
tions projetées.
•Le plan de situation permettant de connaître la
situation du terrain à l’intérieur de la commune.
Il s’agit d’un plan de Bordeaux avec l’indication
du terrain par rapport à la rue et à la ville.
•Un plan de masse coté dans les 3 dimensions
lorsque le projet a pour effet de créer une construc-
tion ou de modifier le volume d’une construction
existante.
•Une représentation de l’aspect extérieur de la
construction faisant apparaître les modifications
projetées si le projet a pour effet de modifier celui-
ci.
•Un plan des façades et des toitures lorsque le
projet a pour effet de modifier les façades ou les
toitures d’un bâtiment existant. Ce plan fait appa-
raître l’état initial et l’état futur.
D’autres pièces peuvent être nécessaires suivant
tion du droit des sols.
Délais d’instruction du dossier
sier s’il est complet. Le délai d’instruction passe
à deux mois dans un certain nombre de situa-
tions, notamment lorsque les travaux sont situés
en secteur sauvegardé ou en zone de protection
d’un monument historique,ce qui est souvent le
cas à Bordeaux.
95
 Le cas échéant, les pièces manquantes sont de-
mandées par lettre recommandée avec accusé
de réception ; elles doivent être fournies dans un
délai de 3 mois.
Le délai d’instruction commence à courir à partir
de la réception par la Mairie du dossier complet.
Réponse
• Si la réponse est favorable, la mairie le fait savoir
par lettre recommandée avec accusé de réception.
• Si la mairie s’oppose au projet ou y impose des
prescriptions particulières, elle donne une réponse
fondée, adressée par lettre recommandée avec
accusé de réception.
La déclaration préalable est valable durant 2 ans.
Les travaux doivent commencer dans ce délai et
ne peuvent pas être interrompus pendant plus
d’une année. La décision peut être prolongée d’une
année si une demande intervient au moins 2 mois
avant l’expiration du délai de validité de la décla-
ration préalable.
Toutefois, la prorogation ne peut être accordée que
si les prescriptions d’urbanisme ou les servitudes
n’ont pas évolué de façon défavorable.
Si vous effectuez d’autres travaux (surélévation,
changement de destination etc…), un autre type
d’autorisation d’urbanisme peut être nécessaire :
consultez la direction du droit des sols.
Si vos travaux nécessitent l’occupation du domaine
96
public (échafaudage, clôture, benne..), veuillez pren-
dre contact avec la Direction de la Proximité - service
surveillance administrative - 17 place Pey Berland
33 077 Bordeaux Cedex – Tél.: 05 56 10 28 01
En savoir plus
Bibliographie
ALADENISE V., Taille de pierre, Technologie, Paris,
Librairie du Compagnonnage, 1991.
CAUSSARIEU Alexandre, GAUMART Thomas, Guide
pratique de la rénovation de façades; Pierre, Brique,
Béton, Paris, Eyrolles, 2005.
COIGNET Jean, COIGNET Laurent, La maison ancienne,
Construction, diagnostic, interventions, Paris, 2002.
COIGNET Jean, Réhabilitation. Arts de bâtir
traditionnels : connaissances et technique, Aix-en-
provence, Edisud, 1987.
ÉCOLE D’AVIGNON, Techniques et pratique de la CHAUX,
Second Oeuvre Eyrolles, 2003.
LAURENT Jean-Marc, Restauration des façades en
pierre de taille, Paris, Eyrolles, 1994.
MISSEGUE Jean, Bordeaux Langage de pierre, Bouloc,
2007.
VALLIERE Gilbert, Le ravalement de façade, Mode
d’emploi Nettoyage et décapage des façades anciennes
et modernes, guide pratique, Eyrolles, 1998.
Colloques 
Colloques sur l’altération des pierres / Conferences on
the weathering of stones. Bruxelles/Brussels, 25-26
97
 Conseils Conseils

février 1966 ; 20-21 décembre 1967. Paris: ICOMOS, d’autres échantillons provenant de lieux d’extraction
1968. 176 p autres comme les Charentes et le Poitou qui ont servi à
la construction de nombreux édifices bordelais.
Sites Internet
> www. ffbatiment.fr Le dépliant «BORDEAUX VILLE DE PIERRE»
Fédération française du bâtiment : propose un itinéraire de découverte dans la ville et
Possibilité de rechercher une entreprise présente les outils utilisés par les carriers, maçons et
> www. capeb.fr tailleurs de pierre.
Confédération de l’artisanat et des petites
entreprises du bâtiment : a une rubrique Porte Cailhau, Place du Palais
“pour les travaux”. Ouvert de juin à septembre de 14h à 19 heures
> www.qualibat.com Exposition d’outils de tailleurs de pierre
Organisme de qualification et de certification (collection Jean Missègue) réalisée avec le concours
des entreprises du bâtiment : aide à la recherche des du Musée d’Aquitaine et la Mémoire de Bordeaux et en
entreprises certifiées partenariat avec les Compagnons du devoir. (Ouverture
> www.lrmh.fr prévue été 2009)
Laboratoire de recherche sur les monuments
historiques
✲
Office de tourisme
Bordeaux Monumental
28 rue des Argentiers
Ouvert tous les jours
Entrée gratuite
Tél.: 05 56 48 04 24

La lithothèque (collection lithologique)

Elle regroupe une quarantaine d’échantillons de pierres
issues des principales carrières de la région (Camarsac,
Frontenac, Bourg, Saint-Macaire, etc...) complétée par
98 99
 Carnets
d’une ville
ÉPILOGUE

en héri-
100
tage 101
 Sommaire Le temps des villes
103 Le temps des villes L’individu a son histoire ; On oublie trop souvent com-
l’espace a la sienne et bien bien, à l’échelle de l’His-
souvent individu et espace
105 Bordeaux au péril de la paix toire, ce que nous désignons
font histoire ensemble,
même si cela claudique
comme une “ville ” est un
107 La distinction de Bordeaux un peu. Contemporains, artefact récent, une inven-
l’être et l’espace tion humaine, une création
109 La Loi protège s’articulent et humaniste  historiquement
se désarticulent ensemble.
datée   et   géographiquement
114 L’intelligence d’une règle Arlette Farge, La chambre à deux lits
et le cordonnier de Tel Aviv, page 89,
circonscrite.
Le Seuil, Janvier 2000 Des formes architectura-
117 L’exception bordelaise les et urbaines voient le jour dans la Toscane
du Quattrocento ou sont imaginées au même
119 Territoires de la ville de pierre moment à Venise. Elles se diffusent d’abord en
Europe, puis dans tout l’hémisphère Nord. Ces
122 Faire vivre la ville de pierre configurations de l’espace, quelles qu’aient été
leurs évolutions au gré des techniques nouvelles,
des adaptations locales ou des changements poli-
tiques, sont restées à peu près stables pendant
cinq siècles. Leur « mise en œuvre » s’effectuait au
service d’une sociabilité et d’une économie, d’une
manière de vivre ensemble dont les fondements
demeurent. Les règles des commandes dictées,
édictées par les “maîtres d’ouvrage” publics ou
privés – princes ou édiles, marchands ou entre-
preneurs – n’ont guère varié. Ces organisations
spatiales régissent encore largement nos vies.
Les villes sont des organismes vivants. Les ima-
ginaires qui les fondent et qu’elles nourrissent
102 103
 Le temps des villes Bordeaux au péril de la paix

en retour, les destins individuels et les aven- Bordeaux au péril de la paix

tures collectives qu’elles abritent sont choses
mouvantes, fugaces et immatérielles, négociées Nous voulons examiner, Il faut bien d’autres atten-
et renégociées sans trêve ni répit. La stabilité, en effet, des images bien tions pour discerner et dia-
simples, les images
la densité, la dureté apparemment éternelles gnostiquer les maladies de
de l’espace heureux.
des architectures de pierre ou d’acier masquent Nos enquêtes […] visent langueur installées dans la
l’essentiel du “ fait urbain”. à déterminer la valeur durée qui anéantissent tout
La vitalité, et parfois la beauté d’une ville s’esti- humaine des espaces aussi sûrement qu’un bom-
ment à la capacité des architectures et des espa- de possession, des espaces bardement les villes instal-
défendus contre des forces
ces publics à héberger les formes successives de lées dans la paix, épargnées
adverses, des espaces
la vie sociale. Cette aptitude ne se maintient aimés. […] L’espace saisi
par les guerres.
que si elle est sans cesse remise en question, par l’imagination ne peut Une certaine forme de négli-
toujours remise en projet. rester l’espace indifférent gence confortable porte leurs
L’excellence d’un paysage urbain provient des livré à la mesure et à habitants et leurs élus à
la réflexion du géomètre.
soins constamment apportés à préserver et à croire leur cité immuable,
Il est vécu.
créer l’harmonie entre les pleins et les vides protégée des outrages du
Gaston Bachelard, La Poétique de
qui abritent et structurent l’infinie variété des l’espace, page 17, PUF, 1992. temps par l’inaltérabilité des
vies. Les relations changeantes entre les destins matériaux et par l’éloigne-
choisis et les fatum subis se nouent ou se heur- ment des fronts. Bordeaux, suite à toutes sor-
tent au gré des sentiments d’appartenance – ou tes de circonstances géopolitiques, appartient
d’exclusion, de bannissement – dans ces espaces à cette catégorie de villes où l’assoupissement
organisés. peut se transformer en un irréversible coma.
Le degré d’urbanité s’évalue à l’aune de la multi- Le phénomène est d’autant plus insidieux que
plicité des rencontres pacifiées qu’une ville favo- sa morbidité peut paraître charmante, voire
rise, ou empêche. Aussi bien, les villes obéissent- profitable. La mode des musées prenant la suite
elles aux mêmes lois qui régissent toute relation de la mode des ruines suscite des curiosités de
à l’Autre. “L’amour des villes 1 ” ne peut naître et masse et avive les intérêts des entrepreneurs de
s’épanouir qu’au sein d’espaces aimables. spectacles. Une ville devenue un site peut ainsi
cesser de vivre, anesthésiée dans son incons-
1 Bruno Fortier, éditions Mardaga, 1995 cience béate. Minérales hier, de verre, d’acier et
104 105
 Bordeaux au péril de la paix
de béton aujourd’hui, les villes que nous aimons
– c’est-à-dire les villes qui nous aiment - sont
fragiles. Leur pérennité ne dépend que pour une
faible part de leur épiderme. Elles sont d’abord
“cosa mentale”. Pas de matériau élaboré par une
culture que l’absence de soin ne reconduise rapi-
dement à l’état de nature2. L’esthétique des rui-
nes, une manière de fascination morbide pour la
destruction ont connu de telles heures de gloire
qu’on ne peut exclure leur retour ou leur ins-
cription dans les esprits. L’avenir des nostalgies
trouve un cadre toujours renouvelé dans “l’abus
monumental 3 ” dont souffrent - et bénéficient -
les anciennes cités d’Europe.
Plus près de nous, certaines formes d’engouement
pour la modernité, accompagnées d’un solide
dédain de l’histoire, voire d’une manière de fierté
à la renier ont causé d’irréparables ravages. Un
temps, la soumission proclamée, théorisée de la
Ville à l’Automobile a aussi sûrement détruit
des tissus urbains fragiles que les plus aveugles
des “carpet bombing”.
Bordeaux a été relativement épargnée par les
catastrophes urbaines des “trente glorieuses”.
Suffisamment en tous les cas pour qu’on puisse
envisager aujourd’hui la réparation de quelques
fausses hardiesses qui prétendaient nier le passé
en les réintégrant dans l’histoire de la ville. Le
pire a été évité. On a échappé de justesse à la
minéralisation maniériste de la rive droite et
106
La distinction de Bordeaux
les quelques objets emblématiques de l’épo-
que (barres et tours) peuvent s’incorporer dans
l’héritage. Témoins d’une époque où les bonnes
intentions inscrites dans la Charte d’Athènes 4
ont trop souvent servi d’alibis à la production
d’enfers urbains.
2 On connaît le séculaire combat de Venise pour s’arracher à la Mer,
comme l’état de la métropole morte d’Angkor retournée à la jungle.
On commence seulement à se méfier des agressions provoquées par le
tourisme de masse. (Cf. Massimo Cacciari).
3 Titre stimulant donné à la session des Entretiens du patrimoine tenue
en novembre 1998 au Palais de Chaillot.
4 Les Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM), fondés en
1928 réunissent les plus grands architectes de la période : Ludwig Mies
van der Rohe, Walter Gropius, Jacob Oud, Gerrit Rietveld, Le Corbusier,
Lúcio Costa, Oscar Niemeyer, José Lluis Serts…De leurs travaux
théoriques émane, en 1933, un document majeur de l’urbanisme
contemporain, la Charte d’Athènes, collectivement rédigée durant une
croisière en Méditerranée. Les thèses de Le Corbusier y prédominent.
La distinction de Bordeaux
Ces villes n’étaient pas Mais toute ville n’en vaut pas
des territoires.
une autre. Au fil du temps et
C’étaient des sociétés.
Elles inscrivaient au gré des grands flux éco-
le mouvement même nomiques, quelques métro-
du monde dans la chair
poles occidentales ont accédé
même des hommes, jusqu’à
en souligner un sens au statut de  “ville-monde ”5
renouvelé. […] pour quelques décennies
C’est pourquoi toute ville
ou pour quelques siècles.
accueille le souffle
du monde, et que toute Concentrant les richesses
ville souffle sur le monde. matérielles, et les opulences
Patrick Chamoiseau, Livret des villes culturelles ostentatoires, les
du deuxième monde, page 34, Éditions
du patrimoine, 2002. échanges et les œuvres.
107
 La distinction de Bordeaux La Loi protège

Les cycles de l’histoire locale comme ceux Fernand Braudel, L’identité de la France, Espace et Histoire, Tome 1, page
178, Champs/Flammarion, 1990.
de l’Histoire du Monde peuvent à une Dans l’histoire contemporaine, à tour de rôle, Venise, Anvers,
période donnée conduire à accumuler en un Amsterdam, Lisbonne, Londres ou Liverpool, puis New York (ports et/
ou villes d’estuaire) exercèrent cette « capacité de commandement » sur
lieu des quantités que les pouvoirs politiques et l’espace mondial.
économiques transforment en qualités, faisant 6 Une culture qui se reproduit à l’identique (une culture de réserve ou de
appel aux artistes et aux artisans souvent convo- ghetto), c’est un cancer sociologique, une condamnation à mort, de même
qués du reste du monde. Telle ville de marché ou qu’une langue qu’on ne parle plus, qui n’emprunte plus, qui n’invente
plus, est une langue morte. Il y a donc toujours quelque danger à vouloir
tel grand port (Bordeaux) dont les princes ou les défendre ou protéger les cultures et quelque illusion à rechercher leur
édiles ont fait bâtir le Palais, dont les évêques pureté perdue. Elles n’ont jamais vécu qu’en se transformant.
Marc Augé, La guerre des rêves, page 32, Seuil, 1997
ont fait ériger la Cathédrale, se voit soudain
délaissée par les effets d’une révolution techni- La Loi protège
que ou d’un changement des flux du commerce
mondial. Aujourd’hui, un certain tourisme se On n’a pas assez vanté La période où naît la préoccupa-
Bordeaux, ou du moins tion d’une préservation néces-
délecte de ces villes fantômes 6.
on l’a mal vanté. […]
Bordeaux fut à certaines époques une de ces saire des constructions humai-
Bordeaux est une ville
“villes monde ”. Nul doute qu’après une période curieuse, originale, nes est plus récente qu’on ne
de régression, Bordeaux n’ait à nouveau la peut-être unique. Prenez le croit. Paradoxalement, ce
capacité et la volonté de retrouver son rang. Versailles et mêlez-y sont les déprédations commi-
Anvers, vous aurez ses pendant la Révolution qui
Nul doute que l’opération s’effectuera selon des
Bordeaux. […] Il y a deux
modalités radicalement neuves. Or, il se trouve contribuent à cette prise de
Bordeaux, le nouveau et
qu’à Bordeaux – plus que dans bien d’autres vil- l’ancien. La double conscience par les révolution-
les comparables – les hasards et les nécessités physionomie de Bordeaux naires eux-mêmes.
ont préservé un héritage urbain d’exception. est curieuse ; c’est le temps Pendant longtemps elle s’exer-
et le hasard qui l’ont faite ; cera plus sur les architectures
L’ampleur de son étendue et la qualité de son
il ne faut point que
matériau principal dictent sa dénomination : la célibataires, les “monuments ”,
les hommes la gâtent.
ville de pierre. que sur les ensembles urbains.
Victor Hugo, Voyage aux Pyrénées,
5 Plus que ses murailles ou que le chiffre de sa population, le caractère
En 1795, l’abbé Grégoire,
1843, page 845, Œuvres complètes,
le plus évident d’une ville est la façon dont elle concentre ses activités inventeur du mot vandalisme,
Club français du livre, 1968.

sur des surfaces aussi restreintes que possible. […] Mais avant tout une participe à la création du Musée des monu-
ville, c’est une domination. Et ce qui compte pour la définir, pour la
jauger, c’est sa capacité de commandement, l’espace où elle l’exerce. ments français 7.
108 109
 La Loi protège
Il faut attendre 1830 pour que soit créée une
administration chargée de la conservation des
Monuments historiques. Guizot, ministre de l’In-
térieur de Louis-Philippe, institue le poste d’ins-
pecteur général des Monuments historiques. Son
rôle est de visiter systématiquement le pays pour
repérer et signaler les monuments dignes d’une
intervention de l’État.
En 1835, Guizot crée le Comité des arts et monu-
ments. Jusqu’en 1848, Victor Hugo y siège assi-
dûment au côté de Charles Nodier et de Prosper
Mérimée. En 1834, à peine nommé inspecteur
général des Monuments historiques, Mérimée
propose le classement des monuments, et leur
inventaire afin d’en assurer la protection.
Il faut alors attendre les lois de 1913 sur le clas-
sement des monuments historiques et des sites,
et de1930 sur la protection des monuments natu-
rels et sites paysagés pour que ses recommanda-
tions s’imposent. Elles sont complétées en 1943
par la loi pour la protection des abords des monu-
ments historiques dans un rayon de 500 mètres,
puis par loi Malraux sur les secteurs sauvegar-
dés, promulguée en 1962.
En 1964, André Malraux et André Chastel créent
l’inventaire général des monuments et richesses
artistiques de la France.
La même année, le congrès international des
architectes et des techniciens des monuments
historiques rédige la Charte de Venise. Elle sti-
110
La Loi protège
pule dans son premier article que “la notion
de monument historique comprend la création
architecturale isolée aussi bien que le site urbain
ou rural qui porte témoignage d’une civilisa-
tion particulière, d’une évolution significative
ou d’un événement historique. Elle s’étend non
seulement aux grandes créations mais aussi aux
oeuvres modestes qui ont acquis avec le temps
une signification culturelle”. La Charte de Venise
est adoptée dès 1965 par le Conseil internatio-
nal des monuments et des sites (ICOMOS) 8 .
La conférence générale de l’Organisation des
Nations Unies pour l’éducation, la science et
la culture, réunie à Paris du 17 octobre au 21
novembre 1972, “constat[e] que le patrimoine
culturel et le patrimoine naturel sont de plus
en plus menacés de destruction, non seulement
par les causes traditionnelles de dégradation,
mais encore par l’évolution de la vie sociale et
économique qui les aggrave par des phénomènes
d’altération ou de destruction encore plus redou-
tables”.
L’UNESCO “ considèr[e] que la dégradation ou
la disparition d’un bien du patrimoine cultu-
rel et naturel constitue un appauvrissement
néfaste du patrimoine de tous les peuples du
monde, et que certains biens du patrimoine
culturel et naturel présentent un intérêt excep-
tionnel qui nécessite leur préservation en tant
111
 La Loi protège
qu’éléments du patrimoine mondial de l’huma-
nité tout entière”.
Une convention “ concernant la protection du
patrimoine mondial culturel et naturel” est
adoptée. Son article 7 stipule “ qu’il faut enten-
dre par protection internationale du patrimoine
mondial culturel et naturel la mise en place d’un
système de coopération et d’assistance interna-
tionales visant à seconder les États parties à la
convention dans les efforts qu’ils déploient pour
préserver et identifier ce patrimoine ”. L’article
8 institue un comité intergouvernemental de la
protection du patrimoine culturel et naturel de
valeur universelle exceptionnelle dénommé “le
Comité du patrimoine mondial ”.
En 1979, la loi relative à la publicité, aux ensei-
gnes et préenseignes – modifiée par les lois du
18 juillet 1985 et du 2 février 1995 relatives au
renforcement de la protection de l’environne-
ment – permet aux élus locaux “ d’interdire par
arrêté toute publicité sur des immeubles pré-
sentant un caractère esthétique, historique ou
pittoresque ”.
Enfin la création en 1983 du dispositif des Zones
de protection du patrimoine architectural et
urbain et paysager (ZPPAUP) amélioré par la
loi de 1993 vient parachever, pour l’instant, un
édifice législatif et réglementaire indispensable
à la préservation des villes.
Cet ensemble de lois et de règles s’intègre aux
112
L’intelligence d’une règle
dispositions du plan local d’urbanisme (P.L.U.)
qui est venu se substituer au plan d’occupation
des sols (P.O.S) à partir du début des années
2000.
Aujourd’hui, les modifications du plan local
d’urbanisme de la Communauté urbaine de
Bordeaux concernant les parties analysées de la
ville de pierre constituent une adaptation fine du
code de l’urbanisme. Créée en 2004, la Mission
de recensement du paysage architectural et
urbain est l’héritière directe de la Commission
des monuments historiques de 1837.
7 Après des vicissitudes de toutes sortes, le Musée rénové vient d’être
inauguré comme un des trois départements de la Cité de l’architecture
et du patrimoine.
8 L’ICOMOS est une organisation non gouvernementale internationale de
professionnels, qui oeuvre à la conservation des monuments et des sites
historiques dans le monde. Les rapports de l’ICOMOS auprès de l’Unesco
sont déterminants dans les choix qui conduisent à désigner une ville au
Patrimoine mondial de l’humanité (Bordeaux, en 2007).
✲
113
 L'intelligence de la règle
L’intelligence d’une règle
Ne pas trouver son chemin Reste qu’une application trop
dans une ville, ça ne signifie vétilleuse ou insuffisamment
pas grand-chose.
intelligente des normes, un usage
Mais s’égarer dans une ville
comme on s’égare dans malhabile des outils risque de
une forêt demande toute produire les effets contraires aux
une éducation. Il faut alors buts recherchés.
que les noms des rues À trop vouloir respecter l’histoire,
parlent à celui qui s’égare
on court le danger de muséifier la
le langage des rameaux secs
qui craquent, et des petites ville, de tarir les sources créati-
rues au cœur de la ville ves qui garantissent sa vie. Il faut
doivent pour lui refléter réunir les connaissances scientifi-
les heures du jour aussi ques nécessaires à l’organisation
nettement qu’un vallon
des échanges entre les différentes
de montagne.
histoires urbaines. Seule une pré-
Walter Benjamin, Enfance Berlinoise servation du passé effectuée sur
vers 1900, 1932 / Sens Unique page
13, édition 10/18, « Domaine des bases reconnues est garante
étranger », 2000 des possibilités d’imaginer l’ave-
nir. C’est particulièrement vrai à Bordeaux où la
vivacité de la création architecturale pourrait se
décourager face à des injonctions réglementaires
trop pointilleuses ou simplement mal connues,
suscitant un sentiment d’arbitraire.
La Mairie de Bordeaux a mis en place les
moyens nécessaires au maintien d’un équilibre
entre la liberté de la création et la préservation
bien comprise de ses paysages architecturaux et
urbains.
Les travaux accomplis par la Mission de recense-
114
L’intelligence d’une règle
ment du paysage architectural et urbain depuis
2004 contribuent autant à l’installation de règles
appropriées aux paysages urbains de Bordeaux
qu’à l’instauration de dialogues fructueux avec
l’innovation architecturale. De rudes coups ont
été portés à Bordeaux au nom d’une modernité et
d’un hygiénisme dogmatisés à l’extrême. On pou-
vait craindre à juste titre que l’héritage archi-
tectural et urbain s’en trouve irrémédiablement
atteint.
Aujourd’hui, les traces les plus intéressantes
de cette période peuvent être regardées avec la
distance nécessaire. Le recensement permet d’ef-
fectuer les choix qui réintègrent au contexte bor-
delais les objets qui s’érigeaient contre lui. Cette
manière nouvelle de considérer la ville comme
un ensemble vivant permet de répondre à une
autre fonction urbaine que nous n’avons pas
encore évoquée. Les villes sont des récits mis en
espace. Leur capacité à susciter des histoires et
de l’Histoire, des narrations et des légendes est
constitutive de leur existence 9. De ce point de
vue, l’évolution récente de Bordeaux est extra-
ordinairement positive. Les citadins/citoyens
de l’aire urbaine peuvent à nouveau parler de
“ leur ” ville. La ville a recommencé à leur conter
une histoire qu’ils peuvent s’approprier. Le tram-
way est emblématique d’un choix qui n’a pas été
dicté par les seuls impératifs techniques ou éco-
nomiques. Autant qu’un moyen fonctionnel de
115
 L'exception bordelaise

déplacement et un excellent producteur d’espace L’exception bordelaise

public, c’est une merveilleuse machine narra-
tive. Habiter une ville, Les opérations engagées par
La ville de pierre, le livre de pierre sont par- c’est y tisser par ses allées la Mairie de Bordeaux pro-
courus, peuvent être lus au gré des disponibili- et venues journalières
cèdent du double souci de
un lacis de parcours très
tés, des curiosités et des cultures. Les façades généralement articulés
préserver l’héritage archi-
retrouvant progressivement leur blondeur, le autour de quelques axes tectural et urbain, et de le
fleuve soudainement accessible nourrissent les directeurs. […] Il n’existe remettre en jeu, d’en faire
narrations heureuses. nulle coïncidence entre le tremplin d’une modernité
Les travaux conduits à la mairie de Bordeaux le plan d’une ville dont
bien tempérée. Sans doute
nous consultons le dépliant
par la Mission de recensement du paysage archi- et l’image mentale qui surgit
faut-il le protéger en considé-
tectural et urbain depuis 2004 sont essentiels à en nous, à l’appel de son rant avec la même attention
la poursuite de ces récits du renouveau. Que par nom, du sédiment déposé chacune de ses composantes,
ailleurs, ils contribuent à produire des règles dans la mémoire par nos des plus nobles façades des
plus fines et mieux adaptées à l’ensemble de vagabondages quotidiens.
quais à la plus modeste des
l’agglomération, qui ne s’en réjouirait ? Julien Gracq, La forme d’une ville, échoppes, des grands paysa-
page 2, José Corti, 1985.
ges de bord de Garonne au
9 La ville constitue à la fois un objet (ce dont on parle) et un sujet (ce quasi- plus humble des cours.
personnage qui parle) des récits. La plupart des individus s’accordent Le danger d’une volonté excessive ou obtuse de
spontanément sur le fait qu’un « territoire » est fondamentalement une conservation serait de conduire à la muséifi-
mémoire dont la consolidation, l’appropriation et l’utilisation (culturelle,
sociale, politique, tactique) sont indispensables à la construction d’une
cation, voire à la disneysation de Bordeaux. Le
légitimité à discourir et à agir. Michel Lussault, L’homme spatial, page travail de recensement, aujourd’hui à mi-étape,
240, le Seuil, 2007. permet d’ores et déjà de proposer des règles intel-
ligentes. Elles s’attachent à décrire les conditions
✲ selon lesquelles chaque acteur – c’est-à-dire cha-
que détenteur d’une part de cet héritage collec-
tif – peut et doit participer au difficile exercice de
préservation d’une qualité des paysages qui ne
les fige pas. Les intérêts individuels à court terme
peuvent être contradictoires, voire conflictuels,
116 117
 L'exception bordelaise Territoires de la ville de pierre

avec l’intérêt collectif à long terme. L’existence périmètre de la ville de pierre se présente comme
d’une nouvelle règle fondée sur la connaissance un napperon dont le centre serait évidé par le
approfondie de chaque situation, capable d’en secteur sauvegardé de Bordeaux. Il s’étend sur
diagnostiquer les différentes histoires, les rai- le territoire communal, et même au-delà, en pré-
sons multiples permet de réduire ces éventuels sentant des mailles plus ou moins serrées, des
écarts. Elle instaure un dialogue rigoureux, trous même, à certains endroits.
exigeant mais souple avec chaque cas. Elle est Comme tout périmètre réglementaire, celui de la
évolutive, de manière à répondre aux questions ville de pierre ne coïncide pas exactement avec
légitimes des individus en contribuant à la mise un périmètre topographique. Pas plus qu’il ne se
en valeur de l’héritage collectif. superpose aux réalités historiques.
La ville, historiquement contenue dans le cercle
Territoires de la ville de pierre de ses « cours » aménagés dès le milieu du XVIIIe
siècle est marquée par une deuxième ceinture
Le monument, comme La Mairie de Bordeaux s’est concentrique constituée dans la seconde moitié
l’indique l’étymologie latine dotée des outils qui fondent
du mot, se veut l’expression
du XIXe siècle, principalement après 1865 (date
tangible de la permanence la réglementation. Il fallait de l’annexion d’une partie des communes de la
ou, à tout le moins, déterminer un périmètre rive gauche et de Cenon La Bastide sur la rive
de la durée. […] L’espace qui intègre l’ensemble du
social est hérissé
droite).
de monuments non patrimoine. Les boulevards créés de 1853 à 1902, sont ponc-
directement fonctionnels, Du point de vue de la ville, le tués par les “ barrières ”, au croisement des gran-
imposantes constructions paysage d’une rue d’échop-
de pierre ou modestes
des voies rayonnantes. Longtemps, les postes
autels de terre, dont chaque pes a autant de valeur d’octroi placés aux barrières marquaient la fron-
individu peut avoir que la vue d’une portion tière entre ville et campagne, l’organisation des
le sentiment justifié que des quais. Conformément
pour la plupart ils lui ont
relations entre le territoire urbain central et son
préexisté et lui survivront. au Plan local d’urbanisme arrière-pays.
Étrangement, c’est approuvé en juillet 2006 À ce jour, le périmètre de la ville de pierre s’étend
une série de ruptures et et au Projet d’aménage-
de discontinuités dans
des limites extérieures du secteur sauvegardé
l’espace qui figure ment et de développement jusqu’à la “ petite banlieue ”, extension adminis-
la continuité du temps. durable de la Communauté trative de Bordeaux comparable à celle du Paris
Marc Augé, Non-lieux, La Librairie urbaine de Bordeaux, le agrandi en 1860. Il englobe une partie du ter-
du XX° siècle, Seuil, 1992.
118 119
 Territoires de la ville de pierre
ritoire de la ville historique contenue dans les
cours (Saint-Michel, Sainte-Croix, les Capucins,
la Victoire, Sainte-Eulalie) ainsi que des fau-
bourgs historiquement liés au développement
urbain (Saint-Seurin, les Chartrons…). La par-
tie la plus étendue de la ville de pierre concerne
les tissus d’échoppes et de maisons de ville de la
petite banlieue. Mais certains quartiers denses,
très proches du centre et à forte valeur histori-
que et patrimoniale en font également partie.
La ville de pierre s’étend au-delà des boule-
vards, à Saint-Augustin et Caudéran (annexée
en 1964) dans les quartiers résidentiels et bour-
geois qui fondent la division sociale de la ville
dans un vaste cadran ouest. Les trois pôles plus
industriels et ouvriers de Bordeaux (La Bastide,
Bacalan et Belcier) entrent aussi en contact avec
des quartiers de la ville de pierre.
Ce périmètre réglementaire est né de la réu-
nion de plusieurs périmètres antérieurs portés
au Plan local d’urbanisme. Il est déterminé par
une observation morphologique globale : les
zones urbaines de centralité (UC) et les zones
urbaines médianes (UM) qui correspondent peu
ou prou aux tissus des faubourgs et de la petite
banlieue.
Ces secteurs sont concernés par l’application
de l’article L-123.1-7 du Code de l’urbanisme
au titre de la protection des édifices, ensem-
bles et paysages remarquables. Depuis 2004,
120
Territoires de la ville de pierre
la Mission de recensement du paysage architec-
tural et urbain a entrepris l’analyse systémati-
que et exhaustive des quartiers contenus dans
le périmètre de la ville de pierre. L’observation
s’effectue “ à la loupe ”, parcelle par parcelle.
La ville de pierre est loin d’être un territoire
continu et uniforme, de nombreux trous y ap-
paraissent, et parfois même des déchirures, au
contact des zones dites de grands équipements
et de services (UGES) ou encore de zones indus-
trielles (UI) ou d’ensembles diversifiés (UD) ou
encore des grands secteurs de projet urbain de
la Ville.
Ainsi, le territoire de la ville de pierre est unique.
Il constitue un paysage identifié et reconnu qu’il
faut souvent coudre ou recoudre avec toutes les
réalités de la ville d’aujourd’hui.
✲
121
 Faire vivre la ville de pierre Faire vivre la ville de pierre

Faire vivre la ville de pierre Même les petites habitations modestes comme
les échoppes, typiquement bordelaises, répétées
Voir, c’est comprendre et Les différents règlements à longueur de rue se distinguent toujours par
c’est agir ; voir, c’est unir de zone s’appuient sur une
le monde à l’homme et
quelque accent dans leur composition. Un détail,
analyse des dominantes mor- le soin apporté au dessin des façades jouent des
l’homme à l’homme. […]
De l’intimité entre celui qui phologiques du tissu existant variations de la lumière naturelle sur les reliefs
montre et celui qui regarde, sans prendre en compte les de la pierre.
entre le maître et l’élève, variations de chaque rue. Le style, l’architecture et la composition urbai-
entre la révélation et Si les prescriptions de l’arti-
la découverte, au niveau
nes, témoignent d’une histoire, d’un tempéra-
cle L123.1-7 protègent notre ment original, typique, que l’on ne retrouve pas
de l’image de la réalité, naît
la conception du vrai. patrimoine de manière glo- dans les autres centres anciens. Chaque élé-
Le rôle de l’artiste est de bale, ces règlements généraux ment contribue à déterminer la qualité de l’es-
guider, d’ouvrir les yeux s’avèrent parfois inadaptés pace public, et confère à chacun de ces espaces
les plus rebelles, d’enseigner au regard de la diversité des
à voir comme on enseigne
un caractère unique.
situations urbaines que l’on L’intérêt de la ville de pierre tient à la qualité
à lire et de montrer le
chemin de la lettre à l’esprit. peut rencontrer dans les dif- de vie que propose ce mode d’urbanisation dense
Paul Eluard, préface à l’Anthologie
férents secteurs. et continu sur la rue d’où l’on devine les cœurs
des écrits sur l’art (1952), page 512, Les quartiers des faubourgs d’îlots verdoyants.
Gallimard, 1968.
se distinguent des quartiers Le constat s’impose : ces réponses architectura-
résidentiels issus de l’urbanisation progres- les et urbaines du passé satisfont encore pleine-
sive d’anciennes propriétés agricoles jusqu’à la ment les besoins du présent.
deuxième guerre. Leur physionomie garde les Mieux : les résultats de l’appel à idées lancé par
traces de leur occupation d’origine, des grandes Agora en 2006 prouvent à quel point la créa-
opérations d’aménagement ou du lent processus tion et l’innovation peuvent s’épanouir dans le
d’urbanisation qui les ont peu à peu transformés respect des formes architecturales et urbaines
pour les adapter à l’évolution urbaine : de l’hôtel qu’impose la ville de pierre.
particulier à l’immeuble de rapport en passant Pourtant ces quartiers présentent une fragilité
par la maison de ville, l’architecture de pierre, certaine et connaissent parfois des transfor-
essentiellement domestique, décline sur les faça- mations qui menacent de défiguration le paysage
des l’ornementation du répertoire classique. urbain bordelais. Il s’agit d’examiner de manière
122 123
 Faire vivre la ville de pierre Faire vivre la ville de pierre

exhaustive le bâti en relation avec son contexte pour Contributions

en évaluer l’intérêt en termes à la fois architecturaux,
urbains, et patrimoniaux.
Il convient alors d’intégrer au processus de rénovation
et/ou de création la documentation historique qui
révèle l’histoire de l’urbanisation des quartiers : c’est
le rôle du recensement.
La maîtrise d’œuvre du recensement est réalisée au
sein de la Direction générale de l’aménagement par
l’équipe de la Mission de recensement du paysage
architectural et urbain composée d’un chef de projet,
d’un historien, d’architectes et de techniciens. Cette
équipe est assistée d’un expert, Alexandre Melissinos,
et fait appel au soutien scientifique et technique du
Service Régional de l’inventaire et financier de la
DRAC dans le cadre d’une convention d’échange.
Elle travaille à l’élaboration des dispositions
réglementaires en lien avec les urbanistes du Service
du Projet Urbain.
Pour que vive la ville de pierre, il est essentiel de
reconnaître l’intérêt et la valeur des formes urbaines
et des architectures du passé.
Pour que vive la ville de pierre, il est indispensable
de connaître et de comprendre ce que furent les
conditions de sa création. Pour faire vivre la ville de
pierre, il faut considérer la ville ancienne comme
socle de son évolution.
Direction
Michèle Larüe Charlus
Rédaction
Anne Laure Moniot,
Sylvain Schoonbaert
Relecture
Danièle Maman Bensimon,
François Mouget
La Ville de Bordeaux remercie pour leur contribution
Rémi Desalbres, Michel Cavaillole, Norbert Chadourne,
Catherine Chimits-Dazey, Anne Marie Civilise, Michel Colle,
Gérard Daniel, Michèle Larüe Charlus, Fabien Lavaure,
Laurent Lemaitre, Patrick Le Rallier, François Gondran,
Jacqueline Gourguechon,Michel Gracia, Marie-Ange Marques,
Alexandre Melissinos, Romuald Moreau, Jean Missègue,
Serge Nouel, Christophe Pannekoucke, Jean-Pierre Pauly,
Alain Rieu.
Photographies
Mission Recensement du paysage architectural et urbain.
Sauf « place d’Aquitaine, place de la Convention »
photo M. Colle, Bordeaux, l’Histoire gravée dans la pierre,
Pimientos, 2007.

✲
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 Contacts Office de Tourisme de Bordeaux
www.bordeaux-tourisme.com
Ordre des architectes 12, cours du XXX Juillet
www.architectes.org 33080 Bordeaux-Cedex
1, place Jean Jaurès Tél.: 05 56 00 66 00
33000 Bordeaux Fax.: 05 56 00 66 01
Tél : 05 56 48 05 30 - Fax : 05 56 79 26 76 Courriel : otb@bordeaux-tourisme.com
Courriel : ordre.aquitaine@architectes.org
Bordeaux Monumental
DRAC Direction régionale des affaires culturelles 28, rue des Argentiers
www.culture.fr 33000 Bordeaux
54, rue Magendie - 33074 Bordeaux cedex Courriel :
Tél. : 05 57 95 02 02- Fax général (centre d’information bordeaux-monumental@bordeaux-tourisme.com
et de documentation) : 05 57 95 01 25

CAUE Conseil d’architecture, d’urbanisme

et d’environnement de la gironde
www.cauegironde.com
140, avenue de la Marne
33700 Mérignac
Tél. : 05 56 97 81 89 - Fax : 05 56 47 10 62
Courriel : caue33@wanadoo.fr

Mairie de Bordeaux
www.bordeaux.fr
Direction Générale de l’Aménagement – Direction du
droit des sols
57 Cours Pasteur
33 000 – Bordeaux
Tél. : 05 24 57 16 00
Courriel : villedepierre@mairie-bordeaux.fr

126 127
 Conception création JB Blom /Caroline Fogliani/DAC. Achevé d’imprimer
sur les Presse de l’imprimerie BM à Bordeaux, Avril 2009.

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