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THOMAS DELTOMBE • MANUEL DOMERGUE • JACOB TATSITSA

1

UNE GUERRE CACHEE AUX ORIGINES DE LA FRAN~AFRIQUE
1948-1971
Thomas Deltombe, Manuel Domergue,
Jacob Tatsitsa

Kamerun!
Uneguerre
cacheeauxorigines
delaFranrafrique
(1948-1971)

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9 bis, rue Abtl•HovtlKqut
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rour aller plus loh,
LeCame1ounsous adminl\hatlon fran~aise
et sous adml11istratlonbrlta11nlqueau inilieu des annees 1950.
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LesprlnclpalcsNapcsde la « gucrre cachec » lntroduction
de la Franccau Camcroun
Enquetesuruneguerreoubliee
Du 22 a11JO 11111i1955,des erneutes eclatent dans tes grandes viUescamerounaiseset sont
sevcrcment rcprirnl-cspar le Haut CommissaireRoland Pre, qui dissout l'UPCle 13 juiUet
L955et pourchasseses mllitants, contraints d'entrer en clandestinite.
Le 18 decembre 1956, l'UPC, qui a cree un Comite national d'organisation (CNO) « La polltique touche a tout et tout touche ä la poll-
pour boycotter les elections legislatives, lance Ja lutte armee contre l'occupant colo- tique. Dlre que l'on ne fait pas de polittque, c'est
niai. Supervisecpar le Haut Commissaire Pierre Messmer,Ja repression s'abat sur l'insur- avouerque l'on n'a pas ie d~slrde vlvre. •
rcction, particuliercment active en Sanaga-Maritime,le cceur strategique du pays (entre RubenUMNvost "·
Yaounde et Douala). Une • Zone de maintien de )'ordre de la Sanaga-Maritime • (ZOE)
est constituee pour pres de deux mois, au cours desquels l'armec franr;:aisemene de veri-
tables" operations de guerre • contre les maquis natiooalistes, qui feront des milliers de
victimes.
Du 9 decembre 1957 au 31 d&embre 1958, le lieutenaot-colonel Jean Lamberton
commande Ja Zone de paciflcatlon de la Sanaga-Maritime (ZOPAC).Les populaUons
locates, soumises a une lntense guerre psychologique, sont regroupees dans des camps,
tandis que l'armee et la pollce colonlales, aidces par les milices tocales, traquent les
maquisards.
Du 18 janviera1125 mal 1959, lcs autoritcs fran~aisesinstallent un • Dispositlfde pro-
tection dans les reglons de l'Ouest-Cameroun » (DIPRO),commande par Lamberton.
Mais lcs militaires franr;als,qul souhaltaient reproduire la ZOPACii l'Ouest-Cameroun
(rcgion dite • ßarnJJeke•), se montrent de~us par ce dispositlf ii vocatton "defensive•·
Facea l'Armec de liberation nationale du Kamerun (ALNK),creee le 31 mai 1959, les
L a RocheHe,20 novembre 2008. Une finde matinee ensoleillee,dans un
bei appartement rlchement decore de statuettes africaines,de medailles
milltaires et de photos jaunies. Nous sommes chez Jean Lamberton. Ce nom
n'evoque sans doute rien ä ceux des lecteurs fran~aisqui n'ont pas eu l'occa-
gendarmes fran~ais se trouvent en premiere ligne dans un Cameroun devenu • .Etat slon de s'interesser aux epopees coloniales et postcolonialesde leurs armees.
autonome• en janvler 1959. L'attentisme qui se manifeste al'approchc de la prodama- Leslecteurscamerounais,du moins ceux qui se sont penches sur l'histoire de
tion de 1'«independance • n'empeche pas les forces de l'ordre contrölees par la puis- leur pays,en ont en revanche certainement entendu parler. 11ssavent que cet
sance coloniale de muJtiplier des operations de represslon clandestine, systematisant
officier fran~aisa joue un röle important dans l'ecrasement du mouvement
notamment le rccours ala torture et aux disparitlons forcees.
Le20 decembre1959, le general Max Briand prend le Commandemen t interarmees des nationaliste camerounais, incarne dans les annees 1950 et 1960 par !'Union
forces frani;aisesau Cameroun (COMINTERARM). To11ta11long de l'amuie 1960- alors des populations du Cameroun (UPC).
que le pays est desormais reputc • indepcndant » -, il mene dans l'Ouest-Cameroun une Le general Jean Lamberton est mort en 2004, sans que jamais personne
guerre intensive vlsant ii « reconqucrir • les zones contrölees par les combattants natlo- ne soit venu aLa Rochellepour l'interroger sur sa carriere militaire ou sur son
nalistes. Au prix de milliers de morts, la region est ravagee par les bombardements experlence camerounaise. C'est donc aupres de son epouse et de son füs que
aertens, lcs operatlons de bouclage agrande eche!le et le deplacement progressifde cen- nous cherchons a comprendre le destin de ce soldat meconnu. La rencontre
taines de millte.rsd'habitants dans des« villagesde rcgroupement •·
est chaJeureuse,la discussionanimee et les crevettesoffertesadejeuner excel-
Au 1" janvier 1961, les operatlons passent officiellement sous commandement came-
rounais. Mais Jes troupes frani;a1sesrestees sur place conservent des « activites opera-
lentes. Mais nous n'apprenons que peu de choses sur l'homme que nous
tionnellcs • jusqu'au cMbut1962, puis se maintiennent au Cameroun, « en appul • aux n'avons pu rencontrer. Jean Lamberton, nous dit-on, etait un epoux et un
forces de l'ordre locales, dans le cadre d'une • misslon mllltaire • qui ne sera dissoute pere strict, devoue, tres discret sur son activite professionnelle.IIetait surtout
qu'en decembre1964. amoureux de son pays et de ses forcesarmees.Comme beaucoup d'autres.
Au milieu des ar111ees1960, alors que la France, dans le cadre de la • cooperatlon •,
conscrvc toutc son emprlse sur lc rcgimc d' Ahmadou i\hidjo, cclul-ct rnnlinuc il utlliscr
lcs tcchniques de la • guerre revolutionnaire • enseignccs par le, ofrlclers frnn~ats,avec
un triplc objcclif: di~clpllncr lc~ populotlon~ clvlles; &:ra)er lcs up~chtcs cn cxll qul
loncc11tdt•soffensives dcpul~ lc Congo-llrnuovlllc; et cornballl'l' lc~grm1pcsorrn~,qul
rt-,l\1c11t~ l'O11c~tJmqu'ou d~hu1dl•, r11111e1'S
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Le temoignagepost mortemdeJeanLm11berto11 en 1965et 1967 deux volurnesfort blen renseignes,lntltules LesCarnetssecrets


de In dfrolo11isation3 • L'officieraida ä l'epoque le journaliste en lui fournissant
Ce qu'il y a de plus interessant dans l'appartement de Jean Larnberton, une copieuse docurnentation sur la guerre du Cameroun : ses propres rap-
ce sont les docurnents qu'il y a laisses. Des photographies meticuleusement ports militaires, bien s0r, mais egalement des notes des servicessecrets et des
scannees par sa famille, Oll l'on aper~oit Lamberton en vadrouille : en lndo- ecrits retrouves sur le corps du principaJleaderde l'UPCdans les annees 1950,
chine, en Algerie, au Carneroun. II y a aussi les textes, soigneusement Ruben Um Nyobe,tue par l'armee fran~aiseen septembre 1958. Une aide pre-
conserves, que notre homme a rediges taut au lang de sa carriere. Ceux qu'il cieuse qui valut au premier un livre dedicace par le second. Et acelui-lä, sous
a ecrits ä son retour de Saigon, lorsqu'il est devenu staglaire puis instructeur la dedicace, une jolie epltaphe: « L'auteur,M. G. Chaffard, devait mourir dans
a l'Ecolesuperieure de guerre (« L'armeecommuniste chinoise » et « Laguerre un accident d'auto peu apres la publication de ce livre. C'etait un honnete
psychologique », datant tous deux de 1951). Ceux qu'II a rediges lors de sa homme. »
mission au Cameroun (« La pacification en Sanaga-Maritjme» en 1958, « Les AinsiLamberton a-t-il cree, juste avant de disparaitre, un labyrinthe pour
Barnilekedans Je Cameroun d'aujourd'hui " en 1960). Ceux qu'il a composes les enqueteurs qui, comme il le regrette ä l'evidence, ne sont pas venus le ren-
lorsqu'il est devenu, successlvement,chef du cabinet mllitalre du ministre des contrer plus töt. Dans un jeu etonnant, il renvoie d'une page ä l'autre, d'un
Armees Pierre Messmer {1960), commandant du Centre de coordination livre a l'autre, d'un auteur a l'autre et, souvent, a lui-merne, pour laver son
interarmees a Alger{1961) et directeur de cablnet au Secretariatgeneral de la Image et, sans doute, celle de la France. Ce qu'il y a de surprenant dans ce
Defense nationale (1962-1965) : « Les armees de la Communaute » en 1961, temoignage post mortem,c'est que Lamberton, specialiste depuis les annees
« Le metier d'espion » en 1963, etc. II y a aussi quelques textes datant de Ja 1950 de la « guerre psychologique», n'a pas oublie les methodes d'intoxlca-
demiere phase de sa carriere,quand il a dirige l'Ecoled'etat-rnajor puis l'Ecole tion qu'il a pratiquees tout au long de sa carriere. Le jeu de piste visait peut-
superieure de guerre (1965-1969). etre moins ä aiguiUerle chercheur qu'a brouiller les cartes, alors que Je volle
Plus interessants encore sont !es livresque Jean Lamberton a laisses.Son commen~ait ä etre Ieve, au moment Oll il achevalt sa vie, sur l'histoire tra-
fils nous explique, en apportant cette precieusedocumentation, que son pere gique de la decolonisation camerounaise.
avait la manie de commenter, de sa fine ecriture, chacune de ses lectures. Un exernple? Cette remarque ä la page 106 de La Fmnrafrique,livre
Mieuxencore, il a reprisses livresun ä un, avant sa mort, pour ajouter d'autres fameux publie en 1998 par Fran~ols-XavlerVerschave4, Oll celui-ci cite le
remarques. Et commenter !es precedentes en prenant soin d'utiliser un stylo texte que Lamberton a redige en rnars 1960, trois mois apres la proclamation
de couleur differente ... Un tantinet obsessionnel, Jean Lamberton a donc de l'independance du Carneroun, sur le « probleme barnileke i1. L'extrait est
annote sans relache - « pour ceux que cela pourrait eventuellement inte- devenu, depuis que Verschave l'a exbume, une citatlon «cutte» reprise en
resser», ecrit-il avec autant d'ironie que d'aigreur - presque chaque para- boucle par tous les sites Web qui tentent de faire le point sur ces evenements
graphe des livresqui evoquent son action au Cameroun. meconnus: « Le Cameroun s'engage sur les chemins de l'independance avec,
Des annotations acldes, volontairement provocatrices. les Secretsde dans sa chaussure, un caillou bien genant. Ce cailJou,c'est la presence d'une
l'espionnage franrais,du journaJistePascalKrop: « IIn'y a pas de lirniteä la rnau- minorite ethnlque: les Bamileke,en proie ä des convulsions dont l'origine ni
vaisefoi ! » l 'Hommedel'ombre,de PierrePean : « Peu credible,ce journalistede les causes ne sont claires pour personne. [...] Qu'un groupe de populations
libe ! Un vrai guignol ! » La Franrafrique, du militant Fran~ois-XavierVers- negres reunissetant de facteurs de puissance et de cohesion n'est pas si banal
chave : « Un ouvrage farci d'erreurs - parfois volontaires - et d'une mauvaise en Afrique centrale. [...J L'histoire obscure des Bamileke n'aurait d'autre
foi confondante. (...] L'auteur s'y revele pour ce qu'il est : un mechant con ! » interet qu'anecdotique si eile ne montrait a quel point ce peuple est etranger
Le Problemenationalkamerona.is,de l'historien et politologue camerounais au Carneroun. » Sans doute conscient, au seuil de la mort, que sa prose etait
AchilleMbernbe: « Ouvrageevidemment tendancieux. Mais i1 est interessant un peu compassee,Lambertonannote, dans un langagefleuri: « Alors\'.3,c'est
de le rapprocher de mon "Rapportd'operation en ZOPAC"de la fin 1958. II est vralment du trucage ! II n'y a qu'ä se reporter au texte publie pour se rendre
interessant, en outre, en ce qu'il montre les degäts causes,dans des esprlts maJ campte que cet auteur est un salopard. » Verificationfalte: la citation n'a rien
preparespour le recevolr,par l'enselgnemcnt universitairefran~aisI » d'inexact 5'.
Leseul auteur qui trouve grace aux yeux de Jean Lambertonest le journa-
li~te Georges Chaffard, grand rcpor1cr A t'E.xprPss,qul, apr~s avoir servl n II e,1 vml q11cF•.X. Vc~h,,vc 011hllc lc moI • homog~nc • (• Qu'un gro11pc l10111og~11e de
con1111e ~olcln1cn lndochlnc Cl cn /\lg~rlc 1wndnutpluslcurs ann~cs', publlc1 populolhJII~ n~grc~... •J l'I 1ramfnrn1c lc IcmIc • rtv(llcr • 1:11• monlrcr • (• sl cllc nc dv/l-

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Commee11AJgerie,Jadoctrinefra11raise possibles pour garder cc qu'll restait d'Empire. Des theories nouvelles, ins-
de Ja<<guerrerevoJutionnaire
» pirecs a la fois par la vieille tradition militaire coloniale, par les evolutions
al'reuvreau Cameroun apparues sur les theätres europeens dans les decennies precedentes, mais sur-
tout par les methodes qu'a utiJiseesJe Viet-minh pour mettre l'armee fran-
Toute enquete sur Ja decolonisation du Cameroun ressembleä un jeu de ytise en deroute, virent le jour. Celles,desormais bien connues, de la « guerre
piste. Elle se perd dans les couloirs obscurs de l'Hlstoire, que trop de gens ont revolutionnaire" ou de Ja « guerre moderne». Ces doctrlnes placent, nous y
vouJu obstruer et ou d'autres cherchent ä J'aveugled'improbables raccourcls. revlendrons, les populations civiles au cceur des dispositifs repressifs. Elles
Si Ja guerre du Cameroun est ä ce point meconnue aujourd'hui en France, conferent une place centrale a I'« arme psychologique • et au renseignement;
c'est d'abord qu'elle a re~u tres peu de publicite ä l'epoque ou elle se derou- et elleslegitiment - aux yeux de leurs promoteurs - le quadrillage et Jasurveil-
lait. Entre 1956 et 1961, c'est-ä-dire Ja phase la plus chaude de ce conflit, Jes lance implacablesdes populations, l'utilisation massive de la propagande et
Fran~aisavaient d'autres preoccupations. Ce que regrette d'ailleursJean Lam- l'usage systematique de Ja torture. Ces methodes combinees - que les mlli-
berton. « En d'autres temps, note-t-il de sa fine ecrlture, cette affaire qui fut, taires etrangers qualifient d' « ecole fran~ise » de contre-insurrection - ont ete
je puis le dire, menee a bien, aurait sans doute fait quelque bruit. MaisJa vic- utilisees simultanement en Algerieet au Cameroun. Denoncees avec vigueur
tolre, modeste sans doute mals unlque en fait, qui fut remportee sur les cn Francedans le premier cas, utiliseespar !esmilitairesfran~aiscontre Je pou-
rebellescamerounais, ne pouvait avoir aucun retentissement aune epoque ou voir civil lui-meme,eUesont paradoxalement contribue ala victoire politlque
Ja guerre d'Algerietenait toute la place dans les medlas. » du FLNen 1962. Utlliseesavec la meme ardeur mais a l'abri des regardsdans le
L'Algeriea en effet masque le Cameroun. Les deux guerres n'ont certes second cas, elles continuent d'etre per~es par les militaires fran~aiscomme
pas Ja meme ampleur. Pour ces deux « colonies », qui n'en etaient en fait ni un element cle de Ja lente defaite de 1'UPC au cours des annees 1960.
l'une ni l'autre au sens juridique du terme, Ja France n'avait ni Je meme atta- Ce sont ces methodes qui, a en croire Jean Lamberton, lui-meme adepte
chement ni !es memes interets. Le Cameroun, simple« Territoire sous chevronne de la theorie comrne de Ja pratlque de la « guerre revolutlon-
tutelle » de !'Organisation des Nations unies (ONU), ne comptait dans les nalre ", lul permirent de« mener a bien » sa mission au Carneroun. Non sans
annees 1950 que quelques milliers de Fran~ais.Sa« perte » n'aurait donc pas fierte, II raconte dans ses notes manuscrites combien son travall fut apprecie
provoque le meme traumatlsme que celle de l'Algerie, conquise en 1830, par Pierre Messmer,avec qui il travaiUa successivement a Yaounde, lorsque
decoupee en departements et peuplee de Iongue date par des centaines de mH- celui-ci y etait Haut Commissaire, puis ä Paris, quand le meme devint mini-
liersde Fran~ais.Contre les nationallstes de l'UPC,Jegouvernement ne mobi- stre des Armeesen 1960. « Me presentant aux auditeurs du Centre des hautes
lisa pas Je contingent comme II Je fit contre Je Front de Ilberation nationale etudes militalres, M. Messmer,ministre des Armees,me gratifia [d'un] titre :
algerien (FLN).Et l'opinion publique metropolitaine, comme on disait, ne se "Le seul officier assumant le commandement d'une forrnation cbargee de
mobilisa pas pour le Cameroun comme eile le fit pour cette Algeriequi faJSait reprimer une guerilla qui, dans l'ensemble des theätres d'o~ratlon du meme
quotidJennement Ja «Une» de tous les journaux de France et qui finit par genre ouverts dans Je monde, ait exactement et vlctorieusement rempli sa
provoquer un changement de regime a Paris. Aujourd'hul comme naguere, mission"... Apres quoi, je fus nomme general"et commandeur de la Legion
rares sont les Fran~aisqui savent placer le Carneroun sur une carte. d'honneur. »
Lesdeux situatlons ont donc, a priori,peu de choses en commun. En plus Apresle fiascoalgerien,les theories de« guerre moderne» ont ete officieJ-
du contexte de decolonisation, ce qul est deja central, !es « evenements » qui lement disqualifiees et bannies de l'armee fran~aise, desormais structuree
se deroulent de part et d'autre de cette « Afriquefran~alse» sont pourtant intl- selon la doctrlne de la dissuasion nucleaire.Saufau sein des troupes deployees
mement lies. Ce qul apparait clairement lorsqu'on se penche sur !es methodes en Afriquesubsaharienne, ou ellessont resteessouterrainement valorisees,ou
employees par les autorites fran~ises. Revenantd'Indochine, ou l'armee fran- au minimum tolerees, leur efficacitesemblant avoir ete prouvee par le prece-
~aise avait essuye une cuisante defaite, les responsables mllitaires fran~ajs, dent camerounais. Ces unites de l'armee franr;aise,stationnees apres les inde-
humilies par Dien Bien PhL),deciderent de recourir a tous !es moyens pendances sur des bases militairespermanentes dans differents paysd' Afrlque
et qui y interviendront regulierement pour y mater les « rebellions »,

In// uqucl polnt. •. •). II cst peu prohnhlc quc ce ,olcnt ccs tncxaulLude~ q11talcnt falt·
rnrilfll!r Lnmbcrtn,1,
0 A 11otcrqul.' Jl',111
J.0111bc11on
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lc I" d&cmbrc 1965.

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l\m111•m11
111trotl11c1/011

maintenlr 1'«ordre», dl!jouer- ou fomenter... - des putschs, resteront long- c'est-ä-dire ä tous ceux qui contestaient, ou semblaient contester, les nou-
temps profondement marquees par les theorJeset les ideologiesmiJitairesela- velles autorites. La surveillance,l'endoctrinement et la repression des popula-
borees pendant les periodesde colonlsation et de decolonisation 6. t!ons devinrent des habitudes. Et l'exception, la regle. Les Camerounais, qui
s'etaient passionnes pour le projet emancipateur de l'UPC dans les annees
1950, furent sommes de rejeter Jeurs « mauvais penchants » et de transferer
Aux originesdu systemeneocolonial
franrais leur enthousiasme sur le parti unique d'Ahmadou Ahidjo. Lequel, vampiri-
enAfrique sant l'heritage upeclste, s'octroya le titre de pionnier de l'indepenctance ...
Purge de ses elements « subversifs», appele a traquer en son sein la moindre
LaFrance,nul ne l'ignore, n'a pas quitte 1'Afriqueen octroyant l'indepen- « deviance », somme quotidiennement d'oublier ses amours d'antan, Je
dance ä ses anciennes colonies. Elle est partie pour mieux rester. Pour rester peuple camerounajs ne put fairevivre son desir de liberte que ctansla clandes-
cachee derriere des regimesqu'elle a elle-memeinstalles,formes et consolides, tinite, dans l'exil ou sm le mode du refoulement.
et qu'elle s'est arrangee ä contröler et ä maintenir en place sur la longue duree. Le meme phenomene s'observe, au rneme mornent, dans Jesautres pays
Des accords de cooperation, civils et militaires, ont ete signes entre ces parte- africains du <•pre carre » fran~ais. Partout s'installent des regimes apoigne,
naires lnegaux pour moderniser, en !es contractualisant, les liens de depen- dont Ja perennite est assuree par les accords de defense, de cooperation et
dance. Des accordsde defense (largement secrets)ont egaiement ete paraphes d'assistance technique auxquels leur parrain fran~aisles fait souscriredes leur
pour permettre aux dirigeants des tout ;eunes Etats independants de faire face accession a l'independance, a l'epoque exacte ou se deroule la guerre du
aux menaces exterieures et, encore davantage, aux « troubles Interieurs» qui Cameroun. Profondement inspires par les methoclesmilitairesde l'ex-metro-
pourraient ä l'avenir !es fairevaciJleret ainsi ebranler la nouvelle architecture pole, ces nouveaux regimes re~urent pour mission, afin de sauvegarder les
de ce colonialisme reforme. « interets fran~ais » sur le continent, de ltttter sans reläche contre leurs
LeCameroun occupe une place particulieredans ce systemeneocolonial. ennemis interieurs, reels ou potentiels, qu'on voulait croire inspires par les
Non seulement parce qu'il est le seul pays du « pre carre » fran\'.aisen Afrique puissances communistes ou, dans certains cas, anglo-saxonnes. C'est un offi-
aavoir connu une rebellionarmee consequente, sous l'impulsion de l'UPC,au cier du Centre rnilitaire d'information et de documentatjon sur l'outre-mer
moment de l'independance, mais egalement parce qu'Jl est Je premier -si l'on (CMIDOM)qui explique Ie phenomene dans une etude confidentielle redigee
met de cöte Je cas particuller de la Guinee d'Ahmed Sekou Toure - aacceder en 1973 : « Formeesde personnels transferes de l'armee fran~aise,organisees
a l'independance, Je 1er janvier 1960. Le Cameroun appara1talors comme un sur le modele de cette derniere et equipees de materiels cedes par la France,
pays pionnier. Premier pays du « champ » a avoir vu debarquer !es « specia- les armees des ;eun~s Etats independants constituent, au debut, les seuls
llstes » fran~aisde la guerre revolutionnaire, des le milieu des annees 1950, il "outils" structures a Ja disposition des gouvernants. Heritieres en quelque
est aussi Je premier ä se voir dote d'une armee nationale et a « beneficier » de sorte des Forces fran~aisesoutre-mer, elles en adoptent aussi une partie des
l'assistancemiJitairetechnique fran~ise. Cette dernJere,activeele jour meme missions traditionneUes, tout particulierement preserver !'ordre politique et
de la proclamation de l'independance, permet de poursuivre sans transition social (issu de l'inclependance) et etre pretes a faire face a la subversion et,
et, pour encore de longues annees, les operations milltairesengageescontre la eventuellement, al'opposition politique. [...] Avecle temps, la veritable mis-
rebellion upeciste al'ere du colonialisme direct, Jnaugurant dans le sang une sion de cesarmeesva evoluer, l'ennemi ä craindre etant plus au-dedans qu'au-
longue serie d'ingerences militaires fran~ses en Afrique. dehors. Dans plusieurs pays, l'armee jouera un röle capital dans Ja düection
Ne dans un contexte de guerre, c'est tout le regime du Cameroun « inde- des affairesdu pays 7• >)
pendant » qui a ete imbibe par !es modeles « contre-revolutionnaires )>. Les Lesprocessusque nous venons brievement cl'evoquer,Jatransmission au
doctrines fran~aisesde contre-insurrection ont mute en systeme de gouverne- sein de l'armee fran~aisedes savoir-fairecontre-subversifsforges au moment
ment. Quelques mois apres l'independance, tandis que les operations de de la clecolonlsation,d'une part, et leur utilisation intensive et continue par
guerre se poursuivaient dans plusieurs regions du pays, une dictature impla- des regimes africains vassalises par la France, d'autre part, sont Jongtemps
cable fut lnstallee. Concentre dans les mains du president Ahmadou Ahidjo et restes inconnus d'une opinion publique fran~aisequi se soucie fort peu du
de son entourage, mais appuye par la « cooperation » et I'« assistance tech- dcstin de l'Afriqueet de Ja politique qu'y menent ses gouvernants depuis des
nique » fran~aises,le pouvolr carnerounais a recycle les methodes guerrieres d~ccnnles. Ce sllencc entretcnu et consenti est une des forces principales du
utlllseescontre les maquls de l'UPCpour lcsapp.liquerä Lauslcs <i subvcrslfs», n~ocolonlnlisn1e frnn~ais cn Mriquc. La faiblesse des contre-feux et des
14
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1'111111•11111
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procedurcs de contröle a permls aux dirlgcants fran~aisde faire passer les dic- ä frcdonner sous capc lcs nomt,rcuses chansons composces au tcmps des
tateurs "amis de la r:rance » pour de flns democrates, dont Jes exces de zele maquis. A l'ctranger, des historiens s'efforcerent egalernent de travalller sur
repressif, parfois trop voyants, ne pourraient s'expJiquer que par une incorri- le sujet. Richard Joseph notamrnent, qui publia des 1977 une remarquable
9
gible "nature africaine » et par la regrettable inaptitude de leurs peuples a etucte sur les origines et les debuts de l'UPC dans les annees 1940 et 1950 •
entrer de plain-pied « dans l'Hlstoire ». Ces arguments ont permis- et permet- Ou Achille Mbembe, qui exhuma dans les annees 1980 de nombreux textes
tent encore - aune partie des classesdirigeantes hexagonales de conserver des rediges jadis par Ruben Um Nyobe et produisit des analyses eclairantes sur la
« liens privilegies », ö combien remunerateurs, avec bon nombre de djcta- naissance du maquis en Sanaga-Maritime 10• Depuis le debut des annees 1990,
teurs, de tortionnaires et de criminels de guerre formes ä 1.'« ecoJe frarn;aise». enhardis par les protestations populaires qui secouaient alors le regime
Le silence, cependant, a ete partiellement brise au debut des annees 1990. de Paul Biya, successeur d' Ahmadou Ahldjo, et profitant de la tres relative
D'abord parce que, a Ja faveur de Ja fin de la guerre froide, !es peuples afri- « liberalisation » du regime de Yaounde, des etudiants, des chercheurs et des
cains ont saisi l'opportunite pour faire entendre leur coJere. Ensuite parce journalistes camerounais poursuivirent cet effort. ns se plongerent coura-
qu'il y a eu le genocide des Tutsis du Rwanda, en 1994, derriere lequel on n'a geusemen t dans le fatras d'archlves entreposees, au milleu de Ja poussiere
pas tarde a decouvrlr de graves complicites fran~alses. Enfin, parce que des et de la moisissure, dans des lieux jusque-lä hermetiquement fermes. Sans le
militants, des journalistes et des chercheurs se sont penches et mobilises en sou pour la plupart, subissant des pressions de toutes sortes, ils se rendirent
France pour devoiler la face cachee de la politique africaine de Ja France. C'est dans les villages pour essayer de recueillir Jes recits de temoins encore trauma-
ainsi que Fran~ois-XavierVerschave,president de l'association Surviede 1995 tises par le souvenir de la repression et par l.es annees de dictature qui
jusqu'a sa mort en 2005, popularisera - Je« salopard » !... - le concept de s'ensuivirent.
« Fran~afrique » pour decrire les relations occultes et maJsaines entretenues On commen~ait alors a(re)decouvrir la terreur qui avait regne au Came-
entre dirigeants fran~ais et africains. C'est ainsi egalement que des journa- roun au tournant de l'independance. Non seulement en Sanaga-Maritime,
Jistes ou des chercheurs comme Patrick de Saint-Ex.upery,David Servenay ou mais egalement -sujet encore inexplore al 'epoque- dans la region de l'Ouest,
Gabriel Peries exhumerent les canaux de transmlssion qui permlrent aux celle dite de l'« ethnie Bamileke». C'est sur ce dernier episode qu'insiste parti-
genocidaires rwandais de beneficier de Ja part de la France non seuJement culierement Fran~ois-Xavier Verschave dans le chapitre de La Franfafrique
d'armes, d'appuis logistiques, de soutien moral et politique, mais egalement dans lequel il cite l'extrait de Jean Lamberton sur le « caillou bamileke ».
de formations aux methodes d'eradication de l' « ennemi interieur » forgees et Pour illustrer le caractere ethnique de la repression - le genocide rwandais est
diffusees depuis la periode de decoJonisation par les autorites politiques et alors dans toutes les tetes -, Je meme Verschave renvoie, comme Pascal Krop
militaires fran~aises. « Nous avons instruit les tueurs, ecrira ainsi Je journa- avant Jui 11, a un livre, O.K. Cargo!, ecrit par un certain Max Bardet qui dit
Hste Patrick de Salnt-Exupery. Nous leur avons fournJ la technologie : notre avoir participe ä. ce qu'il appelle la « guerre bamileke » dans les annees
"theorie". Nous Jeur avons fourni la methodologie: notre "doctrlne". Nous « 1962-1964 » 12•
avons applique au Rwanda un vieux concept tire de notre hlstoire d'empire. Signe conjointement par ce « legendaire pilote d'helicoptere » appele
De nos guerres coloniales 8 • » Max Bardet et par une « jeune femme d'affaires americaine, Nina Thellier,
[qui] a reconstitue avec bonheur toutes les peurs, tous les espoirs » du premier,
ce Hvre,qui raconte les tribulations de Bardet de l' Algerie ä Djibouti en pas-
Uneguerreenfouie: silence,fiction sant par le Cameroun et le Tchad, merite un peu d'attention. Passe totaJement
et affabulations inaper~u lors de sa publication, en 1988, il fait pourtant un recit stupefiant
des operations militaires a L'ouestdu Cameroun. Alorsque ce qu'il decrit res-
C'est dans ce nouveau contexte qu'est reapparue, en France cornme au semble en tout point a l'Afrique mythologique d'Herge dans Tintin au Congo,
Cameroun, Jaquestion des operations de guerre menees par les autorites fran- alors qu'a l'evidence beaucoup d'aventures contees dans ce livre sont
~aises et leurs allies camerounais contre l'UPC dans les an nees 1950 et 1960. tout droit sorties d'une imagination petrie de la culture coloniale la plus
II faut signaler cependant que, maJgre Ja chape de pJomb qul a recouvert ces eculee - tribaliste, raciste et sexiste -, certains aspects laissent penser qu'il ne
evenements dans Jes deux decennies suivantes, Je souvenir de la resistance s'agit pas que d'une flction. A titre d'exemple, on y croise un militaire
upecistc n'avait pas totalcmcnt disparu. Sccnhemcnt, bcaucoup de Came- franc;ais, lc "colonel Nolret », quallfie de "conseiller direct d' Ahldjo ». Or,
ro11n11J~contJn1111lc111~ cnt1etcnlr lo fl:11nr11c,
~ honorcr lc~martyr·, de la lulle, flulourd'hul cncorc et 11(nrtlml~ l'~poque oucc livrc etrange cst paru -, seuls

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les init-iespeuvent cornprcndrc qu'II s'agit selon toute vralsemblance d'une Lt, Morteloil le11rmission,publle en 1995, il parle ä nouveau du Cameroun :
allusion a un tres dlscret conseiller rnilltalre fran~is, en poste a Yaounde au « Apres la decolonisation orchestree par le general de Gaulle, des troubles
debut des annees 1960, qui jouissalt en effet de toute la confiance du presi- avaient eclate au Cameroun. Ou se situait, ä propos, ce putain de pays et
dent Ahidjo: le coloneJ Jean-Victor Blanc. Une allusion en negatif, en quelles etaient son histoire et sa singularite? Une fraction extremiste regrou-
« Noiret » Blanc...
pant les Bamilekes'etait souJevee.Selon une tradition afrlcaine qui n'etait pas
Les inities? Constantin Melnik par exemple, chef des services de secu- encore relayee par Ja television, des massacres avaient eu lieu, suivis d'une
rite et de renseignements aMatignon entre l 960 et 1962, quandMicheJ Debre
repression ou les forces gouvernementales epauJees par des conseillers mili-
etait Premier minlstre. Devenu, dans les annees 1980, responsable de collec-
taires fran~ais, n'avaient fait preuve d'aucune reserve. Tentes par une aven-
tion aux Editions Grasset, c'est lui qui a patronne Ja publication de 0.K.
ture africaine, [... ] des camarades du colonel Martineau etaient partis piloter
Cargo!. A J'evidence, Jean Lamberton n'est pas Je seuJ actepte du Jeu de piste
des helicopteres et ils etaient revenus lourds de recits de cadavres flottant au
et du message crypte. Mais il faut s'interroger sur les intentions de Melnik.
fil de l'eau ou pourrissant dans les forets 15• }}
Pourquoi, lui qui a suivi Je dossier camerounais de tres pres, accepte-t-il de
Quelles que soient les Intentions de Constantln Melnik, force est de
faire pubUer un recit qui se joue si deliberement des frontieres entre la fiction
grotesque et Ja realite codee ? Que vise-t-il,au juste, lorsqu'iJ presente comme constater que son jeu de cache-cache surJa« guerre bamile.ke» a aujourd'hui
veridique le recit d'un pilote d'helicoptere affirmant sans detour, comme il Ie des consequences importantes sur le debat public et la recherche historique.
fait dans ce passage, que des rniHtairesfran~s ont participe a un « vrai geno- 1nstruits par Jegenocide au Rwanda et, par la meme occasion, du degre ahuris-
cide » en Afriquecentrale: « En deux ans, l'armee reguliere a pris le pays bami- sant de cynisme dont certains responsables fran~aispeuvent etre capables, de
leke, du sud jusqu'au nord, et J'a completement ravage. 11sont massacre nombreux observateurs ou commentateurs semblent aujourd'hui considerer
300 000 ou 400 000 Bamileke.Un vrai genocide. lls ont pratiquement aneanti le recit de Max Bardet comme une verite incontestable. De sorte qu'on
Ja race. [...] Lesvillagesavaient ete rases, un peu comme Attila, tu passes,tune retrouve, sans aucune nuance ni mise en garde, la cltation sur les « 300 000 a
laisses rien. Peu de Fran~aissont intervenus directement. J'en ai connu trois 400 000 Bamileke » tues « entre 1962 et 1964 » jusque dans des ouvrages ou
ou quatre, c'est taut. La presse n'en a pas parle 13 »? des travaux universitaires par a1lleursplutöt rigoureux. Ce qui signifierait, a
Melnik gardant le silence sur son röle dans le livre de « Max Bardet », titre de comparaison, que l'armee camerounaise - aidee de « trois ou quatre »
toutes les hypotheses sont possibles pour expliquer ces lignes redoutables•. Frarn;:ais ... - aurait fait, en seuJement deux ans, avec des moyens considerable-
Alerte,en direction de Ja« presse», sur un drame inexplore? Clin d'ceil mor- ment moins importants et aJors que Je conflit entrait dans sa phase de pro-
bide a quelques coUegues des services de renseignements fran~ais? Ven- gressif apaisement, autant - voire plus - de victimes que l'armee fran~aise
geance inassumee contre quelque rival Jie aux « trois ou quatre » Fran~aisqui durant les huit annees qu'a dure la guerre d' Algerle (conflit pour lequel les
sont « intervenus directement » au Cameroun ? La derniere hypothese est Ja estimations varient entre 250 000 et 400 000 victimes aJgeriennes 16).
plus vraisemblable quand on connait la haine que Constantin Melnik nour- L'avenement du Web joue un röle non negligeable dans Ja diffusion de
rissait pour Je « Monsieur Afrique» du general de Gaulle, Jacques Foccart, et ces « informations ». Precieux outil de recherche, le Reseau s'est paraJJeJe-
la disgrace dont le meme Melnik fut frappe en 1962, alors qu'il revait au ment transforme en quelques annees en une veritable machine ä transformer
contraire d'etre nomme a Ja tete du Service de renseignements exterieurs la fiction en reaUteet Ia realite en fiction. On ne campte plus aujourd'huJ Je
fran~ais (SDECE),ancetre de la Direction generale de Ja Securite exterieure nombre de sites, de blogs et de forums ou l'on debat sans fin sur les crimes du
(DGSE)14•
« colonel Noiret » et du « colonel Martlneau », sans que personne ne signale
n faut savoir en outre que Constantin Melnik s'est fait une specialite, qu'il s'agit de noms inventes. On voit aussi circuJerdes histoires etonnantes.
depuis qu'il est a Ja retraite, du roman a clef. fl muJtiplie Ies livres dans les- « Sous la direction de l'armee fran~aise, Ut-on par exemple sur des dizaines de
quels il raconte ses souvenlrs d'espion en Ies noyant dans la fictioa et ou il sites Web, les troupes camerounaises rasent le bourg de Yogand.ima,massa-
regle ses comptes a travers des noms d'emprunt. Dans son vrai-faux roman crant pres de 8 000 civils desarmes 17. » Sans qu'on sache qui est aI'origine de
cctte « information », que taut le monde date du « 2 mars 1960 », cette his-
toire sera reprise jusque dans la presse camerounaise et dans certains
a Contact~ pnr l'int:crm<!dlRlrc
de scs (-dllcul'\,Conswntln MclnJk a lals~~110.ssolllcllotlons ouvrages, alors rn~meque pcrsonne ne salt, n'a jamais su et ne saura jamais ou
sans rcpo11se.
se trouvc la localll6fictivc clc"Yogandlrna» 18 l
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Tout a lcur volonte de brlser u11sllencc qul a trop durc, ces ltllcrnautcs, ~uerre d' Algcrlc,nous sc111blc pouvoir etrc utilement rappelee a ceux qui se
Journalisteset essaylslespeu regardants transforment alnsi la guerre du Came- voudralc11L lcs plus fideles heritiers ou ardents defenseurs de l'UPC : "Meme
roun, pourtant bien reelle, en simple fiction. Enseveliessous !es« 8 000 morts une lntense sympathie pour Jecombat du peuple algerlen n'autorise pas l'his-
de Yogandima», les veritables victimes des bombardements frarn;ais,qui ont torien a avaliser toutes les faussetes produites, meme sincerement, en son
bei et bien eu lieu au Cameroun, sont aJorsaspireesdans la spirale infemale de nom. C'est meme un devoir de deontologie que de se departir de la vergogne.
la fiction et de la negation. 1... 1 faudra-t-il ajouter que les deux camps opposes - celui de l'hi.stoirealge-
rienne officiellebureaucratiseeet celui du revisionnisme de nostalgerie fran-
~aise,mieux connu en France- se retrouvent finaJement dans le meme camp
Negationsoffidelles methodologique frelate22 ? »
Or, pour le Cameroun comme pour I'Algerie(et comme poul' le Rwanda,
Sujet aussl capital que sensible, Je bilan humain de ce conflit est devenu d'ailleurs), Ia nostalgie aveugle, l'ignorance et Ia negation sont, en France,
depuis les annees 1990 I'objet de polerniques endiablees.Apresdes decennies profondement lncrustees. EIJesont meme ete revendiquees, cranement, par
de negation ou de minoration, Je risque est desorma.iscelui de l'exageration. les plus hautes autorites de !'Etat.En visite officiellea Yaoundeen mai 2009, le
Par un jeu d'extrapolation desordonne, les chiffres ne cessent de gonfler. Premier ministre fran~aisFran~oisFillon fut interroge au cours d'une confe-
Additionnant les « 400 000 morts „ revendiques par Max Bardet a d'autres rence de presse sur les evenements qui se deroulerent au Cameroun au
comptabilites tout aussi incontrölees, certains ouvrages, publies aussi bien au moment de l'independance. La question, timoree, qui evoquait a la fois les
Cameroun qu'en France, parlent de « rnillions de morts », c'est-a-d.irepoten- « scories du passe», les accords militaires franco-camerounais et la mort de
tiellement autant que d'habitants dans les regions Ollse sont deroulees les "plusieurs nationalistes camerounais [... l assassines par l'armee ftan~aise»,
operations de repression franco-camerouna.ises ... En 1995, Jacques KagoLele re~ut une ceponse abrupte : "Je denie absolument que des forces fran~aises
parle ainsi de« 800 000 a 1 mlllion „ de morts entre 1955 et 1965 19• Dix ans aient participe, en quoi que ce soit, a des assassinatsau Cameroun. Tout cela,
plus tard, Ferdinand Chindji-Kouleu surencherit avec « 2 milUons de morts, c'est de la pure Invention ! Et naturellement, lorsque je parlaisde "scories",ce
[...] de 1955 a 1964 seulement 20 ». n'est pas a~aque je pensais 23 ... »
L'ideeselon laquelle il y a eu un « genodde bamileke » devient ainsi un.e Avant de se rendre au Camecoun, M. Fillon aurait pu prendre la peine de
« evidence „ aux yeux d'un public abuse par la repetition a l'identique des lire les deux pages que son lointain predecesseur Michel Debre, en poste a
memes pseudo-informations•. Ne citant jamais aucune source d'archives, l'epoque des faits, avait consacrees,dans ses Memoires,a la guerre du Came-
compilant des citations Ollse melangent le vrai, Je faux et le vraisemblable, roun. Certes, ces pages, publiees dans les annees 1980, devaient se lire entre
agrementant le tout de propos outres et d'analogies historiques bancales, !es tes lignes. Certes, M. Debre n'y parlait pas de "guerre „ au Cameroun et effa-
rnilitants de cette these jouent un jeu dangereux lorsqu'ils pretendent, sous ~ait soigneusement tout eclat de sang. Mais il evoquait avec fierte cette vaste
« operation de nettoyage », point culminant de la repression fran~aise, qui
pretexte que • la verite a ete devoilee » (par Max Bardet, Constantin Melnik
et consorts ...), qu'elle est incontestable 21 • Us ferment peremptoirement un avait permis, en 1960, aune Franceconvertie aux.vertus du neocolonialisme
debat historique qui n'a jamais ete serieusement ouvert. Une autre forme de autoritaire de maintenir le Cameroun sous sa domination ... au moment
negationnisme en somme, qui ne complete que trop bien la conspiration du meme Ollelle lui « offrait » l'independance. Un exploit qu'elle n'avait pas
silence a laquelle ils pretendent, heroi'quement, mettre fin. reussien Afriquedu Nord, au grand desespoirde ce chaud partisan de I'Algerle
Si elle s'applique a une realite historique differente - Ie Front de Libera- fran~aisequ'etait Michel Debre. D'oll cette pointe d'amertume: « L'interven-
tion nationale algerien, contralrement a !'Union des populations du Came- Lionmilitaire de la France au Cameroun est peu connue. L'attention des Jour•
roun, a triomphe de ses ennemis-, la remarque de l'historien GilbertMeynier, nalistes n'a pas ete attiree sur la cteclsionque j'ai prise et son execution qui se
analysant les bilans extravagants diffuses par le FLNavant comme apres la prolonge pendant plusieurs mois. Jusqu'a present, les historiens ont fait
preuve de la meme discretion. Cet oubli est sans doute du au fait que cette
intcrvention mllitaire s'est terminee par un succes:1,1_ »
a Un candidat ä l'eleclion presldentielle frani;aisc de 2007 - Jean-Marle Le l'cn cn l'occur-
rence, proche ä la fols de l'• humorlste" Oleudonnl! et du presldcnt camcrounols Paul
Blya - a l>tl!intcrpcll(! sur cc sujet au cours d'un dl!bat tl!l~visl! (• )'al unc quc~tion ;\ vou5
po~er•• Tri, 12 fl!vrler 2007).

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U11bilan r-neurtrier, clans Je cadre plus general de la guerre froide et des luttes pour l'emancipation
encoretresdifficilementchiffrable des peuples opprimes, ressemble effectivement aun jeu de piste interminable.
Avertissons donc d'emblee le lecteur : notre travail doit etre regarde
Un demi-siecle apres ces ,< evenements », il paratt urgent de travailler comme une tentative incertaine visant ä documenter une guerre inconnue, ä
serieusement sur la decolonisation du Cameroun. C'est ce que nous avons l'inscrire dans son contexte politique specifique et dans sa trajectoire histo-
essaye de faire pendant les quatre annees que nous avons consacrees a la pre- rique anterieure et posterieure. Comme taute tentative, celle-ci comporte
paration de ce Iivre. Le plus important est evidemment de multiplier les necessairement des oublis et, sans doute, des erreurs. Ce livre doit donc egale-
sources d'information et de !es confronter entre elJes. Nous avons donc par- ment etre con~u comme une invitation a poursuivre les recherches exis-
couru des milliers de kilometres, en France et au Cameroun, pour rencontrer tantes, a !es completer, ä les corriger, a les nuancer. Pour eviter de sombrer
les temoins encore vivants. Pour Ia premiere fois, nous avons ainsi retrouve dans les travers que nous avons evoques, ceux d'une histoire fictive qui toume
des mllitaires fran~ais ayant servi au Cameroun, qui ont accepte de s'exprirner a l'intoxication, nous nous effor~ons dans les pages qui suivent de renvoyer
avisage decouvert. Deux ambassadeurs de France et de nombreux administra- aussi precisement que possible le lecteur aux sources, ecrites ou orales, sur les-
teurs coloniaux nous ont ouvert leur porte. Les principaux acteurs came- queUes nous nous sommes appuyes. Sans pretendre reveler une verite defini-
rounais, anciens « rebeltes ,, ou ex-responsables de Ja repression, nous ont tive, cela permettra au moins au lecteur de juger par lui-meme de leur
accorde des entretiens approfondis. A de rares exceptions pres, la plupart des credibilite et, eventuellement, de refuter les informations qui s'y trouvent ou
personnes sollicitees ont bien voulu nous recevoir et fouiller leur memolre et les interpretations que nous en faisons.
leurs archives privees avec nous. Puisque nous avons parle du bilan humain de Ja guerre du Cameroun,
La matiere premiere Ja plus abondante et Ja plus fiable est composee des revenons-y des maintenant. En fonction des sources dont ils emanent et des
traces ecrites qul evoquent ce passe. Contrairement ä ce qui est dit par ceux dates de leur diffusion, Je Jecteur pourra se faire une idee des chlffres que nous
qui recopient les livres des autres et cherchent ensuite ä camoufler leur avons trouves. Mais il faut au prealable signaler que ces donnees se referent a
paresse, iI existe des centaines de milliers de pages d'archives disponibles. des episodes differents, qui parfois se chevauchent, temporellement ou geo-
Certes, un bon nombre d'entre elJes restent inaccessibles, acause du secret qui graphiquement, et qui, plus souvent encore, laissent de cöte des regions ou
frappe encore une partie des archives officielles•. Certes, Jes documents sont des etapes importantes du conflit : elles ne peuvent donc ni s'additionner ni
souvent disperses, aux quatre colns du monde pour certains. Mais c'est plutöt se retrancher. Nous ne les donnons qu'a titre indicatif, surtout pour montrer
Ja profusion que Ja rarete des sources qui rend Ja recherche difficlle. Malgre a quel point l'exercice est perilleux apres un demi-siecle de silence et de
plusieurs annees d'efforts, nous n'avons pas eu le temps d'exploiter l'integra- mystification•.
lite de celles que nous avons nous-memes collectees dans di.fferents fonds Pour ce qui est des erneutes de mai 1955, qui peuvent etre considerees
d'archives, ä Yaounde, Dschang, Bafoussam, Buea, Paris, Nantes, Vincennes, comme le prelude direct de la guerre, !es autorites fran~aises evoquent, dans
Aix-en-Provence, Frejus, Bobigny, Geneve ou Amsterdam. Et il en existe des rapports confidentiels, une quarantaine de tues, tandis que !es evaluations
encore des salles entieres, que nos moyens limites ne nous ont pas permis des nationalistes varient a l'epoque d'une centaine ä plusieurs milliers de vic-
d'explorer, dans ces memes villes, comme du reste ä Douala, Edea, Nkong- timesb. Concernant l'insurrection de decembre 1956, premiere tentative
samba, Loodres, New York, Moscou, Alger, Conakry, Accra ou Brazzaville...
L'histoire de l'independance du Cameroun, parce que c'est aussi l'histoire de
Ja France, de l'Europe, de l'Afrique taut ent:lere, parce qu'elle s'inscrit aussi a A l'epoque m~me des falts, l'incertitude est grande dans les rangs de l'UPC. Pour l'anec-
dote, on mentionnera l'etonaement d'un de ses ditlgeants apres avoir r~, d'une section
locale du mouvement, un bHan aussi ahurissant que catastrophique apr~s seulement dix
Jours d'operations militaires fran~aises, fln 1956. • Ton rapport slgnale pour la Sanaga-
a
Les refus de derogation pour l'acces aux archives sont proportionnellement rares, sans que Marltlme seule, un chiffre de 57 500 morts. C'est-a-dlre que le tiers de la population
l'on pulsse parler d'une censure particuliere ä ces evenements. Parmi !es refus essuyes, n'exlstc plus. Nous voulons croire que c'est pour le molns ex:agere... • (Lettre de Jean-Paul
nous pouvons citer certains dossiers nominatlfs, ccrtains cartons traitant de l'asslstance Sende ä Sllas Mbong du 6 janvier 1957, clte i11• f:.t:udesur !'Union des popuJations du
technlque, les sufets les plus rl>ccnlS,ä propos des nnnees 1.970et 1980, cert.olns rapports C!lmcroun et lc Comlte natlonal cl'organlsation •, 19 mars 1957, p. 17 [CAOM, Aff-
des Renseignements gcnen1ux conccmant des n1illtnn1s en Frnnce, nne partlc des corres- Pol 33361.)
pondanccs de Jucqucs Foccort, c1ul'lqucs cartons clu cablnct du mlnlstro do la l)~fc11~c h l.c chlffrc lt plu~ (:lcv(! du cOt(:up(!clstl! esl ceiul que l'on trouve dans un telegri1mme
fr1111tnl&
...
1.'llVOy<in l't>NU, lc W mnl 1955,por Samuel Dumbc, lc ~ccrNairc de l'UPC de Douala, qul

2
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K",,,,,,.,,,,,
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conccrt~e de rccour:. ~ la violcnce par l'UPC, les autorlles fran(nl~c~pa,lcnt vcrifier lcs dires, mais dont les allegations meritent d'etre prises au serleux,
tres rapidernent de« plusieursdizaincsde paysans assassines» par les natlona- m'affirmail qu'II y avait eu 120 000 victimesau totaJ pendant les deux ou trois
listes, tandis que ces derniers renvoient sur les premieres la responsabilitede an~ qu'a dure l'insurrectlon en pays [bamilekel; or, cela nous l'ignorames i\
31
"milliers » de victimes 25 • Un des ennemis jures de l'UPC, l'ancien ministre peu pres entierement, meme en France,l'ancienne metropole • ,.
fran~ais Louis-PauJAujouJat, longtemps elu du Cameroun, mentionnera A notre connaissance, la seule tentative de synthese generale effectuee
quant ä lui Je chiffre d'« un millier de morts » provoques par la represslon par des autorites officielles, en ce qui concerne tout du moins les victlmes
fran~aise,quand J'historien americain VictorT. Le Vine juge credible ceJuide civiles repertoriees pour la phase la plus intensive de la campagne militalrc
« deux milliers », sans preciser toutefois dans quel camp iJ !es situe 26• franco-camerounaise,est celle qu'a retrouvee Ja chercheuse amerlcaine Mere-
Etant donne Jes chiffres precedents, qul concernent des operations dith Terretta. Outre qu'elle a ete realiseeä chaud, cette synthese a l'avantage
ponctuelles, Ja comptabilite fournie par l'armee fran~aise concernant ses d'emaner du Foreign Office brltannique, observateur privilegie des evene-
propres operatlons militaires en Sanaga-Maritimeentre 1957 et 1958 parait ments - puisque le Royaume-Unipartageait avec la France,depuis la fi.nde la
parfaitement fantaisiste. Elle ne fait mention, entre novembre 1957 et Premiere Guerre mondiale jusqu'aux independances, la tutelle sur l'ancien
novembre 1958, que de« quatre cents rebellestues 27 ». Nous ne connaissons Kamerunallemand - sans avoir pour autant participe directement ala repres-
pas Jes bilans chiffres mis en avant par l'UPC,rnais, compte tenu des indica- sion des" troubles », qul se sont presque integralementderoules dans la partle
tions que l'on retrouve dans les textes de Ruben Um Nyobe et de ce que nous francophone du pays. « Lesarchives britanniques evoquent, pour la periode
savons par aHleursde la nature de la repression, il ne fait aucun doute que les allant de 1956 ä juin 1964, de 61 300 ä 76 300 civlls tues sur une populatlon
operations militaires dans cette region ont fait des milliers de morts, peut- totale estlmee a 3 millions de personnes, ecrit Meredith Terretta. 80 % de ces
etre plusieurs dizaines, avant comme apres la mort du secretaire general de pertes ont ete occasionnees dans la region Barnilekesous administration fran-
l'UPC,en septembre 1958, qui compte lui-meme parmi les victimes. On peut ~aise.Le nombre exact de morts a ete difficile ä calculer, ecrit l'ambassadeur
signaler ä titre d'exemple que le mercenaire « pro-fran~s » Jacques Bidjoka britannique ä Yaounde en 1964, parce que avant l'independance "l'armee
reconnaitra, en 1961, avoir tue avec sa seule bande dans cette region « plus frani;:alsea frequemment brule, ou detruit d'une autre maniere, des villages
de six cents personnes, sous la pression des colonialistes», depuis Jedebut des entiers, qui etaient gravement infestes de terroristes",ce qui a eu pour resultat
28
troubles • Mais il faut savoir que l'homme est alors accuse d'avoir tue un de "tuer un nombre inconnu de civils non terroristes". Oe la meme fa~on,
sous-prefetet que cet aveu Jui a peut-etre ete extorque, sous Ja torture, par des apres l'independance, "les Forces armees camerounaises f...1ont tue par
forcesarmees franco-camerounaisesspecialistesen la matiere... megarde [inadvertently] un nombre inconnu de civils" et, tout au long du
Ledecompte effectuedebut 1961 par le general Max Briand,chef des ope- conflit, "il s'est frequemment revele impossible de determiner si la personne
rations militaires fran~aisesau Cameroun, doi.tegalement etre prls avec des tuee etalt un terroriste [...] ou un badaud innocent" 32 • »
pincettes. II n'evoque, pour la seule J'annee 1960, qu'« un peu plus de Nous n'irons pas beaucoup plus Join sur ce chapi.tredelicat. Nous nous
20 000 morts » dans le departement Bamileke,celui ou Ja France concentre limiterons a quelques remarques. D'abord, !es chiffres mentionnes par
alors ses efforts et multiplie les bombardements 29• A la meme periode, la revue i'ambassadeur britannique, notamment, sont assez eloquents - d'autant
fran~aise Realitesparle d'une fourchette de 20 000 ä 100 000 morts entre qu'ils ne concernent que les pertes ((civiles" et sont, de son propre aveu, vrai-
decembre 1959 et juillet 1961 30• Fin connaisseur du Cameroun et proche des semblablement minores - pour qu'on s'interroge en profondeur non seule-
autorites fran~aises, le journaJiste du quotidien Le Monde Andre Blanchet ment sur le silence terrible qui a regne ä l'epoque des evenements, celui dont
s'essayeä son tour ä un bilan chiffreau cours d'une conference qu'il prononce parlent Jean Lamberton comme Andre Blanchet, mais egalement sur ce
en octobre 1962 au Centre d'etudes de politique etrangere: « Deja pendant Ies silence qui perdure aujourd'hui derriere les outrances mal informees qui proli-
ceremonies [ä l'occasion de Ja proclamation de l'lndependance du Came- ferent sur Internet.
roun, le 1~•janvier 1960], je me rappelle qu'un officiel fran~ais, membre du Ensulte, il faut prendre les chiffres que nous avons mentionnes avec une
cabinet [d'Ahmadou Ahidjo], m'avait parle de 12 000 morts d'ores et dejä cxtr~mc prudence et des recherches precises doivent etre entreprises sur ce
deplores en pays bamileke. Tout recemment quelqu'un, dont je n'ai pas pu theme. Ces dernicres, qui depassent nos competences, doivent s'appuyer sur
des et.udcs dernographlques fiables et prendre en compte de multiples fac-
parlc de • plu~ de 5 000 Cnmero1111al~ • ru~~. ofoutnnl quc • Jegouvcrne111e11t frn111,ul\ tcurs: lcs vlctimcs lndircctcs, le~pcrturbations differeessur les pyramidesdes
an~anlll I0UI<'flaJ populnlklll noln- llu CJllll'rOUII frnn(ill\ • (CAOI\I, Aft l'ol 1117) O~c,, lc~ migrnttous Internes et externe~ provoquecs par la brutalite des
,,, 5
Ka111en111/ mmIm1rm111

combats, etc. Comment, sans ce type de donn~es, Interpreter les propos de nationale et faire quclquc~ mcnus profits. tplne dans le pied des colons
Jean Lamberton lorsque, parlant de la region dlte « Bamileke», il affirme des fran<;als,l'UPCse refuse, au contraire d'autres mouvements nationalistes afri-
1959 qu'elle a d'ores et deja « ete depeuplee a SO % 33 »? Le general Briand cains, ä tout compromis. Sa popularite se consolide, ses mots d'ordre se diffu-
aurait-ll quant a lui annonce un autre bilan a ses superieurs s'il n'avait eu la sent dans tout le pays. Elle risque m@mede faire tache d'huile a travers le
conviction, comme il l'ajoutait juste apres avoir reconnu « un peu plus» de continent. La repression fran<;aise,qui n'est pas d'abord militaire, se durcit.
20 000 morts pour l'annee 1960, que « ce chlffre [etait] a rapprocher de En valn (premlere partie).
l'expansion demographique estimee, annuellement, entre 22 000 et Paris envoie alors, pour se maintenir a Yaounde, des Hauts Commis-
25 000 personnes » ? salres a poigne. Roland Pre d'abord, un ancien de la Resistance fran<;aise
Enfin, Je debat sans fin ä propos de ces donnees brutes n'a que peu de contre le nazisme, qui voit des communistes partout. U engage l'epreuve de
senset il continuera d'@trel'objet d'une dangereuse instrumentalisation si on force en mai 1955 et fait interdire l'UPC. Pierre Messmer ensuite, repute
fait abstraction du contexte historique precls dans lequel s'inscrivent ces liberal, mais qui oe craint pas lui non plus de faire couler le sang. Lesnationa-
chiffres. « Oü se situait, apropos, ce putain de pays et quelles etaient son his- listes camerounais maintiennent le cap. Dans la clandestinite, le programme
toire et sa singuJarite ? », ecrivait avec morgue Constantin Melnik dans La - independance, reunification, justice soclale - est maintenu. Et s'incarne
Mort etnit leur mission. Au lieu d'empiler des corps sans vie et sans nom dans dans un mot : Kamenm! Pied de nez aux Fran~ais,l'UPC brandlt Je nom que
des romans douteux, mieux vaut effectivementse poser serieusementce genre leurs ennemis hereditaires, les Allemands, avaient donne a ce pays quelques
de questions si l'on veut comprendre ce qui s'est passe au Cameroun dans ces decennies plus tot, avant son partage entre le Camerounfran<;aiset le Came-
annees troubles. roon britannique. Pour les Camerounais, le mot devient slogan. Plus qu'un
programme, c'est un esprit : celui de la resistance. La France n'y tient plus.
Elle frappe, eile tue, eUe enferme : en Sanaga-Maritime, mais aussi dans la
La Francecontrele Kamerun region que le colonialisme appelle « Bamileke». Sessoldats s'y livrent ala tor-
ture systematique, pour obtenlr des renseignements et semer la terreur. La
fJ ne s'agit en aucune fa<;onici de refaire toute l'histoire du Cameroun. Franceveut etouffer l'espoir: Ruben Um Nyobe, leader exemplairedu mouve-
Nous cherchons plutöt acomprendre pourquol les responsablesfran<;ais,de la ment nationaliste, est assassineen 1958 dans les maquis de Sanaga-Marltime
fV' puis de la V' Republique,avant comme apres l'octroi de l'independance (deuxieme partie).
du pays, se sont lancesdans une repressionaussi feroce.C'est ce contexte qu'il Le Cameroun devra suivre le chemin trace par Houphou~t-Boigny en
convient en preaJablede brosser ä grands traits, tout en presentant l'organi- Cöte-d'lvoire et non celui de Sekou Toure en Guinee. Croyant avoir gagne,
sation que nous avons retenue pour ce livre, structure en quatre sequences ou cherchant a häter sa vlctoire en leurrant les Camerounais, la France pre-
chronologiques: 1945-1954, 1955-1958, 1959-1960, 1961-1971. pare l'accessiondu pays ä une « independance » qu'elle s'ingenie au pre~Jable
La raison principale de la hargne fran<;aises'appelle, on l'a dit, l'UPC. a vider de son contenu. Elle a trouve en Ahmadou Ahidjo, un petit homme
Creee en 1948 a Douala par quelques « indigenes evolues », comme on les du nord du pays, le polichinelle ideal pour creer l'illusion. La flamme« kame-
deslgnalt alors, l'UPC constltue des Je depart un des defis les plus serieux au runaise » reslste encore, pourtant, quoique difficilement. En Sanaga-Mari-
colonialisme fran<;aisen Afrique.Elle reclame d'abord la justice, la dignite et time, la mort d'Um a presque attelnt son objectlf. Mals la resistance se
l'egalite pour .les« indigenes » trop longtemps martyrises, exploites, abuses. poursuit dans cette region aussi, comme dans les regions de Yaounde, de
Elle demande aussi la reunification du pays que se sont partage Jes Fran~ais Douala et du Mungo. C'est surtout dans la region Bamileke,l'Ouest-Came-
et les Britanniques, par Ie truchement de la Societedes nations (SDN)apres Ia roun, que les combats sont les plus achames. Entreesen dissidence, les popu-
defaite allemande en 1916, puis celui de l'ONU.S'appuyant sur Je Statut inter- lations de la region participent massivement a l'insurrection. Les autorites
national du Cameroun qui en fait, avec le Togo, un Territoire a part au sein frans;aises,qui ne sont theoriquement plus "chez eiles» depuis le 1"' janvier
de !'Empire fran<;ais,l'UPC exige surtout l'independance : affront insuppor- L960, optent alors pour les represailles collectives : les bombardements
table pour !es Fran<;aisqul, contrairernent aux Britanniques, n'ont aucune aveuglessur des villagesentiers. C'est la « guerre totale», l'hecatombe. En exil
intentlon de lächer du lest. Malgre les belles paroles du general de Gaulle a forcc,au CaIre,en Guinee, au Ghana, FelixMoumie, president de l'UPC,tente
Brazzavillcen janvicr l944, ils comptcnt blcn s'agrlpper a leurs « posses- de trouvcr des soutiem ~trangcrset d'alertcr une opinion internationale, fran-
sions » d'outre-n1cr pour rcdorcr le blason trlcolorc, assurcr la dMcnse <;aisccn parllcullcr,uvcu ►MC' pnr lcscclats meurtriersde la gucrrc d' Alg~rie.En

7
/QfflNiTii 1

novcmbrc 1960,lcs scrvlcessecrcls fran~alsdcnicheront ä Gen~veunc bonnc I


adresse et un bon cocktail, pour lui faire passer l'envie de protester (troisieme

« Kamerun
», unebreche
partie).
Malntenant que ses parrains fran~ais ont elimine ses deux principaux
rivaux, Um Nyobe et Moumie, et ecrase la « revolte bamileke », le « fan-
toche » Ahmadou Ahidjo peut lever !es bras en signe de victoire. La Francede dansl'Empire
franrais
Charles de Gaulle et de Jacques Foccart prend toutes !es dispositions utiles
pour assurer sa longevite. A Yaounde, !es methodes elaborees pour faire la (1945-1954)
guerre a l'UPCse transforment en mode de gouvemement. Comme dans les
autres pays d'Afrique francophone, l'« independance » a enfante une coriace
dictature : une fa~adederriere laquelle l'ancienne puissance coloniale peut
discretement manceuvrer. Revenu clandestinement d'exil, Ernest Ouandie,
vice-president de l'UPC, cherche vaillamment a rallumer la flamme et a
secouer cet etat de fait. Mais le contexte est defavorable. A l'interieur du
Cameroun, le contröle des populations par les forces gouvernementales est
maintenant trop serre. Lesmilitants kamerunais s'epuisent. A l'etranger, !es
soutiens potentiels ont deserte: ils se passionnent maintenant pour le Congo-
Leopoldvilleet !es colonies portugaises, ils se mobilisent pour le Viet-nam...
et eo oublient les « causes perdues ». Ouandie, de plus en plus isole, perd le
contact avec ses amis exiles. Les tentatives de « deuxieme front», lancees
depuis le Congo-Brazzaville, echouent lamentablement. Debut 1971,
Ouandie est fusilleen publlc par un peloton d'execution. Le Kameruna vecu,
Ja Fran~frique triomphe (quatrieme partie).
1

Douala-Brazzaville-Douala:
l'ebranlement
colonial
(1940-1945)

• Dans la grande France colonlale, il n'y a nl peuple ä


affranchir nJ discrhnination raciale ä abolir. [... ] II y a
des populations que nous entendons conduire, etape
par etape, ä la personnallte, pour les plus mures aux
franchises polltiques, mais qui n'entendent connaitre
d'autre independance que l'independance de la
France. »
Rene PLEVEN,commissaire aux Colonles
du Comite fran~ais de Liberation nationale, 1944 1•

I I faudra s'en souvenir : Je Cameroun occupe une place a part dans l'his-
toire de la Resistancefran~aiseet dans la mythologie gaulliste. En 1916,
au cours de Ja Premiere Guerre mondiale, Ja France a recupere la majeure
partie de cette ancienne coJonie allemande. Par le truchement du Traite de
Versailles(1919) et sous l'egide de Ja Societedes nations (SDN),elle obtient un
mandat sur les eing sixiemes du « Kamerun » allemand. Le reste, la partie qui
longe le Nigeriabritannique, tombe dans l'escarcelledu Royaume-Uni.

1940: lesgaullistesproclament
l'« independance» du Cameroun
Jamais insensible aux symboles, Je general de Gaulle, refugie a Londres
en 1940, decide de faire du Cameroun, ou les « indigenes >>gardent, dit-on,
quelque sympathie pour Jeur ancien mattre allemand, Ja premiere etape de Ja
reconquete de Ja souverainete nationale. Quelquessemaines seulement apres
l'appel du 18 juin 1940, Je colonel Philippe Leclerc,Je futur « liberateur de
Paris», est envoye au Cameroun. Symbolique, Je choix de ce pays est egale-
ment dicte pa1 les circonstances. A1orsque les colons fran~ais d' Afrique de
l'Ouest restent fidelesa Vichy, l'Afriquecentrale para1tmoins verrouillee.Des
le 18 juin 1940, le gouverneur du Tchad, Felix Eboue, epouse la cause gaul-
liste. Au Cameroun, l'administration est plus hesitante et les colons se divi-
sent. Une bon11epartle cl'entre eux succombent aux chat'mes du marechal

31
• immmm •• 11111· ,lml\ J'/ mp/rc•
1'rc\111• fr,mi,1/1{/ 11-1\ l'J\41 l)u1111/11
IJw1111v/l/e·l)o1111/11: wlon/11/ (19•I0-194S)
l't'/1r,111/1•111r11/

Petain. D'autrcs, plus rares, ~'lnqulNcnt d'un arml~tlt l' q11II l,tllll' tll' volr d'.1clministratcurau Camcroun, deja. La defaite de 1940 est le grand tour-
retomber le Territolrc, /eurTcrrllolrc, clans les malns gcr111011lq11t•,. Cc1tains nant de sa vic. Jeunc et fier, il rallie Londres- dans des conditions que toutes
appellent de Gaulle a l'aide. Pour ce dernier, accus~ par lc'.Ipl•tal11htcsclc ses biographies officielles qualifient d'hero'iques - et il entre dans la Legion
n'etre qu'une marionnette entre les mains de la perfide Albion, II apparait etrangere. Ayant donc retrouve le Carneroun en 1940, il partira a l'assaut de
rapidement que son avenir se joue en Afrique centrale. Et d'abord au Came- l'ennemi, participant a toutes les batailles qui feront, a travers l'Afrique et le
roun, unique porte d'entree vers les autres coJonies, ou une poignee de " gauJ- Mayen-Orient, la gloire de la France libre. « Vos campagnes, votre bravoure,
listes » se disent prets al'aider. votre sang-froid, vos qualites d'officier, le respect confiant de vos hommes,
Douala, le grand port et la principale ville du Territoire, sera, simultane- tout cela vous vaut, a la Legionet meme dans toute la France libre, une repu-
ment avec Fort-Lamy,la capitale du Tchad, Ja premiere terre franr;aiseliberee tatlon exceptionnelle », notera l'un de ses am.isa Ja mort du grand homme,
de Ja souverainete vichyste. A peine debarque a Douala le 27 aout 1940, le en 2007 4.Au Cameroun, pays qu'il connait fort bien, Pierre Messmer n'a pas
colonel Lec!ercs'autoproclame commissaire general du Cameroun franr;ais, laisseä tous un aussi bon souvenir, cornme on le verra...
fait hisser Ja Croix de Lorraine sur !es bätiments officiels et placarder des
affiches pour anooncer Je ralliement de la ville a de Gaulle. « Le Cameroun
proclame son independance politique et economique, peut-on y lire. Vive la Les « indigenes» sousla bottefranfaise
France ! Vive Je Cameroun Ubre2 ! " Lacapitale politique, Yaounde, coincee ä
240 kilometres dans !'Interieur des terres, et avec eile le reste du pays tombent Toute a la celebration de ses heros, de ses souffrances et de ses exploits,
Je lendemaina. « La France enchainee, toutes Jes colonies, Ja Grande-Bre- la mystique gaulliste oublie en effet celles et ceux sans qui rien de tout cela
tagne, le monde ont les yeux fixes sur le premier territoire qui a manifeste son n'aurait ete possible : les « indigenes ». Quand on pense ä eux, dans te flot de
esprit d'independance et sa volonte de rester purement franr;ais», proclame Je l'autocelebration, c'est plus souvent pour s'attendrir que pour glorifier.
colonel Leclerc3• N'etaient-ils pas touchants, en octobre 1940, ces indigenes qui amenaient, par
Refoule devant Dakar fin septembre 1940 par les partisans de Vichy, le brassees,des feuilles de palmiers pour jalonner l'itineraire de De Gaulle des-
general de Gaulle debarque ä Douala, accompagne de Ja Legion etrangere, Je cendu du train Douala-Vaounde? N'etait-ce pas un ravissement que ces
8 octobre 1940. Lesvolontaires afflueront du Carneroun et d'Afrique equato- danses folkloriques qui accueillaient Leclerc chaque fois qu'il posait le pied
riaJe franr;aise(AEF)pour Jui preter main-forte. C'est donc ä parUr du Came- dans un village? 11faudra attendre bien des annees et tendre bien l'oreille
roun, cette position " purement franr;aise », et a travers le Tchad, que les pour entendre evoquer, avec les raccourcis et euphemismes d'usage, la partici-
troupes gaullistes parUront vers Je continent africain a l'assaut des posses- paUon des colonises a I'effort de guerre. Aujourd'hui encore, le sujet n'ayant
sions africaines de l'ennemi. Ainsiest nee Ja glorieuse epopee de Ja2c DB(divi- fait l'objet que de trop rares recherches, n est difficile de prendre la mesure
sion blindee) du geaeral Leclerc,qui entrera dans Paris eing ans plus tard, le exacte de leur contribution.
25 aofit 1945. Une epopee lourde de !armes et de sang, qui a son martyr On comprend ce silence officiel. Car la far;on qu'a eue la France Jibre
- Leclerc, mort prematurement en 1947, sans avoir ete recompense de son d'extorquer aux « indigenes » leur participation ä la guerre fletrit quelque peu
vivant aJa hauteur de ses exploits- et ses beros, dont on croisera !es noms, des sa gloire. C'est du moins le sentiment que l'on eprouve en lisant les ecrits des
decennies durant, atout ce que la France compte de postes importants. Camerounais qui ont vecu la periode. Ainsi, par exemple, l'hornme d'affaires
Pierre Messmer (1916-2007) fait parUe de ces hommes illustres qui ont et essayisteTheodore Ateba Venedans scs Memoires.Jeune enfant aJ'epoque,
debarque au Cameroun en 1940. Celui qui deviendra successivement Haut il est reste marque par l'expropriation dont fut victime sa famille. Pour loger
Comrnissairede la France au Cameroun (1956-1958), minlstre des Armeesdu le legionnaire Pierre Messmer et un de ses carnarades, la maison paternelle fut
general de Gaulle (1960-1969), puis Premier ministre de Georges Pompidou videe de ses occupants, qui n'eurent d'autre choix que de dormir dans le
(1972-1974), n'a aJors que 24 ans et bien peu d'experience. Ayant passe jardln. « Dans les quartiers urbalns et suburbains, les rafles et les fouilles fal-
son enfance a rever d'aventures et de grands espaces, II est entre a l'Ecole saient rage, ajoute Theodore Ateba Vene. Töt dans la matinee, les cases des
coloniale, dont il est sorti diplöme en 1937 apres avoir fait un stage indigenes ctaient fouillees de fond en comble par les militaües, qui arra-
chalent les couvertures en laine pour les remettre aux soldats; les poules, les
ch~vre~,lcs moutons et lcs porcs nc furcnt pas cpargnes par cette rafle et pas-
5
a Ynoundt pcrdr,1,on \lfllut de ,nplrnlc pollllquc pcndant In gu(•rrc,nu proflt d41l)o11nli1, s~rcnt r6gull~rc111cnt daM lcs cos~crolc~pour nourrir la l,kglon • »

3 3
• """"'""' br~ h1•,/,im l 'l'mp/11•
•, 11111· ( 11/.l,'i,J 1},S,I)
/r,111111/1 IJom1/t1,/J111ä:1111//11•.l)011ula
: J'ch"111/c111<"11l (J940•J945)
co/011/11/

De fait, l'admlnlstratio.n franc;alseau Cameroun pendant la guerrc n'y va avait lnterdit ä la Grande-Bretagne et ä la France de « donner aux indigenes
pas de main morte avec les « indigenes ll, Pour dire les choses clairernent, le une instruction mll.itaire, si ce n'est pour la police ou Ia defense du
systeme mis en place par la France llbre au Cameroun a toutes les apparences Tcrritoire' ».
d'une dictature milltaire. A peine arrive, LecJercinstaure l'etat de siege sur L'adminlstration gaulliste, comme du reste celle qui I'avait precedee,
tout le Territoire et abollt presque toute liberte publique. Lesysteme de restric- passe outre cette disposition en utilisant un subterfuge : I' « engagement
tion des libertes sera maintenu durant tout Je confüt. L'objectif est d'etouffer volontaire ». Si certains indigenes choisissent bien de s'engager dans I'armee
dans l'ceuf tout sentiment antifran\'.aisqui pourrait ernerger dans une popula- fran~ise, surtout au debut du conflit et surtout dans !es couches dltes « evo-
tion autochtone toujoms suspecte de sympathie potentielle avec son ancien luees » de la population, )'immense majorite des« volontaires » camerounais
colonisateur alJemand. Lesindigenes « germanophiles » les plus notoires sont se retrouvent enröles de force. Cela se fait le plus souvent de fa~on Indirecte,
sommairement juges et fusilles en place publique. l'administration demandant aux chefs traditionnels de recruter pour elle un
Pour s'assurer une aJiegeancedurable ä la « mere patrie », on invite ensei- nombre determine d'hommes en fonction des localites. Andre Bovar, qui
gnants et eures ä intensifier !es exaJtations patriotiques, antipetainlstes et pro- deviendra quelques annees plus tard secretaire general de l' Assembleeterrito-
gaullistes. De grandes campagnes de collecte de fonds sont organisees, sur riale du Cameroun, ne laisse aucun doute sur cette reallte : « Les "volontaires"
fand de slogans gaullistes. Un episode bien connu au Cameroun est celui, en de l'armee Leclercetaieot deslgnes par leur chef. ]'en ai connu un qui, pour y
novembre 1940, du Spitfiredu general de Gaulle: des centaines de milliers de echapper, avait du se couper Ie bras ala machette 8 • »
Camerounais de toutes les generations et de toutes !es regions se cotisent, ä Les « Fran~ais libres » ont en effet recours aux methodes les plus bru-
l'invitation pressante de l'administration, pour offrir un avion au general. tales : arrestations collectives, rafles dans les quartiers indigenes, interpeJJa-
Alors que Jes impöts ne cessent d'augmenter, l'administration invente ä cette tions des peres pour obliger tes fils ä s'engager, etc. Theodore Ateba Yene, qui
occasion de nouveaux moyens de mettre ä contribution les indigenes : n'avait pas 10 ans ä l'epoque, se souvient du jom de 1941 ou il vit une troupe
demonstration de danses, animations sportives payantes, ventes de cartons de legionnaires fran~ais attendre, arme au poing, !es fideles a la sortle de Ja
souvenirs montrant Je fameux Spitfire... La plupart des indigenes vident leurs messe. En fonction des besoins, les soldats procedent au tri des indigenes
poches sous J'effet de la propagande, ou par peur des represailles. endimanches : les hommes sont envoyes dans l'armee ou dans !es champs,
les femmes et !es vieiIJardspour !es travaux d'amenagement. Trap jeune pour
ces täches, Je jeune Theodore se retrouve prepose au nettoyage des sanitaires
Desbraset de la chairacanon des « Franfais Iibres ». Sous l'ceil vigilant et Je fouet severe d'un caporal
senegalais 9•
Plus encore que leur allegeance et leurs maigres contributlons finan- Les chiffres n'offrent qu'un pale aper\'.lldes souffrances endurees par les
cieres, ce sont surtout des hommes que cherchent Ies gaullistes, au Came- indigenes pendant cette periode. 11sdonnent toutefois une idee de l'ampleur
roun comme dans !es colonies d'Afrique equatoriaJe fran~aise (AEF).Pour se de l'effort de guerre exige d'eux : le quota de « volontaires » ä recruter au
liberer du joug nazi, Ja France a besoin de bras et de soldats. Le mouvement Cameroun - chaque colonie avait le sien - s'elevait dans un premier temps a
avait commence avant Ja capitulation de juin 1940. Apres le flottement de 3 600 hommes. La guerre se prolongeant, ce sont sans doute plus d'une
1'ete, H reprend avec une intensite renouvelee avec l'arrivee des gaullistes. dizaine de milliers de« tirailleurs » camerounais qui furent envoyes se battre,
« Combattre veut dire entrer avec Je maximum de moyens dans la lutte gene-
aux cötes des Fran\'.ais,sur differents points du globe au cours du confüt 10 •
rale de J'univers civilise contre !es barbares », tonne Je colonel Leclerc ä Ja Pour ce qui concerne les travailleurs qui devaient se mettre au service de
radio camerounaise, Je 6 septembre 1940 6 •
l'effort de guerre, leur nombre devait, pour la premiere annee, s'elever ä
En matiere de conscriptioo, les premiers enröles sont les Frarn;aiset !es 10 000.
autres <<Blancs » (Grecs,Libanais) presents sur te Territoire: de faibles contin- Avec le temps, toutes l.esressources du Territoire se trouvent mobitisees.
gents, le Cameroun ne comptant en 1945 que 3 200 Europeens pour quelque Tres vite apres l'installation des gauHistesau Cameroun, la Grande-Bretagne
3 millions d'autochtones. C'est donc dans les masses lndigenes qu'est pre- s'engage en effet ä acheter la totalite de la production camerounaise de cacao,
leve Je gros des troupes. Pourtant, du fait de son statut jurJdique particulier, d'huile de palme, d'arnandes et d'arachides et des dizaines de milliers de
le Cameroun ne peut pas theorlquement etre soumls ä un tel troltcment: le lonnes de cafeou de bananes. Ce qui pourrait apparaitre comme une chance
Trai.tede Versaillesde 1919 ~tabllssant le maudat sur l'ex-t·errltolrcnlh:,nnnd poul' lcs C1101crounols l'csl surtoul pour les colons blancs et Jesquelques rares
3'1
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(1940-1945)

autochtoncs privll~gics.Le rccours aux rafle~et nu uovull Ion~,,,') ,1C'111,11bc de troupcs camcrounaiscs en soutien des soldats fran~als bloques dans la
pour les besoins des grandes plantalions indu!llrlcllc~,11111dhqm• 1,1mlscre • clr0lcde guerrc » en 1940. Cependant, derriere les apparences, cet embryon
s'accroit dans les populations qui peincnt il cultlver de quol !llll vlv1c\ur leur d'organisation, meme assujettl ä la France et domine par les chefs tradi-
lopin. Le contingentement des produits de premi~re ncccssltc grossit lcs lionncls, donne a toute une generation de jeunes Camerounais l'occasion de
foules indigentes devant les magasins de Ja Compagnie fran~aiscde l'Afrique ~'initier ä la prise de parole et de rencontrer des representants politiques de
occidentaJe (CFAO),qul detlent le monopole de leur commercialisation 11• lautes les regions du pays. Tant et sl bien qu'en 1944, lorsque la France se
En ces temps d'effort de guerre, certains adminlstrateurs s'abritent der- llberc enfü1 de la tu teile nazie, la Jeucafra, tout en soulignant « son indefec-
riere Jescirconstances exceptionneUes. Henri-PaulSalin, cbef de Ja region de tibJe attachement ä la France », formule de nouveUesrevendications : Uberte
Yaounde et president de J'office locaJ du travail, repute gaulliste et « homme d'expression, abolition du travail force, suppression de I'indigenat, represen-
des missions » catholiques, ne se contente pas de defendre bec et ongJes le tation au Parlement fran~is, salaire minimum, etc.
principe du travail force. II reclame ouvertement le recours aux chätiments Pour soutenir ces revendications, ses membres s'appuient sur les pro-
corporels, pour favoriser l'emulation des indigenes, et a la torture, pour l'eJu- messes de l'apres-guerre. En cette annee 1944, la France gaulliste cherche a
cidation des enquetes judiciaires : « Pour obtenir !es aveux des interesses, s'lmmlscer dans le camp des vainqueurs. Un des enjeux de cette bataille est
ecrit-il au gouverneur du Cameroun, le 6 mai 1944, ä propos d'une banale ta reconquete de la souverainete fran~aisesur son empire. En effet, non seule-
affaire de voJ, [... ] il est ä peine besoin de vous dire que J'on a du employer des ment la France est affaiblie par la collaboration du regime de Vicby, mals la
moyens officiellement reprouves. Si nous ne l'avions fait, il est hors de doute mobilisation internationale contre l.esforces de 1'Axe s'est constituee autour
que l'enquete pietinerait encore. Et il en est ainsi tres souvent. » Et il enfonce des valeurs de la Charte de l'AtJantique (1941), qui promet l'autodetermlna-
Je clou en proposant de formaliser cet usage : « Dans ces conditions, pour- tion aux peuples colonises. Les deux puissances qui dominent desormais le
quoi ne pas donner toute latitude aux magistrats enqueteurs d'employer tous monde, les Etats-Uniset !'Union sovietique, sont opposees aux empires colo-
les moyens pour arriver aconnaitre la verite 12 ? ;, Meme des magistrats n'hesl- n iaux europeens. De son cöte, J'autre grande puissance coloniale, ie
tent pas a garantir la suprematie blanche. « Tant que je serai la, declare Royaume-Uni,a accepte d'entamer des reformes,a travers l'adoption du Colo-
Luciardi, Je procureur de Douala, un Negre n'aura pas raison, au tribunal, nial Development and WelfareAct de 1940, qul prevoit JadevoJution progres-
contre un Blanc 13• » sive de competences a des assemblees locales et une politique de
Decidement, le « Cameroun » du coJonel Ledere - « libre » et " indepen- developpement economique. En 1942, le gouverneur de l'Ouganda, Sir
dant » - n 'est pas celui des indigenes. « On avait J'impression que la nuit Charles Dundas, avait fait ainsi remarquer au Colonial Office que « la dicta-
s'etait abattue sur le Cameroun, note J'historien Emmanuel Tchumtchoua. lure ne peut etre perpetuee indefiniment sans que ce soit nous, et non les Afri-
15
[ ...] La plupart de nos temoins parlent de cette periode avec beaucoup d'emo- cains, qui apparaissent comme attardes ».
tion et de colere mal retenues 14. » Du 30 janvier au 8 fevrier 1944, lors de Ja conference de Brazzaville,capi-
tale de la France libre, Je general de Gaulle s'efforce donc d'annoncer des
reformes dans les colonies : libertes syndJcales, egalite des salaires, suppres-
Liberationen France,promessesaBrazzaville, ~ion de l'indigenat et du travail force, constitution d'assemblees cepresenta-
massacresoutre-mer t lves dans chaque territoire, representation des colonises au sein de
!'Assembleeconstituante, etc. Au risque de choquer les partisans du statt, q110,
Une colere comprehensible : alors que !es Fran~aisexaltent leur propre II promet meme aux peuples sous domination fran~aise que la France !es
liberte, ils oppriment sans complexe Jesindigenes. Dans ce contexte, certains aidera a « s'elever peu a peu au niveau ou ils seront capables de participer chez
Camerounais cherchent ä faire entendre leur voix. La plupart Je feront a eux a la gestion de leurs propres affaires ». Mais cette echeance parait si Join-
travers Ja Jeunesse camerounaise fran~ise 0eucafra), Ja premlere organisa- taine que personne n'a songe ainvlter le moindre Africainacette grand-messe
tion d'envergure « nationale » qu'ait connue le Territoire. Creee en 1938 a du gratin colonial fran~ais. Contrairement ace que proclameront par Ja suite
!'initiative du gouverneur Richard Brunot, laJeucafra est tout sauf une organi- lcs thuriffaaires gaullistes, la conference est loin de poser Ja premiere pierre
sation subversive.Ses positions se resument d'abord a la francophille facc ala de la dccolonisc1lion.Alorsque lcs promesses liberales restent vagues, l'oppo-
menace nazie. Son president, lc tres modere Paul Soppo Prlso, foit 1110111c des ,ltlon ti toute cmanclpation de l'outrc-mer, quant il eile, est claire. Le lien
pieds et des rnalns pour facllitcr, afln de" payer sa dcttc b la Frn,111
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declaration finale, eile rejette categoriquement « toute posslblllt~ d'evolu- commandant d'armes de Douala, le cllef de bataillon Perthuis de Laillevault,
tion hors du bloc franr;als >)et« toute constltution, meme lointaine, de s'lnquiete: "Les derniers evenements qui viennent de se derouler ä Dakar,
self-government ».
ecrit-ll, semblent prouver que nos mlJitaires noirs ne sont pas des "articles
S'il etait besoin, le massacrede Thiaroye au Senegal,le 1.erdecembre 1944, d'exportation". S'ils sont parfois de bons combattants, beaucoup ont une ten-
vient dissiper toute ambigu'ite.La guerre se termine, mais la parenthese n'est dance trop marquee ä suivre les mauvais exemples, ä se livrer au pillage et a
pas si facilea refermer.Non seulement la Francea donne l'image d'une nation ne plus vouJoir accepter l'autorite de leurs chefs. » n faut donc, tranche-t-il,
divisee dont l'armee a ete balayee, mais eile n'a da son salut qu'ä l'interven- « sanctionner impitoyablement taut acte d'indiscipline ou de brigandage,
tion des Allieset l'enrölement des « indigenes ». Et les membres de la « force tout en recompensant !esmeilleurs elements 19 ».
noire » sont les ten'loins les plus genants de cet aveu de faiblesse.Dans Ja ban- L'officieravaH detaille quelques semaines plus töt ce qu'il entendait par
lieue de Dakar, les <<tirailleurs senegalals » sont parques dans Je camp de « recompenses »: des decorations, des habits neufs, des photos dedicacees et,
transit de Thiaroye pour y etre demobilises 16• Ces combattants issus de toute pour les plus chanceux, un sabre d'honneur. Le taut offert fastueusement
!'Afriqueoccidentale franr;aise(AOF)demandent simpJement a etre payes. Ne dans un concert de discours creux et de musique militaire. Pour les soldats
voyant rien venir, ils se mutinent: Je 30 novembre 1944, ils retiennent toute camerounais qui ont risque leur vie « pour la patrie », les promessesde Brazza-
une nuit le general Joseph Dagnan. Les autorites ne peuvent supporter cet ville se reduisent ä bien peu de chose. « Notre röle d'educateur, de directeur,
affront. Dans la nuit du lendemain, le bataillon de Saint-Louis attaque Je
de protecteur, en un mot de colonisateur, a deja fait un grand pas, justifie Per-
camp, pour l'exemple, et tue, selon les chiffres offi.ciels,trente-cinq tirail-
thuis; mais nous releveronsle prestigede nos militaires indigenes ou anciens
Jeurs desarmes. Une trentaine de « meneurs » seront condamnes ä des peines
de prison ferme. militaires en mettant en application les mesures ci-dessuset en se limitant a
ces mesures. » Et de poursuivre: <<Si nos differentes possessions de l'Afrlque
L'evenement ne passe pas inaperr;uau Cameroun, ou les « heros noirs »
noire sont en pleine evolution, il ne faut pas que celle-cisoit trop rapide. [...]
de la France übre ne sont guere mieux traites. Apres avoir ete parques dans
des camps de transit dans le sud de Ja France, les tirailleurs « senegalais » du Taut esprit de racisme mis ä part, II serait tres premature de parler
Cameroun ont ete depossedes de leur uniforme et de Jeurs chaussures et ren- d'egalite 20 • »
trent chez eux en guenilles, humiües. Le contraste avec leurs compatriotes Manifestement, les autorites fran~aises sont incapables de prendre la
ayant servi sous les drapeaux britanniques, bien mieux traites, est saisissant. mesure de Ja revolte des« indigenes >),au Cameroun comme ailleurs, ni Japro-
Quanta l'accueil que leur reservent ceux des colons franr;aisqui sont restes fondeur de leur deception al'issue d'une guerre qui avait fini pa.retre aussi Ja
tranquillement « chez eux » a prosperer sur l'econorrtie de guerre, i1leur appa- leur. Lesavertissements sont pourtant nombreux, dans taut !'Empire.Le 8 mai
rait proprement scandaleux. « Lesvollä sur le port de Douala avec baionnette 1945, six mois apres le massacrede Thiaroye et alors qu'on celebre l'armistice
au bout du canon, se souviendra l'un de ces tirailleurs, belle fa~on de recevoir a Paris, des manifestations pacifiques de nationalistes algeriens, ä Setif le
ceux qui viennent de Uberer leur pays ! A peine quitte Je bateau, an entend matin et a Guelma l'apres-midi, donnent Lieuä des affrontements avec la
des ordres: "Alignez-vousJa-bas,fermez vos gueules et ouvrez vos cantines." police. Souspretexte qu'un drapeau algerien a ete brandi par les manifestants,
Ma foi, cela me rappelle les boches que nous avions faits prisonniers des la police tire sur Ja foule. Lesaffrontements degenerent en erneutes. Plus d'une
blockhaus de Royan 17. » centaine d'Europeens sont tues. La machine repressivese met en branle, sans
Le mecontentement des « tiraiUeurs», dont Ja simple presence rappeUe mesure ni pitie. Sur ordre du generaJ de Gaulle, alors president du Gouverne-
le double langage de Ia metropole, est vu comme une source de desordre. Un ment provisoirede Ja Republiquefranr;aise(GPRF),Jegeneral Raymond Duval
temoin privilegi.e de cette revolte latente decrit Ja situation : « Pres de est charge de mater l'insurrection naissante. En taut, 100 000 hommes pattl-
7 000 tirailleurs demobilises propagent un theme simple, au creur meme des cipent au retablissement de l'ordre dans le Constantinois zi. De nombreux
villagescamerounais. Ce n'est plus Je Cameroun aux colons, ni le Cameroun dirigeants politiques sont arretes. Des villages entiers sont rases, six semaines
aux evolues de la cöte : c'est la rancreur contre l'Europeen et l'eviction des durant. Dans !es airs, !es bombardements franr;ais ne font aucune distinc-
Europeens. Pour faire quoi ? On ne sait pas encore. Mais il faut faire cela tion, pas plus que les automitrailleuses qui tirent sur des foules de paysans.
d'abord. Et les tiiailleurs demobilises le disent aux tlrailleurs en service 18• » Mll.iclenset militaires procedent ä des executions sommaires. lls font dispa-
L'armee prend l'affaire au serleux. A tel point que, le 21 d~ccmbre 1944, raitre les cadavrcs dans des puits ou dans des fours ä chaux. On denombrera,
trois semnines apr~s Tlllaroyc, lc "r;:1pport sur le moral - llli ,iouveau selon lcs sources, cnlrc 6 000- l'hlstorien Charles-Andre Julien a evoque

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6 000 ä 8 000 morts 22 - et 35 000 - selon les nationalistes du Parti du peuple la surprise de recevoir la vlsite d'un communiste qu'il ne connaissait pas
algerien de MessallHadj - vlctimes « indigenes ». encore: Maurice Merle, acteur de profession coince au Cameroun par ses obli-
Au sein du GPRF,gaullistes, socialistes et communistes se partagent le gations militaires. Sous-officierprepose bien malgre lul ä la censure militaire,
pouvolr dans l'euphorie de la Liberation, sans qu'un massacre de l'autre cöte c'est lui qui a ouvert le courrier de Donnat... dont II partage totalement
de la Mediterranee ne vienne assombrir l'unite nationale. La censure militaire l'indignatlon !
empeche d'ailleurs l'opinion publique de prendre connaissance des mas- En contact avec le Parti cornmuniste fran~is (PCF),Donnat et Meric met-
sacres de Settf et Guelma. Le 26 mai, de Gaulle lnterrompt personnellement tent sur pied, comme d'autres a la meme periode dans toutes les colonies
la commission d'enquete menee par le general Paul Tubert au moment ou d' Afrique (Libreville,Brazzaville,Abidjan, Bamako,etc.), un « Cercle d'etudes
celle-ci decouvre l'ampleur des massacres. Le mlnistre de !'Interieur SFIO marxistes » pour former les « indigenes » a la revendication sociale. Ainsl se
Adrien Tixier deplore la mort de plus d'une centaine d'« Europeens », sans constitue a partir de juin 1944 un groupe de Camerounais, petits fonction-
mentionner le bilan cöte aJgerien.Ne s'agit-il pas, comme le proclame le quo- naires pour la plupart, qui se reunit chaque semaine, ä la tombee de la nuit,
tidien FranceSoir, d'un simple « complot antifranc;ais» ourdi par des mili- chez 1'« instituteur blanc ». Un « Blanc » decidement bien singulier qui ne leur
tants sympathisants de la cause nazie 23 ? La repression dans le Constantinois chante pas les louanges de !'ordre colonial, comme ses conferes, mais les
est a la mesure de la panique qui saisit le colonat europeen devant l'affirma- invite ... ale contester.
tion du nationalisme algerien. Au Cameroun, cette aspiration n'en est qu'a ses Assistant avec assiduite ä cet etrange conciliabule hebdomadaire, un
debuts ... jeune homme, membre de la Jeucafra, comprend d'emblee le caractere histo-
rique, revolutionnaire, de ce qui se trame dans la cuisine de Gaston Donnat.
« C'est la premiere fois, declare-t-il, que je m'assois ä la table d'un Blanc : je
Matriced'unface-a-face: considere cela comme un grand evenement au Cameroun. Je ne l'oublieral
le syndicalismeindigene... pas 25• » Ce jeune homme, qui devieodra quelques annees plus tard la figure
la plus emblematlque du nationalisme camerounais, s'appelle Ruben Um
Ce meme 8 mai 1945, se produit a Yaounde un evenemeot original. Rien Nyobe. Parmi les convives, il n'est pas le seul appele ä un grand destln. On y
de surprenant au premier abord : un defile celebrant la defaite allemande. La trouve egalement quelques-uns des futurs leaders politiques du Came-
manifestation aurait meme quelque chose de rassurant pour l'administration, roun, comme Charles Assale,futur Premier ministre, ou Jacques Ngom, prln-
puisqu'elle rassemble, cöte ä cöte, des« indigenes » et des Fran~ais.Riende tel cipal animateur du syndicalisme camerounais dans les annees 1950.
pourtant. Car le cercueil symbolique que promenent les manifestants porte Mais, fin 1944, on n'en est encore qu'ä la phase d'initiation. Les le~ons
une inscription bien moins consensuelle que ne l'auraient soubaite !es nocturnes de marxlsme menees tambour battant par Donnat et Merle sont
maitres du Cameroun : « Enterrons le nazisme, le racisme, le colonialisme. » surtout l'occasion pour les Camerounais de liberer Jeur parole, d'exprimer
Dans le cortege, l'instituteur fran~ais Gaston Donnat, present au Cameroun Lewsfrustrations. On denonce le racisme, l'injustice et les brutalites. On pro-
depuis seulement un an, a le sourire aux levres : « Je crois que c'est ce jour-la nonce des mots jusque-lä interdits : dignite, egalite, liberte. On parle aussl,
que la societe blanche prit reellement conscience de ce qul etait en marche », surtout, de l'apparltion prochaine, au Territolre, de cette arme nouvelle dont
ecrira-t-il dans ses Memoires24 • Donnat et Meric connaissent les vertus: le syndicalisme. Pour la premiere fois
S'il se rejouit de Ja tournure anticolonialiste que prend la manifestation en effet, les « sujets fran~ais» sont autorises, par un decret du GPRF,signe le
du 8 mai, c'est que Gaston Donnat n'est pas un simple instituteur. C'est aussi 7 ao0t 1944 par le cornmissaire aux Colonies Rene Pleven, ase syndiquer.
un infatigable militant communiste. Metropolitain installe tres jeune en S'engouffrant dans Ja breche, les activlstes franco-camerounais qui
Algerie,il est arrive au Cameroun en avril 1944 en tant que directeur adjolnt entourent Gaston Donnat creent ä Douala, Je 18 decembre 1944, la premiere
de l'Ecole regionale de Yaounde. A peine debarque, il a pris contact avec les centrale syndlcale camerounaise: l'Union des syndicats confederes du Came-
militants cegetistes du Terrltoire : Maurice Soulier (cheminot), Etienne roun (USCC),affiliee ä Ja CGT fran~a1se.Debordant les Initiatives des cege-
Lalaurie (agent des Travaux publics) et quelques autres. Venant pourtant tistes fran,ais, de nombreux salaries camerounais saisissent l'opportunite qul
d'Algerie, II est ahuri par le raclsme « antin~gre » qu'il constatc au Came- leur cst donnee de contester - legalemcnt 1- lcur sort. Des syndicats fleuris-
roun, qui depasse tout ce qu'il avalt vu jusquc-lä. Faisant part de son Indigna- scnt dans toutcs lcs regions du Tcrritoirc et dans tous les secteurs d'activite.
tion, par courricr, ascs ancicns camnraclesdu Porti cornmunlslc nl}l~rlcn,II n L'c111 hou~losmc ci-t tel cl les fru~trntions si grandes que le syndicallsme nc

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tarde pas ä depasscr les simples revendlcatlons salariales. On ne s'etonne pas « L'unc des erreurs fondamcntales de la conference de .Brazzaville,lance aux
d'apprendre que c'est l'USCC qui a organise la manifestation du 8 mai 1945 ctats generaux le president des colons de I'AEF, est d'avoir voulu brCtlerles
ou l'on appeUe ä enterrer le colonialisme en meme temps que Ie nazisme ... etapes en niant les lois blologiques de l'espece, pour .l'evolution des races 31 • »
SQrsde leur fait, les « ultras » europeens se radicalisent. Au moment meme ou,
gräce au syndlcalisme, !es indigenes s'organisent...
... et les « colonsdecombat» « Une minorite d'Europeens et d'evolues s'agite : 2 000 Europeens et
20 000 evolues. II y a des Eurnpeens qui sont en retard de vingt ans et des
L'irruption du syndicalisme au Cameroun ne laisse pas insensible, on evolues en avance de cinquante ans. » Voila comment Je Haut Commissaire
l'imagine, Ja petite colonie fran~ise du Territoire. Jusqu'ici, les « vieux Came- Delavignette resumera le face-a-face qui s'installe au Cameroun a la fin de la
rounais », comme on les appeUe, grands patrons comme « petits Blancs » dont guerre 32 . Un face-a-face d'autant plus tendu que l'actuaUte mondiale incite
Ja position sociale repose avant tout sur Ja discrimination envers les Noirs, chaque camp au raidissement. En ao0t 1945, les Indes neerlandaises pren-
ont ete !es hommes forts du pays, y faisant la pluie et le beau temps. « Jci, nent leur independance. Le 2 septembre 1945, Ho Chi Minh proclame celle
constatera ä cette periode un inspecteur des Colonies, Je dernier des Blancs du Viet-nam. Au Cameroun, Ies « indigenes » sont encore loin des revendica-
doit passer avant Je premier des Noirs 26• » L'intrusion du syndicalisme et tions independantistes. Mais la tension sociale est vive, car Ja hausse des prix
les promesses pourtant tiedes de Brazzaville affolent donc une partie du lamine !es conditions de vie des Camerounais.
colonat.
Robert Delavignette, bientöt designe Haut Commissaire de la France au
Cameroun, decrira a posteriori,dans un rapport confidentiel, Ja montee en Lesemeutesdeseptembre1945
puissance de cette minorite active decidee ä defendre ses privileges : <<n est
au Cameroun, au sein du colonat et du commerce europeen qui comptent un C'est dans ce contexte que !es cheminots « indigenes » de Bonaberi, dans
millier de personnes, un groupe que nous appellerons colons de combat. 11s la banlieue de Douala, entament une greve, le 20 septembre 1945, pour
sont peu nombreux, a peine cinquante, mais ils parlent haut. A !es entendre, obtenir une augmentation de salaire. Alors que Je directeur des Travaux
ils ont sauve Je Cameroun et Ja France en ao0t 1940 et leur courage n'a pas publics conseille vivement a l'administration de Ies prendre en campte, Je
faibH quand Rommel a failli aller au Caire. La guerre ne les a pas appauvris. gouverneur Henri Pierre Nicolas, arrive au Cameroun en novembre 1944,
Ceux-Iä ne sont pas alles aBir-Hakeim mais, saus !'uniforme et avec leur solde refuse de ceder sous la pression. Mais les evenements lui echappent. Si Ies
de reservistes, ils ont fait leurs affaires au Cameroun et pris gout a certaines Franc;aissont profondement divises, !es travailleurs camerounais le sont ega-
formes de cornmandement. Ils sont tres irnbus de Ja superiorite raciale qu'ils lement. Les nouveaux syndicalistes, camerounais et fran~ais, cherchent a
ont adjugee a leur experience de vieux Carnerounais 27• » La loyaute des eviter un affrontement physique avec Je colonat, dont ils per~oivent les
colons envers Je nouveau pouvoir est donc assez ambigue, Les colons de risques. Mais ils ne « tiennent » plus !es autres grevi.steset Ies jeunes chömeurs
combat apparaissent en quelque sorte comme des « gaullistes contre de en colere qui se sont joints a eux pour reclamer du pain. Ces derniers finis-
Gaulle 28 >>.
sent meme par les congedier. Au fil des jours, Je face-a-face d'abord bon enfant
La lucidite de l'administration franc;aise au Cameroun est pourtant bien avec les forces de l'ordre se tend. Et la greve s'etend a Douala.
tardive. En 1945, eile semble sous-estimer la capaclte de nulsance des« colons Tout bascule le 24 septembre ä midi, lorsqu'une manifestation de plu-
de combat », consideres dans un premier temps comme « trente moutons sieurs mill!ers de personnes est dispersee pres de la gare. Des coups de feu
menes par six ou sept agitateurs sans envergure 29 ». Ce sont pourtant ces auraient ete tires depuis Ja mission catholique. Le rassemblement degenere.
« trente moutons » qui creent, le 15 avril 1945, I' Associatlon des colons du L'emeute se propage, des magasins sont pilles, la prison de New-Bellest encer-
Cameroun (Ascocam) dans le but de defendre Ja colonlsation franc;aiseet les clee, aux cris de« Les Blancs a la porte » 33 . Mais, contrairement aux troubles
interets des colons. Ce sont eux egalement qui organlsent, du 2 au 8 sep- de Setif et Guelma, aucun « Blanc » n'est tue par les emeutiers. Certains colons
tembre aDouala, des« Etats generaux de Ja colonisation franc;aise>>,auxquels n'en decident pas rnoins de lancer une vendetta. « [lls] n'attendaient qu'une
ils convient leurs homologues d'Afrique subsaharienne franc;alse. Ce grand occasi.on pour passer a l'action, raconte Guy Georgy, alors jeune chef adjoint
raout colonialiste se veut le pendant de la conference de Brazzavllle, consi- du cablnet du gouverneur Nicolas. [... 1 La foule europeenne grossissait a vue
deree dans leur milieu cornme un ~ compose cle fasclsme et de dcmagoglc 30 ». d'ccll, cn proic b unc cxcltatlon vlolentc, les femmcs hurlaient des menaces de
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mort, les hommcs voclferalent qu'il fallail pcndre les syndlcalistes, fusiller les mltraillage des erneutiers par l'aviation 37, tandis que, au sol, des mitrail-
communistes et decimer sans pHie les Negrespour retablir !'ordre 34 • » leuses installees sur des camions completent le dispositif. « j'avais re~u
Si la colere des colons est dirigee principalement contre les grevistes comme ordre verbal du capitaine Valentin de tirer a vue sur taut lndigene
camerounais, on retient souvent de ces journees les attaques contre les syndi- pendant les heures de couvre-feu (19 heures a 6 heures) », temoignera plus
38
calistes fran~ais.Au lendemain des premieres erneutes, le secretaire general de tard un lieutenant de gendarmerie dans le cadre d'une enquete interne .
l'USCC,Etienne Lalaurie, est en ligne de mire. Enferme chez lui, cerne par les A aucun moment, dans ces affrontements, on ne peut parler de legitime
colons mena~ants et armes, le syndicaliste s'empare d'un pistolet et tire ä defense de Ja part des Europeens. Comme l'indique d'ailleurs assezclairement
travers la porte. Du premier coup, ä l'aveugle, il tue un des membres les plus un rapport de police confidentiel redige quelques jours apres les evenements,
exaltes du colonat blanc, le secretaire de la Chambre de commerce de Douala, lorsque seront repeches dans \e Wouri \es cadavres d'une quinzaine de Came-
YvesOllivier. Les colons mitraillent le bätiment, avant que la police inter- rounais: « Taus [ont] ete abattus dans le dos, le plus souvent avec des fusils de
vienne. Le tribunal de Brazzavillereconna1tra que Lalaurie avait agi en etat chasse 39• io
de legitime defense. L'apres-midi, le gouverneur Henri Pierre Nicolas, pour
proteger Lalaurie, ordonne sa dlscrete exfiltration. Embarque dans un avion
en direction du Gabon avec deux autres syndicalistes, Soulier et Durand, Epilogue
pourun massacre
l'agent des Travaux publics se croit enfin a l'abri. Mais la petite troupe des
Europeens, prevenue, prend le contröle de l'aeroport de DouaJa, fait rappeler
l'avion qui fa.it demi-tour en vol. LaJaurieest capture, emmene dans un cafe, Combi.en !es affrontements de Douala de septembre 1945 ont-ils fait de
juge par un « comlte revolutionnaire » et aussitöt plaque contre un mur, face victimes ? Nous le constaterons taut au long de ce livre, il est difficile de
ä un peloton d'execution de circonstance. Les « ultras », soldats d'un jour, ont connaitre le bilan humain des evenements sanglants qui ont emaille l'his-
dejä !'arme ä l'epauJe quand s'interposent un vieil administrateur charitable toire recente du Cameroun. La presse, souvent sourde, parfois baiUonnee, en
et Je patron du cafe, quJ les ramenent ä la raison. L'affalreen reste lä : Lalaurie France comme au Cameroun, est toujours restee tres discrete sur ce geore de
est place en lieu sur... en prison ! sujet, se contentant de relayer les versions offidelles.
Dans ce climat d'extreme tension, le gouverneur navigue ä vue. Depasse Le bilan des evenements de septembre 1945 reste donc, aujourd'hui
par les colons, il veut d'abord proteger les familles de ses collaborateurs, encore, tres flau. Le journal Le Monderepercute, fin 1945, le bilan offlciel :
retranchees dans son palais. Mais il se laisseentra1ner beaucoup plus loin. Son neuf tues 40• Lechiffre sera repris en 1970par l'historien americain VictorT. Le
successeur Robert Delavignette, dans une lettre ä un ami un an plus tard, se Vine et par de nombreux autres ä sa suite 41 • L'administrateur Guy Georgy
montrera severe envers sa pusillanimite : « En septembre 1945, pour Ja pre- ecrira pourtant dans ses Memoires, en 1992, que des le matin du 25 sep-
42
miere fois sur la cöte d'Afrique, un gouverneur avait ete Injurie par des colons, tembre « le premler bilan faisait etat d'une soixantaine de morts ». Lesesti-
des fonctionnaires et des militaires meles; sa voiture attaquee a coups de mations finales oscillent aujourd'hui autour d'une centaine de morts, sans
pierres, en pleine ville, par des indlgenes surexcites. II avait dOpromettre aux qu'on puisse s'appuyer sur un decompte precis : Pierre Messmer, dans ses
43
emeutiers qu'il leur livrerait des armes et il les avait en effet armes. II avait dO Memoires, parle de soixante-dix a quatre-vingts morts ; une evaluation
faire tirer ou laisser tlrer sur des indigenes 35• » La reside la prlncipale faute de similaJre ä celle de l'historien Jean Suret-Canale, qu'il a etablie a partir d'un
Nicolas : le 24 septembre, il demande au commandant d'armes de Douala de document de l'adminlstrateur Jacquot 44 •
fournir en armes les civils europeens. Le meme jour, iJ donne l'autorisation a Comme a Setif et Guelma, comme plus tard au Cameroun lors des
l'avlation fran~aise de Douala d'utiliser !es mJtrailleuses, « si necessaire, pour << erneutes de mai 1955 » (voir chapitres 7 et 8), Je nombre de victimes « lndi•

degager le terraln 36 ». genes „ des evenements de 1945 semble donc avoir ete largement minimise.
Et ce gui devalt arriver arrive : les cinquante colons armes par Nlcolas MaJs plus trompeuses encore que les chiffres, toujours sujets acaution, sont
tirent sw les grevistes de l'USCC.Assoiffesde vengeance, ils ne se contentent les Interpretations qui sont faites des evenements par des observateurs exte-
pas des armes fournies officiellement. lls s'emparent alors d'un depöt d'armes rieurs trop souvcnt fideles ä la ligne des autorites. Apres le massacre, le quoti-
et organisent la chasse ä l'homme. Comme ä Setif et Guelma, l.escivils euro- dien franr;als Co111b11t pol11te par excmple du doihrt la responsabilite des
peens prennent une grande part a la repression, main dans la mnlr1 avcc les « foule~ indlg?mcs" cl l'attcntlsmc de l'adminlstratlon. Seuls sortent exo-

rnllilaircs, au sol cl da11slcs olrs. L'cplsodc le plus spccl'oculnlrc cs1 le 11cr~r~ de et' r~cltcomplul~u111 IC\ mlllccs de~colom "·

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Si la presse rnetropo.litaJne publle des comptes rcndus fantalsistes, J'admi- 2


nistration fran~aise discerne mleux les responsabilites. Nul temoignage n'est
plus eloquent a cet egard que celui de Delavignette. Dans un rapport confi-
dentiel a sa hierarchie, il decrit les « colons de combat » comme de purs et
Lesillusions
simples putschistes qui, forts de leurs soutiens multiples, aussi bien dans d'une« colonisation
humaine»
l'Eglise que dans J'armee, cherchent par la force a arracher, a leur profit
exclusif, l'independance du Cameroun: « Croyez-moi, Monsieur le Ministre,
jene brode pas, je n'invente pas et c'est en pesant mes mots que j'affirme
l'existence du peril. Oui, de tels colons, issus pourtant de la France libre, ont • ATopo en somme, tout minuscule que fflt l'endrolt,
il y avalt quand m@me place pour deux systemes de
cesse de reagir en Fran~ais. S'ils se reclament avec vehemence de la France clvilisation, celle du lieutenant Grappa, plutöt ä la
combattante, c'est pour penser qu'Ils pourraient faire ä leur avantage une romaine, qui fouettait le soumis pour en extraire sim-
guerre de secession avec la metropole, qu'Us accusent de trahison parce plement Je tribut, dont il retenait, d'apres J'affirma-
tlon d' Alcide, une part honteuse et personneUe, et puis
qu'elle tend ä les deposseder de leurs privileges. nsne voient dans les joumees le systeme Alc.ide proprement dH, plus compl!que,
d'aout 1940 qu'une technique de coup d'Etat 46 », conclut le Haut Commis- dans lequel se discernaient dejä les signes du second
saire, en reference a Ja prise de pouvoir des Fran~is Ubres de Ledere six ans stadc ciVllisateur, la oaissance dans chaque tirailleur
plus töt. d'un cllent, cornblnalson com.merciaJo-mllitaJre en
somrne, beaucoup plus moderne, plus hypocrlte, Ja
Les premiers independantistes du Cameroun sont donc bien ... les colons nötre. »
de combat. Lesquels oot un «modele» en tete: celui de l'Afrique du Sud, que Louis-Ferdinand CEUNE,
certains d'entre eux sont d'ailleurs alles visiter durant la guerre. Ace Voyngeau bor1tde In nult, 1932 '.
moment-lä, !es Afrikaners, divises entre llberaux et nationalistes, monopoli-
sent un pouvoir fonde sur la segregation raciale, qui prendra Ja forme de
l'apartheid en 1948. L'objectif des colons de combat du Cameroun est donc
de reproduire Je statut de « dominion » sud-africain, qui coosiste ä s'eman-
ciper de Ja metropole pour mieux asseoi.rle pouvoir blanc. Dans son rapport
P ou:r comprendre les evenements de septembre 1945 et l'imperitie d'une
administration fran~aise debordee par !es legitimes aspirations des
<< indigenes » et l'inquietante Ideologie des « colons de combat », il est neces-
confidentie1, Delavignette donnera cette i!Justration edifiante du racisme pre- saire de revenir un instant sur la periode qui a precede Ja Seconde Guerre mon-
valant au Cameroun et qui constitue un terreau fertile pour !es colons de diale. II faut d'abord rappeler que les Fran~ais furent, avec les Britanniques, ä
combat: « Comme je representais a un pretre que des aviateurs avalent tue ä partir de 1916, les successeurs des AUemands qui s'etaient approprie Je Terri-
Ja mitramette, en septembre [1945], un enfant noir quJ fuyait, l'homme, que toire ä la fin du XIX' slecle, a Lasuite des Portugais qui s'y etaient installes a
je n'ose appeler l'homme de Dieu, me repondit: "J'ignorais ce detail" 47 • » partir du xv• siecle. On notera ensuite que Ja France, fiere de son histoire et
Prise en etau entre !es revendkations sociales des « indigenes » et Je seces- de sa « civilisation », fit tout pour se clistinguer de la « barbarie germanique »
sionnisme radste des « colons de combat », l'administration cherchera long- et mettre en avant, par contraste, I' « humanisme » de sa gestion coloniale. II
temps ä trouver Ja juste ligne. Mais, instruite par les evenements de faudra alors constater que cette « colonisation humaine » fut, au Cameroun
septembre 1945 et se persuadant que !es seconds constituent Je groupe le plus comme ailleurs, une illusion. Ou, plus precisement, une hypocrisie visant ä
.influent, les administrateurs se feront les champions, des annees durant, assurer, sous un masque presentable, la perpetuation d'une feroce exploita-
d'une ligne dure ä l'egard des premiers. Provoquant la radicalisation de ceux tion economique. On comprendra, en finde campte, que Ja flambee de vio-
qui, des lors, s'inspirant des luttes d'autres peuples colonises, n'aUaient pas lence qui a ensanglante Douala en septembre 1945 n'est pas le resultat d'une
tarder äse revendiquer du « nationalisme » ... crise conjoncturelle, mais le fruit des contradictions fondamentales d'un
colonialisme predateur qui, n'ayant profite jusque-lä qu'ä une poignee de
colons reactionnaires, multiplie les promesses « genereuses » ä l'intention de
populations carnerounaises qui n'en peuvent plus d'attendre qu'on !es ecoute
enfin.

47
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"le marclumd tl't1bord,Jesoldat e11s11ite


» contraircmcnt ä la partic britannique, l'administration repugne ä retroceder
lcs domaincs agro-industriels a leurs anciens proprietaires allernands s_
Ce quJ interesse !es puissances coloniales dans leurs « possessions >) ultra- Ainsl, par exemple, ia Societe financiere des caoutchoucs s'implante en
marines, c'est d'abord leur potentiel agricole. Et c'est avant tout aux grandes Sanaga-Maritime,dans le pays dit «bassa"· Societe beige au depart, qui deve-
firmes qu'est confie Je soin de !es exploiter et de les exporter. L'ordre des prio- loppe des plantations de caoutchouc et d'huile de palme au Congo beige
rites, edicte par le chancelier Bismarck,est assez clair : « Lemarchand d'abord, depuis 1890, reprise en 1919 par le groupe fran~ais Rivaud, qui exploite pour
le soldat ensuite. » Le" Kamerun», protectorat allemand de 1884 a 1916, est sa part le caoutchouc en lndochine et en Malaisie, cette societe obtient a
un exemple assez typique de cette philosophie. C'est d'ailleurs sous Dizangue une des plantations de caoutchouc mises en exploitation durant la
l'influence d'un homme d'affaires de Hambourg, Adolph Woermann, dont la periode allemande. Ainsi constituee, la Societe des caoutchoucs de l'Equa-
compagnie a instalJe une maison de commerce a Douala en 1868, que Bis- teur de Dizangue deviendra, sous la ferule d'un gestionnaire muscle venu de
marck, d'abord hosUle au projet colonjal, se serait laisse convaincre d'invesUr Malaisie, Hemi Chamaulte, et apres avoir ete rebaptisee Societe agricole et
cette partie de l'Afrique. forestiere agricole (SAFA),la plus grande entreprise agricole du Cameroun
Le Kamerun devient rapidement un paradis pour les firmes allemandes, a sous mandat fran~is 6 • Et l'un des symboles les plus celebres de l'exploitation
commencer par les compagnies commerciales qui consolident leurs posi- coioniale du Territoire.
tions (Woermann, Jantzen und Thoermalen). Viennent ensuite les grandes D'une fa~on generale, tout le Cameroun, singulierement sa partie sud,
societes concessionnaires (Sudkamerun Gesellschaft, Nord-West Kamerun plus proche du littoral, se trouve mis au service des exigences economiqucs
Gesellschaft), qui se voient confier de vastes plantations, lesquelles, en 1914, des nouvelles « metropoles" fran~aise et britannique. Prenant la suite des
occuperont 121 000 hectares et emploieront, par Je biais d'un recrutement Allemands et s'appuyant sur les recherches des geologues, des climatologues
brutal et anarchique, 18 000 travailleurs 2• Comme partout ailleurs en Afrique, et autres ethnologues, qui repertorient et cataloguent « scientifiquement » les
il s'agit de transformer Je territoire en reservoir de matieres premieres. Ce sont proprietes des differentes regions et les caracteristiques de leurs populations,
les palmiers ä huile et les heveas sauvages qui interessent les Allemands, mais le capitalisme colonial de l'entre-deux-guerres modele les terroirs came-
aussi, dans une moindre mesure, le cacao, les bananes, le tabac, Je bois 3• rounais en fonction de ses besoins, des capacites d'absorption des lnfrastruc-
Pour exporter ces richesses vers l'Europe, mais aussi pour resserrer leur tures d'exportation et des cours des matieres premieres sur les bourses
emprise sur les populations, !es Allemands developpent !es infrastructures. Le europeennes. Teiles les parts d'un gäteau, les « zones » identifiees comme pro-
chemin de fer fait son apparition, qui relie les plantations au Uttoral.Gräce a ductives se voient imposer les cultures qui leur sont les plus« adaptees ». Les
son port, la ville de Douala, qui devient la capitale en 1909, s'affirme comme cartes de l'epoque font ainsi ressortir un emboitement de " pays » speciallses
la plaque tournante de l'economie du pays. Lalssant les grandes compagnies - dans le cafe, le cacao, les palmiers a huile, la banane, le bois, etc. -, signe
imposer leur ordre, l'administration allemande se contente de les epauler, de d'un developpement differencie et inegalitaire des regions en fonction des
les proteger et d'ecraser les rebellions indigenes. cultures exploitees et des flux d'exportation disponibles. Sans abolir les sys-
Maitres du terrain, les Allemands revent bientöt d'un grand empire afri- temes precedents, cette nouvelle geographie economique impose progressive-
cain, une" Mittelafrika » qui relierait, ä travers le Congo, le Kamerun aux pos- ment, comme par superposition, ce que l'historien Achille Mbembe appelle
sessions allemandes d' Afrique orientale (actuels Burundi, Rwanda et une une « nouveUe cartographie politique et mentale 7 ».
partie de la Tanzanie). LeCongo beige, indique le ministre des Affairesetran- La " mise en valeur » du territoire contribue en effet ii modifier et a fixer
geres allemand ala veille de la Premiere Guerre mondiale, est une trop grande dans les pratiques, dans les comportements et jusqu'au plus profond des lma-
colonie pour un trop petit pays 4 • Le marchand d'abord, le soldat ensuite ... ginaires les differences entre - et ä l'interleur de- ce que l'anthropologie euro-
Les revesexpansionnistes allemands s'evanouJssent avec la guerre. Mais peenne de l'epoque qualifie de« tribus » ou d' « ethnies » 8 • C'est ainsi, pour se
le nouvel ordre qui s'installe a sa sortie n'est pas tres different de celui limiter ä cet exemple, que les « Beti » et les "Bulu » deviennent, a la faveur
qu'avaient impose les Allemands. Stat11qua ante bellum: ce sont ä nouveau les de l'implantation massive de cette culture dans leurs regions dans les
interets economiques qui menent le Jeu. La France et le Royaume-Uni s'etant annees 1920 et 1930, des « planteurs de cacao ». Etant donne !es specificltes
partage le territoire sous l'egide de la SDN, quJ transforme le «Kamerun» en de cette culture, confiee ä des petits planteurs locaux qui sont des lors moins
deux rnandats, de nouvelles societcs s'lnstallcnt. C'cst particulicremcnt soumls ä la loglquc des plantations industrielles qu'ä la rapacite des interme-
vrai danc; la partie de l'cx-Kanwrum passee ~ous mandcil f1,rn(oh ot1, dlai re~ commcrclaux, c'cst toute l.i ~tructurc economique, sociale et

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symboliquc <.Jeces populallons quf sc trouvc affcct~,.u.l l•~ 1HH1vcllc, \lruc- 1\llcrnandsqu'cllc n'a ccsscde qualificr de« barl.rnres» tout au longdu conflit
tures ainsi constituees- rapports ä l'argent, au travall, ~ lo ll'IH',ö l',iutorlte- mondial, la France cst surtout soucieuse de s'implanter durablement au
seront ä leur tour reinterpretees par le « savoir colonlal • pou1 dHinir ameroun el, par consequent, de ne s'y faire evincer ni par les premiers ni par
l'« essence »des« Bulu » ou des« Beti»••. lcsscconds. Affichantson « humanisme » pour la forme, eUepoursuit, dans le
Ces evolutions sont d'autant plus profondes que le passage ä la culture fand, l'cxploitation systernatique initiee par la colonisation aUemande.
du cacao, pour restersur cet exemple, n'est pas seulement une mesure econo- Dans Ja pratique, la politique fran~aise consiste, taut en noircissant le
mique. Comme le souligne l'historien RichardJoseph, l'adminlstration colo- « boche » pour mieux s'y substituer, afaire accepter sa soumission par 1'«indi-
niale, forte d'un savoir « scientifique lt sur la valeur lt relative des
4( genc » lui-meme et ä.la rendre acceptable aux yeux de ceux qui pourraient la
populations colonisees, fait en realite de la culture du cacao une arme poli- contester. Lesquelssont, potentiellement, asseznombreux: JesAllemandsqui
tique. En temoigne ce telegramme du ministere des Colonies approuvant en revendiquent toujours « leurs » terres africaines, ou l'opinion rnetropoiitaine
1924 la creation d'une distinction - un insigne aux couleurs de la France... - fran~ise que la decouverte des realitescrues de la domination coloniale pour-
pour encourager la productivite des planteurs indigenes : « II est de notre rait offusquer. Mais c'est surtout devant Ja SDNqu'il faut faire banne figure :
interet de favoriser cette tendance et de creer ainsi une bourgeoisie agricole chaque annee, la France doit y rendre des comptes, pour justifier son mandat.
qui formera l'element stabilisateur de la population et sera pour le gouverne- Cette politique en forme d'oxymore, visant a humaniser la colonisation,
ment local un auxfüaire non negligeable.IInous sera alors possibled'opposer trouve sa parfaite iUustrationdans la campagne de• pacificatlon » entreprise
aux elements trop orientes vers les speculations de l'esprit et volontiers contre les populations « Kirdi» du nord du Cameroun. Pendant !es vingt pre-
encllns aadherer aux Jdeesextremistes, une classe equilibree 10... » rnieresannees de la presence tran~aise, ces populations refusent, armes a la
main, de se soumettre a sa domination. Guere differente, dans l'esprit, des
campagnes de pacification allemandes de la periode precedente, l'utilisation
« Humaniser la colonisatimi » par l'armee coloniale de la force brute, des massacreset des pillagess'accom-
pagne avec les Fran~aisd'une politique dite d' apprivoisement lt que le pre-
4(

En ce qui concerne la partie du Territoiresaus mandat fran~ais,qui sera mier commissaire de la Republique au Cameroun, Jules Carde, justifie des
plus tard appelee « Cameroun orlental », une des caracteristiquesde l'entre- 1916 par Ja necessiteimperieuse de marquer la « differenceentre la politique
deux-guerresest le renforcement progressifet l'extension du champ d'inter- indigene » de la Franceet celle de l'Allemagne 12.
vention de l'administration. Une evolution qui s'accompagne d'une volonte, Quinze ans plus tard, alors qu'une banne part des populations « Kirdi»
du rnolns dans les discours,de rendre plus « humalne » la colonlsation. Cette restent insoumises en depit des multiples et sanglantes « expeditions mili-
evolution n'est pas propre au Cameroun, comme en temoignent !es termes taircs » menees par Ja France,c'est le meme argumentaire que sert Je commis-
utilises par le ministre des Colonles, Albert Sarraut, Iors de la presentation en saire Theodore Paul Marchand dans son rapport annuel ä la SDN : « La
1921 de son grand projet de « mise en valeur » de l'Emplre. Ce « programme politique poursuivie depuis dix ans consiste a realiser l'apprivoisement pro-
de grands travaux, d'outillage economique et d'reuvres sociales,explique-t-il, gressifdes elements refractaires.Pour obtenir cet apprivoisement, il faHaitpra-
est de nature ä imprimer une impulsion puissante tant au developpement de tiquer la politique de presence, en visitant par des tournees frequentes !es
ses richessesmaterielles qu'ä l'reuvre humaine de clvilisation poursuivie par elements rebelles, en s'imposant ä une population volontiers fuyante, et
la France panni ses sujets et proteges indigenes ». Car, ajoute-t-il, « la France reprimer en meme temps avec energie Jesattentats contre Jespersonnes et les
et son gouvernement n'envlsagent pas l'entreprise coloniale du seul point de biens de manlere ä instaurer partout la securite necessaire13• »Quanta la fina-
vue etroitement personnel, utilltaire et autoritaire de l'interet conquerant 11 ». lite de cette politique de la carotte et du bäton, eile n'est en rien plus noble
Ce discours trouve un echo particulier au Cameroun. Deux ans seule- que celle qui avait inspire la repression allemande, au sud du pays, quelques
ment apres avoir obtenu le mandat de Ja SDN sur la majeure partie de l'ex- annees plus töt. En atteste le rapport enthousiaste d'un des militaires fran~s
Kamerun allemand, la France se sait surveilleeet molns legitime que dans ses charges de Ja repression et de 1'«apprivoisement » dans cette region peuplee
colonies. Taut sincere qu'il soit chez certains, l'humanisme affiche au sortlr de 200 000" indigenes » : « Ce sera pour nous un tres gros reservoird'hommes
de Ja Grande Guerre ne doit donc pas faire Illusion (le plan Sarraut sera d'ail- qui nous aidcront a mcttre un jour en valeur le sous-sol de leur pays, qui,
leurs abandonnc, faute de moyens). Fierede son « gcnle natlorrnl,., qu'elle se comn1c lc platcau ßaoutchi dont II est le prolongement, renferme certaine-
donne pour mis~lon de faire goOtcr aux • primitlfs •• vli..ltHlt•u~cdes mcnt d'lmpo,tnntcs rlcllcs~csmlni~rcs 1 ◄• »

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Avcc lc rnernc csµrll « humonislc .,.,tcs autoll1'6~ftn11rflt~1.•~


<.'ntrcprcn- Le « goutdu travail »
nent, au cours des annecs l 920 et 1930,d'" amadoucr » lcschch t iadlllonnels \
indigenes et d'« assouplir » te codc de l'lndigcnat pour lcs au Lochtonesdlts Letravail cst lui-rnemeassimilea un impöt. Le systeme, baptise « presta-
« evolues »•.Quoique ne concernant pas specifiquement le Cameroun, ces tion » pour echapper a la qualification de "travail force » - ioterdit par la
deux initiatives apparaissent rapidement comme un moyen de menager les SDN -, est le suivant : chaque Camerounais « doit » dix jours de travail par
elites indigenes qui, ä en croire Jules Carde, restent « profondement an sans remuneration ; ä J'expiration de cette periode, le travailleur reste sur
impregne[es]du germanisme dont lelles ontj ete nourri[esj 15 ». Ces mesures le chantier en echange d'une remuneration derisoire; Je recrutement est
consistent surtout, pour les autorites fran~aises,äse constituer un auxiliariat effectue par les chefs locaux (sous la supervision, ä partir de 1937, des offices
indigene susceptiblede relayer leur politique dans les populations, sans appa- regionaux de travail) ; la seule fa~ond'echapper au travail gratuit est de « rem-
raitre elles-memes comme les instigatrices directes de Ja violence coloniale. bourser » en numeraire chacun des jours non effectues.
Par le jeu de la nomination et de la destitution des chefs, une teile « sous-trai- Dans l'esprit des administrateurs fran~ais, ou du molns dans leur dis-
tance » est une tentative des autorites pour faire bonne figure aupres de l'opi- cours, Je systeme ainsi codifie se voulait lä encore plus « humain .,.que ne
nion exterieure, en renvoyant Ja responsabilite morale des frequentes l'etait l'impöt sur le travail prelevede fa~onanarchique et brutale par l'admi-
brutalites sur un « atavisme » ethnique ou tribal opportunement incarne par nistration et les conglomerats de l'epoque allemande. IIse veut aussi « tempo-
les chefs adoubes. Cette politique d'intermediation indigene a egalement raire » dans Lamesure ou la prestation a, aux dires des autorites, une vocatlon
pour fonction de desamorcer les conflits avec Ies populations, par Je biais de pedagogique,celle d'emanciper !es,<Negres ».•. de leur faineantise naturelle l
non moins opportunes sanctions contre ceux des chefs qui feraient preuve " Des qu'ils auront acquis le goOtdu travail et d'une remuneration, le travail
d'un zele excessif-vols, viols, meurtres, pillages,chassesä l'homme, etc. obligatoire disparaitra, meme dans Je domalne des Travaux publics », jure en
Les deux principales taches auxquelles sont assignes les chefs indigenes 1924 le representant de la France aupres de la Commission permanente des
sont la collecte des impöts et le recrutement de Ja main-d'reuvre. Ce double mandats, ä Geneve 17• En realite, les deux situations, allemande avant 1916 et
prelevement constitue la clef de vofite de Ja domination coloniale et du fran~aiseensuite, sont assezcomparablestant les abus sont, dans les deux cas,
contröle des indigenes. Lesimpöts et taxes inventes par l'administration fran- systematiques.11faudra attendre 1946 pour que le travail force soit aboli par la
~aiseou repris a l'administration allemande jouent un röle essentiel. lls per- Ioi et plus tard encore pour qu'il le soit dans les faits (voir chapitre 3).
mettent non seulement de recenser nominalement les populations, de capter Ainsi, pendant des decennies, I'admjnistration et Je capitallsme colo-
leurs richesseset de les conformer au systeme de valeurs de l'occupant, mais nfaux profitent d'une immense force de travail gratuite, ou contrainte, pour
egalement de proceder ä Ja « mlse en valeur » du Territoire a peu de frais. On exploiter les richesses du territoire et construire !es inb:astructures neces-
ne s'etonne pas, des lors, du nombre et de la variete des prelevements flscaux saires ä leur exportation. Comme dans d'autres terdtoires, le chantier qui a
auxquels sont soumis les indigenes : impöt par capitation, licence sur le marque le plus durablement les populations camerounaises est sans doute
commerce, patente de colportage,taxe d'etat civil, taxe d'assistance medicale, celui. du chemin de fer, commence par les Allemands et acheve par les
taxes sur la circulation des bicyclettes,impöt sur les chiens, permis de fete et Fran~ais,entre Douala et Yaounde. Recrutes contre leur volonte dans diffe-
de tarn-tarn... Symbole de ce « colonialisme ä visage humain », Ja France ira rentes regions du Cameroun, des milliers d'ouvriers sont deportes de force
jusqu'a instituer, sous pretexte de lutter contre Ja polygamle,un impöt sur les vers ce chantier infeste de moustiques pour y etre employes, cinquante-
femmes 16 ! quatre heures par semaine, aux täches les plus penibles.Ni la nourriture insuf-
fisante ni le repos inconfortable ne peuvent soulager les for~ats. Pas plus, on
s'en doute, que les miliciens africains qui les encadrent ä la trique sous super-
vision europeenne. Pour mettre un terme aux nombreuses tentatives d'eva-
sion du chantier et ä l'exode hors des zones de recrutement (en particulier la
Sanaga-Maritimeou se trouve le chantier), les autorites administratives inter-
discnt les deplacements sans autorisation ou sans paiement. « Aujourd'hul
encore, notc un visiteur de passage plusieurs annees apres l'achevement des
a lnstltu~ dans loutcs lcs posscsslo11sfran(nlscs en lR54 et appllqul! au Comcmun d~~ 1916,
lc codc de l'lndlg~11a1,qul donnc tout pouvolr aux lllancs sur les Nolr), t'lt rNom,~ ~ trol\ trnvaux, lc mol Njock, lc centre de chantler de voie ferrec durant cette
rcprl~t•, entre 1924 et 19JK. p~rtodc,c~t pour lcs tndlg~ncs~ynonymed'une rorme de servltude ä laquelle

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la rnorLest la seule issuc probable 18. » Ce que conflrme Aclilllc MbC'mbc: « En metalliques. Barnileke et .Bafla etalent souvent affectes aux travaux de
1925, Je taux de mortalite sur les chantlers s'eleve ä 61,7 % sur un chlffrc de terrassement 23. »
6 000 ouvriers, dont moins de 25 % de volontaires 19• » Certaines zones etant considerees comme de meilleurs « reservoirs de
Les chantiers ne sont pas tous aussi meurtriers, mais !es conditions de tra- main-d'~uvre )) que d'autres, le recrutement lui-meme accentue les distinc•
vail ne sont pas moins terribles quand il s'agit de construire une raute, d'ame- tions « raciales ». Ainsi en va+il, pour se limiter a cet exemple, des popula-
nager un cours d'eau, de bätir une gare, une ecole ou une prison. Et ces tions dites « Bamileke ». Comptant pour un sixieme de la popu1ation totale
chantiers d' « interet public » ne sont pas les seuls a avoir recours a Ja presta- camerounaise, cette « race prollfique » dont « la discipline collectiviste est
tion ou a Ja main-d'reuvre a bas co0t. Les plantations privees des notables parfaitement organisee par leurs chefs », aen croire la description qu'en font
indigenes et des colons sont egalement de grandes consommatrices de travail \es aothropologues et \es administrateurs 24, repond merveilleusement aux
force, dans toutes !es regions. exigences du travail obligatoire. Aussi, des ctizaines de milliers d'entre eux
Dans son livre autobiographigue, Je syndicaliste Gaston Donnat expose sont-ils employes dans leur region d'origine ou expedies dans les regions voi-
les conditions dans lesguelles sont recrutes, en 1944, Jes ouvriers empJoyes sines, la zone Bamoun et la va1lee du Mungo en particuller, Oll pullulent les
par la SAFAde Dizangue : « [L'administrateur colonial de Ja zone de recrute- plantations coloniales mais gui souffrent d'un deficit de main-d'reuvre.
ment] convoquait un certain nombre de chefs de village et !es chargeait de D'autres « Bamileke » sont envoyes plus loin encore, dans les centres urbains
designer, chacun, un contingent d'hommes valides. TIn'est pas besoin de pre- (Doua1a et Yaounde, mais aussi Ebolowa ou Sangmelima). Des milliers d'entre
ciser les criteres servant au choix, H suffit de savoir que les chefs pouvaient eux, fuyant les rafles sanglantes et les chantiers de la mort, se refugieront dans
par preference choisir n'importe qui. Au jour dit, les malheureux etaient ras- les centres urbains, dans les autres regions du Cameroun franr;:aisou au Came-
sembles. On !es reliait les uns aux autres par une corde attachee au cou et, roun britannique dorrt leur region est frontaliere. Leur reputation
encadres par des miliciens armes, Ja file lamentable gagnait [... ] le lleu de leur d'« insoumis », de « migrateurs », voire d'« envahisseurs », se voit ainsi ren-
deportation 20• » forcee par le systeme du travail obligatoire; eile persistera d'autant plus que
Non content de disposer d'une main-d'reuvre gratuite recrutee par les \'emigration « bamileke » se poursuivra bien apres la Seconde Guerre mon-
soins de l'administration ou raflee par Jes siens a la sortie de la messe, Henri diale 25 • Pour Ia seule periode 1930-1958, pas moins de 100 000 personnes,
Chamaulte, le responsable de la plantation, avait trouve une solution pra- soit 13 % de la population de la zone, quittent ainsi la region Bamileke 26 •
tigue pour ameliorer la productivite. « Quand !es gars ne portaient pas suffi.
samment de latex, nous a expligue l'administrateur Andre Bovar, Chamaulte
prenait les femmes, les enfermaJt dans un enclos et ne les liberait que quand Indigenes,colons,nation :
Ies gars avaient porte Ie latex 21 • » Eo reaJite, !es plantations de Dizangue aqui doitprofiterla colonisation?
etaient en elles-memes une immense prison falte de baraquements, ceinturee
par une solide clöture et patrouillee en permanence par des gardes armes. Les- Solidement organise, le systeme laisse pourtant entrevoir guelgues fis.
quels n'hesitaient pas a enfermer les forr;:atsdans une geöle privee et a bas- sures dans les annees 1930. Car les indigenes ne sont pas les seuls, dans un
tonner jusqu'au sang !es travailleurs les plus recalcitrants. Ni les conditions pays Oll la traite des esclaves est encore dans toutes les memoires•, a etre
de vie ni la mort, frequente dans cet enfer, ne semblent pourtant deranger les revoltes, en particulier par le travail force. Chez les Europeens aussi, on
hommes de Dieu de Ja region, « les pretres et les pasteurs se contentant de dire entend parfois des voix discordantes. Par exemple celle d'un missionnaire spi-
la messe a 4 heures du matin pour se rendre a l'aperltif chez )'omnipotent ritain, Je pere Franr;:oisPichon. « J1
en dem an de pardon aux potentats de ce
Chamaulte a 10 heures 22 ». monde, ecrit-il en 1930 au commissaire Marchand, mais je ne laJsserai pas le
Au meme titre que les cultures imposees, l'institution du travaiJ obliga- representant de la France s'enfermer dans des methodes qui compo1tent le
toire contribue acristalliser !es identites « ethniques » ou « tribales ». « Sur les maintien de l'esclavage : l'autorite a coups de trigue et de volontariat de la
chantiers, souligne Achille Mbembe, les forr;:atsetaient affectes aux travaux
eo fonction de ce que l'administration considerait comme les "aptitudes des
djverses races". Selon ces criteres, aux Bulu et aux Bassa, conslderes comme a La tralte des escl:wes s'est parllcu.llcrcmentdeveloppee au Sud-Cameroun, sous la supervi-
slon de navlres ncgrlers de dlver~ pays europecns, aux xv111· et XI)('siecles,jusqu'a son inter-
plus "evolues" que les ßamileke et les ßafla, etaient devol11slrs lr'avaux de dlcllon cn 1852 (Achlllt: M»t1MIJI', i..fl NalSMI/Ce du llltlf/111S(III S11d-Ct1111ero1m1920-1960,
mar;:onneric,de charpcntcrlc, la pose des voles et Je mo11tUHl' de, ponts op.dl., p. 306-307).

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corde au cou. Ces exactions ont trop dure. II faut que \'.acesse. Et, pour ceJa, polilique economique reste, expllcltement, « coloniale ». La contrad.iction
que Je public en France en soit saisl 27 • » fondamentale de colonlalismc ä visage humain demeure donc. Si une reponse
C'est precisement cette opinion metropolitaine qu'essaie d'aJerter, sur le est donnee ä Brazzaville et dans les deux annees suivantes, c'est celle de savolr
meme sujet, l'ecrivain Andre Gide apres Ja publication de ses deux carnets de qui, de la puissance publique (la nation) ou des interets prives (!es colons),
voyage, Voyageau Congo(1927) et Le Retourdu Tchad(1928). Avec le soutien doit profiter en prlorite de la politique coloniale. Au sortir d'une guerre des-
du joumaJ de Leon Blum, Le Populaire,il se lance dans une denonciation en tructrice, ce sont les interets de Ja nation qui sont mis en avant par le gouver-
bonne et due forme des grandes compagnies concessionnaires qui, comme Ja nement provisoire du general de Gaulle. L'Empire doit activement prendre
Compagnie forestiere de Sangha-Oubangui (CFSO), exploitent les indigenes part aux deux priorites de l'heure: la reconstruction de la metropole et le
du Congo, et obtient du ministre des Colonies une enquete offtcleUe sur ces retour de la France au rang de grande puissance. Plus puissante que dans
« abus ». Plus voilee, mais aussi plus radlcale, est Ia critique en regle du colo- l'entre-deux-guerres, l'administration devient la force motrice de Ja colonisa-
nialisrne dans le Voyageau bout de la nuit de Louis-Ferdinand Celine, publie tion apres 1945, laissant un sentiment d'amertume aussi bien chez les colons,
en 1932. Lequel CeJine sait fort bien de quo.i II parle, lui qui travailla une qui se sentent depossedes de « leur » territoire, que chez les colonises, qui
annee, entre 1916 et 1917, dans les plantations de la meme CFSO au sud du croyaient enfin venue !'heure de l'emancipation.
Cameroun 28••• Alors qu'ii Douala « colons de combat » et « indigenes » syndiques se
Moins pourtant que ces lointaines protestations, c'est Ja crise econo- dechirent et que la France ne dlspose encore que d'institutions provisoires, un
miq ue mondiale qui fait evoluer la situation au Cameroun au cours des plan decennal de developpement economique et social des territoires
annees 1930. La crise, gui entratne l'effondrement des cours des matteres pre- d'outre-mer est mis sur pied. Con~ue par Andre Postel-Vinay, proche de De
mieres et des dlfficultes croissantes pour les differentes populations du Came- Gaulle et inamovible directeur general de la Caisse_centrale de la France
roun, colons comme indigenes, fait eclater !es contradictions de Ja politigue d'outre-mer (CCFOM)", Laloi du 30 avril 1946 institue le Fonds d'investisse-
fran\'.aise de « colonisation humaine ». L'administration se retrouve prise en ment pour le developpement economique et social des territoires d'outre-mer
etau entre les colons, gui estiment qu'elle doit continuer ii les servir, et les (FIDES)30 • S'il s'agit « par priorite, selon Je texte de loi, de satisfaire aux besoins
autochtones, ii qui elle ne cesse de promettre les Iumieres de sa « civilisation ». des populations autochtones », le but est aussi de« concourir ii l'execution des
La contradiction apparai't dans tous les domaines. Lorsque l'adrninistra- programmes de reconstitution et de developpement de l'economie de !'Union
tion baisse les impöts sur les indigenes ruines, pour calmer la colere mon- fran~aise, tant sur le plan metropolitain que sur celui des echanges
tante, ou lorsqu'elle fonctionnarise les plus « evolues » d'entre eux pour internationaux 31 >>.
reduire son train de vie (les « Noirs » coutant bien moins eher que les Alors meme que le Cameroun n'a plus de statut veritable ä cette date, du
« Blancs »), les indlgenes en reclament davantage. Et lorsque, pour augmenter fait du manque d'institutions en France et de la dlsparition defactode la SDN,
la productivite, eile leve l'interdiction pour les indigenes de cultiver certains le Territoire est curieusement le mieux loti, et de loin, de toutes les posses-
produits d'exportation, eile se met ä dos !es planteurs blancs qui y voient une sions fran~aises d'Afrique dans Ja repartition des fonds FIDES.Curieuse egale-
concurrence deloyaJe et un liberalisme deplace. Les dlliicultes econornigues ment est la fa~on dont, dans ce territoire privilegie, ces fonds sont affectes :
amorcent ainsi une crise poUtique et sociale dont l'enjeu est Ia repartition des sur 36,5 millions de francs debloques entre 1947 et 1953, 85 0/ovont aux infra-
ressources et des pouvoirs au sein du Terrltoire. Qui, en temps de contraction structures et 10 % seulement aux « equipements sociaux » (alors qu'en AOF
economique, doit faire Ies sacrifices? Et ii qui, au juste, doit beneficier Ia les fonds destines aux infrastructures ne depassent pas SO%) 32 • Ce qul
« mise en valeur » du territoire : aux indigenes, aux colons, ii Ja nation ? temoigne assez clairement que !'ordre des <<priorites » n'est pas tout ä fait
La conference de Brazzaville, en janvier 1944, donne en theorie une celui qu'affiche le gouvemement. Et que Ja France est bien decldee ii rester au
reponse assez claire aux questions soulevees avant guerre. « Le but de notre Cameroun.
politique economique coloniale, est-il afflrme ii l'ouverture de la rencontre,
doit etre Je developpement du potentiel de production et l'enrichissement des
territoires d'outre-mer, en vue d'assurer aux Africains une vie meffleure par
l'augmentation de leur pouvolr d'achat et l'elevation de leur standard de
29
vie . » Pourtant, derrl~re cette generosite apparente qui n'est pfls sans rap-
n L.aCCJlOM ..-s1olors le prlnclpol orgonlsmcchnrg6de l'opport de nuancements publics aux
peler les principes edictes par le plan Sarraut un quart de slcc-lcpl11~1(>1,rette ti:ri llolrc, o'outre n,cr de la Fronce.

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3 Lesespoirsde laJ>remlere
Co11stituante

L1« Unionfranraise» Cette scene reflete la fragilite de Ja base jurictique de la souverainete fran-
~aJse au Carneroun et au Togo depuis la victoire alliee. Ces deux territoires,
oula fin desillusionsdeBrazzaville quese partagent la France et le Royaume-Uni depuis la fin de Ja Premiere
(1946-1947) Guerre mondiale, leur avaient ete confies par une institution qui n'existe plus.
Pour en conserver Ja gestion, les deux nations coloniales du Vieux Contlnent
se voient obligees de se justifier devant des delegations du monde entier ...
Pour certains, cette seule epreuve est un affront. Ex-ministre des Colonies, a
~ II n'y a plus de colonies ... Demaln nous serons des la Liberation, Jacques Soustelle voit deja ]'Empire s'effilocher. « D'ores et deja,
indigenes d'une union fran~aJsecommune. • ecrit-il, deux breches [le Cameroun et Je Togo] s'ouvrent dans la fa,;ade afri-
Robert DeLA V!GNbTl':E, caine de !'Union [fran,;aise] 4 • >>
directeur de i'Ecole coloniale, 1945 1• Ces « breches » jurictiques ont ete elargies par les erneutes de Douala de
" n n'y a point icl, comme dans !es pays clvllises, ,i septembre 1945. L'ordre ne regne plus si facllement dans !'Empire fran,;ais.
lutter contre les idces contraires, une opinion, une Or, pour !es autorites fran,;aises, ce « Territoire », mal amarre a l'Emplre du fait
presse, un comite ou un conseil; 11y a ä prendre il bras- de son statut jurldique particulier, reste une piece maitresse (voir chapitres 2
le-corps cette masse de sable, d'argJle et d'humaJns et
ä en faire des routes, des viJles et des hommes ... Quels et 5). Pas question donc de Je laisser echapper a leur souverainete, que ce soit
lieux, sur nos terres etrlquees de l'Europe, permet- par un partage du pouvoir avec les indigenes ou par une surveillance trop
traient un tel modelage de la terre et des ames ? • sourcilleuse des Nations unies. A New York, la France promet de ne pas
Plerre-OUvterLArtE,gouverneur du Tchad, 1945 2• « annexer » le Cameroun et de respecter sa « personnalite ». Mais tautest fait
en realite pour Je coloniser en banne et due forme et clore la parenthese de

« p endant pres de trente ans, Ja France a exerce sans heurts, sur le Togo
et le Cameroun, le mandat qu'elle avait re~u de Ja Societe des
3
1944-1945, au cours de laquelle Ja France liberee avait pu donner l'illusion
d'une liberalisation de son Empire.
L'annee 1945 fit trembler l'ordre colonial. L'absence d'institutions
nations • » Cette affirmation, on l'a vu dans les pages precedentes, est tres stables a Paris a faü na'itre beaucoup d'espolrs chez les colonises. L'Empire a
eloignee de Ja realite. Mais en ce 13 decembre 1946, au cours de Ja premiere craque de toutes parts. Mais !es rebellions ont ete matees par la force, aThia-
session de I' Assemblee generale des Nations uni es, Je docteur Louis-Paul mye comrne aDouala, aSetif comme a Guelma. L'annee 1946 est celle de Ja
Aujoulat a besoin d'embelJir Je bilan du « mandat » que Ja SDN a confie a Ja reprise en main juridique. Symboliques de ce tour de vis, !es peripeties des
France sur Je Cameroun, afin de Je prolonger sous forme de« tutelJe », confor- deux Assemblees constituantes, au cours desquelles les plus hautes autorites
mement au terme en vigueur depuls Ja creation de Ja nouvelle Organisation fran,;aises, aiguillonnees par Je lobby colonial, montent au creneau pour ver-
des Nations unies (ONU). Face au nouveau depute (fran,;ais) du Cameroun, rouiller toute possibilite d'emancipation. Certes, Ja terminologie evolue. On
apparente au Mouvement republicain populaire (MRP), qui revendique que ne parle officiellement plus cl'« Empire» ni meme de « colonies », mais
la France puisse administrer le Cameroun oriental comme « partie inte- d' « Union fran,;aise » et de« territoires d'outre-mer ». Mais, derriere les euphe-
grante » de son propre territoire, le delegue sovietique proteste : il n'entend mismes, la realite coloniale demeure.
pas avaliser ce qu'il appelle une « annexion voilee ». Aujoulat detallle donc, Le processus de redaction de la Constitution de la iv• Republique offre
a
pour convaincre les delegues representes New York, !es promesses issues de l'occasion de tester les velleites reformatrices de Ja Republique. En vertu des
la conference de ßrazzaville : liberalisation du regime colonial, representa- conclusions de Ja conference de Brazzaville, les ressortissants d'outre-mer
tion politique des autochtones et developpement economique et social du peuvent envoyer des representants a !'Assemblee constituante a Paris. Des
Territoire. « indigenes » electeurs ? La perspective effraie !es tenants de !'ordre etabli.
Mais les modalites prallques dressent quantite d'obstacles au plein exercice du
suffragc. Parmi ccs obstacles, lc systeme original, mais bien peu democratique,
du "double coll~gc ,., qul pennet une sous-repr~sentation des « incligenes » :

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dans chacun des terrltolres, les rran~ais appartiennent au college d~s Lesbalbutiementsde lll IV" Rlpublique
« citoyens de statut civil commun », tand.isque les Africains sont regroupes
au sein du college des « citoyens de statut personnel ». Un decret du 7 mai Nouvclle election. Au sein de la seconde Assembleeconstituante, c'est
1945,signe par de Gaulle,fixe le statut des« notables evolues », seuls autorises desormais le MRP,fort de Ja victolre du « non », qui devient Je premler parti
a voter. Pour en faire partie, il faut avolr un travail, etre titulaire d'un certi- et fait acceder l'un des siens, Georges Bidault, a Ja presidence du gouverne-
fkat d'etudes et etre considere comme de« bonne moraJite » - ce qui reste a ment provisoire.Le lobby colonial, qui a senti le vent du changement passer
l'appreciation vigilante du chef de subdivision, habilite a soumettre les can- tres pres, s'organise. Les deuxiemes etats generaux de Ja colonisation, nou-
didats a un examen. velle edition du grand raout colonialiste apres ceux de Douala l'annee prece-
La premiere Assemblee constituante siege du 6 novembre 1945 au den te (voir chapitre 1), se tiennent a Paris du 30 juillet au 24 aoat 1946.
26 avril 1946. Le contexte politique est plus favorable que jamais a des L'Academie des sciences coloniales et le Comite de !'Empire fran~ais, qui
reformes progressistes.Alors que la droite dure est decredibilisee par Vichy, regroupe des firmes comme la Compagnie du canal de Suez ou Paribas,don-
socialisteset communistes occupent les deux tiers de l'Hemicycle.Et lorsque, nent le la, relayes par la presse sympathisante de Ja cause coJoniale, comme
le 20 janvier 1946, de Gaulle, furieux de voir que les travaux de la Consti- Marc11es coloniaux. Resultat: alors meme que les responsables polltiques
tuante refusent de lui tailler un regime presidentiel sur mesure, quitte le pou- avaient promis de ne pas modifier le titre VIIIdu precedent projet constitu-
volr, Javoie est libre pour reformer. En quelques mois, d'importantes lois sont tionnel relatif a l'outre-mer, ce lobby vigilant les pousse a passer ä l'action.
votees, qui accordent plus de droits aux « indigenes » et une plus grande auto- Lesvelleites liberalesde Ja premiere Constituante seront reduites a neant par
nomie a leurs territoires. Des Je 22 decembre 1945, l'indigenat avait ete sup- la seconde.
prime: c'est desormais le code civil fran~ais qui s'appliquera dans les Du 11 juin au 5 octobre 1946, periode a laquelle siege cette seconde
territoires d'outre-mer. Le 11 avril 1946, Ja loi Houphouet-Boigny,votee a la Assemblee, Je compromis de Ja premiere Constituante est donc remis en
quasl-unanimite, abolit le travail force3 • Le30 avril 1946, un decret instaure Je cause, piece par piece. Le 24 juillet 1946, !es representants « indigenes » de
FIDES.Leslibertes d'association, de reunion et d'expression sont accordeesles l'outre-mer presentent leur propre texte. Sans aller jusqu'a demander l'inde-
unes apres les autres. Enfin, en vertu de la Joi Lamine Gueye, les « indige.nes» pendance, ils entendent laisser chaque colonie libre de choisir son statut au
deviennent des« Citoyensde !'Union fran~aise». sein de !'Union fran~se, dans un horizon de vingt ans. Proposition inaccep-
La Constituante va plus loin encore lorsqu'elle institue, pour chaque table pour les conservateurs. Le 27 aout, c'est Je general de Gaulle en per-
colonie, une assemblee territoriale. D'apres le projet de constitution qu'elle sonne qui passe a l'attaque contre ce projet qui « ne pourralt, selon lul, mener
elabore, ces assemblees territoriales, elues au suffrage universel direct, sans les populations qu'ä l'agitation, a la dislocatlon et finalement a Ja domlna-
double college, seraient chargees de l'administration du territoire ä la place t ion etrangere s ». Lememe jour, dans l'Hemlcycle,Je vieux radicaJ-socialiste
des gouverneurs habltue.ls.De plus, !'Union fran~alsedevrait etre « librement Edouard Herriot s'insurge contre le projet de college unique. II redoute les
consentie » par les populations interessees. Mais ces deux dernieres disposi- consequences de cette assimilation des indigenes : « La France deviendrait
tions ne seront jamaisappl1quees: le projet de Constitution, vilipende par les ainsi Ja colonie de ses anciennes colonies 6 • » Au-deläde la reaction epider-
gaullistes et le MRP,est rejete par !es electeurs, a la surprise generale, lors du m iq ue a l'idee de mettre a egalite « la negresse a plateau et l'ouvriere
referendum du 5 mai 1946. Au Cameroun, Je college des Fran~aisa massive- d'us.ine7 », le principe « un homme = Lmevoix » parait difficilement compa-
men t vote contre. A Paris,tout est a refaire. tible avec le projet colonial. Les quelque 60 millions de « sujets fran~a1s»
vont-ils imposer leur volonte aux 40 mill1onsde Fran~ais?La ligne rouge a ete
franchie.
Bidault, Herriot et de Gaulle se liguent contre le projet des elus africains.
Georges Bidault presente son propre texte et assure le 19 septembre que « le
gouvernement est pret a aller jusqu'au baut» pour l'imposer. Cette mouture
non negociable retablit le double collegeaux elections legislativespour l'AEF,
a Contralrl!mcnt aux d(:claratlons de Bra1.zavillcqui pr~voynlcnt 1111d~lal de clnq au~. la lol
Madagascaret le Cameroun. Quelques jours plus tard, Je double college est
l louphoul/t•ßolgny pr~volt l'abollUon hnmMlate et san) translt1on du tr~vull fort~. Fn mt!megen~raliseä toute 1'Afrique fran~ise pour les assembleesterritoriales,
pratlquc, la tr,tfl\lllon prendr,1be.iutoup de tcmps ... le~quellc~ sc voient ,1t1 pas~agc rctirer tout pouvoir reel au profit des

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( 194o-l!J.17)

1
gouverneurs nommes par Paris. Ccux qui, comme Edouard Herriot, redou- s'envenime. Bien decide ä empCchcrun "Municl1 indochinois », le Haut
taient un « federalisme acephale et anarchique » peuvent etre rassures. « Des Commissaire Thierry d'Argenlieu, gaulUstc frondeur et muscle, prefere aller ä
wagons ont besoin d'une locomotive », rappelle le president du gouveme- l'epreuve de force pJutöt que de ceder devant les « communistes >>.Le
ment provisoire. Un Haut Conseil de !'Union fran<;aise, inspire du Conseil 23 novembre, l'armee franr;aise bombarde Haiphong (6 000 a 11 000 morts),
imperial du Commonwealth, est cree, dont la presidence revient au presi- puis, le 19 decembre, attaque Hano"i.Les concessions envers les colonises ne
dent de Ja Republique franr;aise. Le pendant legislatif de ce Haut Conseil, sont plus de mise, la Republique repart en guerre.
l' Assemblee de !'Union franr;aise, n'a guere plus de pouvoir reel, nl davantage
de representativite.
Les deputes d'outre-mer Lamine Gueye, Gaston Monnerville et Aime Au Cameroun,
Cesaire s'insurgent contre cette cavaliere volte-face. Mais ils sont bien seuls. lescolonsde combatsont rassures
Le PCF, apres avoir denonce Je 12 aout 1946 une « Constitution bonapar-
tiste >), est desormais pret ä 1'accepter : son secretaire general, Maurice Thorez, Les peripeties constitutionnelles parisiennes ne sont evidemment pas
a negocie Je quitus des communistes sur Ja question coloniale ... en echange sans incidence sur la vie politique camerounaise, et reciproquement. Le
du vote d'un statut de Ja fonction publique•. Le 27 octobre 1946, la Constitu- Cameroun a envoye deux representants au sein des deux Assemblees consti-
tion de la IV• Republique est adoptee par referendum, avec 53 % des suffrages. tuantes. Designe au premier college par !es quelques centaines de colons radi-
La « Republique des partis » vlent de naitre, sur Je dos des coloni.es. Elle pro- caux du Cameroun, dont il defend logiquement les positions, Louis-Paul
clame que « la France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondee Aujoulat, porte-parole du MRP aJa commission des Territoires d'outre-mer, a
sur l'egalite des droits et des devoirs sans distinction de race ni de religion ». ete a la pointe du combat des colonialistes contre la premiere Constituante.
Mais on a vu, par exemple avec Je retour au double college, Je sort reserve ä L'attitude de l'elu du second college, Alexandre Douala Manga Bell, est plus
cette egalite de far;ade. etonnante. Considere comme un heros popuJaire, fils d'un farouche prince
Ce double langage ne cessera de miner la tres complexe architecture insti- douala reste dans les memoires depuis sa pendaison par les Allemands en
tutionnelle de !'Union franr;aise, au sein de laquelle cohabitent des terri• 1914, Manga Bell a ete elu dans l'enthousiasme, contre le candidat de l'admi-
toires de eing statuts juridiques distincts sur lesquels Ja loi franr;aise s'app!ique nistration Jules Ninine, pour porter a Paris les revendications des Came-
de differentes far;ons : departements d'outre-mer comme Ja Guadeloupe ou rounais. Mais, a peine arrive en France, ce petit homme fantasque aux
l'Algerie; territoires d'outre-mer comme les colonies d'AOF et d'AEF; Etats convictions fluctuantes retourne sa veste : il s'affilie comme Aujoulat au MRP,
associes a Ja souverainete llmitee comme Je Viet-nam, le Laos et le Cam- seul parti qui defend bec et ongles Ja colonisation a J'ancienne ! Alors que tous
bodge; protectorats comme la Tunisie et le Maroc ; territoires associes sous les autres deputes afrlcains, malgre certaines concessions, cherchent a ame-
tutelle onusienne comme le Togo et le Cameroun ... Bref, pour reprendre un liorer le sort de leurs congeneres, Manga Bell sera le seul durant de longues
mot de Franr;ois Mitterrand en 1953 (il etait alors president de !'Union demo- annees ä pratiquer un double discours total. Peu loquace ä Paris quand il s'agit
cratique et socialiste de la Resistance), « l'Union franr;aise est en vrac 8 >>. de reclamer l'abolition du travail force, il s'en attribue la paternite au cours
f1faut rappeler que cette crispation autoritai.re des partis franr;ais s'inscrit d'une tournee triomphale sitöt rentre au Cameroun. Une de ses seules inter-
dans un contexte particulier : outre !'offensive du lobby coJonial, le gouver- ventions dans l'Hemicycle consiste a stigmatiser les « elements etrangers
nement provisoire subit les pre.mices de la guerre d'lndochine. Au cours de [communlstes] qui ont pousse Ies Camerounais ase revolter » lors des erneutes
cet ete 1946, pendant qu'a Paris Ja Republique renie ses promesses, a Fontai- de septembre 1945 9 • Sur Je plan des reformes institutionnelles, Manga Bell,
nebleau le leader communiste vietnamien Ho Chi Mlnh et le gouvernement machiavelique, appuie meme l'idee d'un double college : il souhaite promou-
fran<;aisnegocient un partage du pouvoir sur ce territoire repris aux Japonais voir des elus blancs pour rester seul representant des Africains 10•
a Ja finde la guerre, mais que I'<<oncle Ho» avalt unilateralement proclame Ayant reussi a imposer ses vues aParis, le Lobbycolonial parvient egaJe-
independant Je 2 septembre 1945. Les negociations echouent. Et la situation ment ase faire respecter au Cameroun. Pourtant, l'homme charge de mettre
en c:euvre !es reformes institutionnelles, Robert Delavignette, nomme a
a Seul partl antlcoloniallste ll sa nalssance, partlsan d'unc « 1:vncuotlon1tnn1~dlntc• des Yaounde en fevrier 1946, n'est pas considere comme un conservateur. Severe
colontcs, lc PCFs'cst convcrtl, ä l'iipprochc du Front populnlrc do 19313, ,No,111l,n1cgrn-
1111 envers lcs « colons de combat » qui ont tente d'imposer leur loi en sep-
d11cl.
a
lembrc 1945 Douala, crltlquc A l'endroit de son predecesseur Henri Pierre

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Nicolas, qui avait assiste passivement au massacre de grevistes africains, Dela- « humanlste ». Au contraire, les syndica.llstes rernuants de l'USCC, en pleine
vignette est au contralre le chef de file de I' « humanisme colonial » qui s'est expansion, deviennent la cible privilegiee des autorites locales, qui font peu
exprime a Brazzaville. Democrate-chretien, romancier, auteur de nombreux de cas des llbertes politiques octroyees aux colonises. De fevrier aavril 1946,
ouvrages, ancien directeur de l'Ecole nationale de la France d'outre-mer puis a nouveau fin 1946, les syndicalistes Jancent de nombreux mouvements
(ENFOM, nouveau nom de l'Ecole coloniale) de 1937 a 1946, il passe pour de greve, sans parvenir a se faire entendre de l'administration 14 • Constatant
l'inspirateur de cette nouvelle generation d'administrateurs « liberaux » qui que les reformes claironnees ä Brazzaville portent finalement assez peu a
souhaitent, pour mieux la legitimer, mettre un terme aux abus !es plus criants consequence, le colonat europeen du Cameroun se voit donc rassure.
de Ja colonisation. A son arrivee au Cameroun, Delavignette s'entretient Toutefois, le vrai danger, pour les pa.rtisans de la colonisation, vient
meme avec le syndicaliste Gaston Donnat, qui le decrit avec bienveillance : moins de Paris, dont les velleites « progressistes » ont rapidement ete ense-
« [11]avait l'aspect d'un bon pere de famille et parlait sans ostentation, sans veli.esdans les sables mouvants du conservatisme, que de New York. C'est la
marquer le moindre autoritarisme. [... ] TIcommen~a par une vive critique de en effet que s'est installee, depuis sa creation en 1945, l'ONU, rempla~ante
la vieiHe administration coloniale retrograde, il reprouvait Je travail force, le de la defunte SDN. C'est donc la quese joue le sort du Cameroun, « territoüe
code de l'indigenat, l'utilisation de chefs administratifs venaux, etc. 11• » international» depuis la Premiere Guerre mondiale.
Aussi « liberal » soit-il, le nouveau Haut Commissaire ne s'oppose pas aux
colons. Pour les eJections generales ou territoriales au Cameroun, Paris main-
tient le double college ... aJors meme que le Togo, pourtant dote du meme Lapremierebataillede l'ONU
statut, se voit accorder le college unique pour les elections generales de
novembre 1946". A !'Assemblee representative du Cameroun (ARCAM),les Au cours de la Seconde Guerre mondiale, a mesure que !es Allies pren-
4 000 Fran~ais ont donc droit a seize representants (tous sont des colons, nent Je dessus sur les forces de l'Axe, le sort des colonies europeennes devient
puisque aucun fonctionnaire ne s'est presente contre eux), alors que les trois un sujet de polemlque. Le president americain Franklin D. Roosevelt, dans la
millions de Camerounais ne sont representes que par dix-huit conseillers lignee idealiste d'un Woodrow Wilson, est favorable a un systeme de tutelle
(sans compter les six derniers conseillers nommes par le Haut Commissaire internationale generalise pour toutes les colonies. De Gaulle n'est pas de taille
lui-meme). Soit, d'un cöte, un conseiller pour 250 Europeens. Et, de l'autre, ä s'opposer aun tel projet. Mais il a la chance de pouvoir compter sur Winston
un conseiller pour 166 000 Camerounais ... Le corps electoral camerounais a Churchill qui, dirigeant la premiere puissance coloniale du monde, rejette
ete drastiquement restreint, puisqu'en 1946 seuls 38 000 autochtones sont avec virulence les projets americains. C'est donc lui qui, face a Roosevelt et
juges dignes devoter 12• Et inutile de dire que les syndicalistes ont plus de mal Staline, defend les interets coloniaux ala conference de Yalta, en fevrier 1945.
arecevoir leur carte d'electeur de l'administration 13• Le double college ne sera « Sous aucune condition, explique-t-il alors, je n'admettrai qu'une cinquan-
supprime au Cameroun qu'en 1956 (voir chapitre 11). taine d'Etats mettent leurs doigts interesses dans les affaires de !'Empire bri-
Severe a l'endrolt des colons, Delavignette l'est tout autant a l'egard des tannique, dont I'existence est vitale pour nous 15 • » Dans l'adversite, le
syndicalistes camerounais auxquels il prefere, de loin, les francophiles de complexe de Fachoda' n'est plus de mise. Les deux principales puissances
l'Uoicafra (Union camerounaise fran~ise). Heritiere de laJeucafra, cette asso- coloniales font provisoirement cause commune et obtiennent le maintien de
ciation, prLncipalement composee de fonctionnaires autochtones, se leur souverainete sur leurs co.lonies. Seuls !es anciens mandats de la SDN,
contente de reclamer ce que Ja metropole est prete a conceder. L'Unicafra parmi lesquels le Cameroun et Je Togo que le Royaume-Uni et la France admi-
apparait comme l'alliee ideale d'une administration qui se veut nistrent en partage depuis 1916, seront places sous la tutelle de la nouvelle
organisation internationale.
L'ONU est officiellement creee lors de la conference de San Francisco
a Cette difference de traitement s'explique par la plus forte population fram;aise au Came-
roun (12 000 Europeens) qu'au Togo (l 400), qul ea falt un « facteur de richesse » dont II d'avrll 1945. Sa Charte, gui entre en vigueur le 24 octobre 1945, precise que
faut assurer la « conservation ., lndlque une note explicatlve de l'admlnistration. « La les puissances coloniales s'engagent, pour les zones sous tutelle, a « deve-
fecondlte de l'apport eucopeen au Cameroun, Je travall en profondeur accompli dans le lopper leur capacite de s'administrer elles-mernes », a « tenir compte des
domalne de l'economie, pour ne rlen dire des domal.nes culturels et soclaux, mllitent en
faveur du malntJen du double coll~ge •• conclut cette courte note (2• UURF.AU
01:LADIRF.cnoN
Df.SAFFAIRESPOLflIQUES, • Pourquoi un College unlquc ou Togo., 1952, p. 3 [CAOM,Aff- n Lc • complcxc de Pnchodo • rcnvole 11la rlvnllte colonlale entre rra11\'.aiset ßrltannlqucs
l'Ol 3i821). dCf)UIS110('clni;ilnn1c vl<:IOIII.'(I(' CL'\th!mlcrs tlU Soudan l.'.11
1898.

VI 55
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• 1111/11/1" ( l'>-16-l!J.17)

aspirations pol!tlqucs » et ä « les aiclcr cla11sle developpcrnc11t progl'cssif de d'accorcl de tuteile sur lc Camcroun. Le 11 novembre 1946, quelques jours
leurs libres institutions politiques, dans la mesure approprlee nux conditions aprös l'adoptlon de Ja Constitution de la 1veRepubllque, elle envoie Je tres ser-
particulieres de chaque territoire et de ses populations et a leur degre veri- vlable ctepute du Cameroun Douala Ma.nga Bell intervenir devant Ja qua-
table de developpement » 16. La formulation est vague. Mais Ja Charte n'en tri~me commission, ou il affirme sans ciller que le projet d'accord de tutelle a
constituera pas moins, des annees durant, une arme pour ceux des Came- b.ien ete soumis a la population du Cameroun et que cette derniere n'a pas
rounais qui, a juste titre, prennent le « statut international » de Jeur Terri- manque de Jul donner son entiere approbation. La passe d'armes finale a lieu
toire tres au serieux. Des le mois d'octobre 1945, au moment d'envoyer des en decembre 1946, lors de cette fameuse premiere session de l'ONU aNew
deputes a Paris pour participer a la redaction de Ja Constitution, des Came- York. Les pays anticoloniaux, qui n'ont guere ete convaincus par les argu-
rounais aussi differents que des chefs traditionnels ou des jeunes cnilita.nts, rnents mensongers de Manga Bell, tentent en vain d'amender le texte
syndiques ou non, ecriront ainsi au gouverneur en Je mena~nt de boycotter franc;ais. « On aurait volontiers propose, pour prendre la suite de nos
un scrutin qui, par lui-meme, sous-entend l'incorporation defactode leur Ter- mandats, une simple gerance de caractere benevole, tempora.ire et fortement
ritoire a l'Empire fran~ais. contrölee », ironise alors Ie representant de Ja France, Louis-Paul Aujoulat 18 •
Quoique encore mal defini, en 1945-1946, ce « statut international» est Maniere elegante d'annoncer d'emblee que, en creux, le-systeme pröne par Ja
donc une epine dans Je pied des colonisateurs. La Fra.ncegauUiste a.urait pre- France sera interesse, ilLimiteet sans contröle ...
fere supprimer toute internationalisation des territoires sous domination La delegation fran~aise obtient finalement gain de cause : la France
fran~aise. En janvier 1946, eile pretend encore assimiler purement et simple- pourra administrer le Cameroun « comme une partie integra.nte du territoire
ment Togo et Cameroun al'Union fran~aise, sa.ns statut international. « Assez fran~is » (article 4 des accords de tutelle). Le 13 decembre 1946, I'Assemblee
de discussions byzantines, tonne un delegue fran~ais. L'Union franc;aise generale de l'ONU approuve Ja tutelle de la France sur le Cameroun et le Togo,
existe. Le Cameroun et le Togo en font partie; nous refusons d'admettre que par quarante-six voix pour, six contre et eing abstentions. Ce faisant, Ja
l'on puisse discuter intemationalement ce qui ne concerne que Ja nation fran- France s'engage, en tant que puissance administrante, a« prendre !es mesures
17
c;aise • » Les pretentions franc;aisesse heurtent cependant ä une vive opposi- necessaires en vue d'assurer une participation des populations locales a
tion et les Americains parviennent finalement a preserver le principe d'une l'administration du territoire par le deve1oppement d'orga.nes representatifs
tutelle onusienne. et de proceder le moment venu aux consultatlons appropriees, en vue de per-
En pratique, le dispositif de tutelle fait l'objet d'un compromis. Au sein mettre aces populations de se prononcer librement sur Je regime politique et
de l'ONU, les pays opposes a la colonisatton font admettre qu'un Conseil de d'atteindre les fins definies par l'article 76b de la Charte [des Nations
tutelle puisse proceder a des investigations, sous forme de « missions de unies] 19 ». Lequel a.rticle 76b prevoit comme objectif, dans les territoires saus
visite », dans !es territoires saus tutelle afin de verifier que les puissances admi- tutelle, de « favoriser f...] leur evolution progressive vers la capacite as'admi-
nistrantes respectent leurs engagements. En echange, ces dernieres reussis- nistrer eux-memes ou l'independance, campte tenu des conditions particu-
sent a accaparer Ja moitie des douze sieges de ce conseil, devenant ainsi juges lieres a chaque territoire et a ses populatlons, des aspirations librement
et parties. Dans la complexe architecture internationale, le Conseil de tutelle exprimees des populations interessees 20 ».
entre en concurrence avec la quatrieme commission, dite « commission de S'il est necessaire de citer precisement ces deux dispositlons, c'est qu'elles
tutelle », emanation de !'Assemblee generale des Nations unies au sein de vont etre, da.ns les annees suivantes, l'objet d'äpres bata.Ulesd'interpretation.
laquelle les nations coloniales sont minoritaires en face du bloc anticolonial A ceux qui feront valoir que la France s'est engagee a mener Jes Camerouna.is
na.issant, compose de l'URSSet des pays de ce que l'on ne qualifie pas encore « vers la capacite a s'administrer eux-memes » ou, plus important, a 1'«inde-
de« tiers monde » (nations d'Amerique latine, Egypte, Syrie, Philippines, pendance », d'autres - les responsables fran~ais en premier lieu - retorqueront
etc.). Mais les deux organes, Conseil de tutelle et quatrieme commission, se que personne n'a defini quand viendrait le « moment » de mettre en pra-
neutralisent. Ce qui a pour consequence de laisser les mains libres a la France tique cet engagement, ni s'il fallait s'orienter vers I' « auto-administration »
et au Royaume-Uni. (traduction a minima de l 'anglais self-government2 1a)plutöt que vers une
La France a donc reussi il preserver l'essentiel : sa souverainete sur le « independance » pleine et entiere. Profitant de l'imprecision des textes et de
Ca.meroun, il peine entravee par quelques contröles onusiens, qui consti-
tuent la principale Innovation par rapport aux mandats de la.SDN. 11lui reste, 11 Aucu11cvcr~lo1111cprlmc l'outrc dnns lc syst~rnconuslcn, laissant chacun mallre de son
pour codiflcr l'exerclce de cette souverainete, ä faire adopter son propre projet 1n t~·rpr~llltlur 1 •••

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l'impuissance de l'ONU ä les faire respecter, la Frnncc r~usslrn longtemps a n'est qu'll ne depend pas des gouverneurs de l'AOF ou de l'AEF, mais directe-
faire prevalou son Interpretation. Ainsl, quand, cinq ans plus tard, le 18 Jan- ment de Paris.
vier 1952, une resolutlon de !'Assemblee generale de l'ONU invltera « les auto- En thforie et dans Ja terminologie, le Cameroun est donc, comme le
rites administrantes a donner des Informations sur le delai dans lequel on Togo, un territoire a part. Toutefois, de maniere eclairante, le Cameroun
s'atteodait a ce que !es territoues atteignent l'independance », les Franfais se oriental est place sous la tutelle du minlstere de la France d'outre-mer, et non
contenteront... de faire la sourde oreille 1 du mjnistere des Affaires etrangeres. Dans la pratique courante, il est d'ail•
L'ONU, en 1946, a donc incontestablement manque une occasion: susci- leurs accole a 1'AEF, si bien que nombre d'institutions sont siglees « AEP-
tant beaucoup d'espoirs dans les populations camerounaises, eile a laisse Cameroun ». L'integration politique se double d'une integration militaire. Le
triompher !es vues conservatrices qui prevalaient a Paris. Ce succes diploma- 23 aout 1949, Ja gendarmerie du Cameroun est integree a celle de I'AEF.De
tique, Ja France Je doit a l'indulgence des puissances coloniales ewopeennes, maniere generale, les commandants militaires fran~ais au Cameroun auront
qui pesent d'un poids preponderant a l'ONU. Mais eile le doit egalement aux toujours pour superieur hierarchique immediat le commandant militaire de
Etats-Unis, qui s'opposaient pourtant, au depart, a ses projets. Alors quese
l' AEF-Cameroun, rebaptisee plus tard Zone d'outre-mer n° 2 {ZOM 2). Du
decide, fin 1946, Je sort des « territoires sous tutelle », la logique de guerre
point de vue economique egalement, Je Cameroun est incorpore organique-
froide s'esquisse en effet serieusement : rivalite anglo-sovietique en lran,
ment ä !'Union frans:aise : Douala sert de debouche aux marchandises prove-
guerre civile en Grece, desaccord sur la gestion de !'arme atorruque, disloca-
nant du Tchad et de l'Oubangui-Chari (actuelle Centrafrique), des frontieres
tion de!' Allemagne. Une guerre froide naissante qui, mettant Ja rivalite Est-
douanleres renforcent le protectionnisme imperial, la metropole constitue le
Ouest sur le devant de la scene, relegue au second plan !es desaccords
debouche nature! des exportations camerounaises et les entreprises fran-
transatlantiques sur la question coloniale. Face a un bloc communiste
« expansionniste » et « totalitaire », les Etats-Unis regardent !es colonies de
~aises sont systematiquement choisies pour !es marches publics. Enfin, l'assl-
milation est aussi culturelle, puisque l'education se fait uniquement en
leurs allies franco-britanniques sous un jour different ...
frans:ais, les langues et cultures locales etant globalement ignorees. Les
archives personnelles du gendarme Fran~ois Yogo Ntonga, qui sera appele
Unecoloniequi ne dit pas sonnom plus tard a jouer un röle irnportant dans le maintien de !'ordre franco-came-
rounais, en disent assez lang sur Ja formation des elites locales. En 1949, en
La France profite donc du laxisme onusien et des nouveaux equilibres service a Ja brigade de gendarmerie d'Ebolowa, il s'exerce a Ja dictee : « La
geopolitiques mondiaux pour annexer, de fait, le Cameroun. Cette demarche France. Votre patrie c'est la France. Nous devons l'aimer jusqu'au sacriiice de
est coherente avec les objectifs de la IV• Republique naissante qui, loin de nos biens et de notre vie 22 ••• ,,
chercher a amener !es colonies vers l'independance, pretend au contraire !es Bref, il parait evident pour tout le monde que Je Cameroun oriental est
« assimiler » peu a peu a la metropole. Au Cameroun et au Togo, « territoires une colonie comme les autres. Le journaliste du MondeAndre Blanchet, qui y
associes » sous tuteUe de l'ONU, cette ambition assimilatrice se heurte cepen- realise une serie de reportages en 1949, ne fait pas mystere du fait que la sou-
dant aux contraintes juridiques que la France a du, bon gre mal gre, accepter. verainete fran~aise est appelee a perdurer : « Personne, ni au Cameroun ni
Les habitants de ces territoires sont des« adrrunlstres fran~ais », mais, contrai- hors du Cameroun, ne doute au fond que ce pays ne puisse pas ne pas
rement a ceux de l' AEFou de I' AOF, n'ont pas Ja nationalite fran~aise. Leur demeurer, sous une forme ou sous une autre, fran~ais 23 • » Et quand on
territoire appartient bien a !'Union fran~aise, mais pas a Ja Republique fran- demande, aujourd'hui, aun administrateur en poste durant toutes !es annees
~aise « une et indivisi.ble „a, Ici point de « gouverneur » comme dans les 1950 quelle etait la difference entre le Cameroun et une colonie fran~aise
colonies, rnais un « Haut Commissaire », ce qui ne change rien a son röle, si ce habituelle, sa reponse est directe : « II n'y en avait pas, apart qu'on avait plus
de credits qu'ailleurs. 11y avait bien des visites de l'ONU, mais c'etait tres
formel 2-1.» Certes, on pourrait ajouter au chapitre des differences l'interdic-
tion du service militaire dans !es territoires sous tutelle. Mais, de la Seconde
a L'article 60 de la Constltution de Ja IV' Republlque opere cette distinctlon : • L'Union fran-
~alse cst form<!e,d'une port, de la R(!publlque fran~alse quJ comprcnd lo Frnnce metropo-
Guerre mondiale, on l'a vu, a la guerre d'independance, comme on le verra,
lltalnc, lcs d~pnrt'cmcnts et tcrrll·olrcscl'outrc-mer, d'aurrc port, des tc-rrltolrcset trnts .les'Fran~aisn'ont jamaisrnanqued'enröler !es Camerounais au titre- mlracle
USS()(.I(:~.• de 1atermlnologie- du « voloniariat )1 ...

18 6'1
„ A.1111w1u11 /J11\lw tl,111,l'l:11111/11.1/11111111/l
», 11111: (J !M5 1•1.~,I) i:" U11/Q11 ~ 011111
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Le Cameroun constitue clone une colonle qul ne dll pas so11 nom. En seu- doit primcr la force brute des« vieux colons », En pratique, c'est bien toujours
lement quelques mois, la France est parvenue ä colmater la „ br~cl1e came- )> la contrainte qui s'exerce quand la palabre ne suffit pas. <<J'ai pense que c'etait
rounaise. La plupart des rnesures qui auraient pu changer la donne ont ete en faveur de la population », poursuit Lestringant, en comparant son autorite
rejetees au cours de Ja redaction de Ja Const:ltution de la 1vcRepubllque. Les ä celle d'un chef coutumier, sansviolence. « Je discutais : "Voilä, je vous pro-
principaux obstacles ont ete surmontes lors des negociations des accords de pose de faire tel travail, c'est dans votre interet, voilä votre interet". >>
tuteUe ä l'ONU. Quant aux Jois« progressistes » qui ont effectivement ete Jacques Lestringant est toin d'etre un cas unique. Dans le Sud, Louis San-
adoptees debut 1946, elles sont souvent ignorees ou contournees dans les marco, chef de Ja region d'Ebolowa de 1945 ä 1948, fait egalement appel, pour
faits. Ainsi en va-t-il de Ja loi Houpbouet-Boigny abolissant le travail force, l'entretien des routes ou Je ravalement des dispensaiies, au travaiJ force- mais
pratique qui a saigne des regions entieres et a suscite dans tes popuJations remunere, dit-il, et« en chantant » ... Les manreuvres embauches sont appeJes
tocales une irrepressibJe revoJte. les « volontaires trois rnois », en reference a ta duree de Jeur tache. Pour Jever
Jacques Lestringant, J'annee de l'abolition du travail force, a 26 ans. Pro- l'ambigui'te du terme, Sanmarco preclse: « Ils n'etaient pas plus voJontaires
testant, frais emouJu de J'EcoJe cotoniale, il prend a Yaounde son premier que moi je suis eveque 2-0•• , »
poste d'administrateur colonial. Son pere etait un ami du Haut Commissaire Les eveques, justement, etaient les premiers ä donner l'« exemple ». La
Delavignette et c'est ce demier qu.iencadre, ä son arrlvee au Cameroun, I'acti- fort peu progressiste hierarchie catholique, elle-meme ä la tete d'interets eco-
vite du jeune homme. A cette date, Jacques Lestringant a dejä une bonne nomiques importants au Cameroun, etait friande de cette main-d'reuvre bon
experience du travail sous contrainte. II avait participe aux « chantiers de jeu- marche, comme le raconte l'ex-secretaire generat de I'Assemblee territoriale
nesse du Marechat [Petain] » en 1941-1942, puis, de 1943 ä 1946, s'etait vu du Cameroun de 1952 ä 1957, Andre Bovar, un fidele du depute Louis-PauJ
confier le commandement d'unites de travailteurs indochlnois en France, au Aujoulat, l'« homme des missions au Cameroun » : « C'etait frequent. II fal-
sein du service de Ja « Main-d'reuvre indochinoise » (MOI), « des requis de lait construire la cathedrale et disons que Mgr Graffin D'archeveque du Came-
1939 qu'on avait fait venir en France », dit-il 25• Un systeme d'ailleurs encadre roun] s'inspirait du Moyen Äge : il faut que ce soient !es chretiens qui
pendant t'Occupation par ... Robert DeJavignette. Mals, officiellement, il n'est construisent. En confession donc, !es pretres dernandaient aux Nolrs de venir
plus question de telles methodes dans les coJonies apres 1946. travailler. Les Europeens, eux, n'ecopaient que d'un NotrePereet Je vo,issalue
« C'etait le moment ou l'on passait d'un systeme cotoniaJ a l'autre », se Marie. c;a choquait un peu tes Africains, c'etait deux poids deux mesures. Mais
souvient Lestriogant aujourd'hui. C'est l'epoque, par exemple, ou l'on c'etait dans J'ambiance 27 ... »
demande aux administrateurs de « ne pas tutoyer !es Africains ». Mais l'ex- L'« ambiance >>ainsi decrite prouve que la perpetuation du travaiJ force,
administrateur, d'une etonnante bonne foi, corrige immediatement : « C'est en depi.t de la legislation fram;:aiseet des prescriptions de l'ONU et matgre ta
un basculement de la colonisation ... theorique ! Theorique 1» Car, explique- profusion de discours « humanistes » rappelant ceux qui prevalalent durant
t-il, les anciennes pratiques, officiellement proscrites, perdurent. «J'ai connu l'entre-deux-guerres, n'etait pas seulement le fait d'une poignee de vieux
l'ancien systeme, !es prestations, le travail obligatoire, que j'ai pratiques long- colons en retardsur l'histoire. Cette methode constituait bien un mode routi-
temps, jusqu'en 1959. Mals par ma seule autorite. En lnfraction avec les prin- nier de gestion des ressources humaines utilise par l'administration, Je
cipes constitutionnets. » Qu'a-t-il donc pratique exactement ? « Eh bien, colonat ou l'Eglise. Dans l'« interet » des Camerounais, cela va sans dire ...
l'absence du respect de l'homme camerounais en tant qu'assimile au dtoyen
fran~ais•. »
Ses explications eclairent bien l'ambigui:te de cette « nouvelle colonisa- Lapadficationpar laproductivite
tion » portee par !es jeunes administrateurs formes par Robert Delavignette,
sortis de l'ENFOM ou de l'EcoJe des Ponts et Chaussees. Ces enfants de !'Expo- Cette contradiction entre la loi et Je fait illustre en realite le paradoxe de
sition coloniale de 1931 se voient comme des« ingenieurs du soclaJ ». En la cotonisation d'apres-guerre. Pour eviter d'aborder les questions qui fächent,
theorie, la palabre doit remptacer le caporalisme de leurs aines, la negociation c'est-a-di.re la democratlsation du regime, Ja priorite est accordee au develop-
pernent economique, ii travers le programme d'investissements du FIDES.Et,
comme le Cameroun est politiquernent plus sensible du fait de son statut par-
a Le leglsliitt!ur lul-mfo,e n'est pas press~de s'atLaqucril cc Mau: lc Co<I(•c111tr;1vnlloutrc-
mcr, qul pr~volt des sancllons co111re lc trav11II forc6, co111rnu111.1, ~ Cltro {lf~cut~ cu ticulier, le FIDES lc g3tc particulierement : 4 300 francs CFA par Came-
ovrll 1949ou l'nrlc111c111·.nmts n'entrcru cn vtguourqu'tm (1ft'(l11l!Hcl,•M'1 1·ounals,cont re 2 500 per cnpitn en AOP,ou 3 200 en AEF.A l'aube des Trente

70 71
l 111111/\\11111
t' 1/c-l'UI'(.' ( I V-1/- / CJ-IH)

4 politiquc issuc de l.lrazzavlllc,quese font entcnclrc les voix critiques venues de


toute l'Union frani;aise...
La naissance
del'UPC(1947-1948)
La crea.ti.on
du Rassemblementdemocratique
africain(RDA)
• Au rebours de Madagascar, de l'lndochine, la vie
tranquille des territolres ou II ne se passe rieo - rien de C'est taut d'abord la possibilite d'envoyer quelques representants sieger
fächeux - ne traosparait polot dans les colonnes des
joumaux. Le Cameroun est de ces pays hemeux, sans
a !'Assemblee nationale, ä Paris, qu1 incite les forces critiques d'AOF et d'AEF
hlstoire. II a eu pourtant une poussee de ftevre - tres
a promouvoir des leaders, lesquels constitueront Je vivier de responsables
legere - II y a deux mois 1• • politiques qui conduiront ces pays jusqu'aux independances. Reunis pour la
Extrait d'un jouma.l colonia.l, 5 fuUlet 1947,
premiere fois ä )'Assemblee nationale, Ies douze deputes africains elus le -
deux mois apres Ja creation de l'anc~tre de l'UPC, 21 octobre 1945 dans l'euphorie de Ja victoire contre les forces de!' Axe ne
le Rassemblement camerounais. sont pas toujours ceux que Je colonisateur fran~ais, pris de vitesse, aurait aime
voir designes.
Pour se faire entendre, les douze essaient de faire bloc au sein d'un inter-
groupe consacre a l'outre-mer. Mais, se rencontrant parfois pour la premlere
fois, issus de colonies tres eloignees !es unes des autres, ils se divisent entre

U ne fois matees !es explosions de colere desordonnees qul secouent


!'Empire fran~ais au sortir de Ja Seconde Guerre mondiaJe, vient pour
!es contestatalres le temps de Ja structuration et du choix de Jeurs modes
plusieurs groupes pol1tiques d.ifferents, du PCF au MRPen passant par la SFIO.
Dans la lignee d'un Blaise Diagne, representant dans l'entre-deux-guerres des
communes de Dakar, ils discutent la dominatlon coloniaJe sans eo contester
d'action. Au moment de Ja formation de l'UPC, en 1948, deux voies s'offrent le principe, esperant faire inscrire dans !es actes les promesses de Brazzaville.
aux miJitants de la decolonisation. La premiere est celle du Mahatma Gandhi, Helas, malgre quelques vraies victoires initiales, ils ne sont pas de tarne, ainsi
qui soustrait sans violence l'Inde, le « joyau de la Couronne », ä !'Empire bri- atomises, ä s'opposer au lobby colonial, qui parvient a freiner l'acquisition de
tannique. La seconde est celle du Viet-minh d'Ho Chi Minh, accule ala guerre nouveaux droits pour !es Africains au sein de la nouvelle Union fran~aise. On
est encore loin de la structuration des mouvements anticoloniaux des
pour chasser !es Fran~ais de son pays. A cette epoque, Ja premiere optlon
colonies britanniques d'Afrique de l'Ouest, reunis depuis 1945 saus la direc-
semble bien plus seduisante, puisque l'Inde est independante depuis 1947,
tion du Ghaneen Kwame Nkrumah au sein du West African National
alors que Je Viet-minh, pris dans Ia violence de Ja guerre froide, est entraine
Secretariat.
dans un conflit sanglant ä l'issue incertaine.
Tirant les ler;ons de cet ecbec, le plus influent d'entre eux, Felix Hou-
Ces deux strategies refletent aussi les deux modeles coloniaux, fran~ais et
phouet-Boigny, lance un appel, le 18 septembre 1946, a Ja creation d'une
britannique, entre lesquels le Cameroun est ecartele, en vertu de son partage
structure panafricaine, le Rassemblement democratique africain (RDA). Un
entre tutelle britannique et tutelle fran~aise. Paris est en effet bien moins dis- manifeste est redige et signe par tous Ies deputes africains, a l'exception de ...
pose a negocier des reformes que Londres. S'il en etait besoin, !es dlza1nes de Douala Manga Bell, seul representant des Camerounais ä !'Assemblee. Decides
milliers de morts consecutlves a l'insurrection malgache de mars 1947 inci- a s'organiser ä l'ecbelle continentale, ils prennent langue avec les partis de
tent !es nationalistes de toutes les colonies fran~aises a la prudence 2• Plutöt gauche, SFIO et PCF, supposes plus ouverts aux revendications africaines.
que d'anticiper l'acces ä l'autonomie ou a l'independance de ses possessions Cependant, apres avoir encourage cette dynamique, la SFIO, qui reste tres
outre-mer, la IV' Republique fait semblant d'lntegrer les leaders indigenes ä impregnee du consensus colonial, prend peur et cherche aempecher Lanais-
!'Union fran~aise. Une maxime coloniale britannique resume bien le para- sance de ce nouveau parti, en convainquant sur Je fil de nombreux deputes
doxe de l'assimilation autoritaire ä Ja fran~aise : « Les Britanniques forment africains de renoncer a participer au congres fondateur du RDA.
les autochtones ä se gouverner eux-m@mes. Les Fran"ais les forment ä gou- Malgr~ les embuches, ce con&rresse tient ä ßamako du 19 au 21 octobre
vcrner la France 3 • » C'est donc a Paris, en vertu de lll tlmldr llbtrallsation 1946. l"iouphou~t, qui n'aurait pu s'y rendre sans l'avion affrete par le

74 75
« Ka111en111 brlichedm1s/'Empire{mnf"ls
-.,,1111e (1945-1954) La 11r1fa~r111cl!
de l'UPC (1 J)47-l94lJ)

minlstre communiste de 1'Air Charles Tillon, prend la presidence du nouveau posslbillte d'amellorer le sort des colonises main dans la main avec les coloni-
mouvement. Le Franco-Africain marxiste Gabriel d'Arboussier en devient le sateurs. Les premlers syndlcats sont en vole de structuration, essentiellement
secretaire general. Dans l'assistance, le jeune syndicaliste camerounais Ruben ä Douala. Ces mouvernents inities par quelques communistes fran~ais sont
Um Nyobe, initie a Ja lutte politique par Gaston Donnat, suit avec attention vite pris en main par des Camerounais. Depuis les rapatriements forces de
les debats. Le manifeste adopte est assez nuance. Proclamant le « mouve- Maurice Soulier en avril 1946 et de Gaston Donnat un an plus tard, c'est
ment des peuples d'outre-mer vers Ja liberte », il rejette explicitement toute Ruben Um Nyobe qui prend Ja tete de l'Union des syndicats confederes du
tentation secessionniste et se conclut par un slogan assez consensuel : « Vive Cameroun (USCC). Le mouvement syndical camerounais se cherche un
I'Afrique noire ! Vive l'unite des Africains ! Vive !'Union fran~aise des peuples debouche politique capable de depasser l'Unicafra, dont la complalsance a
democratiques ! » l'egard de la France irrite les militants plus critiques.
Le RDA apparente ses deputes au groupe du PCF a l'Assemblee natio- Ce conflit latent explose lors du congres de l'Unicafra a Douala, du
nale, le seul parti fran~ais aavoir envoye une delegation aBamako. Cet appa- 30 mars au 6 avril 1947. Les syndicalistes mettent en minorite les « moderes »
centement, qui n'etait pour Je RDA qu'un choix tactique, voire un choix par encourages par J'admlnistration Oacques Kuoh Moukouri, Charles OkaJa,
defaut, devient quelques mois plus tard une option fondamentale lorsque, eo Paul Soppo Priso) et en profitent pour lancer le Rassemblement camerounais
mai 194 7, Je president du Conseil Paul Ramadier exclut les ministres commu- (RACAM).Pour ia premiere fois dans Je pays, des« indigenes » lancent officieJ-
nistes de son gouvernement. En France comme dans Je reste du monde, lement un mouvement politique en rupture avec Je pouvoir Eran~ais- meme
chacun est somme de choisir son camp, et le RDA est marque dans celui des s'iJ ne s'agit pas, bien sur,du premier mouvernent de resistance a la domina-
« communistes ». II est vrai que le PCF, au zenith de sa gloire, s'interesse a tion coloniate 8 • Signe d'insoumission, les frondeurs entendent meme se
l'Afrique. Pendant Ja guerre, il a irnplante dans chaque colonie des groupes doter d'un gouvernement, d'un Parlement et d'un drapeau; et ils adop-
d'etudes communistes, les fameux « GEC ». Parmi les nouveaux leaders qui tent une « Charte des populations autochtones du Cameroun », stipulant que
emergent, il mise sur Je depute du plus riche pays d' Afrique francophone, le RACAMest « seul qualifie pour representer directement ou indirectement
l'lvoirien Felix Houphouet-Boigny. Pourtant, ce parlementaire reflechi de 1... ] le peuple camerounais, un et indivisible ». Um Nyobe, secretaire general

40 ans n'a pas le profil du« Lenine de l'Afrique » dont revent ses allies adjoint de ce mouvement ephemere, y voit l'acte de naissance du nationa-
communistes 4.Tres eiche en comparaison avec ses concitoyens, il est le presi- lisme camerounais. Contrairement a la Jeucafra, le nouveau mouvement,
dent du puissant Syndicat agricole africain fonde en juillet 1944. Medecin, compose essentiellement de fonctionnaires, qui ont plus facilement acces aux
influent planteur et chef de canton aYamoussoukro, il se rend en limousine cercles politiques et au syndicalisme, s'oppose « non plus a l'hitlerisme seule-
noire a l'ecole des cadres du PCF quand il sejourne a Paris • Fort de ce ment, comrne celui de 1939, mais au colonialisme tout court 9 ».
5

contraste, Houphouet a beau jeu de renvoyer dans les cordes ceux qui l'accu- lncapable de surmonter l'opposition efficace de l'administration, qui
sent de communisrne. « Nous avons de bonnes relations avec Je PC, c'est menace ses militants de poursuites, le RACAMest des le depart per~u comme
exact, admet-il. Mais etre apparente ne signifie pas, si peu que ce soit, que un mouvement de transition 10• Ses soutiens fran~ais communistes constatent
nous soyons nous-memes communistes. Est-ce que rnoi, Houphouet, chef tra- rapidement la faiblesse de son implantation, comme le relevera en 1955 un
diti.onnel, medecin, grand proprietaire, catholique, on peut dire que je suis interessant rapport policier confidentiel intitule « Synthese de l'implanta-
communiste 6 ? » tion de l'UPC », redige par Ie directeur de la Surete Pierre Divol, qui cite
notamrnent un courrier de Gaston Donnat ä son camarade Edouard Fines du
l 7 novembre 1947 (evidemment intercepte): « n est bien evident que toute
DuRACAMal'UPC:emergence l'activite que nous avons menee n'a pas touche la rnasse dans sa profondeur.
d'unmouvementpolitiquecamerounaisautonome
,1 Que l'on songe ä la reactlon des Klrdl aux invaslons aJlemaade puls fran1;aise(volr chapltre
Au Cameroun, on retrouve le meme processus de polltlsation des protes- 2), au soulevemcnt de Gonl Waday dans la reglon de Ngaoundere au debut du xx• s!E!cle,A
tataires, marque toutefois par une plus grande vlolence. Avcc Jes erneutes de ta contcstntlon de la colonlsatlon allemande par le prlnce Rudolph DouaJa Manga Bell
jusqu'cn L91'1, ou O lo creatton par le Guyanals Vtncent Ganty du• Graupe Ganty de
1945, comme l'ecrira Plerre Messmer, « Ja vle polltlquc cst t.,nptlsec dans .lc dHe11seci.:scHoycns n~l{rc~ camcrounals et omls des Negre~. dans l'entre-deux-guerres,
sang 7 )>. Dans le Terrltoirc, les mouvements qul rc111c1tcntcnquc~tIon !'ordre qul vn erltlqucr l'ndmlnl~lrollon rranc;alsc ju~qu'/1 In SDN, s1111sparler des muittples
colonlal sont c11 föulllllon et beoucoup d'cntrc \lllX ,w ~1r1l1'1Jlplus en IO 1f-volti'• ~ colornlton culturctlc ou rcllglcu~c.

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• Kmnmm •, 1111,· /1,111!11/\( l 'NS l ''S•I) I II 1111/1
\1lllc c dl' l'Ul'C ( I !N7- l 948)
1
Lcsdiverses ~lect!ons ont prouv~ quc notrc influence r~ellc ,1onslc pays est colonlalisles. ßlle est certes animee pt1r des syndlcalistes formes par des
nulle. II est donc tcmps de rechercher les causes de cet echec et, surtout, de communlstes, mais son Implantation profonde et rapide s'explique plutöt par
redresser la sltuation le plus rapldement possible... Le redressement de cette ses all.iances avec certaines structures sociales traditionnelles en certains
situation exige le lancement d'un nouveau mouvement poUtlque de endroits au Cameroun. De plus, ses (maigres) ressources financieres provien-
11
masse • » Et Gaston Donnat de suggerer un « plan » pour mettre sur pied ce nent quasi exclusivement des cotisations de ses adherents B_ On est loin du
mouvement: « Etablir immediatement la liste des camarades susceptibJes de Kominform. Dans son rapport confidentiel de 1955, Je policier Pierre Divol,
former la base de depart du futur mouvement. Ne pas craindre d'utiliser les fin connaisseUI du mouvement, le qualifie d'ailleurs, « sans ambigui'te », de
meilleurs elements qui ont fait leurs preuves dans l'action syndicale, a la « nationaliste » et conclut que <<l'UPC n'a jamais ete un parti communiste
condition qu'ils abandonnent toutes Jeurs responsabiJites syndicales. Um africain » 14.Au sein de l'UPC, certains se sentent marxistes, mais beaucoup
Ruben appara,t comme le type de ce genre de militant. » d'autres ne se posent meme pas Ja question. •
Lesapprentis demiurges metropolitalns vont jusqu'ä imaginer Je nom du Cette focalisation sur la manipulation de l'UPC par !es communistes est
mouvement : « Union democratique du peuple camerounais », « section un moyen aussi banal que commode pour diaboliser une contestation qui ne
camerounaise du RDA». Pourtant, c'est bien 1'«Union des populations du peut etre que Je fait d'elements etrangers. Revelateur de ce cliche, des
Cameroun » (UPC)que creent discretement une poignee d'inteUectuels et de juin 1947, Louis-Paul AujouJat ne voit derriere Je « maJaise actuel » qu'un
syndicalistes, tous camerounais, au cafe Sierra, dans Je quartier bassa de « probleme blanc » : « Ce sont des "Blancs", des coloniaux, qui s'acharnent a
DouaJa, le 10 avril 1948. LeUIbut : « Grouper et unir les habitants du Terri- discrediter aux yeux des Noirs leur propre pays 15• » En realite, les Franc;:ais,
tres
toire en vue de permettre l'accession des peuples du Cameroun ä Ia forma- presents aux origines du mouvement, s'effacent b·es vite. Donnat lui-meme,
tion d'une federation par la realisation d'un programme politique de bien que se presentant encore spontanement comme Je « premier des upe-
democratisation rapide, d'emancipation des populations exploitees par !es cistes » l6 (il s'etait vu offrir Ja carte « n° 1 » de l'UPC) quelques mois avant sa
trusts coloniaux et d'elevation de leur standard de vie. » Les fondateurs ont mort- survenue en fevrier 2007 ä l'äge de 93 ans-, a relativlseson röle: « Mes
refuse l'appellation « Union des peuples du Cameroun », de peur que Ja plura- camarades franc;:aiset moi, explique-t-il, n'avons fait qu'aider nos arnis came-
lite des « peuples » ainsi actee contredise l'idee d'une « nation » camerou- rounais et,[ ...] ä partir d'avril 1947, aussi bien l'USCCque l'UPC ont ete des
naise. A l'oppose, ils ont rejete I'appellation suggeree par Je PCFd'union « du organisations absolument independantes et dirigees uniquement par des
peuple camerounais », qui supposerait une nation deja uniftee. « Union des Camerounais 17• >>Lesquels sont loin d'etre de simples marionoettes.
populations du Cameroun » est donc un moyen terme acceptable, qui reflete
la difficulte a bätir un mouvement nationaJiste au sein d'une colonie divlsee
en centaines de groupes et sous-groupes ethniques, dont Jedestin commun se RubenUm Nyobe,un leadercharismatique
resume parfois ä une meme oppression coloniale.
Des sa naissance, I'UPCse heurte a l'opposition farouche de l'adminlstra- Au moment de la creation de I'UPC, un homme hesite encore a se mettre
tion. Sans explication, celJe-cirechigne a valider les statuts deposes le 14 mai. en avant, pour ne pas alerter !es autorltes ou par simple timidite : Ruben Um
Le nouveau Haut Commissaire Rene Hoffherr, qui a succede a Robert Delavi- Nyobe. A l'epoque, celui qui deviendra la figure la plus emblematique et
gnette en avril 1947 (apres l'interim de Robert Casimir), n'accepte d'en presque legendaire du nationaJisme camerounais n'est qu'un modeste greffier
prendre acte que Je 9 juin 1948 et uniquement sous la pression exercee, depuis ä Edea. Pourtant, avant meme son election au poste de secretaire general de
Paris, par Gabriel d'Arboussier, secretaire generaJ du RDA.Cette reconnais- l'UPC en novembre 1948, le jeune hornme qui n'a alors que 35 ans fait dejä
sance « ne signifie pas approbation », prend soin de preciser Je Haut Commis- l'admiration de tous. De ses camarades de l'USCC,des communistes franc;:ais,
saire, dont le teJegramme adresse ä l'UPC se conclut sur un avertissement: mais aussi de ... l'administration. La note qui le concerne, ecrite par Ies ser-
« Agissementsulterieurs de cette assoctation restent pleinement responsables vices franc;:aisen avril 1947, en temoigne.
devant tribunaux 12• » Voila, explique la police franc;:aise,« un homme intelligent qui chercbe
Comme pour le RDA,auquel l'UPC s'affilie des sa naissance, l'administra- aacquerir par lui-meme une cuJture superieure, consacrant toute son activlte
tion est prompte a deceler la main de Moscou derriere le nouveau mouve- ä creer de nombreux syndicats dont II est secretaire general. C'est un membre
ment natlonaUste. En depil des apparences, l'UPC n'est pourtant pas le parti tres actif clu mouvement d~rnocratique camerounais, bien que ne paraissant
marxiste dirige par Pariset Moscou quc l'on s'es1plu ~ cl6crIrc <Ions Jcs milieux pas ~tre lul-meme un ClCmcnLdnngercux .. II sort tres peu, rnene une vie

78 79
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I 111111/\

retiree, ayant un noyau d'arnls tres restrelnt 18 "· Jusqu'a son assasslnat en possible, dans le mouvcrncnt synd!cal na!ssant, ou II est designe en 1947
1958 (et plus encore ensuite), personne de doutera jamais de l'intelligence secretaire general de l'USCC. Parallclement, il s'engage dans la batail!e poli-
hors norme de cet homme d'exception, que meme ses ennemis les plus tique qui aboutit ä la creation du RACAM,dont il devient secretaire general
farouches decriront comme un « homme de valeur », un « pur intelligent», adjoint.
« honnete et desinteresse », un " politique qui voit juste et loin », « devoue Prenant conscience que son statut de fonctionnaire l'expose a toutes !es
comme nuJ autre aJa cause de l'independance camerounaise ». Bref,conclura pressions, iJ se met en disponibilite en 1947 pour se consacrer a l'reuvre de sa
un rapport de renseignements en 1951, « il tranche, et de beaucoup, sur la vie: l'edification du mouvement nationaliste camerounals. Secretairegeneral
faune politique camerounaise 19 "· de l'UPC ä partir de novembre 1948, il represente son parti au II' congres
Al'interieur de l'UPC, l'autorite d'Um Nyobe s'affirme donc sans qu'il ait du Rassemblement democratique africain, qui se tient a Abidjan en jan-
besoin de l'imposer. Et cela d'autant plus qu'il n'est pas seulement un mfü- vier 1949. II devient acette occasion un des vice-presidentsdu partiinterterri-
tant devoue. C'est aussl un intellectuel, dont les tracts, en raison de Ja« clarte torial anime par FelixHouphouet-Boignyet Gabrield'Arboussier23•
de son argumentation », alarment Ja police coloniale 20• Laquelle s'inquiete Um Nyobe est un passeur. Remarquable polyglotte, parlant bassa,
tout autant de 1'«assiduite » avec laquelle Um prepare personnellement !es ewondo, pidgin ou boulou, et fran~aisbien sOr,il s'efforce inJassablementde
documents envoyes par l'UPC aux instances de l'ONU chargees de contröler convaincre ses compatriotes, allant de vlllage en village, en train, a pied, en
l'administration fran,;alse21. Lorsque,a partir de 1952, Ja quatrieme commis- camion. Non pas ä coups de tirades enflammees, mais a force d'argumenta-
sion de l'ONU cherchera ä entendre ceux qui contestent !es methodes de la tions ralsonnees, fondees en droit, assisessur des exempl.esconcrets de la vle
Franceau Cameroun, c'est naturellement Um Nyobeque l'UPCenverra aNew quotid!enne. Pour accrocher ses auditoires, le secretaire general de l'UPC a
Yorkpour Ja representer. pris l'habitude de ponctuer ses discours de demandes d'approbation ou de
Malgre la reconnaissance croissante dont il jouit au Cameroun et, reprobation ason public captive 24•
bientöt, a l'exterieur, Um restera toute sa vie un homme simple et modeste. Um Nyobe est un homme convaincu, que jamais le doute n'abandonne.
Contrairement a la plupart de ses homologues africains, il vit ala maniere de Formeau marxlsme a la sortie de Jaguerre, le leader de l'UPC n'en sera pas un
ses compatriotes, parmi eux. II n'est pas un grand planteur, chef coutumier propagandiste aussi zele que certains de ses camarades. AlUeaux commu-
et depute, comme Houphouet. II n'a pas frequente !es khagnes parisiennes nistes fram;aisau plus fort du stalinisme mondial, il prend garde d'afficher sa
avec GeorgesPompidou, comme Senghor. Etil court moins les reunions inter- solidarite aussi bien que son independance : " Lespeuples coloniaux ne peu-
nationaJes que Je syndicaliste guineen Sekou Toure. Ne en 1913, pres de vent faire ni Ja politique d'un parti ni celle d'un Etat, ni, a plus forte raison,
Boumnyebel, au creur de Ja Sanaga-Maritime,Um Nyobe est profondement celle d'un homme, explique-t-il lors d'une conference de presse a Paris le
ancre dans Ja societe bassa. Il appartient a une famille d'agriculteurs et son 8 janvier 1953, apres avoir eteentendu par la quatrieme commission de
pere, grand pretre des societesinitiatiques, est un sorcier respecte.Mais sa sco- l'ONU. Les peuples coloniaux font leur propre politique, qui est la politique
larite s'effectuesous les auspicesde la mission presbyterienne.Sur les bancs de de Hberation du joug colonial 25 • » Toute sa vie, il expllquera que l'UPC n'est
Ja prestigieuse&:olenormale de Foulassi,Um Nyobeest un elevedoue. Malgre pas un « parti » au sens strict du terme, mais un " mouvement de liberation
son exclusion de l'ecole de Foulassi,ou il est accuse d'avoir proteste contre Ja nationale». Ce n'est qu'une fois l'independance acquise que les Came-
mauvaisequalite de la nourriture, IIreussitJeconcours pour devenir moniteur rounais choisiront, librement, leur mode de gouvernement. Tel est, pour Jul,
des ecoles protestantes, ainsi que la premiere partie du baccalaureaten 1939. l'ordre des prlorites. Malgre sa formation au Cameroun et ses distances affi-
Devenu greffier, Um Nyobe s'engouffre dans chaque breche autorisee, chees a l'egard du mouvement communiste, Um Nyobe a ete souvent fausse-
que ce soit aJa tete d'une llgue de clubs de football, dans une chorale protes- ment presente par les administrateurs colonlaux qui l'ont combattu comme
tante ou, pendant Ja guerre, au sein de la Jeucafra, alors seuJespace d'expres- un militant forme dans les pays du bloc de l'Est. Maurice Delauney, par
sion possible. "Tout est politique, aime-t-il a repeter, et tout s'encadre dans exemple, Je decrit dans un rapport de 1958 comme" un homme qui avait fait
la politique. La religion est devenue politique. Le commerce est politique. ses classesauprcs du Parti communiste en France et, aussi, au-dela du rldeau
Meme le sport est politlque. La politique tauche atout et tout touche ala poli- de fer, a Moscou, a Varsovie,a Prague26 ». Encore plus etonnant, l'AFPrepro-
tique. Dire que l'on ne fait pas de politique, c'est avouer quc l'on n'a pas le duira cette erreur dans sa necrologiedu secretairegeneral de l'UPCen 1958.
desir de vivre22. » Rlend'etonnant, des lor~,qu'Um s'cngngc r111pr~s des rnlli- Alorsqu'II a souvent ~te surnornme par scs advcrsairesJe« Ho Chi Minh
tants communlst·cs frnn,nls du Cercle d'~tuclesmnrxlstcsN, 1 11\ultc, d~s que
1 camcrou,101~ ll, ~aphllosophlc, son modc d'ncl!on et ~nponderation feraient

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1
plutOt de lui le Gandl1l de l'Afrlque centrale. En f~vrier 1950, II fall' la promo- renvoyant ses propres fvangiles. « La doctrine chretienne est, en elle-meme,
tion aupres de ses camarndes de la campagne de boycottoge des produits progressiste », explique Nyobe apres avoir critique les ingerences politiques
fran\ais par les nationalistes ivoiriens en 1949 27• En septembre 1952, face aux du clerge en 1949 et de« tous ces homrnes qui, sous pretexte de travailler pour
tentations d'utiJiser ta violence pour se faire entendre, Um Nyobe repond que le royaume du Ciel, se font les serviteurs zeles des forces de l'oppression
« la lutte armee a ete menee une fois pour toutes » contre les nazis 28• Le droit colonialiste » 33 •
international comme le droit fran\als donnant raison aux Camerounais, argu-
mente-t-il inlassablement, le recours aux armes et ä la violence est inutile.
Jusqu'en 1955, signe de son emprise sur ses troupes, ll faut souligner que ni Moumie,Ouandie,Kingueet lesautres
l'UPC nl ses sympathisants n'ont attente ä la vie d'un Blanc, pas meme ä
l'occasion de debordements. On peine meme ä trouver des traces d'un colon Um Nyobe est solidement seconde par une foule de militants determines.
ou d'un administrateur maJmenes ou seulement menaces par les militants La liste serait longue s'il faJlait tous les enumerer. Parmi eux, il faut cepen-
nationaUstes. C'est dire si Ja consigne de non-violence est massivement dif- dant distinguer Felix-Roland Moumie, qui deviendra president de l'UPC en
fusee et respectee. 1952. Plus sensible qu'Um aux idees communistes, c'est un militant bouiJlon-
Les discours des leaders de l'UPC, bien que qualifies d'« extremistes », ne nant, eloquent et seducteur. Ne en 1925 a Foumban au sein d'une famille de
sont jamais violents ä l'egard des colonlsateurs. Um Nyobe prend soin de I'aristocratie bamoun, il a ete lui aussi forme dans les ecoles protestantes. II
montrer qu'il ne verse jamais dans le rejet de la France ou des Fran\ais, ä part e:nsuite, en 1941, etudier la medecine ä Brazzaville et a Dakar, Oll il est
l'image d'ailleurs de tous les mouvements anticolonia11stes d'Afrlque franco- lnltle a l'anticolonialisme et au marxisme au sein des« GEC » par son profes-
phone. A ses debuts, l'UPC affurne que l'independance doit etre progressive seur, le futur secretaire general du RDA Gabriel d' Arboussier, et par l'historien
et n'empechera pas des liens culturels et economiques etroits avec l'ancienne communiste fran~ais Jean Suret-Canale. Devenu « medecin africain », selon
metropole. En 1953, les meetings de l'UPC se terminent encore par l'hymne la terminologie coloniale, Moumie rentre au pays en juillet 1947, ä Douala. II
camerounais et par La Marseillaise29, tandis qu'Um Nyobe repete qu'il ne y rnultiplie les reunions politiques, avant d'etre mute ä Lolodorf (Kribi), Oll il
<<confond [... Jpas le peuple de France avec !es colonlalistes fran<;ais30 ». prend le temps de dlriger une equipe de football 34.C'est lä qu'Um Nyobe, de
Pour la population, notamment dans sa region d'orlgine, Nyobe est Je retour de la conference du RDA aBamako, vient le trouver, sur les conseils de
Mpodol,« porte-parole » et transmetteur pedagogue de savoirs. Pour ce faire, d'Arboussier 35 .
il met en relation deux mondes, deux langages, celui du terroir et celui de Ja Autant Um Nyobe est ancre dans sa Sanaga-Maritime natale, autant
cause anticoloniale internationale. Cette maitrise de differentes cultures lui Moumie n'a jamais pu s'implanter dans sa region d'origine, ä Foumban, ou le
permet a la fols de s'adresser atous !es Camerounais et de contester la doml- sultan ne tolere pas les nati.onalistes. Comme la plupart des leaders du parti,
nation etrangere a partir des valeurs memes que celle-ci pretend porter. Par son parcours l'a conduit ä sillonner le Cameroun, forgeant ainsi ses aspira-
exemple, l'UPC saisit regulierernent la justice pour faire respecter ses droits a tions nationalistes. Mute en permanence d'une cegion al'autre par une admi•
se reunir, ä participer sans discrimlnation aux elections ou afaire face aux vio- nistration coloniale desireuse de decourager ses efforts militants, il en profite
lences policieres, quallfiees de « contraires ä l'ideaJ de !'Union fran~aise ». au contraire pour diffuser Ja parole upeciste dans tout Je Territoire. A partir de
Centrant son action sur le respect du droit et des conventions internationaux, Ja zone enclavee de Lolodorf, U implante l'UPC dans taut le sud du Came-
l'UPC interpelle egaJement l'ONU, envoyant des dizaines de milHers de Jettres roun. Envoye en 1952 dans le Nord, aMaroua, il poursuit sa täche. C'est laque
ä New York pour y denoncer Ja moindre violation des accords de tutelle. Je chef de region Guy Georgy cherche ä faire sa connaissance. Le toisant du
Certains de ses amls ne manqueront pas de voir dans cette sacralisation regard avant de l'affronter (voir chapitre 6), il ne peut s'empecher d'admirer Ja
du droit international une forme de narvete 31. Des decembre 1952, au determination du jeune mfütant: « C'etait un jeune Bamoun de 25 ans, origi-
momentde son premler voyage ä New York, Um Nyobecomprendra qu'il faut naire de Foumban, de petite taille, le visage fin et intelligent avec un rien de
« limiter [ses] Jlluslons » ä propos de I'ONU 32 • Mais la tribune internationale, suffisance dans le regard », se souvient l'administrateur 36•
plus accessible que celle de !'Assemblee representative du Cameroun Outre Um Nyobe et Moumie, il faut evoquer Ernest Ouandie et Abel
(ARCAM),procure a Um Nyobe l'onction polit!que que l11ircfuscnt tes insti- Kingue. Ne en 1924 d'un pere victime du travail force au sein des plantations
tutions coloniales. Enfin, sur un autre plan, l'ex-~t~ve ctcs frolcs prcsbyte- de cafe du Haut-Nkam, Ernest Ouandie grandit dans la region Bamileke et
riennes est tr~s attacM ~ r~pondre nux attaqucs de J'P-ftll~C' 1',1tllollq1iCcn lul poursuit ses 6tudes a Yaound6 ä portir de 1940. lnstltuteur et syndicaliste, ce

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rlc l'UPC(1947-1!J48)

brillant orateur adhere ä l'UPC quand II cst mute aNew-Ocl1(l)ounln) en 1948,


leader d'un des partis les plus violemment antlnationalistes, l'Esocam (voir
au creur du chaudron upeciste, apres avoir enseigne en Sanaga-Maritime.
chapitre 7).
Quanta Abel Kingue, iJ serait ne en 1912 (d'autres sources disent 1924) en
region Bamileke. Tour a tom infirmier et cornmer~ant, il est aussi des premiers
adherents du parti nationaliste. Redacteur en chef du journal de l'UPCLa Volx Lesbastionsde l'UPC: canaliserlesmecontents
du Cameroun,il n'hesite pas a donner Ja replique au prince DouaJa Manga Bell.
Ouandie et Kingue, ä partir de 1954, representent reguHerement Ja Jeunesse Dans les mois qui suivent la creation du mouvement, la dynamique est
democratique du Cameroun GDC, le mouvement de jeunesse du parti) dans Je rapidement encourageante : l'UPC ne cesse de gagner des soutiens dans la
monde, de New York jusqu'aux pays du bloc de l'Est, au gre des conferences population. Les trois mots d'ordre portes par les rnllitants de l'UPC sont
internationales ou ils popularisent la cause du nationalisme camerounais et simples et marteles aux quatre colns du Territoire : fixation d'un delai pour
se forment au tiers-mondisme naissant au niveau international, rapportant au l'accession al'independance, reunification immediate des deux Cameroun et
pays les le~ons de ces voyages. elevation du niveau de vie de la population. Mais on ne comprend pas le
Si, outre Um Nyobe, nous nous contentons de mentionner ces trois per- succes de l'UPC, au demeurant tres inegal selon les regions, si l'on oublie que
sonnages, Moumie, Ouandie et Kingue, c'est qu'ils joueront un röle essentieJ ce parti s'est appuye sur les coleres locales et a su les integrer ases propres cam-
dans la suite des evenements : elus respectivement president de l'UPC, pour pagnes, ancrant ainsi la lutte anticoloniale dans un ter.reau social fertile.
Je premier, vice-presidents, pour !es deux autres, au necongres du mouve- Les bastions de l'UPC se situent au sud du pays : Douala (et dans une
ment, qui se tiendra a Eseka en septembre 1952, ils resteront Jes figures de moindre mesure Yaounde), le pays dit « Bassa» (entre Yaounde et Douala) et
proue du nationalisme camerounais bien apres l'interdictlon de l'UPC en la zone de peuplement Bamileke, au sud-ouest. De maniere generale, l'UPC
1955 (voir chap.itre 9). Admires a l'epoque et encore aujourd'hul, les quatre seduit au sein des categories sociales integrees a l'economie colonlale dans
principaux dirigeants sont morts pour leurs idees, en exil, au maquis ou une position subordonnee. Les plus sensibles sont les fonctionnaires, ala fois
devant un peloton d'execution. La popularite de l'UPC doit aussi beaucoup ä parce qu'ils ont acces a l'education et a l'lnformation et parce que leur ascen-
cette equation personnelle et a cet esprit de sacrifice. « II nous faut bien sion soclale est freinee par Ja monopolisation des postes eleves par !es fonc-
constater que Mpodol [Um Nyobe] et nombre de membres du comlte direc- tionnaires fran~ais de plus en plus nombreux, meme quand ces derniers sont
teur font preuve d'une honnetete et d'une rigueur morale qui entrent pour moins qualifies que leurs homologues camerounais. Cette barriere raciale se
une notable part dans leur succes », sera obligee d'admettre une note de police retrouve egalement au sein des autorites rellgieuses, offrant a l'UPC quelques
au milieu des annees 1950 37• recrues formees par les catholiques au !es protestants. Enfin, !es salaries du
Taus Ies dirigeants de l'UPC n'ont pas fait preuve d'une teile constance. secteur prive, la plupart du temps tres mal payes au sous-employes, forment le
Qu'ils aient flechi en cours de route ou qu'ils aient ete en desaccord avec les gros des troupes urbaines du parti. Au contraire, les groupes vivant au nord,
strategies adoptees, rares sont finalement les membres fondateurs de l'UPC, loin du« Cameroun utile », sans relatioru quotidiennes avec les Fran~ais, sont
en avril 1948, qui y resteront fideles jusqu'au bout. Le premier secretaire peu touches par l'anticoloniaJisme. De meme que les groupes qui en tirent un
general de l'UPC, Leonard Bouli, est par exemple remplace par Um des le mois profit quelconque.
de novembre de Ja meme annee. Charles Assale, lui aussi present au caie La matrice syndicale de l'UPC lui permet d'etre immergee dans les
Sierra, Je 10 avril 1948, avant de devenir membre du Conseil economique et confüts sociaux ä la base de son recrutement. Les lien.s etroits entre USCC et
sociaJ a Paris, quittera pour sa part l'UPC en 1951, quand celle-ci refusera de UPC, notamment gräce a la frequente double appartenance de leurs dirl-
suivre le « repli strategique » du RDA(voir chapitre 7). Quant aJacques Ngom, geants, permettent ä l'UPC de prendre pied dans les luttes quotidiennes du
egaJement membre fondateur de I'UPC et rempla~ant d'Um Nyobe a la tete monde du travaiL Or, dans cette periode, les syndicats « rouges » sont en
de l'USCC, c'est sur un autre desaccord qu'il s'eloignera du parti nationaliste, pleine expansion et distancent largement les syndicats plus moderes, sou-
vent suscites par l'administration, comme Force ouvrlere (FO), ou par l'Eglise
quand celui-ci engagera la lutte armee en 1956 (volr chapitre 11). Au cours
catholique, il l'image de la Confederation fran~aise des travaH!eurs chretiens
de Ja tumultueuse histoire de l'UPC, on verra ainsi de nombrcux militants
(CFTC) .. Forte de ce relais irrempla~able, l'UPC preempte des causes en
abandonner le combat. Parfols de fa~on spectaculaire, commc dnns le cas de
jach~re. Loln de sc lirniter ä reclamer l'lndepenctance, eile fait siennes les
Guillaume 8isseck qul, retourn6 por l'odrnlnlstratlon colonlnlr, tlcvlcndrn le
colörcs des Camcroun:clis ordl nolres, des brlmadcs quotid'iennes aux
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spollations fonciercs en passant par la collecte d'lmpOts l111<.1ue~, cl. canalise refus collectif de s'acquitter des droits de place sur !es marches et autres greves
ces mecontentements ponctueJs en une cause anticolonlalc. de l'impöt, suscitant en retour les represailles de fa gendarmerie 43 •
Le creur de l'implantation de l'UPC se trouve dans la capitale econo- Dans le Mungo, region au sud du Bamlleke qui jouxte Ia frontiere avec
mlque du pays, Douala, parmi les « sous-proletaires » de New-Bell venus pour le Cameroun britannique, l'UPC appuie les Bamileke emigres, petits plan-
leur grande majorite d'autres regions du Cameroun. Quall.fiesd'« etrangers », teurs en concurrence pour l'acces a la terre avec !es autochtones, dont les
ces nouveaux urbains precaires qui s'y installent en masse sont perr;us par reflexes xenophobes sont attises par les colons europeens soucieux de pre-
l'administration comme « detribalises », c'est-a-dire soustraits a l'encarue- server leurs concessions agricoles, quitte a creer de toutes pieces un « pro-
ment de Jeurs chefs ruraux traditionnels et donc susceptibles d'indisci- bleme bamileke » 44 • Le gros des troupes rurales de l 'UPC y est forme de
pline ... C'est dans ce quartier que l'UPC im plante son siege. Dans son roman planteurs de bananes soumis a des quotas protegeant les Europeens de la
allegorique RememberRuben.,Mongo Beti offrira un tableau saisissant de concurrence et d'agriculteurs depossedes de leurs terres dites « vacantes ou
l'ambiance surchauffee qui regne a New-Bell, ce quartier de 80 000 habitants sans ma1tre i> au profit des grandes concessions europeenoes.
en constante ebullition : « II etait toujours question de Ruben [Um Nyobe] Un peu plus ä l'est, en Sanaga-Maritime, !es partisans de l'UPC prospe-
dans ce faubourg; on Je retrouvait aux endroits les plus insolites. » Les jeunes rent sans peine sur le senUment d'abandon des Bassa et des Bakoko, oublies
du quartier, des<:Euvreset miserables, sont particulierement sensibles au dis- du developpement economique, mais pas du travail force sur !es chantiers du
cours upeciste. Certains, poursuit Mongo Beti, sont « prets a mouriI pour chemin de fer ou des conditioos de travail indignes dans les plantations
Ruben, tout de suite, s'il Je faut, et avec joi.e38 ». d'heveas de Dizaogue. Pour echapper ä l'espionnage des correspondances, la
L'UPC oe tarde pas ä irriguer aussi le monde rural, notamment par l'inter- communication entre !es differents bastions upecistes s'effectue gräce aux
mediaire des immigres bamileke ou bassa de Douala et des activites syndicales affinites professionnelles et ethniques, en particuller via !es « market boys»,
qui s'elargissent aux paysans. En region Bamileke par exemple, l'UPC s'appuie ces « transporteurs bamileke, toujours a la recherche d'idees nouvelles, juifs
immediatement sur les spoliations foncieres et l'interdiction de la cafeicul- camerounais des villes du Sud » qui jouent le röle de« vehicules de la pensee »
ture aux Africains pour s'implanter. Cette strategie trouve un terrain fertile ä de l'UPC, pour reprendre !es rnots de l'administrateur colonial Maurice
Mbouda, otl les expropriations sont tres importantes, a l'instar de celles Delauney 45•
orchestrees par le planteur de cafe Leon Marius Darmagnac SUI!es versants est
des Monts Bamboutos depuis 1930 39 • Um Nyobe s'en prend egalement aux
cooperatives agricoles, !es « societes africaines de prevoyance » (SAP), L'UPCet lesassociations« traditionnelles»
« gere[e]s par des Blancs » accuses d'en accaparer !es avantages. « Vous devez
reclamer la direction de ces organismes », martele Ie secretaire general de Cependant, l'originalite du parti d'Um Nyobe tient au fait qu'il ne porte
l'UPC 40 .
pas seulement des revendications sociales. Contraliement aux partis commu-
Parallelement, les syndicalistes revendiquent pour le paysan carne- nistes europeens, il ne se veut pas l'emanation d'une classe sociale, dans un
rounais son droit de propriete inalienable sUI Ja terre ancestrale : « Le plan- pays dont les structures sont bien differentes. Mouvement de liberation natio-
teur bamileke ne doit plus voiI son cafe arrache, sa case brulee et lui-meme nale, l'UPC ne peut pas etre une simple excroissance synd.icale. De plus,
emprisonne pour avoir cultive Ja teere de ses ancetres », peut-on lire dans leur comme elle ne peut se contenter d'adhesions individuelles, ses Jeaders vont
journal • Les syndicaJistes agricoles font feu de tout bois. Us denoncent ala
41
chercher des alliances avec des groupes deja constitues, susceptibles d'adherer
fois Je manque de routes locales, d'ecoles et de dispensalies ruraux, les recm- en bloc au parti et de lui assUier des relais au creur de miUeux eloignes des
tements forces de main-d'reuvre administrative ou privee, les requisitions de cercles restreints des « evolues ». Meme si cela implique de faire des
poulets, de cabris, de vivres et les amendes arbitraires dont souffrent les compromis avec des structures traditionnelles.
masses villageoises, !es bas salaires, les traitements inhumains, les retenues sur Commen~ons par les Bamileke. La mainmise sur ces populations dites
salaire ainsi que les restrictions ä l'exercice du droit syndJcal infligees aux tra- « Bamileke » n'est pas simple, car l'autorite coutumiere, dans cette region, est
vailleurs agricoles et forestiers 42 • repartie entre chacune des chefferies (il en existe environ cent dix, d'une
L'implantation de l'UPC dans la region Bamileke en 1950 se llt ainsi dans superflcle moyenne de 50 km 2, regroupant chacune entre 3 000 et
la reprise des cultures vivr!eres et lcs refus de servir clons lcs plnntotlons colo- 30 000 habitants ~6), autorltcs politiques et rellgieuses de base. Ceux que Je
niales. Des actes de desobfüsance cfvflc sonl cncourog6s pu,,l'lJflC;,comme tc colonlsateur a appclcs « ßf1mllcke » partogent ctonc un foncls cul.turel

86 87
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cornmun, mals parlc111des langucs dlsllnclcs. l!t lc pouvoil c,I <:IH.'7cux - ä Leparti des« ho,nmesi11ferieurs
»
l'image de leur habitat- tres disperse. Al'interieur de chaquc chcflc,lc, lc chef
- appele le fon - le partage avec un conseil de notables. Lesdeboires de l'UPC avec les organisations traditionnelles, qui finiront
Dans cette region, les mfütants nationalistes de base, confrontes a l'hos- parse rallier au bloc colonial (voir chapitre 7), l'arnenent a se definir comme
tilite des notables locaux, peinent dans un premier temps ä s'implanter. La un mouvement qui, sans s'opposer aux ~ traditions », critique le feodalisme,
situation se renverse vite gräce au ralliement du Kumzse (litteraJement, c'est-ä-dire les elements de domination sociale qui se deguisent souvent sous
« soclete secrete »), organisation dite « traditionnelle » qui cherche ä Je terme de« tradition ». A defaut d'avoir conquis les chefs, l'UPC devient le
regrouper les BamHeke.Creee en novembre 1947, eile est vite prise en main parti qui s'y oppose. Teileest d'aiJleurstaute la difference,sociologiquement,
par deux « agitateurs" qui y imposent leur influence. D'une part, Mathias entre l'UPC et par exemple Je Parti democratique de Cöte-d'lvoire (PDCI)
Djoumessi, chef superieur de Foreke-Dschang,repute frondeur ä l'egard des d'Houphouet, anime par Ja bourgeoisieivoirienne. Cette opposition atous les
autorites fran~aises,qui devient president du Kumzsele 5 mal 1948. La police pouvoirs est un moteur de la mobilisation, mais c'est aussi le taJon d'Achille
decrit ce chef ambivalent comme « intelligent, ambitieux, sentimentalement de J'UPC : l'administration tran~aise pourra toujours eviter la negociation
socialiste (encore qu'il ignore ces theories), foncierement autoritaire et xeno- avec elle en s'arrangeant avec les chefs et notables des differentes regions.
phobe (l'etranger commen~ant ä l'indivldu non bamileke)47 ». D'autre part, Dans ce cadre, l'UPCapparait comme le parti des« cadets soclaux ", pour
Ahmed Nzoko,secretairegeneral du Kumzse,forme au sein du Cercled'etudes reprendre J'expressiondu politisteJean-Fran~oisBayart,qui a analyse Je deve-
marxlstes de Yaounde et licencie de Ja police pour cause de syndicaJisme... loppement des forces politiques camerounaises en fonction de 1'«antago-
A l'ete 1948, une rencontre entre cet etrange duo et les Jeaders de l'UPC nisme primordial », souple et evolutif, issu des structures sociales
consacre J'aJliancedes deux mouvements, qui raJJientde surcroit le Syndicat precoloniales,entre« cadets sociaux "et« aines ». Lespremierssont essentiel-
des petits planteurs (SPP).Comme l'ecrit la chercheuse Meredith Terretta dans lement les femmes et !es jeunes, puis par extension les membres des commu-
sa these consacree au " nationaJisme du vlllage » en pays Bamlleke,« la nais- nautes ethniques asservies. Les seconds sont les hommes et, parmi eux,
sance du Kumzsea marque le debut d'une alliance entre l'action politique surtout les chefs. Dans Ja bauche du docteur Aujoulat, cela fait des nationa-
anticoloniale et Ja face cachee revitalisee du pouvoir politique au village48 ». listes une « poignee de rates et de mecontents 49 ». « L'UPCn'existe que dans
Cette aJLiance,qui durera deux annees (voir chapitre 7), permettra ä l'UPCde le milieu des hommes inferieurs », resument les dirigeants profran~ais de
s'impJanter ä l'Ouest. l'Esocam,un parti cree en 1949 pour lutter contre l'UPC(voir chapitre 7) so.
Chez JesDouaJa,l'equivalent du Kumzses'appelle le Ngondo. 11est egaJe- Le parti d'Um Nyobe cree d'ailleurs dans un second temps des structures
ment, ä l'origlne, dans le camp anticolonlaliste. Cette assemblee tradition- satellites dediees ä ces groupes subordonnes : !'Union democratique des
nelle envoie un delegue ä un congres du RDAä Abidjan en 1948 et critique femmes camerounaises (Udefec)en 1952 et la Jeunesse democratique came-
ouvertement l'administration devant l'ONU. Avant, comme le Kumzse,de rounaise ODC) en 1954. L'Udefecest fondee en reaction a la marginalisation
rentrer dans le rang par la suite. Quoique sensibles pour certaines aux theses des comites feminins existant au sein meme de l'UPCet pour prouver al'ONU
natlonalistes, les populations du Centre-Sudrestent quant aelles plus fideles la representatlvite des nationalistes. Cette nouvelle structure assure aux
au regime coloniaJ si on les prend dans Jeur globalite. Elles se revelent plus femmes nationalistes une certaine independance ä l'egard de l'UPC, avec le
promptes a negocieravec l'administration coloniaJequ'ä J'affronter. L'histo- soutien repete d'Um Nyobe. Trop souvent passe sous silence, Je röle des
rien RichardJoseph y voit les effets d'une structure socioeconomique fondee femmes upecistes dans l'implantation du parti est pourtant essentiel :
sur Ja culture du cacao, qui se developpe sans etre accaparee par des colons emmenees souvent par les femmes des leaders de l'UPC (Marthe Moumie,
europeens peu presents. Mais ce constat, qui s'appuie sur des categorisations Marthe Ouandie, etc.), elles envoient de multiples petitions a l'ONU et si
elles-memes coloniales que bouleverse d'aHleurs le projet nationaliste, doit besoln encerclent les forces de !'ordre pour Ies dissuader d'intervenir.
etre nuance, car il existe des infinites de nuances. A l'interieur des popula- L'Udefecne se definit pas comme "feministe ,., mais eile a contribue ä desta-
tions du Sud, les « Beti» y sont restes plus proches du colonisateur, tandis que biliser les places generaJement assignees aux femmes par Ies autorites colo-
les « Boulou », suivant Charles Assale,ex-syndlcalisteet futur Premier mini- niales et feodales 51 , par exemple en demandant l'abolitlon des barrieres
stre d'Ahidjo, optent graduellement pour un nationalisme plus" modere». jurldiques qui lnterdisent aux femmes certaines activites commerciales.
LaJDC cst pour l'UPC un outll de recrutement de jeunes militants, qui
sont lnvltes aux quatrc colns du rnonde pnr les orgonisallons de jeunesse

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proches du bloc de l'tst. L'itlneralre d'un Hyacinthe Mpayc, prcmicr presi- tcmps de la colonisation allemande, qui avait permis l'avenement de « chefs
dent de laJDC, foumit un eclalragesur ce qul peut conduirc un jeune Came- administratifs » 53• Denon~anttoutes les injustices, l'UPCse posltionne contre
rounais au nationalisme. Ne autour de 1922 sur un chantier de construction la « conjonction de l'exploitation moderne de nature capitaliste et des domi-
de la route Eseka-Lolodorfqui fonctionne au travaHforce, Mpaye decroche a nations anciennes : !es travailleurs salaries, les chömeurs bafoues par le
force de volonte son certificat d'etudes avant de s'engager comrne dactylo- nouvel ordre economique, etaient tout naturellement, du point de vue de la
graphe dans l'armee d'Afrique pendant la guerre. Circulant d'une colonie ä coutume, les cadets sociaux54 ». Parlant ä la fois au saJarieexploite et au cadet
l'autre, il est demobilise au Niger,ou il s'initie au syndicalisme et a la contre- subordonne, qui sont souvent les memes, Um Nyobe devient le porte-parole
bande ... De retour aDouala en 1950, devenu comptable aux PTT,ce cegetiste d'un nombre croissant de Camerounais,dont beaucoup deviendront des mili-
convaincu adhere sans hesiter ä l'UPC: «Je m'etais engage dans l'armee fran- tants devoues de l'UPC.Lecaracteresubversifde l'UPCtient justement acette
~aisepour liberer leur pays, se souvient-il. Comment ne pas m'engager main- hybridation entre problematiques locales et mondiaJes, constituant des lors
tenant pour la liberation du mien 52 ? » Sans se definir comme communiste, « une menace, veritablement revolutionnalre parce qu'elle conjuguait des
il explique l'aHiancedes Camerounais (« nous qui avions faim ») et du parti dynamiques specifiquement autochtones et une remise en cause du systeme
de la classeouvriere fran~is (les « aifames de l'autre cöte ») contre Les"'Occi- mondial de domination 55 ».
dentaux capitaHstes». L'activismeturbulent des jeunes « JDCistes», jaloux de Au total, combien compte-t-on d'upecistes, entre sa naissance et les
leur autonomie al'egard de l'UPC,obeit ases propres regles.Volubile,le vieux erneutes de mai 1955? On sait que l'UPC recrute peu la prerniere annee,
militant, torse nu et colJier de dents de phacochere autour du cou, se sou- hormjs au sein de ses reJaissyndicaux 56 • Mais, en quelques annees, la greffe
vient de ses ficeUespedagogiquesde l'epoque pour « attraper » les jeunes. « Ce prend, si bien que l'UPC revendique 20 000 adherents des 1951 57 • Chiffre
n'etait pas difficile, jubile-t-il. On arrivait quelque part, on montait une bien sur difficile ä confirmer. Mais l'administration donnera, en 1955,
equipe de football, en fournissant le ballon, et, le soir, on donnait un concert. quelques indices de ce succes dans ses rappo1tsconfidentiels. Ellesouligne la
Lesjeunes venaient danser, moi je parlais et, le lendemain matin, on creait "'grande activite » de l'UPCet ses « progres tres rapides» « dans le sens d'une
une section de la JDC ! » La formation des militants n'en est pas moins stu- efficacite toujours plus grande » 58• Avec pour resultat de « transformer cer-
dieuse : « Le soir on fait des conferences, conferences, confärences, insiste tains quartiers de DouaJa (New-Bell),de Yaounde (Mokolo, Mvog Mbi) et ta
Mpaye. On nous preparait adevenir des dirigeants. » quasi-totalite des regions du Mungo et de la Sanaga-Maritimeen de veri-
Le contour des « cadets sociaux » varie selon les structures de chaque tables fiefs nationalistes ou l'action de l'administration etait systematique-
region. Chez les Bamileke, les cadets sont essentiellement ceux qui sont ment annihiJee, l'UPC se substituant meme aux cadres administratifs ». Sans
pousses a l'exil par la monopollsation des terres laisseesen heritage aux aines parler du debut d'impLantation dans les autres regions, ou « de forts noyaux
de Ja fratrie. Lacontestation latente de l'autorite y est egaJement avivee par upecistesavaient ete mis en place en divers points du Nyong-et-Sanaga(Mbal-
l'acces elargi a l'education, notamment gräce ä l'implantation des mlssions mayo, Obala), [...] dans le Ntem (Ebolowa),dans le Dja et Lobo (Sangme-
chretiennes dans Laregion. Enfin, Jes casde successionsdifficiles, dans les- lima) » et meme dans les villes du Nord. En resume, « nombreux etalent Jes
quelles les administrateurs fran~aissont tentes de s'ingerer, desacralisent et gens pour lesquelsl'UPC representait le parti de l'avenir 59 ».
decredibilisent tes « chefs admJnistratifs» ainsi intronises... Cependant, cette En mars 1955, le directeur de LaSurete Pierre Divot estime ainsi a
opposition binaire ne resume pas la composition sodale des upecistes. Entre 10 000 le nombre de « membres actifs » de l'UPC et a 20 000 ses adherents 60
vieux chefs profran~ais et jeunes « cadets » nationaJistes, en effet, s'interca- repartis sur quatre cent cinquante comites de base 61• Au total, selon lui, ce
lent parfois des chefs plus jeunes qui, comme a Bamendjouou Badenkop, par sont 80 000 personnes que l'UPCpeut « influencer »: "C'est peu par rapport a
souci de ne pas insulter l'avenir, expriment plus ou molns ouvertement teur l'ensemble de la population. C'est beaucoup par rapport aux autres mouve-
soutien al'UPC. ments. Teile qu'elle est, ecrit-il, l'influence upeciste est incontestable. lncon-
De ta meme rnaniere, dans tes zones de peupLementbassa, l'adhesion a testablement, eile a progresseen l'espace d'un an. Ellecontinuera acroitre. »
l'UPC s'explique notamment par la crlse d'autorite au sein de chefferies Divot avoue son impuissance face a une popularite qu'il juge inationnelle :
ebranlees par la penetration coloniale. D'apresJean-Fran~oisBayart,« l'UPC, " Pour un grand nombre, l'UPCest avant taut le "mouvement camerounais",
dans cette region, cimentera une alJianccentre cadets sociaux proletariseset celui qui veut et obticndra l"'indepcndance", le seul a"ne pas craindre l'admi-
aristocratle ancienne evincec, alllancc dlrlgee contrc ccttc cnt~gorlcdes nou- nlstratlon". On crolt cn lul, sans trop cllerchcr a comprendre ni ä v~rifier.II
veaux chcfs acquis ~ la collaboration nvcc lcs Europfcn~,llJ x1x•~l~clc•, au s'cst er~~ un mytllc de l'UPC, de In pulssa11ceupfrlste, de la bienfalsancc

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upeciste,qui suffit ä beaucoup par na"i'vete,


crainte ou interet- n'oubllons pas allernaml quelques annees seulcmcnt apres 1945, dans une colonie fran~aise
pour autant ceux qui sont sinceres. » arrachee les armes ä la rnain au Reich,sonne comme une Immense provoca-
L'administration fran~aiseest surprise de constater, jusque dans certaines tion, qul tranche avec la francophilie de laJeucafra. Mais,qu'on ne s'y trampe
regions reculees, la penetration des idees upecistes, bien au-delä des mfüeux pas, l'UPCne developpe aucune sympathie proaUemande: nl nostalgle envers
familiarisesavec la vie politique. A Dschang en 1952, le chef de subdivision la periode de domination allemande ni encore moins indulgence a l'egard du
s'etonne que tout le monde connaisse le nom d'Um Nyobe. regime nazi. Um Nyobe et les autres etaient membres de la Jeucafra et ren-
voient dos-ä-dosles colonialistes : « fl serait une erreur de considerer qu'il y a
des imperialistes "plus gentlls" que d'autres. lls sont tous des loups, par conse-
« Kamerun» I defrala colonisationfranraise quent mechants, et emploient les memes methodes pour retarder notre evo-
1ution 63 • » Mais ce mot germanique place l'UPC en dehors de la sphere
La revendicatlon de reunification, presente en filigrane depuis la crea- Unguistiquefrancophone et meme en dehors du referentiel frani;ais,encore
tion du mouvement, devient prioritaire ä partir du IJ• congres de l'UPC ä marque par l'antagonisme franco-allemand.
Esekaen 1952. Dans un systeme international fonde sur les Etats, eile a par Cette orthographe, tout comme la demande de reunification, a Je merite
ai!Jeursle merite d'etre plus facilement audible par l'ONU que celle de l'inde- de sortir du tete-ä-tete avec Ja France ou le Royaume-Uni.Une fois les deux
pendance, encore Jargement jugee « prematuree » en Afriquesubsaharienne. entites reunies, quel pays pourrait en revendiquer Ja gestion, sinon les Came-
Lesvoisins togolais n'ont-ils pas eux-memesreussi a porter le debat territorial rounais eux-memes? De meme, un Cameroun reunifie serait bien plus difft-
dans l'enceinte internationale? Faceau dedain des representants de Ja France cile a integrer totalement dans l'Union fran~aise. Explicitement, le partl
al'ONU,qui s'efforcent de mettre en doute l'unite du Cameroun, Um Nyobe nationaliste aspire ä constituer le « bouillon de culture » d'oll est censee
a beau jeu de plaider la continuite territoriale entre les deux Cameroun, unis emerger la nation nouvelle, qui se constitue non pas dans la filiation de l'Etat
par des coutumes semblableset par des epreuves communes, comme la parti- colonial, mais dans la dissidence a son egard. Le discours est performatif,
cipation ä Ja Jutte antinazie, le travail force - beaucoup de Camerounais ont visant ä creer une appartenance nationale ä un moment oll celle-ci est loln
fui vers la zone britannique pour y echapper -, ou plus generalement le joug d'etre evidente. « Dieu a cree un seul Cameroun ,., ose Um Nyobe au congres
colonial. d'Eseka de 1952 64• Nationaliste, l'UPC n'est donc pas bassa ou bamileke,
Si l'UPCest la seuJeorganisation politique a plaider sans relache pour la comme on a bien souvent voulu la depeindre, accreditant l'idee re~ueque des
reunification, c'est egalement parce qu'une partie importante de ses membres Africainsne peuvent bätir des partis que sur des basesethnlques. Pour preuve,
sont bamilekeou douala, deux groupes ethniques acheval sur la frontiere, qui ses principaux leaders sont d'origines diverses : un president bamoun
vivent douloureusement cette separation nee des hasards de la Premiere (Moumie), un secretaire general bassa (Um Nyobe), deux vice-presidents
Guerre mondiale et jugee sans fondement. L'UPCtrouve vite un homologue bamiJeke (Ouandie et Kingue). Sans parler du compagnonnage a l'origine
au Cameroun britannique. En mai 1949, le premier parti politique au Came- avec Je Boulou Charles Assale,ou de l'alliance ponctuelle quelques annees
roun britannique, Ja Cameroons National Federation (CNF),reclame l'auto- plus tard avec le DouaJaSoppo Priso,ni bien sur des relations etroites avecdes
nomie regionale et la reunification des deux Cameroun. Suite ä des militants fran~aiset du monde entier au sein du Mouvement des non-alignes.
dissensions, le Kamerun United National Congress (KUNC)la concurrence, De plus, contrairement par exemple au PDCllvoirien, l'UPCs'efforce,dans les
65
avant une recondliation des deux mouvements au sein du KamerunNational grandes villes, d'eviter les comites de base « ethniques » •
Congress (KNC)en 1953. Mais aucune organisation n'y assurera une peren- Cependant, iJ est vra1que J'UPCest tres presente dans certaines regions
nite comparable acelle de l'UPCcöte fran~s. et presque absente dans d'autres. Le nord du pays, par exemple, est largement
Revendiquer l'unification est aussi un bon moyen pedagogique pour reste impermeable aux revendications nationaUstes.Non pas parce que cette
faire piece aux « prejugestrlbaux et claniques » 62• Le Carneroun independant region constituerait une sorte de Mayen Ägeafricain hennetique ala « moder-
lmagine par Um Nyobe sera reunifie et debarrasse de ses barrieresethniques. nite », comme la decrivent souvent les administrateurs, mais pa:rcequ'elle est
Pour marquer cette rupture entre le present et le futur reve, l'UPC se refere de traverscede confüts sociaux tres differents de ceux du Sud 66• La structure feo-
plus en plus a un intrlguant mot-promesse. L'UPCest en effet favorable a Ja dale, cible habituelle de l'UPC,cst ici assez solidement installee pour resister
reunification du« Kamerun11, ecrit a l'allemande, en rHercncc au temps Ollle cfficaccment a ses d~tractcurs. Ce systeme domine par les Peuls depuis lc
Cameroun etait uni. Sous In bottc allcmandc, mais u11l.l.'11tllhntlo11d'un mot xv111• si~clc cst en cffct tr~~ hl~rarchl5~: II s'artlcule autour de chefferies

9: 93
,. Ka111err111 lm\lw dom./1/i111plto
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/1m1(11/s la 1wlssm1ce
del'UPC(1947-1948)

appeles lamidats et faH la part belle ä l'autorite demesuree des differents coherence profonde avec son choix inltial de la non-violence. Um Nyobe est
« sultans », appeles !es lamibe. Mais l'UPC ne s'y est pas resignee, malgre !es un auteur prolifique, il est Je secretaire general, au sens du scribe, qui ecrit
grandes difficultes de communication entce Nord et Sud, et a tente d'y quantite de circuJaires, argumentaires, tracts et traductions en diverses
etendre son influence, rencontrant meme parfois quelque succes. A une Langueslocales, jusque dans la brousse de ses derniers jours. Dans un pays plus
epoque ou nombre de responsables politiques, sudistes ou nordistes, ont ete alphabetise que la moyenne des colonies africaines de l'epoque, le parti, a
tentes de separer ces deux territoires tres differents, les upecistes ont essaye, toutes ses epoques, a multiplie les publications: La Voix du Cameroun,Etoile,
contre vents et marees, de faire de leur organisation le creuset de Ja nation ä Lumiere, Verite... Soucieuse de ne pas se couper des masses, l'UPC developpe
venir. Felix Moumie, mute ä Maroua en 1951 en guise de punition par l'admi- egalement une !arge propagande orale, ä base de chants, de contes ou de
nistration, y sejourne comme en terre de mission. Temoignant de son soud veillees satiriques 72 •
d'etendre Je mouvement aupres de chacun de ses « freres », Um Nyobe ecrit ä Un langage original et rebeUe se cree, en reactivant des references du
son camarade : « II faut comprendre que l'espoir des colonialistes ne reste passe confrontees aux problematiques actuelles. De nouveaux mots apparais-
accroche que dans Je Nord. [... ] Ils essayeront d'utiliser le pretexte de Ja reli- sent, comme « vaJet » (nlimil, « celui qui ne dit rien ») ou « traitre » (dikokon),
gion et des coutumes. Tu as une assez riche argumentation pour leur faire pour designer ceux qui collaborent avec Ies colons, en allusion aux merce-
comprendre qu'aucune tribu du Cameroun ne menace une autre, aucune reli- naires sanguinaices utilises en Sanaga-Maritime durant la Premiere Gueue
gion ne menace une autre. [... ) Nos freres du Nord ne sont pas impenetrabJes mondiaJe par les differents belligerants 73• Positivement, Um Nyobe ancre son
aux questions nationales de notre pays 67• »
ideal de democratie dans un mot remis au goOt du jour, bijo, qui renvoie aux
L'UPC a connu dans ces regions, ä certaines periodes, de reelles victoires. pratiques precoloniales de deliberation. Cette communication se deploie ä
Un rapport de 1949 s'aJarme par exemple du « danger reel, actuel, pressant» toutes !es echelles, du coin du feu au meeting de plusieurs milliers de per-
constitue par une « offensive massive» de l'UPC au Nord 68 • De meme, ä l'est sonnes. Cette creativite linguistlque joue un röle evident dans l'influence
de la region Bamileke, dans Ja region Bamoun, Je chef de region, dans son rap- qu'exercera pendant des annees le parti mythique sur les esprits camerounais:
port annuel de 1951, est bien oblige de constater que « l'UPC forme un parti avant meme de prendre les armes contre le coJoniallsme, l'UPC a fait seces-
solidement encadre avec des porte-parole choisis pour leur virulence. La sec- sion dans !es esprits. De la brousse de la Sanaga aux bidonvilles de Douala,
tion locale creee en 1947 (sie) a manifeste une grande activite et s'est lancee ces declarations d'independance quotidiennes se multiplient. Mais au meme
en 1950-1951 dans une serie de conflits qui ont serieusement ebranle l'edifice mornent, a Paris, certaines elites economiques et politiques theorisent
69
administratif ». Dans Ja region de Ja Benoue, le rapport de Ja meme annee du l'impossibilite meme, pour les colonies fran~aises, de parvenir ä une .reelle
chef de region mentionne, lui, des « tentatives avortees de propagande extre- independance ...
miste » de la part de fonctionnaires « sudiens » (sie) aupres des musulmans 70•
La plupart du temps, en effet, !es comites de base nationalistes au Nord sont
animes par des fonctionnaires du Sud mutes dans ces regions, ou par l'lnter-
mediaire des commer~ants bamileke. Mais lls peinent Ja plupart du temps ä
trouver des relais locaux autochtones solides. Toujours est-il que, avant 1955,
l'UPC aurait compte dans Ie Nord« plusieurs centaines d'adherents » d'apres
l'armee fran~aise 71•
Petit ä petit, l'UPC construit dorre en son sein la nation dont eile reve,
unie et independante. La construction d'un mouvement national intereth-
nique s'accompagne aJors de l'invention d'un langage autonome, liberateur,
affranchi de la simple reproduction de Ja langue du colonisateur. n est revenu
ä l'hlstorien camerounais AchiUe Mbembe de resituer Ja gfoealogie cuJturelle
de ce qu'il appelle Je « proces de l'independance » (Nkaa Kunde en langue
bassa), en particulier au sein du monde bassa de Ruben Um Nyobe, ä partir
des archives, des chants et des temolgnages oraux qu'JI a pu rccueillir dans sa
reglon d'origine. L'UPC accordc i11le l111porta11ce prin1or(llnlc 011x 6crlts, cn

0;1
1J>t'f/l/llfl{ I! ., l'llfllfriw/111' •
/ <'f!/1~~1•1/1•/ '/11(1•11/t

5 debut i950, de ia Communaute europecnnc du charbon et de l'acier (CECA).


L.'operationa son importance dans le sens ou eile conjugue des considera-
Lepiegedel'interdependance
« eurafricaine
» tions econorniqueset politiques. Par le biais d'une cooperation internationale
fondee sur la reciprocite des interets economiques, la Franceayant besoin du
coke aJJemandet 1'Allemagnedu fer fran~ais,les dirigeants fran~aischerchent
aacceiereria phase de reconstruction du pays tout en anesthesiant les preten-
•Quanta ceux des pays, hier encore sous tuteUe, qui tions politiques d'un voisin allemand que beaucoup considerent encore
ont acqu.is l'independancc, lls retombent bientöt sous comme un ennemi potentiel'.
contrt\le discret, touchant au vif des lnterets, et gui ne
leUI la1sseque les apparences de Ja souveralnete, ce.lles Cet esprit de« co-operation ", au sens plein du terme, c'est-a-direau sens
qui enchantent de leunes c~ul'li: drapeaux sur les ed1- d'operations coordonnees entre Etats, infuse les reflexionsqui vont bon train
fices publics, louets couteux d'une ma1ine ou d'une ä la meme periode sur les reformes ä adopter dans la relation entre les metro-
armee. Et si chez nous, en Afrique ou en Asic, des
evolues a courte vue, escomptant Je depart de la
poles europeennes et leurs colonies,et entre les metropoleseuropeennes elles-
France, imaginent un avenir selon leurs reves, faut-11 memes. Le rapprochernent des pays europeens irnplique presque
leur rl!pcter que les ressources de leur pays, sa positlon mecaniquement, pour ceux qui en ont, une reflexion comrnune sur l'avenir
strateglque les Insolvent fatalement dans l'orbe d'une
grande puissance qui n'accepterait pas un Jour que le
des territoires qu'ils contrölent sur les autres continents.
desordre, maladle de crolssance, s'tnstallät au meprls C'est ainsi que remonte a la surface le concept d'« Eurafrique». Le terme
des lnterets generaux du monde. • etait apparu dans l'entre-deux-guerres,dans Je sillagedes premieres reflexions
Georges R. MANUE, 1948 1• sur la construction europeenne, avant d'etre utilise pendant la Seconde
Guerre mondiale par les puissances de I'Axe, qui concevaient les colonies
comme des reservoirsutiles pour l'econornie de guerre. Leconcept flotte donc
'
A
comme un refrain dans le debat public tout au long des annees d'apres-
peine eclos, le projet independantiste de l'UPC est percute par Ja guerre, particulierement ä partir de la fin des annees 1940, lorsqu'il apparait
guerre froide. Alorsque Je monde se divise entre !es membres du Pacte que les relations que les puissances coloniales europeennes entretiennent
atlantique et ceux du Pacte de Varsovie, !es empires colonfaux europeens avec 1'Asie,alors en plein trouble (guerred'lndochine, guerre de Coree), pren-
vaclllent sur leurs bases. Or, une vieille nation coloniaJe comme Ja France nent une voie differente de cellesqu'elles cooservent avec l'Afrique.
campte sur ses possessions outre-mer pour continuer ä exister sur Ja scene Mais l'avantage principal du concept d'Eurafrique, c'est surtout... sa
internationale. Pas question, des lors, de laisser l'Empire s'effilocher davan- vacuite: chacun y rnet ce qu'il entend en fonction de ses orientations ideolo-
tage. Pour Ja classepolitique hexagonale obnubilee par Je« rang de Ja France » giques, de ses calculs politiques ou financiers et des evolutions d'un monde en
dans le monde, mais qui Ia voit mise en ecbec en Indochine et qw doit bien pleine ebu!Htion. Les uns considerent l'Eurafrique comme Ja promesse d'un
prendre acte de l'effritement de son influence (comme en Syrie et au Liban, vaste marche commun liberalise,d'autres comme un moyen de mutualiser ä
territoires sous « mandat „ dans l'entre-deux-guerres,que Ja France evacue en l'echelle europeenne la defense (et Je financement...) des empires coloniaux.
1946), il parait indispensable de conserver !escolonies africaines... pour rester Certains, constatant .Jareticencedes Britanniquesä prendre part ala construc-
independant.
tion europeenne (ils restent a l'ecart de la CECA),y voient un moyen de
defendre les possessions africaines fran~aises et belges contre Ja perfide
influence des Britanniques sur Je continent et Ja volonte hegemonique des
Lemasque« eurafncain» Amerlcains.D'autres enfin, tels les gaullistes,considerent l'Eurafriquecomme
une baliverne de plus - comme en temoigne par exemple cette remarque de
A l'oree des annees 1950, un phenomene politique inedit vient rnodifier
les rapports de la Franceavec les territoires d'outre-mer africains: la construc-
tion europeenne. Lesdirigeants fran~aisde la IV' Republique~'engagent,sous
l'impulsion de Jean Monnet et de RobertSchuman, da11slc prorc~susde coo- ll II foul sc souve11lrq11'c11111:irsJ947 la rranccC't lc noyaumc,Unl slgnent unc alllance mlli-
talr,•, lc tr,1lt(•de l)unkcrqul', 011 eo~oul'un Oll l',111trc\Cralt • ä nouvcau cngagc dans des
p~rntion europöennc dont la prcrnl~rc concrölisotlon '-''' 1,1rn1l\tl1ullon, ho,tlllt(•) ,1YC(. l'Allcm,1111w •

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1
Michel Debre en 1958: « On parle beaucoup de l'Eurafrique. C'est u11mot qui possessions d'outre-mcr, a un moment ou l'economle fran~aise souffre de Ja
cache des pensees grandi.oses et d'autres malsaines. Derriere la vlslon d'une rarete et clu coi'.ltdu dollar, la nouvelle devlse mondlale".
entente entre le monde blanc et le rnonde noir, certains dissirnulent leur Dans cette conception « organique » de !'Union fran\'.aise, il est entendu
calcul: associer, dans un echange inegal, les matteres premieres de l'Afrique et que chaque « membre » est necessaire a la survle de l'ensemble. Alors qu'il ne
Ja capacite industrielle de l'Europe 2• » Ce qui n'emp~chera pas certains gaul- fait de doute pour personne que La«tete » de !'Union teste en France, et meme
listes de revendiquer plus tard le terme et, pour beaucoup, son esprit. a Paris, les plus temeraires, tlrant !es enseignements de la Seconde Guerre
Concept ala mode sous la rveRepublique, l'Eurafrique prefigure ainsJ ce mondiaJe, suggerent toutefois qu'elle puisse etre delocalisee su.rd'autres terri-
que l'on appellera plus tard, sous la v• Republique gauJllenne, la « Frarn;a- toires. Le commandement politique et militaire de la France libre ne s'est-il
frique ». Car, s'il y a bien une realite derriere les debats autour de l'Eurafrique, pas deplace, entre 1940 et 1944, de Douala aBrazzaville en passant par Alger?
c'est la volonte presque unanime parmi les dirigeants fran~ais de maintenir, N'est-ce pas de cette fa\'.on que de Gaulle a sauve la France?
meme sous des formes renouvelees, les liens tisses avec Je continent africain
quel que soit le devenir de l'integration europeenne et en depit de la vague
de decolonisation qui secoue le continent asiatique. Derriere le concept ecran L'Afriquecomme« zone de repli »
d'« Eurafrique >>,se cache la volonte de mobillser l'Afrique dans les combats
strategiques du moment, a !'heure ou s'afirontent !es blocs continentaux, de Partant de ce precedent histodque, les milieux militaires sont a l'avant-
reaffirmer Ja superiorite ontologique de Ja « civilisation europeenne » sur les garde de cette conception « organique », ou « mecanique », des relations eura-
peuples barbares et les Etats totalitaires et, surtout, de maintenir la domina- fricaines 6• Determines aredonner a la France sa grandeur d'antan et obsedes
tion politico-economique de la France sur Je continent africain. par le peril communiste Interieur ou exterieur, ils remettent l' Afrique au creur
n s'agit en somme, par Je biais d'un neo.logisme en forme d'euphemisme, des reflexions strategiques des Ja fin des annees 1940. S'ils doivent continuer
de moderniser le pacte colonial pour Je rendre acceptable dans un contexte aservir de reservoir de ressources agricoles, en temps de pai:xcornme en temps
international qui lui est defavorable. Les debats autour de l'Eurafrique de guerre, Ies territoires africains doivent aussi pouvoir devenir, en ces temps
s'accompagnent ainsi frequemment d'une denonciation d'un « colonialisme de guerre froide et de peril nucleaire, une zone de repli militaire.
d'un autre äge », brutal et suranne. L'heu.re, affirme-t-on, n'est plus pour la Un certain nombre de strateges militaires s'engagent dans cette reflexion
France a la « possession » d'un Empire sur lequel eJle regnerait en maitre eurafricaine. C 1est Je cas par exemple du general Octave Meynier, president
absolu pillant les ressources et brutalisant les habitants. Le temps est venu de l'Association des amis du Sahara et de l'Eurafrique, constltuee a Alger en
d'etablir de nouvelles relations, harmonieuses, equilibrees et coordonnees, decembre 1949. Avec sa revue, Eurafrique,dont le generaJ est le redacteur en
entre !es differents territoires qui composent un meme ensemble, Ja« France chef, et en organisant des raJlyes automobiles intercontinentaux, Jlassocia-
d'outre-mer », et d'unir ces populations autour d'un ideal et d'un dessein tion cherche ademontrer, en mots et en actes, l'unite symbiotique de !'Union
commun. Ce que resume en ces termes, des 1946, le depute du Senegal et de Ia fran~aise et la necessite pour Ia France de se constituer un glacis protegeant
Mauritanie Leopold Sedar Senghor, lui-meme partisan de !'ideal Ja « civilisation greco-latine » et la « securite europeenne ». Dans la meme
« eurafricain » : « A la periode d'occupation doit succeder Je temps de Ja veine, les cercles militaires fran\'.ais developperont l'idee que le Sahara alge-
cooperation 3• »
rien - ou l'on decouvrira bientöt du petrole - constitue le « poumon » vital
L'Union fran~aise est alors consideree comme un « puzzle», un « orga- d'un (<organisme » eurafricain dont les voies de communication africaines
nisme », dont chaque piece, chaque membre, doit etre solidaire de l'ensemble sont des « arteres )) indispensables 7• On retrouve ce type de reflexion sous la
pou.r en garantir l'integrite. <<Nous ne sommes qu'au commencement, au dif- plume de nombreux st.rateges militaires: l'amiral Raoul Castex (fondateur du
ficile commencement, de l'unite organique qui cherche a s'exprimer », College des hautes etudes de Defense nationale), le general Marcel Carpentier
affirme par exemple Robert Delavignette en 1946 4. On trouve ce souci de
« coordonner » les territoires d'outre-mer dans l'enrölement et l'envoi massifs
de soldats africains pour tenter de « recuperer » l'Lndochine - 60 000 y sont
envoyes entre 1947 et 1954 5 • Et c'est dans ce meme « effort' de rationalisa- a Le franc des rnlonlcs fra111;alses
d'Afrlque (CFA)est cree en decembre 1945, il sera reevalue
en octobre 1948. En ntfll 1951, cst crl!e un comltc tcchniquc de coordlnation de Ja zone
tion » des relations coloniales que s'organlse progresslvcment la « zone
rranc, qut dcvlcndrn offlclellemcnl lc Comll.6 mon~talrc de la zone franc en 1955 (voir :
franc » qui lie rnonetairement et ~conornlqucmcnt In m~t·ropolc ä ses UANUllIW1 • Ln I.OIICfruuc ., Nu/~ tl'/11(0111,ntlo,1,
1 FRANCI, n• l 27, c:www.banque-france.fr.>).

98 99
,,, 1111rl,rethc r/1111.)l'Emplrl' fr,111(11I,
• K11111m111 cI '1-15-1954) Ltrpl~S•',lc l'/111t
11,l~p1!11(/tlll(I! „
« c11m/1/rn/11e

(directeur de la Revuemilitalregenemle),Je general Jean Nemo ou l'ingenieur L'un des principes de la nouvclle politlque de defense qui se met alors
militaire Edmond Combaux. en place est celui de la "defense en surface ». Partant de l'idee que l'ennemi
La miseen avant de 1'Afdque comme zone de repli militaire se fait genera- est autant Interieur qu'exterieur, c'est-ä-direqu'il faut aussi bien se preparer a
lement sur le mode du regret. Ainsi l'amiral Castex analyse-t-il la defaite de combattre une eventuelle « cinquieme colonne » qu'un envahisseur, les stra-
1940 comme une consequence de l'aveuglement des responsables politiques teges militaires insistent sur la necessited'organiser la defense nationale non
d'avant-guerre quant a l'importance strategique des territoires africains. plus simplement sur les frontiereset sur des lignes de front, mais dans la popu-
« Ceux-ci, explique-t-il en 1952 dans la Revuede Defensenationale,permet- lation elle-meme,selon un nouveau « zonage » du territoire. « La defense du
taient en effet quantite de combinaisons en matiere de recul, de dispersion, pays se fait en surface, indique des le mois de mal 1947 le ministre de la
d'abri, de fabrications de guerre, de constitution de reserve d'approvisionne- Guerre, Paul Coste-Floret, ce qui entra1ne l'abolition de taute distinction
ments, sans compter les ressources de taute sorte, demographiques, mate- entre la zone des armees et celle de l'interieur et impose par voie de conse-
rielles,alimentaires, etc., qu'ils etaient susceptiblesde fournir eux-memes.En quence que tout le territoire est appele a organiser sa propre defense 11. » Se
outre, ce dispositif solide (comme tous les dispositifsen profondeur) etait emi- preparant ainsi a I'eventualite d'une guerre civile en metropole, les respon-
nemment propre a accroitre la puissance de la resistance et a permettre la sables fran~aisvont chercher ä identifier les « zones sensibles», cle de Ja sou-
duree indefinie de celle-ci. Nous avions la, en un mot, un arrlere providen- verainete de la Francesur son propre territoire, qu'il convient de surveilleret
tiel. IIeüt fallu, ä l'avance, l'organiserintelligemment et serieusement8 • » Fai- de defendre preventivement au cas ou l'ennemi viendrait äse manifester.
sant pour sa part aUusiona la resistance gaulliste a partir de 1940, le colonel Pour repondre a ces exigences, des « zones de defense » sont creees en
Serge-Henri Parisot ajoute : « Ce röle d'arrieres que les terrltoires fran~ais septembre 1950. Regroupant plusieurs regions militalres, centrees sur les
d' Afriqueont joue au cours de la demiere guerre contre l'ennemi centre-euro- points vitaux du pays, s'appuyant sur des elements civilo-militalreset dotees
peen d'alors, pourquoi ne le joueraieot-ils pas aussi bien dans le cadre d'un d'une certaine autonomie economique, chacune de ces zones doit pouvolr
conflit furur contre l'eventuel ennemi eurasiatique 9 ? » « resister» aux evenruellesmenaces, sous-entendu communistes, sur la souve-
La hantise de !'arme nucleaire,que les Etats-Unis,!'Union sovietiqueet le rainete nationale. Il s'agit, indiquc le ministre de la Defense et des Forces
Royaume-Uniseront les seuls ä posseder jusqu'en 1960, conforte le starut de armees Jules Moch en octobre 1950, d'une « reuvre nationale d'une impor-
l'Afriquecomme base de repli strategique. « La guerre atomique et thermonu- tance extreme, visant a la protection du territoire fran~ais par des moyens
cleaire valorise [...] l'Afriquepar rapport ä l'Europe occidentale, explique par fran~ais et marquant notre volonte absolue de maintenir en arriere des
exemple en 1958 le general Bodet, chef d'etat-major de Ja zone strategiquede theätres d'operations interallies nos prerogatives de souverainete natio-
l'Afdque centrale, devant les stagiairesde l'Ecole superieure de guerre (ESG); nale 12 ». La creation de ces « zones de defense » ne s'applique pas seulement
je pense meme que dans ce type d'hostilites, la possessionde!' Afriqueest indis- ala metropole. Ledomalne colonial se voit lui aussi reorganiseen « zones de
pensable ä l'Europe. Les cötes mediterraneennes d' Afrique perdues, taute defense » dont l'autorite est confiee aux representants de !'Etat sur place, gou-
l'Europe occidentale serait militairement neutraliseeet incapablede resistance verneurs ou Hauts Commissaires.Seront ainsi creees, par le decret du 5 Juillet
13
prolongee 10.,. Encas de guerre nucleaire,l'Afriquedeviendraitainsl, comme ce 1951, les zones de defense de l'AOF-Togoet de l'AEF-Cameroun •
fut en partie le cas pendant le dernier conflit mondial, une base de replipour les C'est dans le cadre de ces reflexionssur la « defense en surface „ et sur les
militaireset, evenruellement,pour Iespopulations civileseuropeennes. (< zones de defense » que les milieux militaires et polltiques fran~ais se pen-
chent sur l'industrialisation de 1'Afrique. Ou, plus exactement, sur son
« industrialisation strategique ». Un Comite des zones d'organisation indus-
« Defenseen surface», « zonesde defense» trielle de !'Union fran~aise est mis sur pled en decembre 1950. Place sous
et <<industrialisationstrategique» l'autorite directe du president du Conseil et compose de personnalites civiles
et militaires telles que Louis Armand, directeur general de la SNCF,ou le
Cet enthousiasme pour une organisation « eurafricaine » de Ia defense gencral Clement Blanc, chef d'etat-major de l'armee de terre, ce Comite a
fran~.aisen'est que la partie visibled'une politique qul s'est dessineedes L947, pour objet d'lmaginer des projets de« zones d'organisation industrielles et
au lendemain du debut « offtciel„ de la guerre froide et, cn Frnncc,de l'exclu-
sion des ministrcs communistes du gouverncment et de 1'1.'xpto,l<>n des ir~ves n Lc prcmlcr dcvlcndrn prc,ldcnl d'Eur,11omcn 1958, lc sccond dlrecteur de l'IHEDN cn
insurrectlon11cllesde l'automnc 1947. 19~5.

100 101
« Ka111<1r1111 brMie dm1sl'fünplte f)rm(ols (1945-J954)
», 1111e tr p/1',~1·
1/c-l 'l1111·1t11•111•11tl1111t1'.
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strategiques africaines » (ZOIA)prenant la forme de « grands ensembles » d'une reforrne « eurafrlcaine „ des rclatlons coloniales. "Ce qu'il disait,
industriels concentres sur les points strategiques. rcsumc fort l>ienPierrc Escoube,c'etalt la necessite d'une progressiveindus-
L'idee de ces ZOIAest de rendre possible la transformation effectivedes trialisation de l'Afrique fran~aisepar Ja mise en place d'un ensemble franco-
territoires fran~ais d' Afrique eo « zones de repli "· Tel est en tout cas l'argu- africain fonde sur la diversite des productions et la complementarite des
ment que developpe en 1949 Paul Coste-Floret,passe quelques mois plus töt economies. II soulignait l'importance d'une prospection miniere methodi-
du ministere de la Guerre ä celui de la Franced'outre-mer. « L'reuvred'indus- quement conduite, qui permettrait l'elevation du njveau de vie des popula-
trialisation [de l'Afrique fran~aise) ne peut etre con~ue et entreprise qu'en tions indigenes autant que l'apport ä la metropole des matieres premieres
groupant tous nos moyens et en les concentrant sur quelques points, c'est- qu'exigeait son essor Industrie!. Rejetant le spectre du pacte colonial, va1ne-
a-dire dans les zones offrant les meilleureschances naturelles et repondant, ment agite par des hommes qui s'obstinaient a penser dans le cadre des
en rneme temps, aux exigences strategiques, ecrit-il. Ces exigences strate- vieilles formules, i1 vouJait reconcilier le colonisateur et le colonise, associer,
glques me semblent, d'ailleurs, avoir ete heureusement determinees par l'etat- par les organismes d'econornie mixte, l'effort de l'Etat ä l'entreprise privee,
major dans le rapport du debut de Ja presente annee qui fixe notre actuelle mettre enfin l'armee (suivant l'exemple de la Rome imperiale) au service
doctrine militaire. Echelonnement en profondeur en Afrique, dispersion, de cette grande reuvre de prosperite materielle et d'affranchissement
constitution de zones industrielles destinees a desservir les bases aeriennes, bumaln 19. »
terrestres et maritimes, autant de principes et de propositions auxquels je De fait, outre l'importance primordiale des industries extractives
donne, pour ma part, une pleine adhesion 14.,. (petrole, bauxite, uranium, etc.) et de l'energie electrique (« le kilowatt, notre
L'homme auquel s'adresse ainsi Coste-Floret s'appelle Eirik Labonne. maitre ä tous », repete-t-il), les deux enseignements que legue ce genie dis-
Coordinateur des etudes politiques et economiques de !'Union fran~aise en cret sont, d'une part, l'interconnexion entre !es affairesindustrielles et mili-
1949, il devient l'annee suivante vice-presidentdu Comite des zones d'orga- taires et, d'autre part, 1'interdependance des territoires d'outre-mer. Si ses
nisation industrielle, dont il est en realite la cheville ouvriere. Personnage projets de zones industrielles strategiques en Afrique restent pour la plupart
meconnu de son vivant et comp.letementoubUedepuis, il apparait pourtant dans les cartons, Eirik Labonne est sans doute celui qui a le plus töt compris
comme l'un de ceux qui incament le mieux l'esprit de l'epoque. C'est Jui en que ce qu'on commence tout juste a qualifier de « cooperation • dans les
tout cas qui a le plus töt, et le mieux, synthetise les enjeux mllitaireset econo- annees 1950 constitue le meilleur moyen de maintenlr la souverainete fran-
miques que recouvre le concept trompeur d'« Eurafrique"· En raison de son ~aisesur l'Afrique. « Coordination, ecrivait-ildes 1932 dans ses Refl-exions sur
influence et parce qu'il insplrera en profondeur les strateges et technocrates l'economieafricaine,suppose groupement de realites vivantes et agissantes
fran~aisdans leur reflexion sur l'avenir industriel et militaire de l'Afrique, au avec un mlnimum d'independance 20 »•..
nord comme au sud du Sahara 15, iJ faut s'arreter brievement sur son parcours. Partant de lä, germera dans l'esprit de nombreux responsablespolitiques,
Ancien resident general au Maroc puis en Tunisie, ancien ambassadeur administrateurs et mllitaires l'idee que la possessionde territoires ultra-
en Espagneet en URSS,Eirik Labonne est plutöt considere comme un liberal marins importe moins que leur controle.Les plans visant alors ä eviter ou ä
sur le plan politique. Mais le diplomate est surtout un passionne d'economie retarder l'autonomisation des territoires d'outre-mer ne passeront plus prlori-
et un « veritable prophete de la prospection miniere 16 ». II est en effet ä l'ori- tairement par leur occupation dlrecte, mais par Ja mise en place d'un systeme
gine de la creation, des 1929, du Bureau de petroles et de participations beaucoup plus discret d'interdependances economiques. Ainsi, au moment
minieres (8RPM),organisme qui servira de modele apres la guerre ä la consti- meme ou les dirlgeants fran~is procedent, parce qu'ils n'ont pas le choix, a
tution des autres structures de prospection miniere et petroliere fran~aises.n une timide liberalisation politique dans les territoires d'outre-mer, alors
est egalement l'auteur en 1932, sous le pseudonyme d'« E.Jussiaume », d'un meme que commencent äse developperen Afrlquedes mouvements nationa-
ouvrage qui inspirera longtemps les specialistesde l'exploration et de l'exploi- listes,se met en place ä l'echelle "eurafricaine » un discret systeme de depen-
tation des ressources minerales en Afrique : Refl-exlons sur l'economienfri- dance visant ä resserreret a verrouiller les liens economiques et strategiques
17
caine • Reflexions qu'il poursuivra apres guerre devant les etudiants de entre la metropole et ses colonies. Le reve d'une Afrique independante, a
l'Ecole nationale d'administration (ENA) et devant lcs stagialres de peine exprime par les premiers mouvements nationalistes autorises, est dejä
l'IHEDN18• declarc caduc. « Lesgens senses ne sont pas, en effet, sans s'apercevoir a quel
S'll dccrit son actlvile de fn,on lapldalre {• je fni~de.~tro11,•, dlt-11),Elrik point est anachronique cn notre xx• siccle lc rcve d'une soi-disant indepen-
1obonnc 111<.'lloppnra1tpa, molm commc un dc:spo,tl~nn, ll'1 phi\ d~termlne~ dancc •, !>Cdclccte Louis-PaulAujoulat21...

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»

RolandPre,apotrede l'industrialisation nxcsde communlcatton se fassent sur le contl.11cntafrlcaln qul devient Je bas•
strategiqueet milita.risee tlon de Ja civilisatfonoccidentaJe».
Apr~savoir expose avec une minutie taute bureaucratique Jes differents
Bien qu'on ne sache pas exactement guel type de reJations IIenu·ctcnnll alouts de la Guinee, le gouverneur se lance dans une descriptlon de ce que
avec EirikLabonne, s1tant est gu'iJs se soient connus, Roland Pre fall con1111l· pourrait - et m~me de ce que devrait - selon Jui devenir le territoire. A savoir
lui partie de la « poignee de precurseurs [...] qui, dans l'indifferencegeneraJc, 11ne« zone d'organisation industrielle strategique » servant, ä I'instar d'auttes
preconisent une politique economique rompant avec le passe 22 » - c'c.~t 1erritoiresafricains, d'appui aux « bases mJlitaires, aeriennes et navales dis-
ä-dire prönant l'industrialisation accelereede!' Afrigueet sa mlse en « inter(!~ persees sur tout le continent ». Ainsi, si d'aventure une guerre devait se
pendance » avec la metropoJe. Pour cette raison et parce qu'il sera bientöt declencher en Europe, la Guinee deviendrait une zone de repli strategique
nomme Haut Commissairede Ja Franceau Cameroun, ll convient de s'arrCtcr pour les Europeens.
sur ce personnage et sur sa conception de!' Afriqueä l'oree des annees 1950. Pour transformer aussi radicalement et rapidement le pays et pour le
Ingenieur civil des Mines, diplöme de J'Ecole libre des sciences µoll, reodre vivablepour les Europeens,Roland Pre propose, toujours dans Ja lignee
tiques et de la FacuJtede droit, Roland Pre a quitte ses fonctions de directcu,· d'EirikLabonne, de rnobiliserl'armee. Celle-cis'occuperait d'amenager effica-
au Comite d'organisation du Bätiment et des Travaux publics en l 942 pour cement le terri.toire, de former !es populations locales aux techniques
rejoindre la Resistance (sous Je pseudonyme d'« Oronte »). Anime, des ccth• modernes et d'implanter leslaboratoires,les instituts de recherche, les equipe-
periode, par des « reflexes de chasse aux sorcieres » anticommunistes 23, II ments hospitaliers, !es institutions de culture scientifigue indispensablesä la
assure les fonctions de secretaire general de Ja Prefecture de police, comme vie des popuJations dans cette « zone >). Laquelle serait organisee autour de
adjoint d'AlexandreParodi".Ce n'est qu'apres Jaguerre, aJorsmeme gu'il n•e~t vastes « combinats », ä l'image de ce qu'ont realise !es Americains avec leur
pas du tout du seraU,qu'U entre dans J'administration d'outre-mer, d'abord grand « combinat fer-charbon des Grands Lacs» et !es Sovietiques avec leur
comme gouverneur du Gabon (1946-1948), puis de la Guinee (1948-1951). « combinat de l'Oural et de la Siberie».
A l'evidence, }'Ingenieur des Mines - qui deviendra plus tard president Grace ä une teUe rnilitarisation de son industrie, la Guinee deviend.ralt
du Bureau minier de la France d'outre-mer (BUMIFOM)- se passionne pour un pöle strategique permettant la « resistance prolongee )> de Ja France en cas
la Guinee, que chacun sait, depuis J'entre-deux-guerres, particulierement de conflit. Roland Pre ne se contente pas de propos theoriques. II consuJte
riche en minerais. Roland Pre se lance dans une vaste reflexion sur le h1ILH aussi les acteurs fran~aisde !'Industrie strategique. Formeä J'Ecoledes mines
« deveJoppementeconomique et social » du territoire, qui aboutira il la redac- et gouverneur du territoire Je plus riche du monde en bauxite (apres J'Aus-
tion en 1950 d'un long expose, de p.lusde deux cents pages, intituJeL'Aven/1 l'ralie),c'est assezlogiquement qu'il entretient des relations d'intimite avec les
de JaGuineefranraise24• Ce document s'inscrit dans Ja droite ligne des conccp industriels de l'aluminium, materiau utile dans ses usages civils mais jouant
tions technocratiques et prospectivistesd'Eirik Labonne. egalement un « röJecapital dans !es industries de defense nationale 25 ».
L'avenir de Ja Guinee, indique d'entree de jeu le gouverneur, doit @tr<.• Or, au moment meme ou Roland Pre se penche sur I'« avenir de la
envisage dans Je cadre plus large des evoJutions geostrateglques de l'apres- Guinee», les deux trusts fran~aisde J'aluminium, Pechiney et Ugine, se pen•
guerre. Etant donne Ja Situation politique, une « transfusion des forces vives chent sur J'Afrique, ses gisements de bauxite et ses ressources hydroelec-
de J'Europe vers l'Afrique [est] strategiquement necessaire, en raison de~ lriques - Jesdeux bases de l'industrie de l'aluminium. Leaderseuropeens dans
oppositions irreductlbJes aboutissant ä Ja division du monde en deux bloc~ leur secteur (la France est Je berceau historique de l'aluminium), ces deux
hostiles: spiritualisme contre materialisme, socletes libres contre regirnestk entreprises souffrent en effet, au sortir de la guerre, de la penurle de bauxite
contrainte, Occident contre Orient. Dans Jesconditions de la guerre modernc1 et du prix de J'electricite en metropoJe, ainsi que de la concurrence crois-
J'Europeoccidentale devient, de ce fait, un avant-poste frontlere. La strategl.<' sante des entreprises nord-americaines. Et ceJa ä un moment ou explose la
militaire, comme la strategie economique, exlge donc que le developpcmc111 consommation mondiale d'aluminium - Ja demande double entre 1950
de nos bases, l'implantatlon de nos zones Industrielles comme celle de IION et 1954, guerre de Coree aJdant, et doublera en moyenne tous les sept ans
dans les decennies suivantes. Pour ces deux entreprises strateglques, la seule
solulion, aussl bien pour s'alimenter en bauxite qu'en electricite bon marche,
a C'cst dans cc röl<'lJu'on rcl·rouvC'son I)rrso11n08C lo llv1c <JoI orry <"'0111111
cl(111s lll 1)01111 co11sistcdonc a se tourner vers 1'Afrique.Elles creent ensemble, en 1951, la
nlquc f .l1plcrre,l'nth brOh„t•II,ficlaptt' cn 1!1o(lnu ch1tlmriJ)Mn11110 C"ltlnwn1.
Soclete africaine de rechcrchcs et d'etudes pour l'aluminium (SAREPA), avec
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l'idee de constitucr en Guinee un « projet lntegr6 bau.dtc-ulurninc-alumi- ßertoua et Garoua; et deux polnts secondaires : le rescau ferre, les phares et
nium » qui, s'appuyant sur le glsement de bauxite de Kindla, pr~s de Conakry, balises. Pour chacune de ces « positions cles .., il convient de changer le statut
et sur le potentiel hydroelectl'ique du fleuve Konkoure, ressernblerait fort aux juridique de ces equipements et de s'assurer que de tels changements soient
projets de « combinats » de Roland Pre. Ce projet ne se fera pas 26 • Mais, rendus « acceptables » aux yeux des responsables politiques et de l'opinion
comme ceux d'Eirik Labonne, il ne restera pas sans suite. publique. Pour ce faire, l'idee est de mobiliser dlscretement des entreprises
privees de confiance ou des organismes publics ou parapublics, fran~.aisdans
les deux cas. De cette fa~on, les installations strategiques ne seront pas (<trans-
Controlerle Cameroun ferees de plein droit aux nouvelles autorites Jocales devenues souveraines »,
« en toutehypothese desouverainete» comme ce fut le cas par exemple en Syrie ou au Liban ; et« les interets fran~ais
pourront alors, en taute hypothese de souverainete, contröler la vie econo-
Pour comprendre pourquoi ce projet guineen ne voit pas le jour, il faut se mique du territoire ».
toumer vers le Cameroun. Et plus particulierement vers un document clas- L'auteur de Ja note suggere assez precisement quels montages pourraient
sifie « tres secret >>retrouve dans les Archives nationales camerounaises (ANY). etre organises pour subtiliser au Cameroun sa souverainete economique.
Redige deux: ans apres la creation de l'UPC, ce document indique assez claire- Ainsi, par exemple, les terrains d'aviation pourraient etre achetes par Air
ment l'etat d'esprit qui regne dans certains cercles fran~ais la fin des annees a France ou par les bases aeriennes, tandis que Je domaine immobiller et le
1940. Signee par la Direction des Affaires economiques et du Plan, cette « note materiel de la regie camerounaise des chemins de fer pourraient etre transferes
sur la souverainete fran~aise >> est sl revelatrice et d'un cynisme tel qu'elle a !'Office central des chemins de fec de la France d'outre-mer (OFERFOM).Le
meriterait d'etre citee integralement 27 • On se contentera icl d'en reveler les cas du port de Douala est « plus important et plus delicat aresoudre », car « il
principaux enseignements.
appartient de plein droit au Territoire ». La strategie consiste donc a dedasser
Partant du constat que la France perd du terrain dans ses possessions fran- le terrain de far;on a le faire tomber dans le domaine prive, puis a le vendre
~aises, au Levant comme en Indochine, et se trouve ctonc « brutalement ou a accorder un ball emphyteotique « a une societe privee ou d'economie
depossedee de tout atout economique » dans ces territoires, J'auteur ano- mixte apredominance d'interets fran~ais ». Ces deux operations, exigeant un
nyme de cette note indique l'urgence de s'inspirer de la « politique CQloniale decret du Conseil d'Etat et un accord de l' ARCAM, « ne devront donc pas
anglaise qui, lorsqu'elle est arnenee aeffectuer des replis politiques (Nigeria),. eveiller de soup~ons et etre conduites avec la plus grande prudence, souligne
sait s'assurer des points d'appui economiques places aux positions cles qui lui la note. Elles devront donc etre presentees comme assurant un avantage
permettent de rester rna1tresse de la situation generale, et d'assurer dans les irnportant pour le Territoire ».
meilleures conditions la defense de ses interets ». L'exemple britannique Au terme de ce programme de substitution, la France devrait a l'evidence
montre en effet que ces « points d'appui » permettent de garder la souverai- rafler la mise. D'une part, ce programme devrait eviter que « l'esprit gene-
nete de fait sur les territoires (ou, dans le pire des cas, de negocier en situation reux du FTDESrn'aboutisse] aux resultats catastrophiques des emprunts rus-
de force) en cas d'evolution de Jeur stahlt politique et juridique. ses• », mais il assurerait, d'autre part, gräce a la conservation des centres
Au Cameroun, pays strategique mais mal arrime a Ja metropole du fait de nerveux: du territoire, « une certaine pression politique permettant a la France
sa situation juridique particuliere et de l'influence dissolvante des territoires de jouer un röle d'arbitre entre les musulmans feodaux du Nord-Cameroun et
britanniques lirnitrophes, il est primordial - poursuit la note-de s'assurer que les chretiens fetichistes du Sud-Cameroun ». Il permettrait donc ä la France de
les lnterets prives fran~ais soient defendus efficacement et que les investisse- garder la haute main sur le Territolre.
ments publics recemment effectues sur le territoire dans le cadre du FIDESne Une operation cruciale, insiste la note, car « il ne faut pas oublier que la
tombent pas dans des mains adverses. Or, souligne Je document, « il est a peu position de la France au Cameroun conditionne la position de la France
pres certain que soit a la fin d'une troisieme guerre mondiale, soit eo 1956, dans taute l'Afrique centrale. Il est certain que celui qui tient Douala et le
c'est-a-dire dans six ans, le stahlt politique changera. II est peu probable que la
France verra son mandat reconduit pour une nouvelle pfoode decennale ».
La note identifie donc les differentes installations strategiques que la a Apr~s la revolution de 1917, le reglme sovletique refusera de rembourser les dettes
France doit conserver au Cameroun. Trols points priorltaircs: le port de contractccs d,rns les annces precedentes par te reglme tsarlste. De nombreux epargnants
fran.cntsnyunt lnve~tl,pendrrntdes d~cennlcs,dans des• cmprunts msses • vantes tant par
Douala, la centrale electrique d'Edca, lcs tcrrai11s d'nvlollon de Douala, lcs uulorlU':squc par lu presse hexagonales se rctrouveront rulnes.

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Carncroun tlcnt ~conornlqucmc111l'Oul>angui-Cltorl!0lludll' ( cntrafrlqucj Alors qu'Enelcam augmente sans cesse sa produclion d'electriclte, la
et JeTchad. La domlnalion econo,nlquc entraine, surtout don, lcs pnys neufs, SAREPA-societe fraichement creee, on l'a vu, par Uglne et Pechlney- mord
Ja domination politique, en raison du faible champ ~conomlquc de ccs pays. a l'hamec;.oncamerounais. Au lieu de poursuivre son projet d'usine d'electro-
Et Ja France,redulte au Gabon et au Moyen-Congo factucl Congo-Brazzavillel, lyse en Guinee, eile s'engage en 1953 a Ja construire a Edea. L'interdepen-
disparait en tant que grande puissance centrafricaine. II apparait donc comme dance a l'interieur de l'Union franc;.aisese met ainsi en place : la SAREPA
indispensable, et des malntenant, de sauvegarder certalnes positions qui per- utllisera au Cameroun la bauxite metropolitaine jusqu'a ce que !esgisements
mettront a Ja France d'etre maitresse de la Situation en Afrique centrale dans decouverts en Guinee puissent y etre substitues; l'aluminium camerounais
!es dix annees qui viennent ». sera ensuite exporte vers la France metropolitalne. « Pour la premiere fois sera
renverse le courant traditionnel d'exportatlons de matieres premieres des ter-
ritoires vers la metropole et des produits fabriques de la metropole, qui fera
Combinat Enelcam-Alucam, traiter outre-mer ses propres matieres premieres, s'enthousiasme le ministre
l'interdependance
contrel'independance de la France d'outre-mer, LouisJacquinot, a l'occasion de l'inauguration du
barrage debut 1954. ]'espere que cet exemple sera medite par tous ceux qui,
28
Parmi les « positions » mentionnees par la note de Ja Direction des par legerete ou parti pris, nous accusent de pratiquer le pacte colonial • »
Affaireseconorniques figure, on l'a dit, la centrale electrique d'Edea. Offlciel- Avant de lancer leur entreprise d'aluminium au Cameroun (Alucam),
lement, l'idee d'implanter une centrale hydroelectrique sur l'immense fleuve Pechiney et Ugine ont cependant certalnes exigences : elles veulent garantir
Sanaga est le resultat de la traditionneJle « generosite » qui caracterise, a en leurs investissements au cas ou le Terrltoire viendrait ä s'emanclper de la
croire ses thuriferalres, l'reuvre coloniale fran~ise. A cette date, Je Came- tutelle franc;.aiseet reduire au maxlmum les coiits de fonctionnement de leur
roun est sous-alimente en energie electrique, ce qui gene le developpement nouvelle usine. Elles trouveront, dans les deux cas, une oreille conciliantc
economique et social du territoire cornme Ja vie quotidienne de ses habi- ctans l'administration franc;.aise.En octobre 1954, le ministre des Finances,
tantsa. Pour mettre fin ä ce desagrement, Ja compagnie EDF,fraichement Edgar Faure, et le nouveau ministre de la France d'outre-mer, Robert Buron,
nationalisee, avait etudie des 1946 I'lmplantation d'une centrale bydroelec- ecrivent aux patrons d'Ugine et de Pechiney une lettre fort rassurante sur le
trique su.rJe fleuve Sanaga. Gräce aux fonctsde la Caisse centraJe de Ja France prernier point, en les assurant qu'en cas de « changement de stat\Jt du Came-
d'outre-mer et du FlDES,cette centraJe sera construite a Edea,en pJein « pay.s roun » Iesautorites franc;.aisesdefenctraient avec ardeur les interets d'Alucam,
bassa», par la soclete mixte publique-privee Enelcam, creee en 1948. Pechiney et Ugine 29• Quant au second point, la balsse des coOtsde fonction-
L'endroit est strategique : situe ä 80 kilometres de la capitale economique, nement de l'usine d'electrolyse, les industriels sont la encore bien accueillis
Douala, il borde la route et Ja ligne de chemin de fer menant a Ja capltaJe poli- sur place. C'est avec Louis-Paul Aujoulat, ancien ministre de La France
tique, Yaounde. d'outre-mer et president de !'Assembleeterritoriale du Cameroun (ATCAM,
Derriere Ja generosite affichee, il y a evidemment des interets econo- nouveau nom, depuis 1952, de l'ARCAM)jusqu'en avril 1954, qu'ils prepa-
miques, locaux pulsque l'electricite est une des conditions sine qua non de rent la convention d'etablissement de leur entreprise, laquelle convention est
l'industrialisation voulue du Cameroun, mais aussi imperiaux. Cherchant ä slgnee par ... Roland Pre en personne, a l'instant meme ou, fin 1954, il est
identifier les partenaires franc;.aisqui permettraient d'assurer ä long terme Ja nomme Haut Commlssaire de la Republique franc;.aiseau Cameroun.
souverainete franc;.aisesur Ja centrale d'Edea, Ja note de la Direction des Attache al'idee des combinats industriels et strategiques, Roland Pre n'en
Affaireseconomiques et du Plan suggere, pour garantir une mainmise fran- est pas moins convaincu que l'interdependance dolt rester, comme il l'expll-
c;.aisedurable sur Je barrage d'Edea, une « augmentation de capital par appel, quait dans L'Avenir deJaGuineefranfaise en 1950, Je maitre-mot de Lamlse en
par exemple, d'Ugine, que cette demiere societe devienne grosse consomma- place d'une « vaste organisation de I'economie eurafricalne sous contröle
trice ou non d'energie ». franc;.ais». II donnait meme un exemple qui prendra tout son relief lorsqu'il
sera nomme au Cameroun, quatre ans plus tard : « On conc;.oitfacilement
qu'il est lnutile d'installer de puissantes centrales hydroelectriques dans notre
a • Yaoundecst la sculccapltah.>qucf'al vlsll~-et f'cn al vlslt~bcaurnup. . m) on wcogne
Guinee s'il n'y a pas, au moment ou elles commencent a debiter, une non
cn sc promcnant In null dans lcs ruC)1•, •~molgncJe foumnll\lc <luMvmtr A11d1~lllanchct. rnoins puissante Industrie lourdc capable d'en absorber la production ; de la
de rl'lour du Cnn11:rounc111949. m~mc mani~rc, il n'cst pas possiblcde montcr des usines cl'clectrometallurgie

108 109
lf KtmU!nlll ,., 1111e
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(191JS-19S4) l,11pi~St!,II-/ 'l11tc:1,ll'pe11il11111 lt11l11c
,, " e11m/r »

pour l'aluminium si elles ne peuvent compter quand elles demarreronl sur la Unedou.ceodeurde petrole
... et d'uranium?
fourniture du courant ä bon marche provenant des eaux de nos monta-
gnes. Ainsi tout se tient. 11y a interdependance dans le temps et l'espace des Une autre source d'energie interesse au plus haut point, en ces annees
objectifs poursuivis ; des activites ä mettre en place, des moyens ä y 1940 et 1950, les interets industriels et geostrategiques fi:an\ais : le petrole.
appliquer. » Et, dans ce domaine, un troisieme pe-rsonnage merite, aux cötes d'Eirik
En effet, « tout se tient » : consolidant le premier accord avec Pechiney Labonne et de Roland Pre, d'etre mentionne : Pierre Guillaumat. Admirateur
et Ugine, Je nouveau Haut Commissaire de la France au Cameroun en signera d'Eirik Labonne avec qui il travailla en Afrique du Nord avant guerre, poly-
plusieurs autres dans Ja foulee, offrant ä Alucam un regime fiscal avantageux, technicien du Corps des mines, l'homme s'est forge apartir de 1945 une veri-
des prets publics ä taux reduits, une reduction du prix de l'electricite pour son table legende de « tsar >, de l'energie fran~aise. A ce titre, il mettra au point
usine et une exemption totale de droits de douane, ä l'importation pour la un utile systeme d' « interdependance » entre !es territoires d'outre-mer et la
bauxite et ä J'exportation pour J'aluminium, au port de Douala. Sur ce der- metropole.
nier seront d'ailleurs amenages, sur fonds publics, deux quais specialement Directeur des Services des carburants et agent des services secrets de la
reserves aux activites d'Alucam. Voilä comment, par effet d'« interdepen- France libre (Bureau central de renseignements et d'action, BCRA)pendant Ja
dance dans Je temps et l'espace », on « fournit du courant abon marche » ä un Seconde Guen:e mondiale, il convainc Je general de Gaulle de l'importance,
des poids l.ourds de l'industrie strategique fran~aise tout en s'assurant discre- pour la France, de conquerir rapidement son independance energetique. Le
tement Je contröle economique sur le territoire•. second conflit n'a-t-il pas montre, plus encore que celui de 1914, combien le
Enelcam leur facturant l'electricite ä un tarif quatre-vingt-trois fois supe- contröle des zones petrolieres etait determinant? Le conflit termine, Je
rieur ä celui qu'elle offre ä Alucam, !es Camerounais n'auront aucun mal ä petrole est en passe de supplanter le charbon comme source d'energie princl-
comprendre la mystification ä laquelle se pretent ceux qui decrivent les instal- pale consommee dans Je monde. Pour <.<conserver son rang» et cesser de
lations d'Edea comme l'amorce de nouvelles relations franco-africaines. dependre des trusts petroliers anglo-saxons, la France doit diverslfier ses
« Loin d'etre !'inverse du colonialisme, resume Richard Joseph, Alucam mon- sources d'approvisionnement et trouver de nouveaux gisements.
trait comment on pouvait le pousser ä son point extreme 30• » Premiere pro- Pour realiser cet objectif ambitleux, Pierre Guillaumat devient, en 1945,
ductrice d'aluminium d'Afrique et neuvieme mondiaJe, l'usine restera de fait directeur du Bureau des recherches de petrole (BRP),fonction qu'il conserve
un Etat dans !'Etat, une enclave fran~aise dans l'economie strategique came- pendant quatorze ans et qu'il cumule avec celles de directeur du Commissa-
rounaise, pendant des decennies 31 • Et, ajoutera quelques annees plus tard riat ä l'energie atomlque (CEA)ä partir de 1951 et de president d'EDF ä partir
l'agronome et specialiste de!' Afrique Rene Dumont, Ja mise en « complemen- de 1954. Pape fran~ais du petrole, du nucleaire et de l'electdcite, Pierre Guil-
tarite » des territoires d'outre-mer permettra aux industriels fran~ais, apres !es laumat devient, en 1958, ministre des Armees. C'est sous la houlette de cet
independances de la Guinee et du Cameroun, d'eviter les nationalisations 32••• ingenieur des Mines tout-puissant - de Gaulle le surnommait simplement
!'«Ingenieur» - que la France de Ja IV• Republlque construit son indepen-
dance energetique ·13•
Comme pour !es autres matieres premieres, c'est surtout vers les terri-
toires africains d'outre-mer, de l'Algerie au Congo, que s'orientent !es regards
et les investissements du BRP.Nul ne sachant a priori ou l'on trouvera des gise-
ments exploitables, Ja moindre trace de petrole, aussi hypotbetique soit-elle,
a Pour couronner le tout, Jacques Marchandise, ancien de JaCaisse centrale de la France suscite un fol espoir. Le Sahara algerien offre tres vite de belles perspectives,
d'outre-mer et ancien chef de cablnet du ministre d.e la France d'outre-mer, Louis Jac- qui se concretiseront en 1956, en pleine guerre 34. Mais I'Afrique centrale est
qulnot, entre 1952 et 1954, devient en 1955 dlrecteur delegue du groupe Pechiney cha.rge egaJement riebe de promesses. Car l'on sait depuis l'entre-deux-guerres que
des grands projets internationaux de l'entreprlse (en particulier cn Guinee et au Came-
roun). Rejoignant l'industriel fran\als, il qultte ses fonctlons de directeur adjoint au l'arc allant de Ja Gold Coast (futur Ghana) ä !'Angola en passant l'AEFabrite
Bureau mlnler de la France d'outre-mer (BUMIFOM) ... dont Roland Pre cst nomme dlrec- potentiellernent de gigantesques reserves d'hydrocarbures 35 •
teur l'annee sulvante (voir Florcncc HACt'lEZ-LEROY, • ~tudc d'unc rclarion Pour les possessions franr;aises de la zone, tous les espoirs sont donc
ambigu!!. Jacques Foccarr et l'cnl reprisc Pechlney •; el Jncquc~MA~CIIAN0t~E. • Ternol-
gnage •, Les Calilers d11Cmtre dt' rt"clrl'frlrrs /1l,wulqurs, nb 30, 2002 (<'crnsultobic ~ur:
pcrmis. Le BRPde Plerre Guillaumat lance de vastes plans de prospection en
<ccrh. rcvucs.org>), AH el nu Cameroun. Alors que la presence de petrole se confirme, il y

110 J 11
brhlw
« K1ll1/(!fllll », 11111' 1l1111s
l'.emp/r('frtlllf/llS (1945-1954)

implante deux filiales: la Societe des petroles d'AEF (SPAEF)en 1949 et la 6


Societe de recherche et d'exploitation des petroles du Cameroun (SEREP-CA)
en 1951 (elles deviendront plus tard des filiales locales d'Elf) 36• Harosurl'UPC(1948-1954)
Si les gisements du Gabon apparaissent plus importants, les efforts de
prospection frarn;:aisn'en sont pas moins intenses au Cameroun et notam-
ment dans le tres strategique estuaire du Wouri, ou sont construits le port et La
ville de Douala. C'est Laqu'on decouvrira, comme s'en rejouira un joumaliste • Pendant slx ans, !'Union des populatlons du Came-
de la radio franr;:aiseen 1956, un « reservoir de gaz sous tres forte pression » roun a fait face et continue il faire face ä l'hostlllte Ja
plus violente des autorites fran\aises. [... ] II faudralt
(a Souellaba) et un « reservoir d'une huile excellente ►> (a Logbaba). « On peut
faire un Livrepour termJner le recensement des focc11s
deja affirmer, conclut le joumaliste, qu'il existe au Cameroun des promesses qul collaborent avec la pulssance pour combattre
extremement serieuses et, avec celles du Sahara et du Gabon, les plus impor- nette ocganlsation. •
tantes actuellement de toute ]'Union fran9aise 37• » Ruben UMNYöBt,
Forts de ces decouvertes petrolieres, certains observateUis ctecrivent le lettre au Haut Commlssalre, 27 avriJ 1954 '.
Cameroun comme la nouvelle « avant-garde » d'une France d'outre-mer rege-
neree et triomphante. « Si la petrochimie semble l'un des futurs atouts econo-
rniques du Cameroun, l'electrometallurgie offre des perspectives non moins
favorables, peut-on par exemple lire dans La Tribunedes nations debut 1957.
[... ] Un gisement de tungstene, situe a Goutchourni, aune trentaine de k:ilo-
metres au nord de Garoua, est en cours de prospection. Enfin, le sous-sol
camerounais recele, semble-t-il, des rninerais radioactifs. Le Comrnissariat a
l'energie atomique a commence des recherches sur un perimetre de
A u moment de la naissance de l'UPC, en 1948, l'adrninistration crolt
etre venue a bout des tensions de l'apres-guerre. Andre Blanchet,
auteur pour Le Monded'une serie de reportages en 1949, minimise le mouve-
150 000 km 2 • Les chances de decouvrir de l'uranium sont d'autant plus ment nationaliste emergent. « Sans se departir d'une indispensable vigilance,
grandes que ce meta! accompagne generalement l'etain et le tungstene dans recommande-t-il, on ne saurait [... ] envers ces agitations superficlelles user de
ses gisements 38• » methodes repressives qui, par definition, ne resolvent rien. La tactique Ja plus
Pour !es elites franr;:aises,en mal de puissance en ces annees 1950, unter- efficace pouc en venir a bout est au contraire, on l'a compris, ·dans une poli-
ritoire qui offre tant de richesses potentielles merite decidement qu'on s'y tique humaine, liberale sans demagogie, orientee vers des realis.ations sociales
attache ... concretes et l'amelioration constante des conditions de vie, concurremment
avec un affermissement de l'autorite et ie regne de la justice 2• » Helas, on a
vu que cette « politique humaine, liberale» cholsie par Paris s'accommodait
deja fort bien du double college, des discriminations et du travaH force. Alors,
confrontee a la contestation de l'UPC, eile va donner toute Ja mesure de son
autoritarisme. La metropole, qui realise bientöt l'ampleur du danger upeciste,
n'entend rien lächer de son pouvoir au Cameroun.
Les annees 1950 offrent de ce point de vue un aper~u assez exhaustif de
toutes !es strategies possibles et imaginables aJa disposition d'une administra-
tion coloniale pour neutraliser un mouvement nationaliste. Il ne s'agit pas .ici
d'initiatives individuelles d'administrateurs autoritalres, mais d'une poli-
tiq ue globale, propre a !'Empire franr;:ais dans son ensemble, decidee au
ministere de la France d'outre-mer a Paris. Les atteintes aux libertes sont
lnnombrables, qu'il s'agisse de mutations de fonctionnaires, de plaintes sans
fondement a repctition, d'Interdiction de reunions, de surveillance genera-
llscc, d'lntimldiHions, de fraudes eiectorales ou d'emprlsonnements. Sur

113
», wie
« Kt1111en.111 br~c//edt111sJIJ!.mplre
/tllll(t1h ( I9 1IS-1954) //n,11 ~llf / 1UPC(J91/8-19S4)

toutes ces methodes, !es temoignages d'administrateurs coloniaux encore en partout ... sauf dans la region qu'il admlnistre 4 • San Marco admet d'ailleurs
vle ou ayant redige leurs Memoires sont accablants - et enonces sans remords que ce particularisme local n'etait pas lie ason charisme personnel, mais tout
particuJiers, tant etait ancre le sentiment que Je trucage de la vie politique par simplement... aux irregularites comrrtises par son adjoint Frarn:;oisCalisti.
Ja puissance administrante s'accomplissait « pour Ja bonne cause ». Douala Manga Bell n'a finalement pu l'emporter que parce que l'adrrtinistra-
Pourtant, au-dela des violations quotidiennes du droit frani;:ais lui• tion n'etait pas unanime contre ce nationaliste d'operette, qui se revelera plus
meme, l'achamement de l'administration fran~se contre l'UPC, meme avec que docile une fois elu.
des moyens legaux (comme sa disqualification par la propagande), viole en En revanche, quand !es enjeux sont plus importants, l'administration ne
lui-meme l'esprit de Ia tutelle onusienne. N'oublions pas que la France etait laisse rien au hasard. L'administrateur Jacques Rousseau est parfaitement
censee, envers les Camerounais, « favoriser [... ] leur evolution progressive vers clair : « La designation des Ieaders camerounais, explique-il, 9a se passait au
la capacite ä s'administrer eux-memes ou l'independance, compte tenu [... ] niveau du Haut Commissaire ou du gouvernement ftan~ais 5 • » Le trucage sys-
des aspirations lfürement exprimees des populations interessees » (article 76 tematique a meme ete confirme a l'historien Richard Joseph par le directeur
de Ja Charte des Nations unies). Selon les textes de l'ONU, l'administration des Affaires politiques au Cameroun de 1946 a 1951 6 • Ainsi, aux elections
fran~aise aurait du jouer Je röie d'arbitie, et non pas d'opposant irreductible legislatives de juin 1951, le danger devient pressant, puisque c'est Um Nyobe
aux upecistes. On ne peut pas comprendre pourquoi certains nationafütes lui-meme qui, pour la premiere fois, se presente devant les electeurs. Contre
camerounais ont pris les armes, en 1956, si l'on oublie que leurs muJtiples et lui, la fraude ne prend pas seulement la forme du bourrage d'urnes. Tout
patientes tentatives de participation dernocratique au pouvoir ont ete syste- d'abord, l'administration commence par attendre le dernier moment pour
matiquement reprimees. accepter sa candidature, l'empechant ainsi de faire campagne. Ensuite, les
cartes d'electeur sont distribuees plus ou moins largement en fonction du
degre de « francophilie » suppose de chaque territoire. Dans le meme ordre
Truquer:genealogie
de la fraudeelectorale d'idees, les fiefs upecistes sont beaucoup moins dotes en bureaux devote, for-
au Cameroun ~ant !es electeurs a de longues marches ou ades heures d'attente pour glisser
leur bulletin dans l'urne. Toutes ces irregularites grossieres sont d'autant plus
La Constitution de Ja rv•Repubiique, blen qu'etablissant une Union fran- faciles a commettre que les scrutateurs nationalistes sont rarement acceptes.
~aise autoritaire, assigne ä Ja France la « mission de conduire !es peuples dont Enfin, Ja fraude consiste aacheter des voix par tous les moyens possibles. Cela,
eile a la charge aJa liberte de s'administrer eux-memes et de gerer democrati- Um Nyobe s'y refuse et, de toute fa~on, n'en a pas les moyens. «Je n'ai aoffrir
quement leurs propres affaires ». Mais, sur le terrain, !es fonctionnaires aux electeurs ni aperitif ni diner pour !es interesser ama personne ,1, ecrit-il 7.
fran~ais sont loin d'offrir a leurs administres un exemple de democratie. Le Lesresultats, eloquents, sont presque un aveu. Lors de cette election, dans une
trucage des elections, pratique courante dans Je Cameroun d 1aujourd'hui 1 a circonscription englobant tous les bastions upecistes du sud-ouest du Came-
en realite ete inaugure par la Fraoce coloniale. C'est ce qui explique que roun, Um Nyobe, leader inconteste du seul vrai parti du pays, n'obtient que ...
l'UPC, de Ioin le « parti » Je plus populaire du Territoire, n'ait jamais reussi a 3 084 voix !
envoyer le moindre elu au Parlement fran9ais ou a!'Assemblee territoriale du Existe-t-il une quelconque marge d'incertitude, un degre meme minime
Cameroun (ATCAM).Rien d'exceptionnel ici, tant la fraude electorale orga- de choix politique laisse aux Camerounais ? Interroge sur cette question,
nisee est une constante de !'Empire fran9ais 3• Andre Bovar, secretaire general de cette Assemblee territoriale hermetique aux
Signe du parti pris de l'administration, l'expression de « candidats admi- contestataires, temoin privilegie de quantite de petits arrangernents avec Ja
nistratifs » revient sans arret, dans l.esdebats de I'epoque, pow· designer ces regle, se gratte la tete. « Ben, ils votaient... Ils votaient.. ., nous expligue-t-il
joueurs favorlses par I' « arbitre >>.Ce traitement de faveur commence au sans conviction. Enfin, il n'y avait pas tellement de choix. Dans Je Nord, c'est
Cameroun des le premier scrutin, en 1945, pour l'election de la ConstHuante. le sultan qui devait etre d'accord, quand i1n'etait pas candidat lui-meme. Psy-
L'administration cherche a faire elire un de ses proteges, le chef traditionnel chologiquement, c'est comme si le sultan votait pour les gens. Si l'UPC n'a
Andre Fouda, contre le populaire Douala .Manga Bell. Louis Sanmarco, alors jamais eu d'elus, c'est parce qu'ils n'ont jamais eu ni le soutien des suJtans au
chef de region d'Ebolowa, dans le centre du pays, conflrme dans ses Memoires Nord ni celui des missionna.ires au Sud 8• »
qu'il « faisalt voter » contre Douala Manga Bell, Jug~trop proch('clcsmlsslons En effet, en plus des fraudes'et du clientelisme, il faut compter sur la
amfalcaines. Et avcc succ~s.soullgnc-t-11,pulsqu~ Cl' c1111<1ldr1t111,lvcro cn tetc chapc de plomb rcllgieuse dans le Suclcatholique, oules ev~ques font et

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•, llllf' l,rn lir 1l11tl\ l'tm/1l1,•/t1/II\111\( l 1>-15


I '15-1) 11111(}llll l'UI\' (, 948·, 9S·I)

defont les candJdats. Et, au Nord, aucune espece de libcrt~ Individuelle n'cst C'est le pain quotidlen des adminlstrateurs, appclcs a faire la pluie et le beau
toleree au sein du systeme des lnmidats peuls hlerarchises a !'extreme. Dans tcmps a travers le pays, sans reel contrc-pouvoir. Politiquement en effet, !es
cette partie du Territoire, ou les sultans ont droit de vie et de mort sur leurs annees d'apres-guerre donnent lieu a un transfert d'influence des « vieux
sujets, ou les populatlons kirdi « pai'ennes » sont dans uo etat proche de Camerounais », les colons, vers les fonctionnaires, mieux structures qu'aupa-
l'esclavage, inutile de dire qu'on fa.itpeu de casdes bulletins devote ... Le chef ravant. Les postes politiques, par exemple a !'Assemblee territoriale, passent
de la region du Diamare (Nord), Maurice Delauney, dont on reparlera longue- peu ä peu des chefs d'entreprises aux fonctionnaires frani;ais et, surtout, sont
ment par la suite, depeint avec fidelite, humour et une bonne dose de cynisme peu ä peu devolus aux Camerounais, du moins ceux adoubes par l'adminis-
l'ambiance d'une election pilotee par l'administration coloniale dans tration. Les vrais maitres du territoire sont alors le Haut Commissaire et son
cette partie du territoire : « Le jour du scrutin, c'etait Ie folklore. Certains cabinet, les chefs de region et de subdivision ...
chefs de bureaux devote, pour faire "bonne maniere", avaient tendance Les « colons de combat » caricaturalement brutaux ont donc laisse place
ä "bourrer" un peu les urnes. Et, a !'heure du depouillement, on comptait ade veritables administrateurs de combat, plus subtils, pilotant le pays avec
plus de bulletins que d'electeurs inscrlts l Mais tout etait remis en ordre sur le une equipe de seulement 1 300 fonctionnaires 12 charges d'etouffer la contes-
proces-verbal9 ••• » tation grandissante. Bien que tres jeunes et censes ~tre arumes de 1'«esprlt de
Simples abus locaux, ä mettre sur le campte du manque d'experience de Brazzaville», les nouveaux hommes forts du pays n'ont pas l'habitude de par-
ce type de scrutin dans des regions reculees ? Pas tout a fait, car c'est bien Je tager le pouvoir. La lutte contre l'UPC absorbe l'energie de l'administration,
pouvoir fran~s qui en est la caution, sinon l'instigateur. « Certains hommes meme de ses recrues !es plus recentes, et les chefs de l'UPC deviennent la
poUtiquescependant, poursuH Delauney, se reclamaient d'un parti metropo- « mlgraine du pouvoir 13 », en particulier des policiers, dont les rapports men-

litain. Et si leurs options personneUesetaient conformes ä celles des dirigeants suels sont presque entierement consacres aux activites politiques d'un partl
de !'heure et, en particuller, acelle du ministre de Ja France d'outre-mer, ils pourtant rigoureusement pacifiste et legaliste. Au moindre pretexte, les sleges
etaient soutenus par l'administration Iocale. C'est ainsi que pendant de locaux de celui-ci sont perquisitionnes, leurs archives, leur materiel ou leur
longues annees, un admlnistrateur martiruquais, Jules Ninine, membre actif argent sont saisis sans recours posslble ii.
de la SFIO,reussit ä representer, a 1'Assembleenationale fran~aise,les popula- Cette repression au quotidien, rarement spectaculaire, est orchestree par
tions islamisees du Nord-Cameroun 10 ! » Ainsi se font et se defont, dans les Andre Soucadaux, elegant Haut Commissa1_re de 1949 a1954, d'une prestance
territoires fran~s d'Afrique, les parcours politiques ... et d'un humour atoute epreuve. Ceux qui ont travaille avec ce sympathisant
L'administrateur colonial Guy Georgy, alors a l'aube d'une belle car- de la SFJOlouent son ouverture d'esprit et sa moderation. Mais la face cachee
riere, est peut-etre celui qui exprimera avec le plus de franchise, quarante ans de son pouvoir est un ensemble de ficelles, subtHesou grossieres,qui lui per-
plus tard dans JeuneAfrique,cette violation du Librechoix des Camerounais. mettent d'imposer la souverainete frani;aisesur le Territolre. Acette epoque,
II decrit en effet comment, en 1947, il a pousse un agent des PTT, äge de les gouvemeurs SFIO sont souvent en opposition frontale avec les nationa-
23 ans, aentrer en politique: «Je l'avais fait elire delegue a !'Assembleeterri- listes africains. C'est le cas de Paul Bechard, qui lutte pied ä pied en Cöte-
toriale. On avait quasiment fait voter pour lui, en mettant des paquets de bul- d'Ivoire contre le PDCl d'Houphouet-Boigny. C'est le cas egalement de
letins dans les urnes. Mais c'etait pour la bonne cause u. » La revelation est Soucadaux au Cameroun. « 11cachait tout, temoignera plus tard Robert
d'autant plus lourde de consequences que ce jeune postier de Maroua ainsi Buron, qui eut l'occasion de le frequenter alors qu'il etait ministre de la France
transforme en conseiller territorial est appele ä une fulgurante ascension dans d'outre-mer dans le gouvernement de Pierre Mendes France. Taut etait tra-
le Cameroun independant, dont il sera le premier president. 11s'appelle fique. En utilisant la corruption et !es forces de poUce, ils arrivalent a main-
Ahmadou Ahidjo. tenir les choses a peu pres en ordre. La domination coloniale s'est maintenue
avec le soutlen des Lamibe (dans le Nord) et des chefferies dans le Sud... Cette
15
politique aurait conduit par la suite a une catastrophe • »
Harceler:provocations,intimidations A la hautcur de ses moyens, Soucadaux a en effet mis la societe politique
et« guerillapsychologique » camerounalse sous etroite surveillance policiere. Andre Bovar explique par
cxemplc quc Soppo Prlso, pourtant president de 1'ATCAMa partir de 1954 et
Mais la forme de trucage des elections la plus dfosive est ailleurs : eile aml du! laut Commissalre, faisalt adresscr ses corrcspondances ades Fran~is
conslstc amuseler autant que possiblc lc parll de la « rrwuval~ccouse», l'UPC. pour C!vltcrqu'ellcs solcnt lucs par lcs douantcr~. Hovarsc plait egalement ~

116 117
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/1m1(11/\ \III l'UI'( ' ( 11>-llJ
/111111 IIJS-1)

raconter comment des agents de la SOreteespionnalent les rencontres entre /neu/per: l'affaire« UmNyobe-deGelis»
Soppo et les agents de l'ONU, ou la maniere un peu gauche avec laquelle ces
memes espions essayaient d'infiltrer chaque groupement social, jusqu'aux Bien avant son interdiction formelle, la strategie de harcelement judi-
clubs de femmes ... « Tout le monde etalt surveille par l'admlnistration, ciaire contre l'UPC commence des 1949, alors que le mouvement nationa-
souffle-t-il,ecceure.Meme moi 16. » liste, en pleine expansion, multiplie les tournees d'information autour de
On ne s'etonnera pas, des lors, de retrouver dans les archives militaires Douala. En avril, ces tournees cessent brutalement. Guillaume Bagal, alors
fran~aisesd'effarants classements.Depuisde longues annees, des centaines de secretaire de l'UPC, et Jacques Ngom, secretaire de l'USCC,sont arretes (Je
notables camerounais, politiques, religieux ou syndicaux, sont fiches par second restera deux mois en detention preventive). Dans la foulee, une infor-
l'administration. Chacun d'entre eux est sechement catalogue : « bon », mation judiciaire est ouverte contre les douze membres du comite directeur
« assezbon » « francophile », « tres francophlle », « influent », ou au contraire de l'UPC23• Lesnationalistes s'efforcent de contester legalement cet arbitraire
« douteux », « antifran~is », « medlocre ,., « peu sOr», « partisan de l'inde- en formulant des recours juridiques. Mais lorsqu'ils envoient, en avril 19S0,
pendance » 17 ! Une obsession du contröle qui revele au passage la perception au moment de leur congres, une delegation conduite par Um Nyobe pour pre-
binaire du champ politique camerounais. Tout savoir sur tout Je monde offre senter au juge de paix de Dschang une lettre de protestation contre ces arres-
une arme precieuse ä l'administration, qui peut jouer de toutes les formes tations arbitraires, les porteurs sont eux-m@mes ... interpelles pour « outrages
d'intimidation, meme les moins nobles. Douala, epicentre de la contesta- ä magistrat par ecrit », places sous mandat de depöt et inculpes pour « rebel-
tion, est bien sOrla mieux quadrillee. Andre Bovarse souvient que Je chef de lion » l Et le chef de region refusede les recevoirpour negocierun compromis,
la region de Douala, considere comme le « numero deux du Cameroun », se au nom d'une soudaine independance de la justice.
servait de cette surveillance pour faire taire toute contestation. « Leon Salasc Certains Fran~aisfont du zele, comme Je chef de subdivision Bernard de
tenait sa ville tout ä fait en main, dit-il. n avait un servicede renselgnements Gelis, qui s'est illustre, entre 1953 et 1955, en s'acharnant litteralement sur
tres au point. Au point de savoir, parmi les Europeens,qui couchait avec quL Um Nyobe, declenchant plusieurs procedures en justice contre lui. Au debut
Quand un Europeen protestait, il lui disait: on sait que vous avez couche avec de 1953, de retour de l'ONU, Je secretairegeneral de l'UPC,en toumee triom-
un tel. Legars se calmait 18• » phale dans tout le territoire, a le vent en poupe. De Gelis, qui vient d'etre
Jsoler l'UPC par tous les moyens, eviter qu'elle parvienne a coaliser les nomme ä Babimbi,fief d'Um Nyobe,est un anticommuniste convaincu, mais
oppositions, devlent l'obsession du regime. Le meme Salasc, pourtant pre- pas un franc-tireur.11ne passe ä l'action qu'apres reception d'un courrier sans
sente par certains comme un syndicafüte « chretien et prog:ressiste19 », est equivoque de son chef de region : « Le succesqu'il vient d'obtenir aDouala, ä
meme pret a payer de sa personne pour empecher l'exercice normal des Edea,ä Eseka,pourrait l'lnciter ä toutes Ies audaces.Si Oum Nyobe [sicJdonne
übertes politiques des qu'il s'agit de l'UPC. « Un Jour, ä New-Bell,devait se suite a ses pretendues intentions, II faut qu'il tombe chez vous sur un bec et
tenir une reunion de l'UPC,se souvient Bovar.Salascs'est mis physiquement qu'il soit tourne en ridicule par ses auditeurs eventuels 24.» Pour la France,il
en travers de la porte, en disant : "La reunion est permise, je ne peux pas s'agit donc de fairederaper cet adversaireencombrant, en ecornant son Image
l'interdire, on est en democratie. Mais celui qui veut entrer, il faudra qu'll me irreprochable.
bouscule"20• » Le feuilleton du « bec » commence Je matin du 7 fevrier 1953 ä Song-
Etrange conception de la « democratie ». D'autant plus que, tres regulle- mbengue (subdivisionde Babimbi),ou lesupecistespreparent la venue de leur
rement, les reunions de l'UPCne sont tout slmplement pas autoriseesdu tout, leader. De Gelis pretexte le rassemblement non autorise d'une cinquantaine
sans qu'aucune raison particuliere, hormis Je sempiternel « risque de troubles de militants pour saisir leur banderole, interdire la conference du soir et
ä !'ordre public », ne soit invoquee 21 . Les contrevenants a ces diktats sont e)C_horter la population ä ne pas y assister. Faute d'avoir convaincu, il fait
parfois punis de peines de prison ferme, uniquement pour avoir assistea une irruption dans la salle du meeting, accompagne de Ja force armee, et tente de
reunion. Quant aux dirigeants de l'UPC qui « troublent }'ordre public », ils le dissoudre. La troupe tire des coups de feu, procede ades arrestations, sans
sont regulierement arretes. Ce sera le cas, par exemple, du vice-president de parvenir ä faire degfoerer le rassemblement 25• L'administrateur ne desarme
l'UPC,Abel Kingue,Je 6 juillet 1954, qui s'etait rendu coupable d'avoir orga- pas cLporte plainte contre Um Nyobe, pour « violence contre agent public
nise une reunion ... ason propre domicile 22• dans l'exerclce de ses fonctions ». Le chef de l'UPC sera condamne a une
amcndc pour "cntravc a la bonne marche des services administratifs ».
E.nl1ardl,<lcG~iis « propose d'clnrgir cc prcmier succes en preparant des

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actions en denonciation calomnlcusc contre Oum Nyob~ », et il ajoute: aussl banals que: organiscr une manlfcstation en l'honneur de i'ONU, distri-
« A mon avis, Oum pourrait se trouver, dans six mois, condamne ä un an de buer des badges de la CGT, faire participer des femmes aux corteges pour
prison 26 • » decourager la repression, etc.) et decide de passer a l'action. « Puisque les
Si le Haut Commissariatenvoie au feu ses admJnistrateursles plus viru- convictlons ideologiquesjustifiaient tant de cynisme, pourquoi serais-jereste
lents, iJ n'accorde en revanche aucune confiance aux fonctionnaires autoch- les bras croises ?, se justifie-t-il. [...J j'accelerai donc la marginalisation de
tones, dont une grande partie sont acquisä l'UPC.Lesplus militants d'entre eux Moumie en l'intimidant. ,. Ces barbouzeries de bas etage lui ont en effet
sont donc punis par des mutations loin de leur regiond'origine. Cette methode, permis de deceler une des faiblessesdu docteur Moumie, qu'il estlme « emotif
dejä en vigueurä Ja creation du RACAMen 1947, est particulierementutllisee et, surtout, peu capable, comme lesNoirsen general, de distinguer la frontlere
contre un autre leaderdu parti, FelixMoumie, presidentde l'UPCdepuis 1952. entre la peur et l'imaginaire33 », au point de« douter de l'equilibre mental de
Le jeune medecin, de retour de Dakar,sera successivementaffecte ä Lolodorf l'interesse34 ». Le chef de region organise alors regulierement et ostenstble-
(sud du pays) en 1947, Betare-Oya(region du Lom et Kadei)en juillet 1950, ment des manreuvres de gendarmes devant la maison de Moumie, de fa~on
Yoko,puis Moraet Maroual'annee suivante,et enfin Batourien octobre 195427• ä lui faire adopter des comportements d'autoprotection exageres, provo-
(Quant au vice-presidentErnestOuandie, instituteur, II sera mute en l'espacede quant chez le president de l'UPC une paranoi"aqui ne manque pas d'amuser
six ans d'Edeaä Bafoussam,puis Douala,Yokoet, enfln, aBatouri28.) le chef de region (« il craint d'etre empoisonne », ectit ce dernier au Haut
Au Nord, loin de ses proches,Moumieest en grand danger. C'est d'ailleurs Commissaire3s). Paranoia loin d'etre si irrationnelle d'ailleurs, quand on salt
le but de la manreuvre. Une lettre du secretairegeneral du Haut Commissaire comment mourra Moumie sept annees plus tard (voir chapitre 17)...
GeorgesSpenale,detaillant en 1954 les raisonsde l'affectatlonde Moumiedans
cette region, prouve que cette mesure etait le resultat d'une etude minutieuse
des « hostilites tribales » : « Maroua fournissait Ja possibilite de neutraliser Diaboliser: l'Eglisecatholiqueen croisade
Moumiepar l'inertie et le peu de receptivited'une masse Foulbefierede ses tra- contrel'« organisationde Satan»
ditions originaleset naturellement hostiJeä taute propagande venant du Sud.
[...] II apparait donc que Moumie est localement moins nocif a Maroua, tenu La « guerilla psychologique » entamee par Guy Georgy est presque derl-
en respect par une population qui l'exclut 29• » Ce qu' Andre Bovartraduit en soire en regard de Ja campagne achamee menee par l'Eglisecatholique pour
d'autres termes: « LeNord, c'etait Jaou on envoyait les upecistespour !es punir. sauver le Cameroun du « peril rouge ». Cet affrontement sans merci entre les
Un ou deux sultans etaient connus pour s'occuper d'eux quand c'etait neces- forcescatholiques et nationalistes peut etre retenu comme une cause majeure
saire30.•. )> De fait, le lamido de Maroua fait des offresde serviceetonnantes au de Ja radicalisatlondes deux camps en presence et de l'antagonisme irrecon-
chef de la region de l'epoque, Guy Georgy,qui s'en amuse dans ses Memoires. ciliable qui en resuJte. La politisation de l'Eglisecatholique n'est pas propre
« Mais, qu'est-ce que tu fabriques ?, m'interpelle Je chef coutumier. au Cameroun. En Afrique « fran~aise", celle-ciest alors dirigee par un arche-
Qu'attends-tu pour le supprimer I Ecoute! Envoie-leen tournee de vaccination veque qui se rendra celebre quelques annees plus tard en Franceen creant la
en brousse.On lui fern manger des oignons crus. On le serrera tres fort sous le Fraternite integriste Saint-Pie-X,allant jusqu'a la secession avec le Vatican :
diaphragmeet on tele rendra mort de la fa~onla plus naturelle31 .,. Mgr Marcel Lefebvre.De 1948 a 1959, le pape Pie XII nomme l'archeveque
L'heure des assasslnats politiques n'ayant pas (encore) sonne au Came- au poste de delegue apostolique de l'Afrique noire francophone, resident a
roun, Georgy refuse poliment cette proposition un peu trop genereuse Dakar, afin de diffuserses conceptions dans les colonies. En 1949, M. Lefebvre
- comme Je confirme en ces termes la note de Spenale : « [l faJJutbeaucoup de est meme charge de mission du pape au Cameroun.
diplomatie au chef de la region pour empecher le /amido de regler le pro- Dans ce pays, i1 a depuis 1935 un disciple zele: Mgr Rene Graffin. Cet
bleme upeciste par les moyens "traditionnels" 32• » A la place, Georgy prefere impressionnant missionnaire, colosse arme d'une grande barbe carree, est
lancer ce qu'il appelle une « guerilla psychologique ». Profitant de l'isole- connu pour sa capacite ä reparerIescamions ou atransformer le jus de banane
ment des upecistesdans Ja region, il met en place un systemed 'espionnage de en alcool pour l'höpital d'Efok. Ses pratiques sont caricaturalement retro-
leurs courriers personnels, via leurs employes de malson. Ainsl tenu au cou- grades. Entre autres, iJ interdit la pratique du balafon, Instrument de musique
rant des moindres faits et gestes des upecistes par un « servlccde renscigne- africain traditionnel juge „ pa"ien"· Et propose de priver de communlon les
36
ments tres efficace», Georgyjuge" particuilerement scnnd:ilcn~,. le~consells el~vcsde l'ecole publiquc, accuscc de dispenser I'« enseignement du mal» •
envoycs par les avocatscommunistcs ~ Mournlt (Gcor1,1y nvr11H'l
1
de~cxcmplcs Lcspostcs a rcsponsabilitcde son clcrge, jusqu'a la fin des annccs 1950, sont

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presque exclusivement reserves aux Blancs. A la cathedrale de Yaounde, le Nyob~sc voit prive du drolt de rccevolr !es salnts sacremcnts par l.epasteur
Haut Commissaire Delavignette provoque un scandale lorsqu'il s'assoit deli- Joseph Tjega,de la mission presbyterienne americaine de New-Bellä Douala,
berement sur les siegesdes Noirs, qu'une barriere separe de ceux reservesaux sous pretexte gue la « fidelite au communisme » est incompatible « avec Ja
Blancs... fidelite ä Jesus-Chi:ist» 39 . Mais i'Lnitiativede la lutte contre les independan-
Rien d'etonnant des lors gue le mouvement nationaliste, des sa nais- tistes revient plutöt ä l'administration. Ainsi, en fevrier 1955, l'administra-
sance, devienne l'obsession du v:icaire.L'Egliseexcommunie les upecistes ä teur Jacques Christo!, filsde pasteur protestant, essaied'enröler la foi dans son
tour de bras, et une bonne partie des syndicaJistes dans la foulee, dont !es combat politique. Convoquant trois pasteurs et leurs fideles, il organise une
cartes de la CGTsont regulierement dechirees par !es pretres, qui incitent !es reunion pour mettre en garde ces derniers: « n ne faut pas suivre l'UPCqui est
pecheurs ä faire leur autocritique publique. Dans Je diocese de Yaounde, un mouvement communiste, tonne-t-il dans le temple, et qul, si un Jour eile
l'interdiction des sacrements s'etend meme aux enfants d'upecistes. Pour arrivait au pouvolr, menerait votre pays au diable 40 . »
l'Eglise,qui ne fait pas dans Ja nuance, il ne s'agit lä que de communistes, des Toutefois, ancien eleve des missions presbyteriennes, Um Nyobe ne
« amis de la Chine populaire », donc des ennemis de la foi, et leur organisa- manque pas d'armes pour repondre ä cette instmmentalisation de Ja reli-
tion de jeunesseest forcement « dlrigee par la Russiecommuniste » 37• gion. II n'heslte pas, Je 10 juio 1949, a donner Ja replique lui-meme ä
Au Cameroun, la volx de l'Eglise campte. Lesmissions disposent d'un Mgr Lefebvrevenu ä DouaJa precher la bonne parole anti-RDA.N'ayant pas
impressionnant reseau au cceur des populatlons, puisqu'elJes y gerent l'acces obtenu de reponse ä sa questlon sur Je soutien ou non de I'Egliseau coJonia-
aux soins et ä I'education. Son poids est d'autant plus important que Ies mis- lisme, Um Nyobe quitte l'eglise suivi d'une bonne partie de l'auditoire 41 • Sa
sionnaJresrestent parfois plusieurs decennies au Cameroun, quand !es admi- vigiJancen'empeche pas la diabolisation d'operer et de se diffuserlargement.
nistrateurs ou les militaires n'y passent que quelques annees. Depuis la Lavision d'une UPC communiste, sauvage et raciste anti-Blancs devient le
colonisation aUemande,!es mlssions catholiques sont partlculierement bien poncif de J'epoque. Cinquante ans plus tard, un administrateur fran~ais,chef
implantees dans le sud du pays. Toutefois, un partage du terdtoire implicite de subdivisionen pays Bassaau moment de l'insurrection, tres catholique, ne
IaisseJe Nord aux musu1mans,tandis que certaines misslons protestantes ont se souvient que de ce cliche mensonger: « Pour Um Nyobe, tout ce que je
bien reussi leur implantation en pays Bassaet Bamileke. savais,c'est qu'il avait faJtses etudes en Russie!, insiste-t-il.Um Nyobe n'eta.it
La hierarchie catholique profite de cette implantation pour developper pas nationaliste, il etait communiste 42• » L'aneantissement par les armes, ici
son activite temporeHe, aussi bien economique que politique. Et ses choix encore, est precede par Ladiabol.isationdans les ämes.
refletent une colonisation ä l'ancienne, retive a tout changement. Ajnsf,pen-
dant longtemps, eile a davantage soutenu !esresponsablesdu travail forceque
ses victimes, quand elle n'y a pas eu recours elle-meme. En 1947, lorsque Ie Monopoliser:
Haut CornmissaireDelavignettealerte sa hierarchie du soutien de l'Eglisea Ia Louis-PaulAujoulatala manreuvre
candidature au poste de senateur d'Henri-Paul Satin, partisan declare des tor-
tures policieres et du travail force, Graffin le prefere meme ä l'un de ses L'Eglisecatholique est d'autant plus forte qu'elle a su placer une de ses
propres membres, Ie pere EmileDehon. Lequel presente une tare redhibitoire ouailles les plus fidelesau carrefour de tous les pouvoirs au Cameroun : Louis-
pour l'Eglise: « [11]manifeste des tendances sodales 38." Paul Aujoulat. Depute du Cameroun de 1945 ä 1956, membre du gouverne-
Lesprotestants, quarrt ä eux, sont plus divisesdans leursrapports au colo- ment fran~ais presque sans discootinuer de 1949 ä 1955, l'homme fort du
nialisme. D'une part, leur organisation est moins hierarchisee; d'autre part, Cameroun d'apres-guerre n'en a pas franchement l'allure. Petit, enrobe et
leurs structures sont davantage ouvertes aux Camerounais et moins liees ä la atteint d'un fort strabisme derriere ses grosses lunettes rondes, il ressemble
France. On y trouve en effet des representants des missions presbyteriennes davantage a un premier de la classequ'ä un vieux colonial. Cette figure sulfu-
americaines, des Suisses,des HollandaJs,des Allemands... qui ne reprodui- reuse intrigue encore aujourd'hui les Camerounais, qui se renvoient parfois
sent pas tous l'alliance du sabre et du goupillon alignee sur Paris. Au point l'etlquette (infamante) d'« aujoulatiste », synonyme de compromission avec
parfoisd'etre assimilesades agents communistes, ou ä des sympathJsantsalle- le pouvoir...
mands ou anglo-saxons, en fonction des phobies de l'epoque, et combatlus Neen Al.gerie,ce flls de professeur pied-noir debute son engagement ä
comme tels par l'administration. Cependant, certains protestants 0111pat'li- Lille ou, a partir de ses 18 ans, il suit bril.lamrnentles cours de la Faculte de
cipe de bon creur a la croisildecon1re l'UPC. En avril .1953,pa,·1•\1•11iplt:,
Um mMccinc de l'Universite catholique. Protegeclucard!nal progressisteAchille

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1
Lienart, presidcnt de la Liguc rnlssio11nairedes etudia11tsde Francc,IIsc pas- Partageant plelnement l'analyse de Senghor, Aujoulat lance en 1951 son
sionne pour le « lai'catmissionnaire » atravers la fondatlon Ad L11ce111.Une fois propre parti, le Blocdemocratique camerounais (BDC),sur le modele du Bloc
marie, il s'embarque en 1936 pour implanter celle-ciau Cameroun. « Voulant democratique senegalais(BDS),fonde par le poete senegalaisquelques annees
ramener au Christ Ja France dechristianisee, analyse son ami Leopold Sedar plus töt. Avec un meme objectif: promouvoir l'amitie franco-afrlcaine et
Senghor, il pensait que la voie de cette rechristianlsation passait par la chris- l'accession progressiveä une plus grande autonomie. 11re~oitbien sur le sou-
tianisation de I'Afrique43• » Directeur d'Ad Lucema Efok, pres de Yaounde, tien en chaire de Mgr Graffin qui, en juin 1951, organise le rabattage elec-
zone de predilection des missions catholiques, il s'efforce de developper un toral. « Tous les catholiques dolvent, le jour de l'election, aller aux urnes et
reseau medico-socialcatholique, compose d'höpitaux, de leproserieset de dis- voter pour le bon chretien », preche-t-il45 • Malgrece soutien de poids, le BDC
pensaires, avec la benediction des autorites ecclesiastiques et politiques ne parviendra jamaisäse developperet ses tentatives d'implantation ne pour-
locales. Celles-ci plebiscitent ce « colonialisme humanltaire » qui, dans la ront jamais rivaliseravec la galaxle upeciste. Sa volonte de susciter un syndl-
pure tradition fran~aise, s'enorgueillit d'ameliorer le sort des colonises et calismechretien, via un de ses amis du MRP,le depute Joseph Dumas, veteran
ignore superbement leurs revendications politiques. Pousse par Mgr Graffin, de la CTIC, echoue pareillement. L'UPC reste le seul mouvement non eth-
Aujoulat est elu depute du MRPen 1945 avec les voix des colons - lesquels, nique de masse.
echaudes par les erneutes, le preferent a son concurrent soutenu par Cependant, dans toutes les arenes, les nationalistes voient se dresser
l'administration. contre eux cet etrange docteur. A l'ONU, le « missionnaire vieux style»
Desireux de repandre un mouvement democrate-chretien alternatif au defend la France avec ardeur contre !es « secessionnistes». A Paris, il s'efforce
nationalisme « radical » de l'UPC, il aborde d'innombrables jeunes Came- de debaucher !es etudiants camerounais tentes par Ja revendication indepen-
rounals susceptibles d'adherer ä ce courant. Ses vecteurs d'influence sont dantiste (voir chapitre 10). A l' ATCAM,il interdit l'audition de la CGT en
nombreux, que ce soit ä l'ATCAMqu'il preslde de 1952 ä 1954, au sein de ses 1953 46 . Dans la presse, il repond toujours present pour stigmatlser ce « partl
differentscabinets mlnisteriels, notamment au ministere de la Franced'outre- communisant et confidentiel dont les efforts tonitruants n'ont pas encore
mer, ou dans les reseaux catholiques camerounais ou metropolitains (voir reussi a lui faire obtenir un seul siege ä l'Assembleelocale » malgre sa « croi-
chapitre 10). S'appuyant sur ce reseau personnel, Aujoulat mene une carriere sade de causeries devant de maigres auditoires » 41 • Meme dans les umes, le
politique reussieau sein des gouvernements Bidault, Queuille, Pleven, Faure, partisan autoproclame de l'africanisation de la classe politique, le chantre de
Plnay ou Mendes France. Malgre!'extreme instabilite gouvernementale de la la « symbioseeurafrlcaine48 », monopollse la voix des Camerounais qu'il pre-
rv•Republique,il y conserve un portefeuille en s'appuyant sur la douzaine de tend representer mieux qu'eux-memes. Dans Je fond, Louis-Paul Aujoulat
deputes africains qu'il a reussi, avec le depute senegalais Sedar Senghor, a symbolise une forme subtile d'accaparement par des Fran~aisde la represen-
regrouper au sein des lndependants d'outre-mer (IOM),un groupe proche des tation des Camerounais. Ainsi, en 1951, apres avoir perdu en popularite
Republicainspopulaires et aux alliances fluctuantes mais en position char- aupres des colons fran~aisles plus conservateurs,il fait le pari de se porter can-
niere ä ]'Assemblee.Son action de secretaire d'Etat a Ja France d'outre-mer, didat du deuxieme college, celu1des« non-citoyens » ... et gagne. Rlvalisant
marquee par l'adoptlon d'un code du travail d'outre-mer, est denuee de taute de negritude, il declare en 1952 : « Ma peau est peut-etre blanche, mais mon
49
avancee poLitiqueen termes d'acces ä l'autonomie des colonies. cceur est plus noir que celui de l'homme noir lui-meme • »
Son reseau panafricain, qui se veut une alternative au RDA,lui permet Aboutissement cocasse: de 1951 ä 1956, les quatre deputes elus par les
egalement de briller au Cameroun. Quand de Gaulle visite le pays, les 25 et residents du Cameroun pour les representer a !'Assembleenationale fran-
26 mars 1953, pour consolider ses reseaux personnels et raviver le souvenir ~aise sont ... quatre Fran~ais.Georges Molinatti pour le premier college et,
de la France libre, Aujoulat se presse ases cötes. C'est encore le cas lorsque Je pour le second : Louis-Paul Aujoulat, l' Antillais Jules Ninine (surnomme
docteur accueille Senghor ä Douala le 3 septembre 1953. Venu apporter sa parfois « Je noir qui est blanc 50 » et qui ne participe guere au Parlement aux
caution a Aujoulat, le poete de la negritude et depute du Senegalprofitera de debats sur l'Afrique)et Douala Manga Bell,naturalise fran~aisqui se presente
l'occasion pour vanter !es merites de !'Union fran~aise et delegitimer les lui-meme comme le « negre de service ))de la France 51• Difflcile, dans ces
revendications nationalistes sous pretexte, explique-t-il, qu' « acluellement conditions, d'indter les autochtones ä la peau noire, fatiguesde la tutelle fran-
aucun pays du monde ne peut se pretendre lndependant 44 ». lnterpellt par ~aise, a passer par les urncs ... Lesupecistes placent alors leurs espoirs dans
Ernest Ouandie, alors vice-presidentde l'UPC,Senghor prono~tlquc un delal l'ONU, pour rappelcr la Franceason devoir de tutelle eclairee.Mais, la aussi,
de vingt ans pour accedcra la simple autonomie Interne. lcs manip11lationsfran~alscsredoublcnt.

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Mentir: les manipulations de la France decrite par Andre Bovar, n'est qu'une dernarche de routine. L'adminlstration
al'ONU fran~aise ecrit ä Jeur place le message ä sa propre gloire pour l'ONU, acharge
ensuite ä l'administrateur fran~ais de payer le timbre au lamido complaisant
Les representants de la France, du plus haut de la hlerarchje jusqu'en bas, pour dissirnuJer Ja manipulation. II faut dire, souligne Bovar, qu'un envoi
se sont en effet evertues a organiser, methodiquement, annee apres annee, la dlrectement poste depuis le Haut Commissariat « lui aurait enleve une grande
mystification de l'organlsation internationale, en particulier de la quatrieme partie de sa credibilite 57 » ... Les administrateurs regorgent d'anecdotes sur Ja
commission en charge des tutelles. Le but : masquer tous les petits arrange- manipulation des visiteurs de l'ONU, preuve qu'il s'agissait bien lä d'une
ments avec la legalite decrlts plus haut pour eruayer Ja progression de l'UPC. consigne generalisee sur tout le Territoire. Une pratique qui se poursuivra lors
Ces episodes seraient meme cocasses si, derriere 1'inventivite cynique des des visites de 1955 et 1958 ...
administrateurs, ne s'etait pas egalement jouee Ja credibilite de l'arbitre inter- Meme au plus fort de Ja contestation, Ja mission de l'ONU reste sourde
national, que !es independantistes camerounais, eux, baillonnes par la repres- aux demandes de l'UPC, en raison notamment d.eJa« maniere lamentable et
sion et les fraudes electorales, ont eu la faiblesse de prendJ:e au serieux, au partiale dont !es missions de visite s'acquittent de leurs obligations d'inspec-
point de voir en Jui, seJon la formule de l'historien Joseph Ki-Zerbo, Je« haut- tion », pour reprendre !es termes d'une these de droit soutenue ä Aix-en-Pro-
parleur qui magnifiait Ja voix des pauvres 52 ». vence en 1956 58 . Un exemple parmi tant d'autres de cette myopie volontaire:
Dans Ja presse ou face ä l'ONU, la France n'hesite pas ä deformer !es faits. Ja misslon de visite de 1955 ose rapporter qu'elle « a entendu peu de
Les quelques visites au Cameroun de la mission de l'ONU, tout d'abord, sont demandes en faveur d'une unification du Cameroun sous administration
de grands moments de tartuferie. La premiere a lieu en novembre 1949. Rien fran~aise et du Cameroun sous administration britannique ». Or, s'etrangle le
n'est trop beau (ni trop faux) pour impressionner les visiteurs de l'ONU. Louis juriste auteur de la these, « nous avons vu que 22 000 sur 33 000 petitions sou-
Sanmarco, directeur des Finances du Territoire, accorde au responsable de rnises au Conseil de tutelle militent en faveur de cette unification des deux
l'accueil de la mission internationale des « creclits illimites », qui semblent Cameroun 59 » ...
produire leur effet, et meme au-delä : « Son rapport fut si favorable pour notre Ces operations de manipuJation se depJacent du Cameroun ä New York
action qu'il fut mal accueilli ä l'ONU 53• » Tlfaut clire qu'il s'aventurait ä attri- lorsque, en depit des protestations de la France, des Etats-Unis et des
buer l'absence de « tendance bien nette» au sein de la nouvelle scene poli- conseillers territoriaux camerounais, la quatrieme commission vote
tique camerounaise « ä l'inexperience, ä l'ignorance des grands problemes l'autorisation de l'auclition d'un representant de l'UPC, le 22 octobre 1952.
politiques et sociaux de l'Afdcain » 54 ••• Panique cöte fran~ais, qui tente d'empecher Um Nyobe d'acceder ä Ja tri-
U faut attendre plus de trois ans pour que l'ONU envole quatre nou- bune de l'ONU, comme le recommande en novembre 1952 un diplomate en
velles personnes en inspectlon. « fnspectlon » est d'ailleurs un bien graod poste ä New York: « Pour empecher l'adoption d'une resolution engageant
mot. Parml ces quatre inspecteurs, deux sont en effet issus de pays exer\'.ant l'avenir, iJ reste que j'ai du, discretement en public, et avec beaucoup plus
des tutelles, un Belge et un Neo-Zelandais, dont on devine qu'ils ne se montre- d'insistance dans !es conversations privees, affirmer le caractere procommu-
ront point trop sourcilleux. Quant aux deux autres, il s'agit d'un represen- niste de l'UPC, le senateur Okala, de son cöte, ayant avec beaucoup d'adresse
tant de Ja Chine nationaliste et d'un de Saint-Domingue. Pour evoquer ces jete le discredit sur son adversaire. Je pense qu'il conviendra desormais de
visites sl bien organisees, Andre Bovar, secretaire general de l'ATCAM, se barrer la route des Nations unies ä Um Nyobe Ruben et aux siens 60 . » Ce a
refere ä J'histoire russe: « C'etait un peu comme les villages Potemkine. » « Les quoi Paris s'emploie, allant jusqu'ä faire patienter Um Nyobe pas moins de
visites de l'ONU, poursuit-iJ, ~a se passait bien. On connaissait leur itlneraire trente-sept Jours dans la capitale avant qu'il obtienne un visa pour New York,
ä l'avance. Par consequent, on blanchissait les cases, on renovait les ecoles. gräce au soutien notamment de Jean-Paul Sartre 61• Enfin, le 17 decembre
D'allleurs, les chefs de village reclamaient !es visites de l'ONU, parce qu'on 1952, il est aJa tribune, y remporte un franc succes et accede ainsi ä la noto-
leur rebouchait les routes pour l'occasion. C'etait tres decontracte, et le riete internationale.
resultat d'ailleurs etait tres favorable 55 • » Bien s0r, i1 est dJfflcile d'eviter de Ce n'est pas du go0t de Paris, qui depeche illicoaNew York des contradic-
rencontrer quelques upeclstes, qul ne sont pas avares de demarches et teurs tries sur le volet, le senateur rondourna:rd SFJOCharles OkaJa et l'eternel
envoient ä New York des montagnes de petltions. Pour faire bonne figure, en prince du MRP Douala Manga Bell, pour contester la representativite de
retour, <<l'adminlstratlon s'effor~ait de suscit·cr des p6lHions cn faveur du l'UPC. Dröle de ml.se en scene, dont se souvient le diplomate Francis Hure,
maintien de Ja tutclle frani;alse 56 ». La manipularion des /11111/luf facc h l'ONU, alors asslstant clu repr~scntant de la f.rance au Conseil de tutelle (et futur

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ambassadeur de France au Cameroun). II raconLe qu'Um Nyob~ « i:1vaf1 en facc 7
de lui un certain nombre de gens qu'on appelait les petltlonnafres, qui etaient
des gens - il faut bien l'avouer-que la France avait bien cholsis pour leur fide-
llte et qui allaient s'opposer ä ce qu'allait raconter Ruben Um Nyobe, en L'introuvable al'UPC
alternative
disant : "Um Nyobe est un affreux bonhomme, nous nous sornmes de bons
Africains. Regardez, je suis completement noir, je m'appelle Okala ou le
prince Douala Manga Bell"». Ce dernier, en particulier, l'a marque par sa ser-
• En procedaat ainsi, on parviendralt sans doute ä
vilite : « U repetait tout le temps : "Je suis votre negre de service, aJors ne me isoler, pour le reduire, le noyau dur, ideologiquement
bouscu]ez pas !", c'etait tout ä fait habituel. » Cet episode peu glorieux revele trrecuperable, dont Ja presence rendait valne toute
d'ailJeurs autant Ja soumlssion (interessee) de certains Camerouna1s que Je tentative de contillatlon. On i(!pargneraiten revanche
les authentJques messagers de la llberation africalne
mepris qu'ils re~oivent en echange de la part de leurs marlonnettistes fran~als.
que J'assentiment et la fidelite de leur peuple autant
Meme mascarade l'annee suivante, en decembre 1953, alors qu'Um que l'amltie de Ja France m~neraient aux plus hauts
Nyobe lntervient une seconde fois ä l'ONU, ou iJ decrit notamment les destins. »
menaces physiques dont il est victime, dans l'indifference de Ja France. Fran~oisMITll:RRAND, ä propos du RDA1 •
L'admlnistration coloniale envoie cette fols, pour lui porter Ja contradiction,
Guillaume Bisseck, nouveau president de l'Esocam (voir chapitre sulvant), et
n'a rien laisse au hasard. Son billet d'avion est paye par la SAFA(Societe afri- •
caine forestiere et agricole) de Dizangue, dont les plantations offrent des
conditions de travall deplorables regulierement denoncees par l'UPC. Et le
Haut Commlssalre Andre Soucadaux lui-meme, entoure de ses fonction-
naires, Ie <<coache » en Je faisant litteralement repeter ses arguments dans son
bureau, un mois avant Je grand oral international 62 •
E ntre 1948 et 1954, la lutte acharnee contre l'UPC s'accompagne, de la
part de J'administration fran~aise, de 1a recherche permanente d'alter-
natives camerounaises ä meme de contrer l'influence croissante des nationa-
Malgre tous ces efforts, deux resolutions de l'ONU, en janvier 1952 et Ustes. Cette strategie represente deja une forme d'aveu d'echec pour le
decembre 1953, pressent Ja tutelle fran~aise d'avancer vers l'autonomle ou colonialisme, puisque les Blancs du Cameroun admettent peu a peu qu'ils ne
l'independance. Acculee peu ä peu ä deleguer une parti.e des responsabilites peuvent plus diriger seuls le pays, du moins ouvertement et dtrectement, et
politi.ques locales ä d'authentiques Camerounais, Ja France se lance donc dans que des relajs locaux credibles, siegeant ä l'Assemblee territoriale du Came-
une quete eperdue de relais locaux « ä Ja peau noi.re », aptes ä sous-traiter effi- roun (ATCAM),serviraient de contre-feux a Lacontestatlon upeciste.
cacement Ja domination fran~aise. Et surtout ä mettre enfin des batons dans Le premier aveu d'echec est celui des colons. Pour les plus durs d'eotre
les roues de l'UPC en pleine ascension ... eux, qui avalent reve en 1945 de transformer « leur » colonie en Afrique du
Sud a Ja fran~aise, c'est-a-di.re en dominion accapare par !es colons blancs
s'afiranchissant de Ja metropole, le reveil est difficile. Certes, leur poids demo-
graphique s'accroit, puisque leur nombre quadruple entre la fin de la guerre
et 1952, avant d'augmenter encore de SO%, grimpant jusqu'ä 17 000 en
1956 2• Omnipresents dans les postes de direction economiques, cadres euro-
peens et« petits Blancs » declasses restent egalement arc-boutes sur leurs posl-
tions politiques, via le premier college electoral qui leur est reserve. Ils elisent
les plus radicaux d'entre eux pour les representer: a !'Assemblee nationale,
Georges Molinatti, ex-president de l'Assoclation des colons du Cameroun
(Ascocam) et porte-parole des Etats generaux de la colonisation, est elu en
1951 (voir chapitre 1); et, au Senat, Henri Chamaulte, elu en 1955, exploitant
de caoutcl1ouc au sein de la SAFAä Dizangue et adepte du travail force le plus
brutal (voir chapltre 2). Mals,~ n1csurc quc In perspcctlvc du college unique

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devient ineluctable, les colons, en butte ä l'hostilite des Camerounals et repris torture 3 . Comme lc rcconna1lra .PlerreMessmer, qul scra gouverneur en Cöte-
en main par l'admjnistration, renoncent ä leur ambition. d'lvoire quatre annees plus tard, « la repression etait severe 1 ». Parole
La seconde desillusion est celle du depute et ministre Louis-Paul d'expert ... L'avenir ne s'annonce pas meilleur, puisque les autorites fran-
Aujoulat. L'homme fort du Territoire devra en effet se resoudre ä chercher des \'.aises, le 1e, fevrier 1950, ont meme interdit toute reunion du RDA. D'ail-
poulains camerounais ä qui transferer w1e influence qu'II peut de moins en leurs, le Haut Commissaire en AOF Paul Bechard est desormais partisan d'une
moins exercer lui-meme. Quai qu'il fasse, celui qw s'autoproclame « Noir ä Ja interdiction pure et simple de ce « parti qui, estJme-t-il, tente lui-meme un
peau blanche » ne peut pas faire illusion. moyen de terrorisme pour vaincre 5 )>. Les düigeants du RDA en viennent a
redouter un scenario ä la malgache, en reference aux massacres coloruaux de
grande ampleur de 1947.
QuandFranfoisMitterrandretournele RDA... Voilä ce que subit le parti d'Houphouet lorsque celui-ci, en juillet 1950,
est aborde par Paul-Henri Sirieix, consei\Jer technique du nouveau president
Dans ces annees d'apres-guerre, c'est ä l'echelle de toute l' Afrique fran- du Conseil Rene Pleven, artisan de la conference de BrazzaviUe et dirigeant
~ajse que les autorites metropolitaines, confrontees aux mouvements natio- du petit parti Union democratique et socialiste de Ja Resistance (UDSR).Sirieix
nalistes en pleine expansion, sont a la recherche de personnalites politiques est charge de prendre langue discretement avec Houphouet au siege des syn-
africaines comprehensives a J'egard de Ja colonisatlon. Cette quete aboutit Je dicats de planteurs dirige par Je chef ivoirien, rue du Faubourg-Saint-Honore
18 octobre 1950, lorsque, contre toute attente, Je leader inconteste du RDA ä Paris. Son but : proposer une paix des braves au RDA. Houphouet, qui n'a
panafricain, l'Ivoirien Felix Houphouet-Boigny lui-meme, annonce sa rup- pas la vocation d'un chef de guerre ä la Ho Chi Minh, y voit une porte de
ture avec Je PCF, son alHe fidele depuis 1946. Retour sur la plus belle « prise » sortie honorable. Peu de temps apres, en aout 1950, Pleveo donne son aval
du coJonialisme de l'apres-guerre ... aux discretes negociations et met dans la confidence son ministre de Ja France
Pour comprendre le revirement d'Houphouet, il faut le remettre dans son d'outre-mer, Frarn;oisMitterrand. C'est d'ailleurs dans le bureau de ce dernjer
contexte. Depuis 1946, son parti, le PDCI, est engage dans un bras de fer ter- que le president du RDAsigne l'accord qui fera de lui un des plus fideles« amis
rible avec Je pouvoir fran~ais et les colons ivoiriens. En 1950, Je chef du RDA de Ia France », en echange de sa rupture avec le PCF. Les methodes du ministre
a peur, pour son mouvement et pour Jui-meme. Un responsable de premier sont proches du chantage pur et simple. Decrivant cette entrevue a l'histo-
plan de son parti, le senateur Biaka Boda, a dejä ete tue dans des circons- rienne Georgette Elgey, le jeune loup de la IVeRepublique de 34 ans depeint
tances obscures cette annee-lä. On l'a retrouve pendu et dechiquete dans Ia un Houphouet « assez abattu, assez emu ». Avant de decrire ce qui .ressemble
foret, alors qu'U etait recherche par la police coloniaJe. Houphouet lui- plus ä un ultimatum qu'ä une negociation : « Je l'ai traite un peu rudement,
meme, cornme Um Nyobe, est sous Je coup d'un mandat d'amener, malgre confie Mitterrand. Je I'ai prevenu que j'allais doubler les garnisons en Afrique
son immunite parlementaire. et que je le tiendrais pour responsable d'eventuels troubles. Je lui ai explique
En 1949-1950, la repression contre le PDCI, la branche ivoirienne du que les revendications humaines, sociales et economiques auraient mon plein
RDA, s'accentue. Mena\'.ant, un certain lieutenant-colonel Charles Lacheroy appui si elles etaient justifiees. Mais que je n'admettrais pas qu'elles prennent
procede a des manreuvres en novembre 1949 en pays Baoule, en compagnie un caractere politique 6• »
de mercenaires syriens. La tension monte jusqu'au 30 janvier 1950, a Dim- Mitterrand, qui ne s'interdit pas, lui, de faire de la politique, tirera les
bokro, au creur du pays. Une foule s'est rassemblee sur la place du marche dividendes de ce deal franco-africain, en s'appuyant sur ses nouveaux aJlies
pour protester pacifiquement contre un nouvel emprisonnement abusif d'un pour asseoir sa domination dans l'UDSR au detriment de soo aine Rene
leader du RDA.Au moment de la djspersion, les forces de l'ordre tirent a blanc, Pleven. Dans cette affaire, le jeune partisan lyrique de l'Eurafrique « du Congo
mais des colons tirent eux a baHes reelles depuis leur domicile, tuant treize au Rhin » a un merite: Une s'est pas auto-intoxique, cornme tant d'autres, sur
Ivoiriens, qui seront enterres a la va-vite dans une fosse commune sur ordre le mythe de la main de Moscou instrumentalisant le RDA.II sait que l'appa-
du gouverneur. Au lieu de rechercher les coupables, les pouvolrs publics arre- ren tement du RDAau PCF etait autant un choix par defaut qu'une orlentation
tent, par milliers, les militants nationalistes. Et il ne s'agit la que de la pointe ideologlque. Fidele ä son orientation « eurafricaine », quj consiste ä aban-
emergee de la repression quotidienne. En quatre annees d'exlstence, le POCJ donner l'lndochine pour mi.eux conserver l'Afrique, Mitterrand fait la distinc-
a subl tant d'humiliations : bastonnades des mllltants b qu! l'on falt avaler tion entre le Vl@t-minhd'Ho Chi Mlnh, Oll« le communisme donne le ton au
leur carte du pl!rti, embastlllernents ä rep6t·ltlon et, parfoh, v~rltnlJ!csoctcs de n,,tionallsme », et le RDAOll,dit-il,., c'cst le contralre » 7 •

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Le 18 octobre 1950, Houphouet officiaJise le desapparentement cJu RDA la France meneraient aux plus hauts destins 11• » « Maintenant, nous pouvons
au PCF. Ce retournement discret, qui marquera J'avenir d'un continent, n'est voir se detacher du RDA les elements communistes et antifrarn;ais », se
le fait que de quelques hommes. «J'ai conduit ma poUtique en Afrique noire rejouira-t-il un peu plus tard 12 •
jusqu'a un seuil de non-retour grace a l'indilierence des miJieux metropoli- Contrairement a ce qu'explique Houphouet, ce changement n'est bien
tains et a l'inattention generale », analysera Mitterrand quinze annees plus sur pas simplement tactique, destine a « tuer le faux pretexte commu-
tard 8• L'intelligence de Ja manreuvre de l'UDSR consiste avaincre presque en niste 13 ». LIne s'agit pas d'une banale alliance parlementaire, mais d'un
meme temps !es reticences des deux cötes, que ce soit au sein du RDA ou retoumement total. Le RDA s'engage a ne plus contester !'Union fran~aise et
parmi !es colons, en particuJier !es gaulfütes, les militaires et les MRP, qui ont acombattre taute forme de participation politique africaine qui ne lui ferait
du mal a avaJer Ja« pilule RDA ». Les fraudes electorales de 1951 auront d'ail- pas allegeance. Houphouet ne reviendra plus en arriere. Le 6 fevrier 1952,
leurs pour but de diminuer les scores du RDA, pour ne pas trop heurter ses !' « authentique messager de la liberation africaine » apparente Je RDA a
adversaires 9 • Cöte africain, pour reprendre les termes d'un rapport militaire l'UDSR de Pleven et Mitterrand. Emporte dans cette collaboration, II ne dira
de 1954, Houphouet « mena son jeu seul avec beaucoup de souplesse, de tergi- rien contre Ja guerre en lndochine, pas plus que quand, devenu ministre
versations, de roueries dignes de Machiavel, se gardant bien de convoquer, delegue a la presidence du Conseil de Guy Mollet, en 1956, ce dernier se fait
soit le Comite de coordination, soit le congres du parti », qui auraient pu renä- voter !es « pouvoirs speciaux » pour mater Je Front de liberation nationale
cler a l'idee de « cette volte-face pour devenir progressivement un parti (FLN) algerien, ni quand le garde des Sceaux Fran~ois Mitterrand envoie des
pro-administratif » 10• nationalistes algeriens a la guillotine. C'est Je debut pour Houphouet d'une
Voila comment quelques ministres habiles ont su garantir aux posses- promotion fulgurante, avec des portefeuilles ministeriels dans !es gouverne-
sions fran~aises en Afrique subsaharienne plusieurs annees de tranquillite, ments Mallet, Bourges-Maunoury, Gaillard puis de Gaulle. C'est surtout Ja cle
amorce de la « decolonisation pacifique » tant vantee dans cette partie de d'un interminable regne sans partage en Cöte-d'lvoire, au sein d'un systeme
!'Empire. Houphouet emporte en effet dans son « repli strategique » toute Ja dont il Lnventa lui-meme le nom, des 1955 : Ja« Fran~afrique » 4.
1

dasse politique africaine proche de son mouvement. En 1950, Mitterrand ne voit pas s.i loin. Contrairement a ce qu'il voudra
Toute? Non. Son secretaire general, l' Antillais Gabriel d' Arboussier, faire croire plus tard, il n'anticipe pas encore Ja decolonisation. La contre-
intellectuel internationaliste proche des communistes, ne se laisse pas partie de la bienveillance de l'administration ä l'egard du RDA est simple et
convaincre et claque Ja porte. Mais il est isole, de meme que Ja petite Union immediate: ne plus contester !'Union franvaise « une et indivisible » et, donc,
democratique senegalaise. Au Niger, le Parti progressiste nigerien eclate et le bannir taute perspective d'independance. Sur Je plan des revendications
dissident Djibo Bakary cree !'Union democratique nigerienne. Mais Je prin- sociaJes, Houphouet ramene un calme plat. A la grande satisfaction du nou-
dpal parti africain as'opposer a ce virage a 180° est l'UPC camerounaise, dont veau gouverneur de Cöte-d'Jvoice, Pierre Messmer, qui, arrive a Abidjan en
Je secretaire general est vice-president du RDAdepuis le congres d'Abidjan de 1954, s'emerveille de ce nouvel aJlie : « IJ donne confiance aux industriels en
1949 (voir chapitre 4). De meme, le syndicat proche de l'UPC, l'USCC, refuse apaisant les conflits sociaux. De 1954 a 1956, 11n'y a pas une seule greve en
de couper les ponts avec la CGT. Les nationalistes qui n'acceptent pas de Cöte-d'lvoire 15 • »
renier leurs convictions en paient Je prix. lsoles, Usne seront plus conslderes,
par leurs adversaires comme par leurs anciens allies, que comme de dange-
reux « radicaux >• jusqu'au-boutistes•. Tel est d'ailleurs tout l'interet de Ja ... MathiasDjoumessiretournesa veste
manceuvre de Mitterrand, qui l'explicite sans detour: « En procedant ainsi,
on parviendrait sans doute a isoler, pour le reduire, Je noyau dur, idfologigue- Pour rassurer Je president du Conseil Rene Pleven, Houphouet avait rede-
ment irrecuperable dont la presence rendait vaine taute tentative de concilia- finl !es contours de son parti. « n faut comprendre ce qu'est veritablement le
tion. On epargnerait en revanche les authentiques messagers de Ja liberation RDA,lui conflait-il, un regroupement de proprietaires, de chefs traditionnels,
africaine que l'assentiment et Ja fidelite de leur peuple autant que l'amitie d.e de paysans, ri.ches pour la plupart, de commer~ants, de fonctionnaires et de
travallleurs aussi tG_» Malheureusement pour·lui, l'UPC ne repond pas fran-
a Ce qul n'empl!che pas l'UPC de contlnuer pcndant des onn1:cs, fusqu'ö son excluslon ror- d1ement a cette description. n faut croire qu'au Cameroun les antagonismes
me.lle il l'~t~ 195S,II sc d~flnlr comrnc la • m:-1 Ion camcro11ntll\C(111 fll)A •, co111111e1mur entre colons et elites politiques africaines sont plus difficiles ä depasser qu'en
mlcux .~011llgncrqu'ullc rc,ll: fld~lc, eile, 11ta vocotlon Orlftlll(•l1111111
1nn1111,11nl1111, Cötc-d'lvoirc. Les emeutes de 1945 et l'influence des militants communistes

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« Kamcnm », 111111 (1945-19S4) "''''"'"''''<'
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fran~ais, apres guerre, ont cree !es conditions d'un affrontement sans mercl, a trois ans de prison avec sursis 2-1.Au cours des mois suivants, les poursuites
sans parler de la cliabolisation de l'UPC par !es autorites admi.nistratives et rell- jucllciaires se multiplient contre les militants du Kumzse-UPC, pour tous les
gieuses, qui n'incite pas au compromis. motifs possibles et imaginables. La repression culmine au plus fort de
Bref, Um Nyobe refuse Je röle d'Houphouet camerounais. Faute de pou- l'alliance entre les deux organisations, lors du congres de l'UPC du 10 au
voir retoumer l'UPC entiere, l'administration s'efforce donc de Ia rallier par 13 avrU 1950 a Dschang, qui voit l'election de Djoumessi a la presidence du
petits morceaux. Et le morceau prioritaire semble Ja region Bamileke, qui parti independantiste. C'est ce moment que choisit l'administration pour
preoccupe particulierement l'adminlstration. Un rapport de 1953 du cbef de reunir Um Nyobe et Djoumessi. .. en prison ! Une douzaine de leaders du parti
region Andre Moutiez localise au creur meme de l'identite « du Bamileke » !es et de l'Uoion des syndicats confederes du Cameroun (USCC) sont en effet
racines anthropologiques du danger. « Le » Bamileke serait credule et donc places sous mandat de depöt pour Ies motifs, extensibles asouhait, de « diffa-
manlpulable par l'ennemi. « En rajson de son caractere influen~able, ecrit-il, mation » et « outrage a magistrat 24.
)>

le Bamileke plus que tout autre Camerounais du Sud, doit etre J'objet de Les notables du Kumzse, qui n'ont pas tous la vocation de martyrs,
l'attention particuliere des chefs de subdivision 17• » commencent a trouver l'addition salee. En septembre 1950, son secretaire
A cet egard, une grande figure bamileke comme le chef superieur de general, le jusqu'alors virulent Ahmed Nzoko, demissionne, echaude par son
Foreke-Dschang et createur de I'association neotraditionnelle Kumzse, incarceration. Inaugurant une longue serie d'autocritiques publiques, il
Mathias Djoumessi, president de I'UPC depuis avril 1950, est une cible de « reconnait avoir seme la haine et Ja discorde » sur les marches de sa zone
cboix (voir chapitre 4). Son retournement constitue un condense des d'influence, ou U vilipende des Jors Djoumessi et le Kumzse. Dans Ja foulee,
methodes coloniales Ies plus efficaces employees pour « convaJncre » un il demande sa reintegration dans l'administration, qu'il obtiendra cinq mois
opposant en moins de six mois. Ce cbef traditionnel est une proie facile. TI plus tard, ainsi qu'une propulsion au secretariat general d'un mouvement vio-
etait certes « attire par l'UPC », se souvient l'ex-administrateur Paul Audat, lemment anti-upeciste, l'Esocam, et !'opportune Ievee des menaces judiciaires
mais « U voulait surtout demeurer Je chef superieur de Dschang, rester pesant sur lui. Les differents chefs du Kumzse sont retournes de la meme fa~on
apprecie de l'eveque et garder toutes ses femmes » 18, en allusion a la poly- les uns apres les autres au cours de l'ete 1950. Le 27 novembre 1950, suivant
gamie coutumiere chez les chefs bam.ileke. la demarche d'Houphouet avec un petit mois d'ecart, circonvenu de toutes
L'intimidation commence au moment ou Je Kumzse manifeste sa sympa- parts Djoumessi officialise sa rupture avec l'UPC, au nom de l'independance a
thie envers l'UPC, en 1948. Des le 29 juület 1948, le bureau de l'organisation l'egard du PCF.II exclut le vice-president du Kumzse et leader upeciste notoire
est convoque par le commissaire de pollce de Dschang 19 • Puis, de fa~on plus Abel Kingue 25, et se rallie au depute francophile Douala Manga Bell. Des lors,
inattendue, par Je reverend pere supfaieur de la misslon catholique de les soucis de Djoumessi s'envolent. Sa condamnation en justice est cassee par
Dschang, qui, avant d'interdire les ceremonies funeraires aux membres du la Cour de cassation pour un bien commode « vice de forme ».
Kumzse, excommunie purement et simplement Djoumessi 20 ! Le coup est La tentative initiale du Kumzse, consistant autiliser les chefferies dans un
rude. Mais l'attaque 1a plus efficace est Je fait de ]'Union bamileke, un nou- objectif d'emancipation politique, est donc mort-nee. Ainsi, Jors du congres
veau groupe de chefs traditionnels Iocaux dont l'activlte presque exclusive de decembre 1951, le chef de la region Bamileke Robert Borne s'amuse de voir
semble etre de nuire au Kumzse. Les arguments de !'Union bamileke, chere que desormais « Je Kumzse se reduit aJa politique de clocber » et qu'il a adopte
au creur de la France puisque « man~uvree par les autorites regionales» des revendications « tres moderees ». « Le Kumzse s'embourgeoise, jubile-t-il,
- selon le commissaire de police lui-meme 21 -, ne sont pas des plus nobles. puisqu'il sollicite l'appui de l'autorite pour faire aboutir ses revendications. »
Mais Ie chef de region Jean Granier les expose sans arnbages : « La politique Mais cette attitude conciliante ne seduit pas outre mesure Ja masse des Bami-
menee par !'Union bamileke etait une politlque regionale. Cette politique leke, qui le desertent peu apeu. Au point d'inquieter Je chef de subdivision qw
etalt basee sur Je racisme local, tres pousse chez les Bamileke. Djoumessi sent se demande, en 1953, si « Djoumessi [o'a] pas ete trop loin dans Ja voie de la
tres bien que Ie gros reproche qu'on lui fait, "de recevolr ses ordres d'ailleurs", collaboration avec l'administration », au vu des jets de pierre qu'il a subis sur
26
porte. On lui reproche de recolter de l'argent pour l'envoyer ä des non-Bami- le marche de Dschaog des son retour de l' Assemblee territoriale • La tra-
leke, dont Um Nyobe 22 • » h ison du Kumzse ouvre meme Ja voie a l'implantation de l'UPC. « Jusqu'au
Le pouvoir fran~ais sait aussi s'en prendre lui-meme au chef du Kumzse, mois d'octobre 1952, indique le rapport annuel du chef de region en 1953,
en l'inculpant pour coups et blessures 1.e26 Juillet 1949, Jour d'unc r~union ä l'UPC n'avait pas reussi a mordre sur le pays. Mals depuis que des dissensions
son domicilc avec Un, Nyob~, cc qul vaudr.i II Djou111c.ssl u11ccomlnrnnnllon soot apparues au sein du Kumzse, depuis que ce mouvement est taxe de

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"vendu ä l'administration", certains elements revolutionnalrc~ ,cgardcnt vers apporte 29• » Si cette strategle a ete cxplicitce et rcveleeen 1955, eile a en realite
J'UPC27 • » ete mise en application bien avant.
Mais Djoumessi n'est pas la seule « prise » de l'administration, qui En effet, si le Cameroun n'offre pas a la puissance coloniale son Hou-
campte a son tableau de chasse bien d'autres opposants dociles, prets ä jouer phou~t local, si les leaders de l'UPC, hormis Djoumessi, refusent de se preter
de leur enracinement pour contrer le mouvement nationaliste et desamorcer au Jeu du « repli strategique », il ne reste plus ä i'adrninistration qu'a tenter
la contestation anticoloniale ... de creer des dizaines de petits Djoumessi, c'est-a-dire des representants de
chaque groupe ethnique, en esperant emporter ainsi l'adhesion ou Ja soumis-
sion des Camerounais morceau par morceau. La fraude electorale et les diffe-
rentes tentatives d'intimldation ne suffisant pas a faire taire l'UPC,
Diviser: Jacarteethnique
l'administration tente de lui creer des adversaires. Face i\ la tentative difficile
et les « oppositionsafri-caines
»
mais reelle de l'UPC de creer un parti au-dela des affinites regionales, l'admi-
nistration amorce deliberement une veritable tribalisation de la scene poll-
«Toute agglomeration d'individus, race, peuple, tribu ou famille, repre- tique locale. La strategie frarn;aise porte ainsi une vision « ethniste », qui
sente une somme d'interets cornmuns ou opposes. S'il y a des mceurs et des essentialise des groupes sociaux en leur attribuant des caracteristiques precises
coutumes a respecter, il y a aussi des haines et des rivalites qu'il faut savoir ou en propageant ces perceptions pour opposer ces groupes les uns aux autres.
demeler et utiliser a notre profit, en les opposant les unes aux autres, en nous La vision du colonisateur vient ici contredire la propagande officielle
appuyant sur les unes pour mieux vaincre les secondes. » Ainsi parlait le mare- selon laquelle la France cherche a liberer Ies indigenes de leurs apparte-
chaJ Joseph Gallieni en 1898, ceuvrant a la « pacification » de Madagascar. nances identitaires pour les elever a 11« universel ». En reaJite, pour affaiblir la
Cette « politique des races » a ete renouvelee dans toute l'Afrique coloniaJe contestation, tout ce qui ramene al'autorltarisme traditlonnel est au contraire
sous domination fran91ise.Elle est activement utilisee dans le Cameroun des encourage par l'administration. Celle-ci instrumentaJise une pseudo-autoch-
annees 1950. tonie de ses affides pour l'opposer a une UPC systematiquement accusee
Lorsque, en avril 1955, ils decouvrent une lettre adressee par Jacques d'obeir aux ordres de I'« etranger », ce terme designant selon les cas les autres
Hubert, chef de region du Dja et Lobo, a un subordonne, les dirigeants de ethnies camerounaises ou le communisme international (Paris, Moscou,
l'UPC tiennent enfin Ja preuve irrefutable que l'adrninistration monte de Pekin).
toutes pieces des mouvements fantoches pour discrediter le mouvement Une evolution equivalente a celle du Kumzse se produit dans d'autres
nationaJiste. La lettre d'Hubert est ainsi formulee : « La meilleure action que regions. Chez les Douala, dont les grandes familles sont reunies au sein de
nous puissions avoir, c'est de susciter des oppositions africaines et de rendre l'assemblee traditionnelle Ngondo, le chef Betote Akwase detourne vite de ses
Ja vie impossible aux meneurs upecistes, en leur opposant des Africains sympathies envers l'UPC pour se rapprocher de DouaJa Manga BelJ.Chez les
decides et energiques. Je sais que cela n'est pas facile en pays BouJou, mais il Boulou, au sud du Cameroun, Charles Assale,en qui Je militant communiste
n'est quand meme pas impossible de trouver quelques personnes qui ne Gaston Donnat avait place tant d'espoirs, amorce son virage politique en
soient pas d'accord avec l'UPC et acceptent de bien vouloir le manifester meme temps que Djoumessi. En mai 1950, il delaisse le camp independantiste
ouvertement 28• » « Tout est Ja 1», constateront !es upecistes, qui diffuseront et raUie ä l'administration coloniale son association « traditionnelle », intl-
Iargement cet extrait pour mettre en garde les populations contre la politique tulee Efoula-Meyongou « Union tribale Ntem-Kribi», s'ouvrant ainsi la voie
des « oppositions afrlcaines ». d'une election facile a l' ATCAMdeux ans plus tard, en se presentant comme
La ligne directrice de l'adrninistration envers les organisations poli- un « nationaliste modere». Bamoun, Eton, Ewondo, Fulani, Beti... : presque
tiques camerounaises est simple: avec nous ou contre nous. Organiser Ja pro- tous les groupes ethniques sont ainsi regroupes en d'inoffensives associations
pagande contre l'UPC demeure le seul critere pour beneficier du soutien de la regionales, minimisant les risques d'alliance entre jeunes upecistes et notables
France. Georges Becquey,directeur des Affairespolitiques du Cameroun, dans communautaires.
un courrier confidentiel de 1955, n'y va pas par quatre chemins lorsqu'il est Forte de ces premiers succes, l'administration cherche ä passer a l'echelon
consuJte sur un responsable poiitique camerounais : « L'intcressc poursuit, supcricur, avec la crcation de veritabl.espartis censes contrecarrer l'influence
par la voic d'un groupcment politique, unc actlon de propagandc et de lutte upecistc, reglon par reglon, cthnlc par ethnie. Le 20 juin 1949, ies adminis-
contre l'UPC,ccrit-il. Acc titrc, l'appul de l'ndrninl~trotlon locolc pc11thrl Nrc t.ratcur~ fran,ais d'Escka, cn Sanoga-Maritimc, crecnt l'Essor camerounais

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(Esocam) et en confient la presldence ä un ßassa de Yaounde, Pierre Dimalla, Okola, pr~s de Yaouncle, evoque so11s regret les methodes employees pour
ex-upeciste, plus connu pour son goOt de la boisson, des femmes et de l'argent convaincre les Eton : « Je prechals la bonne parole a ta population rassem-
que pour ses engagements politiques. L'objectif est de rassembler des notables blee, en jouant sur le reflexe ethnique. J'exposais que les partisans d'Um
bassa pour faire piece ä I'ascension d'Um Nyobe, bassa lui-meme, en Nyobe se revoltaient et reclamaient l'independance parce qu'ils etaieQt restes
s'appuyant sur les divergences entre les clans. Mais, dans une soclete locale dans la pauvrete, faute d'avoir su, comme les "Etons", accroitre Jeur revenu,
dont les hierarchies traditionnelles sont en plein bouleversement, Ies chefs eo creant et en exploitant de vastes plantations 37 • » La meme propagande
bassa sont en perte d'influence. Et, plutöt que d'unlr Ies « opposants afri- fonctionne egalement contre les upecistes « bamileke >) emigres dans d'autres
cains » contre l'UPC, l'Esocam se desagrege eo multiples petites factions regions et accuses, entre autres, d'y semer le desordre et d'y vampiriser les
rivales. Si bien que, ä pelne trois ans apres sa creation, le chef de region richesses.
constate l'echec d'un mouvement qui « n'existe [... ] plus guere que dans les L'echec des partis instrumentalises tant bien que mal par la France ferait
archives 30 ». sourire, s'ils ne cont:ribuaient pas a attiser des rivalites ethniques qui seront
A sa place, l'administration tente une manreuvre similaire en 1952, eo reactivees avec bien plus de violence quelques annees plus tard. De plus, ces
lan~ant dans l'arene l'Indecam, ou coordination des Independants came- petits soldats noirs du colonialisme fran~is quadrillant Je territoire diffusent
rounais, pour, de l'aveu meme des Fran~ais, « combattre l'UPC plus efficace- une pensee procoloniale extremement conservatrice, propageant l'idee d'une
ment que ne l'avait fait l'Esocam 31 ». Le nouveau parti-croupion s'embourbe hierarchie stricte entre les peuples et entre Ies inctividus comme antidote aux
egatement dans une concurrence entre chefs pour l'acces aux prebendes du idees egalitaires de l'UPC.
pouvoir, notamment !es sommes d'argent en liquide re~ues de la main meme Un exemple parmi tant d'autres : au cours d'une tournee de propagande
du Haut Commissaire Andre Soucadaux, « avec la consigne formelle de ä l'ete 1952 dans Je Mungo, au sud-ouest du Cameroun, un conferencier de
conserver le secret Je plus absotu sur ce don 32 ». Le succes populaire n'est pas l'Esocam, Joseph Kamdem, stigmatise dans l'UPC un « parti de l'egalite 38 ».
au rendez-vous. Un rapport de pollce qualifie son activite politique en 1953 « L'UPC est un mouvement des hommes de Ia classe inferieure », rend1erit un
de « faible » - et, litote, de « fantaisistes » les effectifs revendiques par intervenant de l'Esocam au cours d'un meeting, offrant a la vindicte popu-
l'Indecam aupres de l'ONU quand elle annonce sans rire « 183 216 adhe- laire ces « condamnes » et ces « chömeurs qui troublent !'ordre public », bref
rents » 33 alors que Ja police eo 1955 estime plutöt a deux cents Je nombre de « ce parti [qui] enseigne Ja desobeissance aux populations ». Outre Ja soumis-
militants de ce « parti » 34. sion aux chefs traditionnels, les partis « francophiles » prönent leur propre
En parallele, a Abong Mbang, a l'est du pays, est creee sur Je modele de soumission a la civilisation occidentale, pour mieux delegitimer la revendica-
l'Esocam la Renaissance camerounaise (Renaicam), parti des Ewondo-Maka, tion de l'independance. Joseph Kamdem reproche ainsi a l'UPC de demander
avec Je meme programme et avec un effectif militant taut aussi derisoire. La le « depart des Europeens pour nous laisser libres alors que nous ne sommes
encore, l'administration est a la manreuvre, avec les methodes habitueIJes. [pas] dignes 39 ».
Pour motiver l'anti-upeclsme de ces troupes, un dirlgeant gaulJlste local pre- En bref, l'Esocam relaie l'idee colonialiste d'une lente evolution, natu-
conise ainsi : « Il sera Indispensable d'aHmenter leur ferveur par des distribu- relle et progressive, de chaque peuple vers une « autonomie daos !'Union
tions de vin et en constituant une peUte caisse electorale ä chaque delegue de fran~aise », qui s'oppose a Ja lutte pour l'independance. Dans cette Ideologie,
subdivision, de maniere qu'il puisse travailler utilement Ja masse fluctuante les Camerounais sont systematiquernent compares a des femmes ou a des
et versatile des electeurs des villages places sous sa direction. [... ] La fete n'est enfants proteges par Ja France. n ne s'agit plus des lors de revendiquer l'inde-
jamais complete si on ne "paye pas a boire" et si les chefs n'entretiennent pas pendance, mais ,< humblement, poliment, comme un fils ä son pere, de sup-
l'ardeur creee par !es libations 35... » Pour monter les Ewondo contre l'UPC, plier l'administration de parfaire son reuvre dejä commencee 40 », pour etre
meme l'Eglise s'en mele. Selon le temoignage d'un ancien upeciste, les mis- conduit a « evotuer » progressivement, de degre en degre, vers une lointaine
sionnaires europeens ,<n'hesitent pas (... 1ä exciter les rivalites tribales ». maturite politi.que. Tels sont les Camerounais dont revent leurs tuteurs colo-
« Avez-vous perdu toute fierte tribaJe ?, entend-on un pretre precher devant niaux: des hommes et des femmes prets atoutes .les servilites contre quelques
une assemblee ewondo. Comment pou,rez-vous accepter de vous lalsser minimes faveurs ou quelques honneurs factices.
commander paJ un Bassa 36 ? » Dans toute J'Afrlque, la France accueille avec soulagement la politisation
Les memes argumentalres sont utllises dans les autres rcglons « mcnacces des appartenances ethni.ques, capable selon elle de canaliser !es protesta-
par l'UPC ». Dans ses Memoires ln~dlls, Jcnn Vcrscl, ad111l11l~tratcur cn 1954 ö. lions. « Un morcellement profond se fit, falsant ressortir d'une fai;:onnette la

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survivance des partlcularlsmes ett,nlques. Ce rnorccllement· const ltue un gage Alexandre Douala Manga Bell (1897-1966), fils du prince Rudolf pendu
certain de securite », se rejoult meme un offlcler auteur d'un rappo.rt de 1954, par !es Allemands en 1914 pour avoir resiste ä la spoliation fonciere, est issu de
deja cite, consacre ä la vie politique en Afrique « fran\'.aise » 41 • l'aristocratie douala. C'est un petit homme maigre et energique, <• histrion de
A cette politique des « oppositions africaines », l'UPC repond par un genie, ludion farfelu qui jouait tous les röles avec le talent mimetique inega-
nationalisme sans faille. Mais Um Nyobe n'oublie pourtant nullement lable de l'homme africain », selon le portrait qu'en fait l'adminlstrateur Guy
d'ancrer son mouvement dans !es differents terroirs du pays. « Le tribalisme Georgy 43• En reaction a l'execution de son pere, le jeune Alexandre, eduque
est l'un des champs les plus fertiles des oppositions africaines », previent-iL dans l'austerite de l'Allemagne imperiale, prend le parti de la France, le nou-
Avant de preciser: « Nous ne sommes pas des "detribaliseurs", comme veau colonisateur. Mais il a un eternel probleme : aussi noble soit-il, Je prince
d'aucuns le pretendent. Nous reconnaissons la valeur historique des ethnies est eternellement sur Ja paille. Heureux hasard, alors qu'il cherche a ren-
de notre peuple. C'est la source meme d'ou jaillira la modemisation de la flouer ses finances, !es Fran~ais ont besoin de son nom, symbole popuJaire de
culture nationale 42 • » Cette dialectique habile parvient adesamorcer certaines la resistance ä l'occupant. L'administration tire rapidement les conclusions de
de ces « oppositions africaines ». Si bien que, au final, Esocam, Lndecam, cette facile equation : elle le finance pour Je faire rentrer dans le rang, jouer de
Renalcam et autres sigles imagines par l'administration n'entament pas reelle- son influence a Douala et tenir de beaux discours a l' Assemblee nationale ou ä
ment l'implantation de l'UPC. la tribune de l'ONU 44 •
Fetard genial, capable de« reciter du Virgile en marchant sw les mains »,
selon l'expression de Paul Audat (secretaire general de I'Assemblee legislative
Moderer:le recrutementd'elites« moderees» camerounaise a partir de 1956), Douala Bell se revele tres utile 45 • Ce poly-
et d'« interlocuteursvalables» glotte expert du double Langage, capable de vanter ä l'ONU l'action de la
France en anglais, en allemand et en fran~ais, est un homme a choyer.
On le voit, ces responsables politiques sans envergure, ne vivotant Qu'importe s'il faut perpetuellement eponger ses dettes. Et tant pis si l'excen-
qu'avec le soutien de l'administration, ne sont pas ä la hauteur. Utfüses contre tricite de celui en qui Delavignette distingue des janvier 1945, « entre tous !es
l'UPC dans chacun de ses fiefs regionaux, ils ne peuvent incarner une alterna- autochtones du Cameroun, le plus remarquable qui se soit leve ä nos
tive proprement nationale. Consciente de ce probleme, l'administration doit cötes 46 », est parfois un peu trop « remarquable ». Comme par exemple quand
entretenir des « interlocuteurs valables• », c'est-a-dire des opposants moderes il entre un jour a cheval au cabaret parisien Le Lido en demandant un seau
a la colonlsation, mais de stature nationale. Comme on l'a deja evoque, avant de champagne pou.r ravitailler son vehicule ... Ou, plus embetant, quand il tue
de mettre sur orblte Ahmadou Ahidjo en 1958 (voir chapitre 17), la France a son propre fils de deux coups de fusil a Douala a la suite d'une dispute en
ainsi beaucoup mise sur deux personnages emblematiques de la periode colo- 1947: !'Assemblee nationale diligentera une enquete tres poussee, qui prou-
niale, !es « moderes » Alexandre Douala Manga Bell (depute MRP de 1945 ä vera la culpabilite du depute 47 et i:ecommandera tres officiellement...
1958) et Paul Soppo Priso (president de l'ATCAMde 1954 a 1956 et proche de d'enterrer l'affaire. On se doute que si Um Nyobe ou Moumie avaient ete
laSFIO). convaincus d'assassinat, ils n'auraient pas beneficie de la m~me mansuetude.
Taut semble, a priori, opposer le prince excentrique cornaque par Mais Douala Bell a le bon gotit d'approuver tout ce que fait la France en lndo-
Aujoulat et le « socialiste millionnaire » affilie ä la SFJO de Soucadaux. Ces chine, en Algerie ou ä l'ONU. Sa desorganisation totale, sa francophilie carica-
deux « francophiles », chacun « filleul » d'un des deux parrains politiques du turale, sa passion pour les femmes et les boissons alcoolisees Je marginalisent
Territoire, se detestent cordialement. Toutefois, en plus d'etre tous deux origi- cependant progressivement a la fin des annees 1950.
naires de Douala, ville strategique pour !es interets fran\'.ajs mais dont les Moins excentrique, Paul Soppo Prlso est egalement un homme beau-
popuJations miserables et frondeuses sont tres sensibles aux discours upe- coup plus subtil, qui sait se positionner au juste milieu entre les upecistes et
cistes, ils se rejoignent dans leur docilite a l'egard de la metropole. Laque.lle les autorites fran~aises. Siegeant a l' Assemblee de !'Union fran~aise en tant
dispose ä leur egard d'une ressource qui se revele plus efficace encore que les que representant du Cameroun, il se fait remarquer par des posltlons plutöt
appartenances ethniques : l'argent. « progressistes », auxquelles ne peuvent que souscrire !es militants natlona-
listes 48• lmmensement riche en comparaison de ses compatriotes, il rassure
a En rcfcrN1cc i\ l'cxpresslon de G11yMallet ~ lo rcchc.-chc de not101)nll\tr$ nl~~rlcm (I\ICCqul les admlnistrateurs fran~als « liMraux », proches de la SFIO, qui appreclent
dlalogucr N1 1955. son scns du cornpronils et lul pl'l!tenl c11consequence un destin glorieux.

1110 141
((Kc111ren111
», u11ebrt)c/11• l'Empltt·ft,111111/1( / !MS-19S4)
tl1111s I 'lt1t1mm1hil' II l'Ul'''
,11/c•11111/11'c

Comme on l'a vu, Soppo a fait preuve de sa francophilie au sein de la Jeucafra Soppo reste pourtant isole. Son parti n'attlre pas les Carnerounais, plus sen-
et de l'Unicafra. Lncarnatlon d'un natlonaJisme patient, consensuel et en tous sibles au programme tranche de l'UPC et a la rigueur morale de ses respon-
points «modere», il renvoie ä la France l'image ideale d'un pollticlen tole- sables. L'administration ne se decourage pas pour autant : jouant aussi bien
rant, courtois et cultive. En un mot, de l'Africain « civilise ». de la carotte que du bäton, eile fait du millionnaire Soppo Priso un
Fils d'esclave parvenu, Soppo est doue pour les affaires. Andre Bovar, qui « exemple » pour !es foules miserables. Et une promesse pour tous Ies nationa-
l'apprecie pour avoir travaille pour lui ä partir de 1954 a l'ATCAM, connait listes « radicaux » qui seraient tentes de moderer un peu leur contestation.
bien les origines de la plus grande fortune du pays, qui remontent a l'epoque Marthe Moumie, l'epouse du presldent de l'UPC, raconte ainsi cornment
Ollce jeune agent du service des mines est pris en main par l'administration, l'administration a cherche ä acheter son mari, au sens litteral du terme :
dans les annees 1940. « Au depart, explique Bovar, pour animer la]eucafra, « Vous serez riche, Jul promet-on en lui proposant une liasse de billets, a
Soppo Priso etait largement subventionne par !es fonds secrets. A la fin de Ja l'exemple de Soppo Priso 51 • »
guerre, l 'administration lui a dit : "Apres tout, vous avez rendu service, gardez Coosciente de l'influence des mots d'ordre upecistes, l'administration
le fric" 49 • » Enrichi par !es fonds secrets et devenu entrepreneur, Soppo Priso cherche donc, en jouant sur les rivalites tribaJes, l'appät du gain ou la soif
meta profit son camet d'adresses politique, gräce auquel l'administration lui d'honneurs, a se constituer une elite moderement nationaliste capable de
alloue des quotas de ciment contingente et lui attribue des prets. Puis, canaJiser les revendications populaires et de contrecarrer un nationalisme
explique le journaliste Philippe Gaillard, il sert de « prete-nom au directeur juge trop « radical ». C'est au sein du courant « sociaJiste » que ce processus est
des Travaux publics, Mauclere, pour une entreprise de bätiment, dont il avait Je plus manifeste. Le Haut Commissaire Soucadaux, lui-meme membre de la
herite au depart du Territoire de ce fonctionnaire fran~ais so». SFIO, rassemble de nombreuses personnalites « utiles >>au sein de la brauche
Apres guerre, le « prete-nom » a surtout cherche ä gagner de l'argent. « Sa locaie du parti, !'Union sociale camerounaise (USC). C'est le cas notamment
premiere periode, c'etait faire des SOUS, poursuit Bovar. Ensuite, il s'est Inte- du volubile Charles Okala. Siegeant au Senat fran~ais et se reclamant du socia-
resse ä Ja poUtique, avec des positions tres classiques, profran~aises. » En effet, lisme, l'homme appara1t comme un interlocuteur particulierement accom-
si les gaullistes l'ont aide ä faire fortune dans Je batiment puis dans l'immobi- modant pour !es autorites. NationaJiste a ses heures, il tient a prendre ses
lier, c'est le Haut Commissaire Andre Soucadaux qui, a partir de 1949, l'appuie distances avec l'UPC, car lui, insiste-t-il, entend « reclamer avec courtoisie ce
dans sa carriere politique. Pour deux raisons: faire piece au MRPAujoulat, Ieur dont nous avons besoin » aupres de la tutelle fran~aise 52. On trouve egale-
adversaire commun, et surtout pouvoir compter sur l'influence d'un leader ment dans cet heteroclite attelage « socialiste » l'administrateur colonial
politique a Douala. Maniant l'ambigui:te avec taJent, au Cameroun comme a antillais Jules Ninine ou l'influent sultan de Foumban, Seidou Njimoluh
Paris Oll il siege a!'Assemblee de ]'Union fran~aise, Soppo devient rapidement Njoya. Sur Je terrain syndical egalement, Soucadaux cherche a ramener les
un des responsables politiques les plus en vue du Territoire. En 1954, il par- « radicaux » vers de plus sages desseins. II pousse notamment le cegetiste
vient äse faire elire al'ATCAMavec le soutien de l'UPC, quand celle-ci n'a pas Charles Assale, membre fondateur de l'UPC en 1948, aquitter sa centrale. Au
pu presenter ses propres candidats. Et il prend dans la foulee la presidence de terme d'une confortable reflexion a l'hötel Lutetia a Paris, Assale se laisse
!'Assemblee, au nez et a la barbe de Louis-Paul Aujoulat, en s'appuyant sur Ies convaincre et decide de prendre Ja tete de la section camerounaise de Force
voix des colons qui preferent un Noir millionnaire et fier de l'etre a un Blanc ouvriere, montee de toutes pieces en 1952 53 •
qui se prend pour un Noir. N'affichant aucune hargne particuliere ä l'egard Douala Bell et Soppo Priso sont les plus connus, rnais nombre de seconds
de l'UPC, qui verra longtemps en lui un aJUepotentiel, Soppo reste pourtant couteaux sont ainsi pris en main par l'admjnistration. Une classe politique
entre les mains de la puissance coloniale, aqui il doit son ascension aussi bien camerounaise « moderee » emerge des institutions « representatives », metro-
financiere que politique. Nationaliste modere, l'homme est avant tout un politaines ou territoriales, qui creent un sentiment de familiarite entre elites
grand bourgeois. fran~ses et camerounaises. Epuree de taute representation upeciste, 1'Assem-
Par le Juxe de son train de vie, Soppo Priso fascine. Durant ses cam- blee territoriale joue a cet egard son röle de selection des dirigeants « evolues »
pagnes electorales « a l'americaine », on ne lesine pas sur Jes depenses, des et « francophiles », « interlocuteurs valables » et partenaires de demain. Ce
filles criaot « Soppo I Soppo ! » sont promenees a bord de camions de propa- processus aboutit a une grande maitrise des discours des responsables poli-
gande; et toutes les personnalites de passage a Douala sont lnvitecs a venir tiq ues autorises. L'administrateur Paul Audat, jeune enarque travaillant
profiter de son court de tennis (eclaire meme de nult. ..) ou go0lcr b des rnon- aupres de Soucadaux en 1952, n'explique-t-il pas, avec une certaine delecta-
tagnes de caviar dans sa fnstucusc residcncc. Malgr6 sc.~app11I~ llnporlnnts, tion, qu'il avait m~me pris l'habitucle d'ecrirc "de nombreux articles en sty.le

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local » a la place d'hommes politiques locaux, comme Mar1-1nAbega Atan- se renforcer. « Le nationallsme est a la mode chez les peuples "attardes" »,
gana, chef superieur ewondo et conseiller territorial proche d'Aujoulat, ou le reconnait benottement le chef de region du nord du Cameroun, Bertrand
conseilJer territorial et chef de Bandjouo, Joseph Kamga 54 ? En poste quelques Lembezat. MaJgre ses ennemis de clrconstance, maJgre Ja sourde repression
annees plus tard a 1'Assemblee nationale camerouoaise, Je meme Paul Audat administrative, malgre tes caJomnies fabriquees et Jes scrutins truques, eUe
se fera un plaisir d'ecrire les dlscours des parlementaires de la majorite et de ce continue, comme l'adrnet bientöt l'administration fran~aise, ,, ä faire "tache
qui tient Heu d'opposition 55 ••• d'huile", ä intensifier le recrutement de ses adherents, ä.developper la mise
en place de ses organismes de base [et] ä discrediter par sa propagande tres
orientee [communiste] l'ensemble de l'ceuvre fran~aise au Cameroun 59 ».
Interdire? « Lenationalismeest ala mode Sur le bureau du Haut Commissaire, les rapports inquletants s'accumu-
chezLespeuples"attardes"» lent en 1954. L'UPC, apprend-on, poursuit sa percee ä DouaJa. Son influence
grossit en region Bamileke. Eo Sanaga, l'ascendant d'Um Nyobe n'est plus a
Il s'institue, au cours de ces annees, un jeu politique, avec ses debats, ses demontrer. A Yaounde, le medecin Mathieu Tagny, chef tocal du parti, federe
intrigues, ses personnages, son Parlement et ses elections, qw parfois tien- un nombre croissant de militants. « Son inteUigence, son reel courage moral,
nent campte d'un certain ancrage de chefs politiques locaux sur leur terri- sa vie ascetique et ses betles qualites professionneUes [... ] lul donnent un tres
toire. Depuis dix ans, depuis la fin de ta Seconde Guerre mondiale, les grand rayonnement >), s'inquietent les autorites 60• Coince dans le Nord, Felix
autorites fran~aises ouvrent peu a peu Je jeu politique local. Maiseiles veil- Moumie s'ag:ite egalement. II multiplie les contacts dans la population locale
lent surtout ä circonscrire le debat politique ace qu'elles-memes jugent accep- et envoie des tombereaux de lettres aNew York ou aParis pour se plaindre de
table, taxant de « radicaux » et excluant par tous les moyens ceux qui Lachasse a l'homme dont il est victime 61 • Malheureusement pour l'adminis-
cherchent ä en elargir les termes. Derriere ce theätre qui permet de faire bonne tration, Je dossier de Moumie, medecin comme Tagny, « contient des appre-
figure devant l'ONU, Ja fraude, Ja corruption et l'instrumentalisation des ciations elogieuses sur sa valeur professionnelle 62 >>.Faut-il alors muter Tagny
appartenances ethniques lul permettent, par la contrainte, de tenir les renes et Mournie hors du Cameroun, pour les isoler encore davantage 63 ?
du pays. Comme Je reconnait poliment le gouverneur Pierre Pages Je Al'etranger, justement, la credibilite de l'UPC ne cesse de s'affirmer. Non
3 decembre 1954, invite d'honneur de J'Academie des sciences coloniales, seulement Um Nyobe est devenu un invite regulier de Ja quatrieme commis-
« au point de vue politique et sociaJ, les libertes accordees au Cameroun appa- sion de l'ONU, mais U etoffe son carnet d'adresses international. De passage
raissent assez parcimonieuses 56 ». aParis fin 1954, sur le chemin de New York, il multiplie Jes rencontres avec
Alors qu'elle a su habilement retourner ses opposants dans ses autres pos- Jes journalistes et les syndicalistes fran~ais, ainsi que les conferences avec !es
sessions africaines, alors que l'ONU prefere se taire quaod eile n'applaudit pas, intellectuels et les etudiants africains (voir chapitre 10). 11a meme, croit savoir
alo.rsque la presse metropolitaine se felicite du « developpement >) de ce « Ter- le Service de documentation exterieure et de contre-espionnage (SDECE),pris
ri toire pilote », la France sait pourtant que la « breche>) camerounaise se des contacts avec des « nationalistes nord-africains )>64 • Pour tes services de
creuse. Car l'UPC resiste. Aucun des pions que Ja France avance sur l'echi- renseignement, le doute n'est plus permis: l'UPC est definltivement tombee
quier politique local ne dispose d'un ancrage comparable ä celui de l'UPC. dans l'orbite communiste. Le PCF n'a-t-il pas invite les leaders upecistes ason
Aucune mesure ne degonfle la popuJarite du mouvement nationaliste. « Rien congres de juin 1954? Ernest Ouandje ne s'est-il pas rendu a Pekin, en aout,
de bien reeJ ne se fait au social et au politique en faveur du Noir, se desole un pour assister au conseil de la Federatioo democratique de la jeunesse mon-
missionnaire des 1953. On entoure de prevenances, on comble de pre- diale? L'enthousiasme pour le communisme est pourtant loin d'etre unanime
bendes, on pounit quelques privilegies qui font de Ja politique et qui ne parmi les upecistes, comme en temoignent leurs correspondances privees,
voient que leur avantage personnel. On ne fait rien ou presque pour les autres, que Ja police surveille. Mais l'UPC se situe, affirment les autorites avec
!'immense masse 57... >>Le relig:ieux voit juste. Quelques annees plus tard, un aplomb, « dans la ligne marxiste 65 ».
rapport constate que l'USC, malgre les efforts de Soucadaux, a totalement Fin 1954, les autorites fran~alses paraissent plus inquietes que jamais.
echoue, « en raison de l'indiscipline et peut-etre de Ja corruption de certains A Eseka, le chef de subdivision constate l'impuissance de l'administration.
de ses dirigeants ss ». Meme les monlteurs de la Mission protestante americaine (MPA), s'alarme-
Dans ce contexte, l'UPC falt mieux., en reallte, quc rCslslcr.Gr§ce ä la t-11,emmencnt leurs eteves aux confcrences d'Vm Nyobe 66 ! En region Baml-
force de ses argumcnts et ä la dctcrminatlon de scs mllllo11ts 1 L'llt• 11c ccssc de lcke, tes esprlts s'cchauffcnt entre lcs upccistes locaux et leurs ennemis

1411 145
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proadministration. A Douala,les « rafles» effectueesdans les milleux natlona- II


llstes se revelent improductlves. A la tribune de !'Assemblee nationale, le
ministre Louis-PaulAujoulat lui-meme avoue son desarroi, en juin 1954 :
« Les moyens dont on use pour faire obstacle ä ce parti ne sont pas toujours Peusurl UPC
1

des plus efficaces67••• »


Partout, l'UPCsemble avoir le vent en poupe. Assuresd'un soutien popu- (1955-1958)
laire de plus en plus massif, confiants dans la justesse de leur combat et de
moins en moins intimides par les manceuvresde l'administration colonlaJe,
dirigeants et milltants de l'UPC,de l'Udefecet de la JDC, creee en 1954, mul-
tiplient les actions de revendication. Lesadministrateurs locaux sont depasses
par ce qu'ils appellent une « campagne d'agitation ». Fin 1954, Ja greve orga-
nisee conjointement par l'UPCet l'USCCcontre les conditions de travail dans
les plantations de Dizangue n'a-t-elle pas degenere en bataille rangee entre
grevistes et non-grevistes ? Pour l'admJnistration, il y a urgence. D'autant
qu'un vent de panique commence a baJayer les milieux coloniaux. Un vent
qui vient de loln : de Dien Bien Phu, d'abord, qui tombe le 6 mai 1954; et
bientöt d' Algerie,secouee par les bombes le 1er novembre 1954... Comment
des Iors sauver le Cameroun frarn;aisde l'UPC?
« II serait bon de prevoir dans les plus brefs delais la dissolutlon du parti
UPC », reclame des novembre 1954 l'administrateur de Bafang (Quest).
L'idee, il est vrai, fait son chemin. Meme au ministere de la France d'outre-
mer, ou l'on evoque deja une vieille loi de 1936 permettant d'interdire Ies
mouvements faisant usagede « milices privees » et de « groupes de combat ».
« Je crois cependant utile de preciser que, la dissolution ne pouvant inter-
venir que dans des formes assez complexes, il convlendrait, avant d'en venir
a cette extremlte, de lutter contre de telles formations », indique un des
conseillersdu ministre de la Franced'outre-mer, le MRPRobert Buron, debut
janvier 1955 68• A cette date, ce dernier, decide ä en decoudre, a deja rappele
le Haut Commissaire Andre Soucadaux, juge trop inefficace. Et nomme a sa
place un homme ä poigne, Roland Pre, arme de toutes nouveUesmethodes...
8
RolandPrelancela « contre-subversion
»
(1954-1955)

• De toute fai;:011, il est bon de ne pas oublier la lei;:on


de guene revolutionnaire qul vient de nous etre
donnee en lndochlne pour le cas ou une autre du
meme genre nous serait imposee ailleurs dans le
monde ou meme sur le territoire metropolitain. Si les
democraties ne trouvent pas la replique efficace acette
technlque totalitaire, elles contlnueront il jouer per-
dant, aussi bien dans le cas d'une guerre du meme type
que celle d'lndochine que dans la lutte pacifique sm le
plan electoral •
Colonel Charles LACliEROY,1954 '.

Q ue s'est-il passe au Cameroun en 1955 ? Plus de cinquante ans apres


les faits, les raisons exactes des erneutes qui ensanglanterent le pays
pendant les Jours tragiques de mai font toujours l'objet de speculations chez
les commentateurs et les historiens. La version officielle, reprise ä l'epoque par
la tres grande majorite de la presse fran~aise-et toujours vivace aujourd'hui -,
rejette l'entiere responsabilite des affrontements et du sang verse sur l'UPC.
A !'inverse, la these des nationalistes evoque un « complot coloniallste » par-
faitement huile, visant a faire disparaitre I'UPC de la scene politlque
camerounaise.
Si les theses divergent, il apparait generalement que Ja responsabilite des
evenements tragiques repose sur un homme : Roland Pre. Plus que le deroule-
ment des erneutes elles-memes (voir chapitre 9), ce sont surtout les
manreuvres de Roland Pre dans les quatre mois qui ont precede qu'll
convient, en effet, d'examiner en detail. L'ancien gouverneur du Gabon et de
la Guinee, dont on a vu qu'il joue un röle central dans la mise en interdepen-
dance « eurafricajne » du Cameroun ä I'instant meme ou il est nomme Haut
Commissaire de la France au Cameroun, ä la finde l'annee 1954, est en effet le
maitre d'reuvre de ce qui se trame. « On a incrimine par la suite, ä juste titre, la
maJadresse du nouveau Haut Cornmissaire, plus apte a concevoir des plans
qu'ä !es mettre en reuvre et, comme M. Eirik Labonne au Maroc, plus ä son
aise dans les fresques d'anticipation que dans Ja frequentation de la realite
politique quotidienne, ecrira quelques annees plus tard le journaliste Georges
Chaffard. M. Pre est un de ces esprits prospectifs qui entrevoient, tres lo.in en

149
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avant, ce que pourralt ~tre Je dcstln d'un Camcroun trait~ par.les m6ll1odes immense dans !'Union franyaisc.DejAt~moins de la defaite eclair de Ja France
modernes de developpement. Devant les rlantes perspectives qui attenclent en 1940, les nationalistes qui luttent pom l'emancipation de leur pays savent
l'Afrique ä l'äge du progres technologique et cle la mise en valeur des sols et desormais qu'ils peuvent arracher .l'independance par la violence et par les
des sous-sols, combien derisoires lui apparaissaient les antagonismes poli- armes. Les Algeriens du FLNretiendront la Jei;on.Les Camerounais de l'UPC
tiques locaux 2• » aussi, dans d'autres circonstances.
Dien Bien Phu provoque egalement, par contrecoup, une revolution
dans !es cercles militalres frarn;ais.Cberchant ä identifier !es raisons de leur
La « leron» du colonelLacheroy defaite, certains officiers,suivis par un nombre croissant de responsables poli-
tiques, refusent de regarder en face !es aspirations legitimes des peuples colo-
Cette explication est pourtant incomplete. Plus que sur la « maladresse » nises et leur determination a les voir triompher. Pour la plupart d'entre eux,
politique de Roland Pre, c'est surtout sur la doctrine dont il est porteur ason la perte de l'lndochine serait avant tout « technique » : le Viet-minh l'aurait
arrivee a Yaounde qu'il faut porter l'analyse: une doctrine politico-militaire emporte gräce a une nouvelle « technique » guerriere dont « Jes commu-
que l'on commence, ä. l'epoque, a reswner sous Je terme de « guerre revolu- nistes » auraient trop longtemps garde le monopole. Cette « technique »,
tionnaire » (ou DGR, pour « doctrine de la guerre revolutionnaire »). L'histo- expliquent les officiersfrani;ais,consiste ä encadrer et ä endoctriner !espopu-
rien llichard Joseph a eu la chance de realiser un long entretien avec Roland lations de fa<;:ona les transformer en une armee invisible et omnipresente.
Pre, qui l'a amene ä cette intuition : « L'un des aspects les plus frappants de la Des lors, l'ennemi n'est plus simplement l'homme en armes qui se bat fronta-
conception que Pre avait de la täche pour laquelle il avait ete appele au Came- .lement, mais l'ensembJe des populations qui, secretement mobilisees et hle-
roun etait Ja sorte de croisade qu'il entendait mener contre le communisme rarchiquement organisees, peuvent ä tout moment porter Je coup fatal, dam
mondial et pour Ja defense de Ja "civilisatlon". Vn ancien administrateur au le dos de l'adversaire. Ainsi se trouveraient abolis les clivages classiques qui
Cameroun a meme emis l'hypothese que Pre etait un partisan du Rearme- separaient !es fronts exterieur et interleur, l'action militaire et l'action poli-
ment moral•. » RichardJoseph ajoute: « L'autre aspect particulier de l'attitude tique et, finalement, la guerre et Ja paix. Les sentiments humains constituant
de Pre pour remplir sa mission au Cameroun, qui s'ajoutalt ä l'idee de croi- les seuls « fronts » permettant de distinguer l'ami de l'ennemi, c'est ä la
sade morale contre la subversion communiste, etait le caractere de campagne « conquete des cceurs et des esprits » qu'il faut partir pour remporter la vic-
militaire qu'il donnaH ä son action. II dlsait par exemple volontiers qu'il etait toi re. L'arme principale de ce nouveau type de conflit est donc de nature
arrive dans le territoire "pour prendre en charge la lutte contre les elements « psychologique ».
subversifs"3• » Par l'usage et par l'enseignement de cette technique aux peuples colo-
Derriere cette attitude aJa fois ant1communiste, moralisatrice et milita- nises, le communisme, porte par !'Union sovietique depuis 1917 et par la
riste, Roland Pre fut un precurseur dans l'application des theories, alors ChLnepopulaire depuis 1949, serait ainsi la source principale, sinon unique,
balbutiantes, de la « guerre revolutionnaire ». Esprit « prospectlf » en matiere du mouvement de desintegration des empires coloniaux depuis Ja fin de la
economique, Roland Pre l'etait aussl, quoi qu'en dise apres coup Georges Seconde Guerre mondlale. A en croire les officiers frani;aisqui commencent
Chaffard, en matiere politique et militaire. Si l'on met de cöte les experimen- ä ecrire des articles et a donner des conferences sur ce theme au debut des
tations en lndochine, le nouveau Haut Commissaire est, a notre connais- annees 1950, !es mouvements « nationalistes » asiatiques et africains ne
sance, le premier responsable fran~s a avoir tente d'appliquer !es methodes constitueraient qu'une fa<;:adederriere Iaquelle s'abriterait le communisme
de « guerre revolutionnaire » selon un plan systematique et coordonne. Elles mondlal pour saper !es bases du « monde occidental >) et placer dans l'orbite
lui serviront en tout cas de feuille de route pour realiser son unique objectif : socialiste les territoires jusque-la soudes au monde capitaliste. Pour les
eradiquer l'UPC.
Frani;ais,qui supportent mal d'avoir ete defaits par les va-nu-pieds du Viet-
En un sens, !esaffrontements de mai 1955 au Cameroun sont une conse- minh, l'lndochine apparait comme une preuve irrefutable de ce processus.
quence directe de la defaite fran<;:aise de Dien Bien Pht'i,un an auparavant, en Le plus emblematique d'entre ces officiersspecialistesde la « guerre revo-
Indochine. Ce « Valmy des peuples colonises » provoque un effet de souffle lutionnaire » s'appelle Charles Lacheroy. Affecteen Cöte-d'Tvoireeo 1946, ou
il participe ä l'ecrasement du mouvement de revolte Iance par Je RDA
d'Houphouet, Lacheroy sera ensulte envoye en Indocbine en 1951. C'est la
a Sur cc mouvcmcnt, vo1rchapl1rc JO.
que, trouvant sur un ennemi le livre de Mao Zedong sur la « guerre

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rholulionnaire », IInuralt compri~lc sccret du Vl~t-rnlnll.L,H.hl1oy n'c,t pas


1 aux gaz de combat par les gaz de combat, aux bombardements reputes strate-
le prernier officlcrfran~aisä faire ctat de cette nouvelle forme de 1:tucrrc"psy- giques par des bombardements analogucs... Demain, on repondra ala bombe
chologique .,._Majs, indiquent les specialistes Gabriel Perles et David Ser- atomique par la bombe atomique et, si l'on s'y refuse, IIsemble bien qu'il n'y
venay, il est « le seul ä elaborer ä partir de ses decouvertes su,.·le terrain ait d'autre solution que de s'avouer valncu et de rentrer chez soi, si le vain-
indochinois un vral discours doctrinal, construit et argumente 4 ». queur accepte que le vaincu ait encore un "chez soi". Or, dans la guerre qu!
Son Innovation consiste ä decrire le fonctionnernent de l'endoctrlne- se deroule en lndochine, le Viet-minh a mis au point une organisation
rnent des masses par le Viet-minh ä travers ce qu'il appelle les « hierarchies populo-politico-policiere,sans doute revoltante pour la conscience humaine,
paralleles». Celles-cipermettent la prise en charge de l'individu « du berceau mais qui est une arme dont l'efficacite militaire est maJheureusement lnde-
8
ä la tombe » par une pyrarnide d'associations, dans lesquelles il est integre niable et, sans doute, deterrninante. Ne pas s'en servir,c'est jouer perdant • »
d'office selon sa categorie d'äge, son sexe, son activite, etc. Parallelement ä
cette premiere structure, est mise en place une seconde hierarchie permet-
tant d'enserrer les populations territorialement: ä chaque echelon territorial Leplan de bataillede RolandPre
- village, province, territoire -, correspond un comite politico-militaire qui
contröle l'ensemble de la vie des populations. Et c'est le parti communiste Autoritaire, feru d'innovations, anticommuniste fervent, passionne de
qui, selon Lacheroy, coiffe ce « dispositlf totalitaire "· Lequel permet, par la theories prospectives et verse dans !es affaires militaires et strategiques,
propagande et la terreur, de se substituer ä !'ordre legalet de constituer un Etat comme on l'a vu dans ses projets de « combinats » rnilitaro-industriels,
clandestin 5 • Roland Pre pouvait difficilement passera cöte des Innovations doctrinales de
Fort de ces decouverteset de leur theorisation, Lacheroyva connattre une Charles Lacheroy. D'autant qu'il se passionne lui aussi, depuis longtemps
ascension fulgurante au milieu des annees 1950. De retour ä Parisen 1953, il deja, pour les techniques d'orientation « psychologique » des populatlons
est nomme directeur du Centre des etudes africaines et asiatiques (CEAA),ou coloniseeset pour les combats « ideologiques.,.qui traversent Je monde.
il est charge de la formation des officiers frarn;ais en partance pour l'lndo- En bon planificateur, Roland Pre etudie en effet, depuls Ja fln des annees
chine. ApresDien BienPhu, sa renommee explose et ses theories se propagent 1940, les meilleursmoyens de« diriger • lesesprits des Africainsen vue de leur
rap!dement. Grace ä l'entremise du journaliste Andre Blanchet,spedaJiste de faire accepter ce qu'II estime etre conforme aux interets communs de l'Europe
l'Afriqueau Mondeet intervenant occasionnel au CEAA,Charles Lacheroyest et de l' Afrique. Aussi se passionne-t-il pour 1'« education de Ja masse »,
invite ä exposer - anonymement - ses idees au grand public dans les editions domame d'intervention prioritaire, selon lui, pour qui entend reformer en
des 3 et 4 aot1t 1954 du quotidien du soir, dans un article reprenant de ]arges profondeur les relations franco-africaines.En 1950, il preconise,dans son tra-
extraits d'une de ses conferenceset titre: « Lacarnpagne d'lndochine, ou une vail sur L'Avenirde JaGuineefranraise,l'implantation de« centres d'enseigne-
l~on de "guerre revolutionnaire" 6• • lnvlte ä donner une conference devant ment de la masse" et l'organisation de seances de « cinema educatif », de
!es plus hauts grades des officiersfran~ajsrassemblesä l'IHEDNen mai 1955, fa~on ä rendre le cultivateur africain plus efficacedans la « mise en vaJeurdu
il fait si forte Impressionqu'il est nomrne au cabinet du ministre de la Defense pays »et« apte adevenir un citoyen de l'Union fran~aise"·
qu1nzejours plus tard. C'est alnsi que, trois ans durant, ä partir de mai 1955, Devenu president de la commission d'etudes et de coordination des plans
comme l'indiquent Gabriel Perieset David Servenay,« il va incarner le renou- de modemisation et d'equipement des territoires d'outre-mer en 1954, II fera
veau doctrinal de l'armee fran~ise 7 ». de 1'« education de la masse » un axe central de sa reflexion, consacrant meme
Les theories de Lacheroy ne se veulent pas seulement descriptives, mais un opuscule de cinquante pages ä la fa~on d'amener les Africains ä se
egalement prescriptives.C'est lä leur aspect Je plus troublant quand on songe conformer aux directives du Plan. « L'experience politique, peut-on y lire,
a l'accueil enthousiaste que re~oit Lacheroy en cette fin d'annee 1954; car, prouve que, sauf en regime dictatorial et pour un temps seulement, l'on ne
pour lui, la seule maniere de vaincre l'ennemi consiste ä ... adopter ses peut developper et faire progresser un pays si la popuJation n'adhere pas de
« methodes totalitaires ». 11 le dit sans fausse pudeur en concluslon de sa cceurä cet effort; si l'on n'a pas au moins pour soi l'appui de ceux qui la repre-
« le~on de "guerre revolutionnaire" »: « Ce n'est pas la premiere foisque nous sentent. Taut doit donc etre fait pour s'assurer la collaboration des masseset
voyons dans une guerre l'un des adversaires mettre en ccuvrc une nr111c nou- de la classedirlgeantc autochtone ä l'reuvre du Plan 9 • »
velle plus ou moins dHendue par la reglementatlon intcmallon,11(•,volre Lorsqu'ilest nomme Haut Commissaireau Cameroun, le plan de Roland
revoltantc pour la consclcncc humalne. Dans un pass~rfrt111, O•l ,1 ,~po11du Pr~ n'cst pas pl'ioritnlrcmc11td'ordre economiquc. II est taut entier oriente

15 1s:
1 l U,tUII I \II' ( I Y,1,1· I •,.,nJ
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lfo/1111,t I' /11 " t 1111rw » ( 19.54-1955)
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vers un but poli1ique1 la luttc contrc l'UPC. Trols scmolncs sculemcnt apr<'!s 4 f~vrler 1955, ce document de dlx pages, accompagne de trois annexes edi-
avoir pose le pied au Cameroun, le 18 janvier 1955, II fall c11voycr~ tous les fiantes, est capital. lnspire des theories de Lacheroy, il constitue le plan
administrateurs du Territoire une « brocl1ure sur l'lndochine ». « En vous d'action du Haut Commissaire tout au Iong de son sejour au Cameroun. C'est
transmettant ci-joint copie d'une brochure signee par Je colonel C. Lacheroy pourquoi il convient de l'etudier de pres 11•
sur "Une ler;on de guerre revolutionnaire", que je vous demande de lire avec le Posant comme un fait irrefutable que l'UPC est l'agent local « de l'action
soin le plus attentif, je voudrais que vous me fassiez part aussi rapidement que d'ensernble de la politique sovietique dans le monde (desintegration inte-
possible des reflexions que cette etude vous inspire, explique-t-il. Le rieure du monde capitaliste) », agissant pour le compte du «Kominform»
Cameroun est en effet Je sujet d'une action concertee, qui, si eile n'est selon !es methodes chinoises et indochinoises d'endoctrinement et d'enca-
pas encore aussi aigue que celle relatee par Je colonel Lacheroy, risque de drement des masses, la circulaüe signale l'urgence « de prendre position et de
prendre rapidement une grande extension. Je vous demande donc de me dire : mettre au point !es methodes qui permettront de minimiser l'action du parti,
1) dans quelle mesure vous avez constate au Cameroun I'existence de pro- de decourager ses tentatives dans les regions du Territoire Oll II n'a pas encore
cedes et de methodes similaires aceux mis en c:euvreen lndochine par le Viet- pris pied, de la contre-attaquer partout Oll il est solidement implante ». II
minh; 2) quels sont Jes moyens que vous preconisez pour combattre ces s'agit en outre, insiste Roland Pre, « de lui enlever l'essentiel de son prestige
techniques revoJutionnaires soit sur le meme terrain que nos adversaires, soit et le monopole de certaines theories de propagande ou de certaines methodes
sur des terrains differents (domaines economique, sociaJ, politique, d'action ».
propagande, etc.) 10• »
L'ensemble de l'action prönee par Pre dans cette circulaire consiste a
En diffusant ainsi le document de Lacheroy, Roland Pre ne divulgue pas mettre en place des structures et des methodes de propagande permettant de
seulement sa far;on d'envisager l'UPC, consideree comme l'agent local d'une separer les masses de l'UPC - qu'il qualifie taut simpJement de «PC», parti
« action concertee » lancee par le communisme international. II invite egale- communiste- et de les mobiliser directement dans Ja lutte contre !es nationa-
a
ment toute l'administration franr;aise au Cameroun se convertir cette a listes. Pour realiser ce double objectlf, il distingue la « propagande construc-
griJle de Jecture. Chaque faH observe, chaque geste de l'UPC, chaque evene- tive » et la « contre-propagande ,,. La premiere vise a rassembler Ja population
ment politique, doit etre lu ou relu ä l'aune de cette matrlce explicative. autour de I'administration, de ses realisations et de ses objectifs, grä.ce a la
L'observation patiente des dynamiques locales, des mouvements enchevetres, mise en place d'organisations regroupant les populations en fonction de leur
des foisonnements contradictoires des realites politiques camerounaises doit äge, leur sexe et Jeur activite. « Dans cet ordre d'idees, precise Roland Pre, il
ceder la place au regard globalisant et en surplomb qu'affectionne Je nou- n'est pas de meilleure methode que celle utilisee par les organisations et
veau Haut Commissaire. Par l'intermediaire de Ja brochure de Lacheroy, filiales du PC (action aupres des femmes, de la jeunesse, des travailleurs, crea-
Roland Pre entend inciter les adminlstrateurs ä rompre avec la logique de tion des hierarchies paralleles).» En d'autres termes, l'administration doit
l'administration precedente, celle d'Andre Soucadaux, qui a, selon lui, laisse mettre sur pled ses propres « hierarchies paralleles», de fa~on a Lutter contre
prosperer l'UPC par meconnaissance du danger, par attentisme et, pour tout l'influence de l'Udefec, de laJDC et de l'USCC.
dire, par mollesse. En ouvrant leur courrier, ce jour de janvier 1955, !es fonc- Quoique moins precisement definie, Ja« contre-propagande » vise quant
tionnaires franr;ais de tous !es echelons administratifs doivent comprendre a elle as'attaquer frontalement ä l'UPC : « L'action de contre-offensive reve-
que Levent a tourne au Cameroun. L'heure est venue, pour Roland Pre, de ter- tira [alors] un caractere de choc, dans Ja mesure ou elle s'attaquera directe-
roriser les « communistes ». Apres le containment,Je rollback:... ment, toujours par l'intermediaire des Africains, ä l'action meme du PC et de
Passant de la theorie aJa pratique, Roland Pre prepare une longue circu- ses organismes satellites. » Roland Pre pröne ainsi une « propagande d'action
laire, destinee a tous les administrateurs et dotee d'un titre sans equivoque : directe », autrement appelee « propagande de combat », qui doit etre
« Politique generale de lutte contre les organisations poUtiques du Came-
«simple», "categorique », mais egalement « souple », afin « que Ja masse a
roun noyautees par le parti communiste (UPC, JDC, USC, Udefec). » Date du qui eile s'adresse puisse avoir l'illusion de penser par elle-meme [et] qu'il soit
possible dans tous les cas de camoufler l'orlgine, !es buts et !es moyens de
l'action entreprise ».
a A partir de 19S3-1954, rompant avc.-cJa Strategiede co11tahmwn1(cndlgue01cnL)de l'adml-
nistration Truman, le presldcnt Elsenhowcr opte pour unc strat~glc de rollb11ck(rcfoulc- Dans la droite ligne des theories de Lacheroy, pour qui le parti commu-
mcnt) du comnmnlsme lntemallonal. S'il n'ullllsc pas ccs cxpre~ilon~,c'cst clnlre111c11t niste est Je ma\'tre d'<:Euvreet l'organe de centralisation des« hierarchies paral-
cette rupturc que chcrchc h op6rcr llolond Pr6on nrrlv1111t
nu Cnrnc1ou11,
leles» lndochinoises, Roland Pre preconise le principe d'« unlte d'idee et

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d'aclion • nux toucllonnnlrc~ fr'o11,nts: • Toutc l1nctrnl11ht11111011 unanln1c lul, ,'lllustrn dans la Resistancefrant;aisccontre lc nazisme. « Je suis trop sOr,
doll participcrä la lutte dlrccte ou lndlrcctc cont rc les partl~c~l1e,nlstcs. Dan~ lul explique-t-il ainsi, que vous avez exactement mesure le danger qu'il y
cette lutte, II n'y a aucune place pour un dllettantisme de Lecl111lcic11 qui sc aurait ä sembler remettre en vigueur des pratiques et des conceptions que
voudrait hors du monde total camerounals. Chacun place sa pl~cc dans un nous avons combattues, vous et moi, dans un passe recent, pour insister sur
ensemble architectural. » Et Roland Pre de conclure: « L'cnjcu est votrc la possibilite d'une deviation a Ja fois deplaisante dans !es apparences et
lfberte, Fran~is ou Camerounals. » fächeuse dans les resultats 15• »
A l'evidence, !es atermoiements de Teitgen laissent Roland Pre plutöt
insensible. « Homme ä. science Infuse et qui ne veut ecouter personne »,
« Lesmoyensdemocratiques
de lutte contrel'UPC comme le qualifie Jules Ninine 16, il prefere de loin !es positions tranchees
sont vouesal'echec» d'un Lacheroy selon lesquelles on ne peut lutter contre le « totalitarisme »
qu'en adoptant ses methodes. II faut certes utiliser les methodes repressives
Cette circulaire du 4 fevrier 1955 est parfaltement conforme ä. Ja poli- qu'autorise la legislation fran~aise,mais il ne faut pas hesiter a s'en eman-
tique de rupture redamee ä Paris depuis la fin de l'annee 1954. Pierre-Henrl ciper, discretement, si l'on veut vraiment abattre le « communisme ».
Teitgen, qui devient ministre de la Franced'outre-mer Je 23 fevrier,ne cache Quoiqu'on ne sache pas precisement quelles furent les reactions des adminis-
pas sa satisfactlon. Dans une lettre ä Roland Pre, il Je felicite de son « Inten- trateurs locaux a la lecture des documents que leur envoie Roland Pre, il est
tion d'employer tout l'appareil administratif du Cameroun pour atteindre et indeniable que la politique musclee du nouveau Haut Commissaire trouve
remuer le pays jusque dans les profondeurs des masses populaires et l'enca- alors chez eux un echo favorable. Et ce d'autant plus que le respect de Ja
drer dans un systeme qui l'amene a rejeter comme inutile Ja revendication "democratie » a par nature toujours ete tres relatif dans le domaine colonial.
communiste de l'UPC 12». Ayant suivl jour apres jour les evenements d'lndochine, angoissespar l'evolu-
Pour completer le disposltif d'encadrement des masses, ajoute-t-11,« il tion algerienne et contestes au quotidien par les nationalistes camerounals,
serait souhaitable de renforcer !es filialescamerounaises des partis poHtiques les administrateurs locaux se laissent donc progressivement penetrer par la
et des syndicats metropolitains hostiles au communisme ». Puisqueces filiales grille de lecture de Roland Pre.
sont si peu actives au Cameroun, " II convient de les reanimer discretement On constate ainsi, dans les archives, que le vocabulaire "contre-sub-
certes, mais par tous les moyens, note-t-il. Une teile politique etablJrait entre versif» se diffuse comme une trainee de poudre dans la hierarchie administra-
le Cameroun et Ja metropole un courant continu d'hommes et d'idees qul res- tive en 1955. Comme s'il s'agissait dorenavant d'une verite incontestable,
serrerait les liens que Je separatisme camerounais met en periJ ». « Ce double l'UPC est decrite comme un mouvement indeniabJement « communiste ",
effort de regroupement des mouvements non extremistes sur Je plan local et qui n'utiliserait le « nationalisme » que comme paravent ases desseinscaches.
de reanimation de Ja vie politique camerounaise par un resserrement des L'Udefec,laJDC et l'USCCne sont plus considereescomme de simples« orga-
contacts avec Ja metropole permettra au Cameroun, ä.l'issue de la tutelle, de nisations annexes » de l'UPC, mais comme des « groupements paralleles»
disposer d'hommes formes aux responsabilites et informes des problemes (allusion transparente ä.la theorie des « hierarchies paralleles» de Lacheroy).
generaux qui pourront faireprevaloir Ja solution que nous desirons d'associa- Et leurs actions n'apparaissent plus simplement comme des « greves io, des
tion definitive avec la communaute fran~aise», conclut-iJ 13• « manifestations „ ou des « articles de presse», mais deviennent, sous la
S'il approuve les mesures de Roland Pre, le ministre parait pourtant gene plume des administrateurs, des operations concertees d'« action psycholo-
aux entournures. Tout ä. fait favorable ä Ja « creation de "hierarchies paral- gique » 17.Lesadministrateurs se sentant soutenus, voire encourages, par leur
leles"io, II s'inquiete cependant d'une implication trop directe et trop osten- hierarchie, la hargne se dechaine contre ce qui apparait des lors comme un
sible de l'appareil administratif dans Ja lutte anti-upeciste. D'autant que, « Viet-minh camerounais ». « II faut poursuivre sans haine et sans faiblesse
comme ses conseillersJe lui ont signale, les methodes preconiseespar Roland toute activite subversive sous quelque forme qu'elle soit, traquer l'UPC,
Pre paraissent difficilement « compatibles avec l'etat present de nos institu- l'interdire, frapper les chefs irreductibles », jubile le chef de subdlvision
14
tlons ». Decide ä.lutter energiquement contre l'UPC mais conscient d'une d'Esekaen mars 1955. Car, dit-il, « les moyens democratiques de lutte contre
possible derive, Teitgen est donc partage : d'un cöte, II approuve lcs mcsures l'UPCsont voues al'echec 18».
de Roland Pre; de l'autre, II s'inqulcte de leur caractcre peu clemocratique. .II
prefere in {ine s'cn remcttre au Jugement clu l laut Comml~,alrc qul, commc

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Du« noyautagecommimlste» ... une victolre de premier ordre pour Roland Pre. Car, comme lui, les eveques
analyseot Ja Situation politlque camerounalse ala lumiere des« recents evene-
SOrde son fait, Roland Pre n'a pas attendu Ja reaction clu mlnistre de la ments de Chine et du Viet-nam » et stigmatisent dans Je meme souffle les
France d'outre-mer, ni ceUes de ses subordonnes, pour prendre des mesures « methodes » de l'UPC, « ses liens avec le communisme athee condamne par
conformes a son orientatlon. Paradoxalement, ces mesures apparaissent dans Je Souveraln Pontife » et le « marxjsme [comme] danger actuel pour notre civi-
un premier temps, aux commentateurs et aux colons qui s'en plaignent, lisation ». Comme pour combler les desirs du Haut Commissaire dans sa ten-
plutöt « progressistes ». Roland Pre est en effet confronte a une double crise, tative d'encadrer les populations, !es prelats felicitent egalement ,, les
economique - due a la chute des cours mond:iaux du cacao et a la fin des militants et les militantes de la Jeunesse chretie.nne » quJ diffusent Ja bonne
credits du FIDES- et sociale, marquee par la muJtiplicatlon des greves. En jan- parole dans le pays et engagent « les chretlens aimiter leur exemple et a entrer
vier 1955, Jes travailleurs de Ja plantation dirigee par Henri Chamaulte a eux aussi dans !'Action catholique, et a se renseigner aupres des superieurs des
Dizangue sont en greve. Ils sont bientöt rejoi□ts par les fonctionnaires et les missions sur les moyens pratiques de l'organiser » 20•
travaJlleurs du port de Douala, puis relayes par les fonctionnaires de Yaounde. Dans le but d'organiser les populations et de les « soustraire a l'emprise
Convaincu qu'il s'agit d'une « offensive concertee », le Haut Commissaire totalitaire des communistes », Roland Pre se consacre avec ardeur a la mise eo
multiplie les mesures « sociales » : augmentations de salaires, signature de place des « hlerarchies paralleles ». Selen les prlncipes de Lacheroy, les
conventions de travail, baisse des prix des produits de premiere necessite, <<masses » se voient encadrees sur une base territoriale, par la creation de
octroi de conges pour les fonctionnaires, etc. L'objectif reeJ est clairement de « nouvelles communes mixtes rurales», de « conseils de villages » et de « sec-
couper Ja masse des travailleurs des meneurs « communJstes ». tions de communes ». Ce dispositif territorial, place « sous la direction des
Dans ce but egalement, un vaste plan de propagande est echafaude. 11
autorites traditionnelJes" restaurees 21 », c'est-a-dire sous la supervision de
Roland Pre lui-meme donne l'exemple en organisant des « seminaJres ameri- l'administration, vise a « reveiller l'instinct communautaire assoupi en lui
cains » dans differentes regions du pays, de fas:ona expllquer ä toutes !es elites proposant des actions immediates, simples et reaJisables par les moyens
locales, frarn;:aiseset camerounaJses, les buts et les moyens de son action et locaux 22 ».
pour stigmatiser les communistes qui « noyautent » le Terrltoire. Le Haut Parallelement a ce maiUage territorial, l'administration cherche a deve-
Commissaire trouve dans cette entreprise un complice de choix en Ja per- lopper toute une panoplie d'associations categorielles selon l'äge, le sexe et
sonne de Louis-Paul Aujoulat (que d'aucuns considerent d'ailleurs, a tort ou l'activite des habitants : mouvements de jeunesse, associations feminines,
a raison, comme etant a l'origine de la nominatlon de Roland Pre au Came- amicales d'anciens combattants, groupements postscolaires, societes de pre-
roun). Secretaire d'Etat charge du TravaJI et de la Securite sociale Jusqu'a Ja voyance, credits mutualistes, cooperatives de planteurs, etc. La creation de ces
chute du gouvernement Mendes France, le 23 fevrier 1955, ce dernier envoie, associations a pour but de developper une « opinion publique edairee et cri-
depuis Paris, une « Lettre aux Camerounais » qui reprend presque textuelle- tique 23 », permettant de faire exalter « par les Africains eux-memes » l'ceuvre
ment les principes de Roland Pre. « Nous assistons en ce-moment, ecrit-il, a de la France au Cameroun et de « favoriser Ja lutte contre Je developpement
un certain noyautage communiste de notre Territoire et i!-!pense que tous les des idees subversives 24 ». Pour favoriser la propagande, l'administration
amis doivent en etre avertis. Noyautage communiste de l'interieur gräce a des encourage toutes les initiatives utiles : creation de ,, haUs d'information »,
Camerouhais qui se sont vu offrir des etudes particulieres dans les "semi- organisation de « seances cinematographiques educatives », appui aux jour-
naires" communistes en France ou des pays de l'Union sovietique en vue de naux regionaux tels que Le Journaldes villagesdu Nyonget Sanaga,qui pro-
se preparer aux methodes d'agitation et de revolution qui ont pu servir page depuis.1953 la propagande administrative dans Jes elites bassa, ou, plus
ailleurs 19••• » emblematique encore, Le Bamileke, dont le premier numero parait en
C'est sans doute sous l'influence de Louis-Paul Aujoulat, personnalite mai 1955 25•
catholique la plu~ en vue du Cameroun, et avec l'appui direct de l'arche-
veque de Dakar, Mgr Marcel Lefebvre, qui est justement en visite au Came-
roun en avril 1955, que les c.inq eveques du Territoire decident de rediger uo ... au faux « nationalisme»
texte mettant en garde tous les cathollques du pays contre le dangcr upeciste.
Cette « lettre pastorale», destlnee a impressionner les populatlons localcs, La particulari.te de la propagande orchestr~e par Roland Pre reside da.ns Je
sera lue en chaire dans toutes les ~glisesd11Carncrou11lc jo11rde PAques.C'csL fait qu'elle ne craint plus d'aborder la question « de l'autonomie interne ou de

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l'independance „ du Cameroun. Decideaextlrper l'UPC jusqu'ä la raclnc et~ tcrritoiresd'outre-mer, ne pourra pas etcrneilcment ignorer les accordsqu'elie
lul substituer des Camerounais amis, le Haut Commissairc consid~requ'il nc a signes au moment de prendre ia tu teile du Cameroun.
faut plus craindre d'evoquer publiquement le statut juridique partlcullcr du Mais s'ils acceptent de parler enfin d'« independance », c'est surtout
Cameroun et les promesses que la France s'est engagee ä tenir dans le cadre parce que Louis-PaulAujouiatet RolandPre conslderent tout simplement que
des accords de tutelle. « La Franceetant engagee par ces accords, ecrit-il dans ce mot n'est rien d'autre qu'une chimere. Dans son manifeste, le BDCqua-
sa circulaiie du 4 fevrier,il est evident que notre politique ne doit pas s'emou- lifie ainsi l' « independance plus sOre» qu'ii appelle de ses vreux : « L'auto-
voir de la naissance et du developpement d'un particularisme camerounais nomie [...1est une situation politique precise dans laquelle un pays a la
que certains qualifient de nationalisme, qui entre en fait dans le cadre de possibiJitede s'administrer iui-memeavec son Parlement, avec son gouverne-
l'evoJution normale des problemes humains du Territoire 26 • » Aussi Roland ment, avec son administratlon, mais aussi avec ie maintien d'un lien et d'une
Pre n'hesite-t-il pas, dans Je cadre de sa campagne de propagande, a promou- association ä des pays plus developpes, plus riches, qui puissent continuer ä
29
voir la « participation des populations a l'administration du territoire „ et lui venir en aide. C'est la ce qu'on appelle l'interdependance . » Et bien sür,
ä laisser entendre qu'un jour ou l'autre elles occuperont les plus hautes precise le manifeste, cette « independance" ne pourra etre accocdee que
responsabilltes. lorsque Ja France jugera le Cameroun pret a la recevoir...
C'est dans ce contexte que le parti politique de Louis-PaulAujoulat, Je Roland Pre est plus explicite encore dans sa circulairedu 4 fevrier: « IIest
BDC,tres discret jusqu'alors sur les termes des accords de tutelle, commence certain que l'independance formelle est une notion perimee au moment ou
a son tour a se presenter ouvertement comme un « parti nationaliste "· lnti- se precise et se codifie l'interdependance economique des nations, bientöt
tule « L'heure du choix a sonne», le long manifeste publJe en av.ril1955 pa.r peut-etre l'interdependance politlque de certaines d'entre elleset leur integra-
30
Je BDC,a l'issue de son premier congres, est significatif a cet egard. « Le mot tion dans des organismes de gouvernement supranationaux • » Puisque les
"independance", Jance dans Lacirculation, a acquis, il faut bien Je dire, une effets d'interdependance condamnent l'« independance formelle», ce qui
valeur magique aux yeux de Ja masse des Camerounais », explique ce docu- campte, estime Roland Pre, n'est donc pas tant de lutter contre le « nationa-
ment. Ajoutant que « tous DesCamerounaisJ ne mettent pas, il est vrai, !es lisme », combat d'arrlere-garde, que « d'en contröter l'expression [et] d'en
memes choses dans ce flacon », le BDC oppose I'« independance dans Ja canaliser les aspirations ». Plus qu'une Jurte contre un quelconque « nationa-
mediocrite », que revendiquerait l'UPC,aun « nationalisme camerouoais rea- lisme », conclut finalement RolandPre, Ja lutte contre l'UPCvise donc avant
Uste», qu'incarnerait le parti d'Aujoulat. « Ce {demier]nationalisme est non tout aconvaincre la populatioo camerounaise « que Ja reaJisationde ses ambi-
seulement permis, mais il est sain, tranche le manifeste.II nous conduit asou- tions les plus legitimes a plus de chances de s'accomplir au sein d'une union
haiter, non pas cette independance trompeuse parce qu'elle risque d'etre vide, europeenne africaine [...] que dans le cadre d'une confederation d'Etats noirs
mais une independance plus sfrre : l'autonomie 27• » Dans leur « lettre pasto- ou d'un groupe de territoires sovietiques31 ».
rale», les eveques prennent egalement soin de distinguer, dans les revendica-
tions de l'UPC, Je fond de Ja forme. S'ils mettent « les chretiens en garde „
contre l'UPC,expliquent-ils, ce n'est pas « en raison [... ) de Ja cause de l'inde- Strategiede la tension
pendance qu'felle) defend, mais de l'esprit qui l'anime et qui inspire ses
methodes „ 28• Cherchant a reduire l'UPCä un simple mouvement "commu- Poussant ses allies a lnvestir les themes « nationalistes » pour les rendre
niste ", les autorites administratives et catholiques cherchent donc a lui conformes aux interets fran~ais, Roland Pre les invite donc en parallele ä
denier sa dimension « nationaliste », a s'accaparerelles-memescette notion et combattre frontalement le « communisme ». Pour ce faire, il decide de
aJa rendre finalement compatible avec le projet coloniaJfran~ais. regroupera Douala, par mutation administrative, les leadersde l'UPC,tels que
Si RolandPre rompt ainsi avec la tradition colonlale qui rendait jusque-lä Felix Moumie et Ernest Ouandie. Contrairement a son predecesseur, qul
tabous les mots d'« autonomie „ et d'.cindependance », si Louis-PaulAujoulat entendait gener leur action en Ies dispersant aux quatre coins du territoire, le
tente de se substituer a l'UPC en se presentant comme « natlonaliste » et en nouveau Haut Commlssairecherche a eviter que l'lnfluence de l'UPC ne fasse
falsifiant Ja notion d'« independance ", c'est d'abord parce qu'ils savent « tache d'huile ». En regroupant de Ja sorte les « agitateurs communistes »,

combien leur propre propagande y gagnera en efflcacite. C'est aussi parce Roland Pre veut aussi fadliter leur surveillance rapprochee et les pousser a la
qu'ils savent que le gouvernement fran~ais,qui prepare d'aillcurs depuis plu- raute. Conformement aux directives qu'II rec;oitde Paris et qul lu1 deman-
sieurs moi.sunc reforme visAnta donner unc plus grnndc nutonomie;) ses dcnt, autnnt quc fairesc pe11t,de rcspcctcrla 16gallterepubllcaine, Roland Pre

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cherche en priorite ä lutter contre J'UPC par le blais du llarcelement judi• autorisant tous les employes de l'administration a « utiliser la force pour
ciaire°. « JI est [... ] necessaire, expllquait.iJ dam sa circulaire du 4 f~vrler, de ernpecher ou disperser les reunions susceptibles de troubler !'ordre public 36 ».
ne jamais hesiter ä tramer devant les tribunaux les membres des groupe. La police et Ja gendarmerie peuvent ainsi interrompre a loisir les meetings
ments d'obedience communiste gui, par maladresse ou par ignorance, se met- nationalistes et trouver, da:ns Ja cohue, des pretextes ä poursuites judiciaires.
tent dans une position reprehensible sur Jeplan judiciaire. MaJs il faut avoir la Pour ne pas apparaitre impliquee trop directement, l'administration
certitude preaJable que l'affaire "tient ä 100 %" et qu'une condamnation est mene ses « actions de choc » par l'intermediaire d'agents locaux agissant
inevitable 32• »
comme de veritables mercenaires. II s'agit lä encore de copier les methodes
Ainsi se met en branle une veritable machine de guerre judiciaire. Les pretees aux « communistes », qu1 agiraient toujours par le biais d'« lntenne-
administrateurs coloniaux sont invites ä faire remonter toutes !es « affaües » diaires ». Pour illustrer ces actions, on peut mentionner l'operation de sabo-
susceptibles de poursuivre les leaders upecistes, g.rands ou petits, devant Jes tage organisee Je 26 fevrier 1955 par le chef de subdivision Rene Courcelle
tribunaux et ä les ramener ainsi « vers une plus saJne notion de Ja llberte dans Ja localite de Bansoa (Quest). S'appuyant sur Je Rassemblement des
33
d'expression ». Abel Kingue, vice-president de l'UPC, sera ainsi poursuivi populations du Carneroun (RPC), parti soutenu par l'adminlstratlon, Cour-
pour « outrage ä magistrat » dans une affaire remontant ä 1951. Pierre Penda, celle lance une operation coup de poing contre la section locale de JaJeunesse
membre du comite directeur de l'UPC, fait l'objet de cinq plaintes simuJ. democratique camerounaise, qui se termine par une bagarre rangee entre les
tanees. Quant ä Felix Moumie, Je directeur des Affaires politiques Leon Pignon jeunes des deux camps. « ]'ai evite pour ma part de donner un caractere offi-
propose de Je poursuivre « pour diffamation ou injure ». Car, estime-t-il, une ciel ä cette manifestation par ma presence, Iaquelle doit rester le plus pos-
decision judiclaire est moins voyante que Jes « mesures administratives», sible ä l'echelon "coutumier" et ne pas deborder le cadre du groupement [de la
« toujours suspectees par les instances internationales [l'ONU] » 34 •
localite, N.d.A.J >•,explique par Ja suite le chef de subdivision en rendant
Roland Pre s'occupe personnellement du dossier de Ruben Um Nyobe. campte de son operation ä son superiew 37• Le meme RPC s'attaque, ä deux
Contre l'avis des magistrats, iJ relance I'« affaire de Gelis », mise en veiUeuse reprises, a Um Nyobe, eo tournee dans la meme region en avril. La premiere
depuis deux ans par Soucadaux. Convoguant dans son bureau l'administra- fois, le RPC « l'empeche de prendre la parole, brise Je mät sur leguel flottait
teur colonial connu pour son anti-upecisme, et coordonnant avec lui son l'embleme lde l'ONU) hisse par l'UPC en 1954, et le leader doit s'enfuir preci-
action, il reprend ä son campte la suggestion de faire condamner le secretaire pitamment 38 ..• ». Et, la seconde fois, le meme parti provoque une bagarre « au
general de l'UPC pour « denonciation calomnieuse ». C'est sous ce pretexte cours de laquelle les upecistes sont serieusement malmenes 39 ».
qu'Um Nyobe est convoque, le 5 mars 1955, ä Ja minute meme ou il pose Ie Meme ambiance ä Garoua, dans le nord du pays, 0(1 un jeune militant
pied ä Douala apres son voyage ä New York (ou il a participe ä Ja 9° session de dont on reparlera longuement par Ja suite, Martin Singap, a pris Ja releve de
.l'ONU), par un juge d'instruction. Signe de J'independance toute relative de Felix MoumJe depuis la mutation de ce dernler ä Douala. Alors que Singap
la justice coloniale, le procureur charge de l'affaire, juge « trop mou » par annonce une ceremonie en l'honneur du drapeau de l'ONU pour le 10 avril
Roland Pre, est renvoye en France et remplace par un homme dispose ä 1955, le lamido, le sultan local, envoie ses hommes dans !es quartiers fron-
inlliger au secretaire generaJ de l'UPC une peine « exemplalre » 35... deurs, tandis que les ·gendarmes fran~ais et leurs suppletHs de la Garde came-
ParalleJement ä ce harcelement judiciaire, l'administration organise Ja rounaise se tiennent prets a intervenir. Grace aux « petits groupes armes » du
« propagande d'action directe » prönee par Roland Pre. Pour faciliter ces
lamido, se felicite l'administrateur local, Ie bien nomme Rene Tirant, « la
actions ä la frontiere de la legalite, alors gue rien ne justifie une teile mesure manifestation ne [put] avoir Ueu » 40•
d'exception, le Haut Commissaire signe, Je 19 fevrier 1955, un decret Ainsi, chaque fois qu'ils cherchent ä s'exprlmer en public, les respon-
sables upecistes rencontrent une « opposition africaine >•mobilisee « sponta-
a C'est l'objet de la lettre, citee au chapitre precedent, de lt de Villelongue (conselller au
nement » pour mener des operations coup de poing. Qualifiees d'actions de
m1nistere de Ja France d'outre-mer) au Haut Commlssaire de la France au Cameroun, le « resistance » et de« self-defense» par l'administration, qui en reconnait pour-
14 ja.nvler 1955 : « Notre arsenal legislatif est suJfisant, depuls les l:extes sur les llbertes tant ouvertement le caractere « violent 41 », ces operations offrent aux forces
publiques jusqu'aux textes relatlfs aux groupes de combat (lo1 du 10 janvlcr 1936) en pas-
cle !'ordre, en cas de « debordements » trop visibles, J'occasion d'intervenir
sant par l'article 26S du codc penal sur les assoclalfons de malfalteurs, pour Quc vou) pub•
siez renvoycr dcvant lcs trlbunaux compeumts l:ous ceux - ~ qudque pnru qu'lls directement (falsant parfois des blesses, comme ä Meiganga, dans le Nord-
appartienncnt - qul troublcrolcnt !'ordre publlc rar lcurs OCUl$ 1
lu1n$ pnrolcsou lcurs Est, ou ä ßafoussam, dans l'Ouest 42). Et de se presenter, au passage, comme un
ecrlts .•
Indispensable« arbitre » entre les factions rivales...

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Ce genre d'optrations, comme d'alllcurs le harcclcment judlclairc des « llute11emla11ce !»


i111111ediate
leadersupecistes,s'appuie sur une surveillancerenforceedes milieux nationa-
listes. Pratiques courantes avant l'arrivee de Roland Pre, l'implantatlon de Dans ce contexte de tension croissante, les responsables de l'UPC
« mouchards » et le contröle des correspondances privees deviennent syste- n'entendent passe laisser impressionner et cherchent adesserrer Je piege qui
matiques, permettant a l'administration de se faire une idee extremement se referme sur eux. Non sans lucidite, c'est d'abord par !es mots qu'ils tentent
precise .du fonctionnement des organisations nationalistes 43• Forts de ces de reagir. Selon Jeur habitude, ils multiplient les telegrammes a l'ONU pour
connaissanceset conformement aux directivesde Roland Pre,qui recomman- protester contre la surveiJJancede leur courrier et la repression policiere et
dait dans sa circulaire du 4 fevrier une « action individuelle sur certains judiciaire qui !es accablent. En depit du harcelement continuel de l'adminis-
leaders [upecistes]», les commissariatsconvoquent ceux des nationalistes que tration, ils organjsent partout ou ils le peuvent des reunions publiques pour
les servicesde renseignements considerent comme les moins radicaux et Jes denoncer les manreuvres de Roland Pre. Dans les tracts ou dans les joumaux
plus susceptibles d'etre « orientes » vers de plus sages revendications. « En du parti, La Voi.xd11Cameroun,Üoile et, le dernier-ne, Lumiere,ils multiplient
avril 1955, je reponds aux multiples convocations que m'adressait Je direc- les textes contre le « danger Aujoulat », contre Je« colonialisme » des eveques
teur de Ja police, Je commissaire Collier, temoigne par exemple Je medecin ou encore contre les « reformes » de Roland Pre. La promessed'une partidpa-
Mathieu Tagny, alors principal animateur de l'UPC a Yaounde. JI m'invite tion prochaine des populations a l'adrninlstration du Territoire n'est qu'une
pour me prevenir du rouleau compresseur qui s'apprete a "broyer" I'UPC et « entreprise demagoglque, [...] qui n'est destinee qu'a endormir le peuple »,
son chef. Sans detour, il me fait comprendre qu'il est temps pour l'UPC de ecrit Ruben Um Nyobe49 •
Stopper toute action de quelque nature que ce soit, car il a ordre d'ecraser le Ce qu'il y ade frappant dans les textes des responsablesde l'UPCa cette
parti, par la violence s'il le faut, et qu'il dispose des moyens pour le faire. pfoode, c'est la parfaite conscience qu'ils ont des objectifs poursuivis par le
"L'UPCest condamnee", conclut-iJ44 • » Haut Commissaireet des dangers qui s'annoncent. AvertissantRoland Pre de
50
Pour impressionner un peu plus Ies upecistes, l'administration muJtiplie l'impasse dans Jaquelle il se mettrait a vouloir « mettre hors la loi l'UPC »,
les demonstrations de force, perquisitionnant de fa~on systematique leurs ils ne cessent de mettre en garde leurs compatriotes contre les provocations
domicileset les siegesde leurs organisations. Mais, derriere les upecistes,c'est organisees par l'administration. « La violence ne resout aucun probleme »,
toute la population qul est ciblee par ce deploiement inedit des « forces de insiste meme Felix Moumie51 . Sur le plan politique aussi, les dirigeants upe-
!'ordre». Estimant que les nationalistes recrutent principalement parmi les cistes comprennent Je guet-apens qu'on leur tend. Parfaitement conscients
« elements les plus douteux de la population 4~ », des descentes de police sont que la propagande autour de l'« autonomie progressive„ vise a leur couper
organiseesaux mois de mars et avril dans les quartiers popuJairesdes grandes l'herbe sous le pied, 11srefusent de se laisser prendre de vitesse. Maintenant
villes, sous pretexte de « lutte contre Je vol et contre le crime ~6 ». De meme, que Je mot « independance » est lance - meme par les tres reactionnaires
lorsque les travailleursse mettent en greve, la capitale economique prend des eveques-, ils la reclament immediatement.
allures de viJJeassiegee,au grand etonnement des journaux colonialisteseux- C'est l'objet de la « Proclamation commune » signee par l'UPC et toutes
memes. « A Douala, des mesures de precaution, peut-etre excessives,avaient ses organisations somrs (Udefec,USCC,JDC), Je 22 avril 1955. Abandonnant
ete prises, constate par exemple Je tres reactionnaire et gaulliste Camero1m l'idee d'accorder a la metropole un « delai » pour mener le pays a l'lndepen-
/ihre au moment de la greve des fonctionnaires staglaires, en mars 1955. H y dance (un point crucial qui manquait dans les accords de tutelle et qui per-
avait ala poste centrale des tirailleurs, l'arme aJa bretelle, ce qui donnait une mettait a la France de reculer l'echeance indefiniment), les responsables
petite impression d'etat de siege 47 ... » Et c'est la meme impression qui nationalistes reclament des« elections generales avant Je1" decembre1955 »,
domlne lorsque Um Nyobe rentre au Territoire, le 5 mars, apres son voyage I'« institution immediate d'un comlte executif sous forme d'un gouverne-
aux Etats-Uniset en France: « L'aeroport etait en effet encercle par les troupes ment provisoire» et I'« installation immediate au Territoire d'une commis-
et les routes principales barrees par la police, afln d'empecher un accueil sion des Nations unies pour veiller a la mise en place des organes du nouvel
popuJaireau dirigeant 48• ,. Etat» 52 • Letemps de 1'« ind~pendance immediate„ est venu, indique ce docu-
ment solenne!.
Conscients des reactions que pourraient susciterde tellesdeclarations, les
up6cislcsinsistent: « La pr~scnte proclamation n'est donc pas un mot d'ordre
insurrcctlonnel, mab l'cxprcssion normale d'u11caspiration dont personne

164 1.65
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( I IJS-1

ne doute plus ni de l'actualite ni de la vltallt~. » Pour marquer t'evolutlon de nouvel .Etat. Alnsi unc trcntalne de cours, portant sur des themes aussi divers
leurs revendications, les upecistes reclament de traiter de leurs problemcs avec que l'« instruction judlcialre » ou 1'«histoire de l'entre-deux-guerres », en pas-
le ministre franfais des Affaires etrangeres et non plus avec le ministere de la sant par la « guerre d'lndochine » et le « regime forestier », sont dispenses par
France d'outre-mer. Et, pow bien signifier que « l'independance du Came- les principaux leaders a vingt-six auditeurs pendant six semaines, a partir du
roun est desormais une realite vivante », ils confectionnent un drapeau 18 mars. Roland Pre ne tardera pas a analyser cette formation comme la
national, qui sera devoile un mois jour pour jour apres la « Procl.amation preuve incontestable que l'UPC est en train de mettre en place un «Etatclan-
53
commune » • Le drapeau represente un crabe noir sur fond rouge, en refe- destin }>et de lancer un « processus insurrectionnel ». « Les cours qui y sont
rence aux crevettes de la cöte qui avaient inspire aux Portugais le nom de donnes sont de veritables cours de formation revolutionnaire », note-t-il, ou
« Ca.maroes », devenu « Cameroun » •. se forment « les principaux chefs et les principales troupes de choc du
Pour les autorites fran~aises, les pretentions de l'UPC ne sont pas seule- parti » 56 •
ment inacceptables. Obnubilees par leur nouvelle matrice ideologique, celle Le Haut Commissaire entreprend des lors, dans Ja plus grande discretlon,
de Ja« guerre revolutionnaire », elles interpretent chacune des initiatives upe- une reforme d'ensemble du dispositif securitaire du Territoire. La Garde came-
cistes comme autant de preuves de la pertinence de 1eur analyse. Un an apres rounaise est completement remaniee : quatre pelotons supplementaires sont
la bataille de Dien Bien Phu, visiblement pani.quee par Je « peril commu- crees et leur encadrement par les gendarmes franfais est renforce. Tandis que
niste », Ja menace de perte de !'Empire et Lapremiere conference des pays les vehicules de toutes les forces de !'ordre sont remis en etat, les effectifs de
« non alignes » - qui se tient au meme moment a Bandung, en Jndonesie, du Ja pollce urbaine de Douala sont consolides. Pour coordonner ces moyens
18 au 24 avril, et a laquelle Um Nyobe ne manque pas de faire reference -, securitaires (Garde camerounaise, gendarmerie, police), un reseau radio de
l'administration de Roland Pre semble s'etre totalement auto-intoxiquee par commandement est mis au point, permettant, le cas echeant, au Haut
les theories du colonel Lacheroy. Si !es foules camerounaises se pressent pour Commissaire de diriger depuis Douala l'ensemble des operations de maintien
entendre les leaders de l'UPC, ce n'est pas que leur discours repond a une quel- de l'ordre. De plus, comme l'indiquera a posterioriun rapport secret redige par
conque aspiration populaire, estime-t-on au Haut Commissariat. C'est au le chef du cabinet militalre du Haut Commissariat, Roland Pre est « intervenu
contraire Ja« confirmation >>qu'ils ont mis en place une « organisation totali- ä plusieurs reprises », avant les evenements de mai, « pour que les moyens
taire » d'encadrement des masses et qu'ils ont lance une vaste « offensive psy- soient donnes au commandant militaire d'etoffer serieusement !es effectifs
chologique »... L'UPC se defend d'etre communiste et muJtiplie !es appels au d'interveotion dont pouvait disposer le bataiUon du Cameroun (creation
calme? Double langage typique de la Strategie «subversive» pilotee par d'une seconde compagnie a Douala) >} 57 •
Moscou et Pekin ! La « Proclamation commune » ? Une « veritable dedara- Present « par hasard » a Douala le jou.r du declenchement des erneutes,
tion de guerre », affirment les responsables franfais, prouvant que l'UPC « ne Je directeur des Affaires politiques du Haut Commissariat, Leon Pignon,
reconnait plus l'administration fran~aise » et est « decidee ä s'en debarrasser avouera a l'historien Richard Joseph son « grand etonnement » Iorsqu'll a
par tous les moyens » 54 ! decouvert I'« etendue de la campagne militaire prevue par Pre pour lutter
Une initiative persuade un peu plus Roland Pre que l'UPC a declenche contre l'UPC ». Et, comme s'il faJlait se dedouan.er de quelque chose, iJ ajou-
un processus insurrectionnel: la creation par l'UPC d'une « ecole des cadres » tera: « Roland Pre, de toute evidence, n'aimait pas l'UPC et ne voulait ecouter
a Douala, en mars 1955. Cette ecole est en fait une vieille idee de l'UPC. Um personne. Je decidai donc de me laver les mains de toute cette histoire 58• »
Nyobe et ses camarades, qui en avaient le projet des 1950 et en avaient deja
cree une premjere version en 1953, entendalent former des militants solides
capables de resister tant a la corruption qu'ä la repression de l'administration,
de diffuser leurs connaissances dans tout le pays. Avec la repression accrue de
Roland Pre et avec la « Proclamation commune », cette ecole apparaissaH aux
yeux des upecistes comme une « universite de l'independance 55 », permet-
tant de former des militants capables de la conquerir et de jeter les bases d'un

a Une errcur de tracluctlonnyonttrn,,,rorrn~lo • crcvcllc" en • cm,llt••

166
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9 terrltolre en plein essor 3 ». La presse coJoniale reclame, quant aelle, qu'« on


en finisse » avec l'UPC.
L'UPCinterdite(mai 1955)
L'embrasementde Mai: le sangcoule
• Pres de 4 000 kilometres separent, d'une extremlte a Face aces provocations, les upecistes ont appele leurs compatriotes a boy-
J'autre de la "France africalne", l'Algerle du Came-
cotter les ceremonies en l'honneur du ministre. Au moment meme ou l'on
roun. Peut-on parler de hasard sl, quelques rnois apres
Ja guerre d'lndochlne, des troubles graves eclateot defile sur le port, Felix Moumie et Ernest Ouandie tiennent un contre-mee-
presque slmultanemeot aux deux extremites de cet ting devant 1 500 partisans. Le ton est rageur et certalns orateurs se montrent
ensembJe africaln? Les Fram;aJs suive.nt avec angoisse, moins flegmatiques que naguere. « Si les po!Jciers viennent troubler cette reu-
et ils ont ralson, l'evolutlon des evenements eo
nion, aurait Iance Ouandie, nous leur reservons un accuell qu'ils n'oublieront
Afrique du Nord. Mais ont-ils prete Ja meme attention
au drame gue vlent de connaitre ce territoire du Sud, Je jamais 4 ! » Depuis le matin, les militaires fran~ais procedent a la « fouille des
Cameroun, verrou comme l'Algerle de !'immense pays quartiers indigenes » de Douala. Et une femme a ete tuee aquelques pas de la,
noir de l'Union fran~aise ? • ecrasee par un camion de gendarmerie. Pour l'adminlstration, un « malh.eu-
SnmediSolr, 27 fufüet 1955 1• reux mais banal accident mortel de la circulation 5 ».
Selon la version officielle, les erneutes ont debute une semalne plus tard,

R
le 22 mai, lorsqu'un groupe d'upecistes est venu interrompre le meeting fon-
assemblee le long de Ja chaussee en ce dimanche 15 mai 1955, Ja foule dateur du Front national. Ce nouveau parti avait pour ambition, conforme-
communie dans un rneme entbousiasme. Des « Noirs » endimanches, ment ala strategie des « oppositions africaines » chere aRoland Pre, de federer
d'un cöte, portant avec fierte un lourd costume trols pieces saus leur cha- !es partis favorables al'administration fran~aise sous la banniere d'un « natio-
peau colonial ; des « Blancs gorges de sueur, de l'autre, faisant crepiter leurs
)> nalisme » bien tempere et d'un « anticommunisme » virulent. La man<Euv:re
appareils photo en s'epongeant Je front. De belles images ! Des tirailleurs en avait de quoi faire enrager les upecistes. Non seulement ce nouveau « Front »
costume d'apparat marchant en cadence au son du tambour. Et des mHIJers avait decide d'organiser son congres fondateur aNew-Bell,Je principal fief des
d'enfants, en habit blanc, chantant a tue-tete des rengaines d'ecoliers : « La natlonalistes a Douala, ou l'UPC avait son propre siege, mals l'administra-
Madelon », « Cadet Rousselle », « II etait un petit navire »... Le speaker de Ja tion avait en plus reussi a y enröler - et y mettre en bonne place - d'anciens
RTFcommente ces images avec l'allegresse d'un conquerant: « La visite que responsables upecistes retournes. En outre, le RDA, auquel l'UPC continuait
vient de faire en Afrique noire M. Pierre-Henri Teitgen, mjnistre de Ja France a se referer malgre sa rupture avec l'orientation profran~aise d'Houphouet-
d'outre-mer, a ete marquee a Douala par d'importantes manifestations a Boigny, sembiait soutenir l'initiative. Le senateur de Cöte-d'Ivoire Ouezzin
l'occasion de l'inauguration d'un ouvrage d'art unique en son genre : Je pont CouHbaly, invite d'honneur des festivites officielles a l'occasion de l'inaugu-
du Wouri ! Jadis separes par les deux bras du fleuve, les ports de Douala et de ration du pont du Wouri, avait encourage la creation du « Front» avec !'Idee
Bonaberi sont maintenant relies par une route et par une voie fem~e qui de le substituer al'UPC comme section camerounaise du RDA6 •
empruntent !es 1 830 metres de ce pont gigantesque, appele ajouer un röle de La reunion inaugurale du Front national apparait donc, a tout point de
premier plan dans Ja vie economique du Cameroun i ! » vue, comme un traquenard. Ainsi, lorsque !es militants upecistes tentent de la
Al'ombre de sa tribune, Je ministre a pourtant l'air preoccupe. S'il a pre- perturber et que la confrontation degenere en affrontement, deux pelotons
de gendarmerie, installes « preventivement » dans le voisinage, intervien-
pare un discours plein d'optimisme sur l'avenir de Ja France au Cameroun, il
nent selon une methode maintenant bien rodee depuis l'arrivee de Roland Pre
sait aussi combien l'atmosphere est electrique a Douala, comme du reste dans
dans le Territoire. ••Aides des organisateurs du Front qui leur designaient les
tout Ie Territoire. Lui-meme n'a d'ailleurs pas hesite ajeter un peu d'huile sur
maisons des upecistes, releve Richard Joseph, [ils] procederent al'arrestation
le feu que ne cesse d'attiser Roland Pre depuis qu'il est Haut Commissairr. La
de nombreux nati.onalistes et au pillage de leurs biens 7• »
veille, le ministre a rnis en garde les Camcrounais contre ., Felix Mournit,
Si des emeutes cclatent clans la capitale economique le 22 mai, on pour-
Ruben Um Nyob~ et leurs acolytcs, jqui/ precipltcnr dr11Hl 111n11rchle un
ralt aussi bien faire rerno111crlc d6but des troubles au 15 mal. Outre la mort de
J68
169
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l,'l/1'1; l11ll'ftlltc(111111
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Ja femme ecrasee par la gendarmerie ä Douala, le Jour meme et ä queJqucs Le couvre-feu instaurc, une tcnslon extreme est perceptible dans les quar-
kilometres seulement de J'inauguration en fanfare du pont du Wouri 8, une tiers populaires de Douala. Le lendemain, 25 mai, les detenus de Ja prison de
manifestation upeciste que l'administration avait refuse d'autorlser est dis- New-Bell, symbole de l'arbitraire colonial, se revoltent. Les forces de !'ordre
persee ce jour-lä par la force dans Ja localite de Mbanga, ä 50 kilometres au tirent des grenades et la foule se rassemble autour du penltencier. L'adminis-
nord de DouaJa, dans Ja region du Mungo. Un second rassemblement est dis- tration envoie sur les lieux deux pelotons de chars et de nouveaux renforts 11•
perse par Ja gendarmerie Ie lendemain, puis, a nouveau, Je 22 mai. Mais les La fusillade dure pendant plusieurs heures, jusqu'a Ja tombee de Ja nuit. Les
nationalistes et les habitants decident cette fois de riposter. De vioJents forces de !'ordre font, selon les estimations de la gendarmerie, « sept morts et
affrontements s'ensuivent, faisant plusieurs blesses. De nombreuses arresta- une soixantaine de bJesses parmi les rnanifestants ».
tions de sympathisants upecistes, ou supposes tels, sont eftectuees. Les Dans ce climat, certains civils europeens commencent ä etre pris apartie.
militaires multiplient les « patrouilles » et les « ratissages » dans Ja zone, pro- Deux d'entre eux trouvent Ja mort dans des circonstances jamais elucidees 12•
voquant de nombreux accrochages dans !es Jours qui sulvent. Cette « guerre aux Blancs », comme l'appelle l'adrninistration 13, incite les
Ainsi s'enclenche dans toute Ja region du Mungo un vaste mouvement Europeens a se barricader et les autorites ä passer ä une « action offensive».
de revolte, attise par des actions de represaiUes aveugles menees par les forces C'est dans ce contexte trouble qu'un incendie detruit, dans Ja soiree du
de !'ordre, comme dans les villages de Loum, Manjo, Penja ou Mombo 9 • 27 mai, Je siege central de l'UPC, au creur de New-Bell. Les forces de l'ordre
ANkongsamba, chef-lieu de la region Ollse trouve Abel Kingue, les manlfes- avaient procede la veille a I'« examen des lieux » 14. Mais l'administration
tants se dirigent, le 24 mai, vers Ja prison de Ja ville dans l'espolr de delivrer les irnpute instantanement la responsabilite du sinistre a l'UPC. En detruisant
« emeutiers » embastilJes. Aux bätons des protestataires et aux matraques des son propre local, celle-ci aurait cherche, selon cette version passablement
gendarmes se substituent les barricades et les grenades. ALoum, OllIes emeu- aJambiquee, « soit ä faire disparaitre !es traces » de l'assassinat d'un Europeen,
tiers sont parvenus ä saccager la prison, les forces de !'ordre ouvrent Je feu, Je « soit ä ameuter l'opinion publique par un acte spectaculaire dont l'adminis-
25 mai, faisant - selon Jes chiffres de l 'adminlstration - six tues et eing blesses tration supporterait Ja responsabilite » ...
parmi !es manifestants. Les erneutes dureront encore plusieurs jours, comme L'agitation gagne bientöt Yaounde. Deja secoue par Je grand meeting que
en atteste une « operation eclair » organisee Je 29 mai par Ies forces de !'ordre Moumie y avait tenu le 22 et par le bruit des erneutes du Mungo et de Douala,
sur Je vi1lagede Mombo, apres que des habitants ont denonce un « rassembJe- le marcbe central de la ville s'enflamme le 26 mal. Sous pretexte qu'un syndi-
ment de quarre cents indlvidus » dans cette localite. ATombeJ, Je meme jour, caliste anti-upeciste a ete pris ä partie par ses opposants, qui le consideraient
trois manifestants sont tues par balles.
comme « un agitateur et un indicateur de la police », !es forces de !'ordre inter-
L'odeur de Ja poudre venant du Mungo ne tarde pas ä enflammer Jes viennent et embarquent les (< agresseurs » au commissariat central. CeJui-ci
quartiers populaires de DouaJa, deja chauffes a blanc. Au petit matin du est investi et saccage par un cortege improvise. C'est alors qu'une « balle
24 mai, !es forces de !'ordre entreprennent d'encercler le quartier de New- egaree », selon les termes de l'administration, atteint mortellement un « Afri-
Bell. Les dirigeants de l'UPC deddent alors d'organiser une reunion publique. cain qui. ne participait pas ä Ja manifestation » 15. Le coup de feu est en fait
La tension est ä son comble. Tandis que FeUx Moumie se refugle au siege de parti du commissariat. Et l'hornme abattu n'avait en effet rien ä voir avec les
l'UPC pour envoyer des telegrammes d'alerte a l'ONU, Roland Pre s'instaHe troubles : il s'agissait du propre boy du commissaire de police, qui etait sim-
au quartier generaJ qu'il avait mis sur pied dans les semaines precedentes. plernent sorti cueillir des fleurs pour orner la table de son patron 16 ... Cer-
Ayant rassemble les principaux responsables du maintien de !'ordre du Terrl- tains upecistes presents sur !es lieux en tirent retrospectivement Ja conclusion
toire, il requiert l'intervention de J'armee et dernancte des renforts a Paris 10• que le commissaire de police a sommairement tire une balle dans la tete de
Des pelotons de gendarmerie et des troupes aerotransportees, venant de d.lffe- son propre boy pour se venger « des Africains » 17 •
rentes bases müitaires fran~aises en Afrique (Brazzaville, Libreville, Abidjan et Cette <( bavure » entrame une nouvelle vague d'indignation. Les manifes-
Bouar), arriveront au Cameroun dans les heures et les jours suivants•. tants, voulant faire la Jwniere sur Je crirne et mettre la France face ä ses respon-
sabilites, marchent le jour meme devant !'Assemblee territoriale en portant le
a Eugene-Jeao DuvaJ evoque 1avenue de • deux pelotons de geodarmerle (un de Llbrevllle,
un de Polnte-Noire); trois sections aerotransportees (uoe de ßrau..avtlle, une de Polnte- tlon aerotransportablc de riort-Lamy et une autre de Fort-Archambault) ont etemises en
Noire et une de Librevllle); deux compagntes aerotransport<!cs du OMA de llounr •· II alerte mnls n'ont pascn ,\ l111crvcnlr • (Eugenc-JeonDVVAL,Le Slllngemllitalrede/11Pranceau
de ßounr, unc ~Ce•
signale en outre que • trots autres unttes (escadron de recon11111~son<"c
1 1914-1964, OJJ,t/1,, p. 18 l),
C11111111t1w1

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corps du defunt. Le lendcmaln, ils se rasscmblentä nouveou, plu~ nombrcux te cltocdesi11terpretc-1tio11s


encore et chantant La Marseillaise et des chants natlonalistes, devant i'I !0pital
central Olldoit etre pratlquee une autopsie. Pour « emp@cherJa penctralion de Episodetraumatique et fondateur de la nation camerounaise, il est pour-
3 000 manifestants dans Ja ville europeenne », les forces de !'ordre re~oivent tant malaise de faire un recit fid~ledes« evenements „ de mai 1955, qui ont
!'ordre d'ouvrir le feu, laissant, sur la raute rnenant a l'höpital, au moins trois eclate dans un Territoire sous surveiUanceinternationale, ä un moment Ollla
cadavres et trente et un blesses18• Des « perquisitlons » et des « expeditions „ Francecherchait dans un meme mouvement adonner plus d'autonomie poli-
sont effectueespar les forcesde !'ordre dans tes jours sulvants. tique a ses territoires d'outre-mer et a les arrimer solidement a une commu-
La Sanaga-Maritimeet la region de l'Ouest sont egalement touchees par naute « franco-africaine » en gestation•. Les Interpretations prennent a1ors
les «erneutes». Mais d'une fa,;on un peu particuliere. En Sanaga, si l'on en souvent le pas sur l'observation des faits. Conscients des evolutions impor-
crolt l'administration, c'est AbelKinguequi prend tes choses en main et lance tantes en cours dans !'Union fran~aise,les differentes parties en presencevont
Ja « resistance ». Venu du Mungo, il aurait, a partlr du 27 mal, organise un en effet se mettre, immedjatement apres la fin des troubles, a produire des
veritable « maquis » structure autour de trois « compagnies » armees de recits calibres, parfois simplement errones, parfois volontairement men-
haches, de machettes, d'arcs et de matraques. Lesforcesde !'ordre, composees songers, pour repondre aux enjeux du moment. Apres le bruit des armes,
du peloton mobile porte d'auxiliaires de Pointe-Noire et d'Abidjan 19 et de apres les corps acorps, place au choc des Interpretations et aux accusations en
gardescamerounais, entreprennent alors des operations de« nettoyage » dans miroir.
la region de Babimbi. « Partout ou [cette troupej passa, indique Achille Les upecistes, traques, reprimes, disperses, analysent rapidement !es
Mbembe, eile saccagea,puis incendia !es locaux de 11UPC 20
. » Et !es manifes- « evenements de Mai „ comme une offensive premeditee du coloniallsme, un
tations nationalistes sont, dans cette region comme ailleurs, reprimeesdans le veritable« complot », visant a faire disparaitre leur parti de la scene politique
sang'1.De nombreux upecistessont arretes et certains habitants se refugienten camerounaise. Parlant d'une repression ayant fait des centaines de morts (ce
brousse. qui est credible),voire des milliers(ce qui l'est moins), ils font des« massacres
Dans ta region Bamileke, alors que !es upecistes restent parfaitement de Mai » un symbole de la barbarie et du machiavelismecoloniaux. Quant ä
calmes,ce sont !esanti-upecistesqui s'illustrent au cours de cette semaine san- l'administration, silencieusesur ses propres exactions, obnubilee par le « peril
glante. En "represailles „ aux manlfestations pacifiques des nationalistes, !es communiste „ et prete a tout, en effet, pour effacer definitivement l'UPC de
chefs traditionnels et le parti profran,;aisRPCincendient les sieges locaux de la carte, eile s'acharne surtout arejeter I'« entiere responsabilitedes troubles »
l'UPC, a BafoussamJe 28 mai, aBafang le 29, et les domiciles de nombreux sur le parti nationaliste.
autres responsablesou sympathisants nationalistes 21• Membre du Kumzseet Si les interpretations des upecistes et de i'administration s'opposent
hostile aux upecistes, Gregoire Momo garde un souvenir penible de ces san- termes atermes, il est plus interessant encore de constater que la lecture des
glantes joumees. "Dans Ja region Bamileke,on connait des saccages,des pil- «erneutes» est assez fluctuante, voire contradictoire, du cöte des autorit~s
lages, des incendies, des assassinats, des expulsions sans scrupule, ecrit-il fran~aiseselles-memes.A la tecture de l'avalanche de rapports, de syntheses
quarante ans plus tard. Certains chefs tireront sur leurs sujets comme a la et autres comptes rendus produits par !es autorites fran~aisesau Cameroun
chasse au gibier. Ces agitations organlsees par les autorites augmenteront Je pendant et apres leserneutes, l'observateur est bien obllge de constater que les
nornbre des mecontents qui entreront aveuglement dans l'UPC22 •.• » evenements prennent des colorations tres differentesselon les sources (admi-
nistratives, policieres,militaires,etc.) et selon les destinataires (presse,gouver-
nement fran,;ais,Conseil de tutelle, etc.).
Les faits eux-memes apparaissent sous des jours tres differeots. Alors
qu'un rapport confidentiel reconnait que le boy du comrnissairede police de
a Un temoin interroge dans le documentalre de Frank Garbely L'Assasslnat de Fllix-Rolmuf
Mo11mU.l'Afrlque s011scontrole (Trlluna(fSR/Arte, 2005), Andre Ngulmbous, lndlquc ä Le 16 avrll 1955 est notamment votee une loi octroyant ä la partlc du Togo sous tutclle
a
propos des evcnements dans cette reglon: « Lc 30 mal 1955, l'UPC avall organise une un debut d'au1onomie Interne, avec la creatlon d'un conseil de gouvemement
fr:111,c1lsc
grande rfonion qul avait regroup(- plus de 3 000 personncs. L'arrncc fr,111~abcvcnult de comprenant clnq mcmbre\ (-lus par l'As,emblcc territoriale et quatre designes par le
l'autre cöte, de Songbcngul'; 11s0111 enccrcle et 11sont ouvcrt le ku su, 1,,foule. II y ,, cu commlssalre de la Republlque {Robert CoRNEVIN, :..eToJo, narlorr-pllote,Nouvelles &litlons
solxantl'-dlx-ncuf pcrsonncs mortcs, saus comptcr ccux qul po110l1:11I de~ hlc~~urc, qul latlncs, l'nrls, 1963, p. 115). Une lol comparablc C?lltllcn preparaLion, au meme moment,
devalent mourlr cn hr<lUSS('. • pour lc C'ameroun \Ott\ 1\lll'llt• frnn(al-c.

172 173
ITII .\III t vn, ( 1 .,.,.,. 1 "."'l(f/ /,'II/'(' /11/1'11/l/c· 11155)
(11111I

Yaounde a ete tue par les forces de !'ordre, un compte rcnuu assutc quc le revolutionnairc »... C1cst POlllllllll Celle these qul finira, i} force d'etre raba-
deces est du a un « parpaing lance par les manifestnnts ». Tanclls qu'unc chee, par trlompher au sein de l'admlnistratlon, de la justice et des forces de
enquete est ouverte pour comprendre la disparition d'un Europeen dont le securite fran\'.aises•.
corps ne sera retrouve que plus tard, une synthese affirme avec aplomb quc
l'homme a ete purement et simplement « decapite » par l'UPC. Quanta
l'incendie du siege de l'UPC a Douala, il est l'objet, on l'a vu, d'interpreta- Dissolutionet repression
tions tres acrobatiques ... L'evaluation des victimes elle-meme fluctue selon
les sources. Alors que Ja France s'enorgueillit publiquement de n'avoir fait La bataille des interpretations se joue egaJement dans Ja presse metropo-
« que vingt-deux morts » parmi !es emeutiers, des rapports plus confidentiels litaine. Sans surprise, c'est la version de I'administration qu 1etale, en gros
evoquent un chiffre deux fois plus important•. Et oublient de comptabiliser titres et avec beaucoup de complaisance, la grande presse parisienne. « Un
les nombreux Carnerounais tues par les partis, les bandes et les chefs tradi- mouvement concerte susdte des erneutes au Cameroun », titre par exemple Le
tionnels profran~ais ... Mondedes le 29 ma.i. « L1UPCa declenche les erneutes pour attirer l1attention
On ne s'etonne pas, des lors, que les interpretatlons generales de ces de J'ONU », clame Philippe Decraene Je lendemain dans Combat.Quanta Max
« faits » varient fortement. Le chef de Ja police, Pierre Divol, fin connaisseur Jalade, de ParisPressel'Intransigeant,iJ se fait le zelateur de Roland Pre et le
des upecistes qu'il surveille depuis des annees, centre par exemple son compte propagandiste de sa politique. Sur une pleine page intitulee « Voici les respon-
rendu sur Ja dimension « tribale » des erneutes et sur I'influence preponde- sables de l'agitation au Cameroun » (a savoir !es upecistes), il reprend point
rante de Moumie, veritable« apprenti sorcier », dit-il, « meneur visionnaire et par point !es arguments du Haut Commissaire, soulignant Je « commu-
megalomane» qui a mis Je feu aux poudres 23. Cependant, ecrit-il, les evene- nisme » acharne de l'UPC, la « credulite noire » de ses sympathisants, la
ments se sont deroules « sans plan d'ensemble 24 ». Une analyse qu'evite soi- « complaisance » de l'ONU a son egard. Et loue, par contraste, Ia « polltique
gneusement de repercuter Roland Pre dans son propre rapport. constructive et geoereuse » de la France au Cameroun. Max Jalade voit telle-
S'il partage Ja vision tribaliste de Divol et s'II stigmatise lui aussi l1exalta- ment « juste » et est si bien « informe » qu'll paraphrase, sans le dire, la circu-
tion de Moumie, Je Haut Commissaire cherche plutöt, conformement a la laire pourtant secrete de Roland Pre du 4 fevrier 1955. Circulaire qui,
grille de Iecture « contre-subversive » qu 1il affectlonne, a decrire les erneutes coi"ncidence interessante, expliquait par le menu comment organiser la « pro-
comme une <' offensive insurrectionnelle » soigneusement organisee et plani- pagande » anti-upedste ...
fiee selon !es methodes « communistes » 25• Apres l'intense « preparation psy- Face acette propagande unilaterale, la presse communiste et anticolonia-
chologique » des mois de mars et avril 1955, l'UPC a declenche une liste peine ä faire entendre une autre voix. Le quotidien communiste L'Huma-
« insurrection » qui visait rien molns que Ja « prise du pouvoir » au Came- nite, en lien avec les avocats de l'UPC, parvient taut de meme afaire etat d 1une
roun, affirme-t-iJ dans Je long expose qu'il envoie Je 11 juln a Pierre-Henri lettre adressee, teile une bouteille a la mer, par « une douzaine de fonction-
Teitgen. Selectionnant avec soin les Informations de ses subordonnes et naires », anonymes mais sans doute upecistes, au secretaire general des
jouant avec habilete sur les silences, !es mensonges et les lllusions lexicales, Nations unies le 31 mai : « A !'heure ou nous ecrivons, notent les fonction-
Roland Pre decrit sur cinquante pages les mouvements de foule comme des naires, les principales localites du Carneroun sont afeu et asang. Les cadavres,
« dispositifs paramilitaires », les manifestants comme des« troupes de choc » par centaines, tires au grand jour ou dans le plus grand secret en pleine nuit,
et les emeutiers comme des « soldats ». Et parvient assez logiquement a faire sont incineres pour qu'(auc]une trace n'en reste, les blesses regorgent dans les
des populations revoltees une « armee » et de la direction de l'UPC un « etat- höpitaux et les arrestations ont eu lieu sans treve 27 • »
26
major » mal inspire • La demonstration est tellement unilaterale et systema-
tique que certains administrateurs locaux, temoins oculaires des evenements,
ont du se demander, a Ja lecture de ce document, s'il s'agissait d'une
a En temolgne Je rapport du capitaine Balladur, chef du cabl.net mllitaire et secretaire perma-
description des erneutes de Mai ou d'un traite theorique sur la « guerre nent de la Defense nationale au Cameroun, qui n'est qu'une copie, presque motpour mot,
de ce.lui de Roland Pre reaUse di.x jours plus töt. Ce quj n'empeche pas son • auteur • de
prec.iser:, Cette etude cst purement personnelle. Je l'ai etablle pour renseigner certains de
mes chefs hlerarchlques sur les demlers evenernents au Cameroun. Elle( ... ] doitetre consi-
a
Cinquante mortsetce.ntclnqua11te blesses parmi lescmeutlers, selon un recapltulatifa110- clc!rcecommc mon polnt de vue personnel au ml'me tltre qu'une correspondance privee •
nyme, intltule • Pertcs • (CAOM, Aff-Pol .1337). (c:apllalne ßALI.JIOUR,• lncldcnts 11u Osmeroun, mal 195S •• /()(:.clt., p. 27).

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F.nl'absenccde sourccs ldcuttflablcsdans Jcs ra11gs11nlfo111111,tc~,


lc r~qul- s'applique pas dans un Territoire sous tutcllc de l'ONU, les leaders nationa-
sitoire de Roger Paret, dans fe numfro de L'Observ"te11r du 9 juln, proccde listescamerounais, soutenus par leurs avocats fran~ais,tenteront pendant des
quant ä lui par analogfc avec fcs evencments de Casablanca des 7 et mois de faire annuler ces decisions par le Conseil d'Etat et multiplieront les
8 decembre 1952, qui ont abouti a la dissolution de f'lstiqlal et du Part! plaintes al'ONU.Sans succes.L'UPCentre en clandestinite.
communiste marocain par le resident general fran~ais•.« Comme au Maroc, Larepression,d'abord « justifiee» par la gravite des evenements puis legl-
ecrit-il, une campagne de calomnies a precede le declenchement de la repres- timee par le decret du 13 juillet, s'accentue. L'objectifde Roland Pre est bien
sion brutale, presentant le mouvement nationaliste local comme infeode au l'eradicatioo totale de l'UPC. Pres de huit cents militants ou sympathlsants
parti communiste. Comme au Maroc, les "forces de !'ordre" ont multiplie nationalistes ont ete jetes en prison depuis la fin des erneutes, note L'H11mn-
pendant des semaines !es rafleset les arrestations arbitraires pour amener peu nite Je 14 juillet 1955. S'interessant plus specifiquement aux cas de Jacques
a peu la population ase departir de son calme et fournir ainsi matiere a une Ngom, secretaire de l'USCC,et de Hyacinthe Mpaye, president de la JDC, le
repression generaJisee28• » La comparaison de L'Observateurest tres perti- joumal precise leurs conditions d'incarceration : « L'un et l'autre ont ete
nente : comme au Maroc en 1952, c'est bien l'eradication pure et simple du battus dans la cour de la prison fde New-Bell];le premier a re~ enviroo cent
nationalisme qul est en jeu au Cameroun en 1955. L'hypothese d'une inter- coups de baton, le second soixante-quinze. Leur corps etait zebre de plaies
diction de l'UPC avait ete soulevee, on l'a vu, des la fin de l'annee 1954. Et sanglantes. L'avocatdes deux detenus, Me Leo Matarasso,du barreau de Paris,
des allusions a la loi du 10 janvier 1936, votee a l'epoque pour dissoudre les a eleve une vehemente protestation aupres du procureur de la Republiquede
« ligues » d'extreme droite, avaient deja ete faites debut 1955. Douala. Ces mceursrappellent en "horreur" ceilesdans les camps de concen-
C'est donc sans surprlse que Roland Pre saute sur l'occasion des erneutes tration nazis 30. »
pour lancer le processus d'interdiction de l'UPC. « Actuels evenements doi- Quant a Mathieu Tagny, pourtant considere par tous comme un upe-
vent provoquer disparition UPC scene politique [et] faciliter mise eo place ciste « modere » et comme un remarquable medecin, il est arrete le 28 mal ä
nouvelles structures et important regroupement politique », note-t-il lapidai- l'hopital, alors qu'il pratiquait une operation chirurgicaJe.11est ecroue a la
rement dans un telegramme qu'il envoie au ministre de la Franced'outre-mer prison de Yaounde pour « incitation a la violence ». « Selon les autres prison-
des le 30 mai 1955 29• On comprend mieux des Jors la fa~on dont le Haut niers que j'y croise, ecrira-t-il plus tard dans un recit autobiograpbique, je
Commissairea redige son rapport du 10 juin 1955: son objectif n'est pas tant devais m'estimer heureux de n'etre pas passe par le commissariat, parce que
de s'appuyer sur les faits que de les rendre compatibles avec la loi du 10 janvler !es policiers m'y attendaient et m'auraient tabasse a mort. Je vous passe les
1936. Laquellerend possible l'interdiction de tout mouvement qui organise- atrocites de la prison car, aelles seules,elles pourraient constituer un ouvrage.
rait des « groupes de combat » ou des « milices privees >•,ou quj appellerait a Mais,dans mon malheur, j'ai de la chance car, quelques mois plus tard, je suis
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des « rnanifestations armees dans la rue ». transfere au quartier des Blancsou je beneficied'un petit lit • »
Abreuvede rapports decrivant l'UPC comme une structure paramilitalre Letres muscle chef de region du Dja et Lobo,Jacques Hubert, n'hesite pas
engagee dans un processus revolutionnaire, le gouvernement fran~ais ne a faüe afficherdans toute sa circonscription des directivesrendant la delation
tarde pas a agir. Le13 juillet 1955, un decret signe par le president du Conseil obligatoire. Ceux qui refuseraient de denoncer, « dans les 24 heures », les res-
Edgar Faure interdit l'UPC, la JDC et l'Udefec. Parallelement a cette interdic- ponsables upecistes, previent-il, seront « egalement arretes et poursuivis». II
tion officielle, l'UPC est exclue du RDApar son comite directeur reuni le invite aussi les habitants a « apprehender » eux-memes les personnes contre
8 juiJlet a Conakry - signe supplementaire, s'il en etaJt besoin, de l'aligne- lesquellesont ete decernes des mandats d'arret, et les oblige asequestrer et a
ment total du parti houphouetiste sur la politique fran~ise. Enfin, le tribunal denoncer a l'administration tout « etranger suspect » qui s'aventurerait dans
de Yaoundeprononce la saisiedes biens de l'UPC. Arguantque l'UPCn'est en la zone 32 • Ces encouragements ala delation et ala justice populaire creent un
rlen assimilablea un « groupe de combat » et que la loi du 10 janvier 1936 ne veritable climat de terreur au sein des populations •
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a En reaction ä l'annonce de la mort du syndkalistc tunlsie.n Farhat Hached, des cmeulc~


eclatcnt dans la capltale du protcctorat franr;als les 7 et 8 d(•c:embr\! 19S2, avant de Dispersionet clandestinite
s'etcndrc ä d'autrcs vlllcs du Maroc et de l'Algerte, föl,ant plu~lcurs vlcthnc\. Apr~s l'lnIcr-
dlctlon de son parll, l'lstlqlal (le • partl de l'lnd~pcndnncc •), lc lcadcr Allul H Fn~,,trou-
vcra rdugc nu C,1lrc. Lc MarQI. devlenclra flnalcmcnt lndC:pcndnnt II! 7 m,11, 1<>So, nvl-., ll' Dans les rangs de l'UPC, lc bannissement du parti et la terreur imposee
rol Moh:11m11cd V pour l11cfct•~1oi-. par l'admlnlstrntlon onl ~vldcn11ncntdes consequences dramatiques. Outre

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l'arrestation de dizaines de cadres et de centaines de mllltants, cle nombreux de beaucoup de« discretion ». II faut, en somme, mettre sur pied une culture
upecistes doivent entrer en clandestlnite. Ruben Um Nyobe avait etele pre- du « secret » 30 . A l'evidence, sans doute ä raison quand on connait les
mier a sentir Je vent du boulet. Avant meme !es erneutes de Mai, conscient methodes de la police franc;aise, la direction de l'UPC est gagnee par une cer-
qu'il serait bientöt arrete dans le cadre de l' « affaire de Gefü », il s'etait refugie tai ne psychose en ces temps d'insecurite. Les dirigeants upecistes, dejä
daos sa region natale, pres de Boumnyebel. Entoure de queJques fideles, il temoins et victimes de retoumements spectaculaires de hauts cadres nationa-
tente d'eviter les pieges et !es coups portes contre lui par l'administration. listes devenus en un temps record des agents patentes de l'administration
Avec la repression des erneutes, il est rejoint « au maquis » par un nombre coloniale, semblent particulierement inquiets de Ja preseoce eo leur sein
indetermjne d'upecistes anonymes traques ä leur tour. d'agents infiltres par l'adrninistration. Comme un ver dans un fruit, Je syn-
N'ayaot pas, comme Um Nyobe, de fief ou se refugier, les autres respon- drome de Ja suspicion, entretenue par la precarite de la vie clandestine,
sables de l'UPC, son president Felix Moumie et ses vice-presidents Abel s'incruste dans l'UPC. Ferment de toutes les divisions, iJ ne quittera plus le
Kingue et Emest Ouandie, prefereroot se dfriger vers le Cameroon britan- mouvement nationaliste.
nique. Parfois de maruere rocarnbolesque, comme Jorsque Moumie s'enfuit ä
J'arriere de la moto de son cousin, « deguise en femme avec robe, sandales aux
pieds et fouJard sur la tete 34 ». Au cours des semaines suivantes, Ouandie, Quefaire? (1) La questionde la lutte armee
Kingue et bien d'autres encore le rejoignent a Kumba, en zone britannique,
usant de subterfuges comparabJes. Ainsi se cree au Cameroun britannique une Dans ce climat, une question strategique devient centrale en cette annee
sorte d'UPC eh exil. Un « exil interieur » mais en territoire « etranger », qui 1955, nouveUe « a1rnee zero » pour le mouvement nationaliste. Ayant fait des
annonce, nous Je verrons, un exil plus lointajn_
arguments juridiques et du strict respect de la legalite !es armes de son
En attendant, Ja clandestinite et Ja separation des leaders upecistes de combat, l'UPC se voit ebranlee par Lanouvelle conjoncture. Que faire maiote-
part et d'autre de la frontiere franco-britannique donneot consistance au nant que Je sang a coule? L'illegalite dans laquelle Usont ete pousses n'oblige-
concept de« Kamerun», ce pays libre et unifie dont revent les upecistes : le t-elle pas les upecistes ä utiliser des moyens illegaux?
bureau directeur de l'lJPC decide, quelques semaines apres l'interdiction La question du recours ii la lutte armee par l'UPC a ete remarquablement
du mouvement, de bannir !es orthographes fran~aise et britannique, etudiee par l'historien et politologue Achille Mbembe. Alors que Ja repres-
« cyniques symboles de Ja division arbitraire de notre pays, division contre sion coloniale contre Je mouvement nationaliste s'etait manifestee des la nais-
laquelle notre peuple lutte ä sueur et a sang aujourd'hui avec Ja certitude de sance de ce dernier, rappelle-t-il notamment, cette question s'etait posee au
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triompher ». Si eile continue a emettre des declarations « triomphales », sein de l'UPC ä partir de 1950 37 • La reponse avait alors ete donnee par Um
l'UPC est en realite dans une situation plus difficile que jamais ä l'ete 1955. Nyobe, en termes particulierement clairs : « En ce qui concerne l'argument
L'incarceration, Ja clandestinite et Ja dispersion sur Je territoire des militants selon lequel nous devons avoir des armes pour revendiquer notre Hberte, nous
et des cadres posent d'innombrables problemes. Alors quese forment des le repondons que cela est depasse, avait-il affirme en septembre 1952 lors d'un
lendemain des erneutes de groupes spontanes se reclamant de l'UPC, la direc- congres de l'UPC. La lutte armee a ete menee une fois pour toutes par les
tion doit d'urgence defioir les moyens de perpetuer Ja lutte. Mal prepare a Camerounais qui ont largement contribue ala defaite du fascisme allemand.
I'epreuve, le parti doit pourtant se muer en quelques semaioes en mouvement Les libertes fondamentaJes dont nous revendiquons l'application et l'inde-
clandestln.
pendance vers laquelle nous devons marcher resolument ne sont plus des
Pour conserver l'unite du parti malgre la distance qui les separe dorena- choses aconquerir par la lutte armee. C'est justement pour prevenir une teile
vant et pour « conserver des liens etroits avec la masse » en depit de la poli- eventualite que la Charte de l' Atlantique et la Charte des Nations unies ont
tique de Roland Pre visant precisement ä leur couper !'herbe sous le pied, les preconise le droit des peuples adisposer d'eux-mernes 38• » Deux ans plus tard,
dirigeants de l'UPC imaginent de nouvelles instances et de nouvelles pra- la ligne restait inchangee, comme J'indiqualt la Proclamatioo commune du
tiques. Est ainsi renforce un reseau d'agents de liaisoo. Dejä effectif dans la 22 avril 1955, qui soulignait la volonte de l'UPC d'acceder a l'independance
periode precedente, alors que l'administration interceptait systematique- sans que soit versee « une seuJe goutte de sang».
ment !es correspondances des nationalistes, ce reseau se renforce et s'elargit. Le nouveau contexte colonial, marque par la victoire du Viet-minh en
L'entree « sous maquis » exige donc cle « nouvelles m~thodes de travall », qui, lndochlne et l'insurrection lancee par le FLN en Algerie, et Ja nouvelle
insistent les dirigeanl's, doivcnl eire cmprelntes d'unc grondc « vlgllnncc » et situatlon politique au Carneroun changent dramatiquement la donne.

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1~, wr lllR'ffllfi' 1111111
1•1:,.,7

Brutalcment, c'est le l~gnl.lsmcdu portl natlonollstc:, cn porllc11llcrde son Qu.efaire? (2) D~bats111·le commuuisme
secretairegeneral Um Nyob~,qui apporait "d~pass~ "· Lesdlrlgcant!>uptcbtcs
qui, selon l'administration colonlale, s'etalent montres les molns hostllcs a In L'autre qucstion de fond qui rcapparatt au sein de l'UPC au lendemain
Iutte armee, acommencer par le president Moumle lui-m~me,sont confortes. des evenements de Mal est cclul des relations que le parti entretient avec le
Quoique recouvrant partiellement la nouvelle organisation geogra- communisme. Alors que l'UPC re~oit le soutien de personnalites comme
phique de l'UPC,Um Nyobe etant « sous maquis " en Sanaga et Moumie " en l'Egyptien Gamal Abdel Nasser ou le Ghaneen KwameNkrumah, alors que
exil » a Kumba,ce clivagepolitique ne doit pas etre surestlme, indique cepen- l'action de la France au Cameroun est stigmatisee a l'ONU par les represen-
dant AchilleMbembe. " Lespreuves administrees par les autorites coloniales tants de pays comme l'lnde, la Syrieou )'Union sovietique, et tandis que la
pour justifier !'Idee selon laquelle Moumie, Ouandie et Kingue etaient, au repression place l'UPC dans une situation de faiblessea l'interleur du Came-
contrafre d'Um, d'office acquls ä la violence etaient maigres », rappelle l'his- roun, la question se pose des re1ationsque le mouvement doit entretenir avec
torien. Lequelindique en outre que, contrairement ace que laisseraentendre les mouvements et les puissances exterieurs. A commencer par les pays du
l'administration, qui cherchera apres coup ä legitimer sa propre violence en « bloc communiste ».
identi.fiantdes responsables dans le camp adverse, « le debat autour de la Iutte La encore, la question du « cornmunisme » de l'UPC avait ete tranchee
armee ne prit veritablement de consistance [au sein du mouvement nationa- par les instances dlrigeantes dans les annees precedentes. Quand bien meme
Liste]qu'apres l'interdiction de l'UPCet le bannissement de ses dirigeants 39 ». l'UPC se reconnaissait volontiers une certaine proximite avec les pays et !es
Dans ce debat crucial, les divergencesparaissent en tout cas plus subtiles mouvements communistes et entretenait des liens avec eux depuls sa nais-
que ne le suppose l'administration. « Si divergence II y eut entre le groupe de sance, il s'agissait surtout d'une fraternite par defaut. Qui d'autre que les
Kumbaet Um Nyobe, ajoute Mbembe, eile tenait au fait que, pour ce dernler, communistes, dans les annees 1950, etait pret aprendre position pour Ja libe-
la priorite devait etre accordee ä Ja reinsertion de l'UPC dans Je jeu legal. SI ration des peuples colonises ? Les militants de l'UPC pouvaient se recon-
violence armee il devait y avoJr, celle-ci ne pouvait etre utllisee que graduel- naitre, a titre individuel, des sympathies communistes, mais l'UPC, en tant
lement, dans Je seul but d'imposer au gouvemement fran~aisJa negociation que mouvement nationaliste, ne l'etait pas. « Taut le monde sait que nous ne
ä Iaquelle il se refusait 40• » Pour Moumie, persuade qu'il etait impossible de sommes pas une organisation communiste, indiquait Um Nyobe en
« raisonner » la puissance colonlale et manifestement plus enthousiaste avril 1950. Nous ne disons pas cela parce que nous detestons les communistes
qu'Urn a l'egard des « revolutions » vietnamienne et algerienne, l'eventuel ou que nous avons peur d'etre comrnunistes, mais parce que nous consl-
« recours aJa lutte armee ne devait pas etre exclu d'office" dans Ja « panoplle derons que la lutte pour notre liberation nationale n'a pas atenir campte de
des moyens necessairesa l'obtention de l'independance » 41• teile ou teile ideologie42• »
C'est donc moins le principe meme du recours a l'action violente que sa La repression et le bannissement de l'UPC font, sur ce sujet aussi, bouger
mise en pratique et, surtout, sa finalite - reintegration de l'UPC dans Je jeu les lignes. Devenue illegale, l'organisation se voit en effet dessaisiede !'arme
legal ou accession immediate a l'i:ndependance- qui opposeront les princi- du droit international et perd du meme coup la tribune que lui avait consentle
paux responsables de l'UPC. Le debat mettra cependant des mols a etre l'ONU. C'est du moins ce que decretent les membres de la mission de visite
tranche. Car, au lendemain immediat des evenements de mai 1955 et alors de l'ONU, en tournee d'inspection au Cameroun en octobre 1955, qui deci-
que la survie du mouvement national est en jeu, tous semblent encore pou- dent, a )'immense satisfaction de Roland Pre, de recevoir les « representants
voir se retrouver dans Ja formule de Gandhi selon laquelle « la ou le choix des seules organisations ayant une existence legale43 », c'est-a-dire des seules
existe seulement entre la lächete et Ja violence, il faut se decider pour Ja solu- organisations adoubees ou tolerees par l'administration coloniale. n est vral
tion violente ». A partir de 1955, Um Nyobe fera son possible pour montrer
que l'lJPC peut echapper tant ala « lächete » qu'a Ja« violence », tandis que le
i!tre acqulse que s'il exlste un o. large front antl-im~riallste », une « directlon de la classe
groupe de Kumbase persuaderade plus en plus, favoriseen cela par la promis- ouvrierc » et uoe • revolte armee •· nes time ccpendant que « l'hlstolre et l'evolution lnter-
culte de son exil interieur, que cette derniere est devenue la seule alternative oatlonale de ces de.miers temps ont permls une modlflcatlon de ces conditlons •· Et II
possibJe•. ajoute: • Dan~ un payssous 1utellecomme lc nötre, tout montrc que nous pouvons arrlver
a la vtctoire sans passcr par la revolte armee. II sufflt que les dcux autres conditions soient
rempllcs et quc lc front untl-lmpcriallstc ne soit !),ts vttlnfaable par les menaccs et la cor-
a Dans une lettrc du 9 janvlcr 1956 adress&- i\ MoumU\ Klngut Ouandl(!, N~Jpclll Cl 11cndc, ruption pra1lqul-es par l'occup~n1 • (extralts de la lel\re n° 24/BCD/M.1.CF; CAOM, Aff.
Um rcconnait que l'lndj:pendancc nallonolc d'un puy~ colo111'(!m• 1w111lh&lrlqucmcn1 l'ol 3336).

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Peus11rl'UPC( l 95S-1958) l,'Vl'C//1tn,lll1•(11111/
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que !es manCEuvresde cette derniere pour fausser Ja perception des visiteurs l'UPC fin 1955. Si bien que l'optimisme semble en quelque sorte avoir change
de l'ONU ont atteint des sommets. L'ex-chef de subdivision YvesVergoz, par de camp ä la finde l'annee 1955. Rejoui de voir Ja mission de l'ONU avaliser [,
exemple, se rejouit que la tournee de l'ONU n'ait entraine aucun trnuble, ni l'interdiction de l'UPC, Roland Pre poursuit avec entrain la politique qu'il
fait aucune rencontre impromptue. « II faut dire que ... j'avais mis quelques avait initiee des son arrivee au Territoire. Parallelement ä la surveillance et a
gars a l'abri [en prison) avant 44 ! » Le chef de la delegation, Je diplomate ha'i- la repression de ceux qu'il appelle desormais les « ex-upecistes », le Haut
tien Max Dorsinville, temoignera plus tard dans ses Memoires de l'etrange Commissaire approfondit sa politique d'encadrement des masses et de pro-
atmosphere de son sejour. Une escorte militaire omnipresente, l'interctictlon motion des elites autochtones, sans negliger de presenter chacune de ses ini-
de deroger au programme officiel, des interlocuteurs qui lui recitent des dis- tiatives comme le produit de Ja « generosite )> fran~aise. Dans le cadre de cette
cours appris par creur, des temoins filtres par l'administration, un courrier politique, on notera notamment la reforme des institutions locales camerou-
contröle, Je « ratissage » de « centaines et centaines » d'upecistes a Douala par naises par la generalisation des « communes rurales» et des « communes
Je chef de region Robert Guidon-Lavallee ... Et enfin, pour couronner Je tout, mixtes urbaines », et par la creatlon de conseils rnunicipaux elus pour les vUles
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un coup de force organise par !es Fran~is : des cavaliers du Nord-Cameroun qui en etaient jusque-lä depourvues (Douala, Yaounde, Nkongsamba) •
qul fondent sur Ja mission de visite pour l'impressionner en l'accusant de pro- Comme dans la periode qui avait precede les erneutes, cette politique d'enca-
45
teger l'UPC • Les autorites fran~alses ont vraiment tout essaye pour faire drement des masses « par Ies Africains eux-memes » sera suivie par Je clerge
enteriner son virage autoritaire et miner la legitimite internationale de J'UPC. catholique local. Des Africains sont, pour la premiere fois dans toute l'Afrlque
Avec succes. sous dorninatlon fran~aise, eleves au rang d'eveques. Ce sera le cas de Paul
Prives de ce levier d'action majeur, !es responsables de l'UPC commen- Etoga en novembre 1955 et de Thomas Mongo en fevrier 1956.
cent pour certains a remettre en cause Je princlpe de« neutraJite ideologique » Plus symptomatique encore de cette politique est le vaste plan d'urbani-
adopte jusque-la. Cette tendance est particulierement perceptible du cöte du sation de New-Bell. Considerant ce quartier remuant de Douala comme celui
« trio de Kumba », comme on commence a surnommer Moumie, Kingue et des « etrangers >) (c'est-a-dire venant d'autres regions du Cameroun) et des
Ouanctie. Contrairement a Um Nyobe, dont !es voyages al'etranger s'etaient populations « detribalisees » (manquant d'encadrement « tradJtionnel »), les
limites a New York et ä Paris, ces derniers ont surtout voyage dans !es« pays autorites cherchent a transformer radicalement cette zone urbaine trop
communistes », ou ils ont represente l'UPC ou JaJDC ä des congres et des ren- pauvre et densement peuplee. Dote de 400 millions de francs CFA, cet impor-
con tres internationaux, et ont assez logiquement noue des liens dans ces tant chantier, comprenant entre autres la construction de nouvelles routes,
pays. Liens qui, pensent-ils, peuvent ne pas etre inutUes en ces temps d'isole- l'installation d'un eclairage urbain et la creation de nouveaux quartiers
ment. Le debat interne sur Ie « communisme » reprend donc de Ja vigueur d'habitation pour Jes populations deplacees, est lance ä la häte, des Je mois
apres l'interdktion de l'UPC. Tandis que Je« trio de Kumba » tente d'activer d'aout 1955, en pleine saison des pluies. Une urgence qui, par elle-meme,
ses contacts dans le bloc communiste - Moumie et Ouandie ecrivant par prouve que ce plan recele, derriere son aspect « sociaJ », un caractere eminem-
exemple respectivement a Moscou et a Pekin en septembre 1955 46 -, Um ment policier. Comme le note d'ailleurs, en toute bonne conscience, un
Nyobe reste sur sa position. « n n'y a aucune honte a etre communiste, bien commentateur de l'epoque: « [Ce plan] ameliorera l'habitat indigene (ce quj
au contraire, ecrit-il par exemple ä Ernest Ouandie. Seulement, Ies militants et doit avoir une intluence favorable sur l'etat d'esprit de la population) et facili-
dirigeants de l'UPC apportent toujours Ja preuve que, meme s'ils sont eux- tera la täche de la police 49 . »
memes communistes ou commurrisants, leur devoir est de rallier les couches En arriere-plan de cette « genereuse » politique de promotion des autoch-
les plus larges sous le drapeau de la lutte de liberation nationale. Quaad nous tones et de modemisation urbaine se deroule, dans la plus grande discretion,
aurons acquis l'independance, chacun sera libre de defendre ses idees et son une reorganisation de l'apparefl securitaire du Terrltoire, atravers la mise en
ideologie 47 • » place d'un solide dispositif de« defense en surface » du territoire. C'est l'objet
d'un important docurnent du 1erjuillet 1955 50 • Ce texte anonyme (mais qui
pourrait etre l'reuvre de Roland Pre lui-meme) devoile un vaste plan visant a
Defenseinterieure prevenir des « desordres generalises » et une « Infiltration d'elements exte-
rleurs au Tenitoire ». « Si l'UPC semble pour le moment pratiquement anni-
Problemes d'organlsation, probleme d'auLorit6, problemc de sccurlt~, h i lee, indique l'auteur, il reste a craindre qu'au cas ou un mouvement
mois 6galcmcn1prol)l~ruesdoctr·lnnux : les dlfflcult~s sont uoinbrcu~cspour terroriste reprcndroH naissance en evitant de renouveler les fautes qui

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viennent d'etre commlses, la populalion se rHugie dans une attltude de ncu- responsables franr;ais, aYaounde, Douala ou encore Ngaoundere, pour former
tralite, puis fasse rapidement cause commune avec nos adversaires, si nous ne les troupes locales, europeennes et camerounaises, au maintien de !'ordre et ä.
prenons pas les mesures necessaires pour parer ä une nouvelle crise. » II faut la defense en surface 51 • Une garnison et un terrain d'exercice sont par ail-
donc « repenser la defense en surface du Territoire sur des bases nouvelles ». leurs impla11tesa Foumban, dans la tres loyaliste region Bamoun, frontaliere
Mettant en parallele !es evenements recents du Cameroun avec ceux de la zone « contaminee » des Bamileke. Dans le m~me temps, un dlspositlf
d'lndochine et d' Algerie, distinguant les differentes forrnes de troubles previ- defensif est mis en place autour des installations strategiques, comme autour
sibles (« erneute organisee », ,i terrorisme », « guerilla »et« maguis »), I'auteur du port, de l'aeroport et des depöts de carburant de Douala. Enfin, de nou-
recommande une impressionnante batterie de mesures : mise en place d'un velles troupes commencent ä debarquer au Cameroun ä. partir du debut de
« reseau de renseignements extremement dense », « moyens de police suffi-
l'annee 1956.
samment etoffes et disperses pour pouvoir surveiller efficacement J'ensemble Ces quelques exemples prouvent qu'au mornent Oll l'UPC, totalement
du pays », « garde des points reellement vitaux (ouvrages vulnerables sur les desorganisee et comptant ses troupes, est encore loin d'avoir determine la
points de communication essentiels, installations techniques importantes, strategie politique ä adopter, les responsables franr;ais sont non seulement
bätiment public syrnbolisant la souverainete) », « moyens d'intervention convaincus de l'imminence d'une insurrection armee, mais sont egalement
legers, mobiles, autonomes, d'une valeur combattive suffisante [... ] dotes de prets a l'ecraser. La surestimation de l'adversaire est d'ailleurs parfaitement
moyens de transport et de transmission, repartis de maniere a pouvoir inter- assumee. Par exemple, par Je lieutenant-colonel Andre Trancart, de la section
venir rapidement en tout point suspect »; et des« troupes reservees dotees de de coordination de la France d'outre-mer. « Une fois encore, ecrit-il en
moyens plus puissants (troupes aeroportees et aerotransportees notamment) octobre 1955, Ja lei;:ond'lndochine est significative: pour avoir trop presume
et implantees dans les conditions !es plus propices ä leur intervention imme- de nos forces et mesestime celles de l'adversaire, nous sommes alles ä un echec
diate ». Cette architecture doit cependant s'adapter aux conditions locaies, definitif. 11nous appartient de ne pas renouveler une teile erreur au
precise Je document. Dans !es« zones de chefferies » par e.xemple, c'est-ä-dire Cameroun 52 . »
dans Ies regions Bamileke et Bamoun mais egalement dans Je Nord, « il faut
compter sur !es elements indigenes qui peuvent etre mobilises en quelques
beures dans Je cadre de ces chefferies, gräce ä leur organisation mllitaire ». Luttercontrel'«adversaireinterieur»
Pour renforcer leur potentiel, ces chefferies devraient etre dotees « de reseaux en Afriquecentrale
radio et eventuellement de moyens de transport afin d'orienter et de coor-
donner leur action ».
De fait, ce n'est pas simplernent ä l'echelle camerounaise que les respon-
Outre la reforme et le renforcement general des capacites d'interven- sables frani;:aisanalysent les erneutes de mai 1955 et se preparent ä de nou-
tion, l'auteur de ce document insiste aussi sur l'instruction et la formation des veaux evenements similaires. C'est ä l'echelle de !'Union frani;:aisedans son
forces de l'ordte : instruction des « elements coutumiers », gui pourraient ensemble et, singulierement, ä l'echelle africaine. Mettant presque toujours
ainsi constituer une <<"home guard permanente qui, apres mise au point,
11

les evenements camerounais en regard avec ceux de l'Tndochine et de


pourrait assurer en cas d'evenements une partie au moins de la täche de secu- 1'Algerie, !es responsables frani;:ais se preparent ä affronter des mouvements
rite Interieure»; formation des troupes gräce ä de « nombreux exercices dans similaires dans d'autres territoires.
les regions ou elles seront susceptibles d'etre employees » et ä travers la mise Pour preuve, le jour meme oll sont diffuses au Cameroun les nouveaux
en place d'un « dispositif antiguerilla (reconnaissance des zones de parachu- plans pour la defense en surface de ce Territoire, un expose est envoye depuis
tage, etude de Ja mise en place de moyens radiodiffuses, reconnaissance des Brazzavi1Jeä tous les gouverneurs franr;ais en AEF (Gabon, Tchad, Moyen-
points sensibles et passages obliges) ». Pour les officiers franr;ais envoyes au Congo, Oubangui-Chari) pour qu'ils tirent les « lei;:ons » des evenements
Cameroun, l'auteur recommande leur formatlon prealable, en rnetropole, camerounais. Parmi les enseignements : « L'lmportance capitale de Ja
dans des centres specialises dans la defense en surface. « Le Centre d'etudes recherche permanente du renseignement, qui seule permet d'eviter la sur-
asiatiques et africaines, dirige par le colonel Lacheroy, me semble particulie- prise et de prendre des mesures preventives pouvant eviter le declenchement
rement bien choisi pour donner aux radres cette formation », precise-t-il. ou l'extension des mouvemcnts sMitieux 53 • » Signalant pour sa patt que
C'est dans le cadre de ce dispositif de« defensc interlcurc » quc des confe- « l'adversaire interteur s'cst rcv~lc~n mal au Cameroun ou les troubJes ont
rences et des s6minaircs de pluslcurs Jourssont orgonls~s :) 1'~161955 por lcs dtrnontre la grnvitc du bo1111101rnc111c111 polilique » et que les positions

184
185
/icll \llf l'UI'(; ( / 1>55 I 115H)

fran~alses subissent un "repli acc~l6r6 • aussl bien en Extr~mc-Orlent qu'cn 10


Afrique, Je commandant superieur de la zone de defense AEF-Cameroun
affirme que cette zone est « redevenue en 1955 un avant-poste de l'Union « Au paysdesBlancs»
fran~aise : fait essentiel qui determine la place nouvelle qu'elle doit prendre
dans les preoccupation de Ja defense nationale 54 ».
Sans que Je lien avec les evenements du Cameroun soit explicitement
mentionne, il convient de signaler eo outre que c'est eo aout 1955, moins • La pensee revolutlonnalre du xvur-siecle fram;ais est
d'un mois apres la dissolution de l'UPC, que parait Je rapport du « Comlte un moyen de mystificatlon si commode et si efflcace
qu'en sortant des mains des professeurs de franr,;alsde
technique d'etude pour Ja defense de 1'Afrique », plus connu sous le nom de son petlt Iycee colonial, le jeune Africain qui arrlve en
« Plan Lanninat » (du nom de son inspirateur et coordinateur, le general France pour achever ses etudes croit reconna,tre
Edgard de Larminat). 11s'agit d'un plan de« defense Interieure» elargi a d'abord un Voltaire ou un Montesquieu dans chaque
Franr,;aisqu'il rencontre, y compris son epicier. •
l'ensemble des possessions fran~aises en Afrique et devant etre mis en place
graduellement dans les trois a quatre annees suivantes. Estimant que la MongoBim '.
menace d'une « subversion interne» se precise « de jour en jour », Je plan • Nous etlons vralment tres novices sinon incultes au
indique entre autres qu'il faut, partout, « prevenlr Je desordre » eo pays des Blancs. n fallait faire la clistlnctlon entre un
« etouff[ant] dans l'reuf ses premieres manlfestations » 55• Face au« desordre » W-C et un bidet. •
upeciste, la grille de lecture manicheenne des autorites fran~aises appliquee a General Pierre SEMENGUE3 •
la guerre d' Algerle est peu a peu importee et plaquee sur Ja situation camerou-
naise par l'etat-major militaire. C'est a cette meme periode, debut 1956, que
le commandement superieur des forces armees de la zone de defense AEF-
Cameroun, par exemple, soumet atous ses subordonnes Ja Iecture d'un texte
signe par le tres martial Jacques Soustelle, gouvemeur general de l' Algerie
mals presente ici comme un simple <<intellectueJ ». Le texte ne parJe certes
L es evenements de mal 1955 marquent un tournant dans l'histoire du
Cameroun. L'UPC interdite et ses d1rigeants contraints a Ja clandesti-
nite, les mots « autonomie », « emancipation >> et meme parfois « indepen-
que des « evenements » algeriens. Mais l'evocation musclee de la "dictature dance » commencent a faire leur apparitlon dans le Jexique du colonisateur
de terreur » et du« totalitarisme medieval » que veulent, selon lui, imposer Ies lui-meme. La « generosite >) de Ja France ainsi affichee sert a camoufler Ja
« terroristes » en Algerie, constitue, pour Je commandant de la zone de repression sanglante. Roland Pre clame partout qu'il souhaite faire participer
defense AEF-Cameroun, une lecture salutaire. « Ce texte, precise-t-il, merite un nombre croissant d'« autochtones » aux responsabilites. Certes, Je pro-
d'etre porte a la connaissance des cadres, car il rnootre cornment un person- cessus doit se faire en douceur, dans Je calme, en bonne entente. Mais les
nage qui ne peut etre taxe ni de colonialisme, n1de militarisme, ni de racisme, temps ont cbange, assure-t-on. La« camerounisatlon des cadres » est plus que
peut avoir, au contact de la realite et en raison de ses responsabilites, une jamals l'expression aLamode.
appreciation saine, particulierement sur ce qui nous interesse : le röle de
l'armee dans Je maintien de !'ordre et la mentalite de ses cadres 56• »
Camerounisationdescadres:
Jeparcours« exemplaire» du jeune Paul Biya

Alors que leurs aines savaient qu'ils resteraient cantonnes a des etudes
rnediocres debouchant sur des emplois subalternes, Ies enfants et les jeunes
scolarises au milieu des annees 1950 - on en compte 180 000 en 1954 sur les
460 000 en äge de l'etre 3 - peuvent dorenavant rever d'un plus glorieux
destin. Fait rarissime jusque-la - on envoyait generalemeot les elements les
plus brillants a Dakar-, la France s'est meme ctecidee, a partir de 1947, a
envoyer chaque ann~c des 1cunesctudlcr en metropole aux tcrrnes de leur

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scolarite. Au depart, lcs ~tudlants camerounals en Francc nc seront quc envoyesen rrance dans les annees 1950 auront le memc profil et le meme par-
quelques dizaines. Puls, ä mesure que lc regime colonial cherchera ä mettre cours, lisseset sans eclat.
en avant des elites locales et ä les integrer dans l'admlnlstration coloniale, 11s
seront de plus en plus nombreux : environ trois cents en 1953, sept cents en
1955, huit cents en 1956 ... Louis-Paul
Aujoulat,leparrain
Cette politique de« camerounisati.ondes cadres », que les evenements de
mai 1955 et les projets d'otautonomie interne» rendent plus imperieuse Pour comprendre le parcoursde Paul Biyaet de ses contemporains, il faut
encore, bouleverse bien des destins dans Ja jeunesse camerounaise. Pour s'en revenir un moment sur la trajectoire de Louis-PaulAujoulat.Depute du Terri-
convaincre, on peut s'arreter un Instant sur un cas emblematique : celui du toire ä partir de 1946 et secretaire d'Etat a la France d'outre-mer entre 1949
president Paul Biya,ä la tete de !'Etat depuis 1982. Ne en 1933, fils d'un cate- et 1953, il peut etre considere comme la cheviUeouvriere de la politique edu-
chiste catholique, le jeune Paul Biyaetait au depart destine ä devenir pretre. cative de Ja Franceet de promotion des elites autochtones au Cameroun. Son
Pour ce faire,ses parents l'avalent inscrit des son plus jeune §ge dans les insti- poids est immense dans les annees 1950. lncarnation d'un paternalisme colo-
tutions missionnaires. Mais, alors qu'il poursuit ses etudes aux petits semi- nial qui pretend reconcilier les Africainsavec leurs maitres europeens, chantre
naires d'Edea et d' Akono,dans Je sud du Cameroun, un evenement important de 1'«evolution » pacifique de l'Afriquevers la « civilisation » et la « moder-
vient devier sa trajectoire scolaire : Ja creation du premier etablissement nite », catholique ostentatoire, Louis-PaulAujoulatest un fervent partisan de
secondaire au Cameroun. lnaugure en 1952 par Louis-PaulAujoulat, alors Ja scolarisation des colonises et de l'emergence en douceur d'une eilte
president de !'Assembleeterritoriale, Je lycee General-Ledereaccueille imme- profran~ise.
diatement tous les enfants que l'admJnistratlon juge suffisamment prornet- Un pied dans l'administtation coloniale et l'autre dans l'Eglise catho-
teurs ou dont les parents ont suffisamment d'entregent. lique, Louis-PaulAujoulat garde la haute main sur ce dossier qui Interesse
Paul Biyaentre au lycee Leclercä la rentree 1954, ä l'äge de 21 ans. Le aussi bien la premiere que Ja seconde. Il offre des bourses aux eleves came-
jeune homme n'est pas particulierement brillant. Mais i1a beaucoup d'autres rounais meritants et desireux de venir etudier en metropole. II beberge ä
qualites. « Au terme d'une jeunesse studieuse, sans militantisme ni revolte, l'occasion les heureux elus ä leur arrivee ä Paris. Et il reunit regulierement
c'etait un gar~on tres police, tres wbain, tres respectueux de !'ordre et des hie- cette jeunesse en formation dans son grand appartement parisien. Beaucoup
rarchies. ParfaU,trop parfait, sans asperite », dit de lui le journaliste Pbilippe de jeunes Camerounais viennent le voir, lui demandent des conseils, sollici-
Gaillard4 • Le profil ideal, en somme, pour une administration coloniale qul tent ses faveurs. II met en relation les lyceenset etudiants camerounais, dont
ne deteste rien tant, chez lescolonises,que l'originalite, l'inventivite et le sens nul n'ignore qu'ils seront appeles ä d'importaotes fonctions dans les annees
critique, qui font trop souvent le lit de Ja contestation. Efface,travailleur et a venir, avec les elus et autres responsables du Territoire de passage en
eduque dans le respectde !'ordre etabli et des institutlons coloniales,Paul Biya metropote.
obtient une bourse pour aller etudier ä Parisen 1956. A Parisse constitue ainsi une cour, un intime cenacle, un village africain
A Paris, il reste sage. lrucrit dans !es classes reserveesaux ressortissants dont il est l'epicentre. Beaucoupd'eminents responsablesafricains lui seront
d'outre-mer au lycee Louis-le-Grand, en faculte de droit puis ä l'lnstitut redevables a un titre ou a un autre". Parmi les Camerounais, on peut citer
d'etudes politiques, c'est assez logiquement qu'il entrera en 1961 ä !'Institut Andre-MarieMbida, Ahmadou Ahidjo, Paul Biya et bien d'autres, dont !es
des hautes etudes d'outre-mer (nouvelle appellation, depuis 1959, de l'Ecole noms sont aujourd'hui moins connus. Nombreux sont lesetudiants qul nour-
nationale de la France d'outre-mer), ou ont ete formees avant lui beaucoup rissent al'epoque un veritable amour - le mot n'est pas trop fort- pour Louis-
de grandes figuresde l'administration coloniale et ou l'on a commence depuis Paul Aujoulatb. Rendant hommage au maitre, un etudiant camerounais
quelques annees ä accepter quelques elements qu'on n'ose plus appeler
---
« indigeoes ». Lcs amitll!s afrlcalnes de Louis-Paul Aujoulat depassent en effet largemcnt le strlct cadre
a
Ce qu'il y a de remarquable dans le parcours scolaire et universitaire de camerounais. A la fln des annees 1970, lors de !'Inauguration d'une stele en son honncur
au ßurklna Faso, il recevra des hommages de la plupart des chefs d'Etats afrlcains du
Paul Biya, c'est qu'il illustre presque jusqu'ä la caricature la politique fran- moment : Felix Houphoui!t-Bolgny (Cöte-d'lvolre), Omar Bongo (Gabon), Mathlcu
~se de promotion des elites africainesdans tes annees qui precedent les lnde• Kl'.!rekou(llenln), Gna~~lngh~ Eyndcma (Togo), Mous~a Traore (Mall), etc.
pendances. Certes, raresseront ceux qui connaitront un dcstln ulterieur aussl Au Comcroun, 11ncnimcu1 111\l~tnnh.'vcut quc Löuh-Paul /\ujoulot alt cu des penchants
b
glorieux que Je futur president ßiya. Mals la pl11par1des Jcunc~Corncrounal~ homo~e~uch. Ce q11t nöu~ 11(,1(, rn11th111(,p,11 tlc nombn:u,c~ pcrsonnolltb qul l'ont

188 IR9
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choisira ses mots pour Jui dedicacer, quetqucs annees plus tard, son m~moire certains Europeens se passlonncnL pour eile. Et de grandes personnalites,
de these : « Au docteur Aujoulat qul a su si b.ien penetrer l'äme africaine, encore : Jean-Paul Sartre, Andre Glde, Emmanuel Mounier ... 11sprennent
/usqu'a ses meandres, lui dont les "avls" toujours eclaJres m'ont guide, ainsi conscience que ce gui est systematiquement devalorise, voire nie, chez
comme un phare, taut au lang de rna vie d'etudiant, taute ma profonde eux peut etre sanctlfie en metropole. Le phenomene inverse se produit aussi.
reconnaissance 5 ! » Le jeune Jean-Martin Tchaptchet, arrive a Clermont-Ferrand fin 1952,
S'il sait etre genereuxavec la jeunessecamerounaisede France,Louis-Paul s'etonne par exemple d'entendre La Marseillaisemoquee par un Fran\'.ais:
Aujoulat n'en est pas moins vigilant. Pour lui, comme du reste pour taute « Amour sacre de mes breteUes/<;:a vaut bien rnieux que mes pantalons ... » Le
l'administration coloniale,les etudiants africainsne sont pas en Francepour se jeune homme, stupefait, s'interroge : « Comment ce Fran~ais[peut]-iltraiter
divertiret se disperser.Ilssont lä pour etudier, se fonner et obtenir des diplömes. avec tant de desinvoLtureun chant qui, dans mon pays, etait presente par les
En un mat, pour « preparerl'avenir de leur pays». fl le dit et Je repete: lesjeunes Fran~aisde la colonie - et accueilliet respectepar !es Camerounais - comme le
Africainsne sont pas venus en metropole pour perdre leur temps ä faire de Ja symbole sacre d'une certaine France mythique dont l'histoire etait jalonnee
politique.Beaucaupd'« aujoulatistes)>, ainsi qu'on !essurnomme, appliqueront de victoires et de grandeurs 8 ? ,,
le mot d'ordre ä la lettre : pas de politique. Lerefrainest repetesi souvent par !es
autorites et par Ja presse coloniales qu'on en retrouvera Ja marque un demi-
siecleplus tard dans l'hagiographleofficiellede Paul Biya,redigeeen 2009 par LapolitisationdesjeunesCamerounais
Je « journaliste» Fran~aisMattei, dans le passage consacre aux etudes pari- enFrance
siennes du futur president. « Pour Paul Biya,surtout preoccupe de reussirson
parcoursuniversitaire,qui va durer six annees d'un travail lntense, il s'agit sur- Lecomplexe d'inferiorite se desagregeantprogressivement,une partie de
tout, et encore,de ne passe laisserdistraire»,ecrit l'auteur admiratifdevant tant Ja jeunesseafricaine de France,en particulier camerounaise,passe de l'etonne-
6
d'abnegation • Un autre biographecamerounaisexpUqueen des termes voisins ment ä ia revolte. Avec la distance, les injustices subies aux colonies parais-
le dedain qu'entretenait Biyapour Ja <<politique » : « Paul aimait a redire qu'un sent plus intolerabLes.Pour comprendre, dans Ja solitude de leur foyer ou de
etudiant normal et conscientde ce pourquoiil est en Francen'a pas vraiment le leur chambre de bonne, Lesjeunes Camerounais se penchent sur Ies ecrits de
temps de s'adonner a fand a ce gerne d'activite 7• » . Senghor ou de Cesaire, publies par Larevue Presenceafricaine(creee en 1947
Si le mot d'ordre d' « apolitisme » est ä ce point valorisepar !escerclespro- par le Senegalais Alioune Diop, fondateur deux ans plus tard de la maison
coJoniaux,c'est precisementparce que la tentation est grande, pour Laplupart d'edition du meme nom) ou par les editions communistes Reclame.Lesplus
de ces Camerounais passes de l'autre cöte du miroir, de se Laisser« distraire ». cultives ouvrent le premier livre de Frantz Fanon, Peaunoire,masqueblanc,
L'arrivee en France coostitue pour eux, en effet, une revolution. Ils decou- publie en 1952. Puis en discutent entre eux et avec les autres Africains.Avecla
vrent une nouveUe vie, de nouveaux amis, un nouveau monde. Les nou- distance, les frontieres aussi s'estompent entre les « ethnies » du Cameroun et
veaux venus constatent par exemple que l'on n'est pas oblige, comme on l'est entre Les« colonies » d'Afrique. On se decauvre un destin commun. Certains
aux colonies, de courber l'echine devant le moindre « Blanc»; on peut aussi s'inscrivent ä la Federation des etudiants d'Afrique noire en France (FEANF),
se faire appeler «Monsieur». Le racisme et le paternalisme restent certes pre- creee en 1950, et lisent son Journal,L'Etudiantd'Afriquenoire.D'autres decou-
sents, a chaque instant. Mais on peut dans le meme temps suivre des cours vrent le Comite de liaison des etudiants anticolonialistes de Paris, anime par
dans des amphitheätres prestigieux, lire de grands auteurs, visiter des musees le futur avocatJacques Verges,et suivent dans son bulJetin, Etudiantsanticolo-
et aller au cinema. Autant de choses inimaginables quelques annees plus töt. nialistes,les Luttesque menent les peuples d' Asieou d'ailleurs pour se liberer
Ce faisant, les etudiants africains decouvrent, chose qu'on s'etait bien du joug colonial.
garde de leur dire au pays, que l'Afriquea une culture digne de ce nom et que En un mot, une partie de Ia jeunesse carnerounaise exilee en France se
politise, en depit des mots d'ordre. Au cours des annees 1950, Ja question de
Ja « politique » devient l'objet d'une sourde bataille. D'un cöte, ceux qui
cötoye ä l'epoque, par exemple par F<illxSabal-Lecco, anclen minlstre et ambassadeur acceptent les conditions prescrites: rester sage, ne rien revendiquer, ne jamais
caroerounals qul se quallfte lui-meme d'~ aujoulatistc » (entrctien avec les autcurs,
Yaounde, 6 cll?cembre 2007). L'homophoble, pnrtlcull~rement virulente 11uCamcroun de
contester. De l'autre, ceux qui veulent faire sortir !es caleres rentrees.
nos fours, fall cl'alllcurs souvent refercncc ö l'lnfluencc d'Aufoulnt clnns lo d~Slfr11(1tlon
et la Alexandre ßlyidi., qui n'a pas encore prls Je pseudonyme de « Mongo
prornotlo11 drs elitcs. Beti » mals qui sJg-ncen 19S4 son premicr roman, \lll/e crueffe, saus celui

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d'« Eza Boto », incarne asscz blen la sccondc categorle. Dans u1111urn~rode annees 1950 des cchangcs epistolaires avcc Um Nyobe et qui accueillera lc
Prtsenceafricaineconsacre en 1953 aux « etudlants noirs >t, II~•cnprcnd verte- secretaire general de l'UPC lors de son premier sejour a Paris en 1952. Ou
ment a cette jeunesse doclle dont font la promotlon les autorites et la presse encore Benoit Balla, etudiant en droit, qui s'etalt rendu a Bucarest en 1952
coloniales : « Nous le connaissons tous, l'etudiant noir conforme ä !'ideal de dans le cadre d'une rencontre de !'Union internationale des etudiants (UIE),
Oarevue colonialiste) Climats, ecrit-il. En general, II est futur juriste ou du dont Jacques Vergesetait alors le secretaire.
molns passe pour tel. II n'a d'autre souci que de reussirson prochaln examen Au sein de l'AEC,le tournant se produit en 1954. Cette annee-la est riche
et se comporte en consequence, ne sortant de sa chambre qu'aux heures de en evenements. Des le debut de l'annee, Um Nyobe, de retour de son
cours et de repas; ne vivant qu'avec son droit civil et son droit romain. 11est deuxieme voyage a New York,rencontre des etudiants camerounais installes
extremement range, "ne falt pas de politique", ce qui slgnifie qu'il ne lit en France.C'est dans la foulee de cette visite que, selon le ministere de !'Inte-
aucun journaJ, meme pas les hebdomadaires litteraires. 11n'aspire qu'a avoir rieur, certains d'entre eux jettent les bases d'un premier comite upeciste a
un petit poste plus tard en Afrique, a couler des jours heureux aupres de sa Paris 13• En avril 1954, l'indeboulonnable docteur Aujoulat, le mentor de tant
femme et de ses enfants. (...) C'est exactement le candidat a l'embourgeoise- d'etudiants camerounais, perd un peu de son prestige : il cede la presidence
ment beat, a la quietude stupide, futur pilier, malgre lui, de la paix de I'ATCAMä Paul Soppo Priso,elu avec le soutien tacite de l'UPCdans Ja cir-
coloniaJiste9• » conscription du Wouri (volr chapitre 7). En aofit, le vice-president de l'UPC,
La « politique » devient peu a peu l'enjeu d'une guerre larvee a l'inte- Emest Ouandie, est invite au Festival mondial de la jeunesse democratique
rieur de l'Associationdes etudiants camerounais de France (AECF).Con~e a (FMJD)a Pekin et rencontre lui aussi, de passage a Paris, les etudiants camc-
sa creation, en 1947-1948, comme strictement estudiantine, l'association rounais de la capitale. A l'evidence, l'UPC qui, au Cameroun, cree en 1954 la
excluait toute « dimension politique ». « L'Associationdes etudiants came- Jeunesse democratique du Cameroun 0DC), reflechit a une « ecole popu-
rounais de France n'a aucun but politique, specifiait meme, noir sur blanc, laire » et jette les bases de son « ecole des cadres », a egalement comprls
l'article 4 de son statut. Elle s'opposera a taute ingerence politique d'ou l'importance des etudiants exiles.
qu'elle vienne. » lnterlocutrice des autorites coloniales, I'AECFs'interessait Lesdebats sont vifs au sein de l'AECdans cette periode. En temoignent
donc exclusivementaux questions d'intendance : bourses, logements, camps les articles publies en avril et mal 1954 dans le bulletln de l'association. Deux
de vacances pour ceux qui ne rentrent pas au pays pendant les conges. Ellese futures eminentes personnalites s'opposent autour de l'artlcle 4 du statut de
« politise » pourtant par petites touches. La premiere bataille se deroule en l'associatlon : d'un cöte, Abel Eyinga, qui refute la frontiere entre la « poll-
1951 autour du« F » de l'acronyme: cherchant a federer les actions avec leurs tique » et 1'«apolitisme » 14 ; de l'autre, Castor Osende Afana, qui, quoique
compatriotes anglophones etudiant en Angleterre, certains exigent, avec tres engage politiquement, soutient que les engagements individuels n'lmpll-
succes, que l'association abandonne son qualificatif « fran~ais ». L'AECF quent pas l'engagement collectif de l'AEC,laquelle doit, selon lui, rester une
devient l'AEC tout court 10• Victoire symbolique, mais victoire importante plate-forme pour tous !es Hudiants camerounais quelles que soient leurs
quand on conna1t les revendications martelees par !es nationaHstesdu Came- convictions 15• Signe de l'emancipation progressive de l'AEC de la tutelle
roun : independance et reunification. administrative, Benoit Salla, figure de proue de la « politisation » des etu-
Lesrevendicationsde l'UPCcommencent d'ailleurs a se propagerdans les diants camerounais, est porte en 1954 a la presidence de I'AEC- laquelle
milieux etudiants camerounais. LorsqueL'Humaniteaffirme, un peu vite, que s'associe d'ailleurs, la rn~me annee, a la FEANF.
Ruben Um Nyobe a ete assassine a Foumban en mars 1953, plusieurs etu- Lesdestins dlvergents de SamuelKame et Pierre KamdemNinyim - deux
diants camerounais, Alexandre Biyidi en tete, se manifestent publiquement noms qu'il faudra retenir - constituent une des illustrations !es plus frap-
pour protester contre l'odieux « crime coloniallste 11 ». Le secretaire general pantes de la fracture qui se dessine alors au sein de la jeunesse camerounalse
de l'UPC n'ayant ete « que » blesse, le docteur Aujoulat ne manquera pas en France. Originaires du meme village, Baham, au ccrur de la region Baml-
l'occasion pour railler le quotidien comrnuniste, l'UPC et, a travers eux, les leke, ils ont tous deux ete envoyes en France gräce a l'appui de Louis-Paul
etudiants credules qui s'embourbent dans les vaines polemiques politicicnnes Aujoulat. Eleveau sein de la « chefferie traditionnelle » de Baham dans les
qui, naturellement, les depassent 12• annees 1930, Samuel Kame y debarque des la fin des annees 1940, apres de
Ledebat sur la politique ne cesse pour autant d'enfler. Ccrtains mcmbres bonnes etudes dans sa region d'origine et a Yaounde. A Paris, il devient rapi-
de l'AEC devlennent de farouches partlsans de l'UPC. A l'lmn~c de Jcr'ln dcmcnt lc presldenl de I'AE.CF,en 1949. II poursuit parallelement son par-
Gwodog, longtemp~ protcgc d'Aujoulat, qul cntrc11c111tlh le tt(·hul de~ cour\ univcrsilaircet devlendra le prcmicr Camerounais diplöme de !'Institut

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sur l'VN.:( 1955-ISJSlJ)
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d'etudes politigues de Paris (1952) et de l'Ecole nationale de la Prance climat, 1.es« erneutes de Mai » sonnent, pour les etucliants camerounais de
d'outre-mer (1957). Plus proche des cercles de pouvoir que la plupart de ses France, comme un coup de tonnerre. Choques par le bannissement de l'VPC
compatriotes, iJ se lie d'amitie avec nombre des elus camerounais de passage de la scene legale et du RDAet par une repression coloniale dont ils compren-
ä Paris et, en particulier, avec Je futur president camerounais Ahmadou oent mleux que d'autres I'incroyable brutalite, ils sont plus que jamais
Ahidjo, qui siege alors ä !'Assemblee de !'Union frao~aise. S'etant Interesse de appeles ä prendre parti. Meme si une grande partie d'entre eux restent pru-
tres pres, au cours de ses etudes, au fonctionnement des chefferies bamileke, demment indecis, une sorte de « guerre froide >) s'lnstalle alors en leur sein.
n integrera l'administration coloniale ä son retour au pays et deviendra un Les etudiants national.istes, jusque-lä assez isoles, se regroupent et s'organi-
acteur central de la repression de l'UPC dans cette region (volr chapit:re 13). sent. lls resserrent les liens avec les relais de l'UPC en France, comme Claude
Quoique tres lie ä celui de Samuel Kame, qui l'aurait longtemps parraine, Gerard du bulletin lnter-AfriquePresseou les journalistes de L 'Humaniteet de
le destin de Pierre Kamdem Ninyim est assez different 16• Fils du « chef tradi- L'Observate11r, et se rapprochent des avocats fran~ais de l'UPC, pour la plu-
tionnel )> de Baham, Max Kamhoua, ü est envoye tres jeune ä Paris, au lycee part commuoistes, particulierement sollicites en ces temps de repression (M"'
Blaise-Pascal dans le XVI• arrond.issement, pour etre forme ä ses responsabi- Pierre Kaldor, Pierre Stibbe, Henri Douzon, Plerre Braun, etc.). De l'autre cöte,
lites futures. Au mepris des regles de succession coutumieres, l'administration les etudiants « loyalistes » resserrent les rangs derriere l'administration 17 •
cherche ä en faire Je successeur de son pere et l'agent docile de sa politique C'est dans ce contexte que 1'AEC, jusqu'alors restee unitaire maJgre les
coloniale. Ainsi, lorsque Je chef traditionnel de Baham meurt, Je 23 mai 1954, tensions croissantes, implose ä l'ete 1955. Le groupe des « apolitigues » fait
c'est Kamdem Ninyim qui est place sur le tröne. II quitte donc temporaire- scission et cree une association concurrente : Je Groupe universltaire came-
ment Paris pour les ceremonies d'intronisation ä Baham. Mais, sans le savoir, rounais (GUC). Les autres decident I'affiliation de l'AEC ä l'lJnion internatio-
l'administration a fait une grave erreur: eUe n'a pas pris conscience que Je nale des etudiants (UJE) d'obedience communiste. L'equipe du Kaso,
jeune homme s'est peu ä peu rapproche des milieux « progressistes » pari- jusque-lä nationallste sans etre upeciste, prend fait et cause pour le parti d'Um
siens et, comme beaucoup des compatriotes de son äge, s'lnteresse davantage Nyobe et denonce l'imperitie de Ja presse metropolitaine dans sa couverture
au projet oationaliste qu'ä celui des coLons. Comprenant Je danger debut de l'actualite camerounaise. Faisant figure d'exceptions jusqu'en 1955, ceux
1955, Louis-Paul Aujoulat s'arrange pour faire rentrer Je jeune frondeur au qui, comme Castor Osende Afana, Michel Ndoh ou Jean-Martin Tchaptchet,
pays•. La chefferie Baham, dont le leadership est passablement conteste, preonent leur carte ä l'UPC sont de plus en plus nombreux.
deviendra rapidement J'epicentre de la contestation nationaliste en pays L'interdiction de l'UPC au Cameroun place en fait Jes etudiants came-
« Bamileke » ... rouna1s de France dans l'ceil du cyclone. Le decret du 13 juiUet 1955 ne
s'appliquant pas en metropole et les leaders de l'UPC, traques, n'etant plus
libres de leurs mouvements, les upecistes de France deviennent subitement
Generation1955: lesetudiants camerounaisdeFrance des aJlies strategiques pour le mouvement nationaliste. Du jour au lende-
dans l'reil du cyclone main, ils en deviennent la courroie de transmission, le relais et Je porte-voix.
Puisque Um Nyobe, Moumie, Kingue, Ouandie et les autres ne peuvent plus
Alors que Roland Pre devient Haut Commissaire de Ja France au Came- sortir du Cameroun, ce sont eux qui iront, dans les mois et les annees qui sui-
roun, fin 1954, Je milieu estudiantin camerounais de France est en pleine vent, porter Je message nationaliste sur toutes les tribunes, fran~aises ou inter-
ebullition intellectueile, comme en temoigne Ia parution, depuls quelques nati.onales 18• Etudiant en economie, Osende Afana, par exemple, met en
mois, de Kaso (« Verite »), le « journaJ du jeune Cameroun », un bimestriel place un comite de base de l'UPC ä Toulouse en 1955 et entre l'annee suivante
anticolonialiste mene par un groupe au style ravageur et percutant. Dans ce au bureau de la FEANF.II sera bientöt entendu ä la tribune ä l'ONU, alors qu'il
n'a que 27 ans.
L'administration, qui comprend rapidement qu'elle a place les etudiants
a 11est difficlle de conna:itre avec precislon l.eparcours de Pierre Kamdem NLnylm ä Paris, ses
liens avec Louis-Paul Aujoulat et avec les jeunes natlonalistes. Selon In vcrslon de l'adrnl- nationalistes de France en premiere Jigne en interdisant l'UPC au Cameroun,
nistrateur Maurice Delauney, le retour preclpitl! de Kamdem Nlnylm ou Cmncrnun est une ne reste pas les bras croises. Tenus ä l'ceU depuis leur plus jeune äge par le
consequence lndirecte de la chute du gouvernement Mend~ Francc, <Jula enrnwn(! nvec minlstere de la France d'outre-mer et par la delegation du Haut Commissaire
eile celle de son protecteur Louis-Paul Aujoulat (volr Alex Ocrt rnnd SoN~~, J.11
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de
811l1n111rle 19115i't 1960.Sesm1111wtsnvecInp11l.<sm1ce rt liis ,111rltl11111/11r,,
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ä Parts, lcs ~tudlants camerounals sont maintenant surveUles de tres pres par
maltrlsc, \1t1lvcrs1t('de Ynound(!•I, J911S). la pollcc, volrc p.ir lc SDECE. Onns toutcs lcs archives, en France comme au

19,1 195
l't'II 1,11rl'Ul't.' ( l'l.'i.~ /11\H) "Au paysd~ Ulc111ts

Cameroun, on peut ainsi retrouver des notcs tr~s compl~IC!> !>llt lc, (·1udlants n'irai pas jusqu'ä dire quc c'est la solution, je le dirai pcut-etre experience
camerounais des annees 19SO,OLileurs orlentatlons politiques sont <lecrites falte, mais je crois en tous cas qu'il y a lil une experience il essayer, et le plus
avec autant de precision que leurs relations amoureuses... II faul dirc que les töt possible20 • » Ainsi debute l'nistoire meconnue, mais pourtant significa-
institutions policieresne rencontrent alors guere de difficultespour se consti- tive, des relations entre le Rearmement moraJet les elites camerounaises.
tuer des reseaux d'lnformateurs dans la jeunesse camerounaise de France. Tout commence avec un pasteur americain, Frank Buchman
Sans le sou pour la plupart, beaucoup d'etudiants acceptent, contre un peu (1878-1961). Lorsd'un voyage en Europe au debut du xx• si~cle, il se met il
d'argent de poche, des missions d'infiltration ou de provocation. Sans sur- reflechir ä la resolution des conflits personnels et coUectifs.Ceux-ci, estime-
prise, les sanctions disciplinaires ne tardent pas a tomber. Des 195S, de nom- t-il, peuvent etre apaisessi chacun s'engage dans un travail de remise en cause
breux etudiants voient subitement leurs bourses universitaires suspendues. personnelle et accepte de se mettre a l'ecoute de ses adversaües. Cette philo-
Ainsimis sur la paille, il ne leur reste alors que peu de choix: se transformer en sophie, fortement inspiree par l'ideologiechretienne, fera des emules dans les
"taupes" pour l'administration ou en miUtants "professionnels" de la cause annees 1920 et 1930, notamment dans les milieux etudiants britanniques et
nationaliste. Certains, hesitants, combineront les deux fonctions ... americains, au point que se constituera un vaste reseau d'influence. D'abord
connu sous Ie nom de« groupe d'Oxford », ce mouvement, ä la jointure entre
religion et politique, entre esoterisme et diplomatie, prendra le nom de Rear-
L'histoiremeconnuedesrelationsentre mement moral (RM) en 1938.
le « Reannementmoral» et leselitescamerounaises Lesconceptions de Buchman se propageront au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale. Soutenu par de riches mecenes, le RM deviendra proprle-
L'administratlon echafaude aussi des strategiesde division en jouant sur taire en 1946 d'un immense böte! de luxe, ä Caux-sur-Montreux.Baseeuro-
les identites « ethniques " - lesassociationsou Lesamlcales« regionales" fleu- peen ne du mouvement, le centre de Caux est le pendant de celui de
rissent. Faisant pression, au Cameroun, sur les familles des etudiants retifsa, Mackinac,aux Etats-Unis,et la maison mere des centres natlonaux du RMlns-
eile soutient aussi tant qu'elle peut les etudiants les plus hostlles a la ten- talles dans la plupart des pays europeens (le centre fcan~aisse trouve alors A
dance nationaliste. S'il est clair que l' « apolitisme » preche jusque-Laetait emi- BouLogne,en region parisienne). Acette periode, Ie RM constitue ä partir de la
nemment « politique », cela apparait plus nettement encore apres 195S : les un vaste reseau, ou se cötoient de nombreuses personnalites, parfois emi-
etudiants favorables a Lapolitlque fran~aise sont cette fois invltes a nentes, de differentes nationalites.
« s'engager », au sens presque militaire du terme, c'est-ä-dire ä combattre Sous la houLettede Frank Buchman, d'ambitieuses initiatives sont alors
ardemment les upecistes declares. Comme d'habitude, Louis-PaulAujoulat Ianceespour reconcilier Lesames et Jes peuples. Parmi celles-ci,le RM se flatte
est ä la manceuvre. Le 30 juillet 1955, deux semaines apres l'interdiction offi- d'avoir participe ä la reconciliation franco-allemande et jete les bases de la
cielle de l'UPC,il rassembleses plus fidelespartisans- parmi lesquels l'incon- construction europeenne. lnvitant ä Caux, a partir de 1946, des centaines de
tournable Samuel Kame- dans un endroit cossu de Paris pour les exhorter a Frani;ais et d' Allemands a des seminaires d'echanges d'experiences, LeRM
resisteraux sirenes « communistes" 19• aurait joue un röle important aux premiers temps du dialogue franco-alle-
Quinze jours plus tard, il emmene une delegation camerounaise en mand, faisant notamment se rencontrer Konrad Adenauer et Robert Schu-
Suisse,dans la petite localite huppee de Caux-sur-Montreux,sur les hauteurs man•. Fort de ce premier succes, RM s'auto-assigne de multiples täches de
du lac de Geneve, pour un « seminaire i. organise par un mouvement para- « reconciliation », cherchant afavoriserla « paix i. entre les responsablesame-
reUgieuxd'origine anglo-saxonne au nom evocateur : le Rearmement moral. ricains et japonais, entre les syndicalisteset les industriels, ou encore entre les
« LeRearmement moral represente une solutlon ä un probleme qui, jusque-lä, Leadersnationalistes des colonies et les dirlgeants des puissances coloniales.
me paralssaitinsoluble, declare Aujoulat devant l'assembleereunie il Caux. Je Sur tous les contlnents, le RMcherche ä diffuser les « armes ideologiques »

a Abel Eytnga raconte qu'au lendemaln des evenements de mal 195S II r~ut des mains de a Ce dernler, consldfal! comme un des • ~res de l'Europc •• a meme &rit une preface ä un
Louis-Paul Aujoulat une lettre de son pere, alors cat&histe A Foulassl, lul 111111110111 l'ordre llvre de Frank ßuchman (Refäire le monde, &Utions de Caux, 1958), dans laquellc II loue
de ne pas « partlclper ä des choses qul pcuvcnl tc mllre lil-bas la l'nrl~I cl pcul C-trcti nous 'l'actlon du Rearmcment mornl, un mouvcmcntqul, sclon son expresslon, a su • mettrc au
aussl tau Camerounl •· II apprc11dra, blen des anntcs plus tard, <111r tClt(' ll•llrc nv,1!1ttl! ~crvlce de, ~tats des equlpc~ d'honuncs entrainh, des a1>6tresde l.i r&oncilJatlon et des
dict(-c ä son ~re por Auloulnl cn pcMnnc (cntrctlcn avcc ll'~ 1111tt•t11i, Mli.tl11111)o, 1ll mnr~ nnl~,m d'1111monde rcnouvcl~ • (eil~ /11Michel J. S[NTI~,• Le stllage de Frank ßuchman,
2007), fonll,1tc11rdu R1:nnncnw11111111rnt
•, <W\Vw.lofc.org>, 2007).

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- l'expression est revendiquee - qul pcrmettront aux leadcrs du monde ctevant ses nouveaux amis du RM.AVarsovie, acette heure-ci, se trouvent plu-
d'eviter Ies confrontations et les guerres. sieurs de mes camarades. lis se sont engages dejä. Je ne les blame pas et
C'est dans Ies annees 1950 que le RM s'interesse ä I'Afrique 21 • Mouve- j'admire Ieur courage. Je ne me suis pas encore engage jusqu'ici, mais je
ment d'origine anglo-saxonne, ses efforts se portent dans un premier temps promets desormais de m'engager dans le Rearmement moral. Je vous en fais
sur !' « Afrique britannique ». Au Nigeria, oll Ie mouvement s'enorgueillit Ja promesse et je la tiendrai 24.>>Ainsi procede-t-on au RM : on reconnrut Ja
d'avoir convaincu le docteur Benjamin Nnamdi Azikiwe, alors leader nationa- valeur de I'adversaire pour mieux l'inviter a venir communier dans l'« ideo-
liste, de ne pas sombrer dans Je « bellicisme » communiste. Ou au Kenya, Oll logie du Bien ». Laquelle est par ailleurs intensement diffusee a travers des
un militant du RM, le colonel Alan Knight (1916-1999), installe un « foyer » tombereaux de brochures et par l'organisation de representations theätraJes
de l'organisation dans un camp de prisonniers et parvient, gräce aux tech- ou de seances de cinema.
niques de « reconciliation des cceurs » cheres au mouvement de Frank C'est precisement en 1955 que l'influence du RM commence a se faire
Buchman, a faire « abjurer >>leurs penchants subversifs a de nombreux sentir dans les müieux etudiants africains de France. Et en particulier chez !es
detenus fideles jusque-la aux Mau-Mau 22 • Camerounais qui, parmi les Africains francophones, paraissent les plus sus-
On comprend aisement, a partir de ces deux exemples, que le RM a tout ceptibles de verser dans la « haine » et la « guerre ». Les erneutes de Mai ayant
pour plaire au docteur Aujoulat: fortement impregnee de culture chretienne, cnontre l'urgence d'une « reconciliation des c~urs », !es fideles de Frank
son action vise en priorite a lutter contre le « communisme », decrit a la fois Buchman lancent !'offensive. Les journaux du mouvement commencent a
comme athee et belliqueux, et cherche a lui substituer une nouvelle « Ideo- etre diffuses dans les cercles estudiantins, les invitations au centre du RM de
logie», centree sur l'« amour » et le regne du «Bien». Pour ce faire, ce sont Boulogne circulent et beaucoup s'interrogent sur le voyage du doc- .:1
les « elites » et Ies « Ieaders », et plus encore !es jeunes appeles ä d'impor- teur Aujoulat a Caux. Pour les etudiants upecistes, le dtagnostic est clair :
tantes responsabilites, qui constituent !es cibles principales du RM. En « rear- comparable aux projets « eurafricains » et aux strategies d' « autonomisa-
mant leur cceurs et leurs esprits », en les convainquant de « faire Ja paix en tion » des tenitoires d'outre-mer, l'engouement pour Je RM n'est rien d'autre
eux-memes et avec leurs ennemis », en les remettant en consequence « dans qu'une nouvelle tentative de « chloroformer » le mouvement nationaliste 25 •
le chemin de Dieu », ces elites devront pouvolr convaincre ä leur tour les Au contraire, pour la tendance « aujoulatiste », dressee dans Je culte de l'apo-
peuples arenoncer a la « haine » et a leurs penchants « guerriers ». litisme, l'aspect neutraliste, chretien et moral du RM apparrut comme une
Ainsi, derriere son apparente « neutralite » (Ja Suisse n'est pas choisie par bonne maniere de « s'engager » sans croquer trop bruyamment dans Je fruit
hasard comme base arriere), Je RM constltue une machine de guerre contre Je defendu. II permet aussi de reorienter en douceur leur discours antinationa-
« communisme » et !es mouvements « subversifs ». Mais une machine de liste : maintenant que la France reflechit a une autonomisation » de ses
<(

guerre dont les armes sont exclusivement psychologiques, donc indolores, et colonies et a une delegation croissante des responsabilites aux « elites autoch-
I'objectif proclame eminemment consensuel, puisqu'il s'agit rien moins que tones », l'ideologie du RM,plus paternaliste que raciste, plus anticommuniste
de vaincre le « Mal » et de faire triompher Je « Bien », la « Paix » et la que fonderement colonialiste, parait particulierement adaptee au « nationa-
« Liberte ». Subtilite supplementaire : c'est toujours en commen~ant par se lisme modere » promu par la puissance administrante.
battre contre soi-meme qu'il est recommande d'entamer le processus de On I'a oublie, mals la position du RM al'egard des empires coloniaux pro-
« rearmement moral ». Aussi assiste-t-on chaque annee a d'etonnantes voque alors, pendant des annees, de vifs debats en France. Et pas seulement
seances d'autocritique dans les assemblees du RM, aMackinac comme aCaux, chez Jes ressortissants camerounais ou africains. Les responsables politiques
Oll l'on peut par exempJe ecouter des Africains s'excuser publiquement pour et ies journalistes fran~ais aussi s'interrogent. D'un cöte, l'anticommunisme
!es « rivalites tribales » qu'ils entretiennent et pour « leur rancceur et leur du RM seduit d'autant plus qu'il s'accompagne de techniques permettant de
haine a l'egard des Blancs » 23• « retourner » efficacement les adversaires de la France et de raffermir
C'est ace processus de remise en cause que Louis-Paul Aujoulat convle la l'« amour » de ses allies. Mais, de l'autre, Ia loglque d'autoflagellation perma-
delegation d'etudiants qu'il emmene a Caux en aout 1955. Ces jeunes Came- nente au c~ur de Ja philosophie et de l'action du RM inquiete ceux qui regar-
rounais sont invites a se « rearmer moralement » et a ramener leurs conge- dent l'ideologie du compromis, du dialogue et de Ia paix negoclee comcne Ie
neres egares dans le « droit chemln ». « L'atmosphere de I'unlvcrslt~ de Paris prelude de futurs abandons. Ce conmt d'interpretation surgira par exemple
a cree en nous, Africains, plusleurs types d'hommes et nous nvo,1schcJlsldes sur le dossier algerien quelques annees plus tard, lorsque Je ministere des
voies differentes, cxpllquc par excmple llcnoit Okall, etu<ll0111 Clll n1~<IPclne, Armees, alors dirtgc par Picrrc C:ulllaumat, decidera en 1959 d'envoyer des

11)8 1<)9
~ur/ 1IJ/'(,' ( 11>.'i.\-195H)
l,'«•11

officiers fran~ais, le general Edmond Jouhaud en t(!te, au centre du RM de 11


Caux-sur-Montreux. S'attirant en retour Jes critiques du depute centriste Pre-
deric de Villeneuve, choque par l'envoi « en mission des officiers d'active
assister a Caux, en Suisse, a une reunion du Rearmement moral, organisme
Lefusilsurla tempe(1956-1957)
international qui affiche des posltions politiques resoJument hostiles a la
France, que ce soit en Tunlsie, au Marne, en Afrique, en Algerie. Certains offl-
ciers ne se sont pas prives de prendre pubJiquement parti en faveur des soJu- « Sans vouloLr chicaner sur les mots, nous estimons
tions prönees par Je Rearmement moral et leurs declarations ont ete que la tunique "autonomie" camoufle une arrlere-
reproduites dans 1a presse parisienne 26 ». pensee de domination et de lucre et nous est tout aussi
funeste que celle de De1antre Je fut ä Hercule. ~
Mais, si le RM inquiete dans certains milieux, ce n'est pas seulement a
cause de sa trop grande « ouverture » a I'egard des peupJes colonises. C'est Kaso, ma.rs1955 '.

aussi que son action semble particulierement proche de Lastrategie interna-


tionale poursuivie par les Etats-Unis, lesquels regardent Je demantelement des
empires coloniaux comme un moyen de placer a plus ou moins breve
echeance les nouveHes nations qui pourraient en emerger sous leur contröle
direct, en les soustrayant a Ja tutelle europeenne et ä Ja menace sovietique.
C'est sans doute dans cette logique que Ja CIA a commence a s'interesser de
tres pres ä l'action du RM. Dans Je cadre de sa ceUule baptisee « Occultism in
High Places » (OHP), creee au milieu des annees 1950, eile cherche aJors apro-
fiter de l'influence du RM sur les elites mondiales et, peut-etre, ay interferer,
comme l'affirmera en tout cas en 1989 Miles Copeland, un ancien respon-
P ierre Messmer est un homme habile. Dans ses Memoires, publies dans
les annees 1990 2, il manie si subtilement !es petits mensonges, les gros
oublis et Ja fausse modestie que Je lecteur credule ne peut voir en lui qu'un
sable de l'obscure cellule OHP: « [Cela] nous permit de nous brancher directe- homme considerable. En avance sur son temps tout au long de sa carriere,
ment sur le cerveau des leaders, pas seulement en Afrlque ou en Asie, mais explique l'ancien ministre des Armees et Premier ministre, il eut Lachance de
aussi en Europe 27• » sentir, souvent seul et contre presque tous, le vent de l'Histoire. A !'Image,
En attendant, en 1956, la promotion des« elites autochtones » prönee finalement, de son unique beros, le generaJ de Gaulle.
par le RM rejoint tout a fait l'objectif du gouvernement fran~ais, qui envisage Malgre ses authentiques exploits de jeunesse pendant la Resistance, le
de deleguer une partie de ses prerogatives a des responsables politiques afri- Pierre Messmer de la rv• Republique parait pourtant moins impressionnant.
cains soigneusement cooptes. Tlpasse d'aHleurs plus pour un socialiste, version SFIO, que pour un gaulliste
pur sang. C'est sans doute pour cette raison qu'a Ja fin janvier 1956 Gaston
Defferre, ministre de la France d'outre-mer du nouveau gouvernement de Guy
Mallet, lui propose de devenir son directeur de cabinet. Huit ans apres avoir
travaille pour Marius Moutet, Je dernier socialiste a avoir occupe le ministere
de la France d'outce-mer (janvier 1946-octobre 1947), et qufüant la Cöte-
d'Ivoire dont il etait gouverneur depuis 1954, Pierre Messmer retrouve la rue
Oudinot.

fuin 1956:la loi-cadre


Defferre
contrel'independance
africaine
Sur son bureau, il trouve !es projets inities par les gouvernements prece-
clents pour reformcr i'archltecture lnstitutionnelle des territoires d'outre-mer.

201
Peu1mrl'UP<.;
( l!JSS·JOStl) l,1•/mll ~"' /11fl•mrw( l 9S&-l 1H,7)

Depuis des mois en effet, les responsables politiques fran~als, obsecles par les « IIMrallsme », de garder la haute main sur ses territoires africains. Gaston
« evenements » d'Algerie, cherchent ä eviter que s'y multiplient les foyers de Defferre l'explique d'ailleurs assez clairement. JI faut, dit-il, « devancer >>les
tensions. « Ne laissons pas croire, decJare Defferre en mars 1956, que la France evenements et« offrir quelque chose pour eviter une catastrophe » 5 • En
n'entreprend des reformes que lorsque le sang commence ä couJer 3• >> C'est d'autres termes : ceder sur l'accessoire - ce que Leopold Sedar Senghor quali-
dans ce contexte que le Maroc et Ja Tunisie accedent ä l'independance. En fiera bientöt de « joujoux et sucettes » - pour mieux garder l'essentiel. La pro-
Afrique noire egalement, on cherche a lächer du lest pour eviter quese repro- cedure choisie par Je gouvernement, poser les principes generaux dans
duisent des explosions comparables ä celles qui ont secoue Madagascar, la l'urgence puis prendre le temps de reflechir a Ieur application pratique,
Cöte-d'fvoire et, plus recernment, le Cameroun. temoigne d'ailleurs de cette volonte de « donner pour retenir ». Une note
Dans un contexte international de repli colonial, !es d!Jigeants fran~ais redigee par le bureau d'etude du cabinet du ministre de la France d'outre-mer
cherchent aussi ä contröler ce processus. Nombreux sont !es Africains qui en fevrier 1956 trahit clairement ces Intentions, qui recommande de
observent ce qui se passe du cöte des colonies du Royaume-Uni. Les Britan• « prendre rapidement !es mesures envisagees, afin d'eviter que des proposi-
niques, eternels concurrents de la France eo Afrique, ne preparent-ils pas reso- tions de loi qui iraient beaucoup plus loin ne soient deposees dans
lument l'emancipation de leurs colonies, acommencer par la Gold Coast, qui l'intervalle 6 ».
accedera ä l'independance l'annee suivante (sous Je nom de Ghana)? La Dans l'esprlt de ses concepteurs, Ja loi-cadre Defferre est d'abord un dis-
comparaison est particuJierement tentante dans Jes Terrltoires sous tutelle positif visant a faire emerger dans chaque territoire des elites africaines
que sont le Togo et le Cameroun. Anciennes colonies allemandes partagees dociles, susceptibles de devenir les agents et les defenseurs locaux des interets
entre les Fran~ais et !es Britanniques apres la Premiere Guerre mondiaJe, Hs de la France, capables de canaliser !es aspirations populaires eternellement
apparaissent plus que jamais comme les maiJJons faibles de !'Empire fran~ais. jugees « prematurees » par Paris. Ce processus de cooptation sera ainsi resume
Les nationalistes togolais regardent avec envie ce qui se passe de l'autre cöte par Pierre Messmer : « Ce qui avait semble "bonbons et sucettes" a Leopold
de la frontiere, dans Je Togoland <<allernand » integre depuis des annees a Ja Senghor etait delectable pour quelques-uns, mais potion amere pour
Gold Coast « britannique ». Au Cameroun, J'UPC revendique depuis sa nais- beaucoup 7• »
sance la reunification du «Kamerun», en meme temps que son indepen- Felix Houphouet-Boigny est l'incarnation parfaite de ces nouveUes elites
dance. Pour !es Fran~ais, le temps est campte. africaines que la France entend valoriser. Pierre Messmer, gouverneur de la
Au ministere de la France d'outre-mer, le nouveau dJrecteur de cabinet Cöte-d'lvoire de 1954 a1956, avait pu se rendre compte ä quel point Je leader
Pierre Messmer et ses collaborateurs s'activent donc pour elaborer au plus vite ivoirien pouvait servir les interets fran~ais. Ayant eu le « courage » de renier
un projet acceptable pour les parlementaires fran~ais. 11s'agit dans un premier ses ideaux de jeunesse, de trahlr la frange la plus determinee du RDA sans se
temps, a travers la procedure particuJiere d 1une loi-cadre, d'enoncer les prin- couper totalement des masses ivoiriennes, Houphouet appara1t aux yeux des
cipes generaux de Ja reforme institutionneUe : « Associer plus etroitement !es dirigeants fran~als comme le leader exemplaire, qui devrait inspirer ses ,< sem-
populations d'outre-mer ala gestion de leurs interets propres » par la mise eo blables » africains. Nomme ministre delegue ä la presidence du Conseil de
place de« conseils de gouvemement », Je transfert de certaines competences, Guy MoUet, Houphouet figure parmi les artisans de la loi-cadre qu'il cosigne
l'elargissement des pouvoirs des assemblees territoriales, l'institution du suf- avec Rene Coty, Guy Mollet, Gaston Defferre et Fran~ois Mitterrand. Une loi-
frage universel et la suppression totale du double college. Les decrets d'appU- cadre dont l'objectif est en definitive de lutter contre J'independance afri-
cation, differents pour chaque Territoire, ne seront quant aeux pris que dans caine, cette "mystique negative» alaquelle Houphouet soubaite, cornme il
un second temps, naturellement sans contröle parlementaire. Grace a cette l'explique lors d'un deplacement aDakar en avril 1956, « opposer triompha-
procedure en deux temps, le gouvernement obtient des « pouvoirs speciaux lement la mystique de la fraternite » 8 •
pour reformer outre-mer de vastes domaines aussi bien poJitiques qu'adminis- C'est precisement pour faire triornpher cette « fraternite » imposee, et
tratifs, economiques et sociaux 4 ». Presentee comme une evolution raison- l'opposer aune UPC reduite ala clandestinite, que Pierre Messmer est nomme
nable par le gouvernement, cette « loi-cadre sur l'evolution des territoires Haut Commissaire de la France au Cameroun, en remplacement de Roland
d'outre-mer » sera votee par la plupart des parlementaires, des communistes Pre, quelques jours seulement apres Je depöt de la loi-cadre sur le bureau du
aux gaullistes, le 23 juJn 1956. Parlement fran~ais. Sans veritablement innover par rapport ä son predeces-
Les plus lucides comprennent pourtant qu'il ne s'agit la que d'un marcl1e seur, qul avait joue tant et plus de la carotte et du bäton, Messmer dispose
de dupes, une hypocrisie de plus pcrmcttant a la Froncc, sous lc couvcrtdu ccpendant d 1unc plus grandc marge de manreuvre. Maintenant que Roland

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U• //1,\/1~urIn te1111)(1 J9S7)

Pre a deblaye le terrain en falsant interdire l'UPC et tandis que l'on discute a 2 janvier 1956. Et, fait surprenant campte tenu de la fraude electorale genera-
Paris des « joujoux et sucettes » prevus par la loi-cadre, Messmer peut mettre, lisee au Cameroun mais explicable si l'on etudie l'instrumentallsation que
provisoirement, le bäton de cote ... Mbida fait des themes nationalistes au cours de sa campagne electorale, c'est
le « filleul » qui l'emporte sur son ancien « parrain » franc;:ais.Le « coq vigilant
et comageux » (slogan de Mbida) remplac;:antainsi celui qui aime se pre•
Le bal desopportunistes senter comme un « Noir a la peau blanche » (slogan d'Aujoulat) sur les bancs
du Palais-Bourbon,devient pour certains le nouveau heros national.
Quand Pierre Messmer arrive au Cameroun, en avril 1956, la scene poH- Mais, comme H fallait s'y attendre, Je « nationalisme » opportunement
tique camerounaise est en pleine ebullition. LefaH majeur, acette epoque, est affiche s'ernousse rapidement. Au Iendemain de son election, Mbida celebre
la diffusion, ou plus exactement la reconnaissance publique, du « nationa- dans la presse l' « amltie loyale qui unit le Cameroun et la France ». « Je
lisme >> au Cameroun. Avec Ja disparition officielle de l'UPC et avec les nou- campte sincerement et fermement sur Ia solide et fidele collaboration de
veaux projets du gouvernement Mallet, le « nationalisme », longtemps notre genereuse, bienfaisante tutrice, la France, pour la realisation des aspira-
considere comrne le masque du communisme et le fait d'une minorite tions legitimes des populations du Cameroun vers l'autonomie, vers l'eman-
d'excites, devient comme par magie un fait nature!, evident, acceptable. Et cipation totale, conformement aux textes en vigueur », ajoute-t-il 11• Pour
accepte tant par l'adminlstration que par Ja presse fran~aises. «]'ai [ ...] parle mettre toutes les chances de son cöte alors que la nouvelle politique africaine
avec un grand nombre de Camerounais de Douala, de Yaounde et meme de des sociaJistesGuy Mollet et Gaston Defferresemble lui ouvrir d'interessantes
brousse, se targue un reporter du Figarodebut 1956. Tous, a un degre plus ou perspectives, Je nouveau depute rejoint le groupe SFIOde !'Assembleenatio-
moins avoue, sont nationalistes. J'ai detecte sans peine quelques cryptocom- nale franc;:aise,evacue prestement de son discours taute reference a l'« eman-
munistes un peu voyants, mais la majorite des hommes que j'ai rencontres cipation totale » de son pays et promet a Pierre Messmer, fraichement arrive
n'avaient rien de communistes. La bourgeoisie, generalement chretienne, a Yaounde, de I'aider « atout remettre en ordre [et] aregagner a l'administra-
plus protestante d'ailleurs que catholique, relativement al'aise economique- tion fran~ise au Cameroun la confiance et l'estime des peuples que nous
ment et assez evoluee intellectuellement, est resolument nationaliste 9• » representons 12 ,>.Tant de banne volonte ne peut que seduire !es autorites
En apparence, ce « consensus nationaliste 10 » n'est pas pow-arranger les franc;:aises.
affaires du nouveau Haut Commissaire. La campagne pour les elections legis- Les choses sont plus compliquees avec Paul Soppo Priso. L'homme
latives du 2 janvier 1956 - celles qui, en metropole, ont amene Guy Mollet et d'affaires, president de l'ATCAMet conseiller a !'Assembleede !'Union fran-
Gaston Defferre au pouvoir - avait montre, au Cameroun, que le « vide poli- c;:aise,tente egalement de prosperer sur les depouilles de l'UPC. Abandonnant
tique » cree par le bannissement de l'UPC avait fait naitre une sorte de course Je « röle moderateur qu'il avait joue dans Ja politique camerounalse depuis
al'echalote, une « surenchere demagogique », dit Ja presse fran~se, entre des 1947 13 », il prend, comme les autres, une posture nationaliste. Mais, pour se
formations politiques camerounaises devenues subitement plus revendica- distinguer de Mbida, iJ campe sur sa position d'« opposant )). II s'insurge
tlves. Mais cette evolution est en realite une banne nouvelle pour Messmer, contre la loi-cadre, se declare favorable a l'independance pure et simple et va
qui cherche precisement, dans la droite Ugnede Roland Pre, a promouvoir un jusqu'a reciamer l'amnistie des« agitateurs » de mal 1955. Eo somme, i1 se
« nationalisme modere» capable de couper !'herbe sous le pied de l'UPC et de
rallie au programme de l'UPC dont U se fait Je porte-parole officieux. C'est a
reduire son « nationalisme integral». De fait, cette fievre pseudo-nationaliste cette fin qu'il lance, au moment du vote de la loi-cadre a Paris, un nouveau
masque mal l'incroyable opportunisme des nouveaux convertis. Opportu- mouvement politique, !'Union nationale.
nisme que les « joujoux » et « sucettes » prevus par la loi-cadre sont precise- Cherchant a federer tous les « nationalistes >> autour d'un programme
ment venus encourager ... minimum - dont les polnts saillants sont l'abandon de la lol-cadre dans le
En matiere d'opportunisme, la palme revient sans conteste a Andre- contexte camerounals, J'amnistie pleine et entiere pour tous les faits relatifs
Marie Mbida. Ce jeune politicien arnbltieux, eduque dans les rnilieux catho- aux evenements de mai 1955 et l'election d'une nouvelle Assemblee territo-
liques et veritable creature de Louis-PaulAujoulat, s'est brusquement fait un riale chargee de dlscuter et de defin.irle futur statut du pays-, Soppo Priso ren-
nom lorsque fin 1954 il a quitte le parti de son maitre, le ßDC, pour cr6cr son contre un certain succes. Preuve qu'un « consensus nationaliste » s'est installe
propre mouvement, le COCOCAM.Dans lcs mois qul ~ulw11t l'lntcrcliction au Camer:oun, ou que l'opportunisme est bien partage, des responsables
de l'UPC, lcs deux anclcns amls s'offrontent dlrcctcm.cnl ,111,,;~h•ctlütH du de tous 1,orlzons pollliquc.~ rejoignent son Initiative : Charles Assale

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(ex-upeciste), Charles Okala (de l'USC), ßenoit ßindzl (du ßOC), Mnrtln Abega sous-main, le couranl d'Union nationale de Soppo Priso pour faire sortir
(chef traditlonnel), etc. l'UPC de sa ciandestinite imposee. Son objectif est double. D'une part, reinte-
Mais, derriere ces quelques personnalites versatiles et opportunistes, la grer l'UPC dans le Jeu politique, gräce a l'amnistie, pour la faire triompher
force de !'Union nationale vient du soutien de plusieurs representants de democratiquement ä l'occasion de nouvelles elections ä l'ATCAM.Et, d'autre
poids de l'UPC dissoute. Parmi ces upedstes consideres comme « moderes », part, eviter le piege de l'action armee qui seduit de plus en plus Je president
on retrouve notamment : Mathieu Tagny (membre du bureau du comite Moumie et !es vice-presidents Kingue et Ouandie refugies au Cameroun bri-
directeur et principal animateur de l'UPC aYaounde), lsaac Tchoumba (presi- tannique. Misant donc sur Je courant d'Union nationale, il missionne Ies
dent d'un important comite local du parti ä Yaounde), Ousmane Muisse, « upecistes moderes » pour orienter ce mouvement dans un sens favorable.
Samuel Ekwe ou Anatole Kameni. C'est egalement dans cette galaxie upeciste Les calculs d'Um Nyobe paraissent d'autant plus judicieux que l'adminis-
qu'il faut relever Ja presence active, au sein de !'Union nationale, du jeune tration semble, dans un premier temps, vouloir repondre favorablemeot aux
chef baham Pierre Kamdem Ninyim. Rentre precipitamment de France exigences de !'Union nationale. Si Je Conseil d'Etat valide la decision du
l'annee precedente, celui-ci n'a cesse, depuis, de se rapprocher des rnilieux 13 juillet 1955 d'interdire et de dissoudre l'UPC, Je principe d'une amnistie
nationalistes, au polnt d'accueillir au sein meme de son palais les reunions pour !es faits relatifs aux evenements de mai 1955 semble pour sa part acquis.
clandestines du mouvement nationaliste et d'encourager ses « sujets » ä la Une loi dans ce sens est meme deposee a 1'Assemblee nationale fran~aise Je
desobeissance civiJe. Tres populaire dans !es populations dites « Bamileke », 2 aotlt 1956. L'election d'une nouvelle Assemblee territoriale est egalement
bientöt rejoint par d'autres jeunes chefs traditionnels de la region (en parti- acceptee : Messmer annonce, debut aofit, la dissolution de 1'ATCAM et la
culier le chef Marcel Feze de Badenkop et le chef Jean-Rameau Sokoudjou de tenue pour la fin de l'annee de nouvelles elections, au suffrage universeJ et au
Bamendjou), Kamdem Ninyim apparait comme un allie de poids pour Soppo college unique conformement aux dispositions de la loi-cadre.
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Priso • Lequel parvient des lors, en s'appuyant sur l'aura et la solide Implan- Ces deux decisions ne sont pourtant qu'un coup de bluff, destine ä mon-
tation de ses allies, a rassembler des foules immenses chaque fois que !'Union trer la bonne volonte de l'administration fran~aise. En realite, Messmer reste
nationale organise un meeting 15• le maitre d'un jeu dont il contröle et Je calendrier et les regles. Un calendrier
Teile est Ja configuration politique a Jaquelle est confronte Pierre piege, puisque !es dates des elections et du vote effectif de l'amnistie ne sont
Messmer dans !es mois qui suivent son arrivee au Cameroun. D'un cöte, pas dairement fixees. Et une regle du jeu viciee, puisque personne ne connait
Andre-Marie Mbida, qui soutient fermement !es reformes du nouveau gouver- les attributions exactes de Ja future Assemblee.
nement fran~ais mais que son opportunisme grossier discredite des Je lende- En jouant sur le calendrier, Pierre Messmer veut, sans rien leur promettre
main de son election en janvier 1956. De l'autre, Paul Soppo Priso, qui rejette formellement, laisser esperer aux cadres de l'UPC une reintegration dans le
Ja loi-cadre et qui, « generaJ deftlant avec les troupes des autres », parvient a jeu legal. Ecrivant au ministere de Ja France d'outre-mer en mai 1956, il
rassembler derriere son nom une opinion camerounaise decidee a obtenir expllque tres clairement comment il cherche a duper l'UPC : « Un projet
rapidement son emancipation totale. Adoptant Ja posture de I'« arbitre » [d'amnistie] depose avant Ja finde l'actuelle session de l'Assemblee nationale
rt,eutre et objectif, Messmer va manceuvrer habilement : H va partiellement ne sera d'ailleurs pas examine avant un certain nombre de mois, et la loi oe
recuperer Je programme de Soppo ... pour permettre a Mbida de remporter la serait donc probablement pas votee avant Ja fin de l'annee. Nous aurons d'id
mise. Sans oubJier, bien sur, l'objectif essentiel de la France au Cameroun : Je laä notre disposition un moyen d'action sur !es upecistes, qui sauront qu'une
maintien de l'UPC llors du jeu politique. agitation dans l'illegalite ne pourra que compromettre leur amnistie et leur
retour 16. » En ce qui concerne les attributions exactes de Ja future Assemblee,
le flou entretenu par Je Haut Coinmissaire a pour objectif de faire oubller que
Lepokerde PierreMess,ner la loi-cadre est particulierement restrictive. Selon son article 9, 1'Assemblee
camerounaise n'a le dcoit que de donner un « aVis» sur le decret que lui pre-
Al'ete 1956, aJors que Mbida et Soppo se chamaillent en vitrlne, c'est en sen tera - quand il le souhaite - Je gouvernement fran~ais, et devra donc de
realite une partie de poker qui s'engage, en coulisses, entre Pierre Messmer et facto accepter les principes de la loi-cadre sans pouvoir les remettre en cause•.
Ruben Um Nyobe, qui a pris le maquis dans sa region de la Sanaga-Maritime.
Pendant que le Haut Comrnissaire tcnte de mettre discretemcnt sur orbltc le o L'r,rllclc 9 de lo lol-cadrc stlpulc cn cffet : • Compte tenu des accords de tuteUe, le gouver-
nouvel allie de la France, Andre-Marie Mbida, Um Nyobc chcrchc :\ 11.t lllscr, cn ncmc,11llOurm,pr1rdarn:t,prh npr~, nvls de l'As,cinblCetcrrltorlalc et de !'Assemblee de

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Sachant perttnemment qu'Urn Nyob~ ne se lalsscrn pn, ,1 1,1dlcmcn1 cllstnnces,!es pcrsonnallt~s les plus fragilesde cctte alliance heterocltte s'en
duper, l'admlnistratlon mlse sur l'abstention de l'UPC oux proch,ilncs 6tcc- cletachenlsans broncher. Et une forte pression est mise sur les alliesde Soppo.
tions territoriales, cherchant ainsi a reediter ce qu'elle vient de faireau Togo, Ainsi en va-t-il pour Pierre Kamdem Ninyim, arrete mam, militari, le
Oll !es nationalistes avaient decide, sans resultats, de ne pas participer aux 24 novembre 1956, et inculpe pour - entre autres motifs- possessiond'armes,
elections du 12 juin 1955. Au Cameroun, Ja Franceentend donc gagner sur !es incltation a la desobeissance et « reconstitution de ligue dissoute » (l'UPC).
deux tableaux : d'une part, faire «valider» par Je suffrage universel l'exclu- Pour que le messagesoit bien clair, ce ne sont pas moins de trois pelotons de
sion de l'UPCde la scene politique; et, d'autre part, integrer, par decret et avec gardes camerounais qui sont envoyes a Baham pour effectuer cette
l'assentiment de Janouvelle Assembleeterritoriale,le Cameroun dans l'Union arrestation 19...
franr;aise.En novembre 1956, c'est-a-dire a la veute des elections de la nou-
velle Assemblee territoriale annoncees - a la derniere minute - pour Je
23 decembre, leschoses sont donc parfaitement claires: l'administration fran- UmNyobeentredeux feux
r;aisecherche ä amener les Camerounais ä des elections sans enjeu veritable,
en pointant un fusil sur la tempe du seul reel parti d'opposltion. Misant sur un « boycottage total» pour faire derailler pacifiquement les
Voulant retourner l'arme qui le vise, Um Nyobe va donc chercher a elections, ta voie devient de plus en plus etroite pour le secretaire general de
reussir la Oll les nationalistes togolais ont echoue : provoquer l'abstention l'UPC. Car Um Nyobe n'est pas seulement accule par le jeu de poker de
« totale » des Camerounais pour discrecliterle scrutln organise par la France Messmer,il est aussi tiraille entre les deux tendances de son parti. Depuis les
et I'Assembleefantoche qui en sortira. « Il suffit pour [celalde savoir s'unir et evenements de mai 1955 et l'interdictlon du mouvement nationaliste, lesdis-
agir pour imposer la volonte du peuple et nous avons toutes les raisons de sensions ne cessent en effet de s'affirmerä.l'interieur de l'UPC.
croire qu'il en sera ainsi, ecrit-il. [...] En decembre prochain, les Kamerunais Malgreles tentatives de reorganisation et les incessants appels a l'unite,
s'abstiendront ä. 100 % pour clireau monde entler que notre peuple ne veut les divergencesideologiques,les desaccordsstrategiqueset personnels se mul-
pas se livrer a une dominatlon etrangere. » Par ce commentaire, Um Nyobe ti plient. Et cela d'autant plus que les conditions precaires lmposees par la
devoile pou.rtant ses faiblesses.U confirme qu'il n'envisage pas d'autre stra- clandestinite, la dispersion geographique et la suspicion generalisee due a la
tegie qu'une union nationale aboutissant a l'abstention totale des Came- surve!Uancepoliciere n'arrangent rien. Entre les « moderes », qui participent
rounais et avoue, ce faisant, qu'il a « place taute sa mise 17 » sur Soppo Priso. avec enthousiasme ä !'Union nationale, et les « radicaux » de Kumba, qui se
Pour Um Nyobe, l'abstentlon totale est donc devenue une « question de vie mefient de l'opportunisme de Soppo Priso et comprennent mal que l'UPC
ou de mort pour notre peuple 18 i.. cherche encore a composer avec Ja lol coloniale, c'est une guerre larvee qui
Mais Pierre Messmer comprend vite les faiblesses de son adversai.re. s'installe, au cours de l'annee 1956, al'interieu.rdu mouvement nationaliste.
Constatant que !'Union nationale est davantage l'instrument d'Um que celui Cette guerre interne est d'ailleurs attisee par l'admlnistration. So.ltdirec-
de Soppo, il va taut faire pour la mettre en pieces•. Invitees ä. prendre leurs tement, en jouant sur les appetits financiers ou les rivalites ethniques. Solt
indirectement, en lächant la bride des upecistes qu'elle juge les plus conci-
liants. Liberede prison en mars 1956, Math.ieuTagny sera ainsi autorise des
l'Un1on fran~lse, procedcr pour le Cameroun il des rHormes lnstltut1onnelles • [nous sou- le mois suivant as'adresser publlquement ä une commission d'enqu@teparle-
Ugnons]. Le disposlttI se.ra a nouveau verrouJUe apres l'electton, comme le sou.llgne l'ana-
lyse de Paul-Marle GAUOEMET, • L'autonomie camerounaise •, Revue franraise de sdence
mentaire venue de Paris. Quant au responsable syndicaJJacques Ngom, sorti
polltiq11t, 1958, vol. 8, n° 1, p. 42-72. de prison ä. la meme periode, il lance un nouveau journal, Liberte,qui s'en
a Dans Ja partlc de poker menteur quese llvrent Messmer et Um Nyobe, il semble que l'un et prend avec virulence au " trio de Kumba ,,, provoquant la replique cinglante
l'autre regardent dans le 1eu de l'adversalre. Alors que Messmer, blen servi par ses scrvices des Interesses.
de rensclgnements, su.rvellle de tres pres les up&:istes, J'UPC • devoile • quant il eile une
lettre qu'auralt envoy& Gaston Defferrc a Pierre Mcssmer pour deftnlr avec lul Ja positlon
ä adopter vls-a-vis de l'UPC : • L'Unlon nationale de Soppo n'cst autre chose que J'UPC
sous un autre jour. II faul des maintenant chercher par tous !es moyens ä semer lc desarrol
en son sein pour creer une scissl.on entre !es mouvcments et les pcrsonnalllcs qui y ont p. 306-307). N'ayant pas rclrouve cette lcttre dans les archives fran~alscs, nous ne pouvons
adhere. C'cs1 un courant fort qul nc doll pas exlster et nous ne pouvom nhmlr ~ r~allser dl!termlncr steile est vC:rldlque ou non. F.lle rcsscmblc cependant, dans le ton et sur le
nos protets que sl nou!I pouvons OfK'rCrunc dlvtslon entre lcs per,onnolllh nu mouve- fond, ,\ cl'nuircs
lcttrcs cnvoy&s par lc mlnlslre au Haut Commlssalre. Et correspond assez
menlS qul )1 font bloc • (Clt~ ,,, i\brnham SIGIIOKO Fos~,, l)lst011rf polltlqur\, 0(1 c/1., cx,1ctcmcn1~ la str,11(:11lc
mlw l.'11 pl,1cc.i l'~poque par l'icrre Memncr ...

208 209
Jim mr / 'U/'(.'( I '>S.\l ''5~) /,c' '"'" Mil /a 111111/)l' ( 1956 1957)

Dans ce concert d'lnsultes, ou l'on s'accusc mutuellcment de scctarisme, l'AEF-Cameroun au lendemain de la trahison de Soppo, le colonel Jean Whi-
de tribalisme, de trahison ou cie detournemeots de foncis 20, Ruben Um Nyobc tehouse ne cache pas sa satisfaction : « Le Haut Commissaire se propose de
apparait comme Je seul capable de ramener un peu de serenite. S'appuyant donner une grande publicite a cet evenement avec ou sans l'assentiment de
systematiquement sur Ies textes qui regissent Je fonctionnement du partl et Soppo Priso, qul est venu ce matin faire amende honorable aupres du Haut
rappelant sans cesse que Ja divisjon est un danger mortel pour Je mouvement Commissaire 2.1_»
national, il soutient publiquement la tendance de Moumie, Ouandie et Ce coup de theatre ruine en tout cas !es demiers espoirs d'Um Nyobe de
Kingue, representants legitimes de la direction du parti depuis le congres trouver une solution pacifique au probleme national camerounais. L'appel
d'Eseka de 1952. « n n'y a pas un nationallsme mode Um, ni un nationalisrne solenne! a une abstention massive mais pacifique est balaye du jour au lende-
mode Moumie: il n'y a que le probleme kamerunais ä la solution duquel nous main. Suite a la <<scandaleuse trahison » de Soppo Priso, lance Um Nyobe
essayons de conttibuer ensemble », ecrit-il dans le journal Lumiere21• dans une lettre rageuse, nous voila « convies aux elections pour offrir le
Voilä pour Ia position officielle, que commandent Ja discipline du parti Kamerun en cadeau de Noel a l'empire colonial fran\ais 24 >, ! « A l'heure
et Je respect des regles democratiques. Mais, en prive, Um Nyobe se montre actuelle, les choses sont claires, fulmine encore Um Nyobe en direction de
beaucoup plus critique ä l'egard de Moumie, Kingue et Ouandie, dont il Soppo. U y a d'un cöte ceux qui ont trahi leur engagement et a Ja tete des-
connait la fascination croissante pour la revolution armee. La lettre qu'il leur quels vous vous trouvez. [... ] De l'autre cöte, il y a les mouvements progres-
envoie Je 4 novembre 1956 montre meme que la tension devient extreme- sistes. [... ] Ceux-la representent !'ideal de cette Union nationale que vous
ment vive. Se defendant d'avoü ete « absorbe » par la politique reactionnaire venez de trahir en rase campagne zs_» La Situation est eo effet eclaircie, mais
et policiere de Messmer, s'interrogeant sur leur « gauchisme » et leur elle offre peu d'altematives. L'UPC ne voit plus des lors qu'une solution, pour
« egoi'sme ideologique », il tente de mettre les points sur Ies i pour sauvegarder eviter la reddition pure et simple : le « boycott actif ». C'est-a-dire le recours a
l'unite. « Si nous devons classer toute critique ou tout desaccord sur des ques- la violence que le secretaire general avait pourtant, de toutes ses forces, essaye
tions donnees comme etant le resultat d'une operation de poiice, previent-il, d'eviter. Pris entre deux feux, Um Nyobe sera accuse de tous cötes : par les
je serai porte ä croire que l'UPC ne peut pas etre ce qu'elle pretend etre, c'est- « radicaux » de l'UPC pour avoir trop longtemps mise sur la loyaute de Soppo
a-dire un grand mouvement de masse 22• » Priso et par les « moderes » pour n'avoir pas desavoue clairement la tendance
Soutenant publiquement Moumie, Kingue et Ouandie, qui ont pour eux « revolutionnaire » du mouvernent.
la legitimite, mais s'appuyant en pratique sur les « moderes » qui participent
activement au mouvement de Soppo Priso, Um Nyobe reussira jusqu'au mois
de novembre 1956 ä eviter l'impJosion et a convaincre, tant bien que mal, le « Boycottactif ! »
parti de Je suivre dans sa strategie de « front anti-irnperialiste » avec l'Union
nationale. La seule Strategie possible, selon lui, pour faire echouer les elections Discutee depuis des mois, la question du recours a la violence est tran-
sans recourir a la violence. Pourtant, ä mesure qu'approchent les elections du cllee lors de la « rencontre nationale» de l'UPC, organisee a Maka"i(Sanaga-
23 decembre, a mesure que s'evaporent !es espoirs d'amnistie 3 et que s'echauf- Maritime) les 2 et 3 decembre 1956. Les nombreux cadres upecistes de
fent les esprits a l'interieur de l'UPC, la position d'Um Nyobe devient subite- Sanaga-Maritime, ainsi que des delegues d'autres regions (Yaounde, Douala,
ment intenable ... Bafang, etc.), sont invites a effectuer le recrutement necessaire, ä travers les
Car le piege se referme : le 28 novembre, Soppo Priso, president sortant dlfferents organes du parti, pour mettre sur pied en urgence une structure
de l'ATCAM, decide contre taute attente d'emmener son courant d'Union paramilitaire, le Comite national d'organisation (CNO). Une date est fixee
nationale aux elections, trahissant ainsi, a la derniere minute, son pacte avec pour passer al'action: le 18 decembre ä 18 heures. Pour la premiere fois de son
J'UPC. S'il est difficile d'expliquer ce revirement spectaculaire, sinon en rappe- histoire, l'UPC decide de convertir une partie de son organisation en groupe
lant !'extreme ambigui'te de Soppo et ses irrepressibles ambitions person- arme•.
neUes, on peut irnaginer que l'administration n'y est pas etrangere. Dans
une lettre adressee au commandant superieur de la zone de defense de
11 l..csclrconstances cx.actesdu passagea la vlolence sont difflcllesä determiner pceclsement,
pl1lsquc lfi questton etalt trch serleusement debattue adifferents nlveaux de la hierarchie
a l..aquellenc sera vo1~c quc le 11 d~ccmbrc, upr~s lo clö1urc des lnscrlµllons sur lcs lls1c~ upC-cl~IC nvnn1 comme nprl!s lo rencon1 re cle MakaY.Jlarexemple lors de Ja reunlon tenue a
~lcctornlcs. Kumhu, cn 10rn.' hrltnnnlcI11c,clu 7 n119 d('combrc, ~ousla prl'>sldenced'Abel Kln&11.1e
et en

10 211
,..(!II .Hlf l'U/1{; ( l 9S!, I '>,',H)
/,11 fmll ~"' Ir, 1<'111/JC
( IJJ5<,-19S7)

Au moment de passer ä l'actlon violente, chacun a conscience qu'etant a


lcs cteuxcadavrcs, quelques jours plus tard, assasslnes coups de gourdin ä la
donne Jes circonstances, le manque de preparatlon et la brievete des delais, sortle d'un meeting 61cctoral. L'affalre fera couler beaucoup d'encre. Non seu-
l'action directe doit avoir pour objectif prlncipaJ la pertutbation des elec- lement Delangue etait proclle de certains « upecistes moderes », notamrnent
tions. Mais tout le monde sait aussi que Ja repression obligera l'organisation de Jacques Ngom, mais on apprendra par Ja suite que son cortege avait croise,
militaire de l'UPC a se transformer eo veritable armee, susceptible de mener quelques minutes avant le meurtre, la route de Pierre Dimalla, ancien upeciste
la resistance sur la longue dutee. Le CNO est donc conr;u selon les norrnes devenu presldent de l'Esocam et, ace titre, l'un des plus sanguinaires merce-
d'une armee hierarchisee, avec un « etat-major » charge de coordonner les naires locaux de l'administration 27 ...
operations, un « grand quartier » par region administrative, un « secteut » par Centree sur la Sanaga-Marltime, l'action ne s'y limite pas. Loin de la.
departement, et des « sections » correspondant aux comites centraux de A Yaounde, Olls'est Installe le chef de l'etat-major du CNO, Foe Gorgon, un
l'UPC et cornposees d'une vingtaine ou d'une trentaine de personnes. Cette gendarme africain est tue a la machette et un jardinier fran\-ais blesse ä coups
architecture militaire est censee perrnettre de paralyser le processus electoral de couteau. Une station-service est attaquee et des voitures incendiees. Du
gräce au sabotage des communications, de decourager les electeurs d'aller au cöte de Mbalmayo et de Sangmelima, au sud de la capitale, plusieurs cases
vote par des actes de violence et de supprimer physiquement les « vaJets » sont egalement incendiees, la voie ferree sabotee et les lignes telegraphiques
notoires qui trahissent la cause nationaliste en collaborant avec les sectionnees. Les forces de !'ordre retrouveront des inscriptions sur les lieux :
« colonlalistes ».
"A bas la loi-cadre », « Pas de vote », « Fin de tutelle ». Meme scenario a
En realite, cette feuille de route ne semble etre suivie, dans ses grandes DouaJa, ou les voies ferrees sont lä aussi endommagees et Ollle peage du pont
lignes, qu'en Sanaga-Maritime. C'est dans cette region quese concentrent la du Wouri - celui qui avaü ete inaugure en grande pompe l'annee precedente
plupart des actions de« boycott actif », le 18 decembre. Ala tombee de la mnt, par le ministre de la France d'outre-mer - est attaque et devalise. Dans la
des charges explosives artisanales - tres artisanales, constatera par la suite meme ville, deux jours plus tard, un autre candldat, Paul Monthe, est
J'adrninistration - sont deposees sur les ponts. D'innombrables arbres sont agresse 28...
abattus sur les routes, isolant des dizaines de localites. Les poteaux elec- L'equipe du Haut Commissaire, qui misait sur un simple boycottage qul
triques sont sabotes et decores avec le drapeau rouge au crabe noir, symbole de aurait permis de faire elire paisiblement des« representants » amis a l'Assem-
l'UPC. Et l'action se poursuit le lendemain: un train de marchandises deraille blee territoriale, semble surprise par l'ampleur des evenements. Ou, en tout
sur Ja ligne Douala-Yaounde, faisant plusieurs blesses. Les cases des« valets », cas, par leur localisation et leur origine. Les services de renseignements l'aler-
les dikokonen langue locale, sont incendiees ä Bilangue, Kikot, Boumnyebel, talent que des « actions terroristes » etaient previsibles. Mais ils voyaient le
Eseka, Makak, etc. On denombre plusieurs morts dans le secteur d'Eton- danger en reglon Bamileke et ces actions comrne ne pouvant etre que pilotees
Dibono, quatre ä Nyasseng, deux aBilangue, deux ä Ndeme 26... par le « trio de Kumba » 29••• Dans sa partie de poker, Messmer a mesestime son
L'action qui laissera !es traces les plus durables est sans conteste l'assas- ad versalre•.
slnat de Charles Delangue, medecin-chef de l'höpital d'Edea et candidat aux
elections du 23 decernbre, et de son colistier Samuel Mpourna. On retrouvera
Decembre1956: « Uneboucherie»
presence d'une centalne de delegues representant onze sections de base de la Jeunesse
democratique du cameroun GDC). Un rapport redige en mars 195 7 par Ja Direction de la Dans l'entourage de Pierre Messmer, on s'organise pour ecraser la rebel-
SO.reteä Yaounde confume que la decislon de creer le CNO a bien eu lieu au cours de la lion. Eton active Ies dispositifs de« defense en surface » elabores dans les mois
reunion des 2 et 3 decembre 1956 et que le « consell national de la JDC [des 7 et precedents. Des renforts sont expedies en urgence autour des <{ points
8 decembre] n'eut que tres peu d'lmportance ~. L'auteur ajoute cependant que, ~ excep-
tiom1ellement, la mlse en place d'une organisation paramilitaire commen~a en certains
endrolts avant meme la reunion de la rencontre nationale et la creatlon du CNO. II est
o l l est meme totalement pris acontre-pied : Je rapport sur le CNO red.ige par Ja Direction de
vraisemblable que cette declsion fut prise, ou tout au molns envisagee, ä Kumba, lors de la
la S0rete en mars 1957 s'etonne autant du« revirement accuse par Um Nyobe ii l'egard du
reunion du comite directeur etargl, tenue du 1•• au 4 novembre 1956 » (• Etude concer-
rccours aux methodes terroristes • que de « la reserve, Ja reticence, des dlrigeants de
nant: !'Union des populatlons du Cameroun (UPC) et les evenements survem1s en Sanaga-
Kumba 11l'egard de l'action du CNO •· Perdant tous ses reperes, la Surete s'interroge:
Maritlme; le Comlte national d'organlsatlon (CNO), organlsatlon rcvolutlonnalre de
• Mou1111~. Ouand!t, Klngu(>,Um Nyobe sont-ils, oui ou non, des adeptes du communlsmc
structure marxlste, mlse cn place et octlonnt!e par Um Nyo))e Rubc11., 19 mnrs 1957, p. 9
~t 17; CAOM, Aff-Pol 3336).
lntcrnutlonal 7 • (• P.tuclcconccrnant: !'Union des populatlons du Cameroun ... •, loc. eil.,
p. 9, 22 et 2S),

212
2.13
surl'UI'<,;( 1955-19.SH)
/i't:11 /,1•/11.,/1
\III /,1lt·mp1•( 1956 I !)57)

sensibles» et des « infrastructures straleglques » du terr!tolrc: post es de tele- a causc cl'Ekite, sans doutc », confie+ll aujourd'hui. II n'a pas pu oublier ce
communications, depöt~ d'hyd.rocarbures, voies ferrees, aeropo1ts, etc. .:Sldece.mbre 1956, ou ll accompagnait la troupe de« gardes tres excites ».
Dans Ja nuit du 19 au 20 dece.mbre 1956, le Haut Commissaire reclame « Les soldats auraient pu faire sortir Jes rebelles, affirme+il, mais ils ont pre-
d'urgence l'envoi de parachutistes. Un commando, venu de Bouar, saute fcretirer dans Je tas, tirer dans les fourres ou se cachaient les maquisards. Pen-
quelques heures plus tard sur le terrain d'aviation d'Eseka, au sud d'Edea, dans dant quinze minutes, jusqu'a ce que je demande a l'officier d'arreter le feu.
une region subitement coupee du monde par les « actions rebelles ». Les paras, C'est alJe tres vite, on a fait quelques prisonniers et Je chef de region a fait
diriges par le lieutenant Jean Salvan, operent une « reprise en main ,> des enterrer les morts dans la foulee 37 • »
populations d'Eseka, puis se dirigent vers Edea pour securiser la centrale elec- Pour justifier ce qui ressemble fort a un massacre, l'administration se trou-
trique (Enelcam) et l'uslne d'aluminium de Pechiney (Alucam) 30 • Pierre vera de bonnes raisons d'avoir agi ainsi. Un ga.rde n'avait-il pas eu Ja gorge
Messmer envoie un telegramme satisfait ä sa hierarchie : « Action parachu- tranchee? Les sommations d'usage n'avaient-eUes pas ete faites? Et, plus eton-
tiste integralement pacifique a eu heureux effet sur les populations 31 • » Le nant, « l'affaire d'Ekite presente un caractere particulier, se justifiera Pierre
20 decembre, arrivent des troupes de Brazzaville et de Pointe-Noire. Le 21, Messmer deux semaines plus tard: les pelotons de la garde ont rencontre, dans
Pierre Messmer signe les « requisitions speciaJes » qui autorisent les forces de la foret entourant ce vil\age, un groupe rebelle important (trois cents ou quatre
l'ordre a ouvrir Je feu sur !es saboteurs pris « en flagrant delit ». Le 22, une cents personnes), forme d'upecistes convaincus, venus pour un bon nombre
« zone de maintien de l'ordre de Ja Sanaga-Maritime » (ZOE) est constituee de Douala, et auxquels avaient ete administree une drogue (vraisemblable-
pour pres de deux mois 32• La police, la gendarmerie et Ja Garde camerou- ment du haschich, d'apres les constations medicales faJtes sur Jes blesses) 38 ».
naise multiplient les patrouilles, les ratissages et les rafles aDouala, Yaounde, D'autres rapports parlent des « rebelles » d'Ekite comme de « fous >>en 1<etat
Nkongsamba, Bafia, etc. de surexcitation extraordinaire >>,sous l'emprise magique de la sorcellerie ou
Mais I'action se concentre sur la Sanaga-Maritime, ou s'intensifient les du vin de palme 39 ••. Le capitaine Paul Gambini, ayant commande une partie
actes de rebellion. La plupart des forces armees camerounaises, venues de des troupes africaines, leur trouvera des clrconstances attenuantes eu egard a
Douala, Yaounde, Koutaba et bientöt de Garoua, s'y trouvent rassemblees: en l'emotion provoquee en leur sein par Je spectacle des actions de destruction
plus du commando de parachutistes (GCCP), les 2•, 3e, 4• et s•compagnles du du CNO. « Devant cet etat de fait, explique le capitaine comprehensif, le bon
bataillon de tirailleurs camerounais (BTC), !es 1reet 3• compagnies du DMA militaire RTOM [ressortissant des territoires d'outre-mer] a reagi Je creur bien
et sept pelotons de gardes camerounais sont expedies sur la zone 33• Dans la gros. II a pu se rendre compte de l'ampleur des degäts, du degre de bestialite.
region de Boumnyebel, des villages entiers partent en fumee. Le jour des elec- l...] Tout cela a eu pour effet de le doper et de le rendre irnpitoyable a l'egard
tions, Je 23 decembre, la plupart des bureaux de vote restent fermes (cin- des terroristes-assassins qui sevirent en pays Bassa 40• »
quante sur un total de quatre-vingt-sept) 34.Les elections sont annulees dans Manilestement marque par l'episode d'Ekite, le pasteur Andre Privat,
la subdivision d'Eseka, fortement perturbees dans !es autres. Le 25 decembre, alors au service de l'Eglise evangelique du Cameroun aDouala, trouve moins
jour de Noel, !es troupes en operation font, selon Ieur expression, « quelques d'excuses aux militaires. Tres severe ä l'egard des upecistes, il comprend pour-
morts et blesses parmi les emeutiers ». On leur avait tire dessus, diront-elles, tant ce qui se passe en Sanaga-Maritime lorsqu'il rencontre des religieuses
avec des a.rmesde chasse 35• Sous l'action conjuguee des upecistes et des forces venues dans la capitale economique chercher des medicaments et du sang
de !'ordre, !es villages se vident et les populations prennent le maquis. pour transfuser les victfrnes. « Les evenements s'enveniment, se souvlent-il,
II faut dire que les soldats ont parfois, pou.r reprendre les euphemismes il y a plusieurs centaines de morts et l'höpital d'Edea ressemble, parait-il, ä une
du directeur de la Surete, de« vives reactions ». Comme le 31 decembre a Ekite boucherie. La repression est sanglante, les troupes tirent dans le tas. Deux mis-
(pres d'Edea) ou, apres l'attaque d'un rassemblement catholique par les sion naires cathollques ont ete captures [a Ekite, NdAJ et condamnes a mort
« rebelles >>,!es forces de l'ordre tirent sans retenue, faisant des dizaines de par un tribunal improvise. Les troupes de maintien de !'ordre, comme on !es
morts. Le capitaine Gabriel Haulin, commandant de Ja Garde camerounaise appelle, sont a.rrivees juste assez töt pour les delivrer, mais les mitrailleuses
qui dirigeait l'attaque, a denombre cinquante-six cadavres, sans compter ont fauche presgue tous les terroristes, qui devaient etre une centaine. La vio-
« d'autres cadavres de rebelles tues en foret, non retrouves 36 ». L'administra- lence et la folie s'etalent de part et d'autre •1 . » Est-ce folie ou strategie ?
teur colonial Philippe Antoine etait sur place. Docteur en droit, adjoint au Comme l'ecrira Gambini, 1<cette action a prouve aux upecistes l'agressivite de
chef de region, Antoine est· devenu « pere blanc » peu apres ses slx annces au la troupe "2 », ce qui laisse accroire que ce debordement de violence de Ja part
Cameroun et ses quatre ans passes au cabinet de Debre a Motlgnon. • Un peu des forces de !'ordre n'cst pas une bavure, mais plutöt un message de fermete

'11 215
Fells11r
/'Ul'(; ( 19S5-19S8) l,11flüll .111r'lc1Wmpe(lYS6-l957)

envoye aux lnsurges ... Le bilan de cet accrochage n'a pas ete ebruite dans Ja maisons servem de bois de chauffage pour la cuisine des troupes mUitaires.
presse. Meme les rapports militaires internes, d'ailleurs, le minimisent, Au moment de leur arrivee dans chaque village ou agglomeration, les "forces
comme ce rapport semestdeJ de 1956 qul evalue le nombre de morts ä « une
43
de !'ordre" tirent a bout portant et sans sommation sur les populations sans
vingtaine », pres de trois fois moins que ce qu'a constate le capitaine defense. Ceux qui echappent ä cette tuerie massive sont poursuivis en pleine
Haulin ...
brousse par les "forces de l'ordre" guidees par quelques traitres kamerunais.
Taus ceux ou toutes celles, adultes et enfants, qui sont rencontres sur Jes pistes
sont abattus par les militaires, sans autre forme de proces. Les gens surpris a
« Hommes,femmeset enfantspourrissent domicile sont froidement fusilles par les troupes colonialistes composees de
dans lesbrousses» militaires fran~ais et des tirailleurs tchadiens venus de !'Afrique dite equato-
riale fran~ise (AEF). A chaque moment, la tuerie est suivie du pillage des
Dans leurs « operations de nettoyage >), les forces de !'ordre distinguent biens et de l'incendie des maisons. Hornmes, femmes et enfants ainsi froide-
mal, disent-elles, les « upecistes », les « suspects » et les <<villageois ». Ou alors ment assassines par les porteurs de Ja "civilisation" pourrissent dans Jes
uniquement a posteriori.,<On peut admettre que la popuJation male [sie] a brousses. n n'y a personne pour les denombrer et personne davantage pour
participe activement a ces actions et a cette organisation [terroriste] pour proceder a leur inhumation comme prescrit par Ja coutume africaine la plus
40 %, notera par Ja suite le coloneJ Whitehouse, commandant militaire du imperative 48 • ))
Cameroun fran~ais, le reste etant soit complice, soit entraine par la terreur. » On ne connaitra jamais Je bilan humain des troubles de
Et Je meme d'ajouter, sans faire trop de details : « La race Bassa [est] d'un decembre 1956-janvier 1957. Alors que J'UPC evoque des « milliers » de vic-
niveau intellectuel bas, credule, encore asservie aux sorciers et toujours prete a times, l'administration parle en « dlzaines » et rejette toutes les responsabi-
ecouter Ja propagande extremiste 4 4.>) Des lors, on ne s'etonnera pas de lire lites sur ses adversaires. « Lebilan tragique des deux sernaines d'emeutes n'est
dans un journal catholique local, L'Effortcamerounais,qui a pourtant prls pas termine, car !es cadavres des victimes des upecistes ont souvent ete brules,
position pour l'intervention militaire, un editoriaJ severe envers l'attitude des immerges ou caches dans Ja brousse, note un rapport ministeriel debut jan-
troupes qui ciblent aussi bien les maquisards que Je reste de la population : vier 1957. D'ores et deja, iJ est acquis que plusieurs dizaines de paysans ont
« Les balles, elles, n'ont pas fait de distinction ! D'autant que les troupes, peu ete assasslnes apres avoir ete souvent tortures 49• » Le 2 fevrier, L'Humanite
nombreuses, ne s'embarrassent pas de prisonniers 45• » rejette quant aeile l'entiere responsabilite des « milllers » de morts sur l'admi-
Pour faire face au probJeme, les militaires organisent a la fin decembre n istration. « Mais U nous est difficile, voire impossible, de fixer un chiffre
des« milices » vlllageoises menees par des elements fideles al'administration. meme approche de tues, ajoute le quotidien communiste, car il y eutdes deces
Alors que les troubJes se poursuivent tout au long du mois de janvier 1957, en brousse, en foret, dans les camps, dans !es prisons. >) Sans specifier Jes res-
ces « milices d'autodefense » auront pour mission de ramener Ies popuJations ponsabilites, l'historien americain Victor T. Le Vine, plutöt prudent, juge cre-
dans leurs villages, pister les « rebelles » et demembrer les « maquis ». « Si la dible le chiffre de 2 000 tues 50 • « Tl semble etrange, si ce chiffre est reel,
milice est valable, il faut qu'elle soit contrölee et guidee par Je militaire », et retorque pour sa part l'historienne Georgette Elgey, que la presse fran~aise
« dissoute » a la fin des operations, notera cependant Je capitaine Paul Gam-
n'ait pas mentionne de ieJs troubles 51 ••• »
bini apres un mois et demi d'operations en Sanaga-Maritime 46 • Sages recom-
mandations. Car, comme Je reconnaitra le colonel Whitehouse lui-meme, Jes
milices « proliferent » aJa suite des operations militaires et leur action est La fafadeet laguerre
« beaucoup plus axee sur Je pillage et le reglement de vieilles querelles que sur
Ja recherche et l'arrestation des elements perturbateurs 47 ». En realite, Lapresse metropolitaine mentionne bien les evenements de
Les termes utiUses le 3 janvier 1957 par Um Nyobe pour decrire Je chaos Sanaga-Maritime. Elle evoque Ja mort des deux candidats, Charles Delangue
qui regne dans sa region sont nettement plus explicites : « Depuis le et Samuel Mpouma, compare Um Nyobe aHo Chi Minh ou aMao Zedong et
24 decembre, plusieurs localites de la region de la Sanaga-Madtime sont sou- stigmatise les « extremistes de l'UPC » qui s'inspirent de l'insurrection alge-
mises ä des operations de guerre de grande envergure. Des vUlages entiers sont rlenne. Mais aucun des envoyes speciaux de la presse parisienne ne s'aven-
completement pilles et br0les, le betail est systematiquement abattu ä coups turc lt !'Interieur de la zone troublee. En ctehors de L'Humnnlteet de quelques
de fusil. Les meubles cl 1.csbattants des ouverturcs, portes et fcnatrcs, des publicotlons confldentlcllcs, pcrsonne nc s'lnterroge sur les consequences

16
17
Fn1,:,m l'Ul'C (19SS· l !JSH) L<'f11sll~llr /11fl•mtH'( l !.JS&-1957)

humaines de l'insurrection et de Ja represslon 52 • Quand Pierre Messmer, en l'amateurlsme folklorlque clescandidats, !es journau.x fran<;aissoulignent que
vlsite a Paris debut janvier 1957, assure devant la presse que « les forces cle Je scrutin du 23 decembre, premieres elections au suffrage universel et ä
securite peignent Jes villages un par un », aucun journali.ste ne s'interroge sur college unique, s'est llmite a un combat de coqs entre des personnalites
la signification precise de ce terme. Et quand iJ affirme qu'aucun « Blanc » n'a opportunistes, s'appuyant sur les « jalousies tribales ». Les « Noirs » ne sont
ete tue, taut le monde parait rassure". AJors on change de sujet : on parle de decidement pas mfus pour la democratie ...
la reussite des elections, de l'avenlr economique du Territoire, des sacrillces Les journalistes oublient evidemment que Je Haut Commissaire a tout
consentis par la metropole pour aider !es Camerounais 53 ••• fait pour exclure du jeu Je seul parti qui soulevait des questions politiques de
II faut d.ire que la presse a ete solgneusement tenue elolgnee des evene- fond. Aucun d'eux ne releve que les circonscriptions electorales, minutieuse-
ments. En France, on l'a vu, ou elle repercute sagement !es nouvelles offi- ment redessinees avant les elections pour sous-representer les bastions upe-
cielles. Et au Cameroun ou, comme s'en souvient Andre Privat, « les journaux cistes, epousent opportunement les frontieres « ethniques » du ter.ritoire 58• Et
font le plus grand silence sur tous ces evenements » et ou « les autorites etouf- personne, evidemment, ne raconte comment J'administration a accueilli !es
fent le plus possibJe ces nouvelles » 54.Dans les deux cas, c'est en fait un veri- reporters. II y aurait beaucoup ä dire pourtant. « Le delegue du Haut Commis-
table blackout qui est organise par les autorites fran~aises. Lorsque, en France, saire a Douala avait demande au secretaire general de l'ATCAM d'accompa-
l'etud.iant upeclste Castor Osende Afana lance, dans le journal de la FEANF gner un groupe de journalistes etrangers dans un certain nombre de bureaux
dont il est le directeur-gerant, une vive critique de la repression fran~aise au devote, pour leur montrer que les electeurs votaient Ubrement et dans Je
Cameroun, le journal est saisi. Et i1en va de meme au Cameroun, lorsque le calme, se souvient par exemple Andre Bovar. Le drcuit et les horaires avaient
journal catholique L'Effort camerounais emet des reserves sur la version ete sojgneusement planifies et des forces de l'ordre avaient ete dlscretement
officieile 55 • reparties tout au long du parcours, pretes a intervenir en cas d'incident ou de
C'est paradoxalement Louis-Paul Aujoulat, pourtant ennemi jure des upe- retard intempestifs. Tout se passa bien, et !es journalistes furent satisfaits de ce
dstes, qui brisera Je siJence Je 1er fevrier, dans l'hebdomadaire Temoignage chre- qu'ils avaient vu 59• »
tien. « En deplt du blackout total qui est jete depuis plusleurs semaines sur les Les elections du 23 decembre sont donc « satisfaisantes ». Andre-Marie
evenements graves de la Sanaga-Maritime, ta verite ne peut pas etre indefini- Mbida, sur lequeJ Ja France fonde de grands espoirs, a ete elu. Avec les vingt
ment camoufJee », ecrit-iJ. Avant de s'essayer a l'estimation des victimes de la et un elus dans Je centre du pays, il represente, dit-on, les populations
repression : « Je m'en tiens pour ma part aux estimations que me fournissait, ,<Boulou ». On note egalement la percee electorale d'Ahmadou Ahidjo. Dejä
avant mon depart du Carneroun, un haut personnage camerounais qui venait conseiller de !'Union fran~aise, ce « progressiste » - selon Le Monde- devient
de traverser Je pays Bassa : il estlmait qu'a cette date (10 janvier dernier) Ja president de Ja nouvelle Assemblee territoriale et le chef de file des trente et
repression exercee sur d.ifferents points entre Edeaet la limite de Yaounde avait un elus du Nord-Cameroun. Les Bamileke - une « race » toujours suspecte aux
deja cause pres d'un mlllier de morts 56. » Mais l'anclen mlnistre et anden pre- yeux de l'administration - sont representes par Mathias Djoumessi, l'ancien
sident de l'ATCAM est sans doute trop aigri, et mu par quelque vengeance chef rebelle, et !es huit autres « Paysans et independants ». Quant a Soppo
depuis qu'il a perdu tous ses mandats, pour etre pris au serieux ... Priso et a ses sept autres camarades du mouvement d'Union nationale elus
Pour la presse parisienne, au contraire, !es elections du 23 decembre sont malgre leurs atermoie01ents preelectoraux, ils servent d' « opposition » lega-
une grande reussite. Reprenant les chiffres officiels sans aller y voir de plus 1iste dans la nouvelle Assemblee. Et de caution democratique pour Je Haut

pres, les journalistes se felicitent de taux de participation records. lls ne depas- Commlssaire 60 •
sent pourtant pas 50 % sur l'ensemble du territoire, et tombent meme ä 22 % ä Cette nouvelle Chambre installee, le gouvernement fran~ais peut en
Douala. Certes, on est loin de l'abstention totale preconisee par Um Nyobe, confiance lui envoyer, pour « avis », son projet de decret reformant Je statut
mais ce n'est pas non plus le « desaveu » de l'UPC dont parlent les journa- du Terrltoire conformement aux principes edictes par la loi-cadre. Val.idesans
Listes.L'« inquietude » palpable avant les elections a laisse place au « soulage- surprise, avec quelques arrangements mineurs, Je decret entre en vigueur
ment » et ä la « satisfaction », indique Le Monde,ravi de voir les « nationalistes quclques semaines plus tard. La France conserve !es prerogatives les plus stra-
moderes » emporter la majorite ä Ja nouvelle Assemblee 57 • S'amusant de tegiques: affalres exterieures, defense, libertes publiques, monnaie, changes,
r(!glmc des substanccs rninerales, etc. Le Cameroun devient un « Etat sous
a En reallte, un admlnlstraicur fran~als,Georges Kaelin, a ~tl: tu<:occldentellernent nu cours t11tellc» auquel rcvlent J;i gestlon des affalres interleures. Le Haut Commis-
des{:v{:nemcnts,11arun gardc rn111crounols (CAOM, Aff-Pol 3336). snlre, rcpr<!sc11tantlo Fra11cc,non1111e un Premier mlnlstre. Ce dernler, chef

IA 219
/.'('II ,\1/f l'UI'<. (1 'IH l'>\H)

d'un gouvcrncmcnt local, pcut ~trc demls de ses fonctlons par I'Assemblee 12
territoriale (ATCAM)qul devlent « Assembleelegislative» (ALCAM).
Apresquelques hesitations entre Mbidaet Ahidjo,c'est finalement le pre- LeKameruns'embrase
(1957)
mier que PierreMessmer nomme Premierministre, le 12 mai 1957. Lesecond
devient vice-Premierministre et, portefeulllesensible, ministre de !'Interieur.
Laissanta l'ecart les « opposants » de la tendance Soppo Priso,le reste du gou-
vemement est issu des trois groupes parlementaires « majoritaires ». En N'eiit ete l'UPC (bis)
echange de lem banne volonte, les mernbres du gouvernement re~oiventdes Le Cameroun scralt dcvenu le taro de l'esclave (bis)
Union fran~alse, Union frani;alse
avantages materiels substantiels : logements de fonction, refrigerateurs, Nous ne voulons pas sur notre terre (bis)
chauffeurs, boys, etc. Et, pour mieux favoriser l'emulatlon, on repartit ces Union frarn;alse,Union fran~alse
avantages selon les subtils criteres qu'exige l'ordre protocolaire. Ainsl en va- Nous ne voulons pas sur notre terre (bis).
t-il du parc automobile: « Au Premierrninistre une Pontiac, aux ministres une Chant natlonallste 1

Versailles, aux secretaires d'Etat une Fregate Amirale, aux directeurs de


cabinet une Fregate,aux attacMs une 2 CV Citroen 61 . » Joujoux et sucettes,
disait Senghor...
Derriere ce decorum qui flatte les ministres camerounais et occupe les
jomnalistes fran~ais, le Haut Commissaire se penche sur les questlons qul
fächent, les vraies questions, celles dont on ne traite que dans les rapports
secrets. Car iJ sait que, derriere le « succes» apparent des elections, rien n'est
vraiment regle. Au contraire. Son coup de poker electoral contre l'UPC,qul a
tourne au fiasco, relance en fait le « probleme kamerunais ». L'UPC, seule
E n ce debut d'annee 1957, les regards sont focalisessur la Sanaga-Mari-
time, ou Um Nyobea pris Je maquis. LeCNO,cree dans la preclpitation
~ la veiUedes elections de decembre 1956, est entre en phase d'insurrection
force politique veritable depuis 1948, reste debout, se reorganisedans la clan- dans cette region. Mais, a l'ecart, une autre revolte couve. Dans la region de
destinite. « II faut donc admettre, note Pierre Messmer,que l'agitation electo- l'Ouest, que l'on appelle aJors « region Bamileke», Je jeune chef nationaliste
rale decldee par Je comite directeur de ce parti n'a ete qu'une fa~adederriere du village de Baham, Pierre KamdemNinyim, vient d'etre arrete, SOUS le pre-
laquelle se cachait une detennination evidente de rechercher la constitution texte de,, reconstitution de ligue dissoute ». Sans le savoir, la Francevient de
d'un "maquis" en Sanaga-Maritime.[...] II ne s'agissait pas seulement de faire mettre le feu aux poudres dans la region.
pression sur l'opinion, mais bei et bien de creer rapidement une zone d'inse- Le CNO est en effet bientöt rejoint, dans cette region, par le " Sinistre•
cur.iteou, par le truchement des comites de base locaux ou des comites regio- cle la defense nationale kamerunaise » (SDNK).Ces deux mouvements insur-
naux, l'UPC installerait un pouvoir parallele62. » La flambee de violence de rectionnels obeissent ä.des regles differentes, mais leur chronologie est tres
decembre n'est donc pas qu'un episode passager. Et, comme les dirigeants slmilaire et l'on remarque des circulations de leaders et de mots d'ordre qui
fran~ais ont echoue dans leur tentative de noyer l'UPC politiquement, ils interdisent de !es qu~lifierde soulevements "ethniques » ou « tribaux », qua-
vont chercher a l'ecraser milltalrement. Chez eux comme du cöte des upe- litlcatifsauxquels voudrait les cantonner l'admlnistration. Moins connu que
cistes, nul n'ignore Ja nouvelle donne: c'est la guerre. lc CNO, le SDNKest indeniablernent ne de la crise de succession a la chef-
fcrie baham. 11n'en demeure pas moins un authentique groupe nationaliste,
comme l'indiquent du reste aussi bien son nom, qul fait reference au
« Kamerun», que sa composition, loln d'etre exciusivement bahamalse.
Alors que les historiens oot jusqu'a present considere les mouvements
„bassa» et« bamileke » comme des etapes s11ccessives de l'insurrection

u L'orlglnc de ce lennc )urprcn,1111C)I nouc, mals pourrall tradulre le fall que les «sinistres•,
onlmn1cu" du SDN pub ~DNK, 1>mvlcnncnt de groupements ou chefferlcs •sinistres• par
lt'~ fnret~ tlt• l'orclrc
Sllr l'Uf>C(,1955-1958)
Pe11 s1c111/Jmse
LIJJ...a11w11111 ( 1957)

nationaliste camerounaise•, iJ convient de revenir sur leur genese meconnue, que l'etarder l'embrasement. Du Mungo aDouala, toute ta diaspora baham est
pour comprendre qu'il s'agit en reallte de mouvements paralleles,appeles ini- travers~e par ce conflit local qui finit par divJser de nombreuses communautes
tialement par l'UPC « maquis-Est » en Sanaga et « maquis-Ouest » en Bami- a travers le pays, creant une deflagration politique tous azimuts, bien au-dela
leke. Alors que les autorites fran~ises laissent croire, en ayant fait elire lems de ce village de 15 000 ä.mes3.
allies locaux aux elections de decembre 1956, qu'ils ont reussi a integrer defi- De plus, la designation d'un nouveau chef (fon) implique, selon les cou-
nitivement Je Cameroun dans l'Union frarn;aise, la Situation s'envenime : tumes de la region, de demander l'avis des chefferies alliees, plongeant ainsi
debordant rapidement leur foyer regional respectif, Je CNO et Je SDNKsont en toute Ja zone dans Je trouble en cas de contestation. Ninyim, t'ancien chef
passe d'embraser le « Kamerun tout entier.
>) baham, trouve des soutiens aupres de deux autres jew1es chefs sensibles aux
theses nationalistes, Marcel Feze (26 ans) a Badenkop et Jean Rameau
Sokoudjou (20 ans) ä Bamendjou, qui cherchent tant bien que mal a aider les
L'etincellede Baham insurges upecistes sans s'attirer les foudres du pouvoir. Querelles locales et
combats ideologigues s'entremelent. Certains sous-chefs se rallient a l'UPC au
Le 24 novembre 1956, Je jeune chef de Baham, Pierre Kamdem Ninyim, gre de conflits de clocher. C'est ainsi que Ja sous-chefferie de Balatchi, s'esti-
sympathisant de l'UPC depuis sa formation en France, est donc anete dans mant marginaJisee depuis des annees par la chefferie de Bangang et l'adminis-
sa chefferie, dans le cadre de l'offensive lancee par Pierre Messmer contre tration fran~aise, passe ä l'UPC en 1957 4. Par une sorte d'« hybridation »
!'Union nationale de Soppo Priso ä la veille des elections (voir chapitre 11). mutuelle, ta Iutte pour l'independaoce d'une sous-chefferie vis-a-vis de sa
Trois mois plus tard, le 23 fevrier 195 7, i1 est officiellement destltue par la chefferie de tutelle se confond, ä cet endroit comme dans beaucoup d'autres,
puissance coloniale, au profit de son frere Jean-Marie Teguia, qui devient la avec celle pour l'independance du« Kamerun» vis-ä-vis de Ja France 5•
cible des partisans du chef dechu. Les partisans de Ninyim se regroupent ponctuellement, te temps d'un
La destitution du jeune chef baham unit dans la contestation les nationa- coup de main. Rapidemeot, leurs actions de represailles depassent Baham, et
Ustes et certains segments conservateurs, attaches au respect des traditions. s'etendent aux « villages » voisins dont les chefs collaborent avec l'adminis-
Pour ces derniers, le chefbamiJeke l'est pour Ja vie et ne peut en aucune fa~on tration. Dans le groupement de Bayangam par exemple, un certain Domi-
etre dernis. Les interventions de la puissance coloniale dans !es conflits de n.ique Tawa, 37 ans, originaire de Baham, condamne quelques annees
chefferie, recurrentes a cette epoque, constituent donc ä chaque fois une prise auparavant pour vol et evasion 6 , organise une bande, qui rejoint bientöt
de risque importante. Rien d'etonnant des lors que, le 12 mars 1957, quand le celles de Ninyim.
chef destitue est condamne ä deux ans de prison ferme et eing ans d'lnterdic- Les relations entre !es partisans de Ninyim et l'appareil upeciste sont
tion de sejour dans sa chefferie par Je tribunat de Dschang, te soir meme des complexes. Le chef est sympathisant du mouvement nationaliste, mais il n'est
vioJences eclatent ä Baham entre les partisans du chef dechu et ceux de son pas pour autant soumis a la hierarchie du parti. A la finde l'annee 1956, on
rempla~ant. On compte trois morts du cöte des partisans de Teguia, un parmi aurait meme pu s'attendre aun affrontement direct entre Ninyim et l'UPC, en
ceux de Ninyim 2 • Ce dernier est place en residence survellJee loin de chez lui, raison de Lavolonte du jeune chef, proche de Paul Soppo Priso, de se pre-
aYokadouma, aJ'est du pays. senter ades elections,formellement boycottees par I'UPC. Mais l'Jnterdiction
L'affaire Baham n'est que l'etlncelle qui fait exploser la poudriere bami- de la candidature de Ninyim par l'administration raffermit ses liens avec
Jeke. Depuis 1945, les conflits fonciers, 1'autoritarisme des chefs locaux, l'UPC. Au point que, en 1957-1958, ces deux foyers de contestation agissent
l'ingerence de l'administration dans les chefferies, !es arrachages de plants de de concert.
cafe indigenes au profit des pJantations coloniales, la persistance du travail Derriere ce conflit locaJ, l'appareil de l'UPC est en embuscade, par le biais
force avaient transforme cette region agricole densement peuplee en base de son organe de jeunesse, la JDC, qui coiffe un embryon de structure mili-
arriere du nationalisme. Le brusque ralliement a l'administration en 1950 du lai re, intitule Sinistre de Ja defense nationale (SDN), sous ta houlette de
chef de Foreke-Dschang Mathias Djoume·ssi, teader du Kumzse, n'avait fait Martin Singap. Depuis decembre 1956, c'est ce jeune homme grand et mince
de 23 ans, directeur du journal upeciste Lumiere,arborant une figure de lyceen
rnr Jcs fiches de police, qui est charge par l'UPC d'organiser ta sedition. Ancien
a « Le l'ays bamllek~ s'embrase au momcnt mi!me oi1,en Sonaga-Maclllme, l'on sort des
"maquls" •, ~cclt par cxcrnple Achlllc Mbcmbe (postfäcede Richard JosPr11,
Lc Mo11ve11w111 vcndeur chez un commer~ant de Maroua, ou il avait milite avec Felix
11r11/011nllsl1• 011.clt„ p. 170).
n11Cn11irro1111, Mou111l61 Singap cst origlnairc clc ßadenkop, en region ßamileke. II a

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frequente l'UPC ä DouaJa, avant de servir comme agent de lialson de part et d'un terraln famllier pour echapper aux bataillons adverses. Pour cela, la
d'autre de la frontiere franco-britannique. S'appuyant sur !es nombreux upe- Sanaga-Maritlme,region peu developpee, entre Douala et Yaounde, est peu
cistes de Douala et Yaounde revenus au vlllage apres les erneutes et Ja repres- propiccaux grandes bataiUes:peu de routes carrossables,une ligne de chernin
sion de 1955, Singap echoue ä organiser un boycottage des elections aussi de fer unique. La foret offre protection et nourriture aux maquisards, meme
efficacequ'en Sanaga,ä Jafinde 1956. Maisil ne laissepas passer l'occasionau si l'humidite de la saison des pluies et les accidents du terrain rendent la vle
debut de 1957. Le 29 janvier, il s'affirme comme le vrai « cornmissaüe poli- « sous maquis » peu confortable. Des huttes construites a Ja va-vite a partir de
tique » de Ja region, lorsqu'il convoque toutes les sections de l'UPC. Le but branchages servent de lieu de rassemblements ephemeres ä des groupes de
de la rencontre est de remettre Je parti en ordre de marche et de planifier les quelques dizaines d'individus au maximum, quJ restreignent leur perimetre
coups de main a venir. d'action ä un rayon de quelques kilometres autour de leur plantation. Le
Les debuts sont modestes. Au cours des premiers mois de 1957, !es maquis est souvent une affaire de famille, Ollles femmes et les enfants sont
«sinistres» du SDNne sont que quelques dizaines. Cinq groupes, d'une tren- charges du ravitaillement ou des transrnissions.
taine d'hommes chacun, se partagent la zone dans les subdivisions de Dans Ja clandestinite, les « Cenois » - comme on appelle !es mernbres du
Bafoussam,Dschang et Mbouda, laissant pour l'instant de cöte !es subdivi- CNO - se dotent d'un reglement interieur en fevrier 1957. Pulsqu'il s'agit
sions de Bafanget Bangangte. Coup de theätre : quatre mois apres le verdict desormais de recruter des mHitants capables de resister a l'armee fran~aise,la
contre le chef baham, la cour d'appel de Yaounde, en juillet 1957, reduit la hierarchie militaire se consolide tant bien que mal, avec des « generaux » ou
peine de Ninyim. Liberele 30 juillet, il envisage un retour triomphal dans sa des« capitaines » places ä la tete de« regiments » (cent cinquante adeux cents
chefferie. Tandis que ses partisans laissent eclater leur joie, l'administration hommes) et de« bataillons » (cinquante hommes). Dans un pays oll le baHon
decide finalement, quinze jours apres, de ... reincarcerer Ninyim, « sous rond est deja tres populaire, le rassemblement et l'education physique des
l'inculpation de complicite de coups et blessures7 >>.Derriere cette decision combattants prennent la forme, plus discrete, d'« equipes de football ». Mais
arbitraire, on trouve a Ja manreuvre le Premier ministre Andre-MarieMbida aux terrains de « sports » succedent rapidement de vrais centres clandestins,
et Je procureur general Marcel Sammarcelli (un ancien d'Lndochine, qui au creur de la foret, oll !es plus motlves sont formes au maniement des
deviendra depute gaulliste de la Corse en 1958 et president de la commission armes 10•
des lois de I'Assembleenationale fran~aise). Le chef de Ja region Bamileke, Les armes modernes sont cependant tres rares : des pistolets tcheques,
Maurice Delauney, rapporte meme que l'affaire remonte jusqu'au president quelques fusils derobes, un petit tot de mitraillettes. LesCenois font avec les
Rene Coty, qui envoie une rnission du Conseil superieur de la magistrature moyens du bord, c'est-ä-direessentieJJementdes armes de chasseou des outils
pour annuler Ja Liberationde Ninyim et enrayer ce « scandale considerable8 ». agricoles: fusiJsartisanaux - fusils de traite, appeJesaussi « calme-dikokoni L »
Ce cafouillagejuridique a eu le temps de semer la panique a Baham parmi les (litteralement : « calme-trattre ») -, machettes, arcs et fleches. Les savoirs
partisans de Teguia, qui ont deja commence aprendre la fuite. ancestraux sont alors remobilises,pour s'armer et se proteger. On fabrique des
poisons. On se donne du courage au cours de ceremonies de « blindage »,
censees immuniser contre !es balles adverses.Lesrites d'initiation cimentent
CNO: unearmeedans la brousse la confiance entre les maquisards, lies entre eux par un serment destine a les
de Sa11aga~Maritime rendre muets au cas oll !esautorites fran~aisesviendraient a!es capturer. Pour
se recon{orter et s'encourager mutuellement en ces temps difficiles, les
Pendant ce temps, la vie s'organise au sein du CNO. Lespremieresopera- combattants fredonnent des chansons qui se diffusent ä travers la brousse.
tions mUitaires fran~aises a'ont pas suffi a decourager les resistants. Misen D'une grande inventivite pour Ja plupart, ces chants, en frani;aisou en langue
place de fa~onprecipitee en decembre 1956 pour saboter les elections,le CNO bassa,rappellent !es forfaitsde Ja France,narrent les exploits passeset presents
se structure au cours de l'annee 1957, en premier Heuen Sanaga-Maritime, de l'UPC,et font vivre l'espoir d'un Kamerun libre, uni et independant 12.
autour de Ruben Um Nyobe, toujours refugiepres des slens, autour de Boum- L'UPC deniant toute legitimite aux autorites coloniales, Ja hierarchle
nyebel. Pour la premiere fois, un rapport de la SQrete estime que de reels mllitaire clu CNO est cloubl6e d'un appareil administratif appuye sur les
« maquis », au sens strict, sont implantes 9• quelque hull cents « comll~Sde basc » et les millie~sde militants actlfs que
La vegetation luxuriante de la regton est assez dlfferenl'edes maquis du comptc lc parti nallonnll~tccn Snnngn-Mnritimc.Ces deux structures, l'admi-
sucld.eJa Prance,mals lc princlpc derncure d'utlliser lc:scamouflngcsnat11rcls nlst ratlon rcbcllc et ~o IJ111nclH•t11111to, ~ont colff6cs par un "sccretarlat
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administratif et bureau de llaison » (SA/BL),placesous l'autorlte d'Um Nyobe. SDNK:laguerillade l'Ouests'organise


A l'aide de machines a ecrire acheminees en pieces detachees, les nationa-
listes enregistrent minutieusement naissances,mariages et transactlons fon- LeCNO en Sanaga, en 1957, est bien plus performant que le SDN bami-
cieres.Symbolesde 1'attacbement au droit ecrit et a la propagande par Je texte, leke.Mi-septembre,une bande de rebellesencore relativement amateurs, qui
pas moins de deux cents kilos de documents sont entreposes au SA/BL13 • vient d'assassiner un proche de Jean-Marie Teguia ä Nkongsamba, est vite
L'objectif de ceux que !es autorites fran~aisesqualifient de « HLL» (hors-la- demantelee par la police 17• A peine sorti des limbes, Je SDNest dejä aux abois.
loi) n'est en effet pas tant de battre mllitairement l'armee officielle que de La fragilitede l'organisation amene Martin Singap ä en fonder une nouvelle, a
s'imposer peu a peu cornme l'administration de fait d'une region en etat de partir de la precedente et de l'appareil de laJDC, qu'iJ maitrise parfaitement.
secession. « Les revolutionnaires aiment tellement ecrire que, dans les Le 10 octobre 1957 nait donc le Sinistre de la defense nationale du
maquis, !es machines a ecrire leur sont aussi necessairesque les fusils, notera Kamerun (SDNK)dans le quartier de Nka de Baham. Le volet politique de la
avec dedain Pierre Messmer dans ses Memoires. Nous savions donc qu'une nouvelle organisatlon est prls en charge par Martin Singap. Son organisation
administration parallelea[vait]ete organisee par l'UPC 14• » militalre est coordonnee par un de ses proches, Plerre Simo, entre a l'UPCen
De fait, deux autorites concurrentes s'affrontent sur un meme territoire. 1956, qui devient « capitaine general ». Paul Momo, originaire de Baham,
Hautement symbolique, quand on connait le röle central qu'a joue l'impöt dont on reparlera plus tard, est nornrne secretaire.SelonJoseph Noumbi (dit
dans Ja domination coloniale, Ja levee d'une « souscription nationale ,, aussi « Nownbissi »), elu conseillerdu SDNKce jour-la, cette reunion rassem-
marque cette volonte des maquisards non seulement de se doter des moyens blait « dans !es 1 500 ä 2 000 » personnes, « des individus de races diffe-
financiers necessairesa Ja lutte, mais de faire entrer l'ensemble de la popula- rentes : Bassa, Mungo, Bamileke, Yaounde et Haoussa », bien au-dela d.es
tion dans Ja dissidence. Elle ne se fait d'ailleurs pas sans contrainte, et pro- Baham 18 • Si l'epicentre de la contestation se trouve bien a Baham, « Lieureve
voque certaines convoitises a l'interieur du mouvement nationaliste. Une pour la constitution et l'entrainement des maquis 19 », comme l'ecrit le cbef
justice parallele est egalement mise sur pied. Des « tribunaux » infllgent de la region, Mamice Delauney, celle-ci depasse largement cette chefferie.
amendes et coups de chicotte aux partisans de l'administration coloniale 15, Comme le reconnait du reste l'administrateur Bernard Monnier le 5 feVTier
voire prononcent des peines de mort contre ceux que les guermeros appel- 1958, « est-il besoin de rappeler que si l'UPC a utilise le "corps malade" de
lent les dikokon(traitres),ou les « valets ». Dessentences executeessouvent de Baham, ses chefs locaux sont un Badenkop (Singap Martin) et un Bayangam
nult, au cours desquelles les bandes armees n 1hesitent pas a faire passer les (S!moPierre) et que l'"affaire Baham" est un element d'une action terroriste
condamnes « de Ja liberte a la Joi-cadre», autrernent dit, dans le vocabulaire qui se situe ä l'echelle du Cameroun et de l'UPC et non d'une simp.leaffaire
image des independantistes, de la vie ä la mort, en referencea Ja loi-cadre Def- locale 20 ».
ferre tant combattue. Le SDNKs'organise et atteint b.ientöt une taille critique. Le maquis de
Le CNO constitue donc une guerilla politique, structuree, capable de Nka abrite un « camp de gymnastique », baptise « ONU » en hommage ä
mobiliser en meme temps sa base nationaListeet !es savo.irsancestraux de la l'organisation internationale, qui peut accueillirjusqu'a quatre cents combat-
region contre des cibles precises.Toutes les amities nouees depuls la creation tants a la fois21• Comme en Sanaga, les unites de Ja guerilla sont camouflees
de l'UPC sont mises ä profit et accentuees via des« groupes d'intensification en equipes de football ou de volley-baJI22 • Durant !es entrainements et !es
du mouvement » (GJM).Camoufles derriere des assoclations diverses, ces matchs, se deroule en realite l'education politique des mllitants. Les maquis
groupes rnilitants itinerants crees le 22 avril 1957 aLimentent les maquis en sont rudimentaires. Composes d'une quinzaine d'hommes, ils se resument a
hommes et en ressources.La ligne de chemin de fer, axe economique Vitalde quelques ·cabanes en bois a l'abri d'une foret. Les combattants, souvent
la region, sert aussi de colonne vertebrale au CNO. Les cheminots sympatW- recrutes pa.rJe chef du maquis dans son entourage, y dorment sur des feuilles
sants alertent sur la presence de patroumes ennemies, transmettent messages et des branchages, et se nourrissent de bananes ou de ma1sselon la vegetation
et colis... La rebellion est donc profondement enractnee dans Ja societe bassa. alentour. Armesde machettes, de matraques ou de fusilsde chasse, !es gueril-
Et, maJgre leur dedain, les autorites fran~aises ne tarderont pas ä dresser un leros manquent de pistolets, reservesaux chefs de rnaquis.
tableau saisissantde cette « revolte upeciste » et de ses « quelques centaines de Comme en Sanaga, les combattants prennent appul sur la population.
combattants mal armes agissant au sein d'une population contaminee d'un A tel point que, aux yeux des Franc;ais,« l'adversaire peut etre compose de
chiffre voisin de 100 000 habitants, sur un territoire de quatre-vingts kilo- foulesde femmess'(!lev:inta plusleursmilliers,en particuliersur les marches »,
metres du nord au sud et cent kllometresd'est en ouest 16•
)t commc s'cn alormc lc Plonde d(!fcnsclnt(!rlcurcdu Cameroun de l'epoque 23.

27
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h•11s11rl'Ul'C: / C!1\1/ltll'fllll (/957)
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Petit ä petit, une fols que tous les membres potentiels ont rejoint lc SDNK,lc ccuc structuration horizontale rcnd la disclpllne de groupe plus aleatoire.
recrutementse complique et s'opere de plus en plus par la contrainte. Souvent Pour ne prcndre qu'un cxcrnple, lcs butlns issus des attaques sont rarement
de nuit, les jeunes recruessont capturees puis, une fois au maquis, forceesde mls cn commun entre les insurges, poussant ainsi parfois quelques groupes a
commettre des exactionscontre des « traitres " (qu'on appelle ici fingo11011g, lit- rnl!lcrrebellion politique et banditisme.
teralement « vendeursdu pays »), afin d'empecher tout retour ä la vie legale. La creation du SDNKest le prelude ä une serie d'attaques de grande
Racontant son entree au maquis ä cette epoque, Etienne Tchinda, nmpleur. La cible principale : les chefferiesqul collaborent avec l'administra-
aujourd'hui septuagenalre, se souvient d'un melange de sympathie ancienne t ion. Dans la nuit du 13 au 14 octobre 1957, c'est naturellement celle de
pour l'UPC et de reticence ä entrer pleinement dans l'illegalite. Agent d'etat 13ahamqui est attaquee par une centaine d'assaillants. Son chef conteste, le
civil, il est sollicite en 1957 par Jeremie Ndelene, chef du maquis de sa zone, /imJean-Marie Teguia, echappe ä l'attentat, rnais son palais est mis a sac. Le
qui, ne sachant ni lire ni ecrire, a besoin d'un lettre. Un rendez-vous lui est syrnboie est frappant car l'integrite physique du chef bamileke, investi de
donc fixe, avec ce messagemenai;ant : « Si tu ne viens pas, tu es un traitre. " pouvoirs ä la fois politiques et religieux, est censee etre inviolable 26 • Les
Febrile,il se rend donc au rendez-vous. « Arrivedans Ja foret, je ne savais pas maquisards ne s'en tiennent pas Ja. Cinq nuits plus tard, c'est la chefferie
quoi faire, se souvient le vieil homme. Je vois des gens, dans la foret, avec des ßahouang, dont le chef avait soutenu Teguia, qui est attaquee 27 : soixante
chapeaux formidables! Ils me demandent si je suis pour la lutte pour l'inde- cases partent en fumee. Le30 octobre, c'est au tour de la chefferie Batcham
pendance et pour l'unification du Cameroun. Je dis que je suis d'accord, mais d'etre prise pour cible. Son chef, Je depute Etienne Djuatio, est un partisan
je ne savais pas quoi faire24• » Forcede signer un papler attestant son rallie- farouche de !'ordre coloniaJ et de la maniere forte ä l'egard des upecistes. Sa
ment a la lutte, il est bombarde « secretaire » de Jeremie Ndelene. Etienne fcmme et deux de ses proches sont assassines.Ces deux dernieres operations
Tchinda sera un militant nationaliste devoue, pousse ä l'exil de longues !>0ntrnenees par « une bande tres nombreuse (cent a trois cents) ", s'inquiete
annees. Mais, comme pour beaucoup d'autres, c'est bien Ja menace qui l'a l'administration 28 • Lelendemain, c'est l'administrateur colonial camerounais
amene a sauter Je pas de la lutte armee. Snmuel Kame, accuse de tirer !es ficelles de Ja crise de succession, qui essuie
La formation des recrues ne va pas ensuite sans rites de passage,visant a des coups de feu 29 • Originaire de ßaham lui aussi, ancien « parrain » de Pierre
renforcer la discipline de groupe, au cours de ceremonies d'immunisation du KamdemNinyim du temps ou ils etudiaient tous les deux a Paris, l'homme
nouveau combattant, dote d'un nom de guerre et parfois scarifie,apres avoir ~altdesocmaisqu'il n'est plus Je bienvenu chez lui. ll deviendra bientöt l'un
prete serment au cours d'une seance mystique. Lespunitions en cas de deso- des principaux acteurs de Ja repression.
beissance sont implacables (pendaison par les mains, chicotte, etc.). Dans Ja La premiere semaine de novembre, trois nouvelles attaques font quatre
clandestinite, la contre-societe upeciste se forme dans la douleur. morts supplementaires 30• Lesauteurs de ces attaques ne sont pas clairement
Contrairement a la Sanaga-Maritime,ou Ja structuration de la rebeUion ldcntifies. Partisans de Ninyim ? Upecistes? Simplesbrigands? Les autorltes
est particulierement poussee, la gueriJla bamileke prend des formes plus !>Ollt desan;onnees par cette nouvelle organisation de l'adversaire, qu'elles
souples. A Ja hierarchie stricte du CNO chez les Bassa,repond une Organisa- 31
11'ldentifieront que deux mois apres sa naissance • Les « valets » du colonia-
tion plus fluide, composee de petites equipes jouissant d'une plus grande lisme, chefs traditionnels en tete, ne restent pas les bras croisesface aune telle
autonomie, chez les Bamilekede l'Ouest et du Mungoa. « Ces groupes ne se offensive. Et ils ont deja prouve, au cours des erneutes de mal 1955 en parti-
connaissent pas entre eux, constate Je Haut Commissaire Pierre Messmeren culler, qu'lls savent se montrer « efficaces ». Les represailles initiees par Je
octobre 1957. Mais,sur des mots d'ordre dont on ignore encore la source, ils se dcpute Etienne Djuatio, par exemple, causent la mort de dix-sept per-
rendent separement en un point determine, souvent fort eloigne de leur base, \onnes u;dont certaines auraient ete enterrees vivantes dans le bois de la
Usy sont concentres, instruits de leur mission et lances sur le point aattaquer. chcfferie33 • Le depute, « connu cependant pour sa douceur et sa modera-
Une fois l'attentat accompli, Jes equipes se separent et, sans que leur faible tIon», selon l'appreciation du chef de region Maurice Delauney34,est accuse
importance puisseattirer l'attention, elles rentrent ala base ou chaque voJon- d'avoir assassine lui-meme un homme soup<;onne d'avoir participe a
taire reprend ses activites habituelles 25• " La petite taille de ces bandes rend l'nttaque JS_
plus difficileleur apprehension par !es forcesde !'ordre. Reversde Ja rnedaille, L'objcctlrdu SDNKest moins militaire que psychologique.II consiste a
~cmcr Ja tcrrcur parmi lcs collaboratcurs de l'adminlstration et a rallier a sa
a II faul rappeler ä ce sujct que, contralrcmcnt au~ • ßassa •, lcs ~ocl~t~s• ßamll~k~• ne sont t'ilusc les populatlom. 'AOatcham,l'attaque a etc ponctuee de chants, danses,
pa~unlcs par 1111c
languc untquc. rnup~ de fcu et ~onnc1le, eh:clollon 111• MauriceDclnuncyest alors bien oblige

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Fm s11rl'UJJ<.; l.,11l\11111cr1111 ( 19S7)
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d'admettre que le but est attelnt. « Une peur panlque s'cmpara de 1·ous,Afri- r~tuglenl cl~slors au Cameroun britannique voisin, en compagnie de Martin
cains comme Europeens,ecrit-il au Haut Cornmissaire.II s'en fallut alors de Slngap, pour reconstituer leur organisation et recruter au calme au cours des
peu que l'opinion ne se retourne completement. Terrorises, la masse de la premlers mols de 1958.
population, !es notables et les chefs eux-memesetaient sur le point de penser
que les bandits etaient !es plus forts. Les visages se fermaient, nous man-
quions totalement de renseignements pour engager des poursuites effi- Du Centreau Nord,
caces. II devenait necessaire, par des mesures exceptionnelles d'autorite, par la rebellionfait tached'huile
des exemplespublics, de retablir la confiance, de ramener le caJmeet de reta-
blir !'ordre rnenace 37• » Bien que les deux principaux foyers de l'insurrectlon se situent en
Face aux premieres attaques du SDNK,en octobre 1957, des mesures Sanaga-Maritimeet ä l'Ouest, il ne faudrait pas croire qu'elle se Umite ä ces
exceptionnelles sont prlses par les autorites coloniales : la police regionale et deu.x regions, nl aux « ethoies » Bassa et Bamileke. Au-delä des maquis du
!es milices des chefs ratissent Ja region, appuyees pour Ja premiere fois par CNO en Sanaga et du SDNKdans Je Bamileke,les villes de Yaounde, Douala,
deux compagnies mllitairesenvoyeesde la base de Koutaba.Comme l'ecrit un Nkongsamba,Sangmelimasont egalement concernees.
Maurice Delauoey Japidaire,« de nombreuses arrestations furent operees,des Des le depart, fin 1956, le CNO avait constJtue des branches hors de la
exemplesfurent faits 38 » et un couvre-feudecrete. En novembre, la repression Sanaga-Maritime.Son premier « chef d'etat-major », Foe Gorgon, originaire
ramene un calme precaire. Mais il ne suffit pas • de frapper d'une fa<;:onspec- de la region de Yaounde, avait tente de faire derailler les elections de
taculaire pour guerir [...] le mal eo profondeur », ecrit Delauney. Si bien que, d6cembre 1956 dans Ja capitale (voir chapitre 11). Simultaoement, iI avait
tres vite, d'autres attaques marquaotes propagent les troubles ä Bayangam,le cssaye de constituer, dans Ja region de Djoum (au sud-est de Yaounde), un
10 decembre, ou la chefferieest incendiee, et surtout aBatoufam,dans Ja nuit rnaquis « medical ». « <;a devait etre un höpital militaire, explique-t-il
du 13 au 14 decembre. aujourd'hui, ou on devait evacuer, pour !es soigner, tous ceux qui etaient
Cette derniere action restera dans les ruemoires. C'est en effet a cette :itteints par des armees franfaises 43 • » Pour ce faire, il « mobilise » Je plus
occasion qu'est assassine Je jeune depute Samuel Wanko, 32 ans, elu Je c~lebre medecin de l'UPC, Mathieu Tagny, pourtant tres reticent a la Lutte
23 decembre 1956. Ancien etudiant ä Paris,ingenieur des Ponts et Chaussees, clandestine : un pur et simple « enlevemeot ,, si on en croit Je recit autobio-
colistier du chef bandjoun Joseph Kamga,Wanko etait presente comme un graphigue de ce dernier 44• L'ephemere maquis de Djoum tourne cependant
« nationaliste modere» et prometteur. Son assassinatayant soulevel'indigna- au flasco. Rapidement localises, Mathieu Tagny et ses compagnons sont
tion au-dela des cercles anti-upecistes habituels, !es autorites coloniales sau- arretes. Depuis sa cellule, Tagny redige une lettre ouverte enflammee a
tent sur l'occasion pour en faire Je martyr de leur cause. Pierre Messmerexige l'adressed'Um Nyobe.S'en prenant au « communisme athee » et ala « sainte
« qu'une punition exemplaire solt faite et que tous !es efforts necessaires 11lliance» du secretairegeneral avec le « trio de Kumba >), il accuse ses anciens
soient entreprls pour balayer du sol camerounais ceux qui, au nom d'une camarades d'avoir « pousse les gens sans armes vers le feu ». «]'ai le regret de
Ideologie perverse, commettent les crimes les plus ignobles, [...] trahissent te dire, conclut-il, que j'en al fini de collaborer avec une equipe qui ne tient
meme les donnees les plus elementaires de leur soi-disant Ideologie 39 ». pas campte de l'opinion et des interets de Ja masse45 • L'administration colo-
>)

L'Assemblee legislative camerounaise u nanime en profite pour voter une niale ne manquera pas de fairepublier la missivedans la presse locale 46•
motion de refus de « toute mesure d'amnistie 40 ». L'echec du maquis de Djoum et la defection de Tagny, figure de proue
Bien qu'un doute subsiste quant aux auteurs de l'attaque, les suspects de l'UPCä Yaounde, ne marguent pas pour autant la finde la resistance dans
arretes et interroges designent Pierre Simo, capitalne general du SDNK, cctte region. Alors que Foe Gorgon disparatt mysterieusement, Henri Tamo
comme instigateur du crime 41• Outre que l'enquete permet aux autorites de et son adJoint SamuelZezecontinuent la Iutte. Le premier, originaire comme
mieux connaitre Je SDNK,I'assassinatde Wanko est utillse par l'administra- Mortln Singapde Badenkop(Bamileke),avait egatement fait partie du maquis
tion pour justifier l'intensification de la repression (voir chapitre 13). Menee clc Djoum. Arr@te,II parvlent a s'echapper, avec Ja complicite de Samuel
par les deux compagnies venues de Koutaba, celle-ci est severe : arrestations ZczeH_ Originalre pour sa part de la zone de Sangmelima,ce dernier organise
en masse, couvre-feu, contröle de toutes les routes 42 • Lesefforts se c.:oncen- m1 camp d'entra1'nement au sud de Yaounde, ä Zouarneyong, fief de I'upe-
trent auto1:1rde ßaham et aboutlssent ä la destructlon du camp d'entrnfne- c:tstcSimon Owono Mimboc,ou « presque tout le monde, souligne Zeze,etalt
ment de Nka par !es forces de !'ordre. Traqul!s, Picrrc Stmo et scs troupcs sc t1cquisö l'lcl~cde l'tnd~pcndnncc >t. A lo l~te d'unc centaine d'hommes sur le

30 2'.fl
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I ,, /(111111''11//~ '1•111br11\(.l

pied de guerre, Tamo et Zczc jettent .lcsbases d'une nouvclle branche lnsurrec- dlvcrgences au sein de la guerilla sont arbitrees, depuis Kumba, par la direc-
tionnelle, rattachee au CNO : le Grand Quartier du Centre, parfois appele llon de l'UPC en exil 51•
aussi l.eTerritoire milita.ire du Centre (TMC). La reglon de Yaounde, reputee Aux tentatives de coordination s'ajoute une indeniable extension territo-
acquise au pouvoir, est bientöt agitee par des « attentats repetes » et riale de la revolte. Situee entre Douala et la region Bamileke, et entre la
« violents » 48. Sanaga-Maritime et le Cameroun britannique, la region du Mungo est particu-
Contrairement ä ce qu'a toujours pretendu l'administration colonia.le lierement affectee 52 . La diaspora baham installee dans cette region ne tarde
- et a ce que croient encore un trop grand nombre de commentateurs -, le pas ä y importer Je conflit qui dechire leur chefferie. Au nord de ia region,
mouvement upeciste, meme dans sa phase insurrectionnelle, etait loin d'etre s'organise egalement une association traditionnelle bamileke, Je ,<Mand-
simplement « ethnique » ou « regional ». L'experience de Tamo (Bamileke), jong ~, qul abrite a partir du mois d'aoat 1957 pas moins de 2 000 membres,
Zeze (Boulou) et lews camarades, tous actifs dans la region du Centre, en d.ont trois cents entrames a la guerilla. Et, lorsque Pierre Simo doit se refugier
a
temoigne. Les militants ne se cantonnent pas Jeur region d'origine et font cn zone britannJque ä Ja suite de l'assassinat du depute Samuel Wanko, c'est
le lien entre !es differents foyers de ia rebellion. De proche en proche, de logiquement le Mungo voisin qui constitue son terrain d'action privilegie.
familles en familles, l'experience revolutionnaire se propage et la volonte d'en Seconde par sept cents combattants 53, il y multipliera les attaques, jusqu'a
decoudre gagne parfois des populations jusque-la reticentes. Quoiqu'en ordre son arrestation en octobre 1958, demontrant ainsi aux <<forces de I'ordre »
disperse et de fa~on plutöt chaotique, les tentatives se mu.ltiplient pow cana- que la rebellion, loin d'etre demantelee, se propage.
liser le mouvement et coordonner l'action. Signe revelateur, des le 17 decembre 1957, le quotidien conserva-
L'action de Jean Sepo illustre bien ces tentatives de coordination : ce leur L'Aurore relaie en metropole les inquietudes du clan fran~ais devant
« Bassa », originalre de Lasubdivision d'Eseka, est charge de ramener l'unite l'extension de la revolte. Evoquant le systeme repressif en place, son journa-
et ia discipline dans les differents maquis de Ja region Bamileke ou il est affecte liste sonne l'alarme : « C'est d'evidence insuffisant pour mater une revolte,
en decembre 1957 49• Circulant a bord d'une fourgonnette de boulanger, n a qui, deja serieuse chez !es Bassa et !es Bamileke, couve deja dans le Mungo, Je
pour mission !'« intensification du mouvement », c'est-a-dire l'exportation Wouri et risque meme de gagner bientöt les provinces du Nord, cependant
vers le Bamileke des « groupes d'intensification du mouvement » (GIM) nes reputees fideles a leurs chefs traditionnels. L'epoque semble en effet revolue
dans !es maquis de Sanaga. S'inspirant donc des methodes des GIM, de petites ou les sultans locaux faisalent chasser par leurs gardes Um Nyobe du territoire.
equipes de vingt personnes se constituent pour revivifier le SDNKet Je mou- /\ujourd'hui, avec son drapeau rouge a crabe noir et sa demagogie extremiste,
l'agitateur eveille des sympathies jusque dans Ja masse des Fou.lbes. » En effet,
vement se voit dote, pour matntenir Ja coordination entre la region Bamileke
on verra meme, en 1958, un foyer insurrectionnel se manifester au Nord-
et le reste du mouvement nationaliste, de responsables des liaisons exte-
Cameroun autour de la famille Mahonde 54• La France a decidement de quoi
rieures. Cherchant a convaincre ses camarades de l'Ouest d adopter une stra-
1

s'inquieter.
tegie d'ensemble, Jean Sepo demande en outre aux maquis bamileke
d'observer une treve afi.n de preserver un sanctuaire pour !es combattants de
Sanaga-Maritime, alors engages dans une offensive d'ampleur 50 • Le rassem-
blement d'une centaine de leaders de differents maquis, du 22 au 29 decembre
1957, aboutit ä un compromis entre partisans de la treve et ceux de !'offen-
sive : les assassinats sont remplaces provisoirement par des incendies de cases.
On le voit, Je « nationalisme de village et les desaccords tactiques
)>

n'empechent pas les discussions, les compromis, !es clrculations d'un maquis
a l'autre et une certaine forme de discipline. Malgre les distances, les reti-
cences et la variete des contextes locaux, un Liend'autorite unit toujours les
maquis eloignes aux autorites upecistes, qu'il s'aglsse d'Um Nyobe dans son
maquis de Ja Sanaga ou du « trio de Kumba » refugje en zone britannique.
Dans le Wouri (region de Douala) par exemple, fief historique de l'VPC et
plaque tournante presque incontournable de la rebellion nalssanle, les

232
• (I 9S7-l9SH)
• /le1111/U'I..C
lltlp11•11/m11·11

13 conlrclcs nalionallstes une affairepersonnclle. D'autant plus qu'il est person-


ncllement menace par l'UPC3 : en mars 1957, un tract lui promettait, en plus
Bamileke
Repressionen« » (1957-1958) d'« attentats tres agressifs», une « peau blanche tranchee » 4...
Le chef de region est un bomme de confiance du Haut Commissaire
Pierre Messmer. Les deux adminlstrateurs se sont rencontres en 1955 au
c::ibinetdu ministre de la France d'outre-mer Gaston Defferre,alors dirige par
• Le Bamileke est tr~ difficile ä "salsir" et change rapi• Messmer,qui a emmene Delauney dans ses bagagesquand il a ete nomme ä
dement d'attitude au moment ou on s'y attend le la tete du Cameroun l'annee suivante, pour disposer d'un homme sur dans la
moins.»
r~glonsensfüle du Bamileke.Delauney s'y appuie sur une equipe de fideles,
Proces-verbal aclmlnistratif, 1956 '. aclministrateursou gendarmes fran~aisunis par la meme ferveur anticommu-
nlste, qui pour certains suivront leur chef dans ses futmes affectations (voir
chapitre 25). Aupres du nouvel homme fort de Dschang, capitale du Bami-
16ke,on retrouve egalement des specialistes de la lutte antinati.onaliste,
comme le chef de subdivision de Bafang, Jacques Hubert, theoricien des
« oppositions africaines » en 1955 (voirchapitres 7 et 9). Ou encore des specia-
llstes de la « guerre contre-revolutionnaire », comme l'officier de renseigne-
rnent Bonaventure Escoffet,qui - conformement au souhait exprime par Ja
hierarchie fran~aiseapres !es evenements de mal 1955 (voir chapitre 9) - a

F ace a l'extension de la rebellion, qui s'opere via les liens familiaux, au


gre des zones de repli des premiers maquis et en fonction de l'implanta-
tion prealable de l'UPC, c'est logiquement ä l'echelle de taut le Sud-Came-
passeplusieursmois au Centre d'etudes asiatiques et africaines(CEAA),rebap-
tlsc Centre militaire d'information et de specialisation pour l'outre-mer
(CMISOM),Ollil a ete forme par le maitre des lieux et<<genie » de l'ecole fran-
roun que les autorites fran\aises vont chercher ä ecraser l'insurrection. La ,alse de contre-insurrection : le colonel Charles Lacheroyen personne 5 •
repression se focalisecependant en priorite sur les deux principales zones de Dans l'equipe du chef de region, on trouve enfin uo Camerounais qui,
contestation, Ollse multiplient en paralleleet simultanement les « actions ter- de retour de l'ENFOM,l'ecole coloniale parisienne (voir chapitre 10), pour-
roristes » : la Sanaga-Maritime,Ollest mis en place un vaste dispositif securi- !luit sa glorieuse quoique intriguante carriere: Samuel Kame. Adjoint de
taire qui n'est pas sans rappeler !es methodes ut:iJiseesau meme moment en Delauney a Dschang, puis chef de subdivision sous ses ordres a Mbouda et
Algerie(voir chapitres 14, 15, 16); et la region Bamileke,oll la France peut 13ofoussam,Kamedevient pour le chef de region un « precieux conseiller6 ».
compter sur des hommes « determines ». Origlnaire, rappelons-le, du tres sensible groupement de Baham et auteur
d'un memoire tres apprecie des autorites tran\aises consacre aux « Institu-
t Ions poUtiqueset administratives coutumieres du pays bamileke7 », il fournit
Leshommesde MauriceDelauney aux autorites fram;aises des des de comprebension de la Situation locale.
Oppose ä l'importation de Ja « forme occidentale de Ja democratie 8 », Kame
Confronte ä l'embrasement du « monde bamileke », comme il l'appelle, d~fend l'autorite des chefs traditionnels profrarn;aiset s'emploie dans ce sens
le chef de region Maurice Delauney a dectde d'agir de fa~on « energique ». Il ~ rallier les notables de la region au nouveau fon de Baham,Jean-MarieTeguia,
faut, dit-il, en conjuguant « l'action pollciere, l'action econornique, l'action rernpla~ant de Pierre Kamdem Ninyim 9 • Samuel Kame presente en outre le
psychologiqueet l'action politique », parvenir ä « vider totalement l'abces de rare avantage d'etre familier des doctrines de « guerre contre-revolution-
sa substance » 2 • nalre », puisque, comme nous I'a explique Bonaventure Escoffet,c'est lui qui
Delauney, qui a pris ses fonctions dans la region en juin l 956, connait a lnllie aux subtilites de Ja vie politique et coutumiere camerounaise le groupe
bien le Cameroun. On l'a dejä vu precedemment planlfier le travail force en clcs~ sept ou huit officiers» fran~aisdestines au Cameroun et formes avec lui
10
Sanaga en 1946, puis bourrer les urnes ctans le Diamare (Extreme-Nord)au ou CMISOM ...
debut des .annees 1950. C'est cependant en « pays Barnil~ke», de juln 1956 a Parmi tous scs collaboratcurs, Delauney omet toutefols de mentionner
decembre 1958, qu'il donne lc « rncllleur de lul-rn~me •· II ffllt du cornbat dnn:. scs Memoires ~ori propre adjoi.nt, un certain Roland Barachette. Ce

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dernier, que nous avons retrouve cinquante ans plus tard, se rappelle avoir idylllque: "Oelauney et lcs che(s, c'~tait un accord gagnant-gagnant,
ete totalement marginalise pour cause de soupfon - infonde - de « crypto- d~cryple le vlell homme. Luiavait une paix royale et eux s'en foutaient plein
com.munisme». Quand on evoque son superieur de l'epoque, Barachette fait !es pochcs 19• » C'est egalement l'interpretaUon de Jean-Franc;oisBayart, qui
spontanement Je portrait d'un « seducteur sans aucun scrupule : un homme cxpllque que ce cadeau a permis aux chefs de « Jever une taxe supplemen-
pret atout LI». (( Pret atout », mais sans toujours en avoir !es moyens. Des son taire, en la presentant a 1.eurssujets cornme une exigence du Blanc, et d'en
arrivee, Delauney s'emploie donc a etoffer ses effectifs de police. Lesdeux conserver par-deverseux une fraction appreciable20 ».
pelotons de gardes de Bafoussamsont completes par un peloton de gardes a On l'aura compris, l'affrontement est loin d'opposer les « Bamileke» aux
Bafanget un de gendarmes ä Dschang 12• Le 12 novembre 1957, face a la mul- Fran~ais.Dans cette region, les adversairesles plus acharnes des insurges sont
tiplication des attaques, son ami Messmer requisitionne deux compagnies encore les chefs qu'ils visent. Exemple significatif parmi d'autres: en
d'un bataillon d'infanterie de marine pour Je pays Bamileke 13 et renforce novembre 1957, quand Maurice Delauney reunit les chefs de Ja region, celui
l'escadron de gendarmerie de Dschang 14• Mais,globalement, l'administration de Bandjoun, Joseph Kamga,lui reproche d'avoir laisse liberer certalns upe-
se contente de reagir aux attaques de l'UPC, sans mettre en place de strategie cistesapres leserneutes de 1955: « Ce sont eux maintenant qui viennent nous
offensive planifiee, comme eile le fera en decembre 1957 en Sanaga-Mari- tuer, accuse-t-il.Promettez-nous maintenant qu'on ne !esreverra plus jamais,
time (voir chapitre 14). Par exemple, des perquisitions sont entreprises et une slnon, il nous est impossiblede vous aider 21• » Au meme moment, on entend
centaine d'upecistesinterpelles, mais rapidement relächesou condamnes ade cgalement Daniel Kemajou, chef traditionnel de Ja localite de Bazou, antl-
courtes peines, au grand dam du chef de region. upeciste depuis longtemps, conseiller de !'Union franc;aiseet nouveau maire
de Nkongsamba, s'impatienter des lenteurs de la justice. « Qu'on nous laisse
fairejustice nous-memes... Laissezfaire les chefs bamileke >>,gronde-t-iJzz_
La repression
par leschefs Daniel Kemajouest un homme cie de la Francedans cette zone troublee.
Fideleaux colonisateurs, proche du Rearmement moral 23, il a servi au sein du
Pour contourner cette carence, Delauney choisit de s'appuyer sur les cabinet du Haut Comm1ssaireet est devenu, en recompense de ses etats de
chefs de villagecomplaisants envers l'administration et sur leurs « serviteurs » service, president de l' Assemblee legislative du Cameroun (ALCAM)en
(tchindas), qui ont traditionnellement pour fonction de « faire la poJice » octobre 1957. II a meme jumele sa commune avec Bordeaux 24, Ja ville de
(djou-djou)sur le territoire de la chefferie.En raison du faible nombre d'admi- Jacques Chaban-Delmas, ministre de Ja Defense franc;ais(novembre 1957-
nistrateurs franc;aissur place•,ce relais a toujours ete indispensable 15• Sans lui, mai 1958) et ardent partisan - lui aussi - de la maniere forte au Cameroun.
ecrit le chef de subdivision de Dschang au debut de 1957, « notre action n'a Fln politicien, quand de Gaulle reviendra au pouvoir a Paris en mai 1958,
plus de prise sur le pays ». « Et quelle brigade de recherche faudrait-il pour Kcmajou donnera du« mon eher ami » quand il ecrira au conseiller du
arreter un malfaiteur, poursuit-il, si les cbefs ne nous mettaient pas sur Ja piste general,Jacques Foccart25 • Bref,quand il demande la severite, sa voix porte.
et ne nous donnaient leur aide 16 ? » En plus des cas d'ingerence directe dans eile est relayee, en octobre 1958, quand Je procureur general de Bafoussam
Je choix des chefs, toujours politiquement sensible, l'administration s'efforce rc~olt une lettre signee de« Nous vos serviteurs, les notables et les conseillers
surtout d'« agir sur leur entourage », « avec une efficaciteplus vite visible» 17, de la subdivision de Bafoussam», qui l'enjolnt de sevir contre les rebelles :
constituant ainsi un debut de classepolitique locale subordonnee aJa France. « Tant que tous ces gens ne seront pas condamnes amort pour avoir assassine
Anecdote toucbante, Delauney depeint dans ses Memoires Je « clirnat de tant d'ämes, peut-on y lire, vous, le procureur general, pousseztoute la region
confiance » qu'il avait su entretenir avec les chefs, qui etaient allesjusqu'a lui Aamilekeadevenirdes bandits 26• »
offrir une « pleine cantine de billets de banque » afin de lui acheter une « Ford Pour obtenir la confiance des chefs, l'admlnistration leur donne des
dernier cri » 18• Roland Barachette decrit quant a lui une Situation moins gages. Elle multiplie arrestations et detentions, en evitant desormais de relä-
cl1er lcs suspects. Maurice Delauney est Je premier a reclamer qu'on ne
s'embarrasse pas d'un respect trop scrupuleux du droit. « Les subtilites du
a Debut 1957, pour taute la subdivlsian de Mbauda, an ne compte que trois fonctlannaJres
fran~als, dant deux gendarmes, entaures d'une vingt'dlne de fonctionnaires « africatns ».
C'Odelpenall ne sont pas adaptees au pays, ecrit-il en juin 1958. Ayons le cou-
Et, en tout et pour taut, dix-hult • Eurapeens ~ (planteurs, mlssionnaircs, fonctlonnalres) rogc, trnc fois pour toutes, de le reconnaitre. Sinon, nous le paierons tres
(saurce : Jean SA01-11vR01.u.s, • Rapport amwcl subdivislon de Mbouda 1956 •• p. 12-15 ; cl1cr i 7 _ » Apparatt alors dans le jargon administratif l'expression de
CADN, FMCC/2).
• co11domn6spolitlques ts >1. Dans Ja seule prison de Dschang, trois cents

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« terroristes » attendent leur jugement. Autre encombrante « subtilite uu plu\lcurs prlsons ä travers le pays, pcndant quc sa cheffcrie est occupce par les
dioit »: la presence d'avocats. Defenseur des upecistes, l'avocat martiniquais solcJat.s,entre novernbrc 1957et juln 1958J7• Cinquante ans plus tard, il n'a
Yves Louisia est expulse du territoire le 2 novembre 1957, sur ordre de Pierre toujours pa:i digere les exactions dont il a ete vlctime et dont l'une des plus
Messmer29 • Reprenant les mots de Maurice Delauney, le Haut Commissaire tragtques est lc viol de certaines de ses femmes par des soldats camerounai.s,
juge celui-ci « extremement dangereux pour l'ordre public 30 » ••• En jan- devant lui, tandis qu'il etait ligote dans son palais 38•
vier 1958, c'est le ministre de la France d'outre-mer lui-meme, le sociaListe
Gerard Jaquet (qul a remplace Gaston Defferre en juin 1957), qui prend la
plume pour justifier cette mesure aupres du president de l'Association natio-
Coupstordusen zonebritannique
nale des avocats de France, reprochant a Me Louisia de s'etre « indubitable-
Dependante a J'egard des chefs bamileke, la polltique repressive de
ment solidarise avec les anciens membres d'un partl dissous •, qu'il avait la
Oelauney l'est aussi ä l'egard des autorites britanniques. En effet, le Came-
charge de defendre en justice 31 • En aoOt 1958, Me Pierre Kaldor, un autre
roun sous tutelle britannique constitue, a l'ouest du Mungo et du Bamileke,
avocat de l'UPC, subit le meme sort. Bref, les autorites fran~lses essaient de
une zone de repli pour ies combattants nationalistes. Ceux-ci, on l'a vu, ne
serrer la vis. Le 1e, octobre 1958, le chef de subdivision Bernard Monnier clisposent pas de" sanctuaire » al'interieur du Cameroun "fran~ais », hormis
demande ä sa hierarchie que les rebelles soient « severement chäties 32 ». chcz de rares chefs sympathisants nationalistes. Apres un coup de main spec-
Quelques mois auparavant, ce meme administrateur avait juge « indispen- taculaire ou suite ä un coup de filet policier, les nationaJistes peuvent ainsi se
sable qu'un jugement soit rendu dans les premiers mols de 19S8 et se tra- 111ettrea l'abri de l'autre cöte de la frontiere pendant quelques semaines, Je
duise par un nombre suffisant de peines tres severes, y compris des peines tcmps de reorganiser les maquis. La zone britannique sert de refuge mais ega-
capitaJes33 ». lement de nouvel espace d'action politique, avec la creation d'un partl pro-
Au cours de ces deux premieres annees d'insurrection bamileke, l'affron- upeciste en juin 1957, le « One Kamerun Party» (OKP, branche locale de
tement entre upecistes et administration fran~aise est donc en grande partie l'UPC), par Wilson Ndeh Ntumazah, aBamenda. Ce nouveau parti parvient a
dependant du filtre de la politique locale. Ce qui contribue aobscurcir gran- attirer plusieurs centaines de sympathisants a ses reunions, puis jusqu'a l 200
dement la situation. Lesautorites fran~ises instrumentaJisent les chefferies... lc l l novembre 1957 39 et 2 000 a deux reprises un mois plus tard ~0 .
et vice versa, au point de« conduire de-ci de-la aquelques injustices », cornme Pour les autorites fran~aises, il y a donc urgence ä intervenir. Mais,
le reconnait l'admlnlstrateur Jean Sablayrolles. Par exemple, detaille le chef comme souvent dans les colonies, la cooperation franco-britannique est diffi-
de subdivision de Mbouda, agace par des « querelles » « insolubles » a ses cile. Lesdeux grandes nations coloniaJes,recemment defaites lors de l'expedi-
yeux, « les chefs et leurs entourages n'hesitent pas a depeindre comme des tion de Suez fin 1956, sont certes unies contre le peril communiste. Mais, sur
fauteurs de troubles des gens avec qui ils entretiennent une querelle person- lc terrain africain, la competition n'a jamais cesse. Et le "complexe de
nelle » 34. Meme dans des zones ou la rebellion est peu presente, de simples Fachoda » se lit toujours dans les rapports agaces des autorites fran~aises a
reglements de comptes locaux sont deguises en attentats politiques pour l'egard du manque de zele de leurs homologues. ns « ne voyaient pas ou ne
detourner l'attention. Par exempJe, Je 16 mars 1958, Je notable Miaffo-Kalla, voulaient pas voir ce qu'ils pouvaient faire pour nous aider », ecrit depite le
frere du chef de Fondjomekwet, est assassine. Selon l'enquete, ce serait sur jcune chef de subdivision de Nkongsamba Jacques Germain, qui arpentait
ordre du village rivaJ Fondant! qu'aurait ete perpetre Je crime. "Cet attentat, de nuit les cent kilometres de frontiere britannique, la mitraillette en
lit-on dans le rapport de Sfuete, que l'on pouvait considerer au debut comme bandouliere 41•
un acte de terrorisme, n'est en fait que l'assouvissement d'une vengeance du Au debut de 1957 toutefois, sur l'insistance de la France, les Brltan-
chef Fondant! contre Miaffo-Kalla 35• » D'apres Je chef de subdlvision de 11lquesdurcissent le ton ä l'egard de l'UPC. Et livrent aux Fran~ais le leader
Bafang, Roland Barachette, « les gens de Fondanti [... j pensaient peut-etre upeciste Isaac Tchoumba, candidat malheureux d'une recente legislative par-
pouvoir faire passeece crime pour un attentat upeciste 36 ». tielle, arrete cn zone britannjque 42 • Le 25 fevrier, avec 1'«assistance offi-
Complaisant avec les chefs soumis, Delauney se montre impitoyable avec dcuse 43 » de la police fran~aise, les Britanniques lancent meme une vague de
ceux qui lui resistent. Parmi ces demiers, beaucoup plus rares, se dJstingue le pcrqulsitions dans les sicgcs locaux de l'UPC, dans le but d'« apporter des
chef nationaliste de Bamendjou, Jean Rameau Sokoudjou. Pendant deux prcuvcs 1... J quc l'UPC cst un partl communlstcH >•.Les trois cents kilos de
annees, celui-ci est successlvcment assignc A resldcncc puls emprlsonne dans docurn~nt~rccuperes, ccmcs avolr confirme l'as~crtlon, permettent de mettre

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a l'etude l'interdlction de l'UPC en zonc britannlque. Laquelle survient le upcclstcs ' 1 "··· Un epi~O(lcqui leralt sourirc s'II n'avaH abouti, entre autres, ä
4 juin 1957, pour cause de « menace ä l'ordre public et a la loi 45 ». Ses treizc l'assassinat dans leur lit « ä coups de revolver » d'un upeciste et de sa femme
leaders sont places en residence surveillee puis expulses vers le lieu de leur ., alors qu'ils dorrnaient » 52 . Un modele de coup tordu peu glorieux, dont per-
choix. Ce sera Khartoum, au Soudan, en raison de la sympathie supposee du ~onne n'entendra parler. Et pour cause, c'est Delauney qui a organise la cen-
regime d'Abdela Ben Ali. L'offensive contre les nationalistes en zone britan- surc. «J'avais, en ce qui me concernait, et en accord avec le Haut
nique destabllise les troupes en zone fran~aise : « Les principaux animateurs Cornmissaire, interdit l-•.j J'accesde la region aux journalistes » ala <<curlosite
locaux de ce mouvement [ä Bafoussam]ont la trouille », se felicite un agent de lnutile », ecrit-il 53 • Le propre adjoint de Delauney, Roland Barachette, avait
la SCirete46 • L'expulslon est un coup dur pour l'UPC, definitivement coupee en etctenu a l'ecart de cette operation secrete. Mais en avait eu des echos:
deux entre leaders en ex.Uet militants restes au pays. « Je sa!s que ~a a ete severe, dit-il en 2009. Et beaucoup de gens ont ete
Voila pour Ja chronologie officieJle d'une collaboration difficile, mais tlequilles54 • »
finalement effective. L'histoire officieuse est bien plus trouble, mais explique Un autre element est encore plus mysterieux et peut-etre plus eclairant
mieux que tout par quels moyens detournes la France a exerce une pression du revirement d'attitude des Britanniques. On en trouve trace dans les
maximale sur son voisin. En realite, c'est Delauney lui-meme qui, plusieurs nrchives privees de Maurice Couve de Mmville, au detour d'un dossier du
decennies plus tard, se vantera d'avoir organise dans le plus grand secret une ministre des Affaires etrangeres du general de Gaulle. C'est une lettre de
operatlon coup de poing au Cameroun britannique pour demembrer le siege Gaston Defferreade Gaulle, en date du 10 novembre 1959 55, quelques annees
de l'UPC a Bamenda. Le « coup » a, semble-t-il, eu lieu en avril 1957 47 • La npres les faits. Celui qui est alors ancien ministre de Ja France d'outre-mer,
France, ä ce moment-la, n'a pas confiance en son voisin, « des bruits circu- " persuade que les Anglais sont, pour une large part, responsables de Ja situa-
lent en zone fran~aise que l'UPC beneficierait de la complaisance sinon de tlon actuelle au Cameroun », adresse ses conseils au president de Ja Repu-
l'aide des autorites britanniques », peut-on lire dans une oote de renseigne- hlique, quelques semaines avant l'independance du pays. « Lorsque j'etais au
ments de 1956 48• « Decide ä tout mettre en reuvre » pour porter un coup fatal mlnistere de la France d'outre-mer, en 1956-1957, ecrit Defferre, j'al pu
ä l'UPC, et inspire par les « enseignements de Lyautey et de Gallieni au nord obtenir la pacification complete du Cameroun gräce a l'action energique de
du Tonkin, ecrit-il dans ses Memoires, je resolus de detruire entierement le Mcssmer,a l'adoption du nouveau statut, mais aussi gräce aux demarches que
siege de l'UPC au Cameroun britannique, ä Bamenda, ä quelques kilometres l'al entreprlses en Angleterre. » C'est une histoire inedite qui s'ecrlt ici.
de notre frontiere. J'avisai Je Haut Commissaire [Messmer]de mon Intention, « J'avais appris que le gouvernernent anglais, par l'intermediaire de certaines
detallle-t-il. Il approuva. Mais il me precisa que, si j'echouais et, surtout, s'il ,naisons de commerce et en particulier par l'intermediaire de l"'Unilever•",
se produisait quelque bavure, il ne pourrait en aucun cas me couvrir. C'etait \Outenait financierement un certain nombre d'hommes politiques qui
normal. .. [... ] Par une belle nuit donc, quelques hommes decides et surs, combattaient la France. » Le senateur-maire de Marseille decrit alors sa
Fran~is barbouilles au charbon et Camerounais, tous volontaires, arriverent mcthode, qui correspond a merveille aux futures fa~ons de faire sur le « pre
ä Bamenda, penetrerent au siege de I'UPC, incendierent l'ensemble des bati- carre „ africain, c'est-a-dire en dehors des usages diplomatiques !es plus ele-
ments et mirent definitivement hors d'etat de nuire quelques-uns des princi- mcntaires. « Au cours d'une conversation personnelle avec Oe ministre des
paux responsables du parti. Son "coup" execute avec precision et efficacite, le Colonies britanniquel Monsieur Lennox Boyd 56 que j'etais alle voir a
petit "commando" vint rejoindre, sans probleme, la frontiere du Cameroun l.ondres, ecr.itDefferre, je lui avais fait savoir que si ces agissements ne ces-
fran~ais49 ». ~.lient pas.immediatement, c'est-a-dire Si tous credits n'etaient pas coupes ä
Lorsque nous lui reparlons cinquante ans plus tard de cette escapade noc- ccux qui cornbattaient la France au Cameroun, et si les chefs de l'UPC
turne, Maurice Delauney rit de bon creur 50• TIrechigne ä en parler en details, 11'ctaientpas eloignes des frontieres du Cameroun fran\ais, j'inviterais il Paris
mais confirme ce que les archives laissent supposer: il s'agit bien de l'attaque
de la nuit du 3 au 4 avril 1957 du siege de l'UPC signalee par Delauney lui- ,1 Unilever cst une compagnle neerlando-britanntque constituee ä partir de la fin du
meme a Messmer, dans un telegramme date du 7 avril, en ces termes : \LX' sl&:le et sp(-clallscc dans les produl1s de consommatton courante (savon, allmenta-
« ]'apprends de source britannique qu'une a&rression a eu lieu », mais helas, llon ... ). Dlilöprcsenlc ou Nigeria volsln, eile s'implantc au Cameroun sous mandat brltan-
poursuit le texte, « il n'a pas ete possible d'identifier lcs agresseurs ». « C'est nlquc ~ panlr de .1929c11 reprcnanl tl'lmmcnses plantotlons (hullc de palme, h~veas, etc.),
II fout notcr qu·ou To110Je 11:oucrnallon.ilhte Sylvanus Olymplo parait particullercment
normal d'ccrire c;adans ces cas-la ", se ju~tifie-t-11.Un rapport de la SOrcte ''"JX'<"' nuA yt•uit d~•,n11torlll'1fran{,11,('' cn rnlson de '-1carrtere au S<'lnde cette 1nnucnte
conclura „ vralsemblablemcnt „ ä un „ r~glc,ncnt de comptc, entre lllt1llln111lo11ul1•,CIIIII/ 11117 \'I 19\2.

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les chefs de la minorite du Nigeriaet de la Gold Coast. Monsieur Lcnnox Boyd l)~slrcuxcl'en savoir plus sur !es accusatlons precisesformulees par ses subor-
m'a repondu qu'il ne pouvait rien faire.Je lui al alors declare que j'allais agir dC"\nnes de l'epoque, nous l'avons joint quelques mols avant sa mort. Le vieil
de mon cöte pour susciterdans les territoires britanniques les memes troubles t1ommede 90 ans qui repond au telephone n'est pas specialement bavard,
que ceux que les Anglaisprovoquaient chez nous. A mon retour a Paris, j'ai nwls ses reponses en disent suffisamment 60 • Des tortures sous ses ordres?
annonce que j'allais inviter les minoritaires du Nigeriaet de la Gold Coast qui « Vous comprenez bien que je ne peux pas vous donner de precisions. »

combattaient les Anglais. Puls j'ai attendu quelques jours et, moins d'une ((talt-llau moins au courant de telles pratiques? «Jene peux pas vous en dire
semaine apres, j'ai eu Ja visite d'un des dirigeants de !'Unilever, qui m'a plus: je n'etais ni au courant. .. ni pas au courant. Inutile d'en dire plus, en
)>

annonce qu'il avait rei;u !'ordre de Londres de couper tous credits aux cffet, dans cet evitement qui en dit deja si lang.
hommes qu'il avait jusque-la finances au Cameroun. Je n'ai, a l'epoque, pas Latorture ne semble pas etre une pratique nouvelle pour Ia gendarmerie
parle de cette demarche au ministre des Affairesetrangeres, car il aurait certai- clc la region. L'historienne Meredith Terretta, dans sa these, mentionne deja
nement tente de m'empecher de l'accomplir. » tc temoignage du fils d'Henri Fongang, un upeciste mort sous Ja torture a La
ct,ambre de surete de Ja gendarmeriede Bafoussamen 1956 61 • Cette pratique,
pour «banale» qu'elle soit, ne semble pourtant pas encore s'inscrire dans un
« CommeenAlgerie»: plan systematique de recueil et d'exploitation des renseigoements, tel qu'on
torture,infUtration,internement n pu le connaitre a la meme epoque en Algerie.Un autre administrateur en
place a ce moment-la, qui prefere garder l'anonymat, se pique de bien
Delauney utilise egalement une autre methode pour parvenir a ses fins, connai'tre les methodes de renseignements en vigueur a l'epoque et explique
encore moins avouable que les precedentes. Un homme en a ete temoin, mais que les interrogatoiresdes fidelesde Delauney etaient realisesal'aveugle. « Ils
souhaite rester anonyme. Chef de subdivision en region Bamilekeen 1957, lnterrogeaient un peu n'importe qul. Quand vous ne savez pas ou vous en
son temoignage est difficile a contester. « Delauney, sa methode, c'etait Ja Nes, vous ne savez pas qui est suspect. Et donc taut le monde devient sus-
repression a tout va, explique-t-il. Vous arretez les gens, vous les faites parler, pcct ! » Des methodes qui aboutissent plutöt a semer la haine qu'a ramener
et c'est interminable, comme en Algerie57••• » !'ordre,d'apres l'administrateur : « Du coup, vous avezdes gens qui n'avaient
Comme en Algerie? Nous demandons des precisions.«J'ai rei;uquantite tlcn fait au depart et qui finissent parse dresser contre vous. » En clair, les
de Camerounais qui venaient se plaindre aupres de moi. Ds avaient ete tor- rn6thodesd'interrogatoire semblablesacelles de Ja guerre d'Algeriesemblent
tures,ala balani;oireet al'eau. » Aforce,l'adrninistrateur,choque, a eu le temps Cfl vigueur, mais le commandement mllitaire regionaldeplore qu' « aucun sys-
d'analyser les techniques employees. « La balan~oire, c'etait utiJe parce que t~mcorganise » d'exploitation du renseignement ne soit mis en place 62 •
l'interrogateur n'avait rien a faire : on attache le type la tete a l'envers, on le Pour desorganiseesqu'elles soi.ent,ces methodes permettent neanmoins
balance et c'est vraiment tres douloureux. La torture al'eau, Ja baignoire,c'est uux autorites de mieux connaitre l'organisation adverse. Et parfois meme d'y
aussi tres efficace,parce que ~afait peur, et les types parlent tout de suite.Je me p~n6trer. Le pouvoir franc;:aisexperimente en effet un procede qui fera des
souviens d'un Camerounais qui avait vecu cette epreuve et m'avait dit : "J'ai l'Ovagesau sein de Ja rebellion tout au long de la periode : l'arrestation, le
cru que j'etais mort". »Apropos de l'identite des tortionnaires, ce vieil homme rctournement de militants puis leur infiltration au sein de la guerilla pour
respectable,qui a depuis mene une longuecarrlereau sein d'organisationsonu- mlcux la trahir. A cet egard, la lecture de la deposition de Joseph Noumbi
siennes, est formet : « C'etaient des gendarmes, les gendarmes fran~ais de 11upresclesforces de !'ordre, en 1959, est edifiante. Cet important capitaine
Dschang, les gendarmesde Delauney.Ce sont eu.xqui torturaient. » t111SDNKy raconte son activite quotidienne au sein des maquis, protegee par
En effet. lnterroge al'occasion d'un documentaire en 2005, Delauney se des laissez-passerofflcielsde l'administratlon ! Deux de ses camarades, secre-
defend d'accusations excessives,mais ne nie toutefois pas l'existence d'exac- t1.:rncntrallies a l'administration, roulent meme dans des voitures officielles
tions. « II y a eu des arrestations, il y a eu certainement des gens qui ont ete mlscs adisposition par Lechef de subdivision. Lorsquenous avons rencontre
descendus, c'est certain, mais il n'y a pas eu de genocide de Ia population. <::a loscphNoumbl, cinquante ans apres, celui-cia explique les raisons de son ral-
n'a pas concerne des milllers de personnes 58. » Avant de s'abriter derriere sa lkmenl au regime, en 1959, qu'll a du accepter, contraint et force par les tor-
hierarchie : « Moi, vous savez, j'obeissais aux ordres qui m'etaient donnes. 1urcs, don t il porte encore les stigmates : trace des fersaux chevilles,souvenirs
Messmeretait mon patron, il m'avait confic la responsabillte de la region, ä dt· l'~lcctrlclt6et de la balan~oirc63 .•. « On nous torturait beaucoup... C'etait
la fois pour l'admlnlstrcr et ä la fois pour la securiscr.J'al fall mon lrnvall59• » In 111ort...Et puis II y ovnil bcaucoup de menaces, on te tape, on te refuse a

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manger, pendant trois ou quatre Jours. On mettait Je courant pour tout Je perspecl'lveque Slmo organise de nombreux raids dans le Mungo, notarn-
monde, on rne l'a mis aussi. » 11montre son oreille et son doigt, mime les ment ä Penja, Djoungo, Loum-Chantiers, en plein centre-ville parfois, en
decharges eJectriques.« Ceux qui faisaient ~, poursuit-il, c'etaient Jes Tcha-
d6plt des patrouilles et du couvre-feu69• Apreslesaccrochagesdes 27 et 28 sep-
diens et les Congolais,commandes par un capitaine..., par des Blancs.» Apres
tcmbre a Nkongsamba, certains compagnons de Pierre Simo sont arretes au
un moment de reflexion, II se souvient : « 11y avait Je lieutenant Escoffet.»
cours de celui du 30 septembre a Loum. Et passent aux aveux, provoquant
Bonaventure Escoffet: ancien d'Indochine, forme par Lacheroyau CMISOM
l'arrestation, trois jours plus tard, du « capitaine general ,, par !es Britan-
et devenu adjoint militaire du chef de region Delauney.
niques, qui Je livrent aleurs colleguesfran~ais70• Cette denonciation n'est pas
Derniereinnovation du chef de region pour ramener !'ordre: la construc-
la premiere : les archi.vesmontrent que la femme du predecesseurde Pierre
tion ex nihilo en avril 1958 d'un camp d'internement pres de Bangou.
Construit en materiaux du pays « par les assigneseux-mernes», comme le pre- Simo ä Latete des troupes du BamjJekerenseignait !es forcesde l'ordre depuis
cise al'epoque le chef de region soucieux de rassurerson supe.rieursurJe coOt plusieursmois sur ses deplacements 71• Arrete,PierreSimoparle ason tour 72. II
d'une teile installation, ce camp permettait, selon l'expression de Delauney, reconnaH son implication dans la rebellion et surtout finit par fournir aux
de « resoudre d'une maniere correcte le probleme jusqu'alors insoluble de la forcesde l'ordre de precieusesindications sur l'organisation des maquis de la
mise hors d'etat de nuire d'individus dangereux mais proteges par un forma- region, aboutissant a leur rapide demantelement 73 • Denonces parmi des
lisme juridique inadapte 64 ». Y sont enfermes les « agitateurs politiques [...] dizainesd'autres camarades74,Martin Singap et Paul Momo echappent de jus-
susceptiblesde constüuer un danger pour l'ordre public », ainsi que les indi- t esse a l'arrestation 75 • Ces aveux n'empechent pas Simo et slx autres compa-
vidus coupables de ... « complicite passive» avec les « terroristes », « contre gnons d'infortune d'etre condamnes a mort par la cour criminelle le
lesquelsdes preuves suffisantes ne pourront etre retenues valablement par la 6 novembre 1958 pour le meurtre du depute SamuelWanko. L'execution aura
justicefran~aise». La encore, c'est « cornme en Algerie», oll !es autorites mlli- lleu quelques mois plus tard, apres que le Haut Commissaireaura refuseleurs
taires, en butte a une Jegalitejugee bien contraignante, ont fini par obtenir, rccoursen grace (volr chapitre 20).
apres le vote de l'etat d'urgence (3 avril 1955) puis des pouvoirs speciaux La rebellion bamileke semble matee. Le 3 janvier 1959, lors d'une reu-
(17 mars 1956), Je drolt de placer en residence survelllee« toute personne (...] nion de l'etat-major militaire de la zone AEF-Cameroun,un officler qui vient
dont l'activite s'aver[ait] dangereuse pour la securite et l'ordre publics 65 ». d'arriver sur place et qui a entre-temps supervisel'ensemble des operations de
lnterroge sur le sujet en 2005, Delauney se souvient en riant : « [Dans ce r6pressionen Sanaga-Maritime,comrne on va Je voir dans !es trois chapitres
camp], j'avais peut-etre sept cents ahuit cents types qui etaientincarceres, qui !>uivants,Je lieutenant-colonel Jean Lamberton, tire un bilan gla~ant de
sont restes pendant pas mal de temps. C'etait un camp avec des barbeles... l'lnsurrection en « pays Bamileke»:«Elle a ete chätiee en 1958 et la region a
Moi,vous savez,j'avais ete prisonnier en Allemagnependant quelques temps, Nedepeuplee a50 % 76 • » Le commandant du tristement celebre escadron de
alors je savaiscomment ~ se passait ! AJorsj'avais fait un camp avec des bar- gcndarmerie de Dschang, Georges Maitrier, re~oit de chaleureuses felicita-
beles, avec des miradors. 11y avait des gendarmes fran~ais qui gardaient Je l'lons de sa hierarchie pour sa mise hors d'etat de nuire de « plusieurs cen-
camp. Gendarmes fran~ais... et gendarmes camerounais, qui etaient tres 1ainesde hors-la-loi » et pour avoir « dirige une lutte sans merci contre !es
fideles66 ! » Ce camp sera qualifie l'annee suivante d'« officieux» par un chef ~lementssubversifsqui etaient passesa l'action )> 77.
miUtaireetonne par cette installation 67 • Une exception a !'Etat de droit fina- Cöte politique, Delauney est persuade que son action conjointe avec
lement assezroutiniere tant, « al'epoque, comme s'en amusait en 2009 Mau- Plerre Messmera permis d'eviter une « deuxieme Sanaga-Maritime78 ». 11en
rice Delauney, il y avait beaucoup de choses qui n'etaient pas officielles68 ». tlrc dans ses Memoiresune conclusion presomptueuse : « Lorsqueje partis de
Oschang, en decembre 1958, je laissaisderriere moi une Situation detendue.
Nous avions fait la demonstration qu'avec une volonte politique sans defail-
« aSO% »
La regiona etedepeuplee lnnce et des techniques adaptees il etait possiblede dominer et de reduire une
rcbcllion cependant bien organisee et qu'il n'existait aucune fatalite dans
A la finde l'annee 1958, !es methodes de Delauney semblent porter leu1s l'nhandon et dans la res.ignationde la defaite 79• » Lorsques'acheve sa « grande
fruits. Le 14 septembre 1958, le chef du SNDKPierre Simo reunit ses lieute- <-euvred'cmancipation 80 », pour rep.rendre les mots du journaJ de propa-
nants aTombel. La demiere vlsite de la mission de l'ONU (voir chapitre 18) gu11clc localc, u, Rr,mileke, le chef de region, decrit comme un « arriviste for-
l'incite a prendrc des rlsques et a repasser ~ J'attaque. C'est dans cettc
C(.'IIC • por son ocljolnt clc l'cpoquc 8 1,se voll promettre « un poste de haute

244
245
/:(:IIMIi' l'UI'<.:( l9SS-l''Sll)

responsabilite 82 ». Sa carriere, qul sera longue et prestigieuse, est lancee (voir J4


chapitre 25).
Mais, sur place, rien n'est regle. L'arrestation de PierreSimo, apres la mise Aux originesdela ZOPAC :
« hors d'etat de nuire » de ses deux predecesseurs, ne sonne pas Je glas de
l'insurrection. Comme a chaque fois qu'un dirigeant tombe, des successeurs f1importation
d'unedoctrinemilitaire
sortent de l'ombre pour prendre la releve, car la cause independantiste anime enSanaga-Maritime
toujours les militants upecistes.

• Sans remonter jusqu'ä l'exemple indochlnois, sans


aller chercher des modeles en Algerie, jetons !es yeux
sur le Came.roun ou la conscience d'etre eo guerre a
permis de tres bonnes realisations. »
Chef de bataiUon F. AERTS,9 juJJlet 1958 1•

~ N ous risquons d'aller allegrement vers tme petite Algerie 2... » Au


beau milieu de l'annee 19S7, Je responsable politique fran~ais du
Sud-Cameroun, Daniel Doustin, volt Ja Situation glisset inexorablement vers
la tragedie. Parallelement aux troubles en region Bamileke, Je CNO d'Um
Nyobe en Sanaga-Maritime defie l'autorite du gouvemement camerounais
tl'Andre-MarieMbida et de ses parrains fran~ais. On a vu que, seloo la reglon,
la rebellion nationaliste prend des formes Iegerement differentes (röle accru
cJesconflits de chefferie en Bamileke, structuration politique verticale plus
forte en Sanaga). En revanche, les modes de repression choisis par les autorites
1ran~aisesne sont pas tout a fait identiques.
Si l'on y trouve Ja trace de Ja pensee « contre-revolutionnaire » (et du
colonel Lacheroy) et Je mepris total pour l'integrite physique ou morale des
persormes (tortures, assassinats...), les methodes du chef de region Delauney
l'l de son equipe ressemblent ä des mesures plutöt « classiques », si l'on ose
cJIre, en mauere de repression coloniale : appui sur Ies chefs traditionnels,
rccours ä la gendarmerie, pression sur Jes Britanniques, etc. Menee sans plan
d'cnsemble et presque au coup par coup, Ja repression version Delauney
nuralt meme, si on pouvait utiliser un tel mot dans une situation aussi tra-
ntque,un caractere « artisanal. » en comparaison de ce qul se passe au meme
rnomcnt dans la region d'Um Nyobe. La Sanaga offre en effet, au cours de
l'onr,~e 19S8, un exemple presque ideal-typique de l'application froidement
"rntlonnclle » cle.ladoctrlne de la guerre revolutionnaire (DGR)en milieu tro-
plrnl. S011s la dlrcctlon clu lieutcnan1-colonelJea11Lamberton, les militaires y

47
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prennent les choses en main au sein de ce qui est baptlse la Zone de pacifica- rechlgne ä demander l'envol de Lroupes supplementalres 5• Elles affluent tout
tion de la Sanaga-Maritime (ZOPAC). de m~me, en provenance d'AEF (pelotons mobiles portes [PMP] de Yaounde,
Garoua, Pointe-Noire et Brazzaville 6, pai:achutistes de Bouar 7••• ), essentielle-
mcnt pour des« operations de police )► de presence (patrouilles, barrages),
Des« operationsdeguerre» ••• plus que pour de veritables missions militaires. « Une grave erreur », ecrira
retrospectivement Christian du Crest de Villeneuve, commandant miUtaire
L'annee 1957 debute dans le sang, avec la repression de l'insurrection au Cameroun de 1957 ä 1959 8 •
upeciste de decembre 1956, incitant Um Nyobe ä denoncer des « operations L'heure semble encore etre a l'attente. Et ä l'observation. Le Territoire
de guerre de grande envergure » des Je 3 Janvier 195 7 (voir chapitre 11). Mais, attire d'ailleurs Ja curiosite d'une delegation de quatre-vingt-neuf personnes
pom l'armee fran!;aise, il ne s'agit encore officielJement que d'operations de de l'Ecole superieure de guerre (ESG),en visite au Cameroun du 9 au 11 avrll
« maintien de I'ordre » musclees, pas encore de guerre. Eton sait ä quel point, 1957, sous la conduite de son directeur lui-meme, le sulfureux general Jean
a la meme epoque, les autorites fran~aises refusent d'employer ce mot tabou Lecomte. Officier vichyste pendant la Seconde Guerre mondiale, reconverti
pour designer les « evenements » d'Algerie (qui ne finiront par etre officielle- cn chef d'etat-major de Ledere en lndochine puis en manipulateur des foules
ment reconnus comme une « guerre » coloniale qu'en 1999). au Maroc, Ollil a intrigue en 1946-1947 pour eviter toute evolution du protec-
Au Cameroun, c'est pourtant bien de« guerre » qu'il est question ä partir torat 9, Lecomte a finalement atterri ä la direction de l'ESG 10• De 1956 a 1958,
de 1957. Dans les rapports secrets de l'armee, le mot est lache le 30 avril 1957 II y forme une generation d'officiers aux theories cheres ä son creur, qu'il
par Je commandant superieur des forces armees de la zone de defense d' AEF- s'agisse des idees de Charles Lacheroy ou de celles du groupe d'extreme dro.ite
Cameroun, le generaJ Louis Dio, base ä Brazzaville. Devenu celebre depuis la Cite catholique•. La delegation qui se rend au Cameroun compte egale-
qu'il a pris la succession de Leclerc au commandement de la mythique zeDB, ment le commandant Jacques Hogard, secretaire general de l'ESG, qui vient
Je generaJ sait de quoi i1 parle : « La recherche, la poursuHe, la capture et la de publier une serie d'articles ayant fait forte impression dans les milieux mili-
destruction de bandes armees JocaJisees et reperees ne constituent plus une tai res fran,;ais 11• Au moment de sa visite au Cameroun, il est en train de
operation de retablissement de !'ordre, mais une "operation de guemf!-"reve- rediger 1'« Instruction provisoire sur l'emploi de l'arme psychologique » (texte
tant un caractere particulier 3 • » Cette quaJificatlon comporte une implication t·outes armes 117, dit TIA 117 12), qui resume et officialise Je volet <<psycho-
concrete : « De ce fait, la presence d'un representant assermente de !'ordre logique ,, de la DGR.
public [.. .] ne se justifie plus. » Autrement dit, Ies militaires peuvent agir sans Le lieutenant-colonel Jean Lamberton, qui dirige desormais le
contröle tatillon. Une requisition preaJable des autorites civiles leur est neces- 2" bataillon de tirailleurs du Cameroun (BTC2), sert de guide ä ce groupe qu'il
saire pour dedencher ce type d'actions, naturellement, mais eile se revele sur- conna7t bien : de 1951 a 1956, il a ete stagiaire puis instructeur ä l'Ecole mili-
tout utile ä ce que « le chef militaire soit entierement couvert au cas Oll iJ lui laire, qui abrite J'ESG et l'Ecole d'etat-major. A cette date, Lamberton a dejä
est necessaire d'employer ä fond tous ses moyens de feu pour accomplir sa une belle carriere coloniale derriere lui, etant passe depuis 1932 par Damas,
mission ». ßeyrouth, Alger et Porto Novo. Mais c'est surtout en Indochine qu'il s'est
A la mi-1957, si l'on est pret cöte fran~ais ä mener des« operations de illustre : pendant Ja Seconde Guerre mondiale pour l'expression de son sou-
guerre » ponctuelJes, il est aussi question d'attendre un peu avant de s'engager rlen enthousiaste au regime de Vichy 13, puis dans !es annees 1948-1950 pour
davantage. Les troupes d'outre-mer sont dejä mobilisees en Algerie, Oll a
debute Ja« bataille d'Alger ». D'autant que, pour certains, Ja repression de jan-
o Fonclce par l'ex-secrctaire de Charles Maurras Jean Ousset en 1946, Ja Cite catholique est
vier 1957, « effectuee dans d'excellentes conditions » selon le commandant un mouvement « natlonal-catholique" dlr:ige par des lai'cs, qui se caracterise par la vlru-
militaire du Cameroun Jean Whitehouse 4, semble avoir porte ses fruits. Les lencc de son anUcommunisme. Parti d'un petit groupe du Tam-et-Garonne, le mouve-
troupes fran!;aises ne sont alors constituees que de deux batailions, d'environ mcnt prend peu apeu une dlmenslon internationale, notamment gräce ä I'influence de sa
revue Verbe,creee en 1947, et a la multlpllcallon de ses « cellules • au Canada, en Espagne,
six cents hommes chacun, dont seulement un cinquieme d'Europeens. Les cn /\rgcnll.nc, cn i\frlque, en Belglque et en Suisse, et gagne Je soutien du pape Ple Xll. La
efforts se relächent. A Brazzaville, en avril et en decembre, le general Dio Ctrecothollquc dt!ivcloppcra des llens etrolts avec certalns offlclers a la polnte de la guerre
contre-rl!volutlonnolre, 11ot(1111me111 au cours de la guerre d'Algerie, pu.is en Argentlne au
rnome111di: lo dlcluturc dcb gfocraux, il pnrtlr de 1976. La Clte cathollque est accusee
(.l'nvolr lu~tlflf lc rt.'cour~ ~ lo torturc cn Algerlc cn ~·appuyanl sur des lextes de saint
a Soullgnc por lc 11c11~r,1I
Dlo. l'homo~ d' Aqulr1.

2118 HI
feu.MIT' l'UI'( ..' ( I 955,I !),,/1)

son travail acharne en tant que responsabledu 2• bureau des forces terrestres
"'' In 1,()/'M;: /'/111/1111/11//(111
All.V01/.~lllt!S /!II Swmst1•M111'11/111e
i/tli lf/11,r111///fr1/1c'
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rapide de la hierarchie clandestl11cde l'organisation adverse. Pour obtenir du


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en Extreme-Orient(Saigon).Depuis lors, Lambertons'est fait remarquer pour rcnscignemenl, !es forces de pollce ou les militaires ont recours ä l'infiltra-
ses ecrits theoriques sur le « peril communiste » international et les moyens tlon des maquis, au retoumement d.esadversaires,mais sUitout ades seances
de Je « combattre », tels que « La propagande vietminh » (juin 1948) ou d'« lnterrogatoires pousses -ou « muscles » - sur les prisonniers. Si le mot
>)

« L'armee communiste chinoise » (mars 1951). Cornpletant ces travaux, Ja « t:orture» est bann! du vocabuJaireofficiel, c'est bien de cela qu'il s'agit. Plus
conference qu'il propose aux officiers stagiairesde l'ESG,en 1954-1955, sur que le recueiJde renseignements, Ja torture et de maniere generale les tralte-
« Laguerre psychologique » lui assure egalement un certain succes dans !es ments inhumains ou degradants, ou encore les disparitions forcees et autres
milieux mllitaires, nonobstant les referencesqu'on y trouve au dictateur fas- executions extrajudiciaires,ont pour fonction de terroriser l'actversaireet les
ciste Benito Mussolini 14• populations qui l'abritent, afin de retablir symboliquement !'ordre colonial
Nu! doute dans ces conditions que !es professionnelsde Ja contre-insur- 6branle.
rection qui se retrouvent au Cameroun debut avril 1957 n'ont pas manque Dernier passage oblige de la DGR: Je recrutement de suppletifs locaux
d'inspiration poUIelaborer une strategieefficacede Iutte contre J'UPC. pour barrer la raute aux « subversifs ». C'est dans cette optique que sont
enröles les « harkis » en Algerie,a partir de 1956. II s'agit de faire prendre en
cl1argela repression « par la population elle-meme » et de montrer ainsi que
... ala « guerrerevolutionnaire» les colonises acceptent - et participent a - leur propre asservissement. En
l'absence de« front>>ou combattraient les belligerants,la guerre se mene « en
Acette epoque en effet, l'armee fran~aise est traversee par un intense surface>>,au sein de Ja population, abolissant les frontieres habituelles entre
debat sur la mei.lleuremaniere d'enrayer l'agitation des coJonies (voir cha- civils et militaires. La guerre revoJutionnaireest une guerre totale, une guerre
pitre 8). Depuisles premieres theorisations du colonel Lacheroyet leur experi- clvilegeneraliseequi organisela confusion entre des militairesqui exercent le
mentation brouillonne au Cameroun par Je Haut Commissaire RolandPre en pouvoirala place des civilset des populations civilesrecruteespour accomplir
1955, Jadoctrine s'est affinee et s'est imposee au sommet de la hierarchie mili- la besogne militalre.
taire et de !'Etat. Toutes ces pratiques etant incompatibles avec les regJesde l'Etat de droit,
Au debut de 1957, la bata.illed'Algera servi de vitrine internatlonaJe aux cllcs necessitentune legislationd'exception, ou du moins de largesmarges de
concepteurs de la doctrine de la « guerre revolutionnaire » (DGR).Element de manreuvre outrepassant Jes Jois,concedees aux forcesde !'ordre. Ellessuppo-
base de Ia DGR: couper les insurgesde la population, en contrölant une partle scn t egalement que la hierarchle militaire prenne Je pas SUI les autorites
de celle-ci dans des camps de regroupement. Cette distinction brutale entre clvlles. La fin de la 1v•Republique est d'aiUeurspropice a ce retournement,
populations « contaminees » et populations « saines » permet de justifier l'eli- cn raison de J'instabilite des gouvernements et du sentiment chez une part
mination des premieres et l'endoctrinement des secondes. La creation de grandissante de l'armee fran~aisede se sentir abandonnee par l'opin1on et la
« zones lnterdites » autorise en effet !es forces de !'ordre a considerer tout classepolitique, qui lui demande de maintenir l'ordre ä tout prix en Algerieen
contrevenant comme un hors-la-loi et ä le traiter comme tel, au cours d'ope- d~tournant le regard des methodes employees et sans en assumer les conse-
rations eclair (sabotages, embuscades) ou au cours d'accrochages entre qucnces. Enfin, la DGR,par les inevitablesatteintes aux droits fondamentaux
patrouilles et groupes armes. Plus globalement, Ia guerre contre-subversive qu'clle irnplique, s'accommode mal d'une presse libre et s'accompagne gene-
suppose une volonte de contröle du corps social, dans toutes ses activites. Le ralement 9'une censure strkte, ainsi que d'une orchestration de J'information
colonel RogerTrinquier a mene Jeplus loin cette tentative de quadrillagetotal por lesautorites.
de l'espace et des populatlons ä travers son <<Dispositif de protectJoo La DGRest supposee se justifier par les methodes de l'adversaire. Aussi
urbaine » (DPU),qui morceUela ville en « tlots » ä contröler rue par rue. Une volt-on apparaitre une sorte de mimetlsme entre !es techniques utilisees par
teile organisation permet d'imposer Ja propagande de chaque instant qui le) deux camps. « A nous, imitant les peuples europeens du debut du
caracterlsela guerre revolutionnaire. x1x·siecle,de nous mettre ä l'ecole de l'ennemi ts », proclameJacques Hogard
Ensuite, la guerre revolutionnaire est une guerre du renselgnement. l'n d6cembre 1956. Mlrnetisrnefactice, en rfalite, qw permet surtout de legi-
L'acces ä J'information est capital dans tout confllt arme, rnais, dans une t lmcr lcs methocles quc l'on prete ä un ennemi « sauvage », « barbare » ou
guerre qui se joue au sein meme de la popul.ation, le renselgnement devient "communiste ». Laguerre r~volutionnairc,comme l'enfer, c'est les autres.
un element central, le pivot du combat, cens~ pcnnctl're lc tl~nrnntclcrncnt

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Le refusde negocier l'c:cuvrcpatrlotique ». « l lult rllkokon furent atrocement corriges », est-il pre-
cls~ d'une ecriture maladrolte zJ_ L'«amitie franco-kamerunaise » proposee
Um Nyobe n'est pas un chef militaire. S'il a pris le maquis, c'est d'abord pur Um quelques semaines plus tötet refusee avec dedain parait defa
pou.rechapper a la repression et, ensuite, pour instaurer un rapport de forces lolntaine...
lu.ipermettant de negocier un retour dans le jeu politique legal. Le 17 juin Acette periode, d'apres les documents retrouves par la police, Um Nyobe
1957, dans L'Opinion du Cameroun, il expose « Lesvraies solutions pour la a fait son deuil d'une solution non violente. Face a l'echec des negociations,
detente politi.queet morale au Camerou.n16 ». Alors que Ja rumeur court, il II se rejouit que les assassinats conduisent ä la « dislocation du camp
rejette Ja perspective d'accepter un poste de depute. CeJa exigerait au prea- l'nncmi 2•1 ». Le secretaire general de l'UPC aurait meme voulu que trois pri•
lable, explique-t-il, que l'UPC soit relegalisee,qu'une amnistie complete soit ~onnierssoient executes, comme prevu initialement. D'apres un document
votee et que soit installe un comite national impartial pour assurer la transi- rctrouve et traduit par Ja Surete d'Eseka,Um Nyobe aurait ecrit a son adjoint
tion vers l'indepeodance. Le secretairegeneral de J'UPCsous maquis pose ses Plcrre Yem Mback, les 10 et 15 septembre, une lettre glaciale a leur propos :
conditions, mais tend la main. Le 13 juillet, il publie meme u.nelettre ouverte, - SI les femmes et cet homme vivent encore ce serait du sentiment. Si tu vo!s
ferme mais corruale,ason pire ennemi, le Premier ministre Mbida, consacree Nyobc !Isaac Pandjock], dis-lu.ide prendre ses responsabilites. Je repete que
au danger du tribalisme 17 • ,'11s sont vivants cela risque de nous causer des ennuis 25 • » Des propos
Cette main tant de fois tendue ne re~oitpas de reponse. Ni Mbida ni son l'Onfirmesun an plus tard par un maquisard rallie, qui evoque dans son inter-
ministre de !'Interieur Ahidjo n'ont interet a voir revenir dans l'arene de la rogatoire les « violents reproches » adresses par Um Nyobe a ses lieutenants
legaliteun tel adversaire.Une derniere fois, le 27 aout 195 7, Um Nyobedonne trop clements 26 .
des gagesde bonne volonte, dans un texte intitu.le« L'amitie franco-kameru- II est sans doute trop tard quand Mgr Thomas Mongo tente une media-
naise en danger ». Par trois fois, Uy repete qu' « il faut eviter !'irreparable» et, t Ion. Premier eveque titulaire africain de Douala, depuis Je 11 aotlt 1957 27,
pour cela, proceder ä Ja reintegration de J'UPCdans le jeu politique. « Nous c'est un homme respecte au Cameroun. Originaire de la region «Bassa)>,il
avions dit que les heures de Ja patience etaient comptees, rappelle-t-il, nous paralt etre la personne indiquee pour tenter de calmer la situation. II ecrit
constatons avec regret qu'elles s'epuisent 18• » En guise de reponse, la lettre donc a Um Nyobe pour lui proposer une rencontre. La lettre met du temps a
sera censuree et deux journaux camerounais saisis pour l'avoir publiee 19 • porvenir a destination, mais Um Nyobe accepte avec enthousiasme cette
II est difficiled'attendre plus longtemps. Du cöte upeciste, les impatients 1:ntrevuede Ja derniere chance, a condition d'en garder le secret. La ren-
se font entendre. Profitant de la saison des pluies qui empeche des initiatives ron tre a bien lieu, le 1er octobre, a3 kilometres de Boumnyebel.Trois heures
trop harrues de Ja part des troupes fran~aises,le CNO passe a !'offensive,per- tle discussion abätons rompus. Um Nyobe est trop engage pour cesser unila-
petrant vingt-sept attentats aux mois de juillet et aoat 20 . Le « general » Isaac t~ralement les hostilites. II demande le retrait des militaires fran~ais de
Nyobe Pandjock, chef de la branche miHtaire,sort de son röle pour contester Snnaga-Maritime,la desactivation des milices et une rencontre officieUeavec
Ja suprematie politique d'Um. Le23 juillet 1957, il propose al'etat-major upe- lc gouvernement fran~ais.Autant de conditions rapportees aPierre Messmer,
ciste d'operer u.nplan d'assassinats cibJes,qu'il appelle un « enlevement par- ,ussitöt rejetees•.La France refusant d'aacorder au leader d'un parti interdit
tiel ou total » des traitres camerounais et de Jeursmaitres europeens. Citation 1111statut de negociateur legitime, les pourparlers tournent court. Et !es
du president indien Nehru a J'appui : « Je prefere Ja non-violence a la vio- lll taques reprennent de plus belle, atteignant leur paroxysme en octobre 195 7
lence, mais j'aime mieux Ja liberte par la violence que la non-violence (clnquante-neuf attentats en Sanaga,faisant neuf morts). Lesdigues de la vio-
dans l'esclavage21 • » Si Um Nyobe juge trop risque de cibler !es « Blancs»,U lcnce sont rompues. « ll y avait du sang partout 28 », se souvient Paul Pondi,
finit par approuver Jes attaques contre les « valets » camerounais. La mise a orlglnaire de la region et futur chef de la police nationale camerounaise, a
execution est declenchee : dans la nuit du 5 septembre, une vingtaine de propos de cette annee en Sanaga-Maritime.
personnes tuent un notable profran~ais de Makai",a coups de gourdin, Cöte ft:an~ais,ou l'on avait sous-estime la determination des « hors-la-
machette et couteau, avant d'incendier sa case 22 . C'est le premier d'une lol », c'est la panique. lnspectant la region en ce debut d'automne sanglant,
longue serie de soixante-dix meurtres et autant de disparitions, au cours des- lc g61~ralPierreGarbay, responsablede la terrible repressionaMadagascaren
quels les corps des victimes sont souvent mutiles, incendies dans leur case,
parfois le creur arrache. Sur un cahi.er d'ecoller, un « rapport d'activites
11 l'illllppc Galllnrci prtllimtl qu'Um aurult p<lsecomruc condllhln sa nomlnatlon au poste de
cenoises » rclate l'" enJ~vcment» d'« un valet colonlallste .., « pour 11ccomplir l'rcmlcr nil11ISlt'C'
(JlillllJljl~tlAII IAllll,/,t Cmnl'fOIIII, 11/J,r/1., t•JlllC1, p. 223).

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1947, s'etonne quc les maquls carnerolmais," mal armes» et « rnnlencndres », Nouvelledoctrine, nouveaux hommes
soient « cependant insalsissables du falt de leur grande mobilite » 29 • II
s'alarme meme d'hypothetiques « stages d'entratnernent militaire » qui Mbida n'est pas si lncontrölable que ses alUesfran~aisaiment a le pre-
seraient dispenses par d'« anciens eleves d'ecoles de sabotage egyptiennes ». ,cntcr. Comme il Je dit lui-memeau quotidien Le Monde,quelques jours apres
Un chef de subdivision se plaint d'une popuJation a la « mentalite anar- ~on discours choc de Boumnyebel, « il y a des choses que le gouvernement
chiste », aidee par les missions protestantes 30• Chez les catholiques aussi, on fran~ais ne peut pas dire publiquement, mais que nous pouvons dire pour
s'inquiete. Un abbe anti-upeciste regrette de ne plus reussir a « ramener les Jul lS ». Aprestout, si Messmer, l'Eglisecatholique (dont il est le porte-voix)
maquisards dans leurs villages )). « )'ai preche. [...] On ne m'ecoute pas, se et JaSFIO,ä laquelle il s'est affilie ä Paris, l'ont place Ja Oll il est, c'est bien en
desole-t-il. [...) Ce n'est plus de la peur, c'est un etat d'esprit difficile a rolson d'une communaute de vues. Ses gesticulations ne sont que l'habillage
changer. » politique camerounais d'une decision fran~aisemajeure deja prise: passer a Ja
Administrateur en Sanaga en 1957, YvesVergoz se souvient de son vltessesuperieure.
impuissance devant le mutisme de Ja population. « L'UPC, explique-t-il, Fini les improvisations, place a l'organisation systematique de la contre-
tenait une partie de Ja population. Dans !es villages,personne ne parlait 31 », rnbversion. Comme on J'a vu, les mifüaires fran~aisont desormais une doc-
soit par sympathie pour les maquisards, soit de peur d'etre un jour aban- trl ne prete a l'emploi, « decouverte » en lndochine, experimentee au
donne aux nationalistes par les Frarn;:ais,comme l'avaient ete les partisans de Comeroun par Roland Pre des 1955 et, finalement, systematisee a grande
Ja France eo Lndochinetrois ans plus töt. Pour les Fran~is qui en doutaient ~chelleen Algerie.Dans Je monde politique, un des principaux propagateurs
encore, c'est evident : revoici la « guerre revolutionnaire ». Le "Viet-minh de la doctrine, le raclicalBourges-Maunoury,a meme accede a la presidence
camerounais », croit-on, est en marche. Aujourd'hui encore, pour Yves du Conseil le 11 juin 1957. Ala date ou il rencontre Mbida, le 19 aout a Paris,
Vergoz, le diagnostic ne fait aucun doute. « C'etait une guerre subversive, ll1bataille d' Algerest en train de tourner a Ja faveur des « paras » de Bigeard
tranche-t-il. L'UPC,c'etaient des techniciens de la guerre subversive.Et une l'l Massu,au falte de leur gloire. Faceä l'agitati.onau Cameroun, inutile de dire
democratie ne peut pas lutter contre une guerre subversive.A moins de faire que la methode est presque deja toute trouvee. Reste a designer ceux qui la
comme eux. » Precision interessante : c'est Pierre Messmeren personne qui, 111cttronten place...
un jour de janvier 195 7, au plus fort de la repressionconsecutive au« boycott Ausein de l'appareil politico-militaire,tout le monde n'est pas convaincu
actif » de decembre 1956 (voir chapitre 11), avait convaincu le jeune adminis- pnr ces doctrines ä la mode, qui font la part belle aux methodes « psycholo-
trateur Vergozde Lapertinence de cette grille d'analyse. Messmer,survolte ce Mlques». Quand, mi-1957, il re~oittoute une documentation de Paris au sujet
jour-la- il avait fallu l'empecher de se faireparachuter en pleine Sanaga-Mari- de cctte nouvelle fa~onde faire la guerre, le general de division Dio, comman-
time ! -, lui avait parle avec passion de son experience indochinoise... dont superieur des forces armees de l'AEF-Cameroun,est vent debout contre
Cöte politique, le ton monte. En octobre, !es autorites battent Je rappel l'Ctte « erreur flagrante». II s'est illustre sur les champs de bataille durant la
des troupes d'AEF. Un peloton mobile porte debarque de Brazzaville32 • En ~cconde Guerre mondiale, au terme de Iaquelle il est devenu le plus jeune
novembre, ce que Mgr Mongo etait venu proposer a Um Nyobe avec diplo- HCnfralde brigade de l'armee. Mais, depuis, il est passe a cöte des evolutions
matie, Andre-MarieMbida tente de l'imposer avec brutalite : un ultimatum. döC1rjnales des officiersde sa generation. Affecteau Marocet au Cambodge, il
Ce 9 novembre 1957, Je Premier ministre entoure de sa garde rapprochee n'o ..,fait )> ni Ja guerre d'Indochine rucelle d'Algerie.n prefe.reles actes aux
s'invite dans Je village natal de « Mpodol », a Boumnyebel.Dans un discours • couseries». Et il connatt ses « Africains>>:« Desindividus aux reflexescondi-
d'une tres grande violence, Hdonne dix jours « a tous les Bassa,upecistes ou 1lon 11espar un sens feodal ou tribal des rapports politiques et sociaux et par
non, qui se trouvent dans !es forets » pour abandonner le combat. Lesautres 1111respect inne de l'autorite absolue et sans phrases. » Jouer sur Ieur « psycho-
« seront consideres comme de veritables rebelles au gouvernement came- loglc » ? Quelle idee ! Lefond de J'argumentaire est clairement raciste. Marque
rounais et seront traites comme tels 33 ». Mbida dresse la liste des mesures qui pnr un « ecart encore tres appreciable » avec celui de 1'«Europeen », le monde
seront prises au cas Oll les «Bassa» refuseraient de plier : interdiction de cir- nf1lcain du general Dio est semblable a celui des animaux, « sans phrases ».
culer apres 19 heures, regroupement des populations pres des axes routiers, , Lc bourrage de cräne, la recitation de formules, l'endoctrinement systema-
interdiction des cultures eloigneesde plus de 3 kllometresdes routes 34••. llquc », th!!orlsespar les nouveaux doctrinaires de l'armee fran~aise,« ne cor-
rc,pondcnt en rien au g6nic de notre racc » 3~, explique-t-il. .. Un vieux
l>aroudcurdes actlons de clloc, licu1c11antfougueux parachute sur Esekaen

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decembre 1956, aujourd'hui demlsslonnalre cle l'armee, le general Jean lmm~dl1nementles maquis viet-mlnh quand il analyse le CNO camerounais.
Salvan, n'a pas oublie Dio, « archetype des offlciers cle la vieille coloniale ,,. Mcttnnt cn garde contre un optimisme exagere » au lendemain du souleve-
(<

Coupable d'avoir rate le virage de l'« action intelJectuelle » et de la conquete mcnt de decembre 1956, fl rappelle qu'« il y a rnaintenant des hommes dans
des esprits, l'homme fort de l'armee frani;aise en Afrique « n'avait jamais lc~ n1aquis,qui ne peuvent en sortir que pour agir contre nous -11 ». La suite
entendu parler de Gramscl », s'amuse ce disciple de Bigeardet Trinquier 37• Ses lul a donne raison. A la meme periode, il est encore le premier a mettre en
heures sont donc comptees. ~{Orde contre des evenements qui ,< peuvent nous obliger a une veritable
Fin 1957, pour rompre avec les echecs precedents, il faut manüestement g~Jcrrc». Dans une courte note confidentielJe de debut 1957 42 , il pointe, avec
renouveler le personnel. En remplacement de Dio, on envoie LouisLe Puloch, ,n~prlsmais lucidite, la nature profondement politique des troubles: l'aspira-
un general energique, « petit, fort, sanguin » (dixit Marcel Bigeard 38), en tlon irrepressible a l'independance des upecistes, dont « l'amour-propre
guerre depuis 1939, futur chef d'etat-major de De Gaulle en 1960, dorrt les ins- d'homme est tellement exacerbe qu'ils preferent remonter aux cocotiers et
pections sont craintes dans toutes les compagnies•. Au commandement des Clrc libresque d'avoir des routes bitumees et etre traites comme des mineurs ».
forces armees du Cameroun, Je colonel Christian du Crest de Villeneuve rem- J)oustln comprend mJeux que quiconque qu'il n'a pas affaire ade simples
place Jean Whitehouse. Le chef d'etat-major de ce dernier, qui a fait ses l)nndits, mais aune Opposition armee et determinee.
preuves au comrnandement du 2• batai11on des tirailleurs du Cameroun Fort de cette analyse, le chef de region affirme dans la meme note qu'il a
(BTC2),le lieutenant-colonel Jean Lamberton, prend du galon. Ce sont ces l~cn desaccord frontal avec Ja politique de Pierre Messmer.En 1956, Doustin
trois hommes nouveaux qui seront les chefs d'orchestre militaires de la .1ur:1itprefere une amnistie negociee avec l'UPC, qui aurait permis des elec-
ZOPAC.Mais !'initiative de cette zone est clairement politique, et assumee llons « pleinement valables », mais l'option du passageen force a ete preferee.
sans defausse. Elle revient au Haut Commissaire. « Bon democrate », PJerre II mtrlbue cette « erreur », qui « a jete l'UPC vers une solution de vioience »,
Messmer expliquera en 2000, dans un lang entretien biographique accorde a :Juxcrrements de la « politique interieure fran~aise ». Mais, en 1957, il assume
Ja chaine de television Histoire, qu'il ne pouvalt plus tolerer les rebelles. Ces 1\•ngrenageenclenche. « Maintenant les des sont lances, ecrit-il. Les evene-
« gens quJ font des operations en foret », « brfrlent des villages » et « cassent 111c11ts commandent et nous obligent ä une politique de repression que nous
la voie ferree toutes Ies nuits ». « Eh bien, pulsqu'ils n'acceptent pas la regle n'nvons pas voulue. » Apparemment familier des theories de la contre-insur-
democratique, s'exclame-t-il en refermant subitement le poing comme pour r<:cllon,il preconise en quelques mots les lignes directrices de Ja « politique
intercepter une mouche, je les... elimine 39 ! » de cl1oc» que sera la ZOPAC.Sans davantage de scrupules, JI dessine ce qu'il
"1ppcllele « plan d'ensemble », et qui se revele etre un projet de manipula-
11011 des masses pour Ie moins autoritaire. Qu'on en juge: « Faire participer La
Untlieoridendiscret:DanielDoustin population par tous les moyens a notre action », « dresser Ja population
rnntre l'UPC », « organiser [... ] des autodefenses dans !es villages et des
Derriere les fanfaronnades de Messmer ou de Lamberton, on peut tou- patroullles d'habltants » en ville pour « compromettre Jesgens [...] collective-
tefois dire que le vrai precurseur de la ZOPACs'appelle Daniel Doustin, un 1ncnt», creer un « bureau psychologique tres reduit », « utiUserafond la pro-
homme discret de 37 ans, fin connaJsseur des reaJites politiques camerou- (htga nde chuchotee » pour lancer des « contre-rumeurs », « etablir la
nalses. «Attention! Doustin, c'est un cräne, previent l'ex-prefet d'Eseka l cn I ralisation de tous les renseignements (militaire, gendarmerie, Surete)
Roland Barachette. La race des grands commis de !'Etat 40 ! » Doustin 11our verification et diffusion immediates», accelerer tes procedures judi-
deviendra Haut Commissaire et ambassadeur au Tchad, puis directeur de la tl,1lrcs« pour frapper l'opiruon africaine », instituer des « tribunaux d'excep-
Direction de la Surveillancedu territoire (DST)de 1961 ä 1964, prefet et enfin llon •, « recenser tous !es chömeurs des villes » afin de« les emprisonner pour
directeur de cabinet de Raymond Barre aMatignon. v11w11,ondage » ou .les« reconduire dans leurs villages», « epurer l'admlnistra-
Des janvier 1957, alors chef de region de Nyong-et-Sanaga, cet homme llon des elements troubles >,,expulser Ies Europeens qui « portent un preju-
de du Territoire s'est montre comme souvent visionnaire - et donc pessi- dkc ccrtaln ä notre presence dans ce pays », « faire faire pour l'ONU de
miste. Ancien directeur de l'lnformatlon en lndochine, Doustin revoit 1H1111breuscs pelitions d' Afrlcainsdeclarant qu'ils sont menaces par l'UPC » et,
hlon cntcndu, constltuer « en zones operationnelles un veritable commande-
a • Whcn it comcs to dlsclpli11c, Napoleon was a softlc comparcd to l,.c 1>u1och
•. l!crlra le 11ll•11Iunique, IOul en donnant des Instructlons tres precises,en particulier sur
7'1,11ec111960(«Alscrlo:ln thcscal~s•, 1'1mcMaso1/r1c, ,1julllct 19M). lt•,tilc polltlco-mllltnlrc des groupes de combat ».

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Surtout, il met au point le cadrage fondame.ntaJde la propagande a venir. Conan, lcquel s'lllustrera au moment de la concluslon tragique de la ZOPAC
Puisque la rebelJion est politique et puisque la France refuse de negocier avec (volr chapitre 16). Pour completer le tableau, Lamberton est seconde par un
eUe,il faut la depolitiser et transformer les nationalistes en simples terrorlstes c:crlalnNoel Plolot, lecteur du journal d'extreme droite Minute, qui a, comme
sans foi ru loi. Bien specifier que nous ne nous battons pas contre un parti
(< lul, servi Vlchy en lndochine pendant la Seconde Guerre mondlale 46•
qui demande l'independance, recommande-t-il, mais contre un parti qui La ZOPAC est une zone d'exception, limitee dans le temps
assassine, incendie et sabote. n y a la toute une propagande il mettre sur (decembre 1957-decembre 1958) et l'espace (1amajeure partie de la Sanaga-
pied. » Doustin imagine meme de deguiser le Premier ministre Mbida, par- Maritime). Lesautorites habituelles y sont court-circuitees, en particulier Je
tisan de !'Empire franc;ais, en leader d'un « parti nationaliste honnete » et commandant mmtaire du Cameroun lui-meme, le colonel Christian du Crest
catholique « a la place de l'UPC », « qui pourrait garder l'independance en de Villeneuve, arrive d'Alger le 14 novembre 1957. Sujet a des etats d'äme
slogan ». 6trangers ä ses collegues, peu famUierde Ja guerre contre-revolutionnaire, cet
Dans une conclusion paradoxale, l'auteur de la note avoue qu'il « per- officler sec de 52 ans, retranche a Yaounde derriere ses grandes lunettes, est
siste a penser qu'a longue echeance cette politique n'est pas Ja meilleure. Mais t raite en simple spectateur par ses superieurs... et ses subordonnes, tous plus
je n'en vois pas d'autre pour le moment; simplement, je la subis ». Bref, Je jeunes que lui. Les appreciations qu'il porte sur Lamberton, « jaloux de son
Cameroun s'engage les yeux fermes dans une direction que son principal autori.te», « sujet a des coleres violentes mais courtes », <(correct sans ele-
theoricien juge lui-meme mauvaise. Comme si la logique de guerre froide gance », « tres sur de lui, n'ecoutant aucun conseil » 4 7, montrent bien la
l'emportait dans des esprits affoles. Chez Doustin, par exemple, de la decision nature de leur relation. Tout comme la remarque assassine laissee dans ses
de creer ou non une « zone de pacificatlon » depend « pour une tres !arge part annotations par Lamberton apropos de son superieur direct: il ,( s'est revele
l'avenir de la politique franc;aisenon seulement au Cameroun, mais peut-etre cornme un franc salaud a mon egard et n'a cesse de m'em.merder pendant
aussi en Afrique noire ». La marche de l'histoire semble s'imposer ason prin- mon commandement de Ja ZOPAC48 ».
cipal stratege, qui s'engage dans Ja repression a outrance. Pour lui, en effet, « la Les quatre hommes forts de cette operation, Messmer, Lamberton, Le
prudence des imbeciles ne paie pas 4.J ». La guerre du Cameroun aura bien Heu. Puloch et Doustin, ont un point commun que ne partage pas Je geneur. Ils
sont tous << malades de l'lndochine 49 » ou, quelques annees auparavant, ils
ont falt Jaguerre aux troupes d'Ho Chi Minh. Le premler, Messmer, s'est para-
La miseenplacede la « zonedepadfication» cl1ute en zone hostiJe en 1945 avant de s'evader d'un camp viet-minh et de
diriger Je cabinet du Haut Commissaire Emile Bollaert en 1947-1948. Le
Entree en vigueur le 9 decembre 1957, la ZOPAC est placee sous le tleuxieme, Lamberton, y a passe toute la Seconde Guerre mondiale avant de
commandement conjoint de Lamberton, pour sa partie militaire, et de rommander le z• bureau des forces terrestres en Extreme-Orient eo
Doustin, nomme delegue du Haut Commlssaire du Sud-Cameroun, pour sa 1949-1950.Le troisieme, Le Puloch, a ete chef de J'etat-major particulier du
partie civile. Visant Ja « destruction de l'orgarusatlon revolutionnaire de type ! laut Commissaire va-t-en-guerre Thierry d'Argenlieu en 1946-1947. Leder-
communiste » qui destabilise la region, la ZOPACprevoit 1'«integration de nler, Doustin, a organise Ja lutte contre les maquis a Ja tete de l.aprovince de
l'action militaire et de l'action politique » ~4 • Lamberton installe son PC au Kontum jusqu'en 1954. VoiJaqui peut contribuer a creer une arnbiance parti-
c~ur de Ja region, a Eseka, dans l'enceinte de la Societe des bois du Came- cullere au Cameroun ... D'autant que, en plus du tronc commun indochinois,
roun. Il diffuse aussitöt son « instruction generale n° 1 », qui enumere ses tro.is cl1acun transporte ses propres references.
objectifs : 1) Soustraire la masse de Ja population aux pressions physiques
<( On eritend ainsi de nombreux responsables, militaires ou administratifs,
et morales des chefs de l'organisation rebelle; 2) isoler les forces paramili- rcvendlquer de « s'inspirer de methodes qui ont falt leurs preuves aiUeurs »,
taires de la rebe1lion ; 3) afin de favoriser le processus de leur desagregation cornme le dlt l'administrateur Marc Botti en decembre 1957, en reference ä Ja
pour aboutir a leur elimination 45 • » Et Ies trois procedes adoptes pour y par- • paclfication du pays kikouyou so» au Kenya (1952-1956)". Lamberton, lui
venir : <( 1) Regroupement de la population le long d'axes routiers afin d'en
faciliter son contröle et sa securite ; 2) propagande et contre-propagande ; 3)
recherche et exploitation de renseignements. » Le capltaine Gabriel Haulin " Qrnf ront~ ä clc~mo11v;.:1n1mts narlo11alls1esen Aste et en Afrtque, le Royaume-Uni a parfois
cu tC'cours lul nu~,I .\ de vtolontc~ strot6gtes rl!presstves. Au Kenya, considere parfois
centralise les renselgnements. Le lleutenant Plerre Delaunay commande commc I'• 1\lg~rlu du Commnnwc•ulIh •, to l11ttc conIre l'lns11rrccllo11 Mau-Mau s'est
l'escadron de gendarmerle d'Eseka. La S0rete del~gue l'ln~pcctcur Georges {UIU~1~11~~(•pur,o l)tu!Ulll~. N~o:III sein <JuJlCllf)ll•Klk11y11,In rN,elll()l1,dlrlg<:ccontrc Jes

SR 59
,:m ~"' l'UI'(.' ( /9\5 /'ISH) ,,,, ~ or(~lnt•\ d,•/a LUl'A<·: /'lmport,,tlon 1/1,mr1l11t1rln1• m Smu1s,1-Marl//111e
1r,//lt11lr1•

aussl, a en tetc la represslon des Mau-Mauau I<enya,nials cgnlcment lc sou- Feuvertpolitique


venir du soulevement des Huks Ba Lahap aux Phllippines (1946-1955) 51a.
C'est aussi l'epoque des tres discretesoperations « Ouragan »et« Ecouvillon» La ZOPAC est donc instauree debut decembre 1957, mais un plan
en Mauritanie: main dans la main avec l'armee franquiste, debut 1958, Jes d'actlon plus precis n'est adopte qu'en janvier sulvant. Au cours de ce pre-
militairesfran~is y combattent les rebellesmarocains au Saharab.Enfin, Lam- mlcr rnois,se jouent en effetdans les coulissesdes negociatlons serrees.Mbida
berton et Messmercomparent tous deux leur combat en Sanaga-Maritimeau ,c d~mene pour accentuer la repression. Dans une Iettre au ministre de la
« succes52 „ de l'armee fraw;aisea Madagascaren 194 7 - ou Ja repression des l·rance d'outre-mer, Ie socialiste Gerard Jaquet, Je Premier ministre came-
insurgesaurait cause entre 40 000 et 100 000 morts... 1ounais pretend faire pression sur Ja France pour obtenir son engagement et
,'.1~surerde « mesures militaires pour reprlmer, ä temps et totalement, la
1~1Jcllion 53 ». Sans quoi II promet de Iaisser les populations se faire justice

l'llc.,-memes:"C'est peut-etre la derniere fois que Jegouvernement du Came-


nombreux colons blancs qul monopoUsalent les Hautes Terres blanches au sein d'uo sys-
roun lntervient au sujet de ces graves problemes de maintien et de retablisse-
teme polltlque tros Inegal, cst partle des mllleux paysans sans terre, des anciens combat-
tants abandonnes et des ouvrlers syndiques. De 1952 ä 19S6, l'etat d'urgence instaure par rncnt de l'ordre au Cameroun par l'autorite tutrice. Des mon retour au
le nouveau gouvemement conservateur de Londres a permis aux autorltes coloniales de Luneroun, en effet, je me verrai oblige de redonner aux populations autoch-
lancer la « villaglsation „ et de regrouper de force des dlzalnes de mllUers de Kikuyus dans 1oncset ä tous les amis du Cameroun, de prendre toutes les mesures voulues
des camps et des • reserves •• de placer 76 000 personnes en detentlon arbitraire, d'ex~
cuter plus de l 000 condamnes ä mort et de constituer des troupes de suppletlfs • loya- JMreu)(-memespour reprimer la rebellion de l'UPC.» fl se prevaut de l'aval
llstes "• sans parler du recours ä la torture et aux executlons sommalres. Le leader t111nouveau ministre de Ja Defense fran~ais (depuis le 6 novembre 1957),
nationaliste du Kenya Afrlcan Union (KAU),Jorno Kenyatta, sera abuslvement asslmlle l,u.:quesChaban-Delmas,« d'accord avec nous pour que la rebellion de l'UPC
aux Mau-Mau et emprlsonne pendant neuf ans, avant de devenLr le premier chef d'l::tat du
~011etouffee dans son noyau ». Chaban n'est en effet pas aconvaincre: c'est
Kenya indepcndant, de 1963 il 1978 (Bruce BERMAN et John L0NSDALE, Unhappy Valley.
Co11flictin Ke11yt1 mul Africa(2 vols),James Curey, Londres, 1992; Gerard PRUNIER, • Le "rol- lul qui est en train de creer en Algerie,a cette epoque, Je centre d'entraine-
gentleman et lc president-terroriste". Mythes et realltes de deux decolonlsatlons 111c11t a la guerre subversive de PhilippevWedu colonel Bigeard, apres avoir
comparees: l'Ouganda et le Kenya •, /oc. cit., p. 239-256).
p1opose a ce dernier un mandat de depute 54• « La France, seule autorite
a Le gouvemement pro-ocddental des PhUlpplnes, pays lndependant des l::tats-Unlsdepuls
1946, a dfi faire face ä l'lnsurrection paysanne d'obedlence communlste des Huks Ba Lahap 1111rlce, repondra de la situation qui sera alors creee », conclut martlalement
de 1946 ä 19S5, qui avalt dejil combattu !'Invasion japonalse durant la Seconde Guerre Mhida.Jaquet, trois semalnes plus tard, l'irnplore de « persuader !es popula-
mondlale. Le pouvoir de Manille, face a la progresslon des lnsurges, a eu recours ä des llons carnerounaises de renoncer a se faire justice elles-memes55 ». Lesdurs
unltes spectallsees dans la contre-lnsurrectlon, qui propagerent la terreur pannl les popu-
latlons dviles sou~nnees d'alder les tnsurges. Le gouvernement finit par l'emporter sur
11htlennentsatisfaction.
la gueriUa des• Huks • gräce il l'aide milltalre americalne, notamment en matiere d'action Mbidaet Messmervont si loin qu'ils effraient les membres de leur propre
psychologique. wwvernement, qui n'avaient pas prevu de partager avecJa France la responsa-
b En 1957, LaMaurltanie, colonle fran\illSe dlrl.gec par !'Union progresslste maurltanienne hllltc des mesures de repression qu'ils appelaient pourtant de leurs vreux un
de Mokhtar Ould Daddah, voit son lntegrlte territoriale contestee par le Maroc, lndepen-
111ols plus töt. Le Haut Commissaire, agace, decrit un Conseil des ministres
dant depuis l'annee precedente. Le roi Mohammed V revendlque Lasouverainete sur son
voisin du Sud, reprenant alnsl ä son comptc les demandcs de l'lstlqlal, le partl d'Allal EI l 1111,crounais au cours duquel « Ja reticenceetait visiblesur tous les visages56 ».
Fassi.LeMaroc revendique egalement le Sahara occidental, lfnl et le Rio del Oro. Ces trols C l'I talns, emmenes par Ahidjo, vice-Premier ministre et rninistre de l'lnte-
terrltoires sont alors sous souverainete espagnole, regroupfa depuls 1946 au sein de 1ll•ur," reraclent 57 » desormais aprendre des« mesuresd'exception » et ergo-
l'Afrlque occldentale espagnole (AOE). Fran\ills et Espagnols, dans le plus grand secret,
s'allient donc en 1957 pour repousser 1'• Armee de liberatlon du Sahara •, mise sur pled par 11•111 ~ur la legalite pour leur gouvernement d'assumer le maintien de )'ordre.
le pouvoir che.rlflen dans le but de creer un « Grand Maroc •• pratiquant des lucursions en '\1111, doute n'avaient-ils pas anticipe, au moment de recevoir les "joujoux et
terrltoire espagnol eten Maurltanle. Lesoperattons « Ouragan • (10 000 hommes ve.nusde ~11tcttes» de la loi-cadre (voir chapitre 11), qu'ils devraient en echange
l'AOF et trols groupements espagnols) et• l::couvillon • permettent rapidement, en
fevTier 1958, de mater les rebelles marocalns ä la frontiere nord de la Maurltanie. A noter 11\\u111cr la sous-traitancc de la repression... Messmer s'emporte contre ces
que Pierre Messmer a ete Haut Commlssairc de la Maurltanle jusqu'en 1954 et Louis Le ,nupulcs juridiques », qui" ne sont autre chose qu'un manteau couvrant Je
Puloch son cornmandant mllltaire jusqu'cn 1953 (voir: Georges CltAl'l'ARD, Le.1Camcts tl'lll\ des rcsponsabilites». Pour lui, II est hors de question d'assumer seul la
secretsde la d~co/011/sation, tomc 1, op. cit., p. 2S 1-288; Jacques GUILLEMIN, • Lcs campagncs
mllltalres fran<11l~esde la d~colonisatlon cn Afrlque suh,nhorlcnne •, 1" Mols"" A(rlq11r,
ll'~ponsabllltcdu sale boulot ...
mal-Juln 1982; Fran~ol_se011.ASrAAE. • I-C\rcvcndlc:1Uom maroc111rw~ \llf lo Maurllonlc •, Quclqucs jours plus tard, les" mcsurcsde !)ecuritecxceptionnelle » finis-
Rrv11e(rm1111/s1• 1/t:~r/e,,ce/HJlltlqul', vol. 16, 11° 2, 1966, p. 120,.1\ 1). "'"' pnr Nrc adopt~c, nu Porlc1111:nt ,umcrou11als. Sous pretexte quc les

60 ,61
,.,t'II \III 1'U/'( ( 11>.Ht •l~H) •III\ u,ls/111•\ 1
t/1 '" /,0/')I(;: l'l111pu,t11t/011
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Camerounais cn sont restth ~ "un nivcau soclal, un niveau d'lnstructlon tr~s ,c pressent )OUS lcs ordrcs du comrnandarll mllltalre. C.:'estla diverslte qui
differents » de ceux des Fran~ais,lc texte accepte la posslbilll~d'lnstaurer par caracLcrisecettc armcc. 11y a d'abord des soldats issus de l'Union fran~aise,
decret des laissez-passer,des assignations ä residence sans jugement, l'inter- comme Marien Ngouabi, futur president du Congo-Brazzaville,qui effectue
diction des groupes et des publications • de nature a nuire ä ta securite ou a alors son service militaire au Cameroun. De nombreux anciens combattants
!'ordre publics 58 ». Une autre loi stipule Je« renvoi devant les tribunaux des africains ayant servi en lndochine sont egalement affectesen ZOPAC65. 11y a
personnes qui contribuent a encourager Ja rebellion », avec une peine mini- aussi quelques Fran~ais,appeles du contingent, comme le sous-lieutenant
male d'un an d'emprisonnement ä la cle 59• Des dispositions dont le ministre Michel Boulet,seminariste lache a25 ans en pleine broussea la tete d'une sec-
de Ja France d'outre-mer reconnait qu'elles constituent d'« importantes dero- tion d'une trentaine de soldats tchadiens ou gabonais mal formes 66 • Enfin,
gations » aux accords de tutelle et au decret du 16 avril 1957 creant !'Etat du des professlonnelsde la contre-guerilla,comme le capitaine Hebert, qui avait
Cameroun... Autrement cUt: des cUspositionsillegales,car adoptees sans vote monte des faux maquis viet-minh en Indochine quelques annees plus töt 67,
du Parlement fran~ais. ou le capitaine Jean-Marcel Dupouy, commandant du Groupement colonial
Dans ce cHmatliberticide,le semblant d'attachement a!'Etat de droit qui de commandos parachutistes (GCCP)d' AEF-Camerounde 1955 a l 958 681
subsistait au Cameroun n'est deja plus qu'un lointain souvenir face a lcquel s'illustrera plus tard aJa tete du 2e RPIMAen participant au putsch des
l'urgence de la lutte. Le 27 decembre 1957, dans cette sorte d'emulation col- generaux d'Algerde 1961 69• Tout le monde est pret pour passer a !'offensive.
lective, I'administrateur Marc Botti brise un tabou supplementaire. En poste
au Cameroun depuis 1949, il propose ce qui lui appara1tla « mesure Ja plus
efficace» : l'lnternement de tous les suspects, c'est-ä-dire dans son esprit de
tous les individus ayant ete detenus, « qu'ils aient ete condamnes ou non »,
soit Ja bagateUede 2 % de la population, « en moins de trois jours et avec le
maximum de discretion » 60. L'objectif pour Jul n'est plus uniquement de
maintenir l'ordre, mais de« reduire au silence quelques opposants au
regime ».
Le debat n'est pas seulemeot politique. Car, finalement, qui se soucie,
parmi les vrais decldeurs, des etats d'äme d'Ahidjo? Ahidjo lui-meme saura
d'ailleurs Ies mettre de cöte rapidement. La vraie reorganisation, en ce mois
de decernbre 1957, se joue ä Brazzaville,siegede l'etat-major de la ZOM2. La
transition entre les generaux Dio et Le Puloch entraine un changement
radical. Alorsque Dio etait hostile au renforcement des moyens militaires au
Cameroun, Le Puloch, qui en fait desormais sa priorite, demande a Paris des
renforts et des credits. En accord avec Ja nouveUepolitique, il se fait Jedefen-
seur d'une « vigoureuse action politico-militaire » pour « regler Ja question
tres rapldement », « sous peine de volr le pourrissement s'etendre aJalongue a
l'ensemble du Sud-Cameroun» 61• Sans etre un theoriclen de la guerre revolu-
tionnaire, le nouveau commandant a Brazzavilleest suffisamment eo phase
avec son epoque pour faire une confiance aveugle a un vrai doctrinaire :
Lamberton.
Ses vreux sont exauces. Conformement aux promesses de Chaban, les
compagnies de parachutistes de toute l'AEFaffluent et se relaient toutes les
deux semaines de mal adecembre 1958 62 : deux en decembre 1957 et trois cn
janvier 1958, portant asept le nombre de compagnlcs ä la dlsposltlon de Lam-
berton 63, qui scront bientOtcompletees par un etat-major de batalllon et un
61
complcment d'cncadrement pour un dcuxlemc ttat-11101or 1 500 hommcs
1r
/11/',I(, (/): ll'SI/Jllp('r'l!f t'lifl1JClri111

15 Depla.cer
/espopulations:« viderle bocal>>
pourque « lespoissonssoientau sec»
ZOPAC(I): regrouper
et endoctriner
II faut commencer par regrouper !es hameaux tres disperses du pays
IIM~a. Ces tentatives de regroupement ne sont pas nouvelles en Sanaga.Mais,
• II est possible que l'on fredonne longtemps, dans la t l·I tc fols-ci,elles sont menees a bien en un temps record, le Jong des « pistes
region du Nyong-et-Kelle, l'lndlcatif musical qui dt• rcgroupement » qui relient !es villes d'Eseka, Ngambe et Pouma. Des le
annon~ait les seances recreatlves sur l'air d'une ren-
galne a succes : "Tu tc souvlendras de moi/Quand tu ,<,cJ~ccmbre1957, le travail de deplacement de popuJations, qui a ete decide
ne m'auras plus ... ".,. lill inois auparavant, est presque acheve - il le sera totalement quatre mols

Colonel Jean LAMllERTON,18 fevrier 1960 '. plul)tard. Ce deplacement, aussi massifqu'expeditif, s'est derouJe sans accroc
t·n croire les responsablesfran~ais.« LapopuJation se prete volontiers acette
111c~11rc(saufexceptions signalees),parfois meme eile va au-devant », peut-on
llrcdons un rapport de l'epoque 8• Eo marge d'un paragraphe dans lequel l'his-
10,len Achille Mbembe evoque !es brutalites exercees sur les paysans a cette
m·cnslon, le vieux general Lamberton n'en demord pas: il a griffonne un
• 111 ux ! » rageur 9 ...

« E n foret se cachent la bete feroce et l'homme crimineL2 • » C'est ce


slogan, abondamment diffuse par Lapropagande fran~aise en pays
Un rapport de Ja Surete indique pourtant des Je debut des operations que
" t ('J tains villageoisparaissent affectesd'etre dans 1'obligation d'abandonner
10
li'IU~ caseset leurs biens ». Un militaire fran~aisreconnait bientöt que « les
Bassa,qui pourrait illustrer Ja premiere phase de la ZOPAC,a savoir le regrou- p1opostenus n'ont jamais ete tendres a notre egard, et cela pour cause, on ne
pement des popuJations. Pour couper les combattants nationalistes de leurs d0ploccpas des gens, on ne change pas leurs habitudes sans s'attirer des cri-
proches et de leurs sympathisants et faciliter Lasurveillancedes populations, ll~tuc~acerbes11 ». Quant a l'administrateur Marc Botti, il confirme que les
Lambertoncommence, methodiquement, par « vider L'eaudu bocal ». Car en 111woupements ne peuvent exister « que sous la contrainte » et evoque meme
pays bassa, dans cette region de Sanaga-Maritime berceau de Ruben Um l'wtlrc de Doustin « pour que !es cases non regroupees soient brillees par les
Nyobe, Ies militants de l'UPC sont « un petit peu comme des poissons dans ltlllC~ cfe!'ordre» •
12

l'eau », pour reprendre l'image favorite des eleves de Lacheroyque reutilisera Quoi qu'en ctiseLamberton des decennies p'lustard, le « regroupement »
spontanement Messmer,des decennies plus tard, chaque fois qu'U evoquera li11t~ cfcspopuJations se fait, dans la plupart des cas, dans une extreme vio-
ces evenements. « L'arrnee s'est efforcee de pomper J'eau, pour que les ll•llll'. Pour s'en rendre compte, il sufüt d'aUleurs de se reporter a Ja propre
poissons soient au sec», resumera le vieil homme en souriant 3 • p,o~I.'cfucornrnandant militaire de la ZOPACau moment des falts. Des sa pre-
L'organisation de camps de regroupement est une constante de Ja guerre 111!~1c lnstruction generale en decembre 1957, Lamberton ordonne: « Toute
revolutionnaire, depuis les premieres experiences de vlllages fortifies rnenees 111\t• ou Installation subsistant en dehors des zones de regroupement devra
par Jacques Hogardau Cambodge en 1952 4 jusqu'ä l'Algerleapartir de 1956, 111l1 cntierement rasee et leurs cultures avoisinantes saccagees13 • » C'est lul
en passant par la « villagisation » en pays Kikuyuau Kenya.Ace moment-la, Ja , 14olcmcni- qui, en fevrier 1958, envoie des detenus raser les casesdetruites ou
polemique apropos de ces pratiques appliquees a l' Algerie n'a pas encore l110l~cssur la raute Pouma-Mbanga14 • C'est encore le meme homme qui, au
eclate - i1 faudra attendre avril 1959 et la publication du rapport secret du 11i~oH1 moment, demande des sanctions contre !es refractaires, allant de la
jeune enarque Michel Rocard 5• En 1957, avec pres de quatre cents camps, ll1•~111ution » des chefs et notables a leur pure et simple« deportation » 15 • Les
cette politique est en plein developpement en Algerie,menee notamment par l ltlffrc~sont difficilesa trouver aujourd'hui pour illustrer l'ampleur du phe-
le prefet de Constantine Maurice Papon, qui recommande seulement d'eviter 1111111~11c. Mnis,selon !es souvenirs retrospectifs d'un journaliste instaUe au
l'emploi du mot «camp» pour ev.iterde preter le flanc ala critique 6. Comme 1 ,1111Nounpendant les annees 1950 et 1960, Charles Van de Lanoitte, pas
.l'ecritLamberton, donc, « !es moyens d1act1onsont connus 7 ». 11H1l11s de« ccnt cinquantc-slx petits vlllages du pays Bassa», alnsi vides de
lt'III'l10IJltnnts 1 nurnicnl ~t6 « ra~ös,
sous pr6rcx1·c ctercgrouper les populations,

f)/1, 26S
s11rl'Ul'C:(l 'IS.'i IIJ5fl)
/.'c11 /( II', H (1): 11N11J11/Jl'r lncr
ct 1•11tlo111

en realite parce que !es rnaquisards y trouvaient refuge » 10. Et Ja reglon se j11sllfl6calnsi par l'admlnlstrateur: •Jene doute certes pas que parmi ces
couvre de« centres de regroupement ». 6migres sc trouvent des personnes pcut-~tre politiquement encore saines,
Pour les viJlageoisdeplaces de forcecomme pour !es milliersde« maqui- 111alsII est neanmoins ä peu pres certain que des elements troubles ont dOs'y
sards >, qui fuient ces operations militaires, !eszones de regroupement ne sont glisser, rlsquant ainsi de creer dans le Nyong-et-Sanaga[region de Yaoundej
rien d'autre que des « camps de concentration ». C'est alnsi que les designe une zone d'agltation dans un futur encore indetermine 20 • »
encore aujourd'hui, comme beaucoup d'autres, Alphonse Boog.Ancien sym- Comme en Algerie, les consequences sociales et economiques du nou-
pathisant upeciste passe du cöte de l'administration, il avait alors ete nomme vea u mode de vie en camp sont dramatiques. Un administrateur, en
chef du camp de regroupement de Ntouleng, pres de Bot-Makak. « Nous decembre 1957, predit une « effroyable misere » aux popuiations privees de
etions un peu plus de 2 000 ämes, se souvient-il. Tous les habitants des vil- l'acces a leur plantation. De plus, comme !es marches ont ete interdits eux
lagesdu coin y avaient ete regroupes. » « Ceinture d'une barricade », Je camp ;wssi,pour empecher le ravitaillementdes maquis 21, il est impossiblepour les
est delimite par une enceinte de sept metres de haut « faite d'un grand paysans d'ecouler leur production de cacao. Pour couronner Je tout, le
nombre de piquets mis ensemble »et« munie de miradors ». Ces dispositions 4 fcvrier 1958, le chef de region Jacques Rivaille ordonne l'arrachage des
draconiennes imposees par l'occupant fran~aissont mJsessur le campte des rtcoltes, de fa~on a« affamer les maquisards qui se prelassaienttoujours sans
maquisards,a l'aide d'une propagande simplistequi promet: « Plusde maqui-
lnquietude dans les forets, beneficiant du soutien de la population 22 ». Depos-
sards, plus de palissades17• ,,
~tdee, la population en est reduite a vivre sous perfusion des militaires qui
A l'interieur des camps, Lavie est rythmee par les mesures de securite, par
ravitaillent les villages regroupes, sur le modele de l'action des six cents Sec-
crainte des attaques de rebelles.Le regroupement permet Ja sous-traitance de
tlons administrativesspecialisees(SAS)d'Algerieen mai 1958 23 .
Ja surveillance. « II y avait des equipes de surveillance,chacune avec un tam-
tam, se souvient Alphonse Boog. Quand il retentissait, cela signifiait qu'il y
Lesregroupements sont Labase de toute Ja strategie contre-subversive :
II~ facilitent l'action psychologique,l'isolement des maquisards et Ia mise en
avait un danger. » Les villageois ne sont autorises a se rendre aux champs
qu'une fois par semaine. Lesautres jours, comme au temps pas si eloigne du place des milices d'autodefense. Bref,ces unites nouvelles permettent toutes
travail force, ils sont requisitionnes pour le compte de la soch~teRazel,qui ll-sexperimentations des mfütaires, qui y prennent une place dernesuree. En
construit les routes visant a desenciaver la region et permettre une surveil- lesmettant en cage, les regroupements permettent d'« apprivoiser » ]es popu-
lance optimale. Les exactions des troupes coloruales sont frequentes. « Des lntlons et de« faire la chasse » aux maquisards, pour reprendre les metaphores
femmes y furent copieusement violees, ajoute Boog. Lorsqu'ils vous trou- tynegetjques qu'affectionne Lamberton 24•
vaient avec votre femme, si elle plaisait a l'un ou plusieurs d'entre eux, ils
degrafaient simplement leur pantaion sans rien demander a la fille. Si vous
regardiezde ce cöte ou tentiez de protester, c'etait un coup de crosse en plein L'am,ee prendJepouvoir
visage 18• » Le tout au vu et au su des officiersfran~ais.
La canalisation des Bassa,juges potentiellement subversifspar la nature Dans les camps, la vie quotidienne s'ordonne autour de l'armee qui sur-
meme de leur « race >•,emprunte egalement une autre voie que !es regroupe- vcllleclu haut des miradors, recense,ravitaille,observeet« eduque » !es popu-
ments : !es « refoulements ». Les Bassa des viUes sont renvoyes dans leur lalions. Des le debut, le lieutenant-colonel Lamberton a donne pour
region d'origine, pour eviter que Je« virus de Lacontestation » se propagedans ln~lructionases hommes d'« etre partout a la fois 25 ». Au sein d'une popula-
!es centres urbains. Lesdocuments administratifs attestent de cette etrange tlon longtemps negligeepar l'administration et dont !eschefs locaux sont soit
pratique, assurement peu legale mais qui finira pa.rdevenir une habitude au ournaquissoit discredites par leur collaboration avec l'occupant, l'autorite est
Cameroun (voir chapitres 19, 21, 24). Le 10 decembre 1957, cent trente per- h prendre. L'armee s'en saisit, au point d'« embrigader purement et simple-
sonnes sont par exemple ramenees manu militari de DouaJavers Edea, tout rne11tles villageois dans le dispositif militaire », selon !es propres termes de
comme cinquante et une autres eing Jours plus tard 19.Le 10 janvier 1958, le 1 ,1111bcrton.
chef de region de LaSanaga-Maritime,Jacques Rivaille,demande meme aux Son autorlte s'immlsce jusque dans l'intimite des famJlles.En trois mois,
autorites fran~aisesde Yaoundede « refouler systematiquement sur ieur sub- ,ont etablles des listes d'appel nomlnatives des habitants de chaque case,
divislon d'origine tous les Bassaayant abandonne leurs villagessous la pres- '1ppo~eessur lesmaisons, toutes affubleesd'un numero, sur le modele du DPU
slon des evencments ». Une punitlon col.lectlve parfaltc111cn1nrbitraire, 1111~cn placc l'annec prcc6dente dans la Casbah cl'Alger par le colonel

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rl'fl n1rn11, fl'l.''1\'1•>~) :ot>AC(/): l(',~IIJII/Jl!f'('/ 1'//tloctrl11er

Tr.lnquleru. Grace ä ce quadrillnge mlnuticux, les mllilalrc5 pcuvcnt opcrer, lil « forcc des circonstance~», hors de tout cadre legal. L'argument est diffl-
atoute heure du jour et de la nuit, des contröles inopines. Alphonse ßoog, le cllc acontester: c'est celui, comme toujours, de l'efficacite.Si, en ZOPAC,les
chef de camp, se souvient que la ouit du nouvel an 1958 a ete ponctuee par rnilitaircs s'etaient « tenus rigoureusement dans le cadre de la stricte lega-
un deferlement de soldats. « 11sheurtaient violemment les po1tesbrlcoleeset litc », dit-il, II aurait fallu s'attendre ä des « consequences redoutables » : la
vous, a l'interieur, vous vous retrouviez brusquement sous le feu de leurs rrogression des rebelles, comme les annees precedentes 32 • Lamberton cri-
lampes torches. Si vous etiez nu avec votre epouse, tant pis pour vous 27• » tlque en particulier une « instruction du 12 decembre 1947 » sur le retablisse-
Voiläune annee qui commen~ait sous le signe des exactions des militaires... mcnt de !'ordre qui, selon lui, prive les forcesarmees « de toute initiative» :
Quelques annees plus tard, un officier fran~ais ayant realise une etude "C'cst l'autorite requerante qui doit leur fixer une mission et leur communi-
approfondie sur la ZOPAC,Jean LeGuillou, racontera avec enthousiasme ces qucr les renseignements necessaires pour la remplir », regrette-t-11.Desuet ä
« operation[s] minutieuse{s]de recensement des popuJations ». « II s'agissait, \CS yeux, cet encadrement, meme assoupli dans le contexte d' « operations de
explique-t-il,d'arriver ä connaitre nominativement les habitants de chacune guerre » depuis l'annee precedente, est voue aetre outrepasse.Dans lesguerres
des casesde fa~onasuivre leurs mouvements, aevaluer le nombre de bouches revolutionnaires, il « ne peut echapper a l'outrage », assume Lamberton.
ä nourrir, puis meme, en interrogeant !es capitats [chefs de hameau ou de Auxsens propre et figure, les militairesse deguisent en civils, par exemple
quartier] et les familles, d'identifier le plus grand nombre de personnes "sous cn utilisant les vehicules mis a leur disposition par la societe de Travaux
maquis". A partir d'avril 1958, a l'entree de chaque vlllage, celui-ci entoure publicsRazel,pour mieux surprendre les insurges33• De toutes parts, l'armee
de palissadeset surmonte de miradors, on trouvalt un panneau indiquant Je deborde de son cadre habituel. « 11est certain qu'il y a eu confusion des pou-
nom du capitat, le chiffre des hommes, des femmes et des enfants habitant voirs par suite d'une carence administrative, reconnaitra le colonel du Crest
au vlllage, et celui des "absents" vivant au maquis. Dans chacune des cases .i la finde sa mission, et que des decisions, judicieusessans doute mais contre-
etait apposee une "Usted'appel" de toutes les personnes y couchant, liste soi- vcnant aux regles judiciaires,ont ete prises par l'autorite rnilitaire34• » Autre-
gneusement tenue a jour et qui figurait en outre dans Ies archives du poste ml'nt dlt, le « judiciaire » s'efface devant ce que !es militaires considerent
militaire. Au cours des patrouilles de securite que le poste executait chaque comme « judicieux » ...
nuit, l'exactitude des "listes d'appel" donnait lieu, par sondages, a verifica- Cöte civiJ,il n'y a plus de pilote abord. A Yaounde, c'est la confusion la
tlon. Dans quelques sous-quartiers, Ies habitants des villagesre~w·ent meme plus totale. Pierre Messmer,qui quitte le Cameroun debut fevrier 1958 pour
pour une somme modique et sans vaines formalites (sie)une carte de recense- Nrc promu Haut Commissaire en Afrique equatoriale, est rempJacepar Jean
ment avec photographie qui tint lieu de piece d'identite et de permis de Ramadier.Lequel est congedie au bout de deux semaines (voir chapitre 17).
circulation 28• » • Apresmon depart, conftera-t-ilplus tard, les milltaires,et d'autres, s'en don-
Lambertonne cache pas ces empietements sur des actlvites a prioriextra- n~rcnt acceur joie et mon successeurs'est trouve dans une situation Jul inter-
militaires, justifiesselon lui par la nature de Ja guerre en cours. « L'enjeu de la dlsant toute initiative 35 • » A Paris aussi, c'est la confusion. La rv•Republique
guerre revolutionnaire est la population », ecrit-il dans son bilan generaJ de c~t a l'agonie, !es gouvernements se succedent sans parvenir ä regler la ques-
la ZOPAC.Des lors, le commandement militaire est amene a « penetrer dans lion algerienne et le general de Gaulle, bientöt remis en seile avec la compli-
les domaines habituellement confies al'autorite civile ». On reconna'itici J'un t Itedes militaires d' Alger,prepare son retour au pouvoir...
des principes affirmes dans la « TIA 117 29 », la circulaire qui codifie depuis S'ils s'en donnent ä « cceur joie » loin des regards parisiens, les militaires
juillet 1957 l'usage de la DGRdans toute l'arrnee fran~aise: celui de l'« unite t ran\ais en poste au Cameroun ne sont toutefois pas suffisamment nombreux
d'action », ou le militaire et le civil agissent de concert pow extlrper le « virus pour "reprendre en main » Ja popuJation aussi efficacementqu'ils le souhai-
revolutionnaire ». Toutefois,comme dit Lamberton, il est « necessairequ'il y tcraicnt. Pour cela, ils embrlgadent une partie de celle-cidans Jasous-traitance
ait un barreur, un seuJbarreur, obstine aconserver Je cap ». Et le barreur de cet de ta surveillanceet de Ja repression.
« etat-major mixte 30 », sur le terrain, bien sur, c'est lui, meme si Doustin, cöte
civil, assure un certain suivi politique.
La ZOPAC, « zone d'exception » ou les pouvoirs sont « devolus ä « Mouillerlespopulations»
l'armee », selon les termes de Le Puloch 31, officiaJisetoutes les entraves ä la
legalite. Pouvoirsde policeet de decision politique y sont conccntre~entre lcs « Proposition : creotlon d'une sortc de milice sous contröle militalre
mains des miJitaires.Cctte prise de pouvolr, Lambcrton lo jmtlllc ,1u 110m de (>tcmdu pay~ pour con1tmttr1·}ll'11~lll' cc m◊rne poys).» Envoye cn stage de

268 7.(,1)
Peusur l'UPC( I 9SS-l9SlJ) ½(Jl)AC:
(/): r('sm,,per,,, e11doctrlner

contre-guerilla en ZOPAC,l'adjudant Messanot, qui en conservera un « tres Les moyens employes pnr ces mercenaires locaux sont proprement
bon souvenir », a cru bon de formuler cette « proposition », avec ses mots ä cffrayants. Certains temoins cvoquent des executions de maquisards, jetes
lui, en conclusion de son rapport 36 • La prise en charge totale des populations vlvants dans la Sanaga.Lecadre du CNO de l'epoque Antoine Yembel,proche
par les militaires trouve en effet son accomplissement par la mHitarisationde d'Um Nyobe, parle ainsi de la « milice terrible » de Pierre Dimalla. Ces
la societe. « celebres criminels, explique-t-il, prenaient les citoyens et Jes militants de
La creation de mllices d'autodefense, ingredient indispensable de la l'UPC et ils les emmenaient a Mepe. On leur mettait les pierres au cou et on
guerre contre-revolutionnaire, en est le meilleur exemple. Tout commence les jetait dans Ja Sanaga48 ». Cesaccusations, portees par les nationalistes, sont
par de simples« autodefenses », dont Ja constitution est imposee ä chaque vil- aujourd'hui confirmees par Roland Barachette,prefet d'Esekade 1958 a1960.
lage pour contrer !es assauts des maquisards. « Tout hameau dont la popula- « Quand j'ai pris mon poste, fin 1958, un chef qui avaJtcombattu les upecistes
tion attaquee ne se defendrait pas s'expose a des sanctions pouvant aller a nos cötes, dont je prefere taire Je nom, a demande ä me parler, confie-t-il.
jusqu'ä Ja deportation », n'hesite pas a ordonner Larnberton le 15 janvier Nous sommes allessur un pont pour etre surs de ne pas etre entendus, et il m'a
1958, qui declare relayer une consigne du Haut Commissaire Messmer37 . Les raconte des choses epouvantables, sur la maniere avec laquelle il se debarras-
autodefenses se muent rapidement en veiitables milices offensives. Pour ce sait des maquisards au-dessusde Ja Sanaga... Ces chefs ont vraiment lalssede
faire, comme en region Bamileke,les chefs coutumiers sont enröles aux cötes tres mauvais souvenirs49 . » Un colonel aujourd'hui retraJte de 1'armee came-
de Ja France.Cette collaboration, plus ou moins volontaire, avec l'administra- rounaise, SylvestreMang, se souvient que Bidjoka « pouvait couper la tete a
tion acheve de les discrediteraupres de la population. « 11ssont nos agents de trois personnes, on ne l'arretait pas 50 ». Eo 1961, Jacques Bidjoka, qui finira
renseignements 38 i,, ecrit ä leur propos le chef de region, qui n'a que mepris par etre rattrape par ses crimes, avouera lui-meme ses forfaits. AJorsaccuse
pour leur « nullite 39 » ... d'avoir assasslneun prefet, i1 reconnaitra a son proces « avoir tue plus de six
Deux d'entre eux, pourtant, se distinguent pour Jeurzele atoute epreuve cents personnes, sur la pression des colonialistes, et ce, depuis le debut des
et leurs noms restent gravesdans la memoire collectivebassa : le chef de grou- evenements du pays bassa jusqu'a nos jours, soit par noyades,soit pour amour
pement Pierre Dimalla, ex-president du partl profran~als Esocam, et le chef effrene d'argent, sans compter les brimades ä l'endrolt des fonctionnaJres et
superieur d'Eseka,Jacques Bidjoka. Ces deux miliciens, parmi les plus san- les enlevements forcesdes femmes et fianceesd'autrui st ».
glants, font regner la terreur dans toute la region, pillant, violant, assassinant L'enrölement des villageoisdans les milices n'a pas pour seuJ objectif de
au gre de leurs patrouilles 40 . Comrne toute guerre coloniale, la guerre du combattre les adversaires.11consiste egalement ä amener lespopulations ä un
Cameroun est aussi une guerre civile, methodlquement attisee par J'adminis- point de non-retour envers le maquis, en les for~ant a collaborer activement.
tration fran~aise. Qui sait fort bien a qui elle a recours pour ces basses Jeter !es viJJageoisdans Je conflit arme contre les « terroristes» est en effet le
besognes. Des janvier 1958, par exemple, Lamberton rapporte par ecrit que meilleur moyen de creuser un fasse irremediable entre les « populations
DimalJa a commis quatre crimes qu'il a attribues aux rebelles 41 • Cela ne saines » et les « elements contamines ». Bref,pour isolerJe poisson upeciste et
l'empeche pas de le soutenir, ni de l'armer. Pas plus que les plaintes emises vider son bocaJ,expllque Jean Lamberton ases adjoints, il faut « mouiller les
par les missions catholiques locales apres le passagedes milices de « Dimalla populations Je plus possibleavec nous 52 ».
et consorts » 42 • Le chef de la Surete Cardin, un anclen d'Indochine Jui aussi,
juge I'« activite des milices » egalement « tres satisfaisante ». « Enhardlespar
quelques succes, elles se donnent ä fond », se felicite-t-il43• Le 5 juln 1958, le
lieutenant-colonel Lamberton annonce Ja creation d'une milice de cent Unepropagande« bienapprisemaismal digeree»
quatre-vingts hommes sous les ordres de Bidjoka44, instruite et contrölee par
ungrade europeen, et choyee par le chef de subdivision LouisCapelle45• Bid- L'aspect le plus original du dispositif dirige par le lieutenant-colonel
joka, dont les autorites fran~ises vantent Ja « forte personnalite 46 », exige de Lamberton reside sans nul doute dans !es experimentations d'« action psy-
ses pairs une collaboration sans faille. Au maire de Makak,par exemple, pour- chologique ». Le brillant theoricien de Ja guerre revolutionnaire met en pra-
tant loin d'etre un rebelle,il reproche d'etre aJa tete du canton « le plus pourri tique ses conceptions. Des 1955, dans son cours ä l'Ecolesuperieurede guerre,
en maquisards » et n'hesite pas ale menacer de represallless'il ne partlcipe pas II expllquait deja que Ja guerre, dans sa version moderne, ne se Livreplus sur
davantage a la repression. « Dleu que vous priez avec hypocrlsle saura vous lc champ de batalllc mols ctonslc ccrvcau des aclversaires:dans leur « champ
punlr », lul ecrit-11'17• psychlquc s; ».

70 71
1:l11~'" l'UI'<.;( l955 l!!SH) /.0/IAC (/): rrgrouperet r1ulor1rl11t'r

Malgre les fortes convlctions du chef milltairc de la ZOPJ\C,les autoritcs "vloler » lcs populatlon, lndocilcs.Ambitieux, Doustin vise dejä la formation
avancent ä tätons sur ce terrain nouveau: tout d'abord, faut-11confier ce pro- llc 1000 agents de propagande. De premiers mots d'ordre, etranges, commen-
gramme d'un nouveau genre ä un civil ou un militaire ? L'administrateur n•nt ä etre repandus dans tous les camps de regroupement: "Avec une goutte
Louis Capelle aurait ete charge de sa mise en route par Messmer en tlc sei, on prend beaucoup de mouches », « Au pays des aveugles, les borgnes
novembre 1957, avant de passer Ja main a la gendarmerie le mois suivant, ,ont rois », « Tout flatteur vit aux depens de celui qui l'ecoute », <<Un tien vaut
elle-meme dechargee de cette mission en fevrier 1958. A cette date, Daniel 1nicux que deux tu J'auras », « Les fOts vides sont ceux qui font le plus de
Doustin promeut un de ses hommes : Andre Boyer, directeur du Journaldes hrult »... lnfantilisants jusqu'ä la caricature ou simplement incomprehen-
villagesdu.Nyong-et-Sanaga. Ce journal de propagande administrative, cree en ,ihles, de tels slogans plongent les aucliteurs camerounais dans des abimes de
1953, avait ete dynamise par Je plan de bataille de Roland Pre a son arrivee rcflcxlon. Boyerlui-meme est de,;u et constate l'inefficacitedu« plus mauvals
au Territoire (voir chapitre 8). Ideologue sans concession, Andre Boyec,qui des proverbes,. : « NuJ n'est prophete en son pays. » Car, pour « la totalite des
fut candidat aux elections munlcipales de Yaounde en 1956, a devoile le fond clcves, ecrit-il, Um est prophete en Sanaga-Maritime57 ». Les « masses villa-
de sa pensee dans un rapport qui date des premiers Jours de Ja ZOPAC.Des le ~eoises» ne se laissent pas « violer » si fadlement. Elles« ne sont pas dupes de
25 decembre 1957, tout y est dejä dit, ecrit, recense, professe. Tout au Jong pareille supercherie », ecrit un admlnistrateur local, qui critique une « repetl-
des quarante-deux pages, le ton est exalte. Foi du nouveau converti? Peut- tlon de le,;ons bien apprises et mal digerees» 58 • Fin mai 1958, Boyer,avec ses
etre. Toujours est-11que ce " journaliste „ atypique semble s'etre immerge j11gementsal'emporte-plece, s'est mis ados Jesadministrateurs de Ja region. Le
dans Ja Utterature contre-subversive. II cite en exemple la lutte contre les hllan de cette campagne express est vite tire: c'est un echec.
maquis communistes, en lndochine et aux Philippines. Et en arrive a recom-
mander l'interdictlon du PCF.Mais il glose surtout sur I'« influence nefaste »
du protestantisme, dont il devine l'influence, « destructrice de l'autorite », « UPC= TSE-TSE>>
chez les hommes d'Um Nyobe.
AJa base de sa strategie de" reprise en main des egares », Boyerpostule Laissee dans un premier temps aux civils, Ja guerre psychologique est
que « l'on ne peut pas causer avec le communisme », car" Je communisme ne ,,tors reprise en main par les miJitaires. Et pas n'importe Jesque1s: c'est Lam-
cause qu'avec les agneaux qu'll veut devorer » 54 • II propose donc des« armes l>crtonen personne qui pilote dorenavant les operations psychologiques1 • Les
de lutte » issuesde la boite aoutils de Ja DGR.Un vrai programme de contröle prlncipes de son action sont parfaitement explicites dans l'expose qu'il avait
etroit de Ja societe: « noyautage des maquis », « propagation de fausses nou- l,111en 1955, en tant qu'instructeur a l'E.SG.Evoquant la « gravited'un pheno-
velles concemant le maquis destinees a jeter le trouble et la suspicion entre mcne qui affecte de Ja maniere Ja plus redoutable la fameuse "liberte des
!es divers chefs », « fichage general de tous les individus qui depuis sa (sie) pcuples a dlsposer d'eux-memes" », Je lieutenant-colonel en tirait alors cet
naissance ont appartenu a l'UPC et sont restes en relation », « surveillance l'nscignement redoutable: « Jusqu'a present, les conclusions auxquelles nous
constante et familiale », « organisation sur une vaste echeHe financiere de Ja ~ornmes parvenus sont un aveu d'impuissance ou bien recommandent - et
delation » 55 • Et, bien sOr, « ne pas hesiter ä etablir la censure », car, d'apres rnmment pourrait-11en etre autrement - une reforme radicale de notre sys-
Boyer, « on attribue a Ja liberte de la presse une grande part du succes d'Hitler l~me liberal. II est bien evident que l'action psychologique n'est fructueuse
dans sa prise du pouvoir » 56• Pour ce qui est des rallies, il preconise un regrou- quc dans un regime totalitaire, c'est-ä-dire antidemocratJque et pollcier 59 • »
pement original, inspire de l'exemple philippin : "Ce ne sera pas un camp de Oh~cde cornme tant d'autres par Je« peril rouge ,., les faits montrent que Lam-
concentration ou d'extermlnation, mals un camp de reeducation sans bar- hcrton a choisi, par crainte de perir sous Jesassauts de la guerre psychologique
beJes.» Au fondement de cette guerre psychoiogique, on deceJe une anthro- jlclverse,de tourner Je dos au « systeme liberal ».
pologie fondee a gros traits sur les etudes de PavJov.Lequelaurait demontre, a J\u sein de l'organigramme milltaire fran~ais en Afrique, la focmalisa-
en croire Boyer,que" Ja foule humaine est composee a90 % de personnes vio- tlon de l'action psychologique s'opere au meme moment. Des« 5' bureaux »
lables par Jesprocedes de la psychologie objective et sont des sujets ideals lsicJ
de reflexesconditionnes ».
Encourage par son mentor Daniel Doustin, Boycr mct cn pratique ses u n•t tnfl~hl~~c1ncnt contrC<Jlttotalcmcnt la thesede l'hlstorlen Marc Michel quand II ecrlt
4uc, • ~ la dlff~rcncc de l'Oltlon p~ychologlquc en AlgMe •, celle mlse en place au Came-
conceptions. Pendant six semaines, il s'enfcrrne avcc une ~qulpc de « propa- roun • ne dut rlcn au,- 1111111.,lrc~• (M.irc M1n111,• "Action psychologlque• et "propa-
gandistes » locaux, pour cn fnlre lcs vccteurs de scs mC\\Uf;i.'' rapnbles de 11,1nd~~ uu Camcroun J l11fln \ll•, ~nn~('\ 19'\0 ••/()(',<lt„p. 362).

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d'action psychologique sont institues, le l" aotlt 1957, a tous les echelons de « U11e de kermesse»
flt111<>S/Jltere
la hierarchie militaire fran~aise, institutionnalisant ainsi cette nouvelle
« arme » comme un domaine d'intervention militaire majeur, au meme titre Charge de la lutte contre Ja,<maladie communiste », Soult se lance donc
que les transmissions, les operations ou le renseignement. Ce que l'on sait dans une tournee des villagesregroupes, a raison de trois ou quatre par jour, a
moins, c'est que 1'AEF-Cameroun,a partir de juillet 1958, se voit dotee eUe bord d'un camion de cinema, projetant des « films pedagogiques» accom-
aussi d'un « 5e bureau », installe a Brazzaville,eo vertu d'une directive du p.ignes de « panneaux d'information-propagande », pour aider les auditeurs
7 mars 1958 60• Prenant le relais des zeet 3' bureaux, un 5• bureau est meme ~ rcprendreJesslogans en chreu.rä J'entracte. ExempJede Ja circulation rapide
cree specifiquement au Cameroun en novembre 1958,sous les ordres du capi- clcstechniques d'action psychologique, Lamberton diffuse le film Kepibleu,
taine MarcelDixonne, qui revient alors d'Jndochine et d' Algerie61 • Maiscette qu'utilisent aJorsabondamment ses coL!eguesen Algerie.Tourne l'annee pre-
nouvelle organisation semble avoir echoue a reellement coiffer les divers t.~dente, ce film de propagande glorifle l'action militaro-humanitaire
acteurs de la guerre psychologigue,et les 5ebureaux seront dissousfin 1959 en des « sections administratives speciales ,1 (SAS)au sein des camps de
AEFet au Cameroun. rcgroupement 65•
Celan'empeche par l'action psycbologiquede se developper.En ZOPAC, L'instauration de zones d'exception militaire et de villages regroupes
c'est a un lieutenant, Georges Soult, que Lamberton, tres attache a ce pro- pcrrnetde donner Ubrecours ala propagande, en ce qu'elle meta la portee des
gramme, confie la täche de redresser Ja barre. A rebours de !'Improvisation 11.iut-parleursmilitaires des populations hermetiquement coupees du vlrus
toute civile d'Andre Boyer, Je« tres brillant» Soult - selon Lamberton 62 - r1:belle.Lamberton se pique au jeu et va jusqu'a ordonnancer la vie commune,
passe aun « stade [...) plus concret » de l'action psychologique,qui vise adeli- p,irfois dans ses moindres details. Rien n'est laisse au hasard. Le 13 fevrier
vrer la « masse », « prisonniere d'un Jeu adroit auquel eile s'est 1958, il adresse des slogans, « en dialecte bassa d'Eseka », « a repandre sous
laissee prendre », qui se serait laissee intoxiquer par Je « mot magique inde- forme de graffitls tres lisibles dans tous les sous-quartiers » 66 • II organise
pendance ». Cette masse, «permeable», « ne pouvait se ressaisir qu'avec m~me la fete du 10 mai, symbole d'accession aJ'autonomie du nouvel Etat
l'aide de l'armee pour la delivrer du tenorisme, et une contre-propagande tarnerounais octroyee l'annee precedente, « dans la mode fete foraine »,
pour lui faire prendre conscience de son erreur », ecrit SouJten aout 1958 63 . orclonne-t-il.Cette maniere toute militaire de donner l'ordre de Ja fete foraine
On retrouve la vision du peuple comme une masse presque argiJeuseque Je tl~note une tentation totalitaire. A l'ombre des miradors, derriere !es hautes
militaire-demiurge a pour mission de petrir pour fai;onner le corps social palissadesdes camps de regroupement, ordre est donne aux officierset sous-
propre ä bätir une nation saine, hermetique a la subverslon. ol ficiers : « 11faut provoquer les reunions, les danses et les chants 67 • » On
Les methodes deviennent moins grossieres que du temps de Boyer : la pourra meme lire, dans un rapport de 1959 dressant Je bilan de la ZOPAC,
« propagande politlque » est « enrob[eel dans un contexte educatif agricole » qu'« une atmosphere de kermessefinit par regner dans toute la ZOPAC».
ou « medical », plus propice a convaincre les popuJations paysannes de Pour troubler l'adversaire, l'action psychologlque fouille dans les plus
Sanaga-Maritime.Cherchant ä arracber les mauvaisgermes,Lamberton se fait 11111mes de ses ressorts. A travers ces operations, Lamberton explique qu'il
cultivateur des creurs. Dans ses premieres circulaires,il pretend « substituer ä cherche ä « provoquer » !es instincts « de conservation », « et SURTOUTl'ins•
l'ldeologie repandue par l'UPC une conception raisonnable et saine du röte llnct sexuel : cet instinct auquel la publicite fait largement appel - semble par-
que Lapopulation bassapeut et doit jouer pour concourir al'edificatlon d'une t lculierementtravailler les maquisards », en montrant des images de femmes
nation camerounaise ». Le patron de la ZOPACse transforme peu ä peu en l'I c11fants intitulees: « nsvous attendent au village68• >>Ferude manipulation
medecin des ämes, en transformateUJdes « races ». II faut, dit-il, « corriger la des lnstincts, Lamberton expHquait deja a ses eleves de l'ESG,trois ans plus
mentalite revendicatrice et l'esprit individualiste (orgueil et egoi'sme) du 1öt, qu'une action blen ciblee pouvait faire perdre ä J'individu le « contröle
Bassa». La rhetorique rnedicales'exprime essentiellement a travers la repeti- de son comportement 69 ». Et aboutir finalement au but rnilitaire recherche :
tion sans fin d'un slogan, tague a Ja cbaux sur les murs de la region : « UPC I'• ann ihilation de la voJonte combative adverse70 », selon les termes de la cir-
egaleTSETSE;eile pique, eile endort, elJetue 64• » La propagande n'oublie pas, rulalre '11'A117.
en parallele, de rappeler les « blenfaits » passes du docteur Eugene Jamot. Pour mieux penetrer l'äme des adversaires, Lamberton l'etudie longue-
Aussicelebrequ' AlbertSchweitzerau Gabon,Jamot-symbole entre tous de la 1m11H et adapte sa propagandc aux differentes langueslocales.En ce sens, i1est
« colonisation humaine » -s'etalt Illustre dans Jcs annees 1930 pour sa luttc 111oln~ mcprisant quc scs prcdcccsscurs,comme le general Dio, pour lequel les
contre la maladle du sommcll. Atdcalns, qul ob61sscnt• snn~piII nscs», ne sont pas des sujets dignes de subir

2711 J.7S
ffeu~ur l'Ul'C ( l 9SS I Y~H) :OPA<.:
(I): reg1011p<1r
etemloctr/11<•1·

une action psychologique. Au contraire, Lamberton, officier mullilingue, a Sonaga-Maritime, confic le Haut Cornmissaire ä son ministre de tutelle ä
consacre du temps a comprendre les structures de la pensee bassa, ses modes propos de la ZOPAC, l'lJPC aurait recolte 90 % des voix 72• » Le 6 juin 1958,
de vie, ses conflits internes, a etudier !es structures claniques qui sous-ten- l)oustin lui-meme reconnait: « globaJement, notre action de propagande a
dent l'organisation des maquis. « En fait, a-t-il decouvert a force de Jectures ~t~ un echec 73 ». Um Nyobe est toujours aussi populaire et, mis apart
des textes d'ethnologues et d'administrateurs precedents, ils sont intelligents quclques notables profran~ais prets ä toutes les exactions, il est tres difficile
et assimilent aisement tout enseignement. » eil' faire basculer la population du cöte des forces de !'ordre et d'obtenir des
Le commandant militaire de la ZOPAC ne developpe pas moins toute une 1c·nselgnements propres ä faciliter la tache des militaires. L'arme psycholo-
analyse raciaJisante sur les supposees caracteristiques de la mentalite bassa, a Hl<.JuC, censee permettre, d'apres la TTA 117, de« remporterenfin de veritables
laqueUe doit s'adapter l'action psychologique. Le stereotype du Bassa se vlcloires sans recourir a la violence, ou en la localisant et en la limitant 74 », a
resume, dans cette logique, a un individu spontanement retif a l'ordre, mais lll0ntre ses limites. FinaJement, rien ne vaut la violence ...
qui ne demande qu'a apprendre, pour peu qu'il soit soumis aune autorite sans
faille. « Bavards plus que realisateurs, trop individualistes pour ette disci-
plines, ils sont encore capables de surprendre l'observateur par leurs aptitudes
intellectuelles et pratiques lorsqu'ils se passionnent pour une entreprise »,
resume Lamberton en quelques lignes definitives 7l. Plus loin, reprenant !es
cliches ecules du bon sauvage et du grand enfant, Lamberton juge !es « popu-
lations Bassa, avec qui nous eumes affaire », aptes abeneficier de l'action psy-
chologique. Elles ont en effet un merite : elles « se montrent habituellement
reconnaissantes de l'interet qu'on leur porte; elles font confiance a l'expe-
rience et a l'habilete du Blanc; elles s'attachent au chef qui s'occupe d'elles.
Pourvu qu'il fasse preuve d'une autorite precise, soutenue, efficace, elles se
soumettent a ses exigences les plus severes. EUes sont tces influen~ables;
aiment la discussion et !es "palabres"; repetent !es mots d'ordre qui frappent
leur imagination plus que leur .intelligence ». Sa vision des Bassa rejoint celle
qu'il porte sur les populations africaines en general, qui, selon lui, « n'oot pas
encore ete completement purgees de la mentaJite primitive»•.
Malgre les efforts de Lamberton pour penetrer l'univers mental de ses
adversalres, ses indelebiles prejuges racistes ne laissent aucune chance a son
action psychologique de fonctionner. Si ce n'est lorsqu'elle est adossee a Ja
force rnilitalre brute ... Lessubtilites psychologiques sont de peu de poids sans
les chars et les pistolets-rnitrailleurs. En effet, malgre !es moyens employes,
c'est bien l'UPC qui a gagne la bataille des convictions. « II est incontestable
que si une consultation populaire avait pu suivre Je travail effectue en

a Cette vlsion inferlorlsante des Bassa n'est pas propre ii Lamberton. Le chef de reglon
Jacques Rivaille, par exemple, decrit un pretendu "temperament bassa, indlvidualiste,
palabreur et orguellleux », qui s'accompagne d'une • horreur congenltale des Bassa et
Bakoko pour le travaU • Oacques R1VAILU:, "Note pour MM. les chefs de subdivlslon au
sujet du Congres des forces vives de la Sanaga-Marltlme •, 14 fevrler ·1958; SHAT6H246).
Le chef de JaSurete Mocet, quant a lul, cwl.t avolr dfrouvcrt lcs causes de l'lnsurrectlon
dans ccttc • race bassa peu evoluee, vlolenle, credule, rnanlpuloblc pur le~ sorclo.;rsou
quelques manlpul:11curs vcnus de Do11ato011de zonc nnglnlsc • (NQIC<k Mor('I II MC\~1ner,
3 lanvler19S7; CAUN, l•'IICC/2).

76
:Ul'A(; (11):trru111,1r
N t!li111l11er

16 • hors-la-lol» et sont donc Impit.oyablernentprlses pour cible. En Algerie,ces


wnes sont qualifiees en octobre 1956 cle « zones ouvertes en permanence au
ZOPAC (II): traqueret eliminer fcu de toutes les armees: Infanterie,forces aeriennes, etc. 4 ».
Deux rnois avant sa visite au Cameroun en avril 1957, le commandant
Jacques Hogard avait explique le traitement qu'il fallait reserver aux zones
lntcrdites : « Dans certains cas, il pourra etre avantageux de creer une "zone
« Eh bien, puisqu'lls n'acceptent pas la regle democra-
lnterclite",que l'on priverade toutes ressources,en retirant sa population, [...]
tlq ue, je les... elimine ! ~ cn sabotant les cultures, les points d'eau, en evacuant le betail, etc., et en y
Plerre MF.SSMllR1• pourchassant !es rebellesqui subsisteraient par des moyens qui peuvent etre
hrutaux et sans discernement (mitraillageet bombardements aeriens, etc.) 5• »
- Um Nyobe etait vetu d'une veste de pyjama et d'un
Lechef de camp Alphonse Boogconfirme que le meme schema s'applique en
pantalon. Ses poches contenalent des gris-grls et
quelques papiers, dont les feullles d'un lmprlme inti- I.OPAC.« Pour sortir du camp, temoigne-t-il, on avait besoin d'une autorisa-
tule: "Decislon de la sesston plentere du CC du PCUS 1Ion de circuler. Si vous vous aventuriez dehors sans ce document, les rnili-
sur le groupe antlparti de G. Malenkov, L. Kagano- tnlrcsavaient I'autorisation de vous abattre sans autre forme de proces 6 • »
vitch, et V. Molotov". Ainsl, Um Nyobe est mort avec
sur lui la preuve de son attachement a la so(cellerie et La guerre revolutionnaire bannit les batailles rangees Je long d'un front
au communlsme. » l'rllre deux camps. Puisque les populations <<saines » ont ete methodique-
Rapp<lrtde la Surete, 26 septembre 1958 2 • incnt rassemblees, recensees et endoctrinees dans les camps de regroupe-
mcnt, puisqu'H ne reste plus en brousse que « la bete feroce et l'homme
1:rlrninel>',selon le slogan diffuse dans taute la ZOPAC,on peut dorenavant

M aintenant que la Francea decide de s'engager militalrement « sans


retour» contre l'UPC, d'y consacrer des moyens importants et de
lächer la bride aux militaires pour y appliquer leurs theories contre-revolu-
pnrtir « a la chasse ». Il s'agit, pow· reprendre l'expressionde l'officierJean Le
l;ulllou, de « poursuivre les recalcitrants jusqu'ä complete extermination ».
Une fois terminee la « phase preparatoire d'organisation politique », c'est-
•di rc les regroupements, la traque se fait de fa~on methodique, poursuit Je
tionnaires, les Jours de la guerilla en Sanaga-Maritlme sont comptes. Signe
1 111~me officier: « C'est en fonction des informations ou au moins des indices
d un renversement du rapport de forces,ce n'est plus la rebelJionqul dicte son
ol11enusque [sont] lances dans un deuxleme temps, soit des actions de fouille
agenda, mais les forces de l'ordre. Apres Ja premiere phase, principalement
,y\t~rnatique de zones etendues, soit, mieux, des raids aobjectifs bien precis,
consacree au regroupement des populations et a leur « encadrement psycho-
Hllldespar un "pisteur" sur 7• »
logique )>, ceJles-cldonnent Ja priorite ä l'action offensive. Cela ne signifie
Ainsiaidees par des autochtones transformes en chiens de chasse et offi-
pas, naturellement, que !es operations avalent ete mises entre parentheses.
clcusernentsecondees par des milices d'autodefense transformees en meutes
Meme au cours de la phase initiale de regroupement des villages,Lamberton
1nnguinaires,comme on l'a vu au chapitre precedent, les patrouilles mill-
demandait une « replique immediate et brutale » en cas d'attentat cenois,
tulrcs,constituees d'une trentaine de soldats africainsvenus d'autres colonies
c'est-ä-dire des expedfüons punitives 3• Mais, ä partir d'avril 1958, !es opera-
l'l menees par un sous-officierfran\'.ais,progressent laborieusement dans la
tions prennent une autre ampleur.
IHOL1~sc, acoups de coupe-coupeet, parfois, avec l'assistance des compagnies
lorcstleres de la region requisltionnees pour l'occasion 8 • S'orientant gräce ä
tiP\ renseignements plus ou moins precis, elles ne font pas dans le detail et
Contre-guerilla l1tlsscn.tvraisemblablement un grand nombre de cadavres sur leur passage.
1:oux», s'.insurge encore Lamberton dans une annotation d'un livre
Lamberton, dans l'enchatnement des phases de la ZOPAC,s'inspire des tl'Acl1llleMbembe qui evoque les « nombreux morts et blesses » a chaque
exemples indochinois et algerien. L'interet du regroupement des popula- 111.,rochage. Et pourtant, les exactions consignees dans les journaux de
tions dans des zones circonscrites conslste ä constltuer, aillcurs, des zones 111111chc des milltalres tcndcnt ~.dernentir les notes furibondes du vieux
interdites. Toute presence hurnaine ~tan1 prohilJ~c dons ccs zoncs, les K(•n~rnl."Avons br016 nnclcn vlllngc de Song Tegul et quelques cases en
personnes qui y sont rencontr~cs ,1cvlenncn1 outornt1tlqucr11c-ntdes thnu~~c rapportc lc llc1111.•no111
)1, Plr,rc r.ucnclcy le 16 rnars 1958 ctans son

7R 7()
PeuMIi' l'UJJCCIYSS-IYS8) ¼OJ>/\C
(U): lrtlfflll'rctlf/1111/1111r

cahier de marche 9 • « Retour a ßichara. Resultat: trouve un rnaquis - les occu- tlcs mols. De cent vingt-quatre au cours des quatre premiersmois de 1958, on
pants s'enfuient -, deux femmes tuees », poursuJt-il douze jours plus tard. po~scä dcux cent trente de mi-avril a mi-juln, pour atteindre Je chiffre de
L'opacite qui entoure ces operations de contre-guerilla est d'autant plus qu:it'recents rallies pour le seul mois d'octobre 1958 15, portant a 4 000 le
grande que Lamberton, ayant assez vite pris conscience de l'intense activite nombre total de ralliesa Ja finde l'annee 16 .
nocturne des maquJs, au vu de leur consommation de fuel et de piles elec- Cet afflux necesslte la mise au point de procedures pour les reintegrer
triques 10, demande ases hommes de privileglerles operations de nuit ... tlnns la legalite et les utiliser au rnieux. Dans une directive « tres secrete » du
Cette tactique de harcelement porte ses fruits. Le nombre de ,<maquis » 6 julllet 1958, Lamberton recommande J'attitude suivante a l'egard de ces
demanteles ne cesse d'augmenter au cours de l'annee 1958: neuf eo janvier, i•x-maquisards: faire preuve de mansuetude a l'egard de ceux qui « collabo-
vingt-sJxen mars, soixante-deux en juillet 11•.• Des le mois d'avril, Je nombre rcnl », mais de severite contre ceux qui se refusent a faire amende honorable.
d' « attaques terroristes » chute brutalement. Les « bandes rebelles» se frag- ne~fetessont organiseesdans les villagespour accueillir les nouveaux venus.
mentent, s'isolent ou fuJent la zone. La destruction methodique des campe- II~'agit,explique Larnberton,« sous pretexte de manifester un desir de recon-
ments de fortune decouverts au gre des sorties en brousse expose les t:IIJation,d'accentuer Je contraste entre la vie au maquis, ponctuee de coups
combattants nationalistes aux intemperies de la saison des pluies. Coupes des de fusil, et Lajoie aux villages, au milieu des chants et des danses )>. Mais,
populations regroupees,plonges dans une precarite permanente, affames par wnstiltant que ces fetes sont l'occasion de celebrer les ex-maquisardscomme
Je saccagesystematique des champs par les « forcesde !'ordre», incapables de des heros, Lamberton finit par les autoriser uniquement pour le retour des
communiquer et peinant aassurerla discipline, manquant de vetements et de ll•rnmeset des enfants. « Sauf les garcesde l'Udefec» (Ja branche feminine de
medicaments, les maquisards ont le moral en berne. Le 7 juin 1958, ils sont l'UPC),precise-t-ildans une note de bas de page 17 •
meme prives de leur « general », Isaac Nyobe Pandjock, abattu au cours d'un Qualifies par Lamberton d'« agents de desagregation du systeme
raid monte sur renseignement. La Franceprend un ascendant irremediable.Et 1C'bclle 18
», les rallies sont systematiquement utilises pour l'action psycholo-
la contre-societe mise en place par J'UPCdepuis son entree en clandestinite /,llque.Brandiscomme autant de trophees, ils ont pour fonction de frapper le
en 1955 et son passage a la lutte armee fln 1956 (voir chapitre 12) se delite moral des insurges. Le ralliement de SamuelBoum, dit « Le Bref», important
inexorablement. rndre du CNO, « doit causer une forte impression sur le moral des bandes
Du cöte fran~als, c'est presque une operation « zero mort ». Seuls deux H.bclles, note par exemple un rapport de Ia Surete eo juillet 1958, et est sus-
1

membresdes forcesde l'ordre auraient ete tues, dont un Fran~als.En revanche, C'l'pl lble d'accentuer le mouvement des maquisards vers Ja legalite 19 >). De
cöte adverse,oo en est loin. Si GeorgesCbaffard parle de trente-huit morts, ce 111onlere generale, Jes ralliesdoivent faire leurs preuves et, apres une phase de
chiffre est tellement sous-estimequ'U est plus proche de Ja propagande.Jour- d6sintoxication20 », dixit Lamberton, « donner des gages de leur since-
naliste du Mondeal'epoque, ex-soldaten lndochine et en Algeriependant plu- ilt~ " 21 • De maniere ales <•mouiller » definitivement, ils sont sommes de par-
sieurs annees 12, c'est du reste sur les comptes rendus de Lamberton en llclpcr « ouvertement » a la propagande et aux operations de•<nettoyage )>. La
personne qu'il fonde son diagnostic. Mals, preuve de Ja desinformation, un correspondance qu'echangent les maquis indiquant qu'Us sont tres febriles
rapport officiel,qui semble encore bien lacunaire, denombre en Sanaga-Mari- ~urce sujet, le röle des ralliesest surtout de semer la zizanie et la suspicion au
time trente-sept morts rebelles... pour Je seul mols de mai 1958 13 l Nl'ln des maquis. Lestratageme se reveleefficace: « Lamefiance plane partout,
<+t:l'ltun combattant aUm Nyobe dans une lettre interceptee par les forcesde
l'ordrc. To1,1t le monde a peur de tout Ie monde au sein meme des organismes
« Ralliements» de base 22• ,, La « delation elevee au rang d'institution », temolgne le terrassier
de la cornpagnie Razel Stephane Previtali, observateur privilegie des evene-
A mesure que les Operationstournent a l'avantage des forces de !'ordre, mc11ts,cree un climat deletere et participe ala dislocatlon de la hierarchie du
les miliciens sont rejoints par des maquisards « rallies» aux autorites fran- CNO43 • Laquellen'a d'autre cholx que de se diviser en petites bandes et de se
~aJses.Contrairement a la propagande des vainqueurs, on s'aper~oit que ces rnpllcrsur des liens de confi.anceplus sürs, familiaux ou claniques.
ralliesne le sont jamais spontanement, rnais contraints et forces,la mort dans Lesrallies, redoutes par les rebelleset esperes par les autorites, subissent
l'ame, vaincus par Jasuperiorite mititaire de leur adversaire.L'armceadmet en <lcs~ons r1l6atolres.Dans u,, llvre de souvenirs, Stephane Previtali evoque
interne que les ralllements ne sont dus ä rien d'autrc qu'n la « tcrrcur des ope- • 1tnC' fäusse lnvite r1urolllcmcnt pour certains maquisards quJ ne savent pas
ratlons mllltaircs 1~ 11. Ccllc-ciest teile que les rnlllc111011ts
:.cmultlpllcnt au fll qu'II~ ~ont d61~cti:nonc~s,qu'lls ~cront rudcmcnt q11estio11n4s avant d'@tre

~80 81,
Fl'II ~ur l'UI'(; ( 1955. / CJ.~,n I.<)J>A<: N 111/mlrwr
(II): trm1111•r

emprisonnes et parfois liquidesavant m~me d'~tre juges24 ». Marcel Dlxonne, l11tcrdisantle recours ~ la b.rut:alite.Des rappels a !'ordre qui prouvent au
chef meconnu de !'ephemere « 5e bureau » camerounais, que nous avons 111olnsque cette questlon n'allait pas de soi. Dans un « nota important » de
interroge en 2009 sur Je sort reserveaux rallies, laisseechapper que « certains Innvier 1958,il rappelle ainsi aux commandants d'unites militairesqu'Hs « ne
etaient flingues » ... avant de se reprendre et de declarer qu'il a « tout doivent en aucun cas faire usage de violeoce pour contraindre les individus
25
oubUe» . Plutöt que de les « flinguer », les autorites militaires essaient sur- qu'lls ont apprehendes aparler », car ils « n'ont pas qualite pour proceder ä de
tout de leur extirper des renseignements. Passe a l'adversaire, Samuel Baum vMtables interrogatoires» 30 • Officiellementoppose aux mauvaistraitements,
« Le Bref» livrera ainsi a Ja gendarmerie des Informations de premlere main Lumbertonpretend conna:itreun moyen efficacepour arracher des aveux a un
sur Je mouvement nationallste, qui seront par la suite mises a profit lors des prlsonnier : « Amorcerune conversation au cours de laquelle ce dernier, avec
interrogatoires des prisonniers et serviront au demantelement de nombreux leite vanite naive des Noirs, cherchait ase faire valoir 31. »
2
maquis {j. Le renseignement est en effet la matiere premiere de Ja guerre revo- Dans la chasse aux renseignements, tout Ie monde est mis a contrlbu-
lutionnaire, que des officiersspecialisessont charges de collecter. Par tous les t Ion. Lessorties en brousse, orientees vers leur collecte,procurent aux soldats
moyens. l1neconnaissance intime des conditions de vie des guerilleros. Grace aux
l11formationsobtenues, !es officiersde renseignement (OR)retracent les orga-
11lgrammesde l'armee adverse a longueur de rapports. La collaboration des
« Parlerou mourir» : rcbelles rallies Jeur offre a cet egard de precleuses iniormations, surtout a
atoutprix
le renseignement partir de la vague de ralliements de la mi-1958. Au fur et a mesure, le rensei-
1411ement se perfectionne et se speciallse,en particutier au sein d'equipes de
« IIy avait quand meme queJquescommandants et capitaines qui etaient 1ccherchesqui tentent de sympathiser avec les populations pour mieux les
a l'information ... Lä ils prenaient les gars et ils Jeur faisaient passer un sale talre parler. Le lieutenant-colonel Andre Trancart, chef d'etat-major du
quart d'heure », denonce Michel Boulet. L'ancien sous-lieutenant en Sanaga- J.t!!neralLe Puloch, commandant de la zone militaire AEF-Cameroun,leur
Maritime, qui etait ala fois officierde reserveet seminariste, grimace. « Dans rccommande de s'installer dans !es villages, de « vivre la vie des popula-
ma section, j'avais un sergent qui avait fait l'Indo. Zyem, un gars pas clair du llons » et de les amadouer en leur offrant de la viande. Ici aussi, comme dans
tout, un peu maquereau, qui avait ete blesseau genou en Indochine. Ce type, lc domaine de l'action psychologique,1'« organisatlon de fetes » par les forces
un jour, avec Je commandant, passe par l'lndochine lui aussi, racontait de !'ordre est un moyen de rnettre les Africaios« en confiance » pour mieux
comment il torturait, comment iJ faisait parler. En tordant les doigts, en ecra- rccueillirleurs « confidences » 32 •
sant les cigarettes... fl racontait ~a comme ~a, comme un heros. Un jour, en Maisces sympathiques consignes et cette absence d'ordres ecrits ne prou-
convoi, on s'est arretes ace PC, j'ai entendu Zyem dire au commandant: "C::a vcn t pas grand-chose quant a l'usage de Ja torture. Apropos de la guerre
y est, on sait tout, il a parle" 27• » tl'Algerie,ou ta « question » etait systematique, il est ainsi presque impos-
« Faux l )>, s'est entete en depit de l'evidence ä ecrire le general Lamberton ~lble de retrouver des traces ecrites aussi compromettantes : Ja journaliste
en marge d'un texte evoquant la torture au Cameroun. Ce theme fait d'ail- Marie-Monique Robin, au terme de plusieurs annees d'enquete, n'a pu
leurs chez Ie vieuxmilltaire l'objet de denegations constantes, comme Iorsqu'il rctrouver, presque par hasard, qu'une seule note manuscrite evoquant expli-
decrit La Questiond'Henri Alleg,recit detaille des pratiques en cours en Algerie, cltcment ces pratiques 33 • D'ailleurs,!'ordre de Lambertonmontre surtout que
comme un « tissu d'inventions 28 ». Pierre Messmer nie egalement que ses scs soldats, monopolises par la « chasse au maquis 34 », laissent le travaiJ des
troupes aient « sombr[e]dans la torture 29 ». Aujourd'hui, il est vrai que cette lnlcrrogatoires ä la police et ä la gendarmerie, qui ont dejä fait la preuve de
questioo est devenue l'aspect le plus connu - et le plus infamant- de la guerre lcur combativite. Lespostes de gendarmerie,presents dans chaque sous-quar-
revolutionnaire. Lesdeux se confoodent meme parfois, non sans raison, tant tlcr, se multiplient pour rnieux recueillir les renseignements, sous Ies ordres
cette methode est au centre de deux des priorites de la DGR: Ia courseaux ren- c.Jucapitaine Gabriel Haulio, deja responsable du massacre d'Ekite du
seignements, par les aveux extirpes, et l'action psychologique,par le signal de .11decembre 1956 (voir chapitre 11). Mais la gendarmerie est encore trop
toute-puissanceenvoye pa.rles forcesde J'ordre aJa population. dClucepour cette mission, selon un capitaine proche de Lamberton, Paul
Bienque les temoignagessoient nombreux sur Je sujet, la denegation des Cinmblni,qul reproche acc corps une propension excessivea« cherche[r] des
autorites offlciellesrend la torture difficile adocumenter cinquante ans apres c·llefscl'lnculpation ». Une rnonlc qul, d'apr~s le capitaine, « n'est pas adaptee
les faits. Dans ses ecrits, par exernple, Lamberton n'a lnlss6quc des consignes rl prOf)OSCde confler le « travail » a la SOrete,
~ CC gcnrc de travall JI ». C1•l11l

28 283
~11rl'UI'<' ( 1'>5.4i
Ft•11 t•>\H) /0/ 1AC (II): 1,,11111cr
t'I ~/1111/m•r

c'est-ä-dire,en 1958, aux hommes du commlssalrede police d'Eseka Georges inoins et 1roisou qualre fcminc~... ~uppllccsupplementalre, « pa1foison vous
Conan, que Lamberton, dans ses notcs personnelles, decrit comme « un jctalt quelques pelletees de 1erreau visagc. Si vous persistiez ä clamer votrc
pauvre type qui etait, en effet, si brutal que j'ai d0 intervcnir ». Cette apprecia- l1111ocence, le capitaine pouvait demander que J'on vous sorte de la, s'il vou-
tion retrospective n'a pourtant pas empeche Conan de diriger les operations lait lt, assure Boog, dont les souvenirs sont precis et circonstancies, agre-
de police en ZOPAC,durant toute la periode, ni d'etre charge de la traque mentes des noms des trois lieutenants fran\ais accuses de ces exactions : le
d'Um Nyobe. NId'etre transfere ensuite en region Bamilekepour s'y occuper, capitaine PatrickGuillon-Verneet les lieutenants GeorgesBontoux et Jacques
a nouveau, du renseignement (voir chapitre 20). Constant, effectivement en poste ä ce moment-lä. Certains upedstes subis-
Pour obtenir des « confidences », les coJJecteursde renseignements dis- scnt un tra.itement raffine : Ja brOlure des intestins a l'eau bouillante, au
posent en fait de moyens assez peu « festüs », et plus efficaces. « II faut une moyen d'un tuyau enfonce dans l'anus de la victime, qui cuit litteralement
tactique », s'emporte un certain Bonassies, « representant de l'inscription de l'interieur. De telles seances ont meme lieu dans l'enceinte de la mission
maritime», au cours d'une reunion strategique. « La seule chose a faire, pour- cathoUquede Bot-Makak: « Des troupes y vivalent, se souvient Boog,et elles
40
suit-il,c'est ce qu'on a fait trop tard en Algerieet qu'on auralt du faireen Indo- ne se genaient pas pour torturer et tuer, dans les locaux meme de l'Egllse • )t

chine : pourrir !es villages et avoir des Informations. » Pour obtenir des
renseignements, l'homme conseille d'aller interroger les villages etrangers,
c'est-a-dire non bassa, « installes dans des conditions irregulieres ,._« C'est « n faut faireregnerlesilence» : occultation
facile, sous menace d'expulsion, les habitants parleront 36 », prescrit l'ener- et desinfonnationdans lesmediasfranfais
gique fonctionnaire. Au chapltre des menaces et des exactions qui peuvent
inciter !es suspects a parler, un bulletin de renseignements d'aout 1958 Comment se fait-il que ces atrocites aient suscite si peu d'interet, si peu
signale egalement que deux prisonoiers ont ete « abattus au cours d'une ten- d'ecrits et, finalement, si peu d'emoi en metropole? Au moment ou Ja guerre
tative d'evasion 37 ». Dlfficiled'en tirer une conclusion, mais il faut se sou- d' Algeriey dechaine les passions, presque personne ne parle de la repression
venir qu'en Algerie,a la meme epoque, ce motlf sert ä maquiller les « corvees au Cameroun, qui, toutes proportions gardees,y ressemblepourtant etrange-
de bois », c'est-a-dire les executions extrajudiciaires des prlsonnlers, que ment. Les rares journaux qui evoquent les « troubles » vont dans le sens de
ceux-ci aient parle ou non 38• l'armee, confrontee, selon l'AgenceFrance Presse,a l'« action criminelle » de
Un temoignage, en revanche, permet d'etre plus affirmatif.L'usagede la l'UPC~1• Le 18 fevrier 1958, L'Aurore exhorte ä ne pas « s'humilier devant ce
« question », denonce si souvent par !es militants nationallstes, est aujourd'hui farouche agitateur » qu'est Um Nyobe. Le 23 mars 1958, alors que la repres-
atteste par un offidel fran~s, qui confirme que l'annee fran~ise, comme en ~ion en ZOPACbat son plein, Le Monde intltule son editorial consacre aux
Algerie,a torture. Roland Barachette n'est pas un temoin anodin. Fin 1958, dcbats ä l'ONU sur la gestion fran~aisedu Territoire : « Une chance pour le
alors que !es operations de la ZOPACsont sur Je point de s'achever, l'ex- Cameroun » ! Sans un mot sur les operations militaires...
adjoint de Maurice Delauney en region Bamileke est devenu le chef de la En 1958, il faut etre lecteur du New YorkHerald Tribune pour etre au cou-
region de Ja Sanaga-Marit!me.IIest horrifie par ce qui vient de s'y passer.« La rant qu'une « guerre » se deroule en Sanaga.Mais cette guerre, presque sani-
lutte fut tres dure, et !es pertes severes a-t-il ecrit dans ses Memoiresprives.
)t' laire, y est egalement encensee. Cette « petite Algerie», a en croire le journal
Quand on lui demande des precisions, l'ex-prefet denonce « une section qui americain, est en effet menee dans un meme mouvement contre Ja malaria et
revenalt d' Algerie», avec a sa tete un « lieutenant parachutiste fran\als ». « Je contre le IT)arxismebassa des« fellaghascamerounais42 ». Le 7 janvier 1958,
les ai fait partir, explique-t-il, parce qu'lls interrogeaient comme en Algerie, le New York Times consacre lui aussi un editorial au Cameroun, ou il juge la
avec la methode de Ja baignolre. fls avaient pris de mauvaiseshabitudes 39 ••• » s11uation « relativemeot banne» et n'hesite pas ä y denoncer Ja colonisa-
Peu festifsegalement sont les moyens de pression dont se souvient Je chef lion ... sovietique ! Les Camerounais « pourraient en somme faire face a
de camp Alphonse Boog,requisitionne pour traduire !es declarations des pri- un excellent avenir si les Russes les laissaient tranquilles ,., conclut le
sonniers des forcesde l'ordre. II rapporte que !'alternative etait simple: parler quotldien 43...
ou mourir. La personne interrogee,se souvient Boog,etait ensevclie dans une Le silcnce qui regne alors sur les exactions fran~aisesau Cameroun est
tombe : « Lessoldats y enfouissaient le suspect, couche ou debout, et l'enter- unc faillite mediatique. C'cst aussi une faillite politique. Les « progressistes»
ra.ientjusqu'au cou, pour qu'il se decide ä parler. On falsnllccltiHux hornmes fron\,ais rcs1ent 101alcmC'11t m11c1ssur la qucstion camerounaise. La SFIO,
et aux fcmmes.Jc crois qu'ä Ntouleng c'esl arrive ä unc lll1<1hw cl'hon-1mcsau i·ng,1g~ccorp~ cl nmc dn11, 1.1,~pres~ion, esl bien s0r partlculierement

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soucieuse de se taire, pulsque c'cst un des sicns, Je Premier n1lnlstre Mbida, opprlrnes ». Messmerloucra olor~la « cur.lositedu monde » du joumaliste, son
qui assurneJa paternfte de la lutte anti-upecisteet que PierreMessrnerest aJors • go0t d'aHeret de volr plus loln » 48...
considere comme un proche de Gaston Defferre.Plus grave est Je silence du Pas facile, dans ce contexte, de se faire une idee precise des evenements
PCF.Alorsqu'il etait jusque-la Je principal soutien de l'UPCen metropole, il ULIcours de cette annee 1958. L'incompetence ou la partialite des journalistes
a en grande partie delaisse la cause nationaliste camerounaise. S'il reste nc sont pas la seule explication. Cette couverture rnediatique est le resultat
quelques avocats communistes pour defendre l'lJPC, L'Humanitene denonce d'une strategie militaire. Le 20 mars 1958, Lamberton va ä Ja rencontre du
plus Ja repression comme eile l'avait fait en mai 1955. Quant ä ceux qui nouveau Haut Cornrnissaire,XavierTorre, a Yaounde. Il revient rassure de cet
denoncent courageusement la guerre d' Algerieet les atrocites de l'armee fran- cntretien, et en fait un campte rendu eloquent a son etat-major: « Le Haut
~aise en Afrique du Nord, ils brillent par leur absence sur Je dossier carne- Commissaireest d'accord pour engager la lutte, car il s'est rendu campte que
rounais. L'Express,par exemple, qul avait notarnment publie en mars 1957 les nous etions engages dans une guerre revolutionnaire. II a egalement attire
carnets de Jean-JacquesServan-Schreiberdenon~ant la torture en Algerieet mon attention sur un autre point. A savoir qu'il ne faut pas que l'on parle de
qul, a cette occasion, avait re~ Je soutien public du celebre general Jacques rc qui se passe en Sanaga-Maritime.Jusqu'ä maintenant nous y avons reussi
Paris de Bollardiere, n'a que mepris pour les combattants camerounais. - fl faut faire regner Je silence 49 . » La consigne est repercutee a tous Jes
Ceux-ci, explique en janvier 1958 son journaliste Claude Krief,ne sont que ~cllelonsde la hierarchie. « Tout allait blen », voila le mot d'ordre dont se sou-
des « extremistes partisans du tout ou rien 44 ». vlent le sous-lieutenant Boulet. « C'etait la censure absolue ! Le black out
S'agissant de la presse, il faut faire une place a part a Max Olivier- total... », ajoute-t-il 50 •
Lacamp. Reporterau Figaro,il est sans doute le journaliste qui a le mieux servi Les journalistes ne sont pas admis en ZOPAC.D'ailleurs, Lamberton
Ja propagande coloniale. Du 9 au 11 decembre 1957, l'inoubliable auteur de rnncede que l'interdiction de circuler a pour but, « en partie », d'isoler Ja zone
l'article « Peril rouge en Afrique noire » signe une serie d'articles, intitulee: mediatiquement 51• Si les joumalistes complaisants sont choyes, les publica-
« Au Cameroun, qui tirera !es ficellesdu Dieu independance ? » II y tourne en l'lons plus critiques sont bannies. Ainsi, le directeur du journal L'Opinion, le
derision !es maguisards, une « obscure guerilla abase de sorcellerie», et prend <.Jocteur Marcel Bebey-Eyidi,est enferme le 23 decembre 1957, pour « recons-
Um Nyobe, decrit retrospectivement comme l'« organisateur du putsch tltution de ligue dissoute 52 ». En metropole egalement, on fait la chasse aux
mangue de Douala, en mai 1955 », pour unique dble. Cantonne asa region, rnauvaises langues. En juin 1958, lorsqu'une brochure upeciste, intitulee
Um « n'est prophete que dans sa propre tribu », clame Lacamp.La prose jour- Nazismeet Attila au Kamenmet denon~ant les methodes fran~aisesen Sanaga-
nalistigue rejoint la propagande militalre. Le secretaire general de 1'UPC Maritime,est publiee ä Parispar Jarevue L'Etudiantd'Afriquenoire,le ministre
devient un etre cruel, irrationnel, plus proche de J'animal que de l'homme des Armeespocte plainte et Je numero est saisi 53• Le general Le Puloch a donc
politique. En echo aux slogans des militaires, qui presentent l'ancien greffier parfaitement raison de qualifier la ZOPACd' « reuvre difficileet discrete 54 ».
comme le « filsmalefiqued'un sorcier-panthere 45 », Le Figaro,des les premiers Cause majeure de cette « discretion », on ne trouve aucune faille au sein
jours de JaZOPAC,raconte comment Um<(endosse Japeau de panthere pater- de l'appareil politico-militaire. Impossible au Cameroun de deceJer un per-
nelle et dechaine ses tueurs ». « Depuis, poursult Lacarnp, Um Nyobe, qu'on \0nnage ayant l'ethique d'un Paul Teitgen, secretalregeneral de Ja prefecture
appelle maintenant le "Mpodol" (guelque chose comme Je Führer ou le bik- d'Alger charge de la police d'aout 1956 jusqu'a sa demission en septembre
bachi), hurle comme un loup du fond de sa foret 46 . » Le reporter, qui se veut 1957, ancien deporte qui a toujours refusele recoursala torture. Ni, cöte miU-
impartial, s'en prend aussi a la justice au Cameroun, qu'il accuse... de laxisme toire, quelqu'un de la stature du general Jacques Paris de Bollardiere,pret a
envers !esinsurges !
braver sa hierarchie plutöt que de cautionner Ja torture en Algerie- comme il
On devine assezbien les sourcesde ce joumaJJsteatypique. Dans un rap- l'a fait en mars 1957, ce qui lui valut d'etre releve de ses fonctions et sanc-
port de Ja St1rete,on apprend par exemple qu'ayant « ete re~u par !es plus tlonne de soixante jours d'arrets.
hautes autorites », Lacamp a pris soin d'eviter les « contacts directs avec la Pourtant, ce que l'on ne connait guere dans son parcours, c'est que Je
47
population » • Ce journaliste est alors au falte de sa gloiie, puisque c'est pre- m~me ßollardiere, tout au long de l'experience de Ja ZOPAC,de juin 1957 a
cisement en 1958 qu'il re~oit le prestigieux prix Albel't Londres. Bien des 1959, etait present au Camcroun. Apresavoir ete enferrne deux mois a la for-
annees plus tard, Pierre Messmerfera ä son touren 1985 l'~loge de Max Oli- tcrcsse de LaCourneuve pour Insubordination, « Bollo» est en effet « placar-
vier-Lacamp qui, d'apres lu!, s'est toujours plnc~ « tlnns le camp des cllsc:» au poste d'tidjolnt' r111rrHHn1011ClnM<lcl'AEF-Cameroun,a.Brazzaville.

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rr11mrn11, f/V.'i'tllJ~H) ICJ/1/\C (II): tr,1111wr
et 1'll111/11er

~trangement, pcndant plus de deux annl!es qu'il jugcra plu\ tard comme l',1l,cdan~ son röle de chef de gucrre, Mpodol se consacre ä son ceuvre intel-
« absolument sans histolre ss », II n'a rien su, ou rlcn voulu snvoir, a propos ll'll 11cllcet polltique. « Dans son maquis inconfortable et precaire, poursuit
des operations en cours au Cameroun, calquees sur celles qu'il denon~ait 1,11nberton,il accomplit un travail considerable, redigeant des instructions
quelques mois plus töten Algerie.L'accueUplus que froid que lui a reservela tmrjours claires et precises, des articles de journaux, des tracts et des bro-
hierarchie militaire a Brazzavilleaurait pu lui mettre la puce a l'oreille. « Per• l 11111 es de propagande, entretenant une volumineuse correspondance avec les
sonne ne nous a dit bonjour pendant un an», se souvient Simone de ßollar• 11111cnncs de l'UPC au Cameroun, a Paris, a Toulouse... , avec les etudiants
diere 56• On imagine en effet que la venue de Bollardierea ete per~uecomme r,11ncrounaisä l'etranger, avec des journallstes en France et tout aussi bien
celle d'un chien dans un jeu de quilles. na meme ete accuelllipar une missive uvccd'infimes militants de la Sanaga-Maritime;discutant un point d'organi•
personneUe du general Oio, son nouveau superieur, lui reprochant d'avoir ,.111011 ou de doctrine avec celui-ci, nourrissant une polemique avec celui-la;
« prete la main a une entreprise de demoralisation de la nation et de diffama- ~outcnant la foi des humbles et des evolues, qu'i1 s'effor~ait inlassablement
tion de l'armee » et ainsi perdu« taute [s]onestime » 57• Autant de signes mon• ,t'lnstruire et de convaincre 61... ,.
trant, s'il en etait besoin, que les cadres militairesde la zone etaient Ioin d'etre Un tel ennemi est dangereux. A l'ete 1958, « au moment de partir en
de farouches adversairesde la torture ... wnge », Daniel Doustin se felicite des premlers resuJtats.« Mais, previent-il ä
« Des tortures au Cameroun ? Alors la vous me l'apprenez, je n'avais l',11tentlondu lieutenant-colonel Lamberton, nous n'avons pas pu encore ell-
jamais entendu parler de ~ ! » La veuve de « Bollo», toujours militante de la 111l ncr les principaux leaders de la rebellion. Tant que nous ne l'aurons pas
non-violence, est tombee des nues quand nous lui en avons parle en sep- l1111, les resultatsobtenus ne pourront etre consideresque comme des resultats
tembre 2008. Le general placardiseaurait-il ete en dehors des reseauxd'infor- p,11llcls et non definitifs62 ». On l'a vu au chapitre precedent, Doustin a fait
mation ? Sans doute pas. « n etait particulierement au courant de la situation, ,on deull de la negociation avec l'UPC, depuis que Pierre Messmer a choisl
assure son ex-adjudant de l'etat-major de Brazzaville,Francis Agostini.Je lui l'~prcuvcde force quelques mois plus töt. Consequent et realiste, Je delegue
apportais les journaux et les BRQ[bulletins de renseignements quotidiens] llu Ilaut Commissaire pour le Sud-Cameroun en tire les le~ons. Dans une
tous les matins. Mais iI etait tres replie, renferme sur lui-meme58• » De plus, l••llreh son ami Jean Chapperon, directeur de cabinet du Haut Commissalre,
l'officier rebelle a beau ecrire qu'II n'etait alors « admis a Jntervenir ni de pres II ,'lntcrroge : « Est-il possible de ramener Um Nyobe dans le systerne? l---1
ni de loin dans les affairesmiJitaJres59 », forceest de constater qu'il a ete a plu- l'l'"onncllement, jene Je pense plus, Um Nyobe maintenant s'est enferre
sieurs reprisesen visite au Cameroun, de surcroit dans les zones en guerre. En 1!,111~ l'action subversivecomme nous-memes nous sommes enfermes dans la
septembre 1958, alors qu'il etait charge d'expedier les affairescourantes, Paris 1~prcssion63. »
de Bollardiere fut meme amene a ... envoyer des commandos paras en L'elimination passe d'abord par une offensive contre sa trop banne
Sanaga60 ! Decidement, ce qui faisait polemique en Algeriesemblait passer l11111gc publique. AJorsmeme qu'il admettait, dans des lettres precedentes,que
totalement inaper~u au Cameroun... 1 '(•1,111 l'intransigeance de Messmer en 1956 qui avait provoque la guerre,
t >ou~tlndemande, le 23 avril 1958, que soient « diffus[esjdans les medias et
'"" responsables locaux les documents prouvant la responsabilite d'Um
Septembre1958:l'assassinatd'UmNyobe Nyob~ ctans le declenchement des bostilltes 64». L'operatlon de discredit
·1 houc largement. Qu'a cela ne tienne, « nous devons nous engager dans le

A mesure quese deroule l'annee 1958, la ZOPACporte ses fruits. Les vll- l 11111bol sans esprit de retour>>,insiste Doustin, car le temps presse. II faut
lageois sont regroupes, les operations se deroulent comme prevu, les rensei- H hcver la ·rebellion bassa avant les pluies de novembre. Depuis plusieurs
gnements affluent et Ja propagande n'est contrecarree par aucun media \l•n1,tlncs1 l'etau se resserre autour du maquis d'Um. Ne pouvant plus se
fran~aistrop scrupuleux. Pourtant, Ja vlctoire n'est pas complete tant que le d~ploccrsans rlsque, le leaderde l'UPC,flevreuxet deprime, se refugiedans les
leader de l'UPC Ruben Um Nyobe, meme isole, malade et desarme, est vivant. l1'lture~,entoure de sa garde rapprocbee, qui l'accompagnede cache en cache.
Cette simple realite est un danger pour !'ordre colonial. Sur lc tcrrain, c'est un intriguant capitaine franco-indochinois qui est
Laissonsson meilleur ennemi, Lamberton, dresserson portralt: "Autodi• 1 l1i11g~de traquer Um Nyob~.Paul Gambini « etaitlecerveau dela luttecontre
dacte, Intelligent, patriote fougueux, marxiste sectaire mais avant tout gonfle IJ111Nyob~", expllquc le chcf du 2• burcau de l'epoque, Rene Dorandeu. Ce
d'orgueil et de rancune contre "le Blanc", Um Nyob~ rcste le thforlrien et le 1h•111lc1, aujourd'hui gl!neral du codre de rescrvc, parle de Gambini comme
doctrlnaire de l'UPC, m@meaprcs lc dl!clenchcmc11lde la 1N>1!1ll011. » Mol A 1111111 pcr\on1H1KeII extroortllnolrc •, • dou~ pour le renseignement », qui

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venait de faire ses preuves en lndochine et en J\lgerie".« Une bete fauve, ren- 1lnut Commissaireadjolnt clu Camcroun, Joseph Rigal,dans un telegramme
cherit l'adminJstrateur YvesVergoz.II etait grand, svelte : la bete de brousse, du 16 scptembre au minlsterc de la France d'outre-mer 74, arrive a trente
excessivement souple ! Et tres discret en brousse65• » Depuis plusieurs rnois, 111etresenviron d'un rocher formant grotte, le guide entend des voix. » Ce
GambinJ röde autour de Boumnyebel, Je village natal d'Um Nyobe, ou l'on mnt cellesde trois hommes et une femme, qui discutent pres d'un marigot en
se doute quese terre Je leader de l'UPC. Mais la zone est difficiled'acces et les mungeant des oranges. lmmediatement, le guide, Luc Makon, « aperr;:oit[...]
troupes de Gambinj ont besoin de renseignements precis. Um Nyobe,qu'il designe au sous-officierafricain. Mais,a la vue des forces de
Dans ce duel a distance, Jedeclic a lieu Je 9 septembre 1958. Aucours d'un l'orclre,Um Nyobe et les siens prennent la fuite ». Apresune course-poursuite
crapahutage, les hommes du capitaine GabrielHaulin mettent Ja main sur !es de 200 metres, poursuit Riga!,« le sous-officierouvre alors le feu au pistolet-
« archives personnelles d'Um Nyobe et capturent un groupe de rebelles 66•
}> n1ltrailleuret blesse mortellement Um Nyobe, dont les compagnons, parmi
Parmi eux, une femme: Esther Ngo Manguele,responsable locale de l'Udefec, lcsquelsYem Mback Pierre, chef du SA/BL(secretaireadministratif du bureau
branche feminine de l'UPC. Selon toute vraisemblance, cette fernme, agent de, liaisons),sont egalement atteints par Je tir des autres soldats africains•».
de liaison proche d'Um Nyobe, est durement interrogee, voire, d'apres eile, Ce telegramme inedit, classe « Secret defense }>,que l'on ne se procure
rnenaceede mort. Lesous-lieutenant Mkhel Boulet,aujourd'hui pretre catho- ,111presdu rninistere de la Defense qu'apres derogation, avec interdiction de
lique, affirme que l'infortunee est alors passee entre les mains de « Zyem », Je rcproduction, est accablant. Il montre que, contrairement a certaines ver-
specialiste assume de Ja tortuce que nous avons deja evoque. « D'ailleurs, il ~lons, les soldats n'ont a aucun moment agi en etat de legitime defense, ni
etait toujours volontaire pour accompagner Ja prisonniere aux toilettes », se 11 ont fait de sommations. 11sont tire au pistolet-mitrailleur dans le dos de
1

souvient l'ex-appele du contingent, ecreure 67• « Le bruit avait couru un peu mllitants desarmes. Une realite qui n'empeche pas l'AgenceFrance Pressede
partout que c'est moi qui avais trahi Um Nyobe », se defendra Esther Ngo pr~tendre, Je lendemain du crime, que les soldats n'ont reconnu Mpodol
Manguele quelques annees plus tard, devant une commission d'enquete de qu'apres l'avoir tue 75• « Um Nyobe tue, je repete Um Nyobe tue», peut triom-
68
l'UPC • Helas, !es archives sont cruelles et semblent bien attester qu'Esther pher le chef d'etat-major de Le Puloch dans un telegramme envoye a
passe aux aveux, entre Je 9 et Je 13 septembre. Non seulement eile fournit llrnzzaville76.
l'emplacement precis du maquis du secretaire general de l'UPC, mais c'est
encore eile, affublee d'un treillis militaire, qui guide sur place Ja troupe
franco-africaine69 • Laprofanationdu« dieuquis'est trompe>>
Esperant ainsi toucher au but, le capitaine Ange Agostini,officierderen-
seignernent decore de l'etoile noire des officiers le jour de l'arrestation Plusieurs recits de Ja mort d'Um Nyobe ont ensuite circule, souvent
d'Esther Ngo Manguele 70 , et son adjoint, l'inspecteur Georges Conan, londes sur des rumeurs. Celui qui suit est plus original, puisqu'il emane du
commissaire special d'Eseka,jettent leurs forces dans la bataiJle71• Le 11 sep- rnplt·aine Lucien Lescurieux, ex-cbef des 2• et 3e bureaux au Cameroun, en
tembre, une premiere operation d'encerclement echoue 72• Deux jours plus rharge donc du renseignement de la ZOPAC.Lorsque nous cherchons a Je
tard, une nouvelle expedition, composee de trois sections, se met en branle a w11tacteren 2008, helas, l'ancien capitaine vient de deceder. n a neanmoins
7 heures du matin, a partir de Libellngoi,emmenee par le capitaine Guillou, llllss6ä.sa veuve un carnet dans lequeJ il revient, sous forme romancee, sur
commandant de Ja 1" compagnie du BTC1,responsable du sous-guartier, 111,sassinat
1
de Mpodol.
guidee par des pisteurs rallies, Koi Nyem de Libelingoi et un certain Luc Si l'on passesur Lesdeformatlons des faits (UmNyobeauraittire sur le ser-
Makon, adversaire acharne d'Um Nyobe. GuHlous'est prepare depuis long- f1C11t-chef...), il convient de s'arrfüersur Ja suite de J'histoire: « Pelican [c'est Je
temps. Depuis deux semaines, il survoJe la zone en helicoptere 73 • JJ a 110111que s'attribue Lescurieuxdans ses nouvelles] sait ce qu'il va faire, il y a
demande pour dix jours le renfort des elevescaporaux de Yaounde. En finde pcnse au ctebutde l'operation. IJveut realiserä cette occasion un acte d'action
matinee, un premier accrochage avec un maquis alerte le groupe d'Um
Nyobe, qui cherche a fuir. Mais, trahi par les traces fraiches de ses Pataugas
dans Ja boue, ce demier est rapidement rattrape. « Vers 14 heures, rapporte Je
,1 L>cuxll\1trcs pcrsonncs sont tu~cs dnns l'op~ratlon: un serviteur d'Um Nyobe et la mere de
~11<.:ornpagnc.l.a compng11cd'Urn Nyol)t Marle Ngo Njock, est la mere de leur flls alors äge
a Entretlen des auteurs nvcc Rene Dorandeu, Argcl~s-sur-Mcr, 2009. D'apr~~ Ooronde11, d~ 1,111,11nnlclUm Nyob~, \\11110111111~ • 1Clldt.'r•, pr~senlau maquls ce jour-1,t Daniel Um
Gambinl finlrn sesfours tl Popeetc,cn Polyn~~lc. N)mlJ~vll uujuurd'hul u111~1110111H111,1\
11m1i,

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Fc11 19:,l:J) LOl'AC (11):tmquert'I m,11l11er

psychologi.que. » La fiction rejolnt icl la realite : « II cJonnc l'ordre a son de l'cntcrrcr a la sauvcttc h 1;sckn,derogeanl par la ä tous les rites funeraires
adjoint de transporter le corps ä Eseka(jour du marche) et d'exposer ce corps tradltlon11els.
d'Um Nyobe Ruben, lui qui pretendait etre immortel, ainsi la population /\u fur et a mesure quese repand la nouvelle, les reactions montrent bien
pourra constater que le soi-clisantnouveau (faux) prophete avait menti et que, !'Immense popularite dont jouissait le chef de l'UPC. « Tous les habitants,
enfin, !es exactlons subies depuis des mois vont donc cesser. » Dans Lanou- ,iln~i que ceux des villages environnants, etaient absolument consternes »,
velle de Lescurieux, " Pelican » conclut en direction du journaliste Max Oli- peut-on lire dans le rapport de la Surete 78• « A.Eseka, poursuit le document,
vier-Lacamp en reportage en Sanaga (il s'agit ici du vrai nom du journaliste l,1tristesse se lisait sur la plupart des visages. [... ] Pour I'ensemble de la popu-
du Figaro, effectivement en reportage sur place ä cette periode) : « "Le plus 1,111011 bassa, ce n'est pas exclusivement la disparition d'Um Nyobe qui
important est fait, il nous appartient maintenant d'inviter les autres ä se ral- l'affccte, mais surtout la perte du seul chef susceptible de gouverner le pays
lier ä nous. Nous utiliserons divers moyens pour leur faire savoir que nous les et de le conduire vers la realisation de ses aspiratlons 79• » Rarement note de
attendons, nous ne les menacerons pas de represa1lles,ils reconnaitront leurs police aura reconnu avec autant de franchise la popularite du leader upeciste
erreurs". Max s'approche de Pelican et lul dit: "Tres Interessant ... " "Oul, Max, l'n raison du projet politique qu'il incarnait. Et cela bien au-dela de son appar-
il faut ma1ntenant nettoyer les esprits ... " "Certes !", repond Max.» tcnance ethnique et de son origine regionaJe : « vive ernotion » ä Dschang,
« Nettoyer !es esprits ... » La mort de Mpodol servira aussi a cela, car eile 1cl~vcle meme rapport, et« deception et tristesse » aYaounde. Le Figarorend
combine decidement tous les aspects de la ZOPAC: eile commence par un hommage ä sa fa~on au leader independantiste en ecrivant qu'« avec Um
aveu au cours d'un lnterrogatoire, se poursuit par une operation montee sur Nyobedisparait le plus original et le plus dynamique de tous les fomentateurs
renseignement et s'acheve sur une action psychologique. Au-delä de la mort
d'insurrection en Afrique noire 80 ».
d'un leader politique, l'armee fran~aise a fait de ce choc un acte de propa- On le devine, le nouveau pouvoir ne partage pas la detresse populaire.
gande par Ja terreur et un outil de ralliement, a travers la profanation de son Ce 1our-la,tout le gouvernement est reuni, pour une inauguration d'un poste
cadavre et la diffusion d'un tract annon~ant Lamort du « dieu qui s'est ,1d111inistratif en province. Quand le conseiiler fran~is Pierre Marchand leur
trompe ». Le remarquable travail de I'historien Achille Mbembe montre,
upporte la nouvelle, « il y eut un instant de silence, se souvient-il. "Ah !", fit
d'une part, comment Um Nyobe a su reactiver des savolrs ancestraux pour
,Implement Ahidjo d'un ton neutre. Lesautres hesiterent. Puls manifesterent
proposer un sens ä la rebellion bassa et, d'autre part, comment l'administra-
unc cspece de joie 81 ». Celui qui a remplace Andre-MarieMbida comme Pre-
tion fran~aisea cherche a contrecarrer ce travail symbolique et faire de la mort
111icr ministre en fevrier 1958 (voir chapitre 17) declare ä 1'AFP qu'il aurait pre-
de Mpodol Je dernier episode d'une victoire ideologique sans appel, Ja victoire
du devoir d'obeissance aux autorites comme a ses parents, pour reprendre un
lcrclc raHiement de son adversaire et regrette que « [sonj obstination [...] alt
theme de propagande infantilisant recurrent. cntrainesa mort 82 ».
Dans le fond, qui est responsable de la mort de ce leader politique de pre-
Alphonse Boograpporte les memes faits, mais du point de vue du sympa-
111lcr plan qu'etait Um Nyobe? Son « obstinatioo », comme Je declare
thisant nationaliste. « Quand nous avons appris la mort d'Um Nyobe, se sou-
vient-H,on nous a effectlvement emmenes voir son cadavre profane, a la file, /\11ldjo?Oui, dans un sens, car Je Leadernationaliste a prefere risquer la mort
pour le reconna1tre. On l'a traine comme un gibier pris dans le piege et on Je quc )e rallier au regime. Mais ce n'est pas « son obstination » qui a appuye sur
jetait comme un animal », dans Ja boue. Et finalement, arrive aEseka,le chef l,1gäc11ette.Pour la premiere fois, nous sommes en mesure de donner le nom
milicien Jacques Bidjoka, encore lui, a defie une demiere fois son ennemi du soldat qui a tueRuben Um Nyobe. Alors que l'identite d'un « tirailleur
defunt: « Tu as dis que tu es fort; leve-toi, qu'on boxe un peu. Tune peux plus 'i,1r,1,., « AbdoulayePaul», avait ete avancee par certains 83, Jerapport du capi-
te lever pour parler? » S'etant rendu a Douala quelques Jours apres Ja mort tulnc Guillou precise qu'il s'agirait plutöt d'un certa1n « sergent-chef Tou-
d'Um, avec en poche les photos du cadavre, Bidjoka « s'installa dans un debit l>(Ho"· Celui-ci aurait tire apres qu'Um eut ete identifie par le guide Luc
de New-Bellet exposa aux tres nombreux solliciteurs les preuves irrefutables M,1kon.Toutefois, connaitre le nom de ce soldat n'explique pas grand-chose.
du deces 77 ». Cette nouveUe provocation, dans Je fief upeciste de Douala, l'cu1-on se contenter des affirmations de Pierre Messmer, qui dans ses
attise Ja fureur des pa:rtisans independantlstes, au point de forcer la pollce a Mfo1oircsdegagc courageuscmcnt l'implication fran~aiseen ecrivant que « le
intervenir plusieurs fois pour proteger le milicien. Ultime outrage, pour eviter lhcl de l'UPC tombera sous lcs ballcs d'une patrouille de tirailleurs Saras
84
que la depouille du martyr du nationalisme camerounais soll' ulllisec potiti- (tchadle11~)conduits par un ogc111 Ol' rcnsclgnemcnts bassa »? Une vague
quement par scs partisans, les autorit~s dccident de In coulcr dnm le beton et 111,1011c N~gres,cn ~onrn1e...
c.11!

,9 WJ
Fells11rl'Ul'C ( 1955 I VSS) I.U/1)\C (II): tr,111111·1
d t1/1111/1wr

La realite est tout autre, car la responsabllite politlque et militaire de cl~coulalld'un choJ:xpoll!lquc lrun,als. La qualifler de simple,, bavure »,
l'assassinat incombe evidemment a Ja France,qui commande alors les forces rnmrnc Je feraJacques Foccarl,est donc parfaltement faux 87 .
de !'ordre•. La patrouiJJeetaH commandee par un militaire fran~ais, ia zone
avait ete inspectee par le general Le Puloch, commandant militaire de Ja zone
AEF-Cameroun, quelques jours auparavant, la demande d'eliminer Um
Nyobe avait ete formulee depuis deja plusieurs mois par le responsable poU-
Epilogue: lesrevesd'UmNyobe
tique de la ZOPAC,DanJel Doustin - et Ja tete du chef rebelleavalt ete mise a
priX.Lesannotations du general Lamberton, qui griffonne que « Um devait Cet episode traumatique marque la finde Ja ZOPAC,avec le succes total
etre pris vivant », puis ecrit « non » a cöte d'un paragraphe ou J'hlstorien de la repression,dont chacun, surtout du cöte des partisans de la France, ten-
AchilleMbembe postule que l'ordre « semble avoir ete donne » de tirer sur les l~ra des lors d'oublier les exactions. « Dans le calme Je plus complet, la ZOPAC
fuyardsabout portant, ne convaincront donc personne. Aucun ordre ecrit n'a vlcnt de vivre sa demiere semaine, peut-on lire dans le compte rendu men-
en effet ete retrouve dans les archivesqui viendrait confirmer une quelconque ,ucl de renselgnements militairesen decembre 1958. Lesvillageoisparaissent
volonte de capturer vivant le leader independantiste. Au contraire, les ordres, tr~s desireux d'oubJier l'aventure UPC», conclut son auteur 88• Les Iespon-
apropos d'Um Nyobecomme des autres maquisards,sont focmeJsen ZOPAC: ~ables franco-camerounais de cette operation esperent refermer la paren-
!es forcesde l'ordre doivent tirer ä vue sur !es fuyards, legitimedefense ou pas, lh~se.Son ceuvre accomplie, Doustin rejoint la metropole en octobre 1958.
avec ou sans sommations. l.ccapitaine Gambini avait promis une « repression immedfate,spectaculaire,
Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter aux experlmentations de rnais juste89 », il a tenu parole, du moins en ce qui concerne les deux pre-
contre-gueriUaeffectuees en Sanaga !es mois precedents par des parachu- 1nlcrsadjectifs. Au lendemain de Noel, le 26 decembre 1958, Ahmadou
tistes d' AEF.Dans le compte rendu de 1'un, Jl est signale par exemple, a la /\hldjo, souJage,peut exprimer la « reconnaissance emue du gouvemement
rubrique « tir instinctif », que les maquisards fuient et ne s'arretent pas aux nimcrounais >> a Ja France et « exprimer sa gratitude aux officiers, sous-offi-
sommations. A cause de la vegetatlon, donc, « le tir n'est efficaceque s'il est dcrs et hommes de troupe qui ont accompU,au priXdes plus durs sacrifices,
declenche rapidement et avant que l'ennemi ait eu le temps de parcourir les lo täche qui leur etait fixee », sous le « commandement si avise du colonel
quelques metres qui Je mettent a l'abri des baUes». Conclusion logique: « Seul l.jj mberton » 90 •
le tir "instinctif" peut et doit etre pratique 85• » Un autre commandant de stage S'il s'agit de dresserun bilan chHfredes victimes de la ZOPAC,les sources
falt une remarque tres similaire : « Si la patrouille est decouverte a tres courte •amtrares.Tout au plus peut-on lire, dans le rapport du generaJ PierreGarbay
portee, ecrit-il, le feu ouvert instantanement agrand volume peut causer des d1112 mars 1959, que quatre cents rebelles ont ete tues entre novembre 1957
pertes a l'ennemi. Un bond rapide suivi de l'ouverture du feu peut etre effi- l'l novembre 1958 91 • Des chiffres proches de ceux de l'ONU,qui a denombre,
cace 86 . >>La non plus, nulle sommation. Au contraire, tout cela est parfaite- pour Laperiode de septembre 1957 a octobre 1958, soixante-quinze civils
(<

ment routinise. « Lesrebellessurpris en marche par une patrouille arretee sont lu~s, quatre-vingt-dix blesses,quatre-vingt-onze enleves, environ deux cents
voues a la destruction sulvant les regles classiques, prevues par !es manuels 111nlsons incendlees; trois cent soixante et onze rebelles tues, cent quatre
militaires», precisele lieutenant auteur du rapport. Cesconsignes d'ouverture blcss<iset huit cent quatre-vingt-deux arretes 92 ». Un decompte manifeste-
du feu, qui vont largement au-dela des Situations de legitime defense, sont 11H:11tsous-evalue, qui ne semble additionner que les cadavres des insurges
propres aune situation de guerre, non de maintien de !'ordre. Elles aboutis- tu~~au cours d'accrochages avec les forces de )'ordre. Mais qui passe sous
sent taut naturellement a la mort des rebellesqui ont Ja malchance de croiser ~llcnce les·exactions des mllices, les prisonniers precipites dans !es chutes
la route des patrouilles franco-camerounaises.A partir du moment au Ruben d'cau, les cadavres oublies en brousse et, surtout, les victimes indirectes du
Um Nyobe persistait a tenir le maquis, sa fin tragigue etait previsible et rn11flit que sont les populations parquees dans les camps, dans des condi-
tlons humanitaires lamentables. Pierre Messmer, Jui, operera une compa-
r11l:.on avec une repression d'une plus grande ampleur : celJe de Madagascar
l't1 l 947. Loin de constituer u ne autocritique, 1'ancien Premier ministre
a Si le deroule des falt:sn'est pas entlerement connu, u semble (>vldcntqu'II ne correspond
pas aux affirmatlons de Plcrre Pean quand cclul-cl ecrlt quc l'ordre de ruer Um Nyobe
lron(,'alsse felicite,dans son livreApr~sta11tdebatailles,d'avoir remporte l'« un
auralt etedonne par Maurice Dclauncy,qul n'etalt 111~mc pns l'l1 ch11rgcde ccnc r<!gton~ dl'\ dcux :.ucc~sfrarn;:aisde l'apr~s-gucrrccontre !es insurrectionsoutre-mer »,
l'epoquc (volr Plcrrc l'e.Al'I,L'Nomml' rlr l'o111b11•,
op. rlr., p. 2114). 1•11 ll)'llnt « ftouffl61 J ••• I la r6volt1:do l'UPCunnsson berceau du pays Bassa»

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comme ses illustres pr6deccsseursl'ont falt ä Madagascar,t1uprlx de dizai11es p1cmlcrc « l'cmporte lndbcutahlemcnt ,, sur la secondc, esperanl meme
de milliersde victimes93 • 11ansformcrsa maxime en « article de foi ». A travers son recit, le comman-
Messmer poursuit sa fulgurante carriere politlque, du Haut Commissa- dt1nlclc la ZOPACs'efforce donc de montrer que c'est egalement la culture
riat ä I'AEF,puis ä l'AOFet au ministere des Armees.Mais, pour Lambcrton, la ,1111ochtone,retive a l'imposition de schemas de pensee preetablis par les
lutte contlnue. S'il passe Ja main en ZOPAC,c'est pour mieux se concentrer thforiciens de la guerre revolutionnaire, qui s'incline devant la culture mili-
sur Ie « pays Bamileke», ou son savoir-faJrepeut servir (voir chapitre 17). Et, 1,1lre du colon, lequel lui impose obeissance et servilite. lncapable de
meme de longues annees plus tard, le maitre d'ceuvre de cette campagne trop nimprendre l'akhimie complexe realiseesous maquis entre des savoirs tradi-
peu connue en revendiquera la paternite et l'orlginalite, dans la limite de ce 1lonnels reinventes et une inspiration anticoloniale universaJiste, le direc-
qu'il est autorise ä decJareren public. OrgueiUeux,il dresserases propres lau- lt•ur de la S0rete J. Cardin ecrit que, surprls par la mort avec « des gris-grls»
riers dans un Iong rapport qu'il exposera aux offiders en formation au Centre l'I "quelques papiers » relatant une reunion du Parti communlste d'Union
militaire d'information et de specialisation pour l'outre-mer (CM1SOM)ä ~ovietique(PCUS),« Um Nyobe est mort avec sur lui Ja preuve de son attache-
Paris, et dont il organisera la « fuite „ aupres du journaJiste Georges Chaf- mcnt ä la sorcellerieet au communisme 98 ». L'histoire ne dit pas si, aux yeux
fard 94.Longtemps, l'officier fran~aisresteradonc la principale source d'infor- du policier,cette « preuve » a confirme le bien-fonde de la repressioncontre la
mation sur ce conflit et imposera sa vision d'une lutte energique mais loyale ,orcellerie marxiste.
face aux troupes d'Um Nyobe. Dans un dernier acte d'insoumission, Um Nyobe reve, deux mois avant
11ne s'en tiendra pas lä. SeuJ face aux publications qui viendront plu- ,.i mort, qu'il agite une machette, seul dans un champ de macabo balaye par

sieursannees plus tard Jemettre en cause, le vieux generaJ,arme de son crayon, un ouragan... Je triompherai de cette guerre, s'entend-11crier, je delivreral la
poursuit la guerre psychologique contre Um Nyobe. Bien que son adversaire tcrre kamerunaise de l'ennemi. Ni la France, ni aucune autre nation, ne sera
soit enterre sous une epaJssecouche de beton depuis longtemps, Larnberton maitre du Kamerun 99 • » Um Nyobe est mort assassine dans Ia brousse « en
cherche ä le rabaisser,le decrlvant « en fait » comme « un humble clerket rien vcstede pyjama », comme le precisele rapport de la Surete 100, terrasseentre le
de plus. Avecune "tete de cochon", comme beaucoup de Bassa(varuteux et ,cve de l'independance et le cauchemar d'une guerre qu'il avaJt si longtemps
entetes) ». Le chef militaire va jusqu'ä refuter, dans la marge, les comptes 1cfusee.
rendus de reves griffonnes par Um Nyobe dans Ja brousse et retrouves ä sa
mort. Lescombattants du CNO avaient en e.ffetpris l'etonnante habitude de
tenir des« carnets de reve », une fa~ond'apprlvoiserleurs angoisseset de rester
maitres du« domaine de la nuit „ et de l'imaginaire95• La publicatlon en 1965,
par GeorgesChaffard, de ces carnets saisissur Um revele des pans tres intimes
de sa personnalite. IIy devoile ses revesde grandeur, ä l'ONU,en costume de
Premierministre, ou aux cötes d'Ho Chi Minh. II y parle de ses deslrs,lorsqu'il
se voit entoure de femmes nues, ou tout simplement de ses aspiratlons ä Ja
fuite loin du maquis, lorsqu'il s'imagine embarquant ä bord d'un avion 96 •
« Pur delirium », tranche Lambertondans Ja marge.
Fn poursuivant l'action psychologiquejusque dans l'imaginaire adverse,
Lamberton procede ä une veritable extension du domaine de Ja repression,
qui illustre parfaitement la nature de l'affrontement non conventlonnel qui
a mis aux prises des ennemis tres inegaux en ZOPACen cette annee 1958.
D'un cöte : moyens de communication perfectionnes, cartes d'etat-major,
armes de pointe, quadrillage de l'espace et theorisation des etapes de I'insur-
rection et des moyens militaro-medicaux pour extirper cette derniere. De
l'autre : fusils de traite, sorcellerie et "blindage „ des maquisards. "Magie
moderne 97 » (I' « experience technique ») contre « sorccllcricbassn cornrne
i,,

aime a le repctcr Lambcrton, qui s'echine ä « convol11c.rclo, 0:h~.i „ que la

296
17
Ahidjoet deGaulle:peresadoptifs
del 'independance

• Dans !es grandes luttes populaires, II arrlve souvent


que !es masses se battent et se sacrifient pour la just.e
cause. Mais, au moment psychologique, le peuple
Ignorant les victoires dont il a etele princlpal slnon Je
seul artisan, des habiles deruagogues sortent du trou
pour s'attrlbuer par pire usurpation Je merite de ces
vlctoires, alors qu'ils n'ont rien fait pour y contribuer,
alors qu'ils se sont parfois, sinon souvent, trouves dans
le camp ennemi pour combattre !es forces populalres
en Jutte pour Ja Jiberte et le droit ä la vle. »
Bureau du collllte directeur de l'UPC
sous maquis, 28 juJllet 1958 1 •

L e 13 septernbre 1958, Ruben Um Nyobe, pere du mouvement indepen-


dantiste camerounais, est assassine en brousse par une patrouille
rranco-africaine.Le meme jour, la France arrete un nouveau projet d'ordon-
nance portant statut du Cameroun dans lequel eUe « prend acte » du desir
d'accession du pays a l'independance 2 • Etrange fa\'.on d'accepter une
demande d'independance que d'assassiner au meme moment le principal
leader independantiste ... Ce paradoxe resume l'objectif de Ja subtile strategie
frans:aise au Cameroun: Ja vraie-fausse independance. En effet, pour
comprendre comment la France a conserveson influence sur le pays, il ne faut
pas se focaliser uniquement sur sa superiorite militaire - l'exemple algerien
ne tardera pas a demontrer que celJe-cine garantit pas toujours Ja victoire
politique. Comme le dit justement l'influent administrateur Daniel Doustin,
« l'armee n'est qu'un moyen qui permet seulement une poUtique, [...]eile ne
resoudra rien au fond si l'action administrative n'est pas plus complete, effi-
cace et spectaculalre 3 ». De ce point de vue, l'octroi de l'independance
constitue la meilleure arme possible contre la « rebellion », plus efficace
cncore que l'assassinatde son chef. L'adjoint d'Um Nyobe, PierreYemMback,
n'~crivait-ll pas justement que, « tant que l'independance n'est pas acquise,
nucune mort ne peut permettre aux colonialistesde croiser leurs pleds 4 »?
C'est bien pour perrncttrc aux colonialistes de« croiser leurs pieds » en
toute Lranquilllt~q~1clo 111~con1quc de la sortie de la tutelle sc met en branle,

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poussant paradoxaJement la France aaccorder l'independance du Cameroun la metropole, d'une communaute d'hommes egaux en droits et en devoirs.
pour mieux vaincre les independantistes. Pour comprendre un tel paradoxe, ll 1... 1 Que chacun de nous fasse son experience l ... J et, dans dix ans, nous
faut revenir sur les quelques mois de l'annee 1958 durant lesquels, parallele- comparerons les resultats 5 . »
ment a Ja campagne militaire du lieutenant-coJonel Lamberton, une strategie Pour un nombre croissant d'observateurs pourtant, !'alternative entre
politique nouvelle est elaboree. l'« independance » des colonies et 1'«association » avec les metropoles est
dejä depassee. C'est en tout cas ce que l'on comprend lorsque l'on ecoute les
partisans du courant « eurafricain », selon lequel 1'«interdependance » crois-
« nfaudraparlerrapidementd'independance» ~ante des nations, des continents et des blocs ideologiques annihJle de facto les
velleites independantistes des peuples colonises. Des lors, comme l'avait par
Depuis des annees, la question de I'« autonomie », voire de I'« indepen- exemple soutenu Roland Pre lorsqu'il etait Haut Commissaire a Yaounde, il
dance », des colonies est J'objet de debats dans la presse fran~se et dans les ne faut plus craindre de parler d'« autonomie » ou meme d'« indepen-
milieux politiques. Mais on note une inflexion notable depuis le milieu des dance », puisque ces deux concepts eux-memes ne sont plus que des mots
annees 1950. vldes de sens. Le probleme de !'heure n'est donc plus de savoir si les colonies
La loi-cadre Defferre de 1956 marque Ja premiere etape de cette evolu- accederont ou non a1'« independance », mais de s'arranger pour que ces terri-
tion, qui montre que les dirigeants fran~ais, bien que tenaiJles par Je desir irre- toires, consideres non plus comme des possessions mais comme les elements
pressible de conserver !'Empire, ont conscience de Ja necessite de« lacher du constitutifs de grands ensembles geostrategiques, soient maintenus par des
lest» pour ne pas « tout perdre ». ll faut dire que les mentalites sembJent evo- liens invisibles dans le giron des puissances coloniales. Dans cette perspec-
luer. Journaliste a ParisMatch,Raymond Cartier s'etait illustre a l'ete 1956 en 1ive, I'« independance » n'est plus un probleme eo soi. Elle peut meme etre
denon~ant dans son journal le cout des colonies pour le contribuable fran~ais. une solution : eo plus d'alleger les charges financieres de Ja metropole, dans
Se demandant « si J'asphalte de la route de RazeJ ne serait pas plus judicieu- une logique « cartieriste », elle permettra, d'une part, de satisfaire les elites
sement employe sur quelque » departementale de Ja France rurale, Je journa- africaines qui reclament davantage de responsabilites et, d'autre part, de
liste qui donnera son nom a cette doctrine (le « cartierisme ») Ja resume en prendre de vitesse les plus radicaux dont on craint Jes sympathies
une formuJe restee celebre: « La Correze avant le Zambeze. » L'evolution ideo- « communistes ».
logique de Raymond Cartier anticipe en quelque sorte celle des autorites fran- Pareille logique, encore un tantinet theorique, ne fait certes pas l'unanl-
~aises puisque, eo novembre 1953, ce journaJiste se montrait encore attache mite dans Ja ciasse politique fran~aise au milieu des annees 1950. Mais Ja
au Cameroun, au point d'ecrire dans ParisMatch : « nous resterons, meme si guerre d'Algerie, de plus eo plus sanglante et cofiteuse, conduit les dirigeants
nous devons combattre pour cela ». fran~ais a envisager une nouvelle relation avec I' Afrique subsaharienne. Terri-
La question de l'independance provoque egalement de vifs debats parmi toire sous tutelle que Ja France a promis en 1946 devant l'ONU de conduire a
les leaders africains qui s'interrogent sur l'evolution future de leurs relations I'« autonomie » ou ä I'« independance », le Cameroun - comme Je Togo -
avec les metropoles europeennes. A cet egard, il n'est pas inutile de rappeler appara1t dans ce cadre comme une experience-pilote•.
l'echange memorable entre le chef du gouvernement ivoirien - et ministre Alors que se deroulent de sanglantes operations militaires en Sanaga-
fran~ais - Felix Houphouet-Boigny et le leader ghaneen Kwame Nkrumah, Maritime, c'est Daniel Doustin qui mustre le mieux cette evolution intellec-
recemment sorti de prison pour prendre Ja tete du gouvemement du Ghana 1uelle. Ayant compris que la « politique de choc » a base de repression pure
independant. Ce jour-la, le 6 avdJ 1957, le premier avait organise a !'Assem- ne suffisait pas face a la « mystique » de l'independance qui anime les maqui-
blee territoriale d'Abidjan une reception en l'hooneur du second, qui venait sarcls, le maitre de Ja strategie fran~ise au Cameroun cherche ä doter sa stra-
d'arracher l'independance de son pays le 6 mars. Au Premier ministre ivoi- Legiean ti-upeciste d'un volet politique coheren t. Prolongeant la logique de
rien, qui vantait dans l'aUiance franco-africaine « un acte de foi, mais aussi ~ubstitution Jnitiee par Roland Pre, qui avait suscite l'emergence de(<nationa-
un acte de solidarite humaine », Nkrumah repondit: « Mon aml, vous chol- 1lstes moderes » apres avoir fait interdire l'UPC, Doustin veut häter
sissez l'illusion. La liberte et l'independance viennent d'abord, l'equite et la
fraternite apres. » Le chef de gouvernement ivoirien prit alors les convJves a
temoin : « Un pari. vient d'etre lance entre dcux terrltolrc~, l'un ayant choisi 11 1:111~1orl1'n
Robert Comcvln quullrlcrn olnsl en 1963 le Togo de~ natlon-pilote • (Robert
l'indcpendance, l'autrc prcferont lc chcmin dlfficllc <ll' l,1con~t111ctlon, ov1:c COIINI.VIN, /,(• roxo11111/011,i1/lulr,11/1,! 11.).
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l'independance du Cameroun pour mieux disqualifier ceu.x quJ l'avalent le Le parti intei:dit pclnc d~s lors ä faire comprendre ä ses partisans que le
plus töt reclamee. confllt porte moins sur le prlnclpe de l'independance que sur la forme que
Aussi reaJiste que pragmatique, Doustin, qui est ä la fois delegue du Haut eclle-ci doit prendre. Comme l'ecrit un chef de subdivision, !es attentats
Commissaire et responsable civil des operations en ZOPAC, constate en effet dcvlennent incomprehensibles aux yeux de la popuJation : « Les habitants de
sur le terrain que J'UPC a gagne Ja bataille des idees. « La majorite de Ja popu- ßafoussam, voyant se dessiner une independance acquise dans le calme,
Jation, ecrit-il en avril 1958, marquee par cinq ans de propagande intensive, udrnettent difficilement que l'on puisse justifier par un "ideaJ" polltique des
reste fermement upeciste et attachee ä son prophete, Um Nyobe. Um est celui erimes dont la sauvagerie les revolte 8• » Le piege se referme sur les partisans
qui apportera l'independance; ce terme magique tire essentiellement sa force d'Um Nyobe. « Toutes ces mesures ont pour fondement une idee directrice :
du fait qu'il est vague: l'independance, c'est la liberte de faire ce que l'on veut, lsoler par tous les moyens l'UPC terroriste, lui couper !'herbe sous le pied
de ne pas payer l'impöt, d'imposer le prix du cacao et du paJmiste au taux le 4uant ä ses revendlcations essentielles>>,resume Doustin 9 • Pour cela, le Haut
plus eleve, etc., etc. L'independancec'est le bonheur... Peut-on refuser le bon- Commissaire a besoin d'« obtenir du gouvernement franr;ais Ja promesse de
heur aux gens ? Voila le fond de la pensee bassa 1 » JJ faut donc non seulement l'lndependance ». Par consequent, ecrit-il, « c'est ä Yaounde, et en partie a
tuer le prophete, mais egalement lui voler son message d'espoir. « II est bien Paris, que peuvent etre prises !es decisions de principe qui permettront aux
certain que Je probleme de la Sanaga-Maritime ne sera pas resolu, explique Je cxecutants de conduire au mieux une vraie politique d'action 10 ».
haut fonctionnaire, tant que la population restera prisonniere du mythe Um Abandonnons donc un instant la vegetation luxuriante de Ja Sanaga pour
Nyobe, de l'idee qu'il represente dans Je cadre rigide de I'UPC 6 • » lt1s palais des capitales fran~aise et camerounaise. La lettre de Doustin est en
Anticipant la logique neocoloniale, Doustin reclame un « choix defi- cffet ecrite ä un moment charniere, quelques semaines apres un bref imbro-
nitif » ä propos de l'UPC: « De deux choses l'une, ou bien on essaie de glio politique franco-camerounais qui, sous la houlette d'un ephemere Haut
ramener l'UPC dans le systeme, ou bien on bätit le Cameroun de demain sans Commissaire, aboutlt au remplacement au poste de Premier ministre de !'Etat
eile et donc contre eile. » La premiere solution fragiliserait, selon lui, la « posi- ~ous tutelle du Cameroun d'Andre-Marie Mbida par Ahmadou Ahldjo, et
tion, non seulement de la France, mais de l'Occident en Afrique ». La seconde, 4uelques semaines avant Je tremblement de terre politique fraoco-aJge-
qu'il privilegie, implique d'accentuer Ja repression et de« promouvoir de Paris rlen que constitue Ja chute de Ja 1ve Republique et le retour de De Gaulle au
une politique tres liberale permettant au gouvernement legal camerounais pouvoir. Dans ces semaines ou tout peut basculer, Doustin est sans doute le
d'invoquer l'inutilite de la rebellion upeciste pour atteindre un but que lui- ~eul ä developper une doctrine stable au Cameroun. II voit l.oin et anticipe la
meme est sfir d'obtenir par la negociation >>.Et Doustin de conclure : « De ~trategie fondamentale du neocolonialisme frarn;:ais : contröler l'indepen-
toute maniere, quelle que soit la solution choisie, il faudra parler rapidement dance pour mieux eca1ter Jes independantistes. Ce que Pierre Messmer, dont
d'independance a terme. » l)oustln fut le maitre a penser alors qu'il etait Haut Commissaire a Yaounde,
Ce virage modifie radicalement les termes du probleme. La politique r~sumera ai.nsi dans ses Memoires : « La France accordera l'independance ä
anti-upeciste est reformulee en simple politique antiterroriste. « 11faut bien ccux qui la reclamaient le moins, apres avoir elimine politiquement et militai-
specifier que nous ne nous battons pas contre un parti qui demande l'inde- rcment ceux qui Ja reclamaient avec Je plus d'intransigeance 11• »
pendance, rnais bien contre un parti qu.iassassine, incendie et sabote », repete
Doustin depuis 1957 7• En depolitisant le combat de J'UPC, une tel.le reecri-
ture des evenements donne un nouveau souffle a la propagande franr;aise : L'interludeJeanRamadier:
une fois Je principe de l'« independance » acquis, au moins implicitement, les revolutiondepalais a Yaounde
autorites pourront plus facilement stigmatiser la « strategie de violence » des
nationaJistes. Et cela alors meme que Je delegue du Haut Commissaire recon- Le premier responsable ä avoir mis en application !es principes de
nait que c'est l'intransigeance franr;aise qui !es y a acculesa. l)oustin s'appelle Jean Ramadier, successeur du Haut Commissaire Pierre
Mcssmer. Ex-prisonnier de guerre desJaponais en Indochine, classe proche de

a A propos du bras de fer de 1956 entre Messmer et l'UPC (volr chapltre I J), Doustln ec:rlt
qu'il et-alt• alors partlsan d'une amnlstic n('gocl<'cqui aurait· olJllg~ l'UPC il partlclper 1n11,:
electlons •· «Jecrols cncore que c'('talt la sculc solutlon valnblc •, pour~ult-ll dnns lc 1'ncccnll1cr,rc1c16cqu't•lle 11616tlnns la r6hcllion • (Lettre de Daniel Doustin ä Xavler
cl~savcude l'lntra11slgctlncc de l'lcrrc Mcs~111cr. • Ln to11(ln11co duiu d1•l'UPC 11'11 pu quc rorrO.2..-1
avrll 1956).

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/ 11r,OJ l'I 111'
1\hld/11 ( ;,1111/,• de l'l1uWpe111l,111rc•
, ,,,,,,., 11tluptl/8

Ja SFIO,ce haut fonctlonnalre lmpetueW(de 44 ans a fall corl'f~rc~ l'ombre II faut clircque Ramadiern'en fait qu'ä sa t€te. II refuse obstinement de
de son pere, l'ancien president du Conseil Paul Ramadier.Jean s'est fait un l'~pondreaux convocations outrees de son ministre de tutelle, Ge.rardJaquet
prenom au poste de gouvernem en Guinee et au Nlger, en y favorisant leurs (~111.0). Ce qui ne l'emp~cherapas, cependant, de gagner son bras de fer contre
leaders nationalistes respectifsAhmed SekouToure et Djibo Bakary.Au Came- J\ncfr~-MarieMbida. Läche de toutes parts, prive de majorite, ce dernier est
roun, coupable d'avoir brise le premier le tabou de l'independance et d'avoir uccule~ la demission le 16 fevrier,obtenant seulement, en guise de consola-
enonce la strategie secrete de Doustin quelques mois trop tötet sans l'aval de llon, Je rappel ä Parisde son indiscipline adversaire.Ramadiersera accuse par
Paris,il ne restera en poste que quinze jours. ln drolte fran~aisede cornplaisanceenvers l'UPC, alors que sa strategie visait
Ason arriveeaYaounde,le 4 fevrier 1958, Jenouveau Haut Commissaire lustcrnent a demander l'independance pour mieux lui couper l'herbe sous le
a pourtant re~u de son bras droit une consigne simple : « Faire Jiedredon 12. » plcd, ä « reduire l'UPC et le communisme en se servant de leurs propres
C'est-a-direcalmer Je jeu politique pendant que l'armee « nettoie » la Sanaga- .i1mes », comme l'expliquera fort justement Mbida ä la presse 15. L'inspira-
Maritime. Ramadier fait exactement Je contraire, avec pour objectlf de häter h:ur de cette strategie, Daniel Doustin, critiquera toutefois son nouveau Haut
Je depart de Mbida qui, par ses outrances, s'est fache avec a peu pres tout le C:ommissairepour ne pas avoir « joue Je jeu astucieusement », « sans trop
monde, hormis l'Eglisecatholique. Dans le fond, Mbida en est reste au vieux t'U.'>Serles vitres » 16 •
modele. Pour lui, l'independance est une perspective vague et lointaine, a L'issuede la crise o'est d'ameurs pas ceUeesperee par le fringaot Haut
laquelle il prefere l'assimilation a!'Empirefran~ais,en echange d'une certaine t'ommissaire. Alorsqu'il desirait mettre en selle des« socialistes>>proches de
autonomle de gestion, sur Jemodele de ce que la France tente d'orchestrer au lul, comme Soppo Prisoou le ministre des Finances Arouna Njoya, c'est fina-
Togo acette periode0 • lcrncnt Ahmadou Ah.idjoqui, nomme Premier ministre le 18 fevrier, re~oit
Des le 10 fevrier,devant l' Assembleelegislativecamerounaise (ALCAM), l'I nvestiture de l' Assemblee puis constitue un gouvemement compose de
Ramadiermet Je feu aux poudres en clalronnant : « Nous reconnaitrons !'Etat 111embres de chaque groupe politique. Court-circuite, le ministre de la France
national du Cameroun et son independance, et meme l'union des deux 1l'outre-merGerardJaquet revient sur la pro messed'independance. Le 5 mars,
Cameroun 13. » Aussltöt, devant cette reprise des deux revendications upe- 1•11 conferencede presse,il affirmeque « l'independance totale est une illusion
cistes, Mbida voit rouge. La crise entre les deux tetes de l'executif local eclate ll1111gcreuse 17
», avant de promettre un simple « elargissement de l'auto-
au Conseil des ministres du Jendemain. Pour fissurer la majorite qui, ä 11oinieinterne 18 ». Huit jours plus tard, c'est XavierTorre, Haut Commlssaire
l'ALCAM,soutient de moins en moins son chef de gouvernement, le Haut Nn11s reliefde J'AOFdepuis eing ans, marque plutöt adroite, qui est envoye a
Commissaire pousse le vice-Premierministre, Ahmadou Ahidjo, et ses par- Vnoundepour remplacer Ramadier.Mais le plan d'action imagine par Daniel
tisans du groupe parlementaire de !'Union camerounaise (UC)ä demissionner l)oustin reste d'actualite. Pour reussir,ecrit-il alors, le nouveau representant
du gouvernement, puis a deposer une motion de censure ä !'Assemblee. de la France devra, d'une part, « sous une forme nuancee, affianer qu'une
Mbida doit former un nouveau gouvernement. .. que Ramadier refuse d'ava- polllique liberalesera poursuivie et que les aspirations du peuple camerounais
liser ! Ulcere, le Premier rninistre camerounais s'envole pour Paris plaider sa ,l•ront satisfaites» et, d'autre part, obtenir la « promesseformellede la part du
cause directement ä !'Elyseeaupres du president ReneCoty. « Mbida est entre Hm1vernementfran~aisd'une declaration d'intention sur le probleme majeur
dans une rage folle, temoigne son directeur de cabinet d'alors, l'administra- de l'independance » 19•
teur fran~aisRogerCourot. Coty l'a consi.derecomme un desequillbre et un
fou dangereux -et il n'avait peut-etre pas tout afait tort 1~... » Lechef du gou-
vernement camerounais active ses relais polltiques dans la capitale fran~aise,
notamment chez !es lndependants, choques qu'un jeune gouvemeur pulsse AhmadouAhidjo,le « moinsmauvais
ainsi de son propre chef brader un morceau d'Empire. deshommes politiques»

a En 1955, au lendemain des ~ections legislatives boycottees par les natlonallstes du Comite Derrlereces jeux d'appareil, c'est toujours la rebellion upeciste qui struc-
d'unite togolals (CUT), la nouvelle Assemblee leglslatlve, composee de profranc;als, avatt \ 11rc la vie politique du Terrltoire. Le 28 fevrier, juste apres l'investiture
vote une resolution prevoyant la levee de tu teile de l'ONU et un Statut cl't!.tatautonome nu
seln de l'Union franc;atse (Richard JosEPH, op.rlt., pp. J 18-32 l;
Le Mouvement r1ot:/011nllstc1,
d'Ahlcljo, Dani.elDoustin, s'adrcssant au directeur de cabinet du nouveau
• Comparatson entre Je statut du Togo et le sta1ut pr~vu pour lc Co111\.!roun •, 011011y111c, 111,utCommissalre,Jul cxpliquc quc, "dnns la polltique camerounatse, l'UPC
s.d.; CAOM, Aff-Pol 3322). r'l'~Lt! au cccur du probl~mc .., car eile nc lulte pas uniquement pour

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l'indcpendance „ mais seulcment pour la prise du pouvolr ». "En falt, nm journaux, nos revucs, et rlen ne le passionne plus que 110sdebats inte-
conclut-il, nous nous battons pour une questlon de regime 20.,. 1 h.·11rs.1... 1Enverite, M. Ahidjoest devenu, plus vite qu'on le pensait, ce qu'on
De fait, la quest:lonn'est plus la nationalite ou la couleur de peau du chef ~avaltqu'll deviendrait 27• »
de gouvernement. Au contraire, au moment de la ZOPAC,Doustin regrettait Dans ce contexte, les dirigeants fran~aisne sont guere surpris de voir le
d'etre « desservi» par le fait que, "dans une region ou l'on parle plus que par- nouveau Premier ministre debarquer a Paris au Jendemain de son investiture
tout allleurs d'independance, on n'a jamais vu autant de visages blancs » 21 • pnr !'Assembleecamerounaise, a la mi-fevrier 1958. Ni de l'entendre declarer,
Blancs ou Noirs, l'anticommunisme et l'antinationalisme surpassent ,ur le perron de !'Elysee,que le Cameroun "n'envisage pas de sortir du sil-
desormais la question formelle de l'accesa l'independance. Dans cet objectif, 1,,gcclela France28 ». Comme Je resume fort bien l'envoye speciaJdu New York
l'omnipresence des Blancs, militaires ou administrateurs, est plutöt un obs- 1/eraldTribune au Cameroun a la fin des annees 1950, il existe un lien invl-
tacle ä une repression efficace, c'est-a-dire relayee Jocalement. D'ou l'idee ,lble et indefectible entre Ahidjo et ses tuteurs : "The Frenchlike Mr Ahidjo,
d'installer, au Cameroun comme arneurs, des « gouverneurs a la peau noire » 11111/Mr Ahidjo likes them29. » Quand le general de Gaulle arrive au pouvolr, en
suffisamment dociles pour obeir aux dirigeants fran~ais, sur le modele 111ai 1958, l'arrutie se transforme rapidement en passion. « Ahidjo portait un
d'Ahmadou Ahidjo. ,iniour fou a de Gaulle», confesse son conseiller fran~ais de l'epoque, Paul
A 35 ans, le nouveau Premier ministre camerounais est un quasi- J\udat30.
inconnu. Al'epoque, Jeconsul general de Grande-Bretagnele decrit, dans une En plus de ces qualites de caractere, le jeune Premier ministre jouit d'une
note interne, comrne « dote d'une personnalite prononcee et d'opinions tres rcrtainc assiseparlementaüe. Au sein de )'Assembleelegislativeelue fin 1956
ancrees, teintees de cynisme ». N'accordant que « peu d'estime envers les ,ous l'egide de Pierre Messmer,il beneftcie de I'unite de son groupe politique
femmes », il se montre „ tres susceptibleapropos de ses origines modestes» 22 , du Nord et de Foumban (trente deputes sur soixante-sept), qui le place loin
qu'il a tente de surmonter en epousant l'une des filles du puissant /amido de tlcvant ses rivaux du Sud, beaucoup plus dJvises.Ahidjo se montre suffisam-
Garoua. « Fulbe d'origine modeste», comme l'indique une note de Ja Surete mcnt rassurant envers l'Eglise et les aristocraties nordistes, Bamileke ou
fran~aiseau Cameroun, Ahmadou Ahjdjo etait un simple operateur de radio ll,1rnoun, pour constituer et incarner l'union des forces conservatrices
quand il a ete elu conseiller territorial de Ja Benoue, en 1947, pousse par Je lnquietesdes courants contestataires qui traversent la societe. Si, pour diriger
depute fran~aisJules Ninine et l'industriel du Nord-Cameroun Pierre Roca- un pays plutöt chretien, sa religion musulmane a pu faire peur a la France
glia 23 • « Rocaglia devait trouver un Africain pour l' Assemblee territoriale, tldns un premier temps, elle a ensulte constitue un atout pour lui au beau
raconte Andre Bovar. II avait sympathise avec Ahidjo, qui etait alors telegra- milieu de la guerre d'Algerie et deux ans apres la calamiteuse expedition de
phiste, ce qui a fait dire a Rocaglia: "II est pas mal, il sait lire et ecrire, c'est ~ucz,afin de donner des gagesaux leadersmusulmans emergeant dans le tiers
pas mal pour Je Nord." EnsuJteAujoulat l'a trouve sympathique lui aussi 24• » monde. De ce point de vue, Ahidjo profite d'un certain malentendu. Rempla-
.. Ahidjo avait Ja reputation de resumer les telegrammes du chef de region, \t1nt Mbida, disqualifie pour ses outrances anti-Bassa et ses iucontrölables
ajoute son ex-conseiller fran~ais,Jacques Rousseau.11etait assez intelligent cxaltations verbales, Je nouveau Prerruermlnistre lnstalJe par un jeune Haut
pour ne pas denaturer le sens des telegrammes et faire Je moins de mots pos- C:ommlssaireSFIOpasserait presque pour un «modere». Pourtant, des son
sible. C'etait le debut de sa reputation d'homme lntelJigent25 • ,. dhcours d'investiture, il annonce qu'il ne s'en tiendra pas a une « concep-
Envoye en France pour sieger a partir de 1952 a )'Assembleede !'Union 1Ion trop rigidede Ja democratie 31 ».Forceest de constater qu'il tiendra, helas,
fran~aise,il s'y revelecomme le « parlementafre camerounais Je plus jeune et ,,mplement parole. Enftn, erreur de calcul de ses adversaires,sa modestie a pu
le plus paresseux», pour reprendre les mots d'un de ses collegues26 • Conseiller l,1lrccroire qu'il ne constituerait qu'un Premier ministre de transition, alors
docile couve par le secretaire d'Etat a la France d'outre-mer Louis-Paul q11cce mois de fevrier 1958 marque Je debut pour lui d'un quart de sieclede
Aujoulat, Ahidjo n'a pas besoin de recevoirles consignes fran~aises,puisqu'il rtgnc sur le pays.
les a parfaitement integreesde lui-meme.Quelques annees plus tard, l'ambas- En effet, Ahidjo s'organise pour durer. LePremierministre, qui fut adhe-
sadeur de France au Cameroun Francis Hure (de 1965 a 1968) decrira retro- 1l'll l du ßDC, le parti d'Aujoulat jusqu'ä sa chute, s'attache en mal 1958 ä
spectivement l'importance de cette formation initiale, qui delimite presque 11.111sformcr son groupe parlcmentaire, l'Union camerounaise (UC), en verl-
inconsciemment Je champ des possibles du nouveau Premier ministre. tahlc parll polltiq11e.Composcc de chefs norrustes, l'UC ne mentionne pas
"'L'interet qu'il porte aux choses fran~alsesest solidemc11tfix~,frrlro-t-11~ sa ,on ULtnchcr~glonnlcnfl1)de russurcrses tutcurs fran,als, lnquiets d'un risque
hierarchie, parcc que ccs choses font parlic de son ct1c N de ,on p.,~,e. II lit ill' ,~CC\Slon du Nord, Cl de plon•1 /\hldlo cn chef du Cameroun toul cntier, lul

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gui, comrne l'ecrit le dlrecteur de cablnet du Haut Commlssafrc,a pourtant De la co11versio11


de Cl,arlesAssale...
« un degoüt qu'il n'arrive pas toujours ä cacher » ä l'egard des hommes du
Sud 32• Ahidjo prend ainsi subtilement l'ascendant sur les sultans du Nord, Du strict point de vue de l'equation parlementaire et regionale, le pou-
effrayestout ala fois par l'agitation interne ä.leurs chefferieset par l'influence voir d'Ahidjo ne peut compter que sur les parlementaires du Nord pour
des elites du Sud, christianisees et plus eduquees. N'entendant pas grand- ilt-t\urersa longevite. Ce qui est peu au regard des multiples adversruresaux-
chose au jeu parlementaire de Yaounde, les « seigneurs» du Nord deleguent ä. quels il doit faire face: les nationalistes de l'UPC, bien entendu, qui sont tou-
Ahidjo, pourtant fils de roturier, le soin de scellerä.son profit l'alliance entre lt>ursbannis de la vie politiquelegale; les nationalistes « moderes » autour de
differentes elites conservatrices locales33• En echange, le nouvel homme fort l'nulSoppo Priso,qui restent en reserveen cas de chute d' Ahidjo; et les Demo-
du Cameroun exige « tact >), « pructence» et « discretion » des adrninistra- l 1atescatholiques de Mbida, qui ne decolerent pas apres l'eviction de leur
teurs frans:aistentes de s'immiscer dans les affaires Interieures des autocra- rliarnpion par Ies man0:,>uvres de Jean Ramadier.C'est alors que deux person-
tiques chefferiesde la region 34. Ce gui nel'empechera pas de faireemerger,au 11,llites de poids, ex-nationalistes de premier plan, mettent leur notoriete au
fur et a mesure, des lamibe incapables de lu1faire de l'ombre 35 • ~c,vicedu nouveau regime et scellent une reconciliation bien opportune ä
Souple d'echine mais fin man<l.'uvrier,disposant d'une assise parlemen- l'ilpproche de l'independance : le Boulou Charles Assaleet le BassaTheodore
taire et d'un parti en formation, Ahidjo apparait sur l'echiquier politique MaylMatip.
camerounais comme un homme de confiance pour cette metropole ä.laquelle Pour comprendre le chemlnement de Charles Assale,il faut revenir un
U doit tout. Poulain du colon fran~is Rocaglia,elu gräce ala fraude electorale lmtant sur Je Rearmement moral (RM), cet etonnant lobby anticommuniste,
organiseepar LouisSanmarco (voir chapitre 6), eduque aParis par Louis-Paul linseaux Etats-Uniset en Suisse,dont les responsablesse sont mis en tete dans
Aujoulat, Ahidjo est suffisamment bien forme pour servir !es projets fran~ais k•\ annees 1950 de sortir l'Afrique des griffes de l'agitation « rouge » en ame-
et trop isole pour reclamerune autonomie veritable. Et cela d'autant plus que 11c11H les leaders africains ä. communier ensemble dans l'alliance avec le
les « troubles qui ensanglantent les regions Bassa et Bamllekeau moment
>) monde libre » (voir chapitre 10). S'etant Interessesde pres aux etudiants afri-
ou il accede au pouvoir le placent en situation de totale dependa□ce al'egard ,.1111sinstalles en Europe, qu'ils invitent regulierement dans leur centre de
des militaires fran~ais.Sans ces derniers, ecrit en seprembre 1959 un general C,1ux-sur-Montreuxles animateurs du RMont pris en parallele!'initiative de
1

fran~ais, « son gouvernement tombera avant 1960 »; ce qui aboufuait, « en ,c rcndre eux-memesen Afriquepour aller ä.la rencontre des leadersafricains.
toute hypothese, a la perte du Cameroun du Sud pour le monde occl- JJ1,1bordimplantes en Afriqueanglophone, ils s'interessent bientöt ä.la partie
dental » 36. « Malgreses faiblesseset I'incertitude de ses desseins », indique cet l1\1ncophone.
officier, Ahidjo est « le meilleur - ou Je molns mauvais - des hommes poli- Det1xrepresentants du RM, Pierre Spoerri et Maurice Nosley, sont ainsl
tigues du Cameroun, tant ä causede ses dons que parce qu'il sembledispose ä. Mvoyes sur Je continent au debut 195 7. La France, explique alors Pierre
maintenir le Cameroun dans l'orbite de la Franceapres Je 1er janvier 1960 37 ». ~pocrri dans ses notes de voyage, n'a que « deux ou trois annees » pour
C'est donc sans aucune velleite d'emancipation a l'egard de la France • donner une soJution ä l'Afrique noire. Sans cela, la revolution sera inevi-
qu'Ahidjo se resout a endosser la politique fran~aised'une « independance » t11hle» 39. Pour eviter un tel desastre, Spoerriet Nosleysillonnent les colonies
contrölee. Loin d'etre nationaliste, son evolution strategique est simplement lr11rn;aises, du Dahomey ä la Haute-Voltaen passant par le Togo, le Niger, le
dictee par les circonstances. Comme le dHJean Chapperon, le directeur de l cliad, le Gabon ou le Congo-Brazzaville,et rencontrent ä chaque etape un
cabinet du Haut CommissaireXavierTorre, le Premier ministre, « gene par la 11ombreimpressionnant d'administrateurs coloniaux et de responsablespoli-
force d'emotion et l'attraH passionnel » qu'exercent Ies mots d'ordre de l'UPC 11t1ues locaux. Le Cameroun, pays ä la fois anglophone et francophone « sur
sur les populations camerounruses,a compris qu'il « ne pouvait se priver du IL•quclles communistes se concentrent pour le moment », comme l'explique
benefice politique que comportait la revendication, meme prudente, de ,pocrri, constitue la cible principale des deux voyageurs. Par chance, ils y
l'independance au moins a terme et, d'autre part, l'adhesion a l'idee de 1,ouvent une « alliee sincere » en la personne de l'epouse de Pierre Messmer,
reunification » 38 • ll1quclle,« epatante de bout en bout », leur prete son boy, leur envoie son
du1uffeur et leur fait rencontrer ses amis. Du cöte camerounais, Spoerri et
Noslcytrouvent des oreilles tout aussi attentives aupres de multiples person-
1111llt~s. parmi lesquelles Anclr~Fo11da, Je malre de Yaounde, ou Ahmadou
Ahltl]o,nlors pr~siclcntcle l'ALCAM,qul III• Hvccinter~t » les publications du

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40
RM • Suite ä cette vfslte, des dizaines de responsables ca111crou11ais seront lnflucnt au gouverncmcnt por l'lntcrmecllalre de Charles Assale,le RM
invites a Macklnacet a Caux-sur-Montreuxpour venir se farnillariseravec les tull tlu Cameroun une de scs prlnclpales terres d'election en Afrique fran-
principes politico-rellgieux du mouvement et ses methodes de conversion \'111~!.'.
Quclquessemalnes apres la mort d'Um Nyobe, un nouveau responsable
mentale. 1111111ouvement, Jean-Jacques Odier, est envoye a Yaounde. Loge en partage
Apres avoir en vain essaye de « reconci]jer» Mbida et Soppo Priso,aJors 1w lr1familleAssaleet par le commissairede police de la ville, i1distribue les
en pleine rivalite, !es responsables du RM jettent leur devolu sur le Mouve- ll1ochures,les livreset les films du mouvement. Et fait, anouveau, le tour des
ment d'action nationale de Paul Soppo Priso et Charles Assale (le MANC, p1·1 ~on11alitesinfluentes du pays : religieux, syndkalistes, joumalistes, res-
implante dans le sud du pays),qu'ils considerent alors comme un foyer d'irre- pomables politiques, homme d'affaires, etc. Gräce au soutien financier d'un
ductibles opposants au systeme colonial fran~ais. Ils obtiendront un succes lll•~hommes forts de l'industrie forestierecamerounaise, Robert Coron, l'idee
inespere aupres d'Assale, qui deviendra leur meilleur element au Cameroun. •'11icrge bientöt de creer une antenne Jocale du RM a Yaounde pour pouvoir
11faut dire que, syndicaliste et rnembre fondateur de l'UPC (dont Us'est rapi- tlllfuser plus largement son « ideologie ». Laquelle a dejä trouve un relais
dement eloigne), Assaleest un homme influen~ablequi ne dedaigne pas les l111portant dans La Pressedu Cameroun,le principal journal du Territoire,dont
faveurs. Etemel candidat au ralliement, il etait deja passe de la CGT a FO, au plmlcurs responsablessont des adeptes resolus du RM44 • Racontant a sa h1e-
prix d'un dispendieux sejour a l'hötel Lutetia de Paris. Jnvite aMackinac a rnrcl1lechacune de ses rencontres, chacun de ses succes,Jean-JacquesOdier
l'automne 1957, il se laisse seduire par l'accueil chaleureux qui Iui est offert. "" pcut quese rejouir du vaste reseau d'influence qu'il est en train de const!-
Pour son quarante-sixieme anniversaire, on lui offre un somptueux gäteau en 1\1!.'r.
« L'action du Rearmement moral va repondre au Cameroun ä une tres
forme d'Afrique. Puis, souffrant, il est pris en charge par Je docteur William wunde attente, s'enthousiasme-t-il.Quand on prononce le mot "Rearmement
Close, qui devient pour lui, le temps d'une convalescence, un precieux PHlrnl",c'est presque comme une decharge electrique 45. »
conselller (il deviendra quelques annees plus tard Je medecin personnel de Une des experiences qui interessent le plus les responsables du RM est
Mobutu). Ainsi remis sur pied et sur Je chemin de Dieu, reconcilie avec lui- lCllcqui a cours dans la region Bassa.Dans !es semaines qui suivent la mort
meme, sa famille et ses adversairespolitiques, Charles AssaJepeut se rendre a d'Um Nyobe,les responsablesmilitaires frarn;aischerchent en effet aprofiter
New Yorkpour une session de l'ONU consacree a Ja tutelle sur le Cameroun. lll' cette « victoire » pour raUier les upecistes au regime en s'appuyant sur
Et,comme par miracle,si l'on en croit Jerecit des membres du RM,il s'y recon- diverses associations locaJesde Ja Sanaga-Maritime.C'est dans ce cadre par
cilie bruyamment avec Je representant de la France a l'ONU, Jacques Kos- t•xernpleque Jean-JacquesOdier rencontre Guillaume Bagal,ancien upeciste
ciusko-Morizet,et applaudit des deux mains !es projets de Ja puissance tutrice dl•vcnufervent partisan du regimecolo:nial.« Sousl'inspiration » des publica-
dont i1se voulait pourtant, quelques mois plus töt, un redoutable adversaire. llom du RM, se rejouit Odier, Bagal a lance avec une association dont i1 est
Adepte zele du RM, auquel il convertira taute sa famille et un certain 1111des responsables, l'Unite des Bassa,un « mouvernent de reconciliation »
nombre de ses « freres et sreurs » boulou, partisan opiniätre d'une position 111~slde par MgrMango, vicaire apostolique de Douala. « Bagalnous a dit que
conciliante ä l'egard de la France, Charles Assaledevient rapidement un aJiie ks chefs de la tribu avaient envoye un telegramme a Franck [Buchman, res-
strategique pour Ahidjo, en quete de soutien politique dans le sud du Came- ponsable mondial du RM]le remerciant pour ce qu'il avait fait pour le peuple
lmssa·10• » Une initiative q ue La Pressedu Camerouns'empresseevidemment de
roun. Acceptant desormais un « systeme jusqu'alors honni 41 », comme Je
~nluer.Dans une tribune d'Iwiye Kala-Lobe,intitulee « Pour un veritable rear-
releve un administrateur fran\'.aiS,il integre en fevrier 1958 Je gouvememeot
111cment moral du peuple bassa», le journal appelle ä rompre avec !es« haines
du nouveau Premier ministre. « Si j'ai aujourd'hui la responsabilite du rnini-
lrntr!cides» et la « psychose de vendetta » 47•
stere des Finances, ecrit-il ases nouveaux amis du RMen rnai 1958, je le dois
S'il est difficilede mesurer l'influence reelle du RM,force est de constater
entierement a mon propre changement d'attitude envers mon adversaire
unc tr~s grande proximite de vues entre les activistes du mouvement para-
politi.que,M.Ahidjo. [...]Je lui ai demande pardon 42• >>Le 19 septernbre 1958,
1l'llglcuxanglo-saxon et les autorites politico-militairesfran~ises qui multl-
rnoins d'une semaine apres la mort de son ancien camarade UmNyobe, Assale pllcnt les actions de « reconciliation » pour pacifier la region Bassa. Cette
oppose, dans une nouvelle lettre a ses mentors americains, « les divisions et rnmpagne d'action psychologique, lancee des le lendemain de la mort d'Um
la haine entre Camerounais » semees par Mpodol a « cette fleur,qui embaume Nyob~,connait son apogee en decembre 1958, au cours d'une grande cere-
dejä l'univers de son odeur celeste - le MRA [Je RM,en ;inglaisl », dont il 111onlcrasscmblant 1 500 pcrsonncs pr~sd'Eseka,chef-lieu de la region, sous
espere la « victolre finale» 43.
111 pr~sldcnccd'Antolnc Log1110 1 sccl'Nnlrcd'~tat ä !'Interieur et depute de Ja

312 13
1
L /111ltp1•11tl11111 ~""S
<Jd,m1 /1• (19.!,9I IJti()J \llld/o fl 1/t•1,1111//co:
fJ~111s 1/1•l'l11dtlµemlr111ca
111/t~f)tlf.~

Sanaga-Marltime. Ce« congres » reunit des personnnllt:cs ccclcsiastlques cst son attitudc dans les Jour:.qul sulvcnl: tc 20 scptembre 1958, une semaine
(Mgr Mango), des chefs administratifs profrancais (comme Henri Matip), les apres ta mort d'Um, il sc ralltc et fait part il la police de son « desir sincere de
mUiciens profran1;ais !es plus sanglants de la region et d'anciens compagnons rnl laborer 53 ».
de raute d'Um Nyobe. Ces,, forces vives» de 1aSanaga-Maritime pretent « ser- En depit de ce comportement, rien dans l'etude minutieuse des archi-
ment » suivant les rites traditionnels, plantent 11« arbre de Ja reconcJJiation » ves"ne permet d'accrediter Ja these d'une trahison de Mayi Matipb. Taut laisse
et lancent « un vibrant et .fraterne.lappel atout upeciste de la Sanaga-Maritime penser au contraire que ce personnage, qui incarnait au maquis une ligne plus
de renoncer ä taut acte de violence » et, en cas contraire, « priefnt] Je gouver- conclliante que celle des exiles de Kumba, ne s'est rallie qu'apres Ja mort d'Um
nement camerounais d'infliger des sanctions severes a l'encontre des per- Nyobe. Constatant sans doute que ses chances de succes au maquis deve-
sonnes coupables de complicite ou double jeu » 48• naient tres minces et qu'il risquait sa vie a perseverer dans Je combat clan-
c.lestin, II a vraisemblablement prefere se rallier au regime pour en tirer un
certain benefice et, peut-etre, pour tenter de l'orienter de l'interieur. Consi-
... au ralliementde MayiMatip dere des lors comme un traitre par ceux qui veulent continuer le combat, il
se decide a collaborer activement et se voit confier une place de choix dans
Le personnage central du mouvement de « reconciliation " initie par !es les « campagnes de reconciliation » initiees par l'armee fran~aise a la fin de
autorites fran1;aises au lendemain de l'assassinat d'Um Nyobe est Theodore l'annee 1958. Grace a sa position dans Ja hierarchie traditionnelle bassa - ce
Mayi Matip. Une fois de plus, c'est sur !es ecrits de Daniel Doustin qu'il faut se que l'armee appelle sa « psych.i-force54 » -, Mayi Matip multiplie !es tournees
pencher pour comprendre le cbeminement de cette personnalite enigmatique de propagande pour convaincre ses camarades bassa de suivre son chemin.
et influente. Depuis plusieurs mois, Doustin reclamait en effet non seule- Participant ala creation des« comites pour J'amnistie et la reconciliatlon » qui
ment l'elimination d'Um Nyobe, pour aller vers une vraie-fausse indepen- ~'activent eo region Bassa, il est la figure de proue de la grande « ceremonie
dance, mais, poussant plus loin dans la mise en scene d'une vie politique de reconciliation » d'Eseka en decembre 1958. 11ralliera ainsi, avec succes, un
factice, la creation, a sa place, d'une vraie-fausse UPC. Pour ce faire, ecrit Je grand nombre d'upecistes bassa.
futur directeur de la DST, il suffit de « permettre et encourager, si possible dis- Pour soutenir et encourager les efforts de Mayi Matip, les autorites font
cretement, la formation sur l'aile gauche de Soppo Priso d'un parti politique voter, le 14 fevrie.r 1959, une loi d'amnistie pretendument « generale, pleine
forme de dissidents upecistes [... ] ayant formellement condamne publique- et entiere » par l'ALCAM.Cette mesure s'accompagne, dans Ja presse comme
ment le terrorisme et qui, sous un autre nom, reprendrait les idees de J'UPC : sur le terrain, d'une intense campagne d'action psychologique dont les
independance et reunification ~9 }>. Le gouvernement camerounais pourrait 11nciensupecistes bassa sont, lä encore, les instruments essentiels. « Un pas est
ainsi faire appel aux maquisards rallies et annoncer les liberations de certains fait vers la reconciliation des creurs », se rejouit par exemple Yacinthe Mpaye,
prisonniers, qui seraient « natureUement soigneusement etudiees so». ancien responsable de la JDC rallie depu.is plusieurs mois au regime, dans !es
Ce nouveau parti ne pouvait trouver meilleur animateur que Mayi Matip, colonnes de La Pressedu Cameroun.II faut aujourd'hui, poursuit-il dans un
personnage sulfureux de la galaxie nationaliste. Issu de l'aristocratle bassa, lcxique qui o'est pas sans rappelet celui du RM, « cimenter l'reuvre gigan-
upeciste depuis 1949 mais simultanement fonctionnaire a Ja direction de ta tesque de pardon amorcee a Yaounde par le vote d'une loi d'amnistie 55 ». En
51
Sfuete jusqu'en 1955 , il est incarcere dans Je Nord-Cameroun, apres tes eve- c.lepitde cette propagande, 1'« amnistie » n'est en fait ni totale ni incondition-
nements de mal 1955, aMaroua puis aMokolo, ce qui ne J'empeche pas d'etre nclle : ne s'appliquant qu'aux peines de moins de vingt ans de prison et aux
designe par ses camarades president de l'organisation de jeunesse indepen- falts commis avant 1959 56, eile ecarte de sa clemence bon nombre de combat-
dantiste, la]DC. QueJques jours apres sa liberation, en juin 1957, peu apres tants encore au maquis et ceux qui ont ete le plus severement punis par la
avoir rencontre le Premier ministre Mbida 52, ce notable bassa, depositaire de
l'autorite coutumiere par son pere, rejoint le maquis et integre le premier
" i\pres la mort d'Um Nyobe, le bureau de la ZOPAC meotloone que la deroiere menace
cercle d'Um Nyobe. L'attitude etrange qu'il adopte au moment de l'assassinat reslde dans l'attltude de Mayl Matlp, ~ numero un de la rebelllon », qul ne semble donc
de ce demier a longtempsfait planer un doute: Mayi Matip aurait-11« vendu » alors pas compllce de l'administration et dooc oullement implique dans la mort d'Um
Um? Le soup~on nait Je 13 septembre 1958, quand il echappe de justesse il (,. ßRH de la ZOPAC n• 37 •, 10-16 septembre 1958 i SHAT,6H247).
11 C'est pourtant la th~sc dliveloppee sans un debut de preuve mais sans une once de doute
Ja patrouille qui surprend le groupe d'Um Nyobe, dont II fnlsnlt parllc (II avait por • Monsieur X• dun~ ~011 llvrc LesDessousde In Fm111nfriq11e(Nouveau Monde editlons/
ete faire ses besoins au mornent de l'attaque fatale). S11rprennntc ~galcrnent 11rnncc Inter, l'arh, 20011,
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justice coloniale. Les nombreux condamnes a mort votcnt alnsi leur peine • scconde pcrsonnalit~ offlciclledu pays legal>>59 • S'lls lui offrent maintenant
commuee en vingt annees de travaux forces... Dans les faits, la mesure ne une place au soleil, celle de 1'«opposant » adoube, les Franr;aisont pour Mayi
concerne donc que Ies « rebelles » qui acceptent de faire publiquement alle- Malip ä peu pres le meme mepris que pour Ahidjo. Ce n'est qu'« un semi-
geance au regime. l11tellcctuelde second plan, palabreur et revendicateur, d'un orgueil outrecui-
60
En « recuperant » Mayi Matip et ses semblables, !es autorites coloniales danl », indique par exemple un rapport des services de renseignement • Un
cherchent surtout a instrumentaliser le souvenir d'Um Nyobe. C'est dans cet „ esprit confus, de culture et de formation mediocres », confirmera bientöt un
esprit que les upecistes raJlies sont invltes ä faire parler le mort. « Avant sa ,,utre officiel fran~ais61. Quanta Jean Lamberton, qui annote ses livres pour
mort, explique par exemple ä qui veut l'entendre Benjamin Boum, ex- occuper sa retraite, il lache cette phrase definitive : "j'ai TRt5bien connu le
numero deux du CNO et proche de Mayi, Um avait relate dans certains 1lgoto: il beneflcia1tde sa "noblesse" d'origine; mais c'etait un bien pauvre
papiers qu'un jour ceux qui vivent en brousse pourront se rallier 57• » Georges type... sympathique d'allleurs, mais... con ! »
Soult, charge de l'action psychologique, notera sans deplaisir qu'une teile Dans Ia partie d'echecs mise en scene par la France au Cameroun, Ahidjo
assertion n'est rien d'autre qu'un mensonge flagrant ayant pour unique voca- l'I Mayi ne sont rien d'autre que des pions. L'un representant Je « pouvoir •,
tion d'inciter les irreductibles ä sortir du maquis•. Dans le meme ordre d'idees, l'autre 1'«opposition », mais avec pour mission commune de maintenir hors
!'Assembleelegislativedu Cameroun, qui ne compte pourtant aucun upeciste du jeu ceux qui refusent les regles v:icieesd'une independance contrölee : les
et qui est au contraire peuplee par ses ennemis les plus determines, rend hom- • terroristes „ de l'UPC clandestine qui, en exil ou en brousse, se refusent tou-
mage, quelques jours apres son assassinat, au secretaire du parti nationaliste. joursaabdiquer.
Par un etrange retoumement du sort, Um Nyobe, assassine par l'armee fran-
~alse, est transforme en allie objectif de la Strategie imperiale. Quant a Mayi
Matip, maintenant conciliant, il est decrit par le pouvoir colonia.1comme son De Gaulleadoptel'« independance
»
plus« fidele heritier ».
Amrustie et porte aux nues par les autorites franr;aises,Mayi Matip pro- Dans un premier temps, l'arrivee au pouvoir du general de Gaulle, le
flte bien entendu de sa nouvelle position pour faire carriere. II unit derriere 13 mai 1958, ne bouleverse pas la donne au Cameroun. Comme en Algerie,
lui une partie des dissldents upeclstes bassa et des cegetistes non upecistes, c'est plutöt le courant le plus äprement colonialiste qui se rejouit. Regardant
conduits par Jacques Ngom. L'admioistration Jul offre sur un plateau une 1'~homme du 18 Juin » comme un militaire ä poigne, les colons esperent que
election legislativepartielle, qu'iJ emporte sans embOchesen avril 1959, lä ou lcur heros saura faire taire les « bradeurs d'Emplre „ de la 1ve Republique,
les upecistes authentiques s'etaient jusque-Iatoujours casse Iesdents face aux 111ettraun terme ä Ja chienlit upeciste et enrayera Ja marche en avant vers
cornbines de l'administration. Roland Barachette, le prefet d'Eseka de l'independance du Territoire.
I'epoque, est aujourd'hui encore tres fier d'avoir aide l'ex-rebelle a I'emporter Les partisans locau.xdu generaJ, dont Ie journal, Le Camerounllbre,dif-
« en tricbant un peu». « Mais on avait tellement triche dans l'autre sens ! », f11se depuis des annees les textes des barons gaullistes,connaissent en effet les
s'excJame-t-ildans un eclat de rire 58... positions conservatrices des nouveaux dlrigeants fran~ais : de Gaulle lui-
Ahidjo refusant de lui offrir un poste minlsteriel, l'ascension de May1 1ncme1Michel Debre,Jacques Foccart, etc. Abonnes pour beaucoup ala Lettre
Matip s'arrete cependant au milieu du gue. Comme Ia plupart de ceux qui ont ,) /'Union franraise dirigee par Foccart, ils dlsposent gräce au « Monsieur
fait le pari de jouer le jeu du pouvoir de l'epoque, il reste Je spectateur impuls- /\frique » _dugaullisme, qui sillonne le continent depuis dix ans pour entre-
sant et la caution inoffensive de la strategie fran~aise. La scene politique tenir la flamme et eogranger les cotisations, de la meilleure courroie de trans-
locale, qui dispose deja d'un Premier ministre de fa~ade, compte des lors un inlssion qui soit pour faire passer leur messageau general.
opposant a sa mesure. Un opposant qui, "malgre sa mediocrite, [... ] et en Tandis qu'ä Paris se preparent des echeances importantes pour modifier
raison de la mediocrite plus grande encore des autres parlementaires came• lcs institutlons frans;aiseset alors qu'a Yaounde !'Assembleelegislativevote,
rounais », comme l'ecrit un haut grade militaire, represente apres Ahidjo la lc 12 juin 1958, un texte reconnaissant la « vocation du Cameroun a l'inde-
pcnclance02 », i\rmancl Anzlani, flgure emblematique du gaulllsme local et
pa1ro11de la Soclctc immobill~re du Camcroun, prend la plume. « 11n'y a pra-
a On peut parler tel de• propagandc noire • post-111orte111, dans lc langngc rnlllt'alrc,
pul~qu'ellc • prctend cmancr d'une autrc sourcc quc la vcrll,1blc • bC'IOnlo dHtnltlt>n lssuc llqucmcnl plus quc de.'~Hllltlllfü.•,lci 1... 1,cxpliquc-t-il ä Foccart. Nous pour-
de la 11'A l 17). tlon~ constltuer tel un noy.111 <ll'llr,,w, i-tcmrecrulc~un peu partout, ehe;, lcs

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Noirs comme chez les ßlancs, gui nous scrviraient de propognndlstes lors du llllllCfOtinals,il reitere sa proposition: Ja liberte contre la dependance. Mais,
referendum et de masse de combat lors des prochalnes ~lectfons 63• » Mais la tln ~tratege, il inverse subtilement l'ordre des priorites et joue habilement sur
lettre ne conceme pas tant !es problemes parisiens que l'evolutlon politique lcs mots. « Cette Communaute, declare-t-il i'i Brazzaville le 24 aout 1958, je
du Cameroun : « fJ ne faut pas se laisser lmpresslonner par Ja sequelle fatale vals la proposer ä tous et ä toutes ensemble ou qu'ils soieot. On dit : "Nous
des lächetes et des surencheres des princes du regime defunt. Elles iront en 11vonsle droit ä l'independance." Mais certainement oui l D'ailleurs, l'inde-
s'attenuant, comme s'apaisent les vagues d'un lac des que Ja tempete est pcodance, quiconque la voudra pourra la prendre aussitöt. La metropole ne
passee.» D'apres Anziani, le vote du 12 juin ä l'ALCAM ne reflete en rien la ,•y opposera pas. [... JA!'Interieur de la Communaute, si quelque territoire, au
position des Camerounais, pas meme celle des deputes locaux, simples fur et ä mesure des jours, se sent, au bout d'un certain temps que je ne pre-
« gueulards >)- selon Anziani - elus par des« negres de brousse ». « [Ce vote) clse pas, en mesure d'exercer tous !es devoirs de l'independance, eh bieo !, il
est une reactJon de peur et, par sulte, d'etroit egoi'sme, corrige le militant gaul- nppa.rtiendra d'en decider par son Assemblee elue et, si c'est necessaire, par le
liste. Cela n'a pas d'assise profonde dans Je pays et ne prenez aucune decision r~ferendum de ses babitants 66 • » Pour I'heure, le referendum propose par de
avant deux rnois de reflexion et une enquete serieuse sur place. » Uaulle aux Africains porte uniquement sur la Communaute, qu'il campte
En depit de ces suppliques, de Gaulle, plus reaJiste que ses partisans blen inscrire rapidement dans !es faits, et non sur cette independance hypo-
d'outre-mer, comprend rapidement qu'il lui sera difficile de faire oublier Jes t.hetique, dont il ne parle qu'au futur et au conditioonel.
promesses faites quelques semaines plus tot par Jean Ramadier et de rayer Face ä la proposition gaullienne, les dirigeaots africains soot partages.
d'un tra.it de plume les engagements que vient de prendre !'Assemblee came- L'lvoirien Houphouet-Boigny, ardeot partisan de I'« amitie franco-africaine »,
rounaise. Ne pouvant plus faire machine arrlere, il decide d'aller de l'avant et ..,ccepte evidemment sans difficulte, suivi dans cette attitude conciliante par
de s'approprier Ies idees developpees avant Jul par Roland Pre ou Daniel In majorite des leaders africains francophones : Leon M'Ba (Gabon), Fulbert
Doustin. II s'agit, en d'autres termes, d'avaliser le principe de I'« indepen- Youlou (Congo-Brazzaville), etc. Le Senegalais Senghor, plus sceptique, finira
dance » tout en entretenant soigneusement l'ambigui'te autour de sa portee par se rallier sous Ja pression gauJliste. Mais il existe aussi des reticences plus
reelle: s'agira-t-il d'accorder au Cameroun une entiere souverainete ou d'inte- oplniätres. Le Nigerien Djibo Bakary, membre du Rassemblement socialiste
grer le Territoire dans un grand ensemble franco-africain pilote par la France? afrlcain, et le Guineen Sekou Toure, du RDA, attires par Ja solution preco-
C'est pour clarifier !es choses qu'Ahidjo passe une banne partie de son ete nlsee par leur homologue ghaneen Nkrumah d'une independance imme-
1958 en France, du 22 juin au 18 aout. Le 12 juUlet, il rencontre de Gaulle, diate et reelle, rejettent Je carcan que veut leur imposer de Gaulle. Loin d'etre
qui assure que la France est « prete i'iaider les Camerounals arealiser leurs aspi- opposes ä une cooperaUon franco-africaine, ils souhaitent seulement que
rations dans la franchise, Ja Ioyaute et l'amitie des deux peuples 64 ». Ahidjo, cclle-ci soit egalitaire et reclament donc l'independance avant d'integrer un
en retour, lui exprime « Je desir du peuple camerounais de s'acherniner vers quelconque Commonwealth ä Ja fran~aise.
l'independance, avec l'aide de la France, et son espoir d'obtenir sa souverai-
nete afin de s'associer librement i'i elle 65 ». « Independance » du Cameroun et
« association » i'i la France deviennent des lors Jes maitres-mots•. Le Cameroun,
poisson-pilote
Satisfait d'avoir trouve une solution aussi raisonnable au probleme came- des independances
franfafricaines
rounais, le general va chercher i'i faire accepter un « compromis » similaire,
quoique plus restrictif encore, par ses autres « partenaires » africains. Trois Rapidement, ä l'automne 1958, la Situation se decante en Afrique « fran-
jours apres le retour d'Ahidjo a Yaounde, il embarque pour une tournee afri- <;aise». L6 referendum sur la Communaute, qui se tient en septembre, donne
caine qui restera dans Ies memoires : Fort-Lamy (N'Djamena), Tananarive, salisfactlon au general de Gaulle dans toutes !es colonies, saufen Guinee ou le
Brazzaville, Abidjan, Conakry, Dakar. De GauUe propose aux pays colonises "non» l'emporte ä 95 %. Au Niger, Djibo Bakary a presume de ses forces: son
d'adherer i'i la nouvelle « Communaute fran~aise ,, que prevoient les projets gouvemement de coalition explose sous Ies coups de boutoir de l'administra-
de Constitution de la v• Republique. S'etant fait Ja main sur le dossier tion fran~aise, qui fait largement gagner le « oui » dans un scrutin truque 67 et
pousse le derangeant leader ä Ja demisslon•. Premier pays d' Afrique fran~aise ä
a Mals, mi-juillet 1958, l'lndependance pure et simple est cncorc vuc pur le gen~r;il Lc
Puloch, comrnandant militalre de In zone AEP-Camoroun, co1n111cunc h)•pot'h~sc II 1louphout!t-Oolgny oyont fnlt t,11crvcnlr lcs sections nlgeriennes du RDA, Djlbo Bakacycst
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obtenir l'independancc, lc 2 octobrc 1958, la Guinee de SekouToure dcvient, co11vcntio11 franco-carncrounobcdu 30 decembrc 1958, qui laissela politique
au meme titre que Je Ghana de Nkrurnah, un symbole et u,1 refuge pour les Nra11g~rc entre lcs mains fran~aiscsmais transfere par exemple la responsabi-
progressistes du continent. Et la bete noire de la France, dont les services llte de l'ordre Interieur au gouvernement camerounais (voir chapitres 20 et
secrets ne cesseront, durant des annees, de comploter pour essayer d'assas- 25). Cette architecture juridique complexe inquiete le Haut Commissaire
siner Je president rebeile et de destabiliser son regime68 • Faceä des respon- XavierTorre, qui craint que l'armee fran~ise se trouve dessaisiede ses prero-
sables politiques qu'il considere toujours comme des vassaux, Ja paUencedu Halivesface aune subversion upecistequi n'a pas dit son dernier mot 72•
general atteint vite ses llmites. « <;a suffit, ecrit-il a un de ses representants Mais l'essentiel est d'afficher un maximum de transferts de competences
dans Ja region. VotreSekou Toure n'est qu'un crachat 69• » ,111pouvoir camerounais. Le calcul des officielsfran\ais, une fois prise Ja deci-
Dans les pays sous tutelle, Togo et Cameroun, qui n'ont pas eu äse pro- ,1011d'accorder l'independance, est en effet d'aller le plus vite possible.Deux
noncer par referendum et ne sont pas concemes par Ja Communaute du fait raisons expliquent cette precipitation. Tout d'abord, ecrit le directeur de
de leur statut international, les choses evoluent egalement. Si les gaullistes rabinet du ministre de la France d'outre-mer Jean Cedile, « creer, dans l'opi-
ont un temps envisage de !es incorporer de force dans LaCommunaute, lls se 11loninterieure au Cameroun comme dans l'opinion internationale, le choc
resolvent ä engager des negociations bilaterales. Au Togo, ce sont l'ONU et p~ychoJogiquedont Je gouvernement camerounais a besoin pour consolider
les electeurs qui ont reussi ä faire reculer le gouvernement fran~. En effet, ,es assises populaires », autrement dit assoir sa nouvelle Image independan-
avant d'integrer ce Territoire dans )'Union fran~aise, I'ONU avait demande ti~te. Et ensuite « ne pas nous laisser distancer par le gouvernement britan-
des elections generales impartiales, reconnaissant impücitement Lanullite de nlque, ceci afin d'eviter de nous retrouver au Cameroun dans une Situation
celles de 1955, Oll les profran~ais avaient emporte la totalite des sieges. A Ja .,nalogueä celle qui nous a coute nos amis au Togo 73 », en referenceala perte
surprise generale, le 27 avril 1958, Ies electeurs ont profite de Ja supervision du Togo britannique, qui s'est rallieen 1956 ala Gold Coast de Nkrumah pour
pointilleuse des emissaires de l'ONU pour accorder une ecrasante majorite rnnstituer le Ghana independant en 1957. Ce camouflet resonne encore dans
aux nationalistes du Comite de l'unite togolaise (CUT). Prive de ses droits lc~esprits fran~ais,qui craignent que le Cameroun britannique suive la vole
civlques par la puissancecoloniaJepour une abracadabrante histoire de trafic de son homologue togolais et prefere rejoindre le grand voisin nigerian, sous
de devises,son leader Sylvanus Olympio est amnistie le 16 mai 1958, lors de administration britannique jusqu'ä l'independance du 1" octobre 1960.
la premiere seance de Ja nouvelle Assembleequl l'investit Premier ministre 1'independance de Ja Guinee ayant ete arrachee contre la volonte de Pariset
dans la foulee. Humiliee, Ja France cherche ä temporiser. Ayant invite Je nou- rcllc du Togo, decidee avant l'arrivee au pouvoir d.ugeneral de Gaulle, ayant
veau chef de gouvernement togolais ä Paris,de Gaulle Je convainc de reporter (•te reportee, le Cameroun fait figure d'Etat-pilote a la finde l'annee 1958.
1'«independance immediate» acquise lors du scrutin d'avril. Pour la premiere fois, la France va amener un pays d'Afrique subsaha-
Au Cameroun, l'assassinat d'Um Nyobe, le 13 septembre, semble avoir rlcnne ä une independance dont eile a elle-memedessine les contours. Un tel
miraculeusementdebJoquela situation. Et, maintenant qu'Ahidjo a accepte le l hcminement prefigure ce qui se passera dans les mois et les annees a venir :
principe d'une independance conditionnee, les initiatives se muJtiplient. Le l'accession de chacun des territoires fran~aisd'Afrique ä une independance
19 octobre, le Haut Commissaire Xavier Torre annonce sur Radio Yaounde formelleconfiee ä des Ieadersdociles maintenus dans une relation de depen-
l'independance pour Je 1erjanvier 1960 70• Le 24, c'est !'Assembleelegislative tlc1nce, asymetrique et clienteliste. L'evolution politique du Cameroun,
du Cameroun qui avalise les projets fran~ais.Elle « prend acte de la decision polsson-pilote de cette « Fran~afrique» embryonnaire, fait egal.ementnattre
de transferera l'Etat du Cameroun la gestion des affairesinterieures ä compter un double mythe. Au Cameroun, celui d'un Ahmadou Ahidjo pere paisible
du 1" janvier 1959 », « proclame Va)volonte du peupJecamerounaisd'acceder de l'inde'}Jendanceet de Ja nation. En France, celui d'un general de Gaulle
ä J'independance le 1er janvl.er 1960 », « affirme [son] attachement au prln- lltcolonisateur, digne d.eJa vocation genereuse d'une France emancipatrice
cipe de Ja reunification », « rend hommage ä J'reuvre accomplie par Ja France de, peuples et reste fidele quinze ans plus tard ä ses grandes envolees libera-
au Cameroun et souhaite [sonj association übre et amicale avec la France» 71• 1,lccs de la conference de Brazzavillede 1944.
Les 11 et 14 novembre 1958, Ahidjo et Je representant de Ja Franceä l'ONU y Dcrriereles apparences trompeuses de cette reconciliation generalisee,Ja
defendent cöte acöte la levee de Ja tutelle dans les plus brefs delais. Pour bien gucrre se poursuit. Dans les brousses camerounaises, Oll l'on se bat encore
illustrer le changement de demarche, la Francenegocieegalemcnt avec le gou- uv<.•cfcroclte. Etsur la sct:ne Internationale, 01'.1les upecistesen exil comptent
vernement camerounais un stahit provisoireadapte a l'annec de transition de hlcn ,e fillrc cntcndrc. Si la quc~tlon de 1'" indcpenctance » fait desormais
1959. L'ttat sous tutelle du Cameroun dt>vlentun « ~tot ou10,1ornc„ regl pnr In rnnwnsu'i, II ,e~tccncorc comme ll ,oulignalt avec force Daniel Doustin - a
1

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regler celle du « regime ». Ayant mis l'lndependance entre les mains d'un de 18
ses fideles aJlies, la France doit encore s'assurer qu'elle y reste. Connaissant Ja
fragilite de son poulain, eile va alors tout faire pour eviter la procedure nor-
male qu'exigerait Ja levee de la tutelle onusienne, c'est-a-dlre « une consulta-
Guerilladiplomatique(1958-1959)
tion generale du peuple camerounais selon une procedure agreee par l'ONU
74
et sous son contröle ». Tel est bien l'enjeu de la bataille internationale qui
s'ouvre lo.rsque, Je 28 octobre 1958, douze ans apres avoir signe les accords „ Le ministre Jacqulnot declaralt a la trlbune des
de tutelle, Ja France plaide devant !'Assemblee generale de l'ONU l'octroi de Nations unies que l'independance, c'est l'lndepen-
I'« independance » au Cameroun: eviter un scenario a Ja togoJaise, ou !es dance. Nous nous apercevons aujourd'hui que ce n'est
pas vral. C'est un plege ä cons qu'il nous a tendu. •
lndependantistes profiteraient d'elections libres pour prendre le pouvoir.
1
Daniel l<EMNOU,
29 octobre 1959 •
Apres avoir pris de vitesse l'UPC, apres s'etre substitue aux nationalistes, iJ
s'agit maintenant de court-circuiter le peuple camerounais tout entier.

L a guerre du Cameroun ne se deroule pas seulement dans les montagnes


bamUeke, la brousse de Sanaga-Maritime ou Ies bidonvilles de Douala.
Elle se joue egalement ä Paris, au Caire, ä Alger, ä Accra, ä Conakry et, bien
~ar, ä New York, siege de !'Organisation des Nations unies, ou Je dossier came-
rounais est soigneusement etudie a !'heure ou plus personne n'ignore que
cette nation naissante, toujours sous tutelle de l'ONU, va acceder al'indepen-
dance. La bataille est internationale.
Traites en agents du communisme international, !es militants de l'UPC,
lllegaux au Cameroun francophone, expulses du Cameroun britannique,
n'ont, dans une sorte de prophetie autoreaUsatrice, d'autre choix que de se
rapprocher du Parti communiste franr;ais, de demander soutien et assistance
au bloc de l'Est et de se refugier daos les pays africains sympathisants. Symetri-
quement, !es pays « occidentaux » font bloc derriere la France pour barrer La
route aux supposes <<marxistes » camerounais.
Mais ce schema de guerre froide est aussi l'occasion de tester la realite des
~olidarites de bloc. Si les quelques upecistes qui arpentent le monde sont tres
clemandes dans les conferences internationales ti.ers-mondistes, ils ne trou-
vcnt toutefois pas chez leurs allies l'aide concrete gui ferait basculer la guerre
cn leur faveur. Les upecistes eo exil symbolisent certes parfaitement Laresis-
lance africaine au colonialisme europeen. Mais le Cameroun n'est ni l'Algerie
franr;alse ni le Congo beige. II ne constitue pas une prlorite strategique des
pays socialistes. Dans .lecompoppose, les rlvalites entre puissances « imperia-
1l~tcs » existentcgalemcnt, nrnls In solldarltc entre elles finit par l'emporter
f11ccA la mc11acenollonnll\h' l'I rn,11rn11ntstc. Au-dclä des aides materielles qui

3.?.3
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rcstent modestes d'un cöte comme de l'autrc, la gucrre froldc impregne les III ltanniques c,, les leaders upccl~lc~se sont en cffet refugies dans la capitale
mcntalitcs des deux camps. Ellestructure les representations et du reit les mots (•gypticnne.Plaque tournante des rnouvements de Liberationafricains depuis
d'ordre, rendant chaque Jour plus improbable la perspective d'une negocla- ld crisc de Suez et la mise en deroute des forces fran~aises, britanniques et
tion politique. hraclicnnes, Le Caire devient pour les exiles camerounais un inestimable
trc111plin.Le president Gamal Abdel Nasser, auteur d'un coup d'Etat militaire
wntre le rol Farouk 1e•,soutient leurs medias, comme le journal La Voix d11
8
Lestribulations du « trio deKumba » K1111Ie1w17 et une emission de radio quotidienne ä destination du Cameroun ,
l'I flnance leur « bureau » au sein du secretariat permanent du Conseil de soll-
Depuis leur expuJsion du Cameroun britannique ä l'ete 1957, ou ils llarite afro-asiatique, qui siege dans sa capitaJe9• Apportant dejä une aide pre-
s'etaient refugies pour fuir Ja repression fran~aise,les upecistes en exil ne ces- dcuse au FLNalgerien, le rais egyptien, qui s'est rapproche du bloc de l'Est,
sent de fuir, d'un « pays frere „ ä l'autre, du Soudan au Ghana, en passant par cnvisageegalement de soutenir militairement les ~ Kamerunais „ 10•
J'Egypte et la Guinee. Leurs peregrinations s'inscrivent dans les reseaux du Lahantise du gouvernement frarn;:aisde voir des liens reels s'etablir entre
panafricanisme en construction : elles refletent les espoirs et les contradic- lc FLNet l'VPC semble en passe de se concretiser. Des mars 1957, un attacM
tions de ce mouvement heterodlte, qui cherche tant blen que mal aechapper mllltaire du ministere de la France d'outre-mer croit savoir que de jeunes
a l'affrontement Est-Ouest. Au gre de Ja tolerance de leurs hötes, Felix ( amerounais ont ete envoyes en stage en Algerie,via Khartoum 11• Quelques
Moumie, Ernest Ouandie, Abel Kingue et Ieurs camarades poursuivent Jeur mois plus tard, une poignee de maquisards camerounais sont signales a Rabat,
effort de propagande, recherchent de l'aide militalre ou diplomatique, ou tout cn partance vers un camp d'entrainement de !'Armeede liberation nationale
simplement un abri avant de repartir au combat. A travers leurs errances, Je nlgerienne (ALN)12• A partir de decembre 1957, l'organe de presse du FLN,EI
conflit camerounais tend ainsl a se mondialiser. De Pekin ä Damas, en pas- Mu11rljahid,s'interesse ii la rebellion camerounaise. Sous l'impulsion d'un
sant par Geneve ou Stockholm, Felix Moumie, president de l'UPC, parcourt jcune revolutionnaire, le mededn antil1a1sFrantz Fanon 13,il appelle les Afri-
le globe ä la recherche d'une oreille attentive. Um Nyobe Jui-meme n'avait-il c:itns ä prendre les armes 14 et pJaide contre tout compromis avec le colonia-
pas prophetise que « l'eloignement des dirigeants de nos mouvements aura[itj l15mefran~ais.Puisque « nulle diplomatie, nul genie politique, nulle habilete
comme premiere consequence la popularisation du probleme kamerunais ä 11epourront en venir ii bout », ecrit Fanon en avril 1958, il faut 1'« abattre par
travers Je monde 2 » ? la force » 15• Pour les Algeriens,l'alde aux mouvements africains est un enjeu
A Paris, les etudiants camerounais nationalistes s'organisent ä partir de qui depasse le simple devoir de solidarite, puisque celle-ci est censee susciter
la fin 1957 au sein de J'Vnlon nationale des etudiants kamerunais (UNEK), de nouveaux fronts sur le continent et dessener l'etau des troupes frani;:aises
l'ancienne Association des etudiants du Cameroun (AEC), qui rejoint la ,ur leur pays 16•
celebre Federation des etudiants d'Afrique noire en France (FEANF).Cher- Lesdivisions entre leaders africains, partages entre « moderes » et « radi-
chant ä alerter l'opinion publique sur les evenements en cours dans leur pays, ,aux », offrent aux upecistes des points d'ancrage « anti-imperialiste •· L'UPC
ils se heurtent ä la censure de leurs publications, ä la suppression de Jeurs ,t)ianteconduit les diverses tentatives de reconciliation avec Ja tendance pro-
bourses d'etudes 3 et, surtout, al'indifference generale, comme lorsqu'Uscher- lran~aise du RDA17, le parti camerounais se retrouve naturellement dans le
chent acommemorer Jadisparition d'Um Nyobe. Lesplus motives d'entre eux c,imp des pays africains « anticoloniaJistes ». En quelques mois, l'UPC s'est
firussent par rejoindre clandestinement Jadirection du parti dans ses deplace- nlnsl cmanclpee des cadres de la politique franco-africaine ou se debattent
ments 4. C'est ainsi que, debut 1958, le jeune economiste Castor Osende llcpuis des annees Senghor, d'Arboussier ou Houphouet. Les anciennes bar-
Afana, vice-president de la FEANFet directeur du joumal L'Etudiantd'A(rique rlcrcs entre mouvements anglophones et francophones s'estompent. Le cll-
noire - « marxiste-Ienlniste convalncu » et « stratege politique de premier v:igc passe desormais entre ceux qui pröneot l'emancipation des « jeunes
ordre„ selon la sarete 5 -, prive de financement en France, rallie Le Caire nations „ dans la perspective des« Etats-Unis d'Afrique „ et ceux, souvent
clandestlnement. francophoncs, qui conseillent Ja « prudence » a l'egard des anciennes puis-
II y retrouve !es membres du bureau du comite directeur (BCD) qui, ,.111ccs
coloniales, dans une perspectivedavantage « eurafricaine ». En Afrique
contournant la censure fran~aise,tentent de propager sur la scene Internatio- 11olrc,Nkrumah afflrme son leadcrship au cours de la premiere « conference
nale leur conception du~ probleme national kamcrunals "· F.xpulsesde Khar- de~ ~tats afrlcains lndcpcndant ~" d'nvrll 1958 aAccra(qui rassemble les huit
toum en julllet 1957, sous la prcssion conjolntc de~ Frtrn,ais et des pnys du contlncnt ny:int ncqu1sll'11rlnd~pcnclnnce: Maroc, Tunisie, Libyc,

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~gypte, Soudan, ftthlople, Ghana, Libc'.!rla),en pron1ctta111une alde aux mou- Lesreprdse11ta11ts
<< de l'ONU
vements nationalistes des pays cncore sous Je joug colonlal et un front diplo- eux aussisont descolonialistes»
matique africain uni ä l'ONU 18• Non sans mal, tes representants de l'UPC et
du FLN ont ete admis a la tabJe des chefs d'.Etats dejaindependants de ce Au-delä des armes, des munitions et des faux papiers, c'est surtout d'un
. Ajnsi encourage, Felix Moumie, present a la
19
« rnini-Bandung » africain
nppui diplomatique dont ont besoin les upecistes exiles. Si la lutte armee leur
conference, se lance dans une diatrlbe enflammee contre les autorites fran- npparait desormais comme une evidente necessite, ils ont bien conscience
~aises. La presse hexagonale s'en offusque et se gausse. « L'agressivite et les qu'el.le doit necessairement s'accompagner d'un processus politique. De ce
affirmations incontrölees de M. Moumie ont desservi sa cause aupres de Ja point de vue, le rapport de forces parait ä premiere vue relativement favo-
presse locale et internationale», commente Le Monde.n a « atteint le comble 1able.Tandis que l'UPC engrange les soutiens diplomatiques du cöte des pays
du grotesque », fustige Le Figaro. Et L'Aurore de vilipender les « habituelles et communistes et non alignes, la posltion de la France paratt plus fragile que
grossieres accusations d'atrocites dont se rendraient coupables !es troupes jamais. Stigmatisee pour sa politique algerienne, elle est regulierement mon-
fran~aises 20 ».
tree du doigt sur le dossier camerounais au cours de l'annee 1958. Alors que
Moques par la presse frarn;aise, les activistes camerounais ä la recherche s'annonce a l'ONU le debat crucia1 sur la levee de la tutelle et I'accesslon ä.
de soutiens exterieurs rencontrent sans surprise un echo nettement plus favo- l'i ndependance, prevu pour fevrier-mars 1959, !es upecistes devraient pouvoir
rables du cöte des revolutionnaires africains qui, cherchant de 1eur cöte a sc rejouir.
internatlonaUser les conflits coloniaux, voient dans l'UPC un mouvement L'experience passee montre pourtant que la bataille de l'ONU est tres loin
d'avant-garde. « Tout le peuple aJgerien sait qu'apres I' Algerle, ce sera a d'etre gagnee. Les activistes camerounais n'ont en effet jamais eu beaucoup
l'Afrique noire de mener son cornbat », previent Fanon en avril 1958 - qui de chance aux Nations unies. S'ils ont accede ä la tribune des 1952, l'organi-
sympathise ä cette periode avec le president de l'UPC - dans les colonnes d'EI sation internationale n'a jarnais rien impose ala France, ni l'amnistie des mili-
21
Moudjahid • Quelques rnois plus tard, au lendemain de la Conference gene- tan ts nationalistes ni Ja reintegration de l'UPC dans Ja legalite. Pour
rale des peuples africains qui se tient en decembre 1958 ä Accra, l'infatigable comprendre la suite des evenements, il faut revenir sur ce qw se deroule a
Fanon se felicite qu'ait ete decidee la creation d'une « legion africaine », qui l'ONU dans les mois qui precedent la decision definitive de la France, en
prendrait la forme d'un « corps de volontaires » preleves dans chaque terri- octobre 1958, d'amener Je Cameroun vers l'« lndependance ». Si la France
toire, « exprimant ainsi que Ja liberation nationale est liee a la liberation du saute le pas, ce n'est pas seulement qu'elle a reussi aplacer un homme conci-
continent », « dans Ja perspective lointaine des Etats-Unis d' Afrique » 22• Mais, liant aJa tete du Cameroun (Ahidjo) et ä eliminer son plus farouche opposant
dans !es faits, cette perspective demeure bien lointaine et les leglons bien illu- (Um Nyobe), c'est aussi parce que, parallelement, les signes en provenance de
soires. La (< solidarite concrete en hommes, en materiel, en argent 23 » que New York sont plus qu'encourageants.
reclarne avec ardeur l'auteur de Peaunoire,masquesblancs24 peine ase materia- En mars 1958, alors qu'elle est engagee dans la brutale Operation contre-
liser. Contrairement aux craintes fran~aises, rares sont les armes qu.i, cornme rcvolutionnaire en ZOPAC,Ja France reussit Je tour de force de faire applaudir
ces quelques dizaines de pistolets tcheques signales en 1959, ont pu etre ache- sa politique par le Conseil de tutelle, charge de rendre son avls sur l'evolu-
minees, via la Guinee, jusqu'aux maquis de Martin Slngap 25•
lion de la sltuation carnerounaise. On a vu que cet organisrne onusien est, par
Ne recevant qu'un faible soutien rnateriel, les nationalistes au crabe noir nature, le plus favorable aux theses fran~aises, puisqu'il est compose pour
doivent le plus souvent se contenter d'un soutien rnoral. Le 20 fevrier 1959 moitie de pays exer~ant des tutelles (voir chapitre 3). Lors de Ja session de
est ainsi decrete « journee du Kamerun », eo appHcation d'une decision de Ja mars, ces derniers ne trouvent guere de contrepoids, les autres Etats repre-
conference d'Accra. Maigre reconfort sans doute, mais qui permet tout de sentes etant pour certains sympathisants du bloc occidental (Chine nationa-
meme d'entretenir l'espoir au moment ou les pays « non alignes » marquent liste, Birmanie, Syrie, etc.). Detail revelateur de sa partialite, Je Conseil de
des points sur trois continents. Dans les premiers jours de 1959, Je vent souffle
tutelle entend tour a tour, pour representer les versions respectives de la
depuis La Havane, ou les barbudosde Fidel Castro prouvent aux guerilleros du France et du Cameroun, deux ... Fran~ais : l'inamovible representant de la
monde entier qu'il est possible, avec quelques hommes motlves, de renverser
une dictature soutenue par une grande puissance. Felix Moumie reprend
confiance : « La lutte peut durer deux c111s,nials In vlctoire nous n l'ur cxc111plc,une r~sotutlon de pays non alignes demandant ä la fois une amnlstie et
appartlendra 26 • » l'nbandon de In vloluncc 1•H rcjc1ee lc 6 deccrnbre 1957 (« Rapport de Sarete du
26 novcmbrc au 11 d~c:,1111hrrI V~7 ,, p. J4; CAOM, Aff-Pol 3320).

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r:ranccJncqucs cl, nvcc le 111


Kosclusko-Mor/7,et rc de« rcpr~scr,1ant
sp~cialdu
Cameroun
27
», Xavlcr Dcnlau, un admfnfstratcur colonlal procl1e de tutur de beaucoup d'l1ommcspoll1tquescamerounais » et donnern a l'UPCun
Messrner•! • orgumcnt de poids pour sa propagancte » 31 • Tirant ies enseignements de
Lesdeux comperes peuvent alors inspirer au Conseil une resolution flat- l'~fectiontogolaise,les responsablesfran~is prennent la ferme decision de ne
teuse, adoptee le 19 mars 1958 a une large majorite, qui fait J'eioge des'( pou- p:is commettre la meme erreur au Cameroun. II s'agit maintenant pour la
voirs etendus » confies au Parlement camerounais, felicite pour en avoir falt France,avant d'accorder l'independance, d'eviter atout prix qu'eUe soit pre-
un « excellentusage ». LaseuJereprobation s'adresse... al'UPCl Ason propos, l'Mee d'un scrutin honnete, c'est-a-dlresous contröle onusien.
Je Conseil de tutelle « deplore que des elements de Ja population aient Depuis que la France s'est decidee a accorder l'independance au Came-
continue a recourir a Ja violence », avant de les exhorter a se rallier preste- 1oun, les termes du debat international ont donc radicalement change.

ment au regime. Cette victoire fran~aise est couronnee par un editorial du ~'appuyant sur Ja promesse imprudente de Kosciusko-Morizet qui, le
Monde.Soulignant ces trop rares « temoignages d'assentiment }>, le quotidien 28 octobre 1958, avait plaide devant I'Assemblee generale de I'ONU pour
du soir se rejouit de cette inattendue (< caution internationale» et vilipende l'octroi de I'independance apres « consultation des populations camerou-
les « JeadersextremJstes» de l'UPC « qui menent [...] une action terroriste a nalses32 )>, l'UPC ne reclame plus que des elections sous contröle interna-
vrai dire assez limitee », en particulier sa « tendance nihüiste » refugiee au 1lonal, comme au Togo, auxquelles elle pourrait democratiquement se
28
Caire • II y a de quoi desesperer les nationalistes. Quelques jours plus tard, presenter. Conscient des risques que Jui ferait courir un tel scenario, Ahidjo
celui qui fut sans doute le leader africain Je plus fascine par l'organisation de ,'cmpresse au contraire de preciser que le referendum sur l'opportunite ou
110n de l'independance n'est pas necessaireet, surtout, qu'il n'y a pas lieu de
New York, Um Nyobe, terre au fond de la brousse de Sanaga, traque par
J'armee coloniale, avoue avoir perdu toute confiance en l'ONU. « Les repre- rctarderla Ieveede tutelle sous pretexte d'elections. Mais il est alors trop tard
sentants de l'ONU eux aussi sont des colonialistes », ecrit-il dans son carnet pour empecher Je debat de se focalisersur ce point fondamental.
intime, Je 20 avriJ 1958 29•
Le scenario auraH pourtant pu etre tres different. Une semaine apres Ja
desillusion de Mpodol, un autre evenement intervient, qul ne sera pas sans Dernieremissiondevisitede l'ONU,
consequence pour Jes nationaJistescamerounais : Jes eJectionslegislativesdu dernieresmanipulations
27 avril au Togo (voiI chapitre 17). 11s'agit a priori d'un signe encourageant
pour !es progressistes d'Afrique francophone, puisque Je scrutin consacre Ja Derniereetape avant le debat crucialqui s'annonce aIa tribune de l'ONU,
victoire ecrasante du Comite de l'unite togolaise (CUT)et I'accessionau pou- une nouvelle mission de visite, composee de representants des Etats-Unis,
voir du leader nationaliste Sylvanus Olympio, a la surprise generale. La vigi- d'HaHi, de l'Jnde et de la Nouvelle-Zelande, est envoyee au Cameroun du
lance des observateurs onusiens a en effet eu raison des fraudes et de la 29 octobre au 6 decembre 1958. Leprinclpe de l'independance acquis, l'enjeu
corruption mises en ~uvre par J'administration fran~aise(representee par le de cette visite concerne exclusivement l'acces au pouvoir ou, plus precise-
Haut Commlssaire GeorgesSpenale, bien connu de l'UPC pour avoir ete un rnent, la determination des procedures pour y acceder. Cralgnant un raz-de-
pilier de J'administration colonlaJeau Cameroun de 1951 a 1955 3°). Le CUT maree upeciste en cas d'eJectionslibres, transparentes et democratiques, Paris
realise donc a sa maniere Je reve impossible de l'UPC : acceder au pouvoiI 1.'l Yaounde souhaitent faire valider leurs projets d'« independance
pacifiquement, par Jesurnes. Maisle succesinespere des nationaUstestogolais t'0ncertee » par la seule ALCAMqui, eJue dans les circonstances peu propices
se retourne rapidement contre leurs homologues camerounais. Les Fran~ais tle decembre 1956, leur est acquise (voir chapitre 11). Derniere du genre avant
surveillent en effet avec la plus grande attention ce qui se passe au Togo. La l'lndependance, cette mission de visite est aussi celle de la derniere chance
(< sincerite du vote » togolais, expUque par exemple un rapport de Ia Surete pour l'UPC.
franraise au Cameroun, aura une tres grande influence sur le compo1tement
(<
Le parti nationaliste part pourtant avec un handicap : la mort d'Um
Nyob~a entraine, d'apres l'armee fran~aise, la neutralisation du projet de
(<

r·cvendicationsqui devalt etre remis a Ja mission de l'ONU 33 », puisque ce


a Le « representant du Cameroun » Xavier Deniau, qul y avalt servl au Haut Commlssarlat ,tocument, coecrit par Um et Mayi Matip, a ete saisi lors de l'attaque funeste
sous Soucadaux, puts ä la Olrectlon de la tuteUe sous Messmer, scra ensuile cnvoy~ par cc
du 13 septembre 1958. Le premier etant mort et Je second ralHe,la France en
demier en rnission au Niger au moment du vote truqu(I de scptcrnhrc 1958, pour fofrc
voter • ouf • au rHerendum consacre,1Ja Com11111nau1e frnrl('alw du 11(111(\rul
de Gnullc... proflte pour mettre en sc~ne, a destination de l'opinion internationale, une
wondc r6conclllntion. A In clcinande du Haut Commissaire, des amnisties
328
29
d,1m lt-~1111s
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seJectivesde maquisarclsemprisonnes sont specialement prononcees « avant Loun1-Chanticrs,Nkongsamba,etc. Malscette campagne est interrompue par
le passagede la commission de visite » pour amadouer les emissairesinterna- l'nrrcstatlon de PierreSimo, le 3 octobre. Transfereä la prison de Dschang, le
tionaux (« Vousdevinez aisement mes raisons », glisseXavierTorre au magis- l'llcl rebelle sera bientöt condamne a mort (voir chapitre 13) et execute (voir
trat charge du dossier 34). Dans Ja meme veine, Ja branche ralliee de l'UPC, d1,1pllre20).
consideree par beaucoup comme « traitre ä la cause camerounaise 35 », est Son bras droit, Martin Singap, prend alors le relais.Dans la nuit du 24 au
opportunement autorisee ä se presenter aux elections legislatives partielles J.~novembre 1958, trois jours avant Je passagede la mission de visite dans la
qui seront organisees le 12 avril 1959 dans les circonscriptions ou celles de vllle, les insurges lancent notamment une offensive spectaculaire sur
decembre 1956 n'ont pas pu se tenir (Sanaga-Maritimeet Mbouda). lhcllang, capltale de la region Bamileke41 • En depit des mesures de securite
Dans ce decor prefabrique, Ja presence dans les geöles de Yaounde de ,·cnforcees,un commando d'une vingtaine d'hommes se rue sur Ja case du
ceux qu'on appelle les « detenus politiques », qui n'ont pas la chance d'etre lhef Mathias Djoumessi,coupable d'avoir trahi la cause nationaliste huit ans
concernes par le projet d'amnistie tres selectifqui sera vote le 14 fevrler 1959 .iuparavant et d'avoir activement collabore depuis avec !es forces coloniales.
(voir chapitre 17), fait tache. A tel point que le commissaire special de /\ucun assassinat n'est perpetre, mais l'offensive, ponctuee de chants et de
Yaounde, E.Jegou, s'en inquiete aupres du chef de region : « Leur presence rnups de feu, ne passe pas inaper~e dans la capltale de l'Ouest : au meme
dans la capitale durant le sejour de la misslon de visite de l'ONU, ecrit-il dans moment, les plus hauts responsables locaux (ministres, chefs de region et de
une note "strictement confidentielle", est pour le moins genante et risque de ~ubdivision...) sont rassembles pour une reception au Centre climatique,
poser certains problemes que seul un eloignement provisoire est susceptible ,1tue sur les hauteurs de la ville. A Douala, Ja mission est perturbee, le
de resoudre partiellement 36 • » A defaut de les amnistier, il s'agit donc de les 26 novembre, par quelque eing cents militants. Le rassemblement provoque
deplacer. Le choix des detenus ä eloigner se fonde « davantage sur leurs qua- 11nc« courte mais violente echauffouree » : un garde auxiliaire est tue et
lites de redacteurs ou leurs facilites d'elocution que sur leur action terroriste t1uatregendarmes fran~aisblesses42•
ou purement politique dans les rangs de l'VPC-CNO», ecrit le policier. Bref, Prise entre deux feux, la mjssion de visite, apres six semajnes de sejour
tautest mis en ordre pour faire« bonne impression ». ~ousbanne escorte militaire, choisit clairement son camp. Considerant que
De leur cöte, les upecistes « preparent » a Ja mission de visite un accueiJ l'UPC ,<a maintenant disparu virtuellement en tant que mouvement orga-
bien different. A l'exempJedu FLNaJgerien,qui avait lance une greve gene- rilscdans Je teujtoire 43 », elle conclut que l'ALCAM,en cours de rnandat, n'a
rale ä Algeren janvier 1957 pour peser sur le debat ä l'ONU,les natlonalistes pas besoin de renouvellement et qu'un referendum est inutile. Le journaliste
camerounais veulent prouver ä la miss.ion onusienne que les autorites de du Monde Andre Blanchet lui-meme est souffle par la conciusion de ce rap-
Yaounde sont en butte ä une farouche resistance populaire, organisee politi- port, qui « depasse en fait d'eloges pour Oe]gouvernement [d'Ahidjo]et pour
quement par les militants nationalistes. L'UPC tient ä prouver qu'elle In France tout ce qui fut jamais pubHe SUI Je sujet, meme de source fran-
conserve une certaine maitrise de ses troupes, qui ne se resument pas a de \'11ise 44 ». En echo, Kosciusko-Morizetvante au siege des Nations unies la
« simples criminels recherches pour droit commun 37 », comme aimerait le • politique clairvoyanteet liberaledu gouvernement camerounais 45 )). Et peut
faire croire Kosdusko-Morizet.n s'agit en somme de mettre en evidence l'ille- rneme se payer Je lu.xede jouer ä front renverse : accusant Moumie de vou-
gitimite et l'impopularite du regime instaHe par Ja France et, par suite, Ja lolr reporter l'independance, II s'amuse ä le qualifier de« reactionnaire, ou, si
necessite de nouvelles eJections. L'administration fram;alse ayant interdit l'on prefere, [d']attarde 46 ». A Paris, sans meme attendre l'aval de l'Assemblee
toute manifestation d'opposition pendant la visite de l'ONU 38 et decide de gcnerale de l'ONU, le dernier Conseil des mlnlstres de Rene Coty, Je
proceder ä l'« arrestation de taute personne pretendant parler au nom de {0 decembre 1958, enterine Ja date du 1•• janvier 1960 pour l'« indepen-
39
l'UPC », il ne reste aux activistes camerounais qu'une seule solution : tlnnce )► du Cameroun.
declencher des attaques sur le parcours de la mission de visite.
Malmenes en Sanaga-Maritime, les « rebelles concentrent le gros de
>)

leurs efforts sur le Mungo et Je Bamileke.Les operations sont pilotees par le Fevrier1959: demierechanceaNew York
chef du SDNK,PierreSimo,qui reunit ses hommes des Je 14 septembre 1958 a
Tombel (en zone britannique, a Ja frontiere frans;aise).II faut, dit-11,« que la Lndcrnlere batalllc, au sommct, sc livre a New York. Du 20 fevrier au
place soit chaude » au moment de Ja visite onusiennc ◄0 . Lcs acl'lons d'eclat 13murs I959 ~ctlent unc scsston~p~clolecle!'Assembleegenerale des Nations
se multlplient dans le Mungo dans les jours qul sulvcnt, ~ PMJa, Djoungo, unlcs, pour loqucllcdrnquc c1111111
n 1·nvny~scs plus hauts representants. Pour

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1 •llt'I /1/111ll/1fo11111//t/llC

la France, LouisJacquinot, minlstre d'ttat, ex-ministre de la Francc d'outrc- wn111nllteconstitucrait unc « 1eddltlon sans concession d'un gouverne-
mer. Pour le Cameroun, c'est Ahidjo en personne quJ va tenter d'arracher lo 1110111 l~galqul a dcrricre lui !'immense majorite du pays, ä une minorlte qul
majorite des deux tiers, necessaire pour adopter une resolution. C'est un parl ,'l·\I qualifiec elie-m@med'illegale 51». Bref, le refus de la consultation du
difficile dans une Institution ou les pays non alignes et le bloc communiste pt•11plc cst justifie par l'accord suppose des populations.
pesent lourd. Lc raisonnement est bien fragile, mais trouve une majorite pour l'ava-
Au grand dam des Frarn;ais mais conformement aux textes, l'ONU a 11\cr.C'cst en effet une resolution favorable ä la France et ä Ahidjo qui est
accepte d'accueillir des <• petitionnaires » camerounais. Toutes les grandes ut.Joptee.Portee par les Etats-Unis, Haiti et la Nouvelle-Zelande, eile prevoit
figures de la vie politique locale ont donc fait le deplacement, de la tendance l'lnd~pendance ä une date ä determiner par le Premier ministre camerounais
nationaliste legale 0saac Tchoumba Ngouankeu, Marcel Bebey-Eyidi)aux par- (,~~olution 1349) sans election prealable, et une reunification des deux Came-
tisans du regime (Moussa Yaya, Daniel Kemajou, Arouna Njoya), en passant wun soumise ä un referendum (resolution 1350) 52• Au contralre, la resolu-
par tous ceux qui naviguent entre ces deux pöles (Paul Soppo Priso, Theo- t Ion 111ise aux voix par les pays non alignes (le « groupe des huit » : Guinee,
dore Mayi Matip ou Andre-Marie Mbida) 47 • Mais ce sont les petHionnaires t,hana, Liberia, Libye, Maroc, Soudan, Tunisie et Ja Republique arabe unie)
depeches par le bureau du comlte directeur (BCD)de l'UPC, Felix Moumie et qul reclame des elections prealables sous contröle omrsien, une amnistle
Marthe OuandJe, qui attirent les regards. Focaliseesur cette echeance dJplo- 1,1f11fo1le et la legalisation de l'UPC,est largement battue. Levote du 12 mars A
matique, desireusede faire bonne figure, la direction de l'UPCen e.xila appele l,1quatrieme commission de l'ONU est ecrasant et l'ampleur de cette defaite
au calme ses troupes sur le terrain. Mais c'est surtout la « communaute inter- lliplomatique sonne le glas des espoirs que les upecistes en exil avaient places
nationale» qu'elle veut mettre face ä ses responsabilites. Dans une brochure ~l,1mles pays freres. Le vote du projet occidental est en effet acquis par cin-
publiee au Caire en janvier 1959, le BCDa solennellement mis en garde les quante-six voix contre neuf (cellesdu bloc communiste, qui accuse la France
membres de l'ONU: « Rien ne justifiera ni ne permettra de degager la respon- de chcrcher ä integrer le Cameroun dans la Communaute fran~aise)et seize
53
sabilite des Etats-membresde Ja quatrieme commission de !'Assembleegene- 11h~tcntions(emanant essentlellement du groupe des pays de Bandung) • Le
rale de l'ONU devant l'Histoire quant aux consequences catastrophiques et lt'ndemain, en seance pleniere, le vote est encore plus defavorable aux natio-
imprevisibles de mesures contraires que, par impossible, ils pourraient 11.11 btcs : les pays qui s'etaient opposes la veille se refuglent cette fois dans
adopter ä la session extraordinaire du 20 fevrier 1959 48• » l'Hbstcntion. A Douala, le quotidien profran~is La Pressedu Camerounpeut
La presse opposee aux nationalistes se mobilise aussi. Au premier jour des 11lorslaissereclater sa joie: "Vote capital de !'Assembleegenerale de l'ONU:
debats, Andre Blanchet, pour Le Monde,s'efforce de minimiser les troubles en ,111cune nation du monde ne s'est opposee ä la levee de la tutelle sans prea-
pays Bamileke, pour mieux legitimer l'assise d'Ahidjo. 11evoque bien Je l11l>lc'\ » En d'autres termes : le Cameroun deviendra independant sans que
couvre-feu impose par Yaounde, mais en precisant qu'il est « d'ailleurs plus ll'~ Camerounais puissent choisir leurs dirigeants.
theorique que reel et souvent reclame par les populations elles-memes49 ». II Une analyse fine des negociations montre que, au sein des pays anticolo-
parle certes de « quadrillage », mais c'est pour ajouter aussitöt que « pas un 11l,1listes,ce sont les Asiatiques et les Latino-Americains,emmenes par l'lode,
55
coup de feu n'a ete tire » depuis deux mois et que les bandes rebellesont cesse qul ont lache l'UPC, per,;ue comme un mouvement d'obedJence marxiste •
toute activite. Alors que le debat fait rage quant au contenu exact de l'inde- Mah, plus fondamentalement, c'est le röte determinant des Etats-Unis qu'll
pendance promise ä Ahidjo, Le Monde,des fevrier 1959, a dejä tranche : II tl1u1souligner. Appuyant Ja position fran~ise tout au long du processus, 11s
s'agit d'une « independance reelle». « L'Etat camerounais, comme doit Je 1·1Hrainentavec eux divers pays de leur zone d'influence dans un vote favo-
constater tout observateur de bonne foi, exerce effectivement toutes les prero- 1,1blcä la solution Ahidjo. L'administration Eisenhower, sous l'influence du
gatives de l'autorite interne totale», cooclut sans s'embarrasser de ouances le vlcc-president Richard Nixon, avait pourtant adopte Ja posltion de ne plus
journaliste « de bonne foi „ Andre Blanchet qui, au passage, ne tarit pas d('tcndre lcs interets des puissances coloniales europeennes - une attitude qul
d'eloges au sujet du Premier minlstre Ahidjo, « cle de voute » du pays, « seul 11jouö un rölc important dans Ja defaite politique de Parisdans le dossier alge-
homme ä pouvoir assurer la cohesion du Nord et du Sud » 50• ill.'n•. Pourquoi, d~ns le cas camcrounais, les Etats-Unis passent-ils outre ce
Mais tous ces arguments ä la gloire de la politique africaine de la France
ne repondent pas ä la question du jour. Pour le camp fran~ais, comment l\1r cxc,nplc, IC\ Pt,11,-Unl,~•oh11l1•n111•n1 6 l'ONU lc 21 deccmbrc 1958 sur une r~solutlon
II
s'opposer ouvertement ä Ja revendication des natlonalistes cn faveur d'unc ou llcu ucv,111•1"' ..-, l,1l 1,111cr,
~ontcrn,1nt l'Al11~rtt.•, 1~111lls qul! lc ~cnatcur democratcJohn
consultation elcctorale impartiale? Allidjo ne cralnt· po, d'.1ff11
mcr que ccttc i:11,µcr.illl
l{c1Hl(•()yN<'pw11om.tl 1H'~l'l'\7 1•11 l,1w111 dl' l'lnM1,cndnntc algfrlcnnc. Leur

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s,ms(1VS'J I !/(JIJ)
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l '/111'~/Jt!lld,1111
G11dtll/11 (J958-1959)
tll/1/o,11(1//q11c

princlpe? Un article manlfestement tres inforrne publle en /ulllet 1959 dans Premier ministre se paie meme le luxe d'amnistier quelques .insurgestries sur
La Tribune des nations donne peut-etre la clef de l'enigme. « Pour forcer la 1.cvolet et de recuperer une partie de J'heritage d'Um Nyobe. Enfin, Ahidjo se
reponse du gouvernement americain, explique en effet le corresponclant du pose en democrate adoube par !es urnes face ä des « terroristes » presentes
journal ä Washington, !es autorites fran~aises s'emploient en toute hate ä rnmme de simples instruments du« communisme international». Voilaune
conferer au Cameroun un nouveau röle strategique. EIJesacquierent de vastes prodigieusevictoire de la propagande fran~aisepour un pion de Paris, porte
reservesterritoriales en divers points du pays pour, assurent-elles,y amenager par de muJtiples fraudes electorales - et dont la majorite a l'ALCAMrepose
des bases mititaires dont l'0TAN pouuait un jour disposer. Alnsl !es revendi- 1oujours sur les elections de 1956, qui. s'etaient tenues, suite aux habiles
cations nationalistes sont-elles transformees par anticipation en un vulgaire nurn<:Euvres de Pierre Messmer et Gaston Defferre, sans l'UPC, Je principal
"US Go home !" propre a faire passer toute l'affaire sur Je plan des antago- porti camerounais. Ahidjo a bien merite de ses « parrains » fran~ais. Au cours
nismes entre l'Est et l'0uest. Ainsi certains milieux fran~aisesperent-ilsreussir des debats a l'ONU, c'est finalement le delegue guineen qui se revele le plus
au Cameroun ce qu'ils manquerent en Algerieet en Afriquedu Nord 56 », c'est- lucide: « 11y a ä present sur ce continent un danger encore plus mena~ant que
a-dire conserver leur influence avec Ia benediction americaine. le colonialismelui-meme. C'est le danger que l'on pourrait appeler l'indepen-
Cette alliance franco-americaine de\'.oit !es upecistes qui, comme de dance octroyee, qui tend a refleter dans le pays les desirs et !estendances de la
nombreux mouvements de liberation nationale, se tournent de plus en plus puissancecoloniale eUe-meme59. »
vers le bloc de l'Est. Depuis le milieu des annees 1950, les puissancescommu-
nistes s'interessent de pres au continent africain. Beneficiant rarement de
relaisIocaux sous formes de partis marxistesafricains,l'URSSet ses alli.escher- Faceaux « forts», « riches», « Blancs»
chent d'autres formes d'influence, a travers des services consulaires plus et « civilises»
importants, des accords de cooperation cultureUe,ou encore leurs relais syn-
dicaux au sein de Ja Federation syndicale mondiale et de !'Union generale des En definitive, si l'on cherche a tirer une conclusion de la bataille diplo-
travailleurs africains (UGTAN),dont le siege est a Conakry 57• Devant les matique menee en 1958-1959, dans !esderniers moments oü le sort du Came-
carences de l'aide des« pays freres >,,Jes exiJescarnerounais sont tentes de se roun a ete lie ala communaute internationale, on peut dire que la puissance
tourner vers l'Est. Et cela d'autant plus que !'alle upeciste en exil, consideree (1dministrante,la France, n'a pas reussi ä lever toutes les oppositions interna-
comme la plus « radicale », se montre volontiers solidaire de Ja mouvance tionales,mals a su les neutraliser avec une etonnante efficacite.Grace notam-
communiste internationale, une tendance qui s'accentue avec l'isolement 111cn t ä la tolerance du bloc de J'Est,qui repond a la strategiediplomatique de
puis Ja mort du secretaire general de l'UPC, plus prudent a I'egard de cette la v• Republiquenaissante.
orientation. Cependant, il semble que le PCFait delaisse Ies revolutlonnaires A partir de cette periode, la Francegaullienne cornmence a se departir de
camerounais. Sa presse evoque moins souvent la repression fran~aise,que le \On image d'alliee fidele des Etats-Unis,dans Je but de transformer cette puis-
conflit algerien sernblesupplanter. Quand Raymond Barbe,ex-responsablede ,ance moyenne en un acteur de la detente entre les deux Grands. En jouant
Ja« section coloniale » du PCF,retourne au Cameroun du 11 au 13 mal 1958, ,ur une commune appartenance des Etats-Unis,de l'URSSet de la France au
il rencontre Soppo et Ahidjo, mais aucun sympathisant upeciste 58... l.'.ampdes« forts »,des« riches »,des« civiJises» et bien sur des« Blancs ».
On le voit, J'instrumentalisation des clivages de Ja guerre froide profite C'cst le sens de son discours du 7 mai 1959 a Bourges,au cours duquel le nou-
davantage ä la Francequ'a l'UPC.Et cette sequence permet aAhmadou Ahidjo vt'au president fran~ais en appelle aux peuples d'URSSet des membres de
de se placer dans une pos.itiontres favorable,en jouant sur les mots et !es pos- l'0TAN qui, <•dans leur profondeur, de part et d'autre, s'aper~oivent qu'iJs se
tures. En quelques mois, il a reussi a endosser les habits du pere de J'indepen- rc5semblent1 que les regimes n'y font rien, qu'ils sont des Blancs,des peuples
dance ä venir, avec l'aval des Nations unies et sans meme avoir ä integrer Ja llvll ises et que leur devoir est commun. Puisqu'ils sont les plus riches et les
Communaute fran~aise.Ensuite, reprenant une revendlcation historique de ph1sforts, ajoute le general, leur devoir est d'aider les autres. Leur devoir, U
ses adversaires,il plaide pour Ja reunJfication des deux Cameroun. Gräce a la liludrabien qu'ils l'~ccomplissentensemble s'Hsne veulent pas perir 60 ».
servilitede certains upecistes rallies,comme Mayi Matip ou Charles Assale,Je Facea cettc alliance, ou du moins ce modus vivendi entre grandes puis-
~onces,la solidarlte entre gouvemements ou mouvernents du« tiers monde »
attltude jouera finnlemcnl un rOle hnpori-ant dans lo r<"W111nllo11 du Afn<!-ralde Gu11Jlc
A cn gcstatlon se rev~lc parfols bl.cn fragile. Alnsi, en mars 1959, alors que le
qulttcr I'Alg1:rlc(1rwl,1 WAu,, Lt!s lttnu-Unls t•I Ir, G11rr,r
<l'A(qM,,\oldl, l'nrl1, 2006). ~l•cr~tarlatdu Conseil clcsolldnrll~ofro,oslntlquc,1uCaire rcjette la resolution
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de l'ONU, qu'll quallfle d'« injustice 61 », et predlt une reprise de l'insurrec-


tion au Cameroun, l'Egypte, le plus fidele soutien des upecistes en exll, se
19
derobe. L'idylle entre Nasser et l'UPC aura ete de courte duree. Les exiles
entretiennent
62
des contacts trop etroits avec Je parti communiste locaJau goOt Vaincreou mourir» :
«
du Rai's , qui finit par pousser la direction upeciste au depart, en mai 1959. la creationdel'Armeedeliberationnationale
L'ex-« trio de Kumba », devenu l'espace de quelques mois Je « triumvirat cal-
63
rote » dans la propagande profran~aise, se rapproche alors de deux nou- du Kamerun
veaux pays « amis », le Ghana de Kwame Nkrumah et Ja Guinee d'Ahmed
SekouToure 64.
Confrontee aune coalition internationale« blanche », privee du soutien
• Que chacun fasse le serment solenne( de ne plus cou-
actif du bloc communlste et souffrant d'une aide concrete insuffisante de la cher sous son toit, de ne revoir jamais les siens, s'il n'a
part du mouvement des non-aJignes, la direction de l'UPC en dedult qu'elle traverse deux fois sur le cadavre d'un Fran~als. •
doit avant tout compter sur la reprise de la lutte armee. Pour perturber cette Serment de combattants nat!onalistes,
independance qui n'est que «nominale» et dejouer ce que Moumie appelle Nkam, S mal 19S9.
65
le « complot Ahidjo », la guerilla redouble d'intensite au cours de l'annee
1959 et commence meme a regagner le terrain perdu l'annee precedente au
moment des operations de Ja ZOPAC.

C 'est le 10 juh1 1959 que les autorites franco-camerounaises decou-


vrent pour Lapremiere fois l'existence de !'Armeede liberation natio-
11aledu Kamerun (ALNK).Laveille, lors d'un contröle de routine aun barrage
routier, la policeurbaine de Nkongsambaa interpelletrois passagersd'un taxl,
pour defaut de pieces d'identite. Au bout de six heures, Etienne Njoya, Pierre
Kamgaet Pierre Kemogneont ete reläches contre paiement d'une contraven-
tlon. Ce n'est que le lendemain que les policierscomprennent leur erreur. Sur
lcur bureau, ala premiere heure, Je chauffeur du taxi inter pelle la veille depose
une mallette que Jestrois individus ont oubliee dans son vehicule. Tly a dans
lc bagage des objets fort compromettants. Des accessoires mystiques : une
corne de buffle, un bäton porte-fetiche, un chasse-mouches.La panopHedu
parfait maquisard : des cartouches Hunter Express,des feux de Bengale,une
lampe frontale. Et, surtout, des documents. Des Ustesde souscriptions. Des
cxemplairesde La Voix du Kamerun rediges en anglais. Et les premieres deci-
sions prises lors de la reunion constitutive - douze jours plus töt, dans le
Mungo-d'un nouveau mouvement arme: !'Armeede Liberationnationale du
Kamerun.
fmmediatement, les policiersredigent une note de renseignements pour
leur hierarchie. « A!'heure actuelle,Hest impossibled'avoir une idee exacte de
l'influence et de la representativitede I' ALNK,expUquele commissairespecial
de Nkongsamba rendant compte de sa decouverte au directeur de Ja Sfirete,a
Yaounde. Pcut-Nre n'est·-clle,comme sa couslne "la FLNK",que l'expression
d'unc (sie)megalornonc. Pcut•CIrc r1usslcst-cllel'ernanatlon dlrecte du comite
(IIrecteur de l'UPC,d6slrcuxtk 1\1p,.uncli c lo lulle organls~esclon Jesmethodes

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d'Um Nyobe, desireux egalemC'nt d'ellmlner la concunence des petits chefs


de bancte terroristes travaillant a leur profit 1• » Les policiers vont rapidement· :-iuLomatiques,et plongent Anouveau les populations locaJes dans un profond
etre fixes. rnutismeJ.
Un silence d'autant plus dommageable que, depuis l'arrestation de Pierre
Slmo, l'ex-chef du Sinistre de la defense nationale du Kamerun (SDNK), fin
« Commes'il s'agissaitde mots d'ordre» 1958 (voir chapitres 13 et 18), !es renseignements recueillis par les forces de
l'ordre sont plutöt iares et souvent contradictoires. La capture de Joseph
Noumbi, important cadre du SDNK, a la mi-mars 1959, pennet certes de
Pour les Fran~ais, !es semaines qul ont suivi leur vlctolre a l'ONU, Je
13 mars 1959, furent d'attente et d'angoisse. Certes, ils esperaient secrete- glnner quelques informations. Mais celles-ci se conjuguent davantage au
ment que Je coup de semonce assene par l'organisation internationale suffi- pc'lssequ'au present et permettent difficilement de remonter des organi-
rait ä demoraliser definitivement les nationalistes camerounais. Mais ils grammes. II ressort de l'inteuogatoire de Noumbi - notent les militaires - que
savaient aussi que cette independance, dessinee a Paris, acceptee ä New York le SDNKs'est « desarticule >>depuis Ja capture de Sima, qu'il est « coupe » des
!nstructions du Caire et que l'argent provenant de ses collectes de fonds n'y
et mise d'autorite entre !es mains de ceux qui, ä Yaounde, ne l'avaient jamais
revendiquee, ne satisfaisait pas grand monde. cst plus achemine 4. A lire la grande synthese reaJisee debut avril 1959 par le
L'attitude des populations camerounaises, qui s'etaient passionnees pour lieutenant Bonaventure Escoffet, les « rebelles bamileke » semblent agir de
.lesdebats en cours ä J'ONU en fevrier, avant de se retrancher subitement dans fa,;on de plus en plus incontrölee et desordonnee. D'ou Ja conclusion plutöt
Je silence ä l'annonce du verdict de New York, le 13 mars, suffisait ä faire 6vasive de l'officier de renseignement: « Aucun renseignement, aucun indice,
comprendre qu'on entrait dans une phase de tension, de colere froide. ne permet pour l'i.nstant d'emettre une opinion sur l'organisation terroriste
« Chroniqueurs, journalistes ne peuvent qu'etre frappes de l'indifference avec
actuelle. Il est tres vraisemblable que les maquisards se reorganisent, se
laquelle le pays a re~ Ja nouvelle du vote de l'ONU et Je cadeau d'un jour regroupent meme. [... ] Mais il est lmpossible de determiner avec precision !es
ferie de Ja part du vice-Premier minlstre pour feter cet evenement, cette "vic- regroupements ou cette reorganisation a lieu, les endroits ou !es maquis (s'ils
toire historique" que Jes declarations officielles celebralent pompeusement, existent) ont pu s'implanter, l'effectif possible 5• »
remarquait l'hebdomadaire catbolique L 'Effortcamerounaisle 22 mars. Et ils Les forces de l'ordre sont, en d'autres termes, dans le brouillard. Seul un
se doivent d'en trouver la cause. » D'inspiration nationaliste, La Voix du lndividu est reste dans leur radar depuis la desarticulation du SDNK: Paul
paysan contestait plus crument encore cette etrange « independance » dont Momo, qul en tut une des chevllles ouvrieres en 1957-1958. Momo est un per-
etaient exclus, sa.ns elections, les independantistes. « II faut crai.ndre que les sonnage deroutant, controverse, decrie, encore aujourd'hui, dans les deux
tenants du pouvoir ne poussent un jour le paysan il se servir de sa machette, camps. Originaire de Baham et, ace titre, proche de l'ex-chef Pierre Kamdem
non plus pour debroussailler !es sissonghos, mais ceux qui lui refusent obsti- Ninyim, fils d'un notable de quartier de Mbouda, eduque dans une rnission
nement Je droit au bonheur 2 • » catholique avant de servir comme tresorier d'une societe agricole de pre-
voyance et d'en etre renvoye pour motifs politiques, il est decrit dans un rap-
La Voix du paysan a beau etre immectiatement saisie, la realite rattrape
rapidement !es censeurs. Ceux-ci doivent bien constater que Je calme qui port mllitaire comme « un jeune gar,;on de 22 ä 23 ans, [... ] bien constitue,
s'etait installe au Cameroun depuis Je 1er janvier 1959, conformement aux portant des souliers de tennls et des sborts noirs tres courts 6 ». Ce maquisard
mots d'ordre Jances par des responsables upecistes soucieux de prouver leur en culottes courtes est depeint comme « sur de lui et tres orgueilleux 7 ».
sens des responsabilites il l'opinion mondiale, n'etait que temporaire. Des le N'exprimant que de vagues motivations politiques, il a surtout laisse des sou-
vote de New York connu, les actions d'eclat reprennent, sans ordre apparent venirs de violence.
mais non sans efficacite. « Depuis la fin mars 1959, on asslste ä une recrudes- Condamne ä mort par contumace en novembre 1958 pour le meurtre du
cence du terrorisme bamileke », reconnait Ja direction de la Sfuete a la mi- depute Samuel Wanko, Paul Momo se rend celebre par son babitude d'aban-
avril, egrenant !es attentats enregistres presque quotidiennement dans la donner, sur le lieu de ses attaques noctumes menees a !'arme blanche, des
region (assassinats a Baham Je 25 mars, attaque dans Je village de Bamendjo tracts signes « MP » ou « Momo Paul Genie sans peur et sans reproche », qui
Je 26, offensive contre Je marche de Bansoa Je 31, Intervention arrnee il menacent les popuiations de nouvelles represailles en cas de collaboration
Bamendjou le 1er avril, etc.). Pour ne rien arranger, notent les policlers, ces avec les autorites. Au sein des instances de la rebeUion, il se charge avant tout
operations se font dorenavant en plein jour, a l'aldc porfols d'armcs de~ coups de maln, pcndt111tq11cSingap t1ssurele lien politique avec la direc-
tlon de l'UPC cn cxll. Mals, (ICpul~ In capturc en octobre 1958 du ct1pitaine
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II' 111111111111/I
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• /1111it;11/11111/1• 1/1•//#lc1r11T/11111111/filll"/t'
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general du SDNKPlcrreStmo, dont IIetalt le secretalrc, Momo entcnd prendrc <l' qul lnqul~te lcs rc~pomnblcs fran<;al:>,
tlavantage cncore que les explo-
la reJeve sans se soumettre aux strategies de la direction upecistc et s'octroie ,lons sporadlques de vlolencc, c'cst que ccs grt!vcsa repetltion semblent nc
Je titre de « capitaine-genie )>. AJorsque l'UPC observait une treve durant lc ,~pondrc aaucun ordre prccis. Mettant « hors de cause les dirigeants syndica-
debat de l'ONU, Momo et ses hommes decident de reprendre du service plus 11,1cs", le colonel du Crcst de Villeneuveconstate que tout se passe pourtant
töt que les autres « chefs rebelles ». Dans la nuit du 24 au 25 fevrier 1959, agls- • rnmme s'II s'aglssalt de mots d'orctre ». Maisde mots d'ordre « dont les orga-
12
sant vraisembJablement de Jeur propre initiative, ils attaquent Ja chefferie de nhmes de securite n'ont pas decele l'origine » ...
Bandjoun, bastion fortlfie de la lutte antl-upeciste repute imprenabJe du fait
du charisme de son chef, Joseph Kamga,et de ses redoutables forces d'autode-
fense. Et pourtant, au cours d'une offensive ecJair et brutale, les hommes de Moumieet Singap(re)organisentla revolution
Momo reduisent la chefferie en cendres 8 • Une operation si efficace qu'une
folle rumeur court rapidement au sein des populatlons siderees : ce sont « les Les nouvelles qui parviennent du Cameroun ont de quoi rechauffer le
milltaires [progouvernementaux] qui ont fait le coup 9 ». u:t..'urdes upecistes de l'etranger, dont le moral est plutöt bas depuis Ja defaite
Cette operation, comme celles qui la suivent ä partlr de la mi-mars, prou- de l'ONU. Apres Ieur depart du Caire, les exiles trouvent refuge ä Conakry et
vent eo tout cas que les « rebelles » ne sont pas prets ä desarmer. Meme en 1\ccra.Lesdeux capitales d'avaot-garde de 1'Afriquesubsaharienne ne cachent
Sanaga-Maritime,ou la mort d'Um Nyobeet le ralliement de Mayi Matip sem- tl'allleurs pas leur soutien ä l'UPC. Mi-mai 1959, Ahmed Sekou Toure et
blaient avoir definitivemeot anesthesie toute velleite «subversive», on KwameNkrumah signent un communique conjolnt assurant le peuple came-
observe un regain de tension a partir de la mi-avril 1959. La conversion de rounais de l'« aide de la Guinee et du Ghana en vue de l'etablissement d'un
Mayi Matlp ä la non-violence, fln 1958, et son election « arrangee » ä 1'Assem- rcgime reeUement democratique avant l'accession de ce pays a l'lndepen-
blee camerounaise, le 12 avdl, provoquent une vive reaction chez ceux des tlance 13 ». Pied de nez au regime profran~ais de Yaounde, pas « reellement
Bassa qui refusent de trahir Mpodol et d'integrer le systeme profran~ais dcmocratique » donc, les deux presidents offrent de jouer les mediateurs entre
d' Ahidjo. Quoique tres isolees, des« bandes d'irreductibles », comme les qua- /\hmadou Ahidjo et !es upecistes...
lifient les autorites militaires, rescapees du Comite national d'organisation Sekou et Nkrumah offrent surtout une base logistique et un refuge a
(CNO), continuent de sillonner la region et d'effrayer !es dikokon. Comme l'UPC. Decidesä relancer la « revolution », Moumie et ses camarades quittent
dans Ja region BamiJekeet dans le Mungo, ou les services de renseignements progressivement Le Caire dans les semaines et Jes mois qui sulvent la defaite
fran~ais voient fleurir les « organisations terroristes independantes 10 » de l'ONU. Ne laissant dans la capitale egyptienne qu'un seul representant,
(« Regiment n° l », « Groupe 75 », « FLNK», etc.), certaios militants bassa- tel Castor Osende Afana, qui portera lem voix au Conseil de solidarite afro-asia-
Isaac Ndoh - tentent d'organiser, depuis Douala ou Yaounde, de nouvelles 1ique, les dirigeants upecistes s'installent a Conakry. C'est la que les rejoint,
structures armees susceptibles de faire barrage, avec les moyens adaptes, ä la courant avril 1959, Martin Singap, qui s'est clandestinement et temporaire-
strategie legaliste de Mayi Matip 11• mcnt exfiltre du Cameroun pour faire le point sur la situation. Que doivent
Outre la resurgence desordonnee de mouvements armes, singulierement faire les maquis interieurs, maintenant que l'independance est acquise et
dans la region Bamileke et dans le Mungo, Ja multiplication des mouve- annoncee pour le l"' janvier? Comment faire face a la decomposltion anar-
ments sociaux, dans tout le pays, inquiete les autorites coloniaJes. On enre- chique des forces armees nationalistes depuis la decapitation quasi simul-
gistre en effet, ä partir de la fin avril et alors que le mouvement syndicaJ, tanee du CNO et du SDNK?
tlraille entre l'opposition et la collaboration avec les autorites, est en pelne Pour Moumie, plus que jamais inspire par le modele algerien, il est neces-
ebuJlition, une multiplication des greves : chez les fonctionnaires du Tresor ä saire de relancer !'offensive et de ne plus faire de quartier. La revolution dolt
Yaounde; chez les ouvriers d' Alu-Bassaä Douala; chez Jes mecanlciens de ftre « totale» : polltique et mllitaire certes, mais egalement economique,
l'entreprise de transport Suarez; a Ja Compagnie de distribution de l'eau et mediatique, culturelle. Comme l'avaient fait des le depart les Algeriens du
de l'electricite de Yaounde; chez les employes de banque de Yaounde, FLNet contrairement ace qu'avait decide Um Nyobe, i1faut desormais s'atta-
DouaJa, Nkongsamba ... Dans le Mungo, la greve des planteurs de bananes qucr dlrectement aux Europeens. Comme les Algeriens,il faut lancer l'assaut
tourne a l'emeute. Les responsables des plantatlons sont hues et des milliers au creur des villes, briser les infrastructures economiques, obliger chaque
de regimes de bananes sont nuitamment eventres. La Garde camerounaise Camerounals a prcndrc parti. Et, toujours comme les Algeriens,il faut consti-
doit intervenir et les planteurs non grcvistes sont orgnnlscs en autodefensc. tucr un « gouverncm<.'ntprovlsoire" offrant au monde une voix alternative

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au regime de Yaounde. Demontrant ainsi l'impopularlte d'Ahldjo, son IHegl- une clnquantaine d'hommcs pour la prcparation d'une attaque, chacun
timite et son incapacite a gouverner, !es nationalistes comptent obliger Ja vcnant avec sa machette ou sa lance. Apres une seance de « blindage » mys-
« cornmunaute internationale» afaire machine arriere. Et, plutöt que d'offrlr llque contre les balles et un repas « avec vin et biere », constate du Crest, la
une independance truquee ades usurpateurs imposes, aoctroyer des elections troupe lance un rald eclalr sur la cible designee par Je commandement avant
libres au peuple camerounais pour qu'il puisse choisir democratiquement la que cette veritable armee des ombres s'evanouisse ä nouveau ... SI Ja hierar-
forme de son independance. chie semble invisible, voire inconnue des combattants de base eux-memes,
Le projet de Moumie parait sans doute ambitieux (Ja presse fran~aise le eile n'en impose pas moins avec une certaine efficacite son autorite sur une
traite constamment de« megalomane»), mais il estime, et ses camarades avec guerilla de mleux en mieux organisee.
lui, qu'U n'y a pas d'autre voie. Si l'on veut que le «Kamerun» vive, .il faudra Mais ce bei ordonnancement est sans cesse menace par la dispersion des
bien vaincre ses puissants ennemis. « Vaincre ou mourir », teile est d'aillerns forces armees nationalistes. Des le depart, le chef d'etat-major de la jeune
la devise de cette ALNKque Ies upecistes mettent sur pled, ä Conakry, dans les ALNKest confronte ä la cUssidence de Paul Momo, sans doute le plus puis-
semaines qui suivent leur defaite onusienne. sant des « chefs rebeUes », mais egalement le plus indiscipline. D'autant que
Si la strategie globale rappeUe lncontestablement celle du FLNalgerien, Ja les autres leaders - simples « chefs de bande », aen croire les services de secu-
Strategie militaire, eile, serait plutöt, dans sa formulation theodque, d'l.nspira- rite fran~ais - sont egalement reticents ä voir Singap les cbapeauter. Pour
tion maoiste. Pour preuve, le programme general de l'ALNK, adopte par les gagner son autonomie, Momo recrute ses propres lieutenants, agregeant des
« cadres militaires » de l'UPC le 31 mai 1959, apres le retour clandestin de cadres locaux du Bamileke comme Jeremie Ndelene et Samuel Tagne, ou Ber-
Singap au Cameroun (et dont une copie sera interceptee douze jours plus tard nard Kamdem dans le Mungo 16 • A la tete d'une bande tres mouvante de
par la police urbaine de Nkongsamba). Ce programme n'est autre qu'un bre- quelques dizaines d'insurges, Momo ouvre un front autonome et mene des
viaire des theories de guerre revolutionnaire formalisees dans les annees 1930 operations de guerilla sans en rendre compte ä quiconque, parvenant en
par Mao Zedong. Du concept de « guerre prolongee » a la formule du <<poisson quelques mois ä contröler des zones autour de Batcham et Bamendjo 17•
dans l'eau », en passant par les trois etapes de Ja strategie revolutionnaire A peine rentre au Cameroun, Martin Singap jette donc toutes ses forces
(« defense strategique », <•equllibre des forces », « contre-offensive ») et les tac- dans la bata.ille de l'unite. Par un melange subtil de fermete et de pedagogie, il
tiques de resistance (« l'ennemi avance, nous reculons; 11s'immobilise, nous Je tente de rassembler !es maquis et de les encadrer fermement. Signiftcatives ä
harcelons, etc.»), toute la pensee militaire de Mao s'y trouve condensee 14• cet egard sont les premieres « resolutions » et !es premieres « lois » adoptees
Ces theories sont habilement mises en reuvre par l'ALNK, au grand au cours de la reunion constitutive de l'ALNK, Je 31 mai 1959. Pendant que
desarroi des militaires frarn;:ais qui paraissent rapidement exasperes. Le la resolution « n° 001/ALNK/59 » condamne avec force les « desordres qui
commandant militaire du Cameroun, Christian du Crest de Villeneuve, decrit regnent dans nos mllieux », les « experts en cissions » (sie)et autres « traitres
dans un campte rendu interne de l'ete 1959 un fonctionnement tres diffe- veritables ä Ja patrie », les « lois n° 1 », rassemblees en treize articles, s'ever-
rent de celul adopte l'annee precedente en Sanaga-Maritime par le CNO. En tuent ä codifter la chaine de commandement, les regles de fonctionnement
particulier, les dirigeants de l'ALNK evitent au maximum de rassembler leurs interne de la nouvelle armee et les sanctions prevues en cas de manquement.
partisans, pour ne pas donner prise aux embuscades des forces de l'ordre. Le « La discipline est l'äme de toute armee du monde », souligne l'article 2. « II
recrutement se fait tres cUscretement, ä partir des comites de base de l'UPC, ä est interdit de parler de gauche a droite [de] nos affalres interieures », stipule
l'occasion des marches, et !es groupes de l'ALNJ<qui se constituent locale- l'article 8. Quanta l'article 13, il previent clairement : « Les desordres et ses
ment dans d'innombrables villages ne se reunissent que ponctuellement, rneneurs [sie] sont pratiquement impardonnables et seront severernent punis
pour une formation ou une attaque. « A noter, ecrit Je colonel du Crest, que par le chätiment populaire 18• »
Je combattant individuel ne connait que son chef direct et n'a qu'une tres Plus subtile est la mise au point de Martin Singap sur les priorites de la
vague idee de l'unite ä laquelJe n appartient. fl sait qu'il est enröle, mais n'en lutte. Sachant que nombre de maquisards - en particulier bamileke - se sont
continue pas moins ä poursuivre sa vie habituelle ä J'interieur de son groupe- d'abord engages dans Ja lutte clandestine pour des questions ayant trait aleurs
15
ment . » Rien ne distingue donc, au quotldien, le gueril.lero du simple propres terroirs (rtvalltes familiales, differends fonciers, solidarites mys-
paysan; et Je cloisonnement des communications rend plus difficile, meme tiques, contestations des« chcfs coutumiers », etc.), comme c'est le cas de Paul
en cas d'an:estations et d'aveux, le demantelement d'une organlsntion insai- Momo et de sa troupc, prcsquctous originaires du tres sensible groupement
sissablc. Les reseaux peuvent l!tre reactives par bouchc tl o.rclllc, reunlssant de ßaham, le cl1ef cl16tol•nt1Jjo1 1cmc,sans pour autant les brusquer, d'ouvrir

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l'horizon des combattants et de lcs mobilisersur des tMmatlques plus !arges. 1ll1cctlo11 de l'UPC tendent ~ ~econjugucr. A nouveau, comme au lendemajn
« La lutte contre l'imperiallsme et la lutte contre la ffodalite sont toutes lc~ 1ll''~lcctlons-pi~gcsde deccmbrc 1956, le Ka111crun s'enflamme.
deux des taches principales, mais la täche de lutte contre J'imperialismeest la Conformement ~ la nouvelle strategie de l'UPC, c'est dans les villes, au
plus importante entre elles deux », argumente-t-11.Avant de conclure, dans cc plu~ pr~s des« Blancs », que l'etincelle est allumee. Le 27 juin au soir, ä
fran~aiscaracteristique : « La cle de la victoire de la resistance est la consoll- nouala, une cinquantaine de militants, armes de gourdins et de machettes,
darlte et elargissementdes fronts; NATIONALUNfT19. » ~cdlrigent vers le camp de la Gardecamerounaise et des auxiliairesde gendar-
En attendant d'avoir rassemblederriere Jui l'ensemble des forces armees nmie de Mboppi. L'operation surprise reussit parfaitement : le poste de police
nationalistes, Singap s'appuie sur des elements fideles, dont J'allegeance a qul protege le camp est devalise, un gendarme fran~ais tue et quatre auxi-
l'UPC ne fait aucun doute et qui ont dejä fait leurs preuves dans les phases ll,1lrescamerounais blesses. Mais les assaillants ne s'arretent pas lä. Ayant
anterieures de la lutte. A titre d'exemple, on peut citer Noe Tankeu, qui a ,~cupereune dizaine de fusilsau camp de la gendarmerie, ils se dirigent vers
connu Singap a la JDC, J'organisation de jeunesse de l'UPC,et qui est charge k " quartier blanc » en chantant des chansons nationalistes. Ils font irrup-
de coordonner l'ALNK a Douala. Ainsi qu'un autre « JDCiste » qui prend du tIon dans un cinema (LesPortiques),unbar (LaFregate),puis un dancing (Le
galon : Henri Tamo. Originaire, comme Singap, de Badenkop, Tamo s'etait l'hantaco), hauts Ueuxde sociablliteeuropeenne, ou ils tuent deux militaires
illustre dans les annees 1956-1957 du cöte de Yaounde et dans Ja zone situee lran~aiset blessent une dizaine de clients, fran~aisou camerounais. Reunies
au sud de Ja capitale. Ayant ete l'un des concepteurs du maquis de Djoum, fln ll'urgence, !es autorites coloniales, civiles et miUtaires,envoient des troupes
1956, il fut ensuite nomme chef du Territoiremilitaire du Centre (TMC,orga- et des chars pour reprimer les « rebelles,. (dont trois sont tues) et « proteger
nisme militaire du CNO dans Ja region Centre) et avaJt mis sur pied un camp lcspolnts sensibles„ de DouaJa.Dans les heures qui suivent, l'armee fran~aise
d'entrainement au sud de Yaounde (voir chapitre 12). Arreteen janvier 1959, procedeau « bouclage » du quartier de Mboppi, pendant que la police, lagen-
il beneficie quelques semaines plus tard des lois d'amnistie votees en fevrier darmerieet la Garde camerounaise y procedent aun « ratissage» methodlque.
pour convaincre l'ONU de Ja bienveillancedu jeune regime Ahidjo ä l'endroit L<'couvre-feuest instaure et la capitale economique quadrillee pour dissuader
de ses opposants (voiI chapitre 17). Fin mal 1959, Tamo se retrouve donc dans lcs« terroristes » 21 .
le Mungo pour la reunion de creatJon de l'ALNK.Nomme « attache d'etat- Mais c'est a Yaounde, capitale politique, que ces derniers poursuivent
major charge de J'information et des Iiaisons >>,il effectue d'harassants allers- !'offensive. Le 5 juillet, un groupe d'une quarantaine de militants, reedl-
retours clandestins entre Je Cameroun et Accra, en pirogue, en bus et en tant l'operation de Douala, attaquent une voiture de police, saccagent des
camion, beneficiant du soutien des populations ä travers le Cameroun britan- dlzaines de magasins et s'introduisent dans plusieurs lieux de detente fre-
niq ue, le Nigeria, Je Benin, Je Togo et Je Ghana, pour assurer Je maintien quentes par les Europeens (le bar L'Änerouge, la brasserieLaRenaissance).Le
effectifdes liens entre l'etat-major et le bureau du comite directeur. Et foumir patron d'un de ces etablissements, presente comme l'lncarnation achevee du
22
la guerilla en armes (trois ou quatre pistolets et queJquescartouches ä chaque colonialisme negrophobe, est mis ä mort en compagnie de sa sceur • L'opera-
voyage...) et en savoir-faire militaire, acquis au cours de ces lnterminables tion de Douala n'etant plus des lors regardeecomme un « incident isole », la
peregrinations (sans se souvenir precisement de la date, Henri Tamo assure panique gagne rapidement les milieux civils fran~is sur tout le Territolre.Et
avoir suivi un stage de formation a la guerilla, assure par des nationalistes ccla d'autant plus que les operations nationalistes ne se limitent pas aux deux
algerlens, en Egypte2°). La formation des troupes, la fourniture d'armes et principales villes. Des le 3 juillet, la brigade de gendarmerie de Mbanga
l'acces aux reseauxd'aide internationaux constituent des ressourcesrares que (Mungo) avait ete assaillie par une bande de « terrorlstes ». Dans la nuit du
Singap et ses adjoints parviennent ä centraJiser, offrant ainsi a l'ALNKune 16 au 17 juillet 1959, c'est au tour de Ja gendarmeriede Mbouda (regionBami-
colonne vertebrale, fragilemais reelle. lcke) d'etre attaquee. Lemode operatoire est toujours Je meme : une quaran-
tal ne de combattants armes de machettes et de matraques, chantant des
llymnes revolutionnaires, lancent J'assaut, detruisent sans retenue et n'hesl-
Guerillaurbaine,guerreeconomique, tcnt pas alaisscrdes morts sur le terrain 23 •
guerresymbolique Quoique moi11svisible, la guerre economique, deuxieme axe prioritaire
de la grande offensivede I'ALNK,rencontre un lncontestable succes.Prolon-
A partir de Ja fin juin 1959, les desordres plus ou moins spontanes qui se gcnnl de manl~rcplus musclee les mouvements de greveinities des avril 1959,
manifestent depuis la defalte de l'ONU et l'agltatlon quc tcntc u'organlser la lcs moquls pcrturbcnt cn profo11dcurl'ncllvltc cconomlque du Terrlto!re.

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Accompagnant lcs lettrcs de mcnaces cnvoyces collcclivement ou lndivlclucl- la11c6c:cn dNrnt de solr6c, des ottnqut•~coordonnees touchcnt des camps
lement aux entrepreneurs et investisseurs fran~aisau Cameroun (vos activitcs inilltalres, de pollce, de gendarmcilc, de\ b5tlments publics a travers taute la
sont comparables ä « un chäteau dore construit sur un volcan », leur est-il p:irtie sud du pays 30•
24
explique ), les maquisards s'activent pour saboter les voies de communica- Troisiemc cible des guerilleros de l'ALNK,en plus des villes et des infra-
tion, empecher les recoltes, menacer les marches. C'est dans le Mungo, ,tructures economiques : les missions religieuses. En particulier les missions
paradis lndustrieJ de Ja banane (et de J'ananas), que les operations sont les rntholiques. A partir d'ao0t 1959, ces dernieres sont systematiquement
plus spectaculaires. Des le debut juillet, des avions servant ä l'epandage de t iblees dans la region Bamileke. L'evenement le pl.us frappant de cette cam-
produits phytosanitaires sont detruits par un commando compose d'une qua- pagne anticathoLique, hautement symbolique, a lieu dans la nuit du 29 au
rantaine de combattants z.s_Les operations de ce type se multiplient tout au J0 novembre 1959, quand une « bande „ forte de plusieurs centaines d'indi-
long des mois de juillet et aout 1959. Pendant que les routes sont barrees ä vidus armes attaque la mlssion catholique Ad Lucem de Bafang et y deca-
l'alde de troncs d'arbres, les voies ferrees sont sciees les unes apres les autres, pite deux missionnaires, dont le pere Gilles Heberle. Ce dernier, figure de
genant considerablement l'evacuation des recoltes vers le port de Douala 26• l'Eglise catholique, present au Cameroun depuis 1934 et confiant dans son
Pour couronner le taut, de multiples meurtres ou tentatives d'assassinat sont anciennete et sa popularite dans la region, avait refuse d'organiser sa protec-
perpetres contre les gestionnalres europeens des plantations et contre !es t ion 31 • L'affaire fait grand bruit dans la presse, en raison notamment des
pJanteurs autochtones qui persistent a travailler pour eux. conditions de la mort du pere GiJJes,dont la tete est emmenee dans un seau
Pour les autorites fran~ises, qui savent qu'il n'y a rien de pire en poU- par les assaillants 32• Cet episode est mis en exergue par les autorites comme
tique que d'etre attaque au portefeuille, la situation devient rapidement cala- preuve de la barbarie de la rebellion; et U sera encore mobilise bien des annees
mlteuse. C'est du moins Je bilan que tire Je colonel du Crest en plus tard pour souligner I'« inhumanite » des opposants politiques
septembre 1959, deux mois seulement apres le declenchement de la « guerre cl'Ahidjo 33 • Une semaine apres cette offensive, c'est au tour de la mission
34
economlque ». « Apres avoir perturbe le commerce des produits vivriers dans catholique de Baogang de subir un tel raid, marque par trois assassinats •
le Barnllekeen interdisant la tenue des marches et le transport des vivres vers Cependant, ces cibles ne sont pas prises au hasard. Le reseau de soins
Douala et Yaounde, expllque-t-il, les terroristes s'opposent dans le Mungo a catholiques Ad Lucem,par exemple, reste dans l'esprit de tous l'outil politique
la recolte de la banane. lls interdisent la coupe et l'exportation, et n'hesitent principal de Louis-Paul Aujoulat, l'homme fort du Cameroun de l'apres-
pas a.se rendre coupables de crime pour faire respecter leur ordre. [... 1Cette ~ruerre.S'en prendre il ses relais, qui sont toujours tres proches du pouvoir et
action contre Ja vente des produits exportables, seuJe richesse du Cameroun, lui servent a l'occasion d'offices de renseignements dans une region de plus
ne laisse pas d'etre preoccupante ä Ja veille de la tralte du cafe et du cacao, cn plus troublee, n'a donc rien de fortuit.
dont vivent Ja majorite des planteurs africains du Sud et de l'Ouest 27 • »
QueJques semaines plus tard, Je meme officier fournit un bilan chiffre de Ja
« guerre de Ja banane >>: « De 1 200 tonnes tous les cinq Jours en periode nor- Choisirsoncamp
male, le poids des bananes expediees tombe a350 tonnes le 25 septembre. [... j
Ces chiffres ne sufflsent pas cependant ä.donner une idee exacte de Ja situa- Au niveau « psychologique », comme disent les militaires, la relance des
tion. Les plantations europeennes, eo effet, developpent au maximum leur operations armees nationalistes provoque egalement d'importants boulever-
production pour profiter des hauts cours actuels. La production africaine sements. En visant deliberement les « Blancs », dans les villes et dans leurs
oscille entre S % et 7 % seulement du total exporte, au lleu de 60 % en temps activites economiques, en n'besitant pas a cibler des civlls, en copiant les
normal.,. Quant au cafe, « il faut s'attendre ä la non-commercialisation de la methodes du FLNalgerien en la matiere, l'UPC prend clairement un virage.
majeure partie de Ja production autochtone Mungo-Bamileke28 ». Au lendemain de sa defaite de l'ONU, II ne s'aglt pas seulement pour eile
Pendant ce temps, les cadavres s'empilent: les attaques de l'ALNKdes d'etre entendue par cette « communaute internationale» qui se preoccupe
mois de juin, juillet et ao0t 1959, constate du Crest, ont coate Ja vie a neuf fort peu des cadavres noirs. II s'agit aussi, plus fondamentalement, de mettre
« Europeens » et quatre-vingt-cinq « Africains „ 29 • Un cycJe qui, Ioin de cn excrgue la duperie que constitue cette « independance » dessinee pour le
s'arreter, prend de l'ampleur. Les combattants sont en effet de plus en plus ,eul profit des colons blancs (et de leurs auxiliaires locaux).
nombreux ä rejolndre les rangs de J'armee rebelle. Et leurs actlons toujours II n'est pas inutllc de :>0ullgncrquc ce changement d'attitude s'adresse
plus ambitieuses. Le 26 ao0t 1959, par exemplc, unc grandc offensive est lndlrectemcnt atous ccux q11t,d,1m ,c qu'on oppclle encore la • metropole ",

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ne semblent pas percevoir la differcnce entre unc vrolc et unc fau:>sc« inde- 1cspectucuxde la volont6 populalre, la naissance de l'ALNKet la recrudes-
pendance ». Alorsque beaucoup de militants progresslsle~frn11,;ais faisalent ccnce du « terrorisme i. obllgent lcs Camerounais a prendre plus clairement
montre d'une certaine sympathie al'egard des upecistesquand la Francerefu- position. C'est du reste le but de nombre d'ecrits diffusesclandestinement au
sait absolument d'entendre parler d'independance, aJorsque nombre de pro- Cameroun et a l'etranger par le bureau du comlte directeur de l'UPC en exil.
gressistesfran~s soutiennent avec force les nationallstes aJgeriens- meme " Nous devons desormais etce intransigeants avec les traitres », clamait par
ceux qui ont pris les armes - dans leur volonte d'acceder a l'independance, il cxemple une « clrculaire » du bureau rendue publique des le 4 juin 1959. « Le
semble qu'il leur soit plus difficile de soutenir la lutte armee « kamerunaise » sursis que nous leur avions accorde est finl, nous devons donc passer a
maintenant que 1'«independance » du pays est acquise. Aussi ambitieuse l'action 37.,, Determlnes a eliminer !es« colons noirs », les dirigeants de l'UPC
mais plus perilleuseencore que la guerre d'Algerie,la nouvelle guerre menee en exil multiplieront !es diatribes contre leurs ex-camarades passes a
par I'ALNKn'a plus simplement pour objectif une conquete territoriale ou l'ennemi, tentes par des strategies legalistes, reformistes ou simplement
politique; eile vise egalement la mentaJite coloniaJe embrumant ces esprits opportunistes•. Parmi !es cibles favorites, on s'en doute, Theodore Mayi
« europeens » qui, tout progresslstes qu'ils soient, peinent a comprendre ce Matip, que de tres nombreux nationallstes pourtant convaincus et sinceres
phenomene naissant qu'est Je neocoloniaJisme. ont suivi sur les chemins du ralliement. Autre cible :Jacques Ngom, qui tente
Le temps de lajeucafra, Je mouvement profran~aisne pendant la Seconde non seulement d'emmener le mouvement syndical camerounais sur les voies
Guerre mondiale avant de servir de matrice a l'UPC, semble deja bien loin. du reformisme, mais qui semble en outre conserver une certaine audience
Les upecistes abandonnent leurs complexes, a un moment au la suprematie dans les milieux syndicaux internationaux 38 • Pour forcer chacun acholsir son
de l' « homme blanc », sur le plan mondial, est vivement contestee. Cette evo- camp, les maquisards prönent l'incivisme fiscalvis-a-visdu pouvoir en place,
lution n'est pas sans rappeler les constats que fait au meme moment Frantz ce qui ne va pas sans cruautes pour imposer la discipline aux recalcltrants (vic-
Fanon. Apres avolr « rehabilite l'homme colonise algerlen », explique-t-il limes eventreeset depeceesaBaham39 , decoupeesala machette aBamendjou
dans L 'An V de la revolutionalgerienne,publie en juillet 1959, !es ex-colonises ou torturees aJapoma ~°).
doivent accelerer l'« agonle lente mais certaine de la mentalite du colon » et Le changement de strategie de l'UPC n'est pas seul responsable du chan-
« decouvrir l'homme derriere le colonisateur; cet homme a Ja fois ordonna- gement d'etat d'esprit de la population camerounaise au, en tout cas, de
teur et victime d'un systeme qui l'avait etouffe et reduit au silence » 35 • Un l'injonction qui lui est faite, en pratique, de « choisir son camp». La repres-
mois apres la publication - et la saisie- du livre de Fanon, dont il est un ami sion fran~aise, ou plus exactement franco-camerounaise, sur laquelle nous
intime, Moumie redige un « appel ä la population europeenne au Kamerun ». reviendrons plus en detail dans le chapitre sulvant, pousse egalement les
Oui a l'independance, oui au maintien de bonnes relations franco-camerou- Camerounais a faire des choix radicaux. On peut citer plusieurs exemples.
naises, explique-t-ilen substance, mais unlquement « sur Ja base d'egalite et L'lnterdiction en juillet 1959 des publications nationalistes encore autorisees
de consentement reciproque 36 ». Lesupecistesqui, void encore deux ou trois (Kamenmmonpays,Ma patrie, Le Camerotm,La Nation kamenmaise,Le Tmvall-
ans, cherchaient Je soutien au l'approbation des milieux intellectuels parl- /c11rkamenmais,Le Paysan,L'Opinion au Camero1m)rend illegaJel'expression
siens ou des diplomates a l'ONU, se tournent a present du cöte de ceux qu'ils d'une pensee nationaliste qui refusede s'inscrire dans le cadre mental et insti-
voient comme leurs vrajs amis, les non-alignes du tiers monde. Lessoutiens tutionnel impose par la puissance coloniale. Comme la discussion des idees
"metropotitains » se font des lors beaucoup plus rares•... de l'UPC n'a plus droit de cite sur la scene publique, les differents points de
Politiquement, ldfologiquement, militairement, Ja rupture est egale- vue ne peuvent plus se confronter que par des raids et des represailles. Le
ment totaJe sur Ja scene camerounaise, ou deux camps s'affrontent sans contraste est saisissantavec la situation qui prevalait ne serait-ceque deux ans
merci. Alorsque le verdict de l'ONU avalt plonge nombre d'habitants dans le auparavant, quand Um Nyobe, du fond de son maquis, echangeait des lettres
desarroi,aJorsque certains s'eta1entresignesä accepter une independance fac- ouvertes avec les nationaJistes dits « moderes ». Le fosse, deja profond, s'est
tice, alors que d'autres voula1ent croire qu'il serait possible, une fois l'inde- cntre-temps creuse davantage encore.
pendance proclamee, d'orienter le regime profran~ais dans un sens plus

a Mise ä part ta revue Les Temps morlemes,dlrig~e par Jean-Paul 'iartrc, qul puhllc en
novcmbre 1959 un mC!morandumr&tlg~par les up(!clstc~cn c~II : • Note ,ur la r<:pre~ston
., llCD tl'un de cc, • 11111111•\
ll'.m,1\\hhtt - :1r>ouala, le 24 juln I 9S9, revendiquee par le
c•c~t u'alllcurs l,111.•1111,tlH'
• tl(l11Jine~.j(lh Ren~ N11~pc1h,anclcn tr~orlcr du BCD de
au Kamerun•· l'UPC, qul ,c111hl~11vohNi' h• p,,11,1h11 lll I\•dl' lo 11rnndcolfcmlvc de l'J\LNKö 1·~1c1959.

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De plus, la repression accrue en milieu urbal11ch11~sc lcs sympathisants cöt~ des rcbelles45• 'Bref:fin 1959, presque tout l'Ouest-Camerounest entre en
ou Jes supposes sympathisants de l'UPC vers l'etranger ou leur campagne dissi.denceet n'obeit plus au pouvo.irlegal. Pendant que, dans le Mungo, !es
d'origine. C'est par exemple ce qui se produit pour le Jeune David Korn,mili- ilssassinatsse comptent par dizaines chaque mois 46 , !es attaques, attentats et
tant upeciste de Douala. Traque, inqui.ete, arrete a pJusieurs reprises par la exactions (dont beaucoup de reglementsde comptes) sont si nombreux et fre-
police a l'ete 1959, ll decide de fuir et de rejoindre Je Cameroun britannique. quents dans le departement Bamilekeque les autorites ne parvlennent plus a
De la, aide par les reseaux nationalistes, il ralliera Accra. Puis Moscou, ou lcs denombrer.
l'UPC l'envoie faire des etudes d'economie 41 • Ainsi la repression frarn;:aise Ces « actions rebelles » sont loin, cependant, d'etre coordonnees par la
nourrit-elle indirectement les filieres des « stagiaires» nationalistes qui par- direction upeciste en exH.Dans le Mungo, un certain « commandant Jean»,
tent se former a l'etranger. Mais eile nourrit aussi,directement, les maquis qui alias Jean Djonteu, ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale origi-
se constituent ou se reconstituent dans les campagnes camerounaises. Deja nairede Baham, mene en effet sa propre insurrection, en marge de l'ALNK,
ancienne (voir chapitre 15), la politique de« refoulement » hors des villes des depuis qu'll a pris la tete d'un groupe rebelle autonome accuse de ran~onner
« populations suspectes >► - pratique dont on reparlera- reprend de plus belle les populations sans grand discernement. ll est provisoirement accompagne
apartir de 1959. C'est Paul Pondi, alors policier en formation (il deviendra le d'Etienne Njoya, dit aussi « Etienne Mobile», qui a fait ses classesen Sanaga-
chef de la police camerounaise dans les annees 1960), qui explique le prin- Maritimeet possede la competence rare de savoir construire ses propres fusils,
cipe: « Une ou deux fois par semaine, les forcesdu maintien de l'ordre se ren- ce qui lui procure une certaine autonomie 47 • A Douala, « la situation poli-
daient dans les quartiers [de Yaounde]essentiellement occupes par les Bassa, tique se degrade » acause des Bamileke,juges « dans leur grande majorite »
asavoirMokolo, Messa,etc., a desheures tres particulieres(entre 3 et 4 heures pro-Moumie,s'alarme un rapport de l'armee 48• Meme en Sanaga, l'insurrec-
du matin) pour effectuerdes rafles. On embarquait tous ces rafles,qui etaient lion reprend. Contrairement aux espoirs des promoteurs de Ja ZOPACet de
soup~onnes d'appartenir a l'Union des populations du Cameroun (UPC), Mayi Matip, un leader local y emerge : Theodore Mpouma Kilama,
dans le train qui partait a DouaJa et on les faisait descendre a des gares qui dit « Makandepouthe », n'hesite pas a porter Ja contradiction en public a
correspondaient a leurs localites respectives en commen~ant par la gare Mayi Matip 49 et ranime les derniers noyaux de rebelles pour reprendre l.e
d'Otele, Minka, Makak, jusqu'a Japoma. Le train qui venait de Douala faisait flarnbeaude l'insurrection et susclter pJusieursbataillons de maquisards50• Ce
42
)'inverse • » Tribaliste, Pondi ne s'interesse dans cette explication qu'a sa sont donc pres de deux cents combattants qui rejoignent l'ALNKa Ja fin de
region d'origine, la region Bassa.En realite, !es « refoulements » concernent 1959. Les noms des nouveaux maquis (« Le deuil », ,< La verite », « Le desir
toutes !es « populations indesirables» des villes, a commencer par les Bami- d'independance » - Ngon-Kunde-, « Bonne esperance », « Emest Ouandie »)
leke, enfermes par milliers dans des trains pour etre « renvoyes » dans le disent bien taut a Ja fois l'inscription dans l'histoire douloureuse du mouve-
Mungo ou a l'Ouest (voir chapitres 21 et 24). Ou, degoutes et desreuvres,ils ment nationaliste et le lien revendique avec l'organe dlrigeant de l'UPC en
sont immediatement pris en charge par les maquis de l'ALNK... exil.
Plus encore que les avancees sur le terrain, c'est la victoire des upecistes
dans les tetes qui affole l'etat-major fran~ais. M~me !es mois sans attaque,
« Lagangrenegagnedu terrain» comme mai 1959, sont propices a l'avancee des« rebelles» au sein de la popu-
lation, qui ne paie plus ses impöts mais a la place s'acquitte des souscriptions
Au dernier trimestre de l'annee 1959, il est indeniable que Je pari de nationalistes 51. C'est un vrai « pourrissement >) generalisequi menace Ja zone
l'ALNKest gagne. Certes, les divisions restent terriblement fortes a la tete des apartir des foyersde Bafoussamet Baham,ou l'UPC« parvient acontröler une
maquis, mais tous !es rapports militaires indiquent que « Ja gangrene gagne population de 150 000 personnes 52 » qui obeissent aux mots d'ordre poli-
du terrain 43 )>. Les cartes d'etat-major de l'Ouest-Cameroun se couvrent de tiques de boycottage ou de greve. Le plus rageant pour l'administration est
zones rouges, dites « pourrles », au point que les troupes fran~aisesfinissent que cette discipllne s'obtient la plupart du temps sans coercition. Car, comme
par etre cantonnees en ville. En octobre, J'arrondissement de Mbouda, pour- le regrette un bulletin de renseignements des juin 1959, la ,, grossemajorite de
tant considere comme une zone pilote en rnatiere d'autodefense (voir cha- la population » considere l'UPC « comme un bienfait » 53•
pitre suivant), passe « en bloc » ä la rebellJon.« Presde 3 000 fuslls de traite et Plus qu'en accord passlf nvecJcs upecistes,certains segments de la popu-
quelques fusilsde chassesont ainsl perdus pour lc gouvcrnetn('ill», nole al.ors lntlon sont prQtsO mctlrc lcur~vic~en lcu pour frelner l'avancee des forces
un rapport militaire 44, qui estime que 85 % de lo popul[l.lJ0tlOflt bnscult du clc r~prcsslon. Comme sl IC l1.11lMemcnt1.tcs11omrncsde Singap, Momo et

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Ndelene nc suffisait pas, voici d6sor111ais que les femmcs passcnt ä l'action. precedcntcs. Dans un contcxtc polltlquc nouveau, marque par 1'«auto-
Certainessont devenues maquisardes,initiees al'action dans les camps de for- nomie » interne de !'Etat du Cameroun au cours de l'annee 1959, les auto-
mation de la guerilla, ä l'lnstar de Pauline Rebeug,alias« Noumbissi », entree rites fran~aisessont donc amenees a imaglner elles aussi de nouvelles formes
au SDNKavant sa quinzieme annee, ou elle achemlne le courrier « cache dans de lutte.
les plis de (sa] jupe », raconte-t-elle s4 • D'autres activites feminines sont plus
inattendues, si bien que les autorites peinent a trouver les mots pour !es
decrire. Apres les « garces de I'Udefec » stigmatisees par Lamberton, voici
desormaisles « meutes » de femmes bamileke.« On assisteä une nouvelle tac-
tique de la part de la subversion : l'utilisatlon de meutes feminines s'oppo-
sant par Je nombre aux forces de !'ordre», peut-on Liredans un bulletin de
renseignementsss_Les officiersfrani;aissignalent un ,, lnquietant rassemble-
ment" de femmes le 23 octobre 1959. Quelques jours plus tard, ils doivent
en affronter eing cents autres le long d'une route a Mbouda. Puls huit cents
le lendemain sur le terrain d'aviation de Bafoussam: submerge, le chef de Ja
brigade de gendarmerie tire sur les femmes et en tue trois pour degager sa
jeep 56 ...
Un ancien maquisard devenu instituteur, Jean Donfack, se souvient
aujourd'hui de ces episodes : quand !es hommes n'abattaient pas des arbres
pour couper les routes, explique-t-il,c'etaient les femmes, « surtout les vieilles
mamans », qui venaient entraver la progression des convois militaires.
« Parfois meme, poursuit le vieil homme, quand c'etait serre, eUes se met-
taient torse nu. "Voilä, ecrasez-noussi vous voulez", disaient-eUesaux mili-
taires. Parfolsmeme elles attaquaient, acoups de jets de bouteilles pleines de
piment sur les militaires, ce qui les faisait tousser s,. » Ces developpements
inattendus amenent le Haut Commissaire a prendre la plume pour preciser
Ja« conduite ä tenir vis-a-visdes femmes », prescrivant l'emploi d'« armes
d'efficacite progressive: grenades lacrymogenes, grenades offensives, armes
individuelles». Le mot d'ordre est clair : « II ne peut etre question de faire
aneantir un petit detachement de nos forces par une de ces bandes ss.» Aux
cötes des fernmes, les adolescents servent egalement d'agents de liaison entre
les maquis, au point d'etre per~s de maniere generale comme « profonde-
ment hostiles ä !'ordre etabli 59 » par les militaires fran~ais,qul commencent a
desespererde convaincre un jour cette population consideree de plus en plus
comme uniformement « rebeUe».
« Les rebellesgagnent du terrain et etendent leur zone d'action, s'alarme
un rapport militaire fran~aisen decembre 1959. r...] La situation, precedem-
ment signalee comme sans cesse s'aggravant, devient inquietante. Lesforces
de maintieo de !'ordre sont insuffisantes et, malgre les efforts du personnel,
inefficaces pour parer a une teile situatlon 60• » En effet, la progrcssion des
troupes de Moumie, Singap et Momo est autant due ~ lc11rorganisatlon et~
leur motivatlon qu'a l'inefficacitc de la reprcsslon fran,ohe, lncapable de
reprodulrc scs succ~sobtenus cn Sonagoou ~ l'011t'~Il1lt~tlt ucux ann~cs
1
,

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Uni' r11prt•~~lonc11111{)11/16u

20 un de ces prisonniers, « se saclw11tconclamnc », s'est approche de l'offlcier de


gcndannerie fran~ais en cl1arge ctc l'etrange expedition pour lui parler et l'a
Unerepression
camouflee soudain emporte avec lui dans le vide. « On a cherche pendant des jours le
corps du gendarme, sans succes, explique cet ex-correspondant de Reuters.
On a mobilise les villageois environnants, on Ies a obliges ä plonger pour eher-
eher le corps du gendarme. En sortant de J'eau, ils ont dit qu'ils avaient trouve
~ L'armee fran~aise, que ce solt dans le Mungo, dans lc tellement de cränes, tellement de corps qu'ils ne pouvaient pas reconnaitre
Bamileke ou ä Douala, ne fait pas la guerre. » celui du gendarme 4.» Ces pratiques auraient dure tout au longde laguerre. Le
Lieutenant-colonel Andre LAUR1tRE, conditionnel est de rigueur, car ce joumaliste n'est pas un temoin direct de ce
7 novembre 1959 1• qu'il ctenonce.
Que dire alors du temoignage de Michel Clerget, arrive spontanement sur
notre messagerie eJectronique fin 2009, quand ce paisible retraite a appris, par
hasard, que des journalistes s'interessaient aJa repression fran~ise au Came-
roun? «J'avais 12 ans, j'ai vu des choses »,nous ecrit-il mysterieusement. Son
pere, Jean Clerget, etait gendarme, marechal-des-logis, commandant de bri-
gade aBafoussam en 1959. Rendez-vous telephonique est pris avec ce temoin
tombe du ciel. Les souvenirs du jeune gar~on d'alors, qui trainait l'ete dans Je

L e 12 septembre 1959, le joumal de marche et des operations QMO) de


la gendarmerie du Cameroun signale la mort du gendanne Andre Hou-
tarde,2 « disparu dans la riviere Metchie a O h 30 au cours d'un service de
camp de Bafoussam, sont graves a jamais dans la memoire de cet homme
aujourd'hui äge de 63 ans. Mais ils reviennent avec douleur.
« Ils avaient l'habitude de jeter les gens dans la riviere, du haut d'une
chute d'eau, lance-t-il. Une fois, un prisonnier, en tombant, s'est accroche ala
nuit ». Le campte rendu de renseignements de Ja periode n'est pas moins mitraillette d'un gendarme qui s'appelait Houtarde". On l'a cherche taute Ja
elliptique : « Nuit du 11 au 12 septembre 1959 : a Bafoussam, un gendarme nuit, mais en bas de la cbute il y avait des corps partout au fand de J'eau, sans
europeen est noye accidentellement 3 • » Dröles de gendarmes que ces Fran~ais compter les crocodiles 5 • » Cette histoire traumatisante, le fils Clerget la tient
qui se baignent vers minuit dans une riviere bamileke en pleine periode de des collegues de son pere. Il ne peut evidemment ni inventer ces noms et dates
troubles et parviennent a y perdre un homme ... Si l'on recoupe Jes temoi- bien reels, ni avoir eu connaissance de temoignages d'anciens resistants came-
gnages, cet incident aquatique rapporte en catimJni dans ces deux documents rounais, puisqu'il n'en connait aucun. Ecceure par cette periode, le retraite se
internes de l'armee fran~aise aurait-iJ un lien avec certains recits terrifiants souvient de l'atmosphere de detresse morale qui regnait dans Lecamp de son
d'ex-maquisards, hantant Ja memoire collective de la region, sur des atrocites pere : « Houtarde, c'etait son superieur. Avant cet incident, je !es entendais
commises par Jes Fran~ais ? C'est effectivement ce que nous avons pu etablir. parler le soir, quand ils prenaient le whisky ensemble. Les gendarmes etaient
D'apres ces temoignages, !es forces de l'ordre auraient pris pour habitude de ... tous au baut du rouleau. Avant de mourir, Houtarde avait perdu les pedales, il
precipiter des prisonnlers du haut des chutes de la Metchie. D'ailleurs, !es devenait fou, iJ s'etait mis atuer !es rebelles a la machette. Un grand gaillard
populations locales, encore aujourd'hui, ont pris J'habitude de deposer des comme lui, gentil, il avait perdu la boule ! »
offrandes et ont meme accroche un drapeau de l'UPC a cet endroit Ces deux temoignages, inedits, revelent plusieurs choses 6 • D'une part,
symboHque.
I'ALNKcompte des militants prets a mettre leur vie en jeu pour empecher
Ahidjo de mener son pays aune « independance » profran~ise; symbolique-
men t, la fin brutale d' Andre Houtarde dit taut : face ä la determination des
Disparitionsforcees rebelles, la repressi?n s'enlise. O'autre part, en 1959, l'armee fran~aise est

Un journaliste protestant a la retraite, Daniel Maugtre, nous avait deja


alertes sur ces pratiques. « Toutes Ies nuits, expllqualt-il, un carnlon allait ,, lc ,11nqul1nrdmortceuc nult-la seralt FossiJacob,dlt • Nico-
D'opr~~ ccrtolns 1<:n1011111of1t•~,
cl~nic•, n(Icn 1917 ~ nofo11~11m1, en 19511~ nn an de prtson pour « maintien de
rn11(lo111n6
deverser les gens dans les chutes. » Une nult, au cour:, d'unc sc~nede cc t.ypc,
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354
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profondement ctesempareeface ä la persistanccde la rebellio11,au polnt de sc lcs termcs etc Le Puloch, de " 111oyl•11sd'acllon scmblablesa ceux qu'elles ont
9
livrer a des exactions crimlnelles, comme les disparitions forcees. Cette pra- cus en Sanaga,en partlcullcr pour la rccherchc de renseignements ».
tique, courante eo Algerieä la meme epoque, si l'on se souvient de ce qui est Militalrernent, la rnecanique cst clone bien rodee. Mals, politiquement,
entre dans l'histoire sous le terme de« crevettesBigeard» pour designer le lar- c'cst m1eautre histoire. A partir du 1e•janvier 1959, en effet, la Situation est
gage en mer des opposants, est caracteristiquede la guerre contre-revolution- profondement bouleversee: en vertu de I'ordonnance n° 58-1375 du
naire. Avecles disparitions d'opposants, disparaissent aussi !es preuves de Ja 30 decembre 1958 edictant le nouveau statut de 1'«Etat sous tutelle ))1 la res-
repression,empechant d'honorer les martyrs de Ja cause, de porter leur deuil, ponsabilite du maintien de !'ordre interieur revient, pour la premiere fois, au
de mediatiserleur sort et d'ecrire l'histoire de la periode. gouvernement camerounais. Comme le pcoclameavec fierte une brochucede
Le recours ä ce type de pratiques est deja une defaite pour le pouvoir. En propagande editee debut 1959, en egrenant les effectifsdes forces locales de
l959, les cris de victoire de Maurice Delauney en region Bamileke(voir cha- maintien de !'ordre (740 hommes de la Garde camerounaise, 690 elements
pitre 13) et de Jean Lamberton en Sanaga (voir chapitre 16), qui croyaient des gardesauxilialreset 635 poliders): « Cesfoccesconstituent l'ensemble des
avoir definitivement mate la contestation, sont deja loin. Daniel Doustin, lui, moyens dont dispose le gouvernement camerounais, seul responsable de
etait moins optimiste. Des la mi-1958, il ecrivait : « il serait vain de penser l'ordre public depu1sle 1"' janvier 1959. » Ce faisant, Ie document relativise
qu'un succes en Sanaga-Maritimeresoudra le probleme camerouna1s.Il per- ie röle des « 1 200 hommes » que l'armee franr;aisemaintient stationnes sur
mettra simplement de circonscrire la rebellion, d'empecher une action le Territoire : « lls ne peuvent plus etre requisitionnes par l'autorite civile
d'ensemble avec Douala, Yaounde, Oll Je terrorisme urbain est toujours pos- qu'apres proclamation de l'etat d'exception sur demande du gouvernement
sible, et Ie pays bamileke 7 ». n avait vu juste. Car, pendant que les regardsse camerounals 10• » Attachee a l'ordonnance du 30 decembre 1958, la conven-
focaJisaientsur Boumnyebel et Ie cadavre exhibe d'Um Nyobe, le feu couvait tion franco-camerounaiserelative ä la defense, a !'ordre public et a I'emploi
sous les cendres de l'insurrection kamerunaise. « Depuis longtemps, la Situa- de la gendarmerie (voir chapitre 25) stipule toutefois que la defense de !'Etat
tion dans les pays Bamilekeet Mungo n'est pas claire, constatait l'energique du Cameroun est assuree par les forces armees franr;aisesface aux « dangers
general Le Puloch des janvier 1959. Lafin des affairesde Sanaga ne semble pas d'agression exterieure » et aux « actes de subversion interne de nature aporter
devoir marquer la finde nos ennuis au Cameroun 8 • » atteinte 3 la securite de ['Etat» 11•
La responsabilite precise du commandement est donc passablement
confuse. Offidellement, c'est le gouvernement de !'Etat autonome du Came-
roun qui est responsable du malntien de !'ordre. Mais, officleusement, tout
L'impossiblereproductionde la ZOPAC depend des autorites franr;aises, qui commandent les operations, dirigent
toutes !es forces de !'ordre (qu'elles soient « camerounalses" ou « fran-
Afin de pousser son avantage militaire, le general commandant la ZOM r;aises») et dlsposent de toute far;on des seules troupes veritablement effi-
o0 2 (AEF-Cameroun)envisageun schema simple : reproduire a l'Ouest ce qui cacesdu Territoire,cellesde l'armee. Un document issu des archives militaires
a fait le <' succes » de la ZOPAC,c'est-a-dire la constitution d'une « zone indique assezbien l'ambiance qui regne au sein du commandement militaire
d'exception », dirigee par un organisme mixte civilo-militaire, dans les fran~aisau moment Oll,en decembre 1958, sont elaboreesles nouvellesdispo-
regions Bamilekeet Mungo, sous les ordres du lieutenant-colonel Lamberton, sitions relativesau maintien de !'ordre. Tandis que le commandant militaire
dont le sejour est prolonge pour l'occasion. des Forces franr;aisesau Cameroun, le colonel Christian du Crest de Ville-
C'est dans cet esprit qu'est donc prevue Ia creation de la Zone insecurite neuve, evoque « une coordination permanente, a partir du 1" janvier 1959,
des frontieres occidentalesdu Cameroun (ZIFOC),Je 12 decembre 1958. Lam- entre l'armee et les forces camerounaises », son superieur, le general
berton amene avec lui le « brutaJ » (dixit Lamberton) inspecteur de Ja Surete Le Puloch, commandant des forcesde la ZOMn° 2, le corrige dans la marge :
Georges Conan et, pour relever le capitaine Georges Maitrier, qui a fait ses "Pas de "coordination" mais un systemecamoufle[soulignepar Le Puloch] de
preuves en Bamileke au commandement de l'escadron de gendarmerie de commandemcnt 12••» Un camouflage permanent qui, en ces mois confus de
Dschang, Je gendarme Gabriel HauJin, qui a fait les siennes en ZOPAC.La 1959, nc facllite pas la prise de declsion et devient rapidement synonyme
ZIFOCimaginee par Le Puloch aurait pour but de concentrer ses effortssur lo d'lnactlon.
frontiere franco-brltannique et d'agir "en profondcur „ sur lcs « foycrsd'agl- A !'heure ou lc~ycux \0111 hraqu6 ,;ur l'Alg~rie,il s'agit en effet, pour les
tatlon interieure ». Lestroupcs cte Lamberlon dtspo$crnlcnt, pour rcprcndrc responsables polltlqucs, tlc·nc pri~trop 01llrcrl'ollentlon sur lc Cameroun.

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Ahidjo, qui passe le plus important « examen » de sa carrl~rc,devant l'ONU, l'ordre. La guerre ouverte contre les nallonallstes s'adapte au nouveau
en fevrier-mars1959, ne souhaite pas (encore)assumer trop ouvertement unc contexte politique et est rclayeepar des actions de maintien de !'ordre moins
brutaJe repression. Le Haut Commissaire Xavier Tone, qui juge « politique- \J)ectaculalres. La repression prend un tour davantage policier, souterrain,
ment inopportun» de reproduire la ZOPAC,se montre lui aussi hesitant 13• II presque honteux. Ce n'est plus l'epoque des flamboyants parachutistes sau-
s'oppose en particulier, « en l'etat actuel des choses », a la constitution de la.nt sur Ja Sanaga, mals celle des suspects qul tombent des chutes d'eau, la
groupes armes d'autodefense « dont on peut tout redouter en ce pays de chef- 11uit,ä Ia lueur des lampes-torches. Plus discrete, cette strategie militaire
feriesaux rivalites et aux exactions incessantes». Une precaution proche de permet de viabiliser la pretention du nouveau chef du Cameroun ase muer en
l'hypocrisie, aux yeux du general Le Puloch. « C'est precisement sur elles et « leader nationaJiste » d'un « pays independant », ffit-ceau prix d'un apaise-
leurs denonciations, griffonne-t-il rageusement, que s'appuie l'actuel main-
14
ment - relatif et provisoire- qui permet a I'insurrection nationaJiste, comme
tien de ['ordre. Alors ? » Jmpatient, le martial general fulmine, en marge de on l'a vu au chapitre precede.nt,de regagnerdu teuain.
tous les documents qui arrivent dans son bureau de Brazzavllle,contre ces res-
ponsables politiques qui veulent « pacifier » sans assumer la repression.
Dans cette periode d'indecision, de flou institutionnel, chacun se ren- Tourdevis
voie les responsabilites. Le gouvernement camerounals attend des Fran~ais
qu'ils assument le mauvais röle et detruisent la rebellion, mais ces dern1ers SiJa repartition des täches est loin d'etre claire entre des autorites « fran-
refusent de se mettre en avant. Lesmilitalres, inquiets de I'attentisme, de Ja <:aises» et « camerounaises » qu'on a grand peine a distinguer, leur victoire
desorganisation et de J'optimisme aveugle des civiJs,se sentent une fois de commune a New York,le 13 mars 1959, les a surtout debarrasseesd'un bien
plus abandonnes, seuls au front face a une sale guerre coloniale qui ne dit pas genant« regard exterieur » : celui de l'ONU. Bien que toujours officieUement
15
son nom • Ce jeu aboutit a tuer dans I'~uf Ja ZIFOC,qui doit changer de « sous tutelle », le pouvoir franco-camerounais, dispense d'organiser de nou-
nom et de nature, devenant alors un simple ;c groupement d'unites » du Bami- veUeselections, a desocmaisles mains libres. U ne Jui reste qu'a faire bonne
leke et du Mungo. Du 18 janvier au 25 mai 1959, ce « Dispositif de protec- figure jusqu'a I'« independance ».
tion dans Ies regions de l'Ouest-Cameroun » (DIPRO), dont Je Mais, comme souvent, le chef du gouvernement camerounais envoie des
commandement est installe a Bafang, prendra essentiellernent une forme signaux contradictoires. Invitant eo signe d'apaisement !es exiles a rentrer au
defensive,avecpour objectifofficielde « proteger » les populations et de secu- pays, le 6 mal 1959, depuis I' Assemblee legislative du Cameroun, il
riser la frontiere franco-britannJqueet les grands axes de communication. s'empresse, dans le meme discours, de s'en prendre aux « professionnels du
Avecle DIPRO,Lamberton tente neanmoins d'appllquer en region Bami- crime et du pillage ». « L'heure est venue, lache-t-ll, furieux, de chatier sans
leke Ies recettes qui ont fait son succesen Sanaga : ouvertu.redu feu autorisee pitie ceux qui s'obstinent a perpetrer des crimes contre leurs compatriotes et
sans legitime defense (« contre un individu dont l'appartenance aune organi- contre la nation elle-meme 20 ..• » Voyant la tutelle de l'ONU s'evaporer et
sat!on rebelle ne peut faire de doute »), autodefense obligatoire « physique- regardant avec angoise la recrudescencede Fagitation nationaliste.,le regime
ment et ouvertement », miradors et tours de guet pour chaque agglomeration, se durcit a huis clos dans les semaines et les mois qui suivent le retour
embuscades de nuit, action psychologiquefondee sur l'assistance sanitaire et d' Ahidjo de New York.
sociaJe,numerotation des caseset surveillanceindividualiseejour et nuit pour Le 16 mai 1959, alors meme que 1'ALNKn'est pas encore constituee,
chaque habitant, dont les aJleeset venues doivent etre consigneespar ecrit et Ahmadou Ahidjo revient, par voie legislativeet au nom de la lutte contre le
centralisees au poste militaire 16, et enfin, comme en Algerie,creation d'un terrorisme, sur les libertes publiques formelles qui subsistent. La censure se
« 5e bureau » au sein de l'etat-major du commandement militaire franc;ais
7 renforce brusquement, avec l'adoption d'une loi sur la presse« pouvant pro-
au Cameroun l , sous les ordres du capitaine Marcel Dixonne (voir ceder a la saisie administrative de tous les numeros contraires a !'ordre
chapitre 15) •••18
public 21 ». S'octroyant Je droit de proclamer l' « etat d'alerte » et 1'« etat de
Mais les moyens mobilisesne suivent pas plus que la volonte politique, mise en garde », le c_hefde gouvernement muJtlpliedans les jours qui suivent
d'autant que !es affrontements avec les « rebeUes» se rareflent au debut de les dispositions derogatolres permettant de suspendre !'Etat de droit: prolon-
cette periode. Sans röle asa mesure, Lamberton quitte le pays en mars 1959 19 gation arbitraire clesgar,1cs~ vuc, lnterdlcHon des reunions et rassemble-
et Ies troupes fran~alsesse replient sur leurs garn isons de Douala, Yaoundeet ments, soumisslon des puhllrntlon•, 0 In censure prealabie, restriction de la
Koutaba, laissant la gendarmerie en premi~re lignc po11rlc r~tabllsscmcntde llbcrt~ de circulatlon O l1"0Vl'1, 11~ti1lllhsc111cnlde laissez-passer ou du
35$
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I. ·111dl'f1C'll1l11111 1>(]()) U11r,~p1t'~llC111
cm11011fMl'

couvre-feu, interdlction pour les partis et syndicats de lancer des souscrip. Exlcutlo11s
1m1Jli<11,1.es
tions ... Ces Jois instaurent en outre des "cours criminelles speciales » aux
competences tres etendues, capables de juger taute personne susceptible de L'intrnnsigc,rnccclu gouverncment camerounais n'est pourtant pas de
« compromettre la securite publique ». En vertu de ces procedures "spe- nature adecourager l'ALNKqui se cree au meme moment et remporte ses pre-
ciales », !es accusessont prlves d'avocat au cours d'lnstructions expeditiveset 111icrs succes. L'envoi de troupes franc;aisessupplementaires, en juUlet 1959
n'ont plus aucune possibilite de recours une fois condamnes. A I'ete 1959, les (cleuxcompagnies d'infanterie et cinq pelotons de gendarmerie des Terri-
premieres audiences - presidees par des magistrats fran~ais- confirment !es tolres d'AEF),cantonnees la plupart du ternps a un röle defensif, n'enraie pas
pires crajntes 12• Alorsque les « suspects » defilent a la barre, le visage tumefle tlavantage la progression des hommes de Singap 27• Desemparee devant sa
et debitant des aveux stereotypes manifestement extorques avec violence 23, <.lefaHe ideologique totale, l'administration s'attelle a regagner la bataille des
les condamnations !es plus brutales pleuvent, des travaux forcesaperpetuite ä esprits. ParticuHerement« contamines », aux dires des autorites, !es Bamileke
la peine capitale (Ja loi prevoyant meme que !es executions aient lieu "en \0nt plus speciflquement « cibles ». Les jours de marche, ses agents, armes de
public, sur les lieux du forfait ») 24 • Au meme moment, !'« etat d'alerte » entre haut-parleurs, haranguent la foule pour la convaincre de ne pas aider les
en vigueur dans Je Bamileke, Je Wouri, Je Nyong-et-Sanaga, puis dans Je • bandits » et les "terroristes ». Lesdiscours d'Ahldjo a l'ONU sont diffuses
28
Mungo, Je Kribi,le Nyong-et•Kelle,Je Ntem, le Dja et Lobo. largement, afin de montrer qu'un authentique « patriote » est au pouvoir •
Ahidjo avaH promis a New Yorkde respecter Ies institutions democrati- Le Bnmileke,Ln Pressedu Cnmero11n et les autres journaux progouvernemen-
ques•. Mais ces flagrantes atteintes aux libertes - qui, rappelons-le, sont taux se demenent en parallele pour attiser chez les Bamileke un infailllble
decidees alors que Je Cameroun est encore sous Ja dependance juridique de "esprit de responsabilite» et les inviter a mettre fin par eux-memes aux « stu-
la Franceet de l'ONU - ne semblent guere emouvoir les observateurs intema- pidites crirninelles» des nationalistes 29•
tionaux. Pour la fa~ade,Ahidjo continue d'ailleurs de se presenter cornme un Toutefois,une fois de plus, la propagande gouvernementale se revelepeu
grand democrate, sans etre place devant ses contradictions. II va meme efficace. lncapable de convaincre, Je gouvernement se decide a terroriser.
jusqu'a s'offusquer, en mai 1959, dans une interview, que SekouToure puisse « Les paroles ne suffisent pas et quelques exemples d'executions de prison-
lui donner des le~onsde democratie, alors, argue-t-il,que le president gulneen niers pris en flagrant delit s'imposent », ecrit en mal 1959 un officierfran~ais.
a mis en place un " parti unique totalitaire » 25 • Un argument que Je president Lequela meme son idee sur l'identite des premiers" exemples » disponibles :
Ahidjon'utilisera plus dans !esannees suivantes, au moment d'imposer... son quatre coUecteursde fonds nationalistes que vient de« Uvrer» un notable. La
propre parti unique (voir quatrieme partle). Ahidjo a Ies rnains libreset rejette mort des quatre suspects, ecrit l'officier, "peut nous permettre de passer a
avec hauteur !esoffresde mediation internationales. En mai 1959, i1 repousse l'action et de prouver ainsi aux Bamllekessenses que l'autorite est decidee a
ce!Jed'Ahmed Sekou Toure et KwameNkrumah; en aoat, celle de Ja Confe- agir 30 ». Executerdes rebellespour l'exemple, la methode est deja utilisee en
rence des Etats independants d'Afrique. Quanta la proposition, formulee Algerie,oll les "fellaghas » se succedent a Ja guillotine aun rythme soutenu.
conjointement par le president de l'UPCen exil, FelixMoumie, et par l'ex-Pre• Pour mieux frapper les esprits, les autorites fran~aisesau Cameroun decident
mier ministre Andre-MarieMbida (qui a temporairement rallie les nationa- d'executer cette sombre besogne en public, sur la place principale de la grande
llstes de Conakry), d'organiser une « table ronde » autour de laquelle se ville du Bamileke,Bafoussam.
retrouvera.ienttoutes !es formations politiques camerounaises, l'apprenti dic- Au nom bien sur de la « mentaJite bamileke», supposee ne comprendre
tateur de Yaoundela balaye d'un reversde main. « C'est trop tard », explique- que la force, un fonctionnaire fran~ais du Haut Commissarlat estime que,
t-11au Figaro : Mournie "n'est plus qu'un chef de bande qui a du sang sur !es " pour Je bien des Bamilekes», une execution « serait seule susceptiblede pro-
mains » 26• voquer une detente », en prenant exemple sur l'operation psychologique
orchestree au moment Oll le cadavre d'Um Nyobe avait ete expose en
public 31• Un exemple qui aura l'occasion de resservirade nombreuses reprises
a Devant l'ONU, en mars 19S9, Ahidjo a garantl que chaque groupe politlquc seralt autorlsc dans les annees suiyantes. Ces suggestlons decomplexees,censees amener la
« ä conditlon toutefois de rester dans la legalit() et de se soumettrc aux regle.~dcmocra- populatlon a « reaglr», dans lc cndred'une « lutte psychologiqueserree », ont
tiques •· • Lc pouvolr est ä la portee de tous lcs Camcrounah, mals cn dchors des volc~ bei et bien et~ mlscs cn appllcatlon ; et on peut donc sans crainte Infirmer la
democratiques et l()gales,aucunc vole d'acccs n'y cst. et n'y ~cro fornats nuvcrtc 1111C"~mc•
roun •, assuralt-11 ~galemcnt ä Oscha11g ie 22 fanvicr 1959 (eil~ /1111' /101111/eV, n° 117, phrasc de l'hlstorlcn mllltolre tt11g~nc-Jcan Duval, qui pechc par conflance
mars 19S9). nv,wf\lCenver~lc g~n~111llll' <,uulll'qu.iml II tcrlt qu'« aucune condamnatlon

(>() Hi l
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1 fl1i1l'flffltl1lllfr 1l11ml1· \1111.1( 1 I ''t,0) U11e
tt'J1rt'\\lut1wmo11fli't'

ä mort ne fut executec c111959 : l'exercfccdu drolt de grßceetant detenu par Ll1creation d<1 mlllr<'s: ,le lt1« harka »
le president de la Republique fran~aise32 ». <le11ov, 1958...
1 111bre

Au contraire, aJorsque les « cours criminelles speciales» fonctionnent ä


plein regime, les premieres executions publiques ont lieu le 10 juillet 1959. Devant une telle recrudesccnce des attaques, les representants de Ja
Cinq importants « chefs de bande », parmi lesquels Pierre Slmo, chef du France,depuis qu'lls ont renonce ä reproduire une zone d'exception compa-
SDNK,sont fusilles sur Ja place du marche de Bafoussam. La scene, mar- rable ä la ZOPAC,sont impuissants. Le trio politico-militaire compose de
quan te, est rapportee par de nombreux temoins. « Je me souviens de ce Messmer,Delauney et Lamberton a quitte le territoire au cours des mois pre-
jour-lä, raconte le fils du marechal-des-logisJean Clerget, Michel,aJorsage de cedents. Ne restent que le Haut CommissaireXavierTorre et le commandant
12 ans. Lesgendarmes avaient fait venir la foule, de force il me semble. Mais militaire Christian du Crest de Villeneuve,qui hesitent a prendre Ja moindre
!es gens discutaient, ils pensaient que les prisonniers n'allaient pas mourir, Initiative. Prives de moyens militaires consequents, desorganises par l'auto-
qu'ils aJlalent s'envoler. Pour les convaincre, apres l'execution, on a fait nomie nouvelle des autorites camerounaises eo matiere de maintien de
defiler le public devant les corps 33 • » Voila un spectacle qui rejouit Je chef de l'ordre Interieur, contraints de faire bonne figure pendant les negociations a
region AlexandreTer Sarkissof,lequel parle d'une « heureuse influence sur les l'ONUet jusqu'a l'accession ä l'independance du 1erjanvier 1960, ils ne peu-
elements neutres et amis 31 ». vent que constater la progressiondes troupes et des idees nationalistes.
Dans la discussion publique que suscite ce nouveau seuil atteint dans Ja Sous !es ordres d' AlexandreTer Sarkissof,le nouveau prefet du departe-
violence, legale et assumee, Je pouvoir re~oit le soutien inattendu de l'Eglise rnent Bamilekel,les administrateurs qui remplacent l'equipe Delauney, dans
catholique. Dans L'Ef(ortcamerounaisdu 17 au 22 aout 1959, en effet, le pere le courant de l'annee 1959, se montrent pourtant determines a lutter contre
Pierre Fertln se fait un devoir de justifier la mise en scene de Bafoussam,face l'insurrection. Saint-cyrien, compagnon de la Liberation, emprisonne sous
a une jeune lectrice qui estime que !es chretiens doivent pardonner sans Vichy pour espionnage au profit de la Francelibre avant de s'evader, Ter Sar-
reproduire les methodes des« terroristes ». Parceque « le bien de la partie reste kissofquitte l'armee a la fin de la SecondeGuerre mondiale pour une carriere
subordonne au bien de l'ensemble », Fertin, qui passe pourtant pour un d'administrateur colonial. En poste en lndochine a plusieurs reprises
modere, justifie la peine de mort contre une personne dont la faute est si entre 1946 et 1953, ou il est notamment chef de region, il sert ensuite comme
grande « qu'lelle] en arrive a se deposseder [elle]-meme de son droit a [...] directeur de cabinet de Pierre Messmer a Abidjan en 1954, avant de devenir
vivre ». « Son droit individuel a la vie, justifie pieusement Je religieux, est chef de region au Nord-Cameroun sous son autorite entre 1956 et 1958 : un
moins absolu que Je droit a la vie de Ja communaute. » D'apres lui, « Ja peine homme du serail donc. Entre les equipes Delauney et Sarkissof,un Came-
capltale peut servirJa justice » si eile est administree par l'Etat, pour une ralsoo rounais, devenu chef de subdivision de Bafoussam, assure la continuite :
simple : « Son objectif sera normalement le bien commun, pulsque le bien SamuelKame,qui n'apprecie guere son nouveau superieur.
commun est en tout et natu.rellement sa raison d'etre 35 • ,. Quand la tauto- A cela, il y a une raison. La ou Delauney renfort;ait !es pratiques arbi-
logie remplace la theologie, la hierarchie catholique se plie une fois de plus a trairesdes chefs traditionnels bamileke profran~ais,ala grande satisfactionde
l'infaillibilitedu pouvoir eo place, queUesque soient ses methodes. routlle de Kame,lui-meme notable du villagede Bahamet indefectiblementattache aux
dire que !es missions catholiques ne seront pas epargnees par les « terro- chefs de village,Ter Sarkissofa en revanche pris acte de la demonetisation des
rlstes •, promJsä l'execution publique avec l'absolution de l'Eglise. autorites traditionnelles de la reglon. Le prefet, avec !es encouragements
Loin d'amener Ja « detente », cette demonstration de force conduit ä la d' Ahidjo, entend donc les court-circuiter pour mobiliser directement les
surenchere, tant du cöte des combattants « rebelles », qui multiplient les populations contre la rebellion 37• II rejoint sur ce point l'appreciation du chef
attaques et comprennent que leur capture ou leur ralliement peuvent les du Renseignement militaire de la region, le commandant Marius Boillot, et
entrainer devant le peloton d'execution, que du cöte des chefs « tradi- de son officier de renseignement (OR), le Jieutenant Fran~oisLabonne, qui
tionnels ». Par exemple, ceux du Wouri, Je 24 novembre 1959, vont plus loin cnragent contre 1'«imbecillite des chefs traditionnels » bamileke, lesquels
et demandent a Ahidjo de faireexecuter !es coupables dans les deux jours qui rechignent ä engager la lutte contre l'insurrection, par peur de la superiorite
suivent leurs forfaits36 . Lesresultats ne sont pas concluants, et l'on ne slgnale
pas de nouvellesexecutions pubUquesen 1959. Ce qul n'empeche pas, Ja nuit,
i\ l·n 1959, le~ r(:glon~devlcnnent des dcpartements, les subdlvlslons des a.rrondissemcnts.
de precipiter en catimini des prisonniers dans les chute~d'eau ... prcnm•nt 1c mim de prtHet~de Mpartemcnt. Mais, a l'usage, les dlff~
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militaire des insurgcs, par cralntc des represallles,ou tou1 ~Implement parfois Lanouvcautc introduitc e11cctlc a11ncc1959rcslclcdans l'autonomisat!on de
par sympathie envers l'UPC. Tetanises, "les Bamllekc, m~rne lcs moins ccs mllices ä l'egard des « chcfs tradllionncls » et de leurs tcllindas (servi-
atteints par Je virus upeciste, ne sont plus que peur et tremblement », teurs). Ocsorrnais,elles naissent et ~edeveloppent sous l'encadrement direct
s'emporte Marius Boillot. Face ä la « tiedeur » et ä la « pusillanimlte » 38 de des Fran~ais,civils ou militaires. Pour ce faire, les Fran~is reperent de jeunes
cette « poussiere de chefs » velleitaires - quand ils ne sont pas « imbeciles, gens dociles, ambitieux et determines, pour court-circuiter les autorites tradl-
ivrognes ou seniles» 39 -, « incapable d'agir par elle-meme 40 », II entend donc tionnelles, comme Gregoire Momo, ex-directeu.rd'ecole, syndicaliste et beau-
monter des milices. frere de Mathias Djoumessi, decrit comme un « chef de guerre, jeune notable
48
« Idee personnelle. Prlmo : rien ne peut etre obtenu directement par un capable et autoritaire, ayant probablement un avenir politique », ala tete de
Blanc41 • » L'ORFranr;olsLabonne n'est pas un theoricien. Mais, dans son rap- trois cents hommes ä Dschang en septembre 1959 .
port du 9 septembre 1959, le lieutenant, aux prises avec les offensives de L'entree dans la bataille de ces suppletifs demultiplie !es capacites
l'ALNK,Ja compLicitedes populations, l'hostilite gfoerale aux autorites, Ja d'action des forces de l'ordre. Rappelons que le Cameroun ne dispose pas
carence des forces armees, vient de comprendre ä son tour : la repression ne encore, ä ce moment, d'une armee nationale et que la gendarmerle fran~se
serait-elle pas mieux assuree par les « Noirs » eux-memes ? La methode, vieUle et ses corps auxiliairesne peuvent aligner, au milieu de l'annee 1959, que hult
tradition coloniale, est cette fois directement dupliquee d'« Afrique du cent vingt hommes sur taut le territoire 49 . Lessuppletlfs sont donc indispen-
Nord». Ephemere, la premiere tentative, en Bamlleke, fait d'ailleurs explici- sables pour mener des operations a grande echelle. Ainsl, une operation
tement reference ä 1'Algerie : une « harka » - du nom de ces « forces auxi- « Omoa » menee a Bameka,consistant aboucler la chefferie « pourrie », mobl-

liaires mobiles de caractere tribal 42 » creeesen 1955 en Algerie- est constituee lise 13 000 « partisans „ dans la nuit du 26 au 27 septembre 1959 : " Un par-
50
en novembre 1958 dans Je groupement de Baham. Composee de vingt-huit tisan tous !es clnq metres et un militaire tous !es 45 metres • » Mille
« volontaires » babilles en kaki, anciens « rebelles» pour certains, cette harka personnes sont arretees et neuf tuees s, par cette armee de « partisans », que
de Baham est chargee de combattre les maquisards, au meme titre que les mili- leur tuteur militaire fran~ais, le commandant Boillot, decrit sans broncher
talres de carriere 43• L'experience est tres vite abandonnee, notamment parce comme « animes du desir de tout detruire et tuer sur leur passagesz '"·
que la harka se livrait ä « trop de pillages44 ». Le colonel du Crest, comman- Comme c'est souvent le cas avec la mobilisation de mmciens formes de
dant militaire du Cameroun, demande alors de remplacer le terme de maniere expeditive, des ,<debordements » surviennent, sans etre necessaire-
« harka » par celui de « milice » ◄s. Mais l'exemple algerien n'en reste pas ment souhaites par les chefs militaires. Ainsi, le capitaine Albert Plissonneau
moins la reference, comme on le voit par exemple lorsque, ä l'ete 1959, le regrette dans un rapport les derapages « tres reprehensible[s] » des 1 500 « par-
general Louis Le Puloch transmet ä ses subordonnes au Cameroun des syn- tisans » de la milice de Bafou,« qui a travaille avec cceur lors du ratissage » des
theses arrivees directement d' Algerieet leur demande de se preter ä des exer- 7 et 8 octobre 1959. Ce commandant de la 10° compagnie du 70e Rima, qul
cices de mitraillage ou bombardements aeriens « ambiance Algerie46 ». On en est en train de se specialiserdans la conduite de troupes suppletives, reproche
53
reste, ä ce moment-la, au stade de l'exercice, mais l'idee fait son chemin ... a ses hommes d'avoir " incendie des centaines de cases » a Fokamezo.Tou-
tefois, Jl ne falt nulle mention de la moindre sanction ou remise au pas et cet
incident ne l'empeche pas, dans son rapport hebdomadaire, de distinguer
... au« concoursinter-milices» d'octobre1959 cette « bonne » milice comme une des deux meilleures de la zone. Au lieu de
brider les ardeurs destructrices de ses troupes, U orchestre meme une etrange
Devant les avancees des insurges, l'experience avortee de Baham se trans- emulation entre differents groupes d'autodefense, en organisant un
forme en politique generale ala finde l'ete 1959. Le prefet Ter Sarkissofsug- « concours inter-milices » (sie) le 5 octobre 1959. Cette etonnante competi-

gere au Premier minlstre Ahidjo l'idee de recourlr a « des forces suppletives, tion sportive entre suppletifs, presidee par le prefet, a Heu a Mbouda, ville
moins efficaces que des forces regulieres, mais moins onereuses, et qui per- pilote de l'autodefense, ou l'on campte deja 7 320 « partisans » a ce
mettront de faire nombre 47 ». La constltution de millces n'est pas une pre-
miete dans la repression. On a vu que les milices des chefs coutumiers avaient
servi d'auxlliaires zeles des militaires fran~ais en 1957-1958, en Sanaga ou ., Selon ,~ dNlnltlon de nomot, une opcratlon • Omo • dcslgne une operatlon courte et frc-
q11cn1c, lt objcc1lf 11111111'.!;
inolb II cst olffldh.' de ne pas prcclser quc lcs opl'.iratlom
dans Je Bamlleke,et que le recours aux "Oppositions afrlcalncs „ pour cnraycr • l lnmo •, ,, ceth.' ~,todc, MilRn1•n1cgiJlcmcn1 IC\ as\11~\lnot,clblcs d'opposanls par lcs
l'avancc de l'UPC etalt une pratique rccurrentc to111011lonKdes nnnecs 1950. \l•1vlu::11rm11:,,1~.
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54
moment-Jä • Comme J'indique le journaJ des ~lltes locales soJidement cux-rn~rncs... « lcs Bamileke» 1Alnsl,des mal 1959,peut-on lire dans Le Bmni-
encadre par les Fran~ais,Le Bnmileke, Ja rencontre est ctestlneeä deveJoppcr
ltfk~un editorial anonyme qui vcrse dans l'eUiniclsrne le plus caricatural, fus-
entre milices 1'« esplit de competition » et 1'1<
esprit de corps », pour creer u11
llgeant une race barnileke », « si.laborieuse, sl i.ngenieuse,si courageuse dans
(<
« effet psychologique remarquable » au moyen de competitions de lutte, tir
55 la vie courante, si justement redoutee de ses voisins en raison de sa puissance
au fusil ou lancer de javelot • Manifestement enthousiaste, c'est encore cc
d'expansion et qul, lorsqu'elle a affaire a quelques assassins,se transforme en
capitaine de 33 ans qui envisage Ja creation d'une « ecole de commandos ,>qul
une masse moutonniere, veule et lache». Le ton est encore presque tendre en
grouperait, saus son commandement, « cent cinquante jeunes des miUcesdu
ForekeDschang, Foto et Bafou» 56• comparaison avec celui des articles des mois suivants, qui denonceront, saus
la plume de ,, lecteurs » survoltes, la «peste» et la « gangrene Bamileke »,
L'activation des populations civiles constitue un volet majeur de la doc-
nllant meme jusqu'a definir !es Bamileke comme une « maladie grave » 63 •
trine de Ja guerre revolutionnaire, qui permet d'introduire une repression
Cette hargne anti-Bamilekese porte surtout contre le « mutisme » de la popu-
autonome, interne au corps social, donc plus efficace.C'est en tout cas ainsi
lation, qui refuse de livrer !esrenseignements recherches.
que Je voit Je general Rene Cogny dans le cas du Cameroun, quand, filant Ja
metaphore medicale, iJ preconlse en septembre 1959 que « Ja Iutte contre une
infection si generalisee D'UPC]doit 11priori se rnener plus en profondeur que
« La torture,moije l'ai vue »
sur l'epiderrne ou eile a pris naissance: le but est de susciter au sein meme de
l'organisme attague la creation des "anticorps" necessaires ä son assalnisse-
57 « ]'ai rien a raconter la-dessus.» Quand, en 2008, nous lui posons la ques-
ment ». Dans la meme perspective, des grenades sont distribuees aux civils
tion de J'exlstenceou non de Jatorture,Jean Rives-Niesseln'a meme pas ades-
europeens qui se regroupent pour passer la nuit en secunte 58• Cette strategie
serrer les mächoires pour ecarter le sujet 64 • Successew du capitaine Marcel
a pour objectif un retrait rapide des troupes fran~aises et la garantte d'un
Dixonne ä Ja tete du 5• bureau militalre en mars-avril 1959 au Cameroun (voir
maintien de l'ordre entierement delegue a des Camerounais, bien moins one-
chapitre 15), en charge notamment de l'action psychologique et du rensei-
reux pour les finances fran~alses.Elle presente egalement J'avantage pour la
gnement, ce colonel ä Ja retraite aurait pourtant beaucoup ä dire. Mais,
France de moins exposer ses soldats ä d'eventuels reproches. Une lointaine
comme tant d'officiers fran~alsimpliques dans les guerres coloniales, il refuse
<<guerre civile » entre « miliciens » et « rebelles » est toujours plus faciJe a
ct'evoquer le sujet tabou. 11ne nie rien, mais s'interdit d'infirmer ou de
assumer devant l'opinion pubUque qu'une represslon militalre ordonnee
confirmer quoi que ce soit. A peine explique-t-il Lanecessite absolue du rensei-
depuis Paris. La ficelleest un peu grosse, mals semble tromper le journalJstede
gnement en cette annee 1959. « On etait dans le bleu total», läche-t-il.
l'AFPqui ecrit benoitement en septembre 1959 que « ces miUcesd'autode-
fense se sont montees spontanement 59 ». En effet, la panique fran~alseprovient avant tout de Ja frustration devant
le mutisme de la population bamlleke. Privee de renseignements sur l'organi-
Premice brouiJJonne d'une future armee camerounaise (voir cha-
sation adverse, l'armee patine. Atitre d'illustration, en avril 1959, un rapport
pfüe 24), l'enrölement de suppletifs suscite pour ]'heure Ie risque de genera-
du Bureau de documentation du Haut Commissaire s'inquiete de l'« absence
liser !es affrontements armes a tous les niveaux de la soclete. Si bien qu'a Ia
persistante de taut renseignement serieux et precis », due au silence de Ja
fin de l'annee le commandant militaire du Cameroun estime que le procede
population, « terrorisee, parfois hostile aux forces de !'ordre» 65, qui n'ose pas
« a surtout 60ranlme les Iuttes tribales » et cree une « veritable guerre civile
collaborer par peur des represaillesde J'UPC.Le sentiment d'impuissance chez
Bamileke» • Pour Jecitoyen d'une region troublee en effet, i1devient presque
les Fran~aisest tel que Je retrait des troupes « a ete envisage », affirme ce rap-
impossible d'eviter l'embrigadement dans un camp ou dans l'autre. A Bales-
port. Mais, plutöt que d'abandonner, les autorites decident de passer a une
sing, peut-on lire dans un rapport militaire, « c'est taute la population mäle
61 etape superieure dans Ja severite, en echo aux lois d'exception votees en
qui est mise sur pied ». Et Jes Fran~aisne s'en tiennent pas Ja. Le capitaine
mai 1959 par )'Assemblee legislative camerounaise. « Pour ramener la
Jacques Muller, commandant Ja 4' compagnie du 6• regiment interarmes
confiance et delier les langues, peut-on lire dans ce rapport annonciateur
d'outre-mer (RIAOM)envoye en malntien de !'ordre en BamiJeke, recom-
d'avril, il parait necessaire avant taut d'adapter le systeme repressif aux rea-
mande meme de « susciter une levee en masse, ä laquelle participeront
femmes et enfants, moyens de renseignements occasionnels 62 ». lites locales. Une fois operee cette transformation dans le domaine judiciaire,
le probleme du terrorlsmc devrait pouvoir etre regle par l'utilisation ration-
La prise en charge de la repression par la populatlon cllc-mCmeaboutit,
nellc de moycns purcrncut pollclcrs110.,., mis en <l!uvrepar la police et lagen-
paradoxaJement, a ce que certalns ßamllck~ cn vlcr)nc:rHä stlgmatiser
dormertc. D~sovrll 19S9, IC jo11rnol(k propogond.eprogouvernemcntale Le
366
367
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,r Ylfl,f f/ .,.,,,., r,r,o) u,w1ep11',ll!Jt1
w111011/ll'c

Bamileke annonce ä sa rnanlere quc, dorcnavant, lcs outorites auront Je~ 1crrccomme un cndnvrc.,. Notre tcmoln nc pcut retcnir ses larmes ä l'autre
moyens de faire parler les muets. « L'admlnistration nc pourra continuer h hOut du telephonc. II n'a jamals pu evoqucr cct cpisode devant personne
faire preuve de la mansuetude qu'elle pratique actuellement », est-il ecrlt en ,1uparavant.« La gendarmcrlc est sortle de s011 röle, de son travail, eile a fait
reaction au« mutisme » des foules 6 7• « Des mesures plus severes vont etr(• des trucs degueulasses.Lesgendarmes, c'etaient vraiment des encules comme
prises. Nous en sommes sincerement desoles, car une population lnnocent•: lcs autres, je suls desole », 13chele fils de gendarme, qui a tente lui-merne de
risque d'etre atteinte dans ses activites », conclut l'article mena\ant. ~•engagerdans cette arme voilä quelques decennies, avant de renoncer.
Dans !es faits, ces messagessignifient bien souvent la torture systema- Autre temoin, autre degout ä l'egard des tortures pratiquees par les gen-
tique des suspects, pour les faire parler ou dissuader leurs camaradesde passer darmes a l'Ouest, cette fois-ci dans le Mungo. L'homme que nous avons
a l'action. Les archjves rnllitaües ne regorgent evidemment pas de temol- retrouve en 2008, dans un elegant appartement du XIVearrondissement de
gnages de cette nature. Mais ils laissent parfois deviner des pratiques qul Paris,etait president du tribunal de Nkongsamba,capitaledu Mungo.Jean-Paul
semblent s'en rapprocher. Ainsi, en mars 1959, lors du demantelement Martin, 26 ans en 1959, est alors administrateur colonlal, passe par Dschang
de l'organisation du Mandjong creee en 1957 (voir chapitre 12), les quelques mois avant que MauriceDelauney pousse hors de sa chere region ce
enqueteurs obtiennent des aveux contradictoires de prisonniers qui affir. jeune homme qu'il prenait pour un « communiste », reputation acquise en
ment avoir parle « sous Lacontrainte ». Ailleurs,c'est un poLicier,un certaJn raisonde sa manie - subversive... - de lire Le Mondeet Temoignage chretien.Mute
Michel Carre, qui vend quaslment la meche en decembre 1958. Cet officler, dans le Mungo,donc, le magistrataggravebrusquement son cas: « Un jour, des
qui s'etait deja illustre durant les erneutes de mai 1955, qu'il avait reprimees gendarrnescamerounaism'ont livre un agent de Liaisonde l'UPC,raconte-t-11.
en tant que chef de Ja policea Yaounde,est desorrnalsen poste al'Ouest. Dans Je me suis aper~u qu'il avait ete torture par ce qui paraissait etre deux gen-
un buUetin de renseignernents, au sein d'un paragraphe intitule « L'obstacle darmes fran~aisde la region. Dans mon cabinet, ce jeune homme m'a montre
de l'habeascorp11s », i1 s'emporte contre la « police britannique n'employant sesdcatrices de cigarettessur le torseet sur Jedos. Il m'a dlt que deux brlgadiers
pas une methode suffisamment efficacepour J'interrogatoire des suspects », fran\ais l'avaient fait parler a l'aide de Lagegene70• » Suivant la procedure nor-
en regrettant en conclusion un « manque d'interrogatoire serre des male, Martin ouvre une information contre X pour coups et blessures,sur la
prisonniers » 68 • foi d'un certificat medical delivre par le medecin-commandant de Nkong-
II faut dire que !es « interrogatoires serres », cöte fran~is, sont une habl- samba, qui sera d'aiUeursreprimande lui aussi pour cela. Branle-basde combat
tude. MauriceDelauney a qultte le Cameroun, mals !es gendarmes du Baml- chez les defenseurs des tortlonnaires. « ]'ai alors re~u Ja visite du capitaine
leke n'ont pas perdu leurs tristes habitudes. Michel Clerget nous a decrit Ja fGeorges]Maitrier,le patron des gendarmes,qui m'a explique de maniere defi-
derive morale de ces gardiens de la paix qui s'lmbibent d'alcool pour mener ä nitive qu'il n'etait pas question que moi, magistrat fran~aisau Cameroun, je
bien leur triste rnission.Clerget est encore revolte par ces scenesqui l'ont trau- puisse poursuivre des gendarmes fran~is, des types "tres bien" evidem-
matise, aJors qu'il n'avait que 12 ans. Au telephone, il choisit ses mots sans ment... » Dans cette « ambiance que Martin qualifie de« prealgerienne »,
>)

tergiverser: « La torture, moi je l'ai vue 69• » Un jour de J'ete 1959, ä !'heure l'affaireprend de l'ampleur. «J'ai rC91quelques jours apres un messagedu pre-
de Ja sieste, ou tout etait calme, Je jeune fils du chef de camp de Bafoussam sident du tribunal de Douala, poursuit l'ancien magistrat, me repercutant la
entend des cris. Lntrigue,il pousse Ja porte d'un garage. « La j'ai vu des gardes decision du president de la cour d'appel de Yaounde, relayeepar un arrete de
carnerounais qui torturaient un type. Ils pratiquaient la batan~oire.Le prison- rerrtiseaJadispositiondu gouvernement fran~aisde MarcelGodefroy,directeur
nier etait attache en l'aü, la tete ä l'envers, menotte. II avait defeque et urine de cabinet d'Ahidjo, me dlsant que j'avais quinze jours pour quitter le Came-
parterre, J'odeur etait lmmonde. Lesgardes l'interrogeaient et lui ne faisalt roun. » Ainsidonc, preuveest faite que de hautes autorites mllitaires,judiciaires
que geindre, i1 psalmodiait quelque chose, comme une chanson, se souvient et politiquessont alors capablesde se liguerpour empecher la justiced'enqueter
Michel Clerget.11sl'ont garde deux heures attache comme \a. La balan\oire, sur un acte de torture avere...
c'etait affreux. Une barre en fer est accrocheeau-dessusde deux ffits de gasoil. Ces methodes ne sont pas Je simple fait d'une equipe de tortionnaires cir-
Legars est menotte, on met la barre sous ses genoux, on Je souleve comme un conscritsä une zone prccise.Tous les « chefs rebeUes» passesentre lesmains des
gibier et il reste Ja, pendu les couiJlesa l'air. Une fois, des gendarrnes avaient forcesde !'ordre ont subl des traltements de ce type, quelle que soit la region.
essaye pour voir ce que l'on ressentait, rnais ils n'ont pas tenu une minute. ,. Ainsi, l'ex-chef rebelte du ('entre, Henri Tamo (voir chapitres 12 et 19), a lul
Ce souvenir n'est pas le seul qui lui revient en t@te.« Un autrc jour, j'ai vu un aussl €:tetorturc ~ VaounM dö~11)57, frnppc i\ coups de chaines de velo, dont
prisonnler sortir de ce garage,encore vivant, mals lc~~;irdc, le 11:iinalcntpar on cfütlnguc cncorc lc, 111c11t1ul•~ "'" ,lHI corp~qut1ndnous le rencontrons ä

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Yaoundeen 2007 ArreteaSang111elima
• ä l'c1e 1959et cnvoy~a Yaoundeega.
lernent, un proche de Tamo, le secretairegeneraJde l'etat-major du Terrilolre • rechereile opcratlon ncllc " eh.·rc11,t•l811t•111t111,
,111molif quc cc marechal-
ucs-logls-chef"et alt dam unc brlgadc de ,echcrche en Algerie", on s'aper-
militairedu Centre (fMC) SamuelZeze,a connu pire encore, lors de la repres-
sion qui a SLtivi
l'attentat contre Je bar L'Anerougedu 5 juillet 1959, auquel Zezc ~olt quc les methodes de Ja gucrre d'Algclic,connues pour leur brutalite, ont
n'etait pas mele. « Us ont boucle la ville de Yaounde, se souvient-il. lls ont valeur de reference... De m~nie, en janvier 1959, alors que la gendarmerie
envoye beaucoup d'innocents dans la tombe. Parceque quand on t'arretait. .. lranc;aiseen ßamilcke s'est livree ä des tortures sous I'autorite politique de
On t'emmenait au camp Yayap,ou AlfredRenard, un gendarme fran~aisqul MauriceDelauney et militairede GeorgesMaitrier,le lieutenant-colonel Lam-
revenaitd'Algerie,etait speciaHstedes interrogatoiresmuscles72.,. 1,erton demande de « valoriser l'organisation de la gendarmerie en l orien- 1

Zeze nous a raconte une scene tant de fois entendue : « On vous attache 1antvers la recherche du renseignement » et de« renforcer, voire augmenter
comme ~a, un baton icl. c;a fait extremement maJ. Et, en meme temps, on lcs postes de gendarmerie, ou, comme il a ete procede en Sanaga, de ren-
branche un fil electrique, on te dit : "Si tu avoues, on te fait descendre, sinon lorcer chaque poste par un element mobile» 74• Lamberton s'avance meme
tu vas mourir la."J'ai connu deux personnes au camp Yayap,qui n'etaient plus Ioin, lorsqu'il recommande, au cours de la meme reunlon, de constituer
meme pas des upecistes, mais qui sont dans Ja tombe aujourd'hui. » Arrete ä des« groupes action » dont l'objectif affiche serait « de detruire une organisa-
Sangmelima,ramene ä Yaounde, Zezerefuse de collaborer: «Je me souviens tion terroriste ou de faire pression sur certains lndlvidus ».
d'un colonel qui venait de ßrazzaville,qui m'a dit: "Tuvois, on a essayed'etre Le plus dramatique, c'est que !es subalternes autochtones de la gendar-
gentils avec toi, mais on va te laisser entre de mauvaisesmains. M. Renard, merie, a savoir les gardes camerounais et les gardes auxiliaires, reproduisent
lui, ne s'amuse pas. Tu as eu le temps de sauver ta tete, c'est trop tard." Et il a les methodes de leurs superieurs fran~ais. L'appele du contingent Michel
dit vrai, parce que j'ai encore subi la torture et deux jours sans manger. Jene ßoulet, dejä horrifie par la torture en Sanaga en 1958, la rencontre ä nouveau
pouvais plus tenir debout. Quand des gardiens ont place un seau de nourri- l'annee suivante en Bamileke.« Un jour, on avait coince des types, que l'on a
ture aterre, j'ai dOavancer sur les fessespour l'atteindre, quand Renarda tape remis ä la gendarmede. Des gendarmes fran~aiso'osaient pas me dire que les
dedans. J'etais deja comme un animaL » prisonniers avaient ete interroges par des gars qui savaient les faire parler, des
Au milieu de ce cauchemar,Zezen'aura Ja vie sauveque gräceä I'aided'un gendarmes camerounais, qui etaient pires que les gendarmes fran~is. » Un
geöüer blanc compatissant,quJ lui procure du pain et des cigarettes.Surtout, ce militaire fran~s a confie ä Boulet que, apres etre passes entre les mains des
gardien comprehensif, passe par la Resistanceen France, met Zeze en garde gendarmes, « les prisonniers n'etaient pas beaux ä voir 75 "·
contre un eventueljugement expediUf.Surses conseils,Zezerefusede signerdes Quelques semaines avant l'independance, les Fran~aislaissent en heri-
aveux, ce qui Jui evite ainsi miracuJeusement la cour crlminelle speciale. tage ä la jeune nation les structures qui permettent la routinisation de Ia tor-
« Renardvoulait absolument me fairesigner, mais j'ai refuse.lls m'ont tape une
tu re. C'est le general Le Puloch, apres ce qu'il appelle une « violente
fois de plus, mais, finalement, comme le procureur etait presse, 11sont intervention 76 „ au cours d'une inspection en ao0t 1959, qui se charge de
condamne les autres. » Gräce a cela, Zezen'a finalement pas participe au triste rationalisercette machine ä faireparler, aIaquelleil reproche son inefflcacite.
spectacle de ces parodies de proces qui voient defiler a la barre des suspects Le Renseignementest totalement reorganise. II est d'abord centralise par un
tenant apeine debout, portant encore lesstigmatesde leur interrogatoire73• Comite centra1de coordination (CCC)regroupant tous les servlcesde rensei-
gnements, fran\ais comme camerounais : Bureaude documentation du Haut
Commissariat (BEDOC),Surete (police), gendarmerie, Renseignement mili-
Restructurationdu renseignement: taire, etc.•. Cette structure est ensuite declinee, dans les zones de guerilla, en
« comites de coordination et d'orientation ,. (CCO)regionaux du Renseigne-
au Cameroun...
rnent, saus l'autorite des prefets. Ces organes nationaux et regionaux sont
Manifestement, la hierarchie ferme les yeux et empeche meme qui- secondes par des corps mixtes specialises dans la recherche de renseigne-
conque de temoigner. Voire pire. Quand on lit que Je gfoeral Le Puloch rnen ts. A savoir, respectivement : la brigade mJxte mobile de recherche et
recommande un chef de poste de gendarmerie de Mbanga• pour diriger la
,1 Ce CCC Initial comp,cno pannl (C, mcmbrcs, en tant que represent.int de Ja SOrete du
a Camcroun, Maurice OdNH, lc ,~rc de lo future pollcc pollttquc camcrounalsc, lc BEDOC
IIs'aglt apparcrnmcnt du mar&:11111-dcs-Jogls-chcf
Andr6Jc.111
l'frc,. <•J/lch<'nu ~ulctde l'hl~J)Ctllon C'111111a"rou11du 13 nu 19 noOt 1959 •, 20ao0t 1959, Braua-
vlllc, '>IIA1611266).
370
371
a IIHIIJlrlllllllll l' Cllltl'fll' Wll,f/ / 'l'l'I '/ ll(itll
Ilm' 11'/lf1°\\l1m u11111111/U1•

d'exploitation operatlonnelles (ßMM), franco-camerounaise et clvllo-mlll l'·'"agc de„ prc,quc In totallt~,. de lo popull11lonbt1n1llek~
- commc le rccon-
taire, et les brigadesdepartementales de recherches et d'exploilation (ßDRE), ront plus turd IC) rc~pon~nblcs
111111 tant fran,ah quc camerounais- dans le camp
composeesde gendarmes et de policiers77• 1h·l,1"rcbcllion „ 65. Elledoit aussi Nrc mlse cn regard avec l'evolution des ser•
Commandee par un fonctionnairede la Surete choisi par le Premierminl- \ltc, de renscignementsmctropolitainsdepuis l'installation, le 8 janvier 1959,
stre camerounais,Ja « BMM» campte egalement un « dil:ecteurdes lnterroga- 1h'Charlesde Gaullea!'Elyseeet de MichelDebreä Matignon, suiteal'adoption
toires » issu du bureau de documentation du Haut Commissariat 78• l,(• p,1rr<:fcrcndumde la Constitution de la v• Republiqueen septembre 1958.
« directeurdes interrogatolres» ainsi choisi par Le Puloch n'est autre que Je trlS• Sur ce chapitre, trols noms doivent etre cites : Paul Grossin, Constantin
tement ce.lebreGeorgesConan, « representantJeBEDOC», bien que Lamberton Mdnik et Jacques Foccart.Lepremier,general d'armee, est le patron du SDECE
qualifie,dans les notes qu'il a laissees,ce « pauvre type» de « si brutal que j'al dcpuis 1957. IIest maintenu dans ses fonctions par de Gaulle.Maisce sont dore-
du intervenir» 79 (voirchapitre 16). Le Puloch aussl est intervenu, mais pour ll1 1H1van1 lcsdeux autres qui tirent les flcelles.Filsd'un aristocraterusse, anticom-
placer ä un endroit ou il puisse exprimer sa brutalite comme bon lui semblc, 111unlstc virulent et americanophile passionne, Constantin Melnik est Je bras
recommandantmeme que « la brigademobile avecM. Conan pourrait etre sou- droit de Debre aMatignon, ou II assure la liaison entre le cabinet du Premier
vent employeedans le Bamileke» ..• Cette brigadeest specialementactive dan~ 111lnlstre, le SDECEet la OST.Ce qui n'est pas une mince affalrequand on sait
le Mungosaus la houlette d'un officierde renseignement,le « capitaineMorant 1111c, selon les textes, c'est « saus l'autorite du Premier ministre » qu'est place le
de Ja BMM80 », obtenant le demantelement de certainesbandes rebelles,« ce quJ Comite interministerieldu renseignement» charge de l'orientation des ser-
montre que des resultats sont obtenus, se rejouit le Heutenant-colonelAndre , llCS secrets86. Intime collaborateurde Debre,Melnikest en 1959-selon le jour-
Lauriere,en chargede la zone, lorsquelesinterrogatoiressont poussesä fand 81 >1. 1tnllste du Monde Pierre Viansson-Ponte - « l'une des plus influentes
De fait, la BMMdeploie son intense activite sans s'embarrasserdes prin- lll'r)onnalitesde la V' Republlque87 ». Une position qui autorisera des annees
88
cipes de droit. En octobre 1959, un « bulletin de renseignements hebdoma- plu~tard ce « personnage [sorti]tout droit d'un roman de John Le Carre » a
daire » fait ainsi la recension d'un des exploits de Georges Conan : publicr de nombreux ouvrages racontant ses exploits passes. En melant sans
« 11 octobre. A 14 heures ä Nkongsamba, un indicateur circulant en voiture lcssc,comme on l'a vu au debut de ce livre,fictionset realites...
en ville avec M. Conan et le brigadler de police indique ä ceux-ci un Afrlcain En 1959,Melnikdoit faireavecle troisiemehomme, qu'Un'apprecieguere:
comme etant Sidje Andre. Ce dernier est abattu [...Ja Ja mitraillette82 • Sans
)1 t..1cquesFoccart, « conseiller technique ä la presidence de la Republique» et
autre forme de proces, en pleine ville, se multiplient egalement les assas- • odjoint » de RaymondJanot, secretairegeneral de la presidencede la Repu•
sinats par les forcesde !'ordre de suspects tentant de s'enfuir, peut-on lire dans hllque pour la Communaute et les Affairesafricaineset malgaches.Derriereces
les archives, ainsi que les « suicides » de detenus 83 • C'est sans doute ce qul lltres flous, Foccartest en fait l'eminence griseet l'homme de main du regime
s'appelle « adapter ie systeme repressif aux realites locales » ... Toutefois, ces K,,ulliste.L'homme de l'ombre, qui a joue un röle central dans le retour au pou-
pratiques ne semblent pas ä meme de convaincre les populations. A la fin de voirdu general en 1958,est son conseillerle plus fidele,le plus ecoute et le plus
1959, dans l'arrondissement de Mbouda, un rapport mllitaire estime que « le puissant. S'il n'a pas encore, en 1959, l'influence demesuree qu'il aura par la
revirement d'une partie de la population peut s'expliquer par une reaction "tlte (voir chapitres 25 et 27), il a dejä deploye ses reseaux dans tous les
contre les exactions commises par certains fonctionnaires en service84 »... dornainessensibles.Dans!es partisgaullistessuccessifs,le RPFpuis l'UNR.Dans
Ces pcatiqueset cette structuration, d~s 1959 et saus la houlette des auto- le~servicessecrets,en tant qu'ancien du BCRAet cornme officierde reservedu
rites fran~aises,montrent que les sinistres « BMM», redoutees des opposants ~l)F.CE.Et en Afrique,en tant que conseillerde !'Union fran~se, interlocuteur
comme des simples suspects camerounais au cours des annees ä venir, ont ,,ttitre des gaullistesdu continent et directeur d'une publication defendant les
bien ete creees par la France,avant l'independance. lnterets economiquesfran~is dans les colonies(Lettreal'Union franfaise).
Sans qu'on sache toujours comment se repartissent les taches dans ce
1nonde nebuleux du renseignement et de l'espionnage et jusqu'ou peuvent
... et en France ollertcs rivalitesentre les serviceset les personnes, ce sont surtout ces homrnes
l(lll, sous l'autorite de De Gaulle et Dcbre, dlrigent les servicessecretsfrani;ais
En cette fin 1959, Ja restructuration des services de rcnseignements au l'll ccttc nnnec 1959.Accttc epoque, c'est evidemment l'Algeriequi mobilise
Cameroun, Territoire toujours administrc par la Francc, rappclons-lc, nc d'nbord lcur energlc. Dcpul1 plu~lcursannees, le SDECEcontribue active-
s'explique pas seulcmcnt par la degradation de lo ~ituotion Interieure et lc 11wn1 ~ In rcpre\slon du PIN. 1c ,t•1vlcclntcrvlent sur lc tcrritoire algerien, ou

372 :n:l
1, lllllC/Jc'tllllllllt' ,t,111~k \tlllX ( I 9.~•JI !'t>IJ) l/111• c 111111111//ti•
11'{11n\/1111

certains de ses agents sont integres dans les tristement celebres cletache- d6!lttou t lc sccteur ofrlcai11ovccsu~p1oprcsr~scouxconstltues par des person-
ments operationnels de protection (DOP), structures « mixtes » (SDECE, 11,1lll~s pollllques gaulllslcs, de~ borbouzc.s,des hommes d'affalres, a mis en
police, gendarmerie) chargees de 1a capture des « suspects » et de leurs interro- plucc son excellent disposllif de socletes d'lmport-export. n ne quadrille pas
gatoires « approfondis » 89 . Mais le SDECEs'active aussi dans de nombreux ,( 1ulcment l'Afrique politiquement, mais egalement commercialement • >>
91

pays etrangers, ou il traque et tente de neutraliser les reseaux internatlonaux En avance sur les servicesofficiels,l'homme de l'ombre de l'Elyseene cesse
qui fournissent armes et financements aux nationalistes aJgeriens. La liste est de lcs « doubler » de ses re.seauxpersonnels. nest particuJierementactif aLafin
longue des militants algeriens et de leurs soutiens etrangers qui sont aJnsi vic- de l'annee 1959. C'est ä cette date en effet qu'il cree le Serviced'action civique
times de « mysterieux » attentats, a Tolede, Hambourg, Rome, Beyrouth ou (SAC),le tres muscle « serviced'ordre » de l'UNRet en realite police paralleledu
Geneve dans les annees 1958-1960. Pour executer plus discretement ces ope- 1-1nullisme. La direction du SACest confieeä PierreDebizet,ancien du BCRAqui
rations « Homo » (assassinats), Je SDECEse camoufle frequemment derriere ~•~taitillustreau milieu des annees 1950 par son action energique au sein d'un
une etonnante organisation ecran, « La Mainrouge». Censee selon ses uwuvement ultracolonialiste0es Volontairesde !'Union frarn;:aise) et d'un grou-
communiques etre animee par des colons extremistes d' Afrique du Nord, pu~culed'extreme droite (le Parti patriote revolutionnaire).AJa meme periode,
cette organisation contre-terroriste est en reaJite dirigee en sous-main par !es Foccartdemande ä son vieil ami MauriceRobert,alors responsabledu SDECEä
plus hautes autorites de !'Etat et eile se transforme au fil des mois en redou- J)nkaret ä ce titre un des principaux acteursde la destabilisationde SekouToure,
table « machine a tuer ». Comparant !es adversafres de la France et du llc s'occuperde la mise en place, de Ja formation et de Jacoordination des futurs
« monde libre » ä « Lenine » ou a «Hitler», Constantin Melnik Justiliera ,c, vices secrets des pays africains francophones en marche vers l'indepen-
sobrement, dans son roman a clef La Mortetait leur mission,leur liquidation 1clnnce. « Mon objectif, racontera Robertdans ses Memoires,est d'aider les nou-
physique en ces temps de guerre froide et de decolonisation : « Quand l'his- vcaux Etats independants a mettre en place leurs propres services de
toire change de cours, un soin extreme doit etre apporte a ce qu'elle ne rrnseignements et de disposer d'antennes nous permettant de recueillir des
deborde pas des tives de Ja Liberteet du progres 90 • ,. Informations utiles ä la stabilite politique de ces Etats et ä la sauvegarde des
En Afrique noire aussi, Jes services speciaux prennent soin d'encadrer Ja lntcrets de Ja France92 • » Pour mettre en reuvre cette politique, Maurice Robert,
liberte et le progres. C'est ce que peut constater Ahmed Sekou Toure. qul devient patron du secteur « Afrique» du SDECEen mars 1960, commence
Quelques semaines seulement apres Ja proclamation de l'independance de Ja lnstaller les « postes de liaison et de renseignement » (PLR),occupes par des
Guinee, Grossin, Melnik et Foccart s'organisent pour destabiliser, ou eliminer, U.!(ents du SDECEaguerris,dans quatorze pays d' Afrique.
Je dirigeant progressistequi avait ose cracher au visage de De GauUequ'il pre- Moins officielencore que les PLRet sans doute contröle plus directement
ferait « la liberte dans la pauvrete ä la richesse dans l'esclavage ». D'impor- c11corepar Jacques Foccart,un autre reseau est installe en Afriquefin 1959 : le
tants moyens sont deployes par Je SDECE: son secteur « Afrique >) recrute 1~scauJimbo. Le « conseiller technique » de l'Elyseeenvoie en effet un de ses
certains collaborateurs de Sekoupour teoter de« reorlenter » sa politique; son Intimes au sein du SDECE,Marcel Chaumien, en tournee en Afrique pour
« service 7 », charge des « operations speciales», fabrique de la fausse mon- rccruter des « honorables correspondants » (HC). Selon le planning de Ja mis-
naie pour miner l'economie guineenne; son service « Action » tente de lancer ,lon, etabli au cours de l'annee 1959, Chaumien doit visiterpresque tous les ter-
une guetilla armee a l'assaut du regime de Conakry ... Mais rien n'y fait. Sekou rltolres fran~ais.Signalons, a titre d'exemple, le programme envisage pour le
echappe aux complots et, pour se proteger des coups tordus frao~ais, Carneroun : « Cameroun-Douala.- Il est urgent de completer le dispositifdeja
demande assistance aux pays communistes. Gagne par une paranoia de plus cn place,ce paysdevant recevoirson independance Je 1"' janvier prochain. Taus
en plus virulente, il instaurera progressivement une implacable dictature. lcs HCsont arevoir.A recruter: un agent Air France,M. Suarez,directeur d'une
Plus dociles, les pays de Ja Communaute sont egalement l'objet d'une lmportante socit'.!te de transport. Le docteur GonzaJesqui doit nous preciserson
grande attention de Ja part des services secrets fran~ais. Sentant venir l'inde- alfectation prevuea l'interieur du pays.Yaounde.- Revoirtous les HC 93 . >)
pendance depuis Je milieu des annees 1950, craignant l'influence croissante
des Anglo-Saxonset des communistes, !es di.fferentsservices du SDECErecru-
tent et instaLient des agents aux quatre coins de l'AOFet de l'AEF.Mais ces • « Voila cequi nousattend»
multiples reseaux s'entrecroisent et s'emme.Jent.Le colonel Marcel Leroy,dit
« FinviUe», alors responsable du « Service7 "', raconte; « Foccart qul, pour le D6M par l'ALNK,pous~~pnr les (lran~alsqui durcissent la repression et
campte du general et bien avant Je retour de De Goullc ou pouvolr, couvrc consolldcnt dlscr~lem(!nltc-u1'~
1•~~eo11x
de rcnselgnements, Ahidjo confirme

374 375
- _,.._., .. _...... -v • .-.... • n--,uu.t"t 1 .,.:,'°"•
I •'fltl} li'/111'\}IIIIIr 11111()11/ll'c•
(1111•

son virage autoritaire Je 29 octobre 1959 au matin, deux mois avant l'ind~- c;imcrounals,._Lnnunnce n•c~,pn, 1ou1011" (l,1lrc,rnals la consigne est de sc
pendance. Ce jou1-la,il demande a !'Assembleelegislative rien moins que ... c:a11Lo1111cr ~ des misslo11sdNcnslvc~, pou1 d~lcndre les centres urbains, les
les pleins pouvolrs ! Certes, il ne les reclame" que „ pour six mois, le temps de 17000 Fran~ls du Camcrou11et lcur~blc11~,et appuyer les operations de la
retablir !'ordre, negocier des accords de cooperation avec ses tuteurs fran~als, pollcc franco-camerounalsc.Avec interdi.ctlonde veritables operations mill-
ecrire la Constitution et organiser sa ratification, sans aucun contröle parle- 1,tlrcsau grand jour.
mentaire. Mais la demarche est brutale. Enliseedans ce conflit sans pouvoir y deployer sa puissance librement,
On retiendra de cette triste seance a l'ALCAMle plaidoyer courageux du l'armee fran~aisedeprime. En octobre 1959, le rapport annuel sur le moraJdes
depute Daniel Kemajou, chef traditionnel de Bazou pourtant anti-upecistc Jroupes du 17~ batalllon d'infanterie de marine (BIMA)fait etat d'une « cer-
bon teint, mais marginaJlsedepuis quelques mois. Dans un dernier swsaut, II 1,lincamertume [...] devant les actes de terrorisme 96 ». Lespectre de la defaite
defend, non sans panache ni une certaine prescience, les droits de ce Parle- lndochinoise et du retrait d'Algerie qui se profile, hante les soldats. « Beau-
meot qu'il a un temps preslde:" Lesplelns pouvoirs, tonne-t-il en seance, per- coup pensent qu'une fois de plus la Franceva etre evincee d'un pays ou eile a
mettraient [...] de concentrer, entre les mains d'une seule et meme personne, pourtant consacre la meilleure part de ses richesses morales et materielles»,
les pouvoirs legislatifs,executifset judlciaires,c'est-ä-dired'instaurer une dic- 1clcve le rapport. Soumis ä des injonctions contradictoires, les officlers
tature, Je pouvoir personnel ou, en d'autres termes, le regne du bon plaisir, de lran\'.aissont deboussoles par une Strategie que Je prefet du Mungo Louis
l'omnlpotence policlere, des camps de concentratlon, des deportations, des DomissyappeUe I'« effacement partiel 97 », lequel repond ä des motivatlons
arrestations et emprisonnements arbitraires, des executions sommaires, [... 1 plus politiques que proprement militaires.
de la mlsere noire, des injusticessur injustices, [...) etc. 94 • » « Voiläce qui nous D'un cöte, le Ueutenant-colonel Lauriereinsiste sur le fait que « l'armee
attend », conclut I'ancien camarade de classe d'Ahidjo, qui tombera en effet franr;aiseque ce soit dans le Mungo, dans le Bamilekeou a DouaJane fait pas
quelques mois plus tard pow « coUusionavec l'ennemi » et echappera de peu la guerre 98 ». De l'autre, la progression de I'ALNKl'amene de plus en plus,
ä l'elimination physique (voir chapitre 30). Lesamis d'Ahidjo ne savent que dans les derniers mois de 1959, a mener « des operations a caractere mili-
repondre. Flnalement, c'est Mohaman Lamine, un proche du Premier minl- l'nlrc99 ». Quitte a faire mitrailler les bandes rebelles par !es « T6 » de I'avia-
100
stre, qul decocbe la saillie Ja plus juste a l'encontre du depute frondeur : tlon de combat pres de Mbouda en decembre, tuant cinq maquisards . Et
"Vous avez attendu le 29 octobre pour denoncer cela ? » II est en effet bien l!ncore,Le Puloch precisequ'il a du freiner !es ardeurs du prefet Ter Sarkissof
tard pour arreter l'ascension d' Ahidjo, qui obtient les pleins pouvoirs par cin- qui, en plein « desarroi intellectuel et moral 101 », s'etant aliene chefs et popu-
quante voix pour, onze contre et deux abstentions. latlons, etait pret a mener des raids aeriens sur la region dans « des circons-
Ces nouvelles mesures, qui ne surprennent que les responsables poli- tances hasardeuses102 » pour retabLirl'ordre. L'etat des lieux que dresse Marcel
tiques camerounals « moderes » ayant cru pouvoir peser de !'Interieur du Cl1aumicn,agent « 001 » du reseauJimbo, au cours de son passage au Came-
regime, ne changent pas Ja donne sur le terrain. En l'absence de proclama- roun fin 1959 n'est pas plus optimiste. Particulierement frappe par les recits
tion de l'« etat d'exception », conjointement par le gouvernement came- q11clui font ses interlocuteurs dans ce pays, a commencer par son agent A
rounais et le Haut Commissaire, l'armee fran(;:aisene peut toujours pas Yaounde, le docteur Gonzales (008), Je transporteur Suarez (009) et son
intervenir directement'. Le general Le Puloch, qui surveiJleattentivement Ja nouvel HC recrute a la compagnie aerienne UAT(010), il dresse a l'intention
situation depuis Brazzaville,s'alarme de la « confusion actuelle des responsa- de ses superieurs,le 7 decembre 1959, ce tableau alarmant: « Notre correspon-
bilites95 » qui regne entre civils et militaires, fran(;:aiset camerounais. « De sa llnnt laYaounde]craint le pire ä breve echeance. C'est aussi l'opinion de beau-
propre initiative», souligne-t-il lui-meme, il envole, debut octobre, cinq coup d'Europeens a Douala : le gouvernement actuel n'a pas les moyens de
compagnies et cinq pelotons de gendarmerie supplementaires au Cameroun. l.ilrc face a un soulevement eventuel, il n'existe pas grand-chose en profon-
Mais ces nouvelles forcesdoivent s'en tenir a une « aide indirecte » au main- dcur et le recrutcment que la nouvelle armee effectue en pays Bamilekeest
tien de !'ordre, precise le generaJ, « en evitant d'etre melees directement aux nul, ce qul est significatif.Je vous signale que la situation dans le Nord-Came-
actions de repression, qui [sont] du ressort du seul gouvernement roun est tres differente, les Foulbes et Kirdis voient arriver l'echeance de
l'lnd~pendance d'un' tres rnnuvais cril et seraient partisans d'un rattache-
11H:ntnvcc lc Tellad. SIInsit uat Ion e~t·t n~scalme dans le Nord, il n'en reste pas
a L'artlcle 25 de J'ordonnancc n• 58-1375 du 30 deccmbrc 1958 ~Jctant Je nuuvcau )latut
de l'• l'.;tat sous tutellc •· precJse, rappelons-Jc, qu'cn ca.s de d(l~acrord c'C)l Je gouvcrne- n1oln~vral que toutes lcs ttlhu, sont cn alerte, etant trcs hostiles a celles du
ment fran,als qul n Je pouvolrdc procJa111crJ'~tnt d'CXll'pllon.
Sud 1111."

376 .l77
--..- ...... -.. " ...... { t '---.-,~, .,'"''

Le journalistc Roger Faligot, qul a revele ccs documcnts, commenlc : 21


« C'est ä. la suite de ce type de rapports que Jacques Foccart, qul a touH•
confiance dans son ami Chaumlen, ainsi que le general Grossin conseillc- Lafausse« independance
» dejanvier1960
ront d'intensifier la repression contre les Bamileke et de liquider les chefs
comme Fellx-RoJandMoumie 104• » Si.Foccartet Grossin sont loln d'etre seuls
aux manettes, tel est en effet le programme: alors que !es avanceesde I'ALNK
risquent fort de gächer la « fete » prevue a l'occasion de la proclamation d(' ~ Chacun salt de quel attrait mystique se pare le terme
"lndependance" : c'est un slogan commode qul
l'independance du Cameroun (voir chapitre 21), la decision est prise a Parisd<'
impressionne d'autant plus que son ambigwte pcrmet
relancer ]'offensive militaire (voir chapitres 22 a24). les suggestlons les plus seduisantes. •
Quanta Ja liquidation de Moumie, qui parcourt le monde pour popula- Jean LAMBERTON,mars 1960 1•
riser Ja cause de l'UPC et chercher des soutiens pour J'ALNJ<,J'idee sembJe
effectivementfaireson chemin. Grace aux reseauxqu'ils sont en train de reor-
ganiser en Afrique, Jes servicesde renseignements fran\ais cotlectent les dis-
cours, observent Jes mouvements, surveillent !es rencontres du presldent de
J'UPC. « Moumie a demande telegraphiquement au Premier ministre tcha-
dien de se prononcer [...Jcontre J'emploi de militaires tchadiens dans la Jutte
contre les terroristes camerounals », lit-on par exemple dans un bulletin de
renseignements debut septembre 1959 105• En realite, il n'est pas tres diffidle
de suivre !es activites de Moumie.
Tres volubile par nature et enhardi par les succes spectaculaires de
,N ous ne croyons pas, l...J cornme quelques-uns attardes dans un
romantisme desuet, que les luttes meurtrieres soient necessaires
1'ALNK,il muJtipliealors lesdeclarations conquerantes et expllque sans fausse 111, mouve:mentsde l'Histoire,que !esnations doivent se creer dans le sang.»
pudeur ses Intentions aux journalistes qui viennent a sa rencontre. « J'irna- 1 'homme de paix qui parle ainsi, Ahmadou Ahidjo, est depuis quelques
ginais une odyssee de roman-feuilleton pour reussirä.atteindre FelixMoumie h~u,cs, en ce 1er janvier 1960, a la tete du premler Etat independant de
qui, exile a Conakry, tire les ficelles du terrorisme au Cameroun, ecrlt par l'Airlque subsaharienne ft:ancophone (apres Ja Guinee). Le moment est
exemple en octobre 1959 un journaliste (sans doute beige)en reportage dans 111lc1111el. Ases ennemis nationalistes, devant les representants des puissances
la capitale guineenne pour un journal du Congo-Leopoldville. II m'a suffl thr monde entier reunies a Yaounde pour l'occasion, il entend montrer avec
d'ecouter !es ficellesd'un confrere fran~s queJque peu ecreure d'avoir eu a 1•rnphaseque, sans prendre les armes, il est bei et bien devenu le « pere » de la
entendre Je Jeader de l'UPC vituperer Ja France pour avoir "mon rebelle" a ,i.rllon camerounaise.
portee de stylo 106• » Peu apres, en effet, Je journallste se retrouve au domicile E.ncinquante ans, personne n'a reJeve que ce discours d'independance,
de Moumie, derriere le bätiment des « Servicesde l'inspection medicale de lrnnlc de l'histoire, a ete ecrit par un Fran~ais. Paul Audat, administrateur
Guinee», invite apartager Je petit dejeuner du medecin camerounais, avec sa t olonlal devenu « conseillertechnlque » fran\ais et alors secretairegeneral de
femme et ses enfants. I'Assembleenationale camerounaise, en garde un souvenir amuse, quand
C'est sans doute avec Ja meme facilite que Je journaliste britannique 11ous lc rencontrons en 2007 sous ta veranda de sa viUaproven~ale. « j'avais
GeoffreyWakeford,du quotidien The Daily Mail, a pu rencontrer 1'«homme ,,ussi ccrit un discours moins solenne) pour le president de I' Assemblee,
politique le plus violent d'Afrique » (seJon un joumaJ du Nigeria britan- rnco111c-t-il. Pour ce qui est de celui d'Ahldjo, proclamant l'independance,
nique 107) lors de son passagea Londresen octobre 1959. Quelque temps apres t '6talt different. Et le discours a ete acclame. C'etait inimaginable dans une
2
avoir publie son interviewavec le president de J'UPC,il re\llt un etrange coup \'llle ot'1,dans le quartier voisin, au meme moment, il y a eu un mort . »
de telephone : « Here is the Red Hand, Moumiew/11die! (lci Ja Main rouge,
Moumie va mourir !) 108• »

179
/ 11 f1111\\t' " • r/c•J111wlrr11)CJU
/11,/1•11n11/1111H'

Unecere111011ie
e11trompel'O!II Nyob~rcvlc11dra.» l~nhabil t radltlonncl, pieds et torscs nus, ils brandissent
11,~mc cn 1etcdu deflle un portrait de Mpodol, dont l'aura est mobilisee pour
Dans ces conditions, l'ancienne puissance coloniale nc court pas Jerisque l'ou:asion... Les fetes de l'independance sont bäties comme une action psy-
d'uo discours critique, ou d'un coup d'eclat comme celui du Premier mini- drnloglque. Ellesdoivent, comme on peut le lire dans un document interne
stre du Congo-Leopoldville Patrice Lumumba, defiant quelques mois plus til' l'adminlstration franr;aise,produire un « choc psychologique dans l'opi-
8
tard Je roi des Belgesau premier jour de liberte de son peuple. Au Cameroun, 11lcU1 Interieure et l'opinion internationale ».
la France est bien decidee a ne pas abandonner la moindre parcelle de souve- Toutes ces images d'Epinal viennent illustrer ce qu'un etonnant edito-
rainete reelle aux jeunes dirigeants du nouveau pays. Meme l'election de dnl du Mondedu 8 juillet 1959 imaginait dejä comme le « passage serein a
« Miss Independance » ne semble pas, d'apres les temoignages, devoir l'lndl!pcndance Jibrement negociee d'une nation dont la France avait rer;u la
echapper a la tutelle etrangere. En effet, le jury alors compose par Paul Audat dHHgc et dont eile a assure honorablement l'emancipation », que seuls
est preside par ... Golda Meir, ministre des Affaires etrangeres israelienne, quelques assassins » guides par les « extremistes du Caire » pourraient vou-
laquelle finira pas adouber « Miss Wouri » 3. L'histoire ne dit pas si cette dis- 1011perturber.
tinction a mis du baume au cceur des prisonniers politiques de Douala... Mais Ja « serenite » n'est pas vralrnent ce qui caracterise les ceremonles.
Tout est orchestre pour eviter les fautes de goat imprevues. Le secretaire l c~ journalistes sont cantonnes aux centres-villes et aux ceremonies offi.
general de l'ONU Dag Hammarskjöld est de toutes les ceremonies, aux cötes clclles. Ceux qui veulent s'aventurer au-dela ne peuvent le faire que sous
des representaots des nations ayant administre le Cameroun jusqu'a ce jour, C\COTte policiere et ne decouvrent, a l'Ouest, que des villages brules aban-
comme les ministres franr;ais LouisJacquinot et Robert Buron, ou le Britan- donnes par leurs habitants ... « Lesceremonies de l'independance se sont sur-
nique John Profumo, accompagnes des emlssaires des deux superpuissances tout mal passees a Douala, se souvient Jacques Rousseau, enarque franr;ais
du moment, l'ambassadeur des Etats-Unis a l'ONU Henry Cabot Lodge et Jes ,,lors secretaire general du gouvernement d' Ahidjo. Le 30 decembre, les
delegues de l'URSS- lesquels taisent pour l'occasion leurs critiques passees et rcbellesavaient ete jusqu'ä prendre la tour de contröle de l'aeroport, aussitöt
apportent au nouveau regime leur « caution reconfortante » (selon l'ancien cncercles par l'armee qui reprit l'aeroport dans Ja nuit et disposa ses chars
HautCommissaire, de 1947 a 1949, Rene Hoffherr 4}. da11sla ville 9 • » AYaounde, tout le monde est sur le pied de guerre. « Al'Hötel
Les chefs de gouvemement africalns, comme le president de la Federa- des deputes, ou avait lieu la reception officielle, poursuit Rousseau, le
tion du Mali Modibo Keita, sont egalement venus voir durant pres de trois comrnissaire de police venalt m'avertir regulierement de la progression des
heures defiler femmes, sportifs et culs-de-jatte ä la gJolre du Cameroun nou- , cbclles qui arrivaient, armes de machettes, autour du batiment protege par
veau. On distingue surtout la soutane rose de J'abbe Fulbert Youlou, chef du llllC rangee de tirailleurs !'arme au poing. » Pendant que les pseudo-upecistes
gouvernement profranr;ais du Congo-Brazzaville 5 . Seuls quelques chefs c.lNllentpieds nus, les upecistes toujours en lutte tentent de ... demonter
d'Etats « non aJignes "• comme le Ghana ou la Guinee, ont montre Jeur solida- l'cstrade de la fete 10 l lnutile de dire que les bals populaires prevus n'ont pas
rite avec le parti nationaliste en s'abstenant de cautionner l'operation - pru- f,111recctte.
dent, Sekou Toure a tout de meme envoye un message de sympathie aux Derriere le decor dresse pour Laparade, se cache ainsi le vrai conflit,
dirigeants du nouvel Etat 6• Mais, d'une far;on generaJe, J'appel de l'UPC au tc11Jou1
entre une UPC revancharde et une France omnipresente : d'un cöte,
boycottage de la ceremonie n'est guere suivi. Et l'evenement beneficie d'une 11ncrebellion autour de l'ALNKqui met en pieces la pretention d'Ahidjo a
frequentation de grande qualite, dont aucun autre pays africain accedant a rnndulre le pays dans le calme vers la sortie de la tutelle; de l'autre, une
J'independance ä cette periode ne pourra s'enorguelllir. Francequi tire les ficellesdu nouvel Etat. L'UPCa parfaitement vu le danger.
Paradoxalement, toutes ces images pourraient sembler sorties des reves Aprcsavoir bataille en vain pour retarder ces ceremonies, elle n'a plus d'autre
des upecistes, dont l'lmaginaire s'est construit depuis l'origine sur le recours ä ,1ratcgicque de gächer la fete et l'operation de communication internationale
l'arbitre international et le soutien des grandes nations anticoJonialistes. Dra- du 11ouveauregime.
peaux camerounais et hymne national donnent les apparences de realiser Je Malgrc cette parodie d'acces ä la souverainete, on s'aperr;oit que le nou-
reve des nationalistes perclus dans la foret, prisonniers des geöles gouverne- vcau pouvoir ne maitrisc pas grand-chose. Lesdernieres semaines de 1959 ont
mentales ou dejä morts au maquis. Cerise sur le gäteau, le 2 janvier a DouaJa, ~tc autant de coups port.~~ä son autorlte vacillante. Dix jours avant l'indepen-
une delegation de Bassa« se reclamant de la reconciliatlon 7 „ chantc dans sa t1,1ncc,un rapport. 111lllt,1lrc,'tilarmc cl'une "'aggravation rapide de la situa-
langue: « Nous voici a l'independance tant criec, nous e~pcrons qu'Um 11011 "· • Lcs rcbcllt.•,K,11,1nc11tcl1111:11alnet ctcnctcnt lcur 10ne d'action ",

380 181
rmnnrlil~(I
, ""'t'/K11111mrr r1,{Q.-, Q(,ll}

relate-t-1111• Au-cterndes attaqucs ponctucllcs, cc so11td~~ornial~des combals


de grande cnvergure qui font rnge. Le 14 d~cembre, pr~s de Mbouda, un
peloton de gendarmerie appele en renfort dcpuis l'Oubangul-Chari voisin
doit repliquer au fusil-mltrailleurface acinq cents partisans de Jeremie Nde-
lene, qui sont bientöt mille a Bamendjou pour harceler le peloton battant en
retraite iz_« Plusieurs groupements sont en guerre contre le gouvernement
actuel », avertit un rapport de gendarmerie 13•
La recrudescence des troubles ne se limite pas a l'Ouest. Pour preparer
ensemble !es ceremonies de l'lndependance, les animateurs de la nouvelle
revolte en Sanaga-Maritimese reunissent le 18 decembre aNdokong, pres de
Nyong, sous la houlette de Makandepouthe, rejoints par Paul Momo, venu de
Douala 14• Leursoperations spectaculairessont dirigeesdepuis Conakry,ou !es
leaders nationaJistesen exiJ denoncent al'avance une « independance nomi-
nale». Le 29 decembre, deux religieux, !es abbes Thomas Fondjo et Georges
Siyam,sont enleves lors de l'attaque de la misslon catholique de Bamendjou.
Le30 decembre, aDouala, Jecamp Mboppi, oll convergent les troupes franco-
africaines de l'ex-AEF,est attaque une fois de plus, cette fois-ci par plusieurs
centaines d'lnsurges, qui tuent deux gendarmes europeens 15•
A quelques heures de l'independance, partout, c'est l'attaque generale.
De l'incendie de plantations colonlalesdans le Mungo 16 jusqu'aux raids dans
1,. qeneral de Gaulle. accompa-
de Louis-PaulAujoulat (a sa
11111•
lors de sa visite au
11.111che).
l ,1111eroun
en mars 1953.
: Archivesnationalt1 de
111ce
., .

~·'
,(~
. -'-
,

Jes quartiers de Mokolo et de la Briqueterie,au creur de la capitale Yaounde,


)'offensivede l'ALNKlaisseune vingtaine de cadavressur le terrain al'aube du
'hnundt!.
,.~
.,.~::-,•,
)
- ~\

1e•janvier 1960. « Des voitures arrivaient en n'importe quel point d'un quar-
tier africain, raconte un administrateur fran~ais,des hommes en cagoule eo
\111le depart pour Paris, le
descendaient et frappaient a l'aveuglette avant de remonter dans le vehkule .,., ,etaire d'Etat ä LaFrance
et de se rendre ailleurs continuer leurs mefaits », en particulier dans le quar- !1011tremer Louis-PaulAujoulat
tier de Djoungolo.Depuisle balcon de sa matemite, sa femme d1sposaitmeme p,1\\e les troupes en revue le
1, .1vril1952.
d'une vue imprenable sur le « macabre spectacle des camions venant ·,,1111ce
: Archivesnationalesde Yaound~.
decharger leur tot de morts et de blesses17 "· Le premier jour de l'indepen-
dance s'acheve avec trente-quatre morts a Douala et clnq ä Yaounde 18• On
comprend que le regime en place ait prefere une autre date que cette triste
journee pour celebrer la fete nationate•.

a La fete nationale a d'abord etc fixce au 10 ma.i pour cclcbrer l'accl!s, lc 10 mal 1957, ~
....
~.,i·

~·- !

l'autonomle Interne. Le rcgimc a flnalement prl?ft'!rele 20 mol, cn rHcrcncc au 20 mal


1972, date de nalssancc de la llcpubllquc unlc du Otmcroun, qul 1r111pl11tl'
lo H6p11bllquc
fcderalc. ,1v1•1lt•, 1111,llwdc1111l~s
eh• l,1 l 1,1111rtl'm1111·1111'1,
l 1u11, JM1u111ot, ,1101, 1111111,lrt' 1.ime,ounais. lt"!t. f(•vrie,
l'l'ol O,•q,111<
h1• ,\ d1nlt1• fll~•,111!111
1 1l1111.1l.1 lh•ll, 111,1111•,
M,11111~ ',np110 P1l\ll, ll,1nirlK!'m,11011.
Ok.11,1,l',1111
·,u11u-11 A1thlv,1 11,Hh111,h1\1kl Yi11tut11U
382
Le secretaire general de l'Uniondes populations du Cameroun,Ruben UmNyobe(au centre, en costume noir),
de retour de son voyage a NewYork,ä Doualale 5 mars 1955.
Source: Archives personneltesde Simon N~en.

Pierre Messmer(troisieme en
partant de la gauche) et Maurice
Delauney(deuxieme en partant
de la gauche) rencontrent des
chefs traditionnels de l'Ouest
vers 1957-1958.
Source: Triluna Film Zurich.

Les membres du bureau politique de l'UPC,en marge d'une conference


le 6 mars 1955. De droite a gauche: Ernest Ouandie (vice-president),
FelixMoumie(president), Ruben Um Nyobe (secretaire general), Abel
Kingue(vice-president). A la droite de Kingue: Jacques Ngom (secre-
taire general de l'USCC).
Source: Archivespersonnell,es
de SimonNken.

t ,• liputenant-
Delegationde l'UPCa la deuxieme confärence des Jean
' 111011('1
peuples africains qui se tient ä. Accra du 5 au 1,1111lierton (en
13 decembre 1958. On reconnait: Felix Moumie, hl.111r).en opera-
president de l'UPC(troisieme debout a droite); 1111,1rn Zonede
Ernest Ouandie, vice-president de l'UPC(deuxie- l»H 1rira1·ionde
me rang, entre deux militantes); Osende Afana, l,1',,111Rga-
alors represcntant du « Ka111Pr1111 » au Serretariat M,1iili111t',70f'AC,
1iermanrn1 ,if,o ,l\i,11i11w'(lrol\icme dcboul ä 11·1/ m~i 19'.>/,
gaurh~). '1111111f'I, Archh;n\
\ouH~ lff ~m,1,,,w,"AfftO h11ull1111, fttllll\f\1\ll c.,u,,1ltll 1111\lltil\ <l«:,
h1fonnllu
l\iV( rl~hul lll~~ "' ,,,~~' '"' f'(I ( l111tol11uton
,
... . j4~;

Seances d'entrainementdes
eleves officiersde rtcole mili-
taire interarmesdu Cameroun,
dans la zone de Koutabaen
1960, sous la supervision Ecolede gendarmerie,a Yaounde,en 1960.
d'instructeursfrantais. Source: Archivesnationalesde Yaounde.
Source: Atthivesnationalesde Yaou~.

Gardesciviquesdu
quartier Zindonga Bangang
( « Commando50 »), a l'0uest-
Cameroun,en 1963.
Source: Archivespe,sonnellesde
GregoireMomo.

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Groupe
d'« autodefense»
de ß<1fou.ä l'OUC\L
(alll('IOUO, )(111\ date.
t
~I
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\nuHn Arch1w, Pf'l\on
0,,11,,d@~•~nult"Mumu
.. ! '\ ..
~ ...'
h

,- \
·' ...~-
''

MartinSingap,
chef d'etat-major dt
!'Armeede liberation
nationale du Kameru11
(ALNK). tue le 8 sep
tembre 1961.
Source: Archivespri~.

Maquisardsavec armes et fHiches, sans date.


Soun:e: Archives~sonnelles de GregoireHomo.

Maquisardsdu groupe Paul


Momo;ce dernier est lui-merne
present sur 1a photo (quatri~rne
en partant de 1adroite, debout).
Source: SHAT.6H263.
1
l'ruc~'idt! Mg, l\l~t•1(Ndo11q1110 /,u /uow. ~ tlr/a11vlcr
/111/1•111•111/t111cc1 1960
(au 1llemfe,plan)
et d'I 111~slOua11clie(,111SCC!JIIII
pla11)en janvie, 1971. « Epuration» et ,, refoulement
»
de Yiou11.1!
Source: Archivesnation;,tc~

Facea unc teile recrudescencedes troubles, les Fran,;aisaussi ont prepare


h• ll•rrain,a leur maniere. Outre l'engagement des troupes militaires dans de
11(11Jtnbles combats, au sol comme dans les airs, a l'occasion de rnitraillages
11~rlcns(voir chapitre 23), les forces de !'ordre usent de methodes moins
vnyuntes pour preparer une capitale a recevoir les grands de ce monde. Der-
' 1~,c lc decor d'une ville en fete, on s'aper,;oit que !es grands moyens ont ete
rmployes pour tenter de nettoyer les villes...
Une « note sur la situation politique au Cameroun » (non datee),
Le president fran~ais G~01111•,
Pompidou saluant le colom•I tl'ltouvee dans les archives privees de Jacques Foccart, alors conseiller tech-
Pierre Semengue au cours d(• •,~ nlque pour les Affaires d'outre-mer aupres du president de la Republique,
visite officielle au Cameroun, ,,,,
fevrier 1971. tlonne un aper,;u gla,;ant de la situation. Anonyme, elle emane d'un Fran,;ais
Source; Archivesnationales de Yaou11,t•
111t11tifestement bien informe. « Legouvernement a pris des mesures pour que
ll'S ceremonies puissent se derouler sans incidents dans les villes, ecrit-il. II
vlc11tde refoulerdans leurs regions d'origine les chömeurs et vagabonds aussi
,wrnbreux ici que dans toutes les villes d' Afrique.C'est par trains entiers qu'ils
19
~0I1t partis presque tous en direction de la region Bamileke • >) Le procede
IIVHlt deja ete utilise !es annees precedentes, mais jamais sans doute avec un
AhmadouAhidjo tend un docu-
ment ä Jacques Foccart, secre- tel c.lcploiement(voir chapitre 19). A partir du 14 decembre,les archives mon-
taire general de la presidence lrcnt les traces de petites « operations d'assainissement20 » ethnique et social
l'll milieu urbain, visant essentiellement le quartier populaire de New-Bella
fran~aise charge des Affaires
africaines, en presence du presi-
dent fran~ais, GeorgesPompidou, Douala,en douce, de nuit.
et du ministre des Affairesetran- « Epurntion >) : le mot est issu d'un rapport militaire 21 • « 16 decembre
geres, YvonBourges, en fevrier
1971. 1959.S heures: merne operation dans Je quartier congolo-senegalaisen vue
o GuyLeOuerrec/ MagnumPhotos. tlc refouler sur leur pays d'origine toute personne ne se Livranta aucun tra-
vnll ou n'ayant aucune attache a Douala - soixante-quinze personnes sont
1cfouleessur leur departement d'origine », peut-on y lire.Trois jours plus tard,
tJ la m~me heure, ce sont « 384 Africains dont 315 Bamileke » qui sont
« rcfoules)>le soir meme « sur leur pays d'origine ». Cette operation nocturne
rnobilisedeux pelotons de la Garde camerounaise, !es brigadesde Douala, la
1Joliccet deux compagniesdu 17• BfMA22• Ce sont « presd'un millier de Bami-
lckc43 » - « ce petit millier de parasites24 », ecrit un officier - qui sont ainsi
1111s au ban de Ia capitale economique. Drölede fa,;onde creer une nation que
ucrcjcter certains de ses membres, sans autre raison que leur appartenance
,,1hnlque, vers une region tellement crainte et detestee par !es officiels du
rcglmc qu'elle est d~signee comme un « pays » etranger... Annotation rare,
tlons le journal de marche et des operations OMO) qui relate ces lugubresagis-
M!ll1Cnl'S, l'auteur c1p.ref6rcprcciscr que « toutes ces opecations ont ete effec-
ttrccs rt la demnndc de Mo11~1('ur l'lt1~pccteurgeneral de l'administration 25 »,
1~11ocll Kwayeu,un Conwm11nnl~lormc, cornmc Samuel Kc1me 1 a l'ecole des

:\fl1
~,ms
tlan~ /tJ
L 'lml6p11111/m,c11 (l 959-/1Jt,()) ~ /1111t•1w111/11111
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administrateurs coloniaux ä Paris et devoue de longue date au röle de relais d~lle11ttous les pouvolr, de In ll6publtq11c;J) 11lcs exercesa vle d.urant. » Les
local « bamileke » de l'administration franc;:aise. quclques convlves rlent de l)on cceur de ccttc conception de la presidence
Plus que la serenite vantee par Le Monde,c'est donc plut6t la parano"raqul "proche de la chefferte IJamlleke » que defend Kame, et meme « Ahidjo
domine. Calfeutre dans l'ancien palais du Haut Commissaire, ou il s'est lns- voulut blen rire de cette boutade •>.Le malaise,dans les Memoiresde Jacques
talle, Ahidjo est sur !esdents. Il commence par faire« couper tous les arbresdu Rousseau,surgit ä la lecture de la phrase suivante : « En reallte, je n'etais pas
parc et installer des postes de garde et des miradors aux quatre coins 26 », relate loln de penser comme Kame, mais je croyais souhaitable d'habiller convena-
Jacques Germain, le directeur du Plan de l'epoque. Lequel evoque egalement hlcment un texte aussi abrupt 31• »
l'anecdote d'un voyageur inattentif et curieux qui, pour s'etre approche trop lnvite au Conseil des ministres pour evoquer le sujet delicat qu'il
pres du paJais, a ete abattu sans sommation par une sentinelle un peu trop convient d'« habiller » au mieux, le jeune enarque decouvre tous les minl-
zelee27 . « Cela en dit sur long sur Je climat d'insecurite et de peur regnant dans \t res retranches derriere des piles de Livresde droit constitutionnel franc;:ais.
!es spheres gouvernementales ä ce moment-Iä », conclut l'administrateur 28 • • lls vouJaienttous LaConstitution de De Gaulle ! Et surtout, !es ministres sou-
ilattalent l'existence, ä cöte du president de la Republique,d'un Premierminl-
\tre, dans le r61e duquel chacun se voyait dejä. Alors, pour ne froisser
UneConstitutionsur mesure pcrsonne, Abidjo m'a commande une Constitution pour Je lendemain, avec
Llll Premier ministre. » Et voila les deux collegues, Rousseauet Audat, censes
Protege par l'armee franc;:aise,enferme dans son palais, Ahidjo a pour l•n une nuit rediger la loi fondamentale du nouvel Etat. <<De taute fac;:on, rela-
priorlte de cimenter son pouvoir personnel. Fin 1959, lors de la tragique tivlse Rousseau,dans ces pays-lä,on ne la respectepas trop 32 • »
seance du vote des pleins pouvoirs, I'ALCAMa confere des pouvoirs speciaux lnspiree de celle de la V' Republique, la Constitution camerounaise est
au Premier ministre pour ecrire la Constitution. Pour habiller ses prises de c11coreplus presidentialiste. Le cbef de !'Etat camerounais, qui jouit du titre
decision sans passer par l'election d'une Assembleeconstituante, Ahidjo a rte« chef de l'executif », a par exempJele pouvoir de nommer et de demettre le
reuni un « comite constitutionnel », compose de fonctionnaires, responsables Premierministre et, sur proposition de celui-ci,les ministres 33 • Surtout, la pre-
religieux et politiques, chefs traditionnels ... Des Je 17 janvier 1960, pourtant, mlere Constitution camerounaise s'inspire grandement de l'article 16 tant
une lettre d'un Franc;:aisinconnu mais visiblement bien informe lui aussi, d6criede cellede la veRepubJique,qui accorde au president franc;:aislespleins
retrouvee lä encore dans !es archives Foccart, annonce le scenario constitu- pouvoirs afin de prendre les « mesures exigees par ces circonstances » s'il
tionnel qui se realisera, en instrumentalisant !es sommites du comite. « On c~tirne,de maniere unilaterale, que « les institutions de la Republique,l'inde-
souhaiterait par ce biais !es integrer dans le gouvernement actuel, en tout cas pcndance de Ja nation, l'integrite de son territoire ou l'execution de ses enga-
decourager leur bostilite ä forcede sourires et de prevenances... D'autant plus gernents internationaux sont menacees d'une maniere grave et immediate».
que leurs avis n'auront d'ores et deja aucune influence sur le vrai resultat final, l.'article 20 de la nouvelle Constitution, quant ä lui, precise que « le presi-
qui doit etre de confier un pouvoir quasi dictatorial a l'homme de confiance dent de la Republiquepeut, lorsque les circonstances l'exigent, proclamerpar
d'une certaine France 29 ••• » Mais, cette commission n'ayant pas Je moindre cl6cretpresidentiel pris en Conseil des ministres l'etat d'urgence qui confere
pouvoir, certains de ses membres flaues en demissionnent. Et pour cause, les uu gouvernement des pouvoirs speciaux dans les conditions fixees par Ja loi
vraisauteurs de Ja premiere Constitution du Cameroun ne siegeaientpas dans organique qui reglera la matiere ». A la suite du Cameroun, les autres Consti-
cette commission. Cinquante ans apres, les deux conseillers franc;:ais,Paul tL1tionsafricaines des pays francophones reproduiront cette disposition qul
Audat,secretairegeneral du comite, et Jacques Rousseau,secretairegeneral du ouvre la porte au pouvoir personnel, sans aucun contröle parlementaire, fai-
gouvernement, s'en amusent encore. ,,lll l dire a deux juristes de l'epoque que « les constituants africains ont
« Samuel Kame [un des principaux dirigeants de !'Union camerounaise] ilCceptede courir le risque de voir un president de Ja Republique peu favo-
voulait que Je president dispose de tous les pouvoirs », se souvient le premie:r rable ä la democratie etabllr une veritable dictature en appliquant la lettre de
coauteur, Jacques Rousseau30• Intarissable sur la periode, celui-ci a relate ces la Constitution 34 ». Quand on conna1t le contownement par Ahidjo des insti-
evenements dans ses Memoiresprives. Lars d'une reunion de ce petit comite, 1utions ä pelne nees en 1959 (voir chapitre 20), l'hypothese de l'instauration
en presence d' Ahidjo, peut-on y lire, le jeune conseiller fran~ais interpellc ,t'uue dlctature constH11tlo1111cllc n'est pas simplement theorique.
Samuel Kame : « Pour tol, Samuel, la Constttut1on devrait se reduire a trols souhalte habiller cette ecriture a la va-
l,e chcf de l'ex~cutlfrn11w1011nals
articles : 1) Je president de la Rcpubllquc s'appcllt! Ahmndou Ahldjo; 2) II vllc d'une autorlt'~ino11,1lt
1
So11conselller s'adresse donc a Maurice
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Duverger, un ponte de la science polltique de l'epoque. Celul-ci, moyennant 1:~t :idopttc ä pres de 60 % des votants,
Offlclclle111ent, lo Co11/llll11\!011
finance•, accepte de preter son nom a la mascarade juridique. Quand II 11wls,dans les faits, le tes1 de ,,opul.1111~s'cst trnnsforme en desaveu cinglant.
debarque ä Yaounde, le texte est dejä boucle depuis un mois. Nos auteurs Da11sla foulee et a.vec lcs memcs methodes, une nouvelle Assemblee natio-
s'attaquent donc aux textes organiques annexes. Le commandant du groupe- nnle est elue le 10 avril L960". Laquelle assemblee s'empresse, le 5 mai 1960,
ment de gendarmerie du Cameroun, le colonel Jacques Richard, s'inVite ä la de cholsir Ahmadou Ahidjo, seul candidat, au nouveau poste de president de
relecture pour en durcir les dispositions securitaires. « Et je me rappelle avec In Republique. Quarante-huit heures plus tard, Je nouveau president publie
amusement le spectacle du professeur, plutöt engage agauche, redigeant lui- 1'., orctonnance n° 60-52 du 7 mai 1960 portant loi organique sur l'etat
meme ä la plume !es textes scelerats entre Je colonel Richard [... ] et moi, qul d'urgence » et p.roclame le lendemain par decret l'etat d'urgence dans onze
m'etais converti recemment aux rigueurs du systeme "colonial" 35 • » A peine clepartements troubles du pays, pour une duree de quatre mois renouvelable
!'honorable professeur Duverger tique-t-il un peu : « Vous prevoyez quinze lndefiniment, rempla\'.ant ainsi l'etat d'alerte definj par les dispositions de
Jours de garde avue? Vraiment 36 ? » La premiere Constitution camerounaise inai 1959. Les Iibertes publiques (Uberte de la presse, de reunion, de maniies-
est donc le fruit d'un syncretisme inattendu entre des cultures juridiques tres lntion, de circulation) sont alors soumises au bon vouloir du mJnistere de
differentes, ou !es us et coutumes bamileke se melent aux prejuges coloniaux 11111terieur1 qui peut en outre assigner aresidence des individus « qui s'avere-
et ä la tradition juridique f'ran\'.aisecentraUsatrice. Mais tous les protagonistes ralent dangereux pour Ja securite publique ». Les competences des juridic-
se retrouvent autour de la necessite d'un pouvoir presidentiel fort, volre ecra- 1Ions militairesb, enfin, sont elargies « aux crimes contre la paix publique, les
sant, dans un pays en guerre traverse de multiples Ugnes de fracture culturelles pcrsonnes ou les blens, commis avec port d'arme ou usage de violence », c'est-
et politiques. ~-clireä presque toutes !es actions de la guerilla qui relevaient jusqu'ici des
Le 21 fevrier 1960, Ja Constitution est soumise ä referendum, ce que le cours criminelles speciaJes instaurees en mai 1959 38•
correspondantinconnu de Jacques Foccart juge « curieux », surtout « dans un
pays ou la Jiberte de Ja presse n'existe pratiquement pas ». Dans le sud du pays,
la Constitution « ne passe pas », notamment aupres de leaders politiques La tutelledesconseillers
franfais
comme Paul Soppo Priso, Theodore Mayi Matip, Alexandre Douala Manga
Bell ouJacques Ngom; qui, constatant Ja mise en place d'une mecanique dic- Les conseillers fran\'.ais ne font pas seulement Ja pluie et le beau temps
tatoriale, craignent de ne bientöt plus avoir aucune marge de manreuvre. Les tians le domaine constitutionnel. Leur influence en cette annee 1960 est
resultats detailles sont plus qu'eloquents. Yaounde vote «non» a pres de ex tr~mement etendue. Ce n'est pas une surprise : Daniel Doustin, encore lui,
90 %, Douala ä plus de 95 %. Dans ces deux Villes, Ies manipulations du nvait prophetise trois annees plus töt l'avenement des eminences grises. « Le
scrutin ont manifestement ete plus compliquees qu'en Bamileke, en etat de r~gne des galons est termine », mettait-il en garde face aux pretentions un peu
siege, qui vote « oui » ä plus de 80 % 37 . Pour faire bascuJer Ie total des votes, Lrop voyantes de ceux qui en etaient restes aux formes autoritaires de la colo-
i1 a fallu !es fraudes !es plus grossieres des regions du Nord, ou les scrutins n lsa tlon a I'ancienne. « Mais il peut y avoir des arbitres, et meme des
n'avaient jamais connu Je moindre debut de transparence. Dans Ja region de conseillers, precisait-il, dont l'autorite plus discrete n'en sera pas pour cela
Margui Wandala, pour 115 000 « oui », on ne trouve par exemple que 798 111oinsgrande, au contraire 39• »
a
« non ». Ce n'est pas sans raison que le pouvoir avait refuse tout prix un vote
sous contröle international six mois plus tötb.

du Nord furent "fabriques" apr~s que ceux du Sud furent connus de l'adminlstratlon »
Ocan-Fran~ols BAYART, L'Etat au Camero,m,op. dt., p. 76).
a D'apres Rousseau, Je professeur de droit • classe plutöt liberal, de gauche » a juge la propo- u Avec 45 '¾1des suffrages, l'Unlon camerounaise, partl d'Abidjo, obtlent clnquante-deux
sitlon de remuneratlon insuffisante (quatre mols du salatre du secretaJre general du gou- des ccnl si~ges parlementalres (dont quarante-quatre au Nord et en pays Bamoun, oii ses
vemement, pour deux semaines de• travail ») et a recJame davantage, avant de cedcr car cnnclldats s'etalc.nt retrouves seuls en lice).
• c'est vrai qu'on est dans un pays pauvre •·
11 Le~ trtlJunaux mllltatres tcn,poralres ont ete crees par l'ordonnance 11° 59/91 du
b Jean-Fran~ols Bayart, s'appuyant sur des entretlens, pointe egatement le$ fraudcs orches- 3:r dC:ccmbre 1959, pour lt1,t1ct lc~• attclntes a la silrete de l'Etat ». L'ordonnance du 7 mal
trees pour cette consultatlon : • Dans le Sud, ecrlt-11,cn cffet lc "non" t·riompha. II fallut .1960preclscrn qu'lls pcuv('nt (ltrl' crl'!(lscn lemps de palx dans lcs reglons soumlses ä l'etat
que l'admlnlstratlon territoriale du Nord (encore presque cntillrcnw11t fron~ise) mnnl- cl'urgc,ncc, ovcc de~ l'OlllJ~tcm·c~ ~~Julvolcntc~ou trlbunal m.llltalre permanenten temps
pulat !es resultats pour que lc "out• l'rmportnt ä unc tr~~fnlblc,11101orll~.[.. ,I Lcs rasult(HS llc iiucrro.

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1960

Cette Situation ne semble pas cleranger le chef du nouvcl ~tat. D~savant conselllers technlques de l'lnclcpendance ne sont autres que les admlnistra-
l'independance, de retour de New York Oll J'ONU avalt annonce Ja Jevee de tcurs coloniaux de la vellJe. Leur ascendant sur leUis ex-employes came-
Ja tutelle, Ahidjo s'etait empresse de rassurer les Fran~ls inquiets de devoiI rounais ne di~parai't pas du jour au Jendemain, bien au contraire. « Que
partiI au nom de Ja « camerounisation » des cadres de l'administration : « Un pouvait, demande Eyinga, face a des Blancs dont il n'aurait jamais reve de
pays neuf, un pays sous-developpe, un pays clont la jeunesse s'instruit encore clevenir seulement le subordonne irnmedfat et qui, sur le plan intellectuel, le
sur les bancs des ecoles et des universites, recita le Premier ministre, ne peut se dominaient si totaJement qu'aucune discussion n'etait concevable entre eux,
permettre le Juxe de se separer des techniciens des pays amis, qui viennent un petit employe indigene des PTT [Ahidjo], meme affuble du titre de Pre-
travailler pour son campte 40 • » Les 20 000 Europeens du territoire, clont mier minlstre et, au surplus, creature poUtique de l'administration colo-
2 000 fonctioonaiies fran~ais, etaient clone appeles a former l'ossature de Ja nlale '14 ? » Le nouveau statut des Fran~ais n'empeche effectivement pas la
nouvelle nation.
perpetuation du patemalisme. Le directeur du Plan Jacques Germain a ete
Le centre de gravite de l'autorite de Ja France ne se situe plus au palais marque par la remarque dedaigneuse de Maurice Couve de Murville, de pas-
du Haut Commissaire, occupe desormais par Je president camerounais, mais sage en 1960 ä Yaounde pour signer des accords de cooperation, en decou-
a l'ambassade de France. Le nouveau representant de Paris s'appelle Jean- vrant le premier plan quinquennal camerounais. <<Ah ! Ces gens-la ont un
Pierre Benard, un ancien resistant, devenu journaliste de l'AFP au Moyen- plan?», a simplement reagi le ministre des Affaires etrangeres 45 • « Parmi !es
Orient puis diplomate ä Tunis, seconde par un ambitieux premier conseiller, coloniaux, certains avaient vraiment une basse idee du negre, rencherit
Fran~ois de Quirielle 41 • En parallele est creee une Mission d'aide et de coope- Jacques Menier. Meme un ami ä moi, qui avait ete communiste, disait !es pires
ration (MAC),composee d'ex-administrateurs coloniaux et cbargee de plani- choses sur les Camerounais. j'etais sidere 46 . »
fier les grands projets de developpement du pays. Le pouvoir camerounais, Au-dela de l'ascendant personnel des conseillers fran~ais, ces attitudes
concentre au palais d'Ahidjo, est bien circonscrit par les conseillers fran~ais. sont dues ä une position de force structurelle des ressortissants fran\ais, clont
Les premiers Carnerounais aux cornmandes du nouvel Etat ont ternoigne le regime carnerounais depend entierement pour sa survie, au plan militaire
de cette omnipresence envahissante et taboue. Christian Tobie-Kuoh, par comme au plan financier. Christian Tobie-Kuoh rapporte une altercation avec
exemple, alors secretaire general ä la presidence, diesse dans ses Memoires un un certain « M >>,directeur du Budget, qui interpella Je secretaire general de
portrait de groupe Oll le nom des conseillers occultes est remplace par une la presidence en ces termes : « Quand on a un budget qui depend en grande
enigmatique initiale 42• Qui sont les dirigeants de l'ombre du pays indepen- partie de l'aide etrangere, on ne joue pas al'important, on ne fait pas Je diffi-
dant? Jacques Rousseau et Augustin Tefak sont conseillers jUiidiques aupres cile, on n'a pas de ces exigences, assene le directeur. Le Cameroun ne survit
d'Ahidjo. Pierre Coussy dirige Je cabinet du ministre des Finances, puls de Ia que par la generosite de la France, Je travaiJ des Fran~ais qw sont ici; si nous
Sante, Arouna Njoya. Jacques Menier et Jean Coussy sont en train de fonder partons, si Ja France cessait son aide, votre pays retomberait dans le chaos, le
l'ENA camerounaise, Gaston Bouvenet s'occupe de gerer la magistrature, pen- cannibalisrne s'instaJJerait partout 47 • » Les conseiJlers fran~ais peuvent en
dant que Jacques Trescases chapeaute Ja fonction publique et Yves Schmuck effet d'autant mieux se permettre ce type de remarques vexatoires que leur
les finances au sein du cabinet de Charles Assale, nomme Premier ministre Je pays alirnente 70 % du budget camerounais 48•
14 mai 1990. Jean de Menthon s'apprete a prendre la direction de Ja Caisse Une autre anecdote, rapportee par Abel Eyinga, aJors assistant du Pre-
centrale de cooperation economique du pays. Louis Domissy est encore pre- 111ierministre, Charles Assale, est plus qu'eclairaote. Un jour qu'il attendait
sent, au poste de prefet du Mungo puis de conseiller economique d' Ahidjo a son Premier ministre dans l'antichambre de son bureau, Eyinga per~oit des
partir de Ja rni-1960, qu'il ne quittera qu'en 1965. Il y a aussl Marcel Godefroy, cris : « J'entendais quelqu'un se faire engueuler'J)ar un hornrne qui parlait
en poste au Cameroun depuis 1945 : directeur de cabinet d' Ahidjo, il est decrit comme le patron. Au bout d'un moment, cet homme est sorti, c'etait
par Abel Eyinga comme Je grand manipulateUI des ciseaux de la censure. « Ce M. Schmuck, Je conseiller technique fran\ais au Premier ministere. Cinq
type matraquait la presse aYaounde, ecrira plus tard J'opposant camerounais. mlnutes apres, en entrant, je n'ai trouve qu' Assale. C'est donc Jui qui se falsait
C'etait inimaginable. II suspendait des joumaux sans assises financieres, il les cngueuler ! C'est unt scene qui m'a vraiment refroidi. Le Premier ministre lui-
asphyxiait 43 • »
rneme avait un peu honte de cette situation. Les relatlons, c'etait comme ~a :
Ce jeu d'influence occulte a eu le temps de se roder depuis les institutions lcs patrons, c'etait les consc!llers technlques 49• »
nees de la loi-cadre, avec Je reglme de l'autonomie d'avant J 960. Lä encore, Les fonctlon11olrcs fran~·ob nc sont pas seulement conseillers, ils occu-
la v• Republlque ne falt que syst:~matiscr les expMmentntlons cle In JV0• Lcs pcnt cncorc des fonc1l0111. ill' dlr't-lllon. La« camcrounlsation » n'a m@mep11s

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commence pour Ja fa~ade au Nord, ou la plupart des clrconscrlpllons restent t ransposer outre-mer les 111s1 itutlons et les mani()>resde faire metropoli-
tenues par des administrateurs, avec le « delegue du gouvernement' pour le 1aines 53 ». Ce sont eux qui posent les fondations du nouvel Etat, ä travers
Nord-Carneroun » Pierre Marchand pour figure tutelaire. Les conseillers l'~cole nationale d'administration et de Ja magistrature (ENAM), au lende-
fran~ais sont Join de se cantonner au domaine technique. Devant Je ParJe- main de l'independance, fondee par Jean Coussy et Jacques Menier. Jusqu'en
ment, c'est memeJacques Germain qui remplace son minlstre de tutelle pour L978, la direction de l'ecole sera assuree par des Fran~ais. L'enjeu est de dis-
presenter un plan quinquennal fonde sur Jes financements de la cooperation poser de grands commis de !'Etat camerounais ä l'image de leur chef de gou-
fran~se (Fonds d'aide et de cooperation, FAC) et europeenne (Fonds euro- vcrnement, c'est-a-dire « dans l'orbite de la France ». Ahidjo envoie d'ailleurs
peens de deveJoppernent, FED)".Alors qu'on aurait pu s'attendre ä ce que les une dizaine de ses proches en formation acceleree a Paris, et cherche meme ä
ex-administrateurs coJoniaux soient davantage brides qu'au temps des debaucher dans la capitale fran~aise des etudiants nationalistes membres de
colonies, iJs accroissent au contraire leur pouvoir. « Comme le gouverne- l'UNEK5\ Cette consanguinite des dirigeants franco-camerounais permet au
ment camerounais en la personne du ministre du Plan ne me donnait aucune pouvoir fran~ais d'exercer un contröle permanent sur le pays. Les conseillers
instruction, je n'ai jamais ete aussi independant, mol un etranger, que dans Je occultes, un par un, sont approches par !es agents du SDECE, pour leur
Cameroun independant », s'amuseJacques Germain 50• demander de collaborer avec la France 55 . Jacques Menier se souvient des
Les conseillers pilotent le pays au jour le jour et la France s'immisce visites frequentes de cet agent fran~ais, dont le bureau se situait au creur
jusque dans Ja composition du gouvernement. Au lendemain de l'indepen- meme du palais d'Ahidjo, et qui passait sans complexe pour la « barbouze de
dance, ses agents cherchent un ministre bassa ex-upeciste docile pour illus- l'ambassade ». Partisan de Ja maniere forte pour mater les « subversifs », « le
trer le consensus national, depuis que Mayi Matip a refuse d'endosser trop vite type se deboutonnait et disait : "Voila comment il faut faire avec les Came-
ce röle. Eugene Wonyu a le bon profil depuis que, Je 2 janvier, cet ex-maqui- rounais et avec l'UPC" 56 ».
sard a mene le defile qui recupere Ja figure d'Um Nyobe pour mieux denoncer Lors de l'ouverture de la session du nouveau Parlement, le doyen d'äge,
J'UPC et « mieux nous desolidariser d'avec ceux qui continuent atuer 51 ». Le le depute Barnabe Mballa, membre des Democrates camerounais de Mbida,
jeune homme raconte avoir ete approche par Jacques Kosciusko-Morizet le jette un froid. « Depuis le 1er janvier jusqu'a ce jour, lance-t-il, personne n'est
soir meme. «J'ai appris que vous etes un gar~on intelligent, lui dit l'ex-direc- convaincu que nous avons effectivement un Etat digne de ce nom. » Pour lui,
teur de la delegation permanente de la France au Conseil de tutelle de l'ONU, sl cette independance n'est pas « reelle, totale, effectlve », c'est a cause d' « une
et c'est pour cela que je vous ai appele pour vous proposer ce qui suit : ingerence etrangere ouverte dans nos propres affaires [qui] dirige taute non·e
aujourd'hui vous etes independants; au mois de fevrier prochain on va reta- politique dans le sens franchement anticamerounais » 57• lcl comme aiileurs
blir officiellement votre parti l'UPC, les eJections legislatives auront Jieu en dans la « Fran~afrigue » naissante, si J'on observe les politiques suivies, qu'il
avril 1960, on formera le gouvernement apres l'election du president de la s'agisse de politigue econorrtique ou de repression policiere et militaire, c'est
Republlque, en mai, et c'est Ahidjo qui le sera. Si vous acceptez de composer cffectivement Ja continuite qui domine ce passage du coloniaJisme au neoco-
avec nous, je vais vous mettre en contact avec le Premier ministre, donc lonialisme. Les deux regimes qui se succedent sont certes differents, et Ja
M. Ahidjo, et l'on s'arrangera pour le nouveau gouvemement de juin pro- carnerounisation des autorites constitue une reelle evolution. Mals le gouver-
chain. Si vous etes d'accord, je suis pret avous donner cette chance 52• » Tout nement fran~ais, a travers ses agents sur place, conserve son influence et sur-
se deroulera en effet comme annonce ... t out permet d'accentuer la lutte contre la « rebellion ». Sous pavillon
Surtout, les Fran~ais imposent leur culture a leurs successeurs et mar- camerounais. La vitrine independantlste etant presque presentable, l'armee
quent de Jeur influence la « camerounisation >>a la fran~aise en marche. Peu fran~aise peut se lancer dans la « reduction » definitive d'une rebellion qui fait
ä peu, les administrateurs issus de l'ENFOM sont remplaces par des cohortes cncore tache dans le decor.
d'enarques debarques de Paris, amenant avec eux « une propension ä

a Les representaats des interets economlques fran~ais au terrltoi.re sont aussi tres ecoutes.
Comcidence hlstorique cocasse rapportee par l'admlnlstrateur Jacques Menler, Ahldlo
demarre son mandat en etant invlte-comme le sera le nouvcau prcsldent. fran~a!s Ntcolas
Sarkozy en 2007 - sur 1c yacht: cl'un grand Industrie!, en l'occurrcncc lc palron d'une
grande cntrepr!se productrlce d'hevea, loquellc sera plus tord rochctcc par un ccrtnln ...
Vlnccnt Bollore (cntrcllon de~ au1cur~avec Jncqucs MC!nlor,Solnt-<"lnuJ, octot,re2008).

390
/111;v1,,, l 1a1111f,,
191.JO: e11ga,~e
fr,111calse la « reco11q11ete.,

22 d'anciens combattants sollicile ä propos du Cameroun. «J'en ai parle ä


quelques camarades. 11sne souhaitent pas s'exprimer. Desole3• »
Janvier1960:l'arrnee
franraiseengage II est difficile,on le voit, de faire parler des acteurs fran~aisen responsa-
bilite au cours de J'annee 1960. Lapremiere annee d'independance du Came-
la « reconquete
» roun voit en effet se dechainer Larepression militaire contre !es membres de
l'ALNK.On touche ici au c~ur de Ja polemique sur le röle de Ja France au
Cameroun. C'est en effet apropos de Ja campagne declenchee dans la region
ßamJlekepour aneantir l'UPC,ä partir de janvier 1960, que les pamphletalres
« Ahidjo me demande de maintenir les administra-
teurs francais, soit ! Mais cette premlere declsion est les plus virulents parlent de « genocide » et de villages aneantis au napalm.
insuffisante. Je decide d'entreprend.re une veritable C'est par exemple en pensant ä cet episode que, dans son ouvrage La Fran{:n-
reconquc!te. • frique, Fran~ois-XavierVerschave intitule son chapitre « Massacresen pays
MicheI DEBRt,Go11vemer
'. bamileke >>1 declenchant chez son lecteur le plus critique,Jean Lamberton, un
deluge d'annotations et de points d'exclarnation dans Ia marge. Le titre du
chapitre est d'ailleurs barre d'un virulent « scandaleux l ».
Ce mornent constitue bien, en tout cas, une charniere dans l'histoiie de
la guerre d'independance du Cameroun. Dans les coulisses des ceremonies
officielles(voir chapitre 21) se discute le declenchernent d'une repression sans

« C ette epoque, moins on en parJe, mleux c'est. » L'homme au teJe-


phone n'est pas bavard. Commandant d'une compagni.ede J'armee
precedent pou1 mater definitivement une rebellion qui a montre sa vltalite ä
la fin de 1959 en lan~nt des vagues d'attaques coordonnees (voir cha-
pitre 19). Lesforcesde !'ordre, un temps entravees par des institutions transi-
camerounaise en 1960, J'ex-lieutenant Claude Capdeville - contacte en toires et une strategie attentiste (voir chapitre 20), s'appretent, avec
2008 - invoque une banne excuse pour garder Je silence : « J'ai ecrit au mini- l'independance, ä franchir un nouveau palier dans Ja Lutte.
stere de Ja Defense pour demander J'autorisation et on m'a formellement Cette perspective effraie un homme de premier plan, qui s'est tenu
interdit de temoigner sur cette periode. Et ~a m'arrange bi.en2 ! » Au fi1 de Ja jusque-Jäen retrait par rapport aux plus va-t-en-guerre de ses collegues. Cet
courte discussion, l'homme de 74 ans lache quelques bribes. « Les moyens homme est le commandant miJitairedu Cameroun, le colonel du Crest de Vil-
empJoyes,fa a ete ce que ~a a ete, s'agace-t-iJ,mais au moins Ja region a ete leneuve.Marginalisepar les initiatives martia.lesde son subordonne, le lieute-
stable, pas comme en Algerie. » Nos demandes de precisions n'obtiennent nant-coloneJ Lamberton, ou de son superieur, Je general Le Puloch, tous deux
qu'un evasif : « C'etait Ja guerre. Mals encore? « On montait des embus-
)> revenus d'lndochine avec des idees bien arretees sur Ja contre-subversion,du
cades... A l'epoque, la Franceavec Foccartdirlgeait tout, on envoyait J'armee Crest n'a jamaisose claquer la porte. Mais,ce 20 novembre 1959, c'en est trop.
fran~aiseet c'etait regle, pour aider le president Ahidjo. » II adresse une lettre personnelle ä son ami le general Louis Dio, predecesseur
de Le Puloch ä BrazzavilJedevenu ä Paris l'adjoint du chef d'etat-major de
l'armee fran~aise,en charge de J'outre-mer. Du Crest y exprime ses inquie-
Novembre1959: le coloneldu Crestrefuse tudes a propos des initiatives du prefet du BamilekeAlexandreTee Sarkissof,
pret ä s'appuyer sur les foules pour combattre la rebellion « avec une certaine
le « camagedepaysansbamileke»
violence4 ».
Su1tout,il s'alarme de la demande du Haut CommissaireXavierTorre de
En quelques minutes, trois eJements viennent donc interroger la version faire appuyer les actions de la police camerounaise par les militaires fran~ais.
officielle d'une decolonisation pacifique. D'une part, « c'etait la guerre ». Cela, ecrit solennellement du Crest, « je m'y refuse». S'il avoue avoiI jusqu'ici
D'autre part, celle-ci etait pilotee depuis la celluJe africaine de !'Elysee,dans « outrepasse sans remords les conventions etablies avec le gouvernement
un pays pourtant independant. Enfin, dernier element, les instigateurs de camcrounais pour l'annee 1959 », en engageant ses troupes au-dela de ce
cette guerre secrete ne tiennent pas aen parler... Nous retrouvons cette m~me qu'autorisaienl les tcxtcs, IIrefusedesormatsd'aller plus loin. D'apres lui, une
reticencc dnns la reponse lapldalre de CaucteLngane,dirigca111 d'unc amlcnle lntcrvenllon mllllolr·cII n11~ein de la populal'ion bamileke » conduirait ses

39: ,9~J
L 1/11ddpe,ult111ce Jesa11s
rlr111s (1l/59-1960) Ja11iiler/960; l'llrlllfC /rt1llffllSCe1,xt1Je
Ja « reco11q11~te
»

troupes ä « reagir par le feu contre l'assaut d.espaysans et surtout des pay- fl'an~aisune couverture politique et un conseil, et non l'origl.ned'actions tru-
sannes bamileke en transes ». « II peut en resulter un veritable carnage de ces blioncs et de recriminations » 7 • Preuve que Djoumessi n'est la que pour
paysans bamileke, souligne-t-il, et jusqu'a nouvel ordre je me refuse a faire relayer les demandes fran~aises, ce sont les anciens colonisateurs qui ont
endosser par les troupes frarn;aises la responsabilite d'un tel acte. » « Je le ltnpose cette « personnalite attachante », qui a le bon gout d'etre catholique,
regrette sincerement, mais c'est ainsi », s'entete-t-il. converti a Ja monogamie et d'avoir fait ses preuves a la tete d'une « autode-
Le colonel cherche ä.faire partager ä.son interlocuteur son ultime sursaut tcnse particulierement active » l'annee precedente 8 •
de conscience. Du Crest rappelle a Dio qu'ils etaient tous deux d'accord sur En haut du rapport de Cogny envoye au minlstece des Armees, en
la necessite pour leurs troupes d' « eviter de mettre Je doigt dans ce guepier » octobre, un lecteur a annote ä. la main !'ordre suivant: « Attendre. » Mais la
et de laisser Je gouvernement camerounais seul face a Ja « jacquerie » de degradation de la situation, avec les offensivesde l' ALNKä.la veille de l'inde-
l'Ouest-Cameroun. Avant de conclure : « Quoi qu'il en soit, c'est au gouver- pendance, accelere Ia prise de decision. Le ministre des Armees Pierre Guli-
nement fran~aisde prendre position dans cette affaire." Ce dilemme moral laumat partage de plus en plus les analyses les plus alarmistes. Prenant Je
individuel d'un offtcierappelle donc des arbitrages politiques, qui atteignent contre-pied de du Crest, qui oe voyait dans les troubles qu'une « jacquerie »
bientöt les plus hautes spheres de la jeune veRepublique, vers Iesquelles ~ laquelle il convenait de oe pas se meler, il ecrit Je 10 decembre 1959 que
convergent tous les protagonistesdu drame ä venir. l'insurrection camerounaise est en train de « nettement deborder Je cadre
d'une jacquerielocale et menacer l'avenir 9 ». Si bien que lui aussi, comme Le
Puloch et Cogny, aimerait voir Ahidjo monter en premiere ligne.
/anvier1960:lapreparation Du cöte des colons, la pression monte egalement. Leursrepresentaots se
sansprecedent
d'unerepression relaient aupres de Jacques Foccartet de Charles de Gaulle pour dramatiser la
Situation. Le 11 decembre 1959, ceux de Dschang ecrivent au generaJ : « La
Depuis trois mois, avec Je declenchement d'operations a grande echelle vie des Europeens est directement menacee >), soutiennent-ils, evoquant la
de Ia rebellion, certains reflechissentala riposte,une foisle pays independant progression des insurges nationalistes et Leursdernlers raids meurtriers.
et les regards detournes. Des Je 21 septembre 1959, le general Rene Cogny, Regrettantde ne pas avoir le droit d'etre armes en consequence, les pharma-
commandant en chef en Afriquecentrale apres avolr falt ses preuves en lndo- clens, magistrats, professeurset missionnaires demandent « que l'emploi des
chine, a presente au ministre des Armees un plan consacre aux « mesures a forces armees fran~aises soit reserve strictement ä. Ja protection du centre
prendre dans Je cas d'une aggravation de la situation au Cameroun 5 », dans Je urbain de Dschang, Oll sont regroupes les ressortissants fran~ais et Leurs
but de pouvoir ie jour venu renverser le processussubversif par une action
<( lamilles 10 ». Une semaine plus tard, ce sont les colons de Douala qui s'adres-
qui remette le gouvernement camerounais en mesure de construire son infra- sent au president de Ja Republique pour lui faire part de leur angoisse, decri-
structure de !'ordre,,. vant la « sauvagerie innommable » des treize assassinats d'Europeens en six
Le mode d'emploi ne fait pas dans Ja denteUe. Cogny preconise en effet mois, ies lettres de menaces qu'ils re~oivent,Ja maniere dont !es famillesfran-
Jedetachement au Cameroun de troupes stationnees en Afriquedu Nord pour \•aises,armees de grenades, se regroupent entre elles pour se proteger Ja nuit.
une action « massiveet menee par surprise, donc preparee sur tous les plans : Dans une economie paralysee par Je couvre-feu, ou « les producteurs de
diplomatique, politique, propagande 6 ». La manlere forte n'empeche pas un bananes ne peuvent plus exporter qu'au peril de l.eurvie », les signataires agi-
babillage politique subtil : « Tlest indispensable, previent Cogny, que notre ten t Je spectre de l'etablissement d'une « republique du style oriental » 11,
action reponde ä.un appel du gouvernement camerounais, alt pouc but de c'est-a-dire communiste. La psychose n'est d'ailleurs pas feinte. Alors prefet
retablicson autorite, re~oivel'approbation de Ja Communaute et de nos prin- d'Eseka, Roland Barachette confirme : « le 31 decembre 1959, les Europeens
cipaux allies. » Pas question donc de rejouer une guerce d'AJgerieOll l'armee de ma region etaient convaincus qu'ils allaient se faire egorger12 » ...
frans:aisese presentecaitouvertement comme Je dernier rempart de l'Empire. Signe que ce lobbying est eotendu, de Gaulle sort de sa reserve quelques
Le30 decembre, Le Puloch insiste Jul aussl sur 1'« impossibilitemorale et poli- jours plus tard. Le (?residentprend sa plume pour promettre au president de
tigue pour l'armee fcan~aised'assumer une täche de repression "et, par conse- lo Chambre d'agriculture que •<le gouvemement de la Republique,conscient
quent, sur Je röle primordial de la caution camerounaise, en l'occurrence Je de l'reuvre accompllc pnr nos compatriotes au Cameroun, se preoccupe de
nouveau <•ministre-resident·en pays bamileke », !'ex-ephemere president de cWcndre leurs l.6gt1i11w~ et d'assurer leur securite 13 ». Mais pas ques-
lr.116rQts
l'UPC Mathlas Ojoumessl, qui « doit Qtrcpour lc con1m,111Jemcntmllltalre tlon, au momcnt m) fü11 }}0IIVcr11c111cnt est ;wx prises avec les turbulents
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Europeens d'Alger, de lalsser s'ouvrir un nouveau front du rnOme type au "mlsslons devoJues » aux forces lranr;aises sont alors Habl'ies « avec le soucl
Cameroun. « La reserve dans laquelle la France devait se tenir au cours de ces constant de sauvegarder cette indepeodaoce aux yeux de l'opinion Jocale
derniers mois etait motivee par la situation particuHere du Cameroun ä la comme aceux de l'opinion internationale» 18•
veille de son independance, se justifie de Gaulle. Maintenant que Je gouver- Mais cela ne trompe pas l'informateur anonyme de Jacques Foccart :
nement camerounais jouit de Ja pleine souverainete, il est a meme de prendre « Chacun s'efforce de rejeter sur autrui la responsabilite du massacre qui se
les mesures qui s'imposent. » prepare : le gouvernement franr;ais s'efforce de faire connaitre a l'opinion
Dl.oet du Crest sont des lors de plus en plus isoJes sur Jeur position plutöt internationale que ses troupes n'agissent qu'a la priere du gouvernement
ooo interventionniste. Seul Rene Hoffherr, ex-Haut Commissaire du Terri- "independant" camerounais », tandis que le chef de ce gouvernement,
toire de 1947 a 1949, ä qui a ete demande un rapport pour l'occasion, pour- Ahidjo, qui « desire que Ja presse parle le moins possible de ces operations san-
rait !es reconforter. Dans ce Cameroun complique et independant, ecrit en glantes », se defausse sur le fait que « c'est un prince bamileke, Mathias Djou-
janvier 1960 Je vieil administrateur, « Ja France ne saurait assez s'abstenir de messi, dont chacun sait la "brillante intelligence", qui aura ä decider de
toute intervention inconsideree dans les querelles intestines » et devrait y l'emploi des forces mises a la disposition du Cameroun ». « Si encore, conclut
« proscrire rigoureusement toute ingerence militaire directe » 14 - un passage la missive, ils pouvaient ainsi tromper l'opinion des autochtones ! Malheu-
soigneusement supprime lors de la presentation de son rapport devant l'Aca- reusement, il devient toujours plus cla.ir que Ja France s'efforce de maintenir
demie des sciences d'outre-mer, Je 5 fevrier 1960 15 • atout prix un gouvernement fantoche, eile qui fit tant de bruit autour du sou-
Mais ces trois hommes representent deja Je passe car, au meme moment, levement de Budapest et de l'intervention des chars russes en Hongrie ! Nous
c'est tout le contraire qui se trame. La lettre manuscrite du 17 janvier 1960 recommen~ons l'experlence Bao Dai'•ou Ben Arafab.Et U paralt que Godefroy
dont le nom de l'auteur est indechiffrable, retrouvee dans les archives person- [directeur de cabinet franr;ais d'Ahidjo] et ses acolytes sont optimistes et
nelles de Jacques Foccart et evoquee au chapitre precedent, depeint l'atmo- pavoisent 19... » Une fois envoles les derniers scrupules du Premier ministre
sphere lourde qui regne alors dans les cercles dirlgeants. Apparemment bien camerouoais, Ahmadou « Bao Da'i » Ahidjo, a endosser !'offensive, les
introduit dans les secrets d'aköve, l'auteur a « de plus en plus l'impression attaques peuvent commencer.
que tout est perdu».« Le gouvernement, poursu:it-il, s'engage de plus en plus
dans la voie de Ja vioJence. » Une ambiance de veillee d'armes a envahi les
medias. « Lundi soir, ecrit l'inconnu, la radio de Brazzaville annonr;ait que la LegeneralMaxBriand,« ungoü:ttresprononce
France avait envoye ä Ahidjo deux bataillons de parachutistes pour l'aider a pour le travaildepacification»
maintenir !'ordre. Hier matin, eile annonr;ait qu'au cours d'un conseil res-
treint du Haut Comite de defense nationale, de Gaulle avait donne son accord Pour la mise en ceuvre de cette strategie, il est hors de questlon de
pour un empJoi des forces franr;aises en vue de la "pacification" du pays. Et s'appuyer sur un officier sujet au vague ä l'äme comme du Crest, « accuse
dans Ja journee, j'apprenais que deja trois cents hornenes avaient ete d'etre trop liberal » selon un conseiller technique de l'epoque (« il estimalt
debarques ä Douala et qu'on en attendait eing cents autres 16• » A l'evidence, qu'il y avait souvent des possibilites de dialogue pour eviter Je conflit » 20). Si
!es plus hautes autorites fran~aises oot decide de prendre fermement les du Crest refuse Je « camage » annonce, i1 doit etre remplace. La voie se libere
choses en rnain. Comme le revendiquera d'ailleurs sans detour Michel Debre, donc pour le general de brigade Max Briand, qui arrive de metropole le
alors Premier ministre, dans ses Memoires : « Je decide d'entreprendre une 20 decembre 1959 pour prendre le commandement interarmees des forces
veritable reconquete 17• »
Mais l'obsession des Fran\ais, au tournant de l'independance, est de
forcer Je nouveau pouvoir apparemment independant ä a~sumer la responsa- ,1 ßao DaY(1913-1997) fut le demier empereur du Viet-nam, de 1924 ä 1945, avant d'etre
conlralnt ä J'exil par le Viet-minh. Au cours de Ja guerre d'lndochlne, les autorites fran-
bilite politique de 1a guerre qui se profiJe. Cette strategie explique le decou•
~alses l'ont ensuite nomme Premler mlnistre du Sud-Viet-nam de I 949 il 1955, dans
page chronologique des operations de grande envergure, qui ne commencent l'espolr qu'll Lncame un natlonalisme profran~als, alternatlf ä ce.lui developpe par le
qu'apres Je 1er janvier 1960. Les discussions des premiers jours de 1960 se resu- Vlet-mlnh.
ment donc en realite essentiellernent ades questions de comrnunlcation poll• h Mol1a111nwdBen Arnfo ( 1899-1976) etalt le sultan brievement place sur le tröne du Maroc
par lcs Fwr1,a1s en 19S3/\ In plncc de Mohammed ßen Youssef, le futur rol Mohammed V,
tique. Retra~ant l'historique de ces mois agites, le colonel Plerre Aufcuvre,
con1ral111a l'cxll !!11C'or~cpul~~ Modogascar tusqu'cn 1955 pour ses prlses de position
comrnandant des forces fra111;alses au Cameroun de 1962 b 1964, ~crlra que les 111d~pc11clnn Lhlt.lS.

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fran~aisesau Cameroun (Cominterarm Cameroun) et qul serale plvot de IO w1ll1\••tcrrol'ls1nc et chcf uel'etat-major de Massu cn Algerie(qui occupera
repression durant deux annees. Ne en 1905 dans la Sarthe, orphelin de perc jJ 11111l,1~uilcdes foncllo11scentrnlesau sein de l'OAS).Tout au longde la tumul-
5 ans, brillant saint-cyrien sorti dans l'infanterie colonlale, le general de 1111•u~c ~poque de la clecolonlsation,ou l'armee prencll'habitude de sortir de
fraiche date, a 54 ans, est l'homme de la Situation. C'est un guerrier impres- ,1111r0lc, Max ßrland, sans jarnaisfranchir la ligne jaune de Ja desobeissance,
sionnant, autoritaire et charismatique, mais peu causant, capable de ne pas ,1\Ouvc:M flirte avec eile. Au moment Oll de Gaulle s'apprete a rompre avec
dire un mot a sa femme pendant une semaine. Un officier passe sous ses l'/\lg~rlefran~alse,il a ete sur le point de demissionner. Mais, au lieu de cela,
ordres, le colonel Rene Lantelme, le decrit comme « une gueule terrible », « un 11~'cst rctrouve adjoint de Massu a Metz. Frondeur, il se vantera ensuite
grand gars bien baraque, blond avec des yeux bleus, dote d'une autorite natu• 1!1uvolr vote pour Je candidat trotskiste Alain Krivine a l'election presiden-
relle remarquable », « un chef sous tous les sens du terme » 21• t ll11lc
de 1969 (« lls font chier, faut que ~apete ! ») tout eo militant, des annees
Briand est surtout un chef de guerre. Apres avoir rejotnt tardivement 1htr,1n1,pour l'arnnistle des generaux putschistes de l'OAS26 • Au potnt de
l'armee de Leclercen 1944, il a realise une brillante campagne d'ltalie et de p11•ntlrcla tt!te, de 1974 a 1980, d'un important lobby d'extreme droite des
France, comme en atteste son dossier personnel consigne aux archives de 11<1füllgfques de l'Ernpire fran~ais, l'Association des combattants de l'Union
l'armee de terre. Lieutenant-colonel eo lndochine de 1947 a 1951, il en 11,111~alsc (ACUF).« J'y suis pour evlter qu'ils aillent trop Loin», se justifiait le
revient barde de citations pour avoir, selon ses superieurs, « insuffl[e] a ses Hfocralde division a la retraite aupres de ses proches...
subordonnes sa foi dans le succes et sa volonte inebranlable d'aneantir !es Urland est clone le patron, un commandant militaire aux idees bien
22
rebelles ». On se souvient notamment de ce 8 fevrier 1948, ou, « sans entrat- n11N~csappele pour mener une guerre sans retour. Pour l'anecdote, un detail
nement, [il] s'est fait parachuter a Vinh Loi avec une compagnie sur Ie repaire wrnlt tout aussi bien pu fairetout capoter. Ayant rejoint son mari ä Yaounde
d'un bataiUon rebelle ». Fort de ce fait d'armes remarque, il prend te comman- 1111tl~but de 1960, la femme du general va saluer Mme Ahidjo et tombe au
dement de la zone est des Forcesfranco-vietnarniennes du Sud a la suite du 11~1 our d'un couloir sur le Premierministre camerounais lui-meme.Lequel,en
legendaire colonel Jean Boucher de Crevecceur,qui fait l'eloge d'un officier 1411lsc de salutations, lui met la main aux fessesa deux reprises.Desar~onnee,
« d'une bravoure connue, toujours attire par le combat », montrant « un goßt Mmc ßrland se confie al'ambassadeurde FranceJean-PierreBenard,qui reagit
tres prononce pour le travail de pacification ». ,,,1cJlplomate:« Ou on le dit avotre mari, et il s'en ira. Ou alors on ne lui dit
Au moment d'etre mute au Cameroun, Briand, apres un passage au tlt•11.,. ßenard a garde le secret, et Brianda mene la guerre pour sauver Je petit
commandement militaire de l'Oubangui-Chari, est depuis trois ans en l't•ulp!nccurde fesses27 ...
Algerie,Oll il commande Je secteur d' Aumale.Son dossiermilitaire evoque ses
exploits dans la region de Palestro en mai-juin 1957, au cours de« combats
allant jusqu'au corps-a-corps au cours desquels cent trente-cinq rebelles Debre,Messmeret Lambertonala manreuvre
furent tues z:i », ce qui Jui vaut les eloges du general Salan. Et Je ministre des
Armees lui-meme, Pierre Guillaumat, va jusqu'a le feliciter pour son « effort Lccho.ixdes hommes en charge de piloter le « retablissementde !'ordre»
soutenu dans le domaine du renseignement 24 », deux mois avant son depart do,rnc lfeuä d'intenses tractations. Preuvede l'importance du sujet, les opera-
pour Je Cameroun. Le Premier ministre Michel Debre ecrit que le general llons passent apartir de janvier 1960 sous le contröle direct de Matignon, qui
Briand lui a ete recommande par Pierre Guillaumat. Son fils,Pierre Briand, se pllvc Je Quai d'Orsay de taute Iatitude sur l'action de la France dans ce qui
souvient que son pere avait egalement ete pousse par PlerreMessmeret Louis !'\I pourtant ä present un pays etranger - ce qui montre bien que Ie gouver-
Le Puloch, ce qui atteste que sa nomination a non seulement ete decidee en nc,ncnt fran~aisne considere toujours pas le Cameroun comme un pays tout
haut lieu, mais en taute connaissance de cause 25• lult lndependant. Cette cavaliere prise en main est d'ailleurs l'occasion
Le choix de Briand n'est pas neutre. Le general est sensibillsea la cause tl'1111c vive passe d'arrnes epistolaire entie deux barons du gaullisme, le Pre-
d' Ahldjo gräce a son beau-frere Louis Sanmarco, cet adminlstrateur fran~ais 11tll1rmlnlstre Michel Debre et son ministre des Affairesetrangeres Maurice
ami de Roland Pre qui a aide le Premier ministre camerounais ä gravir les pre- < tHIVCclcMurvllle.
miers eche.lonsde son ascension (voir chapitres 3 et 6). Sans etre lul-meme un l)cbrc, appuye·« e11tlerement» par de Gaulle, justifie ce transfert par
doctrinaire, Briandest proche des theorlclens de la « guerre revolutionnalre ». l'linpo,tancc ä cc moment-la des problernesmilitaires,qui n'entrent pas dans
Ami du colonel RogerTrinquier et du generalJacgues Massu, IIa l'habitude de ll' l lrnmp clecompctenccs du Qunl d'Orsay 28. L'ambassadeurdevra donc avoir
partir en vacances avec le lieutenant-colonel Antoine Argoud, theoriclcn du Mul114nonpour In1cr!ocutc11r.~ 11cst ä pclne bcsoln de vous dire que jene

398 J()9
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/11111'1,·1 "''S"S''/a ,, rr!c,a11,111ew
11

peux vous donner mon accord », rcpond Couve avcc « quclquc vch~mencc» tl('~ormalsun poste pollllquc, d'ou II garde un ~II expert sur les affairescame-
a « [s]on eher Michel » le 19 janvler 1960. Un ambassadeur qul ne depende 1ounolses.Prcuvcque lc mattrc d'~uvre de la ZOPACconserve une influence,
pas des canaux diplomatiques habituels, voilä un procede qui semble « tout ti t'es1 lul qui expose tres ouvertement en mars 1960, dans Larevue officielle
fait extraordinaire » au ministre. Le Cameroun serait-il un pays a part? Oui, 1)f(ensenationale,les objectifs de la campagne m!litalre eo cours : desagreger
repond Debre en substance, en soulignant les « competences exceptionnelles k ~ Cilil lou bamileke » loge dans la chaussure du Cameroun independant 29
qui incombent a la France en ce qui concerne cet Etat». Le chef de la djpJo- (volr chapltre 24). Et il semble imposer sa visioo du conflit aMax Brland qui,
matie frarn;:aise,qui n'est « pas habitue aetre traite de la sorte », ne peut qu'en cl'cmblee,affirme qu'il est Ja pour en finir sans negocier avec une rebellion
conclure, resigne, Je 9 fevrier 1960 que Je service qw sera charge du Came- dont la simple existence lui semble « illogique 30 ». Essentiellement causee il
roun au sein de Matignon ne sera rien d'autre qu' « une des survivances de la ~l'~ yeux par un accroissement demographique bamileke debordant, Ja « jac-
rue Ourunot », en reference au rninistere de Ja France d'outre-mer, supprim.e
querie » de l'Ouest serait passeeau stade du « phenomene de guerre subver-
quelques mois plus töt. Censee ne durer que six mois et uniquement pour le
ilve », une guerre revolutionnaire menee par l'UPC qui exploiteralt
Cameroun, cette depossession provisolre du Quai d'Orsay s'est rapidement
1,nt>ilementI'« incommensurable credullte de J'Afrlcain » 31 • Comme en
generaliseea tout le pre carre afrlcain•.
t~moignent son vocabulaireet son schema de pensee, Briandmet ses pas dans
Quand on sait que l'ambassadeur Jean-Pierre Benard, dont Debre et
ccux de Lamberton deux ans plus töt. Cette communaute de vues se traduit
Couve se rusputent Latutelle, est un intime de Max Briand (il est Je parrain
de sa firle),on volt se dessiner une equipe soudee pour mener la besogne en. par des options mfütaires similaJres: la methode forte. II faut « agir vite », ne
pays BamHeke:Debn~aMatignon, BenardaYaounde,Le Puloch aBrazzaville n:ssede demander Briand,car « le temps joue contre nous » 32 •
et Briand sm le terraln, allant et venant de Dschang ä Douala pour mener la Une seule faussenote viendra troubler ce bei ensemble: le remplacement
guerre. Apartir de fevrier 1960, deux acteurs bien connus viennent completer cn juin 1960 de Le Puloch a la tete de la Zone d'outre-mer n° 2 par le general
le tableau. Pierre Messmer,devenu officier en Algerieapres avoir assume Ies 1/obertSizaüe, qui se revelera ne pas etre un foudre de guerre. Jl n'est d'ail-
chargesde gouverneur general de l'AEFpuis de l'AOF,est brusquement appele le11rsque le second cho.ixil ce poste du rninistre Messmer,qui avait propose
par de Gaulle a prendre la tete du tres sensible ministere des Armees,ou il res- lc 27 fevrier 1960 la fonction au ... general Massu.Tldevenait en effet urgent
tera une decennie. Pour l'epauler, !'ex-Haut Commissaire au Cameroun falt pour lui d'« exfiltrer » l'offider frondeur, dont le rappel en metropole, apres
appel ä son vieux compliceJean Lamberton, qui devient Jechef de son cabinet ~escritiquescontre Je debut de volte-facegaullistesur !'Algerie,avait mis le feu
militaire. ,n1x poudres et provoque a Alger la « Semaine des barricades » de jan-
Apres un passage comme professeur au Centre des hautes etudes mili- vler 1960. Mais Je « heros » de la bataille d' Alger,bourru, a refuse la proposl-
taires, une mission au Sahara en decembre 1959 (quelques jours avant l'explo- tlon : « Si le general estime que je ne suis pas bon pour Je servir en Algerie,je
sion de la premiere bombe atomique fran~aise ä Reggane)et une « mission 11cvois pas pourquoi je serais bon pour Je servir a Brazzaville33... » Le recy-
secrete autour du monde avec l'amiral (Paul] Ortolib », Lamberton assume dage en Afrique subsaharienne des partisans de l'Algerie fran~aiseattendra
c11coreu.n peu (voir chapitre 25).
En attendant l'arrivee de Sizalre,Le Puloch et Briand s'entendent amer-
a En effet, les relations avec !es pays du • pre carre" seront blentöt conslderees comme rele- vellle. lls font Ja tournee des ministeres a Paris, pour rassembler le budget le
vant du • domaine reserve • presidentiel. L'annee 1960 constitue cependant une etape plus consequent possible avant de lancer !'offensive.Quitte agonfler un peu
dans Ja structuration de la • gouvernance » de la Fram;afrique naissante, dans la mesure ou
Matignon joue encore les premlers röles sur ce dossler. Au moment des echanges de lettres In menace pour gagner des marges de manceuvre. L'astuce ne trampe pas le
entre'Debre et Couve sur le Cameroun, l'omnipresent Jacques Foccart est certes deja le fln connaisseur des affairescamerounaises qu'est Pierre Messmer : dans une
• Monsieur Afrique • de !'Elysee, rnais i1 n'est pas encore secretatre generaJ de la Commu- nolc rnanuscrite de fevrier 1960, i1 dit avoir « ]'Impression que nous enga-
naute (il Je deviendra en mars 1960). Pendant quelques moi5, le Premier ministre M.ichel
Debre est donc en premlere Ugne sur !es dosslers subsaharlens, au moment meme ou, par- gcons dans les operations des effectifstres importants campte tenu de notre
tisan du maintien de la France en Algede, i1 se ttouve marginalise dans le dossier algerien. :idversaire34 ». Tant pis, les fonds sont debloques et l'arroada se presse aux
La conquete et Ja consolidation du pouvoir d'Ahmadou Ahidjo, lors de ces premleres portcs de la reglon Barnileke.Aux premiers jours de l'annee 1960, six compa-
annees de crise, ne sont par consequent pas directement ll~s a l'lnterventton de Jacques
Foccart, ce qul jouera un röle par Ja sulteclans la nature de leurs rclatlons (voir chapltrc 32). gn lcs d'infanterie, un peloton blinde et deux rames de transport sont
b Selon les termes de son fils, lui-m~me general, mlsslon dont on 11.c Mrouvt• pas 1roccdan.s rcgroupcs au sein cl'un „ dlsposltlf de protection de l'Ouest-Cameroun »
~Ondossier mUitairc.
([)IPl'O).

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Ce deplolement montre que l'lndependance du Co111croun n nccelere la Une fois sur placc, lc g6116ralßriancl trouve une situation militaire cata-
repression ä grande echelle des nationallstes. Toul comrne l'admlnistrateur ~Irophique pour la France. "Dans Ies premiers mois de I'annee 1960, ecrira
Jacques Germain ne s'etait jamais senti aussl puissant qu'apres le 1'" janvier jean-Pierre Benard, les rebelles contrölaient la plus grande partie du pays,
1960 (voir chapitre 21), les chefs militaires fran~ais sont liberes par cette Imposant leur autorite a une population terrorisee. La circulation etait inter-
pseudo-independance. Des Je 12 janvier, par exemple, Briand annonce ä son rompue sur la plupart des itineraires coupes d'abattis et de fosses,les villages
subordonne immediat, le lieutenant-colonel Andre Lauriere, qu'il dispose lncendies et les marches desertes. Les representants du gouvernement, rap-
desorma1sde davantage de pouvolrs 35 . Comme l'ecrira en mai 1962 le succes- pelte I'ambassadeur de France, se trouvaient enfermes dans les centres, eux-
seur de Briand, le colonel Pierre Aufeuvre, « !es forces frans:a!sesont [alors] memessoumis ä de constants harcelements 40• » Le reporter du FigaroPhilippe
res:utoute latitude d'adopter pour le retablissement de !'ordre Ja tactique Nourry confirme en janvier l'etendue de Ja secession ä l'Ouest, avec l'appui
appropriee 36 ». tres large des populations. « 500 000 Bamileke », ecrit-il, sont passes sous
l'autorite de l'ALNK,« qui fait Ja loi, sauf dans quelques centres », gräce aux
« 400 000 [Bamilekequi] fournissent aux rebelles une aide manifestement

« Preliminaires
» active » 41• « Lesforcesde !'ordre, ajoute Nourry, sont irnpuissantescontre des
milliersd'hommes fanatises,galvanisespar leur succes,et appuyes par les huit
dixiemes de la population. Deux semaines plus tard, le meme journaUste
)>

Une fois toutes les decisions prises ä Paris,une fois les credits debloques, s'interroge sur les motivations qui poussent ces habitants qui, « une nuit sur
une fois !es chefs rnilitaires envoyes sur le terrain, Ahldjo peut donner le deux », sortent couper les routes, mobilisant parfois « 10 000 honnetes
change et faire mine de decider lul-m~me d'en appeler ä l'armee frans:aise paysans, hornmes, femmes, enfants, [qui] se sont mis sans rnot dire ä creuser,
pour six mols - pour commencer. « Lutte totale contre la rebelUonet Je bandi- sur vingt-cinq kilometres, des centaines de tranchees sur Ja raute» 42 •
t isrne », titre le journal progouvernemental La Pressedu Cameroun du On est loin de l'image des quelques bandes manipulees par des sorders
19 fevrier 1960. C'est un Ahidjo martial qui clame que « Jes forces du bien decrites peu de temps auparavant. Au sud du Bamileke, dans le Mungo, la
triompheront de cellesdu mal 37 ». 5ltuation est moins compromise pour les autorites, mais l'emprlse de l'UPC
La fable officiellede l'appeJ au secours du pays independant envers son empeche de fait l'evacuation des bananes, qui constituent le ca>urde l'eco-
ancien tuteur est reprise sans sourciller par Ja presse fran~aise. « Moins de nomie de la region. Les communications avec les autorites britanniques de
quinze jours apres son accessionä l'independance, le Cameroun, menace par l'autre cöte de la frontiere sont coupees et les ecoles sont vides. A tel point
l'anarchle, fait appel aux troupes fran~aises», titrent par exemple lesDernieres qu'un rapport militaire decele dans Ja region « une man<:Euvrebeaucoup plus
nouvellesd'Alsacele 13 janvier 1960. Avant d'expliquer benoitement, comme subtile que celle des attentats terroristes : la population echappe psychologi-
tous Iesjournaux frarn;aisqui recopient le meme discours (et les memes fautes quement a l'influence de l'administration 43 ». A la secession militaire du
d'orthographe), que la « responsabllitedes operations » incombe a« Djimousi Barnilekerepond donc une secession « psychologique» plus au sud. Et, pour
Mathias » [Mathias Djoumessi]38 • Le quotidien brltannique DailyExpressse ne rien arranger, eo Sanaga-Maritime,les troubles ont repris44 •
delecte de ce gouvernement africain reduit ä lancer des « appels desesperesa Dans l'urgence, au cours de la periode qu'il appeJJeles « preliminaires »,
l'aide », meditant Ja « dure Jes:onde cette "independance", ä savoir qu'il est ßrland met en place le plan de bataHle. Attendant Ja constitution de son
impuissant ase defendre lui-meme, et qu'en demier recours, c'est aux "colo- armada, il commence par donner aux troupes dejä en place ses premieresins-
nialistes" qu'il doit demander protection » 39• La « dure le~on », visiblement, tructlons. Ellessont denuees de toute ambiguite. Des Ie 8 janvier 1960, dans
reconforte les leaders d'opinion europeens et sert egaJement de message une note de service, il ordonne que soient menees, des que des renseigne-
d'avertissement envoye a toutes les nations africaines desireuses d'acceder ments sur l'organisation adverse sont recueillis,des « actions courtes et bru-
elles aussi ä l'independance. Un gouvernement qui se passerait de l'armee tales •5 ». Le 12 janvier, ecrivant a ses nouveaux subordonnes, Briand leur
fran~aiseest condamne d'avance. Voiläpourquoi Paris met autant d'acharne- clernanded'eviter « toute destruction non indispensable qul ne serait en defi-
ment ä sauver le bon Ahidjo qu'ä combattre le rnauvais Sekou Toure. Cette nitive qu'un aveu de faiblesseou une reaction passionnellecontraire ä !'ideal
demonstration de force est d'autant plus sensible qu'elle pennet ä tous les de clvillsation que nous defendons ». Avantde nuancer cette consigne de pru-
observateurs exterieurs de mesurer la determlnation de la Francc A defendre dcnce: "Au stadc cic l'cx~cution, concede-t-il, il convient cependant d'agir
ses obligessur le continent. E.tAabattrc ses ennemis ... sam falblessc et ~vcutucllcn,cnt avec tous les moyens de feu dont vous

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dlsposez.» L'ordre est nouveau, si 11011 se souvlcnt quc du <..re~tet Le Puloch, tcux longtemps affubl~sdu 1crincgcnerlque de « tirallleurs senegalais» • De
jusqu'ici, n'avaient autorlse les mitralllagesaerlens qu'avec parclmonle, resis- longuc date, l'intervc11Uo11 de soldats etrangers, « insensiblesaux influences
tant tant bien que mal aux demandes pressantes remontant du terraJn. "En lo<.aleset aux propagandes politiques », comme disait le Haut Commjssaire
particulier,insiste Briand, je considere que toute entrave a la liberte de circu- L>clavignetteen 1945 50, a ete per01e par les autorites fran~aisescomme une
lation est de nature a mettre en peril les troupes dont vous avez la responsa- l1s,urancecontre tout risque de desertion ou de compassion a l'egard des
bilite : vous etes donc autorise, sl vous Je jugez necessaire,ä mettre en reuvrc populations autochtones. Ces soldats ont laissede douloureux souvenirs aux
l'appui feu aerien 461 • » Dorenavant, chaque obstacle pourra susciter une maquisards qui les ont combattus. On parle frequemment d'eux au Came-
attaque aerienne. roun comme des « balafres », en raison des scarificationseffrayantesque cer-
Plus embarrassante, une fiche de mars 1960 emanant de I'etat-major de 1,1insarboraient au visage51•
Briand,concernant le Mungo, rappelle que les « coups de main sur renseigne- Lesofficiersfran~ais,eux, n'ont pas de scarlfications.« Une belle gueule,
ments » ont « pour but d'annihiler les groupes terroristes et leurs sympathi- u11ba1aize.Gribelin, c'etait une silhouette, se souvient un subordonne sub-
52
sants » 47 • Or, les Jois de Ja guerre, si elles peuvent preter ä Interpretation sur jugue.ttre commande par un type comme lui, ~a donne confiance • » Grand
la possibilite d'annihiler des groupes « terroristes », n'autorisent assurement gaillard dote d'une fine moustache, Rene Gribelin, commandant du GTN,
pas de faire subir Ie meme sort ade simples<•sympathisants ». Pasde doute, Ia connatt bien a la fois Je Cameroun et la guerre revolutionnaire. Quand II est
page de Ja tactique defensiveest definltlvement tournee. c11voyea Bafangen ce mois de fevrier 1960, le lieutenant-colonel a 47 ans. 11
a fai.tsa carriere dans l'infanterie coloniale avant guerre, au Maroc et au
Tonkin Olli1a vecu la Seconde Guerre moncliale, comme Lamberton, avant
La guerreahuis clos d'y etre capture par les Japonais en 1945 et rendu a l'armee fran~aise du
gcneral de Gaulle53• C'est naturellement en lndochine, de 1945 a 1950, qu'il
Ledispositifde protection de l'Ouest-Cameroun(DTPPO)est supprime au fait ses armes dans la lutte contre la subversion viet-minh, au poste de chef
bout d'un mois. A Ja place, l'Ouest-Cameroun est divise en deux zones miH- du servicede renselgnement operationnel dans le Sud-Viet-nam,s'y faisant
taires, le groupement tactique Sud (GTS),dirige par le lieutenant-colonel " particulierement remarquer par son allant et par sa jeunesse».
Andre Lauriere,qui englobe le sud du Mungo, le Wouri et JaSanaga,et Jegrou- Apresun passagea Douala comme commandant d'armes de 1953 a 1955,
pement tactique Nord (GTN),commande par le lieutenant-colonel Rene Gri- il est envoye en Algerieen 1959, oll il est chef d'etat-major du secteurNord du
belin, qui s'applique au nord du Mungo et au departement Bamileke.C'est sous-secteurde Nedroma. Legeneral Challe distingue en lui un « offlder supe-
ce demier, affecte aux zones « les plus pourries », qui sera charge de porter !es rieurd'un dynamisme remarquablequi [...] s'est consacreavec foi al'reuvre de
coups !es plus durs a l'armee upeciste. pacification,[...l menant avec vigueur et tenaclte la h.tttecontre les rebelles».
La tactique choisie par Briand n'est pas sans risque, en ce qu'elle consiste Gribelin a notamment a son actif, souligne Maurice Cha11e,"de magnifiques
ä concentrer les efforts sur !es zones les plus « infectees », au risque de fragi- succes(... j qui se soldent, ä ce jour, par Ja mise hors d'etat de nuire de trente-six
liser !es autres, comme Ia Sanaga ou le Mungo 48• Briand ne saupoudre plus rebelleset de soixante-quatorzemembresde l'organisation politico-adminltra-
ses troupes, il attaque. Debarrassede la contrainte de se limlter a du malntien tive », sans parler de sa participation personnelleaJa« reduction de la grotte de
54
de l'ordre, le nouveau general fait Ja guerre. En Bamileke,Gribelin peut ali- Sofiane,departement de Tlemcen, avec le bi1ande clnq rebellestues » • Bref,
gner une belle armee. Diviseen trois groupes bases a Dschang, Bafoussamet un soldat qui, dote d'une « souplesse» vantee par le general Challe, ne risque
Bafang, son GTN affiche onze compagnies d'infanterie coloniale, treize pas, lui non plus,d'eprouver les memesscrupulesque du Crest.
pelotons de gendarmerie, quarante-neuf groupes commandos de suppletifs; Labataille se joue a huis clos. Lesjoumalistes sont soumis une fois de plus
3 500 hommes au total, « dont 1 500 commandos 49 », se flatte-t-il.Si les offi. ä la regle du blackout, imposee formeUementpar Paris.Des le debut de la cam-
ciers et sous-officierssont quasiment tous fran~ais,les soldats de base sont en pagne, le ministre des ArmeesPierre Guillaumat a ete tres clair, en demandant
grande partie issus des colonies, qu'il s'agissede Bambara,de Sara ou de tous
---
.i
Lcscrgent A11c1ri:Kollngbnauralt atnsl servl au Camcroun en 1960, avant de devenlr presl-
a Eug~nc-JeanDuval, contröleur general des arm~s en rctraltc qul clte cc1ordre, precl~equc dcnt de la R~publlquccmtr.ifrlcalnc de 1982 ll 1994, ou il contlnucra d'allleurs d'assumer
Briand a dernande par In sulle A ses suhordonn~, de lc dötnilrc. Nou, n'nvoM pu rct rouvcr s011,Oll' de loynl ~ul1ht1111•111i:r,111~·nfrlquc.
Contoct~ cn 2008, avant sa rnort, II n'a pas
cettc lctt re du 12 Ionvier 1960 dons lcl ,,rchlVl'~tllllltolrcs. do11t1~~ullci\ 110,Mllfü111111nm

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« que soient interdites ou a tout Je moins llmltees au strlct ntlnlmum lcs actl- Offensives:« Lc,vielw.mainene compteplus»
vJtes des representants de la presse tant· fran~aise qu'(-trang~re 55 ». Si ce.rtalns
rares journalistes peu regardants sont acceptes, c'est a la condltion de rester La reprlse en main de la zone se heurte dans un premier temps a de
« embedded)), collant aux basques et au discours officiel de l'armee. A leur grandes difficultes. Le retour eo force des troupes fran~aises, comme on l'a vu
intention est meme prevue une mise en scene composee depuis le ministere dans les chapitres precedents, ravive de mauvais souvenirs: « Pour des raisons
des Armees, resumee dans une instruction personnelle et secrete du ministre que j'ai mal determinees, ecrira Briand, dans tou t le Bamileke, au debut 1960,
adestination de Max Briand. « Vous eviterez tout acte ou taute terminologie l'apparition ou le contact d'une unite fran~aise plongeait les populations dans
militaire susceptibles d'etre interpretes comme une mainmise de l'autorite un etat de peur panique 59. »
fran~aise sur les zones rebelles », est-il demande au general. Et Guil- Les « zones contaminees 60 » ne sont pas si simples a nettoyer. Car les offi-
laumat d'insister : « Eviter soigneusement de faire flotter !es couleurs fran- ciers fran~ais, loin de se heurter a de simples « brigands », doivent affronter
~aises sur les edifices publics recuperes sur la rebel1ion. Par contre, user et des soldats, capables, malgre !'extreme disproportion des forces en presence,
abuser du drapeau camerounais : si cet embleme est sans grande signification de manreuvrer, d'anticiper, de se coordonner, jusqu'a infliger parfois de vraies
pour !es habitants de Ja brousse, il n'en va pas de meme ni pour les elites came- defaites a une armee etrange.re dont les moindres mouvements sont observes
rounaises ni pour les representants de la presse etrangere 56• » Quand on voit par un systeme de guetteurs (appeles les « douaniers 61 ») echelonnes le long
que c'est par une armee etrangere que !es trois couleurs nationales sont agitees des cretes qu'offre le relief de la region. Avec leurs semblants d'uniformes
en toute occasion, on comprend mieux !es sarcasmes des upecistes a propos chJpes dans les surplus de l'armee britannique, quelques berets ou chapeaux
du « nationalisme » revendique par Je nouveau pouvoir local... de brousse, les combattants de l'ALNKn'ont pas toujours fiere aUure, mais ils
La hantise du ministre sembJe etre J'assimilation de ce conflit en terre savent se battre.
etrangere a Ja guerre d'AJgerie, qui dechaine !es passions au meme moment a Gribelin l'apprend a ses depens lorsqu'il lance du 15 au 17 fevrier l'« ope-
quelques milliers de kilometres plus au nord. « II ne saurait etre question de ration Charlie ». Cherchant a degager Dschang jusqu'a la Metchle, son
transposer au Cameroun les principes et methodes appliques en Algerle », bataillon de marche du 28° regiment interarmes d'outre-mer (RIAOM) au
insiste-t-il. Craignant apparem.ment que des pertes en hommes supplemen- grand complet, soutenu par l'aviation, avance sereinement, degageant un a
taires braquent !es projecteurs sur cette guerre si bien cachee, Je ministre un les obstacles laisses sur la route par des insurges qui paraissent avoir
ordonne, « pour taute action susceptible d'entra1ner une effusion de sang», deguerpi devant l'avancee de l'armee. « II sembJerait que les re.nseignements
d'« utUiser en priorite les forces camerounaises ». Face au camage que tout Je foumis par les services de recherche locaux aient ete exageres et qu'on ait
monde pressent a ce moment-la, Gulllaumat, quelques jours avant de quitter donne beaucoup d'importance a quelques maquis epars et sans moyens
le ministere, s'efforce non pas de l'empecher mais de degager sa responsabi- d'action )>, en condut le chef du GTN. lllusion ! Car, au fur et a mesure que le
lite. « Au cas ou le representant local du gouvernement camerounais decide- commandant de l'operation descend vers Je sud, les maqulsards, « tenus au
rait de proceder a des actions de represames collectives contre les personnes et courant de sa progression par leurs vigies, remontent, eux, vers le nord, recou-
l.esbiens, ecrit-il, vous veillerez a ce qu'aucun militaire fran~ais n'y participe. » pent !es pistes derriere les unites 62 » et poussent deux colonnes de deux cents
Le resultat est le m€!me,mais l'honneur est sauf. hommes chacune 63 sur la ville de Dschang, capitale administrative du depar-
A la lecture de cette tartuferie, le destinataüe de cette missive, peut-€!tre tement, qu'ils attaquent dans Ja nu.it du 18 au 19, tandis que le batai11onen est
Briand lui-meme, a griffonne un « Tu parles ! Verballsme bien fran~als », qui encore a degager la raute du retour. Le raid sur Dschang fait plus de quatre-
montre bien le peu de cas qui sera fait de ces hypocrites consignes de pru- vingts victimes avant d'€!tre disperse par l'intervention de la gendarmerie.
57
dence ••• Cette politique de represailles collectives, trois mols plus tard, Au m€!memoment, sachant les troupes fran~aises accaparees par l'opera-
semble d'ailleurs avoir ete mise en reuvre par les autorites camerounaises. tion Charlie, d'autres groupes insurges, plus au nord, en profitent pour
Max Briand, dans un rapport de mars 1960, precisera en effet qu'il se refuse a
la mener lui-meme, car cette politique « parai:t avoir donne plus de deboires
que de resultats 58 », ecrit-il sans plus de detaiJs'. du ßamileke, le pr~fet Ter Sarkhsof expose que « des actions de represailles out ete menees
~ur lc grouperneut clc llaleveng pa.rles Bafous, sous le contröle administrat1.f penclant que
l'nrrn(\e protögenlt tc,~ltO\IOll,~de r~paratlon de routc. Cesactlons sont ä poursuivre ,, (p. 4,
a Lesarchlves mllltalrcs franr;aJsesfont :illuslon lt ce type di.!prntlqucs durn111celtc p~rlodc. SHAT,6H261I), l o r6ponllhrn etc~rOlc~cn1-rcFrancats et Cameronnals, clvlls et mJlltalres,
Lc I" f(ivrlcr 1960, nu cours du rontltc de coordlnotlon N cl'orlcniollon clu Rcnsclguomcnt scmlJlt;> tel porf,1lien1t•1ll
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attaquer BaJengtrois nuits de suite. Grlbelin, defait, tlre so11


chnpcau ä Singap ß.msoa. La mell1odcesl nchaquc fois la mfüne: sur une zone precise, l'avla-
devant ces offensives « concertees par un commandement valable, bien rcn- tlon larguc des tracts appclant les combattants et les populations a fuir ou se
seigne et resolu a jouer son va-tout face aux forcesde !'ordre». « L'adversalre rcnclre,avant de boucler le perimetreau petit jour et de le « ratisser » methodl-
auquel va s'opposer le GTN n'est donc pas a mepriser ", conclut-il, impres- qucment. La perceestrategiqueest veritablement reussieJe 15 mars 1960, avec
sionne par ces « rebelles » disposant d'un « recrutement facile et pratique- l'operation « Avant-Propos» centree sur Bafang. En moins de quarante-
ment illimite ». « LeurmoraJ[... j eJeveet leur ferocitesans limite » font douter 11ui t heures, la "raute de Singap » est remise en etat et contrölee par les
un Gribelin lnquiet devant ces combattants « sOrsde leur force, courageux Franyiis, qui signent la leur premier « succes psychologique incontestable .,._
parfois jusqu'a l'inconscience, animes d'une foi aveugle en Ieurs sorciers» 64• Le commandant du GTN jubile : « La preuve est falte que Ja zone de Singap
ABatcham le 1" fevrier,contre la mission catholique de Bametele lendemaln, n'est plus inviolable68• »
aBafoudans la nuit du 4 au 5 fevrier,a Kafengoumles 10 et 14 fevrier,contre
la chefferie de Bangwale 11 fevrier,a Bafoussamdans la nuit du 13 au 14, a
BaJengles 17 et 21 fevrier, a Dschang dans Ja nuit du 18 au 19, a Bangangte Troublesjeux : le ralliement de Paul Momo
dans la nuit du 27 au 28 : le mois de fevrierest une longue litanie de coups
portes aux forces franco-camerounaisespar l'armee de llberation 65• Si les premieres victoires fran~aisessur le terraln traduisent avant tout le
La lutte entre !es deux camps est meurtriere. Si !es joumaJistes n'ont pas triomphe de Ja force, elles sont aussi facilitees par des tractations plus poll-
acces au theätre des operations, une voix, modestement, se fait entendre. tiques qui se trament en coulissesau meme moment. Officiellement,il n'est
Daniel Galland, pasteur de Dschang, a pu faire parvenir une lettre au journal pas question de negocier quoi que ce soit, mais en realite les elements de
protestant Reforme,pour relater ce qu'il vit en ces premiers jours de fevrier. l'ALNKles moins lies a Ladirection upeciste en exil sont regulierement solll-
GaJJandn'a rien d'un crypto-upeciste.En 1959, il avait cosigne une lettre des cites pour se rallier au regime, en echange d'avantages divers. En resultent
Europeens de Dschang demandant Ja possibillte d'armer !es civiJs contre taute une serie de rencontres, en plein creur des combats, qui brouillent les
l'ALNKet l'envoi de forces armees. Mais, aujourd'hui, il est scandalise par cartes de l'affrontement binaire en y melant des considerations de rivalitesde
l'action des troupes de Max Briand : « Depuis trois jours, les forcesde !'ordre villageset de marchandages politiciens. L'enjeu de la percee de Gribelin est
ont attaque Je maquis. Je ne sais pas ce qui restera de certains villages,car Je d'ailleurs d'enfoncer un coin entre les zones d'influence des differentes fac-
gouvernement camerounais est decide a frapper un grand coup, avec l'aide tions insurgeesde la region BamiJeke,c'est-a-direcelle de Singap, le bras mJll-
(helas !) de J'armee fran~aise66 • » Le pasteur Galland s'aJarmede la muJtiplica- taire de Moumie en exil, d'une part, celle de Paul Momo, toujours tres lie a
tion de centalnes, des « milliers" « peut-etre ", de victimes, guerilleros ou PierreKamdemNinyim, d'autre part.
non, des actions des forces de !'ordre. « Les cadavres ne sont meme plus Personnage central de ce double jeu permanent, Ninyim, a cette periode,
enterres, il y en a trop. Quand les maquisardssont surpris en traln de faire des est officiellementdevenu partisan du regimedepuis sa sortie de prison l'annec
tranchees dans les routes, ils sont tues a Ja mitraHleuse et ensevelis avec la precedente, mais il adopte en realite une attitude plus qu'ambigu~. Appelant
terre ramassee par !es buUdozerspour boucher les trous. A certains endroits, i\ l'apaisernent le jour, il continue la nuit aencourager les maquis de son am!
ce sont les cochons qui font les fossoyeurs.» La repression s'abat sans falre de Paul Momo (voir chapitre 19). Un bulletin de renseignements emanant de la
details. « C'est horrible. Plus de prisonniers, poursuit Galland. Plus meme de SGreteindique par exemple que le chefbaham destitue n'a pas craint, la veille
pitie pour les femmes et les enfants. Lesfemmes ne sont en effet pas les moins de l'independance, de reconstituer le « Comite revolutionnaire de Douala »,
farouches dans la guerre." Mais ce qui horrifie le plus notre temoin, c'est le dans la case de New-Bellayant appartenu aFelixMoumie lui-meme. Ninyim
sentiment general qu'un seuil de violence a ete franchi dans Ja tete des belli- y est decrit comme le chef des operations de destabilisation de Douala, fal-
gerants. « Lesgendarmes entendus a Dschang, rapporte-t-il, racontent ces sant et defaisant les chaines de commandement au sein de la guerilla urbaine.
massacresavec un ton tout naturel. La vie humaine ne campte plus. » Schizophrenie? En realite, le jeune homme joue sur les deux tableaux, assu-
La lutte est sans pitie. Confrontea un ennerni plus coriace que prevu, Gri- rant avoir ses entre~s dans les deux camps ala fois, precisant lors de cette reu-
belin se fixeun objectif llminaire asa portee: etablir une perceeentre Bafang nion "revolutionnaire » qu'il avait « l'entiere confiance de MM. Ahidjo et
et Penka Michel, de maniere a separer la zone de Martin Singap de cclle de Soppo Priso et quc le double jeu qu'il menait etait conforme aux directives
Paul Momo. Prcmleres de ce type sont lcs opcratlons " ~cho » a Unmcnclou !du lcadcr upecistcl Tchou1nb11 haue, qul a toujours pense qu'un membre de
69
(quarante-huit morts 67 ) lc I" mars puis .. ~tinccllc „ unc \Cmo111cplus tard ~ l'organlsatlon dcvall t1vnlitl,•,contucts oHlcielsavcc le gouvcrnement ». Au
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debut de 1960, ce sont toutefols bien plus que de simple~ « contacts ». Lc \ur lc tr0nc 77• Leseiectlons d'ovrll t 960 n'ont pas Ne plus libresque les prece-
10 fevrier, en effet, a la surprise generaJe,il se reconcilie avec son adversaire dentes de decembre 1956et ont pareillement permis au regimede se legitimer
local, frere et successeursur Ie tröne Baham,Jean-Marie Teguia. L'offlclercle c11divisant son opposition entre« moderes »et« radicaux ». La singularite de
renseignements local n'y voit qu'un ralliement factice, qui traduirait m@me 1960est que, gräce au ralliement de Momo par l'entremise de Ninyim, cette
plutöt le « passage de Teguia JM sous l'influence directe de son frere, c'est- division a ete portee au creur meme de l'insurrection, offrant alors sur un pla-
a-dire de l'UPC70 ». tcau un avantage decisifaux troupes de l'armee fran~aise.
Si !es autorites ferment les yeux sur Ja sincerite a geometrie variable de Le ralliement de Momo oe met toutefois pas fin a l'ambivalence de son
leur nouvel allie et s'aventurent a jouer le jeu des negociations, c'est parce comportement. Certes, l'ex-maquisard decrie queJques mois auparavant est
que, si possible, elles prefereraient vaincre l'insurrection sans batailler. Elles desormais une prise de guerre, que Ja presse officielle arbore fierement,
font miroiter aux insurgesqui deposeraient !esarmes la possibilited'emporter cornme le 25 juin, oü le prefet de Dschang et Je president de l' Assemblee
des siegesde deputes lors des elections legislativesd'avril 1960. Pour esperer accuelllent en grande pompe l' « ex-chefterroriste Momo Paula Yaounde » sur
78
devenir depute, Ninyim doit donc aider ä raUierson ami le chef de guerre Paul le tarmac de l'aeroport, pour reprendre le titre de La Pressedu Cameroun .
Momo, ce qu'il realise en quelques jours. Le chef rebelle a ete surtout Maislesautorites sont de~uespar son manque d'enthousiasme dans l' « action
convaincu de l'interet des pourparlers apres avoir echappe de justesse a une arrnee 79 » contre ses anciens camarades. Symbole de cette confusion, Paul
80
embuscade aBahouan le 13 fevrier (« IIa eu chaud », ecrira Gribelin 71). Ayant Momo hisse le drapeau rouge a Bafoussam,acöte du drapeau camerounais •
fröle Ja mort, il appelle au secours l'administrateur Samuel Kame. Ce dernier, Autre deception pour les Fran~ais: le retournement de veste de Momo
« completernent affole », presse Gribelin d'epargner le maquisard de Baham. fait tres peu d'emules. Une fois entre les maios de Kame,il convainc tant bien
Au creur de cette diplomatie parallele, Kame apprend au commandant mili- que mal son adjoint du Mungo Dominique Tawa a l'imiter 81, puis s'engage a
taire du GTNqu'il « a rnission du gouvernement de ramener Momo Paul a la rarnener egalement a la legaliteJeremie Ndelene, chef rebelle qui passe pour
legalite 72 ». Un cessez-le-feu est decide des deux cötes Je lendemain, a obeir ases ordres, dans l'arrondissement voisin de Mbouda. La manreuvre est
Bamougoum73. plus difficile. Ndelene hesite. II demande la liberation de ses partisans et
Momo se rallie officiellement le 22 mars. Ninyim et lui rejoignent Mayi obtient partiellement gain de cause. Pour finir de l'amadouer, des negocia-
Matip dans le camp des« opposants constructlfs », porte aux nues par l'auteur teurs « blancs » proposent de l'argeot aNdelene et les siens, mais de sombres
d'une note retrouvee dans les archives de Jacques Foccart,qui !es oppose aux peripeties font echouer le marchandage 82 • Au contraire, Je retournement de
« opposants extremistes » de tendance Singap. La note s'acheve sur un coup Momo a le merite pour l'ALNKd'accelerer le rapprochement entre Singap et
de chapeau adresse a Ahidjo pour avoir « su jouer avec un art consomme de Ndelene. Celui-ci invite le premier a sceller\eur reconciliation a la limite de
83
!'arme eJectorale 74». En pleine guerre, le Premier ministre camerounais ieurs zones d'influence respectives, a Babajou le 25 mars 1960 , avant de
84
reussit en effet a organiser des elections legislativesauxquelles acceptent de rompre officiellement les pourparlers avec !es autorites le 3 avril • Paul
participer des « opposants constructifs » comme Mayi Matip, Bebey-Eyidi, Momo est banni de l'UPC, dont il sera formeUementexclu pour « opportu-
Soppo Prlso ou encore Mbida, rentre de Conakry 75. Le coup est symbolique- nisme >>le 14 juillet 1960 85• Ndelene, de son cöte, reprendra langue periodi-
ment rude pour les partisans de Moumie, qul entendent demontrer que Je quement avec !es autorites en avril et mai, sans que jamais les promessesde
gouvernement et Ja representation nationale sont toujours aussi « fan- treve et de negociation politique n'aboutissent.
toches ». Pour parfaire Ja supercherie, l.e25 fevrier 1960, J'UPCest officielle-
ment legalisee, du moins l'UPC de Mayi Matip, puisque tous !es autres
upecistes, qui tiennent Je maquis, restent sous Je coup de condamnations Manipuler les « maquisards»
diverses. pour « semerle desordre» ?
Au lendemain des legislativesd'avril, le regime peut donc se targuer de
compter dix-huit deputes bamileke dans son Assemblee, unls derriere Lesdoubles jeux de Ninyim et Momo se seraient-11sHmitesa ces negorla
Kamdem Ninyim et un programme sans autre objectif que le retour ä tions, ces hesitations, ces allers-retours au gre des combats, d'un camp n1111
!'ordre 76 • Dans la foulee, en recompense de ses bons et loyaux services, autre? Certains t~molgnageslalssent entendre que de reelles manipulo1h111,
Ninyim est nomme ministre de la Sante ä Yaoundcet, aUaha.m,prend l'avan- ont ete operees por IC pouvolr, Oll par certaines frangesde celui-ci, polltlq1w,
tagesur son frereTeguia,le cl1assc(tout en conscrwinlscs fcmrncs)et rcrnonte ou milltaires. L'o1.111frfr:i11,\1l~ccn Algerle, quelques annees aupnrov,1111

II,10 w11.1
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n'avait-elle pas experimente la pratJque des vrais-faux moquls creesou sus- puisqu'II accuse KamCd'nvolr aldc le maquis de Momo avant meme le rallie-
cite.spar les militaJres pour, au choix, discrediter les vrals lnsurgcs, lcs infil- nient de ce dernler en rnnrs 1960.« Je precise encore qu'a cette epoque-la nous
trer, semer le desordre parmi eux ou bien relancer la violence, au gre des ctions cles maquisards et II n'etait pas questlon de railiement, repete Feu-
strategies ? gaing, mais au contraire de combiner avec M. Kame pour que nous puissions
Un ex-milicien par exemple, Jean Djou, rencontre a Batcham, nous a ecliapper aux operations des forces de maintien de J'ordre 89 • » Enfon~ant le
revele qu'il avait pour mission d'infiltrer !es maquis, sans uniforme. « A ce clou, l'ex-maquisard te.moigne alors avoir vu Samuel Kame, en 1959, alors
moment-lä, confie+il, je ne portais plus les habits militaires. Je marche en administrateur colonial, « rem[ettre] deux fusils de chasse calibre 12 ä Momo
brousse, avec mon pistolet en poche 86• » Sa mission : rencontrer des maqui- Paul >>.
sards, leur faire croire qu'il est des leurs, reperer leurs cachettes puis, pretex- Ce petit jeu aurait peut-etre meme commence bien avant, des 1958, si
tant une envie pressante, les abandonner pour mieux revenir avec la troupe : l'on en croit Je temoignage de Daniel Maugue. Alors journaliste dans Ia presse
« On entoure Japlace et on les arrete. AvecJa main, ou celui qui veut fuir, on Je protestante locale, celui-ci se souvient d'avoir accompagne son patron, Jean-
tire. » Plus retors encore, Ie milicien se deguise en femme pour mieux tromper Claude Doucet, une nuit dans le cortege secmise du chef de Ia region Bami-
la vigilance des homrnes de l' ALNK : « j'attache l'etoffe, je mets les seins et je leke, Maurice Delauney. Arrives a Bamougoum, pres de Bafoussam, « nous
viens... » De telles pratiques semblent au demeurant avoir ete de.ja.utilisees au avons entendu des bruits de caissesque l'on dechargeait derriere nous, se sou-
cours des mois pre.ce.dents,puisque l'on decouvre, au hasard des archives mili- vient Maugue. On projetait ~a en brousse 90 ». Entoure de camions militaires,
taires, que des informations sur les relations entre Ja population et les insurges Delauney prononce devant lui des mots etonnants, a l'i.ntention de son
ont ete transmises par des« patroumes des pelotons camerounais deguises en patron qui cherche ä comprendre: « Ne vous preoccupez pas de ce qui se passe
maquisards 87 » ... dehors. JJ faut bien aider Momo Paul. .. » Maugue est forme! : « C'etaient des
Ces pratiques relevent plus de l'infiltration que du faux maquis. En muniti.onset du ravitaillement, des caissesde sardines pour Momo Paul et ses
revanche, le comportement de Paul Momo laisse la place au doute. En effet, hommes. C'est a ce moment-la qu'on a compris que Delauney, par-derriere,
bien avant son ralliement officiel du 22 mars 1960, I'attitude de l'eternel finan~ait le maquis de Momo! » Une autre co'incidence vient a l'appui de
concurrent de Singap etait dejä plus qu'intriguante. A tel point que certains cette supposition : en octobre 1958, alors que l'UPC tente une offensive ä
Je soup~onnent d'avoir ete en partie « active » par Samuel Kame, l'äme l'Ouest a l'occasion de Ia derniere mission de visite de l'ONU (voir cha-
damnee d' Ahidjo en Bamileke,pour semer la zizanie au sein des maquis. C'est pitre 18), Momo est arrete par Ia police britannique a Kumba, qui. .. le reläche
en taut cas le sentiment du professeur et opposant camerounais Abel Eyinga, sous caution 91 . Pourquoi ce traitement de faveur, alors que son superieur
qui travaillait ä l'epoque pour Je Premier ministre Assale.Selon lui, !es maquis direct, Pierre Simo, arrete peu de temps apres 92 , sera condamne a mort?
de l'Ouest etaJent bien se.paresen deux: « La situation etait vraiment tres tres Dans ces obscurs jeux d'acteurs, entre trahisons, compromis et tracta-
trouble. Petit ä petit, en parallele au vrai maquis contröle par l'UPC,s'est deve- tions secretes, le sous-prefet du departement Jean Keutcha nous apprend dans
loppe un maquis plus ou moins organise dans Je pouvoir, par le pouvoir, et ses Memoires que Ie sous-prefet de Dschang, Fran~oisCalisti, un vieux colo•
qui pourchassait l'autre dans des conditions sordides 88• » Cette hypothese nial en poste au Cameroun de 1944 ä 1960, repetait a qui voulait l'entendro
serait-elle ä meme d'eclairer certains actes apparemment incoherents ? « Ce sa maxime prefe.ree : « Quand on ne peut pas semer l'ordre, on seme lt•
deuxieme maquis se Jivrait ä des exactions etranges chez des personnalites qui desordre 93 • » Semer le desordre? Reprenant une these qui rencontrera un ccr•
n'etaient pas du tout impliquees avec le regime neocolonial et mettait ~a sur Je tain succes dans les milieux dirigeants carnerounais quelques decennies pl11~
dos du maquis de l'UPC, poursuit Eyinga. Ces faux maquis avaient le feu vert t·ard, le meme Jean Keutcha laissera entendre que certains Fran~aisaurale111
du pouvoir, pas necessairement Ahidjo lui-meme, mais des proches de son sciemment instrumentalise les'maquis : pas seulement pour les diviser, rnah
entourage. Quelqu'un comme Kame, moi je le soup~onne d'avoir directe- egalement pour mieux mettre en valeur leur propre action individuelle m1
ment ou indirectement joue un röle dans ces faux maquis. » collective. Le lieutenant-colonel Gribelin, note-t-il par exemple, « se mo11
n est difficile de confirmer cette hypothese, mais il est plus que vraisern- trait plus soucieux de son avenir personnel que de Jafinde la rebelllon, q11II
1

blable que !es trois hommes forts de Baham, Kame, Ninyim et Momo, se ne souhaitait pas rapide 94 ».
soient livres a de troubles jeux d'alliances, de coups de bluffet de jeux de Si les sous-entendus de Jean Keutcha sont loin d'etre confirmes, II l''-l 1<11
dupes. A cet egard, le temoignage du secretaire de Paul Monio, Jean Feugalng, rcvnnche aver~ qut· Orlhrlln n'a pas facilite les negoclatlo11s !II•
recueilli par la gendarmerie de ßafoussam cn clcccmbrc 1960, est troublnnt, fcvrler-mars 1960. Pe~111111 <<>Illreccs strategies attentlstes et tort·ucu~l'\, II

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pJalde au contraire pour des att;iques encrglques et puremcnt 111ll!tnlres.Esti- 23


mant alors plus urgent de <<passer ä l'action, si l'on veut evlter que la gan-
grene des maquis ne gagne les quelques groupements encore sains 95 », Je La.guerre« jusqu'aucou»
lieutenant-colonel poursuit vaille que vaille !es operations. Pour le seul mois
de mars, iJ se rejouit ainsi d'avoir tue trols cent soixante-sept maquisards et
mis « hors de combat » quarante autres, aboutissant a une certaine « aeration
de Dschang » 96. Et encore, ces operations des premiers mois de 1960 ne sont « Le general Brl.and mene son affaire avec brio. II pro-
cMe ä une operatloo de nettoyage qul aboutit ä
que les « preliminaires », avant les « coups de boutoir » des mois sujvants ... scinder les troupes rebelles. II met fln en meme temps
ä une trop longue periode d'abandon. [... J La pacifica-
tion est en bonne vole. •
1
Michel DFJJRt,Gorivemer .

'
A propos de ces quelques mois de guerre ä outrance, i1 est difficile de
trouver des temoignages de soldats fran~ais ayant vecu !es affronte-
ments aux premieres Ioges. En janvier 2008 pourtant, nous pensions bien en
avoir trouve un. Pierre Leonard-Blancher est en effet designe dans les archives
comme ayant commande, ä partir de janvier 1960, avec le grade de capi-
taine, Jas• compagnie saharienne portee d'infanterie de marine (CSPIMA)
dans l'arrondissement de Mbouda. AJa tete de cent cinquante hommes, dont
vingt militaires fran~ais, on sait qu'il a participe ä des operations de guerre.
On peut par exemple lire dans les archives le recit qu'il fait d'une embuscade,
realisee par quatre cents insurges, que sa compagnie ä subie a la sortie de
Mbouda le 19 janvier 1960. Pour s'en sortir, celle-ci liquide une quarantaine
de« rebelles », avant d'ouvrir Je feu par erreur sur une bande amie (neuf morts
et trente-cinq blesses) 2• Ces quelques archives en poche, nous partons ä la
recherche de M. Leonard-Blancher.

Trousde memoire...

Avec un nom si caracteristique, l'annuaire telephonique nous designe


vite un vieil homme habitant Clermont-Ferrand, qui accepte de nous rece-
voi r. Le rendez-vous est confirme quelques heures avant que nous nous
retrouvions, en bas d'unc residence de la peripherie dermontoise, camera en
bandouliere, ä sonne,·sum r~ponse pendant plusieurs heures. lnterloque, un
volsln parvicnt ä JolrHJ1c·
In tlllc tlu militaire qul, sans explicatlon, nous fixe un

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rendez-vous dans un cafe ä l'autre bout de la vllle. Nous voll~ c11ll11 dcvnnt ce l'Egllse». A l'appul de son cxpose, Keller presente un document intitule « Un
monsieur, surveille de pres par son epouse, qui refuse tout enrcgl~trement. Au pasteur Barnllekeracontc son evasion 5 "· Ce pasteur, nomme Pierre Talla, y
milieu du brouhaha, Ja discussion pelne a s'enclencher. decrit son calvaire. Debut avril 1960, sa mission protestante de Bangang est
« Parlons un peu de votre sejour au Cameroun, tentons-nous. -Au Came- occupee depuis plusieurs jours par des maquisards qui Je retiennent prlson-
roun ? fait mine de ne pas comprendre l'officier a Ja retraite. Ah mais non, nier. Pourtant, ce 9 avril 1960, veille des elections Jegislatives,Je pasteur croit
vous vous trompez, j'etais au Tchad, moi ! » Silence angoisse... La ficelle est venu le temps de sa liberation. « Alorsque les maquisards avaient quitte le vil-
un peu grosse et des photos d'archives sans ambigui'te ont vite fait de lui faire lage (pour preparer sans doute une attaque pour la nuit suivante), ecrit-11,
recouvrer la memoire. "Enfin, oui... je suis passe au Cameroun. Trois fois comme je sortais de chez moi, je vis ä 200 metres des soldats qui venaient de
rien, six mois peut-etre ... J'etais totalement isole, plante la comme une quatre directions differentes. Je rentrai chez moi et pris avec moi ma famille
citrouille ... » Alorsque !es archives montrent que ses offensives au soJ etaient (ma femme et mes six enfants) ; nous sommes alles nous cacher dans un
appuyees par l'aviation de combat, le retraite titulaire de la Ugion d'honneur buisson, Couchesa terre. "
n'a aucun souvenir du moindre avion. Tandis qu'a cette periode les rapports Le spectacle auquel TaJla assiste alors glace le sang. " Lessoldats tiraient
militaires souUgnent que 75 000 personnes sur 85 000 dans l'arrondissement de toutes parts, !es baHessifflaient au-dessus de nous. Lesavions ne cessaient
en question etaient passees du cöte de la rebellioo 3, Leonard affirme n'avoir de mitrailler; nous ne savions plus quoi faire; les cases bnllaient partout; on
eu que de bonnes relations avec Ja population locale. tuait !es gens. Des femmes enceintes etaient eventrees et !es enfants dechires;
L'ex-capitaine se rappelle juste que, fort de cinq annees en lndochine et des gens etaient affreusement decapites [cette demiere phrase est raturee, sans
deux en Algerie, il avait ete « envoye pour [s]e battre contre Jes Bamileke ». que l'on sache par qui]. Ceci dura de sept heures du matin a deux heures de
« C'etait un probleme de race je crois, un confüt ancestral. Les Bamileke l'apres-midi. " Dans le village, une fois !es militaires partis, le pasteur, apres
etaient riches, tres riches, dlt-il, c'etait un peu !'Etat dans l'Etat. Mais moi avoir « enjambe je ne sais combien de cadavres », decouvre des cases entlere-
j'avais rien contre eux ! » Sa femme, qui n'etait pas au Cameroun al'epoque, ment br0lees et, a son domiclle, un capharnaüm temoignant du saccage de sa
veille au grain et repete en boucle que « c'etait du maintien de !'ordre, c'est bibliotheque. Ayant echappe au carnage, le pasteur fuit, jusqu'ä rencontrer un
tout. On s'interposait ». S'interposant elle-meme entre chaque question, eile lieutenant fran~ais a Mbouda fort etonne de le revoir en vie. Talla, remonte,
s'eclline a contredlre chaque debut de reminiscence du militaire en retraite. lui « parle en pasteur », « lul disant que !es maquisards n'etaient pas lä et que
Cet entretien cocasse mais peu constructif montre eo tout cas que, si les de telles choses ne "tenaient pas" ». « C'est vrai, repond le soldat, mais il n'y a
temoins ne sont pas si difficiJesa contacter, on se heurte encore mal.gretout rien d'autre a faire pour des coins si pourris•... »
a un deni, voJontaire ou non, des qu'il s'agit des episodes les plus violents du Que disent les archives fran~aisesd'un tel massacre de civils par !es forces
conflit. Si ce sUence reste si epais, c'est parce que, contrairement a Ja version de !'ordre? Elles aussi mentionnent des troubles dans le petit village de Ban-
officielle, la repression sous commandement fran~ais s'est revelee extreme- gang ce 9 avril. L'operation declenchee par un batailJon du 28• RIAOM6 s'lntl-
ment meurtriere, s'abattant tres souvent de maniere aveugle sur taut un tule «Golf». Montee « d'apres renseignements » indiquant la presence de
peuple, depuis !es combats au corps a corps dans !es marecages des Monts Martin Singap dans Ja zone, elle aboufü officiellement a Ja mort de c.ln-
Bamboutos jusqu'aux bombardements aeriens au-dessus du Bamile.ke,en pas- quante-six « rebelles ", sans qu'aucune perte" amie" ne soit mentionnee. Qul
sant par les villages en flammes et les operations au petit matin dans !es sont donc !es habitants assassines evoques par le pasteur Talla ? Femmes
« quartiers populeux de New-Bell4 »... enceintes et enfants desarmes : !es « rebelles" qui gonflent les bilans des
troupes de Rene Gribelin? Combien d'operations sanglantes comme celle-cl
ont-elles ete maquillees de la sorte en victorieuses batailles contre l' ALNK?
Unpasteuren enfer Quand, six jours apres ce triste episode, dans le meme groupement de
Bangang, l'operatlon « JuJiette" cause la mort de quatre-vingt-deux rebelles 7,
A defaut de temoignage direct, on peut toutefois se pencher sur les on discerne bien l'id_entitedes tueurs: les « fo.rcesde !'ordre». Mais une ques-
archives ecrites. On trouve par exemple un compte rendu saisissant dans les lion sc pose desormais : qui est tue ? Pour un pasteur, temoin de circonstance
archives parisiennes des Missions protestantes. En 1964, Jean Keller,qui fut
un temps secretaire general des Egllsesprotestantes d'AEFet du Cameroun,
donnait une causcrie ä Marseille,sur lc thernc « La revolte en pays bamil~k~et n C'e1(\nwlgnn11c
(', ,1111011,111\1(' en 20(Jllpnr lo flllc du postcur.
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dont le recit a pu nous parvenir, combien d.e meurtres ano11y111cs


couverts par est-elle donc proche •? L'avenir le dira peut-etre, mais pour le moment eile
le silence? Ces episodes temoignent en tout cas de la radicalisation de la semble retartiee sine die», du fait des « pertes irreparables» subies par Singap.
repression. La cra.inte d'un ,<carnage », exprimee par du Crest six mois plus Les bilans sont effectivement effrayants : cent trente-quatre morts dans le
töt, est a present devenue une realite quotidienne. groupement de Bangang (pour seulement six blesses !), cent soixante-quinze
morts dans ceLLxde Babadjou et Bamendjo 12• Gribelin, de son cöte, avance le
chiffre de cent soixante mo.rts et cinquante prisonniers. Au total, les pertes des
« Coupsde boutoir» et « clzasseal'homme» troupes de Singap s'elevent ä quatre cent trente pour Je seul mois d'avril. Un
biJan effectue ala main fait etat de eing cent vingt-quatre morts cöte rebelles,
pour seulement quatorze blesses et cent cinquante-six prisonniers pour la
La guerre franchit encore un nouveau palier a la fin du mois d'avril 1960, meme periode 13. Alors que jusqu'ici le nombre de tues du cöte des nationa-
avec la phase dite des « coups de boutoir 8 », qui succede elegamment a celJe listes etait evalue en unites, voire en dizaines lors des affrontements les plus
baptisee « preliminaires » (voir chapitre 22). Insatisfait des negociations bila- rudes, c'est desormais par centaines chaque mois que l'on compte les victimes
terales menees sans son aval avec certa.ins chefs rebelles, Gribelin « decide mortes les armes ä Ja main. Depasse par l'ampleur et la violence de !'offensive,
alors de mettre en reuvre, des qu'il pourra, le maximum de moyens et cela « Singap, ecreure, fuit !es Bamboutos avec les debcis de son armee », claironne
pendant tout le temps qu'il faudra afin d'obtenir un succes decisif 9 ». A partir Gribelin.
de ce moment, les operations se multiplient : «Alpha», «Charlie», « Eper- Au fiJ des semaines, les operations se font toujours plus meurtrieres. Un
vier », « Babouche », « Martinet », « Etincelle », «ABC» ... A l'evldence, ce ne exemple parmi tant d'autres : le 28 mai 1960, « Alpha 6 » - on comptera
sont plus les « rebelles » qw menent la danse. Ce sont maintenant les « forces jusqu'ä dix-huit operations «Alpha» successives ... - concentre !es efforts
de !'ordre» qui imposent leur tempo aux affrontements. fran~ais dam les marais de Tarnogouan (sud de Bamendjo), repaire deJeremie
Apprenant que Singap auralt trouve refuge ä Balatchi ou dans !es Monts Ndelene, qui laisse quatre-vingt-cinq combattants sur le terrain. Deux jours
Bamboutos, a pres de 2 000 metres d'altitude, Je commandant du GTN, ras- plus tard, le GTN poursuit son action jusque dans la zone marecageuse situee ä
sure par ses premieres victoires dans le sud de la zone a Bafoussam, Ban- l'est de Balessing (« Alpha 7 »). Decidement, ce que l'armee appelle les « zones
gangte et Dscbang, concentre ses forces sur ces contrees difficiles d'acces Oll impermeables» de l'ALNKse revele bien humide ... « L'operation est tres dure,
les maquisards se reorganisent ä l'abri des que necessaire. Avec l'attaque des souligne Gribelin qw en a pourtant vu d'autres. Les rebelles sont nombreux
dernieres zones de repli, l'etat-major fram;:ais joue son va-tout, quitte ä et difficlles a reperer dans l'eau Ollils plongent jusqu'au cou. On ne voit guere
degamir ses arrieres pour toucher le creu.r de la rebeJlion. ä plus de dix metres, dans ce bourbier encombre de broussailles et il faut, a
La premiere phase de !'offensive, intitul.ee « operation Lima», a lieu du maintes reprises, l'intervention du Broussard [avion de Liaison et d'observa-
27 au 29 avriJ. Pendant que les troupes britanniques, postees ä la frontiere, tion] pour que !es unites s'y retrouvent et puissent decouvrir les rebelles qui
ferment toute possibilite de fuite, armee, gendarmerie et miHciens fondent se tiennent coi ä les toucher [sie]14• » Entre obscurite et humidite, cet episode
sur leurs cibles avant de passer au crible le secteur des Bamboutos 10. Coince, epique coate la vie ä deux cent quarante-trois insurges, arrachant cette phrase
Singap aurait echappe d'un cheveu au tir d'un soldat africain. Le 1e, mai, suite depou.rvue de tout sentimentalisme ä l'auteur de la repression : « Malheureu-
a des revelations arrachees ä deux prisonniers qui guident !es mil.itaires dans sement, beaucoup d'armes restent au fond du marais. »
!es hauteurs, l'operation « ABC 0 1 » est declenchee pour trois jours afin de En tout cas, la le~on est retenue par l'etat-major : ä l'avenir, les recrues
parachever le « nettoyage des Monts Bamboutos 11 ». L'expedition rencontre devront savo.ir tirer de nwt et surtout « etre accoutumee[s] aux operations
peu de maquisards, mais en profite pour fouiller en detail le terrain et finit dans les zones marecageuses », ce que rechlgnent afaire les unites venues des
par decouvrir le « tresor de guerre d' Ali-Baba, alias Singap [sie]». Et Gribelin regions seches, du nord du Cameroun ou du Tchad. « La reticence de certaines
de decrire les multiples fusils, cartouches, machlnes ä ecrire, medicaments, des unites a fouilJer les marigots, ou les bas-fonds humides, regrette l'auteur
microscopes, blousons, chapeaux et autres chaussures retrouves. « De quoi de la fiche, a oblige_le commandement du GTN ä mettre sur pied des unites
equiper un bataUlon l », jubile Je commandant du GTN.
La saisie a eu lieu juste ä temps, se rejouit le lieutenant-colonel.
11 i\ll11slon nanspnrc!HC uux en~clgncmcnts clu colonel Charles Lacheroy qul decrlt la
« Serait-on ä la veille de la mise sur pied d'unltes regulieres destinees ä appuyer
• conunc un s~nnrlo cn clnq phascs. La troislemc e.~tcensee etre
• gut"rrc r<:vol11t1011nt1he
les milices villageoises? La troisi~me phase de la guerre revolutionnt1ire Je po.,~u1,tc
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speciallsees, veritables loutres debusquant un gibler llC'camouflant dans nature, sous l'effet des fc,ments de I'Afrique eternelle ». Flammes demo-
l'eau 15• » La defaite est lourde pour Ndelene qui, « bicn qu'encorc virulent», niaques cöte « rebeHcs», indcpendance raisonnable, offerte avec noblesse par
a perdu la majeure partie de ses forces militantes. « II est d'ailleurs decourage, la Francc, de l'autre cöte, les termes du conflit sont caricatures. « Point n'est
note Gribelin avec satisfaction, ainsi que Je prouvent les correspondances besoin de faire un long sejour dans ce malheureux BamiJeke,[... ] assene ainsi
adresseesaSingap, qu'il appelle desesperement ason secours 16• » Lacamp, pour s'apercevoir qu'il ne s'agit absoJument pas d'une revolte poll-
L'ampleur du deploiement militalre se lit dans les bilans humains tres tique de citoyens indignes de l'hypotbeque qui, selon M. Moumie et ses amls,
lourds, mais aussi dans les protestations des Britanniques, lesquels se plai- greverait la Republiquedu Cameroun, sous pretexte qu'elJe est devenue inde-
gnent en juin 1960 d'un afflux soudain de refugies fuyant les operations pendante le l" janvier dernier dans l'amitie avec la France, apres une emanci-
20
d'epuration des Bamboutos, qui se retrouvent, de l'autre cöte de la frontiere, pation obtenue par etapes progressives,raisonnables et democratiques • )>

menaces d'expulsion ou d'lnternement par les autorites anglaises 17. Le rap- A l'oppose de cette propagande, queJques journaJistes et militants, cri-
port de forces toume de plus en plus ä l'avantage des forces de !'ordre, abou- tiques de l'intervention fran~ise, donnent aujourd'hui une autre explica-
tissant ades bilans de pertes mensuelles tres asymetriques. Du 18 au 25 juiJJet tion. 11sattribuent ces flammes aux bombardements « au napaJm » auxquels
1960, rapporte par exemple un telegramme adresse au ministre fran~ais des auraient eu recours les troupes du generaJ Briand. L'accusation est grave et le
Armees,on denombre cent soixante-cinq « rebelles » tues, contre seuJement general Lamberton, au ton de ses notes griffonnees au crepuscule de sa vie,
deux blesses « amis ». « C'est vraiment de la chasse ä l'homme 18 ! », se rejouit semble en avoir mesure la portee. « Mon Dieu !, enrage-t-il en lisant les accu-
21
un commentaire manuscrit dans la marge, signe « PM }► (sans doute Pierre sations de Fran~ois-Xavier Verschave dans son livre La Franfafrique •
Messmer)... Comment un pretendu historien peut-il inventer des mensonges aussi mons-
Cette « chasse ä l'homme » n'a pas lieu que dans la moiteur des mare- trueux ! ll y avaH UN helicoptere et l.eshelicos ne peuvent Jancer du napalm.
cages. Si la dlsproportion entre les pertes fran~aiseset celles de 1'ALNKest si D'ailleurs inexistant au Cameroun et meme en Afrique. II a du etre tres
forte, c'est que, en 1960, pour la premiere fois, l'armee fran~alsea recours mas- influence par Je film USApocalypseNow. »
sivement aux attaques aeriennes. La reference ä la guerre du Viet-nam n'est pas absurde. C'est en effet en
1971, alors que les progressistes du monde entier s'indignent de l'interven-
tion americaine dans ce pays, que Ja reference au « napalm apparaJt dans le
)>

Feu aerien: «Napalm» ... livre de Mongo Beti Main basses11rle Cameroun22 (voir chapitre 33). Dans les
annees 1980, le temoignage du mysterieux pilote d'helicoptere Max Bardet,
Pour decrire cette periode trouble, une image est souvent employee par dont on a vu en introduction le manque de credibilite, parle pour sa part de
les observateurs de l'epoque: celle de l'incendie. L'incendie generallse d'une « grenades au phosphore » 23 • Puis, une decennie plus tard, Fran~ois-Xavier
region en proie aux flammes, sans que l'on comprenne precisement qui est a Verschave,s'appuyant sur les « temoignages » precedents, insiste donc sur ces
J'origine des feux, sinon une vague « ivresse de destruction 19 ». Envoye en bombardements « au napalm ». En 2007, les journalistes Gaelle Le Roy et
reportage par Le Figaro,Max Olivier-Lacamp, du haut d'un avion rnilitaire, ValerieOsouf sont revenues aleur tour sur le sujet dans un documentaire de
survolant des « insectes humains » qui « gesticulent », decrit en mars 1960 television - par aiJleursplutöt pedagogique 24 • Mais leur demonstration peine
« un rideau d'epaisse fumee [quij ferme l'horizon », « des vagues de flammes a convaincre. Si l'on y entend Je recit assez frappant d'un ancien maqulsard
[qui] ourlent les champs, [... ] devorant tout ce qui pousse ». «Je compte les parlant d'avions « versant » de l'« acide », on reste en revanche un peu scep-
maisons en feu, raconte Lacamp au-dessus des Monts Bamboutos ; a cin- tique devant les afflrmations peremptoires d'un dirigeant upedste qui n'etait
q uan te je m'arrete : ä quoi bon, tout bn'.ile le long d'une vallee de vingt pas au Cameroun ä l'epoque (« C'est pas seuJement des rumeurs ! ») et devant
kilometres. » le grommellement d'un Pierre Messmer qui, interviewe au seull de la mort,
S'il decrit bien une realite, Je reporter brouille Jes cartes dans l'interpre- balaye avec un haussement d'epaules (« C'est pas important ») une question
tation qu'il en fait. Hypnotise par « ce spectacle f...J horrible et fascinant et
)> flaue mais posce ayec beaucoup d'insistance (« Donc, vous avez entendu
par l'« odeur chaude de la chafr brCilee», le valeureux tituJaire du prix Albert porler de napalm ... »).
Londres en rend en effet responsables !es nihilistes " terroristes qui "dan-
)> En dcpit de ces afflrmallons, qui tenctent ä devenir « verites histodques „
sent une ronde sauvage autour des brasiers », sans revendication prccise, h forcc d'cn « cntcr1c.lrt•
pnrlC'r", pcrsonnc ne semble avoir jamais trouve, dans
exploitant un „ melange de bandltismc, de guerrc lribolc, de rclour i\ la lcs archlvcs ou olllc111~,
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p111uvt•,l11con1establcsde l'usagc de napalm lors de

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!'offensive militaire franco-camerounaise de 1960. Tous ccux qui, rares il est pour une operation du "' plan Challe » de 1'6te 1959 en Aigerie, au cours de
vrai, en ont cherche des traces formelles - l'evocation, par exemple, de ces laquelle il fut procccte ä des bombardements au napalm 30.
« bidons speciaux » qui designaient Je napalm dans les archives de la guerre Nous avons d'ailleurs retrouve un temoin, Etienne Tchinda, Je bras droit
d' Algerie-sont, jusqu'ä present, rentres bredouilles. Et certaines pistes se sont du chef maquisard Jeremle Ndelene, q ui, pour avoir subi des raids aerlens au
reveJees des culs-de-sac. Exemple : Ja « source » de Mongo Beti, le docteur Elle Cameroun tout au Iong de l'annee 1960 et avoir servi en Algerie avec l'ALN
Tchokokam, que nous avons retrouve eo 2008 dans Je dispensaire de Yaounde dans les mois suivants, est assez bien place pour faire la difference entre balles
ou il travaiUe. incendiaires et napalm. II est categorique: « Les avions, ici, n'avaient que des
Apres plusieurs tentatives, c'est uniquement gräce a l'intervention en balles : les balles pour tuer les gens et les balles incendiaires pour incendier
notre faveur d'Odile Tobner, la veuve du romancier decede en 2001, qu'iJ a les maisons, surtout les maisons en paille 31 . » Et, apres avoir spontanement
finalement accepte de oous parler, entre deux consultations medicales : evoque le « napalm », sans que nous ayons prononce le mot, il affüme n'en
« Est-ce que je dois vous dire Ja verite? En toute sincerite, je dois vous dire Ja avoir decouvert I'existence et !es effets qu'une fois eo Algerie.
verite. » Un peu gene, Je medecin a fini par admettre n'avoir jamais recueilli E.tablir cette distinction ne revient pas du tout ä relativiser les conse-
aucune preuve de l'utilisation de napalm au Cameroun, mais avoir simple- quences de telles armes. Ces balles sont evidemment taut sauf anodlnes,
ment rapporte ades etudiaots parisiens, au retour d'un bref sejour en 1960 a d'autant plus que l'armee en a utilise plusieurs dizaines de milliers, chaque
Bafang, qu'il avait soigne un homme brule au visage. « Je pense, avoue-t-il, mois, pour incendier les cases en paille et les forets ou auraient pu trouver
que c'est ä partir de c;aque Mongo Beti a ... romance 25 • ,. refuge les maquisards 32 . A titre d'exemple, un rapport militaire chiffre a
43 363 le nombre de« cartouches 7,5 » utilisees contre l'enneml au cours du
seul mois de mars 1960 33.
... ou « cartouchesincendiaires» ? En plus des degäts causes au so!, de tels raids aeriens suscitent un effroi
generalise dans !es populations. Veritables armes de destruction physique et
psychologique, ces operations ont pour effet de demontrer aux. Camerounais
Cette persistante odeur de napalm qui impregne l'histoire de la guerre du qui en doutaient que l'anclenne puissance coloniale est prete a tout pour
Cameroun ne peut pour autant etre evacuee et reduite a une simple vue de conserver l'ex-Territoire dans son orbite. Preuve de la marque indelebile
l'esprit. Surtout si l'on se souvient que l'armee fran~aise avait bien fait usage laissee dans les mentalites collectives, tres nombreux sont aujourd'hui encore
de ce type de bombes incendiaires ä base d'essence en Indochine puis en les habitants de la region qui peuvent mimer !es attaques des avions et heli-
26
Aigerie • Car, si nous ne possedons aucune preuve de l'utilisation de napalm copteres fran~ais de I'epoque. Un jeune maquisard d'alors, aujourd'hui ensei-
au Cameroun, nous n'en avons pas non plus de sa ... non-utilisation. L'accu- gnant ä la retraite, nous raconte ces moments de terreur graves dans sa
sation sans preuve ne doit pas, des lors, amener a prendre pour argent comp- memoire. « Quand on voyait J'helicoptere arrlver, murmure-t-il, on se cachait
tant les denegations systematiques des militaires fran~ais. saus les rochers pour voir comment ils faisalent. n y avait deux avions, tou-
Exemple parfait de ce deni, l'ex-commandant de compagnie au Came- jours deux avions. » Mirnant les appareils capables de voler « dans toutes les
roun Claude Capdeville, Ie peu bavard ancien lieutenant se disant censure par positions », Jean Don.fack poursuit sa description : « Le premier envoie de
le ministre de la Defense, retrouve sa langue au telephone pour jurer que « le l'essence sur !es toitures. Et le second descend et envoie une balle rouge au
napalm, mais c'est n'importe quoi 27 ». « On avait quelques avions pour faire meme endroit, ~a prend feu. C'etait toujours ainsi que ~a se passait 34• »
de la reconnaissance, c'est tout >>,s'empresse-t-il d'ajouter. De Ja « reconnais- Les flammes adrnirees par le reporter du Figaro sont donc parfois provo-
sance » ? Le mensonge est total. En effet, ]'eventuelle confusion autour du quees par certains maquisards, au cours de leurs raids contre les villages loya-
napalm pourrait provenir du fait que l'armee de I'air franc;aiseau Cameroun listes, certes, mais aussi, de fa~on bien plus massive, par l'armee fran~aise qui
a bei et bien joue avec Je feu. Elle a utilise, selon ses propres rapports, « des joue moins le röte de pornpier que celui de pyromane. Dans les afrs ou au sol,
cartouches de 7,5 incendiaires » (pour 7,5 mm). Les archives militaües per- le feu devient une arme de guerre, une redoutable arme de represaiUes, fatale-
mettent meme de dater du 25 fevrier 1960 Ja premiere commande de ce type ment collectives et indlscriminees, entre les mains des militaires fran~ais.
28
de munitions • Et, comme signe que l'usage du feu aerlen est une Strategie « Quand nous, lcs maquisards, nous brGlions quelque chose, la riposte des
planifiee, I'operation declenchee le 9 mars 1960 ä Bansoa est astucleusement
29
militaires, apled ou cn hclicoptere, c'etait de brater toutes les maisons qui se
baptisee « Etlncelle » par l'etat-major - Appellation ddfä utilisee (au pluriel) trouvalent dans In ,-,ooc. N'lmporte quelle maison. » Donfa.ck n'en revient

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toujour:spas, evoquant son grancl-pere,mori-calclne cJa11s tle tcllcs circons- bombardernent par roquctlcs de la mlsslon catholique de Babete par une
tances ä Bansoa. Assis dans sa maison en terre pres de la route Dschang- patroullle de T6 ◄0 », pcut-on llre dans un rapport militaire. Ces raids sont
Bafoussarn,il cherche ii nous faire revivre la periode. « Peut-etre que vous ne completes le 1erfevrler par une operation conjointe au so! et dans Jesairs, qui
pouvez pas imaginer, s'inqui.ete Je vieil homme. Les militaires incendiaient tue dix « rebelles» 41 . « La mission est saccagee», conclut le chef de bataillon
sur renseignement, ils bn1laient les concessions. Que tu sois innocent ou pas. AlainAgenet,qui precise,apres une semaine de bombardements franr;:ais,que
On met le feu et on passe. » les dommages ont ete causes... par les maquisards qul s'y etaient refugies42 I
Lesbombardements, on le constate, ne sont pas precisementciblessur Ies Comme on le voit dans cette sequence, l'appui feu aerien ne s'est pas
seuls « combattants », par principe difficilesä isolerdu reste de la population, llmite ä des mitraillages, filt-ce avec des cartouches incendiaires. L'armee de
puisque des dizainesde milliersde personnes vivent, ä l'epoque, « au maquis». l'air franr;:aisea eu recours ä de veritables« bombardements » (Je mot est
Les « dommages collateraux >>- comme on les appellerait de nos jours - sont employe), ä l'aide de roquettes de type SNEBou TlO 43 • Les rapports officiels
aJorsinevitables, si tant est qu'on ait cherche a Jes eviter. Temoin d'un de ces attestent que des tirs de roquettes ont eu lieu chaque mois entre fevrler et
raids aeriens, Djumo Youmbi,21 ans eo fevrier1960, n'avait rejoint le maquis aout 1960, soit cent quatre-vingt-dix-sept roquettes tirees au total 44 (dont
« Accra» - maquis de l'Ouest-Camerounbaptise ainsi en hornmage ä la capl- quatre-vingts pour le seul mois de mars 45 ). II est envlsageableque ces chiffres
tale ghaneenne qui accueillait les dirigeants upecistes en exil - que depuis - relativement faibles - soient sous-estimes, puisque, par exemple, les
quelques mois quand il a subi ses premleresattaques aeriennes.« 11ssont venus roquettes tirees en janvier a Babetene sont pas comptabilisees.La flotte ä dis-
bombarderlesgens aBamena.ny avait des blesses.On a pu en transporter queJ- position des pilotes est somme taute modeste: un MD 315, quatre Broussard,
ques-uns en ville, se souvient-il. D'autres sont morts entre mes mains ... fls huit T6, deux helicopteres Bell 47G 46••• Mais eile ne chöme pas et les opera-
etaient tellement brfiles... Je n'avais pas assez de produits pour les traiter 35• » tions ne sont pas de tout repos. Pour preuve, le 9 septembre 1960, un pilote
Ayantsecouru huit personnesdans ce cas,Youmbise rappelle« ce genre de bru- et un observateur meurent dans l'accident de leur T6 en mission d' <<appui
lures »: « C'etait comme si on les avait enfoncesdans un grand feu. <;:agonflait. feu » pres de Bafoussam47• Lesautorites leur rendront un discret hommage,
Quand r;:avous attrape au ventre, au dos, vous ne survivezpas. » sans s'attarder outre-mesu.resur leur triste mission. Ces ordres de faire feu sur
les populations, donnes trois semaines seulement apres la proclamation de
l'independance, ce sont des officiersfranr;:aisqui les donnent et des militaires
Bombardements:sousle casquedespilotes franr;:aisqui les executent, car aucun Camerounais ne dispose alors de l'auto-
rite ou de Ja formation pour s'en charger.
Ces attaques relevent d'une strategie aerienne deployee par le general Que peut-il bien se passer saus le casque d'un aviateur franr;:aischarge de
Briand des son arrivee, en rupture avec !es precautions prises par ses predeces- pilonner des villageois dont il ne salt strictement rien? Pour tenter de le
seurs. Des janvier 1960, en effet, au cours d'un comite de coordination et comprendre, nous avons retrouve en 2008, ä Paris, la trace d'un pilote d'avion
d'orientation (CCO) hebdomadaire du BamiJeke,le sous-prefet Louis Mello de J'epoque, tres loin d'etre un va-t-en-guerre, mais qui a eu le temps de
ordonne de « detruire par aviation la mission cathoUque de Babete,,, pres de scruter ses camarades de chambree moins scrupuJeux. Dans Je cadre de son
Mbouda, soupr;:onneed'abriter quatre cents membres de l'ALNK.Sa requete service mllitaire, Jacques Mermier, de mai ä juillet 1960, a ete envoye pour
est inedite ä notre connaissance, puisqu'H precise que le raid d.oitetre apere piloter des Broussard,pour l'observation aerienne, ou des T6, stationnes sur
« avec utllisation des roquettes 36 ». Les jours suivants, executant cet ordre, la strategique base militaire de Kouataba, logee au cceur du tres anti-upeciste
l'armee s'acharne litteralement sur le village. Le 26 janvier est apere un departement Bamoun, qui jouxte Je Bamileke. Jeune protestant plutöt de
« mitraillage de Jour par une patrouiUe de T6 [avions d'appui feu legers] du gauche, Ja mission ne l'enchante guere. Mais il trouve l'ambiance plus
marche de Babete entierement saus le contröle des rebelles37 » : pas moins de cletendue qu'en Algerie,ou U a servi precedemment. Mermier observe avec
2 000 cartouches sont tirees, causant de « nombreux morts et blesses38 ». Le 6tonnement ses collegues militaires de carriere, passes par l'Indochine ou
lendemain, deux avions T6 tirent six cents cartouches supplementaires et l'Algerie.« 11sne se posalent pas beaucoup de questions, raconte-t-il, lls vou-
douze roquettesa 39 sur !es deux bätiments de la mission : « Mitralllage et lalent juste etre bien notes et que leur appareil.ne s'enraie pas au moment de
c:Jc'sccndreen piqut. lls cn.voyaientdes rafalessur les villagessans reflechir48• »
a La mcme source lndlquc que douzc roquettcs ont ~galcmcnt ~t6 rlr~cs cc mC!me27 fo11vlcr D'apres cc qu'a pu vol,·Jacques Mermier, « ceux qui mettaient le feu,
1960• dons la r(!glon de Uufoussnm•· c'~lail l'arm~e de tc,n', 11111,,,1
,.,Drin, cc cas-Järeviennent sponta.nement les
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mots de l'Algerie,employes par !es militairesde l'epoque: « On a mls le feu a lleu retlrc, leurs subordon11cs,« Lame de rasoir », « Pierre Loti » ou encore
une mechta! », une phrase si souvent entendue au cours des discusslonsde fin « Bon Blanc», lancenl leurs offensives dans l'arrondissement. Detail eton-
de joumee. La Situation politique specifique leur avait ete exposee sommaire- nant : le secretariat de l'etat-major y est assure par l'abbe Thomas Fondjo,
ment, se souvient-il : « Les ennemis, c'etaient les Bamileke. Les copains, enleve ä Bamendjou fin 1959 et devenu de gre ou de force sympathisant de
c'etaient !es Bamoun, se rappelle Mermier. On nous a expl!que que la France l'aventure 52 •
avait passe un contrat avec Ahidjo et qu'on devait Je respecter. » Malgrel'asymetrie des forces, !esinsurgesfont toujours preuve de comba-
Autre temoin avise de taute Ja periode, le journaliste camerounais et tivite et d'imagination, avec !es moyens du bord. Jean Donfack, secretairede
directeur de I'hebdomadaire protestant La Semainecamerounaise Daniel « Chateau dynamique », nous explique ainsi ses techniques de captation de
Maugue porte des accusations concordantes. II se souvient que les attaques l'information, comme Je morse appris chez les scouts. « <;::a m'a beaucoup
aeriennes n'etaient pas ciblees precisement contre les combattants, mais aide, raconte-t-il. La nuit, je captais les frequences des militaires, pour
contre taut rassemblement,quel qu'il soit... « Meme en cas de funerallles[les- connaitre leur position. On a sauve beaucoup de vies comme r;a, avec Ie
quelles etaient interdites], dit-iJ,les mfütairesfaisaient tout pour disperser les morse, un crayon et une radio. A Bafang,il y avait beaucoup d'attaques inat-
foules. Lorsque J'armee apprenait qu'il y allait avoir un rassemblement, eile lendues, qui ont pris fin quand on est arrives eo mars 1960 53 • » Mais l'opera-
s'organisait pour attaquer, souvent ä coups de bombes ou de grenades, et il y tion « BC/0 1 », menee du 4 au 12 juin, detruit les repaires d'<(Accra-Ville»,
avait beaucoup de morts. C'est pour cela que les gens etaient tres effrayesdes « Accra-brousse» et « Accra-centre », et deux cents combattants sont mis
qu'ils entendaient les bruits d'un avion. Chacun allait se cacher dans un coin, « hors d'etat de nuire ».
sous les arbres, dans Ja foret, dans les bas-fonds,dans !es marecages49... >>On Delogesde leurs zones, les insurges ne baissent pas les bras et relancent
le voit, soutenir que les pilotes n'accomplissaient que des missions d',, obser- la « guerre economique », loin des zones de combat. Dans le Nyong-et-Kelle
vation » releve de Ia simple mauvaise foi. (ex-Sanaga-Maritime),menes par Makandepouthe, l'opposant ä Mayi Matip
qui s'est .imposeen mars 1960 au sein des maquis de la region comme leur
principal animateur 54 , ils coupent les routes pour ralentir les echanges
Replisde l'ANLK, commerciaux 55 . A Douala, sous les ordres de l'infatigable Henri Tamo, ils
divergences
militairesfranraises tuent des Europeensau cours de spectaculairesoperations, telles que l'attaque
et l'incendie du Monoprix situe en plein cceur de Ja capitale economique, le
Faceä Japuissance de feu de l'armee de l'air, lescoi:nbattantsnationalistes 31 mai 1960 56• Eo rendant Ja vie de ces demiers impossible,les miUtantsespe-
et les populations au sol sont bien demunis. Apres l'operation « Etincelle », rent attirer l'attention de l'opinion fran~aiseet häter le desengagement des
on peut trouver dans les archives le campte rendu d'interrogatoire d'un ... troupes neocoloniales. Meme Yaounde, cette capitale politique reputee si
gar~on de 10 ans. L'enfant, a qui I'on fait denoncer des maquisards, evoque tranquille au regard du bouillonnement de Douala, n'est pas epargnee. Ren-
egalement le danger des raids de l'aviation et Ja maniere dont certains maqui- dant visite au debut de l'ete 1960 a son poulain Charles Assaledevenu Pre-
sards cherchent a tromper l'attention des pilotes en disposant des habits dans mier ministre, Jemilitant du Rearmement mora1Jean-JacquesOdier decouvre
les arbres, tandis que d'autres se hasardent a.tirer des coups de feu vers Je une ville paralysee par la peur, eteinte par le couvre-feu. « Je suis effare par
ciel 50 • l'ambiance sinistre de la capitale, raconte-t-il, car c'est comme si la vie elle-
L'offensivefran~aisesupprime !es dernieres « zones lfüerees» de l'ALNI< m~mes'etait arretee 57• » Menaces par les attentats qui touchent desormais les
ou !es combattants pouvaient trouver refuge. Maisdes maquis bien organises centres-villesde Yaoundeet Douala, !esEuropeensdesertent rues etmagasins.
subsistent encore dans 1a region. Gräce ä des aveux de prisonniers, Grlbelin « Lesgens ont peur », resume Odier.
parvient par exemple ä connaitre les details d'un maquis typique, celui gui Afinde contrer la guerilla de Douala, Ja repressions'aventure des lors sur
abrite la direction de l'armee upeciste dans l'arrondissernent de Bangangte, le sensible terrain urbain. Poursuivant !'initiative de Roland Pre apres les
baptise « Accra-Ville» en hommage aJa capitale du Ghana de Nkrumah. Sous cmeutes de mai 1955, !es autorites de la ville mettent en ceuvre un nouveau
les ordres de Joseph Ngandie (alias« Chäteau dynamique »), 25 am, de David pltrn d'urbanisme visant, comme l'explique le chef de la Sftrete fin 1960, a
Kana(alias« Mallamdefense ») et d'un certain Amadou (nlins « Sans pitie ») 51, "cventrer les quarllers populcux de New-Bellet ce afin de mener ä bien la
de nombreux refoulesdes grandes villes sont venus grossir l'armee de brousse lutte contrc lc tcrrorl~n10\ft ~. 1o vlllccst divisceen 'ilotsrelies entre eux par de
qui a pris ses quartiers dans la rnisslon protestantc de ßatcho. A panir de ce grnndcs avenues pcrnwtt,11111111.x l<lrcc~cle l'or(lre d 111vancerplus facilement.

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La rnesure ne manque pas de suscltcr de vives protest.ntion~cl1cl lcs habi- Le ral/iement ou la mort
tants deplaces, qui ne re~oivent « aucune indemnite de degucrpissement ».
Mais l'essentiel est atteint, puisque la direction de l'UPC localc est contrainte face aune teile determination, a la fin du terrible ete 1960, Martin Singap
de fuir la ville 59• Lecontröle des « quartiers suspects „ se fera de plus en plus 11'aplus le choix. Ses troupes se font decimer a un rythme insoutenable.
etroit. Un bulletin de renseignements temoigne par exemple que, en trols Acculepar les offensives du GTN, le chef de l'etat-major general de l'ALNK
jours, du 10 au 12 octobre 1960, « plusieurs quartiers de New-BeUont fait "a donne !'ordre aux vieillards,femmes et enfants fatigues de se rallier pen-
l'objet d'operations de contröle; quelque 6 000 personnes ont ete visitees; dant que les "combattants" se reposent en attendant !'ordre supreme »,
67
eing cents environ ont ete retenues pour examen de situation 60 ». constate en novembre le chef de la SOrete,le Camerounais Jean Evina • Des
A l'ete 1960, l'armee fran~alsea acquis un avantage decisifsur les troupes lors que ses zones sanctuarisees etaient fraglUseespar l'armee fran~aise, II
de l'ALNK.Apres des mois de resistance achamee, la « rebellion » a sub! de dcvenait en effet impossible pour Singap de maintenir en brousse des milliers
lourdes defaites. L'une des raisons de l'avancee des troupes regulieres reside de famillesexposeesaux bombardements plus ou moins aveugles et a Ja pre-
dans la cooperation franco-britannique, « plus etroite qu'elle ne l'avait jamais cmite de la vie de maquJs.
ete » comme J'explique Je general Max Briand 61, qui porte enfin ses frults « Aussi,ne serait-il pas deplace, se mefieEvina, de considerer avec un cer-
apres des annees de tension. Lespolices des deux cötes de la frontiere etablis- tain pessimisme bon nombre de ralliements sans armes et ce, en considera-
sent une liaison radio permanente. Mieux, les deux arrneesechangent un offi- tion de l'hypocrisie de l'element bamileke (sic)68 ••• ,. La planification de la
cier de liaison. A partir de Ja, les operations conjointes obtiennent des manceuvreavait en effet ete immediatement decelee par un agent de l'admi-
resultats indiscutables, d'autant plus que les Brltannlques ont deploye des n lstratioo inflltre ctans une immense reunion de militants organisee par
renforts dans leur zone 62 • l'UPCle S septembre 1960 a Maingui,de 7 h 30 aminuit, a laquelle assistaient
Des lors, les rnoins va-t-en-guerredes Fran~is profiteraient volontiers de pas moins de l 560 personnes. Un dirigeant y expliqua a ses camarades la ruse
cet avantage pour plier bagageet abandonner Je reste de Labesogne aux Came- de Singap: « Vousallez rentrer chacun dans son villagenatal. [...] Lesennemis
rounais. LegeneraJSizaire,qui depuis Je 20 juin a remplace Le Puloch aBraz- de notre pays vous prendront a [pourl des rallies, mais c'est vous qui saurez ce
zaville, au commandement de Ja Zone d'outre-mer n° 2, est de ceux-la. que vous etes 69 .,. Le mot d'ordre fut suivi massivement : 7 000 personnes se
« Frappe par l'importance hors de propos de notre appareil et de notre action prcsenterent taut a coup dans Ja zone de Bafang, 1 600 a Bafunda et plus de
militaire au Carneroun », il plaide pour un desengagernent rapide, mals se S 000 aBalessing,Baloum et Bamendou,au point que les autorites se sentirent
« heurte aJa volonte delibereede Briandde maintenir contre taute sagesseles « un peu debordees ».
10

unites fran~ses en operations », ecrit-11dans Je dossier milltaire du general Lessemainesqui suivent confirment, s'il en etait besoin,que ceux qui refu-
commandant les troupes du Cameroun 63 • Briand, en effet, campte bien ~cnt de se rallier risquent la mort brutale. La periode de guerre a outrance
convaincre Paris de lui conserver ses troupes pour achever sa mlssion. Et ne s'acheve en effet par les assassinatsde deux des prlncipaux chefs maquisards,
recule devant aucun argument pour denoncer la moJesse de Sizaire, allant PaulMomoetJeremieNdelene.Enaoat, Momoavait encoreamorceun change-
jusqu'a se comparer a un « candidat au rnat de cocagne qui sent ses forces mcnt de camp : il avait donne !'ordre ases anciens compagnons d'aones de se
1enirprets a reprendre Laguerre, dans le Bamileke71 comme dans le Mungo ,
72
l'abandonner au moment ou il allait decrocher le drapeau [et qui] souhalte
que la glissadene soit pas trop rapide 64 » .•. apparemment sur ordre de KamdemNlnyim lui-meme73• Apresavoir echappe
Surprise: a l'issue de ce bras de fer, c'est Je subordonne qui l'emporte, de justessea une premieretentative d'elimination le 28 septembre,Momo avait
deplore Sizaire, « par ses manreuvres dilatoires et par le biais de ses liaisons cssayeen octobrede renouer le contact avecles chefsinsurges74.Celane l'avait
directes avec Paris», en la personne de Lamberton et Messmer eux-memes. pas empeche de jurer Je contraire au presidentAhidjo,aqui il assurait par cour-
Briand est meme accuse par Sizairede« brosser, a l'usage de Paris,un tableau rler que, contrairement aux « racontagesen cours », sa « position vis-a-visdes
exagerement sombre de la situation, pretant a Ja rebellion des possibilites d~cisionsprise.sau cours des entretiens d'avril dernier rest[aitlla meme ». Dans
qu'eUe n'a nullement et portant une importance hors de propos aux opera- sa lcttrc, Momo se plaint d'avoir ete victime de cette operatlon qui faillit lui
tions menees contre !es rebelles65 >•.Toujours est-il que ce stratageme permet t:?Oterla vie : « SIje n'etais pas d'une pulssancequ'on peut qualifiernaturelle•,
au GTNde conserver ses onze compagnies jusqu'en novembre 1960, date ä
laquelle il pourra tout de meme encorc compter sur ncuf compagnies66• C'om,m· bea11rnu11\11 1 1111 Momo -e crolt Im c,tl de pouvolr.. myMJqucs(capn-
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ecrit-il, vous n'alliez plus compter sur votre brave Momo Paul Gfolc dnns notrc Repression
aveuglepourguerresans images
75
jeune nation • » Mais la missive n'a visibJement pas Sttffi ä convalntrc les auto-
rites qu'eUes avaient encore un quelconque profit ä tirer de cet agent double un Que transparait-il des attaques aeriennes, incendies, tortures et autres
peu trop versatile... operations de« nettoyage » meurtrleres dans la presse fran~aise de cette annee
L'eliminatioo de« Momo Paul Genle » est planiflee le 12 novembre 1960, 1960? Rien ou presque. Les lecteurs doivent se contenter de quelques rares
au cours d'une reunion a Baham, Oll se retrouvent Je prefet Enoch Kwayeb, reportages de propagande. Ceux du Mondepeuvent ainsi contempler le presi-
son sous-prefet Jean Keutcha et Je vieux complice de Momo, Je chef Kamdem dent Ahidjo, un « nationallste modere» dont la « ferme ponderation », selon
Ninyim, pour qui l'incliscipline de son aJlie commence ä fragiliser son nou- les te.rmes du specialiste de l'Afrique Philippe Decraene, « lui a permis de rea-
76
veau statut de ministre • Les trois personnalites ont convoque Frederic liser, sans effusion de sang, le programme que ses adversaires extremistes de
Nenkam, le chef du village de Bahouan, voisin de Baham, OllMomo se serait l'UPC entendaient imposer par la force » 82, malgre J'« opposition irreductible
refugie. Le sous-prefet Jean Keutcha Je met sur !es braises : « II est precise de et dangereuse » de ces derniers.
plus en plus que Momo est a Bahouan, mais si cela s'averait exact, je prendrais Quanta un bilan chiffre des pertes humalnes de cette periode, sujet
ä votre encontre une teile sanct:lon que meme vos enfants s'en souvien- sensible qu'aucun journaliste n'aborde a l'epoque, il est tres difficile de
77
draient toute leur V:le ••• » La menace fonctionne. Le rapport de la Surete de l'etablir de maniere fiable. Le bilan de cette annee 1960 a depuis quelques
Bafoussam confirme que Je chef Frederic Nenkam finit par « se montr[er] plus annees donne lieu a diverses exagerations. Le chiffre de 400 000 morts,
explicite », en indiquant a l'adjudant-chef Raymond Bechet Je lieu de passage avance par le pilote d'helicoptere Max Bardet dans son livre OK Cargo!, parait
regulier du « capitaine Genie». Le plan d'embuscade est con!;tt et la delicate d'autant plus fantaisiste qu'il est cense s'appliquer a la periode 1962-1964,
mission est confiee au sous-officier fran~ais, qui l'execute avec succes. Abattu plus calme que l'annee 1960. On a vu en introduction avec quelle prudence
Je 17 novembre 1960, Momo finit comme Um Nyobe: son corps est expose en il fallait prendre ce temoignage, edite par l'ex-chef des services secrets a
public pour bien demontrer a Ja population qu'on ne ruse pas avec le pou- Matignon Constantin MeJnik (qui a quitte ses fonctions en 1961). Quant
78
voir • Momo meurt d'avoir trop trahi, d'avoir cru pouvoir se raUier et pour- a un pretendu « genocide », le terme semble eloigne de Ja realite, car il est dif-
suivre malgre tout l'action subversive sur Je terrain. ficile de deceler chez les autorites une volonte d'aneantir un peuple. Si des
Le 24 novembre 1960, c'est au tour de Ndelene, 40 ans environ, de meurtres de masse out assurement ete commis, rien n'inclique une quel-
tomber dans une embuscade, mootee gräce au retournement d'un de ses lieu- conque volonte d'extermination generale, ni dans les discours, nl dans les
tenants. Jusque-la « invisible et insaisissable », comme le regrettait un rap- temoignages de J'epoque, ni d'ailleurs dans les actions menees, qui visent
port de gendarmerie, Ndelene avait mis au point un dispositif de guetteurs davantage ä mater l'insurrection qu'a rayer de la carte un peuple ou un groupe
places sw les hauteurs ou meme dans les arbres, qui lui permettait en cas de ethnique.
patrou!Ue de « disparaltre individuellement dans les hautes herbes, dans les Une fois ces precautions prises, soulignons que les eJements chiffres dont
marigots et dans les buissons de bambous 79 ». Mals, cette fois-ci, les norn- nous disposons attesteot assurement de Ja violence des affrontements. Le
breuses captures effectuees dans son entourage ont apporte aux forces de general Max Briand, dans son rapport annuel de 1960, recense la consomma-
!'ordre des renseignements precis sur Ja localisation de l'ex-Ueutenant de Paul tion de 88 272 cartouches de fusil-mitrailleur et 96 010 cartouches de pistolet-
Momo. Mortellement blesse, Ndelene aura encore la force, avant de rendre mitrailleur 83. Les chiffres de victimes avances ä chaud par l'armee fran~aise
l'äme, « de Jaisser approcher les militaires et de tirer a bout portant sur un sont a l'evidence des evaluations a minima,arrondis apparemment sans grand
caporal, qu'il a heureusement manque », rapporte un officier fran~ais 80• souci de preclsion. D'autaot plus que, dans les rapports de l'armee de l'air, !es
La mise en scene, bien rodee depuis les assassinats d'Um Nyobe et de Paul bilaos humains des mitraillages et bombardements aeriens, presque quoti-
Momo, se deploie alors une fois de plus : le corps est expose en public durant diens en 1960, se concluent quasiment chaque fois par des mentions pow le
taute une semaine ä Mbouda, provoquant dans les jours qui suivent de nom- moins vagues, teiles que « Resultats non observes » ou « Tues probables » 84...
breux raUiements. Certains pretendent meme qu'il aurait ete decapite et que Au regard des munitions consommees et des bilans etablis au jour le jour, ces
les militaires lui auraient glisse une cigarette allumee entre Ies Jevres en inter- estimations avancees par la France ne sernblent toutefois pas invraisem-
pellant son cadavre au cri de : « Si tu es immortel, leve-toi et furne 81. » blables. Selon Max Brland, le bilan humain des affrontements, pour Je seul
Uamilel<e et pour In ~culc tuin~c l960, s'elherait ainsi a « un peu plus de
20 000 llommcs .., LhHlt ~ 000 morts au comb;it, 1 000 des suites de leurs

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blessures,5 000 suite a des maladies et, surlout, 10 000 tu6 dnm unc evasive ßrland, manlfc~temcnt frustre que ses exploits aient ete si peu media-
« lutte interieure » 85• Du cöte des forcesde !'ordre, toutes unll~~confondues, tises en metropole, nc pcut s'cmpecher, au moment de conclure son rapport
on compte 614 « pe.rtesamies » dont 583 civils africains. Meme ratio pour les annuel de 1960, alors que "la rebellion agonise », de tresser les lauriersd'une
blesses« amis »: 615, dont 530 civilsafricains. armee fran~aisequi se retire en « Iaissant le souvenir d'une force respectee,
Sans plus souligner les responsabilitesde tant de morts, le journaliste du desinteresseeet humaine » 89 • « Si la necessairediscretion dont ont ete volon-
MondeAndre Blanchet, generalement indulgent avec la politique fran~aiseau tairemcnt entourees ces operations a parfois choque ceux qui y ont participe,
Cameroun, avancera en octobre 1962 d'autres chlffres, lors d'une conference confie-t-il,qu'il soit au moins donne ä Ieur chef, en terminant ce rapport, de
dans les salons feutres du Centre d'etudes de politique etrangere, a Paris : leur rendre l'hommage qui leur est du et d'exprimer la fierte qu'il a eu de les
« Deja pendant les ceremonies [a l'occasion de Ja proclamation de l'indepen- commander 90. »
dance du Cameroun, le 1erjanvier 19601, je me rappellequ'un officielfran~s,
membre du cabinet [d'Ahmadou Ahidjo], m'avait parle de 12 000 morts
d'ores et deja deplores en pays bamileke86• » Mais Je bilan qu'il donne alors
pour l'ensemble des • troubles » a la date de son allocution est plus terrible
encore : « Quelqu'un, dont je n'ai pas pu verifier les dires, mais dont les alle-
gations merltent d'etre prises au serieux, m'affirmait qu'il y avait eu
120 000 victimes au total pendant Lesdeux ou trois ans fsans doute
1959-1961, NdA]qu'a dure l'insurrection en pays [Bamileke];or cela, nous
l'ignorämes a peu pres entierement, meme en France, l'ancienne metropole. »
Deja terriblement flou a l'epoque, un bilan plus precis est encore plus difficile
ä etablir aujourd'hui.
Toujours est-il qu'une « pacification » aussi brutale ne pouvait
qu'apporter des « resultats ». Entre deuil et terreur, la vie des populations de
l'Ouest-Cameroun reprend peu ä peu son cours dans les derniers mois de
1960, alors que des dizaines de milliers de personnes, hommes, femmes et
enfants, commencent ä quitter la brousse pour rejoindre la legalite•. Les
recoltes commencent a reprendre, les marches rouvrent un ä un, les routes
sont progressivementremisesen service.Symboliquement, le 9 octobre 1960,
le grand colon fran~alset proprietaire foncier Leon Darmagnac, qui avait fui
Babadjou en 1959 en raison des evenements, revient a Dschang pour
s'occuper de nouveau de ses plantatlons de cafe 87• Si la guerre est loin d'etre
terminee, cette sequence atteste des difficulteseprouvees par I'ALNK.Comme
l'ecrit sans dissimuler sa joie Rene Gribelin, « I'ALNKcon~ue comme force
offensive pouvant s'opposer avec quelque chance de succes a une armee de
type classique» a connu un « echec total» 88 . « Le reve de Singap de jouer au
soldat regulier [...] s'est eteint. » Mais le feu couve toujours sous la cendre,
notamment parmi les ralliesde l'armee de Singap...

a En 1967, le chef du BURFAN(Bureau de renselgnements des Forces arm<iesnationales


camcrounalses), Je capltalne Gllbert Etobc, parlc d'une ccntalnc etc mlll!.crsde personncs
(Gllbcrt ETOBE,• Connalssance de la rcbclllon. l llstortquc sommolrc, conf~rcnce do1111lie
au cours du ~tage d'lnformallon sur lc remclgnc111ent et l'actton f>S)•Chotoglque•,
octohrc 1967, p. 10; orchtves pc~onncllcs).

11.:i
„c) l 1a/Ncal111!
1</p1t!SSl011 ll

24 cornprendre la gestation des forces de !'ordre camerounaises, il faut d'abord


se pencher sur la conccpllon qu'en ont les officiers fran~ais charges de les
« al'africaine
Repression » fa~onner.

L annee cimentde la nationfranco-africaine


I
1

• L'hysterie coUectlve qui a gagoe Je pays bamilek~ - et


qul sert de support a l'lJPC - se calmera par une repres- Ayant pour rnission de maintenir le Cameroun « dans l'orbite de la
sion saoglante, a l'afrlcalne, des masses en folie. »
France » et a l'abri de la « contagion communiste », l'armee doit jouer un role
General Louis LEPULOCH, 30 decembre 1959 1•
central, a la fois psychologique et politique, au-delä du simple retablissement
de !'ordre. Cette conception s'inscrit alors parfaitement dans les schemas de
la doctrine de la guerre revolutionnaire (DGR), selon laqueile, en cas de peril,
le corps militaire, s'il parvient a rester « sain », a vocation a suppleer le corps
sociaJ ronge par Ja subversion. A la fin des annees 1950, quand il partage son
temps entre l'Ecole de guerre, Je Cameroun et le ministere des Armees, Jean
Larnberton est un fervent defenseur du röle de l'armee comme « bastion de
la resistance » face ä la guerre psychologique. « Le contrepoison, c'est l'armee
qui le detient >), aime-t-il repeter ä ses eleves.

L es deux chapitres precedents ont decrit des Operations milltaires de


grande ampleur, menees par l'armee fran~aise contre une rebellion
superieure en nombre mais largement inferieure en equipement. Situation
La raison en est simple, explique Lamberton: l'armee est une Institution
totale, un « veritable laboratoire » capable d'embrigader les corps et les esprits,
« car le but de l'instruction militaire, [... ] c'est "le conditionnement des
tres classique. Mais l'annee 1960 donne lieu egaJement a des mouvements reflexes" [... ] entretenu par le "sectarisme" inseparable de Ja vie militaire ».
plus souterrains de guerre contre-revoJutionnaire, par le peuple et dans le Prive de casernes elevees au rang de « seminaires ideologiques », un pays « est
peuple. Cette guerre-la ne s'exprime pas de Ja meme maniere dans Jes rapports voue ä la servitude, ä la destruction la plus complete », assene le professeur de
militaires : elle ne donne pas de noms a des operations mllitaires ponctueiles, l'Ecole de guerre. On retrouve ici le « röle traditionnel d'educatrices de leurs
ne fournit pas de decomptes des attaques menees ou des pertes engendrees. soldats africains 3 » devolu depuis des decenni.es aux troupes coloniaJes. Une
Elle ne permet pas non plus de remonter cJairement la chaine des responsa- conception dont Je general Le PuJoch donnait fin 1958 un bei aper~u quand
bilites, tant elle repose sur des initiatives apparemment incontröJees, decen- il assignait aux troupes d'outre-mer une mission de « guides >>, sous peine
tralisees, spontanees. Mais cette sorte d'autogestion de la repression, a J'abri « d'etre depassees par un mouvement d'idees qu'elles n'auraient pas su
des attaques aeriennes de l'armee de l'air fran~aise, n'a en fait rien de spon- prevoir 4 ».
tane. Elle est encadree par des professionnels fran~ais, peu nombreux mais En plus de la lutte contre la subversion, l'armee est ameme de favoriser Je
tres efficaces. maintien des liens avec les nouvelles nations et d'agir, disait Pierre Messmer
« Lorsqu'un peupJe se refuse ä porter ses propres armes, il finit toujours en avril 1959, comme un « ciment solide de la CommLmaute 5 ». Les mili-
par porter celles des autres. » Cette citation, dont l'auteur n'est autre que Je taires ne doivent pas seuJement battre les independantistes, ils doivent aussi
dictateur fasciste Benito Mussolini, constitue la conclusion d'un expose pro- convaincre. Convertir meme, ati sens religieux du terme, comme l'expliquait
nonce en 1955 par le Ueutenant-colonel Jean Larnberton devant la seizierne un general Le Puloch exalte qui affirmait debut 1959, dans son rapport
promotion de l'EcoJe superieure de guerre, dans le but d'encourager le corps annuel, vouloir « faire de nos 10 000 soldats africains les catechistes de cette
social a se preparer a Ja guerre et ä faire bloc derriere son arrnee 2• Pareille- foi dans lcurs villes et dans leurs villages 6 ». La « foi » qui doit ainsi etre pro-
ment, au Cameroun, eo 1960, les autorites frarn;aises, soucieuses de passer pagee, c'est celle d'un lien fusionnel entre la France et son ex-Empire africain.
I'embarrassant temoin de la repression aussi vite que possible, n'ont de cesse Ceque lcs militaires appellent, dans leurs rapports, l'« esprit civique franco-
de faire porter les armes a leurs aJlies camerounais, qu'll s'agisse de l'c1rmee nfricaln » ou la « cristolllsnlion de l'esprit de communaute franco-africaine ».
nationale en gestation ou de tout groupe dcsfreux de combnttrc I'ALNK.Pour Et c'cst avant toul doo.~In t~tc (111« soldat afri.cain >), pilier des nouveaux Etats,

4:M ,ns
t,'/111Up1•11d1111n• .,,ms ( / 1JS1J. / !)(J())
1/um 11•
"ll l'a(rlcu/11c1
l?~prl!S~/011 »

que cet esprlt nouveau dolt @treimplante, dans le but, ~crlt l.c l'Ltloch, d'en De m<!me,dans le combat pour le contr0le de!'« §me » du pays, un theori-
faire « un citoyen conscient de ses devoirs et de ses droits clans la commu- cien respecte et precurscur de LaDGR, cite par le lieutenant-colonel Lam-
naute franco-africaine » et, par suite, de « substituer a une fidelite a la France, berton dans ses conferences a l'Ecote de guerre, le general Lionel-Max
sentimentale mais par lameme fragile, une loyaute plus raisonnee et plus Chassin, lnsiste tout particulierement sur le « röle ideologique de l'offlcler »,
active a Ja cause franco-africaine » 7• Charge ensuite a l'armee d'entrainer le afin que les cadres de l'armee deviennent « des propagandistes patriotes
reste des foules africaines « par l'action de persuaslon qu'elle peut exercer sur convaincus », aptes a sauver la nation du communisme 12• Voila identifie l.e
les masses gräce a l'action civique » et de« faire penetrer dans Ja rnasse urbaine nouveau vecteur de l'influence psychologique de I'armee, que vise egale-
et rurale,par l'intermediaire de nos gens, les notions de civisme de la commu- ment Le Puloch des 1959. « De mauvaises habitudes ont ete prises et tolerees
naute » 8 • C'est tres explicitement que ce general, commandant militaüe de depuis pres de trente ans, s'impatiente-t-11. Les remedes : retard a l'avance-
l'AEF et du Cameroun, decrit au seuil des independances le röle de l'armee ment, sanctions, elimination. » Et, pour mettre ces belles idees en applica-
dans Ja mise en place des neocolonies : « Avec nos moyens qui sont ce qu'Us tion, son rapport s'acheve sur un slogan en forme de programme: « Place aux
sont, mais avec tous nos moyens, et ils sont nombreux et varies, nous devons activistes 13 ! »
<l!uvrerpour que la France ait dans ce pays d' Afrique toutes ses chances 9 • »
Ces conceptions s'appliquent aussi bien, en cette periode de flou institu-
tionnel, aux Etats de la Communaute qu'a ceux qui n'y entrent pas, comme « Placeaux activistes» :
le Cameroun. Dans un pays neuf comme celui-la, ces theories prennent une
lesradnesfranraisesde l'anneecamerounaise
dimension supplementaire, celle que l'on appellerait avec emphase
aujourd'hui Le« nation building », Ja construction d'une nation par de veri- Les « activistes », ce sont ceux qw ont pour mission de mettre sur pied
tables ingerueurs - vetus de kaki - du corps social. Ceux-ci ont profite de Ia en quelques mois une armee camerounaise capable de se substituer progressi-
guerre pour s'imposer, comme s'en rejouit le lieutenant-colonel Lamberton, vement a l'a.rmee fran~aise pour mener ta guerre contre-revolutionnaire. La
qui voit dans la « guerre subversive» menee contre l'UPC I'« occaslon uruque täche est ardue car, dans ce domaine comme dans d'autres, la France n'a guere
de creer et d'entretenir un esprit civique franco-africain, si elle est continuee laisse emerger de cadres autochtones competents. JaJouse de ses prerogatives
et gagnee » 10•
et de sa « superiorite », refusant de preparer le pays a l'independance, la
Les futures elites militaires carnerounaises, cooptees par l'etat-major
metropole a longtemps freine l'ascension de professionnels camerounais
franc;ais, ont vocation a deverur Je creuset de la jeune nation et a creer de
capables de prendre le relais. Ce n'est finalement que le 11 septembre 1959,
toutes pieces un sentiment de cohesion nationale. Refusant d'autoriser un dans une Jettre adressee aux ministres fran~ais concernes, que le Premier
nationalisme revendicatif, fonde sur le rejet de l'oppression coloniale, le pou- ministre Michel Debre jette les bases de la future armee camerounaise 14 •
voir irnpose dans le sang un nationalisme autoritaire, militaire et elitiste, Encore s'agit-il surtout, a Ure ses instructions ulterieures au Haut Comrnissaire
nourri au sein de l'ancienne metropole, aSaint-Cyr pour les hauts grades, tout
Xavier Torre, d'une operation de communication politique : « Le gouverne-
au long des campagnes coloruales precedant les lndependances (lndochlne,
ment fran~ais, lui explique Debre le 20 octobre 1959, entend eclairer opiruon
Algerie ... ) pour Jes sous-officiers. L'armee n'est donc pas seulement con~ue
internationale et Interieure sur ses veritables Intentions 15• » Eclairer l'opl-
comme un corps securitaire, eile a pour mission d'etre le Jieu de germination nion et, bientöt, masquer l'impUcation de la France dans la repression san-
de Ja nation elle-meme. Et, puisque ce sont des officiers fran~ais qw la fa~on- glante qu'elle s'apprete alors a relancer ...
nent, l'imaginaire national camerounais ne sera pas seulement d'inspiration
L'armee camerounaise est officiellement creee le 11 novembre 1959, a
milltaue, ce qw pose deja question, mais egalement d'inspiration etrangere.
quelques semaines des ceremorues de l'independance, ou elle defilera pour la
A pays nouveau, homme nouveau. La remise au pas commence dans les premiere fois. Concretement, il s'agit au depart d'un simple changement
tetes et se poursuit jusque dans la presentation de soi. Le general Louis Le
d'etiquette. La France meta la disposition du Cameroun l'equipement et cer-
Puloch, commandant superieur de Ja ZOM 2, n'hesite pas a detaiJler l'appa- taines troupes qui y statfonnajent sous ses ordres, permettant Ja creation au
rence de l'homme « franco-africain » discipline qu'U attend: « On ne tolerera
1er janvier 1960 de quatre compagnies formant un premier bataillon, puis de
pas plus les cränes teigneux et les yeux chassieux que Jes negrillons nus », pro-
ql1atre supplementalres au cours de l'annee pour en former un second 16• En
clame-t-il dans son rapport de 1959, avant de s'en prendre aux intolerables
decembre 1959, !es Irots cc111spremlers soldats sont formes sur la base mill-
« cas de paresse redhlbitoire de la femme et d'absence d'autorite du mari » 11•
talre de Koutobn 171 po11rv1•nlt cnsulte epauler lcs deux compagnies de

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mllitaires de l'armee frarn;:aisepasseessous drapeau camerounals. Toutefois, rev6rencielle» : « C1 6tolt un 1,~ros,ce gars-la : costaud, un baroudeur genre
le commandement operationnel reste entre !es mains de l'arrnee fran~aise ßlgeard, qui nous .ir11presslonnait. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi presti-
jusqu'au 31 decembre 1960 18 . En parallele, la creation de Lagendarmerie gleux. Tout le monde tombait en admlration 26• » Sapedagogieest ä l'avenant.
camerounaise suit une voie similaire, avec Ja creation le 24 decembre 1959 "Un para ne peut que donner Ja coloration paracommando a des jeunes,
d'une Ecole de gendarmerie a Yaounde, commandee par Je lieutenant Andre cxplique Mang. LIvoulait des combattants. L'ambiance avec1u1,c'etait l'lndo-
Lacam et dont les instructeurs sont egalement frarn;ais19.Achaque fois, l'lns- chine, c'etalt l'Algerie.» « Tous Iesinstructeurs etaient comme ~a,se souvient
truction des officiersdoit s'inscrire « dans un cadre des guerillaset des contre- le colonel Mang. Meme quand on a eu l'independance, ils voulaient encore
guerillastype AFN[Afriquedu Nord]>,,avecun module particulier portantsur faireJaguerre, s'etonne-t-il. lls ont ete formes pour ~a,ils oot grancUdans cette
1'«appui aerien » 20 . mentalite. <:;ales enrichissait, et Hsont fini par en faire une fa~onde vivre, une
La formation acceleree est prise en charge au sein de la nouvelle Ecole religion.» L'ambiance de l'ecole, aux dires de ses premiers eleves, etait pour
militaire interarmes (EMIA)du Cameroun, installee au c<l!urde Yaounde en le moins curieuse. « Lefevre, c'etait un balaize, tres autoritaire : le vrai
aout 1960 21et offidalisee par un decret du 27 octobre 1960 22 • Destinee aux commando para, se souvient Celestin Nguemaleu, qui est aujourd'hui
futurs officiers, eile est dirigee par un Fran~aisqui repond en tout point au colonel. C'etait un officierqui savait ce qu'il voulait, et qui pouvait frapper les
profil de 1'«activiste » souhaite par Le Puloch: le lieutenantJacques-Louis 61evess'il le faJlait27• »
Lefevren'est pas un haut grade, mais il a de la bouteille. Au moment d'etre Mang a conscience que son temoignage apporte des revelations graves
nomme directeur, ce soldat de seulement 28 ans a deja commande une unite sur la genese de l'armee de son pays, qui constitue encore aujourd'hui un
du Groupement tactique Sud (GTS),intitulee le « groupe D », aNkongsamba pilier du regime.Mais le colonel, qui dit avoir ete sympathlsant de l'UPCdans
dans le Mungo, engagee dans la lutte contre les « subversifs». Surtout, Lefevre sa jeunesse, a vu trop de « choses horribles» pour garder le silence. Pendant
est ce qu'on appelle un « Bigeard boy », puisqu'il a servi sous les ordres du lessix a sept mois de cette premiere annee de formation, ses camarades et lui,
celebre colonel en Algerieau cours des annees precedentes. Le moins qu'on de la promotion « Independance », ont re~ « la merne instruction qu'on don-
puisse dire est qu'il n'y a pas Iaissede bons souvenirs.
nait en Algerieaux reservistes», ce qu'il appelle Je « moule fran~ais». C'est-
Un temoignage recueilli par le quotidien L'Humanitele 23 aout 2000 en ä-dire? « Disons que Lefevrevenait d'Indochine, d'Algerie.II avait une fa~on
donne un triste aper~ : « Le 26 janvier 1957, j'ai ete arrete par le lieutenant
d'interroger !es gens... Quand il voulait obtenir un renseignement, il ne rigo-
Jacques-LouisLefevre,alors ala tete d'une section du 3• regiment de parachu-
lait pas. Mais ~a c'est connu : on ne peut pas faire des omelettes sans casser
tistes colonlaux, dont le patron etait le colonel Bigeard, declare ainsi Amar
des reufs. » Mang certifie qu'il a toujours refuse d'avoir recours ä la torture,
Mokhtari, alors militant du Parti communiste algerien. Le lieutenant Lefevre
s'est particulierement acharne sur moi. A chaque fois, il me repetait : "Tu ne rnais que ses colleguesdes servicesde renseignements avaient bei et bien ete
~ formes » ä cette pratique. Le colonel Paul-TheodoreNdjock, diplöme egale-
sortiras jamais vivant d'ici; a tout moment, je peux te tuer d'une rafale de
mitraillette; mais je prefere te faire mourir a petit feu." Ou encore: "Sais-tu rncnt de la promotion « Independance », temoigne que « la gegene, on ne
ce que c'est Ja quintessence de la valeur de l'homme? Sauve ta peau. nous l'apprenait pas en cours a l'EMIA,bien sfrr. Mais on nous l'a montree
Parle !" 23• » Mokhtari subit la gegene a de multiples reprises,a tel point que, lors d'un stage ä la prison centrale de Yaounde,avec la magneto sur les parties
une fois transfere dans une autre prison, un medecin se demandera par quel genitales», assure-t-ilen mimant la manreuvre enseignee 28...
miracle il a survecu. Lesouvenir de Lefevrehante encore sa victime, d'autant « Enfantes » par Lefevre,les sous-officierssont envoyes sur le terraln pour
plus que, d'apres eile, c'est Ja photo de son tortionnaire qui orne fierement la passeraux travaux pratiques, parfois en compagnie du dlrecteur. Mang a dooc
couverture du livre du general Bigeard publie en 1959, Aucune bete au 6te envoye quelques mois a Dschang. Lui revient en memoire une interven-
monde24 ••• « Qu'est devenu le lieutenant Jacques-Louis Lefevre? soupire le 1ion de ce que les archives militaires appellent le « commando Lefevre29 ».
vieux militant. Surement un bravecolonel en retralte, qui raconte a ses petits- „ Nous avions ete appeles un jour de marche car des religieusesavaient ete
enfants ses glorieux faits d'armes zs. » lu6es. Lefevreest devenu enrage. II a pris des gens qui etaient Ia, i1 a boucle le
Bien avant cette retraite, Je brave lieutenant initle donc les soldats came- ,norche et a demande : "Qul peut donner des renseignements ?". » Pas de
rounais a la guerre revolutlonnaire. Nous avons retrouve un de ses eleves, rfponse. « Et puis, bon, il les a fusilles », conclut le colonel camerounais ...
aujourd'hui colonel en retraite. SylvcstreMangest rest~il la fo.1sfaseln~et hor- A ~on depart du Canwroun, lc 26 mai 1962, le lieutenant Lefevre aurait
ri fiepar son ancien dlrcctcur, ä qul tl voue ce qu'll oppclle unc « craintc 11.'joint1'01\S,11011s11~~111'('Mnng, ce que confirrne un de ses carnarades de

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promotlon • Nous n'avons pas pu recouper cette informatlon, mais lcs col- notre rendez-vous. Ne rcMcdl' lul que la photo d'un homme masslf et sou-
legues du lieutenant ont perdu sa trace au moment de l'lndependance de rlant, dote cl'une grande bnrbe blanche. Seule sa veuve a pu faire revlvre les
l'Algerie...
~ouvenirsetonnants de la petite communaute fran~aisedu Dschang de 1960:
lcs sorties au marche « Je sac de grenades a Ja main, le pistolet dans l'autre »,
avant de rentrer jouer au bridge « dans une ambiance tres joyeuse » avec Gri-
Dela repressioncolonialeala « guerrecivile» : belin et Ter Sarkissofet de s'endormir dans une chambre blindee « avec des
la creationde la Gardecivique meLLrtrieres comme ouverture pour la mitra111ette», proteges par ce que leur
filleappelait !'« armee de papa » 34•
Malgre Ja formation express que re~oit l'armee carnerounaise, celle-ci Lesgardes civiques de Quezel n'ont plus rien avoir avec les tchindas(ser-
n'est pas a la hauteur de l'insurrection et de sa mission de redressement viteurs) des chefs traditionnels de Ja periode Delauney (voir chapitre 13), ni
civique de Ja nation. « Lesdebuts de l'armee camerounaise furent assez peu avecles miJiciensdesordonnes fa~onTer Sarkissof(voir chapitre 20), recrutes
brillants sur le plan operationnel », admettra ainsi Alexis Gales, chef d'un ala va-viteet prornpts arallier les maquis avec armes et bagagesa Japremiere
bataillon camerounais de 1961 a 1963. La maigre competence des troupes a occasion. Souvent recrutes parmi !es anciennes milices, !es gardes civiques
beau s'accompagner d'une « agressivitecertaine 31 », cela ne suffit pas. Diffi- s'en distinguent par leur organisation et l.eurformation, entierement prisesen
cile de transformer en quelques mois des soldats jusqu'alors subordonnes en charge par les Fran~ais.Cinq camps, pouvant accueillir chacun quatre cents
meneurs d'hommes. Comme il etait impossible de miser uniquement sur recruesen stage de formation pendant trois mois, sont mis en place dans La
l'embryon d'armee reguliere,Ja politique fran~aisea tres töt pris appui sur dif- region, aForeke-Dschang,Foto Chefferie,Foto Siteu et Bafou35•
ferentes formes de milices, « beaucoup plus rustiques et economiques » Ecoutons un temoin de premier plan de cette mutation, un aml de
comme Je dit Gales32 • C'est le ministre fran~aisdes Armeesde l'epoque, Pierre Quezel,JacquesVaujany, qui fut medecin-capitaine reclus lui aussi aDschang
Guillaumat, qui exige dans un telegramme de decembre 1959 « qu'effort soit de 1960 a 1963, encercle par les « rebelles» mais protege au quotidien par les
fait pour creation mouvements popuJaires progouvernementaux contre- troupes de Gribelin et les « gars de Quezel ». « Ces gardes etaient super-cos-
insurrectionneJs 33 ». En particulier, soulignons la creation de Ja « Garde tauds, super-selectionnes,se souvient-11.Fallait voir !es armoi.resa glace. Des
civique » du Bamileke,aJa fin de 1959,pa.raJ!elementaIa naissance de l'armee gars passionnes, qui adorent la guerre, ~a devait leur rappeler leur passe
camerounaise, pour une duree provisoire d'une annee. Ce corps sera officia- puisque ~a faisait au moins cinquante ans que le Cameroun n'avait plus
lise le 10 mai 1960 sous le nom de « Garde civique bamileke » (tandis q ue son connu de bagarre comme ~a 36 . » Au debut, poursuit-il, les « equipes de
homologue du Mungo prend Je nom de« Corps francs »)". Quezel » etaient « un peu folkloriques ». Mais eUesont vite ete assistees de
Tres peu d'archives permettent de decrire precisernent cette unite rnJxte, « cinq ou six officiersparachutistes >>arraches a Jaguerre d' Algeriepour incuJ-
aJa fois civile et militaire. Toujours est-il que, a cette periode, le nom d'un de quer Ja guerre revolutionnai.reaux gardesciviquesdu Bamileke.Recrutespou.r
ses responsablesrevient frequemment : MauriceQuezel-Colomb,chef de sub- donner un maximurn d'allure militaire aux miliciens, !es paras « avaient bien
division devenu di.recteurde la Garde civique. Symptomatique de ce melange reussi leur coup, souffle le medecin. En cinq-six mois, ces types avaient de la
des genres permanent caracteristique de Ja guerre revolutionnaire, les mili- gueule, un equipement correct, un entrainement tres convenable ».
taires se melent de politique, et un sous-prefet se mele de faire la guerre. ADschang,l'effet est immediat:« Lesethnies entre guillemets [c'est-a-direles
Quezel a laisse a ses colleguesle souvenir d',<un type epatant, qui a ete chef lnsurges, dans la bauche de Vaujany], qui etaient un peu irnprobablesaussl,
de province au Cambodge en 1955 et a fini au Cameroun avec 5 000 ou avaient la certitude que s'ils venaient faire les andouilles a Dschang,il y auralt
6 000 gardes civiques sous ses ordres », d'apres Je colonel Jean Rives-Niessel, du monde pour les recevoir. »
qui s'est demene a ses cötes sur Ies hauts-plateaux Bamileke.Apresdix annees Lesgardes civiques, au combat, ne font pas dans la dentelle. Un de leurs
passees en Indochine et deux annees en Cöte-d'Ivoire, Quezel, diplöme en prospectus explique pourquoi « combattre les terroristes » : « II faut les
d.roit,est arrive al'ouest du Cameroun en 1959. Helas, ce « type epatant » est abattre, parce que, pour que Ja recolte soit bonne, il faut elirnJner les mau-
decede entre Je moment de notre premier echange telephonique et la date de vaisesgraines. Si dans un panier un fruit est pourri, il faut l'enlever parce qu'a
sdn contact tous les frnlts f)Ourriront.» En mai 1960, les gardes civiques sont
a Des rnlllces slrnilalresse rnettcnt' ~galcrnent cn placc cn pnys llr11noun,~011slc nom dl? 2 000 37 (1 700 selon d'tilltrc~ ~ources38), capables de passer a l'attaque. La
"Guerrlers du Noun •.
w 1C·llclte
rcusslte cst lnco111cs1,11llc, Mox ßrland, qul decrit ces unltes comme
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la « seule troupe capable de passer d.e la phase operationncllc ä la phase de En concluslon, la d~l~gullo11 de la partie la plus quotidienne de la repres-
pacification39 ». Les gardes s'engagent sur Je terrain en appul ä Ja « vaillante slon aux agents locaux pcrmct de degagera peu de frais ia responsabilitepoH-
armee camerounaise » et aux « bombardlers » qui « detruisaient les camps tfque de la France.Avecune reussitemediatique etonnante. Le Figaro,au plus
rebelles avec des tirs par rafales », de maniere ä « etouffer Ja guerilla » 40• Les fort de la guer.re,en rnars 1960, ose par exemple ecrire que « la verite "vraie"
gardes sont divises en « commandos », c'est-ä-dire des groupes d'une ving- est qu'il n'y a pas d'armee colonialiste au Cameroun », tant, pour le Journal
taine d'individus habitues ä operer ensemble. Armes de fusils-rnitrailleurset conse1vateur,il serait lodecent d'appeler « armee » ce minuscule contingent
de grenades, !es chefs de commandos conduisent leurs troupes, souvent de - cette « petite, toute petite armee », selon Lamberton- compose de<<quelques
nuit, sur les lieux des operations militaires41 • compagnies de tirailleurs noirs [...] venus de Haute-Volta et d'Oubangui,
LaGarde civique, parfoisappelee « Armeepopulaire bamileke », presente preteespar la France, pour aider a faire sa police le gouvernement du Came-
l'avantage d'etre ancree sur un territolre precis, qui lui permet de connaitre roun 46 » ! Evitant quasiment taut mort fran\'.ais,civil ou rnilitaire,la nouvelle
intimement les maquis, leur implantation, lew composition, leurs divisions forme de guerre presente l'avantage de ne pas attirer l'attention de l'opinion
internes, leurs motivations. Ce savoir sera utilise pour « faire parler » les pri- publique fran\'.aise. Pourtant, soulignons-le, Ja responsabilite des offlciers
sonniers interroges. Alorsqu'il « paraissait admis, au debut de l'annee 1960, fran~is reste totale, puisque ce sont eux qui encadrent les nouvelles troupes
que "Je Bamilekene parlait pas" », seien Briand, !es renseignements affluent suppletiveset rnenent lesoperations. Des 1959, LePuloch insisteainsi pour que
soudaln 42, que cela soit lie ä Jaconnaissance de leur propre terrain par les nou- 1'«Armee populaire bamileke » et les milicesd'autodefense soient contrölees
vellesrecrues ou ä des methodes plus expeditives... par l'autorite militaire, sans quoi « ces rnilicesservent la cause de la rebellion
Lesgardes donnent decidement toute satisfaction. Et, gagnant progressi- plus que celledu gouvemement camerounais47 ».
vement en autonomie, assurnent des missions de plus en plus importantes, Alorsque l'instruction civique est le plus souvent prise en charge par des
bien loin de la simple mission d'autodefense. Lechef de bataillon Galesse feli- Camerounais du cru, comme Gregoire Momo, la formation milltalre est
cite de la loyaute des gardesciviquesqui, malgre une paie de misere, n'ont pas assureepar cinq officierset quinze sous-officiersfran~is. Lesoperations sont
cede ä la tentation de la desertion, et se sont rnontres finalement plus effi- cllesaussi conduites par des Fran~aisdotes de « fonctions de commandement
cacesque les partisans ou les harkis que l'officieravait ete amene ä cötoyer lors direct ». C'est le ministre PierreMessmer lui-meme qui en a decide ainsi, arbi-
de ses precedentes campagnescoloniales 43• Ace titre, le developpement de Ja trant une fois de plus en faveur du general Briand, malgre les fortes reti-
Garde civique s'inscrit entierement dans Ja doctrine de Ja guerre revolution- cences du chef d'etat-major des forces d'outre-mer, Je general Dio 48 • Le
naire, puisque son but est de casserle Jien entre resistancesanonymes et resis- rapport rnilitaire qui fait etat de cet arbitrage decrit egalement Ja repartition
tances actives, d'« emp~cher !es relations entre maqulsardset populations 44 » des täches sans la moindre ambiguite : « Les cadres fran\'.aiscommandent
en privant Je poisson de Ja rebellion de l'eau des populations dans lesquellesil directement la Garde civique barnileke. » A la fin de 1960, Ahidjo demande
trouve refugeet assistance. cl'allleursencore six officierset trente-cinq sous-officiersfran\'.aiSsupplemen-
Lesgardes civiquesne servent pas qu'ä eliminer les subversifs.Ils visent a taires pour encadrer ce corps 49 .
annihiler l'idee meme de subversion. Pour cela, la « Garde civique nationale Lesautorites, faute d'avoir pu disposer d'une armee reguliere se suffisant
de l'Ouest » est dotee d'une mission d'education des masses. « Commandos » ä efle-memepour maitriser l'armee des partisans nationalistes, ont donc arme
et« commissairespolitiques » ä Ja fois, !es gar.descivigues jouent pleinement tous les civils qui se presentalent. Tant et si bien que cet armement tous
de leur statut moitie civil moitie rnilitalre. Lemeilleur exemple en est l'insti- azimuts annihile les effets de la lutte pourtant efficaceengagee contre l'infil-
tuteur Gregoire Momo, un ex-syndicaListeet membre du Kumzseä l'epoque tra tion d'armes au Cameroun. Ne recevant presque aucune arme de
de sa proximite avec l'UPC avant de retourner sa veste au terme d'un par- l'etranger, les combattants upecistes cherchent par tous les moyens a recu-
cours politique deroutant pour devenir chef de cabinet du ministre-resident perer ceflesde leurs ennemis. Et finissent, pour reprendre au pied de la lettre
en Bamileke,Mathias Djoumessi.« Cornmissairepolitique charge de l'inspec- lcs mots de Mussolini chers ä Lamberton, par « porter les armes» de Jeur
tion et de la formation civique et morale » de la Garde civique, Gregoire ndversaire! Au point que, lors d'un echange d'informations avec les Britan-
Momo s'applique ä « combattre par les armes et par la psychologie ». Pen- nlques voisins du departement Bamileke,ceux-ci en viennent ä reprocher
dant que son superieur, MauriceQuezel-Colomb,donne des« conferencesde cchc imprudente diss€:111inallo11 a leurs homologues fran\'.aissl fiers de leurs
desintoxication », Gregoire Momo est charge, au sein des populMions, de outodefcnses, et« d~.~frcntsovolr si c'est un succes cle laisser des armes ä la
,<retablir la verite sur les points essenticls„ 4$. populntlon 50 ».

44 rM1
L1/11tl'1pe11tlu11a JeSrmg(19SY-l960)
tl11m, .-al'r1frlcnl11e
!Upn,ss/011 »

Tabula rasa, cam.pssousmiradors Sous couvert d'offrlr pt·otection, educatlon et soins a la population, le
et ordrenouveauen regionBamileke pouvoir passe sous sllence te fait que ces regroupements ont ete effectues sous
la rnenace et ne rejouissent pas la population, loin de la. Les archives des
Les defaites subies par Jes maquisards, qui avaient reussi ä soustraire des fonds Foccart en attestent : « Son Excellence Je president Ahidjo, rapporte le
subdivisions entieres ä l'emprise des chefs coutumiers, laissent peu ä peu la proces-verbal d'une reunion, precise qu'il n'ignore pas que les regroupe-
voie libre ä l'administratioo pour fai;:onner a son gout une nouvelle societe ments n'ont pas toujours la faveur des populations », ni qu'ils ont vu le jour
bamlleke. En effet, les strateges militaires, qui preconisaient depuis la fin 1959 parfois « contre Je gre des populations 54.Doux euphemisme pour qualifier
>)

une offensive militaire de grande ampleur, n'occultent pas que Ja victoire des l'enfermement de taute une communaute prise entre deux feux, chassee de
armes n'est rien sans projet politique. Or, le lleu commun de l'epoque dans son habitat par les raids de l'ALNK,!es bouclages policiers et !es bombarde-
!es spheres dirigeantes frani;:aises est de nier l'implication nationaliste de ments aeriens. TIest difficile de trouver des chiffres exacts, mais l'on peut dire
l'insurrection pour Ja reduire a sa dimension « bamileke », ou la frustration que les regroupements ont tauche une grande part de Ia population de la
des jeunes et des femmes - ceux que Jean-Frani;:oisBayart appelle !es « cadets region qui n'habitait pas en ville. D'autant plus que le nombre de personnes
sociaux st » - s'exprime violemment contre des chefferies depassees. Pour « regroupees » a augmente a partir de septembre 1960, quand Singap a
maintenir !'ordre a moyen terme, disent-ils, iJ faut donc profiter de la tabula demande aux sympathisants de l'UPC non combattants de quitter les maquis
rasaconsecutive aux combats pour fai;:onner, avec l'appui des gardes civiques, (voir chapitre 23). En octobre, Max Briand parle de « dizaines de milliers
une nouvelle societe et meme un nouvel homme bamileke. d'hommes, de femmes » regroupes le long des routes 55 • En fevrier 1962, une
Le nouveau projet, total, commence dans l'architecture. Nombre de chef- liste de plusieurs dizaines de regroupements laisse apparaitre des chiffres
feries, reconnaissables a leurs toits triangulaires en chaume, sont parties en importants, pour des villages crees de toutes pieces quelques mois auparavant.
fumee et, avec elles, l'autorite des chefs fondee sur la tradition. Aux chef- Les regroupements comptent entre 500 et 22 000 habitants chacun 56 •
ferles dont l'habitat est disperse succedent donc les villages de regroupe- Mais les autorites, face a cet afflux de populations, craignent une Infiltra-
ment. On a vu que Lamberton avait commence en janvier 1959 son travaiJ tion des nationaJistes, qui pourraient poursuivre la lutte dans la legalite, sous
de « rationalisation », de numerotation des habltations, comme il avait dejä forme de « maquis bJaocs », c'est-a-dire des maquis claodestins camoufles au
procede en Saoaga en 1958 a l'interieur de Ja ZOPAC (voir chapitre 20). Les sein des organisations officielles. La vigllance est donc de mise. Dans les
regroupemeots s'accelerent au cours de l'annee 1960 selon le meme schema. camps rödent encore des formateurs frani;:ais,al'instar du sergentJean Peretti.
Avec une particularite cette fois-ci. Les camps des gardes civiques, qui Chef du camp de regroupement de BaJessing - 7 070 ämes - en 1960-1961,
abritent deux atrois cornmandos chacun, deviennent le centre de la vie de la Peretti a laisse un souvenir detestable a l'ancien maquisard Jean Donfack,
region Bamileke. Autour d'eux viennent s'agglomerer les populations devenu instituteur dans ce camp. « C'etait un Fran~ais, un peu court de taille
regroupees. La Garde civique s'occupe de beaucoup de choses : « Combattre et costaud. 11etait chef des commandos. Un jour, Peretti avait fait battre un
!es maquisards par !es armes, donner a la population l'education civique, maitre devant les enfants, ~a m'avait beaucoup in timide 57 >>,affirme-t-U. De
mener .lacampagne de desintoxication par des conferences et causeries orga- l'autre cöte du spectre politique, Marc Tchinda, chef de groupement proche
nisees, ouvrir des ecoJes fermees acause des troubles, assurer les soins de sante des Frani;:ais,garde des souvenirs similaires de la « position draconienne » de
dans une population abandonnee dans !es zones de maquis 52 ,,, etc. Les <<plus ce Peretti qui, pour pacifier le groupement, a elimine les « gens du double-
capables » des membres des commandos sont formes pour « devenir ensei- face », c'est-a-dire ceux qui conservaient des liaisons clandestines avec les
gnan ts, infirmiers, moniteurs d'action civique, detectives » ou agents maquis. « Des voitures militaires sont venues de Dschang, detaille Tchinda.
d'hygiene, autant de profils qui sont peu apeu systematiquement presents au On a fait sortir !es gens des maisons, on !es a arretes pour les mettre dans la
sein de chaque commando. Ainsi, en quelques mois, c'est taute la vie sociale voiture, et Hs ne sont pas revenus. C'est gräce au sergent Peretti que ce village
de la region qui est prise en charge dans ces veritables hierarchies paralleles. a connu un calme prolonge 58 », conciut-il. Dans la region, de la meme fai;:on,
Le maillage du territoire devient tres serre, avec la designation de responsables chaque groupement est commande, organise, maitrise par uo comrnando de
d' « ilots » - des groupes d'une vingtaine de cases -, charges de jouer les inter- g~rdes civiques encadres en sous-main par un sous-officier frani;:ais.
mediaires entre les habitants et les chefs de poste, d'organiser les autode- Par cons~qucnl, lc processus reste sous un etroit contröle frani;:ais.
fenses acette echelle, de recenser leurs voisins, surveiller tes suspccts, collecter fkoutons un 1cmotn de houl rnng: l'ambassadeur de France de l'epoque,Jean-
les renseignements et faire respectcr lcs 111esuresd'hygtönl: s,. Plerrc ß~nard. Don~ 1111c!0tll'l' ~ Mlcl1cl L>ebrc,datee du 23 novembre 1960, il

'1441 '145
L.'l11rlt'!pe111lt//1t
C tl1111s ( l !JS!J·
/u 8111/S 1')(JLJ) UffJll'\,\lilll ., ,, / 111/1/c
11hw1t

relate un voyage en pays ßamlleke, effectue en compagnle de ßrland, destlne La censure de la r~prcsslon cn dlrection de l'opinion internationale
ä « mesurer sur place J'ampleur des resultats obtenus sur Je plan militaire et ~•accompagne alors, parall~lcmcnt, d'une demonstration de force de l'armee
les profonds changements survenus tant sur le plan psychologique que dans fran~aise en direction des populations locales. Le 12 mars 1960, les forces de
l'ordre politique et social 59 ». Benard dresse un bilan apologetique de l'action l'ordre rassemblent 7 000 habitants sur la place priocipale de Dschang, capi-
des militaires fran~ais dans Ja region. Si la circulation est retablie, si les tale du departement Bamileke, pour leur faire assister a l'execution publique
marches ont repris « leur allure d'autrefois », c'est bien un ordre nouveau qui de neuf « terroristes 62 », condamnes par uo tribunal militaire pour avoir par-
se dessine. Depuis que « les populations oot quitte leurs repaires de brousse licipe ä un raid dans les semaines precedentes. La veuve de Maurice Quezel-
pour se regrouper par dizaines de mllliers » autour de la cinquantaine de Colomb, directeur de la Garde civique, en a garde des souvenirs effrayes. « Ils
postes de la Garde dvique, ecrit Benard, « le paysage bamileke eo a ete totale- avaient execute des rebelles, pour l'exemple. <::a,~a m'a cboquee, declare-
ment transforme, !es concessions familiales dispersees ayant disparu en meme t-elle aujourd'hui dans une maison de la banlieue nimoise. On savait aquelle
temps que Ja case traditionnelle pour ceder la place a de gros villages ». Le heure aurait lieu J'execution. Moi, j'etais daos mes petits souliers, mais la
tableau est assez effrayant. « L'enseignement et les soins sont dispenses par femme du capitaine Pinson, qui habitait avec nous, disait : "Quel bonheur,
des elements eux-memes issus de la Garde civique », se rejouit Beoard, en on va les tuer !". » Pour parfaire l.espectacle, leurs cadavres sont abandonnes
raison de l'inconfort des camps, qui fait fuir instituteurs et infirmiers. Taot « toute une journee sur Ja place 63 » aux regards des curieux ou des candidats

mieux, l'ambassadeur prefere les miliciens aux enseigna:nts, au motif qu'« il au maquis".
n'est d'ailleurs sans doute pas souhaitable d'introduire dans ce milieu Oes Un autre temoin fran~ais, l'ancien medecin-capitaine Jacques Vaujany,
camps encadres par !es gardes civiques], dont l'homogeneite fait la force, des ne semble pas avoir ete traumatise par un episode similaire dont i1 retient sur-
elemeots etrangers ». tout aujourd'hui le caractere cocasse (et peu lucratif). «)'avais re~u un coup de
Tout a change, meme la toponym.ie. Penka Michel est l'exemple meme fll un jour, ä propos de l'execution de quelques mecs dans un stade, s'amuse-
du village nouveau, cree de toutes pieces et qui porte le sceau de la colJabo- t-il. Les autorites avaient voulu que ~a se passe comme en France, qu'un doc-
ration jusque dans son nom, puisque cette chefferie de Bansoa, baptisee « dis- teur examine !es mecs avant de les tuer 64. » Dröle d'idee, selon Je docteur :
trict de Penka Michel» eo 1960, s'appelle toujours ainsi aujourd'hui, en „ 11y a eu cette espece de simagree pour savoir s'ils etaient eo bonne sante
hommage a un cultivateur et commer~ant bamileke qui a eu le bon goßt avant de !es fusilJer, et puis apres pour savoir s'ils etaient bieo morts. On aurait
d'accueillir l'armee chez lui. La nouvelle societe camerounaise est donc pu s'eo passer, mais c'etait reglementaire. » Apres un eclat de rire,le medecio,
fa~oooee dans ses aspects les plus quotidieos, derriere !es palissades et les qui passe sa retraite aSaint-Jean-de-Luz, essaie de rassembler ses souvenirs:
micadors des camps, par l'etat-major. Et !es responsables de se rejouir, lors de « Je me demande s'ils ne nous ont pas fait un cheque, pour ~a. En France, c'est

leurs visites, de constater l'« attitude detendue voire souriaote des habitants clans les 100 ou 200 balles. » Le vieil homme jovial et accueillant o'a semble-
de la plupart des regroupements ». t-il pas bien saisi les termes de l'affrontement politique de l'epoque. Apres
tout, !es hommes dont il etait charge de verifier la mort reglernentaire
n'avaient-ils pas commis des attaques de chefferie? « <::aleur prenait cornme
Tetescoupees ~:a,croit-il savoir, c'etait vraiment pas ideologique, sans que personoe n'en ait
ctepreaierte, sans qu'il yait eu ni protestatioos ni insultes. » D'apres le doc-
L'ordre social nouveau etabli en Bamileke repose presque exclusivemeot teur, ce type d'executions n'etaient pas tres frequentes, « par contre, ajoute-
sur Ia contrainte, voire sur la terreur. En 1960, les forces de l'ordre ont tire des t-il, il y avait des executioos ailleurs, peut-etre par ces gardes doot Quezel etait
le~ons de leurs deboires des annees precedentes face aux maquis. La responsa- le directeur » ...
bilite en est attribuee a la passivite des forces de !'ordre, consideree comme Plus impressionoaot encore que les executions publiques, les militaires
un « signe de faiblesse » ayant porte att.eiote au« prestige » de l'armee ro. Une et les miliciens prennent l'habitude, a partir de 1960, de couper les tetes de
anthropologie sommaire fournit l'explication aux strateges militaires : « En leurs victimes et de les exposer en public, sur les places, au detour d'un
milieu africaio, la force reste un element decisif du comportement psycholo-
gique des populations 61 • » Et puisque, pour l'etat-major militaire, les Africalns u IIcst ~ noter quc t1c1<110,1ttn11c111n1hllc, par les forces de l'ordrt!, de cadavres de• rebelJes •
ne comprennent que ~a, la conclusion pratique aen tircr cst simple: semcr la l'~l 11ncprntl(Jtu.'qut , 11•111(1p,111lh1~cn /\lg6rtc, en portlculler ou debut de t•~nnee 1959
terreur. Et le faire savoir. (llnpho~llc ilMNt111!,/ 11 /'11111,1t• d'Algerle,O/>.ril., p. 283-289).
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chemin. A ßafoussam, une place s'appclle cncore aujourd'hul lc « carrefour Jtrcmlc Ndelene (volr chapltre 22), c'est donc la continuite qui predomine
des maquisards" en souvenlr de cet usage macabre. Cettc pratlquc est sl gcne- 0,lllS CC domaine.
rallsee et si frappante que les temoignages ä ce propos sont innornbrables. Les
enfants de Vaujany, a Dschang, par exemple, « ont vu des tetes coupees
posees au bord de la route, en aJlant a l'ecole ». Lucienne, la fitte du pasteur Le « cailloubamileke»
Pierre Talla (voir chapitre 23), avalt 13 ans en 1960, mals garde en memoire
!es sorties de l'ecole ou, « a chaque fois, il y avait eing ou six tetes de maqui- Laborieusement, les forces de maintien de !'ordre s'echinent acantonner
sards que les milltaires venaient exposer, des tetes qu'ils avaient coupees en l'/\LNKdans le Bamilekeet le Mungo. A l'echelle du Cameroun, cette strategie
brousse ». Le mari de Lucienne, le maquisard Jean Donfack, a vu un compa- perrnet au processus de delegation de la repression anti-upeciste aux elites
gnon de combat tue de la sorte, tout pres de chez lui. « On l'a abattu dans le locales de prendre appui sur un sentiment anti-Bamileke en plein essor. La
bas-fond acöte d'ici, c'etait un gars du quartier voisin la, murmure Donfack. confusion entre rebelles, terroristes et Bamileke, alimentee par les respon-
On a coupe sa tete pour la montrer ä sa mere. Pour prouver qu'il etalt vrai- sables fran~ais depuis les annees 1950, se repand largement dans les diffe-
ment mort. C'etait une sorte d'intirnidation. )> Ces exactions, ajoute-t-il, pro- rentes spheres de la societe camerounaise.
duisaient parfois l'effet contraire sur !es militants, radicaJisespar de tels actes, Le texte de Jean Lamberton que nous citions en introduction, publie en
aboutissant a une surenchere symetrique dans les atteintes aux personnes, mars 1960 dans la prestigieuse revue Defensenationale,tient lieu de breviaire
tant !es mutilations n'ont pas manque non plus du cöte de l'ALNK. officiel resumant le mieux cet etat d'esprit. L'ennemi designe a la vindicte
Qui a donne !'ordre de couper les tetes et de les exposer? Difficileadire, gcnerale n'est plus presente comme un mouvement politique, eventuelle-
car de telles consignes ne sont pas courantes dans !es archives (voir cha- ment manipule par le communisme international, mais comme un groupe
pitre 29). Notons neanmoins que le 22r regiment d'infanterie coloniale (RJC), etlmique entier. « Le Cameroun s'engage sur les chemins de l'independance
a la pointe des combats en Indochine en 1947-1949,s'etaH deja distingue par dVCC, dans sa chaussure, un caillou bien genant, ecrit Lamberton. Ce calllou,

des pratiques similaires sur des cadavres viet-minh, a tel point que certains c'cst la presence d'une rojnorite ethnique : les Bamileke, en proie ä des
67
soldats avaient ete deferes devant le tribunal militaire de Saigon, dans l'affalre convulsions dont l'origine ni les causes ne sont claires pour personne • )>

dite des « coupeurs de tete 65 ». Le commandant de ce regiment de « casseurs Ce texte fondateur a ete une arme de propagande maniee par l'etat-
de Viets » etait un certain colonel Max Briand... Rappelons egalement que la major fran~ais. Dans ses archives personnelles, Jean Lamberton s'enorgueillit
decapitation est une pratique recurrente des campagnes de pacification de la quc son article ait « fait l'objet d'un tire apart de trois cents exemplaires, a la
colonisation, des recits de Joseph Conrad, Au creurdes tenebres,a la colonne dcmande du ministere des Affairesetrangeres qui l'a, ainsi, largement diffuse
Voulet-Chanoine. D'apres le directeur de l'Ecole nationale d'administration dans les ambassades et organes de presse a l'etranger, principalement en
(ENAM)camerounaise de l'epoque, Jacques Menier, ces decapitations ne rele- Afrique noire 68 ». Les Bamileke - quJ constitueraient un « groupe homogene
vaient pas de derapages de sous-fifres indisciplines, mals de politiques de populations negres » unique en son genre -y sont decrits comme des non-
ordonnees au sommet de !'Etat. « C'est Enoch Kwayeb,Je prefet de Ja region, Camerounais, intrinsequement portes au separatisme. Le colonel convoque
qui etait tres intelligent, un docteur en droit tres cultlve, qui faisait arreter !es ~ l'appui de sa demonstration I'« histoire obscure des Barnileke, [quil n'aurait
rebelles et ordonnait de leur couper la tete pour les exposer a l'entree de la d'autre interet qu'anecdotique si eile ne revelait a quel point ce peuple est
viUe66• » ctranger au Cameroun "· En effet, cette cinquieme colonne "serni-Bantou »
En definitive, ce type de pratiques s'inscrivent dans la poursuite de la aurait cu le mauvals go0t de ne s'installer au Territoire qu'a partir de la « fin
guerre psychologiquea, dont elles constituent la face sombre, aux cötes des du xv11·siecle », quand ils ont progressivement migre du Nigeria, avant de
techniques comparativement plus presentables que sont la propagande ou « deborder » dans le departement Bamoun, de « se repandre „ dans le Mungo

l'endoctrinement des militaires. Qu'il s'agisse de la profanation du cadavre et d'« envahir „ le sud de la region Bamileke, jusqu'a faire de Douala « prati-
d'Um Nyobe (voir chapitre 16) ou de l'exhibition de ceux de Paul Momo et qucment une ville bamileke ». Le mai, detaille l'auteur, se concentre plus pre-
chcment dans lc • quartier sordide et malfame de New-Bell»,« succursale du
p,1ysnatal », ou « unc masse gregaire quasi inculte coexiste avec une petite
a Cctte pratlquc cst d'autnnt plus rnarquontc quc lc crllnc, pour k, ßomlh:l.t est ,acr~, rnlnorlle d'evolu~s ovltlr'I de pouvolr », qui embrigadent la « plebe » au cours
pulsqu'll es1tcns4!scrvlr d'lntcnn(!dlalrc pour s'ndrc,~1:r011N,I, lt•111
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proliferent comme la vegetation tropicale ». La concluslon est sans appeJ, ce cornmuniste » et d'unc • lnnltration anglo-saxonne » dont elles pourraient
peupJe menace Je nouveau pays : « Le long de la fronliere, depuis Douala Ctre les vecteurs privil~gl.cs...
jusqu'a Foumban, c'est donc un bloc homogene de 700 000 Bamileke qui pese Un dirigeant du mouvement du Rearmement moral, de passage ä
sur Ja nation camerounaise dont il incline le destin sur une pente Yaounde en 1960, est etonne de l'ambiance anti-Bamileke qui s'y exprime
hasardeuse. » ouvertement. Les ministres camerounais eux-memes, des lors qu'ils sont
Les ecrits de la pJupart des responsables fran~ais revelent une vision pejo- bamileke, font l'objet d'une suspicion. <<On entend dire ouvertement que les
rative similaire des Bamileke, souvent melee d'une admiration ambigue a ministres bamileke jouent double jeu, rapporte Jean-Jacques Odier.
l'egard de!'« une des plus grandes races d'avenir du Cameroun », pour Seraient-ils, malgre leur presence au gouvernement, des partisans de la rebel-
reprendre !es termes du capitaine Ange Agostini 69 • Le Bamileke, dans cette lion 73 ? » L'affrontement ethnique est rapldement prls en charge par Ja classe
optique, est alternativement manipulateur superieurement intelligent, mani- politique locale. Des juillet 1960, un rapport miUtaire frarn;ais explique que,
pulable, irrationneJ ou imprevisible, mais il est a coup s0r dangereux. Et ce au sein du pouvoir, les « opposants » aux « BamiJeke » « tendent a !es eli-
danger est decuple par son nombre. Le general Cogny, par exemple, redoute la miner par tous !es moyens des postes qu'ils occupent », car iJs « consider[e]nt
perspective d'une reunification des deux Cameroun, anglophone et franco- cette race entierement acquise ä la subversion >•74.Premier d'une longue liste
phone, qui donnerait une puissance inegaJee aces BamUeketant redoutes, qui a en faire les frais, Je malre de Nkongsamba et ex-president de 1'Assemblee
ont en plus pour certains le mauvais go0t de parler anglais. « Actuellement, iJ legislative, Daniel Kemajou, chef traditionnel de Bazou, anti-upeciste
OeBamileke] n'est pas assez fort pour imposer sa volonte au sud du Came- constant qui avait eu Je tort de protester contre le vote des pleins pouvoirs a
roun, ecrit le general Cogny, mais, si le Cameroun britannique du Sud venait a Ahidjo fin 1959 (voir chapitre 20), est destitue quelques mois plus tard pour
« col1usion avec les terroristes 75 ». Dans l'lnterpretation du militaire auteur du
s'unir au Cameroun fran~is, c'est une masse de 400 000 Bamileke supple-
mentaires qui viendrait peser d'un poids decisif dans Ja representation des rapport de juillet 1960, une guerre tribale larvee » debute.
(<

peuples du Sud et accroitre ainsi Ja gravite des dissensions entre Nord et Le champ lexical recurrent utilise pour parler des Bamileke est celui de Ja
10
Sud • » Car, c'est un fait acquis pour le general, « le Bamileke a un instinct maladie. Alors que les precedentes campagnes militaires se limitaient a vou-
loir detruire le « cancer de la rebellion », c'est desormais le « mal bamileke »
collectif de domination et de conquete qui Je fait, a son tour, detester des
qui est en cause, pour reprendre l'expression d'un rapport de police
autres tribus ou il s'est introduit grace a Ia palx fran~aise ». Le lieutenant-
d'octobre 1960 76 . Consequence Jogique de cette campagne d'opinion, Ja
colonel Andre Lautiere s'alarme pour sa part de 1'«invasion Bamileke » dans
71 repression ne porte plus seulement contre des combattants adverses, mais sur
Je Mungo • Ironie de l'histoire, alors que la colonisation fran~aise s'est
des groupes ethniques entiers, que cela soit le cas a l'echelle d'une region,
achevee depuis ä peine quelques mois, les anciens colons s'emportent contre
comme Je Bamileke, ou de quartiers urbains vus comme ethniquement homo-
des populations qui se deplacent de quelques dizaioes de kilometres pour
genes, donc dangereux. « Les Bamileke continuent [... ] de s'etendre au-dela
servir de manreuvres dans les bananeraies des Europeens du departement
voisin. de leurs circonscriptions, ecrit ainsi en janvier 1960 !'ex-Haut Commissaire
Rene Hoffherr, et l'infiltration de 40 000 des leurs au creur meme de Douala
Le Premier ministre frarn;ais lui-meme, qui envoie Briand rnater Ja rebel-
constituerait une grave menace si ces elements venaient a faire corps dans
lion pour faire obstacle au communisme, ne peut toutefois s'empecher de Ja tout le systeme littoral avec l'Union des populations camerounaises (sie) 77• »
« bamilekeiser », pour reprendre le terme de Paul Soppo Priso. Dans ses
A travers ce vocabulaire tendancieux, qui amalgame migrations regionales
Memoires, Michel Debre decrit en effet Ja rebellion, en faisant semblant de entre populations d'un meme pays et phenomene d'« infiltration » voire de
croire que Ja population bamileke est composee de « 200 000 opposants « colonisation „ bamileke , les Fran~ais contribuent a entretenir une vision
78

environ » qui se sont leves contre Ja France « a l'appel des chefs de tribu » 72 ethnicisee de l'ennemi interieur, Bassa du temps d'Um Nyobe, Bamileke
- sans que l'on sache bien de quelle« tribu » il puisse s'agir, ni d'ailleurs de aujourd'huL Symptomatique de ce regard, Rene Hoffherr evoque dans ce
quels chefs, puisque la plupart des chefs coutumiers de la region sont meme rapport Ja « masse des Bamileke », dont l'affrontement sanglant avec
contröles par Ja France. Toujours est-il que, prenant la suite des «Bassa» ä la leurs chefs « reproduit fidelement » ce qu'il appelle Ja « querelle des tribus
ftn des annees 1950, « les Bamileke » cristallisent au moment de I'« lndepen- ßcltuta avec les feodaux Ualutsi [Tutslsl » au Rwanda 79•
dance » toutes Ies phobies fran~aises. Au meprls pour ces populatlons « Intel-
ligentes» mais « manipulables », s'ajoute Ja peur mCl~c cJ'unc« subverslon

450 451.
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« 11l'ri/rlcalne i;

Pogromes
contre/esBamileke Tr~s « significatif » ~gnlemcnt de l'etat d'esprit general est l'incendie du
quarticr Congo de DouaJa, pcuple en majorite de Bamileke, un des evene-
En 1960, !es tensions entre groupes ethniques redoublent d'intensite ä ments les plus dramatiques et Ies plus obscurs de la periode. Le 24 avril 1960,
Douala, la capitale economique ou cohabitent des Camerounais venus de taut durant taut l'apres-midi, Je quartier est Ja proie des flammes. Plus de
Je pays. Dans les annees 1950, Ja propagande frani;aise s'ioquietait d'y rencon- 1 000 cases sont detruites et Je bilan officiel est de dix-neuf morts et
trer des jeunes « detribalises », c'est-a-dire mal encadres par leurs autorites 5 000 sans-abris. Certains temoins, plus ou moins credibles, a l'image de
coutumieres. Desormais, ce sont !es quartiers ou se concentrent les Bamileke 1'avocat et militant Jacques Verges, tres proche de l'UPC eo exil a cette
qui preoccupent en prlorite Ies autorites et sont Ja cible des attaques des forces periode, ont parle de centaines - voire de milliers - de morts, pieges par les
de J'ordre, qul y multiplient « bouclages » et « ratissages ». Alors que Max flammes. D'autres parlent merne d'un bombardement au napalm. Les ele-
Briand s'enorgueillit a plusieurs reprises d'avoir refuse de prendre part aux ments dont nous disposons ne permettent pas d'appuyer de telles affirma-
actions de represaHles collectives instaurees par Je gouvernement came- tions. Sans savoir comment le feu a ete mis au quartier, le militant upeciste de
rounais (voir chapitre 22), il apparait que ce type de sanctions, totalement DouaJa Raphael Chouleom raconte pour sa part Ja suJte des evenements dont
contraire a tous les principes de droit fondes sur Ja responsabilite indivi- il dit avoir ete temoin: « Au cours de l'incendie, l'armee est venue encercler le
duelle, a ete utilise par son subordonne immediat, le lieutenant-colonel Andre quartier. Si tu veux sortir du feu, iJs te tirent dessus. Alors : tu choisis de rece-
Lauriere. voir les balles ou alors tu retournes dans le feu 83 ? »
Dans un rapport, le commandant du Groupement tactique Sud (GTS) Les archives militaires fran~aises affirment quant ä elles que l'incendie a
explique comment U parvient acontoumer l'apathie des chefs barnJleke dans ete allume par des « Haoussa », des habitants de Douala issus du nord du
les « quartiers contamines » ä travers des sanctions collectives contre !es pays 84 • Depuis plusieurs semaines, dans Je contexte tendu des elections legis-
« ilots », des sous-quartiers de cinq cents habitants environ. « Ce sentlment latives du 10 avril, les affrontements entre les deux groupes se cötoyant dans
de responsabilite collective, precise-t-il, serait aigulllonne par Ja menace de Ja capitale economique s'etaient multiplies, ainsi que !es attaques de l'ALNK.
sanctions graves - allant jusqu'ä la destruction de l'llot et au refoulement de Lessouvenirs que le commissaire de police carnerounaisJean Fochive, alors en
ses ressortissants - dans le cas ou I'ilot abriterait des terroristes ou encore sl poste ä Douala, aurait confies a son neveu completent Ja version de l'armee
un membre des forces de !'ordre y etait victime d'un attentat 80 • » La terreur est fran~aise en dedouanant opportunement les autorites franco-camerounaises.
utilisee comme une arme de propagande assumee : « Les sanctions qui frappe- Ayant cherche a « aider » Ies habitants pieges par l'incendie, Fochive se serait
ront l'ilot dans les cas enumeres plus haut doivent etre diffusees et connues heurte aux milices haoussa quJ encerclaient Je quartier pom pieger les fuyards.
de tous. II parait necessaire, au moment d'en menacer la popuJation, d'etre « Ceux qui s'y osaient, aurait explique Je policier, etaient froidement abattus

resolu a !es appliquer sans tergiversation pour conserver au systeme toute son avec des lances et des fleches empoisonnees ou des machettes 85• »
efficacite. » La divergence entre les temoignages rend aujourd'hui encore difficile la
Petita petit, l'opposition entre groupes ethniques voisins produJt ses comprehension de l'incendie du quartier Congo. 11est cependant tres vrai-
effets. On peut s'en prendre ä des Bamileke sans reaction populaire. Ainsi, semblable que le bilan officiel faisant etat de dix-neuf morts soit gravement
alors que Ja politique de« refoulement » -quJ vise a sortir les « poissons » sub- sous-estime. Et il est evident que cet episode tragique ne se limite pas au
« caractere nettement tribaJ » auquel Max Briand, dans un de ses rapports,
versifs de 1'« eau » urbaine (voir chapitres 15, 19 et 21) - bat son plein, Je
general Le Puloch se fellcite : « A Douala, I'absence de reaction a la suite de cherche a le cantonner. S'il semble avere que !es representants des Haoussa
de Douala, tres minoritaires au sein de la ville et effrayes par les actions de
J'expuJsion de pres d'un millier de Bamileke est significative de l'evolution de
l'UPC, s'en sont pris uniformement aux BamiJeke a plusieurs reprises, i1 ne
J'etat d'esprit de Ja population 81 • » L'evolution est meme si rapide que,
faut pas oublier que leur ressentiment avait ete instrumentalise par !es forces
quelques mols plus tard, c'est une partie de Ja population quJ s'en charge elle-
de l'ordre. Des fevrier 1960, le reporter du FigaroPhilippe Nourry annon~ait ä
meme. « Les autres races (Douala, BouJou, Beti, etc.), mentionne un rapport
sa rnaniere le pogrome avenir: « Les Haoussa [constituent aDouala] une pha-
militaire de juJUet 1960, tendent a refouler les Bamileke de leur quartier. Ces
lange de tout premier ordre dans la hierarchie contre-revolutionnaire 86 • »
mesures de refoulement ont atteint jusqu'ici 5 000 ou 6 000 ressortissants de
· Un autre evenement, moins connu mais tout aussi tragique, avait dejä
cette race, pour la plupart des commeri;ants, et qui ont el.ev6une vive protes-
opposc deux comn1L01out~svoisines, ä la frontiere entre le pays Bamileke et
tation aupres des pouvoirs publics pour ces mcsures de r6lorsion 82• »
lc pnys ßamoun, cn,,,r,11I 1n1111~~1
de nornbreuses victimes b,nnileke quelques

'1-5
45.
L'J111lep1•111/n11t lus,ms
t! tl1111s (l9SY• l 9&U) l<,//J1es~lu11 1
11I) / a/1lcal11(J
»

semaines avant l'incendie du quartier Congo. Depuls que les " rebelles» ont mllltnlrcä la fran"ai~c,M' fcmdc jurldiquement sur des accorclsde defense qui
partiellement detruH, dans la nuit du 6 au 7 janv1er1960, le pont sur le Noun, laissent la haute maln b la France.Laaussi, le Cameroun joue un röle precur-
qui separe les arrondissements de Mbouda et de Foumbot, les Bamouns'orga- ~eur.La« Franr;:afrique» qui s'experimente sur les hauts-plateaux Bamilekene
nisent en milices87• Les19 et 23 janvier, les maquisardsdu Bamllekefranchis- tarde pas as'etendre al'ensemble de la « Communaute franr;aise» ...
sent la riviere pour tenter des attaques en departement Barnoun. A chaque
fois, les rnillcesBamoun reagissent« violemment », dix.itlagendarmerie fran-
r;:aise.« Plusieurs morts » bamileke sont ainsi denombres la prem.ierefois, le
20 janvier, dans l'incendie du villagede Bati. Laseconde reaction est plus vive
encore. A5 heures du matin, le 24 janvier, Jesultan Bamoun se rend sur place,
accompagne de 3 000 hommes saus ses ordres, et lance les represailles,qui se
traduisent par Vincendieet le saccagedu village bamilekede Bamendjin, ainsi
que des attaques contre les Bamilekede la ville de Foumbot 88• La gendar-
merie evoque « de nombreux morts 89 », tandis que le chercheur Piet Konlngs,
specialistedu Cameroun, parle d'une centaine au total, dont les tetes auraient
meme ete rapportees au sultan Bamoun. Sans bien sur qu'aucune procedure
judiciaire ne soit entamee contre ce fidele allle du pouvoir central de
Yaounde90 •
Dans les deux cas, on voit que les Bamileke, pris collectivement, sont
perr;:uscomme des menaces par des communautes voisines, Bamoun ou
Haoussa, dont certains membres, organises en milices, n'hesitent pas a
commettre des meurtres de masse, sans que Lajustice y trouve a redire, voire
avec Ja bienveiJlante passivite des autorites. Le pouvoir central utilise donc,
quand il ne la suscite pas, une opposition entre « autochtones » et « allo-
genes » bamileke, transformant ces derniers, ou qu'ils se trouvent, en
etrangers de l'interieur.
Quelles que soient les exactions commises par les Fram;:aiset leurs aJiies
camerounais, les officiels franr;:aissont en tous points satisfaits du resultat.
« Le generaJ Briand mene son affaire avec brio, retrace le Premier mlnistre
MichelDebre dans ses Memoires.nprocede aune operation de nettoyage qui
aboutit a scinder !es troupes rebelles. II met fin en meme temps a une trop
longue periode d'abandon en ameliorant le reseau routier et en installant des
dispensaires. [...] A Ja fln de I'ete 1960, Je general Briand peut me rendre
campte de son succes: six mois lui ont suffi. Lapacification est en banne voie.
A l'armee camerounaise d'achever la täche en obligeant quelques bandes
rebellesperdues dans la broussea deposer les armes a Ieur tour 91 • »
L'experimentation de cette repression a la fois fram;:aiseet camerou-
naise, en effet, ne se resume pas a une banale intervention militaire en terre
etrangere. Elle conslste avant tout en une delegation croissante, progressive
et reussie de la repression a une armee et des milices locales, ce qui evite
d'avoir amobiliserdes centaines de milliersd'hommcs de mctropole, comme
en AJgerleau m~me moment. La mc1hode,aux orlglncs u.u nfocoloniallsme

45,1
t/1•h, Fm11(afrlq11c
l,t' polsu11

25 rcc;ul'assurance, de la bouchc cl'Ahldjo,que le Carneroun, une fois souverain,


~ s'assocleraitlibrement » fl son ancienne metropole (voir chapitre 17).
LepoisondelaFranrafrique C'est ainsl que, des decembre 1958, quelques semaines avant que l'ONU
n'avalise le plan fran~ais d'une independance sans elections preaJables
(13 mars 1959) et que ne soit institue, pour la premiere fois, un ministere
« charge de la Cooperation » (27 mars)",des accordssont signesentre le Came-
« Chez eux, ä cause du systeme trlbal, on zigouille le roun et la France pour l'annee 1959. Alors que la Guinee avait quitte avec
chef et c'cst flni. »
fracas l'Ernpire fran~aisen septernbre (en votant majoritairement «non» au
General Paul GROSSIN,
ancie.n directeur du SDECE '. rNerendum instituant la v•Republique)et tandis que le Togo avait opte pour
une transition en douceur vers l'independance, les conventions du
3J decembre 1958 attachees a l'ordonnance, signee la veiUe,fixant le statut
du Cameroun feront progressivement figure de « reference » en matiere de
cooperation bilaterale entre Ja Republique fran~aise et ses colonies au
moment de devenir independantes.
Si leurs dispositions securitaires font enrager les militaires fran~ais qui,
on l'a vu, s'engagent dans un premier temps dans une « guerre camouflee » et
poussent le jeune regime Ahidjo au durcissernentdes 1959 (voir chapitre 20),

E n 1960, la France ne se contente pas de « retablir )'ordre» au Came-


roun. ElleinstitutionnaUse, avec Je gouvernement de ce pays nouvelle-
ment independant, une nouvelle forme de domination, qui n'est plus
ces conventions de cooperation ont ceci de remarquable qu'elles prefigurent,
autant sur la forme que sur le fond, les « accords de cooperation » qu1 seront
signes par la suite entre la France et les pays de son pre carre africainb.n faut
ct'abordsouligner, premiere caracteristique,leur aspect foncierernent inegali-
coloniaJeau sens strict. Apresdes decennies d'administration directe, Ja rela- taire : d'une part, Je nouveau statut du Came.rounest simplement octroyepar
tion inegale entre les deux pays se contractualise. A travers la signature la Francecet, d'autre part, les conventions qui lui sont attachees consistent
d'accords de « cooperation » touchant a tous les secteurs de Ja souverainete en une serie d'« accords » entre un Etat souverain (Ja France)et un Etat« sous
du Cameroun, Ja France s'assure de conserver une presence economique et tutelle », c'est-a-dire soumis (Je Cameroun), administre par le precedent. La
militaire dans son ancien Territoire. Et cela d'autant plus facilement que le deuxieme particularite est le caractere, sinon secret, du moins terriblement
pouvoir d'Ahidjo, conteste par l'insurrection upeciste, est entierement depen- discret des « conventions de cooperation » franco-camerounaises du
dant de l'assistance fran~aise.Le pacte neocoloniaJqui se met alors en place 31 decembre 1958. Aujourd'hui encore, il est assezclifficilepour un historien
au Cameroun, pays qul ne fait pas partie de Ja « Communaute » instituee fin ou un journaliste de connaitre le contenu de ces conventions, pourtant
1958 par le pouvoir gaulliste, sert ainsi de modele ä la « Fran~afrique» nais- caduques depuis plus de cinquante ans (elles ont officiellement expire le
sante a mesure que la France accorde leur « independance » a ses colonies 31 decembre 1959, au moment de l'octroi de l'independanced).
d'AOFet d'AEFau fil des rnois de l'annee 1960.
Nous avons pour notre part pu retrouver dans les archives militairesfran-
\aises la plus sensibled'entre elles, celle « relativea la defense, al'ordre public
et a l'emploi de la gendarmerie 2 ». A la lecture de cette convention, on peut
Desconventionsprovisoires
...
a Le gouvernement de Michel Debre est remanie acette occasion, Ce portefeuille est conCIC!
au MRPRobert Lecourt.
Si le general de Gaulle a finaJement accepte en 1960 de renoncer a son b Le Togo, qul est dote d'un statut de Repubüque Je 30 decembre 1958, n'est apparemmcnt
vieux projet d'un « grand ensemble » franco-africain ouvertement gouverne pas concerne 1>ardes dlsposllloos de ce type (ordonna.nce 58-1376 portant stotut dll lil
par Ia France et de reprendre ä son campte celui d'une independance de n<:publlquctogolulsc),
fa~adelmplicltement initie par la 1v•Rcpublique,ce n'est pas seulcment parce C L'ordonnancc n'e,t Sli,IJl~~,qlll' pur lc j,l(:11(:mlde Gaulleet les mlntstw~ fron,nls conccrn6~.
d Sc!on lo • noc11ir1111t111
1u11111IUIH'• slKn~e par Michel Dcbr6 et J\hmoctou Ahltqu
que ie contexte international lui ctait d~fovorablc.C'csl nu~s!parcc qL1
1 il avait
(;11 d&:cinbre 19SO),

456
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<'cl,,m /1•""'S
l,'/111ltp1·11tla111 (I !),~1> l 'Jo()) / ef10l.,u11
d1·/11l•1a11111/1lq111•

ajouter une troisieme caracteristlque aux deux precedcnlcs: l'obsesslon des qu'Ahmadou Allidjo promctrnlt, la rnain sur le creur, qu'« aucune conven-
autorites fran~aises pour !es matieres naturelles strategiques. Le plus long tion ne serait passee avcc la France avant flal date [du 1" janvier 1960] 4 » et
article de cette convention (a1ticle 4) concerne en effet !es « substances mine- adressait des « dementis formels » a ceux qui l'accusajent « malhonnete-
rales classees materiaux de defense », a savoir les « hydrocarbures solides, rnent de conclure, dans le secret, des traites destines a regir les rapports du
liquides ou gazeux » et !es « rninerais d'uranium, de thorium, de lithium, de Cameroun independant dans Je domaine international » 5, il depechait ses
beryllium, d'helium et leurs composes » (1a liste n'est « pas limitative»). representants pour « negocier » secretement avec ses pauains fran~ais. Et pas
Concernant Ja prospection et l'utilisation de ces materiaux, est-il explique, Je n'importe quels « representants >>,pulsqu'il s'agissait de ses conseillers ...
Premier ministre de !'Etat sous tutelle du Cameroun doit « consulter » le Haut fran~ajs !
Commissaire, representant de la France; il « s'engage a tenlr le plus grand Ce sont en effet Jacques Rousseau, alors conseiller juridique du Premier
compte (de ses) observations » et, cerise sur Je gäteau, accepte en cas de litige ruinistre camerounajs, et Georges Becquey, ancien directeur des Affaires poli-
entre eux que l'affaire soit arbitree ... par le gouvernement fran~ais ! tiques et administratives du Haut Commissaire Pierre Messmer, qui « nego-
C'est peut-etre le Historica/Dictionaryof the Repub/icof Cameroon(lnitia- cient » avec le representant de la France: leur collegue administrateur colonial
lement publie a Londres en 1974) qui a le mieux saisi l'esprit de ces « accords et proche coHaborateur de Messmer lul aussi, Xavier Deniau. « <;a s'est tres
de cooperation » precurseurs, d'ailleurs classes dans cet ouvrage sous Ja bien passe, reconnatt aujourd'hui Jacques Rousseau, encore un peu etonne.
rubrique « accords secrets >,•.« Au regard du droit international, de tels On parlait entre Fran~ais, quoi 6 • » « Je me trouvais ainsi dans la situation
accords signes entre des partenaires inegaux sont discutables », releve-t-il. paradoxale et parfois inconfortable, ajoute-t-il, de me retrouver en face de
Ajoutant : « Les accords secrets signes entre la France et le Cameroun Je compatriotes et d'avoir adefendre contre eux Ies positions du gouvernement
31 decernbre 1958 comprennent des dispositions portant sur: la cooperation que j'etais cense representer 7• » On imagine que !es « accords » diploma-
militaire et financiere, !es affaires culturelles, les relations administratives, tique, culturel, economique et monetaire signes la veille de l'independance ne
l'aviation civile et l'aeronautique, l'assistance militaire et une convention devajent pas etre differents de ceux qui avaient ete signes un an plus töt ...
jucticiaire et consulaireb_[Ces] accords offrent a la France des avantages et des En matiere militaire et securitaire, a cause des« difficultes » qu'avaient
privileges absolus dans la conduite des affaires [... ] du Cameroun 3• » engendrees Jes precedentes dispositions, les accords du 31 decembre 1959
Si cette observation merite d'etre citee, c'est qu'elle s'applique egale- donnent beaucoup plus d'autonomie ... a la France ! C'est pour cette raison
ment aux accords et conventions de cooperation signes l'annee suivante, le d'aUleurs que Je ministre des Armees Pierre Guillaumat avait demande a
31 decembre 1959, veille de l'independance. La encore, c'est l'opacite Ja plus l'armee fran~aise en operations en region Bamileke de les appliquer avant
totale qui regne. Ce qui n'est pas vraiment etonnant quand on sait dans meme leur signature formelle, dans un telegramme secret date du
quelles conditions ces nouveaux accords ont ete elabores. Pendant 10 decembre 1959 : « [Nos objectifs] pouvant conduire a une intervention
plus directe des forces armees fran~aises dans les actions de repression, il y a
a Pour notre part, nous lgnorons sl cette conventlon etait veritablement • secrete •· Gageons
lieu d'appliquer des maintenant !es dlspositions prevues par le projet de
cependant que le gouvemement fram;a.lss'est garde de donner une trop grande publlcite a convention en cours d'elaboration 8 • » Ce faisant, on pourra relever une autre
de tels accords, alors qu'il s'appri"!taltä presenter un plan de sortle de tuteUe devant l'ONU caracteristique des« accords de cooperation » franco-africains, du moins ceux
et tandis que l'U"PCse montrait plus viru.lente que jamals ...
b
qui ont trait a la securite, a la defense et au maintien de l'ordre : du fait de
Si l'on en croit lesite Web de l'ambassade de France au Cameroun (consulte en aout 2010),
!es conventions du 31 d&embre 1958 ont pour intitules: • Conventlon franco-camerou-
1'opacite et de l'inegalite qui les caracterisent, ces accords, tres contraignants
naise relative ä l'aeronautlque civile •, « Conventlon culturellc franco-camerounaise •, pour l'un des « partenaires », paraissent presque optionnels pour l'autre, qui
• Convention franco-camerounaise relative a la monnale et au commerce exterleur », peut en fait, bien souvent, n'agir qu'a sa guise ...
• Convention judicialre franco-camerounaise •, • Conventlon franco-camerounalse rela-
La convention franco-camerounaise relative a la defense, a !'ordre public
tive a la defense, ä !'ordre public et ä J'emploi de la gendarmerie •, • Conventlon franco-
camerounaise relative ä Ia slh1ation des personnels employes au Cameroun dans !es et a l'emploi de la gendarmerie du 31 decembre 1959 stipulant - selon les
servJces de Ja Republique frani;alse et dans les services de !'~tat du Cameroun •, • Coope- rnots d' Ahidjo retrouves dans 1.esarchives - que la France apporte « provisoi-
ratlon technlque en matiere marltlme et nuviale •, • Transferts •, •Meteorologie• rement l'assistance de ses forces armees dans Je but d'assurer sa defense, de
(<WWW.ambafrance-cm.org>). Mals, alors qu'II est indique que !es • tran.scrlpts • de ces
conventlons • sont disponibles sur le site du mlnlsterc des Affn'lrcs ctTang~rcs •, nous maintenir l'integrite du territoire du Cameroun et de garantir ses popula-
n'avons rlen trouvc de tel sur le sllc lndlq11c (<www.cloc,dlf}lor11n11ll,gouv.fr/poctc/>). tlons et ses rcssourccs rnall1rlelles contre !es dangers exterieurs 9 », environ
Mi!mc il un deml-sl~clc de dlstance, In • tramparence • o dos ll1111l.:~
.. 2 500 soldat~ frnn,rll~ cm Ol'IHl11nl.rcsde la Communaute ont ainsi pu

4SA
•Vi9
1,'lmMpendance (J959-19&0)
tim,~le s11118 l,e µolso11 la Prrwp1frlq11e
t/11

continuer ä stationner a Douala, Yaounde et Koutaba et Oclrculcr librement Le 13 novembre 1960,sont alnsl sl.gnes pas moins de douze conventions
dans Je pays. De plus, une « mission militaire fran~aise » est creee pom ins- et accords bilateraux qul encadrent severement Ja souverainete camerou-
truire, organiser et provisoirement encadrer l'armee camerounaise naissante, naise et inscrivent clans le marbre, en le contractualisant, Je lien de depen-
dont les cadres seront formes en France 10• C'est en vertu de ce texte que dance qui unit depuis des decennies le Cameroun a la France•. Ainsi en va-t-il
l'armee fran~aise fait la guerre a l' ALNKet commence a former un embryon par exemple dans le domaine monetaire : par l'accord qu'il signe avec la
d'armee nationale au Cameroun, comme nous l'avons vu dans les trois cha- France, le Cameroun est maintenu dans la zone franc, conserve le franc CFAet
pitres precedents.
confie a son ancienne puissance tutrice sa politlque monetaire, ce qui limüe
drastiquement son autonomie ...
Comme en 1958 et en 1959, les aspects securitaires et militaires de Ja coo-
... aux accordsdefinitifs peration franco-camerounaise sont les plus sensibles. Pour ne pas alerter les
upecistes qui condamnent avec virulence !es pourparlers « franco-Ahidjo »,
Bien que les conventions qu'Us ont fait signer aleurs « homologues came-
)>
l'accord de defense du 13 novembre 1960, comme !es precedents, restera
rounais ne leur soient guere defavorables, elles ont tout de meme un defaut aux secret 13• On sait seulement qu'il prevoit une concertation reguliere entre !es
yeux des gouvernants fran~ais: elles sont provisoires. Signes pour six mois, les deux pays sur les questions de defense et qu'il permet au pouvoir came-
accords du 31 decembre 1959 doivent ainsi etre proroges pour six mois supple- rounais de faire appel a la France en cas de danger ou de crise graves. Une
mentaires fin juin. Pour pallier ce desagrement, tandis que les troupes du general interrogation subsiste concernant la possibiUte - ou l'obligatioo - juridique
Briand pilonnent la region Bamileke en vertu des accords du 31 decembre 1959, pour Ja France d'intervenir dans le cadre du maintien ou du retablissement
l'ambassadeur Jean-Pierre Benard (qui a remplace Je Haut Commissaire Je 1er jan- de 1'«ordre interieur » au Cameroun. Moins sensibles, Ja« convention sur le
vier 1960) se demene, au nom du gouvernement fran~s, pour inscrire la « coo- röle et le statut de Ja Mission militaire franc;aise au Cameroun » et l' « accord
peration >>franco-camerounaise dans la longue duree.
concemant l'assistance militaire technique aux forces armees camerou-
Nous poursuivons, resume l'ambassadeur en mai 1960 dans une note naises », signes Je meme jour, sont rendus publics 14. La premiere prevoit
destinee au Premier ministre Michel Debre 11, deux types d'objectifs. Des
qu'une « Mission militaire fran~aise » stationnera au Cameroun, sous Ja
objectifs a « rnoyen terme » : « Consolider le regime Ahidjo » et « eviter que
tutelle de l'ambassadeur de France et sous le commandement d'un officier
le Cameroun ne tombe sous l'emprise des elements upecistes extremistes franc;ais - en l'occurrence le general Briand -, afin d'y assurer « toutes les
diriges par M. Moumie, ce qui aboutirait a faire de ce pays une seconde etudes et mesures d'execution relatives al'assistance militaire ». Le second sti-
Guinee». Et des objectifs a« long terme ,>: « Eviter que Je Cameroun devienne pule que la France « s'engage a apporter a Ja Republique du Cameroun
un pöle d'attraction comrnuniste », « pouvoiI utiliser librement en cas de
conflit les axes Douala-Tchad » et stationner les troupes fran~aises aDouala et
Koutaba. Voila pourquoi, d'apres Benard, les nouvelles conventions pour- a • Convention n° 2285 relative au concours apporte par l'organlsme speclaUse de la Repu•
raient, dans un premier ternps, etre limitees a trois ou cinq ans, ce qui pour- blique fran~aise au fonctionnement et au developpement de la radiodiffuslon de Ja Repu-
rait « suffire aasseoir au Cameroun un regime oriente vers l'Occident »; puis, blique federale du Cameroun •, • Accord de defense entre la Republique fran~aise et la
Republique du Cameroun •• « Convention judlciaire entre Ja Republique fram;:aise et la
dans un second temps, etre reconduites avec l'accord des deux parties. Pour Republlque du Cameroun ., « Convention coosulaire entre la Republique frant;:aiseet la
s'eviter taute mauvaise surprise, ajoute Benard, « iJ serait particulierement Republique du Cameroun •, « Convention sur le röte et le statut de Ja Mission militalre
interessant» que « l'etat-major [de l'armee camerounaise) soit dirige par un fran~alse au Cameroun •, • Accord de cooperation en matiere d'aviatlon civlle (navlgat1on
afalenne, bases aerlennes, meteorologie) entre la Republique fran~aise et la Republique du
officier fran~ais ». Sans surprise, les exigences fran~aises sont applaudies par Je
Cameroun ., • Accord concernant l'assistance militaire tecllnique allX Forces armees
fragile pouvoir camerounais, peut-etre plus convaincu encore que !es Fran~ais camerounaises ", • Accord de cooperatlon technique en mattere de personnel entre lo
eux-memes que leur ingerence et la presence de leur armee garantiront sa lon- Republlque franc;aise et la Republique du Cameroun, ensemble trois protocoles ••
gevite. AJors que le president Ahidjo s'envole a l'ete 1960 pour Paris dans le • Convention culturelle entre la Republique fran~aise et la Republique du Came.roun ••
« Conventlon organisant !es relations entre le Tresor carnerounais et le Tresor franc;ais »,
but de « discuter » avec de Gaulle d'accords definitifs avec la France, son Pre- • Accord de cooperatlon en mattere ecoaomlque, monetalre et flnanclere entre la Repu-
mier ministre Charles Assale s'occupe de justifier la procedure devant l'opi- bllque fr,m~Lse et 10 R6pul>llquc du Camcroun •• • Tralte de cooperatton entre la Repu-
nion camerounaise: « Nous ne voyons pas la ralson pour laquelle nous bl lquc fro11c;olsei,t ti, Höp11bllquc du Camcroun •· Lc r~capltulatif de ces accords
tl~•111iv1•111hr,..
frn11co-cfl1rn:,rou11nl~ 1960 cst disponible sur lc sile Web de l'ambassaclc de
devrions rejeter du pied la p.lrogue qui nous a aldcs Otrnve„scr la rl.vlcrc11• »
11rnnct·011 C":til1C'!"l1\ltl(.. Wl~IY,,111ll11fr~ll('('-Crf1,(Jrp).

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l'asslstance de personnels rnilitaires franr;:aischarges de proc6c.lcrä.l'organisa- unllateralement des quc~tlons cngageant l'avenlr et aussi lmportantes
tion, ä l'encadrement et ä l'instructlon des Forces armees carnerounaises », que celle 1... 1 du rna.fntlen des unites franc;:aises en operation apres le
tandis que le Cameroun est tenu de se fournir en materiel mllitalre prioritai- desengagement » 16•
rement aupres de son ex-tutrice. Sizaire cite les dates precises de ces reunions secretes. Nous avons
retrouve le proces-verbal de l'une d'elles: un « comite militaire mixte perma-
nent>>qui reunit, le 29 novembre 1960, Ahidjo et les principaux dignitaires
Accordssecretsfranco-camerounais du regime camerounais autour du general Briand•. Au cours de cette ren-
et conflitsau seinde l'etat-majorfranrais contre, Je president camerounais formule des demandes de fournitures
d'armes et de troupes franc;:aises, le maintien de Gribelin et l'envoi de
Ayant ainsi fait signer des accords definitifs au gouvernement came- conselllers techniques supplementaires pour encadrer !es gardes civiques ...
rounais, les dirigeants franfais doivent pouvoir faiTe face au probleme de Briand lui repond mysterieusement que « cette demande ne pourrait ~tre
!'heure : J'insurrection upeciste qui, bien qu'ayant subl de graves revers ä Ja accueillie que dans Ie cadre d'un accord special prevu par la convention
fin de l'annee 1960, est encore loin d'avoir rendu les armes. Seul probJeme, secrete de defense du 13 novembre 1960 17 ».
les autorites franr;:aises sont divisees sur l'attitude ä adopter apres le Un (< accord speclal » ? D'apres certains documents retrouves dans !es
31 decembre 1960, date a laquelle, avec Lafln des accords provisoires prevus arcbives, l'artlcle 1er de la convention secrete de defense du 13 novembre 1960
pour cette seule annee, les troupes franr;:aisesne sont plus censees participer a prevoit en effet que Ia Republique du Cameroun « peut demander a la Repu-
des activites acaractere operationnel, c'est-a-dire aux combats. bli.que franc;:aise de Jui apporter, dans des circonstances definies par des
Toute cette periode de transition s'inscrlt dans une Iutte d'influence au accords speciaux, l'assistance de ses forces armees 18». Le 12 janvier 1961,
sein de l'etat-major franr;:ais entre Jes va-t-en-guerre qui refusent d'aban- I'« accord special » en question est signe pour six mois 19 et, apres avoir ete
donner leur mission militaire avant d'avoir definitivement ecrase 1'ALNK, renouvele en juin, court tout au long de l'annee 1961 20• Ses principales dispo-
comme Max Briand, et les responsables qui prefereraient un desengagement sitions - secretes elles aussi- consistent amaintenir sur la base de Koutaba un
rapide, cornme Je general commandant superieur de la Zone d'outre-mer n° 2, groupement de l'armee franc;:aisecomprenant un bataillon compose de trois
anive a Brazzaville en juin 1960, Robert Sizaire. On a vu (voir chapitre 23) compagnies, un escadron de reconnaissance et des elements de commande-
comment Briand a reussi, au milleu de 1960, a doubler une premiere fois rnent qui « ont pris part aux operations de pacification du pays bamileke 21 ».
SizaiTeen conservant contre l'avis de ce demier l'integralHe des troupes dont Resumons : c'est eo vertu d'une convention provisoire (31 decembre
il disposait en region Bamileke. A la fin de l'annee, Je general de Yaounde 1959) renouvelee six mois plus tard (juin 1960), puis d'un accord de defense
confirme l'ascendant qu'il a pris sur son rival - mais superieur hierarchique - definitif (13 novembre 1960) et, enfin, d'un « accord special » (12 janvier
de Brazzaville. La lettre envoyee par Sizaire au ministre des Armees, Pierre 1961) renouvele pour six mois supplementaires (12 juin 1961), tous signes
Messmer, Je 14 decembre 1960, atteste de cette situatlon stupefiante : « J'ai dans le plus grand secret, que !es troupes franr;:aises commandees par le
l'honneur de vous rendre compte des inquietudes que j'eprouve devant I'atti- general Briand font directement, pendant deux annees completes, la guerre
tude des autorites franr;:aisesdu Cameroun et devant Jeur volonte chaque jour aux nationalistes camerounais. Ce singulier echeveau juridique n'empecbera
mieux affirmee de maintenir au Cameroun apres Je 1"' janvier 1961 certaines pas Je colonel Pierre Aufeuvre, qui succede debut 1962 au general Briand au
de nos unites dans un cadre operationnel 15• » poste de cbef de la Mission militaire franr;:aiseau Cameroun, de decrire l'expe-
Selon Sizaire, rester plus longtemps en action au Cameroun serait pour rience militaire franc;:aise dans ce pays independant » depuis deux ans
(<

I'armee franc;:aiseun « non-sens », susceptible de l'amener a s'engager plus comme une sorte de laboratoire. Ne doutant visiblement pas que la France
avant dans des « actions de repression quJ sont du ressort du seul gouverne- sera a nouveau amenee a intervenir directement en Afrique, il decrit,
ment camerounais ». On comprend vite que Ja missive vise essentiellement dans !'« action menee par les forces franfaises et camerounaises contre la
Max Briand, qui « prön[e] Je reengagement » et chez qui « se manifeste de plus rebellion », le « premier exemple d'une assistance militaire a caractere opera-
en plus [... ) une tendance a transgresser les instructlons du ministre des tlonnel fournie ä un Etat africain et d'une cooperation entre ces forces dans le
Armees ». « Devant cet etat de choses contraire aux intercts essentlels de nos
forces », SizaJre, « contraint de s01tir de [s)a reserve », foll nlluslon ä des reu- o Ce• comlte mtx1c1w111111111J1H
• prHlgurc le • comHe special • nec par l'artlcle s de
nlons au sommet, tenues dans son dos, « au cours do~q11l•llcs ~ont traitees l'nccorrlclcrWcn,c tl11 1 1 nnvc,mh1l• 1960 (CADN, PAFC/65).

462 463
l 'l111lcpt•11dt111n•
tl1111s ( I !IS!l•I !JoU)
lt•,1111.~ l(, {JOIS/)//deIn ,..,,,,,,rn/rfl/lli!

cadre d'un maintien de !'ordre» 22• Une operation il ce polnt « cxcmplalre » conclusion des accorcls pa~s~savec les Etats de !'Ententen et Ja Mauritanie »,
que l'officier se propose de consacrer la derniere partle de son rnpport aux observc en 1964 le jurlste Maurice Ligot dans un livre preface par Jacques Foc-
« enseignements a [en] tirer ».
cart u_ Par la suite, poursult Ligot, la plupart des pays africains francophones
se sont « allgnes sur la position du Cameroun 25 ».
Ce n'est donc plus par l'integration au sein d'un grand ensemble que sont
Lageneralisationdu « modelecamerounais» anesthesiees les velleites independantistes des peuples africains, mais par une
pourlesfaussesindependances africaines infinite d'accords, parfois multilateraux et plus souvent bilateraux, qui consti-
tuent ce que l'on commence a appeler Ja « politique de cooperation ». « On
Premier territolre africain asortir par Je biais d'une « independance nego- donne l'independance a condition que !'Etat une fois independant s'engage ii
ciee » du domaine coJonial fran~ais et theätre de Ja premiere operation ,< exte- respecter les accords de cooperation, explique Michel Debre au vice-president
rieure » de l'armee fran~afae dans un pays africain lndependant : le caractere gabonais, Leon M'Ba. II y a deux systemes qui entrent en vigueur simultane-
« experimental » de l'experience camerounaise est palpable des 1960. ment, insiste-t-il, independance et accords de cooperation 26 • » Les seconds
II y a lä un paradoxe. Alors que Je Cameroun - comme le Togo - avait ayant pour vocation de vider Ja premiere de son contenu. Grace a la solide
longtemps ete considere par les gouvernants fran~ais comme une «breche» ,, toile d'araignee souterraine » ainsi mise en place, selon l'expression de
acolmater, du fait de son statut international, alors que les memes dirigeants Michel Debre lui-meme 27 , les Liensde dependance sont maintenus derriere la
avaient cherche pendant des annees, par tous les moyens, a integrer de force « nouveaute » des independances nominales. Le Fonds d'aide et de coopera-
ce territoire dans un grand ensemble franco-africain (Union fran~aise, puis tion (FAC) institue en 1959 n'est que la poursuite du FIDESde 1946 28 . Les
Communaute), Ja trajectoire camerounaise se transforme progressivement en « conseillers techniques » ne sont bien souvent que les administrateurs colo-
«modele» au moment ou les autres colonies d' Afrique s'appretent aleur tour niaux de la veiJle. Et le franc CFA, qui change de nom mais pas d'acronyme
a acceder a I'independance. En d'autres termes : l'echec de la Communaute, - Je franc des « colonies franc;aisesd' Afrique » devient Je franc de Ja « Commu-
per~ue dans un premier temps comme un ideal, fait du contre-modele came- naute fran~aise d' Afrique » -, reste la monnaie des Etats independants et
rounais la « voie a suivre » lorsque le gouvernement du general de GaulJe continue d'etre gere par la Banque de France. Le projet de renovation de
comprend qu'il ne pourra pas plus longtemps freiner les asplrations indepen- l'empire coJonial par la creation d'un « grand ensemble ,,, volontiers qualifie
dantistes qui agitent les colonies frarn;aises d' Afrique subsaharienne. d' « eurafricain » dans les annees 1950 mais domine par Paris (voir chapltre 5),
Le pouvoir gaulliste a bien tente, pour contoumer ces inevitables inde- s'accomplit finalement en catimini.
pendances, d'instituer en juin 1960 une « Communaute renovee » au sein de Ace stade, une mention doit etre faite du Togo. Territoire sous tutelle de
laquelle pourraient se maintenir des Etats devenus souverains•. Mais cette Ins- l'ONU au sortir de Ja Seconde Guerre mondiaJe, comme le Cameroun, consi-
titution, toujours aussi complexe et inadaptee, ne fonctionne pas mieux que dere comme une <<nation pilote » jusqu'ä la fin des annees 1950 (voir cha-
sa precedente mouture. Aussi observe-t-on une double mutation au cours de pitre 17), ce pays, qui devient independant Je 27 avril 1960, fait soudainement
l'annee 1960: pendant que les Etats d' AOFet d' AEFaccedent un a un a l'inde- flgure de « retardataire », voire de « mauvais eleve », aux yeux des dirlgeants
pendanceb, la logique multilaterale et « organlque » instituee par Ja Commu- fran~ais. Contrairement a ses homologues d'Afrique francophone, son presl-
naute se delite au profit d'une gestion davantage bilaterale et pragmatique n_ dent democratiquement elu, Sylvanus Olympio, rechigne en effet asigner des
C'est dans ce cadre que les regards se toument vers Je precedent came- accords de cooperation trop contraignants avec son ancienne puissance
rounais. « Du fait meme de l'absence de toute reference ä la Communaute » tutrice. Malgre les pressions exercees par cette derniere, il refuse d'aban-
dans les accords franco-camerounais, ceux-ci « devaient servir de modele a la donner aJa France des pans de souverainete aussi strategiques que la defense
ou la polltique monetaire.
a Loi constitutionnelle 60-525 du 4 juin 1960, stipulant qu'. un Etat independant non Ce sera en demier ressort par un coup d'Etat que le Togo finira par rat-
membre de la Communaute peut, par voie d'accords, adbe.rer ä la Communaute sans traper son « retard » sur le Cameroun et les ex-colonies d'Afrlque franc;aise :
cesser d'etre independant ", <WWW.senat.fr>.
le,13 janvler 1963, Sylvanus Olympio se.rarenverse et assassine par un groupe
b Apres le Togo (27 avril 1960), viennent dans !'ordre : Madagascar (26 juln), le Dahomey
(1" aoOt), le Niger (3 aoOt), la Haute-Volta (5 ao0t), la COte-cl'Ivolre (7 aoOt), le Tchad
() I aoOt), la Centrafriquc (13 aoOt), Ic Congo-ßrazzavillc (15 noOt), lc Gnbon (17 aoOt), Ie
Senegal (20 aoOt), '" Mnll (22 scptcmbrl!), lo Maurltantc (28 novc111hn:). ll C<'\tc·d'lvolrc,l lllulc ,Volt,11 l1,1h11111r1y,
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d'officiers et de sous-officierstogolais menes par ~tlenne G11J~slngME.ya- Fevrier1960: officielle111e11t


abandom1ee
dema. Ceux-ci,demobilisesde l'armee fran~aiseet ayant pour la plupart servl par l'armtfe(r,w(aise,la DGRs'exporteen Afrique
en lndochlne puis en Algerie", auraient agi avec l'assentiment, voire la
complicite, d'eminents « cooperants » fran~aisinstalles ä Lome.Six mois plus Le politologue britannique Robin Luckham, qui fait cette derniere
tard et sans difficulte, les nouveaux dirigeants togolais accepteront sans bron- remarque en 1982, en ajoute une autre, essentielle : l'armee camerounaise,
cher de signer des accords de cooperation avec la France. Des accords, releve officiellcmentconstituee en novembre 1959, avant ses homologues d' Afrique
d'ailleurs-non sans satisfaction- MauriceLigot,« assezsemblablesaceux qui francophone (hors Guinee), leu.rservirade reference. « Lesarrangements pour
unissent la Franceet les Etats de l'Entente 29 ,._ la mise sur pied d'une force militairecamerounaise, indique-t-il,devinrent en
Ne dans un contexte de guerre, c'est sur le volet securitaire et milltaire fait le modele pour les armees des autres pays francophones 31• » Diagnostic
que le «modele» camerounais parait le plus precurseur. Le systeme securi- deja etabli en 1977 par le specialisteMoshe Ammi-Oz,dans un artide detaille:
taire franco-camerounaisfait en effet figure d'etaJon, ce dispositlf rempllssant " En fait, le processusde creation d'une force armee nationale camerounaise
efficacement son office : eviter que Je pays devienne un « pöle d'attraction devalt precederla conclusion des accordsde defense [avecJaFrance],qui allait
cornmuniste », comme le dit l'ambassadeur Benard, et l'obliger a mettre ses venir concretiser et legitimer Ja politique de cooperation militaire. Ces
lnfrastructuressecuritairesä la disposltion de la France. mesures, qui furent dictees par des imperatifs d'urgence militaire, allaient
Plusieursconstats peuvent etre faüs ä ce sujet. On peut relever d'abord ,crvir par la suite de modele a la mise sur pied des armees nationales des
que les dispositions relatives aux « matieres premieres strategiques » anciens territoires de !'Union fran~aise. Elles constitueront les principes de
contenues dans la convention franco-camerounaisesur Ja defense et Je main- base sur lesquelsla France allait apporter, aux Etats independants, son assis-
tien de l'ordre du 31 decembre 1958 ont vraise.mblablementete incorporees tance pour Ja constitution de forces armees nationales. [...] Compte tenu de
dans Ja plupart-sinon la totalite-des accordssecretsde defenseque la France l'experience deja acquise au cours de la formation et du transfert d'unites a
a fait signer ä ses anciennes coloniesb.On remarque ensuite que les fonde- !'Etat camerounais, les autorites mllitaires fran~aisespresenterent au Premier
ments juridiquessur lesquelss'appule Jenouveau pouvoir gaullistepour lnter- 111inistre un "Plan de mise sur pied des armees nationales des Etats africains".
venir militairement en Afrique sont particulierement flous, comme dans Je C'est ce plan, communement appele "Plan raisonnable", qui servira de
« premier exemple » camerounais etudie par Je colonel Aufeuvre.Profitant de modele de base a Ja creation des forcesarmees nationales africaines • »
32

la « jungte juridique aussi complexe qu'opaque 30 » qu'elle a mise en place au Ce faisant, note Robin Luckham, c'est 1'«experience de quinze ans de
moment des independances, la France se donne les moyens d'intervenir guerre revolutlonnaire » qul, depuis l'fndochine jusqu'au Cameroun en pas-
quand bon lui semble, n'hesltant pas ä s'affranchir des engagements qu'elle a \ant par I'Algerie,se diffuse dans les anciennes colonies fran~aisesd' Afrique.
pris. Avecpour objectif, comme au Cameroun, d'une part de« garantir la securite
des Etats africains eux-memes et celle du groupe de dirigeants auxquels la
France transmettait Je pouvoir » et, d'autre part, d' « integrer [ces Etats] de
33
fa~ondurable dans le cadre de la planification geostrategiquede la France » •
Cette remarque, particuUerement interessante d'un point de vue histo-
1lquc, merite qu'on s'y arrete. Ca.r1960, annee des independances africaines,

cst aussi celle de l'abandon officielde la doctrine de la guerre revolutionnaire


a Le sergent Gnassing~ Eyadema a ete demob~ en septembre 1962, date ä laquelle II a (DGR) par l'armee fran~aise34 • A l'origine de cette rupture, on trouve le virage
quitte l'Algerle pour rejoindre le Togo. C'est par un second coup d'~tat, en janvler 1967,
qu'II dcvJeodra president de la Republlque, fonction qu'II conservera jusqu'ä son deces, en polltique du generaJde Gaulle, qui s'achemine vers l'octrol de l'independance
fevrler 2005. ,\ 1'Algcrie: une evolution qu'un grand nombre de theoriciens et de prati-
b Du falt meme du secret qui trappe ces accords, II est difflclle d'attester cc constat. On dens militaires de la « guerre revolutionnaire », ardents partisans de l'Algerie
notera cepe.ndant que le seul de ces accords ä avolr ete devolle ä ce jour reprend dans son
annexe II les dispositlons france><amerounalses du 31 decembre 1958 dans des tem1es tnh
han~aisc, regardent commc une trahison. Refusant de suivre de Gaulle « sur
stmilalres (• Annexe II ä l'Accord de dcfense entre lcs gouverncmcnts de la Republlque lc'chcmin des abnn(lons ~ et d'offrir l'Algerie« en cadeau aux fellouzes», ces
fran~aise, de la Republlque de Cöte-d'lvolrc, de lo Republlque du D,1homcy et de la Repu- offlclcrsvont tc11tc1 d'ut 111\t'icontrc lc gouvcrnemcnt fran~aislui-memecette
bllquc du Niger conccrnnnt la coo~ratlon dans le domalru• d<'Sm,11l~re~prcml~rcs et pro-
dulls Mrateglqucs •• Pari~,24 ßvrll 1961, < www.lr1d0(Unw11t.11lunfr,111c,1l~1l.fr
>}. .. 8ucrrc p~ychoto~lq1w• nn II~,ont p:i!ls~~ maitrcs.

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Tel est le contexte qui expliquc le bannisscment offlclclde la DGRet de ,o


des autorltcs... On a vu m~mcau Cameroun. Ce n'etait pas si faux que ~a,
ses praticiens les plus en vue•. Debut fevrier 1960, Pierre Messmer, nomme c'etalt assez juste J7 _ ,.
minlstre des Armees au lendemain de la « Semaine des barricades » d'Alger De fait, les prlncipes de la guerre psychologique n'ont ete abandonnes en
(janvier 1960), dissout les 5e bureaux d'action psychologique et entreprend Afrlquecentrale que pour Laforme. Le rapport pour l'annee 1960 du general
une purgedes militaires factieux. Evacueedu corpus doctrlnal de l'armee fran- Sizaire, commandant de Ja ZOM 2, assume d'ailleurs sans complexe cette
~aise,la « guerre psychologique » devient ainsi une arme« clandestine », dont continuite. Pour lui, la "suppression des s•bureaux » - symbolesde la guerre
le putsch d'Alger d'avrll 1961 et les actions de !'Organisation armee secrete psychologique -, devenue effective en ZOM 2 au l" mars 1960, ne dolt
(OAS)en Algerieet en France- auxquels ont participe des personnalites aussi « entrainer aucune modification dans ce genre d'activite ,._ " Bien au

eminentes que les generaux Raoul Satan et Andre Zeller ou les colonels contraire, poursuit-il, profitant des methodes misesau point les annees prece-
Charles Lacheroyet Antoine Argoud- seraient les dernieres manifestations. dentes, l'action civique a pu etre poursuivie efficacement en 1960. Le calme
Cette version des faits ne correspond toutefois qu'a une partie de la rea- avec lequel Ja troupe africaine a accueilli !es grands changements survenus
lite, car eile en masque une autre, soigneusement occultee par une ver.ltable dans l'annee est incontestablement, pour une banne part, Je fruit de ces
operatlon de mystification. De nombreuses etudes montrent en effet que la efforts38 • ,.
DGR,of{iciellementprohibee parce que devenue subitement trop « politique » En realite, au debut des annees 1960, !es theories fran~aisesde contre-
dans le contexte d'une « guerre d' Algerie» occupant la vitrine mediatique, subversion sont plus que jamais d'actualite en Afrique. Grace aux accords
reste officieusementd'actualite dans les colonies fran~aisesd' Afriqueen passe d'assistance technique militaire que la France fait signer a ses anciennes
d'acceder a une fausse independance 35• Preuve de ce paradoxe, c'est l'incon- colonies d' Afrique, les • officiers malades de l'lndochine 39 » peuvent ensei-
tournable Pierre Messmer qui est charge de la purge des officiers factieux gner aux jeunes armees africaines les principes de « defense en surface »,
d'Algerie.Ce meme Pierre Messmerqui, en compagnie de Jean Lamberton et « action psychologique », « quadrillage des populations „ et autre "guerre
Daniel Doustin, avait applique avec tant d'enthousiasme la DGRen Sanaga- dans lesfoules». Lerecyclagedes theorles s'accompagne d'une mutation -qui
Maritime,mais qui, dans ses Memoires,en denonce avec aplomb « les theori- n'est pas toujours une sanction, quoi qu'en dise Messmer- de tous les specia-
ciens et leurs disciples 36 ». Cet apparent paradoxe couvre en fait un vral listesde Ja DRGrestes fidelesau general de Gaulle. C'est le cas de l'un des plus
double langage: Ja DGR,bannie dans le contexte franco-fran~aisparce qu'elle celebres d'entre eux: MarcelBigeard, « heros » de la bataiUe d'Alger, qui est
menace le pouvoir gaulliste, est valorisee dans les ex-colonies, devenues envoye en Centrafrique de juillet 1960 a janvier 1963 pour y prendre le
« etrangeres », ou sont installes des regimes « amis de la France ». commandement du 6' RJAOM40 • Et, si Pierre Messmer propose au general
En depit du nouveau discours, ce sont bien les anciennes habitudes qui MassuJe commandement de la ZOM2 en fevrier 1960, en plelne guerre du
demeurent dans les ex-colonies, sans effrayer quiconque. Au Cameroun, ou Cameroun (voir chapitre 22), ce n'est sans doute pas non plus une
eile a tant servi, Ja DGRfait evidernment partie du bagage theorique et pra- co"incidence.
tique des officiers en formation. Elle constitue le fond de l'enseignement a Ainsi, officiellement « bannie », la DGR se dissemine dans toute l'ex-
l'EMlA (voir chapitre 24). Et tous les officiers camerounais la regardent, Afrique fran~se. Et meme au-dela. Debut 1961, Pierre Messmer expedie le
aujourd'hui encore, comme une evidence. « J'ai vu que c'etait quand meme colonel RogerTrinquier, qui s'est illustre comme adjoint du general Jacques
juste, nous a confie par exemple en 2007 le general Semengue, prernier haut Massudurant Ja « bataille d' Alger», au Katangapour assister le jeune colonel
grade camerounais, pour qui les theories de Lacheroy n'ont aucun mystere. Joseph-DesireMobutu dans sa prise de pouvoir. Paul Aussaresses,autre figure
Quand on remarque les guerres qu'il y a eu, meme au Cameroun, on a vu que de proue de ce que !es militaires etrangers commencent a appeler ,,., ecole
c'etait vrai : commencer par noyauter !es populations, creer des incidents fran~alse», est expedie au printemps de la meme annee aFort Braggpour par-
pour creer le clash, faire en sorte que les populations aient une mauvaise idee tager avec les militaires nord-americains !es secrets de Ja bataille d'Alger. Les
specialistesfran~aisimpriment leur marque sur le premier « cours lnterame-
rlcal n de guerre contre-revolutionnaire » organise a Buenos Aires en
oc;tobrc 1961. Et leur lnflucnce devient determinante dans les ex-colonles
a L'abandon de la guerre psychologlque est ~galernent II~ä unc roorientatlon profonde de la ::ifricainesde la ßclglquc,commc par exemple au Rwanda •••
41

doctrlne mllllaire fran\alsc, qul doll· rcposer dl!sormols sur l'or.ine11ucll!olicque la 1:roncc
est sur le polnt d'acqul!rlr (lc prcmlcr essal dam lc Sohara n 11<•11 lt• 11 fl!vrll'I 1960) ; aux Partout d~crlle c-011111H' lo plus cfflcacc et la plus econornlque des
ycux de De Gaulle, cc ,cr.i 1111 par,111lulrplus cmcntc que lc~11tfot1c1\lt• l.odicroy. rncthode~pour rn11,1i,,111c h·s" ,11hvtl\lom .., et pour asscoir,ou lmposer, des

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pouvoirs forts et anticommunistes, la bo'iteä outils "contre-r~volutlonnairc » gucrrc psychologlquc trouvn un argument interessant pour justifier la dls-
conc;ue en lndocbine par l'armee fran~aise et rendue cel~brc par la batallle crete exportation dans lcs ex-colonies de sa doctrine de prediJectlon :
d'Alger s'exporte partout. Pour ce qui concerne l'Afrique francophone, le « Convaincus, ä tort ou ä raison, que Ja defense de l'Afrique requiert des pro-
resume effectue par Gabriel Peries et David Servenay - dans un ouvrage cedes politico-miUtaires et non plus des dispositifs de ma.nreuvre strate-
consacre a l'bistoire de Ja DGRau Rwanda- merite d'etre cite: « A partir de Ja glques ou tactiques, les gouvernements africains seront enclins a contester la
periode des independances, la Francen'a plus les moyens, politiques et econo- presence de nos unites sur Jeur territoire si notre cooperation ne s'opere pas
miques, de maintenir une presence forte sur le continent. Or, la "guerre revo- dans Je sens qu'ils estiment utHe. Teile est la tendance vers Laquellepenche,
lutionnaire", par la mise en reuvre de mecanismes de contröle peu coüteux, en consequence, l'assistance militaire de la France aux Etats africajns. CeJa
en hommes comme en materiels, apparait comme J'instrument ideal de cette montre combien delicate et souple doit etre l'interpretation des accords 43• »
presence. Parisva donc implanter eo Afriquenoire l'appareil doctrinal qu'elle Pour de tels responsables, on le voit, leur passageau Ca.merounalors qu'iJ
rejette energiquement en metropole pour des raisons d'efficacite. Et de discre- accede au rang d'Etat independant ne constitue pas une rupture, bien au
tion. C'est tout le paradoxe de Ja decolonisation : les methodes les moins contraire, mais une etape dans des carrieres qui enja.mbent Ja frontiere mou-
democratiques de l'armee fran~aise vont etre transferees vers ces nouveaux vante sepa.rant la France et l'Afrique, l'ex-metropole et Jes ex-colonies. Sur le
Etats africains independants 42. »
plan diplomatique, on pourrait aussi signaler des parcours interessants.
Afnsi,pendant que les plus virulents partisans de l'Algerie fram;aisesont Comme celui de Jacques Kosciusko-Morizet, representaot dans les annees
officiellement desavoues, sur le fond comme sur Ja forme, ceux qui ont permis
1950 de la France a l'ONU, ou il a notamment reussi a emp@chertoute elec-
le maintien du Cameroun dans le giron de la France peuvent secretement
triompher. tion libre avant J'independance du Cameroun, qui deviendra de 1963 a 1968
ambassadeur de France au Congo-Kinshasa,pays sensible riche en minerais et
en manipuJations oeocoloniales. Mais c'est vers Je Gabon qu'il faut tourner
La disseminationdu « clan desCamerounais» le regard pour retrouver le creur de ce que J'on pourrait appeler le « clan des
Camerounais ». Ce petit pays frontaJier du Cameroun prend une importance
Puisque le Cameroun apparai't ä maints egards comme un « Jaboratoire considerable dans Ja strategie africaine de la France au cours des annees 1960.
fran~africain », pas unique certes, mais « exempJaire », il n'est pas inutile Pour une raisoo simple : les immenses gisements petroliers qui y sont decou-
d'evoquer brievement Ja carriere ulterieure de ces « pacificateurs » fran~aisqui ve.rts,en 1961, doivent servir de reserve strategique a l'ancienne metropole
se sont illustres en Sanaga-Maritime ou dans Je Bamileke au moment de la de fa~on ä garantir son independance energetique (voir chapitre 5). Devenu
transition vers l'independance. la plate-forme de la Fran~afrique naissante en Afrique centrale, on y retrou-
On pourra.itpar exemple souligner le brillant destin de Daniel Doustin, le vera nombre des « specialistes·» frao~ais qui s'etaient illustres au Cameroun.
cerveau de la ZOPAC,que Je go0t des intrigues conduJra, apres des postes de Acommencer par Maurice Delauney, J'ancien chef de Ja region Bamileke,qui
Haut Commissaire puis d'a.mbassadeurau Tchad, a la tete de Ja Direction de y representera la France comme ambassadeur adeux reprises, de 1965 a 1972
Ja Surveillance du territoire (DST)de 1961 ä 1964, avant de devenir dans les puis de 1975 a 1979.
a.nnees 1970 directeur de cabinet du Premier ministre Raymond Barre. Et il A Libreville,Delauney s'appuie d'aHleurs sur ses fid~les,administrateurs
faudrait bien sOr evoquer la carrlere de son binöme ä la tete de la ZOPAC,le formes a l'ecole coloniale ou gendarmes specialistes de Ja contre-insurrec-
colone[Jean Lamberton, qui devient chef du cabinet militaire du ministre des tion, qui pour beaucoup etaient dejä a ses cötes en region BamiJeke.La liste
Armees Pierre Messmer en mars 1960 (au moment ou l'on « abandonne » Ja est impressionnante. On y retrouve ses anciens chefs de subdivision Jean
DRG... ), et qui terminera sa carriere successivement comme directeur de Sablayrolles, Louis Capelle et Remy Dusserre. Ainsi qu'une vieille connais-
l'Ecole d'etat-major puis de l'Ecole superieure de guerre. Jusqu'a la finde ses sance, Georges Maitrier, qui commandait l'escadron de gendarmerie de
jours, i1 restera un passionne de « pedagogie ». Ce n'est d'ailleurs pas sans Dschang. Apresson passageau Cameroun, GeorgesMaitrier avait ete affecte a.
interet retrospectif que J'on peut lire la conference qu'II donna en 1961 au la formation des gendarmeries d'AOFet du Togo 44.ll commande, en outre, la
CMISOM, jadis royaume du colonel Lacheroy, sur un sujet que Pierre gefülarmerle du Togo cn 1963au moment du putscll militaire contre Je presi-
Messmer lui avait, dit-il, demande d'etudier de tres pr~s: In coop~rntion mili- dc11t Sylvanus Olyrnplo, unc op6ration qu'II est accuse d'avoir toleree sinon
taire franco-afrlcaine. Fin pedagogue, donc, lc tMorlclo11c1prnticlen de la cncouragee 45• L1on11~c~11lvn11te,s1111eau coup d'Etat avorte contre l'ami de la

470 '171
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,, d,111, /(' 511118 !)l)()) LcJ/JO/SU/1rle/tl Pr,111r11/rlt/lll!

France Leon M'Ba, Ma'itrier reprend en main ia gendarmcrtc du Gabon 4611, ou llr/)ressionsans frontieres:
il succede ä ... Gabriel Haulin, qu'il avait precede au commandement de la il faut liquiderMoun'lie
gendarmerie de Dschang ~7 • Lequel Haulin avalt d'allleurs pu partager ses sou-
venirs de l'Ouest-Cameroun avec un autre connalsseur de la region: le Jieute- Des 1960, pendant que l'armee de Max Briand prend l'avantage sur Je ter-
nant-colonel Rene Gribelin, devenu cbef d'etat-major de l'armee gabonaise rain et que le neocolonialisme se grave dans le marbre par le biais des accords
(jusqu'en septembre 1963) 48 ! A Libreville, la fine equipe est accueilJie par lfonins de « cooperation », une menace mouvante continue de planer sur les
Georges Conan, «brutal» commissaire special d'Eseka en 1958 puis charge de relations franco-camerounaises. Parcourant le globe a Ja recherche d'allies,
l'extirpation des aveux en Bamileke en 1959. Au Gabon, toute cette expe- promettant a ses partlsans la lutte armee jusqu'a la vlctoire, sur le modele de
rience accumulee l'amenera rapidement a dlriger la police politique 49 • En Mao Zedong en Chine et de Fidel Castro a Cuba, cette menace s'appelle Felix-
raison de l'emprise de ces anciens « Camerounais » au Gabon, le journaliste Roland Moumie.
Pierre Pean baptisera le groupe qu'ils forment avec quelques autres eminents Fin 1960, le president de l'UPC reste un chef respecte et influent. Tant
representants de Ja Fran~afrlque a Librevllle... le <<clan des Gabonais » so_ au Cameroun qu'a l'etranger. Sur le terrain camerounais, les rapports deren-
De fait, ce « clan » presente une culture commune, quelques traits dis- seignements continuent discretement de pister les chefs maquisards soumis
tinctifs qui se sont exprimes en Bamlleke et qui constituent autant de qualites ä l'autorite du leader en exil, et precisent regulierement que seuJ Moumie peut
appreclees dans les reseaux de Ja Fran~afrique. Une allergie a la justice, taut pretendre impulser une strategie a l'echelle de toute I' ALNK.Le rapport men-
d'abord, aux procedures et aux regles en general, comme on l'a vu avec l'aga- suel de Max Briand d'aout 1960 se rejouit par exemple des avancees de
cement permanent exprime par Delauney face aux - modestes - pretentions l'armee, mais souligne que, « sur Je plan politique, l'UPC parait en voie de sur-
des magistrats au cours de sa lutte contre le SDNK (voir chapitres 13 et 18). monter ses "contradictions internes" et l'autorite de Moumie n'est plus
Seul campte pour l'administrateur colonial devenu diplomate le rapport contestee officlellement par aucun militant si ». Le 9 septembre 1960, une
d'homme a homme, c'est-a-dlre Ja relation entre le representant de la France note du 2° bureau de l'armee franr;aise au Cameroun, relatant une reunion au
et le chef autochtone, pret a taut pour plaire au colonisateur et profiter de sommet de J'UPC «legale», de tendance Mayi Matip, est blen obligee
cette alliance afin de mater ses oppositions locales. La methode de repression d'admettre que, malgce les divergences d'approche tres fortes entre toutes
par l'intermediaire des chefs locaux, utilisee en Bamileke, est au principe sortes d'upecistes, « Je titre de president de l'UPC n'est actuellement conteste
meme de Ja Fran~afrique. Deuxieme quaJite appreciee dans ce cerde etroit : ~ Mournie par aucun militant». Et pour cause: dans ce parti soucieux des pro-
une anglophobie a taute epreuve. Du raid secret et illegal au Cameroun bri- cedures, aucun congres n'a pu se tenir depuis celui de 1952 qui avait porte le
tannique (voir chapitre 13) jusqu'ä son implication dans la secession bia- fougueux militant a la presidence. Les deux vice-presidents elus a ce
fraise au Nigeria (voir chapitre 32), Delauney n'aura de cesse de venger moment-la, Abel Kingue et Emest Ouandie, campant en exil sur Ja meme
l'affront de Fachoda. Demiere quaJite recurrente : un lien intime avec les ser- position de refus d'un quelconque raillement ä la legalite, et Ruben Um
vices secrets, qui constituent un outil de pouvoir dete.rminant dans les neoco- Nyobe ayant peri en brousse, Moumie apparaJt comme le seul depositaire de
lonies fran~lses. Ce n'estd'ailleurs pas un hasard si le successeur de Delauney l'autorite legitime al'interieur du parti nationaliste.
a Libreville en 1979 n'est autre que Maurice Robert, intime de Jacques Foccart Si bien que, pour reprendre !es termes de la note du 2° bureau, « l'espoir
et patron du secteur « Afrique » du SDECEa partir de mars 1960, fondateur a de Mayi Matip de le faire exclure par un congres ulterleur parrut sans fonde-
ce titre des Postes de liaison et de renselgnement (voir chapitre 20) et specia- men t pour !'Instant 52 ». Plus grave encore pour le pouvoir franco-came-
liste des coups tordus et des operations « speciales ». Un domaine ou le Came- rounais, l'aura acquise en quelques annees par le jeune medecin bamoun
roun s'est, lä encore, tres töt illustre. cntretient l'espoir, meme vague, d'une possible alliance entre les differentes
lcndances de l'opposition camerounaise. Alors que l'anclen Premier ministre
Andre-Marie Mbida avait rejoint Mournie en exll en 1959 (avant de s'en elol-
gner a nouveau), certains evoquent maintenant une possible alliance avec
rau! Soppo Priso ou Marcel ßebey-Eyidi. On entend meme des bruits de recon-
clllatlon avec les frere:.ennemis de l'UPC legale de Theodore Mayi Matip, ou
a Pour tous ces bons et loyaux Services,Georges Maitrier tcm1hH.'rn~ororrl~re au grndc de cncorcavecle syncllcttlhl<.'Jocqucs Ngom cle l'Unlon generale des travallleurs
g~n~rnl.
du Kt11ncrur1 (UG1'R)41 ,

47 II 7:l
l/i111li1p<'11tl1111c
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(I <159.1
!JC>V) L(I11ulso11
"" la Fm11ra(l'lq11e

En verite, c'est pl.utöt ä l'echelle africaine que Mounil~ travaille ses que !es Servicesfrnnval~,~ou~couvert de ce mysterieux groupe baptise « La
alliances et son statut de leader. Dans ce domaine, il remporte d'ailleurs Main rouge » qui assasslnc regulierement les nationalistes algeriens et leurs
d'assez beaux succes. Quoique mal connue ä l'etranger, l'etonnante poussee allies installes en Europe (voir chapitre 19), vont ä nouveau frapper: pour se
de l'ALNKen 1959 (voir chapitre 19), et par contrecoup la violente entre- debarrasserdu leader upeciste,ces memes servicesont imagine une rocambo-
prise de reconquete que la France s'est crue obligee d'organiser en 1960, ont lesque operation.
transforme le president de l'UPC en Jeader credible et en ennemi jure des
« puissances imperialistes ». Connaissant bien le sort reserve par ces der-
nieres ä leu.rsopposants, Moumie se doute qu'il est surveille de pres par !es Assassinatau Ricardpiege
reseaux de renseignements des grandes puissances. A commencer par Je
SDECEfran~aisqui, sous les auspices de Jacques Foccart et Maurice Robert, Aide par leurs servicesde renseignement disseminessur Je continent, !es
responsable« Afrique» de la Piscine depuis mars 1960, consoUdeses reseaux servicesspeciauxfran~aisconnaissent les deux faiblessesde Moumie. Une fai-
et s'achame sur Sekou Toure (voir chapitre 20). Peut-etre Moumie sait-Uque blesse intime d'abord : il reslste mal aux charmes feminins. Et une faiblesse
sa propre tete a ete mise ä prix ä Paris? En tout cas, iJ se mefie. Toujours entre politique : il a besoin de la presse pour populariser sa cause. Misant sur ces
deux avions, du Caire aConakry, d' Accraä Pekin, il refuse de survoler Je terri- deux failles, le SDECEa recrute une jolie brune, LilianeFriedli,pour <<accom-
toire fran~ais et evite autant que possible Je ciel aerien de la Communaute pagner » Je leader camerounais dans son sejour genevois. Parallelement, un
fran~aise. ll craint, confie-t-il ä ses proches, que son avion soit intercepte, reservistefranco-suisse travaillant pour le service Action du SDECEet agis-
comme cela fut le cas en 1956 pour Ben Bellaet les autres dirigeants du FLN5~. san t regulierement dans le cadre des operations de Ja vraie-fausse « Main
Vitrine internationale de l'UPCet figure de proue de la « revolution afri- rouge », WilliamBechtel,doit attirer Moumie dans un guet-apens: se presen-
caine », Moumie fait partie de ces leadersauxquels s'interessent tous ceux qui tant comme « journaUste» et s'etant dejä deplace jusqu'ä Accraquelques mois
revent de J'emancipation veritable du continent. Les differentes tentatives plus töt pour « faire la connaissance » du p.residentde l'UPC, il doit cette fois
mediatiques visant ä le decredibiliser,ou Je marginaliser,paraissent d'ailleurs l'empoisonner au cours d'un diner en ville.
assez inoffensives. Les journalistes de la presse internationale ont beau le Dans un premier temps, Je macabre plan du SDECEse deroule comme
regarder de haut, Je traiter de « terroriste » et stigmatiser ses mots d'ordre prevu. LilianeFriedliaccompagne « amoureusement » son ami camerounais,
« depasses », le petit homme äge de seulement 35 ans, hyperactif et toujours arriveä Geneve le 2 octobre 1960 en provenance d' Accra,dans tous ses depla-
exaJte, fasc.inede plus en plus. Installe entre Accra et Conakry, devenu un cements. Et WilliamBechtelobtient un rendez-vousdans un restaurant cossu
conseiller ecoute de Sekou Toure et un ami de Kwame Nkrumah, le jeune de la ville, LePlat d'argent, pour le 15 octobre. Bien que Moumie se soit rendu
medecin tente d'etoffer et de consolider ses relations africaines et internatio- nu restaurant avec un etudiant upeciste venu de France,Jean-Martin Tchapt-
nales. Une piste est particulierement recherchee par le bureau de l'UPC en exil chet, le faux journaliste parvient a divertir 1'attention de ses deux interlocu-
au cours de l'annee 1960 : l'alliance Moumie-Lumumba.Les premieres rela- tcu rs : Moumie, qu'un complice fait appeler au telephone du restaurant,
tions avec PatriceLumumba, Je Premier ministre congolais,ont ete nouees en rnnformement au plan preetabli, et Tchaptchet, auquel il montre une serie
avril 1960 lors du passagede ce demier a l'AfricanCenter d'Accra.A Ja fin du ~lcphotos. Bechtelpeut alors tranquillement verserson poison dans J'aperitif
mois de septembre 1960, le president de l'UPC s'envole pour Je Congo-Leo- de Moumie. Un poison soigneusement selectionne : du thaJJium, un produit
poldville, ou il compte realiser enfin son projet de gouvernement kame- rnortel qui, quand il est bien dose, ne produit ses effets que 48 heures plus
runais provisoireen exil.Mais, quand Mournieanive au Congo en compagnie turd. C'est-ä-dire, logiquement, au momeot ou Moumie sera rentre a
du jeune economiste nationaliste Osende Afana, Lumumba vient d'etre Conakry.
chasse de la capitale par les troupes du nouvel homme fort, le colonel C'est ä cet Instant que Je plan du SDECEderape. Revenuä table apres son
Mobutu. D'apres sa veuve, Felix Moumie, deguise en militaire local, aurait appcl telephonique, Moumie se lance dans de grandes discussions,sans boire
alors rejoint le Premier ministre congolais dechu, apres avolr traverseJe fleuve ~<mRicarclempoisonne. Voyant l'heure tourner et sa mission secrete courir ä
Congo en pirogue 55 . Le president de I'UPC finira par etre expulse vers Accra l'~cl1ec,Bechtel decide d'empoisonner le verre de vin de Moumie. Lequel,
par Mobutu 56 • •,ulJllementassolff6ö l'heurc de qultter la table, ingurgite finalerneot coup sur
Eo Suisse, ou il est de passage quelques sernaines plus tard, en rnup ... les dcuJ<doscs tlc pol~on1Pris de violentes douleurs ä l'estomac pen-
octobre 1960, en pays neutre donc, Moumic baisse la garde. 11a torl : c'est lä ~lnnlJnnull, IIcst cor1(IUII 1111ccllnlquc de .lavJlle.Aucours de son agonie
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qui s'etire jusqu'a sa mort Je 3 novembre, le mectecin camcrounals trouve president de l'UPC. ;\ peu prc~tous les acteurs impllques, de pres ou de loin,
juste Ja force de reveler l'identite de son assassin.Aussi.tÖl,l'affaire fait grand dans cette operatlon ..:l lorno » se sont exprimes sur Je sujet. Si l'on excepte
bruit. Lesperquisitions menees au domicile du« journaliste », qui.s'est volati- Pierre Messmer, alors ministre des Armees, qui niera l'evidence jusqu'a ses
lise, ne laissent aucun doute sur sa responsabilitedans la mort de Moumie : demiers jours (« A mon avis, la France s'en moquait eperdument 59 »), tous
« Grand Bill », comme on le surnomme au SDECE,avait laisse tra'.inera son
ont reconnu sans difficulte et sans aucun remords !es responsabilites fran-
domicile, quitte precipitarnment, des photos de preparation d'enlevements ~ises. Des 1980, MarceJLeroy, patron du Service7 du SDECE,evoque 1'«ell-
ou d'assassinatsannotees a l'encre sympathique, de la documentation sur les mination brutale» de Moumie par le service Action 60 • Quelque temps plus
differentesfa~onsd'assassiner un homme en toute discretion et, preuve acca- tard, c'est Paul Grossin, le grand patron du SDECEde l'epoque, qui raconte
blante, des traces de thallium. dans le detail Ja scene de l'empoisonnement 61 . Lesamateurs de roman a clef
Pendant plusieurs annees, des doutes planeront sur l'identite des pourront Urele chapitre que Constantin Melnik, charge des relations avec Je
commanditaires de l'assassinat. Profitant de Ja confusion, les autorites came- SDECEa Matignon, a consacre a cette affaire dans l'un de ses ouvrages62 • Et
rounaises cherchent d'ailleurs immediatement a brouiller les pistes. Le mini- les autres pourront se reporter aux pages que MauriceRobert, alors patron du
stre des Affairesetrangeres Charles Okala, ex-pion de Ja SFIOdans Ies annees secteur Afriquedu SDECE,a consacreesa cette affairedans ses Memoires63• En
1950, assure par exemple devant !'Assembleecamerounaise qu'« il n'y a que quelques mots, Jacques FoccartJui-memen'a pas cache sa propre responsabi-
deux hypotheses : ou c'est l'UPCqui a decrete la mort de Moumie ou ce sont lite, precisant simplement que Ja decision de tuer Moumle ne provenait « pas
!es Russes».Et, brocardant les mreurs dissolueset le train de vie du president specialement » de lu:i.Al'ev:idence,1'«execution » de Moumie-selon le terme
de l'UPC,feint de compatir avec lesmaquisards « credules » restesau pays qui, utilise par Foccart- etait une decision collective qui faisa:itconsensus. Et qui,
« eux, lorsqu'ils sont sur les barricades, [... ] n'ont pas de compagnes et
sans nu1doute, avait ete avaliseepar les plus hautes autorites de !'Etat fran\'.ais.
n'offrent pas [...] de dtner » ...
Pour !es upecistes en exil et leurs amis, au contraire, il ne fait aucun
doute, des Ie depart, que les autorites fran~aisessont responsablesdu meurtre.
Mais,en depit des preuves qu:iaccablent Bechtel, lls peineront pendant long- C'estfini?
temps a prouver formellement leurs accusations. Car, pendant des annees, les
servicesfran~aisvont reussir aeviter a leur agent les poursuites judiciaires,en Pour justifier l'elimination de Moumie, le general Grossin fit en 1984
l'abritant en France apres sa fuite et en Je rayant de la liste des personnes cette analyse grossieredes societesafricaines : « Chez eux, a cause du systeme
recherchees,malgre le mandat d'arret international lance par la justice helve- tribal, on zigouilJele chef et c'est fini 64• » Pour comprendre combien le patron
tique. Le Franco-Suisseen cavale ne sera arrete que quinze ans plus tard, au du SDECEse trompe, mieux vaut se pencher sur !es notes qu'a laisseesle mili-
detour d'un voyage a l'etranger, puis transfere en Suisse. Mais ses amis du tant antillais Frantz Fanon apres le deces de FelixMoumie. Fanon, alors repre-
SDECEne l'abandonnent pas et imaginent meme un scenario pour le faire sentant du FLNalgerien au Ghana, se trouvait dans l'avion qui emmenait
evader. « Tout etait pret », se souvient le general Paul Aussaresses,qui a « vecu Mou mie d' Accra a Geneve, son dernier voyage, debut octobre 1960. II etait
cette histoire de l'interieur de Ja maison [le SDECE],, 571 sans y avoir participe aussi aupres des proches du president de l'UPCle jour ou l'on apprit son deces,
personnellement, dit-il, mais qui a manifestement suivi de tres pres le dossier. lm mois plus tard. « Nous n'avons guere senti cette mort, ecrit Fanon. [... ] Tl
Au cas ou Bechtel serait condamne, precise Aussaresses,les hommes du ser- n'y a eu ni rafaJesde mitraillettes ni bombes. Empoisonnement au thallium.
vice Action du SDECEavaient repere les heures de promenade des gard:iens, Can'a pas de sens.Thallium l Comment saisircette cause? Une mort abstraite
la hauteur des murs, la position des miradors, le type d'armes des gardiens et frappant l'homme le plus concret, le plus vivant, le plus impetueux. Le ton
le moyen de s'enfuir par Je ciel. « Le temps que les gardiens donnent !'alerte, de Felixetait constamment haut. Agressii,violent, colereux,amoureux de son
J'helicoptere serait deja en France », precisece temoin privilegie.Leu.rplan se p11ys,haineux pour les läches et les manreuvriers. Austere,dur, incorruptible.
revel.erainutile car, Je 27 octobre 1980, contre toute logique, Bechtel benefl- l)r l'essence revolutionnaire prise dans 60 kg de muscleset d'os. Le soir, nous
c-ierad'un non-lieu. « La justice helvetique ne voulait pas s'en meler 58 », ,o,inmesalles reconforter les camarades du Cameroun. Le pere (le militant
conclut l'ex-parachut:iste. S.1111uclMckoul,le visagcburlnc, lmpassible,inexpressif,m'ecoutait lui parler
Cinquante ans apres l'assassinat de Mournie (et plus de vlngt ans apres tlt: ~o.nfils. Et, progrc\slvcmcnt., lc pcrc cedait la place au militant. Oul,
la mort de Bechtel),il reste peu de mystcres autour de l'cmpoisonnemcnt du dl~nlt-11,h! progr:irnmcrit ,1111.11f(1utcoltcr Oll programme05• »

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Alorsque lesautorltcs fran~ises croyaient pouvolr en « flnlr „ avec l'UPC IV


en assassinant son president, alors que la plupart des historlcns cstlment eux-
memesque Ia rebellion a prls fin en 1960 (quand lls ne parlent pas de 1958 ... ),
la guerre du Cameroun est encore loin, acette date, de se conclure. Contralre- Unedictature
franrafricaine
ment aux analyses erronees d'un Paul Grossin, qul pensait sans doute que la
mort de Moumie, comme celle d'Um deux ans plus töt en Sanaga-Maritime, (1961-1971)
provoquerait mecaniquement la soumisslon des populations et l'abandon des
combats, eile semble donner raison a posterioriau leader assassine.Et vivlfie
par consequent l'ardeur combattante des militants kamerunais. Comme le
note d'ailleurs Fanon, en concluant son hommage aMoumie: « Demain, tout
ä !'heure, il faudra porter Ja guerre chez l'ennemi, ne lui laisseraucun repos, Ie
talonner, lui couper la resplration 66• »
Un phenomene comparable se produit quelques sematnes plus tard,
quand le monde apprend la mort de PatriceLumumba, premier Premiermini-
stre de l'immense et richissime Congo-Leopoldville.Assassinele 17 janvier
1961 dans Ja provlnce du Katanga, avec l'aide dlrecte ou indirecte des puis-
sances irnperiaUstes,ä commencer par les Americainset !es Belges,Lumumba
devient Ie martyr du continent tout entier. A Paris, les Africainsmanifestent
dans la rue : ils sont violemment bastonnes par la police. Rapprochant les
assassinats consecutifs de Moumie et Lurnumba, Fanon reprend la plume :
« Notre tort ä nous, Africains,est d'avoir oublie que l'enneml ne recule jamals
sincerement. 11ne comprend jamais. U capitule, mais ne se convertit jamais.
Notre tort est d'avoir cru que l'enneml avait perdu de sa combativlte et de sa
nocivite. Si Lumumba gene, Lumumbadisparait. L'hesitatlon dans le meurtre
n'a jamais caracterisel'imperialisrne67 • » De fait, Je rapprochement entre les
drames camerounais et congolais est une evidence pour l'opinion camerou-
nalse. Le rapport de la SOretede l'epoque Je note clairement : « Les observa-
teurs s'accordent adire que [chaque] fois qu'un Afrlcains'eleve au-dessus de
la corruption et de toute manreuvre occidentale, il est traite de communiste
et, partant, tue par !es imperialistes. On cite hier les cas d'Um Nyobe,
Boganda3, Moumie et, aujourd'hui, de Patrice Lumurnba. L'avenir est encore
sombre, rnals on pense que plusieurs leaders politlques seront ecartes de la
merne fa~on68• i>
Au rnornent ouLapolice redige ce rapport, Ernest Ouandie, vice-presi-
dent de l'UPC installe a Conakry, s'apprete a retourner clandestinement au
Cameroun. Pour reorganiser Je maquis et, une nouvelle fois, relancer le
combat. Non, la guerre du Carneroun n'est pas finie.

a Trcs populalre dans son pays, Uarth~lemy ßoganda dlrtgc.ilt lc gouvcrncmcni de la ncpu
bllque centrafrlcalne IOl'$Qu'IIdlsparait brntalcmcnt, le 2.1mor, IQ~Cl,d.,n~ un accldcnt
d'nvion. Dcpul~ lors, lcs th~~<·,concurTcntc, de l'accldcnt 1:1dt, 1•1:1,s,ml1101
~111flron1cn1.
26
Le dictateurs1installe(1961-1963)

• Que recouvre en fait le vocable dictature ? •


s julllet 1962
Ahmadou AHJDJO, 1

P our expliquer l'accession au pouvoir d'Ahmadou Ahidjo et sa longe-


vite ä Jatete de l'Etat camerounais, ses thuriferaires furent nombreux a
dresser la liste de ses atouts et de ses qualites. Certains oserent parler de lui
comme d'un « genie », un patriote realiste aimant et aime de son peuple, un
t ravailleur infatigable dote d'une rare intelligence et sachant voir loin en
:ivance !es meilleuressolutions pour l'avenir de son pays... Tout cela est evl-
demment faux et Jefruit d'une patiente propagande.

Ahidjo,instrumentefficace
du neocolonialisme
Un portrait plus fidele nous le montrerait plutöt tete courbee et trem-
blant comme un mauvais eleve devant ses maltres franr;ais.Ou s'enivrant a
rortesdoses de whisky, dont il est un amateur immodere en prive tout en affi-
chant ostensiblement une inebranlable foi islamique en public, avec ses
quelques courtisans, sous les lambris de l'ancien palais des Hauts Commis-
~olrestransforme en presidencede la Republique.
L'ancien telegraphiste, lance en politique par quelques colons franr;aisa
la nn des annees 1940, monte en grade gräceau trucage administratif des elec-
1Ions dans les annees 1950, cornaque par son mentor Louis-Paul Aujoulat
pcndant plus d'unc d6ccnnic1 place par clrconstance a.latete du Cameroun a
lo vcillc d'unc lod~pcmlo11rcqu'II 11 a jamals reclamee, n'etait pas, a priori, le
1

cn11dlclat ld6til po11I' Jl1lw•1 1111f)(1)1\ 11011vellement


souverain. IIse reveleraen

1s 1
1
1
( 1961-1971)
Unedlctnt11refrt111(n/rkn/11c l 1•d/(t1111•1111
/m/11//1J(l9ol l!J&J)

revanche un Instrument efficace de cette forme renouvel~c d<.'coloniallsmc l'UPC,l'uniflc:itlon 11c1wutCtrcqu'u11cbonnc affaire: elle permet cl'agrandir
qu'on commence tout juste, au debut des annees 1960, a appeler "nfocolo- ~a zone d'lnflucnce africai11e,en privant l'enncmi hereditaire britannique
niaJisme» et que certains preferent qualifier de « colonialisme indirect ». cl'une region riche en re:>sourcesagricoles et souterraines. Pour Ahidjo,
Conscient des defauts de son favori, dont chacun constate le singuller comme du reste pour les responsables politiques camerounais en general,
manque de charisme et de culture, le pouvoir fran~ais le laissera donc, en l'interet de la « reunification » est moins evident, car eile suppose Je partage
J'orientant babilement (voir chapitre 27), installer un regime fort, a tous du pouvoir avec, de surcroit, des populations qu'lls considerent, du fait de
egards dictatorial, et s'entourer d'hommes muscles capabJes de pallier ses l'histoire et de la langue coloniales,comme etrangeres.S'ils revendiquent offi.
nombreuses faiblesses.N'ayant jamais ete nationaliste autrement que sous la ciell.ementcette reunification qu'ils redoutent secretement, les anti-upecistes
forme « moderee » qu'ont thforisee les Fran~aisau milieu des annees 1950, ne le font que pour contrer leurs ennemis en se reappropriant leur
n'ayant jamais revendique quoi que ce soit en dehors des llgnes prescrites, programme.
n'ayant, en somme, a peu pres aucune legitimite, Ahidjo va s'imposer autre- LesresuJtatsdes referendums qui se tiennent au Cameroun anglophone
ment. D'abord en usurpant une partie substantielle du combat de ses oppo- les 11 et 12 fevrier 1961 ne font rien pour arranger les affaires d'Ahidjo: la
sants, en en travestissant les methodes et J'esprit. Puis en eliminant ceux qui partle meridionale du Cameroun anglophone opte pour le rattachement ä la
ont la legitimite qui lui manque, et ceux qui ont la force de contester. Republiquedu Cameroun, tandis que la partie septentrionale prefere Je ratta-
Ennemie juree et repoussoir eternel, l'UPC fascine Ahidjo. Lequel reve chement au Nigeria. Le president camerounais comprend immediatement
autant de l'ecraser et de la faireoublier par les populations camerounaisesque combien ce denouement est prejudlciable a son pouvoir. Les angJophones
de s'y substituer et de capter !'immense popularite que le mouvement natio• seront certes moins nombreux que prevu a integrer la Republiquedu Came-
naliste a su attirer sur son nom et sur ses ideaux. En 1961-1962, ce processus roun, mais Ja partie sud du pays, ou il est Je moins populaire, se renforce au
de substitution et de travestissement, qui n'est pas sans rappeler les projets detriment du Nord, d'ou il est originaire et qui constitue Ja seule base territo-
de Roland Pre en 1955 (voir chapitre 8), a deja bien progresse : l'« indepen- riale du parti presidentiel. Dans l'entourage d' Ahidjo, note Phllippe Gaillard,
dance » proclamee a ete livree aux fidelesde l'ancienne metropoJe et J'armee « on est prompt acompter que le pays s'eruichit de plus de 800 000 chretiens
fran~ise a largement « nettoye " Jes zones rebelles pour faire place nette a Ja ou animistes dans leur mouvance, sans Ja contrepartie qu'auraient constituee,
nouvelle administration. Mais il reste encore a faire. Beaucoup a faire. La en nombre presque egal, les musulmans et leurs vassaux animistes, clients
« reunification » du Cameroun, autre point central du programme natlona- potentiels de l'Union camerounaise 2 ». Pire : les ang.lophones du Sud sont
liste, est a peine ebauchee. L'" eJevation du standard de vle " des popula- consideres comme des allles naturels des populatl.ons du pays dit « Bam.i-
tions, dernier point souvent oublie du programme upeciste, est a peine leke», en pleine rebellion, dont ils sont frontaliers... Dans le Jangageethniste
evoquee. Et la popularite des authentiques nationalistes et l'indocilite des des officielsfran~aisde l'epoque, cette reunification est interpretee comme un
populations camerounalsessemblent ne pas vouloir s'eteindre. Mutilee,ecar- rlsque de « desequilibre ethnique et, par consequent, politlque » qul vien-
telee, defiguree,decapitee, ce qu'Um Nyobe appelait !'« ame immortelle" du drait fragiliser le pays 3 • Faisant contre mauvalse fortune bon cceur, Ahidjo
peuple camerounais resiste,contre vents et marees (voir chapitre 28). camoufle sa deception derriere des refrains patriotiques. II devient subite-
rnent le chantre d'une « unite camerounaise » pour laquelle il n'a pourtant
jamais milite, crie au trucage du scrutin referendairedans la zone septentrio-
La reunificationpartielledesdeux Cameroun nale, s'en remet ä la Cour internationale de justiceaet decrete une journee de
" deuil national » 4.
Alorsque les rnilitants upecistesreclamaient depuis des annees, dans tous Tauten versant d'ostensibles sanglots sur la partie septentrionale de l'ex-
les coins du pays, l'independance et l'unification du Kamerun,deux processus Cameroun britannique et en exaltant fievreusement l'unite retrouvee avec sa
qu'ils jugeaient ioseparables, le nouveau president reprend a son campte le part'iemeridionale, Ahidjo s'arrange surtout pour asphyx.ierpolitiquement les
slogan de J'« unite » tres rapidement apres que lui a ete llvree I'« indepen- nouveaux venus anglophones. II le fera, en aoOt 1961, ä la "conference
dance ». Il suit en cela !es Fran~aisqui, apres s'eh·e opposes il l'unification des
Cameroun brltannique et frans;ais,se sont convertis ä cette ldee sur le tard,
une fois levee l'hypotheque upeciste. Pour Ja France, qui s'est assuree que le
Cameroun oriental ne tornbcrait pas dans les maln~ des • communistcs „ de o Qul ~c <.l&ll1M,1 h1~11111i,(h 11h 1•11ll('u•111hrc
1963.

48: 483
/r1111r,1/rlcult1e
U111111/c/11/t1tc> ( 1961-1!)7 I) ll' 11/Cta/('f/fS'l11s1nllc
( / !)(iJ -1963)

constitutionnelle » de Foumban oü se retrouvent, pour sceller l'alllance, d'un « negoclatlons » de ,~oumlm11,d'~largir ses prerogatives et de renforcer son
cöte les responsables politiques anglophones et, de l'autre, les hommes pouvoir sur l'ensemblc du systeme politique•.
d'Ahidjo et ses conseillers franr;ais. Les premiers arrivent en ordre disperse, D'autant plus quc Ja nouvelle Constitution octroie au president Ahidjo,
incertains sur ce qu'ils ont a proposer et en desaccord sur ce qu'ils sont prets au nom d'une « transition harmonieuse », une nouvelle periode de six mols
a conceder. Les seconds en revanche viennent avec un plan parfaitement de « pJeins pouvoirs », pendant lesquels il peut legiferer par voie d'ordon-
ficele qui consiste ni plus ni moins, sous le couvert d'une federation egalltaire, nance 12• L'etat d'urgence, qui etait proroge tous les quatre mois depuis le
aannexer la partie anglophone au systeme centrallse et autoritaire en vigueur 8 mai 1960, se prolonge le 4 octobre 1960 dans la oouvelle RepubUque
a Yaounde depuis l'annee precedente (voir chapitre 21) 5• Les seules conces- federale 13 pour six mois renouvelables et s'etend desormais, partir de a
sions faites aux anglophones - « de pure forme » selon un rapport franr;ais 6 - novembre 1961, a une partie du territoire anglophone 14 • Laquelle est, en
le sont atitre provisoire ... outre, desormais accessible aux troupes de J'armee camerounaise formees par
Comme dans le cas de la redaction de Ja Constitution de 1960 (voir cha- les Franr;als. Apres des annees de frustration des forces de l'ordre franco-
pitre 21), les coulisses de ces negociations sont plus qu'eclairantes, notam- phones contre Ja timidite de la repression en zone britannique, l'indepen-
ment sur les motivations du clan francophone. Parallelement aux rencontres dance et Ja reunification partielle de l'ancien «Kamerun» offrent enfin
officielles entre dignitaires des deux Carneroun, !es <<plumes » de chaque l'occasion d'ecraser sans frein ni frontiere Jes upecistes, c'est-ä-dire, ironie de
camp, Jacques Rousseau pour !es francophones et un attorneybritannique l'histoire, les premiers partisans de l'independance et de Ja reunification ...
pour Ies anglophones, se voient regulierement pour rediger la Constitution Ahidjo sort donc triomphalement de cette « reunification » qui s'annon-
federale. Durant trois mois, l'ambiance est tendue entre les deux redacteurs ~ait perilleuse. Dans Ja plus pure tradition franr;alse, il annexe sans coup ferir
europeens : « L'attomeyproposait un texte tres complique, se souvient Rous- le Cameroun meridional anglophone, gräce a l'entremise de ses astucieux
seau. Je me rappelle qu'il se souciait beaucoup des droits de l'homme, comme conseillers franr;ais. Ce qui Jui permet aussitöt de lancer une intensive poli-
un Britannique en somme. C'etait vraiment ridicuJe 7• » « Nous autres, !es tique d'assimilation culturelle, toujours avec i'aide de la cooperation fran-
"Franr;ais", Ahidjo et Kameen tete, avions elabore un texte assez retors de ~aise. « Tandis que, note Philippe Gaillard, Paris ftnancera un lycee billngue
nature federative, ou l'essentiel des pouvoirs reposait dans les mains du presi- ä ßuea [capitale de l'Etat federe du Cameroun occidental], organisera l'ensei-
dent federal, selon le recit de Jacques Rousseau. [... J N'ayant pas reussi pour gnement du franr;ais par la radio, etc., Londres, qui, de toute far;on, ne deco-
la premiere Constitution a imposer un regime presidentiel, l'occasion etait lonise pas a moitie, ne levera pas ie petit doigt pour equilibrer ce qu'on
belle d'y revenir 8• » Ce sont effectivement Rousseau et sa conception moins ;ippellera bientöt, de Victoria a Bamenda, l'imperiallsme culturel 15 . » Consta-
« ridicule » qui l'emportent: « j'avais prevu un truc vicieux, avec un president la nt les effets de cette assimHation politique et cuJturelle amarche forcee, Ber-
federal dote de tous Ies pouvoirs, jubile aujourd'hui Ie "Blanc du president" nard Fonlon, originaire de Ja region annexee, dipJöme d'Oxford et de Ja
devant un verre de whisky, face a Ja grande baie vitree de son appartement Sorbonne et chantre du pluriculturaUsme camerounais, lancera bientöt ce cri
parisien. Dans ces pays, mieux vaut un seul potentat plutöt que plusieurs : Je d'alarme: « Dans deux generations ou trois, nous serons tous Pranr;ais 16... »
despotisme eclaire en quelque sorte 9 • »
La reforme constitutionnelle, simple adaptation de la Constitution pre-
cedente, est adoptee le 14 aout 1961 par !'Assemblee nationale. La nouvelle
L'Etat« camerounise
»
Constitution, promulguee le 1er septembre, entre en vigueur le 1er octobre,
Eleve dans le culte de Ja France une et i.ndivisible, Ahidjo restera toute sa
sans referendum ni election. La garantie de nombreuses libertes indivi-
vle attache au principe d'un Etat fort, centrallse et jacobin. Puisque la nation
duelles, qui etaient citees explicitement dans le preambuJe de la Constitu-
carnerounaise n'existe pas, estime-t-il, c'est l'Etat qui devra la creer au forceps.
tion de 1960, a disparu dans celle de 1961 10• « La liste des matieres federaJes,
Sc mefiant des elections, qu'il sait devoir truquer pour les emporter, le
longue et precise, marque ootre volonte de tendre, autant que faire se peut,
vers une homogeneite reelle de notre vie politique », explique le president
Ahidjo en presentant le texte ala « representation nationale >>11• En real ite, la 11 Ahmadou Ahlcljo(lcvvnont chcf du gouvernement fMe.ral,il s'arroge des competences que
nouvelle Constitution n'a de « federale » que le nom. Et, par un joli tour de d<:tc11Jltju,q11t•-1J\
h) 111~•111l~•r
111111l\lrc, Charles Assale,ce dernler n'etant plus chef du gou-
vcmemcm qm, de 1•~1111 k<l~11~ 1lu Oimcroun orlental. l'ar ailleurs, l'electlon du president
passe-passe, eile a encore permis au pr~slclent cnmcrounais, au fil des d~ 111
n~publlquo St•f,11111111lrilr11u1111111 unlvcrscl.
~11lfrn>!C

4/H
48S
illctature /m11r11/rlc11/11c
U11e ( I 961-1971) ( l 9til .J 96.3)
s 1/mt111/t'
J.c1/ld,1/c11r

president camerounais donne Ja primaute a l'Etat sur le peuple : c'cst le pre- • lnstance coutuml~re t1011tla co11sultation est facu.ltative et sans aucun effet
mier qui doit former et informer Je second, et non !'inverse. Fidele a la poli- sur la validlte des actes prcsldcntlels 17 » ...
tique coloniale et inspire par le systeme des lamidats du Nord-Cameroun, II Dans les ministeres, ce sont moins les ministres qui comptent que leurs
cherche des agents intermediaires susceptibles d'interceder entre le pouvolr assistants. SI les Fran<;ais restent tres presents dans la structure du pouvoir
camerounais (voir chapitre 21), Je regime cherche ä mettre rapidement des
centraJ et les masses popuJaires. La Constitution faussement federale de 1961,
Camerow1ais sur Je devant de Ja scene, parmi lesquels nombre d'anciens etu-
qui donne un fauteuil de vice-president aun representant du Cameroun occi-
diants tout droit sortis des grandes ecoles fran<;aises.La« camerounisation des
dental (anglophone), est une illustration de cette philosophie. La composi-
cadres » permet en effet de ramener dans Je « droit chemin » certains jeunes-
tion des gouvemements federes du Cameroun oriental (francophone) aussi :
turcs, jadis tentes par les discours nationalistes. L'exemple le plus frappant est
Je president distribue les postes en fonction des appartenances regionales plus
sans doute celui de Franr;ois Sengat-Kuo, ancien directeur du journal Kaso
qu'en raison des competences. La nomination du sudiste Charles AssaJe
(voir chapitre 10) et auteur de poemes nationaUstes. Rentre de France, il
comme Premier ministre en 1960 - et sa reconduction comme Premier mini-
devient « conseiller technique » au ministere camerounais des Affaires
stre du Cameroun orientaJ en 1961 - permet par exemple au president, nor-
~trangeres.
diste, de s'assurer un soutien dans une zone qui Jul est en generaJ hostile.
Plus vite que dans d'autres pays africains francophones, Ja fonction
Distribuant ainsi ses faveurs en fonction de criteres « ethniques », le publique se « camerounise », provoquant des ascensions sociales fulgurantes
regime cherche a faire croire a des populations dont il sollicite rarement !es et une certaine mutation du systeme de gouvernement. Decidee en tres haut
suffrages qu'il Jes ecoute quand meme, par Je biais de leurs representants lieu et touchant tous les echelons de la hierarchie administrative, cette
« naturels », et qu'il repond a leur desir de forger l'« unite » de la nation en « camerounisation » amarche forcee transforme !es nouveaux promus en une
puisant dans Ja richesse particuliere de chacune de ses composantes. Le nepo- sorte d'aristocratie aussi indispensable au pouvoir qu'insupportable pour les
tisme ethnique vise en realite a diffuser et a faire accepter la politique de populations. Les potentats bureaucratiques se multiplient a tous !es etages et
Yaounde a travers Je pays. En echange de quelques honneurs, de quelques dans toutes !es regions, obsequieux avec Jeurs superiems, auxqueJs ils doi-
postes et d'un confortable salaire, !es minlstres, secretaires d'Etat et autres vent tout, et abusifs avec leurs subordonnes, quj supportent d'autant plus mal
deputes acceptent de jouer !es porte-voi.x du regime lorsqu'ils rentrent dans cctte domination arbitraire qu'elle est souvent immeritee. Mais la voix du
leur region d'origine, devant des populations admlratives de leur ascension peuple compte peu. Ce qui importe, c'est de montrer que « les Came-
sociale et de leurs belles voitures. Lorsque !es mernes envisagent de sortir de rounais » ont pris leurs affaires en main et de diffuser dans tout Je pays !'Ideo-
ce modeste röle et de prendre des initiatives trop hardies, cornme par exemple logie de 1'« Unite » et Je cutte de Ja« Nation».
signifier en haut lieu que teile ou teile mesure est mal acceptee par leurs admi-
nistres, une simple menace fait prestement oublier de telles velleites. Car Je
president n'a pas seulement Je pouvoir de nommer atous les postes. IIa egale- Le creurdu systeme: lapresidence
ment celui de destituer.
Tous ceux qui le cötoient savent que le president Ahldjo est un homme En pratique, Je pouvoir reside dans des cercles plus restreints et plus
silencieux, discret, secret. Certes, il ecoute parfois ceux qu'il accepte de rece- lcutres : au sein du cabinet presidentiel et du secretariat a Ja presidence
voir, mais i1 parle peu. Ahidjo, en realite, n'aime qu'assez moderement la dis- notamment, qui, a l'ombre du gouvernement, gonflent de mois en mois. La
cussion, encore moins le debat, et considere Ia « democratie » comme un Juxe cncore, on retrouve des adminlstrateurs fideles et des techniciens devoues, a
de pays riches. Aujoulatiste fidele dans les annees 1950, il regardera toute sa l'I mage de Christian Tobie Kuoh, secretaire general de la presidence, et
vie « Ia politique » avec suspicion. Com:rne beaucoup de ses homologues afri• d';:inciens etudiants camerounais de Paris, comme le jeune Paul Biya, rentre au
cains, il prefere les techniciens et !es administrateurs; ceux qui, sans discuter, pays ä l'äge de 29 ans, au terme de ses etudes ä l'Institut d'etudes politiques
savent comment on procede et comment on applique. Les ministres d'Ahidjo <lcParis et l'fnstitut des hautes etudes d'outre-mer. Ce jeune technocrate,
font pour la plupart de la figuration. lls changent de maroquin rapidement nomme charge de mission a la presidence de la Republique en 1962, a ete
et sont evinces des qu'ils ne plaisent plus au Prince ou ases conselllers. Ahidjo lorrn~ a la rneilleure ~colc de 1'« apoli.tisme », puisque c'est Louis-Paul
supprimera d'ailleurs le Conseil des ministres des 196·1. Lorsqu'll le retablira, Aujoulat, lcur mcrnor cornmun (voir chapitre 10), qul l'a « recommande » au
des annees p.lus tard, une lnstructio,, prcsidentlcllc lc tl~flnlra comme une pr~sldcnt AIJidjo 1",

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1963)

Caricaturc du reglme gaulliste clc la veR~publlquc, lu pr~sldcnce est. le conscntit ä volr M. Allldlo, ,tlor, consclller de l'Unlon fran~alse.M. Kame ne
creur du systeme institutionnel, polltique et securitalre du Carneroun. C'cst cache pas scs pr(!f~rcncc,pour une politique de style fasciste ». « Fasciste>, :
la quese prennent toutes les decisions, sans discusslons. C'est de la aussi que le mot est surprcnant dans la bauche d'un ambassadeur pour qualifier le
sont contröles tous les agents administratifs qul quadrillent le territoire, a conselller du presldent d'un pays ami de la France. Le quaJificatifest pourtant
commencer par les inspecteurs federaux d'administration qul supervisent cgalement utilise aujourd'hui par un collegue fran~ais de Samuel Kame, Paul
chacune des six regions administratives. C'est de la enfin qu'est dirigee toute Audat, qui etait egaJement un collaborateur d' Ahidjo au tournant de l'inde-
la politique securitaire nationale. En somme, toutes !es hierarchies conver- pendance et a vu grandir avec inquietude l'influence de Samuel Kame, qu'il
gent vers le palais presidentiel. surnomrnait « Kame-Leon». « Karne, c'est un etudiant qui est devenu fas-
A la presidence de la Republique, les dossiers sensibles sont traltes en ciste, anaJyse-t-11sans hesitation. Un fasciste monopartiste, partisan du pou-
comites tres restreints, composes du cercle des intimes d' Ahidjo : Cheikh voir absolu du chef de !'Etat, qui etait toujours tres virulent envers l'UPC 20• ,.
Sekou Sissoko,medecin malien, fonctionnaire de l'assistance technique fran-
~aise et occupant le poste de « chef de cabinet » a la presldence ; Charles
Onana Awana, le tout-puissant ministre-delegue a la presidence, charge de Le « parti unifieI>I synthesetropicale
i'Administration territoriale, des Finances et du Plan ; Moussa Yaya,premier desmet110des stalinienneet fasdste
secretaire de !'Union camerounaise; sans oublier le tres lnflueot Samuel
Kame, veritable äme du regime qui cumule desormais les fonctions strate- Encore mal assure du loyalisme des agents etatiques et mefiant a l'egard
glques de secretaire general du Conseil de la Defense nationale (rattache a Ja d'une classe politique sudiste trop turbulente ä son goGt, Ahidjo s'appule de
presidence) et d'inspecteur general de l'administration (superieur hierar- plus en plus sur son parti pour imposer son autorite et cristalliser autour de
chique des six inspecteurs federaux d'adrninistration). sa personne une « unite nationale » que l'administration coloniaJe fran~aise
Dans une note confidentielle adressee en mars 1962 a Jacques Foccart, avait tente dans les annees precedentes de diviser selon des clivages « eth-
l'ambassadeur de FranceJean-Pierre Benard dresse un portrait suffisamment 11iques» (voir chapitres 6 et 7). L'independance acquise, Je nouveau regime
eloquent de ces quatre personnages pour que l'on comprenne la nature reelle reprend ä son compte l'idee, portee par les upecistes des sa creation, de trans-
du regime Ahidjo 19. Le premier, explique l'ambassadeur, s'est enrichi ind0- cender de tels clivages.
ment gräce a ses arnities presidentielles : « II est en general peu apprecie des Structure plus souple et mieux contrölable que !'Etat, !'Union camerou-
milieux camerounais evolues, qui l'accusent en outre d'etre un agent de notre naise (UC)devient ainsi, dans les annees 1961-1962, une sorte de pouvoir paral-
pays. II conserve une influence considerable aupres du president, bien que ses lele a la puissance etatique. Moussa Yaya s'est beaucoup depense depuis le
avis en matiere politique n'aient pas toujoucs ete particulierement heu- congres de Ma.rouade septembre 1960, au cours duquel le president du parti et
reux4.» Le deuxieme est « orgueilleux, entete, brutal, violent meme parfois et clc la Republlque avait appele ä la constitution d'un « grand parti national»,
volontiers meprisant a l'egard de ses concitoyens. 11considere que la force est pour en accrottre l'audience. Comme II l'avait fait en 1958-1959 pour asseolr
le moyen de gouvernement par excellence et que la fin justifie !es moyens. lc parti dans le Nord, Moussa Yayasillonne maintenant Je sud du Cameroun,
[... ] II n'a jamais ose affronter le suffrageuniversel et Usemble preferable qu'il ot1 la dominatlon d'Ahidjo reste maJ acceptee, pour encarter !es notables, les
ne le fasse pas, du molns sans s'etre assure du resultat au prealable >'.Les deux membres de l'administration, les « elus „ locaux ou nationaux zi_Le partl est
derniers representent pour leur part l'aile la plus dure parmi les dirigeants du clonecon\u, d'abord, comme une machine de" rassemblement"·
parti presidentiel. Moussa Yaya,"esprit rigide", « peu ouvert aux realites du L'entreprise, jouant sur la menace, la seduction et la corruption, ren-
monde moderne», « anticommuniste militant, en meme temps que rnntre un certain succes. Charles Assale,qui cherche a conserver son poste de
musulman assez intolerant, a toujours pousse le president Ahidjo et son parti Premier ministre, adhere ä l'UC et laisse le parti presidentlel absorber son
en dehors des voies de la concUiation "· r-.1ouvementd'action nationale (MANC)en janvier 1961. Trois mois plus tard,
Quanta Samuel Kame, « Udoit son influence aupres du president au fait l'UC avale le Front populaire pour l'unite et la paix (FPUP)de Pierre Kamdem
qu'etant eleve de l'ENFOM,il etait parmi les etudiants camerounais Jeseul qui Nl11ylm.Sans rcmettre en jcu leur mandat, les deputes changent d'etiquette,
dli lour au lenclcmaln, donnant a l'UC une majorlte ecrasante a !'Assemblee
a D'apres un conselller frani;ah d'Ahldfo de l'~poque, Chelkh Sb,oko C)t a1MI l'homme qul 11ationale.Cornprcnnnt quc l'appartcnance au parti presidentlel est une carte
• fournlssall AhldjQ cn alcool et cn cholr fr,1tchelf~mlnlnc) • (cnt11.'tlcn avt-c lcs autcur<:). 11tll~C'nces te,np~ de p11,inmio11,ociale accelerce, nombreux sont les

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ambi.tieux a rejoindre, a tous les echelons, les rangs ctu portl au pouvoir. Ce qul frappc clr1n) l't.:xpos6de Kame, outre le röle purement « tech-
Lequel est certes en traln de devenlr un « office d'embauche ", comme le nique » qu.'il accordc oux partis ,, politiques », c'est son syncretisme. Partant
reconnait Moussa Yaya 22 , mais se transforme simultaaement, en un temps du principe que les formatlons partisanes des democratles occidentales sont
record, d'un parti presque strictement regional en un •<parti de masse » pre- inadaptees a un pays comme le Cameroun, puisqu'elles aboutiraient fata1e-
sent sur tout Je territoire". ment au delitement de la nation, J<ame se tourne vers les partis totalitaires
Dans un premier temps, la qualite et la motivation des adherents ne sont pour s'inspirer de leurs methodes. Les partis communistes d'abord, qui ont
pas les preoccupations essentielles. Ahidjo et ses compagnons, qui promet- lnvente le concept de parti de masse et qui s'appuient sur les techniques
tent que la « democratie interne» sera scrupuleusement respectee, cherchent d'endoctrinement des foules pour prendre et conserver le pouvoir. Les partis
avant tout aformer le rassemblement Je plus !arge possible. Ferment de l'unite fascistes ensuite qui, tout en empruntant judicieusement certaines methodes
nationale, J'UC est avant tout con~ue comme un parti « apolitique » qui doit a l'ennemi communiste, ont su s'organiser militairement et se doter de
absorber tous les mouvements politiques concurrents et federer, region par milices de choc pour faire regner !'ordre et la terreur. S'inspirant de ces deux
region, tout ce que l'administration coloniale appelait jadis Jes « oppositions « modeles », citant sans complexe Hitler ou Goebbels, comme Je faisait d'ail-
africaines » a l'UPC. Le seul programme de J'UC est d'etre anti-UPC. Mais, leurs avant lui Eugene Wonyu, et se referant avec enthousiasme aux •<Jeu-
comme il est difficile de faire accepter ä tout le monde le ralliement au parti nesses nazi [sicl» ou aux « organisations de l'UNR [le parti gaulliste Union
presidentiel, celui-ci se transforme rapidement en machlne a ecraser !es adver- pour la nouvelle Republique] pendant le coup de force militaire a Alger »,
saires. Ce n'est donc que dans un second temps que le parti cherche en sous- l'ideologue de l'UC reclame la mise en place d'un « plan de guerre et d'un )>

main a inculquer aux adherents une ideologie susceptible de transformer les « calendrier d'operations » pour reduire l'opposition a neant.
militants en soldats de !'ordre etabli. Une strategie en deux temps que Moussa Cette guerre est d'abord psychologique, insiste Kame, qui identifie toutes
Yaya avait implicitement definie au congres de Maroua en septembre 1960. les techniques d'une propagande « efficace )> qu'avait deja relevees Wonyu :
Il faut, avait-il declare, « creer chez nous Ja cohesion et l'enthousiasme » et diviser l'adversaire pour attaquer methodiquement et successivement cha-
« chez nos ennemis Je desordre et la peur » 23• cune de ses composaotes, connaitre parfaitement l'ennemi et renverser un a
Au cours du premier « stage de formation » organise en aout 1961 pour un ses arguments, utiliser des slogans violents et des formules chocs, ne
les cadres de l'UC, Samuel I<ameva plus loin encore dans la definition de ce jamais reconnaitre ses erreurs, etc. Mais la « parole », bien qu'efficace, ne suffit
que doivent etre, selon lui, le röle et J'organisation du partl. L'expose du secre- pas pour operer la conversion psychologique des masses. Telle est l'innova-
taire a la Defense nationale et inspecteur genera1 d'administration, presente llon de I<ame par rapport a Wonyu : pour « faire predominer [un] "climat de
aux stagiaires de l'UC comme « conseilJer aupres de l'instance chargee de force" », explique-t-il, iJ faut joindre les actes a la parole. « Dans uoe Situa-
l 'organisation du parti », sera publie dans une belle plaquette a l 'issue du tion comme la nötre, precise-t-il, cela consiste a organiser des milices
24
stage • II merite qu'on s'y arrete. D'abord parce que ce document sera syste- composees de jeunes des deux sexes. Ne pas hesiter ä copier !es methodes fas-
matlquement brandi par !es opposants camerounais comme Ja preuve du cistes : escouades, sections, compagnies, bataillons, regiments, divisions (Alle-
caractere foncierement « fasciste » du regime Ahidjo. Mais aussl, ce qui n'a m agne). » Une teile organisation militaire doit permettre un quadrillage
jamais ete releve, parce qu'il reprend parfois mot ä mot un expose realise en cff:icace du territoire. « Ces unites, ajoute en effet Kame, doivent corres-
avril 1960 par un upeciste de Ja tendance Mayi Matip, ayant adhere a l'UC pondre suivant leur importance numerique ä des groupes de cases, des sec-
en novembre de Ja meme annee: Eugene Wonyu 25 • Aussi l'expose de Kame tlons de quartiers, des quartiers ou des groupes de quartiers. Ceci, qu'il s'agisse
- « L'UC doit-elle etre un parti de masse ou un parti d'elites? » - n'est-il de vllles ou de campagnes. Ces unites doivent etre susceptibles d'etre mobi-
qu'une extrapolation de celui de Wonyu, « Comment devenir un vrai mili- llsees tres rapidement. » Grace au regne permanent de la terreur, a l'encadre-
tant poUtique », dans lequel le sigle « UPC » (version Mayi Matip) est simple- rnent constant des populations et a l'embrigadement psychologique des
ment remplace par « UC » (verslon Ahidjo) ... populations, le regime pourra triompher de ses ennemis.
Les recettes de Kame, synthese tropicale des methodes stalinienne et
1rnzlc,rnais se rapprochant egaJement des techniques de« guerre revolution-
a Affichant 30 000 membres eo juillet 1959, l'UC revcndlquera six ans plus l.ard « 31 sec-
tlons, 125 sous-sectlons, 3 228 comlt~s de base et 1·1372 cellulcs, tc 1out totallsant un peu
nal re » theorisees pnr l'orrnee fran~alse depuis la guerre d'lndochine, ne
plus d'un mllllon d'adhcrents • au Cnmeroun orlcntnl Ocnn-Fr1111co1~ ß,m111r,• L'Unlon \Cront pas appllqu~c~ nu~sl ropidcment, ou en tout cas aussi brutalement,
natlonalc camcrounnlsc •, Rev11e (rn11,t1/sedesc/cuces1101/tlq,wf,l.070, VPI.20, 11°4, p. 682). q111il l'nuralt voulu. C1•itt'\, 111vocrillon propagandiste de l'UC s'affirme de jour

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en jour, ä l'interieur comme a l'extcrleur cJupartl, et la prls('cn 11wlndes 111111- Malhcurcusc,11cntpou, le pouvolr, une autrc opposilion, plus dlfficile a
tants et des militantes se falt de plus en plus serree. Certcs, lcsJeunesses de combattre, emcrgc A ccllc merne periode : celle des organismes chretiens du
l'Union camerounaise QUC),creeesen 1960, commencent a prencJrela forme sud du pays. En dehors de l'UPCcombattante, c'est cette opposition, moins
de milices armees. Mais la "machine UC » n'est pas encore assez puissante politicienne et plus liee a l'etranger, ä l'Europe en particulier, qui resistera le
pour concrefüer tous !es desirs du secretaire general du Conseil de Defense plus durablement ä l'envahissante hegemonie de l'Etat et du parti (voir
nationale. Bien qu'en accord avec son conseiller, Ahidjo fait montre d'une chapitre 33).
plus grande prudence. II sait qu'a l'interieur du parU, notamment parmi les La confrontation se cristalliseautour d'un evenement tragique qui se pro-
nouvellesrecrues, certains restent encore attaches aux « chimeres » democra- duit quelques jours seulement apres l'intronisation comme archeveque de
tiques et au respectdes« droits de l'homme ». II sait aussi qu'il existe, a l'exte- Yaounde de Jean Zoa, premier Camerounais a acceder a cette fonction. Le
rieur du parti, des formations concurrentes qui, bien que marginales, 1fr fevrier 1962, quelque vingt-cinq prisonniers, parmi lesquels plusieurs
pourraient profiter d'une radicalisation trop rapide et trop voyante de l'UC femmes, trouvent la mort par asphyxie alors qu'ils etaient transferes de
pour se refaireune sante. Ahidjo avance donc sur la pointe des pieds. Au cours Douala ä Yaounde dans un train de marchandises. Le pouvoir a beau essayer
d'une conference de presse, Je 11 novembre 1961, il propose que le « grand de camoufler l'affaire,faisant nuitamment enterrer les victimesala va-vite par
partl national» qu'U appelait de ses vceux au congres de Maroua, un an plus d'autres prisonniers, l'information filtre. Dejä echaudee pa.rla represslon de
töt, devienne un « grand parti national uni(ie». plus en plus dure, par le non-respect de plus en plus manifeste des dcoits fon-
damentaux et par ce qu'elle analyse comme une influence grandissante de la
rcligion musulmane au Cameroun, l'Eglise catholique reagit. L'affaire du
La chasseaux « subversifs» ., train de la mort » est revelee dans l'hebdomadaire catholique L 'Effortcnme-
ro,maisplusieurs jours apres les faits. Mais le journal est saisi et son directeur
S'il se refuse dans )'immediat ä parler publiquement de « parti unique », fran~ais,le pere Pierre Fertin, expulse.
Ahidjo n'en poursuit pas moins son combat determine contre les opposi- Latension monte entre la hierarchie catholique et l'entourage presiden-
tions. Debut janvier 1962, le regime fait disperser par Ja force Je rassemble- tiel au cours du mois de fevrier.Tandis qu'Onana Awanarefusede revenir sur
ment de I'« UPC legale» de Mayi Matip et Emah Ottu, reunie en congres ä l'expulsion du pere Fertin, Mgr Zoa refuse d'annuler la messe de requiem
Yaounde. AJorsque les Intentions fort « moderees » des congressistesetaient prevue en l'honneur des victimes asphyxiees. La ceremonie se tiendra, le
de couper clairement les ponts avec la direction de l'UPC, designee dix ans 22 fevrier,en presence d'une foule immense venue malgre les menaces poli-
plus töt au congres d'E.sekaet aujourd'hui inhumee (Um Nyobe,Moumie), en cleres. Mgr Ndongmo, eveque de Nkongsamba et animateur d'un autre
exiJ (Kingue) ou au maquis (Ouandie, voir chapitre 28), l'armee intervient journal catholique, L'Essordes jeunes, publie une lettre ouverte a Ahidjo :
brutalement et disperse Ja manifestatlon. Lemessageest clair : il ne suffit pas ~ Monsieur le president, L'Essorcomprend mal votre positlon relatlvement a
d'etre « contre » les vrais upecistes, il faut encore etre « pour „ le regime et la liberte d'opinion : votre decret d'expulsion radicale et irrevocable du pere
accepter Je parti « unifie ». lcrtin signifie-t-ilque vous n'admettez pas en fait la liberte d'opinion inscrite
Theodore Mayi Mat1presistera quelque temps. Emah Ottu accepte en dans Ja Declaration universelle des droits de l'homme 28 ? ,. Et voila bi.entöt
revanche rapidement le diktat. Anden etudiant parlsien sans reliefdes annees Ir~protestants qui se joignent ä Ja contestation: « Si un jour l'Etat reclame ce
1950 devenu leaderde l'associatiooEwondo-Betlen 1960, Emah Ottu, « qu'une qul est ä Dieu, s'il outrepasse ses limites, s'il vous empeche d'annoncer le
periodede reflexionet sans doute aussi Je desir de beneficierde quelques avan- ,oyaume de Dieu, alors resistez-lui! », lance le journal protestant La Semaine
tages personnels avaient convaincu de la vanite de toute obstruction », dixlt rn111rro11naise29

J'ambassadede France26, appelle les « militants [de l'UPClegale]ä apporter par Ce dernier appel n'a pas encore ete publie que le president Ahidjo edicte,
tous les moyens a leur disposition un soutien loyal et desinteresse a l'actlon l'''vertu des pleins pouvoirs dont il dispose pour six mois depuis Je1"'octobre
entreprise par Je president de Ja Republigue». 11afflrme qu'il est pret a signer ä
ce dernier un « cheque en blanc » et se rallieau parti « unifie „ i 7a_
p.1~l'ortlrc publlc, comlllu,11cnt tout de mlimc un pre(ud.ice moral et materlel important
pour cc~Cumcmmlllh • (lll~ /u Jct1n-fron<;olsBAYA1t1, • One-Party Government and Poll-
a Emah Ottu sera pourtant arri!t~l'annee sulvante pour • subvcrslon •, JX>Ur
avolr lon~ de
O
1lcnll)c,vdopnwnt In f .mu ullln ,, A/1km1A/fcrlrs,vol. 72, n° 287, ovrll 1973, p. 138; notre
gravcs accusatlons contre d'autrcs Camcrounoh - nccusallon\ qul, hlcn qull ne mcnor,ant 1r11duu1on)

49 3
/,c' rl/Clalc'llfs'h1$lt1lle (196 l-l96J)
UnediC/(lt11rt> (1961-197/)
fr1111(t1fricfll11a

1961, une ordonnance reduisant a neant Jes bribes de llbcrtespubliques qui dans une cellule l1ern1~tlquc1ncnLclose et totalement obscure, depuis plu-
subsistaient au Cameroun. L'element centraJ de ces nouvelles dispositions du sleurs mois 32 •••
12 mars 1962 est Ja represslon de la « subversion ». En vertu de cette decision Cet exemple, antMeur a 1962, prouve assez bien que le pouvoir came-
rounals, profitant a plein de l'etat d'urgence, n'avait pas besoin, en pratique,
presidentielle, « quiconque aura, par quelque moyen que ce soit, incite a
de l'ordonnance du 12 mars. Celle-ci ne vise donc pas tant ä rendre possible
resister a l'application des Jois, decrets, reglements ou ordres de l'autorite
la repression arbitraire qu'ä en elargir les cibles potentielles en la rendant
publique » (art. 1), « porte atteinte au respect du aux autorites publiques ou
legale.Ce faisant, et tel est bien l'essentiel, le pouvoir de Yaounde affirme sa
incite aJa haine contre le gouvernement », « participe aune entreprise de sub-
souverainete vis-ä-vis des pulssances etrangeres au moment meme ou !es seuls
version dirigee contre les autorites et les lois, ou encourage cette subversion »
opposants « legaux » qui lui restent ä combattre, chretiens en tete, risquent
(art. 2) ou « emis ou propage des bruits, nouvelles ou rumeurs mensongeres,
de trouver suffisamment de soutiens a l'exterieur du pays pour entraver son
[ou] assorti de commentaires tendancieux des nouvelles exactes » en nuisant
action repressive.
ainsi - volontairement ou non - aux autorites publiques (art. 3) sera puni de
De fait, les premieres victimes de I'ordonnance « antisubversive » sont
severes peines de prison (un aeing ans) et condamne ades amendes astrono-
tout sauf d'obscurs militants. II s'agit des quatre principaux « opposants
miques (de 100 000 a 2 mlllions de francs CFA)30• En d'autres termes : qui- legaux » du Cameroun oriental : l'ancien Premier ministre Andre-Marie
conque manifeste un quelconque desaccord avec Je pouvoir, sous quelque Mbida, l'ancien mlnistre des Affaires etrangeres Charles Okala, Je chef du parti
fonne que ce soit, sera considere par ce meme pouvoir comme « subversif » travailliste camerounais Marcel Bebey-Eyidi et Je president du groupe parle-
et puni comme tel. Ce que l'ambassadeur de France ä Yaounde, Jean-Pierre mentaire de l'UPC legale Theodore Mayi-Matip. Dans un dernier sursaut
Benard, resume ainsi quelques jours plus tard : « Le president a donne un d'orgueil, les quatre hommes, tous originaires du sud du Cameroun et
caractere total ä la lutte contre les agents de Ja subversion et contre tous ceux cscomptant le soutien des milieux chretiens, tentent en effet de constituer,
qui pourraient ne pas epouser pleinement !es theses du regime 31 • >• cn juin 1962, un « front national unifie » pour contrer l'hegemonle de
II faut s'arreter sur cette disposition « antisubversive », plus subtile qu'on l'Union camerounaise. Accompagnant cette demarche, ils signent en
peut le penser au premier abord. La nouveaute de cette ordonnance sur la cornmun un texte de protestation contre Ja derive fascisante du regime Ahidjo
« repression de Ja subversion » n'est pas tant l'arbltralre qu'elle institue que cn general et contre l'ordonnance sur la « repression de Ja subversion » en par-
sa « legalisation ». L'arbitraire est eo effet depuis bien longtemps une pra- liculier. lls tombent immediatement sous le coup de cette toute recente legis-
tique courante au Cameroun. Le temoignage de Samuel Zeze, ancien maqui- lation antisubversive. Arretes, accuses de detenir des armes et d'avoir fomente
sard du CNO amnistie au moment de l'independance (volr chapitre 20), suffit un complot avec I'aide de pulssances etrangeres, ils sont condamnes a trois
ä montrer que Je pouvoir n'avait pas attendu cette nouvelle disposition pour ans de prison et ä 250 000 francs CFAd'amende chacun.
lutter contre la « subversion ». Ayant cree a sa sortie de prison un journal, Le L'affaire provoque quelques remous. A l'etranger, certaines voix s'ele-
Nationaliste,Zeze est a nouveau arrete quelques mois plus tard pour avoir vcnt contre ce deni flagrant de democratie. On entendra par exemple celle de
publie un dessin montrant « Ahidjo tenu en laisse par de Gaulle». Inculpe l'avocat de formation Franr;ois Mitterrand 33• Ancien mlnistre, qul s'etalt inte-
pour « delit de presse», i1 passe plusieu.rs mois dans une cave secrete depen- rcsse de tres pres aux affaires d'outre-mer et avait cötoye beaucoup de ses.
dant du commissariat de police de Yaounde. Prive de tout, d'alimentation rcpresentants sous la rv•Republique (voir chapitre 7), il se soucie subitement
comme de Iumiere, il y est odieusement torture par Je policier fran~ais Andre de leur sort maintenant que Je regime gaulliste l'a relegue dans l'opposition.
Gerolami, personnage mysterieux dont nous aurons l'occasion de reparier Lc proces des quatre « subversifs » fait aussi quelque bruit dans les allees du
(voir chapitre 27). Zeze est ensuite expedie, en meme temps que Je depute pouvoir camerow1ais : saisie du dossier, la Cour supreme du pays, alors pre-
upeciste Owono Mimboe, le syndicaliste Etam Ebenezer et Je militant Isaac ,ld6c par le magistrat fran~ais Marcel Stalter, accepte uo renvoi en appel.
Tchoumba, tous arretes dans les memes conditions que Samuel Zeze, dans un Mais le regime d'Ahidjo contourne Je double obstacle. Les protestations
« camp de retention » a Yoko (au centre du Cameroun). Consideres comme ~trangeres, soUtaires, timides et, en realite, strictement formelles, s'evanouis-
« dangereux pour la securite publique », !es quatre hommes sont a nouveau \<.'nt rapldement. Et pour longtemps : mis a part quelques rares elus commu-

transferes, cha1nes aux pieds, dans un autre camp de detention, a Mokolo nl~tcs,plus personnc dans lfl spll<'.!re politique fran~aise n'osera dorenavant
(Nord), ot1 ils retrouvent le prince Dika Akwa, fils d'un ancien mlnlstre 111cltrc pllbllql1e111cn1l'II ,·nuscle (~gimc Allidjo et s'ingerer a.ins.idans ses
d' Ahidjo mais accuse de collusion avec lcs maquis, qui v6g6toitlä, cnfcrnit • ,1ffnlrc~ lnt~rleurc~ •· Al'I ,1tf.,ll'lll thl C:nmcrounjustcmenl, les protestatlons

•I') il 4'?5
Uflt•,IJ, ( / llt,/ 1971)
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s1i11.5tulli!
l.t•,11c•11111•11r ( 1961-1963)

sont egaJement balayees. Cela d'autant plus facilement qu'cllcs sont preste- d'etat de nulre 1Ies]lnd!vfcJus clangereux mals proteges par un formalisme
ment etouffees par un bruyant manifeste signe par les « plus hauts fonction- jurldlque inadapte 38 » (volr cllapltre 13). En 1961-1962, cette procedure se
naires de l'adminlstration centrale, issus des universites et des ecoles generalise et se banallse sous la lloulette, precisement, d'un discipl.e et aml de
fran\'.aises >>reclamant l'instauration d'un « parti unique » 34• Quant au proces Delauney : l'incontournable Samuel Kame. Le 23 aout 1961, quelques jours
en appel de ceux qu'Ahidjo, gaulliste en diable, qualifie en juin 1962 de apres son expose devant les « stagiaires » de l'UC, Kame preside en effet une
« quarteron d'hommes politiques depasses » et de <<pollticards ambitieux et « reunion d'etude et de coordination » destinee ä.jeter les bases d'un « centre
attardes qui ont ete gätes par la 1v•Republique fran~aise » 35, il se fait cette fols d'internement administratif appele ä.recueillir !es lndividus non condamnes
sans magistrat ni avocat fran~ais Oe defenseur des accuses, M• Pierre Stibbe, par les tribunaux judiciaires, mais dont l'eloignement de Ja societe saine pou-
n'ayant pas obtenu de visa). Et ... sans !es accuses eux-memes, qui purgent vait se justifier par les imperatifs de !'ordre et de la securite publics » 39 •
dejä. leur peine - laqueUe sera, sans surprise, confirmee - dans !es obscurs Quelques semaines plus tard, Je 4 octobre 1961, une ordonnance presiden-
camps d'internement du Nord-Cameroun 36 • tielle Jegalisait l'existence de tels « centres ». Les prerniers coups de ploche
seront donnes au cours de l'annee 1962: plusieurs camps sont aJors edifles,
avec les miradors et !es barbeles electrifies d'usage, dont les plus tristement
Centressecretsd'« internementadministratif» celebres restent ceux de Mantoum, en region Bamoun, et de Tchollire, dans
et de « reeducationdvique » le nord du pays (c'est-ä.-dire au creur des regions considerees comme les plus
40
« saines » par Je pouvoir ).
Le jeune regime camerounais avait d'autant moins besoin de nouvelles L'objecttf de ces camps d'internement est d' <<immuniser » Ja societe,
mesures antisubversives qu'il en disposait deja d'une vaste panoplie. Dans ses c'est-ä.-dire non seulement d'eloigner les « subversifs » mais egalement de !es
Memoires, redlges a la fin des annees 1990, l'ancien ministre des Forces « reeduquer » pour eviter qu'iis ne la « contaminent ». D'ou leur nom de
armees Sadou Daoudou se souvient avec nostalgie des mesures prises des centres de reeducation civique (CRC). « En theorie, explique Pasma Ngbayou
1960-1961 pour lutter contre la « subversion ». Gräce ä. elles, explique-t-il, le Moluh, une des rares etudiantes camerounaises a avoir travaHle sur la ques-
gouvernement avait pu « limiter le deplacement des citoyens par l'exigence tion, ces centres doivent garder les individus pendant une periode de trois
de laissez-passer qui permettaient de contröler les voyageurs et de rattraper les mois, periode permettant de reorienter leurs idees et comportements a l'egard
gens recherches », d'effectuer des <<perquisitions dans les domiciles des du regime, c'est-ä.-dire de leur apprendre une nouvelle education civique 41• >)
citoyens » ou encore de « reglementer les reunions » et de surveiller en perma- En pratique, Je programme de « reeducation » - c'est-a-dLre un lavage de cer•
nence ce qui s'y disait gräce au SEDOC, le redoutable se.rvice de renseigne- veau methodique, dont les modaUtes ne sont pas sans rappeler !es prattques
ments dirige par Jean Fochive (voir chapitre 27) 37 • Mais la mesure de de utilisees dans !es camps du Viet-minh et ayant inspire les militaires franr;ais
l'edification de cette societe de contröle est la mise en place de camps de apres la guerre d'Indochine 42 - ne sera jamais mis en reuvre. Les detenus, qua-
detention permettant, sei.an l'explication de Sadou Daoudou, d' « interner des lifies d'<,assignes », restent en revanche pour Ja plupart bien plus de trois mois
individus suspects mais contre qui on n'avait pas encore [sie]de preuves suffi- dans ces bagnes et leur « reorientation >>mentale et comportementale passera
santes pour les tramer devant les tribunaux• ». principalement par Ja surveiUance permanente, les vexations systematiques,
Cette pratique, on l'a vu, n'est pas nouvelle. Elle avait dejä. cours ä. des conditions sanitaires dramatiques et la soumission ä.un harassant travail
l'epoque de Pierre Messmer, ce qui avait notamment permis a Maurice obligatoire. Reduits en quasi-esclavage, les « assignes » sont toutefois regulie-
Delauney de creer un camp d'internement secret ä.Bangou pour mettre « hors rement sommes d'abjurer leurs idees «subversives» et de chanter publique-
ment les louanges du regime et de son chef Ahmadou Abidjo•.
a Des juin 1961, l'inspecteur general de l'administration pour l'Ouest, Enoch Kwayeb, avait
avance le meme argument au cours d'une reunion du Comite de coordlnation et d'orien-
tation du renseignement: pour faciliter les denonciatlons au sein de la populatlon, il faut 11 Un cxempJe donnc par Pasma MoJuh : lors de Ja fete nationale, en 1972, les « assignes » de
etre certaln que les supposes maquisards qui sont denonces ne soient famais remis en Mantoum dolvent fnlre cent fois lc tour du campen marchant et en chantant: «J'aime
llberte, parce qu'lls pourraient alors se venger de leurs delateurs. Or, deplore Kwayeb, « la
,non pays le O.rn1cro1rn, Jene vais plus jamals contredlre le presldent de Ja Republique, Je
Gendarmerie ne peut pas deferer en justlce beaucoup d'indlvidus dangereux faute de i>lcn-alm6, lc bfi11~,our
l11l1111guhl(• de In notlon, le gulde du peupJe camerounals, l'apötre de
preuves •· • La seule solutlon, conclut-11, c'est la reouverture des camps cl'lnternement l'unlt0 et de IDpal~, Jo ,w v111,plus hoYrlcs autorltC:s administratives et politlques de mon
adminiSITatlfs hors du Bamllek(! • (IN du CCO du 24 luln 1961, SHAT6H26'1).
puy,. J..:11'hnpor.W111I
plli. li ~ hlt'111t114lt•s
C•tr.111g~rcs
au Qrmeroun. Qu'on disc quol [sie] du

496 497
U11f!11/rtatrlrefr'i/11111/r
lw/111•( 1!JCJ
1 1J)/ /) s'l11~tallu( 1961,1968)
11/ctutcw
1,1•

A partir de 1962 et jusque dans !es annees 1970, des mllllcrs de Carne- extensible d'« 011cl11tc ou rcspcct dO aux autorites ») des tribunaux correc-
rounais, consideres comme « nocifs » par Je pouvoir et pour la plupart jama:is lionnels aux trlbunaux n,llllalres, dont les jugements ne sont susceptibles
juges, « dispara1tront » ainsi, temporairement ou definitivement. Ceux qui d'aucun recours de la part des condamnes devant la Cour supreme, avec effet
auront la chance de sortir de ces goulags tropicaux resteront ä jamais retroactif afin de hater l'execution des jugements deja prononces. Pire,seuJ le
marques, psychologiquement et parfois physiquement, par cette terrible gouvernement, s'll n'est pas satisfait du jugement, peut saisirJa Cour supreme
experience. Ayant vecu pendant des annees dans des conditlons inhumaines et ainsi faire rejuger l'affairepar un autre tribunaJ militaire.
et dans un isolement total, souvent contraints de faire Ieurs besoins en public Deux jours avant son adoption, ce projet de loi fait meme l'objet d'une
et de dormir ameme Ie sol, sequestres au molndre faux pas dans les « celluJes protestation discrete de Francis CJair, Je conseiller juridique de Ja Mission
disciplinaires>>installees au cceur des camps, les rescapes auront le plus grand militaire fran~aiseau Cameroun. Ce magistrat fran~aisde 42 ans, qui semble
mal a faire comprendre les souffrances qu'ils ont endurees et a se laver du avoir accepte jusque-Jasans broncher les mesures prises par le regime came-
soup~on que leur incarceration aura fait naitre jusque dans leur entourage Je rounais, explique a son superieur militaire que cette nouvelle mesure viole
plus immediat 43 • Et cela d'autant plus que l'ex:istencememe des CRC restera ~ tous !es principes de droit generalement admis 47 » sur Jerecours, Ja retroac-
pendant des annees l'un des secrets les mieux gardes du regime. Et pour tivite, la separation des pouvoirs, etc. Ces dispositions constituent « une vio-
cause : le simple fait d'en parler est considere par les autorites comme un acte lation flagrante, non seulement de la Constitution, mais encore des principes
hautement ... « subversif» 44 ! de base de toute democratie, aussi autoritaire qu'elle soit », s'indigne le magis-
Raressont ceux qui, a l'interieur du regime, protestent contre la mise en trat. II justifie sa mise en garde par la cra:inted'un « certain retentissement a
place de tels camps et, plus largement, contre le tournant totalitaire du regime l'etranger », « dans une instance internationale», que pourrait entrainer cette
camerounais. Les archives prouvent cependant qu'il existe quelques reti- Insulte au droit. La missive de Clair restera sans effet, et cela n'aurait pas
cences. Au cours d'une reunion visant a organiser la constructlon des CRC,le cmpeche son auteur, d'apres un temoignage, de rester en poste au Cameroun
11 janvier 1962, le representant du ministere camerouna:isde laJustice, Louis- jusque dans les annees 1980 48•
Marie Pouka,souligne le « caractereillegalvoire anticonstitutionnel et antide-
mocratique de cette institution, qui viole de fa~on flagrante les libertes
individuellesfondamentales des citoyens ». « Lescamps d'internement admi- Uneconceptiononvelliennede la « democratie»
nistratif, ajoute-t-il, seraient de veritables camps de concentration de prison-
niers de guerre, aJorsque le Cameroun ne se trouve pas en etat de guerre 45• » Ayant reussi a abolir a peu pres tout ce qui restait de<<democratie » dans
Ces objections seront evidemment balayees. Et lorsque, en octobre 1963, le son pays, Je president camerounais peut arborer un large sourire lorsque
meme Pouka osera a nouveau protester contre Je durcissement des mesures s'ouvre aEbolowa le rvecongres de l'UC, debut juillet 1962. Mettant sur Je
contre-subverslves avec l'adoption d'une nouvelle loi d'exception 46, il sera devant de la scene les recents « rallies » et l'aile « moderee » du parti pour
demis de ses fonctions SOUSpretexte de« folie »8••• n1lcuxinciter les demiers recalcitrants encore presents sur la scene politlque
L'executif,considerant sans doute que son ordonnance antisubversivede l~galeä saisir la « main qui leur est tendue », il se lance dans un plaidoyer
l'annee precedente est encore trop «liberale», veut en effet la durcir, en trans- t•xaltepour son parti « unifie », ferment de la « construction nationale». Ras-
ferant les cas de « subversion » (par exemple Je delit potentiellement tres ~crnbleur,iJ se permet meme quelques allusions enthousiastes a un « socia-
1lsrne africain » qu'il dit appeler de ses vceux et a un « non-alignement »
lll plomatigue susceptiblede seduire ses derniers adversaires.
regime e.r1place au Cameroun, iJ reste le meilleur du monde • (Pasma NGBAYOUMOLUH, Le Mais l'apötre de I'« unite » se fait surtout le defenseur d'un relativisme
Centrede rftd11cationclvlque de Mantor1m,op. clt., p. 54). polltlque et culturel. II pointe du doigt les forces etrangeres qui, selon lui,
a • Dans l'opinlon internationale, s'etait indJgne Louis-Marie Pouka, la Republlque fede.rale uimplotent contre le Cameroun, independant et souverain, et cherchent alui
du Cameroun est classee dans Ja categorie des Etats de droit. Or, la publlcation de la lol
federale n° 63-30 du 25 octobre 1963 contredit ostensiblement cette oplnlon, car, 1111\me ltnposer une voie qui ne lui convient pas. « Volontairement, souveraine-
dans les Etats de police, une parellle lol n 'a jamais, ä ma connalssance, l?te publlee • (clte /11 111en1, nous avons choisi la voie de la democratie, martele-t-il, mals les sys-
Henrl BANDOLO,La Flammeetla Fumee,op. clt., p. 348). Louls-Marl.e Pouka ne sera pas le seul l1'mcs democratlques de l'Occident et de l'Est europeen ne sont pas un
il prote.ster contre cette nouveUc lol libertlclde : plusieurs muglstrotscamerounals tentc•
ront egalement de s'y opposcr (voir lbirl.). Mnls toutcs ccs voLx dlscordnntes scront prcstc- pt'Odultdlrecterncnt cxporlOl)lcvers les pays d'Afrique. n faut que nos amis
ment r&tultes 1111sllencc. 1•11rop~cns fasscnl plrKodon•ito1H~rntsonnements et clansleurs conceptions a

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ta souplesse necessaire pour comprendre que nos pays cri volc tlc construc-
de tribalisme, si peu courn~cux dcvant la matraque, la prison et !es saisies,
tion ont a decouvrir leurs formutes politiques propres en fonction de teurs
nous ne perclrons pas courage, sachant que la vieille Afrique est aussl une
situations en rneme temps qu'en fonction de leurs civilisations, qui sont
vieille democratie. II ne faut pas demissionner et, chaque jour, au .fit de l'his-
extremement differentes de celles des pays d'Europe et d'Amerique. Nous toire, conquerir nos libertes 53 , »
avons actuellement Ja conviction que l'assimilation de Ja democratie euro-
peenne mot pour rnot, forme pour forme, nous fera inevitablement sombrer
dans l'anarchie ou dans la dictature 49 • »
Cette conception orwellienne de ta « democratie » devient un des
dogmes inebranlables du regime Ahidjo. « Aceux des camarades tirailles de
remords quand on !es accuse de soutenir une action politlque qui bafoue la
democratie, nous conseillons de se penetrer de cette evidence, que Ja demo-
cratie impUque une variete de natures et s'interprete de maniere differente
selon qu'elle est inspiree par teile ou teile forme de pensee, par teile ou teile
force sociale », clame Je journal de J'UC, L'Unite,le 17 aout 1962 50• Bien des
annees plus tard, Christian-Tobie Kuoh, alors secretaire general de Ia presi-
dence camerounaise, reste convaincu que, en Afrique, le terme « democratie »
s'applique parfaitement a un regime qui s'inspire ouvertement du stalinisme
et de l'hitlerisme. « Une constatation s'impose, ecrira-t-il dans ses Memoires
en 1990: Je vocable "democratie" et !es immortels concepts "souverainete du
peuple, liberte, egalite" que nous utilisons, dans nos textes constitutionnels
et d'autres, a l'instar des Occidentaux, n'ont pas, au fond, pour nous, !es
memes signJfications, ni Ja meme portee 51 • » Le coauteur de Ja Constitution
a
camerounaise, Paul Audat, qui etait l'origine partisan de Paul Soppo Priso
avant d'assister impuissant ä l'ascension du fascisme autour de Ja presidence,
trouve encore Je moyen, au soir de sa vie, de justifier Ja politique du despote
camerounais, seul rempart face aux risques d'eclatement du pays. « Avec
le recul, confie-t-il, je crois que, pour l'unite du pays, il fallait appuyer
Ahidjo, car il a su transcender des origines peules et devenir un grand
Camerounais 52. >,
Les elections municipales qui se tiennent ä Douala, Yaounde et Nkong-
samba fin decembre 1962 illustrent rapldement le fonctionnement de cette
(< democratie africaine ». Les electeurs, soigneusement « encadres » par !es
agents de !'Etat et les militants du Parti, votent « en masse » - apres d'utiles
correctifs - pour l'UC, seul parti ä presenter des candidats ... A partir de cette
a
date, plus aucun joumal camerounais ne se risque protester ouvertement.
Retrospectivement les lignes imprimees par Je journal catholique L'Effort
camerounaisdans son editorial du 27 mai 1962 apparaissent comme un ultime
appel au secours : « Nous croyons que la Declaration des droits de l'homme
est universelle, et s'applique a tout bornme et ä tout regime. Qu'il nous faut
donc travailler a les mettre en pratique et non pas leur tourner definitive-
ment Je dos, sous pretexte que "ce peuple n'est pas mOr pour la democratie".
Meme si ce peuple est anesthesle par la peur, paralyse por l'lgnorancc, avcugle

500
Ni't>1 WIii//'· \IIIJl't.'t,\I/( / !>6I • / W>-1)
olv11/11/1'111t'

cachc la pre1enduc • ,,m1vcralnc1e » dont s'enorgueillit le president came-


27 rounais (volr chapllre prfr6cJent).

Neocolonialisme
contre-subversif
(1961-1964) Derrierela « fafade camerounaise»,
Parisresteau:xcommandes
II suffit de lire la correspondance qu'envoie l'ambassadeur de France au
• SI l'on en venait ä abandonner malntenant la tächc Cameroun, au moment ou Ahidjo durcit son regime, pour comprendre le
ent:reprlscau temps de la colonlsatlon, parce que nous double jeu de la France. Participant avec obligeance a chacune des cere-
se.rionspersuad~ qu'elle n'est plus rentable sur le plan monies officiellesorganisees par Je gouvernement camerounais, applaudis-
du proflt, de 1a force et de la pulssance, nous trahl-
rions notre civilisatlon comme semblent se preparer ä sant avec chaleur les discours facticesdu president Ahidjo, restant sagement
le faire les 11.tatsqul sont· sur le polnt de redulre leur silencieux lorsqu'on emprisonne un opposant, Jean-PierreBenard, en poste a
effort d 'alde, pourtant tr~ faJble. • Yaoundede 1960 a 1965, rend campte presque quotidiennement de ce qui se
Jacques FOCCART,
1964 '. passe derriere le rideau de ce theätre d'ombres.
Reprenonsquelques evenements evoques dans le chapitre precedent. Les
partisans de Mayi Matlp et Emah Ottu ont Jance des appels viruJents contre
le regime lors de leur congres de janvier 1962, affirme le pouvoir came-

« U n brillant discours-programme. » C'est en ces termes qu'Andre


Blanchet, journaliste au Monde, accuellle le discours d' Ahmadou
rounais, ce qui a oblige l'armee a intervenir pour disperser Je rassemble-
ment? Cela n'est « nullement conforme ala verite », explique l'ambassadeur
quelques jours plus tard asa hierarchie dans un rapport confidentiel 3 . Laban-
Ahidjo devant le 1v•congres de l'UC,debut juillet 1962 2• Cruelle ironie. Alors derole des congressistes,pour 1'«lnteret national du Cameroun », s'est meme
que l'opposition «legale„ est aneantie, aJors que les citoyens risquent a transformee, dans !es rapports policiers, en « International du Cameroun "·
chaque pas une arrestation arbitraire et que la presse locale est menacee a Elections libres, lors des municipaJesde decembre 1962 oll l'UC s'est adjuge
chaque Ugne d'un proces en « subversion », aJors, en un mot, que le Came- 99,98 % des suffrages? Participation massive?« Lesprecautions utiles avaient
roun sombre dans la dictature pour des decennies, le journaJ de referencede ete prises pour que Jesuccesgaranti des candidatures ucistesne ffit pas affaibli
l'ancienne metropole, mere patrie - dit-on - de la Declaration universelledes par un trop bas niveau de frequentatlon electorale. Un encadrement adequat
drolts de l'homme, applaudit. Ahidjo a realise l'« unite politique » du pays, des electeurs assorti de pressions individuelles a permis d'atteindre une parti-
se rejouit Blanchet. San " parti unifie », ä l'imtar de ceux "de la plupart des cipation record de 86 %. Lä, d'ailleurs, Olll'electorat n'avait pas ete suffisam-
dirigeants de l'Afrique actuelle, de Dakar a Dar-Es-Salaam», est l'expression ment sensible a ces invitatlons, des ajustements de pourcentage des votants
politique du « genie africain ». « Tant il est vrai, conclut-il en paraphrasant ont permis maJgretaut de donner une physionomie satisfaisante du scrutin.
avec ferveur le maitre de Yaounde, qu'll n'exlste pas d'"etalon universeJde la ADoualanotamment, oll le p.refetavait eu Ja nai"veted'avouer 40 % d'absten-
democratie". » tion, une rapide rectilication a permis de ramener celle-cia 20 % 4 • »
Pour les autorites fram;aiseset leurs joumaJistes devoues, la decolonisa- LesCamerounais soutiennent leur gouvernement, comme on le chante
tion n'est, finalement, pas une si mauvaise chose. Grace a cette nouvelle dans les meetings de l'UC ? Lequel gouvernement travaiJle d'arrache-pied
forme de domination, Je nfocolonialisme, les Africainsgarderont - n'est-ce pour le bonheur du peuple? « Lesmassespaysannes au sein desquelles l'aspi-
pas dans leur essence? - la partie sombre du colonialisme : la misere, la vio- ration aun mieux-etrese manifeste desormais,tout en prenant conscience de
lence, la tyrannie. Et la France restera fidele a sa genereuse mission : apres lcur condition attardee, ne font pas corps avec Je regime, remarque Benard.
avoir sorti les peuples primitifs de la barbarie, eile distribuera des« aides" a L'indcpendance n'a profite qu'a une minorite de fonctionnaires et d'hommes
leurs dirigeants et travaillera en « cooperation" avec eux, pour les faire poHtlques souvcnt isolcs du pays reel par leur appetit de jouissance et leur
acceder au« developpement "· Tel est bien le genie de l'anctcnne metropolc: dcslr de consolldc1 et d'occroitrc leurs avantages materiels 5 • » Un rapport
mllitaire fran,at, d1: 19lii t11fo11rclc clou a propos de l'impopularite du
l'hypocrisie. Quc l'on toucl1cdlrcctcmcnl d~s lor~qu'on ,'tnt(>rcsseä cc que

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nouveau regime aupres de la « masse camerounalse », qul „ t1011nel'impres-


lo constltution du poitl II u11lflt» d clu tonus de son chef. Laissant, en fa\'.ade,
sion d'etre ä 60 % antlgouvernementale, du molns dans la region de Douala,
les dirigeants camCl'ounais gerer a leuI guise ieurs « rivalites tribales » et leurs
malgre l'optimisme affiche par les autorites administratives» 6 • • querelles de vilJage », elles surveillent avec une attention pointilleuse leur
Inutile de multiplier les exemples pour admettre l'evidence : le regime clegrede« francophilie ». En rejoignant l'UC en janvier 1962, se felicite
Ahidjo n'est qu'une farce, une mascarade. Comme ces deux termes ne
l'ambassadeur Benard, Charles AssaJe a souligne la necessite de suivre le
conviennent pas au langage diplomatique, l'ambassadeur Benard utilise le
~ ehern in de Ja sagesse » et de Ja <<moderation », et de poursuivre Ja « collabo-
mot <•fa~ade ». Frequemment. « Derriere une faradecamerounaise, l'edifice
ration fructueuse avec notre ex-puissance tutrice •>9• <•Monsieur Ahidjo, qui,
du regime continue de dependre du soutien et de l'aide de la France », ecrit-il ä
il faut l'esperer, guidera pour longtemps les destinees de son pays, a montre
ses superieurs le 15 novembre 1961. « L'independance du Cameroun ne sera qu'il avait les qualites d'homme d'Etat, poursuit Benard quelques mois plus
qu'une farade aussi longternps que l'aide exterieure demeurera le facteur
lard. Subtil, ombrageux, il n'est pas toujours un partenaire facile, mais la sin-
essentiel de sa vie economique », ajoute-t-il quelques mois plus tard 7 • « Bien
cerite de ses sentiments ä l'egard de la France ne saurait etre mise en doute 10• »
qu'existe actuellement au Cameroun le meme nombre de partis qu'iJ y a deux
La « camerounisation » des cadres est donc un des aspects les plus frap-
ans, la democratie n'est desormais plus qu'une farade», precise-t-il encore en
pants de cette politique de camouflage. Elle constitue le masque, le pare-feu,
avrll 1962 8 • Au moment ou, devant Je congres de l'UC d'Ebolowa, Ahidjo
derriere lequel l'infJuence fran~aise peut, discretement, se maintenir et se
affirme que le peuple camerounais a « souverainement » cholsi la « demo-
deployer. C'est ce que constate le fameux Eugene Wonyu, l'ex-upeciste rallie
cratie », cbacun sait que les mots du president ne sont que des mensonges.
au regime dont !es theories sur la propagande politi.que ont inspire Samuel
Acommencer par le premier d'entre eux : la « souverainete >).Le president est Kame. Nomme ministre de !'Information Je 20 octobre 1961, il s'aper~oit
encastre dans un pemicieux systeme de dependance, soigneusement ficele
Immediatement qu'il n'a aucune autonomie. « Avant d'arriver au ministere,
par l'ex-metropole et dont la dictatme est un des rouages.
tcrit-il dans ses Memoires, je n'avais aucune idee de notre dependance vis-
Apres avoir verrouille le systeme en installant des hommes surs a la tete
~-vis de l'exterieur, car tout Fran~ais qui se trouvait alors dans nos bureaux
de )'Etat camerounais et en leur faisant signer des accords leonins (voir cha-
mlnisteriels etait un veritable ministre, qu'il soit "conseiller" ou autre 1
pitre 25), Ja France s'assure que le regime reste sur de bons rails. Si !es auto-
Cllacun de nos gestes, de nos propos etait rapporte a l'ambassade de France,
rites fran~aises s'amusent en prive des pratlques exotiques de certains de leurs
~urtout du temps de Jean-Pierre Benard. Celui-ci etait en fait Je veritable presl-
interlocuteurs, si elles s'agacent parfois d'avoir a renflouer Ies caisses person-
dent du Cameroun 11 ! » II poursuit: « Un jour, le chef de service de l'informa-
nelles des membres du gouvernement, comme celles du Premier ministre
11011- camerounais - fut battu - je dis battu - par un certain Doniau et cela1
Charles AssaJe•,elles se fellcitent en general de la bonne marcbe du regime, de
~ans raisons. Invite par telephone as'expHquer dans mon bureau sur la plainte
de ce Camerounais, M. Doniau dit textuellement qu'il ne reconnaissait pas de
a L'exemple de Charles Assale est tristement eclalrant ä propos de la faillite polltique et 111/11istrede l'lnformationet que, d'ailleurs, M. Ahidjo etait son ami au temps
morale des • nationallstes moderes » qul pretendaient parvenlr aux memes fins qu'Um
Nyobe par des moyeos paclflques. Dans les fonds prives de Jacques Foccart, on peut lire clcs gouverneurs; il n'avait donc pas de comptes a rendre au petit minlstre
une lettre de mai 1961 qul dlt tout des liens de dependance personnelle dans lesquels sont rnmerounais que j'etais 1»
empetres les hommes poUtiques camerounais ä l'egard de leurs parral.ns fram;ais. L'auteur Evaluant en permanence Je degre d'attachement des responsables came-
n'est autre que le Premier ministre fram;ais, Michel Debre, qul ecrlt ä Charles de Gaulle:
• Mon gene.ral, je vous avais fatt part, ll y a quelque temps, de la situatlon financiere dJ:a.-
rounais a la France, !es autorites fran~aises craignent, derriere Ja fa\'.ade, la
matique dans laquelle se trouvalt M. Assale ä titre personnel. M. Assale, lors de son voyage concurrence d'autres puissances etrangeres. « Les positions fran~aises demeu-
ä Paris au debut du mols d'avrll, m'a indique qu'il s'etait, II y a deux ou trois ans, engage ren l solides, releve un bulletin de renseignements en mai 1962. Tl importe
politiquement pou.r constituer, dans Je departement dont 11etait le depute, une soclete de
lcpcndant de suivre de tres pres les agissements des Americains ou des Alle-
commercialisation du cacao, et qu'ä la suite d'operatlons desastreuses cette societe se trou-
vait sur le point de deposer son bilan. Une faillite retentlssante obligera.lt M. Assale äse m.inds, dont les efforts ne laissent aucun doute quant a leurs lntentions de
demettre de ses fonctions de Premier ministre. Je vous prie de bien vouloir trouver cl-jolrlt ~uhsmuer leur assistance a Ja nötre dans certains domaines 12• » Inquietes de
une note detaillee su.r cette affaire. Alnsi que je me suis perrnis de vous en entretenir ll y a l'lnflucnce allemande, parce qu'elles se souviennent de l'histoire coloniale
une quinzaine de Jours, je crois indispensable de faire le necessaire pour eponger lcs
creances immedlatement exigibles qui se montent, d'apres les calculs de M. Assale Lul-
m@me, ii la somme de 13 millions de CFA. Nous avons, cn cffct, tout l11t~r~t cc quc a pour l'nldc 011x Ptnt~lnd~pl•ndr1nl\ lssus cle l'Unlon fran~alse, alnsi que vous avez blen
l'equJpe actueUede clirigeants camer011nalssolt malnte1rne1:nplnce.Jc vous serals recon-
voulu lc foll'ot\ ph1,k111~ '\'f)• l\c, • (1t1n~• de ncbrl! clcle Gaulle, Pnrls, S mol 1961 ; CARAN,
nalssant de blen voulolr c11ordonncr lc rcrnbourscmc111 sur 1~·1toud~ ,10111vc1usdl~po~ci
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camerounaise, les autorites fran~aises se rneficnt surtout, Jusqu'~ l'obsession, pnr lc chef de In Mlssl()11u'nluc et de cooper.ition (MAC) et presents dans les
des Anglo-Saxons - Britannlques, Americains, Canadiens -, qui disposent ecoles, dans les h0pltaux, dans les medias, dans les ministeres, ces « techni-
d'une « base » linguistique propke depuis l'annexion de la partie meridionaJe ciens ,, frarn;:aiss'appt1.rcntent, selon l'historien Richard Joseph, ä une « cin-
de l'ex-Cameroun britannjque par Ahidjo. Elles regardent par exemple avec quieme colonne 16 ». Lä encore Jaterminologie officielle n'est qu'un habillage.
suspicion l'influence de Ja Cameroon Development Corporation (CDC), Car, on l'a vu, les « assistants » sont souvent, dans la reallte, Jes patrons. Et
entreprise hegemonique au Cameroun anglopbone dont l'acti.vite s'etend sur l'apparence « technique » de leur missian est en fait tres politique. « Cornme
plus de 100 000 hectares. « Elle a en effet un budget double de celui de cet Etat les ambassadeurs, note d'ailleurs Je chercheur Julien Meimon, les chefs de
federe, contröle 70 % de la production et est animee par 250 techniciens bri- missions sont nommes par decret du president de Ja Republique et, durant !es
tanniques de haute qualification », nate Je consul Yves Robin 13• Lequel a pour annees 1960 au moins, le protocole d'entree en fonction atteste du poids pali-
mission, selon les termes de l'ambassadeur Benard, de foumir un appui « dis- tique qu'ils ont sur place. Comme l'un d'entre eux Je rappelle, ils doivent
cret » au gouvernement central pour « faire beneficier l'ancienne zone britan- effectuer deux visites II obligatoires", avant de prendre Ja raute pour I'etranger,
nique de l'acquis de quarante ans d'adminjstration fran~se » et de suivre les au Quai d'Orsay et a !'Elysee, "chez Foccart" 17• »
fonctionnaires camerounais envoyes en zone britannique, « puisqu'en defini- L'aspect politique de I'« aide » et de la « cooperation » est soigneuse-
tive !es buts qui Ieur sont assignes par le gouvernement sont favorables ä men t camoufle. La France, preferant mettre taute derive sur le dos de 1'«ata-
l'expansion de l'influence frarn;aise » 14• visme africain », ne veut pas en effet apparaitre trop directement comme
Vigilante ä l'egard des « intrusions etrangeres » au Cameroun, la France l'instigatrice des dictatures qui s'abattent, au debut des annees 1960, sur les
s'attache cependant ä camoufler Je systeme de dependance qu'elle a instaure. pays francophones du continent. Cette strategie de dissimulation est d'autant
Lorsque cela arrange ses lnterets, ou Iui permet de deleguer certaines charges plus importante au Cameroun que ses dirigeants ont besoin d'affirmer leur
financieres, eile accepte valontiers Je soutien politlque et economique des souverainete face ä la persistance d'une contestation radicale (voir cha-
autres puissances accidentales. On remarquera ainsi que la visite officielle pitre 28). L'ex-metrapole fait donc des efforts impartants dans !es domaines
effectuee par Ahidjo aux Etats-Unis, en mars 1962, ne derange aucunement de l'education et de la culture qui, derriere l'apparence d'une politique gene-
les responsables frarn,:ais.Elle entretient au contraire la fiction de la « souve- reuse, permettent de former rapidement les cadres necessaires a la perpetua-
rainete internationale» du Cameroun. C'est dans le m@meordre d'idees que tion du systeme palitico-administratif et d'infuser dans la population les
les responsables frarn;ais commencent, ä partir de 1961-1962, ä evoquer une modeles culturels susceptibles d'assurer a lang terme l'influence fran~aise
possible association avec Israel en matiere de « developpement agricole » et dans le pays.
de« formation de la jeunesse » (voir chapitre 31). Et c'est egalement ce double Efforts egalement dans le domaine econornique : dans les annees 1960,
souci fran~ais d'econamie et de camouflage qui incite !es responsables des ce sont les « assistants techniques >> fran~ais qui etablissent !es plans quin-
anciennes colonies de !'Hexagone ä multiplier les accords avec la Commu- quennaux camerounais visant a permettre le « developpement rationnel du
naute europeenne. Cela pennet ä 1'ancienne metropole de se decharger sur ses territoire ». Mais ces plans de « developpement » ressemblent fort au plan de
partenaires d'une partie du« fardeau » que constitue I'« aide au developpe- « mise en valeur » de Ja perlode coloniale : ils privilegient, camme naguere, Je
ment », taut eo en conservant Je contröle effectif derriere le masque developpement de la production agr.icoJed'exportatian et ne freinent en rien,
« eurafricain » 15. on l'imagine, Je rendement des capitaux prives fran~ais, ultradominants dans
lc pays. Ces plans approfondissent en somme la dependance economique du
pays ie_
Aide,cooperation
et interdependance L'amenagement du territoire, au croisement des dossiers politlque, eco-
nomique et securitaire, est egaJement une grande preoccupation des Fran~ais.
Derriere la fa~ade, Ja France tient donc bien le regime de Yaounde. En C'est ainsi, par exemple, que des etudes sont lancees au debut des annees 1960
vertu des accords bilateraux qu'elle a passes avec lui (voir chapltre 25), et sur la prolongation du chemin de fer camerounais vers le Nord. Ce projet,
qu'elle continue du reste a lui faire signer, eile entretient des centalnes datant de la periode coloniale et visant ä favoriser l'interdependance entre le
d'« assistants techniques » ou de« cooperants » qui, a des degres variables, ameroun et le Tchad, est repris par Allidjo dans le cadre de sa promotion de
gerent le pays ä travers leurs « superieurs » camerounnts. Olriges depuls I'• u11itenationolc )1 Cl du„ d~vcloppement » de sa region natale. II sera pilote
Yaounde, comme c'est le cas dans toutes les capltr1lcsd'Afllque francophonc, pnr lcs conseillcr~ t'<'chnlquc~ft:tn<:11ls,flnance conjointement par la France, la

SOc, ~07
Um•tlltt11t111c• ( l 'lt11 1') / 1)
fr,111111/1l111l11t' Ntow/1111/ulllllll'COIIIIC•Sllb\'l!lll((1961-1964)

CEEet les Etats-Unis et b~neficlera ä un grand nomlJrc d'cntrcpriscs fran- l'organisatlon des unllb • mllllaircsdes t.tats membres de l'UAMet une etude
\'.aises19• Le chantier commence en 1.9643, annee de Ja signaturc par lc Came- ~ur la « polltiquc de clelc11se» au sein de cctte organisation pour les
roun, le Gabon, Je Tchad, la Centrafrique et le Congo-ßrazzavillede ('Union annces 1962 et 1963. Partisan, on l'a vu, d'une politique contre-subversive
economique et douaniere de l'AfriquecentraJe (UDEAC). lnspiree des principes fascisteset secretairedu Conseil superieur de la Defense
Entretenant une relation de vassalite avec chacune de ses anciennes de la presidence camerounaise, Kame est egalement, de fevrier 1962 a
colonies africaines,la France promeut en effet en parallele l'interdependance mars 1963, vice-presidentdu Conseil superieur du Pacte de defense de l'UA.t\lL
entre ces nouveaux pays. Puisque les projets de Communaute, faisant suite a C'est ace titre qu'il recommande, dans le premier document, le renforcement
l'Union fran\'.aisede la TV' Republique,ont echoue, c'est entre les pays" inde- des capacites militaires de !'Union, la decentralisation des unites sur ses diffe-
pendants » d'Afrique francophone et sous la supervision discrete de Ja France rentes regionsde defense (le dispositifde defense de l'UAMen compte eing) et
quese mettent en place de nouveaux mecanismesde solidarite intercontinen- le maintien d'une standardisation des materiels militaires (ce qui, precise-
taJe. Le projet remonte ä Ja fin de l'annee 1960, lorsque !es dirigeants pro- t-il, est faciHte« par Je fait que les dotations initiales de toutes les unites ont
frarn;ais de ces Etats ont jete, ä Abidjan puis a Brazzaville, les bases d'une cte fournles par la France » ). Regrettantque les accords secrets passesentre les
alliance cooperative avec pour objectif de lutter contre !es projets panafrica- membres de l'UAMinterdisent la mise en place d'un commandement integre
nistes des leaders progressistes,notamment KwameNkrumah, Sekou Toure, des forcesmilitairesde l'Union, Kamereclame tout de meme que soient preci-
Modibo Keitaet Nasser. LesEtats profran~aisdu" groupe de Brazzaville», qui sement definies les "modalites selon lesquelles des forces d'un ou de plu-
deviendra en septembre 1961 l'Union afrlcaine et malgache (UAM),s'enga- sleurs Etats pourront etre mlses a la disposition d'un autre Etat victime
gent a cooperer sur le plan economique, technique et financier, et a coor- d'agression22 ».
donner leur politique etrangere et de defense. Par « agression », Kameentend les « ennemis interieurs » contre lesquels
Comme on le constate dans les discours d'Ahidjo a l'ete 1962, alors qu'il IIpropose, au nom du Cameroun, la mise adisposltion de l'UAMd'une « force
est titulaire de la presidencetournante de l'UAM,cette union fonctionne, elle d'intervention » de 1 500 hommes et l'installation - dans chaque pays
aussi, sur Je mode du faux-semblant. Officiellement,il est question de lutter membre - d'une « defense Interieure du territoire cornposee d'unJtes territo-
en harmonle cootre Je « sous-developpement », de s'unir pour le " mieux- rialesde la gendarmerie et de l'armee, [... ] ainsi que d'unites regionales». Ces
etre de tous nos pays », de favoriser le « rapprochement entre les Etats afri- demieres unites, « veritables milices, seraient instruites, mobilisees et enca-
cains de differentes tendances » qul partagent Je« meme souci de cooperation drees par les unites terdtoriales » et seraient composees « de "patriotes", de
fraternelle », la "meme volonte de promouvoir les cultures africaines„ et le guerilleros,extremement rustiques, armes de fusilsde chasse, de quelques PM
« meme attachement aJa liberte de l'homme et des peuples, et a la paix dans et peut-etre de quelques fusils de guerre, sans aucun soutlen loglstique perma-
Je monde » 20 • Devant le Conseil superieur du Pacte de defense de l'UAM,Je nent ([elles] disposeraient d'une reserve de munitions, utillseraient les
29 aoOt 1962, le discours du president, moins officiel, se fait nettement plus moyens de transport prives et admlnistratifs, vivraient sur Je pays) ». Kame
martial : « Nous avons afaire face dans l'immediat ades dangers qui, bien que propose donc de positionner des forces de securite au sein des populations
moins apparents, sont cependant reeJs.Certains pays, certaines ideologies, locales.
continuent a avoir recours, pour etendre leur influence, ades methodes de
subversion interieure, dont le Cameroun a particulierement souffert ces der-
nleres annees et dont chacun de nos Etats peut etre menace. Dans cette L'armeecamerounaise
noyauteepar la France
perspective, notre union reste aujourd'hui plus que jamais necessaire et Je
Pacte de defense est l'instrument indispensable de notre survie en tant L'idee d'une alliance contre-subversiveinstitutionnalisee a l'echelle de
qu'hommes libres21• » I'Afrique d'expression fran~aise tombera assez vite dans l'oubli. Les desac-
Deux jours avant cette mise au point, Paris recevait deux documents cords entre les ~tats membres et la creation de )'Organisation de l'unite afri-
ultraconfidentiels signes par Samuel Kame: un plan d'« harmonisation de caine (QUA),debut 1963, finiront par fairedisparaitre l'UAM,bientöt reduite
~ pnc simple instancc de cooperation economique, technique et culturelle
23
a Ccnse permettre unc mellleurc lnterd~pcndancc entre lc C,mcroun et lc Tchad, lc nou• 1cbapliseeOrgonlsolloncommunc nfricaine et malgachc (OCAM) . La lutte
vcau chemln de fer s'arretera cependant ä Ngaound~rt' et nc wra mh cn scrvl<.c qu'cn rnordonnfe co11t1l'l,1• \11hvc1~lon • n'en demeurant pas moins une priorite
1974. uh~olucdl' In fl1011ni 1ill1•
\l' 111111
d'obord dam lc cadrc des solides relations
1

508 ~()1)
tl/C111tr11<1
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1 , v11/1N11lwml/

bilaterales que l'ex-metropole a nouees avec ses ancienncs possessions afri- Giguel, comnia11<.1011l dt1 l,1KC11d1.1rmerie camerounaise jusqu'en 1966, le
caines (voir chapitre 25). comrnandant Courtlc:,, chcf de l'armee de l'alr jusqu'a la meme date, ou
En vertu des accords de defense et de cooperation militaire, la France peut encore Je capitalne de Sars, qui remplace le precedent a partir de 1966 ...
donc maintenir pendant des decennies ses personnels militaixes au Came- Si l'armee se « camerounise » peu ä peu au cours des annees 1960, tous
roun. Et c'est eile qui forme et encadre l'armee camerounaise. Le parcours pro- les officiers camerounais travaUlent, pendant des annees et dans Ja tres grande
fessionneJ de Pierre Semengue, qui demeure, aujoUid'hui encore, Ie plus haut majorite des cas comme subalternes, avec des Fran~ais. La plupart d'entre eux
grade de l'armee camerounaise, ilJustre concretement J'emprise de Ja France ont en outre ete formes, depuis Je depart, par des officiers fran~ais, soit au
sur les affaires militaires du pays. Premier Camerounais a avoir ete forme ä cours de stages de formation dans J'ex-metropole, soit dans le cadie des ecoles
Saint-Cyr, entre 1957 et 1959, ä une epoque Oll il n'y a encore aucun offlcier mllitaires locales comme Je centre de formation de Koutaba, cree en
camerounais, il rentre aJa finde l'annee 1960 dans son pays apres son stage ä novembre 1959, le Centre de perfectionnement et d'entrai'nement des forces
l'Ecole d'application de I'artillerie de campagne de Chälons-sur-Marne, juste a armees nationales (CEPFAN),cree en 1961, ou encore l'Ecole militaire inter-
temps pour prendre la tete du defile rnilitaire marquant le premier anniver- armes du Cameroun (EMIA),inauguree debut 1961 et dirigee par des Fran~ais
saire de l'independance. Devenu ä cette occasion le symbole de la « camerou- presque sans discontinuer jusqu'en ... 1985 25 • La gendarmerie camerounaise,
nisation » de l'armee, il constate pomtant que cette derniere reste peuplee de peuplee d'assistants techniques et commandee par un Fran~ais jusqu'en 1966,
Fran~ais, du hauten bas de la hierarchie. Au debut des annees 1960, ce sont est egalement formee seien les normes strlctement fran~aises de I'Ecole de
« plus de trois cents cadies fran~ais » gui, comme I'indiquent les archives de gendarmerie dependant de Ja Mission (fran~ise) d'organisation de la gendar-
I'ambassade de France 24 , « contribu[ent] a la m.ise sur pied des FAC [Forces merle camerounaise (MOGC).
armees camerounaises] » dans le cadre de l'« assistance milltaiie technique »". Ainsi se creent, d'annee en annee et de generation en generation, au
Dans Ies bureaux comme sur les terrains d'operation, Semengue colla- Cameroun comme dans les autres pays du « pre carre » de la France en
bore directement, comme superieur ou comme subordonne, avec des dizaines Afrique, des amities, des habitudes, des savolr-faire, bref, un esprit de corps
d'entre eux. Rempla~nt Charles Gros, chef du 1°'bataillon de l'armee came- franco-camerounais. Par un encadrement serre de leurs eleves et subalternes
rounaise qui opere en Sanaga-Maxitime, il est assiste par l'adjudant Deschamp camerounais, les Fran~ais transmettent non seulement leUis methodes de tra-
et l'adjudant-chef Zimmerman, l'adjudant-chef Renard ou encore le sous- vail et leuxs normes mentales, mais egalement, dans bien des cas, leurs
lieutenant Lemerer. Affecte en 1963 eo region Bamileke en remplacement du phobies anticommunistes.
chef de bataillon Alexis Corentin Gales, commandant le secteUI militaire de Ce sens aigu de Ja hierarchie et de Ja discipline se transmet de proche en
l'Ouest (SMO), il est assiste par les capitaines Jul es Derollez et Roger Leducq, proche, du haut en bas de Ja hierarchie. Meme sans avoir ete directement
a sous ses ordres des commandos de chasse commandes par d'autres Fran~ais, forme pax la France, J'indeboulonnable rninistre des Forces armees iui-meme,
comme le lleutenant Jacques Archirnbault, effectue ses deplacements dans Sadou Daoudou, qui restera en poste de 1961 a 1980, admet avoir ete modele
toute la region gräce aun helicoptere pilote par l'adjudant-chef Nez, et coUa- par ses tuteurs fran~ais. « Quand je suis arrive au [ministere des] Forces
bore avec le commandant de la legion de gendarmerie de l'Ouest, Je capitaine a.rmees, expliquera-t-il des annees plus tard, tous les cadres, conseillers tech-
Tison. niques, directeurs de l'administration centrale, commandants d'armes,
En 1965, Semengue est ä nouveau envoye en France, pour etre forme a commandants de bataillon, commandants de legion, commandants d'esca•
l'Ecole d'etat-major de Paris et effectuer un stage dans Ja 7' division franfaise ä dron, etaient fran~ais. Je peux affumer sans fausse honte que ce sont eux qui
Mulhouse ... oll il retrouve, comme instructeur, son predecesseur en Sanaga- m'ont appris acommander 26 • »
Maritime, Charles Gros. Au terme de ce second voyage en France, Pierre
Semengue remplace le Heutenant-colonel Roger Gaillet: pour la premi.ere fois,
eing ans apres I'independance, l'armee de terre camerounaise est commandee Le mysterieuxcolonelBlanc
par un Camerounais. Semengue aura aJors l'opportunite de collaborer, au
sein de l'etat-major general, avec ... d'autres Fran~ais : le lieutenant-colonel Pour les Fran~ais qui dirigent en sous-main le pays, Ja francophilie de
Sadou Daoudou est evidemment une excellente chose. Mais cela reste cepen-
dant relativcmcnt sccondnire puisque, tout ministre qu'il soit et malgre le
a Ces asslstants seront encore ccnt v1ngt en 1965 et solxontc-dlx•h11l1en 11178 (• Note nu
sufet des probl~rncs de d~fcnsc au Camcroun •• 7 ~cptcmbrc I Qtlt : C;\DN, FAFC/58). ~ens de 1.'aulorlt~ q1111l n ncquls, II n'est lui-m~me qu'un personnage ...

~10 <;l l
( I !>(,/. / !171)
U11t'1lltt11wu/tclfl(e1/rlw/111• C(ltlltMllbvmlf ( 1961• 196'1)
N&>eolon/11/1\1111•

secondalre. « M. Sadou Daoudou, rninlstre des Forccs nrrn~<''i,n'est qu'un offlcler (franc;al~)uerc1hdgncrnents integre dans l'armee carnerounaise au
interrnediaire loyal, indique l'ambassadeur Benard le 15 novembre 1961, et titrc de l'assistancc tcchnlquc, en poste a Doualade 1962 a 1964. Moi, j'ai tres
c'est le president qui assure la haute directlon d'un departement ministerlel moyennement apprecle le bonhomme. Mais enfin, c'etait mon patron.,.
qul fonctionne mieux que tous les autres, sa gestion etant assuree par des Marsot, au moment de demander la permission de faire venir sa femme, se
conseillers militaires fran~ais 27 .,. A cette epoque, le veritable patron de ~ouvientde s'etre attire cette remarque du colonel Blanc: « Vous comprenez,
l'armee camerounaise est, en realite, le colonel Jean-VictorBlanc. quand on est accompagne,on n'a pas les memes resultats 32 • » SylvestreMang,
Homme mysterieux, secret, dont personne ne semble savoirce qu'll a falt attache (camerounais) au cabinet militaire de Sadou Daoudou au milieu des
avant et apres son long sejour au Cameroun, qui vecut apparemment seuJ annees 1960, complete le portrait: « Lecolonel Blanc? C'etait le grand chef !
dans la capitale camerounaise sans femme ni enfant depuis son arrivee en II avait prise sur tout : politique et militaire. Le president Ahidjo ne pouvait
octobre 1960 a 1'äge de 53 ans, Je colonel Blanc revient spontanement dans rien fairesans le colonel Blanc.II etait consulte sur tout, et partout le rnonde.
le recit de tous ceux qui ont travaille dans l'armee camerounaise au cours des Le ministre ne pouvait pas prendre une decision sans en referer au colonel
annees 1960. D'abord en raison de son tres fort accent, qu'il a emmene de Car- ßlanc 33 . » Comment etait-il ? « Discret. Un peu recourbe comme ~a. Plus dis-
cassonne a Yaounde et que l'on entend encore chanter cinquante ans apres cret que lul, il n'y en a pas. TIne buvait que du jus de fruit, et coupe a l'eau ! II
par ceux qui, l'ayant cötoye, ne peuvent s'empecher de l'imiter. Ensuite a avait l'air d'un moine. LIfaisaitrigoler d'ailleurs beaucoup de personnes. Sauf
cause de Lasecheressetoute militaire de son caractere et de ses attitudes, qul nous : nous on etait des petits, on ne pouvait passe permettre. ,.
tranche singulierement avec un physique plutöt passe-partout. Enfin, sur- Homme tres influent et parfaitement respecte, le colonel Blanc etait, on
tout, a cause de son röte centraJ dans la structure militaire franco-camerou- l'a compris, extremement discret. On ne retrouve sa trace que dans quelques
naise des annees 1960. Lecolonel BlancHalt l'eminence grise: a la fois chef de rares archives et personne ne parait savoir a quelle date precise il a quitte le
l'etat-major de l'armee camerounaise 28 et« chef de la section Forcesarmees de Cameroun. S'il semble que Blanc alt quitte ses fonctlons au ministere des
Ja misslon militaire fran~aise29 », l'inamovible conseiller technique du mini- Püreesarmees en 1966 pour prendre sa retraite de l'armee, ni PierreSemengue
stre des Forcesarmees camerounaises,qui beneficiede la confiance aveugledu ni FrancisHure, successeurde Jean-PierreBenard en 1965 et ambassadeur de
president Ahldjo, est en realite minlstre ala place du ministre. Debut 1966, un Francejusqu'en 1968, ne se souviennent jusqu'a quelle date on pouvait ren•
rapport militaire mentionne que les commandements de l'armee et de lagen- contrer le mysterieux colonel dans les coulisses du pouvoir camerounais.
darmerie camerounaises « restent pratiquement places sous Ja dependance et Ccrtalns disent que, retraite, il s'y trouvait encore vingt ans apres
Je contröle du Bureau de defense, llalson et coordination, lequel, dirige par l'independance 34•
un officiersuperieur fran~ais,est l'organe d'execution direct du ministere 30 ».
Pour Jevertoute ambigu"ite,une annotation precisedans Ja marge : « Colonel
Blanc.» Hierarchiesparalleles
PierreSemengue, aujourd'hui general, en dresse un portrait interessant :
« C'etait un homme exceptionnel ! Exceptionnel, c'est-a-dire qu'il a reussl a La presence de rnilitaires fran~ais a la tete de l'armee camerounaise, le
avoir la confiance et du ministre et du president. nfaisait donc tout, pratique- colonel Blancen premier lieu, pose un probleme de loyaute. D'autant que ces
ment. Mais II etait extremement, je peux dire, modeste. Un homme extreme- militaires, cooperants techniques de la « Mission militaire fran~aise pres le
ment modeste, qul n'a jamais vouJu qu'on Je nomme quoi que ce soit. ll avalt gouvernement camerounais », qui peuplent la hierarchie mllitaire camerou-
appele son bureau "Bureau de liaisons operationnelles". Je dis qu'il etait naise, dependent de l'ambassade de France a Yaounde. Et travaillent maln
exceptionnel, parce qu'a toutes !es reunions c'est lui qui faisait Je proces- dans la rnain avec leurs colleguesdes « Forcesfran~aisesau Cameroun », qui
verbal. Etsi on faisaitcette reunion a Bamenda, par exemple, le proces-verbal d~pendent pour leur part du ministere des Armeesa Paris.Symboled'une cer-
etait deja fini a l'arrivee de l'avion a Yaounde. Ensuite, 11faisait les notes du laine confusion, le chef de ces deux entites est le meme homme, Je colonel
ministre au president... et la reponse du president au ministre ! Donc, en falt, PlerrcAufeuvrede 1962 a 1964, puls son successeur,le colonel RobertRenan.
il etait tout. Mais il ne semblait pas etre tout 31 • » . Alors que lc rcspcct des hierarchies est inculque en permanence aux
Ce qui frappe chez Blanc, outre son influence et sa dlscrctlon, c'esl sa \Oldats camerounah, lcs nombreux cooperants militalres fran)ais integres
rigueur. « C'etait un monsieur qui nc tenait pas tellenicn1complc de l'aspect tlnm l'armte et In Hcndr111nc1lc localcs apprennent donc a faire double all~-
humain des personnes qu'll avnil ä commandcr, sc ~011vlc11t Andre Marsot, gcnncc. ~ Th~orlqut•1n,·111,lt• tlon11curd'ordrc, c'Nalt lc patron de l'arm~e du

SI 51.,
Unedläal/111.t ( 1!)(.,l-1971)
/fflll(t1/ilc11l111• (,/!}(, J.,J!16-1)
(()11/w,11/J1'1•1ll/
Nfrl(,O/u11/11llv11,•

coin, expUque l'offider de renseignement Andre Marsol. En r~allt~, on avait bonnc part [... 1 sur IC pclil noyau de cadres fran~ais 39• >) Cette dissimulation
des contacts tres etroits avec Je conseiller miUtaire de l'ambassade. On se fai- n'est d'ailleurs pa~ snns poscr des problemes d'« amour-propre » chez ces
sait noter par les Camerounais, pour leur faire plaisir, mais les notes des Came- "asslstants >) qul cxercent le vrai pouvoir sans le prestige qui l'accompagne
rounais passaient tout de suite a la... [poubelle]. On etait en realite note par habituellement: « lls demandent ainsi qu'on ne les considere pas seulement
CTe colonel] Blanc. <;:aarrivait ensuite au conseiller militaire de l'ambassade et cornme des "conseiJlers techniques", car tous ont des commandements ou
puis ?l repartait sur Je ministere de Ja Cooperation. » Andre Marsot explique des postes de responsabilites et exercent reellement leurs fonctions. » Qui dira
qu'U faJlait donc savoir « faire Ja part des choses » : « C'est-a-dire que vous en effet la frustration du conseiller de l'ombre oblige d'assumer le pouvoir reel
donniez l'impression que vous etiez aux ordres des Camerounais, alors qu'en et de regarder sa marionnette indigene jouir de sa position honorifique de
realitevous obeissiez a VOS chefs fran~ais. <;a,c'etait Je fin du fin : quand vous fac;ade? Blanc se fait aJors le porte-parole de l' « ensemble des cadres fran~ais »
arriviez a ~a, vous etiez un bon cooperant 35 ••• »La« cooperation » exige a adjsposition des autorites camerounaises. Soucieux de freiner une « camerou-
l'evidence un certain art de Ja dissimulation. nisation » de l'armee trop rapide aleur goCtt,craignant I'« effondrement » de
Rene Lantelme, responsable duz• bureau de l'armee fran~aise a l'ambas- celle-ci apres leur depart, ils « souhaitent, apres la phase "commandement
sade de France entre 1963 et 1965, se souvient cependant que certains mili- fran<;ais" 1 la mise en ceuvre de celle prevue dans un deuxieme temps :
taires fran~ais integres dans l'armee camerounaise au titre de l'assistance "conseiller technique en doublure" 40 ».
technique avaient, parfois, quelques scrupules a renseigner les services de Ce phenomene de « doublure » generalisee, que l'on observe dans
l'armee fran?}ise. Meme le colonel Blanc, dont la rigueur professionnelle n'a l'armee et dans la gendarmerie, se retrouve dans la poUce. Si la camerounisa-
echappe a personne et lui a attire !'immense respect d'Ahidjo, avait quelques tion de sa hierarchie est plus precoce, puisque la direction de la police est
reticences. Mais cela ne l'empechait pas, a l'occasion, de fournir !es informa- confiee a un Camerounais des 1960, ses elements sont non seulement formes
tions utiles, avec la discretion qui a fait sa legende, a cette « armee etran- par la France, mais longtemps encadres, Jaaussi, par unsolide reseau d',<assis-
gere » qui etait aussi la sienne: « Quand il me passait un document sur l'armee tants techniques ». A cet egard, le parcours du policier Paul Pondi est assez
camerounaise, raconte Lantelme, ou un document de reunion a l'echelon du comparable a celui de Pierre Semengue. Comme lui, sa carriere commence par
ministere de Ja Defense camerounais, il me le passait a 8 heures du soir et iI ce qu'il appelle une phase d' « irnpregnation » qui lui permet, au cours de deux
fa!Jait que je le lui rende le lendemain matin a 7 heures. Alors ma machine a annees de stage en France, d'acquerir les solides qualites de la police fran-
polycopier, elle marchait taute la oult. C'est comrne ~a que ~ se passait. Mais c;aise.En janvier 1962, Paul Pondi est ensuite nomme chef de la Sfüete natio-
achaque fois, iJ me disait: "Attention ... " Parce que, evidemment, U risquait nal.e camerounaise. Entoure de conseillers fran~ais, eo particulier du
sa place en faisant ce genre de chose 36 . » De meme, l'agent du SDECE a commissaire Pierre Charroy (parfois aussi orthographie << Charoy »), qui avait
Yaounde de l'epoque nous a confirme que le colonel Blanc, « bien informe sur ete charge de la Surete de l'Ouest-Cameroun eo 1959-1960 41 , H met sur pied
la vie politique locale », lui fournissait tous les renseignements voulus: « Une un programme de formation dans le cadre du Service de cooperation tech-
excellente cooperation », souUgne-t-U37 • nique de la police (SCTIP),de fa~on a « impregner » a leur tour, gräce a l'enca-
Pour Francis Hure, ambassadeur de France au Cameroun de 1965 a 1968, drement fran~ais, les policiers camerounais ...
le fonctionnement de la hierarchie etait parfaitement clalr : « Renan, Dans les premieres annees de l'lndependance, on observe donc un phe-
conseiller militaire a I'ambassade de France, etait fran~a.is; et Blanc, qui etait nomene de double hierarchie franco-camerounaise, qui cree des phenomenes
"camerounais", etait cense n'obeir qu'a Ahidjo. Mais c'etait presque une de dependance. Si le colonel Blanc reste aussi longtemps au Camerouo, c'est
blague. En realite, Blanc obeissait a Renan, et Renan me demandait ce qu'il d'abord parce que Ahidjo a fini par le considerer cornme un element irrempla-
fallait faire. Mais pas pour !es petites affaires : je n'allais pas m'occuper des ~able de l'architecture securitaire du pays. « C'etait un des nombreux para-
mutations de garnisons ou des choses comme ~a. C'etait: "en cas de", c'est doxes, se souvient Francis Hure: des qu'on envoyait un type incompetent, on
moi. C'etait tout a fait clair 38 . » se faisait engueuler l_par!es Camerounais] : 11nest nul ce type, jene veux pas Je
Prenant Ja plume lui-meme a l'occasion d'un « rapport sur le rnoral des voir. 11 Mais quand on nommait un type bien, on ne pouvait pas le changer. >)
cadres fran~ais mis a la disposition des Forces armees camerounaises » en Ce constat s'applique tres exactement a Pierre Charroy, bras droit que Pondi
1963, Jean-Victor Blanc ne cache pas que la camerounlsatlon de l'armee est p,trvient ä conscrver aupres de lui jusqu'en 1968 42 .
un phenomene largement factlce : « En fait, cl1acun fall niarchcr son affalrc
presque ä lui tout scul et les Forces orm6es camcro1111ot~('S rcposcnt pour unc

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LeSEDOC,tme tles« plus efflcc,ces


>, dam les anclcnnc, wlo11lc, tran~aisesau momcnt des independances (voir
policessecretesd'Afriquenoire chapll re 20). IIdec, lt cc contcxte dans ses Memoires:« Notre mission consis-
tait a fournir une ~sistance technique aux services de renseignements afri-
C'est dans le cadre de ces « relations privilegiees„ entre Ja France et le cains en voie de constitution, d'en former les responsables, de !es conseiller,
Cameroun, fondees sur l'omnipresence des assistants techniques fran~ais, de collaborer avec eux sur le terrain, d'echanger des informations. t...] Au
qu'il faut analyser le durcissement du regime Ahidjo tout au long des annees debut, l'essentiel de la formation etait centralise a Dakar. Mais, assez rapide-
1960. Alorsque, par la fo.rcedes choses, les hierarchiesmilitaires et polideres ment, la structure d'accueil se revelainsuffisante pour recevoirtout Je monde.
se „ camerounisent „ par le bas, le pouvoir s'eloigne de plus eo plus des petites 1... 1 Ces formations furent alors decentraliseesdans chacun des Etats deman-
gens et se concentre de fa~on croissante autour de la seule figure presiden- deurs et fournies en totalite par les PLR.Lesautorites africaines proposant de
tielle. Tel est le paradoxe de la « camerounisation,. : ä mesure que l'on offre plus en plus de stagiaires,ce qui temoignait de notre efficaciteet de leur satis-
les postes ä responsabilite aux Camerounais, on transfere le pouvoir qui faction, je fus cependant contraint par la suite d'organiser certains enseigne-
devrait normalement leur revenir ä des organismes parallelesdlrectement rat- ments a Paris, des enseignements complementaires, optlonnels. [...1C'est
taches aux plus hauts echelons de la hierarchle. ainsi que j'ai porte sur !es fonts baptismaux la quasi-totalite des servicesde
Parallelement au ma1ntien des hierarchies fran~aisesderriere la fa~ade renseignements de l'ex-Afriquenoire fran~aise47 • »
camerounaise, les hierarchies des organes de securite, gendarmerie, armee, Apresune formation initiale a l'Ecole de police de Yaounde, Fochive est
police, n'obeissent en realite qu'au president et ä son entourage. C'est alnsi donc envoye a l'Ecole superieure de police de Dakar en 1959, formation a
que le commlssaire Pierre Charroy prepare l'autonomlsatlon de la hierarchle l'issuede laquelle il deviendra commissairecentral de la ville de Douala.Satis-
policiere a l'egard du ministere de la Fonction publique 43, pour n'etre plus faits de sa gestion securitairedans la capitale economlque - on se souvlent de
qu'une machine dans les malns d'Ahidjo. Cette concentration du pouvoir l'incendie du quartier Conga (voir chapitre 24)... -, ses patrons franco-came-
s'observe egaJement dans le domaine de l'administration, de la justice, de rounais lui proposent de prendre du galon. • Lepresident Ahldjo, l'un des pre-
!'Information. Et le parti « unifie », hegemonique avant de devenir unique en mierschefs d'Etat a avoir repondu positivement ama proposition de creation
1966, est gere directement par la presidence, par le truchernent de Moussa d'un poste de liaison et de renseignement, m'avait demande mon avls sur
Yayaet de SamuelKame (voir chapitre 26). l'eventuelle nornination de Fochive,alors commissaire de pol!ce,a la tete du
A ces differentes hierarchies officielles,s'ajoute celle du Serviced'etudes renseignement, se souvient Maurice Robert.Je le connaissalsassez peu acette
et de documentation (SEDOC),a Ja fois police politique et servicede rensei- periode, mais suffisamrnent pour penser qu'il en avait l'etoffe, sous reserve,
gnements, qui se renforce de jour en jour a la faveur de la derive autoritaire bien entendu, d'une formation adaptee. C'est ainsi que j'ai ete conduit a le
du regime. Organise a l'origine par l'ancien fonctionnaire colonial Maurice former 48• » Fochiveest envoye a Paris,pour suivre !esstages « operationnels „
Odent lors de sa creation officiellesous le nom de Bureau d'etudes et de docu- de Robert.
mentation (BEDOC)en mars 1960 ◄4, puis rattache directement a la presi- Nomme a la tete du SEDOC,Foc.hivereste solidement encadre par les
dence de la Republique45 , cet organisme chapeaute les redoutables „ brigades Fran~aisason retour au Cameroun. Lesquels,apres avoir monte ce servicetres
mixtes mobiles» (BMM),creees en 1959 gräce ä des elements detaches de la special, entendent bien le garder dans le giron de leur propre service de
police, de l'armee et de la gendarmerie dans les differentes regions du pays contre-espionnage. Maurice Robert veillera donc ä conserver d'excellentes
(voir chapitre 20). Cette redoutable police secrete, une des « plus efficaces rclations avec son ancien eleve, jusqu'ä la mort de ce dernier en 1997. « Nous
d' Afrique noire „ selon le journaUste Philippe Gaillard, est officiellement cntretenions des rapports de confiance, je dirals meme d'amitie, et nous
« camerounisee » en 1961-1962. Alorsque le SEDOCreste pendant des annees avions par consequent des contacts frequents. Quand j'avais besoin de rensei-
une sorte de « succursale tropicale » du SDECEfran~als46, son directeur, Jean gnements, il me les fournissait, raconte l'agent fran~ais.Mais jene l'utilisais
Fochive,devient une figure legendaireau Cameroun. ni comme agent- jene le payais pas-ni meme comme HC [honorable corres-
Originaire du pays « Bamoun », Jean FochJve a, comme tous ses col- pondantl. On ne peut pas dire cela. C'etait avant tout des relations de services
legues, ete forme a l'ecole fran~alse.Ou, plus exactement, ä ceHede Maurice ., services~9 • "Outre l'amitie qui le lie aMauriceRobert,Fochlveest egalement
Robert. Intime parmi les intimes de Jacques Foccartet responsable du SDF.CE cohsclllc discrctcmcnt par lcs agents du SDECEen poste au Cameroun dans
pour l'Afriqueapartir de mars 1960, Robertest charge dam lc cadrc des postes lc, annees 1960 (p;uml lc)qucls,successivement,PierreLaval,Goetz et Gerard
de liaisons et de renseignements (PLR)de mcttrc ~ur plcd lc~ ~crvlccssccrcts llouon). 'Asa nomhi.111011 ~ l,1tC!tcdu scrvice, Fochivecst en outre utilcment

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« seconde » par de tres dlscrets assistants techniqucs de la µollcc frnr1)aise, Douala en 2007 : • C'Null lcrrible. C'est terrible a dire ... Parce qu'il y a des
comme Henri Grattarola ou Andre Gerolami 50 • S'il est difflclle aujourd'hul choses qu'on 11cpcul 111/\mcpas dire vraiment. Qu'on a honte de dire. Par
d'avoir des informations fiables sur ces deux derniers personnages-le second, exemple, a la ßMM ou j'al cte enferme, il y avait d'abord une chambre, une
apparemment un pied-noir d' Algerle, etant vraisemblablernent Je veritable cellule, disons, de torture. En haut, sur la porte, c'est ecrit: "Chapelle". Tlsfont
patron du SEDOC au rnornent de sa creation (mais pendant combien de allusion a Ja chapelle de l'egUse ou !es chretiens partent se confesser. C'est-
temps ?) -, nombreux sont Jes temoins qui se souvlennent de la violence des a-dire que quand vous entrez dans cette "chapelle", vous allez dire toute La
methodes qu'ils ont mises en ceuvre et enseignees a leurs « collegues » verite. Que vous le vouliez ou non. Donc, dans cette "chapelle", il y a tout: il
camerounais•. y a le courant, il y a les bätons, il y a Ja balan~oire. Il y a beaucoup de choses. La
balan~oire, c'est un truc, une traverse en fer ... Quand vous venez, on vous Ue
les mains et on vous fait passer Ja traverse ici [derriere Ies jambes] ... Vous etes
La torturecommemethodedegouvernement nu, hein ! Comme vous etes ne ! On vous souleve la, vous etes au milieu.
Comme la BMM etait une brigade mixte mobile, il y avait militaire, police,
Un ancien maquisard, Joseph Kogueum, que nous avons pu rencontrer gendarme. Que ce soit un militaire ou un policier, il est la. nvous balance. n y
en fevrier 2008, a garde dans sa chair des souvenirs precis et douloureux du a une autre personne qui se tient Ja-bas avec un gros tuyau. Et il tape ~a sur le
passage d' Andre Gerolami au Cameroun. Adjoint du chef insurge Paul Momo, dos. l1 tape, tape, tape, tape. De fa~on que toute Ja peau du dos s'arrache. J'ai
Kogueum est arrete en aout 1960, quelques semaines avant l'assassinat de son vu des gens qui sont morts devant moi par la torture comrne ~a.
chef (voir chapitre 23), auquel, encore aujourd'hui, H est reste obstinement « Et quand vous entrez dans cette "chapelle"-la, vous voyez Lesang: c'est

fidele malgre !es epreuves terribles que lui ont values ce compagnonnage. Cin- comrne si on egorgeait !es animaux la-bas. On vous tape comme ~ en vous
quante ans apres, Levieil homme tremble encore de ce que Jul a fait subir, dans questionnant, pour que vous acceptiez peut-etre des faussetes, pour qu'on
un commissariat de Yaounde, le policier fran~s. Assis devant sa maison en vous Iaisse. On vous tape comme ~a et, chaque matin, il fallait passer dans
briques rouges, dans un hameau isoJe de Bahouan, Kogueum, grand et cette chapelle avant d'alJer aux interrogations [interrogatoires]. Chaque
maigre, flottant dans son K-way, a conserve la terreur dans ses yeux fixes : matin, durant la perlode des enquetes: "Passez La",Lematin, prendre ce qu'on
<']'etais entre !es mains de Gerolami, a la BMM de Yaounde. Dans les mains
appelle "Le cafe d'abord". Apres ~a, il y a Lecourant. Lecourant est place sur les
de Gerolami, repete-t-il, dans !es mains de Gerolami, jene sais pas pourquoi. parties tres tres sensibles du corps. Soit sur votre sexe, soit sur la langue, soit
11me mena~ait. Chaque jour, il me mettait dans la balance. Il m'attachait sur Je bout des doigts. Tout ~a... Et puis, il y a !es bätons : quand vous faites
comme ~a, les mains, Ies pieds. n demandait pourquoi on faisait Ja guerre. comme ~a [il serre le poing], on tape ici, on tape ici, on tape La! Partout ! Il y
Pendant plus de trois mois, aJa BMM, tous les Jours, aJa balan~oire ou alors i1 a les pinces : on vous arrete ici, on serre comme s'il arrache tout... Voila
me tapait avec un bäton. ]'ai re~u des coups ensuite a la BMM de Bafoussam, quelques methodes de tortures que j'ai rencontrees lä 52 • »
ou j'ai ete transfere, mais jamais comme aYaounde 51 . » En Iangue locale, l'ex- De tels temoignages - nous pourrions en publier un recueil entier - suffi-
maquisard murmure: « ]'ai ete tellement chogue que j'avals decide de ne plus ~ent a expliquer combien les traitements infliges aux « subversifs » came-
jamals en parler. » rounais par les BMM sont comparables aux « interrogatoires » pratiques en
Autre temoignage, celui de Mathieu Njassep, Je secretaire d'Ernest 1\lgerie par I'armee et Ja police fran~aises. La difference entre L'ALgerieet Je
Ouandie, arrete en 1970 (voir chapitre 33), que nous avons rencontre a Cameroun reside cependant dans le fait que, dans Je second cas, Ja torture ne
scrt pas seulement dans le cadre de la guerre que mene Je pouvoir contre
la « nfüellion » upeciste, mals qu'elle est aussi erigee en methode de gouver-
a S'il faut les prendre avec beaucoup de prudence, les propos pretes aJean Fochlve dans un ncment•. Tout « subversif », toute personne « suspectee de subversion »,
livre redlge post marternpar Frederic Fenkam, neveu du dlrecteur du SEDOC,sont assez lns-
tructlfs: • M. Joratni [Us'agit en faJt d'Andre Gerolami, NdAJ, un cooperant franc;ais,etalt
Je commtssalre a Yaounde, a l'epoque ou je fus appele dans la capltale. j'avals longtemps 11 Les propos de Jean FocWve rapportes apres sa mort par son neveu, s'il fautä nouveau les
entendu parler de ses metbodes et le redoutals mol aussl. Le prestdent de la ltepubllquc prcndre avec precautlon, sont suffisamment eloquents et decrlvent si bien le röte du
a'arrlvait pas ä coatröler cette machlne de reprcsslon mlse en plnce par lcs scrvlccs de SEDOC qu'lls merltenl d'C!trementlonnes: • La pollce polltlque est l'une des rares struc-
M. Foccart, qui etait en reallte le vral pntron • (rrederlc FeNKAM, Lt!s R~tllar/or,s de f1•n11. turcs armecs qul cst ._.nc'.:totpermanent de guerre, une guerre de l'ombre qul consiste a
Foc/1/ve, lecl1e{deIn µollcepolir/q11e A/1/rlfoel1)1;1<1,lklltlons Mlnst, Port~,2003,
d1'sw~slde111·~ comb11ttrc l'crrnc1nl ~ri11~~·ombnttre. Encorc que le mot "enneml" ne solt pas celul qul
p. 109). convlcnt. lln folt, 11Pu~~0111brllton~lc "ganeur". Nous avions ~t~ formcs pour savolr !es

518 519
Um•11/(tc1t11rl'fr1lll( 11frlu1l11c( 111<,I 1!)11) Nfornlu11f111/v11c
ccm1,r-s11/J1•er'>I/
( 1961-196•1)

c'est-a-dire tout opposant, reel, suppose ou potentlcl, dcvlc11t,usccptible de systcn1atlque.» II pou1,ult: "Jene l'ai jamais pratiquec. J'ai toujours evite.Je
passer par une des BMMlnstallees aux quatre colns du pays. "Avant l'lnstl- ne me suis p11strouvc ö dcvoir la pratiquer. IMaisJj'ai assiste.j'ai assiste i1des
tution des BMM,la torture se pratiquait deja au Cameroun sur les suspects, choses horribles ... » Quelle est, selon lui, la responsabilite de la France?
c'est-a-dire sur les natlonalistes, mais de fa~on artisanaJe, note l'opposant « Maiseile est entiere l Parceque c'est elle qui a initie. Nous sommes des heri-
Abel Eyinga; avec les BMM[nees en 1959), eile est devenue systematique, tlers de la France.Nous sommes des heritiersde la France! Ni plus ni moins. Et
rationalisee,quasi scientifique en meme temps qu'elle se generalisait53 . ,. maiotenant, comment la Franceassume cette responsabilite? Moi je n'en sais
Quand on lui parle de la torture, le generaJ Semengue, qui fait pourtant rien 56 ... »
figure de modere par rapport i1beaucoup de ses collegues, ne nie rien et jus- LesFran~aisinterroges sur" la question i1 restent, effectivement, evasifs.
tifie cette pratique par la specificite des populations locales : « Le Came- Les plus temeraires invoquent egalement une « specificite „ africaine.
rounais n'est pas un homme simple. C'est un homme extremement dur. C'est « Quand les Africains commencent a se chamailler entre eux, lls ne sont
pour ~a que les proces durent toujours longtemps ici, parce que ce n'est pas jamais tendres malheureusement, explique par exemple l'officier de rensei-
facile pour avoir la verite. [...] On etait oblige d'utiliser un certain nombre de gnement Rene Lantelme. On se doutait que quand ils arretaient un type sus-
methodes non orthodoxes. » La plupart des responsables camerounais inter- pect,il risquait au minimum d'etre tabasse,et au plus... On le savait. [...] C'est
rogesaujourd'hui preferent se montrer discretssur ces methodes « non ortho- un enchainement que j'ose a peine appeler normal, mais qui est normal
doxes„ et en rejeter Ja responsabilitesur Je seulJean Fochive,decede en 1997. quand meme. Quand vous luttez contre une subversion, vous etes oblige de
C'est ce que fait par exemple l'ancien chef de la police Paul Pondi. S'attribuant prendre des methodes ... On l'a vu en Aigerie.On est oblige de prendre des
le meilleur röle, il met en avant sa rivalite avec l'ancien patron du SEDOC rnethodes qui ne sont pas toujours tout a fait regulieres57 • » Meme relatl-
quand nous le questionnons en 2008 : « Je n'approuvais pas les methodes de visme et meme aveuglement du cöte de Francis Hure quand on lui demande
la BMM,!es enquetes ou on faisait souffrir !es gens, jure-t-il la main sur le ce que doit faire un ambassadeur qui sait pertinemment que le pays Oll II est
ccr>ur.Moi je combattals la torture. Lesrenseignements, je !es obtenais par la en poste, fideleallie de la France,commet quotidiennement des atrocites: « Je
persuasion 54 .,. L'explication de !'honorable polider de Yaounde fait beau- ne peux pas vous dire, je n'en sais rien, on se debrouille. On a d'abord beau-
coup rire un responsable du SDECEau Cameroun dans les annees 1960, que coup d'indulgence pour la nature humaine qui est ce qu'elle est, se disant
nous avons rencontre i1Paris en 2008 : « [Pond!) n'etait pas mieux que qu'apres tout, quand on regarde bien, chez nous aussi la cruaute existe. Ce
Fochive ! Personnellement, je n'aurais pas vouJu tomber dans les pattes de n'est pas tres tres joli : la France n'est pas toujours !'ideal de la perfection.
Pondi.J'ai vu des gens qui sortaient de chez lui... » On retrouve ce meme type Donc d'abord, beaucoup d'lndulgence. Ensuite, une certaine intelligence gut
de raisonnement chez le conselller fran~ais d'Ahidjo, Paul Audat. Pour lui, consistei1dire: je n'y peux rlen. C'est tres joll de vouloir en effet la chadte et le
« Fochive etait une brute, qui n'hesitait pas, le cas echeant, a faire torturer it, bonheur du voisin, mais ce n'est pas moi... Alorson peut signaler des choses,
mais cette accusation sans ambigu'ite, etrangement, ne semble pas pouvoir comme ~a. Mais si je signale... Alors on fait attention ... Jene sais pas, jene
concerner le presldent de la Republique: <<Jenesais pas si Ahidjo portait une pcux pas vous dire 58• »
responsabilitedans la tortwe. Peut-etrea-t-il essayede l'empecher? » 55•
Rejetant totalement ces pratiques et ayant quitte l'armee sitöt qu'il a pu,
l'ex-colonel Sylvestre Mang met pour sa part l'usage de Ja torture sur le LeCameroun,prototypedes« Etats tetards»
campte de l'eternel retard du Cameroun sur la questlon des droits humains : du colonelLacheroy
"Nous sommes toujours en retard sur ces choses-la. Actuellement, nous ne
sommes pas les champions des droits de l'homme. Alors, si au moment Oll Lesysteme fran~africain,installe et perfectionne par le pouvoir fran~is
on en parle beaucoup nous ne sommes pas les champions, vous pensez qu'on dans les annees 1960, est aujourd'hui bien connu. II se caracterise par le
l'etait quand on n'en parlait pas? La torture etait systematique. C'est clair : nombre reduit de ses acteurs cles et par l'hermetisme de son fonctionnement.
Lapi~ce maitresse, le metteur en scene, l'homme-orchestre du systeme, on le
,alt, cst Jacques Foccart.ConseUlerpersonnel du general de Gaulle, secretalre
detecter et nos fonnateurs n'etaient pas des enfants de chreur. Nos dlx annees de forma-
tlon apres l'lndepe.ndance ont ete jalonnccs d'un trop lourd lot de d&~s "1>rovldcnllels",
glncral de la Commun;iutc fran~aisei1partir de mars 1960 puis chef du secre-
de dlsparltlons, de sulclclcs, cl'accldcnts et de ~candnlc~ et0uff~s 1111nom du ~ccrct d'(•,tat • rnrlat clcsAffalrt•~nftlcnlncsc1 rnnlg;ichesde l'tlysee, il est a la croisee de tous
(FrC-derlcFENKAM,Le5 Rtl1~/(lt/011,itl1•Jca11i:ocltlvtl,0/1,rlt., f) 1()11) lcs r~scnuxd'l111hH 11tl l" }l'llilllt•ns.
Supcrvisant tous les ctossiersqui concerncnl

szo ~1.1
Unedlt t11t111c 1 ( l ')61 1911)
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1
•,\11//1t1r,\// ( 1961-/ ')c,4)

l'Afrique, chapeautant dans ce domaine les minlst~rcs de In DMense, de la sc laisscr darncl' ICplo11p111ll'' Sovl6llqucs, qui voyaicnt en certalns Etats afri-
Cooperation et des Affaires etrangeres, le « super-minlstrc de l'Afrique 511» calns des t·crres proplcc~ b l'cxpanslon du communisme. Tant que Ja France
garde la haute main sur l'administration neocoloniale frarn;aise (en 196S, il 6tait en mesure de prot~ger sa zone d'influence de Ja penetration sovietique,
fera par exemple de son ami Maurice Delauney l'ambassadeur de France au les Arnericains ne montraient pas trop d'ardeur a intervenir. En revanche, des
Gabon), interfere directement avec les services officiels d'esplonnage et de qu'iJs percevaient une faibJesse, un recul de sa presence ou de son influence
renseignements (comme ceux du fidele Maurice Robert) et double !es hierar- dans tel ou tel pays, ils mettaient en reuvre !es moyens financiers et humains
chies officielles avec ses propres reseaux de renseignements et de mercenariat de nature a leur permettre d'entrer dans le jeu et d'occuper la place avant Jes
- issus notamment du Service d'action civique (SAC). Sovietiques. Parfois meme, ils n'attendaient pas, tant etait grande Jeur häte
Les affaires africaines gerees directement et secretement par la presidence de voir se transformer en billets verts les ressources naturelles de certains pays.
franc;:aise,une subtile repartition des röles s'institue entre de Gaulle et Foc- Nos objectifs prioritaires etaient par consequent, d'une part, d'empecher
cart, comme le notait l'africaniste fran~is Jean-Fran~ols Medard : « [Il] exis- l'extension de Ja subversion et de la penetration communlstes, [... ] d'autre
tait entre eux une sorte de division des täches qui correspondait grossomodo part, de veiller a ce que les Arnericains n'empietassent pas, notamment au
aJa distinction entre niveau strategique et niveau tactique, en definitive entre plan economique, sur notre zone d'influence 63• »
haute politique et basse politlque, et aussi entre politique officielle et Installes par Ja France, proteges par Paris et cajoles par Foccart des Jors
publique et politique reelle. [... ] Au genera.l de Gaulle les lignes directrices et qu'ils suivent la ligne profranc;:aise qui leur est dictee, menaces d'etre
les beaux discours a connotation eventuellement tiers-mondiste, [... ] ä asphyxies, renverses ou tout simplement de ne plus etre proteges dans Je cas
Jacques Foccart la gestion quotidienne. La rnain droite de Charles de Gaulle contraire, les dirigeants afrkains n'ont plus, pour assurer Ieur Jongevite poli-
pouvait ainsi paraitre ignorer ce que faisait sa main gauche 60• » Ainsi s'institue tique, qu'ä faire taire ceux qui, dans chacuo de leurs pays, s'opposent ace sys-
une cascade de reseaux paralleles, dont Jacques Foccart est l'epicentre et dont teme neocolonial. C'est par ce systeme de sous-traitance assistee du maintien
la fac;:adeofficielle masque systematiquement la partie officieuse. de !'ordre que s'expliquent Ladiffusion des modeles contre-subversifs - dont
Pour orienter les relations de la France avec les pays du « pre carre » Foccart est un specialiste - et la centralisation croissante du pouvoir entre les
africajn, l' « homme de l'ombre 61 » peut donc jouer sur tous Jes tableaux. mains de dictateurs, conformement aux schemas de Ja guerre revolutionnaire
S'appuyant simultanement sur les instruments formels de la domination neo- qui supposent une unite d'action civilo-militaiJe, dans la « zone d'influence »
coloniale (maintien de forces armees franc;:aisesen Afrique, cooperation civile franr;aise en Afrique subsaharienne.
et militaire, francophonie, zone franc, etc.) et sur ses reseaux informels, per- Avec sa presidence omnipotente, sa bureaucratie hypertrophiee, ses hierar-
sonnels et occultes, Upeut faire sentir aux regimes vassaux leur position de vul- cl1ies paralleles franco-camerounaises, son armee et ses services speciaux
nerabUite et de dependance a l'egard du pouvoir franc;:ais. Il entretient dresses des Ja naissance dans Je combat contre l'insurrection upeciste et les
egalement, en dehors de la dipJomatie formelle et par-dessus !es hierarchies oppositions subversives, le pays d' Ahmadou Ahidjo est ainsi le prototype de ce
offideUes, une relation personnelle, chaJeureuse et clienteliste, avec les diri- que le coJonel Lacheroy appelait Jes « Etats tetards », qui se sont vu pousser de
geants africains, jouant, en fonction des drconstances et des personnalites, sur « grosses tetes }>, formees par une classe dirigeante repue et autoritairement

toute la gamme des relations hwnaines. Les responsables politiques africains, malntenue en place par Ja France, « sur des corps sous-developpes » 64•
ainsi berces dans un climat de confiance fraterneUe avec Foccart et de proxi-
mite presque filiale avec « Je General », se sentent autorises a demander des
faveurs aussi variees que l'elimination physique d'un opposant, une place de
choix pour un de leurs enfants attire par une carriere parisienne, ou - comme le
fera le president Ahidjo en octobre 1962 - une photo dedicacee du prestigieux
höte de l'Elysee 62 .••
Le tres foccartien Maurice Robert justifie la concentration des dossiers
africains ä l'Elysee, le court-circuitage des hierarchies officielles et l'utilisation
systematique de methodes radicales par un souci d'efficacite et par la p.ression
entretenue par Ja rivaJite americano-sovletique : « II faut rappeler encore une
fois que nous etions en pleine guerre froide. Les Amfrlcnlns n'cntendalcnt pas

522
,,,1,.,,,1,.,,1, r/11 /et " r1•~'0l11tlc111
,r 111/11·,,,, 1 ., ( 19&
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28
ccs pays dans unc l11vlol,1hh.'cainisolesecuritaire, bureaucralisation acceleree
d'un appareil d'~tut co11trOlc par clcsagents locaux formes ii la cont-re-subver-
Splendeurset miseres ~lon par les theorlclens de l'ex-puissancetutrice ...
dela « revolution
kamerunaise
»
(1961-1963)
LeKamerundans la « revolutionafricaine»
Si les upecistesen exiJ ont une parfa.iteconscience de la strategie neoco-
«Nous sommes d~termines ä tout sacrlfler pour que le loniale de la France et de ses allies occidentaux, c'est que, vivant hors de leur
Kamemn connaisse des lendemai.os qul chantent. • pays, militant quotidiennement aux cötes de revolutionnaires d'autres natio-
Ernest ÜUANDJt, J962 '. nalites, ils ont acces ä taute la Utterature necessairea une anaJyse dlstanciee
de la situation. Etant souvent eux-memes victimes de Ia surveillance et de la
rcpressiondes parrains fran~alsdes dictateurs africains,ils comprennent sans
mal que ce qui se deroule au Cameroun depuis des annees n'a rien d'un phe-
nomene isole. Et que le regime Ahidjo est moins le produit de contingences
locales que d'un ordre imagine, impose et maintenu par Paris. Si l'on veut

« L e neocolonialisme est un danger reel, une menace grave pour


l'Afrique. L'affaüe du Kamerun et du Congo montre que les imperia-
comprendre pourquoi les militants « kamerunais » en exil inscrivent leurs
rcnexions dans le cadre plus large de la « revolutlon africaine », voire de la
lutte internationale contre l'imperlalisme, l'experience vecue debut 1961 par
listes entendent generaliser ce systeme qui n'est autre chose que le colonia- les principaux animateurs du mouvement upeciste de France, Jean-Martin
lisme classiquedans lequel l'adrninistration directement assumeejadis par !es Tchaptchet, Michel Ndoh, Joseph Etoundi et ReneNgouo WoungJy-Massaga,
cadres metropolitains est en partie confiee a une equipe d'autochtones merite d'etre evoquee.
traitres, qui agissent pour Je compte des colonialistes. Alors l'independance Etudiants n'ayant vecu au Cameroun que dans leur jeunesseet se nourris-
devient completement vide de sens, dans la mesure ou, loin de profiter aux st1ntde la litterature engagee qui circuJedans l'ex-metropole, leur experience
massespopulaires qui l'ont conquise, eiledevient l'instrument d'une domina- militante est avant tout fran~aise.C'est dans Je cadre de l'intemationalisme
tion feroce entre !es mains des irnperialistesqui la presentent comme le pro- qu'ils inscrivent leursactMtes politiques, lesquellesse heurtent d'ailleurs plus
duit de leur generosite et de leur volonte de decolonisation. Si Je processus c1irectementaux autorites de Parisqu'a cellesde Yaounde. Ulcerespar l'assas-
s'accelere,d'ici deux ou trois ans, tout le systeme coloniaJistedu type ancien sinat de Felix Moumie par les services secrets fran~ais, dont ils ont ete les
aura dlsparu ä l'echelle de taute l'Afrique, mais il y demeurera d'immenses 1crnoinsdirects - Jean-Martin Tchaptchet a assisteau repas fatal du president
zones de domination subtile oil les colonialistes !es plus forcenes contlnue- de l'UPCavec William Bechtei(voir chapitre 25)-, ils se mobillsent immedia-
ront aregner al'ombre des gouvernements locaux, fantoches, dictatoriaux et 1crnentlorsqu'ils apprennent, en janvier 1961, l'assassinat du Premier minl-
fascistes2• » ~tre congolais Patrice Lumumba. Pour Jes jeunes upecistes de France, la
lntitulee l'Oppresslonfranraiseau Kamerun,Ja brochure de l'UPCdont ces concomitance des deux assassinats est tout sauf une coi'ncidence. Car ils
lignes sont extraites a ete redigee au cours de l'annee 1962, a peu pres au ,avent pertinemment que Lumumba et Moumie ont entretenu des relations
moment ou Ahidjo publiait ses ordonnances contre-subversives. N'ayant clroites au cours de J'annee 1960 3 • C'est d'ailleurs au moment meme ou se
apparemment pas encore pris connaissance de ces dernieres mesures, le prcpare, quelques jours apres Ja mort de Lumumba, une grande manifesta-
Bureaudu comite directeur (BCD)de l'UPC, qui signe le document, sait tou- tIon de protestation a Pariscontre l'assassinatdu leader congolais que le gou-
tefois parfaitement ce qui se trame a Yaounde comme dans le reste de vernement fran~ais prend a l'encontre des upecistes de France un arrete
l'Afrique.La mecanique neocoloniale, notamment dans lesex-Terrltoiressous d'cxpulsion. Tchaptchet, sa femme fran~aiseet Ja femme de Massaga,egale-
administration fran~alse,y est decrite en details : plllage organise des res- rnc11tfranc;aise,scront imrnediatement cxpulses vers le Mali. Refugies a
sources localcs par les puissances industrialisces,accords rnlliiaircsenscrrant l'ambassadc parl~lonnc d11Ghana, les autres, Massaga, Etoundi et Ndoh,
dl'VIOlll illlcndrl· ''"" 11101' ,IV,1111d'ctre cxfiltres hors de France,deguisesen
sz,1
.52.~
dlctature{rm1r"{rlr"l11e( l 96 t- I 971)
U11e rl 111/,nt•~ t/11 /u " 1/•110/111/tm
,\f1l,·11,l,·111, » ( t 96 i- i 96J)
A111111•1111111/:,1•

pretres catholiques, grace i\ un jeu de soutanes que leur fournit l'avocat anti- Quellerdvo/11tio11
sausMoumie?
coloniallste Jacques Vergeset ä l'hospltaJite discrete des reseaux frarn;:aisde
soutien au FLNalgerien 4... Derriere les grandcs dcclarations, la realite est pourtant moins brillante.
Dans ces circonstances, on comprend mieux pourquoi les exiles upe- C'est ce que constate Elie Tchokokam ä son arrivee ä Conakry, en
cistes ne peuvent envisager la « revolution kamerunaise » en dehors de la octobre 1961. Ayant termine ses etudes de medecine apres dix annees passees
« revolution africaine »,et!'« oppression fran~aiseau Kamerun» autrement cn France,il fait partie de ces jeunes Camerounais revulsespar le regime neo-
que comme un des rouages de la vaste "machination imperiallste » qui se colonial de Yaounde. Ami de Jean-Martin Tchaptchet, president de Ja section
manifeste aussi bien au centre de 1'Afriquequ'en Algerieou au Viet-nam•.Ins- Francede l'UPC,et de Michel Ndoh, vice-president de la FEANF,qui ont fini
pires par les modeles sovietique (1917),chinois (1949),indochinois {1954)ou par se retrouver en Guinee apres leur expulsion de l'ex-metropole, Tcho-
cubain (1959),soutenus par les regimesguineen de SekouToure, ghaneen de kokam a donc suivi le mot d'ordre : joindre ses forcesä la revolution kameru-
Kwame Nkrumah et egyptien de Nasser, les militants kamerunais ne sem- naise plutöt qu'aux fantoches de Yaounde.
blent douter ni de l'inexorable chute d'Ahidjo ni de leur victoire prochaine. Arrive dans cette Guinee qu'il considerait de loin comme une « zone
Puisqu'elles sont ecrasees par une intolerable misere, une accablante dicta- liberee » de l'imperialisme, ou se passaient, croyait-il, des choses « extraordi.-
ture et une injuste domination etrangere, les masses populatres camerou- naires », il dechante. Collaborateur de l'organe du parti, La Voix du Kamenm,
naises ne tarderont pas ä se soulever, affirment les revolutionnaires dans dirige par Tchaptchet, IIest bien place pour comprendre que les mots d'ordre
toutes leurs publications, pour renverser Je « fantoche » de Yaounde et sa enflammesqui peuplent les colonnes du journal reposent sur des sourcesbien
« clique » profran~aise. maigres. L'implacablecensure des autorites de Yaounde et I'autocensure qui
Comme beaucoup de jeunes militants africains qui, eux aussi, s'abreu- regne dans la presse camerounaise creent un epais brouillard sur la situation
vent de theories epiques, les upecistes en exil manifestent une grande reellede la « lutte de liberation ». Si l'on croise de temps ä autre, ä Conakry,
confiance - leurs ecrits en temoignent - dans la " marche de l'histoire » et des« camarades » sortis des maquis de l'ALNKpour suivre des formations a
dans l'irresistible force du « peuple unanime ». L'exemple algerien, confir- l'etranger, ceux-ci se font de plus en plus rares ä partir de 1961.
mant le precedent indochinois, ne prouve-t-ilpas que rien ne peut arreter un LesnouveJlesque les « stagiaires» apportent du Cameroun cadrent d'ail-
peuple en armes? Les Angolaisdu MPLA,un temps refugies au Congo-Leo- leurs assezmal avec l.etriomphalisme de la propagande upeciste. C'est ä cette
poldville, et les Cap-Verdiensdu PAIGC,qui s'instaJJent en Guinee en 1961, periode par exemple qu'Etienne Tchinda, ancien secretaire de Jeremie Nde-
ne prennent-ils pas, pour secouer le joug portugais, la vole de la lutte armee lcne, exfiltre du Cameroun par Je leader natlonaliste anglophone Ndeh Ntu-
empruntee cinq ans plus töt par l'UPC pour lutter contre les colons fran~ais? mazah • au mornent de la mort de son chef, debarque ä Conakry. S'il peut
En Afriquedu Sud, les militants de 1'ANCeux-memes, pourtant adeptes de Ia raconter les bombardemeots que son maquis a essuyestaut au lang de l'annee
non-violence et respectueux de la legallte depuis !es annees 1920, ne se 1960, s'il salt parfaitement comment fonctionne la machioe repressive mise
sont-ils pas ä leur tour dotes d'une branche armee en juin 1961, et leur leader cn place par l'armee fran~se, il lui est bien diffidle de fournir a ses cama-
Nelson Mandela, en tournee africaine en 1961-1962, ne compte-t-il pas sur iades d'exil une description optimiste de l'atmosphere qui regne dans !es
le soutien de ses amis du continent pour ecraserl'odieux regime d'apartheid? broussescamerounaises. De fait, l'ALNKest en deliquescence. Lesordres dr-
Celebrant chaque jour cette revolution africaine en marche, Castor Osende tulent mal d'un maquis ä l'autre, se contredisent parfois et sont rarement
Afana,aJorsrepresentant de l'UPCau secretariat permanent de !'Organisation nppliques, quand ils parviennent ä leurs destinataires. La « glorieuse armee
de solidarite des peuples d'Afrique et d'Asie (OSPAA),installe au Caire, se vit populaire » qu'oo celebre dans les joumaux upecistes se resume en realite a
comme un militant d'une « cause sacree », celle « de taute l'Afrlque, de taute unc juxtaposition de bandes, parfois rivales et souvent autonomes, qui pleti-
l'humanite en lutte contre l'oppresslon et l'exploitation, pour des lendemains ncnt dans la baue, sans armes ni moyens.
qui chantent » 5• Une realite qu'Etienne Tchinda a grand peine ä faire comprendre ä ses
r,unarades de Conakry, lesquels sont d'autant moins receptifs que, n'ayant
pour la plupart pas remis les pieds au Cameroun depuis des annees, ils ne
a L'Mition de l'organc de l'UPC La Volx d11Km11en111 de novembrc-d~cembre 196'1cst symp-
a
tomatique cet ~gard, qul c~l~bre dans le mi!me sourne les explolts des • combattants
lmmerunal~ •• la • vlctolrc de lo rt!sistonce algMennc • et la luttc des • patrlotc~ du Sucl- ()11 ,c souvl('IH quc Ndch N111mi11ah
uvatt lanc(i en 19S7 le Onc Kamerun Party, branchc
v1e1-na111•• d!• l'Ul'C.1w ( ,.1111M11111 (voir cl1oplt1,: 13}.
hol1,11111l11u1•

~2.11 527
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t11cu1t11re :.,,,, 111l1,,, ~ tl 111/1~11',1
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connaissent des maquis que ce qu'ils en lisent dans les journilux. Leclialogue honi-euses,quc IC!Ium t't lcs aut.rescamouflent soigneusement derriere des
entre les ex.ilesqui peuplent les tribunes et Ies stagiaJresenvoyes du maquis apologiesde l'acllon passeedes dirigeants defunts et des grands debats theo-
toume parfois au quiproquo. Pendant que les intellectuels exaltent par ecrit riques sur l'avenir de la ,, Revolution». Ainsi se forment des clans plus ou
les vertus de Ja revolution, les stagiaires formes a Ja guerilla, au Ghana, en moins homogenes dont les principaux protagonistes sont, d'une part, le
Chine, au Maroc, rechignent a rentrer au pays. C'est en tout cas ce que groupe constitue par Rene Woungly-Massaga, Jean-Martin Tchaptchet,
constate Etienne Tchinda a son arrivee a Conakry : les stagiaires que son Michel Ndoh, Nicanor Njawue et Ndongo Diye et, d'autre part, celui qui
propre maquis avait envoyes en formation quelques mois plus töt vivent tran- regroupe de fai;:onplus ou moins lache les opposants les plus resolus au
quillement dans un hötel de Ja capitale guineenne, repoussant chaque jour groupe precedent, parmi lesquelson peut compter Osende Afana, Ndeh Ntu-
Ja date de leur retour au Cameroun. Tchinda lui-meme, d'abord choque par mazah, Marthe Moumie et quelques autres. D'abord feutrees, les oppositions
cette attitude, connaitra le meme destin : malgre la solide formation militaire entre les deux « camps » se font de plus en plus violentes et visibles...
qu'il re~oitau Maroc puis en Algeriedans les annees 1961-1962, il ne retour-
nera au Cameroun que bien apres la finde la guerre, en 1986, avec sa femme
ghaneenne 6 • Ouandiedans l'enferdes maquis
Les informations parviennent d'autant plus difficllement a la redaction
guineenne de La Voix du Kamenm que les düigeants de l'UPCen exil sont non Lesplus lucidesprennent rapidementconscienceque cette guerre intestine
seulement en mouvement permanent, mais se trouvent egalement disperses quJ detruit l'UPCa petit teu ne peut faireque le jeu des maitres de Yaoundeet
aux quatre coins du continent africain, Ollont ete instaUes,en plus des bases de leurs parrains frani;:ais.C'est Ernest Ouandie qui comprend Je plus töt que
que constituent Accraet Conakry, des bureaux permanents: LeCaire (Osende l'aveni.rde la revolution kamerunaisese joue moins a Conakryou aAccraqu'a
Afana), Rabat (Nicanor Njawue), Tunis (Ndongo Diye), Bamako (Chepda l'interieurdu Cameroun, Ollles maquJsde l'ALNKdoivent etre reorganises.Äge
Djakam),etc. 7• Utlle pour porter la voix de l'UPC dans toutes les capitales et de 37 ans, Ouandie,alias« camaradeEmile», sait que c'est dans l'action, et dans
dans tous les colloques intemationaux Ollles nationalistes camerounais peu- ce « peuple kamerunais>>qu'on dit vouloir servir,qu'iJ faut se plonger. II sait
vent trouver une oreille attentive, cette organisation pose un enorme pro- aussique le retour d'un haut responsablede l'UPCau Camerounpennettrait de
bleme apres Ja mort de Felix Moumie. Celul-ci, president du mouvement tuer dans l'reuf a la fois la propagande de l'UPC legale,qui se gargarisedepuis
depuis le congres d'Eseka en 1952, incarnait en effet a lui seul, aux yeux des Yaounded'etre le seul parti « nationaliste » reste proche des preoccupationsdu
opinions et des responsables etrangers, Ja « revolution kamerunaise ». Dis- peuple,et celle du gouvernement Ahidjo qul, se flattant d'incamer le « patrio-
paru, Moumie laisse un vide quJ ne sera jamais comble. A partir de 1961, la lisme » camerounais,deploiedes tresorsde persuasionpour fairede la « subver-
voix de l'UPC se dissemine. Et les luttes de clans, presque imperceptibles sion ,, !'armede machiaveliques« puJssancesetrangeres».
Jusque-la, se multipllent. Qui faut-il ecouter entre Abel Kingue et Ernest Quelquessemainesseulementapres la mort de Moumie, Ouandieorganise
Ouandie, tous deux vice-presidents et seuls rescapes du bureau du comite donc son retour dandestin au Cameroun. Avec l'aide du gouvemement gha-
directeur issu du congres d'Eseka? Faut-il plutöt s'en remettre a la generation neen et l'assistancedes quelques exilescamerounaisd'Accramis dans la confi-
des etudiants arrives par vagues de Paris, celle d'Osende Afanad'abord, celle tlence, il debarque au Cameroun, a travers la frontiere nigeriane, a la fln
de Massaga,Tchaptchet et Ndoh ensuite, qui prend progressivementla releve luillet1961. Tls'installedans un premiertemps au pied du Mont Koupe,dans le
des« dirigeants historiques »? Et puis, qui dispose de l'argent du parti que Mungo. Ce que decouvre le vice-presidenta son arrivee est pire encore que ce
Moumie, d'apres la rumeur, conservait soigneusement dans les coffressecrets qu'il avait anticipe.Tenu tant bien que mal informe par des agents de Ualsonde
de quelque banque suisse,al'image des dirigeants du FLNalgerien•? lodesorganisationdes maquis,i1n'imaglnait sans doute pas aquel point la sltua-
Lesquestions soulevees par la mort de Moumie font naitre de multiples tlon etait devenue difficiledepuis lesgrandesoperationsde l'armee fran~se de
rivalites internes, parfois personnelles, parfois tribales, mais toujours 1960.Non seulement les chefs de maquis ne repondeot plus aux ordres d'une
lll~rarchieplus theorique que reelle, maisils se disputent continuellement.
. Ccrtes, la rivalite e11treNoe Tankeu et Henri Tamo, les deux princlpaux
a Selon !es servlces de renseignements fram;ais ou cameIOunais, les sommes lalss~s par Feitx
Moumle, s'eievant ä queique 280 mlliions de francs CFA, auralenl cteallrlbuees ason p~rc 1c~ponsablesdu scctcur du Wouri, semble s'apaiser alors que ce dernier quitte
Samuel M~ou (Max ilRIAND, • Compte rcndu t·rlmcstrtel de rensclgncments du J" avrll ou 1~Cnnicroun. N'oynutp11~r~u~slb imposer ses vues a la hierarchie upeciste et
20 juln 1961-, 29 Juln 1961; SHAT 6H25<)). voy.int se~lleutcilf111t•1~c lolr(•n11~tcrun ä un dcpuis la finde 1960,Tamo

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U11c11/ctat11r11 (I V61-197I)

prefere quitter la lutte armee et rejoindrc l'Europc ~. SI In sltuatlon se calme La rcbelllo11cst touJ011rs octlvc, mais sublt des pertes importantes. Une
donc du cöte du Wouri, il en va tout autrement en Sanaga-Maritime. Dans note de l'amba~:.adc de France, en septembre 1961, stipule que « le chiffre
cette region et plus particulierement dans le secteur de Babimbl, les frictions hebdomadalre des pcrtes est en moyenne de soixante tues, dont les quatre
ne cessent de s'envenimer entre Makandepouthe et Etienne Bapia, qui avaient cinquiemes pour les forces rebelles 14 >>.Constamment surveilles et traques par
pourtant reussi en 1960 a ranimer ensemble Ja flamme du combat nationa- l'armee, subissant les aleas du climat et les assauts de la faim, vivant dans des
liste en depit du ralliement de la region ordonne par Mayi Matip 9 • Ils joi- conditions particulierement precaires, les quelque 2 000 combattants - selon
gnent encore parfois leurs forces, comme lors de \'assaut concerte contre le les estimations confidentielles des forces de !'ordre en avril 1963 15 -ne savent
poste administratif de Ndom Je 1erjuillet 1961, qui leur permet de recuperer pas toujours aqui obeir. D'autant que les ordres, qui arrivent Je plus souvent
des armes, de Libererdes prisonniers et de tuer un adjudant fran\ais 10, mais dans le desordre, emanent d'autorltes dont Usne connaissent, ou ne recon-
!es deux chefs passent semble-t-il plus de temps a se battre entre eux pour des naissent, pas toujours la legltlmite. On se retrouve ainsi dans des sltuations
questions de pouvoir, d'argent au a cause de desaccords tactiques. Des pheno- singulierement complexes. Tandls, par exemple, qu'Etienne Bapia accepte
menes comparables s'observent daos les differentes regions ou se maintien- d'ecouter les recommandations de Noe Tankeu gui lui viennent de Douala, il
rejette les consignes de Martin Slngap, pourtant chef de l'etat-major de
nent des maquis.
Mal encadres, ceux-ci ressemblent de plus en plus a une juxtaposition de I'ALNK,qui lui prefere son rival Makandepouthe. Aussi, lorsqu'un de ses lieu-
bandes desordonnees et proteiformes. On voit des lieutenants faire subite- tenants, Andre Singui, decide un beau jour de se separer de son groupe et de
ment scission avec leur chef, lever leurs propres troupes et agir a leur guise, lancer ses propres actions en dehors de taute consigne, Bapia se voit sanc-
parfois pour de simples reglements de comptes ou des vengeances de village. tionne par Singap pour insubordination, alors meme qu'il n'a pas pu empe-
Pire : des groupes totalement autonomes emergent \a et Ja qui se revendi- cher la dissidence de son propre subordonne ...
quent d'on ne sait quelle cause pour attaquer !es forces de !'ordre ou les
simples villageois. C'est le cas de l'etrange Jean Djonteu, un ressortissant de
Babam tres actif dans le Mungo, ou U est installe depuis plusieurs annees (voir
Septembre1961,la mort au combat
chapitre 19). Debut 1961, le jeune homme, entre au maquis deux ans plus töt, de MartinSingap:« L'Afriquelibre! »
avait fait parvenir une lettre a la direction en exil de l'UPC. « C'est ma pre-
miere fois a ecrire a la direction, precisaü-il alors. Pour la deuxieme fois, je Dans ce capharnaüm, la position de Singap devient elle-meme particulie-
vous ferai voir ma photo 11 • » Le maqulsard est si mal connu des dirigeants rement fragile. Ne contrölant pas tous les groupes qui se revendiguent de
upecistes qu'il se presente: «J'ai fait la guerre fran\aise de 1939 ä 1940 sous I'ALNK,ou du moins de la cause nationaliste, il depense une energie folle pour
le numero 8912 et apres le retour de cette guerre, j'avais pris l'engagement remettre son armee en ordre. Mais voila que les responsables du parti en exil
forme! de delivrer mon pays au joug colonial fran\ais m@me,suivant d'une sc mettent ä lui reprocher son manque de poigne, sa passlvite et meme son
declaration qu'avait prononcee le general de Gaulle qu'apres Ja Liberation de lndiscipline, alors qu'il semble s'emanciper du prlncipe fondateur selon
la France "Je Kamerun serait immediatement independant". » Djonteu, grand lcquel les decisions du parti priment celles de l'organisation militaire. Singap,
adepte du mysticisme, se fajsant appeler « Dieu de la palx », bientöt qualifie dcbut 1961, ne cesse alors de protester contre le court-circuitage de sa hierar-
d' « eternel dissident » par le SEDOC 12 et soup\onne par les autorites camerou- cl1le par des combattants au des ordres venant directement d' Accra ou de
naises de souffrir d'un « manque d'equilibre mental 13 », ne sera jamais integre onakry vers ses subordonnes ou ses propres rivaux. En fevrier 1961, dans un
dans l'ALNK. Soutenu par une troupe de plusieurs dizaines d'bommes eton- courrier rageur au BCD, ll s'eleve meme violemment contre de telles pra-
namment bien armes, il parviendra toutefois a rester dans la clandestinite 1lques: « Par vos gestes et vos ordres, nous voyons que vous avez jure de desor-
jusqu'a son ralliement al'administration en ... 1971. go II iser et de diviser l'armee. [... ] Envoyez plus d'un million de
d<'.:sorganisateurs,nous sommes prets a Ies accueillir conformement au pro-
wamme 56 en six points et conformement aussi aux Jois militaires ou nos
1•ngagements en la noble cause "vaincre ou mourir" 16• »
a Selon le compte rendu trimestriel de renseignements du 1" trlmestre 1961, redige pnr le . C'est dans ce contexte de dlssidence larvee et dans cette amblance de
general Brland, Tamo aurait quitte le Camcroun en fevrier 1961. Cette date reste lncer- dwos quc, quclques scmolncs apres l'arrivee d'Ouandie dans le Mungo,
taine. Tamo se rctrouvera quelques annees plus tard a ßcrlln-ßst, apr~s <'!treposs~ por le
NlgMa et la Sulsse. Slngop est tu6 dans ~on rcf11HC de Bopa,le 8 scptcmbre 1961. Lescirconstances

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(JIJbJ-1971) ,,,1r11o/1111,
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exactes de cet evenement restent aujourd'hui mystericusci.. Lc~mllltalres qui Q11wulOmmdiereorganisele maquis...
l'ont attaque ne semblent pas en effet avoir specifiquement visc le chef de
l'etat-major general de l' ALNKet disent avoir accroche son groupe « par taut Au cours d'une reunlon qu'il a convoquee pour Je 15 septembre 1961, a
hasard 17 ». Ce n'est que plusieurs semaines apres l'action qu'ils apprennent laquelle devait participer Martin Singap, Ernest Ouandie jette les bases de la
l'identite de leur victime, lorsqu'ils decouvrent, dans une grotte, Je recit reorganisation de I'ALNK.Les responsables des maquis kamerunais sont certes
detaille de l'attaque, ecrit par le garde du corps de Singap sur une simple loin d'etre tous presents a cette rencontre, les uns refusant de repondre a Ja
feuille d'ecolier. Ce document, retrouve dans !es archives de Jacques Foc- convocation, !es autres ne l'ayant meme pas re~ue. C'est pourtant a cette
cart 18, epaissit encore le mystere: on y apprend que Singap est mort alors qu'il occasion que Je vice-presldent Ouandie annonce Ja dissolution des anciennes
revenait d'une rencontre, au sud-ouest de Bamenda, avec Ndeh Ntumazah et structures de l'armee et la mise en place d'une nouvelle hierarchie, dont la
alors qu'il avait depl!che son adjoint David Kana (alias« Mallam Defense ») direction est bientöt confiee a l'ancien adjoint de Singap, David Kana. Un
pour aller a Ja rencontre d'Ernest Ouandie dans son refuge du Mungo. Singap nouveau reglement interieur est edicte, qui stipuJe entre autres que « taute
aurait-il ete victime d'une maladresse ou d'une indiscretion ? organisation militaire ou paramilitaire qui continuera a se couvrir du man-
Le rapport du garde du corps, racontant dans le detaH l'embuscade fatale, teau de l'UPC et de son armee pour commettre des actes et exactions (... ) se.ra
ne donne pas de solution a l'enigme. Mais il est si revelateur de Ja sociologie consideree comme servant la contre-revolution 20 ».
des combattants de l'ALNKet de leur determination a « vatncre ou mourir », Dans les semaines suivantes, cberchant a reprendre en main une organl-
qu'il merite d'etre cite, en respectant son orthographe approximative. Acette sation rnilitaire deliquescente, Je « camarade Emile » reaffirme, dans de
etape du recit, le garde du corps tente de porter Singap, deja blesse a trois longues missives distribuees a travers les maquis, les objectifs de lutte et Ja per-
reprises, au moment Oll les deux hommes subissent une nouvelle offensive : versite du regime neocoloniaJ : « L'independance [dans sa version officielle],
« La menace atrospective recommence: quelle est cette mal chance? Quel est
loin de mettre fin a Ja domination coloniale, n'apparaissait que comme un
ce mauvais jour ? Je me trouvais deja dans un cas de necessiteux et en depit habile reajustemeot a l'interieur du meme systeme. En d'autres ter~es, sur Ja
de la menace j'essayais de repondre balles contre balles et nous voici dans Ja v:eille bouteille d'alcool, on venait simplement de coller une nouvelle eti-
troisieme ernbuscade oll il n'y eut plus moyen de soulever pieds et sonder- quette. Le colonialiste fran~ais n'acceptait de sortir par Ja porte de devant
nier soupir fut Ja gloire des ennemis. Ce deroier ennemis reussirent a sur- qu'apres avoir pris toutes !es dispositions pour rentrer tout de suite par la
prend mon chef d'etat-major sous perte de beaucoup des genereux Professeurs fenetre 21 • » n exige donc : l'abrogation des accords franco-camerounais et des
sans compter les neans d'allentour. ll me lan~a comme ses dernieres paroles : dispositions « mettant en vacances toutes !es Libertes politiques », le « retrait
"Aurevoir Mon Fils Confiance et courage" et sa derniere parole dans l'armee des troupes etrangeres et autres technlciens militaires », l' « amnistie generale
fut sa main droite, qu'il souleva en l'air pour benir les quatre coins d'Afrique
lnconditionnelle pour tous les faits et condamnations se rapportant a Ja Situa-
Ollil dit "L'Afrique llbre". » tion politique depuis 1955 », « Ja dissolution immediate des institutions
Ainsi disparait tragiquement, alors qu'il n'a pas 30 ans, l'un des prind- actuelles et le retour devant les electeurs » 22•
paux acteurs de la « resistance kamerunaise » depuis 1957. Ses ennemis ne Les mots, evidemment, ne suffisent pas. Et ils clrculent d'autant plus mal
peuvent que s'en feliciter. Eux qui, tenus en echec malgre leurs galons et leurs que la jeune armee camerounaise encadree par les officiers fran~ais, rapide-
decorations, louaient depuis des annees, dans leurs rapports secrets, sa « bra- ment informee du retour du vice-president de l'UPC a l'interieur de pays, le
voure », sa « valeur miUtaire » et son impressionnant « sens de la strategie ».
lraque sans cesse, obligeant Ouandie et ses camarades a fuir en permanence a
Les autorites franco-camerounaises, n'ayant appris qu'a posteriorila mort de travers le Mungo. D'abord frappe dans son camp du Mont Koupe, il se replie
Singap, n'ont pas eu l'opportunite d'exploiter politiquement cette victoire. ,ur le Mont Lonako puis vers le Mont Amelo. Attaque sans cesse, II se refugie
,<Nous avons perdu Je benefice de l'effet psychologique que cette mort aurait
1u cours de l'annee 1962 dans la region Barnileke, passant de village en vil-
pu avoir sur la population, deplore en octobre 1961 l'inspecteur generaJ de luge, echappant comme U peut aux innombrables barrages routiers, contröles
l'administration pour l'Ouest Enoch Kwayeb, si Je cadavre avait ete expose pollciers et offensives des forces armees.
comme celuJ de Momo Paul au grand public 19• » . Cette constante transhurnance n'empeche pas le leader upeciste de pour-
~11ivrelnlassablement son effor.t de reorganisation. Celle-ci commence par la
rnnsolidatlon du 11011vcl~lnt-major. Un secretarlat, compose de trois per-
,011 ncs, cst ('OrHtl!tt6 pnur cffccluer tout le travall administratlf :

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proces-verbaux des reunions, redactlon des tracts, des courrlcrs Cl des lnstruc- devient II<'(ac10, pc1rsun rctour au pays, sa lu.tte inlassable pour reconstituer
tions, etc. Des combattants, selectionnes parmi les plus valeureux dans les dif- une armee efflcaccet son tftre de vice-president herite du congres d'Eseka de
ferents « secteurs >,,sont parallelement recrutes pour assurer la securite 1952, ie principal leader du mouvement, releguant ä un röle secondaire
rapprochee et trois unites, composees de quinze combattants chacune, l'autre vice-president, Abel Kingue, de surcroit affaibli par une longue
maladie. Mais c'est derriere les vice-presidents quese jouent la plupart des
accompagnent l'etat-major dans ses deplacements 23 •
intrigues.
En depit de Ja fragilite des llaisons qui complique considerablement les
communications, Ouandie et ses hommes parviennent peu ä peu, en proce- L'acteur principal de Ja guerre des chefs est Rene Ngouo Woungly-Mas-
dant ade multiples mutations et en s'appuyant suc une equipe d'« organisa- saga. Disposant, depuis qu'il est devenu en fevrier 1962 conseilJer a Ja presi-
teurs », a restructurer une partle de l'ALNKet ä en ecarter les elements les plus dence ghaneenne, d'un contact privilegie avec Nkrumah et demeurant, en
« douteux ». Considerant la formation des troupes comme une priorite
tant que secretaire de l'UPC charge des« liaisons avec l'interieur », le principal
absolue, il met en place des « comites de front » charges dans chaque maquis soutien exterieur d'Ouandie au maquis, Massaga occupe a partir de l'ete 1962
d'assurer la formation poUtique des combattants et de leur faire respecter les une position strategique, qui lui permet de jouer les intermedialres entre !es
maquis et leurs soutiens internationaux.
consignes 24 • Sont egalement mis sur pied, dans le cadre d'un Centre national
d'entrainement et d'education (CNEE),des stages de formation pour les plus Cette situation apparait rapidement insupportable pour ses rivaux. Les-
hauts grades. Ernest Ouandie y dispense lui-meme la formation politique, quels, acceptant mal la rapide promotion des jeunes etudiants de Paris, consi-
tandis que d'anciens stagiaires revenus de l'etranger, de Chine en particulier, derent que Massaga n'a ni le profil, ni les qualifications, ni le titre officiel pour
s'appliquent a entrainer les soldats et les militants aux strategies et aux tech- d.isposer d'un tel pouvoir. Ecolier puis etudiant en France, Massaga n'a jamais
niques militaires 25• Un contröle severe de la collecte, de la gestlon et de Ja remis le p.ied au Cameroun depuis 1950 et n'est devenu president de l'UNEK
repartition des maigres ressources financieres et du rare materlel militaire qu'en decembre 1960. C'est donc d'assez haut que Kingue par exemple peut
dont dispose l'organisation est instaure 26 • regarder le jeune impetrant, « un escroc, un assassin, un fonctionnaire, petit
Ouandie s'efforce egalement de garder le contact avec Accra et Conakry. ctudiant parti aParis ä l'äge de 12 ans, ignorant tout de Ja realite kamerunaise
Avec Abel Kingue, vraisemblablement jusqu'a l'ete 1962 27• Mais surtout avec et n'ayant aucune base de masse 29 », qui portait encore des culottes courtes
les anciens etudiants expulses de France, Jean-Martin Tchaptchet, respon- quand lui-meme etait deja vice-president. Ndeh Ntumazah, qui a suivi de tres
sable de l'information au secretariat adminlstratif de l'UPC et directeur de La pres, depuis le Cameroun brltannique et au cours de freguents deplacements
Voix du Kamenm•,et Rene Ngouo Woungly-Massaga, charge dans le cadre du au Cameroun oriental, les evolutions de l'UPC et des maquis dans les annees
secretariat administratif de l'UPC des ~,lialsons avec l'inter1eur ». A Accra, ce precedentes, peut egalement s'etonner du parcours du jeune mathematicien.
dernier accueille Je tres precieux agent de liaison d'Ouandie, Emmanuel Quant ä Osende Afana, economiste dont nul n'ignore le talent, il peut se
Fenkam, alias« Fermete ». Lequel deviendra, a partiT de 1963, l'unique lien flatter d'avoir plai.de des 1957 Ja cause du Kamerun ä la tribune de l'ONU a
d'Ouandie avec l'exterieur 28. New York et, depuis 1959, aupres de l'Organisation de solidarite des peuples
cl'Afrique et d' Asie au Caire.
Pour ses rivaux, Massaga n'est donc qu'un militant de fraiche date, qui
... l'UPCen exil se dechire ne doit sa promotion qu'ä un concours de circonstances et au parrainage
1ardif de Felix Moumie". Aussi essaient-ils assez töt de freiner l'ascension du
Depuis Je debut 1962, Ja tension est devenue extreme entre les diffe- • jcune-turc » et de ses camarades Jean-Martin Tchaptchet et Michel Ndoh.
rentes tendances de l'UPC, dont I'equilibre a ete bouleverse par le retour Quolqu'en desaccord sur certains points, Kingue, Ntumazah, Osende et
d'Ouandie au maquis a I'ete 1961. Puisque les « revolutionnaires kame- quelques autres se reunissent a plusieurs reprises au cours de l'annee 1962, ä
runais » font du « Peuple » sacralise la source de toute Iegitimite politique et /\c.cra et ä Conakry, pour jeter les bases d'une nouvelle direction de l'UPC, gui
du « Parti » l'incarnation authentique des aspirations populaires, Ouandie vltcrait de faire Ja part belle ä leurs adversaires au sein de l'organisation. C'est

a OuamUe ecrit par exemple a Tchaptchet cn decembre 1962 pour lul falre part des dlffJ.
!I Mn11ml~,qul avoll syin.rr11 hlsf nvcc la fam.lllc Massagades Ja fln des annees l940 lorsqu'II
cultes crolssantes qu'il .rencontre dans l'cxtcnslon de lo • rfvolutlon kamcrunalse • i'ILohxl11if,"1:n1rc1011u
~tnlt 1111:dccln jusqu'o la fln de scs lours des relatlons tr~s Intimes
ovcc In tantc chi WOllllflly,M1tw111n
(SEDOC,• llRII du 10 au 16 ln11vler 1963 •; 1\NY, IAM50/4).

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aJors quese tient une de ccs reunlons au domlclle gha11~e11 de Ntumazah, lc considcrcnt rn111111c 1111l'va,tc c,croqucrie, falte de mensonges et (k ph111-1
2 aout 1962, qu'une « bombe » interrompt le conclllabulc clcsnntl-Massaga. montages, Ntl1111ozah, Oscndc et Kinguefondcnt leur propre burcou dlrc111•111
La detonation, qui ne fait pas de victimes, va toutefols provoquer l'explosion provisoire de l'UPC et preparent un texte violent, « La verite sur lc Co111111·
durable de l'UPC en exil et falre naitre de multiples Interpretations contradic- revolutfonnalre », qui accuse tous azimuts Massaga,Tchaptchet, Ndoh (II lt•,
toires sur Ja suite des evenements•. Les deux camps s'accusent mutuelle- autres d'avoir non seulement opere un putsch ala t@tede l'UPC, mals d'ovolt
ment: !es uns de tentative de meurtre, les autres de coup monte. Nkrumah, egalement participe a l'assassinat de Felix Moumie et projete celui d'E.rncsl
vise par plusieurs attentats au cours cette periode, decide, pour regler Ja ques- Ouandie.
tlon et calmer les turbulents upeclstes, de !es envoyer tous en prison avant de La rupture est consommee. Elleest d'autant plus violente que les clans cn
les relächer, un a un, dans les semaines suivantes. presence se saisissent, pour habiller de respectabiUteleurs ambitions person-
C'est dans ce contexte que l'agent de liaJson Emmanuel Fenkam, alias nelles, de la bataille sino-sovietlque qui divise a l'epoque le « camp socia-
"Fermete », charge par Massagad'aller lnformer Ouandie des chamailleries en liste » et qui se repercute dans tous les milieux de gauche ä travers le monde.
cours aAccra,revient du Cameroun avec des nouvelles stupefiantes. Ouandie, Sympathisants ou non de Ja cause upeciste, Jes observateurs exterieurs, eux-
dlt-U, a rassemble le 13 septembre 1962, jour anniversaire de Ja mort d'Um memes influences par l'actualite mondiale, decoupent le mouvement natio-
Nyobe, une « Assemblee populaire sous maquls » de plusieurs centalnes de naliste kamerunais en « prochinois ~ et en « prosovietiques ». Castor Osende
soJdatset de militants, au cours de laquelle a ete creee une nouvelle instance Afana, Ndeh Nturnazah et Marthe Moumle font partle, dit-on, de la premiere
politico-militaire de direction de l'UPC, presidee par Ouandie, composee de categorie. Rene Woungly-Massaga, Michel Ndoh, Jean-Martin Tchaptchet,
sept membres et baptisee " Comite revoJutlonnaire » (CR). Pour les « etu- Nicanor Njawue et les autres feront des lors partie de Ja seconde. Les Inte-
dian ts de Paris», la nouvelle sonne comme une victolre : appuye par le resses eux-memes ne tardent pas a s'attribuer ou plus souvent a affubler le
" Peuple », le camarade Emile les confirme a des postes de responsabllite et camp adverse de ces etiquettes, estimant qu'en s'inscrivant clairement dans
leur donne au surplus une place preponderante au CR. 11sne tardent donc pas !es clivages qui structurent desormais le « camp socialiste », ils obtiendront
ä faire connaitre Jargement, ä travers Je journal La Voix du Kamerun,!es deci- plus facilement les soutiens internationaux, financiers, logistiques ou dlplo-
slons de 1'Assembleepopulaire. Pour leurs opposants, qui apprennent \a nou- matiques, necessaires ä Ja conquete du leadershipa l'interieur de leur propre
velle de Jabouche m@mede leurs ennemis jures sans que leur soient apportees parti. Armees de pseudo-arguments theoriques, les factions rivales ne mena-
de preuves tangibJes de leur marginaJisation, le CR n'est rien d'autre que Je gent aucun effort pour stlgmatiser partout ou elles le peuvent le « fraction-
resuJtatdes obscures manreuvres de Massagaet de« sa cUque». Pour eux.,rien n i sme », le « deviationnisme » et Je « tribal!sme capitulard » de ceux
ne prouve que cette Assembleepopulaire saus maquis ait bel et bien existe, d'cn face, consideres naturellement comme des agents patentes de la
ni que Massagan'alt pas intoxique Ouandie pour le dresser contre ses anciens « contre-revoJution »,du« capitalisme international» et des« Servicessecrets
camarades de lutte. lmperialistes ,....
Pour contrecarrer le scepticisme de ceux qui s'opposent au CR, une nou-
velle Assembleepopulaire est organisee sous maquis, le 25 avril 1963. Lesdeci-
sions prises au cours de cette reunlon sont plus radicales encore que celles de
Mars1963:lesautoritesfranco-camerounaises
la precedente : ceux qui doutent de l'existeoce du CR et refusent de s'y sou-
mettre, acommencer par Ndeh Ntumazah, Osende Afanaet AbelKingue,sont
s'inquietentde l'« ampleurexceptionnelle
exclus des structures dirigeantes. Mais cette seconde Assemblee populaire, de l'activiterebelle»
manifestement convoquee dans l'urgence, est surtout l'occasion de faire la
preuve de la realite du CR: des photographies sont prises acette occasion qui, Les " imperialistes », precisement, se delectent de ce spectacle inespere.
bientöt publiees en une de La Voix du Kamerun,montrent Ouandie devant un Sans meme qu'ils aient ä intervenir, ils regardent jour apres jour les jeunes
tableau noir ou figure la date du 2S avrll 1963. Ulceres par ce qu'lls urnhltieux detruire le parti qu'Um Nyobe avalt, quatorze ans plus töt, patiem-
mcnt Mifie. Pour les services de renseignements et de repression mis en place
On peut sulvre d'assez pn}s l'evolutlon du « camp Massaga „ dans 1A Vol.x du Kamerun,
pM la France au Camcroun, Ja situation s'est totalement inversee depuls
a
dlrlgce parTchaptchct. La posltton des autres, malm stnicturce, cst plus dlfflclle ä sulvrc ä l':Js!>assinat
de Mouml~.Alorsque ce dernicr maintenalt une certaine unite au
travers les t;mcllurc~ et quclqucs publlcatlc111s11sse1.
~pl~o<ll4ucs. ,on1met et jouolt hnl1llc111cnt clc la 11otori61eacqulsc par l'UPC sur le plan

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Una11/e:t11t11r1J ( 1961-1971)
frm1r11frl~1tl111•

international, c'est maintenant de l'interleur du pays qu'emane lc principal arm~cs, ffn mors I W1.I.IJ11 c-llcl'qul tombe est aussitöt remplace, un combat-
danger depuis le retour au maquis d'Emest Ouandie. Les autorites franco- tant qui meurt a 1ou1 de sultc un .rempla~ant. La population continue a
camerounaises savent bien que les maquis restent largement desarticules et dememer muettc pour lcs forces de l'ordre en matiere de renseignement 34• »
qu'Ouandie n'en contröle qu'une petite partie. Mais elles sont bien obligees Ouandie, certes, est loin de contröler directement l'ensemble des maquis.
de constater que ses efforts commencent a porter leurs fruits. Ses mouvements sont difficiles, ses ordres demeurent souvent sans suite, ses
Significative a cet egard est l'analyse du colonel Pierre Aufeuvre, chef de liaisons avec l'exterieur ne reposent plus, on l'a vu, que sur un seul agent de
la Mission militaire frarn;aise au Cameroun, dans les semaines qui suivent le liaison. 11a pourtant, a l'evidence, lmpulse une nouvelle dynamique.
retour d'Ouandie au maquis. Pour lui, la « rebellion » se divise en trois grandes « L'ALNKa ete sur Je point de sombrer dans une anarchie totale, indique un

categories. La premlere, qu'il quallfie de « bamileke » et qui revet un « carac- bulletin du SEDOC. Un evenement l'a sauvee de la desagregation: la venue,
tere tribal, demographique et economique », constitue selon lui le « foyer le en juillet 1961, du vice-president de l'UPC Ouandie Ernest au sein du maquis
plus important sinon Je plus dangereux, car Ja population represente a peu qui, patiemment, infatigablement, a poursuivi un travail de reprise en main
pres le quart de celle du Cameroun ». La deuxieme, qualiliee de « Bassa- en matiere politique, d'organisation, de propagande, et de formation ideolo-
Douala >•et qui « a, elle aussi, un caractere tribal teinte d'ideologie », se revele gique 35• ,, Suffisamment bien renseignes pour savoir que les Assemblees popu-
d'autant plus difficile a reduire que !es deux peuples qui l'animent sont laires sous maquis ont bei et bien eu lieu, en septembre 1962 comme en
« intelligents, instruits, ambitieux et s'estiment brimes ». Quant a la troi- avril 1963, les services franco-camerounais n'apprennent l'evenement que
sieme, dirigee par Ernest Ouandie et« d'inspiration communiste », eile est bien des semaines apres, ratant chaque fois l'occasion d'une decapitation
principalement implantee « de part et d'autre du Mungo, pays de rencontre massive de la « rebellion ». Pire encore, lls perdent frequemment la trace du
de plusieurs ethnies et ou, du fait des plantatJons europeennes, il existe un president du CR, malgre !es efforts deployes pour Je localiser. II disparait subi-
proletariat important ». « Le danger, conclut Je colonel, serait de voir s'unir tement du radar et reapparait ensuite simultanement, aen croire les bulletins
ces trois formes de rebellion qui se manifestent d'une fa~on autonome 30• » cle renseignements, a...trois endroits differents !
Or c'est precisement cette evolution qu'observent les autorltes franco- Les forces de l'ordre commencent a souffrir de legeres crises d'illusion-
camerounaises lorsque Ouandie, chasse de ses refuges successifs par la repres- nisme et de bouffees d'affolement. Alors que !es camarades d'exil d'Ouandie
sion, fait mouvernent vers la region Bamileke. A Yaounde, Oll l'on constate ~ont plus occupes a s'entre-dechirer qu'a lui livrer des armes et des stagiaires,
que les mesures prises par Ouandie, la forrnation qu'il donne a ses troupes et les bulletins de renseignements des services franco-camerounais font etat, a
le professionnalisme des quelques « stagiaires » revenus de l'etranger ne sont tort, de l'infiltration de « subversifs » etrangers. Un jour on croit avoir aper~
« deux Chinois » au milieu du Mungo. La semaine suivante, U est question de
pas de vains mots, l'inquietude monte. « Cette action opiniätre et toujours
recommencee, en depit des activites des forces de !'ordre, n'est pas sans « quatre Blancs » qui s'entratneraient militairement dans les brousses du
inquieter certains, reconnait le SEDOC a l'ete 1962. II ressort en effet de divers Wouri. Quelques mois apres la fln de la guerre d'Algerie, un renseignement
documents que les comites de front se constituent effectivement 31 • » Trols indique que Ben Bella serait pret a envoyer des sous-officiers de l'ALN pour
mois plus tard, le meme service releve une nette reprise des activites « terro- former !es maqulsards camerounais. « ~a commence ! Bientöt iI y en aura par-
ristes » : « Ouandie projetait de faire pass~r 1'ALNKa l'attaque. Le mot d'ordre tout en Afrique francophone », enrage en mai 1963 le general Louis Kerga-
a ete execute, puisque l'agressivite rebelle, deja soulignee la semaine derniere, ravat, general delegue a la ZOM 2, dans la marge du document 36• Et voila que
ne s'est point dementie. II s'agit d'une action concertee, utilisant essentielle- lcs autorites se mettent a douter d'elles-memes et des populations. Des
ment la tactique des embuscades. Pour emayer cette relance du terrorisme, de aoGt 1962, le SEDOC souligne Ja« franchise douteuse » des ralliements, « que
nature ademoraHser certaines populations, de severes mesures ont ete prises, lcs rallies sortent des maquis ou rentrent dans l'UC », et s'inquiete de l'infiltra-
en particulier dans le Bamileke et le Mungo 32• » tlon d'« agents pro-UPC-ALNK» jusqu'au plus profond de l'appareil repressif:
« La BMM de Yaounde, indiquent les services de Fochive, vient d'en debus-
Au debut de 1963, les services de Paul Pondi confirment l'« ampleur
exceptionnelle de l'activite rebelle »: « Un autre fait significatif de l'action ter- quer un dans un commissariat de police important » 37•••
roriste, poursuivent-Us, est l'approvisionnement des maquis du Wouri et du Lorsqu'il croise Habib Deloncle, secretalre d'Etat fran~ais aux Affaires
Mungo en armes et munitions de guerre 33• » L'inquietude gagne les hierar- t1rangeres, de passage ä Yaounde le 31 mars 1963, le colonel Blanc, homme
chies. « Malgre les pertes qu'elles subissent, les organlsations rebelles reussis- de l'ombre du mlnlst~rc des forces armees camerounaises, n'est pas loin de la
sent a rnaintenir leurs effectifs, reconnatt Sadou Daoudou, mlnistre des Forces panlque. Son hllnn c~t t•11 IOllt Ci'ISaccablant. « La Situation rne paratt, slnon

s:1R c;39
Um·dli 1,,111,t· fl1'ii1-Tl>Jl}
/r,m~1ifili"11l111•

alarmante, du moins serleuse, cxpllque-t-11dans u11c11otc ,w mlnlstrc. Les 29


rebellesont aupres des populations dans le Mungo et le ßamllckc(un quart
de Ja population) une audience plus forte que celle du gouverncment. La
preuve en est dans Je double falt que, malgre les coups qui .luisont portes, le
Soumissiondesesprits
recrutement de la rebellion n'a jamais tari, jamais la population n'a ren- et« croisades
antiterroristes
»
seigne spontanement les forces de l'ordre. t...] Lesautorites civiles, qui n'ont (1962-1964)
apporte aucun mieux aux habitants, paraissent avoir perdu Je contact de leurs
administres. Une des causes en est sans doute que Ja plupart des fonction-
naires, bien payes dans un pays miserable,ont vecu en seigneurs et n'ont pas
montre aux populations la sollicitude et le devouement que celles-ciatten- „ La plus grande Invention du xx•siecle, ce ne sont pas
daient. Le chef de la rebellion, Ouandie, est un bon organisateur, un tres bon les Inventions mat&ieJles, c'est l'lnventlon des tcch•
propagandiste. ll a Ja foi et il a su la faire partager a ses hommes. L'admlnis- ulques d'encadrement des hommes, des technlqucs
susceptlbles d'tnnuencer des masses Immenses et peu
tration civile,comme une bonne partie des forcesde !'ordre, n'ont pas une foi ä peu de les amener vers !es chemlns qul naturelle•
comparable a celle des rebelles38• » ment n'auralent pas ete lcs lcurs. »
Apresce constat amer, le coloneJ Blancdonne quelques pistes pour ame- Samuel KAMt,aoOt 1961 1•
Horer la « pacification ». Laquelle, estime l'officier fran~is, ne doit passe
limiter a une action militaire et policiere, mais doit englober tous les aspects
de Ja vie quotidienne des Camerounais par le biais d'actions politiques, eco-
'
nomiques, socialeset civiques. IIest grand temps de donner aux Camerounais
une « foi » suffisante pour ecraser l'enoemi. A partir de 1962-1963, la dimension « psychologique » du combat
contre-subversif, deja omnlpresente, devient une obsession presque
pathologique pour les forces de repression franco-camerounaises. Cette
dimension est au centre de tous les rapports secretset de tous les discours offi-
ciels.Du hauten bas de la hlerarchie, chaque responsablesurveilleet encadre
les echelons inferieurs. Les autorites fran~aisesevaluent en permanence la
fidelitea l'ex-metropole du president Ahidjo et de ses plus proches collabora-
teurs. Ces derniers se renseignent et etablissent de longs rapports sur la
loyaute de leurs entourages et de leurs subordonnes. Les hauts cadres de
l'armee veilleot sur le « moral » de leurs troupes et sur la « foi » des rebelles.
La population est constamment sondee, surveillee, encadree, soumlse a
d'intenses campagnes de propagande et d'action psychologique.
Lestechniques de soumission des esprits, d'abord con~es comme tem-
poraires, deviennent maintenant routinieres et illimitees. Elles se diffusent
dans taute la population et touchent tous les secteursd'actlvite. Toute mesure
du "gouvernement » - soclale,economique ou diplomatique - est avant tout
L0n~ueet evaluee par ses instigateurs fran~ais et ses relais locaux dans sa
dlmension psychologique.

Isolerle « camaradeEmile»
Pour casscr IC "mornl - des rebellcset affermir celul des troupes gouver-
11rrnc11tt1lcs,
IP pouvnl, f111nco-cnmcrounalslntenslflc les operatlons de

S1M
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'41111111111,,,, ( IW,-1-l'U,-1)

repression, avec pour objecllf d'isoler Ouandie. Un cffort prHllculier est tcrrilolrc cl u11wn t 1c'.'Jlc
plu, \tilct de~µopulatlons 8• Des mesuresspecifiques
entrepris pour couper lesrelations entre le prcsident du CRet les u~cistes ins- .\Ontpriscs A l'{>N,IIUde\ cnlants. Ceux-ci, expliquait des 1961 l'inspecteur
talles a l'exterieur du Cameroun. Debut novembre 1962, deux "bureaux de federal de la reglo11ßamllcke Enoch Kwayeb,"apportent aux terroristes une
Liaison» installes a Doua1aet a Victoria sont demanteles. « Ces organismes aide considerablc cn leur servant d'agents de liaison ou de guetteurs 9 >). « II
etaient en relation avec Ouandie Ernest, avec les maquis de l'interieur, avec cst possible de mettre fin a cela, expliqualt Kwayeb, en obligeant tous ces
la direction de l'UPC a l'exterieur », indique le SEDOC, mais aussi "avec enfants a frequenter l'ecole. » Les femmes sont egalement dans la Lignede
Kingue Abel, alias Makabe, et la section de France de l'UPC » 2• Un an plus mire: « L'importancedu soutien qu'apportent les femmes a la rebellion n'est
tard, Ngomba Same, agent de liaison d'Ouandie considere par les autorites plus a demontrer, poursuivait l'inspecteur federal. Leur action a ete d'autant
comrne l'un de ses "bras droits », tombe ason tour. 11aurait joue un röle cen- plus facile que les forces de maintien de l'ordre repugnaient souvent de les
tral dans l'approvisionnement en munitions du chef rebelle, atravers Lafron- contröler, encore [plusj de les foulller. En plus de leur röle d"'agents de
tiere camerouno-nigeriane 3 • Enfin, le 21 fevrier 1964, les forces de !'ordre liaison", ce sont elles qui ravitaillent les maquis en vivres, en argent sinon en
arretent le dernier agent de Liaisondu CR, Emmanuel Fenkam, alias "Fer- munitions. Les paniers qu'elles portent et qui sont censes contenir les pro-
mete », qui assurait la communication entre Ouandle et Woungly-Massaga4• duits de leur culture peuvent contenir en dessous des armes, des munitions,
A partir de cette date, toute relation entre les deux hommes est interrompue, des correspondancesdestinees au maquis ou emanant du maquis. Desormais,
comme nous l'a confirme ce dernier en 2007 5• les femmes doivent etre impitoyablement foumees, ä !'aller et au retour des
Coupe de l'exterieur, le camarade Emile voit egalement sa zone champs, a l'aller ou au retour du marche ainsi que !es paniers ou taute autre
d'influence se reduiie a l'interieur du Cameroun, sous les coups de plus en charge dont elles peuvent etre porteuses. »
plus severesde l'armee, de la police et des servicesde renseignements. Le prin-
cipal chef de l'ALNKdans le Wouri, Noe Tankeu, est arrete le 31 juillet 1963 6 •
Trois semaines plus tard, c'est au tour de Makandepouthe, l'un des plus La « quasi-totalitede lapopulation» bamileke
importants "chefs rebelles„ de Sanaga-Maritime,d'etre interpelle, provo- deplaceedansdes« campsde regroupement »
quant le ralliement de plusieurscentaines de maquisards de la region. "Nous
considerons la Sanaga comme un probleme regle», se felicite en sep- Dans Ja region Bamileke, Je cceur du dlspositif de contröle reste les
tembre 1963 PierreSemengue,chef du secteur militaire de l'Ouest (SMO),qui ~ camps de regroupement » des populations, qui se multiplient et se consoli-
peut des lors envisager le redeploiement des forces vers les autres zones dent afin de couper taut contact entre les populations .c saines „ et les popula-
« contaminees » : Je Wour.i,pour « en terrniner avec les rellquats des bandes lions « contarninees » par la rebeUion.Des centalnes de milliers de pecsonnes
de Tankeu Noe », et surtout l'Ouest, pour renforcer la traque d'Ernest vivent ainsi deniere des barbeles et a l'ombre des miradors, sous la surveil-
Ouandie 7 • A l'Ouest, est justement menee une spectaculaiie operation au lance implacable des autorites politico-militaires•.Chaque baraquement est
moment meme ou les forces de !'ordre mettent la main sur Noe Tankeu et rnethodiquement numerote, chaque famiUerecensee, chaque habitant piste.
Makandepouthe. Accuse,a tort ou a raison, d'avoir falt assassiner le depute Dans ces camps, que beaucoup quallfient alors « de concentration », les
Noe Mopen, avec la complicite de certains maquisards de la region, l'ancien conditions de vie sont terribles. La promiscuite aidant, les maladies infec-
chef traditionnel de Baham et ancien ministre de Ja Sante Pierre Kamdem ticuses se repandent rapidement et les querelJesde voisinage se multiplient,
Ninyim, lui-meme depute, est arrete le 12 septembre 1963, emprlsonne a degenerant parfois en sanglantes vendettas. Pour eviter la fuite des habitants
Yaoundeet prive de son immunite parlementaire. rcgroupes et leur retour au maquis, l'administration cherche a assainir Ja
Dans Ja meme logique d'isolement des « rebelles », a l'echelle regionale
et locale cette fols, les autorites renforcent les mesures de contröle, de surveil-
lance et d'encadrement des populations. Tous les deplacements sont •I Sclon unc • Note de synthcse de l'ambassadeur (~nard] au Cameroun au mlnistere des
contröles et soumis a des autorisations administratives. Des recensements Affalrcs etrang~res et ä Jacques Foccart, secretalre des Affalres afrlcaines a l'l:.lysee •, du
sont frequemment effectueset des cartes d'identite, avec photographle, sont 17 f{>v.rler1962, ces regroupcments concemaient ä cette dare 462 191 personnes dans la
r('glon de l'Oucst, re1>artlcs comme sult: 168 274 dans le departement de la Mlfl,
progressivement distribuees aux populations. Completant le disposltlf, le 110 000 dam cclul d~ llamhoutos, 62 113 dans la Mcnoua, 84 348 dans lc Haut-Nkam et
gouvernement institue de nouvelles categoriesadministratives, les „ chefs de J6 890 dam ll' Nd(I (volr ( i11l'llcIJ. Rov et Valcrlc OsouF, Came,01111
1
i11rlepe11-
autopslc d'1111e
quartier » et les « chefs de bloc », qul permclt'cnt un quodrlllng<:plus scrr6 du rlaw e, IJfl, t:/1.).

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U111
1 rth.111111,·1• ( J % /. / V7I)
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\1111111/11/,111 l'I II r10/~111fos (1962-1964)
<111t1mrrorlm•,~.,

situation. Leshabltations, con~ues au depart pour n'l!tre quc Lcrnporaires,se camps d(' rcgroupcn1c111 Iou~ ceux qui auraient regagne leurs vielllesconces-
transforment peu a peu en logements durables. sions 13 . » .Pourcc faire, !es forces de l'ordJe n'hesitent pas ä detruire partiel-
En mai 1962, J'ambassadeurde FranceJean-PierreBenard tire de sa visite lement ou completement les concessions des recalcitrants 14,comme l'avait
de la fin avril dans la region Bamilekedes conclusions enthousiastes sur les fait six ans plus töt le colonel Lamberton en ZOPAC(voir chapitre 14).
quelque quatre-vingts camps de regroupement qui hebergent, explique-t-il
dans son campte rendu, Ja « quasi-totalitede la population des eing departe-
ments » de cette region : « La physionomie des regroupements s'est trans- Lapolitiquede l'effroi:executionspubliques,
formee.Leshuttes provisoiressont devenuessouvent des casesen serni-dur.[...] massacrescollectifs,tetescoupees ...
Lesecoleset dispensairesqui fonctionnaient il y a dix-huit mois dans des abris
obscurset branlants ont ete reconstruits : murs de parpaings de terre crepis de Dans les villes du Mungo, ou !es combattants de l'ALNKsont, comme
ciment, couvertureen töles. Lessallesde classesont vasteset claires.Le regrou- dans la region de l'Ouest, particulierement actifs depuis le retour d'Ernest
pement, en favorisantJa concentration de Ja population, a fait fai.redes progres Ouandle, on assiste, SOUS pretexte de debusquer les « subversifs», ades Opera-
spectaculairesala frequentation scolaiie10• » En 1963, une mission d'« experts » tions de contröle collectif particulierement severes.C'est cette pratique, bap•
envoyee par Ja cooperation fran~ise, menee par l'ancien administrateur colo- tiseekale-kale,que decrlt l'historien camerounaisJean-PhilippeGulffo: <<Vers
nial Paul Poumaillou, parvient a des conclusions similaires : !es camps de 6 heures du matin, on invitait les hommes asortir les mains sur Ja nuque pour
regroupement de l'Ouest, en concentrant les forcesvives et en rompant avec aUer s'asseoir dans la boue en attendant un contröle plus ou moins muscle
l'habitat disperse, traditionnel dans la region, favoriseront a terme Je rende- d'identite. Pendant ce temps, d'autres elements perquisiti.onnaient les
ment economique et la planificationefficacedu deveioppement. La concentra- maisons, mettant tout sens dessus dessous, et emportaient les malgres eco-
tion des populations doit donc etre maintenue, reclament les <<experts» 11'. nomies des paysans. [...] A man humble avis, le kale-kalevisait surtout ä pieger
Ainsi cautionnees par l'ex-puissance tutrice et principal bailleur finan- des personnes a eliminer. Ainsi, pendant !es perquisitions, !es elements des
cier du pays, Ies autorites camerounaises cherchent aperennlser les camps de forces de !'ordre deposaient soigneusement des objets compromettants
regroupement, comme l'explique en ao0t 1963 Enoch Kwayeb,desormais (munitions, correspondances) pour "prouver" que X ou Y etaient de meche
ministre delegue ala presidence charge de I1Administration territoriale (equi- avec les nationalistes. Ces pauvres malheureux etaient aussitöt roues de
vaient du ministere de l'Lnterieur): « Au debut, !esregroupements ont ete ins- coups, tabasses devant femmes et enfants et embarques sans menagement
titues pour des raisons de maintlen de !'ordre et pour Ja protection des pour une destination inconnue. Tres peu d'entre eux sont revenus de ce
populations, actuellement, pou.rdes motifs economiques et sodaux. L...] Les voyage15 . »
regroupements sont donc une mesure qu'il faudra generaliser. Une fois que Afind'isoler les « rebeUes», les forcesde l'ord.ren'hesitent pas acibJercol-
les populations ont ete regroupees, i1 faut transformer les regroupements en lectivement les populations pour les impressionner ou les punir de leurs liens
veritables petites villesdefinitives,car la plupart des populations pensent que pretendus avec la « subversion ». Comme l'a explique en 2008 l'historien et
les regroupements sont ephemeres et que Ieur existence est liee a la fin de la sociologueneerlandais Piet Konings,les « atrocites commises par lesforces de
rebellion 12• » securite qui etaient censeesmaintenir l'ordre dans la zone DeMungo] » furent
Obligeant les populations a rester dans les camps m~me dans !es zones nombreuses 16. Outre 1'« introduction abusive du couvre-feu» et !es« arresta-
ou la rebellion se dissipe, !es autorites politico-militaires multiplient les llons arbitraJres», elles procedent au « viol des femmes » ou encore au « vol
actions de represailles contre ceux qui s'en echappent et se refugient dans de cafe ». Ces represaJllescollectivesconduisent regulierement ä de veritables
leurs anciennes maisons, afin de fuir !es maladies, les vengeanceset Ja repres- massacres, dont il reste difficile a ce jou.r d'etablir s'U s'agissait de « dera-
sion. « L'habitat disperse ayant toujours constitue un puissant frein a tout pages » ou s'ils repondaient a une strategie planifiee des autorites
progressociaI,economique et politique, rappellent les autorites politico-mili- f ranco-camerounaises.
taires de l'Ouest en fevrier 1964, i1 est instamment demande a chaque chef Ce fut notamment le cas fin 1961 dans la localite de Nlohe (au pied du
d'unite administrative de "faire fleche de taut bois" pour faire reventrdans les Mont Koupe, Mungo), selon ce que rapporta six mois plus tard Ernest
Ouandie lul-m@meclansLa Voix du Knmemn : « La,en effet, au cours du mois
a Contacte par te.lephonecn ocl'obre2008, Paul Poumalllou II rcfuse de r<'.!pondre
ä 110squCS• ,1cd~ccmbre 1961, l11forn1~s qu'unc unite de l'ALNKvenait d'operer dans les
rlons. pnrngcs, cent Hnom:w~vc,111~ qul cle Loum, qui de Mbanga, qui de Penja,

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tirerent "dans le tas" au moyen de leurs flechcs empolsonn6cs sur les Bami- trois llommcs N J('tlf'~ n1ppo~~s"complices » sont transferes dans les chefs-
leke.L'EssordesjeunesCTe journal d'Albert Ndongmo, blent0t consacre ev@que lieux de leurs r~glo11sd'orlgine respectives,Douala pour Tankeu, Edea pour
de Nkongsamba], dans son numero de janvier 1962, donne en ces termes le Makandepouthe e1 Uafoussampour KamdemNinyim : ils y sont executes, le
bilan du drame: "Moins une quinzaine de maisons, tout est rase: sinistre effa- meme jour, le 3 janvier 1964, devant des milliers de personnes sommees par
cement d'un groupement de 10 000 ämes ! 400 personnes environ seraient les autorites d'assister au supplice (on denombre pas moins de 40 000 « spec-
parties ad patres... RIP.11 17 » Simple « propagande rebelle »? Sans doute pas : tateurs » pour l'execution de Kamdem Ninyim 20). Cette execution collective
FelixSabal Lecco,prefet du Mungo de juln 1964 ä septembre 1965, reconnait et decentralisee, expllque le lendemain le <<Bulletin de renseignements heb-
aujourd'hul qu'il s'est passe des choses terribles aNlohe. « Laville, explique- domadaire » du SEDOC,« a ete accueillie avec soulagement par l'opinion
t-il sans plus de details, avait effectivement ete incendiee 18• » publlque, qui considere cet acte comme etant Je moyen le plus efficace pour
Le massacrede Nlohe, qul reste aujourd'hui meconnu et necessiteraitde chatier ces rebelleset surtout poUIprouver aux devoyes que le vandalisme ne
nouveUes recherches, n'est en taut cas pas un acte isole, car des massacres fera jamais loi sur le territoire national 21 ».
comparables se repeteront par la suite (voir chapitre 30). Dans un rapport Aux executions publiques s'ajoute l'exhibition, sut les marcbes et le lang
confidentiel de juillet 1963, le minJstreEnoch Kwayebs'inquietera d'aHleu1s des voies de communication, des tetes coupees des « rebelles » les plus
du zele excessifdes forces de maintien de l'ordre (FMO)dans le Mungo : « Le celebresde chaque localite. Les habitants, convoques lä encore pour assister
comportement meme de certa'inselements FMOne semble pas etranger dans au macabre spectacle,ne doivent montrer aucun signe d'ernotion, saus peine
l'aggravation de la situation : en effet, c'est dans le nord du departement, ou d'etre consideres comme des sympathisants upecistes. Seuls quelques privi-
les FMOse sont comportees d'une fa~on particuiierement reprehensible (exe- iegies insoupr;onnables peuvent trahir leur effroi. « Un jour, quand on m'a
cution des deux membres d'autodefense regulierement connus comme tels affecte ä Nkongsamba, raconte alnsi Felix SabaJ Lecco, prefet du Mungo en
dans l'arrondissement de Melong, massacre des populations civiles et l 964 et 1965, ma femme est allee au marche : elle est revenue en me disant
incendie d'un quartier ä Nkongsamba),que la situation est particuJierement qu'elle avait trouve des tetes de rebellesalignees,au marche. ~a l'a effrayee,~a
preoccupante. ll n'y a pas de doute que, dans ces deux arrondissements, la l'a degoutee. Elleest rentree ä la maison, sans pouvoir acheter ä manger 22 ••. »
balance tend apencher en faveur de la rebellion 19• » Lafemme du prefet de Nkongsamba a sans doute reussi ä s'habituer ä ce triste
Pour les autorites gouvernementales, II ne s'agit pas simplement de spectacle. Car cette pratique est si frequente qu'elle finit par devenir presque
couper physiquement les populations des rebelles,mais sUitout d'anesthesier routiniere au coUisdes annees 1960 et jusque dans les annees 1970.
en elles, jusque dans les profondeurs de leur ä.me,taute velleite «subversive». La decapitation des insurges et l'exhibition de leur tete deviennent ä ce
Dans cette optique, chaque evenement susceptible d'effrayer Jespopulations point habituelles pour les « forces de !'ordre» que ces demieres semblent
est savamment exploite. oubller qu'une teile pratique constitue une graveviolation des traites interna-
L'arrestation quasi simultanee de Noe Tankeu, Makandepouthe et Pierre tionaux et devrait donc ne jamais apparaitre dans des documents ecrits. On
Kamdem Ninyim3 est aJnsi l'occasion d'une vaste operation de cboc psycho- peut ainsi retrouver dans les arcbives quelques documents qui y font allu-
logique. Ayant subi des « interrogatoires » muscles a la BMM,condamnes a sion. Par exemple ce campte rendu fort bureaucratique du chef de la BMM
mort a Ja va-vite par les tribunaux militaJres fin 1963 gräce au durcissement de Nkongsamba : <<Le hors-la-loiNokingue Gabriel, aliasTergal,condamne ä
des mesures contre-subversivesapere en octobre 1963 (voir chapitre 26)h, les mort Uy a quelques mois, a ete execute aLaum le 15 juillet et, comme ä l'habi-
tude, lesautorites militaires ont expose publiquement les tetes des rebellesqui
ont ete victimesdes operations relateesd-dessus 23 • »
a Le conseiller fram;ais d' Ahidjo Paul Audat nous a livre sa version de 1acapture de l'ex-chef
controverse de Baham : • .Kamdem Ninylm etait un assassin, un voyou choisl ä l'origine Ladecapitation provoque une telle frayeur dans des populations qui, par
par Aujoulat et qul jouait un double jeu. En 1963, Ninylm etalt venu 1ue voir ä mon surcrolt, attachent une immense importance aux cränes des defunts, qu'elle
bureau, quand la police le recherchait.Je lui ai donne rendez-vous au meme endrolt le len-
demain et c'est lä que la police l'a arrete. II a ete juge, place en resldence surveillee et exe-
cute » (entretlen des auteurs avec Paul Audat, Perrleres-les-Verrerles, 25-26 juln 2007). cass(' puis rejuge par un autre tribunal mill.taire. Une procedure jugee • exorbitant[e] ~ par
b Makandepouthe avait inlt:ialement etecondamne, le 22 octobre 1963, aux travau.x forces ä le cooseJJJcr fran~als, • unc entorse extremement grave aux principes de justice admis dans
perpetulte. Furleux de cette - taute relative - clemeoce, le mlnlstre des Forces armecs le mondc occtctentul •· Ccta ne l'empeche pas, apres s'etre ainsi lndig-ne aupres de ses supe-
Sadou Daoudou exlge de son conseJller Francis Cialr qu'il rl\dlge un nmendement au profel ricurs frnn<:nl~, dl' rMIRcr i'nmcndcment dcmand~, qul entrainera Makandepouthe au
de lol en dlscusslon pourquc, ula demande du prcsldcnt de lo ll~publlquc-et de tu! seul-, potcau d'ox(-c11t11111 (tottriJ de flrnncis Clalr uu coionel Plerrc Aufeuvre, chef de la Mission
lc fugcment d'un Lrlbunol n,llltnlrc pul~w <ltrc soumis h un co11lr01c Ch! In Cour suprt:!mc, mill.rntrc frn11,Jh!l,rnon111tn 1 191\i, SIIAT 61-1271).

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devient un des pivots de la propagande gouvernemc.ntalc. Volcl par cxemple Qul a assur:~ 111 lormatlon? Pierre Semengue jusqu'en 1964, assure-t-11,
un des slogans choisis par les responsables de la repress.ion au cours d'une puis les lieutena11ts Afana et Pierre Samobo. Ce dernier a ete forme abonne
« n~union du comite de campagne psychologique aupres des masses du depar- ecole, successivement a l'Ecole militaire d'infanterie de Cherchell (Algerie)eo
tement du Mungo}>ä Nkongsamba le 4 octobre 1966: « Planteurs, paysans, 1960, au camp de Bouar eo Centrafrique sous les ordres du colonel Bigeard
retenez ce conseil : !es maquisards n'ont plus de cartouches, ils sont affaiblis en 1961, puis eo 1964 ä l'EMIA, creee aYaounde sous la houlette du lieute-
en brousse par la maladie, par la faim, par la tristesse et par la malediction de nant Jacques-Louis Lefevre (volr chapitre 24)a. De 1964 a 1967, periode A
Dieu ... Vous pouvez les assommer a coups de bäton ... Si un maquisard met laquelle Djou affirme avoir ete initie ä la torhue, le jeune lieutenant Samobo
pied dans votre village, hommes, femmes, enfants, levez-vous en masse, - aujourd'hui general de division - etait adjoint du colonel Jean-Victor Blanc
assommez l'infäme, poursuivez-le, arretez-le et presentez le miserable aux au cabinet du ministere des Forces armees camerounaises 26. Combien de per-
militaires. [... ] Les militaires ont re~u des instructions pour vous accueillir et sonnes suivaient les formations avecJean Djou? « On etait peut-etre solxante,
vous ecouter. Ne les cralgnez plus, renseignez-les -ils ont confiance eo vous. puisqu'en ce temps-lä il y eo avait trop. Des gens de partout ! », se sou-
Faltes comme ce tres brave planteur camerounais de Bare qui a vu les maqui- vient-il. ll y avait des demonstrations sur !es prisonniers au cours de la forma-
sards, a couru immediatement dire aux militaires et quelques minutes apres tion ? « Oul ! Un prisonnier vient, on dit : "Voila, faites comme ~a sur lu.i,
tous ces gorilles etaient abattus, decapites et leurs tetes exposees 24... » faites comme ~a." Et puis on le laisse. » Jean Djou ne manifeste guere de
remords et n'exprime aucune culpabilite. n assure cranement avoir suffisam-
ment de « science » aujourd'hui pour faire face a d'eventuels nouveaux
... et torturedevenueroutiniere « troubles ». Un regret tout de meme : n'avoir rien obtenu d'autre, malgre ses
bons, longs et loyaux services, qu'un modeste galon de premiere classe.
La torture, con~ue a priori pour faire avouer les suspects au cours des inter- De meme, le temoignage de Marc Tchinda, membre de l'UC, collabora-
rogatoires, devient une arme parmi d'autres de cette politique d'effarement teur de l'administration dans Je camp de regroupement de Balessing et presi-
des populations. Pour etendre son effet psychologique, eile se democratise, si dent du « comite antiterroriste » de ce meme groupement dans les annees
l'on ose dire, au cours des annees 1960. Elle n'est plus l'apanage des seuls 1960, illustre bien la diffusion de la torture dans la vie quotidienne des popu-
Fran~ais ou des quelques grades camerounais formes ä leur ecole, mais appa- lations. S'il affirme n'avoir jamais approche les BMM, ni mis le pied dans
rait bientöt comme une pratique routiniere ä laquelle sont inities un nombre aucune de Jeurs succursales locales, i1 connait tres precisemeot ce qui s'y pas-
croissant de subalternes. Jean Djou, simple serviteur du chef traditionnel de sait. « C'etait formidable!, s'exclame-t-il. Lä-bas, lorsqu'on voulait t'eJimjner
Batcham, fait partie de ce second cercle de tortionnaires qui n'ont pas peur de definitivement, on emplissait Ie ffit d'eau, on accrochait tes pieds en l'air et
se salir les mains. Integre dans l'armee mais confine au plus bas niveau de la on te plongeait dans l'eau. II y avait d'autres methodes: le courant ! On met
hierarchie m.illtaire, il pratiquait Ja torture au poste agricole de Batcham, une le courant au bout de votre sexe. On vous branche le courant et vous etcs
des bases mUitaires franco-camerounalses dans l'Ouest-Cameroun. obUge, sous ces tortures, soit d'accepter ce que vous n'avez pas fait, soll
Avec une sorte de jubilation sadique, Jean Djou raconte aujourd'hui sans d'accepter sincerement ce que vous avez fait. Je peux dire que c'etait dC'~
difficulte, utilisant guand c'est necessaire un manche a balai pour que les methodes professionnelles 27 • >>Ceux qui sortaient vivants de l'epreuve do In
choses soient expliquees avec taute la pedagogie requise, les differentes tech- BMM etaient rapidement renvoyes dans leur village d'origine, se souvlcrl'l
niques qni lui ont ete enseignees dans !es annees 1960, ä la caserne mili- Marc Tchinda : « Au village, ils racontent ~a: on ecoute. Et tout le monde dlt •
taire de Dschang, pour « faire pression » - comme il dit- sur les prisonniers 25. "Non l Il faut faire attention de ne pas etre arrete et conduit dans de parcll~
Tout y est : la balan~oire, le füt d'eau, les morceaux de bois entre les endroits !" C'etait aussi une lutte contre la rebellion, une lutt11
doigts, etc. A la maniere d'un cuisinier enseignant une bonne recette, il psychologique. »
devoile ses petits secrets : lorsqu'un prisonnier a passe une nuit entiere les Bien d'autres supplicies, cependant, ne sont jamais sortis des centrc~ d,1
pleds attaches dans un seau d'eau et qu'il se decide enfin ä parler pour abreger tortures, de plus en plus nombreux. Adire vrai, reconnait Tchinda, on nc sn\l'
ses souffrances, il faut encore le laisser mijoter deux heures supplementaires si meme pas ce que sont devenus ces ,, suspects » apres leur arrestation. Ont•IIS
l'on veut etre sOr qu'U dise la « verite ». Au contralre, torsqu'un d~tenu refuse
trop effrontement de parler, il faut l'envoyer a Bafoussam ou OKoutaba, ou les
o !Zn'196'1,111!',II/\,.,,~11(w1;1vc111cnt
dlrigec par lcsc-npltalnesfran~:11s
Louisnnron et AU:~11
techniques utills~es sont plus perfectionn6cs qu'~ Pschnng. roulqulcr,

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nous a cxpllqu~ rn 20011IL•vlell llomme, avalent pour premiere mlssion de


ete tortures, sont-11smorts sous la torture? Ont-ils ~t~ exp~di~s dans les redou-
« dcsintoxlqucr it:!srnlll~s l.!I lcs regroupes 30 ». Parmi les rebelles que t'armee
tables « centres de reeducation civique » pour ne jamaJs en revenir, ou ont-lls
et les gardes clvlqucs Cflpt uralent en brousse, II y avait en effet des « adeptes
ete düectement jetes, morts ou vivants, dans les impressionnantes chutes
endurcis qul, desqu'ils voyaient Je camp de regroupement, lorsqu'ils etaient
d'eau de la region (notamment dans Ja chute de la Metchie, au nord de
amenes de force, tombaient parterre, preferaient mourir que de vivre ~a. Ils
Bafoussam)? Les familles et !es proches des disparus sont depuis restes dans
avaient con~u et endurci de ne pas vivre avec le gouvemement ». Les « mai'tres
l'incertitude - sans deute a jamais - et dans l'incapacite de faire Je deull en
d'action civique et psychologique » procedent donc a la reeducation des
procedant aux funerailles.
rnllles et a l'education intensive des regroupes.
Marc Tchinda explicite ainsi sa propre experience d'<,educateur »:«On
« Reeducation>>I « guerrepsychologique
» groupait les gens aplusieurs quartiers sur un seul endroit en leur proposant
et « reannementmoral» un theme a developper, comme on Je fait dans la classe. C'etait presque une
ecole, mais une ecole d'education civique. Le maitre d'action etait comme le
La torture et les disparitions forcees ne sont pas les seules methodes a se maitre qul enseigne en classe, mais saus une forme de vulgarisation. II y avait
repandre alors dans !es profondeurs de la societe camerounaise. Toutes les des fascicules imprimes par le gouvernement, pour chaque theme, qu'il expli-
techniques de guerre et d'action psychologique s'y normaJisent et se genera- quait en langue vernaculaire, en langue de votre village : "Le regroupement et
liseot. Le but de l'administration et de l'armee n'est pas seulement d'eloigner la paix"; "Le regroupement et la vie economique" sur la culture du cafe ou
physiquement et d'effrayer psychologiquement les individus ou les popula- des bananiers; "L'adminlstration, la population et l'impöt"; "Les inconve-
tions qui seraient tentes de rejoindre ou d'aider le maquis. II s'agit egalement nients du maquis", ou l'on expliquait les consequences : les enfants ne sont
de !es remettre « dans le droit cbemin >>en les obligeant a prendre une part rasa l'ecole, on n'est pas chez soi, on vit comme des animaux, on n'est pas
active dans la Jutte pour Je regime et contre ses ennemis. avecsa femme ... Ala fin, on chantait l'hymne national, pour cerner ce qu'on
Le regroupement des populations constitue une arme particulierement vient de dire dans l'esprit des gens. Objectif: changement de mentaJite. »
efficace dans cet effort d'« education » permanente des populations de On retrouve dans les Memoires non publies de Gregoire Momo, inspec-
l'Ouest-Cameroun. Les gardes civiques, charges de la protection interieure et 1cur de la Garde civique dans la zone de Dschang, taut un catalogue des
exterieure des camps et de la surveillance des populations regroupees, voient mcthodes employees. Celles-ci, explique-t-il, s'inscrivent dans le cadre de la
se renforcer de jour en jour leur röle d'agent educatif. « La Garde civique rem- k campagne de desintoxication qu'il convient de nommer la guerre psycho-
plissait a Ja fois une fonction militaire et operationnelle et une fonction civile, 31
logique ». Les villages et les camps de regroupement, apprend-on par
resumera eo 2001 l'ancien ministre des Forces armees Sadou Daoudou. Sur le cxemple, recevaient Ja visite de la Garde republicaine, ce qui permettait
plan militaire et operationnel, eile participalt a l'interieur du territoire a Ja tl'« egayer !es populations ruraJes nouvellement sortles d'une vie austere >>.
lutte contre la rebellion, au meme titre que !es forces armees sous l'autorite Un « cinebus » sillonnait egalement les regions troublees pour y organiser des
du commandement militaire. Elle etait cbargee de Ja protection des auto- projectlons en plein air, de fa~on a inciter « !es jeunes a tourner Je dos aux
rites, des populations et des biens. Au titre de sa fonction civile, eile partici- rnaquisards qui ne pouvaient leur donner aucun plaisir ». Les « elites adminis-
pait, sous le contröle des autorites administratives, a l'education et a 1ra1ives » de chacune des localites troublees « s'organisaient par vilJage en
l'instruction civique des populations 28 • » Alors qu'un nombre cro.issant de noisades antiterroristes ,,, poursuit Momo, et se rassemblaient periodique-
maquisards, vivant dans des conditions toujours plus precaires et soumls au 111cnt« aux chefs-lieux des unites administratives pour precher Ja paix et
feu ininterrompu des forces gouvernementales, se rallient, cette seconde fonc- rccolter des suggestions en faveur du retour au ca1me pour la construction
tion se developpe au cours des annees 1960. Au point, poursuit l'ancien minl- 11allonale ». Plus exceptionnelles etaieot les visites des hautes autorites de
stre, qu'une partie des gardes civlques abandonnent !es armes, au sens strict,
l'~tal, a commencer par Ahmadou Ahidjo lul-meme et !es influentes person-
pour ne plus utiliser que !es armes psychologiques : « rt y avait des gardcs
11aliLcsde son entourage. « Leur presence au miJieu des populations portait
civiques non armes qul etaient charges de la propagande, de l'education
29 1111,cffet psychologlquc lndenlable, note l'instructeur; on constatait que le
civique pour le campte du gouvernement. Ils etaient formes dans ce sens • 11
pay~ ctait vraiment lnd~pcudont, parce que le pouvoir se trouvait deja dans
C'est sans doute cette seconde categoric de gardcs clviques que Marc
11:s malm des Canwrounnl~ 11, 11
Tchinda t1ppclle les "maitrcs d'actlon clvlque e1 psychotogique )1, Ceux-cl,

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C'est dans ce cadre, pour ne clter que cct excmplc, quc I'« lnspecteur Ies mentalltts » cl l'llUHirugcr I'• embrigadement anl'icommuniste » des
federa.l d'administratlon pour l'Ouest » organise en juillet-ao0l 1965 ce qu'il popula11ons~.Lc recour~ 011x rncthodes du Rearmement moraJ depasse d'ail-
qualifie de« campagne de psychologie et de persuasion ». « Dans une bouche, leurs la seule person nc de Julienne Keutcha : des ceremonies dites « de recon-
explique-t-il aux villageois, s'il y a une dent pourrie, toute la bouche l'est ega- ciliation et de rearmement moral », ala jointure entre l'action psychologique
lement, par contre pour Ja rendre sa1ne, il faut absolument arracher la dent theorisee par l'armee fran~se et les methodes d'endurcissement ideoJoglque
malade 33 • » Pour assainir la Situation, l'inspecteur promet donc <<de prendre, pratiquees par Je mouvement parareligieux anglo-saxon, sont organisees dans
dans tous les villages du departement, tous les parents, amis et collaborateurs la plupart des villages de l'Ouest 37.
des rebelles » et de les « interner pour ne plus revenir dans leur village ». De
fait, la vengeance administrative va se generaliser contre les familles des
« rebelles ». Et cela en vertu de ce que le chef de la SGrete nationale, Paul Delation,autosurveillance
Pondi, appelle e □ decembre 1965 une « decision generale prise dans le cadre et confessionspubliques
de la Jutte antiterroriste, consistant a soumettre a Lamesure d'internement
administratif, en vue de susclter des ralliements, !es parents qui ont un ou des En somme, les populations sont abreuvees de slogans, de tracts, de d.is-
enfants au maquis, ou dont le ou les enfants sont connus comme rebelles 34 ». cours, tantöt rassurants, tantöt menar,:ants, mais toujours choisis avec soin,
Pondi fait sG.rement reference a l'instruction d' Ahidjo d'octobre 1965 parfois au cours de Jongues seances de« brainstorming >>contre-subversif. « Sl
« sur !es modalites de l'assainissement des populations et des organisations »
vous aidez le maquisard, si vous le nourrissez, si vous Je cachez, si vous ne Je
(voir chapitre 30). Eo vertu de cette « decision generale », des familles entieres denoncez pas, sachez que vous protegez vous-meme le demon qui vous tuera,
sont deportees man11militari, sans jugement, dans les « centres de reeducation qui tuera vos enfants et aneantira votre famille ! », proclarne un propagan-
civique » installes aux quatre coins du Cameroun, pour le seul motif qu'un ou diste. « Si en cachette vous aidez le maquisard, le jour ou il sera capture par !es
une des leurs sont suspectes de collusion avec la « rebellion ». militaires, il vous denoncera, vous calomnie.ra et vous entrainera ala perte. Ce
Les femmes sont, Ja encore, la cible favorite de la guerre psychologique. demon ne voudra jamais perir seul ! », explique un autre 38 • « Dans un jeu de
Gerrnaine Ahidjo, l'epouse du president, se deplace parfois en personne pour football, le baUon est bouscule a droite et a gauche, lance pour sa part Gre-
precher la banne parole et reclamer le « retour au calme [qu.1]est la condition goire Momo aux populations de Fonakeukeu en 1964. Pendant cette periode,
essentielle pour le deveJoppement 35 ». Mais Ja figure de proue de cette action si vous choisissez Ja position de ballon, vous serez bouscules a tout moment
psychologique en direction des femmes est Julienne Keutcha. Originaire de par nous et par Jes maquisards; vous etes avec nous le jour et avec eux la nuJt,
la region Bam:ileke,deputee a l'Assernbl.eenationale depuis 1960, epouse du vous etes entre l'enclume et Je marteau. Choisissez un camp pour etre vain-
secretaire d'Etat aux Travaux publics puis au DeveJoppement rural Jean queur ou vaincu. A chacun de vous de choisir. Mais ceJu.1qu.1veut choisir le
Keutcha, Julienne Keutcha se demene tout au long des annees 1960 pour camp de Ja legalite pour tourner definltivement le dos aux maquisards pourra
ramener ses « sreurs >, dans la voie edictee par l'administration. ll faut dire me trouver en ville, seuJ ou avec ses amis intimes, et nez a nez je lui dirai ce
qu'elle s'y connait en matiere d'action psychologlque : depuis 1960, eile est qu'il faut faire 39 • » Apres ce discours, commente fierement l'inspecteur
une des plus ferventes adeptes et la representante la plus en vue du Rearme- Momo, la population de Fonal<eukeu commenr,:a a Jul donner discretement
ment moral au Cameroun 363• des renseignements.
Armee des methodes apprises au siege europeen du RM, aCaux-sur-Mon- L'action psychologique consiste autant a parJer aux populations qu'a
treux, a savoir l'abjuration publique de ses fautes, l'accueil bienveillant de faire parler ces dernieres. Car, dans cette societe sous surveillance perma-
l'adversaire, la dociUte envers les dominants ou encore J'exaltation collective nente, tel est bien le crltere ultime de la loyaute : la delation. Toute trace de
et permanente de Ja « paix », de Ja« concorde » et de Ja « reconciliation entre « rnutisme » est interpretee par les autorites comme Ja preuve d'une
les hommes », Julienne Keutcha sillonne sa region d'origlne pour « changer

o Nous empruntons la dernlere expression ä une biographle datee du 13 avril 1962 de


a Julienne Keutcha n'est pas la seule femrne politlque membre du RM : Delphine Tsanga,
Charles Ass,1le,l'rem.Jer mlnislTe du Cameroun orlental et adepte du RM, retrouvee dans
presidentedu Conseil des femmes du Cameroun en 1964, depu1·~ apartlrde 196S et mlnl-
11.-s
fond~ Focc11r1. l.,cllM y esl clecrit comme un • mouvement lntematlonaJ d'lnsplratlon
stre de la Sante en 1970, alnsl que l'epouse deJenn-Plerre WnndJI-Nkulmy, mlnlstrc du Tra-
a11glo-~nxon111i pour lu l'l'-rnnclllotlon entre l<'Shommcs, mais qul vtre actuellement a un
vull, cn sont ~gulement cle flcl~lesmilitantes (nrchlvcs du llM).
i:mbrl►\,idclll\)1ll l!1lllWlll111llllbl.u. (CARAN,Fonds Foccnrt, Fl'U 1168).

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complicite. La suspicion touche evidemmenl en priorll~ les ralli~s qui quit- d'anirnoslle des 11111fü:•1 ,uritlu~rnntrc lcs ~pc1vcsde la rebcllion qui s'obstine-
tent les maquis. « Certains pensent que ce sont des esplons envoyes [par les ront avivre co,nmc pur lc pn~seII)> •• ,
maquis] pour epier les Iieux en vue d'une eventuelle attaque et d'autres pen- Les .indivldus nc ~ont pas seulement somrnes de denoncer les autres, ils
sent qu'il faudra les surveiller de pres, car leurs raUiements ne sont pas sin- sont egalernent invites a se denoncer eux-memes. A partir de 1965-1966,
ceres, lit-on dans le proces-verbal d'une reunion rassemblant les responsables commencent ainsi äse developper les ceremonies de(< serment » et les
42
« confessions publiques », qui se generalisent en 1967-1968 • Le « serment »
de la repression ä l'Ouest en mars 1964. De toutes les fa~ons, ces rallies
devront etre etroitement surveilles et ceux qui garderaient un mutisme cou- fait appel, dans la plupart des localites, aux pratiques religjeuses, mystiques
pable devraient pouvoir repondre de leurs actes devant la juridiction compe- ou traditionnelles qui ont un tres fort Impact « psychologique >>sur les popu-
tente 40 . » Dans une societe dont tous les membres sont suspectes par les lations paysannes. La personne concernee doit alors, avant de passer aux
autorites d'etre, Oll d'avoir ete, « intoxiques », cette regle s'applique en realite aveux, jurer sur LaBible, enterrer des haricots piles ou toucher un chien noir
ataut le monde. L'autosurveillance est consideree par elle-meme comme une a l'aide d'un bäton. Cette derni.ere pratlque, appelee « cadi chien noir », fut
attitude d'autodefense. La suspicion generalisee est encouragee. Chacun intensement utilisee; car nombreux etaient ceux qui croya:ient qu'ils seraient
devient a son echelle un agent de renseignements et sera d'autant mieux mauclits, au qu'ils mourraient sur place, s'ils mentaient apres avoir touche le
recompense, ou en taut cas evitera Iui-meme la suspicion et les conse- chien. Avant d'abjurer, la personne soumise au cadi prete donc serment en
quences qui en decoulent, qu'il pourra denoncer les attitudes equivoques de touchant le chien : « Je dois etre maudit a jamais avec toute ma descendance
son eotourage, la passivite complice de son voisin ou le silence coupable de si : je porte aide ou assistance de quelque maniere que ce soit, d.irectement
son trere. ou inclirectement a un terroriste dont j'ai la connaissance; je renseigne !es
Les techniques de propagande et de surveillance penetrent ainsi plus pro- rebeUes dont j'ai Ja reconnaissance directement, inclirectement ou par per-
fondement l'intimite des individus amesure que reculent inexorablement les sonne interposee ; je refuse de denoncer un terrorlste de ma connaissance ; je
zones d'influence de la « rebellion ». C'est ce que l'on constate, par exemple, donne asile a un rebelle de ma connaissance ; je refuse ou neglige de denoncer
au cours d'une reuoion organisee Je 4 octobre 1966 par le prefet du Mungo, par haine ou par complicite, d'aller au secours des personnes attaquees par !es
Jean-Georges Biscene, en presence de tous !es responsables politiques et admi- terroristes; je favorise ou couvre Ja fuite d'un terroriste depiste; j'exploite !es
nistratifs du departement, des parlementaires aux conseillers municipaux en 1roubles pour m'enrichü, je me cache derriere !es troubles pour m'emparer des
passant par !es responsables du parti, Ies representants des cooperatives agri- biens d'autrui; j'entretiens la haine et encourage les troubles de quelque
coles, !es ministres des cultes ou !es syndicalistes. L'objectif de Ja reunion est maniere que ce soit 43 • » Exploitant les peurs suscitees par les croyances tradi-
d'organiser ce que le prefet appelle une « action systematique de propagande tionnelles, l'administration peut ainsi « depister les subversifs )► qui refusent
antirebelle et d'endoctrinement des populations [... ] menee massivement sur de se soumettre al'epreuve du serment.
toute l'etendue du departement jusqu'aux villages les plus recules ». S'il Les pratiques mystiques sont egalement utilisees dans le cadre des
recrute aussi largement, s'il s'interesse aux villages lsoles, c'est que Jean- « confessions publiques ». Dans chaque village, les habitants sont rassembles

Georges Biscene est convaincu qu'U faut penetrer plus en profondeur qu'on pour venir tour atour denoncer en public leurs propres crimes devant un pre-
ne l'a fait jusque-la dans !es creucs et !es esprits des populations. « Dans la sident civil, une poignee de militaires et les autres habitaots de la locallte.
phase actuelle de la lutte contre la subversion, il ne parait plus suffisant de Dans le camp de regroupement de Balessing, c'est Marc Tchinda, president du
proclamer placidement du haut des podiums et dans des discours incen- « comite antiterroriste » local, qui a ete charge par l'administration de pre-

diaires la condamnation de Ja rebellion avec ses suppöts, explique-t-il dans sider les « confessions publiques ». II raconte: « On appelait !es gens par quar-
son rapport. La seule methode qui parait efficace et profonde est a coup sur tier. Car chaque habitant d'un quartier est comme le membre d'une famille.
celle d'approcher le planteur au le paysan dans l'intimite, de lui dire concre- On voyait alors quelqu'un dire des choses. Un autre venait confirmer ce
tement d'une part le risque personnel qu'il encourt en apportant de l'aide au qu'avait dit le precedent, et encore completer : qu'il a fait comme ~a, qu'il a
rebelles et d'autre part de Jul apprendre ce qu'il peut et doit faire en cas de nssassine soo frere, qu'il a tue sa femme, qu'il a tue son enfant, que son enfant
rencontre avec !es elements des maquis. » En s'introduisant ainsi dans l'inti- l'a tue, et ainsi de suite. C'etait un debaUage tres contradictoire. Qa faisait rire
mite des populations, pour recuperer jusqu'au plus mlnuscule renseigne- les,gens. Vous voyez un grand type comme ~a: "C'est toi qui as tue ta
ment et diffuser une propagande adaptee a chaque lndivldu, le prefet espere lcmme ?11 Et H t1cccp1c: 11
M11femme, ou mon voisin, filche je l'ai tue. Fäche j'ai
« ameuter l'oplnion et cteclencher une atmospMrc g~n~rale de haine et fall cecl, fOcll~l'nlvlol(I lu lcmme de ... " C'etalt une rn~lee confuse ! <;a faisait

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parfols rlre l'assistance ! [... ] C'es1 alors que ces gcn:i ont constat~ que la assistants tecll11fqul'SfrH11~·ul,:lc colonel Desgratoulet (directeur du servicc
confession pub.lique etait tout simplement comme unc confession devant le llaisons et coordlnotfon~ ou rninlstere des FAC, qui semble avoir remplace le
pretre ou devant Je pasteur. L'objectif du gouvernement c'etait r;a: que les colonel Blanc-41), le c:ipltaine Henri de Sars (chef de l'armee de l'alr camerou-
gens aient honte d'avoir soit vlole leur enfant, soit leur mere, soit tue leur
naise) ou les pollciers Phllippe Duby et Robert Carriere (du Service de coope-
voisin, soit tue Jeur frere ... Pour une fois, accepter publiquement leur his- ratlon technique internationale de la police, SCTIP).La formation se focalise
tolre, affranchie de cet esprit ignoble. [... ] La confession avait pour but de sur trois themes: la connaissance de la « rebellion », l'organisation et Jes tech-
faire que !es gens qui ont commis des actes odieux dans le maquis aient honte,
niques de renseignement, l'organisation et les techn.iques d'action civique et
en tant que personne humaine, spirituelle. Qu'ils aient honte. Meme s'il y a psychologlque.
encore une Situation pareille [si des troubles reviennent, NdA], on n 'agira plus II suffit de citer quelques-uns des titres de ces conferences pour
comme auparavant. C'etait une sorte d'education profonde des esprits, des
comprendre Ja philosopble generale du stage: « La psychologle des foules>>,
mentalites et, surtout, des conceptions d'opposition. <;a avait un but de « Psychologie des combattants », « Penetration psychologique », « La propa-
redressement moral et spirituel 44 . »
gande : regles et techniques », « Action civique et action psychologlque »,
Dans les reglons de l'Ouest et du Mungo, des dizaines de milliers d'habi-
« Organisation pratique de l'action civique », « Qualites d'un bon agent
tants sont ainsi soumis a des seances de « serment » ou de « confessions d'action civique », « Opinion publique : methodes pour la connaitre », « Opi-
publiques ». Seules les forces de !'ordre, qui auraient pourtant beaucoup adire nion publique: techniques pour la modifier » .••
au cours de ces seances de« depistage >>systematique, en sont exemptees. Leur Le contenu des conferences est sans langue de bois. Dans sa causerie intl-
röle est plutöt de repe1torier !es innombrables renseignements Uvresau cours
tulee <<Possibilltes et activites de propagande antirebelles des forces », par
de ces confrontations et de les traiter au mieux pour renforcer la lutte contre
exemple, le capitaine Henri-Marcel Meno decrit dans un style inimitable la
la « rebellion » et les campagnes de propagande « antisubversive ».
« grande machine que constitue Ja propagande », dont le but, dit-U ason audl-
toire, « est de creer des idees-forces, des mots d'ordre, des slogans qui exerce-
ront une emprise sur Je cerveau ». La finalite de leur activite de propagande
Endoctrinement,« lavagede cerveau» « ne sera pas seulement de convaincre d'une verite, mais d'entrainer l'indl-
et « bourragedecrane» vidu a l'actlon (bourrage du cräne) », poursuit-il sans s'embarrasser de
nuances puisqu'il s'agit d'endoctriner la « masse inculte des villages ,> du
Dans ce contexte, sont organises en 1967 des« stages d'information sur
Mungo. Quant aux upecistes rallies, le capitaine enjoint ses eleves d'a!Jer
Je renseignement et l'action civique » a l'intention des officiers et sous-offi-
encore plus loin dans le « bourrage de cräne », car, jusqu'ici, « nous nous
ciers de l'armee camerounaise. Dans chacun des cas, la formation dure deux
sommes contentes de les installer sans qu'ils aient subi W1 lavage de cer-
semaines, et !es cours cUspensesacette occasion sont distribues aux stagiaires
veau », martele-t-il. De maniere generale, si l'endoctrinement doit etre
a l'issue de leur formation. Nous avons ainsi pu retrouver, dans les archives applique il la population tout entiere, c'est pour rendre celle-ci « plus disci-
personnelles d'un officier camerounais, le document distribue au cours du
plinee donc plus maniable >,.Jusqu'au point ou,gräce a J'« encadrement
stage de Nkongsamba. L'epais dossier, qui rassemble quarante-cinq confe-
rationnel des rnasses », se rejouit l'enseignant en conclusion, « nous pourrons
rences et compte pas moins de 325 pages, constitue un parfait manuel de
dominer la population et en temps voulu la militariser (autodefense) ».
guerre psychoJoglque.
Concluant ces onze joumees de stage intensif, le 21 octobre 1967, Sadou
Introduites par Felix Sabal Lecco, inspecteur federal d'administration du
Daoudou annonce qu'etant donne Ja « reussite » de cette formation, il
Littoral, et conclues par Sadou Daoudou, ministre des Forces armees camerou-
Bafoussam comme a Nkongsamba, il a ete decide de l'« etendre aux autres
naises (FAC),les conferences sont delivrees par les plus hauts responsables de
regions » du Cameroun. Et il recommande aux stagiaires « de relire souvent »
la hierarchie securitaire franco-camerounaise. On retrouve ainsi parmi les
les cours qui leur ont ete donnes, « de les conserver en bon etat [et] de les
conferenciers: Jean Fochive (cUrecteurdu SEDOC), Pierre Semengue (chef de
passer integralement a [leurs] successeurs, pour quese perpetuent sans il-coup
l'armee de terre), Paul Pondi (directeur de la Surete federale), Issa Bakary
l'unite de vue et l'unite d'action ». Autant dire que les elites militaires came-
(delegue general a la Gendarmerie nationale), Gilbert Etobe (cbef du bureau
roanaises sont bien armees, en pratique comme en theorie, contre la « subver-
de renseignements des FAC)ou encore Sylvestre Mong (cl1efdu bureau Infor- slon ». Et pour longtcmps.
mation presse des FAC). On rel~ve aussi le no111 d<•plnslcurs coop(!rants et

556
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II 1111/,1111•
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conciliabtcs. 1:J1jul11 1()M, l'cxpos~ de l'anclen upecisle rallie Rene Ngapeth


30 devant le dcuxi~1nc s~111lnflfrc de l'UC lllustre assez bien cette indetermina-
tlo.n. Le parti, dil-11,« doll etre ä la fois une elite et un lien 3 ». Une elite ins-
A.l'ombredupartiunique truite, encadree et survelllee en permanence, precise-t-il, qui peut des lors
(1965-1966) constituer « une communaute stable autour de laqueLle l'unite nationale se
construit en battant en breche les particularismes tribaux ». Et un lien,
pLLisque,se devant d'etre « present partout, depuis les plus petits comites
locaux jusqu'au Conseil des ministres, dans !es administrations, !es syndicats,
• Avec l'Union nationale camerounaise, nous avons les cooperatives, les associations culturelles, etc. », le parti « explique, mieux
forge l'instmment de la maitrlse de notre destin
que les autorites administratives, au peuple, les decisions du gouvernement »
national. n appartient malntenant ä notre foi agis-
sante de faire de cet instrument le levier qui soulevera et « donne au gouvernement, mieux que !es rapports de police, l'opinion du
les montagnes. ~ peuple ».
Ahmadou AHIDJO,
6 novembre 1967 '. Concretement, le parti fonctionne seJon un schema en cerdes concen-
triq ues, dont Je centre est evidemment Ahidjo. Autour du president, au sein
du bureau politique, se trouve le noyau dur de tous !es cercles, qui donne !es
lnstructions, organise la hierarchie, contröle et surveille l'ensemble de l'appa-
reil. La base du parti est constituee hierarchiquement en sections, sous-sec-
tions, comites de base, etc. Ce second cercle, celui des adherents, diffuse !es

0 n ne peut pas evoquer Ja lutte contre Ja (< rebellion » et la « subver-


sion » au Cameroun sans s'arreter sur le röle du parti presidentieL En
1965 et 1966, les autorites de Yaounde renforcent !'Union camerounaise (UC)
mots d'ordre dans la masse des non-adherents, lesquels sont pour la plupart
trop miserables pour acheter la carte annuelle du parti. Le nombre des non-
adherents se reduit toutefois avec le temps, les problemes engendres par une
et la transforment en une puissante macrune de propagande, de surveillance teile situation devenant progressivement trop genants (tracasseries aux nom-
et de repression. Trois dates marquent cette mutatlon. Mars 1965 d'abord, breux contröles routiers ou dans !es administrations) en comparaison des
quand intervient la premiere election presidentielle au suffrage universel, avantages multiples, materiels et symboliques, dont beneficient les militants
gräce ä Jaquelle Ahidjo cherche ä gagner une legitimite populaire ä defaut (nominations, passe-droits de toutes sortes, remunerations plus ou moins
d'etre democratique. Decembre 1965 ensuite, quand se tient ä Bafoussam, au occultes, etc.). Grä.ce ä ce systeme de sanction, le parti se transforme d'un
« parti de cadres » en un « parti de masse », dont les adherents - qualifies de
Ca'Uf de la region dite « Bamileke », le dernier congres de J'UC SOUS ce nom,
,i rallies » pour les plus recents ... - se comptent bientöt en millions.
qui voit une certaine reorientation doctrinale du parti. Septembre 1966 enfin,
date de l'institutionnalisation de !'Union nationale camerounaise (UNC) SelonJean-Fran~ois Bayart, c'est en 1965 que s'acheve Ja structuiation du
comme parti unique, apte acombattre un « ennemi interieur » qui prend un parti. A cette date, l'ensemble du terrltoire national est quadrllle par Je mail-
lage serre des sous-sections, qui correspondent aux chefs-lieux d'arrondisse-
visage de plus en plus« ethnique ».
ment. « Dans plusieurs departements, precise Je politologue, notamment
dans ceux qui etaient ou avaient ete favorables ä l'UPC (Haut-Nkam, Menoua,
Leparli uniqueet leperede la nation Mifi, Mungo, Nde, Sanaga-Maritlme, Wouri), les mailles de l'Union camerou-
naise soot plus etroites que ceUesde l'organisation administrative, soit que les
Nombre de politologues se sont interroges sur la nature reelle du parti populations aient voulu se racheter, soit que les autorites redoublent de vigi-
presidentiel et, subsidiaiiement, sur ses rapports avec l'appareil d'Etat. « On lance. Le phenomene depasse toutefois sensiblement les regions jadis trou-
retrouve au Cameroun la meme confusion que dans d'autres Etats africains blees et concerne egalement les departements de Kribi, de Kadei, du Nkam,
entre le "parti-peuple", unanimiste, et le parti "avant-garde" de type leni- clu Ntem, du Nyong-et-Kelle, de la Mefou. On en arrive au paradoxe que cette
niste, elitiste et moteur de changement », expligue Jean-Frnni;ois Bayart 2 • hypertrophic des structures partisanes par rapport ä l'armature administra-
Eux-memes indecis, ou en tout cas clivisessur cettc qucst101i, lcs responsables tive ne sc rcrnr11quc quc dans les departements ou l'implantation de l'UC fut
du parti semblent voulolr fusionncr lcs dcux fonct1011~pm11torH dlfflcllement rclatlvemcnL l111dlw1 1•t 110n ,1ansccux du Nord 4 • » Structure parallele a une

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administration qu'elle contröle et surveille, l'UC cst 6gulrmc:11tdot·6c de hi6- mllltants, n Nt po1.11 ll·~B111111l6k6
cn general et pour les habltants de la Mlfl
rarchies annexes, qu'Ahidjo qualifie d'« organlsmes parnlll}les5 •, vouees A cn partlcullcr se111blOl)lc Hu vote des NoiJs americains accorde par le president
l'encadrement des jeunes et des femmes: laJeunesse de l'Un!on carnerouna!se Abraham Lincoln a partir de 1862; car les Bamileke voient en Son Excellence
OUC), creee en 1962, et !'Organisation des femmes de !'Union camerounai.se t\hrnadou Ahldjo non seuJernent le chef du parti de ]'Union camerounaise,
(OFUC), en 1965a. mais le pere de la natlon camerounaise, un envoye de Dieu pour la delivrance
Quadrillant le territoire national et encadrant solidement les popula- de son peuple qui allait etre precipite dans l'abime 9 • »
tions, !es structures de l'UC favorisent l'intensification et l'extension de La creation le 1" septembre 1966 de l'Union nationale camerounaise
methodes d'action psychologique ä toutes les populations du Cameroun. (UNC), gräce ä l'annexion des partis du Cameroun anglophone par l'UC, est
Cette action psychologique n'a des lors plus pour seuJe ambition de briser !es a nouveau l'occasion de nouvelles celebrations grandioses, au cours des-
resistances et les retlcences, mais d'enröler les Camerounais dans un soutien q uelles les cadres d'abord, puis les militants et les populations sont sommes de
actif au regime. En d'autres termes, !es populations ne doivent plus simple- manifester leur enthousiasme. La creatlon du parti unique etant decrite par
ment subir passivement l'administration, elles ne doivent plus seulement le pouvoir comme une nouvelle etape, decisive, de la construction nationale,
consentir docilement ä payer leurs impöts et ä obeir aux ordres, elles doivent au meme titre que l'independance et la reunlfication, les Camerounais doi-
participer activement ä la « construction nationale», militer, au sens fort du vent une fois de plus s'habiller aux couleurs du pays et ä l'effigie du presl-
terme, pour Je parti et montrer leur enthousiasme pour le chef de !'Etat et du dent, danser sur des rythmes joyeux et defiler au pas militaire devant la
parti. tribune presidentielle. Le quotidien gouvernemental, La Pressedu Cameroun,
L'election presidentielle du 20 mars 1965, premiere du genre au suffrage celebre l'evenement avec un poeme d'inspiration chretienne: « Eternel,
universel, et les elections legislatives du 6 juin suivant sont ainsi l'occasion entends nos cris et soutiens notre juste cause. Pour toutes nos divisions d'hier,
d'une intense mobilisation des cadres du parti, des militants et des popu]a- nous te presentons nos excuses ... Que Je 1••septembre 1966 soit pour tous !es
tions. Le parti entreprend de vastes « operations d'ordre psychologique » pour Camerounais le premier jour de la repentance, le joucJ du devoir • »
10

consacrer « le succes du president et le triomphe de l.a volonte populaire sur Con~ue par les responsables ctu parti et diffusee sur toutes les tribunes,
la rebellion » 6 • L'objectif de la mobilisatlon psychologique des populations dans tous les journaux et sur !es ondes de la radio, Ja propagande se remet en
n'est pas de convaincre les populations de choisir Ahidjo : il est le candidat braole, pour des decennies cette fois, en faveur du chef d'Etat, dont nul
unique. ll s'agit plutöt de Jui assurer la participationactive et massive de la n'osera plus jamais contester ouvertement qu'U est, a toujours ete et demeu-
population. A la veille du 20 mars, Ja pression est immense dans les regions rera pour l'eternite Je fondateur du Cameroun, l'architecte visionnaire de
« troublees », en particulier dans l'Ouest, Oll l'armee, la Garde civique et la l'independance nationale et, comme l'ecri.ra un mysterieux « journallste ,,
gendarmerie participent activement aux campagnes electorales et« psycholo- europeen, Beat-Christophe Baeschlin-Raspail, en titre d'un livre de
giques >>7 • Mais cette pression s'exerce egalement dans Ies autres regions, commande largement diffuse au Cameroun et dans les chancelleries etran-
notamment dans le Centre-Sud, region tres catholique ou subsistent encore geres, Je « pionnier de I'Afrique moderne » 11 •
quelques partisans du Parti des democrates. <<"La Oll il y a cent inscrits, nous
voulons cent votants", affirmaient les autorites polltiques et administratives.
Un esprit de competition - factice ou reel ? - se developpait entre Jes sections
UC : c'etait ä ceUe qui obtiendrait Je plus fort pourcentage de partidpation. Vigilanceet epuration:
[... ] Les maJades, !es infümes furent transportes aux bureaux devote Je jour du l'implicationde l'Unioncamerounaise
scrutin », explique Jean-Fran~ois Bayart 8• dans la lutte antisubversive
Une fois le president « reelu », gräce a une participation evidemment
massive, les militants et les cadres du parti repercutent aJa base, en les adap- Machine d'encadrement et de propagande, le parti unique est aussi,
tant ä leurs auditoires, !es slogans victorieux. « Le vote du 20 mars, explique quoique plus discretement, une machine de surveillance et de repression.
par exemple le president de la section du parti a Bafoussam devant les Aussi observe-t-on, ä partir de 1965, une cooperation croissante entre l'appa-
reil du partl et celui de l'arrnee. « Jusqu'a present les militaires ont ete tenus
a Qui deviendront respectlvement JUNC et OFUNC ou morncnt clo lo transformatlon de hors du portl. II n'csr p;is concevable que cela demeure ainsi. Les militaires, et
l'UCenUNC.
prlnctpnlcu1l1111 lt1~ c>tfldcrs,
doivent devenir des soutiens de l'UC, ils doivent

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eux aussi s'engager avec le regime », dklare Ahidjo Je 26 noOt 1965 devant Ces groupe:, tt de pmlrt l hHI et d'uctlon » ont « unc structure et une forma-
tes responsables du maintien de !'ordre au Cameroun, au cours d'une reunion l Ion de type mllltdlrc • et ~ont conseilles par « une autorite militaire speciale-
organisee aJa presidence 12• Avant d'ajouter: « Jusqu'a present, le parti n'a pas ment design~c ä cct cffe~ (officier ou sous-officier du sous-quartier, du
participe autant qu'il l'aurait pu et du a Lalutte contre Ja rebelllon.11 convient quartier, du sccteur, du commandement de l'armee ou du ministere) >>.Orga•
maintenant d'engager veritablement l'UC dans l'action. » De fa~on significa- nlses en « escouades » et en « sections » (et en « compagnies » dans les grandes
tive, Ahidjo justifie Ja jonction des forces en renvoyant ses subordonnes ... a localltes), lls se voient fournir, « en fonction des disponibilites, un equJpe•
l'organisation de I' ALNK:« n y a, dans Ja rebellion, des organisations politico- ment et un arrnement », rer;:olventLeursord.res « du responsable "vigilance"
administratives quJ sont a la fois, comme Ieur nom l'indique, l'organisation de l'echelon auxquels ils sont constitues et suivent « uo programme d'ins-
)>

politique et administrative de la rebellion. Ces organisations obeissent toutes truction [... ] sous la direction de leur conseiller militaire ».
aun meme chef, Ouanctie Emest. Ce que Ies Camerounais de la rebellion ont Ainsi se deploient ces nouveaux organismes de« vigilance » du parti,
realise doit aussi etre possible dans Ie pays legal. Administration et parti doi• fonctionnant sur un mode ultracentralise et sur Je schema classique de la
vent collaborer et non passe concurrencer 13• >>Cette collaboration passe, defense en surface, selon lequel des groupes, plus ou moins dormants, peu-
d'une part, par la participation active des militaües aux activites du parti, vent emerger de partout et de nulle part pour « retablir !'ordre». Ces organes
auquel les fonctionnaires sont desormais obliges d'adherer; et, d'autre part, de « vigilance » ne visent pas seulement les ennemis exterieurs au parti et au
par la transformation du parti lui-meme en organisation paramilitaire. regime. lls ont aussi, et surtout, pour vocation de surveiller leurs ennemis
La structure qui permet d'impliquer plus fermement le parti dans la lutte Interieurs. Cette mission de surveillance interne est d'ailleu.rs specifiee noir
contre Ja subversion est celle des « comites de vigilance », mis en place fia sur blanc dans les instructions transmises aux « comite de vigilance ». Les cel-
aout 1965 14 • Constitues ii chacun des echelons du parti - du comite de base, lules de « vigilance-renseignements » du parti ne sont pas seulement chargees
au niveau local, jusqu'a la direction, au niveau national-, ces nouveaux orga• du « contröle de l'activite des militants », est-il explique, elles doivent aussi
nismes supervisent et contrölent deux autres nouveiles structures, l'une de depister les <<tentatives de peoetration subversive au sein des organismes de
« renseignements >>et l'autre « de protection et d'action », egalement placees ce parti » et les « actions ou intentions des individus ou des groupements,
ii tous les niveaux hierarchiques, selon une organisation pyramidale. Les membres ou non du parti, susceptibles de presenter un danger pour le parti et
structures de « vigilance-renseignements » sont, selon les instructions pour Je regime qui en est l'emanation >)15•
donnees par Ja direction du parti, des organismes secrets qui fonctionnent La creation des organes de ,<vigilance » du parti vise en fait acorriger les
comme !es services de renseignements etatiques ou militaires. Les elements effets pervers inherents au monolitbisme croissant du regime et al'evolution
de chaque cellule de renseignements se connaissent entre eux, mais ignorent monopolistique du parti. L'unification du pays et du parti, c'est-ii-dire le raJ.
l'existence des autres cellules. Ils collectent les renseignements aupres des llement plus ou moins volontaire au pouvoir des populations et des elites, fait
populations et aupres des militants, qui ont « pour devoir de renseigner Je en effet craindre que l'opposition, Ja subversion, voire la rebellion eile•
parti ». Ces renseignements sont ensuite transmis a travers Ja hierarcWe du meme, s'infiltrent au cceur du systeme. Pour le pouvoir, il s'agit de tuer la
parti, gui dispose ii differents echelons de bureaux de renseignement, lesquels cootestation qui risque d'apparaitre a !'Interieur du systeme maintenant
« agissent comme de veritables "2e bureaux" au sens militaire de l'expression >> qu'elle a ete definitivement abolie ii l'exterieur. Pour Jutter contre ce risque,
et,< sont charges de recevoir, analyser, recouper, exploiter les renseignements, veritable obsession de l'entourage d'Ahidjo au milieu des annees 1960, parat•
manipuler et instruire les agents ». Un « bureau de renseignement » central lelement ala mise en place des« comites de vigilance », des instructions sont
pilote cette Werarchie parallele et invisible. donnees aux responsables de l'admlnistration et des forces de )'ordre pour
Les structures « de protection et d'action » sont plus visibles. n s'agit qu'ils depistent la « subversion » en leur sein.
- toujours selon les termes de Ja direction - de « formations paramilitaires L'« tnstmction du president de Ja Republique sur les rnodalites de l 'assai-
chargees de participer au nom du parti aux missions de defense interieure et n issement des populatioas et des organisations eo vue de la lutte contre la
exterieure du pays ainsi gu'aux missions de defense du regime ». En d'autres subversion » est distribuee aux responsables du maintien de !'ordre fin
termes : des milices chargees de l'autodefense et des actions de choc. Ces aoOt 1.965.Veritable feui.Llede route du maccarthysme ii la camerounaise, eile
milices, est-il specifie, doivent participer « comme auxfllalres des forces de analyse la persistance de la subversion comme la consequence du soutien que
I'ordre » ii la lutte contre la rebellion dans les « zoncs troublecs )1 et proceder ä celle-ci reccvrolt (lc « personnalites importantes vivant dans Ja legalite ». « La
Ja chasse de tout ce qui apparait comrnc « subvcrstf • Clon~lcs Autrcs reglons. r~bcllion, cxpllq111•Ahidjo dans ce document, ne prendra fin que sl les

5ö Sf\3
Unetllctatwe fia11rafrlwl11c
( /9(>I 197J) ,\ 1·11111/111•
,11111,1111 {11ftiS196r,:
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autorites cesponsablesdu maintien de !'ordre procMent ö 1111e(,p11ratlongb16- 1968,qul a con~lnl~l11 111~1,ll' pll<:no,n~nedans InGuinee de SekouToure oll II
raleetcompletelsoulignedans Jetextel et ä l'internement admlnlstrallf de tous avait pr<k6dem,11cnt ~l~ cn poste. Partout ou il allait, explique I'ambassadeur,
les complices de la rebellion. Cette epuration doit porter sur l'admjnistra- que ce soll ä l'int~ricur du Cameroun, en france ou ailleurs, Ahidjo cherchait
tion, le parti et tous les milieux 16• » Pour mener ä bien cette epuration, Ies ä se proteger contre ses « ennemis », allant jusqu'a reclamer que des gardes
prefets sont invites ä « constituer autour d'eux une equipe sOre et dyna- armes veillent sur lui jusque devant sa chambre ä coucher. Le seul HeuOll II
mique », la Sftrete federale se voit dotee d'un « service de securite civile, ~esentait heureux, conclut l'ambassadeur ä Ja retraite, etait sa ville d'origine,
charge de veiller au loyalisme des fonctionnaires », et est installee une Garoua, Ollil s'etalt fait construire une villa. « C'etait le seul endroit Ollil fal-
« Commission consultative nationale d'epuration et de surveillance», pre- sait un peu la fete, Oll LIsortait sans garde. Oll il s'envoyait en J'air avec des
sidee par le representant du rninistre delegue ä la presidence charge de l'admi- dames. Elleetait joLie,Mme Ahidjo, mais... C'etait le seuJendroit d'oll il reve-
nistration territoriale federale et composee des representants du ministre des nait heureux. Uy allait tous les deux mois, pendant trois semaines. C'etait un
Forcesarmees, du dlrecteur de la SOretefederaleet du directeur du SEDOC.Et peu Hadrien dans sa villa: "Je suis chez moi" 20• »
des « listesde personnes suspectes » sont etablies 17•
L'epuration et le redressement civique touchent meme la jeune armee
camerounaise. Pour en corriger les elements deviants, le pouvoir decide, au Des« maquisblancs» aux « faux maquis» ?
milieu des annees 1960, de construire un « camp disciplinaire » en altitude,
dans les Monts Bamboutos. « Le but etait de punir les indisciplines, de les Laquestion de l'intrusion de la « subversion » ä !'Interieur du regime est
mettre en prison, explique le coJonelNguemaleu, qui a superviseles derniers une vieille question. Des l'epoque coloniale, les Fran~ais se mefiaient des
travaux de l'endroit. C'etait une sorte de grande prison, entouree de zones « indigenes „ qu'ils embauchaient comme subalternes dans leur propre adml-
rebelles,Olletaient rassemblesles militaires punis, en short et en chemise, par nistration et, on l'a vu, dressaient des listes de « notables „ en evaluant leur
5 degres: le froid leur changeait Ja mentalite 18••• » Lamethode est rude, mais loyalisme ä l'egard de l'administration coloniale (voir chapitre 6). Apres
taut est envisageable pour eviter que passent ä l'ennemi des jeunes gens l'independance, la persistance des maquis entretient cette question du loya-
fonnes au maniement des armes. lisme. Ne parvenant pas a les eradiquer completement malgre les intenses
En 1966, Ahidjo dispose ainsi d'un impressionnant systeme de surveil- rnoyens repressifset les campagnes d'endoctrlnement psychologique mises
lance interne et externe : chacune des hierarchies qu'il dlrige en parallele et en reuvre, l'idee se repand que Ja principale cause de la persistance de la sub-
de fa~on cloisonnee - le parti, l'armee, la poLice,l'administration civile, les version tient dans les complicites dont eUe beneficie depuis l'interieur du
servicesde renseignements - doit contröler la loyaute de ses propres agents regime.C'est la grande Obsessiondes« maquis blancs », composes de ces per-
et, par suspicion croisee, de ceux des autres hierarchies. II faut noter, et cela sonnes qui « vivent dans la legalite le jour et dans l'illegalite Ja nuit », contre
constitue un autre effet pervers de l'evoJution autoritaire du regime, que la lesquelsla propagande offlciellene cesse de mettre en garde les populations.
concentration du pouvoir autour du seul president Ahidjo, Jeculte quasi clivin ßeaucoupd'anciens « rebelles» confirment en effet aujourd'hui qu'ils benefl-
dont celui-ciest l'objet et le secret qui entoure maintenant l'exercice de son claient, ici ou lä, de l'aide discrete de certains agents gouvernementaux : un
pouvoir favorisent la derive paranofäque du dictateur. « Si Yaoundeet Douala petit greffier qui tamponnait leur laissez-passer, un garde civique qul leur
sont caJmes,constate un envoye special du Journal Le Mondeen 1967, on est apportait des renseignements, un pollcier qui leur foumissalt quelques muni-
trappe par l'allure de camp retranche que revet le paJaispresidentiel de Ja capi- tions... Un rapport du conseiller militaire de l'ambassade de 'Franceen 1965
tale, flanque d'une serie de miradors relies par un reseau de fils electriques. mentionne egalement que la rebellion « beneflcie trop souvent du soutien et
De meme, on s'etonne qu'une autorisation soit encore necessaire pour se de la complicite de certains elements de Ja population, parfois de l'adminis-
deplacer dans l'interieur du pays, et que les deplacements du chef de l'Etat tration, quelquefolsdu parti gouvernemental 21 ».
soient toujours rigoureusement tenus secrets 19• » Mais, pour Je pouvoir, cette alde discrete ne s'arrete pas ä quelques subal-
Parano'ia? Nordiste musulman dominant un pays a majorite sudiste et ternes. Des preuves existent, explique-t-il, que des responsables occupo11t
chretienne, le president-dictateur se comporte en fait comme un etranger d'importantes fonctions a !'Interieur du regime, des cteputes,des sous-prffct~,
dans son propre pays, voyant partout des reticences, des hostilites et bientöt voire des mlnistrcs, joucnt le meme double jeu. Quand lls ne sont pas de pul\
des complots. L'evolutionest un classiquede toute autocratlc ~ vocation tota- l.'t simples agcnt, lnflllr~~de la « r6bellion ». C'est sur cc motif par excmpk
11talrc, soulignc Francis liure, ambassadeur de Franrc ou Ca111crou11 de 1965a ~1u'c111961 fut n11~l~1•1tondarr1116Simon Owono Ml.mboc, dtp11lÖ111

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( 19& 1 1971) ,\ l'11111hr1•
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representant de l'UPClegaJedans le sud du Cameroun. c•c~l~cmblc-t-11 pour prcnd soin d<.•lll' p.1~ 11"ptl111l•r•.
Et, \i ces clerniersne se manlfestcnt pas spon-
avoir arme et renseigne les maquis de Makandepouthc cn Sanaga-Maritime u111~mcnt, on pcut toulour~ :.u~citcr,dlrectement ou inclircctement,de« faux
que le sous-prefetEleazarMbock Mbockest demis de ses fonctions en 1961 22• maquis », qui aul'011lcn outre l'avantage de provoquer division et suspicion
C'est enfin pour avoir entretenu des maquis et fait assassinerson collegueNoe dans le camp adverse. Lorsqu'on l'interroge sur ('eventuelle utilisatlon au
Mopen par leur intermedialre que Jedepute et ancien ministre Pierre Kamdem Carneroun de ce type de pratiques -qui avaient ete utillsees par l'armee fran-
Ninyim est condamne ä mort et execute en public en janvier 1964 (voir cha- ~aisependant Ja guerre d'Algerieet qui furent theorisees par Ja suite dans les
pitre 29). Lasuspidon est partout. Dans un rapport de 1966, le colonel Renan, manuels de« guerre revolutionnaire » -, la reponse du colonel Mangest
conseiller miUtairede l'ambassadeur de France, constate que « le comporte- concise : « fl y a plusieurs cas comrne ~a 24. " Craignant des represaiUes,il ne
ment des cadres et de la troupe ne parait pas affecte par leur contact quasi per- donnera pas plus de dHails.
manent avec la rebeUionet les populations contaminees », mais incite tout de L'attaque subie par le vice-presidentJohn Ngu Foncha Je 23 juin 1963 est
meme sa hierarchie a « tenir campte des facultes de dissimuJation du Came- l'une des iUustrations les plus frappantes du chaos engendre par les interfe-
rounais evolue et de sa propension a l'intrigue » 23 • rcnces entre la « legalite » et l' « illegalite». De passagece jour-la dans ta loca-
Les interferences entre I'« administration », voire Ja haute administra- lite de Bafang,le convoi de l'homme fort du Cameroun anglophone subit une
tion, et la « rebellion » donnent un aspect extremement nebuleux aux grave attaque « rebelle ». Le deuxieme personnage de !'Etat sort indemne de
« troubles" qui subsistent au milieu des annees 1960. Si l'aide de certains l'attentat mais, a sa grande surprise, les gendarmes qui l'accompagnent pour
agents administratifs aux maquis semble reelle, il est parfaitement clair que sa protection reagissent tres mollement a l'assaut et ne cherchent aucune-
certains militaires et certaines forces auxiliaires de l'arrnee camerounaise, ment a poursuivre les « terroristes ». Pour lul, l'affaire est claire: l'embuscade a
copiant, infiltrant au manipulant des « hors-la-loi», utilisent egaJement les " ete montee par les Forcesarmees camerounaises "· ll en est si persuade, rap-
methodes de leurs adversairesa.Le colonel SylvestreMang, un des formateurs porte Jegeneral de division fra.n~aisLouisKergaravatdans une note secrete25 ,
des « stages d'information sur Je renseignement et l'action civique" de 1967 qu'il s'en plaint aux autorltes gouvernementales. Le chef de la Zone
(voir chapitre 29), est l'un de ceux qui decrivent aujourd'hui le plus nette- d'outre-mer n° 2 rejette pourtant les hypotheses de Fonchasur l'attentat, qu'il
ment ce phenomene. Dans le recit qu'il donne des evenements, iJ laisse une prefere expliquer par une « intoxlcation » upeciste : « Rien ne permet
grande place aux manipulations des forcesde !'ordre. Celles-ci,explique-t-il, d'affirmer que l'estimation de M. Foncha soit fondee. II est curieux de
entretenaient la guerre en "donnant des renseignements" aux adversairesau constater que, suivant un autre renseignement, les milieux UPC de Doua.la
en « creant des incidents », ce qui leur permettait ensuite d'obtenir des avan- laissaient entendre que l'embuscade avait ete montee par le gouvemement,
tages materiels, financiers ou symboliques de leur hierarchie. « Vous pouviez M. Foncha s'appretant a prendre la place du president Ahidjo. "D'allleurs
abattre un monsieur et mettre dans ses poches un document qui decrit uoe suivant l'UPC- Ie peuple n'a rien areprocher au vlce-president,qui est contre
situation alarmante, explique-t-il. Ace moment-Ia, vous qui etes dans Ja politique gouvernementale." n semble bien que cette "intoxication" - si
l'armee, vous demandez des fonds supplernentaires "pour essayerd'aller eher- eile est reelle- ait touche le vice-president lui-meme. »
eher le renseignement"... » Legouvernement, relevetoutefois Kergaravat,intoxique egaJementl'opi-
Cette confusion generalisee facilite egalement Ja politique de l'effroi 11ionpublique dans cette affaüe : il n'a falt etat de ce grave attentat ni a ta
menee par les forcesgouvernementales. Rien n'est plus efftcaceen effet, pour ,<1dioni dans Ja presse. Et Je quotidien gouvernemental, La Presse du
obliger !es populatlons a rejeter « psychologiquement » la rebelllon, que de
plaquer l'etlquette « ALNK" sur les exactions commises par de simples
« bandits » au par des « bandes rebelles » dissidentes au autonomes qu'on II Sans qu'aucune prcuve ne pulsse en etre apport~, on peut se demander sl Jean Djonteu,
• rcbelle • acttf dans le Mungo entre 1959 et 1971, n'a pas d'une mani~re ou d'une autre
bcneflcie d'une teile mansuetude de la part des autorltes (voir chapitre 28) . • Rebelle „
mais • etemel dissidcnt ~ a l'egard de l'ALNK (sclon Je SEDOC) et soup~onne de souffrir
a Un exemple banal de ce broulllage est la proposltlon falte par le prNet de llafang d'un • manque d'cqulllbre mental-. Djonteu ne s'est rendu ä l'admlntstratlon que
M. Koungou, le 21 novembrc 1963, de d~gulser les mllltalres en clvlls. • Les rebelles ont quetques mols apr~ l'cxecution d'Erncst Ouandle, pour etre incarcere pendant quatre ans
pour princlpe d'ctrc lntlmcment lies ä la populatlon commc lc polsson dans l'eau, ä la ßMM de Yaoundc. 11n'a cn tout cas pas sub! le memc sort que le presldcnt du comitc
expllque-t-11. Nos forces dolvcnt aussl cs~ayer de se mclunger ä la populatlon - (proccs- ' r6volullonnnlrc: ltlujours vlvant aujourd'hul, II cxpllque son exceptlonnelle longevtte au
vcrbal du Comltc de coordlnallon et d'organls:111011du 21 novembre 1963, PrHccturc du maqub P<",~;~d(:)11\1ny,tl(lu<'~dont II auralt e1egratine (entrellen des auteurs avec Jean
Hnut-Nklllll; /\PO, li\C 186). Djontcu, llah,1111, ...~ ◄ l\l(lllr!J 1007).

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Cameroun,qui a re~u l'o.rdl'ede titrer sur unc "collislon de volturcs officlelles couragei'. ~ 1~11n.•n@derncnl clc cetle « droiture » et de ce « courage ",
avec legers degäts materiels lors de la tournee du vice-pr6sldcnt », a prefcre Mbouenclc rc~·oll, Je 16 janvier 1965, Ja rnedaille de « chevalier d'ordre de Ja
passer l'evenement sous silence. « L'incident, conclut Je mllltaire fran~ais, est vaJeur » (sie),Mais voliä que, six rnois plus tard, le pouvoi_rchange d'avis sur
en tout cas significatif de l'ambiance regnant dans les hautes spheres gouver- son compte : II le fait arreter ä son dornicile et l'envoie a la BMM de Manen-
nementales ... » Ces accusations croisees de compliclte avec Ja rebellion rap- gouba en l'accusant de ... financer Ouandie !
pellent Je contenu etonnant d'un bulletin de renseignements miUtaires Le maire de Bafang dement; on le torture. Puis on l'expedi.e ä la BMM
fran~ajs de l'annee precedente, dans lequel etait rapportee l' « opinion person• de Yaounde. C'est la queJean Fochive le confronte a un boulanger de Nkong-
nelle » de Foncha selon laquelle « les olliciers fran~is ont interet ä voir durer samba. Ce dernier, accuse de travailler pour l' ALNKen collaboration avec cer-
Ja rebellion, qui garantit leur maintien ». Une appreciation qui avait eu Je don tains milieux protestants du Mungo", dement lui aussi la participation du
d'agacer l'auteur de la note, le commandant Wirbel, chef du 2• bureau de la rnaire de Bafang au financement d'Ouandie. Apres quatre rnols ä la BMM de
ZOM 2, lequel qualifiait en retour 1'« ex-sous-prefet anglais de Kumba » Yaounde, Mbouende est transfere acelle de Douala. Desesperement vide, son
d' « inverti notoire qui, dit-on, aurait favorise Ja rebeltion » 26 .•• dossier ne permet pas d'incuiper le maire de Bafang dans les formes. Ce qul
n'ernpeche nu11ement les « forces de !'ordre», apres l'avoir detenu sept mois,
de l'envoyer, debut 1966, au« Centre de reeducation civique » de Mantoum
Qui tue ?Jnstrumentalisation de la violencearmee (pres de Foumban). Jarnais juge, encore molns condamne, Mbouende restera
et luttesde clans quatre ans et demJ dans ce « camp de concentration », avant de subir ä nou-
veau le meme genre de traitement ä I'occasion de l'affaire Ndongmo-Ouandie
Derriere Je bei ordonnancement du regirne Ahidjo, derriere les deflles (voir chapitre 33) 28•••
milltaires et les danses folkloriques, derriere Jes envoJees propagandistes sur Outre les accusations gratuites et les condamnations arbitraires pour de
l'unite nationale, la situation est donc terriblement confuse. Difficile, dans le supposees « compllcites » avec la rebellion, la violence armee qui persiste dans
cUmat d'intoxication permanente, de suspicion et de delation generalisee qui la province de l'Ouest devient progressivement un Instrument de combat
regne alors, de faire une claire distinction entre Ja realite des manipulations dans Ja guerre quese livrent, au niveau local comme national, les differents
et ce qui releve du fantasme, de la propagande ou de la paranoia. Difficile ega- « clans » presents ä !'Interieur du parti gouvernemental. L'assassinat en
lement de savoir precisement ä quel niveau hierarchique se situent ceux que rnars 1965 du sous-prefet de Bazou, Joseph Mbeng, et les suites arebondisse-
la rumeur popuJaire appelle les « pecheurs en eaux troubles ». Le plus haut rnents de cet attentat en sont une bonne illustration 29•
sommet de !'Etat est-il victime de quelques su~ordonnes? Est-il un observa- Loin d'etre le fait de la « rebellion », comme les apparences pourraient le
teur consentant de la confusion entretenue autour du « terrorisme », de la laisser croire, ce meurtre s'expUque plutöt par des rivalites ä l'interieur de la
« rebellion » et de la « subversion » ? Ou est-il lu.J-meme l'organisateur de ce
section de I'UC dans le departernent du Nde - celui precisement OllOuandie
chaos generalise Olll'on ne sait plus qui est qui, ni qui tue et pourquoi ? Cette a installe sa base -, au sein de Iaquelle s'affrontent deux barons locaux du parti
atmosphere deJetere permet en tout cas au pouvoir d'ecraser, quand bon lui unique : l'ancien secretaire d'Etat Jean-Pierre Wandji-Nkuimy et le depute
semble, n'importe qui. Derriere la Jegalite de fa~ade, c'est l'arbitraire le plus Thaddee Nya Nana. Accuse par son rival d'etre l'instigateur du rneurtre du
total qui regne, au gre des humeurs du Prince et des complots de couloir. sous-prefet, le premier est condamoe aux travaux forces a perpetuite en
Les mesaventures de Jean Mbouende, malre de Bafang (Ouest), en temoi- juin 1965, pour « complicite d'assassinat » 30b. Mais Je second, qui a manipuJe
gnent. Ancien upeciste rallle au regime des 1960, Mbouende est devenu une les temoins au cours du proces, ne s'en sort pas mieux: il se retrouve ason tour
eminence locale du parti presidentiel et participe avec application ä toutes les
campagnes d'action psychologique en faveur du pouvoir. C'est ä ce titre, pour
Je remercier de ses bons et loyaux services, que le president Ahidjo, alors en ,1 Dans une lettre du 7 juillet 1965 envoyee au mlnistre Enoch Kwayeb, le prefet du Mungo
Felix Sabal Lecco explique avolr arrett'!trois complkes d'Emest Ouandie, dont le dlrecteur
visite dans sa commune, lui rend hommage, Je 22 juin 1962: « II y avait parm.i des ecoles protestantes dans le departement, Mbome Loth, et le boulanger de Nkong-
les terroristes des gens de bonne foi qui aimaient sincerement leur pays, samba, Andre Tchouangou C•Lettre du prefet du Mungo au ministre de I'Administration
recherchaient son vrai bonheur. 11ssont maintenant parmi nous, travaillant territoriale•, 7 julllet 1965; ANY, lAA24).
coude ä coude avec nous et je ne voud:rais citer comrne exemple que le cas h tgalcmcnt ~uspcct~, lc cheJ traditionnel de ßazou - et ancien presldent de l'ALCAM -,
D:1nlcl 1(011111100,c~I lul au~sl conclamne, pour • non-dl!nonclation de crime •, ä un an de
du rnaire de Bafang- que tout le monde connnit pour sa c.lroilure et son prlso11 ll-11111•C•N11t11
du ,emclgnement •• 24 juin i.965; ANY, IAA434).

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Unedlctat11re m,
1\ n1mnr1• 1111m 1,
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sur le banc des accuses lorsque, cinq mol~apr~s le mcu11rcuusous-prefctde la « com1ructlw11111llunulv •· La lutte contre le fractionnement « cthnlque »
Bazou, dell)( missionnaires protestants de nationalite subsc, Roland Vald- cst d'alllcurs h1111h\lonpdndpale assigneeau parti unique. Lemultipartisme
vogel et Liliane Markoff, sont assassines par de pretendus ~ rebelles )), le etant dccrlt cornn1cl'lncvltable expresslondes rivalltes « tribales », l'UC-LJNC
21 aout 1965, dans la localite de Bangangte.Juge de fa~onexpeditive, Thadee doit devenir lc crcusetd'une unite nationale fondee sur l'effacement des iden-
Nya Nana est execute en place publlque, le 19 novembre 1965. tites regionales et traditionnelles.
S'il serait trop long d'entrer dans le detail de cette succession d'evene- Lecombat contre les solidarites traditionnelles ne doit d'ailleurs pas seu-
ments tenebreux, ceux-ci montrent clairement comment le pouvoir central, lement etre mene ä I'exterieur du parti, explique Ahidjo le 15 juillet 1965
aYaounde, instrumentallse le climat de « rebellion » pour « epurer ))un parti devant ses militants a Douala, mais aussi en son sein meme : « Nous avons
presidentiel jarnaisassezmonolithi.que.C'est du moins ce que l'on comprend l'impression, au bureau executif, que ce.rtaim adherent ä )'Union camerou-
aJa lecture d'une lettre adressee,deux semaines apres l'assassinatdes mission- nalse parce que cela fait tres bien d'adMrer a !'Union camerounaise, alors
naires suisses,parJean-RobertKeyanfe,prefet du Nde, a Enoch Kwayeb,mini- qu'en realite le peuple Foulbe,le peuple Beti, le Ngondo, le peuple Bassasont
stre delegue ä la presidencecharge de !'Administration territoriale (equivalent lpour] eux plus importants que !'Union camerounaise 33 . » S'exprlmant
du mlnistre de !'Interieur) 31 • Depeche ä Bafoussampour mener l'enquete, le devant les adherents ucistes de la ville la plus « multiethnique » du Came-
patron du SEDOCJean Fochive mene une enquete acharge et multiplie les roun, Douala, le president enchaine avec quelques recommandations : « II
irregu1aritesjuridiques, s'etonne en effet Je prefet qui s'interroge sur Laculpa- faut, et cela est indispensable,que les diversesunites, les diversestribus se fon-
bilite de Thaddee Nya. dent petit a petit dans le grand ensemble national. [...) Au sein de !'Union
Mais, plus encore qu'une possible « erreur judiciaire », c'est la « xeno- camerounaise et pour les affaires publiques, je le dis au nom du bureau exe-
phobie » de Fochivequi derange Keyanfe.Venu ala BMMde Bafoussampour cu ti f, jene veux plus entendre parler de Ngondo, ni des Bamoun ni des
apporter des nouveaux elements susceptibles d'eclairer !'« affaire Thaddee Foulbe; je vell)(entendre parler de sections, de sous-sections,de comites de
Nya », le prefet est en effet accueilli par Lesinsultes tribaUstesdu dlrecteur du l'Union camerounaise. [...] Oui, votre sectlon a un röle admirable a jouer.
SEDOC.« Sors de mon bureau, sinon je te fais arreter, eructe Fochivedevant Vous qui etes venus de tous les coins du Cameroun, de toutes les regions, de
Je prefet. Vous !es Bamileke,que voulez-vous montrer dans ce pays ? Vous tous les arrondissements, de tous les departements, vous devez donner
voulez me tuer ! Especede peste ! r...1Nous allons voir. Je vais !es arreter tous. l'exemple au sein de votre section. Considerez.vouscomme ucistes d'abord et
[...] Vous les Bamileke,vous croyez que le Cameroun, c'est vous." Le prefet etudiez les problemes, aussi difflcilessoient-ils, au sein de !'Union camerou-
proteste donc aupres de Enoch Kwayeb, Lui-memebamlleke : « Je presume, nalse, au lieu que les Douala, les Bassaviennent soumettre au president, a tel
M. le ministre, en ce qui me concerne que M. Fochivenourrissait dejä un cer- ministre, le probleme des Bassa,des Beti,des Douala,etc. »
tain mepris envers ma personne et une nette xenophobie envers les Bami- Au meme titre que l'ecole et l'armee, le parti, machine ultracentraliseede
leke. 11est pour Ie moins inadmissible que Je directeur de Ia Securite publique surveillance, de repression et d'endoctrinement, doit donc devenir aussi un
d'un pays tienne publiquement un langagede l'especede celui cite plus haut ä outil pour eradiquer les croyances traditionneUes et les solidarites ethnlquc~.
l'endroit d'un representant local du gouvemement. A huis clos, M. Fochive Cette philosophie jacobine et assimilationniste, inscrite dans Je droit fil de In
me traite de tout ce qu'il veut, que je supporterais en considerant qu'il le fait tradition laique, militaire et coloniale de la m•Republique fran~ise, sMull
inconsciemment. Mais le fait de repeter tout cela et ä plusieurs reprises en evidemment les partenaires fran~aisdu regime Ahidjo et justifie a leurs ycux
public denote que le comportement et l'attitude de l'interesse en Ja circons- le sacrifice de Ja democratie et l'erection du parti unique, qui serait scul ö
tance ne sont pas le fait d'un enervement passageret de circonstance 32 • » rneme de garantir le « progres » au Cameroun comme dans le rcstc \1,•
1'l\frique 34• Les dirigeants camerounais et leurs parrains fran~ais, com,1111
niant dans l'idee que !es solidarites claniques, tribales ou ethniques nc ,0,11
La furie du regimed'Ahidjo que des survivances de pratiques anachroniques qu'il faut d'urgcncc cfln1,.,
co11trela «peste»bamileke pour acceder a la modernite et au developpement, ne scmblcnt p11,
comprendre que les traditions sont aussi, au m~me tih·e que la rcllglon (<Irr(•
L'etonnement du prefet de Bangangte s'explique. Car, dans tous les dis- tignne ou musulmane), un abri et un refuge. Et, finalement, le dernlcr 111·11 ih•
cours publics, les responsables du reglme affirment voulolr lutter contre le contre-pouvolr J)0\!liblcpour des populations soumisesen permanencC'h 11111 1

« t ribalisrnc" d'oi:1qu'II vicnnc, considcr~commc .l'cnneml lc plus s~rlcuxde propagnnd(1 ll),lrc,~lvl',h unc rcprcssion aveugle fondcc sur In dclatlon et ö 1111

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(l 96S-J966)
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r/11 1

pouvoir a pretention totalitaire qui s'ingere toujours plus profond€:ment dans leur region, llaloussn,n,et qul volt un de leurs representants supposes, l.e
leur intimite. ministrc de l 11\d111l11lstn1tionterritoriale Enoch Kwayeb, entrer au bureau
C'est dans ce contexte que s'inscrit la furie anti-« Bamileke >} qui saisit les politique. Ce double symbole n'est en realite qu'apparence: Je choix de
dirigeants camerounais au mllieu des annees 1960. Tandis que la « rebellion » Bafoussam a pour objectif avoue de provoquer un ,<choc psychologique »
tend ase reduire de plus en plus a la seule reglon de l'Ouest, la «peste» bami- dans les populations locales ; et Ja designation de Kwayeb - « bamileke, mais
leke, pour reprendre l'expression de Fochive, devient l'obsession d'un pou- energique et jusqu'ä present fidele», comme le qualifie alors l'ambassadeur de
voir de plus en plus parano'iaque. Les Bamileke, analyse-t-il, ne soutiennent France Francis Hure 35 - vise aen faire un « exemple ».
plus les maquisards parce qu'ils croient en leur victoire ou en leurs ideaux La promotion factice d'elites bamileke a l'interieur du systeme a en realite
politiques, ils s'enfoncent dans une « indiscipline » suicidaire par simple soli- pour fonction de les surveiller de plus pres, de susciter Je loyalisme chez leurs
darite <<tribale », « clanique » ou « familiale ». Le « caillou bamiJeke >>que supposes « freres de race » et de les obliger a faire allegeance a Ahidjo. C'est
denon~it le colonel Lamberton des 1960 doit donc etre definitivement reduit dans cette logique qu'on peut analyser !es grandes campagnes d'action psy-
en poussiere. Pour le pouvoir, la täche est d'autant plus urgente que l'« ethnie chologique, de serment et de confessions publiques qui se multiplient ä
Bamileke » semble defier le regime sur tous les plans. Non seulement elle l'Ouest a cette periode et que !es responsables bamileke sont sommes d'orga-
constitue le « groupe » le plus important en nombre du pays - ce qui explique niser en permanence dans leur region d'origine (voir chapitre 29). Si l'objectif
au passage l'eradication du multipartisme et de la democratie -, mais elle est officiel de ces operations d'endoctrinement est de couper les populations de Ja
en plus decrite comme particulierement « soudee » d'un point de vue ethnico- rebellion, elles visent aussi plus subtilement a les « mouiller » en Jes obli-
familial, « dynamique » sur Je plan economique et « expansionniste » sur le geant a faire la preuve publique de leur loyalisme et en les empechant ainsi
plan territorial. Car les populations « bamileke », fuyant jadis l.es travaux de jouer double jeu. « Certains [de ces responsables bamileke], note l'ambassa-
forces et la misere, et maintenant la guerre qui fait rage dans leur region, sont deur Francis Hure avec les euphemismes d'usage, auraient ete discretement
implantees a peu pres partout sur Je territoire national. avertis que si des foyers d'agitation demeuraient dans leurs villages, ils en
Plus encore que l'UPC comme mouvement politique, ce sont donc les seraient tenus pour responsables et ne devraient pas esperer un deroulement
Bamileke, en tant que groupe ethnique, qui apparaissent desormais comme Je avantageux de leur carriere 36. »
« cancer » du pays. Tandis que Jes discours officiels s'attaquent dans l'abstrait
aux sentiments « ethniques » en general, les Bamileke deviennent en pra-
tique la cible presque exclusive de la repression sur tout le territoire. Cette Dela rtpressiondes« complotsbamileke» ..•
focalisation croissante sur les « ethnies », en particulier celle des Bamileke, qui
depolitise !es rapports de forces, repond a plusieurs preoccupations du regime. ParalleJement a l'apparente « montee en puissance des Bamileke 37 », la
Exploitant les rivalites ethniques - en prenant garde toutefois de ne le faire suspicioo et Ja delation s'infiltrent dans !es etages superieurs de Ja hierarchie
que sur Je mode de l'implicite et de la denegation -, comme le faisait la France politico-administrative. Et, bientöt, ce ne sont plus simplement des maires
coloniale avant Jui, Je regime Ahidjo accrott le potentiel persuasif de sa propa- 0ean Mbouende), des deputes (Thaddee Nya Nana) ou des membres d'anciens
gande, en jouant sur la charge emotive de cette question et en occultant sa gouvernements (Pierre Kamdem Ninyim) qui sont inquietes, mais des minl-
dimension politique. lnstalle «partout>;, decrit comme un « exploiteur » qui stres en exercice. Acommencer par I'emblematique Victor Kanga.
s'enrichit indtlment et comme un « envahisseur » qui accapare les terrains des Originaire de la region de Bafang, president de l'Association des etu-
autres, « le » Bamileke apparait comme le nouveau « colon )> et comme diants camerounais a Paris a la fin des annees 1950, elu depute du quartier de
J'ennemi intime dont chaque Camerounais non bamileke doit se considerer New-BeU en 1960, ministre de l'Economie de 1961 ä 1964 et des Finances
comme une victime potentielle. Selon la logique classique du bouc emis- entre 1964 et 1966, Victor Kanga apparait jusqu'a sa disgräce comme une des
salre, le regime peut alors se presenter comme le defenseur des « victimes », figures de proue du gouvernement. Ahidjo Je cite frequemment en exemple,
mobiliser les energies « autodefensives » et consolider autour de lui I'<<unite » louant son sens du travail et du devoir, son patriotisme et sa fidelite au
de tous les autres groupes ethniques. regime 38 • Mals, debut 1966, alors que vient de se refermer le congres de
Le v•congres de l'UC, en decembre 1965, sonne comme le tournant sym- Bafoussam et que se prepare la creation de l'UNC, la banne etoile de Kanga
bolique de cette derive ethniste du regime. Paradoxalement, les Bamileke pfüit. Du poste prcstlglcux de minlstre des Finances, il est retrograde ä l'Jnfor-
semblent etre a l'honneur lors de cc congres qui se tient clans la capitale de 1n chu te, en forme de sanction, est-elle trop dure lt
matlon et nu T(Hll l·1111c.

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son gofit? Ou trop douce au go0.t de scs adversalrcs? La quc,tion se pose a toujour~ nl~ h:, Jul!\ qul lul !IOnlrcprocMs, passcra trois ans a la prison de
lorsque des tracts anonymes protestant contre la degradalion de Kanga,lntl- Voko... De pil,011 cn can,p, son calvalre ne prendra fin qu'en 1974.
tules « Victime du devoir », se mettent a circuler dans les cercles adminis- Enoch Kwaycb,autre caution « barnlJeke» du regime et personnage cle
tratifs de Yaounde. Qu'il soit ou non l'auteUI de ces tracts, le ministre est de la lutte contrc la rebelllon en tant qu'inspecteur federal pour l'Ouest puis
arrete quelques semaines apres l'institutionnaJisation du parti unique, Je ministre de !'Administration territoriale, s'en sort mieux. Bien que quelques
21 novembre 1966, inculpe pour « propagation de fausses nouvelles » et langues perfides aient cite son nom dans le « complot » de Victor Kanga, il
condamne pour « subversion » par le tribunal militaire de Yaounde. Le pou- n'est pas inquiete. Mais il subit de fortes pressions de la part des durs du
voir en profite pour « decouvrir » un « complot » et faire tomber d'autres regime. C'est ce que l'on constate au moment de Ja sortie d'un recueil de
importantes personnalites « bamileke » de la capitale, parmi lesquelles Pierre contes ecrit par l'ancien upeciste IsaacTchoumba Ngouankeu, converti a Ja
Tchanque, secretaire general du ministere des Finances, et Joseph Foalem litterature apres des annees de detention dans Ies camps de prisonniers du
Fotso, directeur adjoint de Radio Cameroun. Ces deux hommes passent, Nord-Cameroun.Edites par Ie Centre de litterature evangelique (CLE),d'obe-
comme a l'habitude en pareil cas, de fort penibles moments sur la « balan- dience protestante, et imprimes en France par Ies Pressesde Taize, Jes exern-
~oire» de la BMMde Yaounde39• plaires destines au Cameroun sont sur Ie point d'etre debarques au port de
Lesmethodes de la BMMn'empechent pas Le Mondede relayer a Paris la Douala, fin 1969, quand Focruveexige de Kwayeb,ministre charge de Iutter
propagande d'Ahidjo, avec tout ce qu'il faut de tribalisme d'exportation:" IJ contre les ouvrages subversifs, qu'il fasse interdire celui-la 42 • « Ce livre,
est incontestable que, par l'intermediaire de certains ministres, une partie de cxplique le directem du SEDOC,n'est qu'un ouvrage de haute subversion
l'intelligentsia bamileke a caresseet caresseencore l'espoir de s'emparer pro- dans lequel Tchoumba Ngouankeu se plait a denigrer notre regime. » Par la
gressivement et Iegalement du pouvoir, assure Philippe Decraene en meme occasion, Focruveen profite pour elargir sa plainte : « LeCentre de lit-
maj 1967. Cela explique l'elimination de M. Victor Kanga.L'ancien ministre terature evangeUque,affirme-t-il,est devenu un creuset de subversion ou les
de l'lnformation, condamne a quatre moi.sde prison, s'etait constitue une opposants font editer pour la vente au Cameroun toutes sortes de brochures
importante clientele electorale,et donnait au surplus l'impression d'avoir pris tendancieusesessentiellement nefastesanos institutions. »
des assurances chez les rebelles.Destitue a la grande deception de ses "freres Mis sous pression par Fochive, Enoch Kwayeb s'execute. II diffuse un
de race", qui se sont cependant abstenus de tout geste de solidarite, mais a la arrete interdisant la vente du livre de Tchoumba et reprimande le rurecteur
plus grande joie des non-Bamileke,qui estiment meme trop clemente l'atti- des Editions CLE (qui n'est autre que le pasteur Gerard Markoff, veuf de
tude du chef de l'Etat a son egard, M. Kanganourrlssait de grands desseins, Liliane,assassineeaBangangtee.nao0t 1965). Jugeant Kwayebtrop mou dans
pour lui-meme et pour les siens 40• » cette affaire, c'est au tour de Jean-Marcel Mengueme, directeur des Affaires
Simple « affaire des tracts » au depart, transformee en « complot bami- politiques au ministere de !'Administration territoriale, de prendre Ja plume
leke » par Le Mondeet beaucoup d'autres ensuite, 1'« affaireKanga» est en rea- pour tancer son ministre : il lui dresse la liste de tous les ouvrages « sub-
lite des Je depart analysee par le pouvoir franco-camerounais comme un verslfs» distribues par les Editions CLEet, pour Iui forcer Ja main, lui soumet
complot international. Deux jours avant l'arrestation du ministre de l'Infor- une lettre preredigee et comminatoire qu'il lui demande d'envoyer en son
mation, le conseiUer militalre fran~alsde l'ambassade de France, le colonel nom au directeur de CLE.Ce demier protestant contre les tentatives de cen-
Robert Renan, avait re~ du directeur du SEDOCdes Informations mettant ä sure, l'affairedurera une annee entiere. Jusqu'ä ce que Kwayeb,inguiete dans
jour un suppose complot americain contre Je regime Ahidjo, dont Kanga lc cadre du prochain « complot bamileke », l'affaire Ndongmo-Ouandie (voir
aurait ete l'instrument. Des informations selon lesquelles les Americains chapltre 33), cede son fauteuil de ministre a un homme plus conciliant.
« allaient fomenter des mutineries » dans I'armee camerounalse et se prepa-
raient afaire remplacer AhJdjo.« D'apres D ßean Fochive],explique une note
du SDECEdans un messagecode, le rempla~t du president Ahidjo que les ... au nettoyageethnique
USAauraient choisi, ou qui leur paratt Je plus souhaitable, serait E [Victor
Kanga].[...] Mecontents de la politique du general de Gaulle, les USAaurale.nt Pendant que la suspicion ethnique contamine les strates les plus elevees
decide de fomenter des troubles en Afrique, poursuit l'auteur de la note. Lc tl'un regimegagne par une paranoi'amaladive,eile tend simultanement a legi-
Cameroun aurait ete choisi cornme prernier champ d'experlcnce 41.• Ainsl t lmer la hargnc anli-ßamileke dans la population. La thematique de 1'«inva-
donc, I'" affaircdes tracts » prcnd une tout aut rc colorollon. Victor Kanga,qul ,1011 bamll~t..~• 1H•Ct'"c de se devclopper, en particulicr dans les ccntres

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( IVbS-1966)

urbains et dans les regions ayant historlquement uccuellll lc plus grand Foumbot el tlans 1,1 l licffcrle bamlleke voislne de Bamendjing (voir
nombre de« Bamileke». chapitre 24).
Pour illustrer cette phobie, il n'est pas inutile de citer l'analyse que faisalt Dans la vallecdu Mungo, de part et d'autre de la frontiere entre le Came-
FelixSabalLecco,quand nous l'avons rencontre aYaounde en 2007, du« pro- roun oriental et occidental, les violences anti-Bamileke tournent ni plus ni
bleme bamileke ». L'homme, qui occupa successivement,entre 1964 et 1970, moins, selon l'universitaire Piet Konings,au« nettoyage ethnique ». Teile est
Ies postes de prefet du Mungo, puis du Wouri, d'inspecteur federal du Lit- du moins la condusion qui ressort de son travail sur Ies massacresde Tombel
toral, de secretaire d'Etat au DeveJoppementrural et de ministre de la Justice du 31 decembre 1966 44•
(au moment de l'affaireNdongmo-Ouandie), n'y va pas par quatre chemlns :
« Ces gens-lä sont tellernent nombreux - on dirait des fourmis ! - qu'ils sont
obliges de chercher a s'installer partout. Je me rappelle que lors d'une reu- Decembre1966:lesmassacresplanifies
nion ä Ja presidence, Andre Fouda [maire de Yaounde], qui etait un homme de Tombel
dynamique et fort, qui protegeait sa ville contre l'invasion des etrangers, [en]
a parle. Ahidjo nous a dit ceci : ''Je suis president de la Republique camerou- Dans cette zone de l'ancien Cameroun britannique, les relations entre les
nalse, les Bamilekesont carnerounais, ou voulez-vousque je les mette ?" C'est Bakossi(« autochtones ») et les Bamileke(« etrangers ») ne cessent de s'enve-
un probleme, mais on ne peut pas faire autrement : c'est des Camerounais. nimer depuis le milieu des annees 1950. Jadis favorisee par les puissances
Ils cherchent le terrain pour s'installer, c'est tout. Icl, par exemple [ä coloniales et plutöt bien acceptee au depart par les populations locales, La
Yaounde],ils sont partout, comme des fourmis. Quel est le quartier Ollil n'y a migration bamileke devient Ja dble des elites « autochtones » au moment de
pas de Bamileke?Quelleest la ville, quel est le vUlage,quel est. .. Ollil n'y a pas l'independance et de la reunification du Cameroun. Accusesd'avoir accapare
de Bamilekeau Cameroun ? Non seulement au Cameroun, mais partout dans les terres les plus fertiles, les Bamilekesont en outre collectivement suspectes
Je monde ! Ce sont .lesJuifs du Cameroun. On ne peut pas eviter le pheno- de favoriserle « terrorisme )>. Bienque, la comme ailleurs, les commanditaires
mene bamileke, ce n'est pas possible.On ne peut pas lutter contre Je pheno- des attentats qui se deroulent dans la region ne soient pas toujours claire•
mene bamileke 43 • » ment identifies•,divers segments de l'elite Bakossise liguent contre les « enva-
A l'ombre d'un parti unique qui stigmatise officiellement le fractionne- hisseurs », notamment ä travers des societes secretes telles que Je virulent
ment ethnique, telles sont en reallte Jes idees qui se diffusent officieusement mouvement VIKUMA,cree en 1964 en zone anglophone. Fin 1965, ces
ä travers Je pays: ä Yaounde, donc, ou le maire Andre Fouda Iutte sans reläche groupes bakossi prennent pretexte d'une attaque « rebelle » pour constituer
contre l'« Invasion» des« etrangers » bamileke; a Douala, Oll Je quartier de redoutables « unites d'autodefense ». Exclusivementcomposeed' « autoch-
« Congo » ä majorite bamileke a ete rase par un etrange lncendie criminel tones », cette « armee bakossi» se voit offrir, a partir d'aout 1966, des armes
(voir chapitre 24) ; dans la region du Nord ou encore dans celle du Centre, et des munitions par le prefet de Kumba, George C. Kisob,dont nul n'ignore
Oll l'on enregistre regulierement, au cours des annees 1960, des« incidents » la haine pour les Bamileke, et un encadrement par Ja police mobile du
entre les <<Bamileke» et les « autochtones ». departement 45 .
Mais c'est dans les regions voisines de l'Ouest, dans la valJeedu Mungo Ainsi,alors qu'un climat de psychoseanti-Bamilekegagne les plus hautes
spheres de !'Etat, alors qu'un nombre croissant de ressortissants de l'Ouest
et dans la region dite « Bamoun », Oll !es « Bamileke » se sont massivement
sont suspectesd'etre, au minimum, des« maquisards blancs », et tandis quese
implantes depuis plusieurs decennies, que l'ethnisme fait le plus de ravages.
Lesviolences a caractere « ethnique » qui ont endeuille ces regions dans les
annees 1960 restent encore mal connues, mais on sait qu'elles furent nom- <1 tvoquant l'assassinat d'un planteur (franr;ais ?), Michel Javourez, Je 21 mars 1966 et celul
breuses et particulierement violentes. Bien qu'on manque cruellement de d'un planteur grec, un certain Simeon1des, le 26 mai 1966, le ministre delegue a Ja presl-
details, on devine par exemple le caractere eminemment <<tribaliste » du mas- dcnce charge de 1'Administration territoriale et de la Fonctlon publique Enoch Kwayeb
commente : • Les motlfs de ces deux crlmes semblent etre !es memes : l'eliminatton des
sacre anti-Bamilekede Nlohe, dont Ernest Ouandie attribua la responsabilite, concurrents commerclaux. Une fois de plus, Ja preuve est falte que certains individus partl-
on l'a vu, ä une centaine d'« Haoussa » venus de differentes Iocalites du cullöremcnl cupldes sont decldcs ä profiter des troubles qu'ont connus certalnes parties du
Mungo (voir chapitre 29). On sait egalement que les mlllccs armees du sultan tcrrltolrc nntlonnl pour ns~ouvlr leur vengeance ou pour arrtver il certalnes flns. Ce falsanr,
des Bamoun organlsent i't la m@meperlode des ralclspunllifs nnti-llamilcke a ll~pcn~Clnt~1 ,n,,,
1 lo rnnfu~ln11 {Inn~les csprllsen mcttan, lcsactes de pur handltlsmesur Je
,0,11111~ (hl 111, 29 mol 1966).
(l 11",,, l.11l'rtSSi' d11C1111wro1111,
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dfaoulent dans la zone de vastcs campagncsd'action psychologlqucdcstln6cs vlllagc~.Cesescadrons de la mort, dont les prln-
glqucs » 111rnq1u•,11pl11,lt•111,
a « declencher une atmosphcre generalc de hainc et d'anl111osl16des masscs clpaux ex~cu111111, 11c~0111autres que lcs « membres d'autod«Hense blen
rurales contre les epaves de la rebellion ,. (voir chapltre 29), les « etrangers „ cntraines par la police mobile 47 » mals auxquels se sont ajoutes des lyceens,
de la region de Tombel s'inquietent. Des Je 27 juillet 1966, avant meme que des etudiants et meme des professeursrecrutes prealablement dans !es etablis-
le prefet ne fournisse des armes a 1'«autodefense », une petition est envoyee sements scolaires des environs, procedent a une extermination methodique
aux autorites de la region par des« Camerounais non bakosslde Tombel » qui et systematique des Bamileke. Comme le relevera par la suite une enquete
se plaignent de cette milice ethnlque : « 11snous frappent, expliquent-iJs,ils redigeedebut fevrier 1967: « Lemassacredes elements Bamilekeaurait eu lieu
nous empechent de nous rendre dans nos fermes, nous forcent ä aJJerau lit ä presquesimultanement aNkeng,Suke,Ngap, Ngussi,Mahole, Peng, Ekonebe,
7 heures, nous obligent a fermer nos bars avant !'heure legale, pillent nos Kupe,Mbonzie.1.1 serait lntervenu un peu tard [sie]aNyassosso.Ce sont lä des
recoltes, fouillent nos maJsons la nuit, en font sortir leurs habitants, les bat- noms de quartiers de Tombei et de vlllagesbakossidlstants entre eux de cinq a
tent, leur retirent leurs papiers et les livrent aux forces armees en les quali- neuf kilometres. f...] Lesarmes generalemeot employees ont ete des coupe-
fiant de terroristes.Tout Camerouoais non bakossiest un terrorlste. nnous est coupe et des lances. Ces dernieres auraient ete achetees aux Niger.ians
difficilede travaillerdans nos fermes, parce que ces hommes se deplacent en haoussas. t...] Lesarmes a feu auraient surtout servi a l'intimldation des vic-
groupes avec des matraques, des coutelas, des arcs et des fleches, des fusils ä times meurtries par des coups de crosse. (...]
double canon, des fusils de fabrication locale, etc. » La suite de la missiveest « Dans les quartiers a majorite Bamileke, tels Ngap et Ekonebe, les

encore plus alarmante : « Puisque nous sommes tous des terroristes mainte- combattants se seraient divisesen deu.xgroupes, les uns charges de fairesortir
nant, qui va nous defendre? [...J Lesautodefenses nous ont dlt ouvertement acoups de crosse de fusil les victimes, les autres, les bouchers, stationnes en
qu'ils aJlaient recevoir leurs armes d'ici a la fin du mois et que nous allions rond, appeles ä massacrera coups de coupe-coupe. Ces bourreaux abattaient
voir ce que nous allions voir. Llssont en train de preparer un plan des plus dia- aussi partout ou ils trouvaient les recherches, jusque dans !es champs. La rapi-
boliques pour attaquer et tuer certaines personnaJltesimportantes de Tombel, clite des mouvements s'ajoutant ä l'armement, les condamnes surpris a
de differentes nationalites, de maniere ä provoquer la rMuction en cendres de l'improvlste se seraient trouves dans l'lmpossiblllte de recourir a Ja legitime
Tombel. Monsieur, ceci est un plan des plus graveset des plus vicieux 46• » defense, d'autant plus que toute circulatioo avait ete interrompue dans les
Lesautorites ne feront aucun cas de cette mise en garde1 • Le31 decembre deux sens. Dans certains cas, l'ennemi ou les ennemis etaient enfermes dans
1966, dans !es heures qui suivent un attentat perpetre pres de Tombel.par des lcurscases et br0les vifs48. »
inconnusb, des millces bakossl prepositionnees a differents endroits « strate- Ne laissant aucun doute sur Je caractere premedite et systematique de
l'operation, le meme rapport signaleque ce sont les tueurs eux-memesqui ont
a Comme s'en plalndront certalns Bamlleke par la suite: • Le plus desesperant de tout, c'est
alerte les forces armees pour !es diriger sur une fausse piste « terroriste,. :
que le 27 tutllct 1966 une petltlon des plus cxpllcites et des plus sedeuses avatt ete adressee "Tandis que les militaires s'elan~aient a la poursuite des terroristes reels ou
au prefet non par voie postalc, mais par l'entremise d'une lmportante dfüegatlon de sept frnaginaires,Je carnage a alors commence suivl d'incendies 49• » Lesincendies
personnes. Comme toujours, le prefet s'en est fort peu prooccupe. Sous l'etreinte du chef cux-memes ont ete minutieusement prepares. Alorsque des quartiers bami-
Toko [chef tradltlonnel bakossi, NdA], le prefet s'est contente d'en voulolr aux Bamlleke
pour avoir arnplle !es coples aux autres autorltes et d'atouter qu'il avait prls note de notre 16keetaient integraJement brOles,il en est alle differemment dans les quar-
petltlon. Le sang verse et l'lncendle alJurne sont donc aussl blen son Cl'uvre que celle du llcrs mixtes ou s'enchevetrent les cases « autochtones »et« etrangeres »: « Les
chcfToko, car II est suppose etre l'arbltre de tous ses adrnlnlstres •(•Rapport au directeur habitations bakossi des quartiers sinistres ont ete epargnees et emergent
de la S0retef~erale •, n° 31/CIJSF, 6 fevrler 1967, Pc/f 1966/2, p. 6; ANB).
b Alors qu'un Bakossl a etc retrouve rnort deux jours plus töt ä Nkeng, une Land Rover voya-
parmi des tas de cendres 50... ,. Officiellement,les massacresont fait 236 morts
geant sur la route Tornbel-Nyassosso est attaquee Je 31 dl!cernbre 1966 au rnatln, provo- cl 1000 blesses51•
quant la rnort de quatre autres Bakossl. Jean Fochive, expert en Ja rnatl~re, ne sernbJe pas Parlant de« carnage », de« boucherie », d'« incendie monstrueux » ou
exc.lure qu'iJ pulsse s'agir d'un coup rnonte: • Les rnilieux Bamlleke, note+il queJques l'ncore d' « extermination », les rapports - secrets - effectues apres Je drame
tours plus tard, font valolr que l'attaque de Nkeng fut opcree par Jes autochtones dans lc
dessein d'avolr un pretexte pour massacrer les Bamlleke et recuperer leurs terres. II sc dlt pourraient laisser penser que les autorites n'en sont aucunement respon-
meme, et ceJa n'a pas ete conflrme, que Jcs quatre Bakossl assasslnes dans Ja Land Rovcr \<1lJles.Pourtant, ce sont bien des representants de l'Etat qui ont prealable-
furent victlmes de leur opposltlon au profet d'extermlnallon des "envahlsseurs" bantl• m~nt arme et forme les escadrons de la mort. Et ce sont eux qui, par la sulte,
l~k(-• (• Rapport du dlrecteur du Sl'.DOC et de la Securltc II la prcsldcncc de la R(-publlquc
fM~raledu Carncroun au mlnlstredes Force~ annt.-es•, 26 fn11vtcr1967, Pc/f 1966/2, p. 11;
l'ntrctlennent lc ~ilcncc ~ur les massacres pour eviter que l'information
ANß). n'cntachc la propn~n11dcofflciellc sur la "paix ,., la « reconciliation „ et

578 579
Une1llclu/11111/11111111/rlwltw
(J9t1l- l 9I I)

I'« unite nationale». Certes, une centaine de tueurs scro.nt tra'inescn justlce, 31
malmenes a la BMMet tourdement condamnes, parfols ä la peine capltale.
Mais il ne s'aglt que de simples executants; et les condamnes ä mort benefi-
cieront d'une gräce presidentielle52• Lapacißcation
parle « developpement
»

« Ala place qul lui a etedonnee par la nature ou le gou-


vemement, le Caruerouna.is travallle avec courage afln
d'augmenter la productlon. »
• Charte du Camerounals qui alme sa patiie »,
aJtlcle 1, 1961 '.

'
A mesure que defilent les annees 1960, l'economie devient une preoccu-
pation majeure, ou du moins un theme de propagande prioritaire
pour le regime Ahidjo. Ce theme ne remplace pas la lutte contre la « rebel-
lion » et la « subversion », il l'accompagne et la cornplete. Lesdeux themes
visent en realite le meme objectif : la pacificatlon du pays et la soumission
des populations. Dans l'esprit d' Ahidjo et de ses conseillers,generalement peu
ferusdes debats sur le developpement, l'economie est avant taut une arme de
pouvoir.

L'economie,
un outil decontrole
deselites
et desmasses
Suivant l'exemple de J'administration coloniale fran~aise qul utilisait
l'enrichissement personnel de quelques representants de J'elite « indigene »
pour les rallier ou detourner leurs ambitions poUtiques(Soppo Priso, Okala,
Assale,etc.), Ahidjo joue babilement du double langage et du faux-semblant.
Derriereun « Etat » apparemment uni, äpre a la täche et respectueuxdes lois,
derriere une fa~adesusceptible de seduire Jesbailleursde fonds et les investls-
scurs etrangers, il laisse !es hauts fonctionnaires, Jes cadres du parti et les
lrnportantes personnalites politlques profiter de leur position pour s'enrichir
pe'rsonnellemcnt2• On verra ains·ides lamibe du Nord s'interesser de pres a la
culture du C'OlOtl, des responsables anglophones s'investir assidCimentdans
les projct~ nHr'ol1Hll1ilfl<:l~,
ou des responsables sudistes detourner l'argent

581
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produit par les plantatlons cacaoyeres de cette reg!on 1• Outre qu'elles elol- dt•~lllll 01 lt~\ fra 11\°alses
u ne vicll lc t111lll•111111 (volr chapl tre 3) q ui, des la procla-
gnent les ambitions politiques des concurrents potentiels, la patrhnoniallsa- ma tion de l'lnd~pe11tJ1111cc cn 1960, falsaient pression sur le gouvernement
tion de l'Etat et la constitution d'une "bourgeoisie emergente », selon le camerounals pour quc la r6pression s'accompagne d'une !arge action « econo-
terme de l'economiste egyptien Samir Amin 4,ont en outre pour avantage de mique et soclale ». « Le gouvernement franc;:aisa toujoms pense que l'action
fragi1iser !es plus indelicats ou supposes tels : il suffira, pour les faire tomber rnllitaüe ne suffirait pas a assurer la pacification durable du pays si eile ne
et redorer au passage le blason presidentiel, de lancer Ja presse aux trousses s'accompagnait pas d'autres mesures, ecrivait ainsi en fevrier 1962 le secre-
d'un fonctionnaire ou d'un ministre, puis d'actionner la machine policiere et taire d'.Etat fran~ais aux Affaires etrangeres, Georges Gorse, au ministre de Ja
judiciaire pour s'en debarrasser definitivement. La presse internationale fera Cooperation, Jean Foyer. Dans une lettre du 18 janvi.er 1960, le Premier mini-
alors le necessaire pour louer l'intransigeance du chef, son sens de !'Etat et de stre [fran~ais] insistait aupres de M. Ahidjo pour Ja mise sur pled, avec Je cas
1'interet collectif. echeant notre aide technique, d'un plan de reformes sociales et de develop-
Les elites « bamileke » ont, semble-t-il, ete Ies premieres beneticiaires, ou pement. De meme, a diverses reprises, depuis deux ans, notre ambassadeur,
victimes selon les cas, de cette strategie. AJors que Ja rebellion upeciste etait sur instruction du gouvernement, a appele l'attention du gouvernement
encore tres dynamique dans leur region et tandis que Ja democratie n'avait camerounais sur la necessite de prendre des mesures d'ordre economique et
pas encore ete totalement abolie au Cameroun, ce qui risquait dans les deux social en faveur des populations ralliees. La mise en reuvre d'un programme
cas d'aiguiser les appetits politiques des « representants » de 1'ethni.e Ja plus adequat avait meme ete posee, en juin 1960, cornme Ja condition du main-
nombreuse, Ahidjo laissa une grande liberte economique aux elites de l'Ouest tien de l'aide de l'armee fran~aise pom le retablissement de !'ordre 6 • » Ayant
favorables a son regime, confortant ainsi les cliches qui circulent sur !es finalement convaincu Ies dirigeants camerounais d'accompagner Ja repres-
(< Bamileke ». ((Les circonstances ont servi Je dynamisme des populations de sion militaire d'un programme de « developpement economique » en region
l'Ouest, raconte ainsi le politologuejean-Fran~ois Bayart. AJa suHe de leur ral- Bamileke, le meme ministre des Affaires etrangeres se felicitait en ces termes :
liement et de leur soutien aux elections de 1960, M. Ahidjo Ies laisse s'enri- " En ce qui nous concerne, ll ne doit pas nous echapper qu'il s'agit la en fait
chir. En jouant sur !es drolts de douane provisoires entre !es deux Cameroun <.l'unenouvelle phase de l'operatlon politique entreprise par Ja France pour
et sur les erreurs techniques qui furent commises, les Bamileke ont profite de instaurer et asseoir au Cameroun un regime fort et ami 7 • »
la reunification. De plus M. Kanga, ministre des Finances, a amenage !es pro- Convaincues qu'il faut couper Ies « subversifs », Ernest Ouandie en tete,
grammes d'importation dans une optique qui leur etait favorable. [... ) Sur- de leur base potentielle, !es autorites franco-camerounaises decident donc de
tout, ils detiennent tous les postes des de l'economie : le commerce bien mettre en place des structures susceptibles de casser preventivement toute
entendu, mais egaJement les transports, les telecommunications, Ja majeure revendicatlon socioeconomique. Symbole de cet enchevetrement, Je chef du
partie des postes qui exigent des diplömes de valeur, l'agriculture, l'a.rtisanat; Renseignement militaire frarn;ais de la zone, 1.ecommandant Wirbel, ecrit en
ils s'attaquent a la banque et a Ja petite industrie (meubles, brasseries). Leur mai 1962 asa hierarchie que la rebellion est « moribonde » et que "Je gouver-
omnlpresence n'avait d'egale que celle des Ibo au Nigeria, et evoque la dias- nement camerounais [... ] vient de porter la lutte sur le plan economique et
pora chinoise en Asie du Sud-Est 5• » social » 8 • Cette preoccupation parait d'autant plus urgente au milieu des
Ouvrant ainsi a une partie subtilement selectionnee des elites de l'Ouest annees 19'60 que Je premier plan quinquennal de developpement - elabore
les voies de l'enrichissement personnel et comptant sm eHes pour valider Ja cn 1960 par des« experts » fran~ais - s'acheve en 1965 sur un fiasco• et que
mythologie selon laquelle « lew ethnie » serait congenitalement apre au gain s'effondrent les cours mondiaux du cacao, du cafe et de la banane, c'est-a-dire
et communautariste, Ahidjo cherche a susciter les rivalites, Ies jalousies et les les principaux produits d'exportation sur lesquels reposent les ressources du
haines, selon la logique classique du« diviser pour regner ». Et il peut ensuite,
sans grande difficulte, faire tomber quelques oligarques bamHeke en ajou- u Volci ce qu'expllquait en 1966 l'agronome Rene Dumont ä propos de la planiftcatlon en
tant a l'accusation de connivence avec Ja rebellion celle de travailler contre Afrique francophone : • Trop de plans furent rediges au ministere de la Cooperatlon, par
1'« unite » et la « construction nationale»: ces accusations couplees surgissent des Fran~1s etrangers au pays, qui ont du mal il Hablir un vrai dlalogue avec Jes polltlques;
11sne peuvent savoir ce qu'en pensent les travailleurs, les paysans de la base. On elabore
chaque fois que la repression f.rappe un responsable origlnaire de l'Ouest.
alns.1de benux documents, allgnant des mUliards de travaux d'investissements humalns,
Pour Je regime Ahidjo cependant, l'economle ne sert pas seulement ä sans chcrc:hcr Oobtenlr lc moindre debut de realisatlon (Cameroun). On en arrive ä un
maitriser les elites: eile se revele egalement utllc pour contrOler les masses, cotologur d'opOrullons destln(! a nttlrer le maximum d'aide exterieure • (Rene DuM0NT,
eternellement soup~onnees d'inclisci pline. Cc11c pr(loc1.u p111Ion e.st cl'aillcu rs l'Afrlqllr' 110/1,•n/ 11111/
/htllll', 'icull, l'orls, 1962; re&I. 1966, p. 97).

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pays. « Les espoirs qu'avaient fait naitre les ann~es 1963et 1964se sont consl• ouest-ollen11111cl~ pour ~luborcr son second p.lan quinquennal de« developpe-
derablement attenues », note le conseiller militaire de l'arnbassade de France ment » ( 1966-1971),la prcssion de la France, prernier baiJleur-et de loin -du
13
dans son rapport annuel pour l'annee 1965, ajoutant que le « vrai rlsque de pays, convalnc les dlrlgeants camerounais de se retracter •
destabilisation », au moment ou la rebellion marque le pas, est dorenavant La nouveaute de la politique economique d'Ahidjo, mais qui n'est pas
d'ordre « economique » 9 • specifique au Cameroun, est la place centrale confiee a la machine etatique
C'est dans ce contexte que le pouvoir camerounais place la question « du dans le « developpement ». Le peuple etant considere, comme ä I'epoque
progres economique et de la justice sociale » au premier rang de ses priorites coloniale, comme « arriere )>et« apathlque )>, englue dans ses « atavismes eth-
et cherche ä convertir une partie de son appareil repressif dans ce nouveau niques » et ses « coutumes lnefficaces », !'Etat se propose d'impu1ser l'energle
« combat ». Theme central de l'allocution presidentielle devant Je congres de necessaire pour le faire entrer au forceps dans la « modemite » et eradiquer les
l'UC a Bafoussam en decembre 1965, le « developpement economique et pesanteurs de l' « ethnicite )). La encore, l'effort passe d'abord par des slogans
social » devient l'axe majeur de la pacification et de la propagande. Ce quese doivent de diffuser les agents de !'Etat, du parti et meme de l'armee.
qu'expliquera d'ailleurs tres clairement Ahmadou Ahidjo en personne en A la « Lutte contre la subversion » - a laquelle, on l'a vu, chaque citoyen est
1967: « La maxime si vis pacempara bei/um exprimait hier, al'heure ou l'equJ- appele ä participer activement-, s'ajoute progressivement la « bataille pour le
libre des armes passait pour la condition essentielle de la paix, la sagesse des developpernent ». Au meme titre que le mutisme ä l'egard des « subversifs »,
Etats dans ce domaine. A notre epoque, ou Ja disparite des conditions d'exis- la « paresse » et l' « inertie » sont stigmatisees comme une trahison de Ja
tence entre les nations va en s'approfondissant, ou Je sous-developpement construction nationale dont Je regime Ahldjo se veut le garant et le cham-
prend un caractere de plus en plus explosif, si vispacempara progresumserait la pion. Se rendant en visite aux quatre coins du pays, le president n'hesite pas
traduction moderne de cette sagesse et exprimerait mieux les conditions nou- äse faire mena~ant. « Un relächement tres net se manifeste chez la quasi-tota-
velles de Ja paix 10• » lite des fonctionnaires, explique-t-il par exemple en 1962: dans Ja majorite
des bureaux administratifs et jusque dans les services centraux de differents
ministeres, il regne un tel laisser-aller et une teile anarchie que les esprits les
Le Cameroun« qui se levetot» rnoins avertis et les moins conscients s'alarment deja et s'inquletent vive-
ment de l'avenir de ootre fonction publique 14• » Relayant ces exhortations,
Ahldjo, dont la foi dans Ja propagande se renforce de jour en jour, forma- le president de l'UC de Bafoussam incite en 1965 ses militants desireux de
lise sa phiJosophle economique en courtes formules. II s'aglt dans un pre- bätir la nation a commencer par se mettre au travail, car « le meilleur
mier temps du « socialisme camerounais », puis viendront le « liberalisme constructeur du Cameroun, c'est le militant discipline, le militant qui se leve
planifie » et, enfin, la mode de l'« economie autocentree ». Derriere !es töt 15 ». L'« effort », !' « assiduite » et la « productivite » sont donc les themes de
slogans creux et les « acrobaties ideologlques 11 » de son president, le Came- propagande Ies plus prises du pouvoir au milieu des annees 1960. « Au Came-
roun reste fidele a la division coloniale du travail et a la vassalite econo- roun, note Jean-Fran~ois Bayart, le discours politique est avant taut un dis-
mique. « On pourrait etre tente de croire que la prlorite du Cameroun en cours de la mise au travail 16 . »
matiere de developpement serait de sortir d'une economie extravertie et Conforme·ment a la ligne edictee par ses conseillers fran~ais, l'accent est
dependante pour privllegier un developpement endogene plus lent et plus rnis sur l'agriculture, secteur qui occupe 85 % de la population active
social qu'ecooomique au profit de la masse paysanne, analyse en 1983 le geo- (2 250 000 actifs ä la fin des annees 1960) 17 et qui fournit les plus grands
graphe africaniste Georges Courade. U ne s'agit pas de cela et le discours ne efforts, Je second plan quinquennal etant meme baptise « plan du paysan ».
fait que refleter le goOt de l'elite pour Je mimetisme culturel vis-ä-vis de l'Occi- Dans ce domaine comme dans !es autres, Ja concurrence entre les individus,
dent. Le Cameroun est engage, par contre, dans une croissance de type capita- entre !es villages et entre Ies regions doit susciter l'emulation : « Les Came-
12
liste dependant mais qui n'ose pas s'affirmer en tant que teile • » rounais en general, et ceux quJ habitent la zone cacaoyere en particulier, se
En d'autres termes, le regime camerounais reste dans la voie coloniale passionnent pour !es competitions sportives, il n'est que de voir l'entbou-
tracee par la France dans les annees 1950. Laquelle ancienne metropole veille ~iasme et Lapassion que suscitent !es matchs de football et de boxe, declare le
d'ailleurs jalousement, gräce ä ses assistants techniques et ses experts, ä ce pl·csident devant 1'Assemblee nationale en 1966. Je souhaite que cet esprit qui
qu'il n'en devie pas. C'est alnsi par exemple que, lorsque le gouvernement cncourage fort lu~tcmcnt- nos sportifs se retrouve dans une vigoureuse et
camerounais se met en t@te de demander de l'alde ä des experts frntcrnellc cornpNltlrn1 ~conomique qui opposeralt les producteurs agrlcoles

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de la Federation. Et Jeserals heureux d'apprendre, l'an prochnln, que les plan- n'ont pas St'L1h.J111cnl
~t(•fovo, lscs pnr l'ttat postcolonial pour servir de simples
teurs de cacao ont battu les planteurs de coton par un accrolsscment de pro- substituts b In prot111cllonpaysanne "defaillante"; on leur assigne aussi un
duction de 10 000 tonnes contre 6 000 tonnes et que les planteurs de banane röle important pour resoudre le diJemme de !'Etat postcoloni.al : comment
poyo sont passes en premiere d.ivision 18 ! » integrer plus completement la paysannerie dans Je systeme capitaliste? De
Comme a son habitude, le pouvoir, dans une adaptation locale du stak- plusieurs fat;ons, en effet, les complexes agro-industriels sont devenus des ins-
hanovisme sovietique, met en avant les bons « exemples » et les meiJleurs trumen ts dans .les tentatives de !'Etat postcolonial pour "capturer" la
« eleves », ceux qui ont su abandonner leurs « mauvalses habitudes ». En paysannerie 22 • »
parallele avec l'administration et le parti, qui multiplient les tournees de pro- L'assujettissement et le fonnatage de la paysannerie ne passent pas seule-
pagande pour convertir, au sens fort du terme, Jes paysans au patriotisme eco- ment par une intense acti.on psychologique. Ils sont aussi assures par un enca-
nomique et aux techniques modernes de production agricole, la presse et Ja d rement serre des campagnes, via un reseau hierarchise d'organlsations
radio sont egalement mobilisees. Inaugurant le nouvel emetteur radio de paysannes chargees de diffuser les techniques modernes, de distribuer les
Buea en 1967, le president Ahidjo remercie la France, qui a finance Je projet semences ou !es engrais, de rassembler !es recoltes, de distribuer !es credits - au
et permet ainsi d'inciter au travail !es paysans de la region. « En somme, profit, generalement, des plus gros planteurs, des plus « meritants » et des mill-
s'exclame-t-il, c'est de Ja transformation des mentalites qu'il s'agit, de cette tants de l'UNC 23• Des programmes de « developpement agricole » sont mis en
transformation des mentalites dont les economistes et l'experience mon- place et de grands projets, tels que !es zones d'actions prioritaires integrees
trent de jour en jour l'impact decisif sur !es meilleurs programmes de (ZAPI), lancees en 1967, sont mis sur pied pour accroitre la production 24.
developpement 19• » Comme toujours, ces programmes et ces projets sont Impulses, organises et
Nombre de specialistes fran~ais, en effet, considerent la « psychologie geres depuis le sommet de Ja hierarchie etatique et selon des methodes inspirees
africaine » comme Ja cle du developpement et recommandent la conversion par l'exterieur, sans jamais solliciter l'avis des populations.
des methodes de guerre psychologique dans le combat pour le developpe- Georges Courade resume bien Ja logique qui preside au « developpe-
ment et contre !es improductives <<valeurs traditionnelles ». « L'administra- ment » agricole dans le Cameroun des annees 1960 (et 1970), en filant ironi-
tion coloniale jadis, l'organisation administrative et Je parti depuls quement la metaphore chirurgicale chere aux theoriciens de Ja guerre
l'independance essayent d'inculquer une mystique du progres, explique par revolutionnaire (voir chapitre 20) : « Partant de l'idee qu'il faut remedier a
exemple l'economiste Philippe Hugon en 1968. Le röle de !'Union camerou- l'inefficacite economique des structures agraires en place, on se propose de se
naise acet egard est essentiel. Cette action de masse doit avoir un effet deter- substituer a elles, de les associer sous haute surveillance (traitement chirur-
minant surtout sur les jeunes. Le cteveloppement de la scolarisation et de gicaJ avec ou sans anesthesie), de Jes converfü par Ja persuasion, l'exemple ou
l'animation rurale permet de mod.ifier progressivement Ja mentalite tradition- la demonstration (traitement ordlnaire), de leur donner le "petit" coup de
nelle. [... ] Enfin, !es methodes psychotechniques exercent une influence pousse decisif dans le respect des equilibres ecoculturels (traitement homeo-
considerable, dont les sociologues commencent seulement a mesurer pathique). [... ]La comparaison medkale s'impose quant aJa demarche et aux
l'ampleur. La radio, le cinema et Ja presse du cceur seront peut-etre consideres methodes appliquees, celles de la mededne specialisee qui recourt aux labora-
demain comme ayant exerce l'effet determinant sur les changements psycho- toires d'analyses (les societes d'etudes du developpement) et aux armes chi-
logiques des Africains 20. » miques pour lutter contre la maladie (!'arme technologique contre Ja
Les plantations agro-industrielles, gerees soit par des capitaux etrangers, ~ous-productivite) en tenant plus compte de l'agent pathogene que du terrain
soit par !'Etat camerounais, soit par l'assoclation des deux, apparaissent ou il se developpe 25• »
bientöt comme l'exemple ultime de ce que do.it devenir l'agriculture came-
rounaise : disciplinee, hierarchisee et extravertie. Les programmes de « deve-
loppement » donnent systematiquement Ja priorite a ces installations, sur La militarisationde l'economie:
lesquelles ils comptent en retour pour entra1ner dans la bonne voie les « plan- le modeleisraelien
tations villageoises » environnantes, « gräce a [leurs] connaissances tech-
niques, a Deur] organisatlon bien rodee, a Ja qualite de [leurs] semences et a S'ils ont pour objectif de convertir Ja paysannerie au capitalisme mar-
[leurs] capacites de traltement i.ndustriel de la production » 21 . « Les cliand, les efforts du r6glme ont aussi pour vocation de poursuivre le combat
complexes agro-industriels, expliquera plus tard l'unlvcrsltnlre Plet Konlngs, rnntre les « öl0111t1 111~~ubvcrsifs », reels ou potentiels. La promotion de

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l'agriculture et l'encadrement serre de la paysannerle L~n,olgncnt des phobles Je gouvcrncrucot lsrncllcn developpe en effet d'ambilieux programmes d'aide
du pouvoir. Phobie de la diaspora et de la solidarite « bamileke », decrites militaire, agrlcole et eclucative, les trols domaines etant con~us comme
cornme une nouvelle forme de colonisation et un grave defl lance a 1'«unite complementaires, en direction des pays d'Afrique subsaharienne. Au Niger,
nationale» (voir chapitre 30). Phobie de la jeunesse egalement, en particu- par exemple, les lsraeliens s'occupent de la reconversion des soldats liberes de
lier de celle qui fuit les campagnes miserables pour les centres urbains. Phoble l'armee fran~aise et revenant d' Algerie 31• En Cöte-d'fvoire, apartir de 1961,
enfin, qui complete les precedentes, de la demographie galopante, de l'exode les memes lsraeliens installent un cen tre de formation de cadres et des fermes-
rural, de l'urbanisation. Le syndrome «New-Bell», quartier desherite de pilotes, et supervisent la mise en place d'un « service civique national » 32 • En
Douala, quartier des « etrangers » (c'est-a-dire des « Bamileke » et dans une Republique centrafricaine, des organisations de jeunesse et, au Ghana, des
moindre mesure des« Bassa»), qui vit naitre la plupart des grandes revoltes chantiers de pionniers sont mis sur pied sous supervision israelienne 33 .
populaires depuis 1945, reste entier (voir chapitres 1 et 8). Dans tous !es cas, c'est le modele israelien d'organisation de la jeuoesse
Ces phobies a Ja fois ethniques, politiques et territoriales avaient incite qui s'impose, en s'inspirant de deux structures: les Gadna, d'une part,
les concepteurs fran~ais du premier plan quinquennal, lance en 1960, apre- « bataillons de jeunesse » qui permettent l'encadrement des jeunes des deux
voir la rnise eo place d'un « service civil national>) pour ecarter les jeunes chö- sexes, de 14 a 18 ans, en leur proposant des marches, des discussions, des actl-
meurs de la « contamination revolutionnaire » en les eloignant des villes et vites culturelles et des travaux physiques dans un esprit paramilitaire; et les
en Jes assignant aun travail obligatoire et rigoureusement encadre 26• Mais le Nahal, d'autre part, qui regroupent !es jeunes adultes, hornmes et femmes tou-
projet, irrealiste, fut rapidement abandonne : Je budget qu'il devait absorber jours, pour des formations militaires et la creation de communautes agri-
etait incompatible avec les imperatifs securitaires plus immediats 27 . En 1965, coles pionnieres dans des regions encore sous-exploitees 34 • Pour les Israeliens,
pres d'un quart du budget total du Cameroun - auquel il faut ajouter une part comme le releve en 1971 un article sur la cooperation militaire israelienne en
importante de l'aide de la France 28 - reste consacre aux depenses strictement Afrique, « l'armee peut jouer un röte constructif dans la sphere non militaire,
militaires 29 ... par exemple pour l'amenagement agricole, Ja sante publique, Ja construction
C'est dans ce contexte, alors que la resistance d'Ernest Ouandie est de de routes et differents aspects de la formation de la jeunesse, dans le but
plus en plus isolee et qu'il devient urgent de penser au reclassement d'une notarrunent de soulager Je chömage urbain 35 ». Dans les deux cas, israelien et
partie du dispositif securitaire, que fusionnent progressivement !es imperatifs camerounais, l'armee constitue donc une Institution centrale de construction
securitaire et economique, dans une sorte de militarisation de l'econornie. Le de la nation par la repression d'un ennemi interieur anticoloniaUste.
colonel Jean-Victor Blanc, convaincu de l'importance de la dimension Lorsque le colonel israelien J. Amihai, conseiller technique itinerant pour
« socioeconomique » de la pacification, semble avoir ete un des principaux les questions de formation des cadres et de la jeunesse, rend visite au mini-
artisans de cette politique•. Le Genie militaire, constitue a partir d'aoO.t 1962, stere des Forces armees camerounaises en juin 1962, les autorites de Yaounde,
voit son röte se renforcer: les ponts, les routes, les pistes qu'il amenage servent constatant que les programmes qu'il propose correspondent en taut point a
simultanement a faciliter la penetration des « zones troublees » par les forces leurs attentes, tombent sous 1e charme. Les militaires de la Mission militaire
de !'ordre et a faciliter la circulation des marchandises, pour la plupart des- fran~aise au Cameroun voient egalement beaucoup d'avantages dans les
tinees a l'exportation 30 • La Garde civique, dont une part croissante doit etre projets israeliens et trop de desavantages a ne pas y participer: « II parait cer-
reconvertie, commence egalement ä voir son röle s'orienter vers la produc- tain que Je gouvernement camerounais songe a creer un service civique avec
tion economique, dans le cadre notamment de la perennisation des « camps ou sans la participatlon de la France, note le colonel Blanc. L'absence de la
de regroupement » (voir chapitre 29). France dans ce domaine nuirait a notre prestige 3 6a. »
Impossible d'evoquer la militarisation de l'economie camerounaise et le
reclassement des forces de !'ordre dans le processus productif sans men-
tionner le röle de la cooperation israelienne. Depuis le debut des annees 1960, c1 Sur cette thematique, on lira avec interet l'lnterventlon de Mehdl ßen Backalors d'un col-
loque sur la Palestine organise au Caire en avrll 196S. Le leader rnarocain y revela par
exemplc cet.te analyse, fonnulee en 1962 par l'anciea Haut Commissaire de la France au
Cameroun Roland rre, alors president du Bureau de recherches geologi.que et minleres
a Selon le general Semengue, le coJooel Blanc aurait ete reverse (sans deute en l 966) du (RRGM) et por1lsan lncondltionnel du soutlen de Ja France ä lsrai!l : • Nous devons consl-
ministere des Forces annees camerounaises au mln.lstere (camerotu1als) de 1'('.conomie et derer lsro!!Icommu lc rcmpln,ant de l'Occldent dans les reglons qui s'en sont detournees.
du Plan, Information que nous n'avons pu verlfler (entretlen des autcurs avec lc gfofrul Nous dcvQM volr 1111l~wi:1un outll de pfoetrallon de l'influencc de i'Occldent dans h!S
Sernengue, Yaounde, 21 döccrnbre 2007}. poy, so11~ d'Al1lql1C~, cl'A~tc.c·e~l prccts6mcnt pour ccla quc nous dcvons
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Ainsise nouent !es relalions israelo-camerounalscs.EH~~scront lntenscs. stirnulcr,lo pro111m1volr1 tu propagcr. j .•. IJeuncs du Cameroun, voilä un appel

Des le mois suivant, des experts israellens arrivent ä Yaound~et jcttent des a l'action, voll~unc noble rnlssionqul vous est asslgnee.Secouezennui, apa-
plans pour la creation d'organisations - des« bataillons de jeunesse„ pour les thie ou agitatlon, indlfferenceou revolte1 et venez en masseconstituer les bri-
12-18 ans et des « mouvements de jeunesse pionniere » pour les plus de gades enthousiastes de l'entreprise humaniste qui consiste a faire naitre un
18 ans - permettant, selon !es cooperants militaires fran\'.ais,1'«orientation monde Oll IIn'y ait plus de misere,Oll il n'y ait plus de tenebres 40 • »
des jeunes gens vers une vie de travail createur dans le cadre des activites du
gouvernement camerounais (creation de villagescooperatifs et introduction
de Ja cooperation dans le travail) 37 ». Quelques mois apres la signature des 1966-1972:l'operation« Yabassi-Bafang»
premiers accords de cooperation israelo-camerounais, en octobre 1962, et
quelques semaines apres la vlsite d'Ahidjo en Israel, en mai 1963, le ministre Rien n'est plus parlant, pour illustrer cette philosophie, que l'operation
de l'Agriculture israelien, Moshe Dayan, en tournee en Afrique, fait un pas- « Yabassi-Bafang» 41 • Ce vaste projet de« mise en valeur » du departement du
sage par Yaounde. En aout 1963, Ahidjo publie un decret creant des mouve- Nkam dans l'ouest du pays, entre Ies Iocalites de Yabassi et de Bafang,
ments « de jeunesse nationale et pionniere » et « de jeunesse et d'education concentre a lui seul toutes les preoccupations - securitaires,politiques et eco-
populaire » 38 • Des Camerounais commencent a etre envoyes en Israel. C'est nomlques - et toutes !es Inspirations, coloniale et neocoloniaJe,fran~aiseet
le cas, en aout 1964, de l'inspecteur de la Garde civique Gregoire Momo (voir israelienne, du regime Ahidjo. Lance en 1963, ce projet reprend une vleille
chapitre 29), qui part en formation a l'lnstitut afro-asiatiquedes etudes coope- idee coloniaJe : celle du deplacement administre de populations considerees
ratives et du travail, a Tel-Aviv39". Et blentöt des projets se concretisent : en comme trop nombreuses et trop mal encadrees - les Bamileke, en l'occur-
1966, des « villagespionniers » sont lnstalles a Minkama (Obala),au nord de rence - pour les mettre au travail, selon Ja« rationalite » voulue par l'interna-
Yaounde, et a Pitoa (Garoua),dans la partie septentrionaJe du pays. tionalisation des echanges marchands, dans des regions fertiles mais
Le discours d'Ahidjo a l'occasion de l'inauguration, en janvier 1967, de sous-peuplees. S'inspirant du transfert, par l'administration coloniale des
ce second vilJageresume, dans un condense fulgurant, la philosophle de son annees 1930, de certaines populations « Bamileke» vers d'autres regions du
regime. Apresavoir chaleureusement remercle !es experts israeliens, qui font Cameroun, Je regime Ahidjo et ses conseillers fran~ decident de concen-
profiter le Cameroun des experiences des kibboutz et de leur savoir-faireen trer Ieurs efforts sur le departement du Nkam. Sous-exploiteet sous-peuple,
matiere de colonisation agricole, il explique : « Nous voulons que nos villages ce departement recele un grand potentiel agricole, expliquent les respon-
pionniers, symboles prospectifs des villages camerounais de demain, soient sablesfranco-camerounaisqui en font Ja promotion.
!es centres ou les jeunes, ou, par-dela !es jeunes, !es ruraux, se forment a la
mystique du developpement, Ollse preparent I'evolution de la psychoJogieet
de Ja mentalite de l'agricuJteur,celle des structures sociales et des habitudes
familiaJesparfois peu propices au progres, Oll Je circuit d'autosubsistance est <1 Ace sujet, un telegramme de l'ambassade de France renouve dans les archives de Jacques
Foccart rev~lc un eplsode cocasse de l'hlstoire franco-africaine, assez eclairant sur lc
depasse, Oll on se situe resolument dans une perspective de rendement, de combat du reglme d' Ahidfo contre la • dcbauche de Ja feuncsse •· Le 10 mai 1968, « Mon-
rentabilite, de productivite et ou Je desir, d'aiUeurs fort louable, du profit sieur Smet, dit Johnny Hallyday, chanteur fantaisiste, a cause un esclandre le jour meme
n'ecarte pas Ja cooperation, le sens communautalre, le sens du servicecivique de son arrlvee i'IYaou.nde, ecrlt un conseHlerdlplomatique. Manifestement pris de bolsson,
U a declenche une rixeä l'hötel de l'lndependance, au cours de laquelle IJa frappe le mlni-
et de la solidarite. j ... ]Jeunesse engagee, jeunesse encadree, jeunessetrempee stre centrafrtcain de 1a FoncUon pu.blique quJ se trouvalt lä • (CARAN, FPU 562). Expulse le
ä l'ideologiedu parti pJa~nt le developpement, la constructlon nationale au four meme par avion, • Johnny •, « confortablement lnstal1e dans l'appareil •, livrera sa
creur de son programme,c'est eile qui doit etre l'apOtrede cette mutation psy- version des falts ä l'AFP: « Un type que fe ne pouvals cvldemment pas connaitrc a dlt des
choses desagreables ä notre Sujet, notamment parce que nous avons les cheveux longs. II
chologique du retour a la terre, de J'amour du travail; c'est eile qui doit la
m'a bouscute. J'ai proteste. Puls, il m'a empoigne en dechlrant mon polo.,. Le chanteur,
qui a dil annuler un concert, conclut avec mansuetude: «Je n'en voudral pas au pcuple
camerounals,. (AFP, 10 mal 1968). Ahldfo, l'annee suivante, devant le congres de l'UNC a
demander l'adheslon d'lsralH au Marchc commu.n • (• Lc röle d'lsral'l en Afrlquc •, /11 Caroua, llvrcra la morale de cette histolre, au cas ot1 subsisteralt le molnd.re doute: • II n'y
Mehdl BENBARKA, &rlts polltlq111'S
1957-1965, Syllepse, Paris, 1999, p. 205). u pas de plocc pour lc comportemcnt ycye, qul est le slgnc d'une jeuncssc inadapt.ee, algrle
a En 1970, la rcvuc culturellc marocalnc So11fl7('sconsld~re cet lnslltut comme unc succur- par le scntimcnt de !>On lnullllte, de sa non-particlpallon ä l'edlflcallon de son propre
salc lndlrcctc de la CIA, via lc wndlcal AH..-CIO<• lsral'I, mh~lon lm~rlallstc Cll Afrlquc •, avcnlr • (clt(I /11lt•,111-~ran~uhllAYART,• Lcsfonctlons du partl unlque. L'exempledu Came-
n° 19, 1970, p. 66-77).
S011{fl1•s. roun •, 111t\1111111,, ,i 1'11r de Paris, 1970, p. 136).
111~,1:111~

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11

En realite, le Nkam pose surtout un probleme s~curi.talrc et strat~gigue. Debut 1966,lc~ prcnllcrs « vlllages pjonnJers » sont donc lnstalies, en cha-
Sous-administre, il se situe al'intersection des principales zones de troubles : pelet le long c.lc.la route en construction Yabassi-Bafang. D'abord peuples de
le Wouri, le Mungo, l'Ouest et la Sanaga-Maritime. Gräce ases vastes focets, il gardes civlques reconvertis, ils accueillent ensuite un nombre croissant
constitue une utile region refuge pour la rebelJion, qui y installe des maquis et d'anciens « chömeurs bamileke » enröles dans !es grandes villes du Sud-
des centres de formation politico-militalre, et lui offre des voies de communi- Cameroun (en 1972, 1180 familles pionnieres sont installees dans Lazone 46").
cation relativement discretes. Bref, le Nkam echappe a l'administration offi- Dans ces villages, tout est contröle, surveille, encadre par l'administration,
cielle. Partant de ce constat, cherchant a isoler les differentes zones rebelles et l'armee ou Je parti. Les nouveaux « colons » se voient distribuer des terralns dont
a facillter l'organisation logistique de Ja « pacification » dans ce departe- ils deviennent proprietaires au baut de cinq ans, a condition qu'ils respectent a
ment, les responsables franco-camerounais confient au Genie militaire de la lettre !es prescriptions administratives : defrichement regulier, presence effec-
vastes chanti.ers : 85 k.ilometres de routes sont construits, entre Fopouanga et tive sur leur concession, construction d'une case eo briques de terre seche, etc.
Tombassala; et les tron~ons existants, de Bafang a Fopouanga et de Tombas- Les semences de cafe et de cacao, qui doivent etre utilisees selon les metbodes
sala a Yabassi, sont amenages. Les travaux ont ete con~us par des assistants auxquelles Ies pionniers sont prealablement formes, sont distribuees selon une
techniques fran~als et sont finances conjointement par !'Etat camerounais et planification predse. Et les recoltes sont gerees selon une organisation des plus
par le Fonds d'aide et de cooperation (FAC)fran~ais. Ils debutent en 1965 sous bureaucratiques. Chaque village est encadre par une stricte hierarchie de
la supervision, notamment, du colonel Blanc, et se poursuivront jusqu'en « comites de direction », « bureaux des foyers », «mutuelles>>, « cooperatives »
1970 42 • et autres « assodations » (de football, de couture, de parents d'eleves, de danse
Ce n'est que dans un second temps, a partir de 1966, pour rentabiliser folklorique, etc.). Autant de structures auxquelles s'ajoutent les inevitables hie-
!es couteuses infrastructures routieres et favoriser un rapide developpement rarchies de l'UNC et de ses organisations de jeunesse OesJUNC) et de femmes
des productions agricoles d'exportation (cafe, cacao), que la decision est prise (l'OFUNC). Le tout etant anime par d'actifs « responsables de Ja propagande ))
de transferer des populations Bamileke dans le Nkam. Etant donne la reti- derriere lesquels !es pionniers defilent au pas militaire en entonnant machina-
cence de ces populations aquitter leur terroir traditionnel pour une zone bos- lement les refrains a Ja gloire d'Ahidjo: « Vive, vive Je president Ahmadou
tile, des gardes civiques sont recrutes pour coloniser la zone Yabassi-Bafang. Ahidjo l/Cameroun mon pays/Nous voulons que tu deviennes plus grand/C'est
Eduques dans le culte du regime et formes pendant des annees al'autodefense pourquoi nous voulons travailler/Pour que tu deviennes plus developpe 47 • »
physique et psychologique, ces gardes civiques, que les autorites cherchent a Ces « villages pionniers », comme du reste l'ensemble de la politique
reconvertir, apparaissent comme une main-d'reuvre providentielle. de « developpement » du regime Ahidjo, aboutiront a de pletres resultats
L'expertise israelienne en matiere de colonisation agricole, de reconver- -Jean-Fran~ois Medard parle de« succes en trampe l'reil 48 »b. S'appuyant
sion des militaires et d'organisation militaro-agricole est alors mobilisee.
L'ancien inspecteur de Ja Garde civique Gregoire Momo, de retour de son
stage aTel-Aviv, est affecte a Nkondjock, au cceur geographique du projet, ou a Jean-Claude Barbier donne la composition • ethnique » des colons, rres majorltairement
est installee une ferme experimentale, et se voit confier le recrutement et • bamileke»: 96 %en 1965-1966, 93% en 1966-1967, 90,5 %en 1967-1968, 81 %en
1968-1969, 75%en 1969-1970.
l'encadrement des<<plonniers » 43• Etrangement, Momo effectue ce travail
ll Meme en termes securttalres, les resultats de J'operation Yabassi-ßafang sont mediocres.
d'encadrement avec Alexaodre Ter Sark.issof44 • En 1960, l'ancien prefet du Pou.r preuve, ce • BlLlletln de renseignements » du colonel franr;ais Guy Vamey, le 23 juln
departement Bamileke, initiateur de Ja Garde civique des 1959, s'est en effet 1969: "Les forces de !'ordre, mettant en ligne [en novembre 1968] plus de 3 000 hommes
reconverti en directeur de Ja Societe immobiliere du Cameroun (SIC, entre- dans Ja reglon sud de Bafang, daas le but d'assainir !es abords de Ja future route Yabassl-
Bafang et de tenter la destruction du Comlte Revolutionnaire d'Ernest Ouandle, n'ont
prise d'Etat) et, en 1962, en chef de la « representation technique perma- obtenu aucun resultat positif • (SHAT 10T636).
nente» de la Societe centrale pour l'equipement du territoire (SCET)45 • C'est Clnq mols plus tard, cet ex-lnstructeur ä l'Ecole superteure de guerre s'inqulete du manque
ce dernier organisme, filiale de la Caisse des depöts fran~aise mals place sous d'cnergie du gouvernement carnerounais ä l'egard de I'• expansion bami.leke •: « L'ouver-
ture de nouvelles terres de colonisation dans la zone Yabassl-Bafang est certes un essal pour
la tutelle du ministere camerounais de l'Economie et du Plan, qui organise et
canallser cette expansion, mais cette operatlon n'est que marginale au regard du flux ä
dirige l'operation Yabassi-Bafang de 1964 a 1970°. absorber. En Falt, les ßamileke semblent avoir vocatlon de se repandre partout. Pour J1 lns-
1:a,1t,la conquetc lslcldes grandes vllles constltue la poussee la plus spectaculaire et en par-
llcullcr Om.rnlu et Ynounde, outerrains, lmmeubles, petits commerces, moyens de
a La Soc.lete de developpement agro-tndus1Tiel du Nknm (SOl)l~KAM, ~ocll!t~d'~tat), dont trnnsporl pu,~1:nt p11uö peu dons leurs malns. Mals cl~läleur pr€lsence est sens.lble clans
Gr~go!rc Momo devlcndra vlcc-prtsldenl, prcndru lc rc.lo.lson 1970. quolqtic, \/tll1•,lhl l'/\\1.lllHIOUII
t'l du Nord, nvcc 111
mOmc pr&lllcctlo11 Cl'(tCt1vlt<!s.
L'expan-

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( I !}() J l !)71)

excluslvement sur la propagande, la coercltion et Lapcur, lcs • ölltcs » nc par- 32


viendront jamais ä faire oublier aux Camerounais le caractere foncierement
autoritaire et inegalitaire de ces politiques qui, passant par des expropria- Ladebacle
desKamerunais
enexil
tions foncieres massives,des remunerations minimales et des vexations per-
manentes, vont a l'encontre des interets fondamentaux et des aspirations (1963-1969)
profondes de Ja popuJation. Excluant par la contrainte Ja majeure partie de la
popuJation des secteurs remunerateurs (administration, industrie,
commerce, etc.), cette « dictature du developpement 49 » ne benHicie en
• La sttuatlon g~nerale de la revolution est excellente. •
somme qu'ä une poignee de riches planteurs autochtones, de prebendiers de
Castor ÜSENOE AfANA, 30 mal 1965 1.
J'administration et d'investisseursetrangers.
Le regime n'en poursuivra pas moins, avec obstination, son engagement
dans Ja voie de Ja mllitarisation de la societe. Apresavoir erige, en 1969-1970,
le principe de « defense populaire » en dogme, de fa~on a renforcer Je « lien
armee-nation so» et ä assurer la defense en surface du territotre•, il instaurera
en 1973 un service civique national de participation au deveJoppement
(SCNPD)visant, seJon Jesbesoins et en s'insplrant de la philosophie qui pre-
side dans Jes vlllages pionniers et !es organisations de jeunesse, a encadrer ,,,,
"tous les citoyens camerounats de l'un et l'autre sexe de 16 ä SS ans», a les
deplacer le cas echeant hors des villes ou les maintenir dans les campagnes,
et ä les faire participer au « developpement » si. Signe d'une certaine commu-
naute de vues entre Ahidjo et son successeurPaul Biya,l'echec total de cette
E touffer le peuple ne suffit pas. Certes, les troupes d'Ernest Ouandie,
reduites ä quelques centaines d'hommes, se font de plus en plus dis-
cretes. Certes, la population, soumise ä une propagande constante, mani-
rnesure n'empechera pas ce dernier, dans un discours televise du 10 fevrier feste son « enthousiasme » pour le chef au moindre stimulus. Mais les
2008, de faireason tour allusion au SCNPDcomme un moyen de « facillter Le autorites de Yaounde ne sont pas dupes. Elles savent que cet enthousiasme
rearmement moral et l'insertion sociale et professionnelledes jeunes 52 »... factice ne s'appule que sur la terreur, le silence et la delation . ., A l'epoque
d' Ahidjo, se souvient un ancien maquisard, la politique etait comme un ser-
pent que taut le monde fuit. Une fallait causer avec personne, car presque
sion rurale est lente et se limlte aux abords lmmedlats du plateau, surtout vers le Sud
(Mungo). Contenue jusqu'lct en directlon du pays Bamoun, la poussee flnJra fatalement
tout le monde etait espion 2• » Telleest l'atrnosphere qui regne alors au Carne-
par deborder la rivierc Noun, consid~r~e comme frontlere par le sultan de Foumban. roun. Mais, dans les rapports secrets que les fonctionnaires et les rnilitalres
Reconnus depuis peu par le gouvernement camerounaiS comme un des elements !es plus sont tenus de rediger en permanence sur l'« etat de l'opinion publique » 1 la
dynamlques de 1a natlon, lls prosperent de plus en plus au grand jour. [... ] 11est ~vldent revolte latente apparatt constamment.
que cette expansion bamUeke souJeve les ressentlments d'autres ethnies supplant~s sur
leur propre tenaJn, tels aujourd'hul les Douala et les Ewondo. II n'est donc pas exclu qu'icl MaJgrela censure, Ies espoirs populaires se reportent sur les evenements
ou lä quelques vlolentes manifestatlons ne se d&lenchent un jour contre ces gens, trop qui se deroulent a l'exterieur des frontieres. Ainsi en va-t-il en aofit 1963,
habiles en affalres, que sont les ßamliek~ • (Guy VARNEY,• Bulletin de renselgnements •, lorsque le dictateur congolais FulbertYoulou,installe au pouvoir aBrazzaville
3 novembre 1969, SHAT 10T636).
On retrouve dans ces extraits Ja focallsation recurrente des mllltalres franr;ais sur le par la France en 19S8,est renverse par une revolte populaire. "La masse des
• calllou bamlll?ke •, pour reprendre les mots du colonel Lamberton en 1960,ou l'• expan- Camerounais se felicite plus ou moins ouvertement du geste des Congolais,
slon de cettc race envahlssante •, pour reprendre ceux du commandant Wirbel en 1962 que certains considerent comme un exemple a suivre, constatent en sep-
(Commandant WIRBEi., « ßuJJetln particuUer de renseignements •, 11 mal 1962; SHAT
IOT636).
tembre 1963 les responsables militaires fran~ais installes a Yaounde. Nom-
a Lcs fonctlonnalres des grandes ecoles camerow1alscs se voient alnsi assujcttls ä un scrvke breux sont ceux qui accusent les chefs d'Etat africains de l'UAMd'etre des
mllltaire obligatoire car, explique le mlnistre Sadou Daoudou, « un fonctlonnalrc de neocolonialistes et de profiter des avantages materiels du pouvolr. La per-
commandement dolt savoir [... ) comment assumer, avec quelques hommes en armes, la sonne du president Ahidjo est rarement mise en cause, mais son entourage est
securite d'un gros depöt d'essencc, d'un centre radio, c'est-.\-dtre d'un polnt sensible•
(Agence camerounalsc de presse, 10 novcmbre 1969,clt~ /110,1vld KoM,le Cn111ero1111. li.uni severemcnt crltlqu~ pour son incapacite et sa corruption 3• »
d'111u1lyse
ko110111/q11ret pulltlq11e,l.'llurnrnll!ln, l'orlb, 2001 (r~(•<I,),p. 96).

595
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Guerrediplomatique: neocolo11loll:.mc, sont lnipllcitement condamnes. Comme le note trois ans


l'UPCperdprogressivernent
sessoutiensafri.cains plus tard lc journaliste fran~ais anti-lmperialiste Albert-Paul Lentln, l'OUA
n'est qu'un « syndicat de chefs d'Etat », un « organisme de protection
Dans le Cameroun des annees 1960, on reve de revolutions par procura- mutuelle» et l'unite africaine qu'elle proclame rien d'autre qu'un « ecran
tion. Le pouvoir le sait. Et s'en inquiete d'autant plus qu'il observe les upe-
comrnode pour la defense du neoconservatisme » 6 •
cistes en exil s'activant pour relancer la « revolution kamerunaise ». Comme Pour Ies autorites de Yaounde, qui connaissent Laproximite des regimes
en temoignent les diverses lettres envoyees par Ernest Ouandie et inter-
« progressistes » africains avec Ies upecistes, la signature d'un tel accord, pour
ceptees sur son agent de liaison « Fermete » debut 1964, c'est de l'exterieur
lequel elles ont activement mllite, ne peut mieux tomber. Des Iors, elles pour-
que le « camarade Emile » attend maintenant le salut. Parmi ces courriers, plu-
ront renvoyer les regimes qui aident l'UPC ä la Charte de la nouvelle organi-
sieurs etaient en effet des appels al'aide : au Parti communiste frarn;ais, aux
sation et les prendre a parti.e devant l'« opinion internationale». Dans bien
Premiers ministres tchecoslovaque et est-allemand ou encore aux presidents
des cas, les principes de .l'OUA ne seront pas respectes. Mais, en ce qui
du Congo-Brazzaville et de la jeune republique algerienne ... Aucune de ces
concerne le Cameroun, les engagements d' Addis-Abeba ne restent pas de
lettres n'arrivera adestination 4.
Depuis les annees 1963-1964, la configuration diplomatique est favo- vains mots : tres vite, les relations de l'UPC avec ses partenaires habituels se
rable au regime Ahidjo. A la faveur de la « detente » qui s'instaure entre les deteriocent.
Etats-Unis et l'Union sovietique, la plupart des chefs d'Etat africains sem- L'Egypte, signataire de la charte de l'OUA, apparait comme un symbole
blent rechigner a n'etre que les Instruments des grandes puissances. Les ten- de ce desamour. Refuge des upecistes en exil en 1957, plaque tournante des
sions restent vives entre les pays dits « progressistes >>,regroupes au sein du activites de Moumie jusqu'en 1959, sa capitale, Le Caire, est aussi Je siege du
groupe de Casablanca, et les regimes dits « moderes », reunis autour du groupe secretariat permanent de !'Organisation de solidarite des peuples afro-asia-
de Brazzaville (voir chapitre 27), mais Latendance est al'apaisement. tiques (OSPAA), ou la question kamerunaise, poussee par Osende Afana,
Au lendemain de l'assassinat du president togolais Sylvanus Olympio, le revient regulierement a !'ordre du jour. Mais !es resultats y sont decevants
13 janvier 1963, la rencontre des presidents Houphouet-Boigny (Cöte- pour les upecistes. Dans les premieres annees de la decennie, le representant
d'Ivoire), Sekou Toure (Guinee) et Modfüo Keita (Mali), en fevrier, sonne du Front de liberation nationale algerien Mohammed Harbi, le delegue de
comme une premiere etape de cette detente interafricaine. Les trois chefs l'Union nationale des forces populaires marocaines Mehdi Ben Barka et Ies
d'Etat condamnent les ingerences etrangeres et les activites subversives visant emissaires de Ja Chine populaire ont beau defendre a chaque seance du
ä destabiliser Ies regimes adverses. AJlie de Sekou Toure et de Modibo Keita Conseil l'option du soutien actif al'UPC, les Etats comme l'URSSou l'Egypte
au sein de !'Union Ghana-Guinee-Mall, le Ghaneen Nkrumah, particuliere- s'y opposent regulierement. « ll y avait un debut de scepticisme, se souvient
ment vise par ses trois voisins francophones, apparait isole. Se sentant lui- Mohammed Harbi, aujourd'hui historien, quant a la possibilite des Came-
meme menace par toutes sortes de « complots », il se range a son tour, bon rounais de pousser tres loin la lutte armee 7 • »
gre mal gre, a la position de l'intangibilite des frontieres coloniales. Car, Pire, la politique exterieure du Caire ne mise plus non plus sur I'UPC. Des
comme les autres, il cherche a stabiliser son regime en anesthesiant, par le mois d'octobre 1962, Nasser accueille Ahidjo pour une semaine de visite
accord mutuel, Ies rivalites avec les puissances exterieures. Plutöt que de officielle. L'annee suivante, si l'on en croit les services de renseignements
s'orienter vers un gouvemement continentaJ, les leaders africains preferent camerounais, « Je Mouvement de solidarite afro-asiatique [s'est] rendu
rester chacun maitre eo son royaume. compte de l'inefficaclte de l'UPC a l'interieur du Cameroun et de sa non-
C'est cette philosophie qui preside a Ja creation, a Addis-Abeba en representativite sur Je plan international», et aurait donc decide de « cesser
mai 1963, de !'Organisation de l'unite africaine (OUA), resumee dans sa toute aide )>en sa faveur 8• La Guinee enfonce Leclou et suit le meme chemln
Charte: egaJite entre les Etats membres de la nouvelle organisation, non-inge- que l'Egypte: Sekou Toure, pourtant ami fidele de Felix Moumie avant l'assas-
rence, respect de la souverainete et de l'integrite territoriale de chaque Etat, sinat de ce dernier, etablit, Je 13 septembre 1963, des relations diplomatiques
condamnation des activites subversives 5 . Seuls les mouvements qui Juttent avec le Cameroun d'Ahmadou Ahidjo, jadis considere comme Lesymbole
contre le colonialisme düect, notamment portugais (Angola, Mozambique, honni du n~ocolonialisme fran~ais en Afrlque 9 • De nombreux upecistes
Guinee-Bissau, Cap-Vert, Sao Tome), sont encourages et assures du soutlen de exil~s quittcnt olors la Guinee pour rejoindre le Ghana 10• Laau moins, pen-
l'OUA. En revanche, ceux qui protestent contre le colonlallsrne indirect, ou sent-lls, lls t ro11vcro11l 11
~111soutien indefectible •

S96 597
L,ut/(1/Jtklv 1•11elll (.1963-19/W)
1//'\ K111111•1111111h
Unedlrtntme (tn11~afrlcnlm•
( 1961-1971)

reguli~rement de passage dans .la capitale algerienne. Les militants came-


« Chers combattants de la liberte du Cameroun, .lancc bient0t la radio
rounals s'empressent de rejoindre te nouvel eldorado.
La Voix du Ghana depuls Accra, prenant la succession de ta Guinee, te Ghana
Pour savoir ce qui se passe en Algerie, !es services franco-camerounals uti-
vous soutiendra jusqu'a I'independance reelle de votre pays et, a cet effet,
lisent les methodes classiques (espionnage, infiltrations, retournements), qui
vous fournlra aide, assistance et armes en vue de votre liberation. » Voila un leur permettent assez rapidement de suivre la recomposition de l'UPC d'Alger,
message rassurant pour les revolutionnaires kamerunais. Les autorites came- de compter Je nombre de Camerounais qui s'entrainent militairement a la
rounaises, pourtant, ne s'inquietent pas. Cette declaration, note te SEDOC en frontiere du Maroc, de connaitre Ies soutiens algeriens ou internationalistes
novembre 1964, « n'a rien pour surprendre lorsqu'on salt qu'en depit de son dont ils beneficient'. Soupr;onneux al'egard de leurs propres camarades, dont
desir de normaliser la situation avec les pays africains dont il soutient les agi- la plupart sont pourtant sinceres, !es militants camerounais installes aAlger se
tateurs sur son territoire, le president Nkrumah eprouve de serieuses diffi- mefient moins des lettres que leur envoieot leurs familles depuis Je Came-
cultes de devoir sacrifier, aux yeux des extremlstes socialisants, son etiquette roun. C'est ainsi que, se faisant passer pour leur mere, leur sreur ou leur frere,
de principal supporter des dits "mouvements revolutionnaires africains" 12 ». Je directeur de la Sfirete camerounalse Paul Pondi recolte de precieuses infor-
De fait, Ies autorites ghaneennes font montre d'une certaine ambiguile a mations sur le moral de ces exiles 17 • II y a ceux qui croient dUI comme fer a Ja
l'egard des « combattants de la liberte » carnerounais. Certes, elles conti- revolution et voient dans l' Algerie la nouvelle base de Ja reconquete. Et puis
nuent de !es soutenir et acceptent qu'ils stationnent et, eventuellement, se ceux, de plus en plus nombreux, qui flechlssent et se lassent.
forment rnilitairement sur son terdtoire. Mais, echaude par la guerre intes- Qu'eUes viennent d'Alger ou d'ailleurs, !es Informations de la periode
tine qui dechire l'UPC et provoque remous et rumeurs a Accra depuis 1962 sont donc rer;ues comme « positives» par le regirne Ahidjo. A commencer par
(voir chapitre 28), Nkrumah prend ses distances avec !es upecistes. S'il cette nouvelle hautement symbolique : la mort en avril 1964 dans un höpital
conserve des contacts avec Woungly-Massaga, ll alme autant envoyer son du Caire d' Abel Kingue, l'ancien vice-president de l'UPC, terrasse par une
« conseiller » camerounais dans les « pays freres » faire Ja promotion de ses longue maladie. Dans Ja foulee, en septembre 1964, on apprend Je ralliement
ceuvres - son ouvrage sur le « consciencisme », paru en 1964, notamment - d' Aloys Njock, rempla~ant d'Osende Afana au Secretariat afro-asiatique au
plutöt que de le voir röder dans les faubourgs d'Accra. Des l'ete 1964, !es ser- Caüe, et d'une bonne partie des upecistes installes dans la capitale egyp-
vices secrets franco-camerounais, qui observent le lent divorce des revolutioo- tienne 18• A Alger, le renversement d' Ahmed Ben Bella par Je colonel Houari
naires ghaneens et camerounais, se felicitent 13• Suite aux resolutions de Boumediene en juin 1965 sonne comme une nouvelle victoire pour
l'OUA, indique le SEDOC en aout 1965, « le Ghana doit [... ] se debarrasser de Yaounde: !es upecistes sont pries par Je nouveau pouvoir de mettre un bemol
ses hötes revolutionnaires, ne serait-ce que pour quelque temps 14 ». Croyant a leurs revendications. Et quand intervient le coup d'Etat contre Kwame
venu Je temps de recolter les frujts du divorce, Je regime envoie, en marge Nkrumah, en 1966, c'est l'apotheose: les upecistes qui sont encoce presents
d'une reunion de l'OUA organisee a Accra, !es plus hauts grades de ses ser- a Accra, Jean-Martin Tchaptchet et Michel Ndoh en tete, sont mis en prison
vices policiers et militaires - Jean Fochive, Pierre Semengue, Gilbert Etobe et pour de longues annees. Coupe de ses allies internationaux et de ses soutiens
Pierre Minlo Medjo-pour tenter de rallier Massaga. Une rencontre sera orga- interieurs, Ernest Ouandie, traque dans les maquls carnerounais, n'a jamais
nisee entre Semengu.e et Massaga, en 1964 ou 1965, mais se conclura sur un ete aussl seul.
echec. « J'ai eu la ferme conviction qu'il ne savait pas ce qui se passait reelle-
ment au Cameroun, notera plus tard Semengue. n etait tellement affirmatif et
sfir de sa victoiie 15• »
Au milieu de ce sombre paysage, les upecistes aperr;oivent tout de meme
quelques embellies. Du cöte d'Alger notamment. Independante depuis 1962,
apres plus de sept annees d'une guerre cruelle, l' Algerie de Ben Bella devient la a Repute proche de J'UPC, un certain Andre Nguimbous, attache de presse au ministere alge-
nouvelle plaque toumante de la revolution dans le tiers monde. On y croise rlen de !'Information puls chef de se.rviceau minlstere de la Reconstructlon, donne alors
semble-t-11de precieuses informatlons aux ambassades camerounalses d' Alger et de Tunis,
!es representants de tous les mouvements de liberatlon afrlcains. On y ren- et tentc de ret.oumcr ses • camarades •· « En Algerle, notent !es autorites camerounalses, II
contre ces « pieds-rouges » franr;ais venus aider la jeune r~publlgue 16• On y se trouvc dcvnnt un vaste champ d'actlon pour continuer sa misslon de reconverslon de la
!lt avec fierte la revue de l'avocat Jacques Verg~s, Rtvo/111/011 rrfrlcnine.On mor,11110 ilt'• rol1<'lll'~r<:fugl€:sdons ce pays •; JI sern expulse par lcs autorltes aJgcrlennes
d~hlll lfl(;(i(llt111p1111lh.1 l'oul l'ondl au M!nD~I~, 31 mnr~ 1966 i 1\NY, li\i\366/l).
pourra ml:!mey ecouter les dlscours cnfla1111111:~ d'l~m,1,10 Cl1c·Gucvara,

599
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( I «l(JI. I !)11) l.a d/l/Jflcll11//!S <J11l!.tll (l!J6.1-l!>t.,9)
K111111•n11111/.~

DivisiotlSinternes: l'UPCperd lt1« demierecfumce» « verbal » 22• Au cours de ces rencontres internationales, les organisateurs se
de la « solidariteafro-asiatique» plaignent rnl!me, en coulisses, de ces « revolutionnatres kamerunaJs » a la
petite semajne, trop bavards, trop jouisseurs, trop sOrs d'eux-memes. David
Rejetes par leurs allies et espionnes par leurs compatriotes, les upecistes Korn, etudiant upeciste installe ä Moscou tout au long des annees 1960, rap-
en exil ne parviennent pas a faire taue leurs querelles internes (voir cha- porte ä ce propos une anecdote interessante. Charge de guider un dirigeant de
pitre 28). Au contraire, celles-ci empirent a mesure que les difficultes s'amon- l'UPC en visite aMoscou, il s'inqulete de voir son camarade se goinfrer dans
cellent. D'officieuse, la guerre entre clans « prochinois » et « prosovietique » les meilleurs restaurants de la ville. Certes, lui explique-t-il, le Comite sovie-
devient officielle. Regroupes au sein du Comite revolutionnaire, les « proso- tique afro-asiatique payera sans broncher les additions qui s'empilent. Mais II
vietiques », ou supposes tels, voient dans chaque ralliement au regime Ahidjo faut savoir limiter les depenses inutiles, car les autorites sovietiques jugent la
la main de Ja Chine populaire. Le ralliement d'Aloys Njock n'intervient-il pas qualite et la moralite de leurs hötes sur les notes de frais.« Dans nos entretiens
au momeot meme ou Pekin envoie une « mission de bonne volonte » a avec les Sovietiques, constate en effet l'etudiant upeciste, l'expression "train
Yaounde pour aplanir !es d.ifferends entre les deux capitales 19 ? Les « pro- de vie des dirigeants des mouvements de Liberation" revenait souvent 23• » Et
chinois >,,rassembles autour de Ndeh Ntumazah, Osende Afana et quelques les Sovietiques, en ces temps de« detente », ont plutöt tendance ä Limiter les
autres au sein d'un bureau du Comite directeur provisoire (BCD-P), n'ont frais de bouche des revolutionnaires exotiques ...
aucun mal ä trouver la replique: l'URSS,deja representee a Yaounde aux cere- Autre temoignage interessant, celtli qu'envoie en 1964 l'un des Came-
monies d'independance de 1960, etablit des relations diplomatiques avec le rounais d' Alger pieges par Paul Pond!, Emmanuel Wikouoneyi. Fatigue par les
Cameroun en mars 1964 et invite bientöt le dictateur camerounais ä Moscou agissements des upecistes, H confie son amertume en croyant ecrire ä sa
pour une visite officielle 20 • A Paris, !es rares journalistes qui s'interessent famiUe: « ]'ai beaucoup reflechi sur ces gens et ma deduction est qu'ils ne peu-
encore ä la question s'amusent de Ja guerre qui desagrege l'UPC en exil 21 • Ail- vent aller loin. A present ils ont fait ici un tres grand scandale en bouffant
leurs, la ou le mouvement d'Um Nyobe et de Moumie a garde des allies, on se 15 millions + 2 millions que les autorites avaient remis ä trois de leurs respon-
desespere et On s'irrite. sables (faction "Comite revolutionnaire") pour envoyer au maquis en vue
Quelle que soit leur « tendance », les upecistes en exil commencent ä d'achat de materiel de combat. L'affaire etait portee au grand jour ä la tribune
avoir mauvaise presse jusque dans les milieux revoJutionnaües du tiers publique lors de la VI• session du Conseil de solidarite des peuples afro-asia-
monde. Mal informes de ce qui se passe dans leur propre pays, passant leur tiques tenue a Alger en mars demier. Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas
temps äse denoncer entre eux plutöt qu'ä lutter contre Je regime Ahidjo, les pour Je mieux dans cette orgaoisation maintenant. Tu sais que maintenant la
opposants camerounais se transforment en revolutionnaires abstraits. Par- direction politique s'est divisee en deux; donc deux tendances se disputant
lant au nom d'un « peuple kamerunais » avec lequel ils n'ont plus aucun lien la representativite. Chaque tendance a ses pays souteneurs. Mais le temps me
et dont ils ne connaissent pas les souffrances quotidiennes, ils se conteotent manque pour bien te les decrire. Ici, ils jouent ä Ja diplomatie des coulisses
de lancer aux quatre coins du monde des diatribes theoriques contre les aupres des puissances etrangeres, mais leur surface d'action est tres tres
« noirs complots de l'imperialisme• ». Tourlstes politiques recyclant les reduite dans les milieux camerounais. [... ] Les upecistes cherchent äprement
slogans ä la mode pour seduire leurs sponsors potentiels, ils continuent d'etre les lettres pour [!es] enröler dans leur reseau de diplomatie. ll y a enorme- .
bien accueillis et applaudis. Mais leur presence sur les tribunes du monde ment d'histoires ici entre eux. C'est ainsi que des quarante-trois Came-
entier sert surtout de caution interne aux regimes « revolutionnaires » qui se rounais recemment arrives dans les casemes, ici, pour subir une formation ä la
gargarisent, ä peu de frais, d'aider leurs « freres » du tie:rsmonde. guerre de guerilla, presque Ja moitie ont dejä deserte et travaillent ici comme
L'universite de Moscou organise une « journee de solidarite internatio- manreuvre ou autre 24 • »
nale avec le peuple kamerunais » en fevrier 1964? Le Conseil de solidarite Plus encore que leurs depenses inconsiderees ou leur fächeuse tendance
afro-asiatique, reuni ä Alger en mars 1964, s'insurge contre la presence des ä detourner !es fonds qui leur sont confies, c'est l'incapacite des revolutlon-
militaires fran~ais au Cameroun? Ce soutien, notent avec soulagement les naires camerounais ä s'unir qui fait enrager les animateurs du mouvement
services de renselgnements fran~ais et camerounais, est purement afro-asiatique. A la VIesessi.ondu Conseil de solidarite afro-asiatique d' Alger,
en 'rnars 1964, pas moins de trois groupes pretendent representer l'UPC ! Les
a Le dlscours d'Henri Hogbc Nlcnd ä lianoY Je20 cl~ccmbrc 1964 on cst u11bon exl!mplc organisatcurs de In rcnconrre, ne sachant ä qui se fier, interdiront les « Kame-
(<www .con lrc-111
forma tlon s.fr.>).
runals)} de primlcl'l lc11rdcntandcront instamment de faire le menage dans

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leurs rangs 25• Un an plus tard, au cours du Congres de l'Organlsatlon de soli- La p~rlodc csl cn effet marquee par un etrange paradoxe: alors que l'idee
darite des peuples afro-asiatiques (OSPAA)qui se tient aAccra debut mai 1965 de « revolution » cnflamme les etudiants des metropoles occidentales, alors
et jette Ies bases d'une alliance tricontinentale integrant les mouvements de que l'opinion internationale parait plus interessee que jamais par les pro-
Liberation latino-americains, Jes militants upecistes sont soumls a un uJtl- blemes du tiers monde, alors qu'on ne parle que de coordonner les luttes
maturn : ils ont six mois pour se federer. Quelques jours plus tard, Ntumazah d'emancipation, !es mouvements d'opposition aux clictateurs africains pro-
envoie une lettre aJarmiste a ses multiples rivaux. « II ne nous reste plus que fran~ais ne mobilisent presque personne. Le paradoxe est particuüerement
deux solutions : nous un.ir et devenir membres de ce camp, ou ne pas nous frappanten France, ou la jeunesse radicalisee des annees 1960 semble avoir
unlr et etre rejetes hors de ce camp. Nous devons choisir l'unite parce que Ja efface les pages pourtant ä peine tournees de la fausse decolonlsatlon en
revolution kamerunaise ne peut pas travailler dans l'isolement. [... ] A mon Afrique, de la guerre d'Algerie et des« crimes de l'armee fran~aise 29 » : eile se
avis, c'est notre derniere chance 26 • » Analysant sans doute cet appel desespere passionne apresent pour Ja guerre du Viet-nam, !es epopees de Che Guevara,
comme une nouvelle intrigue teleguidee en sous-main par !es « imperia- et !es discours rageurs de Malcolm X ou d' Angela Davis. Changement
listes » par l'intermediaire des « traitres prochinols », les adversaires de Ntu- d'epoque : on est passe du combat contre Je « coloniaJisrne » europeen, que
mazah baJaieront !'initiative d'un revers de main. seul le Portugal de Salazar semble encore incarner, ala lutte contre 1'<' imperia-
Six mois plus tard, en janvier 1966, s'ouvre la grande conference Tricon- lisme » arnericain, architecte universel de l'exploitation capitaliste, ou contre
tinentale de La Havane. Preparee notamment par Mehdi Ben Barka (avant son le « totalitarisme » sovietique, en oubliant au passage ceux qul se debattent
assassinat survenu en France en octobre 1965), la conference est un des evene- contre Je neocolonialisme des puissances intermediaires.
ments monctiaux les plus retentissants depuis la conference de Bandoeng de L'inflexlon de Ja diplomatie gaullienne joue un röle important dans cette
1955. Vingt-neuf chefs d'Etat, quatorze delegations gouvernementales, des evolution. Consideree comme le bastion d'un colonialisme retrograde et tor-
dizaines de mouvements de liberation et de partis d'opposition, representant tionnaire jusqu'au debut des annees 1960, la France change d'irnage avec
pas moins de quatre-vingt-deux pays, se rassemblent pour dire ensemble, ä l'independance de l'Algerie. Certes, les militants anti-lmperialistes du rnonde
quelques kilometres des cötes americaines, leur haine de l'imperialisme. entier savent en generaJ qu'elle profite aplein du systeme neocolonial qu'elle
« Cette grande humanite, lance la resolution finale, a dit: Assez ! Et eile s'est
entretient en Afrique (Ja plupart ignorent toutefois que des officiers fran\'.ais
mlse en marche. » L'UPC, embourbee dans ses querelles internes, reste sur le forment aussi secretement des rnilitaires latino-americains a la guerre contre-
bord du chemin : elle n'a meme pas ete invitee aLa Havane 27 • subversive). Mals de Gaulle passe egaJement- et c'est cela qui Importe d'abord
Pour la plupart des observateurs, le combat de l'UPC est termine. En ä l'epoque - pour un adversaire des Etats-Unis : il etablit des relations diplo-
1967, Gerard Chaliand, ancien collaborateur de la revue Revolutionafricaine, matiques avec la Chine populaire (1964), prononce des discours tonitruants
enterre meme definitivement Ie president du Comite revolutionnaire Ernest a Moscou et a Phnom Penh (1966), s'oppose vertement ä la politique lsrae-
Ouandie, dont il juge la mort «probable» avant 1963 28• L'histoire ne dit pas Uenne et sort Ja France du commandement integre de l'OTAN (1966-1967).
si le « camarade Ernile », qui vadrouille ä l'epoque entre le Mungo et l'ouest du Ces symboles sont forts ä !'heure ou les Etats-Unis apparaissent comme
Cameroun, a eu l'occasion de Ure cet acte de deces premature publie ä Paris l'ennemi supreme et Ja dble privilegiee, sinon unique, aux yeux des« revolu-
par le specialiste des guerillas africaines ... tionnaires » du monde entier, du Viet-nam ä la Bolivie en passant par l'ex-
Congo beige. Pour beaucoup de progressistes, la France apparait alors comme
un moindre mal, voire comme un allie indirect dans Ja lutte contre
Washington.
L'etaude la diplomatiegaullienne Si la strategie gaullienne met l'UPC en porte a faux, eile inquiete ega.le-
et la « fenetre» de Brazzaville ment Ahidjo. Car, apres avoir verrouille le systeme neocolonial sur l'ensemble
du pre carre fran~ais, Je pouvoir gaulliste s'autorise quelques variatlons.
La debacle des upecistes en exil ne s'explique pas seulement par !es diffi- Notamment ä la frontiere sud du Cameroun, ou le General et son conseiller
cultes materielles, les tensions et les frictions que provoquent immanquable- Jacques Foccart soufflent Je drnud et le froid. Laissant, d'un cöte, le CongoJais
ment la lutte clandestine et Ja coupure avec ceux qul se battent encore au Fulbert Youlou se faire renverser par une revolte populaire et un regime
pays : ils sont emportes dans un maelström geopolltique qui les depasse. Et marxistc s'lnstol lcr au pouvoir ä ßrazzaville (ao0t 1963), ils s'empressent, de
pas seulement ä cause des princlpes conservateurs Mlct~s pnrl'OUA. l'autrc cOt~,(l'cnvoyl'r lcs t roupes fran~aises pour remettre le Gabonals Leon

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M'Ba sur son tröne apres un coup d'C:.tatmilitaire (fevrlcr l 964). Ces lncoM- «Deuxiemefront» ?
rences alarment Je dictateur de Yaounde : s'il devait a son tour etre bouscuJe
De l'echecd'OsendeAfana...
par un coup d'Etat ou une revolution populaire, Je tandem de Gaulle-Foccart
le laisserait-il sombrer, ou accepterait-H de Je repecher"? Parmi les dirigeants de l'UPC en exil, c'est Osende Afana qui saisit le plus
La question n'est pas simplement theorigue. Le renversement de Fulbert töt l'opportunite qu'ouvre le changement de regime a Brazzaville. Intellec-
Youlou et son rempJacement par Je regime « revolutionnaire » d'Alphonse tuel reconnu, auteur d'une these d'economie qui sera publiee en France par
Massamba Debat bouleversent eo effet Ies equilibres politiques en Afrique Pran\'.oisMaspero 32 , il beneficie d'un soutien solide des Chinois et de contacts
centrale. BrazzaviUedevient le nouveau pöle d'attraction des revoJutionnaires utiles au sein du nouveau regime congolais. 11s'installe a Brazzaville, dans les
africains. Les mllitants du Mouvement populaire de liberation de !'Angola mois qui suivent le renversement de Youlou, avec un petit groupe de fideles,
(MPLA),se rapprochant ainsi de Jeur pays d'origine, et une partie des lumum- et commence a recruter des rnilitants parmi les Camerounais presents sur
bistes chasses par Je coup d'Etat de Mobutu au Congo-Leopoldville voisin y place dans l'objectif d'ouvrir bientöt un nouveau front au sud du Cameroun.
installent aJors des centres d'entrainement. Les Chinois, Ies Sovietiques et sur- La situation est pourtant moins facile qu'il y parait. Car, pour revolution-
tout les Cubains, apres la visite d'E:rnesto Guevara ä Brazzaville en jan- naire qu'il se declare, le nouveau regime de Brazzaville sait qu'il ne doit son
vier 1965, y debarquent en force, foumissant ä leurs allies des armes et des arrivee aux affaires qu'ä la tolerance de la France, qui s'est refusee a inter-
formations militaires 30• venir pour soutenir YouJou. Pour Massamba Debat et son entourage, il s'agit
Alors qu'aucune alternative politique ne se presente sur le plan interieur donc de menager Paris. Et, par consequent, de faire montre de la plus grande
et que les liaisons entre Ja guerilla interieure et les upecistes en exiJ sont defini- discretion dans le soutien aux « rebelles » du pays voisin. Nourris, blanchis et
tivement coupees ala frontiere camerouno-nigeriane, l'installation du regime loges par leurs amis congolais, entraines par leurs aUies chinois, !es partisans
Massamba Debat aux portes de Yaounde constitue un evenement providen- d'Osende Afana - une bonne centaine selon les services de renseignements
tiel pour les opposants camerounais. Lesquels tournent des lors leurs regards franco-camerounais 33 - se camouflent pour Ja plupart sous l'etiquette et sous
du c6te de Ja frontiere sud. C'est Je cas par exemple de J'ancien capitaine de !'uniforme des forces armees congolalses ou de la Jeunesse du mouvement
l'ALNKSamuel Zeze, qui s'etait reinstalle dans sa region d'origine au sud de national de la revolution 0MNR) 34•
Yaounde apres avoir ete libere des geöles du Nord-Cameroun (voir cha- Contraint de se mettre au service des Congolais pour obtenir leur soutien
pitre 26). « Un Jour de 1963, se souvient-il, on entend qu'on a renverse Youlou materiel et logistique, Osende Afana voit ses difficultes s'accroitre lorsque ses
et que c'est maintenant un regime revolutionnaire. Merci J Merci l Ce qui ennemis « prosovietiques » du Comite revolutlonnaire debarquent aleur tour
nous manquait c'est une fenetre 31 ! » Zeze passe donc Ja frontiere, avec a Brazzaville. Apres y avoir envoye un premier groupe, debut 1965, pour eva-
500 francs CFA en poche, et rejoint la capitale congolaise. La, Uretrouve des luer les chances de reussite d'un « deuxieme front» au sud du Cameroun et
compatriotes qui, comme lui, ont discretement fui la misere et Ja repression prendre les premiers contacts, Woungly-Massaga s'installe ason tour dans la
du Cameroun et d'autres qui, venant du Caire, d' Accra ou d'ailleurs, ont capitale congolaise ä Ja fin de l'annee 1965. L'objectif est clair : « atteindre et
compris que Je Congo-Brazzaville represente l'ultime espoir de la revolution depasser » Osende 35• Actionnant les contacts qu'il a noues les annees prece-
kamerunaise. A !'heure ou l'on reve de reediter les exploits de Mao Zedong ou dentes en tant que consei!Jer du president ghaneen Nkrurnah, notamment
de Fidel Castro, l'occasion est trop belle pour etre negligee. avec le president du MPLA,Agostino Neto, et cherchant a capter a son profit
une partie du soutien cubain dont beneficie ce dernier, Massaga manreuvre
pour discrediter son rival prochinois et gagner l'estime des autorites congo-
laises et des mllieux intemationalistes.
Ainsi s'importe a Brazzaville la guerre intrakamerunaise. Samuel Zeze, qui
a Pour mettre (retrospectlvement ?) en evidence la vulnerabiUte des presidents africains du vient du Cameroun sans avoir jamais entendu parler des conflits qui dechi-
• pre carre ~, Foccart racontera plus tard que le succes du renversement de Youlou s'expll- rent depuis des annees les Kamerunais de J'exterieur, observe avec surprise la
quait par le seul fait qu'il etalt injoignable au moment des evenements, N donc incapable
de ven.irä la rescousse du dlctateur congolals : j'etais, dlra-1-11dons scs M6motres, • ä la bataille que se livrent Osende et Massaga. « C'etait une lutte achamee, impi-
peche • (volr RtimyBAZF..NGUISSA·GANGA, • "Quand le vols 11.
la chossc ou ä In pl!chc, un pre- toyable meme, se souvient-il. ABrazzaville, il y avait les pro-Osende et les pro-
stdent africaln tombc" », /11R11pt11re-Soildarlti, Korthuln, Ports,zoo,1,
Rltes tri D~posJcsslt/11,t, Massago, mnls II n'y ovait pas vraiment de "communaute militante". Osende
p. 2]9-238).
ava'll <I(•~Hn,,1 form~~ cn Chine. l!t Massaga avait les siens. 11sexpliquaient

[)04
105
ft,mfa/rlt<1/1w( I /J(J/. / 971)
U1II' tllct11t1i11• l,t1 j/{'/J,lt,,. r/c-~f'.11/tll'JI/Jltl/,\ ,,,, (',~// ( 11>6.I-I 9(,1))

l'un et l'autre que leur rival etait un traitre. f...] C'etalt tr~sgravc, ajoutc Zeze. n'apparllcut b personne, cxpllque aujourd'hul Massaga.lls lle MPLAIne peu-
Ils pouvaient meme s'entre-tuer 36• » vent pas m'lntcrdire de m'instaJlerla, ce n'est pas leur territoire.Ce n'est pas le
La guerre des chefs pousse Osende Afana a preciplter sa rentree clandes- territoire congolals non plus. Evidemment, Je Congo peut nous bloquer. Mais
tine au pays. Croyant sans doute, en posant Je premier le pied au Cameroun, c'est pour cette raison que je dis: plutöt que d'envoyer des gens s'installer aux
damer Lepion a son rival du Comite revolutionnaire et gagner ainsi la recon- frontieres lcamerounaises], je vais me mettre la, creer d'abord une force, et
naissance des militants kamerunais et de l'opinion internationale, Osende seulement ensuite monter aux frontieres. [...] L'activite est restee tres secrete,
commet en realite un veritable suJcide.Son plan est Je suivant : s'implanter jusque vers Ja periode de retour au pays39• »
avec une dizaine de ses pa.rtisans a l'interieur des frontieres camerounaises C'est donc dans la clandestinlte que Ja petite centaine de combattants de
pour constituer une « zone liberee » et Jaisserla plus grande partie de sa troupe Massagas'entrainent a la frontiere du Cabinda (au sud de Loubomo), dans
a Brazzavlllepour assurer la promotion de cette operation aupres de tous !es cette zone lnstable que se disputent les Portugais, d'une part, et les Angolais
soutiens potentiels, camerounais, congoLaisou etrangers. L'experience fera du MPLAet Ieu.rsallies cubaJns, d'autre part. Dans Je camp d'entra1nement,
Iong feu. Repere par l'armee camerounaise quelques jours seulement apres l'ambiance est d'abord mauvaise, les combattants se pJaignant de l'autorita-
son implantation, debut septembre 1965, dans la region de Mouloundou risme de leur chef et de l'amateu.rismede Jeurs instructeurs 40• Mais la situa-
(sud-estdu Cameroun), Je groupe d'Osende doit se replier precipitamment de tion s'ameliore lorsque les formateurs cubains du MPLAacceptent de prendre
l'autre cöte de la frontiere. Le second essai, trols mois plus tard, sera plus d.ra- les Carnerounais sous leur aile. Ils structu.rent!es petites troupes de Massaga
matique encore et mettra un terme definltif a cette tentative desesperee : Ja et leur fournlssent unsolide equipement militaire, sans doute le meilleur dont
petite bande est presque integralement decimee. Et Osende est - d'apres Ja ait jamais beneficie l'insurrection carnerounaise, interieure Oll exterieu.re,en
rumeur-decapite par J'armee camernunaise le 15 mars 196637• dix ans d'activite. Armee de kalachnikovs et de bazookas,Ja troupe de Mas-
Sur Je plan international, Lamort d'Osende Afanadans la foret dense de saga se baptise « colonne Ruben Um Nyobe ». L'espoir renait. « La colonne,
Mouloundou passe presque totalement inaper~ue. Mais, a Brazzaville,l'eve- ainsi bien entra1nee, restructuree et bien equipee, est en pleine forme, se sou-
nement change radicalement la donne. Apres quelque temps d'incertitude, viennent deux combattants. Les troupes sont mises en etat d'alerte. Les
chacun comprend que l'aventure des prochinois, qui etaJt censee donner a combattants attendent avec nervosite le mot d'ordre de depart. Tous revent
Osende l'aura militaire qui Jul manquait pour s'imposer politiquement, a les premiers affrontements 41 • »
toume au fiasco.Ce qui pJaceMassagaen situation de force. Ce demier, grand La colonne Ruben Um Nyobe se dJrigedonc vers Je nord du Congo a Ja
seigneur, publie au nom du Comite revolutionnaire un communique accor- fin de J'annee 1967. Escortee par Jes Cubains, cette traversee se heurte en
dant une « amnistie politique et morale pleine et entiere » aux membres du revanche a Ja determination des autorites congolaises, qui tiennent a eviter
groupe prochinois et appelant ceux d'entre eux qui sont « juges aptes ä servir toute frictlon avec Yaounde. Arrivesa Ouesso, les rebelles karnerunais re~oi-
sous les drapeaux » a se joindre a Jui 38 • La pLupartdes partisans d'Osende, vent merne Ja visite d'un gouverneur congolais, venu d'urgence en helicop-
encore sous le choc de Ja disparition de leur Leader,repondent favorablement tere, qui exige qu'ils rebroussent chemin. La troupe de Massaga,refusant de
a cet appel. se soumettre, poursuit son chemin et penetre en territoire camerounais. Mals,
rapidement reperee par les services d'Ahidjo, elle doit essuyer, debut
decembre 1967, Ja contre-offensivede l'armee camerounaise. Laquelle ne se
...ala debaclede Woungly-Massaga contente pas de les refouler hors du pays mais penetre en territoire congolais
pour prendre Jesrebellesa revers et mettre la pression sur les autorites congo-
C'est sur cette base, et sous la direction, donc, de Woungly-Massaga, Jaises,accuseesde soutenir la subversion kamerunaise.
qu'est Iancee une nouvelle tentative d'infiltration au Cameroun. Tirant les Bienqu'une poignee de ses partisans parvlennent as'infilt.rerun peu plus
enseignements de l'echec de son rival, Massaga se laisse Je temps de la en territoire camerounais, en direction de Djoum, Lasituation de Massagase
reflexJon et de I'organisation. Cherchant äse greffer sur les installations du deteriore rapidement. Non seulement Legros de sa troupe doit se replier sur
MPLA,il envoie une partie de ses combattants en formation dans un camp ä Ja Brazzaville,mais les autorites congolaJses acceptent d'ouvrir des negocia-
frontiere du Cabinda, enclave portugaisea l'ouest du Congo, de fa,;onane pas tions avec le gouvernement d'Ahidjo pour regler Je probleme de la rebeHion
etre repere par Lesautorites congolaises,de plus en plus crltlques ä l'egard des kamerunoi~c.Pour ne rien arranger, MassambaDebat est renverse pa.run coup
<< revolutionnaires kamerunais ».«La zonc du Cablntl11 ou ~ctrouvc Je MPLA d'Etat mlllWll'C, cn no0t 1968, et remplace par un nouveau regime dirige par

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Marien Ngouabl. S'il se dlt .lui aussi « revolutionnaire ">11 cc dernlcr se montrc comrnc11tal1'c~.Je nc suls pas etonne de ces remarques. On a toujours ten-
encore plus hostile que son predecesseur a l'egard cles avcnturiers kame- dance ici ä sc crolre mal aime. Je sais d'ailleurs, et je ferai constater, que le ser-
runais. Alors que le detachement du deuxieme front reste en territoire came- vice Afrique de l'AFPa ete genereux. Mais peut-etre le departement pourrait-11
rounais tente une ultime offensive, ä Djoum en juillet 1969, le nouveau suggerer a quelques journaux de rediger un editorial retrospectif sur Je sujet,
gouvernement de BrazzaviUe signe avec celui de Yaounde un accord destine s'ils veulent bien s'y preter 44.»
ä mettre fin aux agissements des upecistes sur son sol. Conformement ä la Si Ah.ldjo se sent mal alme, c'est que la France, en ces annees 1966-1967,
Charte de l'OUA, U s'engage ä interdire toute activite des « subversifs » au semble jouer systematiquement contre Ies interets de Yaounde. S'ajoutant ä
Conga, a expulser tous ceux d'entre eux qui ont participe ä des« agressions » l'affaire congolaise, vecue comme un coup de poignard dans Je dos, la guerre
contre le Cameroun et ä renforcer les operations de « ratissage » ä la frontiere du Biafra sonne comme un nouvel affront pour Ahidjo. A partir de 1966,
entre les deux pays 42 . Jacques Foccart encourage en effet le lieutenant-colonel Ojukwu, respon-
Pour les combattants du deuxieme front, c'est le coup de gräce. « Une sable militaire de Ja region orientale du Nigeria, frontaliere du Cameroun, il
guerilla qui n'a pas d'arriere, pas de logistique, pas de ravitaillement en armes, faire secession avec le regime de Lagos. Objectif : affaiblir Je Nigeria, puis-
c'est une guerilla qui est etouffee, conclut aujourd'hui Samuel Zeze. C'est ce sance anglophone et poids lourd de la zone•, et placer les immenses res-
qui nous a reellement brises: le parti congolais n'a pas tenu ses engagements. sources petrolieres de la region sous influence franr;aise 45• En secret, il envole
11snous ont läches 43 • » Pendant que le detachement reste au Cameroun sous au Nigeria le responsable du SDECE pour I' Afrique, Maurice Robert, pour
la direction de Samson Monjengue, isole de sa base arriere congolaise, est prendre contact avec Ojukwu. Il mobilise Je nouvel ambassadeur de France au
balaye aDjoum par les militaires camerounais, les upecistes replies sur Brazza- Gabon, Maurice Delauoey, oomme par ses soins quelques mois plus töt, et
ville sont expulses un ä un par les autorites congolalses. Woungly-Massaga une serie de barbouzes et de mercenaires revenus des guerres coloniaJes et des
s'envole pour Cuba, Samuel Zeze se retrouve bientöt en France, d'autres rejoi- operations secretes au Katanga 46 • Et il organise, des les mois precedant Ja pro-
gnent l'Allemagne ou l'Algerie. C'est la dispersion finale. Et l'abandon defi- damation de l'independance de la « Republique du Biafra», un pont aerien
nitif de toute tentative de renversement militaire d' Ahidjo. entre le Gabon et le Nigeria pour livrer des armes aux secessionnistesb.
L'aide de Foccart et de ses hommes aux rebelles biafrais a tout pour indis-
poser Ahidjo. Sur Je plan exterieur, Yaounde pourrait certes tiier queJque
de1aFranfafrique?
Ahidjo,mal-ai-tne profit de I'aventure biafraise et du morcellement de son puissant voisin nige-
rian. On se prend par exemple a rever de l'eventuel retour de I'ex-Cameroon
S'il triomphe assez aisement des upecistes exiles, Je regime de Yaounde septentrional dans le giron camerounais. Mais, sur le plan Interieur et en
s'inquiete de plus en plus de la politique de la France en Afrique centrale. matiere de propagande, l'engagement de la France en faveur d'Ojukwu prend
EbranJe par Ja passivite de Paris a I'egard de Fulbert Youlou en 1963, Ahidjo Ahidjo ä contre-pied. Alo.rsqu'il ne cesse de vanter l'unite nationale et Ja sta-
ne semble pas pour autant rassure par Je retablissement de Leon M'Ba apres bilite politique du Cameroun, alors qu'il s'est fait le champion de l'intangibi-
Je coup d'Etat manque des milltaires gabonais en 1964. Certes, Ja France sou- lite des frontieres coloniales en Afrique et qu'il mene une h1tte obsessionnelle
tient fermement son regime et l'encadre toujours dans sa Jutte contre la sub-
version interieure. Mais Je dictateur camerounais se sent mal a l'aise, de plus
en plus suspicieux a l'egard de ses parrains franr;ais, et jalouse ceux de ses a Le mlnistre des Armees de J'epoque, Pierre Messmer, toujours en premiere ligne, revendl-
homologues africalns qul rer;olvent plus de publicite que lui dans la presse quera son röte et ajoutera une justlficatton a cette sanglante operation fran~alse : la ven-
geance. • Je ne pardonnerai pas [au Nigeria] son attitude apres nos tirs n uclealres ä
franr;aise et plus d'attention de la part de Paris. De plus en plus paranoi'aque, Regga.ne.<;::apermettait de Jul faire payer ! LIavait ete ä la fois provocant et ridicule. [... ] Ce
Ahidjo s'interroge : la France serait-elle en train de Je Iächer ? sont des grotesques.Je ne leur al pas pardonne • (entretien avecJean GuisneJ, dte in Roger
De retour d'un voyage en Afrique de l'Ouest debut 1967, Ahidjo se confie FALIGOT et Jean GUISNEL (dir.), Histoiresecretede la V' Republique,op. dt., p. 149).
a l'ambassadeur de France ä Yaounde, Francis Hure. « On me dit que son b C'est ainsi qu'un avion charge d'annes destlnees aux secessfonntstes s'ecrase au Came-
roun, dans Ja region de Garoua, en octobre 1966. Ce DC4 appartenant ä une compagnlc
entourage aurait ete surpris du silence de Ja presse franr;aise a l'egard de son prfvee Italienne est pilote par un Americaln. ll semble qu'Ahidjo en ait conclu qu'fl s'agls-
voyage, rapporte alors l'ambassadeur il sa hlerarchie. On ne manque pas salt d'une operatlon americalne (telegramme de Hure au MAE,21 octobre 1966; archlves
d'ajouter qu'en contrepartie les deplacements de M. Senghor, ou d'autres prlvecs de r:roncls Hure). Mals c'est bten Jacques Foccart qut est derrtere cette Uvraison
d'ormc1 (docurncn1olrc deJoi!l CALMETIF.S,Histolressecretesdr,Biafra, Foccarts'e11va-t-e11
chefs d'Etat africains, donnent normalement lieu il de nombreux ,qlll'l/11,Ft,111.4•1, lOO 1).

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contre une subversion interieure qu'!I ldentifie de plus cn plus ä un pro- jusqu'ä pl'cudr'L' quclqucs initiatives pour leur faire sentir son malalse. II
bleme « ethnique », alors que, musulman du Nord, il a tant de mal ä irnposer commencc par cnvoyer un signal via l'ambassadeur de France a propos des
son autorite sur la partie sud et chretienne de son pays, la France deploie consequences a attendre si par hasard il etait renverse : « 11m'a parle de ses
d'immenses efforts pour soustraire les populations chretiennes du sud-est du reactions au cas Oll pareille aventure Je confronterait, ecrit Francis Hure. n ne
Nigeria, majoritairement «Ibos>>,a la domination des nordistes musulmans se laisserait pas surprendre et verrait 1'orage venir de loin. S'il ne pouvait
incamee par le general Gowon, chef de !'Etat nigerian. En somme, Foccart sus- l'ecarter, il ferait face et, jusque dans son reduit du Nord, poursuivrait la lutte.
cite et soutient de l'autre cöte de Ja frontiere ce qu'Ahldjo denonce et combat r...] L'affaire ne s'arreterait donc pas au coup d'Etat; eile degenererait en
sur son propre territoire. guerre civile Oll se reveiUeraient tous les instlncts, toutes les passions eth-
Hostile a la secession biafraise pour des raisons Interieures, mais totaJe- niques ou religieuses. On le voit, on le sait, J'entrepri.se se.rait hasardeuse 50• »
ment dependant de Paris sur le plan exterieur, le president camerounais Premier avertissement'. La tension monte debut 1968 lorsque Je representant
menage Ja chevre et Je chou. S'il suit officiellement la majorite des membres du Cameroun a l'ONU, Benoit Bindzi, vote, ä la surprise generale, en faveur
de l'OUA, favorables au gouvernement federaJ de Lagos, il observera en fait d'une resolution pour l'independance de Djibouti, alors colonie frarn;:aise.
pendant les trois annees que durera Je conflit une neutralite bienveillante a Crime de lese-majeste : de Gaulle suspend la livraison d'armes a Yaounde.
l'egard des independantistes biafrais. « Les grandes entites sont vouees au Contraint de ceder a la pression fran~ai.se, le president camerounais se
morceHement, explique-t-il, conciliant, a l'ambassadeur Hure. Lorsque !es soumet, et <lernet son ministre des Affaires etrangeres en gage de bonne
limites sont trop vastes et le peuplement trop dense, l'autorite centrale ne volonte. Mais il exige en contrepartie, pour masquer sa dependance a l'egard
s'exerce plus. Les interets sont trop diversifies, les ethnies trop lointaines et les de la France, le remplacement de l'ambassadeur de France Francis Hure, qui
mouvements centrifuges sont irreversibles 47 • » quitte effectivement Yaounde en avril 1968.
« Ce qui est interessant, du point de vue de la psychologie d'Ahidjo, c'est
Toutefois, coince par Ja situation geographique et par l'histoire politique
de son pays, Ahidjo ne s'engagera pas dans un soutien actif, militaire et finan- qu'il a voulu reagir, analyse Je successeur de Hure, Philippe Rebeyrol, lorsque
cier, aux Biafrais, contrairement a Felix Houphouet-Boigny, indeboulon- nous l'interrogeons a Paris en 2008. Pas comme auraient fait d'autres presi-
nable president ivoirien et acteur central du drame biafrais, et au jeune dents de la Fran~afrique de l'epoque qui auraient subi la reprimande du
Albert-Bernard Bongo, qui succede aLeon M'Ba a Lapresldence gabonaise eo General sans resister. Lui a voulu ma.rquer le coup. II n'avait pas beaucoup [de
decembre 1967. II acceptera cependant sans broncher de voir les mercenaires latitude] s'U ne voulait pas casser des choses qui etaient importantes pour lui.
de Foccart survoler illegalement son territoire 48 pour livrer quotidiennement Donc, dans ces cas-la, le rappel d'un ambassadeur ~a ne gene personne 51 • »
armes et assistance aux forces d'Ojukwu, sous couvert d'une aide humani- Quatre mois apres le rappel de Francis Hure, Ahidjo ira dejeuner a !'Elysee
taire, et attiser ainsi a sa frontiere une des guerres les plus cyniques et les plus avec de Gaulle et Foccart. « Un dejeuner, notera ce dernier dans ses Memoires,
meurtrieres qu'ait connues le contlnent africain au cours des annees 1960 49• ou il y a assez peu de monde et pas beaucoup d'entrain, car Ahidjo est extre-
Se sentant snobe par Ja presse fran~aise, inqu1et de l'ambiance revolu- mement silencieux, maJgre les efforts desesperes du General, comme les fois
tionnaire qui regne aBrazzaville et destabilise par le soutien fran~ais aux Bia- precedentes d'ailleurs. Non pas du tout qu'il soit de mauvaise humeur, mais il
frais, Ahidjo commence aregarder ses parrains fran~ais avec suspicion•. Et va est tres intirnide 52. >>

a Bien des annees plus tard, observant retrospectlvement la politlque africalne de la France ä
cette periode, en particulier au Congo-Brazzaville et au Nigeria, certains dignitaires du a Cette declaratlon privee dolt bteo etre lnterpretec comme un avertlssement. L'annee sui-
regime camerounals, gagnes par la paranoYa regnant dans les mllleux polltiques locaux, vante, le 8 mal 1969, lors d'une conference de presse, Ahldjo rapporte longuement cette
verseront dans la theor.ie du complot. Dans une interview non datee et publiee apres sa di.scussion qu'il a eue avec un • ambassa<leur etranger don t jene vous d.irai pas Je nom ~. Le
dernission en 1982, Ahidjo lui-merne accusera la France d'avolr soutenu, ä certains president camerounais explique que sa mort, qu'elle soit causee par un coup d'Etat ou par
moments, la rebelllon ä l'lnte.rieur du Cameroun (Henrl BANDOLO, La Flammeet la F11mee, un • accident », comme son assasslnat par un garde du corps ou un simple accident de ia
op. dt., p. 403-404). La meme accusatlon sera plus tard reprise par le mlnlstre des forces circulatlon, provoquerait a coup sOr uoe ~ guerre clvile » (cite /11Abel l'.YINGA, Mandat
armees Sadou Daoudou, qul reproche.ra nommement ä un mllltalre franr;als d'avolr alde d'arretpourca11sed'elect/011s,op.dt., p. 13). Les deux typ<!sd'• accident » evoqu~ rappellent
les hommes de Woungly-Massaga lors de l'attaque de ces dernlers a la frontt~re su<I du ceux qui ont cause la mort de deux d1efs d'Etat voisins, Barthelemy Boganda en Centra-
Cameroun (Da.niet ABWA, SadouDao11douparle, op. clt,, p. 61-62). Woungly-Massaga nie frtquc lc 29 mars 1959, vlcthne d'un acc!dent d'avlon, etSylvanus Olymplo au Togo, assas-
farouchcment avolr rc~·u unc teile aldc, tr~s peu cr6dlblc 11udl•mournnt (D~nlcl Allw,1et ~lnOlc 13junvler 1963 tors d'une op€?ratlon nocturne mcnce par des sous-0fficlers de son
0111101.1.
Ren6 Ngouo WouNCt.V•MA~'IAGA, Cm11~m1111,111"fltrrl tlc vfrlt/1,op. i/1., p. 18(1•187).

l 10 611
U11e /ran( a/r/u,/11/J(196/.J 91 I)
tllc/11111n
1

« Le probleme pour Ahidjo, poursuit Rebeyrol, ctalt ~vldemment qu'il


devait tout, ou beaucoup, tout au moins, a l'armee fran~aise, a la France du
33
general de Gaulle en particulier, mais que, nearunolns, II voulait etablir son
independance et ne pas apparaitre comme un simple reflet de la puissance Le coupßnal :
fran~aise. [... ) II avait besoin de manifester son autorite, son independance ... l'affaireNdongmo-Ouandie
Son independance c'est beaucoup dire, mais du moins son autonomie 53 • »
Puisqu'il doit tout ade Gaulle, qu'il craint et admire en meme temps, le presi- (1970-1971)
dent camerounais vit cornme un soulagement la demission du General en
avril 1969. «Je me souviendrai toujours, raconte Rebeyrol: juste apres le
depart de De Gaulle, Ahidjo m'a accueilli en disant : "Si vous croyez que vous
• La capture d'Ouandi~ et le proces de MgrNdongmo,
pourrez faire desormais ce que vous faisiez jusqu'a maintenant, eh bien vous meme s'ils ont fait quelque bruit, n'ont eteque le
vous trompez !" C'etait tres clair. <;avoulait dire: tant que Ie General etait la, tableau final d'une piece oii taut etait dejä joue. II y n
la France etait en quelque sorte intouchable, eile n'etait pas un pays quel- Jongtemps que la rebellion lnterteme, exsangue et sans
conque. Le General n'etant plus la, la France est redevenue la France : pas un realisme, n'etalt plus un danger pour le reglme; eile lul
etait meme utile, comme tout epouvantall que se
pays comme !es autres, quand on est camerounais francophone, mais enfin ... reserve d'agiter opportunement un reglmc
il n'y avait plus le General 54.» autocratique.,.
Mais Foccart, lui, est toujours Ja,maintenu dans ses fonctions par le pre-
Colonel Guy VARNEY,conseiller rnilitaire
sident Pompidou. Ce qui rend !es velleites d' « independance » d' Ahidjo assez de l'ambassadede France au Cameroun, 1971 1•
chimeriques. Le jour de la reddition du leader biafrais Ojukwu, qui quitte le
Nigeria pour se refugier en Cöte-d'Ivoire le 10 janvier 1970, Foccart est d'ail-
leurs en « Visite officielle)) a Yaounde, Ollvient d'etre celebre le dixleme anni-
versaire de 1'« independance » du Cameroun. Un anniversaüe celebre eo
grande pompe, en presence de tous les representants du « pre carre » fran~ais
en Afrique, de Senghor a Houphouet en passant par Bongo, Bokassa et
D ix ans apres l'« independance », Ahidjo a toutes les cartes en main.
Le parti unique, dont le premier congres national s'est tenu ä Garoua
en mars 1969, repond au doigt et ä l'reil aux injonctions presidentielles.
L'administration, toujours aussi inefficace pour la gestion des affaires cou-
Mobutu 55 ••• Quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, Ahidjo reste un digne represen-
tant de Ia farnille fran~africaine. rantes, entretient en revanche avec ardeur Je culte du chef. La presse chante
egalement ses louanges, en Je comparant quotidiennement a Moi'se guidant
Ie peuple egare. La population, encadree, surveillee, terrorisee, se tait. « Le
pays accepte Ia ferule presidentielle, non pas de gatte de creur, anal.yse en
1968 l'ambassadeur de France Francis Hure au moment de son depart, mals
parce qu'elJe existe, que nulle autre ne point a l'horizon et que, si un can-
didat se declaraH, il serait neutralise 2 • » Sous Ja menace de l'armee, de la poUce
et des rnilices du parti, !es Camerounais « votent » en masse pour le president-
dictateur et se rassemblent Je Jong des routes chaque fois que le « guide
eclaire » quitte son palais pour se faire applaudir.
Cela fait de belles images pour les televisions etrangeres, et de beaux
commentaires. Ce fut le cas, par exemple, lors de sa « visite officielle », aux
c6tes du nouvel ambassadeur de France Philippe Rebeyrol, dans la region de
!'Quest a la mi-avrll 1968. « Une foule tres enthousiaste etait venue acclarner
le presldent Mderal devant la prefecture, expliqua alors un reporter fran~als
dept!cl1~ \ll r lc~t leux. Lc president Ahldjo put constater devant une teile adhe-
sion pbp1il,1f1(;q11clc.s forccs de l'unil'e nationale avaient su triompher des

il 3
LtJc1111/)
fltwl: l 'alfi1l1t.:
Nd(J11SIII0•011w1,IM
( 1970-1!J7L)
U11e (1961-1971)
dlctature(r1111ra(rlca/111'

Plus ~tonnonLeencore, quoique de nature fort differente, est l'agitation


demieres sequelles de la rebe!lion dans l'Ouest, rebellion qui avalt ete tele-
organisee par un ancien gendarme, Bou.kar Batinda, dans le nord du Came-
commandee de l'exterieur 3• »
roun, au ca!ur du fief d'Ahmadou Ahidjo, dans les mois qui precedent les
A1'«exterieur », en reaJite, personne ne telecommande quoi que ce soit.
echeances electorales. Ulcere par le nepotisme et l'autoritarisme du regime,
Meme Ies regimes pretendument « revolutionnaires », on J'a vu, font les yeux
Boukar prend les armes. A la tete d'une petite bande de desperados, il attaque
doux au regime Ahidjo. Leurs representants a Yaounde font les courbettes
la gendarmerie de Maroua, qu'il connait parfaitement pour y avoir travaille
d'usage a leur höte a chaque ceremonle officielle. La Chine, Ja redoutabJe
dans les annees precedentes, et derobe armes et munitions. Ainsi equipe, il
Chine communiste, deroule eUe aussi Je tapis rouge au potentat de Yaounde.
ranr;onne les hommes d'affaires de la region et partage son butin ... avec les
CeJui-ci sera bientöt invite aPekin, en visite d'Etat, offrant au journal gouver-
nementaJ La Pressedu Camerounl'occasion d'afficher triomphaJement cöte a personnes ägees ! « Longtemps introuvable, arrete puls evade, aureole de pres-
cöte !es portraits des presidents Mao et Ahidjo. Pour sceller cette alliance et tige et de mystere, ayant a son actif quelques operations dignes de la meil-
bien signifier sa consistance, le premier offrira au second Ja construction d'un leure tradition du brigandage 6 », Boukar est arrete en juin 1970 et execute
imposant Palais des congres sur une des collines de la capitaJe politique trols mois plus tard 7•
camerounaise. Rarement aussi spectaculaire, la fronde passe le plus souvent par une stra-
tegie de fuite. C'est ainsi que l'on peut expliquer Je succes des mouvements
religieux ou parareligieux. Alors que le parti et ses organismes paralleles pei-
La fin desresistances? nent ä susciter une adhesion sincere, les mouvements religieux attirent un
nombre croissa.nt de Camerounais, qui y trouvent un refuge contre les agres-
Derriere Ja victoire ecrasante de Ja dictature, derriere Ja propagande inte- sions du pouvoir. C'est dans ce contexte que les autorites engagent un bras
rieure et exterieure, la resistance pourtant continue•. « Resistance » est sans de fer contre les Temoins de Jehovah. Le mouvement, qui compte quelque
doute un terme excessif, mais on remarque partout des signes, impercep- 50 000 adeptes dans le pays ä la fin des annees 1960 et connait alors une forte
tibles ou criants, d'indocilite, de rebuffade ou de revolte. Les fonctionnaires expansion, deplatt fortement au regime 8 . Outre qu'lls offrent un cadre de
manquent d'entrain. Les programmes de« developpement >•mis en place par socialisation et de croyance alternatif a celui qu'impose l'UNC, !es Temoins
le pouvoir ne rencontrent que Je mepris des populations. Au risque d'etre de Jehovah ont cette autre particularite de pröner l'abstention aux elections.
severement reprimes, les plus temeraires inscrivent des slogans hostiles au Pour ces deux ralsons, ils sont decrits comme hautement subversils par !es
pouvoir sur les murs des grandes villes 4 • Assujettis, !es Camerounais refusent autorites. « [Cette secte] est devenue, ä l'interieur de nos frontieres, le refuge
J'aneantissement. Une attitude d'autant plus lntolerable pour Ahidjo que se de tous ceux qui s'opposent anos institutions », expLique-t-on en haut lieu 9•
preparent les elections presidentielle et legislatives qui se tiendront respecti- Dejä tres surveilles du temps du Haut Cornmissaire Roland Pre, qui !es
vement les 28 mars et 7 juin 1970. considerait comme des crypto-upecistes 10, les Temoins de Jehovah sont
La revolte prend des formes inedites. Conscient de l'importance que le soumis aune tres forte pression au moment des elections de 1970. Ayant pour
regime accorde aux « elections », l'intelJectuel Abel Eylnga, refugie en France, beaucoup refuse, maigre la brutalite dont ils sont la cible, de se rendre aux
lance sa candidature a Ja presidentielle de mars 1970 pour bien montrer ä urnes, Ahidjo fa.it interdire le mouvement sous pretexte qu'il est « utilise
l'opinion internationale Ja mascarade que constituent les « triomphes electo- comme couverture pa.r les mouvements subversifs diriges par l'etranger » et
raux » systematiques du dictateur camerounais. Cette candidature symbo- qu'il rnene des « campagnes organisees de diffamation et de denigrement
lique luj attirera de multiples tracasseries causees par Paris, une campagne de contre !es institutions que Je peuple du Cameroun a librement adoptees >) u.
calomnie orchestree par Yaounde et une condamnation par contumace acinq Un nombre indetermine de Temoins de Jehovah sont arretes, sauvagement.
ans de prison 5•.. « Des femmes ont ete tratnees nues sur le ciment apres avoir ete battues

jusqu'au sang, temoigne l'organe mondial de l'organisation publie a New


York. En l'absence de toilettes et en attendant d'etre entassees dans des
a Preuve de la cralnte que cette rebellion, meme affalblie, conönue d'insplrer au pouvolr, la
famille d'Emest Ouandie est harceiee par le commissaire de police et chef des BMM de camions pour etre expediees aSangmelima, elles ont ete forcees, pendant huit
Bc1foussam,qui soumet Je frerc, lc neveu et la belie-sowr d'Ouandle i\ un • interrogatolre jours, de faire leurs besoins sur le ciment des cellules ou elles etaient
approfondi ~ (Leltrc du chcf ucin llMM de 0afoussam au chef de la ßMM de Bnfang, 8 mal enfcrm(c~ L'Ith.•vlvrc ainsi ä cöte de leurs matieres fecales 12• »
i.968;APO IM71l).

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Les organisations chretiennes, protestantes et catl101Jques, connaissent un autrc pr~lot ,cn1blcvoulolr prendre la releve de la contestation: Mgr Albert
elles aussi un succes croissant. EJJesrepresentent un refuge d'autant plus pre- Ndongmo.
15
cieux pour les popuJations qu'elles sont en quelque sorte protegees par leur « Hornme multiple, tentaculaire et enthousiaste », Albert Ndongmo est
stahlt transnationaJ. AJors que Ja gauche frarn;aise a abandonne ses allies un personnage enigrnatique, dont le positionnement poUtique et religieux
camerounais au debut des annees 1960 et a laisse la gauche liberale camerou- n'est pas toujours tadle a cerner. Originaire de l'Ouest, Ndongrno est ordonne
naise se faire absorber - et reprimer - par Je parti unique (voir chapitre 27), pretre en 1955. 11est d'abord affecte a Baham (Ouest), puis a Nkongsamba
Ahidjo sait qu'une operation similaire est plus delicate avec les milieux (Mungo) en 1959. Charge de la jeunesse par !'Action catholique, il cree dans
chretiens. cette derniere locaJite un journal, L'Essordes jeunes, qui prend, autant que
La politique du president, musuJman Jui-meme et affichant haut sa « lar- faire se peut dans Je climat de censure et d'intimidation permanentes, des
cite », est observee de tres pres par les organisations chretiennes d'Europe qui accents protestataires. Ndongmo n'hesite pas, dans des tribunes enflammees,
tiennent a sauvegarder 1'«reuvre d'evangelisation realisee au Cameroun
>) a prendre vertement a parti Ahidjo et son entourage (voir chapitre 26).
dans Ja periode coloniale. En 1968, le regime a ainsi engage une batame contre « L'Etat croit que nous devons precher un christianisme desincarne, pader du
les Eglises a propos de l'enseignement prive, domaine particulierement sen- Ciel, des anges, sans toucher !es reaUtesvitales de chaque jour, justifle-t-U par
sible quand on connait les efforts du pouvoir pour diriger !es consciences de exemple dans le quotidien catholique fran~ais La Croixen 1963. Or l'Evangile
ses administres, jeunes et moins jeunes. Considerant la persistance d'ecoles du Christ n'est pas une theorie, mais une vie. II s'insere dans taute la vie de
16
privees religieuses comme une dangereuse concurrence, l'aile dure du parti, l'homme, engage dans la farnille, Ja politique, Ja profession et Je syndicat • )>

Moussa Yaya et Samuel Kame en tete, fait pression pour nationaliser l'ensei- Genant pour le pouvoir, ce pretre contestataire est pourtant nomme en
gnement chretien. Malgre les fortes tensions creees entre !'Etat et les Eglises, la aofit 1964 eveque de Nkongsamba, au creur d'une des regions les plus trou-
bataille scolaire se regle finalement par un compromis 13• blees du pays. Ndongmo ne tarde pas a ti rer parti de la nouvelle tribune qui Jul
Dans ce contexte de rivalite, explique Jean-Fran~ois Bayart, !es EgJises est offerte. Ses preches, qui attirent chaque dimanche une foule considerable
deviennent des« zones d'autonomie, voire de liberte » pour une part grandis- dans la cathedraJe de Nkongsamba, sonnent chaque fois comme un defi lance
sante de la popuJation. « Le confüt Eglises-Etat, poursuit le chercheur, a sou- aux apparatchiks du regime Ahidjo. S'il prend garde de ne pas attaquer fronta-
vent servi de Jangage a un antagonisme purement politique et, a bien des lement le president, il ne se gene pas pour denoncer Ja corruption, Ja bruta-
egards, Je christianisme est J'heritier de l'ancienne gauche liberale, ecartelee llte et l'incompetence de ses collaborateurs. « Au Cameroun, expJique-t-il par
et dissoute. La defense des libertes religieuses et clericaJes a toujours ete signi- exemple, tout le monde est unanime pour reconnaitre que Je president Abidjo
ficativement associee (ffit-ce d'une maniere latente) a celle des autres libertes est bon et que c'est son entourage qui est mauvais. 11suffit qu'il nettoie son
fondamentales 14.» entourage 17• Confronte aux ambigu"ites dialectiques du nouvel eveque, le
>}

pouvoir cherche dans un premier temps atirer profit de Ja situation et a uti-


liser Je prelat pour pacifier Ja region. N'a-t-il pas affirme lui-meme, haut et
fort, lorsqu'il a ete ordonne eveque, sa volonte d'amener la « paix » dans la
L'etomiantMgrAlbertNdongmo region? Felix SabaJ Lecco, nomme prefot du Mungo en juin 1964 et fervent
catholique, tente donc, sur les injonctions d' Ahidjo, de fraterniser avec
Si Jes protestants continuent d'irriter le pouvoir, notamment les editions l'eveque. « II etait admirable, admire et craint par les popuJations, surtout Jes
du Centre de litterature evangelique (CLE)accusees de diffuser de la Httera- Bamileke, nous explique J'ancien prefet. Voila pourquoi j'avais tout fait pour
ture «subversive» (voir chapitre 30), c'est du cöte des catholiques que semble avoir de bons rapports avec lui, dans Ja mesure ou il pouvait m'aider alutter
emaner Ja principale menace depuis Je milleu des annees 1960. La haute hie- contre Ja rebellion. Mgr Ndongmo et moi nous sommes donc entendus. On a
rarchie catholique camerounaise est en fait divisee. L'archeveque de Yaounde, commence a vivre en banne intelligence. Je lui faisais confiance, parce que je
18
Mgr Jean Zoa, qui s'etait eleve contre le regime au moment de l'affaire du sentais qu'il se rapprochait de moi et qu'il pouvait m'etre utile • »
« train de Ja mort » en 1962 (voir chapitre 26), semble revenu ade meilleurs Emerge alors l'idee d'utlliser Mgr Ndongmo comme intermediaire avec
sentiments a l'egard du pouvoir. Affirmant que l'Eglise n'a pas a interferer Erhest Ouandie. En d'autres termes: de reediter ce qu'avait fait Pierre Messmer
dans la vie politique, il est le principal a(tisan du compromls trouve avec le en 1957, lorsqu'II nvait tente d'utiliser Mgr Thomas Mongo comme interme-
pouvoir sur la questlon scolaire. Mais,ou momcnt men,cot)Mgr Zoas'assaglt, diairc iwt•cll11l>1•11Um Nyobe (voir chapitre 1.4). Bamileke et contestataire,

616 17
Uni'tllrtallltt! /r1111(11/rlwlne
( 1()(,1 1911) f t' t 011/1
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N1/1111,i.;11111-(

Ndongmo apparait en effet comme un Instrument cr~dlblc pour appätcr lc llamll~k~,l ,11llollquc intransigcant, lnstalle au creur de la region la plus
president du Comite revolutionnaire. L'operation, longtemps restee secrctc, troubl6c du Cnmcroun, 1'«eveque du tonnerre », comme on le sumomme,
est semble-t-iJorganisee au cours de l'annee 1965 M_ Ndongmo se voit confier devient la nouvclle bete noire du reglme lorsque ce dernier comprend que
un laissez-passer,qui lui perrnet de circuler librement dans la region, et part Ndongrno n'a aucunement l'intentlon de ramener son "frere „ bamileke
a la rencontre d'Ouandie 20• Mais le stratageme imaglne par le gouvernement Ernest Ouandie dans le giron du regime. L'eveque subit alors une pression
tourne au fiasco. Non seulement les negociations entre l'eveque et le chef croissante de la part des autorites a la fln des annees 1960. Des arrestations
revolutionnaire echouent, malgre la rencontre entre les deux hommes en sont tentees ä Nkongsamba par les services de securite, mais echouent en
1966, mais i1 semble que le premier, pourtant missionne par les autorites, se raison du soutien dont beneficie le prelat au Vatican et dans les populations
soit en fait mis au servicedu second". locales 23 • De mauvaises langues font alors circuler la fausse rumeur selon
Parallelement a cette tentative de negociation, connue slmplement a laquelle le prelat, fort de sa popularite, voudrait se presenter al'election presi-
l'epoque par les plus hautes spheres de !'Etat camerounais et par les services dentielle de 1970. Outrage impensable dans un pays Oll personne n'est plus
de renseignements franc;ais,Ndongmo poursuit sa croisade contre le reglme. autorise acontester le chef de l'Etat !
Au moment meme ou il est cense jouer Jes intermediaires avec le « camarade L 'Essordesjeunes,l'un des seuls journaux se permettant encore de crtti-
Emile », i1 multiplie les critiques contre le gouvernement. « Mgr Ndongmo quer le regime et devenu, pour cette raison, tres populaire dans l'ensemble du
s'est eleve en chaire contre la politique du gouvemement, note ainsi Je pays, est egalement la cible de multiples menaces. C'est en particulier une
conseiller militaire de l'ambassade de Francefin juillet 1965. II est semble-t-il rubrique intitulee « Jean-Pierre et Lucas ont a dire » qui, mettant reguliere-
revenu sur ses declarations quelques jours apres. Mais cette affalrea provoque ment ä l'index le regime sous le couvert d'un dialogue imaginaire et apparem-
une certaine sensation dans la region [du Mungo] Oll le peuplement bami- ment nail entre deux anonymes, provoque l'ire des djgnitaires du regime 24•
leke, etbnie a laqueUeappartiennent les prlncipaux chefs de la rebeUion et « Nous ecrivions avec beaucoup de difficultes, se souvient Celestin Lingo,

Mgr Ndongmo lui-meme, est tres largement implante. Le gouvemement alors redacteur en chef du joumaJ et proche collaborateur de Ndongmo. II fal-
etudie les mesures qu'il pourrait prendre a l'egard de l'eveque de Nkong- lait enrober de chocolat les critiques que nous devions faire 2s. » A la censure
samba : ceUes-cis'averent evidemrnent tres delicates21• » prealable, draconienne, qui frappe toute Ja presse, s'ajoute la saisie reguliere
Mgr Ndongmo, profitant de la protection que lui confere son statut du joumal. Les manreuvres d'intimidation se font parfois plus directes
d'eveque et de la mission secrete que lui a confiee la presidence, joue donc encore. « Un jour, aJorsque je marchais dans la rue, raconte Celestin Lingo,
avec les nerfs des autorites. II n'hesite pas par exemple adenoncer publique- une volture s'arrete acöte de moi : "C'est vous M. Llngo ? Je veux vous voir !"
ment les rnethodes de repressionet les techniques d'action psychologiqueuti- On m'embarque dans la voiture et on m'emmene ala BMM.» Dans les locaux
lisees par !es forces de !'ordre contre les populatlons. n va meme jusqu'a de la police politique, le journaliste apprend l'objet du delit qui lui est
interdire atous !es catholiques de son diocesede pratiquer le rituel du« cadi » impute: l'utilisation du verbe « tousser » dans un des dialogues entre« Jean-
(voir chapitre 29) : « Si les autodtes administratives tiennent absolument a ce Pierre » et « Lucas». Ce terme etant interprete par la poUcepolitique comme
qu'un catbolique affirme solennellement sa non-appartenance au maquis, un affront contre le chef de l'Etat dont les discours sont, de notoriete
lance-t-ildans une directive distribuee a toute la hierarchie catholique de son publique, ponctues par de legers raclements de gorge, Llngo passe vingt-
diocese, voici la procedure a suivre : qu'en presence de son eure ce catholique quatre heures en detention. « Mais c'etait vraiment parce que le journal etait
prete serrnent sur l'Evangileou sur le crucifix.22 • "Ndongmo, en termes volles, lie a l'Eglise,precise-t-il.Autrement, [ils]auraient tout rnis afeu et ä sang. »
ordonne donc purement et simplement la desobeissancecivile. A l'approche des elections de 1970, il existe donc du cöte de la presi-
dence des hommes de l'ombre qui cherchent a convaincre Ahidjo d'en finir
avec le geneur de Nkongsamba. Alorsque toutes les tentatives de destabilisa-
tion ont echoue, un bruit circule dans les milieux « bien informes » de
a Selon la version de Sabal Lecco recueilUe en 2007 (mais non averee), Ndongmo auralt
meme donne son laissez-passer a Ouandle, permettant alnsl Ace demler de drculer llbrc-
Yaounde selon lequel le prelat cbercherait cette fois-ci nj plus ni moins ... ä
ment dans la zone, degu1se en prelat cathollque, en delouant la vlgllance des forccs de faire assassiner le president ! On ignore dans quelles circonstances exactes
l'ordre (entretlcn des auteurs avec Felix Sabal Lecco, 6 deccmbre 2007). O'apres l'intcrro- emerge cette fumeuse rumeur. II semble cependant qu'il fallle Ja mettre en
gatoire d'Ouandie apres son arrestatlon, celul-cl auralt eu des• contoct~ • avec Ndongmo parallele avec l'arrestation, fin 1969, des principaux responsables d'une
en 1962, puls :'\deux reprlses en 1966, puls ä nouveau dcu"' loh cn 1970 (dnnexe III, 111
Paul-Valentin ~.MOG, comes,OfJ.clt., p. l 52).
Lt Portr11rrle ctrangc n<i\odnlionde priere que Ndongrno a accepte de parrainer. Forrnee

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par d'anciens maquisards, parml lcsquels GabrJel Tabcu (alias « Wambo-le-


une « aidc co11c1~1c ßn fonction des besoins, Solidarite propose d.es stages
)0.
courant »), upeciste tres actif dans les annees 1950 mals entre en rivalite avec
de formatlon pratiquc ä la resistance clandestine, une assistance juridique aux
Noe Tankeu au debut des annees 1960, cette mysterleuse association verse
vi.ctimes de la repression, la fabricatlon de faux papiers, l'impression de publi-
dans une sorte de mysticisrne poLitico-religieux et se donne pour misslon de
« prier pour la paix au Cameroun et en Afrique 26 ». Mais, derriere ce noble pre-
cations militantes ou encore l'organisation de campagnes de presse. Dans les
texte, ses objectifs officieux vont plus loin. C'est du moins ce que croient annees 1960, ce reseau, qui beneficie de l'experience acquise au cours de la
savoir les services de renseignements camerounais, lesquels s'acharnent a guerre d'Algerie, joue un röle determinant dans la structuration de la solida-
convaincre Ahidjo que ces ilJumines ont demande aNdongmo qu'il leur prete rite internatjonale et dans le soutien aux luttes d'emancipation du tiers
des armes pour accroitre l'efficacite de leurs prieres et permettre aux « anges » monde 30 •
d'operer un coup d'Etat. Arretes par la police camerounaise fin 1969, les ani- C'est en 1961-1962, au Maroc, que les premiers contacts sont etablis
mateurs de cet etrange groupe de priere armee sont rapidement reläches 27 • entre Solidarite et I'UPC. Nicanor Njawue, alors representant du mouvement
Cette tenebreuse affaire, dont on ne sait trop si eile correspond a une nationaliste dans ce pays, y rencontre Jean Tabet, militant communiste
quelconque realite ou si eile est le fruit d'une manipulation des services proche de Mehdi Ben Barka et membre du reseau Curie! 31 . Dans !es annees
secrets, convainc en tout cas Ahidjo. Lequel regarde des lors Ndongmo suivantes, les relations entre les deux organisations seront entretenues entre
comme un ennemi mortel. C'est ce que l'on constate dans une lettre que autres par Michel Rogalski, jeune militant du reseau qui entretient, aux cötes
l'archeveque Jean Zoa, rival de Ndongmo, adresse au Saint-Siege en deJehan de Wangen, des relations avec Jes upecistes d'Alger et de Paris, et par
mars 1970 : « Les services de securite du president de la Republique soup~on- le sociologue Martin Verlet, specialiste de l1Afrique et voyageur infatigable qul
neot Mgr Ndongmo d'avoir organise un complot en 1969 visant aassassiner rencontre regulierement les principaux responsables de l'UPC en exJI, aAlger
Ahidjo. Comme je vous l'ai dit, tout mon etre refuse de croire qu'un eveque ou aAccra 32 • Alors que les soutiens exterieurs de l'UPC s'evanouissent apres
puisse tremper dans une affaire de ce genre. Mais je sais que le president, lui, la creation de l'OUA, Solidarite fait partie de ces rares organisations qui se sou-
est convaincu que c'est vrai 28• » cient encore sincerement du sort des revolutionnaires kamerunais, en depit
d'uoe conjoncture tres defavorable (voir chapitre 32).
Solidarite prouve sa fidelite aI'UPC en 1966. Au moment du coup d'~tat
« Solidarite» : le reseauCuriel au Ghana en fevrier de cette annee, qui a pour consequence indirecte l'incar-
au secoursde l'UPC ceration des militants upecistes restes dans ce pays, en particulier Jean-Martin
Tchaptchet et Michel Ndoh, le groupe Curie) deploie une intense activite
Derriere ces complots fantaisistes, ce sont en realite les voyages et !es fre- pour empecber leur extradition au Cameroun. II multiplie les demarches
quentations de l'eveque ä l'etranger qui inquietent Je pouvoir camerouoais et aupres des organisations internationales chargees de faire respecter Ies
ses parrains fran~ais. Participant a differentes sessions du concile Vatican II conventions de Geneve et Je statut des refugies politiques.11 pousse les medlas
qui se tient aRome de 1962 a 1965 et s'etant vu confier par l'episcopat la täche i nternationaux adefendre les upecistes victimes du regime putschiste d' Accra.
de s'occuper des etudiants catholiques africains eo formation al'etranger, il se n envoie ses membres en Suisse, en Belgique, en Italie et en Grande-Bretagne
deplace tres frequemment en Europe. Ce qui lui donne l'occasion d'entre- pour pJaider leur cause. Solidarite expedie meme Martin Verlet au Cameroun
tenir de precieuses relations. 11est notamment en contact avec <<Solidarite »,
pour s'assurer qu'en cas d'extradition les militants upecistes d'Accra ne seront
une organisation clandestine basee en France et dirigee par le militant pas sommairement executes 33•
communiste egyptien Henri Curie!.
C'est au cours du voyage de Verlet au Cameroun que sont noues les pre-
Le « reseau Curiel » regroupe alors des miJitants progressistes (principale-
rniers contacts avec Mgr Ndongmo. Solidarite peut alors se faire une idee pre-
ment fran~ais), dont beaucoup de commuoistes et un certaln nombre de chre-
cise de la situation interieure au pays. « Actuellement, explique le rapport
tiens, qui, apres avoir ete « porteurs de valises » pour le FLNpendant la guerre
d'activites de Solidarite pour l'annee 1966, les maquis qui subsistent ne se
d' Algerie 29, ont decide de poursuivre leurs activites de soutien aux mouve-
renouvellent plus. Chaque perte est definitive ; ils vont donc en s'affaiblissant
ments de liberation du tiers monde. JnstaUe en France, mais ayant des relais
et resistent de plus en plus difficilement a la repression qui, eile, ne falt que
dans d'autres pays, notamment en Suisse, en ßelglque et en Algerle, le groupe
s'accro1trc. 1... ] Ce tableau est asse.znoir, mais II y a tout de meme un certain
Curiel offre ä tous les mouvements de llberatlon notlonalc qul lc souhaitent
nonibri..•cl'~l6nw111~ posilifs qui se sont revelcs dernierement. On peut esperer

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que l'UPC saura prendre le tournan1 Indispensable : lc passogcde la luttc de bapll~öc MunHol'lu~tlqucet creee e11fevrier l969, ne fait pas appel ä Solicla-
maquls, perimee, ä une aut.reforme de lutte plus approprlee J4 ,,. rltc; clle cst d'nbord gercc par l'eveque lui-meme, grace ä des fonds came-
Pour contribuer a ce tournant espere, le groupe Curie! s'investit davan- rounais et avcc une assistance technique tran~aise taut ce qu'il y a de plus
tage encore dans le soutien aux revolutionnaires kamerunais. En particulier, officielle 37 • Soucieux de developper le tissu economique de son diocese,
il organise en 1966 ou 1967 le voyage en France de Nicanor Njawue, prin- Ndongmo sollicite Solidarite,qui suggere un homme de son entourage. A la
cipal representant du CRä Algeret interlocuteur privllegiede Solidarite,pour mi-mars 1969, YvesVerbeek, mBitant beige du reseau, engage dans l'action
lui permettre de prendre directement contact avec Ndongmo alors de pas- de soutien aux mouvements de liberation depuis la guerre d' Algerle, est
sage ä Paris. L'idee de la rencontre est de creer un " front antifasciste ,., qui charge par l'eveque des affalreseconomiques du diocese,et ace titre de la ges-
s'appuierait d'une part « sur l'UPC » et, d'autre part, sur « certaines couches tion de Mungo Plastique38. Disposantd'un homme sur place, le reseau Curiel
catholiques qui, jusqu'alors soutiens d'Ahidjo, prennent de plus en plus leurs peut ainsi evaluer avec plus de discernement l'evolution de la Situation et
distances ». Cette alliance, note Solidarite,"demanderait a l'UPCde sortir de mieux apprecier la nature des liens Ndongmo/UPC.
sa lutte unique de maquis 35 ». La deuxieme initiative est nettement moins officielle. II s'agit d'aider
Ni.canor Njawue, maintenant que le contact est retabli avec Je maquls
d'Ouandie, a convaincre le gouvernement algerien d'aider l'UPC. En collabo-
Un nouveaufront anti-Ahidjo ration avec Njawue, un voyage de Mgr Ndongmo a Algerest donc organise
avecMgr Ndongmo? en 1968, pour qu'il introduise sa requete aupres des autorites algeriennes.
Devant les reticences des Algeriens,sceptiques, !es militants fran~aisde Soli-
L'intervention de Solidarite revigore l'action de l'UPC, en meme temps darite se lancent dans une operation hasardeuse : ils suggerent aNdongmo et
qu'elle bouleverse les equilibres. Alors que les liaisons sont coupees depuls Njawue, pour credibiliser la demarche et convaincre le gouvemement alge-
1964 entre Ouandie et Woungly-Massagaet tandis que Michel Ndoh etJean- rien, de fabriquer un faux mandat au nom d'Ernest Ouandie. « C'etait un faux
Martin Tchaptchet croupissent dans les geölesghaneennes (voir chapitre 32), grossier,reconnait aujourd'hui Michel Rogalski.On avait pris les documents
Nicanor Njawue apparait de plus en plus comme l'homme fort parmi les d'Ouandie sous maquis et on a betement fait un calque de son tampon.
representants exterieurs du Comite revolutionnaire, au detriment de Mas- C'etait fait avec les moyens du bord, c'etait de l'amateurisme 39 . » Les Alge-
saga 36 • Mais c'est surtout le statut de Mgr Ndongmo qui evolue: desormais riens comprennent rapidement la supercherie et econduisent l'eveque. « <;a
agent de liaison Informel, vin Paris,entre le maquis Interieur et les membres commen~ait atourner au vloaigre », se souvient Rogalski.
du CR installes aAlger,pivot d'une strategievisant aformer un eventuel nou- Sur ces deux initiatives vient se greffer une troisieme, plus clandestine
veau « front» anti-Ahidjo, il devient paradoxalement une flgure centrale de encore : celle d'exfiltrer Ouandie du Cameroun. Delicate operation dont se
l'opposition camerounaise, alors meme que Je gouvernement de Yaounde charge Martin Verlet,alors employe du tres officlelBureaupour le developpe-
vient de lui confier Ja mission de rarnener Ouandie dans la legalite... ment de la production agricole (BDPA),organisme public fran~is dependant
C'est ace titre que les militants de Solidarite decident de lui preter main- du mlnistere de 1'Agriculture: debut 1970, iJ se voit opportunement confier
forte. Deux operations sont semble-t-il montees simultanement, a l'occasion une mission a Bamenda dans le cadre de son activite professionnelle. L'ldee
d'un nouveau voyage du prelat aParis au debut 1968. La premiere consiste a est de prendre contact avec le maquis d'Ouandie par l'lntermedlaire de
creer, a la demande de Ndongmo, une entreprise de transformation de plas- Mgr Ndongmo et de faire passer le presideot du Com.iterevolutionnaire au
tique, de fa~on a permettre au diocese de Nkongsamba d'acquerir une plus Nigeriapour le transfererensuite en Europe. « j'avais des moyens de transport
grande autonomie financiere et d'elargir sa marge de manawvre dans ses et je m'etais entendu avec des eleveurs peuls, explique aujourd'hui Martin
reuvres sociales et politiques•. Dans un premier temps, cette entreprise, Verlet. ]'avais con~u un itineraire : recuperer Ouandie du cöte de

a L'autonomle flnanclere de son dlocese l'.\tait une prfoccupation anclenne d'Albcrt selgnements franco-camerounals ont plutöt analyse cette initiative comme une couver-
Ndongmo, comme en t(\molgne son Interview a La Crolx du 1S janvlcr 1963. Pluslcurs ture pour alder flnanclerement le maquls. Blen que doutant que ccttc entreprlse alt jamais
Interpretations sont cependant envlsageables. II est posllbic quc Solldarltc all acceptc pu degagcr des excedents susceptibles de confirmer un tel sou~on, Michel Rogalskl cmet
d'asslster nv~uc dans ce profct cn contrepartle de l'aldc qu'II appone :\ l'UPC. Mah, vu lul-m(lmc de\ hypothcws allant dans cc scns (entretlen des auteurs awc Michel Rogalskl,
lc~ problemcs flnandcr.. du m.iquls d'Ounndlt\ II cst vrulwmhlobk lJUC Ir, ~ervtcesde rcn- 28 jullh<t2009),

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U11e frtlll(,1f1lcilhll' ( l 9t, /. / !171)
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l.t: WII/Jf/1111/: 1(1971) I !)7J)
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Nkongsamba, l'emmener jusqu'A Bamenda et, de IA,j'avols lHl passage qul mc vide sc fall u11tourde lui. Tout ce qui touche a lui et aMungo Plastique sent lc
permettait de descendre avec lui, avec les passeurs peuls, vers Enugu. Et soufre 42... »
ensuite de Je faire passer en Sujsse. Donc [Jeprojet] etalt tres avance 40•.• » Deux semalnes apres l'expulsi.on d'Yves Verbeek, une attaque « terro-
Si I'eveque de Nkongsamba accepte une teile mission, c'est sans doute riste » est perpetree contre Ja clinique de Loum, ä une trentaine de kilometres
que, souhaitant sincerement Je retour de la paix dans Je Mungo en faisant au sud de Nkongsamba. Deux lnfirmiers sont sauvagement tues ä la machette,
sortir Ouandie du maquis, il voit dans Ja solution proposee par Solidarite une une femme enlevee et des medicaments derobes. Cette affaire, aussi san-
option plus noble que celle, souhaitee par Ies autorites, d'amener le revolu- glante qu'etrange etant donne les circonstances, ne sera jamais elucidee 438 •
tionnaire äse rallier ä Ja « legalite » de Ja dictature Ahidjo. Elle offre pourtant l'occasion au correspondant de I'AFP au Cameroun de
rediger une depeche venimeuse dans laquelle il met en parallele I'attaque de
la clinique et la pretendue « decouverte d'un stock d'armes » dans les locaux
Ouandieet Ndongmoarretes! de Mungo Plastique. La depeche, reproduite in extensodans Le Monde,oblige
Mgr Ndongmo a envoyer un dementi au quotidien tranc;:aisdans lequel II
Pour comprendre comment Ouandie et Ndongmo vont en quelques affirme categoriquement qu'aucune arme n'a jamais ete trouvee dans son
mois se retrouver pieges par le pouvoir de Yaounde, il faudrait savoir preclse- entreprise et qu'iJ n'a rien a voir, ni de pres ni de loin, avec l'attaque de
ment ce que les services secrets franco-camerounais connaissent en 1970 et, Loum 44 •
le cas echeant, comment ils lnterpretent Ies projets de Mgr Ndongmo, de Soli- Si Ja suspicion est savamment entretenue autour de Ndongmo, il est fort
darite et de l'UPC. n y a cependant une certitude : Jacques Foccart, maintenu peu probable qu'il ait une quelconque responsabilite dans l'attaque de la cli-
dans ses fonctlons par le successeur du general de Gaulle, Georges Pompidou, nique. A cette periode precise, mi-juillet 1970, il est plutöt en train de pre-
n'a nuHement !'Intention de Jaisser ses ennernis « communistes » ebranler parer, en coordination avec Martin Verlet, l'exfiltration d'Ouandie. Mais cette
l'ediftce neocolonial. Dix ans apres la proclamation des « independances », perilleuse operation, qui aurait ete decisive, echoue. Les raisons de cet echec
l'exJiltration du« camarade Emile », pionnier du combat pour l'emancipation restent obscures. D'aucuns evoquent aujourd'hui une possible <<trahison » de
de l'Afrique et representant historique de Ja lutte contre le nfocolonialisme, Ndongmo. D'autres parlent pJutöt de son manque de prudence. C'est le cas
risque en effet de provoquer un coup de tonnerre, alors que I'Afrique franco- de Martin Verlet. « Ndongmo etalt tres imprudent, insiste-t-il. Un jour, ä cette
phone manque singulierement de heros authentiques. « <;a aurait change periode, je J'ai rencontre aDouala. n participait ä I'inauguration d'une ecole
beaucoup de choses », reconnait aujowd'hui Martin Verlet. catholique ou quelque chose comme c;:a.La, il m'aperc;:oit... et il se precipite
Dans la realite, le scenatio sera bien different. En six mois, les autorites sur moi ! ll m'enlace et il m'emmene dans sa voiture ! Ce o'etait pas tres pru-
camerounaises vont stopper toutes les initiatives prises par Solidarite et dent: j'etais evldemment surveille d'assez pres ... et lui aussi ! » C'est vraisem-
Ndongmo. ElJes vont meme en profiter pour eradiquer definitivement tous blablement ce grave manque de prudence qui a transforme Mgr Ndongmo en
Ies « ennemis » du regime. L'offensive commence en mars-avril 1970 par poisson-pilote des services de securite. Espionnant les moindres gestes de
l'attaque de Mungo Plastique. Tandis que les locaux de la societe sont sans l'eveque et Je suivant ä la trace pendant ces journees cruciales, ceux-ci pour-
cesse « visites », Ies dirigeants de I'entreprise sont interroges par les services ront sans peine localiser Ouandie a quelques jours seulement de la date
de Paul Pondi et de Jean Fochive. Les banques, franc;:aisespour la plupart, qui prevue de sa prise en charge par Verletb.
ont prete de l'argent ä Ja societe exigent precipitamment Je retour des sommes Le manque de prudence n'explique pas tout. Une derniere peripetie
avancees H_ Et des rumeurs sont lancees selon lesquelles Mungo Plastique ser- sernble avoir favorise l'arrestation du president du Comite revolutionnaire.
virait de couvertwe ä un traftc d'armes. Le principaJ associe camerounais de Dans !es jours qui precedent l.epassage de temoin prevu entre Ndongmo et
I'entreprise, Christophe Tcheuleu Tientcheu, est incarcere ä Ja BMM de
Yaounde. Les deux associes ewopeens de J'eveque, Yves Verbeek et un techni-
cien polonais, sont expulses du Cameroun manu militari, respectivement Je a Mathieu Njalisep, compagnon d'Ouandie, nie toute implication de son groupe dans cette
27 juin et Je 3 juillet 1970. « Privee de ses deux prlncipaux cadres, note alors attaque (entretien des auteu.rs avec Mathieu Njassep, Douala, 10 mai 2007).
Verbeek, Mungo Plastique limite puis arrete ses activites. La societe est rnise b , Co1rnnc lc conflrme, dans un opuscule redlge par ses solns, le commissalre de poUce qui
offtrmc nvolr nrr()1cOuandle : • Tous les actes • de Mgr Ndongmo, ccrlt-U, etalent • sulvls
en vente, mais Fochive rnenace tout acheteur eventuel d'ennuis graves.
por i\>,,~111mh~nrllllSpecial de Mbanga. (Thomas MIIOMßOCK NSOCA, Emest 011a11dii!, 1111
L'influence de l'eveque aupr~s des milieux offlciels scmblc r.Multe a zero. Le ~,,,,,,.~11
//r11/11,
~.11, p 22).

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Une11/rtat11n• ( l 9o 1 1971)
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Ntl1111sm11 1 ( 1JJ10 1«J11)
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VerJet,le prelat est Interrompu par une convocatlo11cn urgc11cc ... au Vatlcan ! canicrounnh lll' ,c llmltcnt pas aux dcux flgures de proue de la « rebelllon »:
Le Saint-Siege,apprend-il, veut des explications sur Mungo Plastique. Et ccla des dlzalncs d'« opposants », ou pretendus tels, sont egalement envoyes en
au moment exact ou il vient enfin de recuperer Ernest Ouandie et son secre- prison.
taire, Mathieu Njassep,pour les confier ä l'emissairede Solidarite ! Contraint Lesforcesde !'ordre frappent dans l'entourage des deux inculpes. Outre le
d'obfü aux injonctions du pape, l'eveque suspend sur-le-champ les opera- secretaireparticulier d'Ouandie, Mathieu Njassep,arrete au cours de la tenta-
tions, abandonne precipitamment les deux fugitifs dans la zone de Mbanga tive d'exfiltration, elles arretent Ja majeure partie de l'etat-major de l'ALNK.
et s'envole pour Rome. Quelques jours plus tard, Njassep et Ouandie sont Ellesvont evidemment rechercher les adeptes du mysterieux groupe de priere
arretes, respectivement le 12 et le 18 aoOt,ä quelques kJlometresdu lieu ou II qui projetait, dit-on, un « coup d'Etat spirituel » contre le president Ahidjo.
les a Jaisses.Ce subit abandon fera naitre, plus tard, les suspidons de nom- La pollce incarcere en outre Je redacteur en chef de L'Essordes/eunes,Celestin
breux upecistes ä l'endroit de l'eveque. En rea1ite,l'episode s'explique sans Lingo, un employe de l'eveche de Nkongsamba, Raphai.;JFotsing, quelques
doute autrement que par une trahison. femmes originaires du Mungo. Mais eile ne s'arrete pas lä; eile racle les fonds
Depuis plusieurs mois en effet, les plus hautes autorites camerounaises, de tiroir. Albert Mukong, upeciste anglophone, repenti depuis plusieurs
manifestement tnh bien renseignees sur ses projets, essayaient d'eviter les annees, est arrete sans que personne ne daigne lui dire pourquoi 46• L'ancien
complications, sur le plan national comme international, que risquait ministre Victor Kanga, remis en liberte fin 1969 apres trois annees passees
d'entrainer l'inculpation de l'eveque. Elles multipliaient donc les pressions dans Je camp de detention de Yoko,est a nouveau incarcere. L'ancien maire
sur le Vatican et sur Ndongmo pour eloigner ce dernier du Camerouna. de Bafang,Jean Mbouende, qui vient pour sa part de perdre quatre ans de sa
Ndongmo persistant dans sa voie, l'hypothese la plus vraisemblableest donc vie au Centre de reeducatlon civique de Mantoum, se retrouve lui aussi a Ja
qu'un arrangement ait ete trouve, ä Ja derniere minute, entre le Vatican et Ja case depart: la BMMde Yaounde(voir chapitre 30).
presidence camerounaise : cette convocatioa-pretexte ä Rome qui permet, Des dizalnes de "suspects » se retrouvent ainsi, pele-mele, dans les ceJ-
d'une part, aux autorites camerounaises d'arreter tranquJllement Ouandie lules de Ja prison de Yaounde47• Tout ce beau monde est interroge a tour de
sans avoir a impliquer le prelat et, de l'autre, au Saint-Siegede s'epargner le röle par les « speciaJistes» de LaBMM.En fonction de leur statut, de leur resis-
deshonneur que provoquerait J'ineluctable condamnation de son eveque tance aux seviceset de Ja gravite des« faits » qu'on cherche ä leur faire avouer,
(pour collusion avec une guerilla communiste et tentative d'assassinat d'un ils sont plus ou moins ferocemeat tortures. Lesuns ont droit aJa gegene, aJa
president !). Ainsi s'explique sans doute la presence de !'ex-Premierministre balarn;:oireou au supplice de la baignoire. D'autres s'en sortent avec des brO-
camerounais Simon-Pierre Tcboungui au Vatican Jorsque Ndongmo y lures ou des coups de bäton. Seul l'eveque de Nkongsambaest epargnea.
debarque precipitamment au milieu du mois d'aoOt 1970. Missionne par Jean Fochive et ses services « decouvrent » ainsi d'innombrables
Ahidjo et seconde par le pape, il ordonne au prelat de ne pas retourner au complots. Le journaliste CeJestin Lingo, considere par ses tortionnalres
Cameroun 45 • Ndongmo, qui n'est pas encore i.nforme de l'arrestation comme Je« chef des servicesde renseignements de Mgr Ndongmo », se voit
d'Ouandie, refuse. Et retourne au Cameroun : il est arrete ä sa descente par exemple impliquer dans une histoire rocambolesqued'empoisonnement
d'avion, ä DouaJa,le 27 aout 1970.
a President du trlbunal milltalrc de Yaound~ ä l'epoque, lc colonel Nd]ock (alors capltalnc),
rencontre cn 2008 ä Makak (Nyong-et-Kclle), ne cache pas la nature reelle du proces
Eradicatiott: nouvellec11asse
au:xBamileke Ndongmo-Ouandie, qu'll a preslde. • C'est des trucs polltlques, vous savez•, balaye-t-11.
Avant d'ajouter : « C'est expeditif, vous voyez, on ne rentre pas dans le fond ! Nous-
memes. mllltaires, etant dcjä entre ce genre de gens [sie],comprenez blen qu'on ne peut
Ouandie et Ndongmo sous les ecrous, le regime Ahidjoa de quoi sabler le pas avoir beaucoup de faveur pour eux 1•
champagne. Cependant, pour que la fete soit complete, lesservicesde securite Juge mUitalre dl!tache de la gendarmerle au debut des annees 1960 et forme par les assls-
tants technlques fran~ls, le capit:alne Ndjock avalt dejä falt condamner a mort d'autres
« rebelJes •, ä commencer, en 1964, par Makandepouthe et Noe Tankeu. II explique sans
a L'un des acteurs princlpaux de ces manceuvres est vralsemblablement Jean Zoa. Outrc la ambages le fonctlonnement de la torture : • Lesvrals vrals chefs, on ne les tapait pas. Mais
iettre qu'il envole ä Mgr Serglo Pignedoll, II avertlt Ndongmo que la prC:sldencecamcrou- les sous-flfrcs, qui accusalent les chefs, on !es fon;alt ä acccpter. • Et lc flou qul entoure le
nalse detlent un dossler compromettant sur Jul. 11est· vrulsemblable qu'(:tant donnc l,1 concept de• subverslon • : • Subversion, c'est un mot de pollttclens I Allez leur demander
sourde dvalltc cxlstant enrre les deux hornmcs, Ndongmo alt lntcrprl!t~ l'tnformatlon cc quc c'c\1 l SI un sous-prcfet ne vous alme pas, U dlt : "Pfff... II est subversif celui-lä !" Si
comme une simple tentative d'lntlmldatlon (sur lc röte de /.0.1 dans l'nffalrc, volr Jean-l'Jul vous vmn rcncontrez sur une fllle dehors [sie], il vous taxe de subvcrslf ! • (entretlcn des
Mr.sstNA, /e,111 rle Y"o,11111',
Loa: flfetre l'l 1mh1•,-~q11e op.dt., p, 21•I-226). Ollll'IIM 11v,'i. lt wlonel l'.1ul-Thoodore Ndjock, Makak, 5 rnars 2008).

"1U1 ':>27
.........-
..._•••, .... t'"''\n/n,ao,n-,,•,nl ,.,,,, (1970-1971)
I (' (OIIPf l11t1l:l'a/f,1/rcNtlo11.~1110-011t111tlltf

polltlquc. « IA la BMM1,on 111e (lit qu'cn 1969 je sttl~ nll~;) Garoun, ou tentatives cr1111lnclles.
II s'cnsuit que, depuis trois semalnes environ, l'argent
moment du premier congrcs de l'UNC,avec un polson qul m'c1valtet(l donn<i bamilekesort du Camcroun maJgreles contröles gouvemementaux. Lasitua-
par Mgr Ndongmo et que je devais remettrc il une fllle, se souvlent-il. Laquellc tion risque de devenir plus grave selon la maniere dont le proces sera re~u et
fille devait aguicher Ahidjo et lui servir le poison pendant qu'lls seralent dans interprete par la population. On sait en effet qu'il y a a!'heure actuelJeen pays
les "ceuvres"... » Raue de coups, Linga avouera sa partlcipation il cette imagl• bamilekeenviron 1 600 gardescivlls bamilekearmes de MAS36 et de MAT 49
naire tentative d'assasslnat. La police palitique « constate „ egalement les cntreposes dans des magasins du parti gardes par eux-memes49". »
petits peches du prelat de Nkongsamba: ses presumees « maitresses», raflees
dans le Mungo pour l'occasion,avouent aforcede bastonnades leurs relations
aduJterinesavec l'eveque 48• Cela pourra toujours servir, au tribunal mllitalre, Ouandieexecute:
lorsqu'on y etudiera la « morallte » du suspect. Ou, au cours de l'instruction, l'echecde la mobilisationinternationale
larsqu'il s'agira de le falre chanter ...
Car l'objectif de cette « enquete „ tous azimuts est evldemment de pre- Plus que le tribunaJ militaire, qui est totalement aux ordres du pouvoir
parer le proces qui s'annonce. Et de charger le dossier de l'eveque catholique et qui beneficie de taute fa~on d'une legislation antisubversive infiniment
et du revolutionnaire marxiste. Extorquant les aveux, manipulant ou fabri- extensible pour faire condamner les « suspects », c'est l'opinion publique,
quant des preuves, brutalisant les temoins et mena~ant leurs farnilles, la camerounaise et internationale, que le pouvoir chercbe a convaincre.
police politique parvlent rapidement aelaborer un scenario. Pour Ouandie et Condamner un eveque et un chef de maquis ne passe jamais totalement ina-
ses amis du maquis, les choses sont assez simples puisque aucun d'eux ne nie per~u.Cela exige quelques precautlons.
sa participation a la lutte armee ni son opposition radicale au regime. Pour Des la fin aoOt 1970, FelixSabalLecco,devenu ministre de la Justice, pre-
Ndongrno, la demonstration est plus compliquee. 11s'agit de I'impliquer dans sente une bande magnetique en conference de presse. Blentöt diffuse a la
la tentative d'« assassinat » dont Ahidjo crolt avoir ete victime en 1969. radio camerounaise, selon une classique methode stalinienne, l'enreglstre-
Fochive exhume donc l'etonnante preparation d'un « coup d'Etat spirituel „ ment se presente sous la forme d'une discussion collective autour de Jean
qu'aurait organise ce qu'il appelle la « Sainte-Croix pour la Liberationnatio- Fochiveau cours de laquelle Ouandie, Ndongrno et les deux principaux res-
nale „ et exploite les nombreuses imprudences, ambigu'iteset contradictions ponsables de la « Sainte-Croix », Celestin Takala et Gabriel Tabeu, avouent
de l'eveque dans cette nebuleuse affaire1 • leurs « crimes ». On y parle, de fa~on desordonnee, a la fois des projets mys-
Pour credibiliser l'histolre, justifier les rafles massiveset flatter la para- tico-poUtiquesde Ja Sainte-Croixet des reJations entre Ndongmo et Ouandie.
no'ia du chef de !'Etat, Fochlveressort !'Idee, qui avait deja servi a eliminer le L'AFP,Le Mondeet quelques autres repercutent obligeamment la version offi-
ministre Victor Kanga quatre ans plus töt, d'un vaste "complot bamileke „ cielle, sans trop s'attarder sur les conditions dans lesquelles a ete canfec-
(voir chapitre 30). Cette fois ce sont tous !es Bamilekeaffilies au regime qui tionnee cette curieuse « preuve ». Lequotidien catholique La Croix,defendant
sont inquietes, y compris le ministre de !'Administration territoriale et l'eveque Ndongmo, se montre plus circonspect devant cet « etonnant »
ennemj intime du directeur du SEDOC,Enoch Kwayeb,dont le nom est subti- temolgnage 50• Mais persanne ne mentionne la partie de l'enregistrement Oll
Iement glissedans le dossier « Ndongrno-Ouandle ». Le tableau que brosse en l'eveque et Je revolutionnaire discutent de leu.rs« copains fran~ais„ 51 •••
octobre 1970 le colonel Sicre,commandant superieucdes forcesfran~ises de Pendant que les autorites carnerounaisespreparent l'opinioo publlque a
l'escaled' Afriquecentrale, est edifiant: "Des mllitaires bamlleke auraient ete l'inevitable condamnation de Ndongrno et d'Ouandie, les hommes de Sallda-
arretes. D'autres officlersde cette ethnie [...] sont l'objet de delations et de tra- rite, bien conscients que leurs initiatives tournent a la catastrophe, s'activent
casseries,et craignent de sublr le meme sort. Dans le Nord, Oll certains Bami- a Parispour contrer la propagande de Yaounde et sortir les deux « copains „
leke avaient installe des commerces, on signale plusieurs cas de magasins du guepier. Habitues a ce genre de campagne, Oll ils excellent, Ies hommes
incendies par des Haoussa. Des eglises auraient egalement ete l'abjet de de Curie! mobilisent de multiples avocats, journalistes et intellectuels pour

a Si i'on en croit l'• instructloa • menee par Fochive et les aveux extorqu~ aux • sus1>CC1S
•, a k.cSDECE,10111oursobsede par les Americalns, anaJyse quant ä lui te • complot • cornme
Ndongmo auraJt effectiveme.nt donne de vieilles urmcs aux lllumtnes de l'assoclalion de unc tcnrntlvc des faats-Unis d'lnstallcr un „ Bamill?ke • ii la presldence camerounaisc
pri~re (volr: • lnterrogatolre de Mgr Ndongmo et des nutrc~ conlure~ par lo Skurite camc- • pnn:,1 ,111•11~
~•tinmlcn1 lc preslclcnt Ahidlo trop lnfcodl? ä lu France• (• Actlvlt6 uml'rl-
rounaJ~e •, l.'U11/1f,2-9 septcmbrc 1970). c,1ln~~!III! 11111'111\tll'• \l)PCP, 23 octobre 1970; SliAT, IOT638).

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tenter d'organiser la defense juridlgue et mediatlque des occuses. Le pasleur Celul d'l11ipo1tontes pcrsonnalltes : l'anclen ministre Pierre Cot, l'ecrivain
Jacques Beaumont et l'abbe Alexandre Glasberg, personnalltes eminentes du Michel Lelrls, le philosophe Paul Ricreur, le linguiste americain Noam
christianisme de gauche et proches collaborateurs de Solidarite, sont en pre- Chomsky. Celui d'anonyrnes egalement, a !'Image de ces travailleurs de
rnlere ligne. Alexandre Glasberg et Martin Verlet, revenu en urgence du Thornson-CSF qui recueilJent, dans leur usine de Villacoublay, les signatures
Cameroun apres l'exfiltration rnanquee d'Ouandie, se rendent au ministere de dizaines d'ajusteurs, fraiseurs, cäbleurs, tourneurs, couvreurs, töliers et
fran~s des Affaires etrangeres pour faire pression en coulisses sur ceux qul, autres chaudronniers en faveur du revolutionnaire kamerunais 55 •
« dans notre gouvernement, protestent (a mi-voix) contre le pouvoir d'un
Ulcere par l'attitude des autorites fran~aises et de la plupart des jouma-
Foccart et des polices paralleles 52 » - le Qual d'Orsay enverra effectivement listes hexagonaux, Le Monde en particulier qui justifie article apres article la
une lettre a l'ambassadeur de France aYaounde, Philippe Rebeyrol, lui deman- politique repressive et tribaliste d'Ahidjo, Je romancier camerounais Mongo
dant de faire pression sur Ahidjo pour sauver la tete de Ndongmo 53. Beti - nom de plume d'Alexandre Biyidi - ecrit lul aussl aTheodore Monod,
Contacte par Solidarite, l'intellectuel fran~als Jean Lacouture s'!nforme fin novembre 1970 : « Je ne saurais trop vous dire ma reconnaissance pour
aupres de Philippe Rebeyrol, qu'il conna1t depuis des annees. Alire la reponse votre courageuse generosite envers Ernest Ouandie, c'est-a-dire envers le
de ce dernier, il appara1t clairement que l'ambassade bolt comme du petit-Iait Cameroun et ses malheureuses populations que broie depuis douze ans
les paroles officielles du regime Ahidjo. « Ouandie est actuellement en prison, l'impitoyable mecanique d'un regime authentiquement fasciste. [... ] Si vous
soumis ade nombreux interrogatoires, qul revelent des complicites etendues avez besoin de mon temoignage sous quelque forme que ce solt (ecrite ou
surtout en pays bamileke, croit savoir Rebeyrol. Je ne crois pas qu'il soit tor- orale), je suis entierement ä votre disposition. » Manquant crueUement de
ture. Ahidjo m'a donne personnellement l'assurance qu'il ne l'etalt pas et cela connaissances preclses sur Je contexte politique camerounais, du fait du
correspond aux indications que je peux avoir par ailleurs. Un Jong interroga- silence mediatique observe sur ce pays depuis 1960, le CIDEO lui cepond en
toire principalement consacre aMgr Ndongmo, mais ou Ouandle participait lui demandant de « donner par ecrit quelques informatlons » sur le regime.
aussl largement, a ete enregistre sur bande et diffuse par radio. Il est evident « Nous essaierons, ajoute-t-il, de faire passer ces indications dans la presse,

qu'Ouandie y parlalt sans contrainte. C'etalt la palabre africaine ou chacun bien que, comme vous devez bien le savoir, nous avons d'extcemes difficuJtes
s'expliquait en coupant la parole au voisln 5 \ » L'ambassadeur, que les ä faire passer un certain nombre d'informations 56 . »
methodes « africalnes » d'enquete judiciaire ne semblent pas perturber outre Mais il est deja trop tard. Les proces d'Ouandie et Ndongmo, ou plus
mesure, anticipe en revanche assez precisement l'issue probable de l'affaire. exactement Ja mascarade judiciaire orchestree par Fochive, sont expedies en
« II me para1t vraisemblable qu'Ouandie sera condamne a mort et execute a quelques jours par le tribunal militaire de Yaounde, fin decembre 1970 et
l'issue du proces, pronostique-t-iL On ne peut exclure qu'U en soit de meme debut janvier 1971. Ouandie, prive des avocats qu'il avalt designes - Je
pour Mgr Ndongmo, quoi.que la gräce presidentielle rne semble plus vraisem- Fran~a:isJacques Verges et Je Britannique Ralph Milner -, refuse d'ouvrir Ja
blable, compte tenu du caractere episcopal. » bouche durant ce « proces de pure forme 57 ». Mgr Ndongmo est plus loquace
Laissant au Vatican Je soin de sauver Ja tete de l'eveque, Je reseau Curie! et moins coherent; pour !'« aider », Ja police lui administre en effet des
concentre ses efforts sur Je president du CR. Un Comite international de « injections » avant de l'emmener au tribunal 58•.• Les six principaux accuses
defense d'Ernest Ouandie (CIDEO) est mis sur pied, dont Ja presidence est sont condamnes amort. « Certes, l'instruction d'affaires aussi complexes lais-
confiee au celebre naturaliste Theodore Monod. Malgre Je renom de ce dernier sait vlsiblement a desirer, ecrit l'ambassadeur de France a sa hierarchie au
et les efforts acharnes du CJDEO, Ja campagne de soutien se revele dece- terme du proces, mais le deroulement des audiences n'a pas donne une mau-
vante. Les journaux « de reference » fran~ais font peu de cas de cette affaire vaise impression de Ja justice militaire camerounaise aux observateurs
« exotique » et se montrent incroyablement complaisants al'egard de Ja dicta- etrangers. Le president Ahidjo peut, semble-t-il, se feliciter de la maniere dont
ture camerounaise. Seule consolation : on reparle, pour la premiere fois depuis !es proces qui le preoccupaient vivement ont ete conduits 59. »
des annees, du Cameroun dans !es journaux progressistes et catholiques de Puisque les jugements des tribunaux militalres ne sont susceptibles
France". Cela permet au CJDEOd'engranger un nombre croissant de soutiens. d'aucun appel, Albert Ndongmo, MatWeu Njassep et Celestin Takala deman-
dent Ja gräce au president Ahidjo. 11sobtiennent Ja commutation de leur
peine en detention a vie et sont transferes dans les sinistres« camps de reedu-
a Ce qui s'explique aussl par l'e.ffet d'entrainemem que provoquent, hasard du calendrler, catlon clvlquc » de la Republique du Cameroun. Albert Ndongmo .restera
les proc~s politlques organls~s au ni~mc moment par deux autrcs dlctatures: Je" procl!s de
Burgos • en Espagne c1le • proc~s de Leningrad• en Union ~1wl6tlquc. cnfern1~ flt1rnmp <JeTchollire jusqu'en 1975. Malntenu encl1aine dans une

rw 531
fr,111111/rl,
Um·1(/11111111,· w,1-11171J
,,Im·( 1 1,, ftmp /l1ml: l't11f11l11• ()11awl/,1( l~IU 1971)
Ndo11s11111

cellulede la BMMjusqu'en 1973,Mathieu Njassepsera ensulte lncarceredans medlatiquc ~ Puf'ls,plclnc d'elogessur la « democratie » camerounaise, sur son
Jescamps de Ngaoundere et de Tignere jusqu'en 1985. 11spartagcnt le sort de « dynamisrnc » economlgue et sur la « populaJlte » de son chef .
62
centaines d'autres « suspects » qui, n'ayant jamais ete inculpes ni juges ä Pour l'opposition camerounajse, sous le choc de Ja toute fraiche affaire
J'occasion de 1'«affaire » ou dans les annees precedentes, se retrouvent tout Ndongmo-Ouandie, c'est Je coup final. AinsJdonc, la France peut venir, en
de meme internes. A l'image du joumaliste Celestin Lingo, qui restera incar- tenue de soiree, deguster du caviar en l'honneur d'un cUctateurau petit pied
cere a Mantoum jusqu'en 1975, ou d'Albert Mukong, qui passera de la BMM qui etouffeson peuple dans la misere,embastille ses opposants et fusille publi-
de Yaounde a Mantoum puis Tchollire jusqu'a Ja meme date ... quement jusqu'au dernier resistant ! Dans les milieux contestataires came-
Ernest Ouandie (qui n'a pas demande la gräce presidentielle), Gabriel rounais, en particulier dans la diaspora, on comprend subitement que le
Tabeu et Raphael Fotsing sont pour Jeur part executes en public, Je 15 janvier neocolonialisme fran1raisen Afrique n'est pas, comme on l'avait cru trop
1971, devant le commissariat de police de Bafoussam.« A la fin du discours longtemps, un phenomene conjoncturel voue a etre abattu par quelques
annon1rant l'execution, un seuJ depute applaucUt,au milieu du silence de la balles de fusil et baJayepar Je vent de l'IDstoire.
population, temoigne un observateur present sur les lleux. Une femme osa Cette prise de conscience provoque une evolution importante chez les
crier de ne pas Jes executer ; eile ne put etre arretee par la police, car eile ne opposants camerounais. La mort d'Ouandie, si eile ne tue pas completement
put etre reperee au milieu de la foule. Ernest Ouandie, dont J'execution vient l'UPC, gui trouvera ensuite quelques ressources pour survivre cahin-caha,
en dernjer apres ses deux camarades, refuse de se laisser bander !es yeux. Ce change ses priorites d'action. L'abandon de la lutte armee redonne ains.ide la
refus donna Heua un diaJogueavec Jesautorites, au cours duqueJ E. Ouandie vigueur ad'autres formes de lutte et rend sa noblesse il cette autre arme qu'est
fit preuve de beaucoup de fermete pour maintenir sa derniere volonte de l'ecriture•'.Les upecistes en exil remisent egaJement les armes a feu dans la
mourir courageusement les yeux ouverts et ou il put dire qu'il savait que bolte a souvenirs, et prennent la plume 63 • Mais celle-ci, trop empesee,
c'etait un regime reactionnaire et fasciste qui J'assassinait, mais [qu']il avait alourcUepar des concepts creux herites de combats pelimes, rencontre peu de
forme des gars susceptiblesde demander un jour des comptes a ce regime 60• » lecteurs.
Cette evolution met en revanche sur le devant de la scene Jes profes-
sionnels de J'ecriture,intellectuels, joumalistes, hlstoriens ou romanciers, qui
Le combatde MongoBeti comprennent que Ia force du neocolonialisme ne vient pas seuJement de la
contrel'« anne laplus redoutable,le silence» superiorite economique et mllitaire de l'ancienne metropole, mais aussi et
surtout de sa capacite a modeler les consciences,areecrirel'histoire et aanes-
thesier les velleites resistantes. La figure de proue de cette generation d'inteJ-
C'est finaJement Je 9 fevrier 1971 que J'on boit Je champagne a Yaounde, lectuels africains engages est Mongo Beti. Auteur dans Jes annees 1950 de
aJ'occasion de Ja visite d'Etat de Georges Pompidou au Cameroun. Pour sa romans remarques, il est bouleverse par l'affaire Ndongmo-Ouandie.A peine
premiere toumee africaine en tant que president de la Republique fran1raise, la sentence tombee, il se jette avec frenesie dans une etude precise de cette
celui-ci part, accompagne de son epouse, de l'omnipresent Foccart et d'une etrange aventure, rassemble les tres rares articles que la presse fran1raisea
importante delegation, dans tes principales capitales « frans;africaines » : consacres au Cameroun depuis l'independance, retrace l'hlstoire meconnue
Dakar, Abidjan, Librevilleet, donc, Yaounde. de Ja colonisation de son pays et du mouvement nationaliste depuis la
Pow-Ahidjo, qui se sent mal alme par ses parrains fran1raisc'est la conse-
1
Seconde Guerre mondiale. Et il aboutit a une remise en cause profonde de
cration. Al'occasion de cette visite, ses servicesmettent les petits plats dans les 1'«humanisme » autoproclame de la France des droits de l'homme, dans son
grands. Et Jes Camerounais dans Ja rue. « 11y avait sans doute plus de Came-
rounais sur Jepassagedu cortege officleJque Yaoundene compte d'habitants,
note aJors l'ambassadeur de France.Le parti de l'UNC s'etait en effet depense
sans compter pour amener, parfois de fort loin, ses militants qui reserverent
un accueil chaJeureux a Jeursillustres visiteurs61 • » La France Jul rend royale- a Le demier grand « complot • de l'ere Ahidjo, en juilJet 1976, sera celui dJt de l'• affalre des
ment la monnaie de sa piece : une reception fastueuse il l'ambassade, des dis- tracts • : des tracts tntitule.s « Manifeste national pour l'lntroduction de la democratle •
cours enflammes sur l'amitie franco-camerounaise,tTOlsentretiens en t<?teil (Mi\NIDPM) ayant ete distribues sur le campus universltaire de Yaounde, quelque mllle
pcrsoo11c~ wrc)nl emprlsonnees sans proces, dont centquatrc-vingts seront envoyees dans
tete entre Pompidou et Al1idjo.El, bicn sOr, une somptucuse couvcrture lc Nont (vnlo No11kllASSOMD,Le Quartier sp~clal, L'Harmattan, Paris, 1992).

632 531
Unelilcltl//lr(' (hl11r11.fr
/(r,/1/(I ( 1961.197J)

livre Main basses11rle Carnero,111, publie le 25 juln 1972 par les ~ditions
EpiJogue
Fram;ois Maspero•.
Brossant un portrait edifiant de cette « ramification quasi inextrlcable Uneguerre
sansfin ?
d'arteres de la connivence et de filieres de la honte» que l'on ne qualifie pas
encore de « Franr,:afrique », ce livre va plus loin encore en soulignant le
racisme latent qui ronge secretement les societes occidentales, la France en
• A tous !es combattants de la liberte, la France lance
particulier, jusque dans les mllieux qui s'en croient immunises. Comment son message d'espoir. Elle adresse son salut aux
expliquer autrement que les Franr,:ais aient si vite oublie le sort de leurs feuunes, aux hommes, aux enfants memes, oui, a ces
anciens colonises des la guerre d' Algerie terminee? Comment comprendre "enfants heros" semblables a ceux qui dans cette ville
sauverent jadls l'honnem de votre patrie et qul tom-
que l'opinion hexagonale tolere si bien, et depuis si longtemps, les egards bent en ce moment meme de par le monde, pour un
reserves par leur pays aux dictateurs francophiles d'Afrique noire? Comment noble ideal. Salut aux humilies, aux emigres, aux e.xiles
admettre que les « progressistes » frarn;ais, qui defilaient en mal 1968 derriere sur leur propre terre qui veulent vivre, et vivre Libres.
Salut a celles et ä ceux qu'on bäillonne, qu 'on perse-
des drapeaux rouges et noirs, aient ete si peu nombreux ase revolter lorsqu'on
cute ou qu'on torture, qu.l veulent vlvre, et vivre llbres.
assassinait Ouandie moins de trois ans plus tard? Salut aux sequestres, aux disparus et aux assasslnes qui
Dans Main bassesur le Cameroun,Mongo Beti souligne les responsabi- voulaient seulement vivre, et vlvre llbres. Salut aux
lites de la presse et de la gauche frarn;aises, cette intelligentsia hexagonale qul pretres brutalises, aux syndicalistes emprtsonnes, aux
chömeurs qul vendent leur sang pour survivre, aux
denonce les « Viet-na.m des autres » sans se soucier de ce qui se passe dans les Indiens pourchasses dans leur foret, aux travailleurs
neocolonies de son pays. Le 30 juin 1972, moins d'une semaine apres sa paru- sans droit, aux paysans sans terre, aux reslstants sans
tion, le livre est interdit par les autorites franr,:aises; et il est saisi le 2 juillet. Ce arme qul veuJent vlvre, et vlvre libres. Atous, Ja France
dit : courage, Ja liberte valncra. »
n'est qu'en 1977, apres eing annees de bataille jurldlque acharnee conduite
par Franr,:oisMaspero et de conferences clandestines, que le livre pourra enfin Franc;oisMrITTRRAND,Mexlco, 20 octobre 1981.
etre vendu librement dans !'Hexagone. Mais il est alors trop tard pour, comme
le souhaitait Mongo Beti, « fracasser !'arme Ja plus redoutable de la mafia foc-
cartiste en Afrique, le silence, dont la loi implacable etrangl[e] sans recours le
peuple camerounais 64 ». Absorbee, selon Jes tendances, par le drame des
refugies chiliens et par Je sort des dissldents sovietiques, Ja majorite de la
gauche franr,:aisea oublie depuis longtemps qu'il existe aussi des dictateurs,
I 1 y eut, en 1981, comme un vent d'espoir en Afrique. L'election de
a
Franr,:oisMitterrand l'Elysee, le 10 mai, et la vague rose qui s'ensuivit
aux legislatives de juin, ne pouvaient laisser indifferent. Au Gabon, au Togo,
au Senegal, comme en France, on celebre l'evenement. Au Cameroun aussi.
des tortionnaires et d'innommables goulags chez « nos amis » d' Afrique
Dans un pays ou chacun sait, malgre la propagande officielle, que le « pere
centrale.
de l.anation », Ahmadou A11idjo,a ete installe par Paris pour vaincre l'UPC,
l'alternance politique en France doit mecaniquernent apporter quelques evo-
lutions aYaounde. Avec l'election de Mitterrand, l'histoire, niee, refouJee, ree-
crite par le pouvoir camerounais, revient par bouffees. On voit meme circuler,
dans certains villages et dans quelques quartiers urbains, cette etrange
rumeur : Ruben Um Nyobe, qui aurait en fait survecu ä l'assaut des troupes
frarn;aises en septembre 1958, serait toujours en vie et garde en secret dans la
capitale fran~aise ! Mitterrand ne va donc pas tarder a le faire rentrer au
pays ' ...
a D'abord propose aux Editions du Seuil, l'ouvragc fut refuse par ... Jean Lacouture, alors res-
ponsable de collection dans cette maison. • Je pense [... J que le ton et la forme de ce pam-
phlet nuisent ä vos ldees et a votre cause, dans la mesure oi'l lls nc pcuvcnt convalncrc sans
argume11tssolldes ., expliqua celul-cl pour mouver son refus (Mongo 81:11,• Quand f'ilul
ßlya fall. une ouvcrture vers Mongo ßell, c'cs1... une chous~c-lmppc 1(Pin)•, 1>,,11ples 110/rs,
n" 48, t98S, p. lj7).
/Jc11µ/11safr/c(l/11s,

635
!
K1mwr1111
fpllos,w

Franr,ois
Mitterrand, Sassou Ngucsso, Juvenal Habyarimana et les autres furcnt en effet fort bien
une « visioncolonialede l'Afrique» re~us sous les lambris de Ja Republique. Leur promettant que la France respec-
terait Je « princlpe de non-ingerence », le nouveau president socialiste avali-
L'hommage rendu aux « combattants de la liberte » devant le monu- sait alors les ingerences passees. Les demieres illuslons s'envolent quelques
ment de Ja Revolution par Je nouveau president fran~ais, en deplacement a semalnes plus tard, lorsque Jean-Pierre Cot est demis de ses fonctions.
Mexico en octobre 1981, sembla egalement annoncer un mirade. Ces mots
Nomme minlstre de Ja Cooperation en 1981, Cot avait jure de « decolo-
vibrants tirerent sans doute quelques !armes de joie aux opposants came-
niser » Ja Rue Monsieur et de ne jamais se rendre en Afrique sans emporter les
rounais en exil ä Paris. Car, comme l'avait souligne Christine Ockrent, nou- rapports d' Amnesty International. 11oe faisait donc pas l'affaire. « Mitterrand
velle egerie cathodique de Ja France soclaliste, J'appel mitterrandien, « bien a une vislon litteraire de I'Amerique latine, et coloniale de I' Afrique », notera
au-delä du Mexique, s'adress[ait] a tous les pays du tiers monde, comme aux
bientöt !'ephemere mioistre 5 •
pays nantis 2 ». Apres vingt-deux longues annees de gaullisme, de pompido-
Sous Mitterrand comme sous de Gaulle, la liberte est un bel etendard,
lisme et de giscardisme, la France, celle des droits de l'homme, qui defend Ies qu'on agite partout ou il ne porte pas ombrage ä l'« interet national».
opprimes et emancipe !es peuples, Ja France revolutionnaire en somme, allait
enfin renouer avec son glorieux passe. Ahidjo, le « fantoche >,,le « fasciste », le
« foccartiste », n'avait plus qu'ä bien se tenir : Ja peur avait change de camp.
Enfin ! La « malediction» petroliere
Au sein de cette opposition en exil, il y avait pourtant quelques scep-
tiques. Notamment parmi ceux qui avaient quelques notions d'histoire. Le drapeau que la France a plante en Afrique centrale est plutöt celui
Comment Mitterrand, ancien ministre de la France d'outre-rner et de !'Inte- d'Elf-Aquitaine. Depuis la fin de Ja Seconde Guerre mondiale, on l'a vu, le
rieur de Ja IV' Republique, celui-lä meme qui avait « retourne » Houphouet- petrole du golfe de Guinee est l'objet d'une attention scrupuleuse de la part
Boigoy en 1950, allait-il liberer les peuples du tiers monde? Par quelle
des dirigeants fran~ais. Sous la houlette de Jacques Foccart, « Monsieur
stupefiante alchimie ce nouveau president, qui avait declare la guerre aux
Afrique » de !'Elysee jusqu'en 1974, et de Pierre Guillaurnat, Je« pape » du
« rebelles » algeriens en 1954, etait-il depuis devenu l'aUie des« resistants sans
petrole hexagonal, la France s'est lancee, sous pretexte d'assurer son « inde-
armes» qui peuplent les pays pauvres ? Et par quelle audace, lui qu'on o'avait pendance energetique », dans une sinistre politique d'accaparement des res-
pas entendu quand on assassinait Um Nyobe, Mournle et Ouandie, rendait-il
sources petrolieres de la zone (voir chapitre 5).
soudainement hommage « aux sequestres, aux disparus et aux assassines qui
Ta:ndis que !es dirigeants fran~ais et leurs aUies camerounais reduisent au
voulaient seulernent vivre, et vivre Ubres » ?
silence jusqu'aux derniers upecistes, c'est au Gabon voisln, au !arge duquel
Parmi les sceptiques, on retrouve sans surprise Mongo Beti. Devenu un
des gisements off-shore sont decouverts des 1961, que s'installe le creur du
des symboles de la resistance camerounaise en exil depuis l'interdiction de
systeme Foccart-Guillaumat. Apres avoir retabli Leon M'Ba au pouvoir, en
Main bassesur le Cameroun,il anime depuis Ja fin des annees 1970 une revue, 1964, la France installe sur Je tröne en 1967 son directeur de cabinet, Albert-
Peuplesnoirs,Peuplesafricains,qui s'attaque, numero apres numero, au neoco-
Bernard Bongo (devenu Omar Bongo en 1973). A la manreuvre, la creme du
lonialisme frarn;ais en Afrique. lnstruit par l'histoire, conscient de la puis-
« clan des Gabonais » : Maurice Robert, responsable du service Afrique du
sance du lobby (neo)colonial, vaccine contre l'hypocrisie de la gauche
SDECE puis chef des « services secrets ,, d'Elf-Aquitaine; Guy Ponsaille, bras
fran~aise, il met en garde ses compatrlotes. « En verite, ecrit-il au lendemain
droit de Guillaumat et conseiller politique ä la presidence gabonaise ; « Bob »
du 10 mai 1981, il est aise de prevoir l'evolution du pouvoir socialiste dans
Maloubier, reserviste du servlce Action du SDECE qui installe et dirige la
les mois, dans Ies annees qui viennent, en ce qui concerne I' Afrique et les
redoutable garde presidentielle gabonaise ; ou encore Pierre Debizet, patron
Africains 3 ••• »
du tres foccartien Service d'actioo civique (SAC),qui devient ä partir de 1968
Moogo Beti ne fut donc guere impressionne par le discours « herorque »
conseiller de Bongo pour les questions de securite. Ils retrouvent des person-
de Mexico. II constata plutöt que Mitterrand s'etait empresse, des le mois sui-
naFtes qui se sont illustrees pour leur « efficacite » pendant la guerre du
vant, de recevoir ä Paris, a l'occasion du 8° sommet t:ranco-africain, Ja « plus
Cameroun, comme Maur.iceDelauney, ambassadeur de France aLibrevHle de
belle brochette de Pinochets qui se soit jamais assembl~e 4 ». Mobutu Sese
1965 ~ 1972 (puis a nouveau de 1975 ä 1979), Georges Maitrier et Georges
Seko, Gnasslngbe Eyadema, Omar Bongo, Felix HouphouiH-Boigny, Denls
Cona11•i,

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Kn111en111
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te sec.retqul cntou(C le dossier petroller, eile ne tarde pas a comprendre pour-


S'etant assure le contröle total du Gabon et de ses fabulcuses richesses, lc
quoi les organlsmes camerounais charges des questions petrolieres sont direc-
« clan des Gabonais » organise la destabilisation du Nigeria. Transformant le
tement et exclusivement rattaches ä la presidence. Et pourquoi, saus le
Gabon en base logistique, Foccart, Delauney et leurs comparses aJimentent
pretexte officiel de faire des « resecves » pour les temps difficiles, !es recettes
avec le plus grand cynisme la tres meurtriere guerre du Biafra ä la fin des
petrolieres sont gerees « hors budget » dans la plus totale opacite (les fonds
annees 1960, dans le but de s'arroger une part substantielle des ressources
etant places sur des comptes parisiens, suisses ou new-yorkais ... ).
petrolieres du geant anglophone (voir chapitre 32). Leurs appetits petroliers
« M. Ahmadou Ahidjo dispose ä discretion de son royaume sur lequel son bon
portent egalement !es reseaux Guillaumat-Foccart vers le Congo-BrazzaviUe,
plaisir tient lieu de lois et d'institutions, releve en 1982 l'Organisation carne-
ou des gisements off-shore sont mjs au jour en 1969. Ll, on voit apparaitre
rounaise de lutte pour Ja democratie, creee par Abel Eyinga en 1978. [... ] II a
Andre Tarallo, entre en 1967 a la Soch~tefran~aise de recherche et d'exploita-
decide qu'en matiere d'hydrocarbures i1 ne serait porte a Ja connaissance des
tion petroliere (Sofrep). Devenu P-DG de la filiale locale d'Elf en 1970 et
Camerounais ni l'importance reelle des reserves exploitables ni la quantite de
bientöt promu « Monsieur Afrique » du groupe, il inaugure en 1972 le premier
brut produit, et encore moins Je taux des revenus petroliers. Sa dedsion a ete
gisement congolais aux cötes du president « marxiste » Marien Ngouabi.
approuvee ä Paris, Oll elle fut au surplus quaJifiee de "sage" 8• » Des cher-
Considere dans les annees 1950 comme un joyau prometteur de l'lndus-
trie petroliere « Made in France», le Cameroun n'echappe pas au systeme Elf. cheurs independants estiment aujourd'hui que les rnontants qui se sont ainsi
« evapores » en trois decennies d'exploitation petroliere s'expriment en mil-
Les efforts de prospection s'intensifient dans ce pays taut au long des annees
1960, aJors que se prolonge Ja guerre « civile ». L'attention des petroliers Liardsde dollars• ...
Leconstat des opposants camerounais trouvera toute sa justification bien
fran~ajs se concentre sur Je bassin du Rio de! Rey, au large des cötes du Came-
des annees plus tard, lorsque eclatera, au mi!ieu des annees 1990, l'« affaire
roun anglophone, ou le premier gisement d'huile commercialisable est
decouvert en 1972. Moins spectaculaires qu'initialement prevues, les res- Elf>)qui eclaboussera la plupart des dirigeants africains « amis de la France »
et une banne partie de la classe politique franc;aise9 • 11ne faut cependant pas
sources petrolieres camerounaises deviennent cependant strategiques pour la
France. Et cela d'autant plus que la conjoncture pousse l'ancienne metropole oublier que le petrole ne constitue pas Ja seule raison de 1'«acharnement » de
a intensifier encore son emprise sur ses ex-colonies d'Afrique centrale. La la France au Cameroun.
Depuis l'independance de 1960, les interets economiques de la France y
nationalisation du petrole algerien en 1971 prive en effet Elf d'une grande
partie de « ses » reserves. sont multiples : dans le commerce, le transport, l'aluminium, les planta-
Dans Je secret le plus absolu, le Cameroun est ainsi arrime ä la nebuleuse tions, l'industrie forestiere, etc. Les quelque 9 000 Franc;aispresents au Came-
roun, rappelle Ja revue African Affairs a l'oree des annees 1980, « continuent
Elf, a l'epoque meme oll celle-ci derive vers une logique de plus en plus
mafieuse. L'explosion des prlx du petrole, aJa faveur des chocs petroliers de
adominer presque tous les secteurs des de l'economie, apeu pres comme ils
le faisaient avant J'independance. Les ressortissants franc;aiscontrölent 55 %
1973 et de 1979, incite en effet l'industrie petroliere a se constituer d'opu-
lentes caisses noires qui, arrosant les dirigeants africains (et, bien au-delä de du secteur moderne de l'economie carnerounaise et Jeur contröle sur le sys-
teme bancalre est complet et total 10 ». Il ne faut pas non plus negliger les
l' Afrique, taute une serie d'intermediaires, d'acteurs de l'ombre et de respon-
apparatchiks du regime camerounais qui profitent des liens etroits noues avec
sables politiques ... ), permettent d'obtenir des tarifs prHerentiels et des
les interets occidentaux, franc;ais en prernier lieu. « A l'ombre du pouvoir de
concessions privilegiees. Les systemes dictatoriaux installes au moment des
independances, saus pretexte de lutter contre Je« communisme », ala tete des M. Ahidjo avaient fleuri [... ]des positions de pouvoir materiaJisees par des for-
« Etats tetards » d' Afrique francophone revelent alors toutes leurs potentia-
tunes parfois ostentatoires, expliquera par exemple Achille Mbembe quelque
lites. La regle du jeu est clalre : taut chef d'Etat qui suit la ligne fixee par Paris temps apres avoir quitte Je Cameroun, en 1982. Les portes du credit avaient
partagera les sommes mirifiques brassees par Elf, les autres risqueront deren-
contrer sur leur chemin des forces, plus souvent obscures qu'officielles, que
Paris n'hesitera pas a actionner. « A ce jeu, note Je journafüte David Ser- a Sel011une etude de 2009, 10,7 milllards de dollars se sont evapores entre 1977 et 2006.
« Cette somme a peut-etre ~teapproprlee par des acteurs prlvfa, notent prudemment les
venay, Elf et son "clan des Gabonais" sont passes ma1tres dans l'art de tirer les auteurs de l'etude, bien qu'IJ soit difficile de determJner quellcs parts sont revenues respec-
ficelles 7. » tlvcanent nux compagnies petrolJeres et aux responsables officiels • (llernard GAUTHIF.Ret
L'opposition camerounaisc cn exil dccouvre alnsl que le Camcroun a Allic11 ZtUVAC'~, • Governance and Oil revenucs In Cameroon •• O,tCan·eResearchPnper29,
rejoint le cercle des pays productcurs de r,~1rotcdcpul~ In fl111977. Constatant U:IJ'w1IIJ111wrilly,7 oc1obre 2009, p. 19, <WWW.cconomlcs.ox.öc.uk>).

,~8 -,39
Km111m111J tpllug,w

ete ouvertes ä une classe d'affalrlstes impliques dans diverses op(!ratJons dont dit son nom, ctalt pen;ue comme un facteur de division ä refouler au plus vite.
les plus visibles concemaient la speculation fonciere et immobiliere 11• » « Nous avons oublie, pourquoi veut-on a toute force nous faire ressouvenir »,
C'est cette situation que I'exploitati.on du petrole vient encore accen- s'exclamait dejä Ahidjo a Ja tribune de l'ONU en mars 1959 15• Avant
tuer. Les equilibres socioeconomiques du pays se trouvent bouleverses en pro- d'enterrer definitivement le passe, on le defigure une derniere fois en reje-
fondeur par l'afflux de revenus petroliers. En seulement quelques annees, tant sur d'autres Ja responsabilite du sang verse. « II n'y a plus ici Lamoindre
ceux-ci deviennent Ja principale ressource financiere du pays, allant jusqu'ä exaction de l'UPC depuis plus de cinq ans, explique au MondeJe ministre des
representer, en 1985, 30 % du PNB et 80 % de ses revenus d'exportation 12 • Forces armees Sadou Daoudou en 1979. Les dernieres remontent ä l'execu-
Accaparee par Ja caste au pouvoir, la manne petroliere ne profite pas aux tion publique d'Ernest Ouandie, Je dernier chef historique de Ja rebellion, en
populations, auxquelles on continue de precher les vertus du « developpe- 1971... Ce sont de tristes souvenirs sur lesquels on prefere jeter le volle de
ment agricole )>. Teile est d'ailleurs Ja justiflcation officielle du « campte hors l'oubli. C'est une histoire qui reste a ecrire. Tout au plus est-on en droit
16
budget » oll sont places les benefices petroliers. II faut, explique-t-on, « eviter d'estimer que la guerilla a fait plusieurs milliers de vi.ctimes civiles • »
l'emballement de Ja machine adistribuer les credits publics et I'anestbesie de Le bilan de la « guerre du Cameroun >), entre 1955 et 1971-au-delä natu-
la force de travail de Ja nation 13 ». Pendant que les riches, de plus en plus reUement des seules victimes de la guerilla -, excede certainement tres large-
riches, se construisent des paJais, coUectionnent les voitures de Juxe et se ment cette modeste evaluation de« quelques milliers de victimes >>concedee
constituent des reseaux d'obliges en achetant les consciences, les pauvres, de par un dignitaire du regime. Mais nous ne disposons pas aujourd'hui des ele-
plus en plus nombreux, epuisent leur « force de travail » dans la baue des cam- ments - decompte fiable et quotidien des victimes pour chaque periode,
pagnes et Ja jungle des bidonviUes 14. donnees demographiques de qualite, rapports d'observateurs internationaux
Outre cette fracture sociale, Je petrole ravive une autre felure : celle qui ou d'ONG humanitaires-qui permettraient d'avancer une evaluation precise
eloigne les anglophones des francophones. Ayant encore moins que les autres du nombre de morts causees par les affrontements. Dans la bataille de chiffres
profite du « developpement » et etant soumis a une politique de « francisa- qui dechire Ies differents camps eo presence, il restera donc sans doute tou-
tion » systematique depuls 1961, les anglophones comprennent mal que les jours tres delicat de departager precisement la verite du mensonge.
ressources petrolieres, qui se trouvent pourtant massivement au large de leurs Ces precautions ne doivent cependant pas conduire ä accepter des bilans
cötes, soient accaparees par les « elites » francophones. Une pilule d'autant fantaisistes, qu'ils soient grossierement sous-evalues ou surevalues. Sans avoir
plus difficile ä avaler que, l'annee Oll l'on decouvrait le premier gisement donne lieu ä un « genocide » comme on a pule lire parfois, Ja guerre du Came-
commercialement exploitable, en 1972, une nouvelle Constitution leur etait roun n'en a pas moins cause Ja mort violente de plusieurs dizaines -voire plu-
imposee qui abolissait le systeme federal et Je rempla~ait par une « Repu- sieurs centaines - de milliers de personnes, presque uniquement des
blique unie du Cameroun ». Aux Etats federes, supposes egaux, se Substi- Camerounais. Dans un conflit 01'.1l'action psychologique a joue un röle aussi
tuent dix provinces dont deux seulement sont reservees aux anglophones, qui important que les armes, laisser les victimes sombrer dans l'oubli de Ja
se retrouvent ainsi encore plus marginalises. Remächant le passe, nombreux memoire coUective constituerait un second crime.
sont ceux qui, secretement, estiment qu'ils ont decidement fait une mau- On peut rappeler l'evaluation faite par le general Briand d'« un peu plus
vaise affaire en 1961, lorsque leur territoire a ete rattache au Cameroun de 20 000 morts )> pour Ja seule annee 1960 et le seuJ departement Bamileke
francophone ... (voir chapitre 23). Une evaluation ä l'evidence a minima, puisque, nous
l'avons vu a de nombreuses reprises, les militaires ont eu tendance a mini-
miser !es bilans humains, par ignorance des resultats de Ieur action - par
L 'impossiblebilan de la « guerredu Cameroun» exemple dans le cas des bombardements aeriens-, par desinteret al'egard des
(1955-1971) pertes africaines ou par tactique politique. D'autres temoins ont avance des
chi.ffres plus eleves : 76 000 pour la periode allant de 1954 ä 1964 d'apres
Du cöte des dirigeants, l'histoire tourmentee des annees de « troubles » I'ambassade du Royaume-Uni (voir introduction); ou 120 000 morts pour les
n'interesse guere. Depuis l'independance, ils n'ont eu de cesse de renvoyer les deux Oll trois premieres annees de l'independance eo Bamileke selon une esti-
exactions qu'ils ont ordonnees dans les limbes d'un passe revolu, juge tou- ma'tion relayee par un journaJiste du Monde(voir chapitre 23).
jours trop ancien pour qu'on y revienne. Avant m@meI'independnncc, appa- 'foutC'föls, ccs tentatives de bilan, tres approximatives, peuvent difficile-
remment, l'evocation de la gucrre du Camcroun, ccttc ~11crrc·qul n'a j:1n1ais ment tiJnlr,o,nptC'clcsmillicrs de personncs qui ont per.iSuite aux deplorables

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conditlons de vie dans les camps de rcgroupemen1 rn Sonaga-Maritimcou Poul ßlya n'ovolt pu~lt• pwlll Ideal pour occuper lc fauteuil d'un dlcta1cur a
dans la region de l'Ouest. De meme, il reste delicat d'apprehender le nombre poignc. Lesam1Jaw,t1cuf\frn11,aisqui l'ont c0toye dt1nslesannces 1960, alors
de personnes assassineespar les diverses milices constituees pour combattre qu'il travaillalt ~ la presldcncede la Republique,se souviennent d'un homme
les nationalistes et qui ont fait regner la terreur dans des regions entieres, pen- fade, sans exces de talent et sous la domination totale d'Ahidjo. « Nos rap-
dant de longues annees. Tout conune il est parfois impossible,cinquante ans ports etaient ä la fois tres faciles et completement vides », se rappelle Phi-
apres, de demeler dans les raids sanglants des « maquisards „ ce qui releve de lippe Rebeyrol,dubitatif 17. FrancisHure peine pour sa part ase rememorer le
l'action politique ou d'autres motivations. Le propre de la « guerre revolution- nom de cet illustre inconnu: « Comment s'appeUe-t-ilce directeur de cabinet,
naire » etant d'abolir Ja distinction entre civils et belligerants, les pertes au l'actuel president? » II se souvient mieux de sa femme, Jeanne-lrene, fort
sein des combattants et des populations s'entremelent sans que l'on par- « jolie fille ». « Entre nous, Jance-t-il pollsson, !es rapports de Mme Ja direc-

vienne toujours a les denombrer. De meme, les massacrespresentes comme trice de cabinet avec Ahidjo etaient assez bons, si vous voyez ce que je veux
relevant de« rivalitesethniques » ont bien souvent ete aussi les consequences dire 18.•. » Biyalui-meme n'a jamaiscache sa soumisslon au maitre. « Le presi-
de strategies de« guerre dans la foule», plus ou moins contrölees. Enfin, la dent Ahidjo ne m'a pas nomme ici pour faire de la politique, mais pour etu-
dictature d'Ahmadou Ahidjo, dans les annees 1960 et 1970, systematisant la dier les dossierset les soumettre asa haute sanction », confie-t-ilen prive alors
guerre enclenchee par les Fran~ais,a eu recours a des pratiques meurtrieres qu'il n'est encore que Premier ministre 19•
(camps d'internement, tortures, disparitions forcees,executions publiques ou Pourceux que Jescenario officield'une demission « volontaire » d' Ahidjo
extrajudiciaires, etc.) qui n'ont jamais fait l'objet d'un bilan chiffre serieux laisse sceptiques, c'est sans doute precisement la discretion, Je manque
- tant de Ja part d'une oppositlon trop affai.blieque des jeunes ONG interna- d'ambition et Ia docmte de Paul Biyaqui expliquent son ascenslon inesperee,
tionales de defense des droits humains, mal informees a l'epoque sur la a !'initiative des cercles fran~africainsde Paris. A la fin de son regne, Ahidjo
« guerre secrete „ du Cameroun. se montrait en effet de plus en plus retif aaccepter les diktats de cette France
dont U se sentait mal aime. Subjugue par de Gaulle, il regardait ses succes-
seurs avec plus de hauteur et commen~ait acroire lui-meme a la propagande
PaulBiya,le ra-valement
defarade qui magnifiait son « genie ... Au debut des annees 1970, une fois l'UPC
ecrasee,il multiplie les signes d' « independance ». En 1971, il decide de retirer
Ayant donc reussi a « jeter le voile de l'oubli » sur la guerre qui lui avait l'Etat camerounais du capital d'Afr Afriquepour creer sa propre compagnie
permis d'etre installe et maintenu au pouvoir, et tandis que son hegemonie nationale, Cameroon Airlines. En 1973, Je dictateur fait sortir son pays de
ne semblait plus pouvoir etre remise en cause, c'est a Ja surprise generale !'Organisation commune africaine, malgache et mauricienne (OCAM),qui
qu'Ahmadou Ahidjo annon~a, le 4 novembre 1982, sa demisslon de la presi- avait pris la suite de l'UAM(voir chapitre 27). Et il refuseratoujours de parti-
dence de la Republique. II y avaH certes eu des lnterrogations lorsque, ciper aux sommets France-Afrique,institues par Pompidou en 1973. La decou-
quelques mois plus töt, le dlctateur avait fait modifler Ja Loi fondamentaJe verte du petrole affermit enfin son assurance faceases « partenaires » fran~ais
pour faire du Premier ministre- poste occupe depuis 1975 par Paul Biya- son et aiguiseses exigences.Autant dire qu'aux yeux de nombreux observateurs la
« successeurconstitutionnel ». Mais cette demission surprise laisse perplexes main de la France ne parait pas innocente quand Je «sage» Paul Biyalui suc-
nombre d'observateurs. D'autant qu'Ahidjo ne quitte pas totalement la cede en novembre 1982".
scene : non seulement il conserve Je poste strategique de president du parti Cette these trouvera une sorte de confirmation en 1996, a l'occasion de
unique, mais il ne tarde pas en outre a contester Paul Biya,qui lui a succede 1'«affaire Elf». Depuissa prison, Loi'kLe Floch-Prigent,P-DGde Ja societe de
Je 6 novembre 1982- au point de chercher, semble-t-il, a lui reprendre sa 1989 a 1993, redige un memorandum saignant dans lequel II narre par Je
place. Cette succession, decrite comme « exemplaire » dans un premier menu les agissements de la compagnie petroliere. « C'est gräce a Elf que Ja
temps, tourne rapidement au chaos. Le bicephalisme, incompatible avec.
l'esprit du regime instaure a l'independance, tourne a la guerre des clans :
entre le chef du parti et le chef de !'Etat, il y en a un de trop. C'cst flnalemcnt a Un soup~on que ne leve pas Jacques Attall, alors • conse1ller speclal • de Fran~ols Mitter-
rand. Ses notcs, publiees en 1993, laisscnt ouvertes toutes !es lnterpretatlons: • trrangcs,
Paul Biyaqui emportera la mlse. IC)condlllom de la demisslon d'Abldjo: II n'a qultte lc pouvoir que parcc qu'un medt?Cin
La personnalite et le parcours du nouveau presldcnt lnlsscn1,eux aussl, fn111t,11\
lul 011~11a~surequ'II ne lul restalt quc quelques scmalncs ä vivrc. Dcpuls, il sc porte
perplexes. "'Mcdlocrc" sclon ~esadvN\alrcs, • t.llm t•t • ~\'1011 ~t'~ partlsans, /, 1981-1986, Fayard, Pari~. 1993, p. 471-472).
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France maintient une presence en Afrique francophonc et l'~larglt ä d'autres couverclc „ pour cviter que la pression populaire ne fasse« exploser 111
pays, ecrit-il. Ainsi, au Gabon, ou Elf nomme Bongo; mais c'esl vrai du marrnite »...
Congo, devenu quelque temps marxiste, toujours sous le contröle d'Elf; c'est Difficile, ä ce sujet, de ne pas faire le parallele entre les methodes uti-
vrai aussi pour le Cameroun, ou Je president Biya ne prend le pouvoir qu'avec lisees sous Paul Biya pour contenir Jes aspirations democratiques et celles
Je soutien d'Elf pour contenir la communaute anglophone de ce pays 20• » Si qu'ernployait l'administration coloniale franc;:aisedans les annees 1950 pour
elles en disent lang sur Je sentiment de toute-puissance qui regnait au sein de museler le mouvement nationaliste : fraudes electorales, utilisation peml-
l'etat-major d'Elf, ces revelations fracassantes laissent cependant nombre de cieuse de l'appareil judiciaire, harcelement systematique des contestataires,
questions en suspens. Comment «Elf», pour autant qu'on puisse identifier vampirisation de l'adversaire et inflltration de l'opposition, instrumentalisa-
ce qui se cache derriere cette nebuleuse, a concretement opere au Cameroun. tion des appartenances ethniques, etc. Teiles sont !es techniques qui, uti-
Qui sont ses hommes de main. Quels etaient, exactement, !es objectifs lisees naguere contre l'UPC, permettent aujourd'hui d'enrayer !es « reformes
recherches. Pourquoi Ahidjo a-t-il, dans un premier temps, accepte de se liberales» octroyees acontrecceur au debut des annees 1990. Apres avoir tente
retirer avant de tenter de revenir au pouvoir? Et quel röle !es differents de resister a la timide democratisation du regime (il parlait de « multipar-
reseaux franc;:africainsont-ils joue au moment de Ja tentative de coup d'Etat tisme precipite »), Paul Biya osera ensuite eo revendiquer Ja paternite: «Je
qui destabilisa Je regime Biya en 1984 ? Ces questions, qui nourrissent de vous ai amene Ja democratie et Ja liberte 24. » Comme jadis l'« tndependance »
folles rumeurs depuis des annees, trouveront peut-etre un jour des reponses critiquee par les upecistes, la « democratie » camerounaise des annees 2000 est
plus precises. sans conteste plus « nominale » que reelle.
Personne ne conteste en tout cas que cette succession tumultueuse s'est Dans un tel systeme, que d'aucuns qualJfient de« dernocrature », nuJ ne
falte dans la plus grande opacite et dans un flagrant deni de democratie. peut etre surpris que, depuis 1982, le president Paul Biya (äge de 77 ans en
Comme en 1957 lorsque Pierre Messmer imposa Andre-Marie Mbida, comme 2010) et l'ancien parti unique, le RDPC, soient systematiquement reconduits
en 1958 lorsque Jean Ramadier remplac;:ace dernier par Ahmadou Ahidjo, II au pouvoir, en depit de leur incontestable impopularite, a chaque echeance
sernble que ce soit toujours dans !es couloirs obscurs de la politique franc;:aise « electorale ». Et rares ont ete ceux qui se sont etonnes, eo 2008, lorsque le suc-
que se decide Je sort du Cameroun. Le regne de Paul Biya, digne heritier des cesseur d'Ahidjo a autoritairement modjfie la derniere Constitution en date
cercles aujoulatistes des annees 1950, Mblda et Ahidjo en tete, ne sera pas - celle de 1996, qui limitait Je nombre de mandats presidentiels - pour pro-
beaucoup plus democratique. En depit des espoirs que certains ont nourri en longer de quelques annees supplementaires ce que la propagande officielle
l'entendant pröner, ason arrivee au pouvoir, la « rigueur », la « moralisation >)
appelle, depuis plus d'un quart de siede, le « regime du renouveau »•.
et meme la « democratisation ,,, il apparait rapidement qu'il ne s'agit, une fois Cette restauration autoritaire, apres les espoirs nes au debut des annees
de plus, que de slogans creux visant a « humaniser » Ja dictature et a chloro- 1990, se retrouve dans la plupart des regimes du« pre carre » soutenus par Ja
former les velleites contestatrices. France. Les conferences nationales qui se tiennent alors dans differents pays
De fait, !es timides reformes « liberales >> des anoees 1980 ne font pas n'empechent pas les satrapes de la Franc;:afriquede se maintenlr au pouvoir.
oublier le maintien de la censure, de Ja police politique (rebaptisee CENERen Le retour au multipartisme en Cöte-d'lvoire eo 1990 ne gene pas la domina-
1984) et du parti unique (rebaptise RDPC en 1985). Au moment ou disparait tion de Felix Houphouet-Boigny, ce « fidele ami » de Ja France en general et
Ahidjo, decede en exil a Dakar en 1989, !es observateurs avises quallfient a de Franc;:oisMitterrand en particulier, qui meurt au pouvoir en 1993. Le mare-
juste titre !es mesures prises par son successeur de simple « ravalement de chal Mobutu Sese Seko continuera de regner sur Je Zaüe jusqu'ä sa chute en
fac;:ade21 ». Celles du debut des annees 1990, conquises de haute lutte par la 1997. Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville pourra revenir au pouvoir
volonte populaire, dans un contexte international marque par la fin de la par les armes en 1997. Gnassingbe Eyadema se maintiendra a Ja presidence
guerre froide et par le discours de Franc;:oisMitterrand a La Baule, sont moins togolaise jusqu'a sa mort en 2005. Et l'inenarrable Omar Bongo demeurera a
negligeables. Mais, apres les « annees de braise » {1990-1994), marquees par la tete de la petro-dictature gabonaise jusqu'ä sa mort en 2009.
des operations « villes mortes » 22 ayant notamment permis l'abrogation des
mesures contre-subversives de 1962 et la restauration du multipartisme aboli
depuis 1966, Ja « transition democratique » sera rapidement anesthesiee 2.1• U
s'agissait une fois de plus, comme on le disait ä l'cpoquc colonlale chaque fois
qu'une « reforme genereuse „ etait ndoptee, (lc « soulever 16g~rcmcnt le PI q111•h•, C'11nirmu1wls
de lo ruc quallflcnt plutOt de• Renou/iwx • ou de• Renouvleux•· ..
a

644 H-5
Kt11t11.'IIIIII f1,l/11JIII'

Le Camerou11 de PaulBiya, s'cxlo,quc et tout se qucmande: la complaisilncc cl'un agent de police, le


gangrenejusqu'ases trefondspar la cormptio11 tampoo d'une administration, le diplöme d'unc ccole renommee, lc silence
d'un journaliste, le favoritisme d'un ministere, l'acces ä certaines archives...
Au Cameroun, au-delä de cette democratisation de fac;ade,la misere dans La corruption, ou ce que l'on quaJifie ainsi, etant erigee en systeme, tout Ie
laquelle se debat la quasi-integralite de la populatlon reste un facteur decislf monde est ä un degre ou un autre « mouille », donc « complice » d'un
pour comprendre le fonctionnement de Ja societe des annees 2000•. Cette pouvoir qui en a fait son arme favorite. Comme jadis la « Subversion », le
pauvrete est d'autant plus difficile ä supporter pour les Camerounais qu'elle simple soup~on de « corruption „ suffit a mettre a l'index n'importe quel
s'est accentuee depuis le milieu des annees 1980, suite ä Ja rarefaction des contestataire.
reservespetrolieres du pays, ä Ja crise de Ja dette et aux traitements de choc Le regime Biyaa ainsi eleve l'art de la corruption et de Ia cupidite ä un
imposes par Jes institutions financieres internationales (Banque mondiale et tel sommet que la « distraction de deniers publlcs », comme on dit locale-
Fonds monetaire international). AJorsque Jacaste dirlgeante parvient ä main- ment, est devenue la regle du jeu ä !'Interieur de son propre camp 27• Tout est
tenir le train de vie auquel eile s'est habituee depuis la periode fastedes annees organise pour que les ministres, sous-ministres,directeurs de societes paraeta-
1970 et 1980, la majewe partle de la population, frappee de pJeln fouet par la tiques et autres apparatchiks du regime RDPCistepuissent disposer ä leur
crise, doit se battre pow assurer sa survie quotidienne 25 • guise de l'argent public, etant entendu que Je president pourra faire jeter en
Lourde de menaces pour l'avenir, cette Situation est cependant devenue prison qui bon lui semble, des Iorsqu'il souhaitera ecarter un concurrent poli-
un instrument de pouvoir pour Je regime. Elle lui permet d'exercer un chan- tique trop ambitieux ou amadouer des bailleurs internationaux parfois reti-
tage, tant vis-ä-visdes populations locales que des partenalres etrangers, en cents ä renflouer les caisses. Anesthesiant l'ennemi, a l'interieur comme ä
se presentant en permanence comme Je dernier rempart contre un probable l'exterieur de l'ex-parti unique, Ja presidencecontröle la scene politique: eile
chaos 26• C'est en ce sens qu'il faut comprendre les slogans, ressassesquoti- en a fait un casino ou chacun est invite ä jouer sa fortune politique et finan-
diennement, sur la « paix », l' « unite » et la « stabilite » du pays. La pauvrete ciere, comme ala roulette russe.
des populations et l'opulence des« elites » permettent en outre, plus efficace- Parmi les favorisdu regime, les forcesde securite - police, armee, gendar-
ment que toute autre methode, de desamorcer preventivement taute velleite merie, servicessecrets - semblent avoir tire un grand profit de cette situation.
contestatrice. Raressont aujourd'hui les partis politiques et !es syndicats qui Depuis les revendications democratlques des annees 1990, elles beneficient
parviennent a assurer lew independance gräce aux seules cotisations de leurs de multiples avantages materiels et symboliques. Les plus hauts grades de
membres. Contraints de trouver d'autres sourcesde revenus, ils sont souvent l'armee se sont par exemple vu attribuer de juteuses concessions forestieres
soumis au bon vouloir de leurs bienfaiteurs, nationaux ou internationaux, ce et un acces privilegie ä la tres rentable Industrie du jeu 28 • A Ia faveur des
qui tend ä les rendre suspectsaux yeux de leur base potentielle. Ala pointe des troubles interieurs et des conflits avec Je Nigeria (autour de la presqu'ile de
revendications au debut des annees 1990, la presse privee - c'est-a-dire non Bakassi,reputee riche en petrole), les forces armees ont vu leurs moyens se
gouvernementale - se trouve vingt am plus tard plegee dans le meme cercle renforcer. Tandis que !es effectifs de Ja fonction publique subissaient des
vicleux : confrontee a un lectorat trop pauvre pour la maintenir a flot, Ja coupes drastiques et que le salairedes fonctionnaires etait brutaJement reduit
pressedepend generalement des revenus publicitairesdistribues par les multi- (jusqu'a 70 % !), seuls les militaires, les gendarmes et les policiers etaient
nationales et des subsidesaccordes par les puissants Jocaux. epargnes 29•
Prosperant sur une pauvrete massiveet une soif inextinguible de nume-
raire, l'achat des consciences, des servilites et des faveurs est devenu un des
plus puissants outils de contröle social dans Je Cameroun des annees 2000. Soumissionet terreur:
Dejä presente ä l'epoque coloniale, frequente au temps d' Ahidjo, Ja corrup- lapennanencedesmethodescoloniales
tion y est devenue omrupresente. Classedans le peloton de tete des pays Ies
plus corrompus au monde, le Cameroun de Paul Biyaest gangrene jusqu'ä ses Dans un pays ou la coercition est, depuis sa naissance, le pilier du
trefonds. Tout s'achete et tout se vend avec du sonnant et du Lrebuchant,tout contröle politique et social exerce par l'ttat, un tel traitement de faveur n'est
pas.difficile ,\ analyser: il sonne comme une carte blanche offerte aux
a wm le ~eull
En 2000, sclon le CIA Factb<>ol.,48 % de la populntlon cilmt•rounolwvlv1111.'111 « hommes cn uniforme» pour mener une guerre permanente, quoique de
de pauvrc1<:. hasse l11tc11\ll('.,
contrc la population. En la matlcre, il suffira de quelqucs

M6 )47
I
K11111cr1m f;pllus111·

heures au visiteur etTanger pour comtater l'lmpunlt~ llont Joulsscnt les forces de la m6thode c!u kale-knle,utllisec ä 1'6poque des« troubles » pour intimic!er
de !'ordre. A peine aura-t-ll quitte Yaounde ou Douala qu'l1 tombera sur un les populallons « contaminees » (voir cl1apitre 29). « D'aij rnalheureusement
de ces barrages routiers, que les gendarmes, militaires ou policlers dressent A eu l'occasion d'etre temoin d'une ftelle operation], menee ä Mutengene dans
l'entree de Ja moindre localite, Oll il se verra extorquer quelques billets apres la province du Sud-Quest, explique-t-elle. Des personnes de tous !es äges tour-
avoir ete soigneusement humilie. naient en rond ou etaient assises dans Ja boue, J'air hagard et ahuri, pendant
Si les « forces de l'ordre » sont ainsi choyees, c'est que le regime Biya n'a qu'une nuee de gendarmes, de policiers et de militaires ramassaient de pre-
jamais rompu avec le systeme de soumission et de terreur instaure au temps sumes voleucs et des membres supposes de l'opposition 34. »
de son predecesseur forme al'ecole coloniaJe fran~aise. Toute remise en cause Delinquance et contestation etant per~ues comme une seule et meme
de son pouvoir aboutit aune repression sauvage, generalement operee dans le deviance, les memes methodes sont generalement utilisees pour reduire l'une
plus grand secret. Ce fut Je cas au lendemain de la tentative de putsch de 1984, et l'autre. L'illustration Ja plus flagrante est Ja mise sur pied, en 2000, d'un
qui entratna le massacre ahuis clos de centaines de personnes dans le nord « commandement operationnel » pour lutter contre le « grand banditisme »
du pays 30 . Ce fut Je cas ä nouveau lors des « annees de braise », au debut des ä Douala. Comme au debut des annees 1990, Ollde teJs dispositifs avaientete
annees 1990, au cours desquelles Je pouvoir reactiva les dispositifs « contre- instaures pour traquer et mater les revendications politiques (au prix de plu-
insurrectionnels >>qui avalent fait leurs preuves pendant la guerre d'indepen- siems centaines de morts), l'armee devient J'element cle de la « securisation »
dance, comme l'a note l'universitaire Pierre Kame : « Ces dispositions lui de Ja capitale economique, ainsi que l'expliquent en 2001 deux specialistes
permettent d'user de Ja force physique, mais aussi d'exercer la censure, la camerounais: « Les forces militaires qui viennent appuyer les forces tradition-
saisie et la suspension des journaux proches de l'opposition, de dissoudre les nelles de rnaintien de l'ordre que sont la police et la gendarmerie vont utl-
associations "de defense d.es droits de l'homme" et d'interdire reunions et liser des actions coups de poing contre les bandes criminelles fet fairel usage
manifestations. La mlse en place de commandements operatlonneJs dans les de moyens heliportes ou motorises. Cette logique chlrurglcale d'action vlse ~
provinces "rebelles" en 1991 [c'est-ä-dire dans sept provinces sur dix] et l'ins- neutraliser la proliferation de veritables metastases crimlnelles. Et A emp~-
tauration de l'etat d'urgence dans la province du Nord-Ouest au Jendemaln cher l'enkysternent de J'insecurite 35 . » Le cornmandement operationnel, agls-
des eJections de 1992 constituent Je stade Je plus acheve de Ja construction sant sur « renseignements » fournis par Ja population, se transfC>rmera
autoritaire de Ja continuite politique. » Et Je meme auteur -qui se trouve etre rapidement en veritable escadron de la mort, tuant ä peu pres n'importe qul
Je propre fils de Samuel Kame- de relever l'incontestabJe « analogie » entre les sous n'importe quel pretexte•. En seulement queJques mois, ses operations
methodes utilisees au moment de 1'«independance ,, et celles employees au « coup de poing » - c'est-ä-dire de purs et simples assassinats - auraient fait
cours de la pbase de « democratisation » 31•. « disparaitre » plus d'un millier de personnes
36
...

L'usage immodere de Ja violence d'Etat n'est pas limite aux periodes de Derriere Ja fa~ade « democratique », Je regime Biya poursuit donc la
crise. Le quadrillage et Ja repression des populations «sensibles», ä guerre contre une population toujours consideree comme insuffisamment
commencer par les etudiants et les anglophones, sont permanents 32• Au cours « mature » pour jouir pleinement de Ja souverainete et de Ja liberte. Une
des annees 1990, on vit ainsi apparattre, sur le campus universitaire de guerre d'usure, une guerre des nerfs, qui mute periodiquement en affronte-
Yaounde, des « comites de vigUance » et des « groupes d'autodefense », rnents armes. Ce fut le cas anouveau en fevrier 2008, Jorsqu'un vaste mouve-
constitues, sur une base ethnique et avec Ja complidte des autorites, pour faire ment de revolte eclata dans divers centres urbains. Protestant contre la hausse
regner la terreur dans Ja population estudiantine « etrangere » de Ja capitale des prix des denrees de base et contre Ja modification de la Constitution per-
politique (anglophone, bamileke, etc.) 33 • Dans les provinces angJophones, mettant ä Paul Biya de prolonger son regne, les emeutiers furent mitrallles
considerees par le pouvoir camerounais comme le nouveau foyer de J'ennemi sans menagement, au prix d'une centaine de morts 37•
Interieur, J'atrnosphere n'est pas sans rappeJer celle d'autrefois. En 2002, Ja Pendant que les coups de feu crepitaient dans les rues et que l'armee
chercheuse nord-americalne Susan Dicklitch notait par exemple la resurgence lnvestissait les quartiers populaires, certains temolns que nous avions ren-
t:0ntres au cours de notre enquete parvinrent ä nous appeJer pour nous

a On notera ä ce proposque le terriblcJean Fochiv6,temporalremcnt mls a 1'6cnrtentre l 98i1.


et 1989, reprend du service il cette p6riode: ll est nomm6 d<'.!16gu6
g6nC:rnl!l lo S0ret6 nallo- 11 L'affalre du commandement operatlonnel de Douala eclatera en 2001, lorsque que neuf
nale puls secr6tairc d'~tal ä la SOrctC:lrHC:ricurc,poste qu'II curnulc ju;qu'<m 1996 ovcc pcrso1111cs,hnbltant 1cquartler de Bepanda, seront assassineespar lcs • forces de !'ordre•
celul de dlrectcur du CcnlTcnotlonal des (ltudes CLde~ rl'chcrchc'i (CI\N111t,cx-SPDOC). aprös ovolr CtOnt•c11s6cs
pur unc votstne d'avolr derobe ... une boutcille de gaz !

648 649
K1111wn111J 1-:,,11os111·

signaler l'etonnante ressemblance entre ces erneutes et ccllcs qul avalcnt demondc clc cclle-ci, en cas de crlse grave ou d'agresslon contre le Came-
endeuiJle Je Cameroun ä l'epoque de Roland Pre.Quelques heures plus tard, roun ». L'analysede l'auteur anonyme d'une note frarn;:aisede 1981 est clalre:
Paul Biya prit la parole ä la television pour menacer les « apprentis sorciers » « C'est dire que, meme en cas de crise interieure aigue, le president Ahidjo
qui, selon lui, manipulaient les manlfestants 38 • Avait-ilconscience qu'll utili- pourrait eventuellement s'appuyer sur ce texte pour demander notre Inter-
sait Ja meme expression que l'administration coloniaJe fran~aise,au lende- vention 40• » Or, ce texte est reste valable jusqu'ä l'entree en vigueur des nou-
main des massacresde mai 1955, pour stigmatiserles leaders du mouvement veaux accords de defense - publics cette fois - du 21 mai 2009".
nationaliste ? LesCamerounais savent aussi que Paul Biya,qui s'autogratifiait en 1991
d'etre le « meilleur eleve » de Mitterrand en Afrique, a toujours ete tres bien
re~u a Paris, a l'ere Chirac comme a l'ere Sarkozy.11ssavent gue les autorites
Et la France,toujours... fran\aises sont toujours les premieres a feliciter leur president chaque fois
qu'il est « brillamment reelu )>. lls savent que, en echange de cette amitle
Pour la plupart des Fran~ais,le Cameroun est en 2011 un pays en taut constamment renouvelee, ce dernler - qui passe pour sa part un temps consi-
point etranger. Raressont ceux qui pourraient citer le nom de son president derable en France,ou il possede de fort luxueuses demeures- accepte sans dif-
ou de sa capitale. Peu nombreux sont ceux qui savent que ]'Hexagonefut pen- ficulte de cautionner la politique migratoire ultra-restrictive de Ja France,
41
dant des decennies Ja « metropole >' de sa partie francophone. Au mieux, Je « tests ADN>)compris • lls savent que le meme Paul Biyaest en 2010 encore

Cameroun se resume aux quelques joueurs de footbaUqui, originairesde cette entoure par des conseillers fran\ais, parmi lesquels l'ancien ambassadeur
contree lointaine et exotique, brillent dans leschampionnats europeens. Pour Yvon Omnes, passe du jour au lendemain de l'ambassade de France a
les commentateurs mieux informes qui ont quelques connaissances histo- Yaoundeä la presidencecamerounaise, sise quelques kilometresplus loin. Les
riq ues, les liens qui unissaient jadis la France et le Cameroun semblent Camerounais savent enfin que l'argent des contribuables fran\ais, qui avait
aujourd'hui se distendre. dejä permis de sauver Paul Biyaau debut des annees 1990, lorsque les greves
Depuis Je genocide rwandais de 1994, depuis le scandale Elf-Aquitaine, massives faillirent asphyxier son regime, continue vingt ans plus tard de
depuis la disparition des « peres des independances d'Afrique francophone,
)1
financer la formation et l'equipement de ses « forces de !'ordre>) 42 . Ces
depuis quese multiplient les ouvrages consacres aux relations incestueuses rnemes « forces de !'ordre» qui leur tirent dessus chaque fois qu'ils se
longtemps maintenues entre Ja France et ses anciennes colonies, Ja « Fran~a- rebellent...
frique » serait sur le declin, voire morte et enterree. NicolasSarkozyn'a-t-il pas « La France n'est pas responsable de tous les malheurs du Cameroun ! »,

promis, au cours de sa campagne presidentiellede 2007, de« rompre » avecJes clament aujourd'hui nombre de journalistes fran~ais.C'est vrai. Resteque ces
pratiques anctennes? Elf n'a-t-elle pas ete privatisee en 1994 et rachetee par mernes journalistes gagneraient en credibilite si leurs journaux refusaient
Total en 2000 ? Et Ja Chine ne taille-t-ellepas, comme on dit dans les maga- d'accueiUirdans leurs colonnes les encarts publicitaireset autres publirepor-
zines, des « croupieres aux entreprises fran~aisessur le continent noir » ? tages payes rubis sur l'ongle par un regime desireux de laver son image et
Du point de vue des Camerounais, un tel constat merite d'etre forte- d'acheter le silence sur ses manquemeots democratiquesb. Les memes
ment nuance. La « France >> reste omnipresente, dans leu1 histoire comme auraient ete bien avises, pour etre ecoutes, de protester avec un peu plus de
dans leur vie quotidienne 39 • Pour eux, Louis-PaulAujoulat, Roland Pre, Pierre vigueurquand Fran~oisFillon, en visite officielleaYaoundeen mai 2009 pour
Messmer,Jean Lamberton, Max Briand et les autres ne sont pas que des ves-
tiges du passe : ils sont quelques-uns des responsablesde leur misere actuelle.
LesCamerounais savent que l'armee fran~aiseassure depuis cinquante ans Ja a A la difference des precedents, ces demiers q nc comporte[nt] plus de stipulation lmpli-
quant le prlncJpe d'un concours au Cameroun en cas d'agression exterieure ou en cas de
perennite du regime d'Ahmadou Ahidjo puis de Paul Blya, en vertu des crlse Interieure~ (<www.senat.fr/leg/pjl09-351.pdf>; l'« Accord entre le gouvernement de
accords de defense secrets du 13 novembre 1960, renouveles par ceux - tout la Republiquefranr;alse et le gouvernement de la Republique du Cameroun instltuant un
aussi secrets - du 21 fevrier 1974. L'« accord Special de defense » de 1974, partenarlat de Defense » est consultable acette meme adresse).
« reste secret a la demande des Camerounais >> peut-on lire dans les archives b SignaIons tout de meme la protestatlon publique de la soclete des journalistes de L'fapress
contre de tels encarts publicltalres au moment de la visite de Paul Biya ä Paris en
de l'ambassadede France,precisedans son article 1ergue « la Republiquefran- • julllet 2009. Cette publlcite, expliqua-t-elle, • nult ä !'Image de L'Expressen rnduisant le
~aises'engage a apporter, a des cond.itionsspeciales,son soutlen togisttque et cloutc ~ur la cuullon qu'apporteralt le joumal i\ un homme regullerement denonce pour
l'assistance de ses forces armees a la RepubJiquc 1111lc clu Con1croun, sur la ~c~ 111Ull(IUl11fll1 111\ d~mocratlqucs •.

'.l50 651
K,1111(-11111
/

renegocier les accords de defense, transfor111ait la rcsponsobilitc frans;aise


dans l'assassinat des leaders nationallstes camerounals en « pure Invention »
Remerciements
(voir introduction).
Ils pourraient egalement se demander pourquoi les enseignes des groupes
industriels frans;ais - Total, Orange, PMU, etc. - sont systematiquement
detruites lorsque eclate une revolte populaire. Peut-etre decouvriraient-ils
alors que le groupe de Vincent Bollore, par exemple, souffre moderement de
cette « redoutable Chinafrique » qui monopolise en general leur attention.
M. Bollore, grand amj de Nicolas Sarkozy, semble au contraüe avoir su tirer
un certain profit du « glorieux » passe colonial frans:ais au Cameroun : coges-
tionnaire du reseau ferre camerounais (construit dans les annees 1920-1930
gräce au travail force), proprletaire des plantations de Dizangue (contre les-
quelles protestaient deja Gaston Donnat et Ruben Um Nyobe dans les annees
1940), contrölant le port de Douala (que certaines autorites frans:aises recom-
mandaient, des les annees 1950, de confier en gestion a...une « societe
privee » frans:aise !), son groupe entretient aujourd'hui !es meilleures relations
avec le regime de Paul Biya et finance Ja fondation « caritative » de sa seconde
, 43
epouse ...
Certes, la France n'est pas responsable de tous les malheurs du Carne-
roun. Et la Frans:afrique a assurement mute depuis Ies annees 1970. Mais, tant
que la responsabilite des acteurs frans:ajs de l'epoque et les benefices que leurs
successeurs tirent des souffrances infligees resteront enveloppes dans un
I 1est difficile de remercier toutes celles et tous ceux qui nous ont aides
dans Ja realisation de ce travail. Citer nommement toutes les personnes
auxquelles nous sommes redevables serait trop long, et susciterait une legi-
time rancreur chez celles que nous pourrions oublier. C'est de fas:on trop col-
pudique volle de silence, les fantömes de Ja guerre du Cameroun continue-
lective que nous devons donc remercier les centaines de personnes qui nous
ront de hanter le present.
ont aides pendant ces annees de recherche. Celles qul, rencontrees aux
archives, dans les bibliotheques ou sur quelque site Web, oous ont guides vers
des documents inedits, ouvert leurs carnets d'adresses ou indique des pistes
de recherches. Celles qui, au Cameroun, en France ou allleurs, nous ont
montre des chemins, orientes vers des temoins, offert des photographies, des
chansons de maquis ou des encouragernents. Nous nous sommes heurtes ä
suffisamment de mefiances et de portes closes pour apprecier la valeur de cette
aide multiforme.
Nous tenons a remercier tout particulierement les dizaines de temoins,
cites ou non dans Je livre, qui ont accepte de oous consacrer de longues
heures, d'ouvrir leurs archives personnelles et de revenir sur un passe doulou-
reux. Que nous partagions ou non leurs analyses, leurs opinions ou leurs
combats, leur disponibilite permet aujourd'hui aux lecteurs de mieux
connaitre un episode tragique de l'histoire franco-africaine. Nos remercie-
ments vont aussi aux parents des acteurs disparus de cette histoire, qui ont
bien voulu nous repondre, prenant parfois le risque de laisser ternir la
meinolre de leur proche.
II nous faul aussl saluer tous ceux, chercheurs, journalistes et militants,
qui onl (l~frlrhl>avant nous cette periode troublee, avec une rncntlon speciale

15.\
l<t11/l('IIIII I

pour les nombreux etudiants camerouna1s qul ont ~crlt, dans des condltions Principauxfonds
de travail souvent penibles, des memoires universitaires sur l'histoire de la d'archivesconsultes
guerre d'independance.
Anonymes, nos remerciernents ne peuvent l'etre jusqu'au baut. Nous
devons un clln d'reil fraternel ä. trois camarades, Nicolas Journet, Faustin
Kenne et Yves Mintoogue, ainsi qu'aux amis dont les conseils, les coups de
pouce et l'enthousiasme nous ont ete precieux : Frank Garbely, Collins Nde-
fossokeng, Theophile Nano, Jean-Bruno Tagne, Roland Tsapi, Odile Tobner,
Thaddee Yemelong. Sans oublier enfin nos familles et nos proches, en parti-
culier Florence, Isabelle et Leonie, sans le soutien desquels nous n'aurions
jamais ose entamer un projet aussi demesure, ni trouve le courage de le mener
ä.son terme.

ADD Archives departementales de Dschang.


ANY Archives nationales de Yaounde.
ANB Archives nationales de Buea.
APO ArchJves provinciales de l'Ouest (Bafoussam).
ARM Archives du Rearmement moral {lssy-les-Moulineaux).
CADN Centre des archives diplomatiques (Nantes).
CAOM Centre des archives d'outre-mer (Aix-en-Provence).
CARAN Centre d'accueil et de recherche des Archives nationales (Paris).
CHETOM Centre historique des territoires d'outre-mer (Frejus).
IISH Archives de l'InternationaJ Institute of Social History
(Amsterdam).
SHAT Service nistorique de l'armee de terre (Vincennes).
Archives du Parti communiste fran~ais (Bobigny).
Bibliotheque du DEFAP,Serviceprotestant de mission (Paris).
Fonds Maurice Couve de Murville au Centre historique de Sciences Po (Paris).
Notes

Notes de l'introduction: Enquete 8 Cite In Raphael GRANDVAUD, Q11e(alt l'nrml!t'


sur une guerre oubliee fi-a11fnlseen Afrlque ?, op. dl'., p. 150.
9 Richard A. J0SF.PH,Rad/ca/ Natio,111//s111 /11
Ruben UM NYOst, • Rapport presente au Camero1111. Soclnl Origins of the UPC Re/Jc>/Jfm1,
W Congres statutalre de l'UPC •, Eseka, Clarendon Press, Oxford, 1977 (tr. fr. : Le
29 septembre 19S2 (cite in Achille MBEMBE, Mo11veme11t natlonaliste a11Camero1111. Li•s orl-
EcriL1so11s maquis, L'Harmattan, Paris, 1989, glnesscx:inlesde /'UPC, Karthala, PariJi, 1986).
p. 81-82). 10 Achllle MBEMBB, Le Probleme 11alicmalkamc-
2 Georges CHAFFARD, • La decolonlsation est- m,wls, L'Harmattan, Parts, 1984; Ecrlts SOii.\
elle faite, ou ä faire? •, Combat, 11 decembre maquis, op. dt. ; u, Nai.lsancedu maquls dans
1967. /e Sud-Cameroun(1920-1960). Esquissed'1111e
3 Georges CHAFFARD, L,esCarnets secret.~de la a11thropulogle de /'/11disdpli11e, tMse d'histolre,
deco/011/satlon,deux tomes, Calmann-Levy, universite Paris 1-Pantheon-Sorbonne, 1989 ;
Paris, l 965 et 1967. La Nalssancedu maquls dam /eSud-Camermm,
4. Franvoi5-Xavier VERSCHAVF., La f'rm1fafrlq11e. 1920-1960. Histoire des usagesde la raison eu
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558 6~0
K11111n1111
/ Notn

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Nantes, 5 fevrier 2008.
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22 Volr : Leonard SAH, Le Terr11rls111e dans lf
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J6'1 665
J
K,11111•11111
Not1•s

2J UPC, • /lapporl au Comt1•(:de coordinntlon ,14 I'lerrc OIVOL, • l<llrJXlllmci,sucl dr sep- 62 • Acllvll~ cn Sanaga-Marltimc- de l'Esocam, 18 Enl rellerts des aut('urS avfc Paul Audat, Fcr-
du RDA • (ANY, 1AC'l9/10). tembre 1953 •, Dlrcctlon de ia SOret~, 1949-1956 • (ANY, IAC71/F) (clt~ /11Adllllc ri~res-les-Verrerl<'S,25-26 Juln 2007.
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Editions latines, Paris, 2001, p. 184. 4S AP10970/C (dtl! /11Chantal ßELOMO,/,'Ordre Cameroun, op. clt., p. 268). Kumzse, Foreke-Dschang ., 7 aoOt 1948
25 • Rapport du 15 avril 1953 • (clte In Abel et la Securlte p11b//csr/011sIn m11.1tructlo11 eil' (ANY, APA 11337/A).
Em1GA, /11trod11ctlo11 ii /a po//tique camerou- rtw1 a11Ca111ero1111, universUe Montesquieu- Notes du chapitre 7 : 20 • Note de rense.ignements n° 1823/8/PS2 •,
na/se, L'Harmattan, Paris, 1984, p. 74); et
Bemard OEGttrs, llgnes de partnge, op. eil.,
Bordeaux-lV, Institut d'etudes politlques de L'introuvable alternative l'UPC a p. 9(ADO).
Bordeaux, fevrier 2007, p. 357). 21 L,1uoRDE,• Note de renseignements •, p. 16
p. 194. 46 Plerre 01\/0L, « Rapport memuel de sep- Fran~ols MITTERRAND, Presencefmn(:aise el (ANY, 2AC4193).
26 Bernard DBGurs, ibid., p. 236 sq. tembre 1953 ., Dlrectlon de In SOrete, p. 18 abandon, Plon, Paris, 1957, p. l 79 sq.
22 • Proces-verbai de passation de service de
27 Zacharie AW.TAKANA, Felix-Roland Moum/e, de (ANY, lAC306/UPC 1953). 2 Richard JOSEPH, Le Mouvemelll 11atlo11allste r111
Granler ä Borne •, 10 novembre 1951
/'ex// ii /a mort, ap. cit. 4 7 Le Cmnero1111 (archives personnelles
de de11111/11 Came,01111, O/J.clt., p. 166. (CADN, FI-ICC/1).
28 Melanie BOUTCHUENG,Emest Ouandle de Gregotre Momo, Dschang). 3 Claude GEJtARD,Les Pio1111ters de l'i11depe11- 23 Pierre DrvoL, • Etude sur !'Assemblee tradi-
(1924-1971). L'homme et sonact/011po//tlque, 48 Slmone etJoseph PORAY, Lo11/s-Pa11/A11;m1/a1, rla11ce,tdltlons lntercontinents, Paris, 1975, tionnelle du peuple ßamilekc ou Kumzse ~,
memoi_re de maftrlse, universite de op. clt., p. 132. p. 169-177. 19 aoOt 1952, p. 13,
Yaounde-1, 1994. 49 Edward MORTIMER, Franu atul 1/JeAfricans, 4 Plerre MESSMER, Les Blrmcs s'en vo11t,op. cit., 24 lbld., p. 16.
29 Lettre de Georges Spenale au secretaire d'~tat 1944-1960, Walker and Company, New p.83. 25 COMMISSARIAT OE POLICEET DE S0RET~ DE
a la France d'outre-mer, 18 decembre 1954 York, 1969, p. 193 (cite in Georgette ElcEY, s APP, 9 fevrier 1950 (CARAN, microfilm 200 DSCHANG, • La reunion du Kumzse de
(CAOM, Aff-Pol 3335). Spenale propose La Rep11bllq11e des to1m11e11tes,tome 1, Fayard, MI 2132) (eile /11Frederic GRAHMEL, Fe//x Dschang Je 11 fuiliet 1951 tenue il Poreke-
meme d'envoyer Moumie dans une autre Paris, 1992, p. 529). Houphoui!t-Bolgny, Malsonneuve et Larose, Dscbang •, 12 juillet 1951, p. 4 (ANY,
colonie, pour y reduire son lnfluence • en 50 Maurice DEUUNEV, Kala-Kala, op. dt., p. 66. Paris, 2003, p. 583). APA12 404/3).
raison de la dlfference des races ., quitte ä 51 Entretien des auteurs avec Francis Hure 6 Georgette ELGEY,la Rfp11bllq11e des illtts/011.1, 26 Emmanuel MounRoE, • Rapport annuel de Ja
accueiUlr au Cameroun deselements • mde- (ambassadeur de Prance au Cameroun de tome 1, op. clL, p. 618-619. subdMsion de Dschang •, 1953, p. 33 (ANY,
sirables • d'autres territoires. 1965 a 1968), Neulily-sur-Selne, 15 octobre 7 Fran(:ois MITTERRAND, Am: frontleres d1•l'U11io11 3AC3291).
30 Entretien des auteurs avec Andre Bovar, 2008. fran,aise. op. eil., p. 25. 27 Rene BOI\NE,• Rapport annuel de 1952 de la
Nantes, 5 fevrier 2008. 52 Cite in Henri NDEFFO, Le Sentimmt 11at/011al il 8 Prancois MITTERRAND, Ma part de verlte, Paris, region Bamllekc •• p. 24 (ANY, 3AC3292).
31 Guy GEORGV, Le Petit Soldat de /'emp/re, op. clt., travers la presse camerounalse (1955-19.58), 1.969,p. 27 et 39. 28 Lettre d'Hubert ä Morel, 12 mars 1955, repro-
p. 158.
32 Lettre de Georges Spenale au secretaue d'ttat
rnernoire de maftrlse, universite de Yaounde, 9 Paul-Henrl S!RIEIX,Felix Ho11phouiit-Boig11y. duite dans un courrier d'Ernest Ouandie a
1986,p, 73. ses camarades, Ie 13 avrll 1955 (CAOM,
L'homme de la palx, Seghers, Paiis, 1975,
ä la France d'outre-mer, loc.dt., p. 2. 53 Louis SANMARCO, L,, Co/011/sateur co/011/se, p.142. Aff-l'ol 3335).
33 Guy GEORGY, Le Petit &>ldatde /'empire, op. eil., up. clt., p. 129.
JO • Synthese hlstorique , l'evolution politlque 29 Note de Georges Becquey, 12 octobre 1955
p. 155. 54 • Rapport de Ja misslon de vlslte de 1949 •,
et des partis politiques dans la zone de {ANY,2AC4193).
34 Lettre de Guy Grorgy au Haut Commissaire, p. 40 (cite in Daniel ABWA, Commls.mlres et
defense AOF-Togo. Notice ä l'usage des offl- 30 Rene ßORNE,• Rapport annuel de 1952 de Ia
S novembre 1954 (CAOM, Aff.rol 3335). Hauts Commtssalres... , op.dt., p. 349).
ciers du 2• bureau ~. 2• trtmestre 1954, p. 89 region Bamileke •• loc.eil.
35 lbld.
55 EntreHen des auteurs avec Andre Bovar, 31 • Leserneutes de Mai. Livre blanc du gouver-
36 lbld. (SHAT, 6H2..18).
Nantes, 5 fevrier 2008. nement frans:ais •, Yaounde, 1955, p. 7 (eile
37 Camero1111 catholiq11e,septembre 1954 (clte i11 56 l1 Fran~ois MITTERRAND, Presencefmnfaise et
Andre BovAR,Au to11ma111 de l'i11depe11rlm1ce par Richard JOSPEH, Le Mouvementr111Uo11a/iste
Abel EYING/\,lntradtictlon i'JJa polltlque cm11e- abandon, op. clt., p. 179 sq.
camero1111alse,L'Harmattan, Paris, 2000, au Cwneroun, op. clt., p. 192).
ro1malse,op. cit., p. 89). p.109. 12 Afrlq,1e no11velle,11 mars 1953 (cite /11Moussa
PAvE,• De l'AOF a la Communaute. L'Union 32 • Activites de l1ndecam • (ANY, 2AC81) (cite
38 Archives personnelles Delavlgnette (CAOM, 57 E.ntretlen des auteurs avec Andre Bovar, In Achllle MBEMBE, la Nolsscmced11maquls au
19PA, carton 4, dossler 52). Nantes, S fevrier 2008. scra francaise ou ne sera pas •, in Charles
S11d-Ca111erorm, op. dt., p. 271).
39 Louis NGONGO,ffistolre de5force5religle11ses au BECKER, Saliou MBAYE,lbrahima T'HJOUB (dir.),
58 Marcel NGU1NI,la Valeur pn//tlque et sorlale de 33 Pierre DIYOL, • Rapport mensuel de sep-
Cameroim. De la Premiere Guerre mo11dlaleii la t11telle (ranc;alse a11 Camero1111,th~se AOF, realites et l11:rltages.Societis 011est-afrl-
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(19.16-1955), Karthala, Paris,
l'lndepe11da11ce de droit, universit~ d'Alx-en-Provence, ml11eset ordre coluuial. Act<'.Sd11collaque s11rle
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34 Plerre DrvoL, • Etudes conccmant des inci-
40 Mathieu TAGNY,D11rerealite, non publie, 59 lbid., p. 26. 13 Assemblee nationale, 9 aoOt 1951.
dents de mai 1955 au Cameroun •, 23 juin
p. 14-15. 60 Dt1.tGATION FRAN<;AISE A t'ONU 1 • Note 14 Voir Francois-Xavler VeRSCHAVE, La Franra-
1955 (CAOM, PA19).
41 UPC, Circulaire n° 5, 7 juiJJet 1949 (ADD). 0° 115/116/117 ä M. le Haut Conunlssaue de frique, op. eil.
35 Cite par Pi.erre PMN, L'Homme de l'ombre. Ele-
42 Entretlen des auteurs avec Yves Vergoz, Vau- la RF au Cameroun •, 5 novembre L952 (cite 15 Pierre MESSMER,Apres tant de batailles.
ments d'enqu2te autaur de Jacques Forcart,
cresson, 9 decembre 2008. ilJ Acbllle MBEMBE, Le Problemenatio11a/kame- Mem(J/res,Albin Michel, Paris, 1992, p. 211.
l'homme le plus mysterlew,:et le plus pulssant de
43 Slmone et Joseph PORAY, Lo11/s-Pm,tA11;011/111. nmals, up. c//., p. 58). 16 qt€? /11 Paul-Hcnrl S1Rra.~,Felix /fo11pho11i!/- Fayard, Paris, 1990, p. 200.
/a V Rep11bllq11e,
Medecin mlss/011110/re et mlnlstre, Assoclatlon 61 Plerre Drvot, • Rop1>0rt mcnsuci de jun- Bo/g11y,tl/J.dl„ p. 123. 36 Discours prononce par Emah Ottu, le 15 jan-
Internationale des amis du llocteur Aujoulal, vicr i 953 •, Oircetlon de lo SOrc1t p. 6 (ANY, 17 Andr(: MOtrrttll, • Rapport annuel de 1953 de vler 1962, ä I'occaslon de l'ouvert11re du
r.irls, 198 l, p. 1.48. IAC306/UPC 1953) lo r~glo11IIOlllil~k~., 1) ,11 (ANY, 3/\C:!292). III' Con~res national de !'Ure (Cenlrc

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d'acwcll Cl de r~hcrche uc, 1\rchlv,•) nollo- 55 er1t1Qllcnde, uutcun ,1vt1 JuH1ucsRomwuu,


• 28 Louis NGONC.O, 111!.wlrc•
Nott'\

,Ir:. (orcc, rt'l{~Jeuse5


... ,
8 Colonel Charles LACIIF.ROV, • La campagnt
nales, Fonds publlcs de Jacques loccnn, Pari,, 6 fhrlcr 2008 d'lndochine, ou une l~on de •guerre revolu- op. c/1., p. 292.
FPU 466- les n!fercnces ä ce fonds scront par 56 Üimpte, remt,u 111,•,1111eh ,t,,,,i,ma., 1/el'Aw- tlonnairen •, loe. clt. 29 ßLOCDtMOCRATIQUf.C.U!EROUNAIS, • L'heure du
ta sulte notees • CARAN, l'l'U ••• •• ou d~111/etlc•s
scle11cescol1111lalc',1,
10,nc XIV, p. -~15. cholx a sonne~. loc.c/1.., p. 14.
9 Roland PRt, l'f.durn//011 des 1/l{ISS('S. ReC0/11·
• CARAN, FPR ••• •). 57 Citc 111L.ouls Nc.o:-.Go,1/lswlre ,tes{um·s reif- 30 Roland PRt, • Politique gcnerale de lutte ... •·
111a11datio11s c/eM. /ego11veme11r RolandPre,pri-
37 Jean VERSEL, Memoires,non publie, p. 49-SO. glemes... , op. clt., p. 207-208. op. eil., p. 4.
slde11t de la commlss/011 d'ellldes et de
38 • Note de renseig-nements •, 2 septembre 58 Gapltalne Ren~ DORANDEU, • l!tude de g('Ogra-
coordinat/011 1/esplcms de moclcmlsat/011et 31 lblrl., p. 3.
1952 (ANY, 2AC4133). phie mllltaire de Yaoundi! •• s.d., clocu inent
cl'e1111lpeme11t clesterrltolres r/'011tre-mer, lmprl- 32 Jbld.,annexe 3.
fournl par l'auteur.
39 Jbid. merie de Yaounde, Yaounde, 1954, p. 33. 33 SERVICE Of.L'INFORMATION DUHAUTCoW.-tlSSAl'RJ,
59 • Analyse de la sltuation polltlque au Game-
40 Propos du ehe( superleur de Manjab, membre 10 Roland l'Rt, • Envol d'une brochure sur Camero,m /955. Les em1•11tes de Mal, op. clt„
roun », cxposc de M. Rlbo, 1955 ($HAT,
de l'Esocam, en 1950 (dte 111Achille MBEMBE, l'lndochlne •, 18 janvlcr 195S (ANY, Vt p. 39.
6H237).
La Nalssa11cedu maq11isau S11d-CC1mtrmm, 39/70). 34 Note de M. Pig-non au directeur du per-
60 Lettre de GeorgesSpenale au secrctarlat ä 1a
op. dt., p. 279). II Roland PRt, • Polltlque generale de lutte sonnet, 5 mal 1955 (CAOM, Aff-Pol 3335).
France d'outre-mer, 18 decembre 1954
41 • Synthese hlstorlque: l'~volution polltlque contre les organ.isatlons politiqucs du Came- 35 Bcrnard DEGtL1s,Lignesrle partllge,np. clt.
(CAOM, Aff-Pol 3335).
et des partls polltlques dans Ja zone de 36 Richard JOSEPH,le Mo1weme11t 11C1tlo11all.1te
1111
61 Voir par exemple Ja lettre qu'l1 envoie a Plerre roun noyautes par le parti comrnunlste
defense AOF-Togo. Notice a l'usage des ofli- (UPC, JDC, USC, UDEPEC) •• clrculalre C11111ero1111, op. clt., p. 288.
Mend~ Francc, alors presiclent du Conseil, le
ciers du 2'bureau •• loc.clt. 19 octobre 1954 (CAOM, Aff-Pol 3335). 11° 273, 4 fevrier 1955 (ANY, lAC 1969). 37 Rene COURCELLE, ehe{ de Subdivision de
42 Ruben UMNvost, • Pour te denouement de la .12 Projet de lettre de Plerre-Henrl Teitgen ä DschaDg, au chef de reglon, Dscha ng,
62 tchange de lettres entre Lcon Pignon et
crise kamerunalse. Lettre a M. Andr~Marlc Georges Spenale, decembre 1954 (CAOM, Roland Pr€?, 10 mars 1955, p. 1 (CAOM, 15 mars 1955, p. 2 (ADD).
Mbida, Premlermlnistre •, 13 juillet 1957 (SOUS Aff-Pol 3335). Aff-Pol 3335). 38 • Rapport de l'lnspecteur des affalres admi-
maquis), p. 30 (dte /11Achlllc MsF.MDF., « Pou-
63 lbld. 1 13 lblrl., p. 6. nlstratives •• 10 juin 1955, p. 6 (CAOM,
voir des morts et langage des vlvants. L'crrance 64 SDECE, • Note de renselgnemcnt •• 1 14 Note au mlnlstre ä propos de Ja clrculaire de Aff-Pol 3337).
de Ja memoire natlonallste au Cameroun •, lot:. 14 dkembre 1954 (CAOM, Aff-Pol 3335). Roland Pre, s.d. (CAOM, Afi-Pol 3335). 39 lb/1/.
dt., p. 49). 6S • Propagande et actlon psychologique des 15 Lettre de Plcrre-Henri Teltgen a Roland Pre, 40 Clle In Faustln KENNE,l.es Grands Clle(s llf
43 Guy GEORGY, le Petit So/d11/ de l'emplre, ap. clt., groupements extremistes au Cameroun •, loc. eil., p. 2. l'/nsurrect/011annee e11 p11ysbamllekl et leim
p.45. avrtl 1955 (CAOM, Aff-Pol 3335).
1
16 Aspectsde /11Fram:e,22 avriJ 1955. a
adivltes de 19S5 1971, th~ de doctorat en
44 Entretlen des auteurs avec Andre ßovar, 1 hlstoire, unlverstte Yaound~I. 2008, p. 28.
66 SUBDIVISION D'Esti:A,• Rapport politique men- 17 Voir paI excmple : • Note sur le dcvcloppe-
Nantcs, 5 fevrler 2008 suel •, avrU 1954 (CAOM, Aff-Pol 3335). 1 ment de t'actlon extremlste au Cameroun • 41 SERVICE DEL'INFORMATION DUHAUTC0MMISSA!JIU,
45 Entretlen des auteurs avec Paul Auclat, Fer- 67 LeMonde, 26 juln 1954.. ou • Ptopagande et act.lon psychotoglque des C11111eroun 195S. Les tme11tesde Mal, op. eil.,
rieres-les-Verrerles, 25 et 26 juln 2007. 68 Lettre de R. de Vlllelongue au Haut Commis- groupements extremlstes au Cameroun • p. 41.
46 Lcttre de Delavlgnette au mlnlstl!re de la salre de Ja France au Cameroun, 14 janvler ,1
(CAOM, Aff-Pol 3335). 42 BUREAU DUco~mr.DlRECTBUR DEL'UPC, • Clrcu-
Francc d'outre-mer, 25 janvler 1945 (CAOM, 1955 (CAOM, Aff-Pol 3335). 1 18 ANY, 1AC91/8 (dte /11Daniel AllWA,Commis- lalre 11° 12/55/0P ., 4 mal 1955 (CAOM,
19PA). salres et Ha11ts Commlssalres •.. , op. clt., Aff-Pol 3335).
4 7 A.ssEMBl.il NATIONALE, • Demande en autorlsa-
tlon de poursulte contre un membre de
Notes du chapitre 8 : Roland Pre : p. 364). 43 Volr notamment: Pierre DivoL, Synthesetfr
/'lmpla11t11t/011 //1•l'UPC, 26 rnars 1955 (ANY,
lance la « contre-subversion » \ 19 Cite In Emmanuel KEGNE POKAM,Les l:.,~ll.1e.1
!'Assemblee nationale, annexe au PV de la
(1954-1955) a
chretlermes{acr la 111011tet d1111allo11alls111e 2AC8341).
2• seance du 4 fevrler 1948, 11°3245 •· camero,mals, L'Harmattan, Paris, 1987, 44 Mathieu TAGNY, Drire rlal/te, op. dr., p. 17.
48 Richard JOSBPH, Le Mouvemwt 11atfo1111/lst(' au p. 115-116. 45 Capltalne BALI.AOUR, « lncldents au Camc•
t Colonel Charles I..ACHEROY, • La campagne
CameroIm,op. eil., p. 314. d'lndochlne, ou une l~a de "guerre revolu- 20 Clte /11L.ouis NGONGO,Hlstolre des (orcesre/1- roun, mai l 955 •• loc. clr ., p. 2.
49 Entretlen des auteurs avec Andre Bovar, lionnalre• ., Cent re d'etudes aslatlques et gle11ses ... , op. dt., annexe 12, p. 292. 46 Lettre du Haut COmmlssalre au mlnlst:re de la
1
Nantes, 5 fevrler 2008 afrlcalnes, Paris, 1954. 2 l Richard Jos1:r11,Le Mouvementna//011111/str 1111 France d'outre-mer, 24 juin 1955 (CAOM,
so Phllippe GAILLARD,le Clllnerorm, op. eil., 2 Georges CHAFFARD, Les Camets secret.sde la Camermm,op. cfl., p. 260. Aff.Pol 3335).
tome 1, p. 187. decolo11/S11tlon, op. dt, p. 362. 22 SERVICE DEL'n-FORMATI0:-1 DU HA\1T Co~U.tlSSAJRI:, 47 u C11merm111 llbre, 1"-15 mars 1955 (cite 111
51 Marthe MouM1t, Vicllme du co/011/a/lsme 3 Richard JOSEPH,Le Mouvemenr11atio11allite ar, Camermm I95S. Les lme1,tesde Mal, op. clr., Richard JOSFJ'H,Le Mouwmelll 11at/011a//ste au
(r1111fals,
op. eil., p. 60. Camenllm,op. c/1.,p. 260 et 262. p. 34. Cmnermm,op. dt., p. 292).
52 Cite /11Pierre Divot, • Rapport mensuel 4 Gabriel Ptim:s el David SERVI.NAY, Unegueffe 23 /bld., p. 35. 48 Richard JOSEl'H,lbid., p. 291.
d'octobre 1953 •• dlrection de la SOrete, p. 18 noire, op.eil., p. 40. 24 lb//1., p. 38. 49 Ruben UM Nvoat, • Les reforrnes de Roland
(ANY, IAC306/UPC 1953). 5 lbid., p. 40-41. 2S /bl(/, Pre vlsent ii Ja consolldatlon de la domina-
S3 Georges CHAFFARD, Les Camet5 secretsde la 6 Cite In Marle-Monlque ROBIN,Escoclrons de la 26 Roland l'Rt, • Politlque generale de lutte ... •• tloncolonlale,, Douala, 13 mai 1955 (clte/11
deco/011hat1011, op. clt., tome 2, p. 354; et mort, /'ecole {ra11f<1ile,La Dccouverte, Paris, loc. dt., p. 3 et 4. Achllle M8E.\1BE, Le Probleme11a1/0111il kmllt•
1
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op. eil., p. 276).
54 Jacques RoussMu, Mbnofre~ (non publlcs), 7 Gabriel P~Rlts Cl David Sb~Vf.NAY, Une.~1wrre 1
cholx a sonne 1 •, 30 avrll l95S, p. 14 SO Jean-Paul SBNDE,• ßaromNre pollllque •,
p.63. 110/rr,op. dt .• p. 4 1 (3rchlvcs du J'C'F) t 11111/~re,
n• 1, f~vrler 1955 (clt~ /11Rlchnrd
\

668 \ 6<,i)
N11t1·,
I
Kn111m111

12 CII(• InRuben UM Nvost, • l.cltre au s,-crc- 53 SHA1,(,11(,2.


J0SEPII,le Mu11ve11mlfll(tt/01111//\te1111C:111111•-1 1J)lerrcDIVOL, ft111finmum,111/ le1 h~llt'lll('IIII
rnlrc general de l'Organisatlon des Nations 54 SHA'l, 6I IJ4 (eile /11Eugl'ne-Jean DUVAI,L,•
ro1111,o/J.eil., p. 259). tlr mal 1955, up. dt., p J 1.
unles •• 13 decembre 1955 (citf 111Achlllc Slll11sr 11111/talre
de ta Fri111ce
au Cl11m•mu11,
51 Ctte /11Richard JOSEPH, le Morll'Cl1WIIInnt/o,,a. 12
•JMO (loumal de marche C'I des operallons)
MBEMBE, &rlts ~OIISmaqrtis, op. "'·· p. 115). 1914-196./, up. eil., p. 189).
1/stem, Camerou11, "P· rlt., p. 296. du dt'tachement de gendannerle de l'AEl'•
33 Volr : • La terreur s'accenruc au Came- SS fbid., p. 188.
52 • Prodamalion commune •• 22 avril 1955 Cameroun de julllet 1954 a decembre 1956 •
roun ... •, l'N1111w11lt€,
25 septembre 195S. 56 • Letlre de M. Soustelle • (SHAT,6H62).
(citc /11AcbiUeMBEMBE, Le Problemenartcmal (SHAT,6H 109). 34 Marthe M0UMIS,Vlctime d11wl1111/c1//sm1·,
kamen111als, op. eil., p. 306). Nous soullgnons. 13
Plerre Divot, lt11deco11cem1111t /es eve11e111e11LI op. eil., p. 80.
de mal 1955, op. c/1„p. 35.
Notes du chapitre 10 :
53 • Stgnlfication hlstorlque du drapeau 35 Communique n• I0lBCD/M.I, 30 novembrc « Au pays des Blancs »
camerounals ., 22 mal 1955 (dte /11Achille Jean Pwwou, • Chronolog.le des evene-
14 1955 (dte /11 /\braham SIGHOK0 Foss1, Dls-
MBEMBE, &rlts srmsmaquls, op. eil., p. 101). ments •• loc.clt., p. 12. co11rspollt/q11es, L'Harmattan, Paris, 2007, Mongo BtTI, Main hasse sur Je Camrro1111,
$4 SERVICE DBL'INFORMATI0N DUHAUTC0MMISSAIRE, IS
SERVICE DßL'INf0RMATI0N DUHAUTCoMMJSS/\IRF., p. 225-226), Fran~ols Maspero, Paris, 1972, p. 244,
Cameroim 1955. Les tmeutes de Mal, op. eil., Comero,111195S. Les tme11trstle Mal, Ofl. clt., 36 • Organlsallon et fonctionnement du Mou- 2 Charles ATEBA VENE,l.e General Plerre
p.20. p. 59. vement national •, 20 septembre 1955 (cite Semeug11e. vie ,tmu /es 11nn&s,&11-
To11teI111e
ss Ruben UMNYoat, • Les reformes de Roland 16 Andre Bov„R,A11to11m11111 de l'lndepmdanct 111 Achllle MBEMBE, le Probleme1111t/011al
kame- tions Clf, Yaounde, 2002, p. 62.
Pr(Iv\sent a la consolldatlon de la domina- camero111111lse, op. eit., p. 107. nmals, op. clt„ p. 318-335). 3 Marle-Joscphine ÜNANA,• L'enseignement
tlon coloniale •, /oc. cft. 17 Entretlen des auteurs avec Ht>mlTamo et Foe 37 Achllle MBEMBE, l.a Nalssa,1C{'r/11111(/IJIIIS
1111 au Cameroun •, Kaso, n• 8, p. 15.
$6 SE.RVICE DEL'INFORMATION DUHAUTCoMMJSSA!Jlt, Gorgon, Yaounde, respectlvement !es S11d-C11mero1111,"P·dt., p. 327. 4 Phlllppe GAILLARD, l.e Camero,m, op. c/r.,
Came,01111 1955. les eme11tes de Mal, op. cft., 6 fevrler et 9 mars 2007. 38 Ruben U~t Nvoat, • Rapport presente au tome 2, p. 75.
p. 15. 18 • JMO du detachement de gendarmerle 1r Congres statutalre de l'UPC •• loc.dt. 5 Joseph-Marle 2.ANG-AT ...NGANA, Les F11rcttpo/1-
5 7 Capltalne ßALLADUR, • lncidents au Came- de l'AEP-Cameroun de )uillet 1954 a 39 Achille MBF.MBE, la Nalssance c/11 maq11/s1111 tiqr,esa11Cameroim rrimlfld, up. dt., p. S.
roun, mal 1955 •, loc. dr., p. 5. decembrc 1956 », loc.clt. S11d-Camero1111, op. eil., p. 329. 6 Fran~ls MATTE!,lt• C1Hle{Jlya, Balland, Paris,
58 Cite /11RichardJOS!.PH, Le Mouvemmt 11atio11a- 19 lb/d. -10 lbld., p. 330. 2009, p. 99.
llste t111Camermm,op. eil., p. 293. 20 Achille MBUfBE, La Nr1/siance du maq11/t1111 41 lbld., p. 330 et 329. 7 Floren! ETOGA,Pa11/Blyt1ou l'lncanmtltm de la
S11d-C,amero1111, op. eit., p. 327. 42 Ruben UM Nvoet, • Rapport presente au rlg11e11r,&lltions Sop~cam, Yaound~, 1983
Notes du chapitre 9 : 21 Volr le descrlptlf lnvolontalrement eloquent I" congres de l'UPC •• Dschang, 10avrll 1950 (eile;,, Fran~Oi5MATTfl, lbld., p. 102).
de l'lnspccteur des affalres administratives (clte In Achillc MBEM8E, lkrits s1msmaquls, 8 Jean-Martin TCHAl'TCIIET, Q11r1r1d frt /1'1111(',!
L'UPC interdite 1(mai 1955)
A. L.asserre, 10 juln 1955 (CAOM, Aff- op. elt., p. 60). A{iicn/11~crtale11I l'hlstolre. Rlc/t a11mblo3m-
Jean Buu,;ARD, • Coaunent !es communistes Pol 333 7) ; et aussi le rklt autoblographlque 43 SERVICEDEL'INFORMATION DUliAUTCoMMISMIRE, phlq11e,L'Haimattao, Paris, 2006, p. 66.
preparent une lnsurrectlon en Afrlque de Jean MBOUENDE, Po11rIn pntrle, contre /'11rbl- C111nerm111 1955. les eme11Ies de Mal, op. eil., 9 • Probleme de l'etudlant nolr •• Les t11111/w1ts
nolre •• SamedlSolr, 27 juillet 1955. traire, eclltc i\ compte d'auteur, [sd), p. 50•56. p. 73. 11oirs/mrfent. .. , l'rcsencea{rlcal11e,n° 14, 1953,
2 • Actualites •• Radio tclevlslon fran~alse, 22 Gregoire MOMO,« Informations sur Je tcrro- 44 En11etlendes auteurs avec YvesVergoz, Vau- p. 26-27,
24 mal 1955. rlsme en pays bamllekc • (lnedit), 1986 cresson, 9 decembre 2008. 10 Pierre NKIYO,;GUE, L'U11l01111atio11ale
tles lt11-
3 Clte /11Simon NKEN,la GeH/011de l'UPC, (archlves personnelles de Gregolre Momo, 45 Max DoRSINVtLU, Mtmolres de Ir, tleco/011isa- 11ia11ts
r/11Kmnernn. 011 111 crmtrib111io11des et11-
op. eil., p. 123-124. Dschang). tlo11,Memoire d'encrier, Montreal, 2006. d/a11Lsa{rlCfllns ä l'fo11111clpatlo11 c/el'Afrlq11e,
4 Clte 111SERVICE DEL'INF0RMATI0N DUHAUT 23 Pierre Divot, P.tudeconcema11tle.i everreme11ts 46 Lettre de Felix Moumie au • camarade L'Harmattan, Paris, 2005, p. 42.
C0MMISSAIRE, Cmnem1111 lie
1955. les t!111e11tes de mal 1955, op. clt., p. 19 et 51. Molotov, mlnlslTe des AffalresetJangeres de 11 • Crlme colonialistt> au Cameroun. Um
Mal, op. dL, p. 25. 24 lbld., p. 51. !'Union sovletlque ., 16 septembre 1955; et Ruben est assassine ! •, l.'Hmnanlte. 27 mars
S Plerre DivoL,ltmle co11centantles lvenmumu 25 Roland Pat, Rapport d11/laut Commlssalre 1111 lettre d'Ernest Ouaadle au • secretalre 1953.
de mal 1955, directlon de la Sörete, 23 juln mlnistre de la Francec/'011tre-mer, 11 juln 1955 gcnC!ralde la PMeratlon panchlnolse de la 12 A{rlq11e/11for111r1tlons, n• 8, 8-15 septembre
1955, p. 30 (archlves personnelles du docteur (CAOM,Aff-l'ol 3337). jcunesse dcmocratique », 3 septembre 19S5 1953.
Abraham Slghoko Fossl). 26 lbld., p. 26. (CAOM,Aff-l'ol 3336). 13 • Lesactlvltes de !'Union des populatlons du
6 Richard JOSEPH, Le Mouvemelll nalianallste m, 27 • La represslon auralt co0te : cent tues, plu- 47 Lettre d'Um Nyo~ ä Ouandle, 24 aout 1956 cameroun en France ., mlnlstere de l'lnte-
Cameroun, op. eil., p. 305. slems centalnes de blesses, trols cents arresta- (CAOM,Aff-Pol3336). rieur, novembre 19S8, p. 4 (CAOM,81F80S).
7 /bld., p. 289, tlons, des deportatlons •• l.'H1111umltl,8 juin 48 Richard JOSEPH, le Mo11veme11I 1mt/011a/iste
1111 14 Abel EYINGA, • Y a-t-il une llmite entre la poll-
8 Sans plus de preclslon, Plerre Divot lndlque : C11111ero1111, op. clt., p. 307. tlque et l'apolltlque? •• 8111/eti11 de l'Assocla-
1955.
« Deux jours apres, on deplorera des morts • 28 Roger PAA!T,• "L'ordre r~gne" •• L'Observa- 49 Fran~ols CIUKB0NNIER, La V/e fran~alse, t/011 des €t11rlla111.s
camrrormals de Francr,
(lltmle concemartt /es evbmne11tsde mai 1955, te11r,9 juln 1955. 12 ao0t 1955 (die ill RichardJOSEPH, Le Mm,- avril 1954.
vement 11al/or,al/ste a11Came,01111, op. clt., 15 Castor ÜSENDlAf ....
~A, - L'AECFpolltlque ou
op. clt., p. 30). 29 Roland Pllt, • Telegramme du Haut Commis-
p. 307). apolltiquc •, ß11/Ml11de l'Assoclatfon des <1111-
9 Achllle MBEMBE, La NaiSS(IIIC/!d11mt1q11lsau salre au mlnlstere de Ja Prance d'outrc-mcr ••
SO • Nouveaux aspccts de la defcnse en surfacc dla11tscwnermwa/s dt' Francr, mai 1954.
Sml-Cameroun,0/1. eil., p. 320. Douala, 30 mal 1955 (CAOM,Aff-Pol3337),
30 Clte /11Simon N~EN,La Ge1//011dt l'UPC, du Terrltoire •• I" juillet 1955 (SHAT,6H83). 16 Entretlen des auteurs avec le fils de Samuel
10 Jean PERIUJOU (dcleguc du Haut Commlssalre
SI SIIAT,6H 109 Kame, PINre Kame Bouopda, Paris, 24 )uln
ä Douala), « Chronologie des evenernents ., IJf', clt., p ISS.
S2 !IIIAI, I0'I 180 2009.
4 juln 195S, p. S (C:AOM,Aff-l'ol JJ37). 11 \,fnlhleu I AGNV, Dtlff rfallti, op.dt„ p. 22.

,70 r;71
1
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Nute\

17 Voir Nlcotiis ßANCBL,« ui vole l!trolte : la 4 di•, ,,,1,r,11mtv,,


G-corg..,ue t!1,01v,/,,/1t/6(1/1/11/1111,·
noilonnlc •, 6 d&embre 1956 (ehe /11Achlllc Carnerolm •, 2• semcstrc 1956, p. 11 (SHAT,
selectlon des dlrlgeants arrtcalns lors de la l 9S4-19S9,op.c//., )>.532.
MnEMllE,f.crlts SOIIS 111aq11is,
op. eil., p. 175). 6H110).
transition vers la decolonisation •, Mouve- 5 lbld.
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2S Lettre de Ruben Um Nyobe ä Paul Soppo 44 Colone.l Jean W11rrwousE,, Enseignement.s
ments, n° 21-22, mal-aoOt 2002, p. 28-40. 6 Cite In Janvler ONANA,Le Sacredes l11dlg,
Prlso, 9 d~cembre 19S6 (dtee In DIRECTION OE tires des operatlons de !'ordre en Sanaga-
18 • Les activites de l'Union des populatJons du €vol11C-s,op.clt., p. 218-219.
LA50RE'Tt, • Note de renselgnements du Maritlme en decembre 1956 et jan-
Cameroun en France •, loc. dt., p. 5. 7 Plerre MESSMER, Les R/1111,s s'e11l'Ollf, op. eil..,
12decembre 1956 au 2 janvier 1957 •, p. 19; vler 1957 •, loc. cit.
19 Pierre NKWENGUE, L'Un/011nationale des etu- p. 143.
CAOM, Aff-Pol 3320). 45 • Trap de sang a coule •• L'Effortcamero1111nls,
diants t/11Kamenm, op. dt-.,p. 105. 8 Cite /11Paul-Herui SiRIE.IX, Hu11plmui!t-ßul,~11y
26 ~ Rapport de la Dlrectlon de la Surete •• du 19 janvier 1957.
20 SERVICE DEPRESSE DURtARMEMENT MORAL, • Dele- 011la sag-esse afrlcalne, Nouvelles i:ditlons afrl-
12 decembre 1956 au 2 janvier 1957 (CAOM, 46 Capitaine Paul GAMB1N1, • CR concernant les
gation camerounaise ä Caux •• 9 aotlt 1955 calnes, Abldjan, 1986, p. 153.
9 Le Figaro, S fevrier 1956 (cite In Simon NKF.N, Aff-Pol 3320). enseignemen ts a tirer des recents Incl•
(arcbives du Rearmement moral, Issy-les- dents ... •, /oc.clt., p. 9.
l,a Gestionde l'UPC, op. eil., p. 150). 27 CADN, FHCC/6, dossler 1.
Moulineaux - ci-apres notees • ARM •). 4 7 Colonel Jean WHITEHOUSE, • Enselgnement
10 Richard JOSEPH,Le Mo11vemc11t 11at/011a/iste 1111
28 • Rapport de Ja Directlon de la SOrete •,
21 Voir ä ce sujet Phllip BOOBBYER, • Moral Re- tires des operatlons de !'ordre en Sanaga-
Camerorm,op. eil., p. 330. /oc.clt. ; et APO, 1AC220/2.
Armament in Africa in the era of decolonlza- Marltime en dece.mbre 19S6 et jan-
11 La Pressedu Camero1111, 6 janvier 1956 (clte /11 29 SHAT, 6H239; et CAOM, Aff-Pol 3336.
tion •• in Brian STANLEY(dir.), Mlss/011s, vier 1957 •, loc.cit., p. 5.
Daniel ABWA,Andre-Marle Mblda, premier Pre- 30 F.ntretien des auteurs avec Jean Sa Ivan, Paris,
Nationalism, and the End o( Empire, Wm. 48 Ruhen UMNvoB~, • Comment le massacre des
mier mlnistre camerounais, 19.17-1980. 11 dccembre 2008.
B. Eerdmans Publishing, Cambridge, 2003, Kamerunais a ete prepare et consomme par le
Autopsie d'rme ca"len:politlque, L'Harmattan, 31 SHAT, lOT180.
p. 212-236. gouvemement fran~s ., 3 janvler 1957 (dt~
Paris, 1993, p. 52). 32 CHF.TOM, 16H79.
22 • Quelques faits sur l'action du Rearmement irr Achille MBEMBE, f.crlt.sSOUS111aq11l.s,
op. eil.,
12 Daniel ABWA,Commissaires et Haut~ Commls- 33 Colonel Jean WHITEHOUSE, • Enseignements
moral en Afrique •, note confidentielle p. 186).
sa/res... , op. clt., p. 376. tlres des operatlons de !'ordre en Sanaga-Maci-
(ARM, P1080587). Sur la vie du colonel 49 Cite /11falgene-Jean DUVAL,Le S11/age milllalre
13 Richard JOSRPH, Le Mo11veme11t natio11alis1eau time en dccembre 1956 et janvler 1957 .,
I<nigbt, voir : • Obituarles : L-CI Alan de /a Fmnce au Camermm, 1914-1964, op. c/t.,
Cwnero1111, op. elt., p. 322. 3 avril 1957, p. 2 (SHAT,6H62).
I<nlght », The Independent,12 juin 1999. p. 199.
14 Sur Je röle de Isaac Tchoumba, Mathleu 34 Pierre Messmer au mlnistre de la France SO Victor T. LBVINE,Le Camerow, du mandal i'I
23 • Les Afrlcains il Caux. Rivalites radales et
Tagny et Plerre Kamdem Ninyim dans d'outre-mer, • Synthese sur les elections ä l'independmrce, op. cit., p. 206.
politiques s'effacent devant une Ideologie
!'Union nationale, voir Meredith 'fERR6TTA, )'Assemblee territoriale•, 22 janvier 1957, S'l Georgette El.Gtv,La Rep11bllq11e desro1m11m1tcs,
d'unlte •, Courrier d'infonnat:/011 d11Reanne-
The Fabrlcat/011 o( the Postcolnrrlal Sate o( p. 20 (CAOM, Aff-Pol 3336). 1954-1959, op. dt., p. 537.
ment moral, 21 septembre 1956.
CnmerOQn,op. elt., p. 216-236. 35 Rene nR.ANT (APO, 1AC220/2). 52 VolI L 'H11mm1/t{i,2 janvier 195 7; et Afrlq11e
24 Clte 111SERVIC!I DEPRESSE DUREARMEMENT MORAL, 1S Pierre SnBBE, « Unlon nationale a.u Came- 36 capitalne Gabriel HAULIN,• Compte rendu 11ouvelle, 8 janvler 1957.
« Delegation camerounalse ä Caux •, /oc. clt.
roun •• France Observateur, 27 septembre d'une opl-ration ayant ete effectuee le 53 • "La majorlte des bommes politlques du
25 HAUTCOMMISSARIAT AU CAMEROUN,• Note 1956. 31.12.1956 pres d'Edea • (SHAT, 6H239). Cameroun souhaite le maintien de la
de renseignement •• 15 septembre 1955 16 Cite in Simon NKEN,La Gestion de l'UPC, 37 Entretien des auteurs avec Phillppe Antoine, tuteUe" », Combat, 5-6 janvler 1957.
(CADN, FHCC/6). Jean-Martin Tchaptchet op. clt., p. 177. Paris, 30 decembre 2009. 54 Andre PRIVAT,Coup de cce11rpo11rl'A(rfqrw,
garde quant ä lui exactement le meme sou- 17 AchUle MB&MllE,La Naissance du maq11/sau 38 CAOM, carton 3336 (cite In Eugene-Jean op. eil., p. 184.
venir Uean-Martin TCHAPTCHET, Q1111nd/es S11d-Camero1111, op. c/t., p. 340. DUVAL,Le S/1/age 1111/ltalrede la Frarice tlll 55 CAOM, Aff-Pol 3336.
fe111IesA(rlca/,rs crtalent l'lrlstoire, op. clt., 18 Ruben UM Nvoet, «Apropos des prochalnes 56 Louis-Paul AUJOULAT, ~ "T.C." dit la verite sur
Cameroun, 1914-1964, op. eil., p. 198).
p. 82-83). etections ä l' Assemblee territoriale•, le Cameroun •• Temoignage chretlen,
39 Capitaine Gabriel HAUL!N,• Campte rendu
26 ASSEMBLtE NATIONALE, « Campte rendu de 20 octobre 1956 (cite in AchiUe MBEMBE, tcr/ts d'une operation ... •, loc. clt. l" fevner 1957.
la seance du 14 octobre 1959 », <archives. s011S maq11/s,op. eil., p. 168-174). 57 « Une majorite natlonallste moderee se dega-
40 Capltaine Paul GAMBINI,com.mandant ia
assemblee-nationale.fr>. 19 Lettre du colonel Whitehouse, commandant 2' compagnie de fuslllers voltigeurs, au chef gerait ä l'Assemblee territoriale du Camc-
27 MUes COPELAND, The Game Player. Confessions milltalre du Cameroun, au general comman- roun », Le Monde, 26 decembre 1956.
de bataillon, commandant le bataillon de
of the CfA 's Original Polllirnl Oper11dve,Aurum dant Ja zone de dMense de l'AEF-Cameroun, tlrailleurs du Cameroun, • CR concemant les 58 Janvier ONANA,Le S11cre des lndlgenesevolulis,
Press, Londres, l 989, p. 177. 30 novembre 1956 (SHAT, 6H239). op. clt, p. 204.
enseignements 1i tirer des recents incidents
20 C'est notamment le cas au cours du congres 59 Andre BovAR,A11toumant de l'f11tlepe11da1m•
qui se soot deroule.s en Sanaga-Maritlme .,
Notes du chapitre 11 : Le fusil qui se tlent du l" au 4 novembre 1954 a l" fevrier 1957, p. 3 (SHAT, 6H239). camerormalse,op. eil., p. 113.
sur la tempe (1956-1957) I<umba (CAOM, Aff-Pol 3336). 60 Voir Pierre MESSMER, • Les problemes actuels
41 Andri? PRIVAT,Coup de camr pour l'A(rlque,
21 Lwniere, avrU 1956 (cite /11Abraham SIGHOKO du Cameroun -., Nouvel/e Revue franfals,•
1 Editorial, Kaso,11° 4-S, mars l 9S5, p. 2. 1956-I9S7, Editions du Pressoir de Monta-
FosSI,D/sco11rs polltlq11e.s, op. dt., p. 498). d'outre-mer,novembre 1957.
2 Pierre MESSMER, Aprils tant de bataJlle.1,op. clt. ; legre, Cotogny, 1992, p. 184.
22 Lettre d'Um Nyobe il Moumie, I<ingue 61 Georges CHAFFARD, Le Monde dlplomatlq11e,
Les Blanc.~s'en vont, op. cit·. 42 Capitalne Paul GAMBINI,« CR concernant
et Ouandle, 4 novembre l 956 (CAOM, juillet 1957 (dte IrrDaniel ABWA,Andre-Marle
3 Cite in Joseph Roger de 81'.NOIST, L'Afriq11eocci- Aff-Pol 3336).
les enseignements a tirer des recents ind-
Mbitla ... , op. cit., p. 73).
dentrile fr<mfalsede la co11fere11cede ßrazzav/1/e dents ... •, loc. clt.
23 Lettre du cotond Wh!tehousc, loc. clt. 62 LettJe du Haut Commissaire au mlnlstre de la
43 Colonel Jean WHITEHOUSE, • JMO [journal de
(1944) 1il'l11depe,ulm1ce (1960), Nouvelles &ll- 24 Rubcn UMNYOOt.• Lcllrcouvtrtcil M.Soppo france d'outre-mer, 14 janvicr 19S7, p. 4
tlons ofricalnes, Dilkor, 1982, p. 298. mnrch;,, et des Operations] de l'etat-major
Prlso, socrt':tnlrc 11(1n~rnid11couranl d'Unlon (CAOM, Aff-Pol 3336).
l.111l'OIOnt•I commandant mllitalre du

Gn
673
Kt1111t
1I/III f N11t,·,

Notes du chapitre 12 : 200~. 1'· 19; et Joseph Marle• 110100, La IWll'I• 49 l'auslln Kl!NN~.us c:mnrlsClle(.vde l'lnsmrec-
lndltJUC lc C0fllUHllldant J1•011 l.c Gulllo~•
(auteur de Une p,ulfk1.1t/1111 U1 rh/11r- 1/rme,, pays bamil~ktJc/e 1955 n 1966: lt•c<1srlc t/011nm1!e en pays br,mll~ke1•1lmr., acriY/1~,rle
Le Kamerun s'embrase (1957) r/f11.11/e.
rlo11d,•Ja rdbcl/1011 11vfttsreen Sam1vc1-Marlt/111e
Ja .mbdlvis/011de Bafoussam, DJPES II, 1997, 1955 n 1971, op. clt., p. 98.
1 Clte ill Gabriel KUITCHEFON~OU, • Les (Ca111em1111 /957-1958), m!\molre de la p. 52. 50 • Rapport de S0rete du I" au 22 fanvier
chansons natlonallstes : hlstolre d'une litt~ 28 Bemarcl M0NNIER,• Rappon polltique trimes- 1958 •, p. 12 (APO, 1AC1S8).
73' promotJon de J'ESG, Paris, 1960, p. 8).
ratureet lltterature d'une histolre », /11Pierre 12 Gabriel KUITCHEF0Nl<0U, • Les c.llansons triel. Quatrleme trimestre 1957. Subdivision 51 BUJ\EAU DE DOCUME."ITATION DU HAUTCo~fMIS·
FANDI0et Mongi MADfNl(dir.), Figuresdel'hls- nationalistes .... , loc. c/r. de Bafoussam •• loc. cit., p. 3. SAIRE,• Note sur la sltuatlon politlque au
toire et imagina/re au Camermm,L'Harmattan, 13 • Rapport de S0rete du 26 novembre au 29 lbid. Cameroun du 1S octobre au 1S novembre
Paris, 2007, p. 21. 11 decembre 1957 •, p. 3 (CAOM, 30 • Rapport de S0rete du 26 octobre 1957 •, p. 18 ($HAT, l(lTI 78).
2 Sectlon de coordinatlon du Cameroun, mlnl- Aff-Pol 3320). au 12 novembre 19S7 ,, p. 8 (CAOM, S2 Jacques EKANG0,L 'Agitation soclopolltlq,w et la
stere de la France d'outre-mer, « Condense 14 Plerre MF.SSMER, Apres tant de batalltes, up. dt., Aff-Pol 3320). vlo/ence dans l'nrrorrdissement de M/Ja11g11
du recueJJ de renseJgnements pour le mois de p.223. 3l Lieutenant Bonaventure EscoFFET, • Situa- e11tre1950 er 1960, memolre de maitrise en
mars 195 7 » (CAOM, Aff-Pol 3322). 15 • Rapport de S0ret~ du l" au 22 janvier tion polltlque dans la region Bamlleke de hlstolre, unlverslte de Yaounde-1, 2000,
3 Bernard M0NNIER, • Rapport politique du 1958 •, p. 8 a11 (APO, 1AC158). mai 1955 il avrU 1959 •, loc. eil. p. 71.
trolsi~me trimestre et du mois de juin l 958. 16 Commandant Jean LEGU1u.ou, Unepaclflca- 32 Lettre du chef de region (APO. 1AA233). 53 • Rcnseignements obtenus par M.S. chef du
Subdivision de Bafoussam •• p. 2 (CADN, tlon remslc, op.dt„ p. 2. 33 Mesmin KANGUELIEU TCtl0UAKE,La Rebel/io11 detachement des Baadenkop en zone
FHCC/2). 17 Jacques GERMAJN,De /a Guinee <l Ja Cöte- armee a l'011est-Ca.merou,1(1955-197 l), anglaise •, 24 fevder 1958 (SHAT, 6H261).
4 Jacob TATSITSA, UPC, te11.5/on.i
soc/aleset guerre d'Jvotrepar le Cmnero,111, 1946-1962. U11admi- op. cit., p. 110-111. S4 ldrlssou ALI0UM, Jean KOUFANMENK6N6,
revolutionrwlre dans la s11bdivlsio11 de Mbo11da 11/strnteurraco11te,L'Harmattan, Paris, 2000, 34 Maurice DELAUNI:Y, • Actlvltes upeclstes et • L'Union des populations du Cameroun
de 1950 <l 1965, me.molre de mafüise d'his- p.257. mainticn de !'ordre dans la region Bami- (UPC) ä l'epreuve du Nord-Cameroun
tolre, universlte de Yaounde-1, 1996, 18 • lnterrogatoire de Noumbi Joseph •, leke », loc. cit. fran~ls •• Amwle.1de la farntte des arts, /ettres
p. 40-41. Dschang, 19 mars 1959, p. 3 (dossier speclal 3S Mesmln KANGUILIEU TCHOUAKE, La Re/Je/11011 et sc/enceshwnaines, vol. 1, n• 5, 2' semc~"trc
S Meredith TE.RRElTA, The Fabrirnt/011oflhe Post- Slngap du commlssa'fiat Special, dossier armee ii l'011est-Camem1111(1955-1971), 2006.
colonial State o{Ca.meroo11, op. clt.; et Joseph • Police politlque • }. op. eil., p. 110- ll l.
FoKou, l '/11s11rrectlo11annee dans la sous-che(- 19 Maurice DELAUNBV, • Actlvltes upecistes et de S0rete du 26 octobre au
36 « Rapport Notes du chapitre 13 : Repression
ferle de Balatchi (1956-1969). Geneseet enje11x, maintlen de !'ordre dans Ja region Bami- 12 novembre 1957 ,, toc. eil., p. 7.
memolre de maitrlse d'hlstoire, unlversite de leke ., loc. ctt.
en « Bamileke » (1957-1958)
37 Maurice DEJ..AUNEV, • Activltes upeclstes et
Yaounde-1, 2000. W Bernard MO.'INIER, • Rapport politique trlmes- Proces-verbal de passatlon de service entre les
maintien de !'ordre daas la region BamJ.
6 • Notice de renselgnements a" 28 sur Tawa triel. Quatrieme trlrnestre 1957. Subdlvtslon chefs de subdivision de Mbouda Michel
leke », loc:.eil.
Dominique • (SHAT, 6H261). de Bafoussam ., 5 fevrler 1958, p. 6 (CADN, Legrand et Jean Sablayrolles, 1956 (ANY,
38 /bid.
7 CABINETMILITAIREDU HAUTCOMMISSAlllE, PHCC/2). 3AC782) (cite i11Joseph FoKou, L'lr1S11rrectlo11
39 Cite in ~tienne SAfiATCHINDA,A11torltesreli-
• Recueil mensuel des renseignements Inte- 21 Lieutenant Bonaventure EscOFFET,• Situa- anneeda11s la so11s-c/1efferle
de ßalatchi, op. clt.,
gie11seset rebel/1011 upiic/ste en pr,ys bamlltke
rieurs pour le mois de julllet 19S7 •• p. 22 tion politique dans la reglon Bamlleke de p. 68).
(1955-1971), memoire de mait:rise en h.1s-
(CAOM, Aff-Pol 3322). a
mai 1955 avriJ 1959 •, 7 avrll 1959, p. 14 toire, universlte de Yaounde-1, p. 35-36. 2 Maurice DELAUNEY, • Activites upecistes et
8 Maurice Delauney au Haut CommissalreJean (SHAT, 6H264).
40 • Rapport de Si'.irete du 12 au 31 decembre malntlen de !'ordre dans la regioa ßaml-
Ramadier et au mlnistre de !'Interieur 22 Capitaine Paul GAM.BINI, • CR coacemant !es leke ., Joc.cit.
1957 ~. p. 29 (CAOM, Aff-Pol 3320).
Ahmadou Ahidjo, ~ Activltes upecistes et enseignements ä tlrer des recents lnd- 41 lbld., p. 16-18. 3 Section de coordination du Cameroun, minl-
malntien de !'ordre dans la region Bamileke. dents ... •• loc. c/1.,p. 7.
42 Joseph-Marie Forso, La Rebellion en {lays stcre de la France d'outre-mer, • Condense
Secret », 8 fevrier 1958, p. 8-9 (SHAT, 6H26l). 23 • Plan de defensc Interieure du Cameroun •,
bamlleke,op. eil., p. 54-5S. du recueli de rense.ignements pour le mois de
9 ~ Rapport du directeur de la sarete au Haut 5 aovembre 19S7 (SHAT, 6H239, 1-14-1,
43 Entretien des auteurs avec Foe Gorgon, mars 1957, tCAOM, Aff-Pol 3322).
Commissaire •, • Au sujet d'un "maquis" S7302164).
Yaounde, 9 mars 2007. 4 CASINETMILITAIRE DU HAUT COMMISSAIRE,
au Cameroun •• 2 janvier 19S 7 (CADN, 24 Entretlen des auteurs avec l!.tienne Tchinda,
44 Mathieu TAGNY, Dure reallte, op. eil., p. 35. • Recuell mensuel de renseignements
FHCC/6). ßamenfo, 2 fevrler 2007.
4S • Lettre ouverte de Tagny Mathieu il Ruben Interieurs., mars 1957, p. 4 (CAOM,
10 ANY, 2AC8346 (clte in Nestor Fils MEY0NG, La 25 Pierre MP.SSMER, • Note du Bureau de docu-
Um Nyobc ~. s.d. [courant 1957] (CADN, Aff-Pol 3322),
Zone de paclf)catlon en Sanaga-Marlllme, mentatlon sur la sltuatlon politlque au
PHCC/6). 5 Entretlen telephonlque des auteurs avec l'ex-
memoire de maitrise, universlte de Cameroun, du 15 octobre au 1S novembre
Yaoundc-1, 2004). 46 La Pressedu Camero,m, 18 mal 1957 (clte In ileutenan t Bonaventure Escoffet, 4 mars
1957 •, p. 15 (SHAT, lOTl 78).
Abraham S!GHOK0Foss1, Discours politiques, 2010.
11 Entretien d'Yves Mintoogue avec Alphonse 26 Samuel KAMt l11sllt11tio11s polltiq11eset COlllll•
Boog, Bot-Makak, 27 aoat 2007. • Ces armes op. eil., p. 379). 6 Maurice DELAUNSY, Kala-kala, op.c/1.,p. 87.
mii!ros d11 pays bnmlleke, memoire de
avaient l'aspect d'une arme de chasse avec 47 Entreticn des auteurs avec Samuel Zeze, 7 Samuel K,\Mll,Jr,stltut'/011spolltJqueset adm/11/s-
l'ENFOM, 1958, p. 4 (CADN, FHCC/2).
une crosse et un fOt en bois dur, un canon 27 Stella MBATOi0U,Contrlb11tin11 1) In ca111111/~-
yaouade, 23 novembre 2007. t.mtivesco11tw11feres du paysbamlleke, op. eil'.
fabrique avec un tuyau quelconque de sn11cede /'Armeerle //b{,m//01111fJtlo11ale t/11 48 Commun.lque du Haut Corn.m1ssalre Xavler 8 lbltl., p. 43.
callbce 12 et un systeme cle pcrcusslon 1\ Torr<'!, 18 lulllet 1958; • Rapport dcS0rcte du 9 Meredith TERRli'ITA, • God of indepcndcncc,
Ka111cr1111 (ALNK), /959-1971, m~molre de
clllcn clont le ressort ctatt en caoutchouc •, rna11rlsccn hlsl'Olrc, unlversltl! de Yno1111d~-1. 11.ni1 15lulllet 1958 •• p, 26 (APO, IACl58). God of peace,vlllage polillcs nnd notlonallsm

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In the maqulsof(',.1meroon, 1957-1971 ,, 11w ;1l I.Cll Cl' de GOrnrclJ(ttt1H'l ,111t}l"~\ldent de


S 1 • Rapport de SOrete du 4 au 21 avril 1957 •• Camcroun •• octobre 1958, p. 38 ($HAT,
Jnumalo{ Afrlam 1/istory, mors2005. l'Assoclatlon nu1l01111lc des CIV0COISdl.'
p. 2 (CAOM, Aff-Pol 3320). IOTl 78).
10 Entretien telcphonlque des auteurs avec l'cx- l'rance,M. Melgnle, 28 Ju1wler 1958 (CAOM,
S2 lbid. 74 BURE.AU DE DOCUMl:NTATION DUHAITT COMMISSA·
lleutenaot ßonaventure Escoffet, 4 mars Aff-Pol 3283).
53 Maurice DEu\UNEY, Kala Kala, op. dt„ p. 91. RIAT,« Bulletln de renseignements : liste des
2010. 32 ßernard MONNIF.R,• Rapport polit lque du
11 Entretien des auteurs avec Roland Bara- 54 Entrctien des auteurs avec Roland Bara- individus denonces par Simo Pierre pour p.ir-
troisleme trlmestre et dll mois de juin 1958.
chette, Paris, 13 octobre 2009. chette, Paris, 13 octobre 2009. ticipa tlon aux attentats terrorlstes ••
Sllbdlvlsion de Bafoussam •• p. 4 (CADN,
12 Maurice DELAUNEY, • Activltes upeclstes et FHCC/2).
a
55 Lettre de Gaston Defferre de Gaulle, Sfoat, 23 octobre 1958 (SHAT, 6H261).
maintien de !'ordre dam la reglon Baml- 33 Bemard MoNNttR, • Rapport politique trlmes- 10 novembre 1959 (CADN, CM7 1959). 75 Marechal des logls-chef TARDY,• Renselgnl'-
leke •• loc. cit. triel. Quatrleme trlmestre 19S7. Subdivision 56 • Recuell mensuel des Renseignements me.nts du 13 au 20 octobre 1958 ,, 21 octobre
13 Colonel Christian DUCRESTDEVtUENIUVE, de Bafoussam •• 5 fevrler 1958, p. 4 (CADN, Interieurs du mols de juillet 1957 •• p. 42 1958 (SHAT, 6H261 ).
« JMO [lournal de macche et des operations] FHCC/2). (CAOM, Aff-Pol 3322). 76 Jean LA.¼BERT0N, • PV de ia r~un.lon tenue le
de l'etat-major du commandement mllltalre 34 Jean SABLAYROUES, • Rapport annuel subdlvl- 57 Entretien avec les auteurs, Paris, 28 janvier 3 janvier de 15 h.eures ä 17 h 30 a l'etat-
du Cameroun ,, 2• semestre 1957 (SHAT, sion de Mbouda 1956 •, p. 9 (CADN, 2009. major du GCS concernant Ja Situation dans
6H238). FHCC/2). 58 Clle In Frank GARBtLY,L'Assasslnat de Fellx- les pays Mungo et Bamlleke •• Brazz.aville,
14 • Rapport du chef d'escadron Teu:Uere •• 35 • Rapport de Si'.irete du 22 avril au 14 mal Roland Mo11mie,op. clt. 5 janvier 1.959 (SHAT, 6H262).
19 novembre 1957, p. 10 (SHAT, 6H36). 1958 •• p. 4 (Al'O, lACl 58). 59 lbid. 77 •JMO [joumal de marche et des operatlons]
15 Maurice DELAUNEY, • Actlvltes upecistes et 36 • Rapport politlque du I" janvier au 30 avrU 60 Entretlen telephonique des auteurs avec du groupe de gendarmerie du Cameroun ••
maintien de !'ordre dans La region Bami- 19S8. Subdivision de Satang•• p. 1 (CADN, Maurice Delauney, 22 octobre 2009. 1" semestre 1958 (SHAT, 6H109).
leke ., loc. ci1. FHCC/2). 61 Meredith 'fERRETTA, The.FabrlcatJ011 of"thePost- 78 Maurice DELAUNEY, • Activites upecistes et
16 Maurke DELAUNEY, • Rapport annuel subdivi- 37 SORETt DEDSCHA,'1G, • A/S Sokoudjou Rameau, co/011/al Stateo{Cameroon, 011.dt., p. 231. maintien de !'ordre dans la reglon Baml-
sion Dschang 1956 •• p. 25 (CADN, PHCC/2). chef de groupement Bamendjou •, 16 ju.lllet a
62 • PV de Ja reunlon du 3 janvier 1959 l'etat- leke ., loc. c11.
17 lbid. 1958. major du GCS •, dte In • Rapport de Sßrete 79 Maurice DELAUNtY, Kala-kaJa,op.cit., p. 94-95.
18 Maurice DELAUNEY, Kala-1:ala,op. clt., p. 88. 38 Eotrerieo des auteurs avec Jean Ramcau d'aout 1959 • (SHAT, 6H262). 80 le Bamllfikii, n• 45, janvler 1959.
19 Entrelien des auteurs avec Roland Bara- Sokoudjou, Bamendjou, 9 juillet 2007; voi.r 63 Entretlen des auteurs avecJoseph Noumbi, 81 Entretien des auteurs avec Roland Bam•
chette, Pacls, 13 octobre 2009. aussl le documentalre de Prank GARBttY, novembre 2007. chette, Paris, 13 octobre 2009.
20 Jean-Frao~ols BAYART,L't.tat en Afriq11e, L.'Assassinatde Felix Roland Moum/ii. L.'Afrlque 64 Lettre du chef de region Bamlleke au Haut 82 Maurice DElAUNEY, Kala-kala, op.cit., p. 95.
op. eil., p. 101. sousco11tr{)fe,Tciluna/J"SR/ Arte, 2005. Commissal.re, 22 avril 1958 (CADN,
21 Cite /11 Maurice DEI.AUNEY, • Actlvltes upe- 39 • Rapport de St'.lrete du 13 au 25 novembre PHCC/8). Notes du chapitre 14:
cistes et malntien de !'ordre dans la region 1957 •• p. 6 (CAOM, Aff-Pol 3320). 65 Raphaelle BRANCHE, La Torture et J'Anneepen- Aux origines de la ZOPAC.
Bamileke ,, loc. cit. 40 • Rapport de S0rete du 12 au 31 decembre dant Jaguerred'Algerle,Galllmard, Paris, 2001,
22 Directeur de la S0rete a Haut Commissaire, 1957 •, p. 7 (CAOM, Aff-Pol 3320).
L'importation d'une doctrine
p. 36.
5 oovembre 1957 (CADN, FHCC/8). 41 Jacques GE.RMAIN, De Ja Guinee ii la Cote- 66 Prank GARB~LY, L'Assassl11alde Fefü-RoJar,d
militaire en Sanaga-Maritime
23 • Rapport de Sürete du 26 aoi'.lt au 13 sep- d'lvolre par le Cwnero1m,op. eil., p. 258. Moumlc, op. clt. Chef de batalllon F. AERTS,• Le renseignc-
tembre 19S7 •, p. 6 (CAOM, Aff-Pol 3320). 42 • Recueil mensuel de renselgnements 67 • PV de la reunion tenue Je 3 janvler ii l'etat- rnent en AEF •• p. 20, 9 juWet 19S8 (SHAT,
24 • Note sur Dauiel I<emajou •, 8 novembre interleurs ., jauvier 1957, p. 10 (CAOM, major du GCS concernant la Situation daos 6H30).
1957 (CARAN, FPR 148). Aff-Pol 3322). les pays Mungo et Bamileke •• Brazzaville 2 Daniel DousrrN, • Note sur les evenements
2S Correspondance de Jacques Poccart, 9 juin 43 Telegramme officlel (CADN, FHCC/6). (SHAT, 6H262). actuels au Cameroun •• s.d. (CADN,
1958 (CARAN, FPR 148). 44 • Recueil mensuel de renselgnements 68 E:ntretien telephonlque des auteurs avec FHCC/6).
26 Lettre du 18 fevrier 1958, traosmise par le interieurs "• mars 1957, p. 7 (CAOM, Maurice Delaunay, 22 octobre 2009. 3 • Rapport du general D!o pour Je Haut
chef de reglon au Haut Commissaire (CADN, Aff-Pol 3322).
69 Lieutenant Bonaventure EscoPYIT,• ßRH Commlssaire au Cameroun •• • Enseigne-
FHCC/2). 45 • Recueil mensuel de re.nselgnements
[bulletin de renseignement hebdomadaire) ments tlres des operatlons de retablissement
27 Maurice DELAUNEY, • Rapport politlque pour interieurs •• Juin 1957, p. 1 (CAOM,
de la region Bamileke •• 13-19 septembre de l'ordre en Sanaga-Marltlme •, 30 avrll
le precoier semestre 1958. Region Bamilekli •• Aff-l'ol 3322).
1958, p. 2 (APO, lACl 11). 1957 (SHAT, 6H62).
p. 2 (CADN, FHCC/2). 46 soiart BAFOUSSAM, • Au sujet de l'UPC a 70 Lettre de Xavier Torre a Louis Le Pulöch, 4 Colonel Jean WHITEH0USE, • En.selgnement
28 M. GLOAGUEN, • Rapport politique mensuel. Bafoussam •, 26 juln 1957 (APO, 1AC220).
13 decembre 19S8 (SHAT, 6H266). tires des operatlons de l'ordre en Sanaga•
Juillet-septembre 1958. Subdivision de 47 Telegramme de Maurice De.launey il Plerre
71 • Renseignements obtenus par MS, chef du Maritime en decembre 19S6 et Jan-
ßafoussaco ., 15 octobre 1958, p. 3 (CADN, Messmer, 7 avrU 1957 (ANY, 2AC8968).
detachement des Bandenkop eo zonc vier 1957 », 3 avrU 1957 (SHAT, 6H62).
FHCC/2). 48 • Au sujet des actlvltes de l'UPC en zone sous
anglaise •, 24 fevrier 1958 (SHAT, 6H261). 5 Lettre du geoeral Louis Dia au mlnistre de la
29 ~ Rapport de S0rete du 26 octobre tutelle brltannlque et ses lncidenccs ,,
au 12 novembce 1957 », p. 25 (CAOM,
72 ßRIGA0EDESRECl-!EROIES DEDSCRANG, • Bulletin France d'outre-mer, 9 decembre 1957 (SHAT,
20 octobre 19S6, p. 5 (APO, IAC220/2).
de renseignements d'apres l'lnterrogatoire de 6H62).
Aff-Pol 3320). 49 Maurice DllLAUNßV, Kalo Kaln, Of). elf., p. 89.
Sima Pierre ,, 9octobre 1958 (SHAT, 6H261). 6 •JMO Uournat de marche et des operationsl
30 Lettrc de l'lerre Messmer a Ccrard Jaquet, 50 Entrcticn tcl~phontquc des autcurs avcc
29 oe1obrc i 957 (CAOM, Aff-Pol 3Z83). Maurice Delauney, 22 octobre 2009.
73 ß!JRf/\U DEUOCUMENTA'llON DU HAlJTCOMMIS· du detachement de gendarmerie de 1'AEF-
SAIRß, • Note sur IAsltuotlon polltlquc a11 Ca meroun •, 1957 (SHAT, 6H109).

676
677
Kt/III(!/ III/ 1 Nutn

7 •JMO (Jourm1l de marchc et des operatloml • "Action psychologlque" et "propngamle'' 6l Cen~ral Louis LEl'uwctr, • Rnpport au mll1l-
2<1 SORtTß f/stKA,• Ocnt!sr de l'nctlon ICrrorlSl('
de l'etat-mafor du commandant mllltalre du dede11cltl<e por l'UPC au mols de sc1>· au Cameroun ala fln des annees 19S0 •· In stre de la France d'ouLre-mcr ., 6 janvler l 9S8
Cameroun •, 1957 (SHAT,6H238). tembre 1957 •• 11 mors 1958, p. 5 (SHAT, Soc1trt FRANCAISE D'IIISTOIRED'OUTRE-MER,La (SHAT,6H63).
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canton de Makak ä la fin de l'annee 1957 •· rle la pal.t. Um 1·1,,nu servlccd11 1,1Fm11re,!!et 1-
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14 Voir Paul et Marie-Catherine VILLATOUX, L11 (SHAT,6Hl09). sade de France au Cameroun, carton n° 43
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versi{ •• op. cit., p. 328-329. 12 novembre 1957 •, p. 15 (CAOM, 51 Jean LAMBERTON, de lu Sana,~rr- re&rrouperet endoctriner
La P11cifical'io11
15 Jacques HOGARD, • Guerre revolutionnalre ou Aff-Pol 3320). Marltlme., loc. eil., p. 22.
Jean I..AMBBRTON, UI Pacificati<mde Ja S1mag11-
revoiution dans l'art de ta guerre •, loc. dt. 34 • Rapport de S0rete du 13 au 27 novembre 52 Pierre MESSMER, s'en vont, op. eil.,
Les 8l1111cs
,\,f(lr//'ime,op. dt ., p. 54.
16 Ruben UMNvoet, • Les vraies solutions pour 1957 -., p. 3 (CAOM, Aff-Pol 332D). p.223.
2 Jean l.AMBERTON, • Note de servlce •, 15 avrll
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19S8 (SHAT,6H243).
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1 7 Citee in AchUte MBEMBE, Ecrits som maquis, corps d'armee inspecteur des forces terrestres 54 E.rwan BERGOT, ßlgeard, Perrin, Paris, 1988,
Roland Mo11mii!,op. dt. L'expression est egale-
op. cit., p. 238. d'outre-mer, 27 ao0t 1957 (SHAT,6H62). p. 472 et 537.
ment utWsee dans Pierre MESSMER, Aprestn111
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naise et mondiale •, 27 ao0t 1957 (cite /11 38 Ma rcel BIGEARD, Po11r1111eparce/le de gloire, 56 Lettre de Pierre Messmer au mlnistre de blique et s011annee face au • perl/ subversif •,
AchiUe MBEMBE, Le Probleme 11at/011al kame- Plon, Paris, 197 S, p. 416. Ja Prance d'outre-mer Gerard Jaquet, 0/J.clt., p. 273-274.
nmais, op. eil., p. 3S4). 39 • Memoires vlvantes ., cbaine Histoire, 24 decembre 1957 (CADN, FHCC/8), 5 Michel ROCARD,Rapport .rnr /es camps de
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42 Daniel Dousr1N, • Note sur ies ~venements
« Objet : tegislatlon d'urgence •, 27 decembre 7 Cite /11Eugene-Jean DuvAL,LeSi/111ge mlliWlre
22 • Rapport de SCiret~du 26 ao0t au 13 sep- actueis au Cameroun •, s.d. (CAON,
tembre 19S7 •, p. 3 (CAOM, Aff-Pol 3320). 1?57 (CADN, FHCC/8). de la Fmnceau Camero11n, op. clt., p. 217.
PHCC/6).
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43 Daniel DousrtN,. Rapport polltlque sur Ja
cenoises •, 27 decernbre 19S7 (CAON, r(\glon Nyong-et-Sonogu •, 1" ovrll 1957 c:anton de M11kakii la fin de l'annee 1957 •, 9 Annotarlon manuscrlte de Jean Lambcrton,
FIICC/3). (CAl)N, PHCC/4) (Clt~ l11 Marc MICllfll, loc,i/1, orchlves personnellcs.

78 ')7()
ll.llltlt'/1111 f Nute~

10 • Rapport de SOrct~ du 12 d~tcmbre 1957 • 11 • rv de lo rl!unlon (lu i 1111wll•r19.59a l'(:tn1- 56 lh/,I, Notes du chapitre 16 :
(CAOM, Aff-l"ol 3320). mn1or du OCS •• Roppor1 de SOret~ 57 Andrl? BOYER, • Rapport SUJ la tournee d'ins- ZOPAC (II): traquer et eliminer
11 Llcutenant SOULT, • Fiche conccrnant d'aoOt l9.S9 (SHAT, 611262). pcction accomplle du 9 au 20 fcvrier 1958
l'actlon psy •, 29 aoOt 1958 (SHAT, 6H243). 32 Jean WIBlRTON, u, P11rl/lw/1011 de /11S111111~11- dans Ja zone de pacification de la Sanaga-
• Memoires vlvantes •, chaine Histolrc,
12 Marc Borr1, « Rapport sur Ja sltuatloo ä Maril.ime, op. clt. Marilime et relative ä l'action psycholo• entretien rliallse eo aoOt 2000.
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gique • (ANY, JAC80/2).
PAFC/43). et parles ro11tes,Karthala, Paris, 1988, p. 211. S8 P. Le Henant, chcf de poste a Ndom, oote du 1958 •• 26 septembre 1958, p. 1 (CAOM,
13 Jean LAM8E.llTON, • ZOPAC, lnstructlon gene- 34 12 decembre 1958 (SHAT, 6H266). 30 mal 1958 (ANY, 1AC80/2). Aff-Pol 3348).
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6H242). 36 Rapport de l'adjudant Messanot, cinquteme 60 • Dlrective DMI91/EMP du 7 mars 1958 • 4 Cite /11• Les zones interdites •• Lcs 1'emp~
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,01111, op. eil., p. 96. ru-rangement, Charles Van
38 • Rapport mensuel de septembre 1957 • 61 lbld. camps de regroupement (1954-1962) •• S1111/
(CADN, FHCC/3). 62 Annotation manuscrite de Jean Lamberton, Nord, vol. 14, 11°1, 2001, p. 51-66).
de Lanoitte date ce phenomene de
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17 Lleutenant-colonel VolSIN, • Note de ser-
40 Entretlen d'Yves Mlntoogue avec Antoine psychologlque •• Eseka, 29 aoOt 19S8 (SHAT, Malhleu R1GOUSTE, l'Eimeml lllterleur, op. eil.,
vlce ., 23 septembre 1958 (SHAT, 6H246).
Yembel Yebel, 2 septembre 2007. 6H243). p.67),
18 Entretlen d'Yves Mlntoogue avec Alphorne
41 Note du colonei Lamberton au chef de subdl• 64 Jean l..i\MBERTON, la Pacißcatio11 de la Sa11ag11- 6 Entretlen d'Yves Mlntoogue avec /\lphonse
Boog, Bot-Makak, 27 aoOt 2007.
vision d'Eseka, • Politiquc locale (M. Marltlme, op. eil. Boog, Bot-Makak, 27 aoOt 2007.
19 • Rapport de SOrete du 12 au 31 decembre
Dimalla) •• 17 janvier 19S8 (SHAT, 6H242). 65 Lettre de Lamberton au coloncl Lamour~re, 7 Commandant Jean LEGUlt.LOU,U11epaclflrn-
1957 •, p. 3 (CAOM, Aff-Pol 3320).
42 • Rapport polltlque mensuel •, aoOt 19S8, 13 novembre 1958, Eseka (SHAT, 6H243). tio11reusste,op. dt., p. 18 et 24.
20 Lettre de Jacques RivaWe au Haut Commis-
p. 5 (CADN, FHCC/3). 66 Jean lAMBERTON, lt, Pac/ßcallm1tle /11 Son11sa- 8 Achille MBf.MBE,la Nalss1111ce du 11111q11/s
CIII
salrc, 10 janvier 1958 (SHAT, 6H243).
43 • Rapport de SOrete du 11 au 25 julllet Marltlme, op. c/t., p. 51. S11d•Cfllll('rt/lll1, op.clt., p. 355.
21 Marc BOTII, • Rapport sur Ja Situation a 1958 •, p. 4. (APO, 1AC1S8). 67 • PV de Ja r~union du 23 mars 1958 dans Je 9 Lleutenant Pierre GutNELEY, • Cahler de
Makak., 27 d~embre 1957, toc.eil.
44 Note de Jean Lamberton AChristian du Crest bureau du lleutenant-coionel Lambertoo •• marche du poste de Song Badjeck du 16 jan-
22 Clrculalre n° 1329/RSM du 4 fevrler (ANY,
de Villeneuve, 5 juin 1958 (SHAT, 6H246). loc.rlt., p. 12. vier au 23 avril 1958 •, manuscrlt (SHAT,
S 1/5) (cite In Nestor Fils Mf.YONG,la Zone de
4S Lettre de M. Capelle au d1ef de region, 5 aoOt 68 Jean l.AMBUTON, • Note de scrvice sur Ja pro- 6H242).
paclficar/011 enSana.~a-MarlUme, op. eil., p. 82).
1958 (SHAT, 6H243). pagande ». 27 mars 1958 (SHAT, 6H242). 10 Jean LAMBERTON, • Note du 2 mars J958 •
23 Mathleu RIGOUST&,l'Ermeml /11terle11r.la
46 Euge.ne l'INELU, • Rapport politique men- 69 Jean lAMBERTON, • Cours de facteur humain : (SHAT, 6H246).
g€11ealogle co/011/ale et milltaire de/'ordresernrl- suel •, juin 1957, /oc.clt. Ja guerre psychologique •, loc.clt., p. 12. 11 Commandant Jean LEGu1u.ou, Unepaclflca-
talre dmu la Francerontemporalnr, La Decou-
47 Lettre de Louis Capelle AJacques Bidjoka, 70 M INIS'lUEDELAOf.FL'ISENATIONALE ETDESFORCIS t/011r€tissie,op. ciL, p. 20.
verte, Paris, 2009, p. 32. 8 mars 1958 (SHAT, 6H243). ARMtf.s,• lnstmction provisolre sur l'emplol 12 Voir Georges CHAFFARO, • La decoJonisatlon
24 Volr Jean LAMBERTON, la Pacl{lrnt/011de /a
Smrnsa-Marlllme, op. clt., p. 34 ; ou encore
48 Entrctien d'Yves Mintoogue avec Aotoine de l'arme psychoJoglque, TIA 117 •• loc. clt. a
cst-ellc falte, ou faire?•• /oc. clt.
Yembcl, UmaY, 2 septembre 2007. 71 Jean lAMBERTON, ltr Paclflcatl,111tle la Sana!/11• 13 BUREAU DEDOCUMENTATION DU HAUTCoM~llS•
• Bulletin de renselgnements hebdoma- 49 Entretien des auteurs avec Roland Bara- Maritime, op. clt., p. 31. SAt.RJ.AUCAMEROUN, • Note sur Ja Situation
daire •, 21 mal 19S8 (SHAT, 6H24S). chette, Paris, 13 octobre 2009. 72 Xavier TORR{,• Rapport au ministere de la politique au Cameroun •• mal 19S8, p. 31
25 lnstruct1on du colonel Lamberton du 7 jan- SO Entretlen des auteurs avec le coJonel Syl- France d'outre-mer •• 9 mal 1958 (CADN, (SHAT, lOTI78).
vier 1958 (SHAT, 6H242). vestre Mang, Yaoundc, 13 fcvrJer 2008. FHCC/13) (cltc /11Marc MICHEL,• "Action 14 Capitalnc Alphonsc CAPIA, officler des
26 Marie-Monique ROBIN,les EscadrCIIIS de la S J • Rapport de SOretc du 1„ au 28 fhrier psychologtque" et "propagande" au Came- affaires africaines, • Rapport politiquc de
mort, op. cit., p. 110. 1961 •• p. 15 (ADD). roun a Ja fln des annees 19S0 •, loc. clt., juln 1958 • (SHAT, 6H242).
27 Entretien d'Yves Mlntoogue avec Alphorne 52 • PV de Ja reunlon du 23 mars 1958 dans le p.362). 15 Jean LAMBf.RTON, « Le5Operations de paciHca-
Boog, Bot-Makak, 27 aoOt 2007. bureau du lieutenant-coloncl Lamberton •• 73 Note de Daniel Doustin pour Jean l.am- tion en Sanaga-Marltime, Barnll~H et
28 Commandant Jean LEGurLLOu,Unepaclfica- p. 12 (SHAT, 6H246). berton, 6 juln 1958 (SHAT, 6H246). Mungo•• s.d., p. 3. (SHAT, 6H266).
t/011 rettssie,op. eil., p. 24. 53 Jean LAMBER'l'ON, • Cours de facteur humaln : 74 MrNISl'tRlDELAOtF!.NSENATIONALE ETDESFORCIS
16 0JRECTIONDUCAJIINETDUHAUTCoMMISSAIRE,
29 :vflnistere de la Defense nationale et des la guerre psychologtque •• dcvant Ja 16' pro- ARMW, • lnstmction provlsolre sur l'emploi
• ~at des raUiemcnts en Sanaga-Maritlme •,
Forces armees, « lnstruction provisoire sur motlon de 1•t.co1esuperlcure de guerre (ESG), de l'arme psychologique, TIA 117 •, loc. clt. 30 septembre 1958 (CADN, FHCC/8); LettTe
l'emplol de l'arme psychologlque, TTA 1955. de Jacques Rigal ä Ahmadou Ahldjo.
117 •, 29 juillet 1957, 54 • Rapport de M. Boyer s11rJ'actlon psycholo- 10 decembre 1958 (SHAT, 6H266).
30 Jean WfBERTON,• LesOperations de paciflca- gique en Sanaga-Marltlme. (CADN, l 7 Jean LAM&f.llTON, • Oirectlve tres secrl-te n• 5.
t ion en Sanaga-Marltime, ßamlleke et ~liCC/9). Objet: ralllement •, 15 juin 19S8 (SHAT,
Mungo ., s.d. (SI IA r, 611266). ~s 1v111„r, "' 6H246).

680 6RI
Kaml.'11111
/ -~ II
Note•,

18 Jean LAMßERTON, lall l'11dflc11tln11t/1•111S1IIU{~fl- 41 Clt(o /11• RllpJ)Oflde ~011•1~ (111I" Oll 22 jo11 64 Lei Ire de Daniel Doustln j Xovler Tom?, SJ nmolg1111f(e de J11cq11c~llassama, 111• PV
Mnrl//me, loc. clt., p. 38. vier 1958 •• p. 53 (AJ'C), 1AC'J 58). 23 avrll 1958 (CADN, FAFC/43). d'l11fornwtlons sur IC'sclrconstanccs dl! la
19 • Rapport de SOrete du 11 au 25 tuillet 44 Claude KRIH, • l.o rl!volt(' de Nyobl' ., 65 Eniretien des outeurs avec Yves Vergoz, Vau- man du secretairc general de l'UPC Ruben
1958 •• p. 3 (APO, IAC158). l'Expreu, 2 janvter 1958 (ll11!,,, • Rap1>0nde cresson, 9 decembre 2008 Um Nyobe •• datant sans doute de l 962 (die
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sur lcs rallies •, 15 Juln 1958 (SHAT, 6H243). Maritime, loc. dt., p. 48. 67 Entretlen des auteurs avec Michel Boulet, p.226.
22 Clte /11• Rapport de SOrete du 26 aoOt au 46 Max ÜLIVIU•LACAMr, • Au Cameroun, qul 22 Juin '1007, AngouJ~me. 85 • Enselgnements ä ther du stage •• s.d., In
10 septembre •, 11 septembrc 1958, p. 1 tirera lcs flcelles du Dieu lnMpendance? ., 68 • PV d'informatlons sur !es circonstances de Dossier 9 : • ZOPAC-Compagnie de parachu-
(CAOM, Aff-Pol 3348). Le Figaro,9-11 dkembre 1957. la mort du secretalre general de l'lJl'C Ruben tlstes coloniaux d'AEF, stages en Sanaga et
23 Stephane PRtVnAu, Je me sm,vlens d1•Ruben. 47 • Rapport de SOrete du 26 novembrc Um Nyobe •• datant saus doutc de 1962 (clte MO 19S8 • (SHAT,6H242).
M1111 trmoignage sur /es maqu/f camerou11als au 11 decembre I 957 •, p. 39 (CAOM, /11Achille MBEMBE, Le Probleme11atiu1111/ kame- 86 Lieutenant CAzou-MrNCOT, • }MO du 4' deta-
(/953-1970), Karthala, Paris, 1999. Aff-Pol 3320). nmals, op. eil., p. 421). ehernen! de la CPC partlclpanl aux stages en
24 lblrl., p. 118. 48 • Reception de Max Jalade par M. Pierrc 69 Capltaine GUILLOU,« Campte rendu sur Sanaga, 11 au 29 julllct 1958 ., /11Dossier 9:
25 Entretlen des autcurs avec Marccl Dixonoe, Messmer, cloge de Max Ollvler-Lacamp ., l'operation du 13.9.58 en reglon de Libc- • ZOPACCompagnie de parachutlstes colo-
Perplgnan, 12 mars 2009. Mondeset c11lt11res, Comptesrenr/11s trlmestriels llngol •, Makal, 16 scptembre 1958 (SHAT, alaux d' AEP,stages en Sanaga et MO 1958 •·
26 AchlJle MBEMBE,La Nalssa11ce r/11maquls a11 des seancesde l'Academle cles:idencesd'outre- 6H246). 87 Jacques FOCCAJIT, Foccartparle. Entretlem aVl'c
S111I-Camero11n, op. dt., p. 382. mer, vol. 45, n• 4, 1985. 70 • Journal de marche et des operations du Philippe C.1111/ard, tome 1, Fayard/Jeune
27 Entretlen des autcurs avec Michel BouJet, 49 • PV de la reunion tenuc le 23 mars 1958 BTCl •, loc. dt. Afrlque, Paris, 1995, p. 208.
Angoul~me, 22 Juin 2007. dans le burcau du lieutenant-colonel !.am- 71 Nestor f'lls MEYONG, La Zonede11aclflmtio11 en 88 Christian DUCRE.ST OE V1t1.ENEWE, • CR rnen-
28 Annotation manusnite de Jean Lamberton, berton •, loc. eil. S111111xa-Mnrltlme, up. eil., p. 87 ; Gaston wel de renseignements, dccembre 1958, etat-
archlves personnelles. 50 Entretlcn des auteurs avec Michel Boulet, DoNNAT, Af/n q11e 1111/n'oublic, op. dt., p. 155. major 2' bureau • (SHAT,6H259).
29 Plerre MESS~tER, Lts B/1111cs s'm nmt, op. clt., Aogoul~me, 22 luln 2007. 72 • Journal de marche et des operations du 89 CapltaJne Paul GAMBINl, • CR concernant lt'S
p. 127. SI Annotation manuscrlte de Jean Lamberton, groupe de gendarmerie du Cameroun •, enseignements ii tlrer des recents lncldents
30 Jean LAMBERTON, • Consigne permanente archives personnelles. second semestre 1958 (SHAT,6HI09). qui se som deroules cn Sanaga-Marltlme ••
n• 3 •, 22 janvler 1958 (SHAT,6H242). 73 Ueutenant-colonel Vo1s1N,• Analyse du CR loc. clt.
52 • Rappon de sarete du 12 au 31 decembre
31 Jean l.AMJIEJITON, Lt, Pacl(icatlonde la Sa11aga- du capitaine GuilJou au su)et de l'operatlon 90 Clte par Daniel ABWA,Sar/011 D111111r/011
parle,
1957 • (CAOM, Aff-Pol 3320).
Maritime, loc. eil., p. 29. du 13.9.36 (sie), transmis au colonel Lam- Presses de l'Universlte caU1olique d'Afrlque
53 Note de Christian du Crest de Villeneuve,
32 Andre TRANCART, • Directive sur lcs sortles de li berton • (SHAT,6H246). centrale, Yaounde, 20()1, p. 64-65.
26 septembre 1958 (SHAT,6H253).
brousse •, 18 mars 1958 (SHAT,6H63). 74 SHAT, IOT182. 91 Rapport du general Plerrc Garbay, 12 mars
54 Louis LEPULOCH, • Rapport annuel 1958 de la
33 Marle-Mooique ROBIN,Esearlronsde la mort, 75 Clte in • BRH n• 5 du Dlsposlllf de protec- 1959 (SHAT, 10Tl83).
zone de dt!fense d'outre-mer n• 2 ., p. 5
l'ecolefrmu;aise,op. eil., p. 135. tloa dans !es r~glons de l'Ouest-Cameroun •. 92 Chef de bataillon AU.XANDRE, • La campagne
(SHAT,6H37).
34 Note de Jean Lambertoo, dossier • Sanaga- 13 jaovler 1959 (SHAT,6H253). oublJee : les operatlons de retablissement de
55 Jacques P.uts DEBoUAROltllf, Balallle tl'Al,ter,
Maritime, forces armees contre i'UPC. 1 76 Te.legramme du chef d'etat-major Trancart ä !'ordre au Cameroun entre 1957 et 1959 ., Lt1
bata/1/e de l'ltumme, Descl~e de Brouwer,
(ANY, JACS0/1). Lc Puloch, transmls au general Pärls de Bol- Trlb1111c d11.College lnterarmtes tle rl~fe11se,
Paris, 1972, p. 107.
o• 34, decembre 2004.
35 Capltalne Paul GAMBlNJ, « CR concernant les 56 Entretlen des auteurs telepbonlque avec 11 lardJere, adJolnt charge de l'expedltlon des
enseignemeots il Iirer des recents lncidents affalres courantcs des forces terrestres de la 93 Plerre MESSMu,Apres111111 rle ba.tt1/lles,op. dt.,
Slmone de BoUardlere, J 2 scptembre 2008. 1
1
p.223.
qul sc sont deroules en Sanaga-Maritlme ., 57 Lettre du 7 mal 1957 (dtee l11Jacques PAIIIS DE zone de defensc de l'AEF-Camcroun, 15 scp-
loc. eil., p. 9. tcmbre 58 (SHAT,6H63). 94 Georges CHAFFARD,Cnmrts SOCTl.'tsdi•'" dfrolo-
BOUARDIUE, Compag,1011 de toutes /es 1/bem-
11/sat/011,rome 2, op. clt.
36 • PV de la reualon tenue le 3 mars 1958 dans tlo11s,&!ltlons Non-Violence actuallte, Mon- 1
77 • Rapport de SOrete du 11 au 25 septembre
95 Achllle MBEMBE, La Nnlss1111cc du 11111q11/s flll
le bureau de M. le deJegue ., Douala (SHAT, targls, 1986). 1958 •, 26 septembre 1958, p. 10 (CAOM,
6H233). 1, S11rl-Camero1111, op. dt., p. 384-386.
58 Eotretlen tNephonique des auteurs avec Aff-Pol 3348).
37 • BRH de la ZOPAC 0° 33 •, 13-19 aoOt 96 fbid., p. 391-39S.
Francis Agostlnl, 24 aoOt 2009. 78 lblrl.
97 Jean LAMBERTON, La Padficatlon de la Sa11aga-
1958 •• p. 4 (SHAT,6H247). 59 Jacques PAJUS DEBOLl.AROltRE, ßatn/1/ed'Af.~er, 79 lbid.
1 Maritime, /oc. eil., p. 52.
38 Raphal!lle BRANCHf., La Torture et /'Armeepen- bciraillede l'lu1mme,op. eil. 80 Clte /11ibltl, p. 35,
98 • Rapport de sarete du 11 au 25 sep1embre
rlant 111 g11errerl'A(ierte, up. cit., p. 70-80. 60 Note de service • Emplol de la CPC en 81 Temoignage rapporte par Phllippe GAILLARD,
1958 •, loc.clt.
39 Entrelieo des auteurs avec Roland Bara- 7.opac •, 17 scptembre 1958 (SHAT,6H242). Alimado11Ahldjo. Patriote et despott, bätlsse11r
99 AchJUe MBEMBE, La Nalss1111ce r/11m11q11/s au
chette, Paris, 13 octobre 2009. 6 l Jean WIBERTON, La P(Jdflmt/011de la S111111.~11- rle l'litlll came,0111111/s,
Jeune ACrlque Llvres,
S11d-Camero1111, op. dt., p. 395.
40 Entretlen d'Yves Mlntoogue avec Alphonse Maritime, loc. clt., p. 10-12. Paris, 1994, p. 90.
100 • Rapport de SOretc du 11 au 25 scptcmbre
ßoog, Bot-Makak, 27 aout 2007. 62 Note de Oanlel Dousll11 pour Jean lmn- 82 ,Tcl~gramme du 3' bureau du commande-
1 1958 •, lor. dt
41 AFP, 16septembre 1958. berton, 6 Juln 1958 (SHAT,6H246). ment des forces armees superleures de la zonc
42 • Cameroons vs. malarla, guerillos ., New l, l I ettre dr 1>011lrlDous1ln ~ /eJn Chn1>pc-ron, de defcnse AEF-Cameroun, Brazzavllle,
l'orA//r,11/tl1'riln111e, ~ lulllet 19~8. 28 ll'vTl\•r19,s (\.i\l)N, IJ\I C/4 J) 1 22 ~eptembre 1958 (SHAT,6H63).

:,8?. 1 !1 683
I
~m111·11111
N111t•,
Notcs du chapllrc J 7: Ahldjo IH L~ Mt1111/e,II 111an (!/\K (lll~ /11• 1 C l>luff
et de Gaulle : peres adoptlfs d'AhldlO •, //Jltl.). (,~mnJ )U(t11i•1 ,1 rcfu5~ .tc J8 Jean CHAPl'f.RON, • E!xposc sur la sltuation Lettrc de Jean-l'lerrc
61 ßt\nard ou MAf,
de l'independance repondre A nos que~11om. 1>01Jtlquc ~u Camcroun •, up. ctt, p. 20. 24 lulllcl 1962 (CARAN, ftPU466).
19 L.eure de Daniel Doustln ~ Je.111Chapperon, 39 Compte rendu de Plerre Spoerri (ARM). 62 Clte dans le dlscours de Xavier Tone ä lo
• Le peuple kamerunals Jnvlncibll' •, 28 f~vrler 1958, luc. 111. 40 Lettre de Pterre Spoerry, Yaounde, 21 fevrler Radiodlffuslon du Carneroun du 19 octobrc
28 juillct 1958; copie du document retrouve 20 lbld. 1957 (ARM). 1958, annexe Tell?gramme de XaVier Torr~
le 13 septembre 1958 dans Ja valise d'Um 21 Lettre de Daniel Doustin ä Xavler Torre, 41 Jean CHAPPERON, • Expose sur la sltuation au minlstere de la France d'outre-mcr,
Nyob~, • BRH de la ZOPAC n• 37 •, 23 avrll 1958, lr,c. eil. polltlquc au Cameroun •• op. dt. 22 octobre 1958 (CADN, FHCC/10).
10-16septembre 1958 (SHAT,6H247). 22 Rapport du consul de Grande-Bretagne, 42 Lett re de Charles Assale ä des amls du Rear- 63 Lettre d'Armand Anzianl ä Jacques Foccart,
2 • Ordonnance portant statut du Camc- Douala, fevrler 1958 (PRO, 1'0 371/13413) mement mora.l, S mai 19S8 (dte /11 Jean- 16 juin 1958 (CARAN, f'PR 148).
roun •• citee In Lettre du general l.e Puloch au (clte /11Marc MtCH2L,• Une d~cotonlsatlon Jacques OoieR, N1111s r~vlcms de changu le 64 Clte 111• Rapport de SOrcte du l J au l S julllet
gcneral d'armt'e inspecteur des forces conflsquee? Perspectlve sur la dttolonlsa- 111011de, Editions Ouverture, Le Mont-sur-Lau- 1958 •• p. 27-28 (APO, 1AC158).
terrestres Garbay, • Accords franco-came- tion du Carneroun sous tutelle de la France sanne, 2008). 65 lbld.
rounais •, 13 septembre 1958 (SHAT,6H63). 1955-1960 •• Revuefran 1alse d'hlstoire 1l'o11tre- 43 Douala, 19 septembrc 1958 (ARM, P 66 Clte /11 Paul-Marle DEl.A GORCE,Charles ,fo
3 Lettre de Daniel Doustln ä Xavier Torre, mer, vol. 86, n• 324-325, 2' sernestre 1999, 1080819/822). Gaulle, tome 2: 1945-1970, l\'ouveau Monde
23 avrll 1958, Joc.dt. p. 229-258). 44 Lettre de Charles Assale au Rearmement Mitions, Parts, 2008, p. 357-358.
4 Cite /11• BRH de la ZOPAC n• 36 •• 3-9 sep- 23 Phlllppe GAIi.LW>,Ahmadou Ahldju, patrlote et moral, 16 lanvler 1959 et lettre ä Jean- 67 Georges CHAFFARD, Cametsseaets de In d~olo-
tembre 1958 •• annexe, p. 36 (SHAT,6H247). tlespott,op. dt. Jacques Odie.r, 22 avrll 1959 (ARM). 11/satio11,tome 2, op. eil., p. 294.
5 Clte /11l'rederlc GRAHMet, Fell.>:lloupho11i!t- 24 Entretlen des auteurs avec Andre ßovar, 45 Lettre de Jean-Jacques Odler 5 Maurice 68 Volr Roger FAUGOT, • Guerre secr~te contJe ta
8oig11y, Jefulgurcmtdes//11d'u11efeime proie, Nantes, 5 fevrler 2008. Nosley, 20 mars 1959 (ARM). Guinee., in Roger fAl.lCOTet Jean GUISNEL
CERAP, Abidjan, 2003 (eire l11Antoine GLASER 25 EntreUen des auteurs avec Jacques Rousseau, 46 lb/11. (dir.), Hlstolre secrete t/e /11 V' Rip11bllqm•,
et Stephen SMtr11,CommentIn Fra11cea perdu Paris, 6 fevrler 2008. 4 7 La Presset/11Camero1111, 29 octobre 1958. op.clt., p. 124-130.
l'Afrlque, up.eil., p. 45). 26 Jacques KUOH-MOUKOURY, Dolgts 110/rs, Les 48 Clte i11 Simon NKEN,La GesLio11de l'UPC, 69 Guy GEORGY, u PeHtSoldat tle l'empin', op. eil.,
6 Lettre de Daniel Doustln ä Xavier Torr(', Editions ä la page, Montreal, 1963, p. 150 op. eit., p. 245. p. 225.
23 avrU 1958, loc. cit. (dte /11Jean-Francols BAYART, L'ttat 011 Carne- a
49 Lettre de Daniel Doustin Jean Chapperon, 70 Telegramme de Xavier Torre au mlnlstere de
7 Daniel DousTIN • Note sur !es evenements mm1,up. dt., p. 48). 28 fevrier 1958, loc. c/t. la France d'outre-mer, 22 octobre 1958
actuels au Cameroun •• s.d. (CADN, 27 FrancJs HURE,• Rapporl de fln de mlsslon • 50 lblrl. (CADN, l'HCC/10).
FHCC/6). adresst- ä Maurice Couve de Murville, 22 avrU 51 • Comptc rendu de l'interrogatoirc de Mayl 71 Resolution de l'ALCAM du 24 octobre 1958
8 Clte ill ßcmard MONNTER, • Rapport politique 1968 (CARAN, FPU 562). Matlp •• annexe au • ßRH de la ZOPAC (CADN, l'HCC/10).
du trolsieme trlmestre et du mols de 28 • Rapport de SQrete du 3 au 29 mars 1958 •• n• 38 •, 17-23 septembre 1958 (SHAT, 72 LettJe de Xavler Torre ä Jean CM!le, 13 aoOt
juln 1958. Subdivision de Bafoussam •, p. 2 p. 32 (CAOM, Aff-Pol 3327). 6H247). 1958 (CADN, FHCC/10).
(CADN, FHCC/2). 29 • Les Fran~Js alment M. Ahldfo, et Ahidlo !es 52 • Rapport de sOret~ du 16 fuitlet 1957 », 73 L.ettre de Jean Cedile ä Xavier Torre, t• sep-
9 Lettre de Daniel Doust.ln aJean Chapperon, aime. • (Archlbald T. STEELE,• Exuberate 28 Juin 1957 (SHAT, 10T183). tcrnbre 1958 (CAON, FHCC/10).
28 fevrier 1958 (CADN, FAFC/43). absent In French Cameroon •• New York 53 • Comptc rendu de l'intcrrogatolrc de Mayl 74 Jean CttAPPERON, « Expose sur la situatlon

10 Lettre Daniel Doustln ä Xavler Torre, 23 avrll Herald 1'rlb1111e, 4 fuln l 959). polltlque au Cameroun •, op. dt., p, 20
Matlp •, loc. c/1.
1958, loc.de. 30 Entretlens des auteurs avec Paul Audat, Fer- (SHAT,6H30).
54 ßUlltAUDEOOCUMENTATION DU HAUT Co~IMISSA·
rieres-les-Verrerles, 25-26 juin 2007.
11 Pierre MESSMtR, /..esBfo11css'e11vorit,011. eil., RIAT, • Note sur La sltuatlon politique
p. 115. 31 Cite l11Jean-Frans:ols ßAYART, L'ßtat 011 Came- au Cameroun •• novembre 1958 (SHAT, Notes du chapitre 18: Guerilla
rou11, op. dt„ p. 53. diplomatique (1958-1959)
12 Lettre de Danlel Doustin ä Jean Chapperon, 10T178).
32 Jean CHAPPERON, • Expose sur la situation
28 fevrter 1958, loc. dt. 55 • Rapport de SOrete du 13 au 26 mars 1959,
politlque au Cameroun. Grand rapport des Daniel Kema1ou, depute du Cameroun,
13 Clte In Ferdinand CHINOJI-KOULEU, Hlstolre p. 18 (APO, 1AC158). Cornpte rendu du debat parlementalre
commandants mllitalres 1958 •, 9-12 juillet
cach€ed11Camem1111, op. dt., p. 141. 56 BURIAU DE DOCIIMENTATION DUHAUT CoMMISSA•
l 958, p. 4 (SHAT, 6H30J. consacre aux plelns pouvoirs demandcs par
14 Cite lriJuUen MEIMON, • L'lnventlon de l'alde RIAT, • Note sur la situatlon politlque le Premier mlnistre Ahmadou Ahidjo,
33 Jean-Frans:ols BAYART, L'ltot au Cameroun,
franyiise au developpement •, /QC.ctt. au Cameroun •, fevrler 1959, p. 4 (SHAT, 29 octobre 1959 (cf. <www.hlstoire-du-
op. dl., p. 54-56.
15 La Pressedu Cnmeroim,18 fevrier 1958 (dte /11 lOTl 78). cameroun.com>).
34 Lettrcdu vlcc-l'remicr ministrect minlstrede
Georges CHAFFARO, Camets secrets,te Jadecolo- 57 Clte /11 • BRH de la ZOPAC n° 39 ., 24 sep- 2 Lettre d'Um Nyob~ au gouvernement
l'lntt'rieur Ahmadou Ahldjo ä Yves de
11isallo11, tome 1, op.eil., p. 312). tembre-1" octobre 1958, annexe 7 (SHAT, fran~als, 2 fuillet 1957 (cltee /11 Achllle
Daruvar, 28 octobre 1957 (CADN, FHCC/3).
16 Lettre de Daniel Doustin ä Jean Chapperon, 6H247). MBD,IBE,&rll,! S011,5 up. clt., p. 199).
maq11/s,
35 Entretien avec Jacques Rousseau, Paris,
28 fevrler 1958, /QC.ctt. 58 E!ntretlen des autews avec Roland ßara- 3 CABINETMILITAIRE DU HAUTCOMMISSAIRE,
6 ft'vrter 2008 .
17 Clte /11 Aeo UL-ßAG'HIMAW'NOIMOHAMMADU 36 G(mcrnl Rene COCNY,• Mesurcs i\ prcndre chette, Parts, 13 octobre 2009. • Recuell mensuel des rensetgnemen ts
RAJJ, • Lc bluff d'Ahldlo •• 3 Juln 1958, cn CDS d'aggravatlon •• 21 scptcmbrc 1959 59 ,Rene COCNY,• Mesures A prendre en cas Interieurs•• julllet 1957, p. 5 (CAOM,
lrnprirnc au Calre par la dlrectlon de l'UPC (SHA1, 611266) d'aggravaUon •• loc. dl. Aff-Pol 3322).
(CARAN, l'l'U 148). .17 lbltl. 60 • ßRH de la ZOPAC n• 38 •• 17-23 septcmbre 4 Daniel ABWACl. Rene Ngouo WOUNGLY-M11s-
1958, p. 2 (SHAT,6H247). SAGA (al/11~ comrnandant Klssamba),

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43 1\no.J,~ 111.AN<..IIEl,. M: /\hldjo va uNendrc lnsurrcctlonncl de la Sonago-Marltlmc •• Le


Cnmero1111, ma pnrt rlc vdrltt, F.dltlons Mlnsl, 22 Pmn1•7l'ANON,• Accra • l'Afrlquc olllrrne son Mull(/e, t9 decc.mbrc L958.
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rieurs •, loc. eil. sont les condltlons de In llbcratlon afrl- Morizet denonce les manreuvres anticame- 1959 •, p. 1 (APO, 1ACI58).
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op.rlt., p. 54. Seuil, Parts, 1952.
7 SDECE, • Notice d'information. Activite de
46 Jbld. ou mourir » : la creation
25 • BRH du Bureau de document'atJon l'Bedoc] 4 7 • Rapport de Surete du 13 au 26 mars 1959 •,
l'UPC •• 23 juln 1958 (CARAN, FPR 148). n° 13 •• l"-8 decembre 1959, p. 14 (APO,
de l' Armee de liberation
p. 2 (APO, 1AC158).
8 • Rapport de SOret~ du 11 au 15 julllet IAC<J6), 48 UPC, L 'ONU et /e probli!me kamer,11111/s, nationale du Kamerun
1958 •• p. 39 (APO, 1 AC158). 26 CAOM, Aff-Pol 3336/2 (cit~ /11Simon NKEN, fevrier 1959. Commissaire speclal de Nkongsamba au
9 Phillppe DECRAENE, Le Panafricanisme, PUF, La Gestt,mde l'UPC, ()p, eil., p. 242). 49 Andre BLANCHET, • M. Ahidjo va defendre dlrecteur de la SOrete (Yaounde), • Armee de
coU. •Quesals-je?•, Paris, 1959, p. 105. 27 L'Eco11omle, 11°635, 22 mal 1958. devant l'ONU une poUtlque qul a reussl sur liberatlon nationale kamerunaise •• 11 juin
10 SDECE, • Bulletin de renseignements du 28 Le Monde,21 mars 1958. le plan interieur •, loc. dt. 1959 (SHAT, 6H264).
4 fevrler 1958 • (SHAT, JOT183). 29 Cite in Achille MBEMBB,Lt1 Naissance du 50 Jbid. 2 Ln Voix d11fllly.1a11,23 mars 1959.
11 Chef de bataillon DUMONET,chef de la sec- maqu/sau Sud-Cameroun,op. elf., p. 390. 51 Clte In BUREAUDt DOCUMENTATION DU 3. • Rapport de SOrete du 28 mars 1959 • {APO,
tion de coordinatloa du mlnlstre de la France 30 Voir ä ce sujet !es remarques du directeur de HAUTCOMMISSARIAT, • Note sur la Situation 1AC158).
d'outre-mer, 25 mars 1957 (SHAT, 10T183). l'AFP au Togo il l'epoque: Claude WAllTtllER, politique au Cameroun •, mars 1959, p. 3 4 Christian DlJCRESTDEVILLENEUVE, • Compte
12 • Condense de rensetgnements recueillls (CAOM, Aff-Pol 3327). rendu trlmestrlel de renseignement •, l" trl-
Qu(ltre pre.f/de11tset l'Afrlq11e, Seuil, Paris,
jusqu'au 10 octobre 1959 •, ~manant de 52 Eugene-Jean DUVAL,Le SI1/age1111/llaire de la mestre 1959 (SHAT, 6H259).
1995, p. 91 et p. 656.
l'EMGON/REN/RIM (SHAT, HYf183). Frm1ceauC11111ermm, 7974-1964, p. 155. 5 Ueutenant Bonaventure EscOFFET,• Situa-
31 • Rapport de SOrete du 22 avrU au 14 mai
13 Guy PERVIU.ß, • Le Panafricanisme du FLN•• 53 • La Commisslon de tuteUe de l'ONU se pro- tion politique de la region Bamileke du mois
1958 •, p. 46 (APO, lACJ 58).
/11Charles-Robert AGBRONet Marc MICHEL nonce pour l'l.ndependance du Cameroun •, de mal 1955 au mois d'avril 1959 •, 7 avril
32 PhiUppe GAIUARD, Le Cameroun, tome 1,
(dir.), L'Afrlque 110/re franratse: /'heure des La Crolx,14 mars 1959.
op. dl., p, 229. 1959 (SHAT, 6H264).
independances, CNRS Editions, Paris, 1992, 54 LflPressed11C11mero1111, 16mars 1959.
33 • Rapport de SOrete du 1 J au 25 septembre 6 lbid., p. 22.
p. 513-522 (disponible sur <http://guy. 55 David E. GARDINIER,Cameroo11.United Nations
19S8 •• 26 septembre 1958, p. 4 (CAOM, 7 • Bulletin de renseignements ., s.d. {SHAT,
perville.free.fr>). Clmlle11ge to Fre11chPol/cy, Oxford University
Aff-Pol 3348). 6H261).
14 Frantz FANON,« La le~on de Cotonou •• EI Press, Cambridge, 1963, p. 89-90.
Moud/ahld, 22 aoOt 1958 (ill Frantz FANON,
34 a
Lettre de XavleI Torre Laget, corueiller ä la 56 • Les evenements du Cameroun inquietentle
8 • Encore un sacrilcge •, Le Bamileke,
Cour de cassation, l5 juillet 1958 (CADN, mars 1959.
l'o11rla revo/utlon africalne. &rlts polltlq11es, departement d'~t •• Ln Tribune desnt1tio11s,
PHCC/8). 9 • Rapport de SOrete du L3 au 26 mars 1959 •,
Fran~ois Maspero, Parts, 1964, p. 149). 24 juillet 1959.
35 • Rapport de SOrete du 13 au 26 mars 1959 ., p. 11 (APO, lAClSS).
15 Frantz FANON, • La farce qul cha.nge de 57 Philippe D&CRAENE,• Panafricanisme et
p. 6 (APO, JAC158). 10 • Bulletin d\> renseign\>ments •• • Als de
camp•, EI Moudjahld, n° 21, 1" avril 1958 (/11 grandes puissances •• Polltlque etrangere,n• 4,
36 Note ct·t.Jegou au chef de la reglon du l'actlon terroriste en region bamlleke ••
ibid., p. 122). 1959, p. 408-421.
Nyong-et-Sanaga, 27 octobre 1958 (CADN, 19 mars l 959 (SHAT, 6H253).
16 Entretien des auteurs avec l'hlstorlen alge- 58 BUREAU Df. DOCUMFNl'ATION DU HAIITCOMMIS·
FHCC/6, Pl000961). l1 • Rapport de SOrete du 13 au 26 mars 1959 •
rien Mohammed Harbl (qul fut e.n 1959 SAJRE,• Note rnr la sltuation polltique au
et • Rapport de SOrete du 28 mars au 15 avrJI
envoye en mission au Mali par Je FLN), 37 La Pressedu Camertnm, 20 no"embre 1958 Cameroun du 1" au 31 mal 1958 •• p. 25
1959 • {APO, 1AC158).
12 septembre 2008, Paris. (cite In Zacharle AMATAKANA, Fel/,t-Rolm1d (SHAT, 10Tl 78).
12 Christian DUCRESTDEVII.LENWVE, ~ Compte
17 EMAT, 2'' bureau, • Note sur le communisme Moumie,de /'ex// il la mort, op. clt., p. 52). 59 Jean ADALABA, La Diplomatie du partl nationa-
rendu periodlque de renselgnements. Mols
au Cameroun • (SHAT, 10T183). 38 UPC, • La rutelle Internationale ä l'epreuve •, /iste de /'Union rles popr1/11tlonsc/11Camemrm,
1958-1977, memoire de maitrise d'histolre, d'avrll-rnai 1959 •, 12 juin 1959 (SHAT,
18 • Rapport de SOrete du 22 avril au 14 mal 7 fevrler 1959 (archives du PCP).
universite de Yaounde-1, 2000, p. 35. 6H259).
1958 •, p. 47 (APO, 1AC158). 39 • Note resumant !es corwersatlons tenues au
60 Cite In Mathleu RIGOUSTE, L'E11nemiinterle11r, 13 Cite /11lbld.
19 Lettre de Moumie ä Um Nyobe, Accra, sujet de la misslon de visite •• s.d., p. 3
(CAOM, 3321), op, c/L, p. 51. 14 lnstructions du • chef de l'etat-major a
23 avril 1958 (clte in • BRH de la ZOPAC l'occaslon de Ja rencontre des offiders et des
40 Paustin KENNE, Le.1Grands Chefs de l'lns11rrec- 61 Chrl.stian DUCRESTDEVILLENEUVE, • Compte
n° 37 •, 10-16 septembre 1958, annexe n° 6,
rendu trlmestrlel de renseignements, pre- sous-offlciers de I'Armee de llberatlon natio-
p. 30; SHAT, 6H247). tlon annee en pays bamlleke et /cws 11ctivltdsde
mier trlmestre 1959 •• 3 avrll 1959, p. 12 nale kamerunalse •, annexe de la lettre du
20 Cite In • Rapport de Siirete du 22 avrll au 1955 ,i 1971, op. c/1., p. 110.
(SHAT, 6H259). commissalre special de Nkongsamba au
14 mal 1958 •, loc. dl'., p. 47. 4l • BRH du 29 novembre au S dl:cembre
62 Zacharie AMATAKANA, Felix-RolandMor,mle,de dlrecteur de la SOrete (YaouDde), 11 juln
21 Frantz FANoN,• Decoloaisatlon et lndepen- 1958 •• p. 1 (APO, 1ACll l).
/',~// il /11mnrt, 011.eil., p, 66. 1959 (SHAT, 6H264).
dance •• EI Mo11djal1/rt, 11°22, 1.6avrll 1958 (/11 42 • JMO du groupe de gcndannerle du Q11uc-
6:i Phillppe OECRAENE, • La mort d'Um Nyobe a 15 Christian DUCRESTDEVILLENEUVE, • Campte
Prantz FANON,Pn11r/11revol11rln1111frlc11!11c, rou n •, sccond ser11cstrc '1958 (SHAT,
port~ un coup declsif au mouvernent rendu trlmestrlel de renseignement, du
0/1. c1,.. p. 119). 6il 109).

687
686
K11111c11111.
/
Norr~

I" juln au 31 ao0t 1959 •• (>. 6 (SHAT, Jl • Rappon du llcutcnunt-colo,11<1Ln11rl~rcou CII~ /11George~ CHA~PAAn,
M11k1111- 7
49 Antolnc-Marle BONG,Un che{'/11~11,sl, l.t'S C:<m1eis srrrm
6H259). sujet des ev~nerne,m SLrrvcnu~~ oarungdnn~ dr 111 tome 2, op. clt., p. 371,
rllwilml.w11/1111,
tlepm1tlwI 958-1964, mernolred'hlstoire, L1nl-
16 • Cornpte rendu de l'lnterrogatolrc de Gaston la nult du 29 ou 30 novcmbrc ·1959•, Nko11g-
versite de Yaounde-1, s.cl., p. 25. 8 • PV de la reunion du 3 janvier 1959 ä l'etat-
Louis Karnga •• annexe au PV de la reunlon du samba, 2 dfrcmbre 19S9 (SHA'I, 6H262).
SO • Rapport de Surete du 13 au 26 mars 1959 •• ma jor du GCS •• /11 • Rapport de S0ret~
CCO, Nkongsamba, 13 novembre 1959 32 Lleutenant-colonel Rene GRlßEttN, • ßulletln
p. 11 (APO, 1AC158) ; • Rapport de Surete du cl'aoüt 1959 • (SHAT, 6H262).
(SHAT,6H237). de renseignement llebdomadaire •,
28 mars au 15 avrll 1959 •, p. 10-11 (APO, 9 Lettre de Louis Le Puloch ä Xavler Torre,
17 Tcmoignages concordants de Marius 21-27 septembre 1960, p. 3-4 (ANY, IAA158).
1AC158}. 5 novembre 1958 (SHAT, 6H63).
Kembou et Thomas Nze, Babadjou, 29 sep- 33 Voir : Serge SAINT-MtCHn. et Jean-Marle RuF-
5 1 • Note mensueUe du bureau de ia documenta- 10 • Le Carneroun : de la tutelle ä l'indepen-
tem bre l 995, Zachee Zebon et Jean Tatsa, FIEUX, • Camcroun, la marchc vers l'unlte .,
Barnendjo, 26 septembre 1995. tion du Haut Commlssariat au Cameroun •• dance, 1946-1960 •, p. 20 (archlves person-
ABC, ßourges, 1982, p. 10-11.
mal 1959, p. 35 (CAOM, Aff-Pol3327). nelles de Michel Boulet).
18 Armee de liberatlon nationale du Kamerun, 34 Mesmin KANGUELIEUTCHOlJAKE, La Rebellion
• La resolution n• 001/ALNK/59. et • Les 52 lbld. 1l • Nouveau projet de conventlon franco-
armiJe II l'011est-Cameru1111(/955-1971),
lois, n• 1 de EM», 31 mai 1959 (SHAT, 53 • BRH du 11 au 17 juin 1959, reglon Baml- camerounaise relative ii Ja Defense, ä !'ordre
op. cit., p. ll6; • Informations sur le terro-
6H264). leke • (SHAT,6H255). publlc et ä l 'emploi de la gendarmerle .,
risme en pays bamlleke •, 1986 (ardllves per-
19 • Les lois, n° 1 de EM•, annexes, 31 mai 1959 S4 Entretien des auteurs avec Pauline Rebeug, article L", In lettre du general Le Puloch
sonnelles de Momo Gregoire, Dschang).
(SHAT, 6H264). Douala, 2008. au general d'armee lnspecteur des forces
35 Prantz PANON,L'An V de In revolution 1J/ge-
20 Entretien des auteurs avec Henrl Tamo, 55 • BRH17 au 24 octobre 1959 » (SHAT,6H255). terrestres Garbay, • Accords franco-came•
rlem1e [Sociologie d'une revolution], Pellte
Yaounde, 6 fevrler 2007. 56 Commandement interarmees des forces fran- rounals •, 13 septembre 1958 (SHAT, 6H63).
collectlon Maspero, Paris, 1968 [reed.J, p. 1S.
21 Sur ces evenements, voir : • Rapport du lieu- i;alses au Carneroun, groupe D, •JMO du PC 12 Leme du colonel du Crest de Villeneuve au
36 Felix MoUMit, • Appel a la population euro-
tenant-colonel Lauriere, commandant operatlonnel de Nkongsamba •, p. 13 (SHAT, general Le Puloch, annotee par celui-cl.
peenne au Kamerun•, 19 aoOt 1959 (dte in
d'armes de la place de Douala •, 30 juin 1959 6H243). 12 decembre 1958 (SHAT, 6H266).
Abraham SrGH0KOFossr, Discours politlq11es,
(SHAT, 6H233); et la • Note sur 1arepression 57 Entretien des auteurs avec Jean Oonfack, 13 Lettre de Xavler Torre ä Louis Le Pu loch,
op.cit., p. 526).
au Kamerun• redlgee par l'UPC en exil et Balesslng, 20 fevrler 2008. 13 dl!cembre 1958 (SHAT,6H266).
37 Clrculalre du 4 juin 1959, Citee ill UPC (BCO),
publiee sous le tltre • Livre blanc sur la 58 Lettte de Xavier Torre au colonel comman- 14 lbld.
• Le röle de la classe ouvriere dans la revolu-
repression au Kamerun • par Les Temps dant le secteur Quest, « Condulte a tenir vis- JS Lettre d'Ahmadou Ahidjo ä Xavler Torre,
tlou kamerunalse • (dte In Abraham SrGH0l<O
modemes,novembre 1959, p. 941-953. a-vls des femmes ., 30 octobre 1959 {SHAT, 5 decembre 1958, annotee par Louis Le
Fossr,Dlscours po//tlques, op. eil„ p.514).
22 UPC, • Livre blanc sur la represston au 6H237).
38 Voir le texte de denonciation de Jacques Puloch (SHAT, 6H266).
Kamerun •, loc. dt., p. 946. 59 Lieutenant Fran~oil; LA.BONNE, offlcler de ren- 16 Jean LAMBERTON, • lnstructlon generale n° 2.
Ngom : UPC (BCD), • Le röle de la classe
23 • Fiche : attaque de la gendarmerle de seignement en mlsslon ä Dschang, • BRH du
ouvriere dans la revolution kamenmalse ., Dispositif de protection dans les reglons de
Mbouda •, Brazzavllle, 31 julllet 1959 1" au 8 novembre 1959 • (SHAT,6H255).
/oc. cit., p. S09-516. l'Ouest-Cameroun », 18 janvler 1959 (SHAT,
(SHAT,6H63). 60 Notes du 15 et du 20 decembre 1959 (dte lt1
39 • Rapport de Sürete du 28 mars au 1S avril 6H262).
24 BUREAU DUCOM!rtDIRECTEUR DI L'UPC, « Decla- Eugene-Jean DUVAL, Le SI/Jagemilltafre de la
1959 •, p. 12 {APO, lACl58). l 7 Christian DUCRE.ST Dt VILLENEUVE, Ropport
ration ii l'agence d'lnformatlon du Moyen- Fra11ce<111Camero1m, 1914-1964, op. clt.,
40 fbld. n11n11eld11secteurOuest 1959 (SHAT, 6H38).
Orlent ., 19 juln 1959 (clte in Abraham
SrGHOKOFossr, Dlscours polltiq11es, op. cit., 41 David KOM,L'Ema11dp11tio11 clu Camemun.u,, p. 244). 18 «JMO de J'etat-major du colonel comman-
p. 518). upecistc temolgne, L'Harmattan, Paris, 2001, dant miJitaire du secteur Quest•, l" semestrc
p. 52-5S sq.
Notes du chap.itre 20: 1959 (SHAT, 6H238); entretien des auteurs
25 Leona1d SAH,Le Terrorlsme dans lf Mo1111gr1
(1955-1971), non publie, p. 101. 42 Cite 111 Jean-F.mmanuel PoNm, Paul Pomli, le Une repression camouflee avec Marcel Dlxonne, Perpignan, 12 mars
26 lbid. temps de In parole, Editions Cle, Yaounde, Andre LAURitRB,• Condulte ä tenir par 2009.
27 lbid. 2005, p. 44-45. l'armee en malntien de !'ordre•, 19 Pierre AuFEUVRE, • Actions menees par les
28 Christian DUCRISTDEVILI.f.NtUVI,• Compte 43 Capitalne Jacques MULI.ER, • BuUetin de ren- 7 novembre 1959 (SHAT,6H243). forces fran~aises et camerounaises contte la
rendu ttirnesttlel de renselgnements. Periode selgnements : les partlsans ßamileke ., 2 • JMO du groupement de gendarmerie du rebellion • (CADN, PAFC/62).
du l" septembre au 30 novembre 1959 ., Dschang, 25 septembre 1959 {SHAT,6H255). Cameroun •• 2' semestre 1959 (SHAT, 20 BUREAU OE1.A DOC\/MENTATI0N DUHA\ITCOMMIS·
15 decembre 1959, p. l 1 (SHAT, 6H259). 44 Lleutenant-colonel Rene GRUIEUN,• Situa- 6Hl09). SARIAT AUCAMEROUN, • Note mensueUe sur la
29 Christian DUCllESTDEVIUE.'IEUVE, • Compte tion dans le departement Barnlleke •, 10 jan- 3 Christian DUCRESTDEVILLENEUVE, • Compte situatlon polltique •, mai 1959 (SHAT,
rendu trimestrlel de renselgnements. Periode vier 1961, p. 5 (CADN, FAFC/62). JOT! 78).
rendu trLmestriel de renselgnements •
du 1" juin au 31 ao0t 1959 », 15 septembre 45 Iblcl., annexe 1. 21 /bid.
(SHAT, 6H259).
1959, p. 14 (SHAT, 6H259). 46 Lieutenant-colonel Andre i.AURl~E.• URHdu 22 • BRH du 11 au 17 juin 1959 •• p. 3 (SHAT,
4 Entretlen des auteurs avec Daniel Maugue,
30 Ferdinand CHJNDJ1-Kouuu,Hlstolre cacheerlu Secteur Ouest ., 4-15 septembre 19S9, p. L 6H255).
Yaounde, 3 mars 2007.
Camero11n, op.clt., p. 167. Paul-Valentin EMOG (SHAT, 6H248). 23 UPC, ~ Livre blanc sur la repression au
5 Entretien telephonique des auteurs avec
parle de la • premlere grande offensive• de 47 Andre LAURltRE, • BRH du Scctcur Ouest ., Kamerun», loc. cft. (cite in Abraham S1GH0KO
Michel Clerget, 9 janvier 2010.
l'ALNK (Paul-Valentin F.Moc,Le Porteur de 4-10 novembre 19.59,1>,10 (SIIAT, 6H248). Foss1,Dlscourspollt'lq11es,op. clt.).
6 Voir aussl Kago LELE,Trlbal/sme et excl11sl(m.1
coriws. Mgr Albert Ntlo1111mo (1925-1992), &11- 48 A11dr(!LAURl!RR, • ßRH du Secteur Oue~t •.
a11Cameroun, le cas tles Bamlli!kes, CRAC, 24 L.ella111/Wke, aoilt 1958, n° 53 (archlves per•
tfons Tcrre nfrlcnlnc, Yooundf, 2005, p. 86). <l•15 scpll'mbrc 19.S0,p. 2 (SI IAT, 611248)
Yaounde, 1995, p. 16. sonnellcs de Momo Grcgolre).

~88 1189
Km11en111
/ Ni,,,.,

25 BUREAU DE LAOOCUMENTATI0N DUI IAUTC0MM!S- 44 Colonel du C1e,1 au C01l1111lllld,1n1 dr l'eHII· 65 ll\JRI.AU III IXl(.llMENTATION DUHAlll' COM.MISS~- ,rn•lcri t.le/11IU/111/Jll,11w
t/11/J('RA 1\ /// IJGSI!,
SARIAT AUCAMUOUN,• Note men5Ul'lle sur la major mlx1e de Os(hang, • I IJlson l.'nt1e la RIAT, • Rapport mensuel avrll 1959 •, p. 24 Fayard, Paris, 2004. p. 309).
situatlon politlque •• ma.l 1959, loc. clt. (SHAT, tOTI 78). 87 Cll~ /11Pascal KROP,U'S SecreLS t/1•l't•sp/11111111s,·
harka et les force, chnrg~s du re1ablls~c-
26 Max CLOS,Interview de Ahmadou Ahldjo, Le 111entde !'ordre•, 28 novembre 19S8 (SI IAT, 66 lblrl., p. 25. {r1111rnIs,de I IJ70 1i ,m.i/1111rs, l'ayot, Paris,
Figaro,8-9 aoiit 1959. 6H261), 67 Archives personnelles de Momo Gregoire, 1995, p. 478.
27 • Situation polltlque au cameroun • (SHAT, 45 lbld. Dschang. 88 lbltl.
6H266). -16 • Organisation du renselg11<'men1•• julllet- 68 • ßRH 11° 2 du 17' BIMA du 18 au 89 Jacques lSNARO, • Les "DOl'N etaient charges
28 • Bulletin de renselgnement hebdomadaire, aoOI 1959 lSHAT, 6H261). 24 decembre 1958 •• annexe n° 3: Michel des lnterrogatolres "muscles" ., u Mcmde,
47 Note d'Alexandre Ter Sarklssof ä Ahmadou CAllRt,• Operallons comblnees franco-brl- l" decembre 2000.
region bamileke •, 22-26 mal 1959 (SHAT,
Ahldjo, 4 aoOt 1959 (cite 111Fauslln KENNE, tanniques •, p. 12 (SHAT, 6H253). 90 Constantin MEIMK,Lll Mort elall le11rml5SIOII,
6H2S5).
Le.iGr11111Js Chefstle l'/11s11m•rt11m anneee11pnys 69 l!ntretien telephonlquc des auteurs avec op.clt., p. 200.
29 • Lc terrorisrne contlnue •• Le Bam/Mkt!,
bamlliki tt le1irs attlvltis tle 1955 ,, 1971, Michel Clerget, 9 janvler 2010. 91 Clte In Phillppe BERNIRT, SDECE, Service 7.
avrll 1959 (archives personoelles de Momo
op. clr., p. 237-239). 70 Entretlen des auteurs avec Jean-Paul Martin, L'extmurdlnalre histolre du colone/ lcroy-Fi11-
Gregolre).
48 capltalne Jacques Mu1.uR, • Bulletin de ren- Paris, 2008. vllle et sesc/nndestins,Presses de la Clte, PaTis,
30 « Bulielln de rcnsclgnement hebdornadalre,
selgnemea ts : les partlsans Bamllt!ke •• 71 Entretien des auteurs avec Henri Tamo, 1980, p. 233.
region bamileke •, 22-26 mal 1959 (SHAT,
/oc:.dt. Yaoundt!, 6 fevrier 2007. 92 Maurice ROBERT, • Ml11lstre • de l'A(riq11e.
6H2SS).
72 Entretlen des auteurs avec Samuel Zeze, E11trctie11s nvc•cAndre Renault, Scull, Paris,
31 BUREAU D~ LAOOCUMENTATI0N DUHAUT C0MMIS- 49 lieutenant-colonel Jacques RlCHARD, • Rap-
port annuel 1959 du groupemeot de gcndar- Yaounde, 23 novembre 2007. 2004, p. 115.
SARIAT AUCAMER0UN, • Note mensuelle sur la
merle du Cameroun ., p. 2 (SHAT, 6H38). 73 Ul'C, • Livre blanc sur la represslon au 93 Cltt'! /11 Roger FAUGOTet Jean GUISNEL (dir.),
situatlon politlque •• mal 1959, loc:.eil.
SO • Note de servlce n° 345 de l'escadron de Kamerun., /oc.eil. (dte ill Abraham S!GHOK0 Hlstoire secri'te de la V" Republlq11e,op. cll.,
32 Eugl!nc-Jean DuVAL,Le S11/age mllltalre de Ja
Dschang •• proces-verbal Gendarmerie Poss1,Discmirspollrlq11es, up. clt., p. 540-541). p. 119.
Frtmceau Camermm,./914-1964, p. 356.
nationale, Dschaog, 25 septembre 1959 74 • rv de la reunlon du 3 janvier 1959 a l'etal- 94 St!ance plenl~re du 29 octobre 1959 (matin)
33 Entretlen telephonique des auteurs avec
(APO, PVGNq. major du GCS •, loc. dt. ä !'Assemblee legislative du Cameroun,
Michel Clerget, 9 janvier 2010.
SI CHETOM, J6H78. 75 Entretien des auteurs avec Michel Boulet, YaounM.
34 Clte l11Louis LEPuLocH, • Rapport de retour
52 • BRH du 27 septembre au 3 octobre 1959 • Angoul~me, 22 juin 2007. 95 Louis U PuLOCH,• Rapport au sujet de l'inter-
d'lnspection au Cameroun •• 20 aoOt 1959
(SHAT, 6H2SS). 76 touls LE Pul.001, « Rapport au sufct de !'Inter- vention des forces armees fran~alses au
(SHAT, 6H266).
53 Rapport du capltaine Albert PLJSS0NNEAU, vention des forces armees fran~aises au Cameroun depuis juin 1959 •, loc. clt.
35 Revue de presse (CADN, FHCC/9). cameroun depuis juln 1959 •, ßrazzavlllc,
9 octobrc 1959 (SHAT, 6H262). 96 Capltalne Andre Coucou1.F.,commandant de
36 Fran~ois-Xavier NG0MSI,De In gulr/1/n urbalne 30 decembre 1959 (SHAT, 1R20 IJ.
54 capitalne Albert PLISSONNEAU, • Bulletln de la 37' CTG du 17" BIMA ä Douala, • Rapport
ii Douala (1955-1964), memolre de maitrise 77 Chef de bataillon Alcxls GAI.ts,commaodant annuel •, octobre 1959 (SHAT, 6H234).
renselgnement •, Dschang, 22 octobre 1959
d'hlstolre, unlverslte de Yaounde-1, 2005, le 3• sectcur m!Utalre et le 2' bataillon de 97 Note de Louis DoMISSY,14 juln 1959 (cltee /11
(SHAT, 6H2SS).
p. 98et 102. l'armee camerounaisc, • Synthese historlque
55 le ßam/1/lkc,n• 56, octobre 1959. Eug~ne-Jean DuvAL, Le Slllage m/l/t;1/re de /a
37 Chef de batalllon Marius ßo1LLOT,• Presenta- sur les evenements du Cameroun, Francea11Cnmero1m,1914-/964, p. 237).
56 Rapport du capltaloe Albert PUSS0NNEAU,
tlon detaiJJee du departement bamlleke ., d'octobre 1960 ä 1962 •, 24 avrll 1962, 98 Note du lieutenant-colonel Andrl? LAuRltR.E,
loc. clt.
3 aoOt 1959 (SHAT, 6H255). Dsch.ang, p. 7 (SHAT, 6H241). • Condulte ä tenlr par l'armee en malntlen
57 Rene C0GNY, • Mesures ä prcndrc en cas
38 capltalne Jacques MULI-ER, • Bulletin de ren- 78 lb/1/., annexe : • lnstructlon pour l'organlsa- de !'ordre, 7 novembre 1959 (SHAT, 6H243).
d'une aggravatlon, de Ja sltuatloo au Came-
selgnemeots : les partlsans Bamlleke ., tlon du renselgnemcnt operationnel • 99 JMO de Ja Compagnle de Dschang, second
roun •, 21 septembre 1959 (SHAT, 6H266).
loe. clt. (SHAT, 6H241). semestre 1959 (SHAT, 6Hl09).
58 • BRH du 9 au 22 juU!et .1959, reglon ßami-
39 Lleutenant Fran\:ois WONNE, • Plan d<?tal.lle leke ., p. S (SHAT, 6H255). 79 Annotation manuscrlte de Jean l..amberton, ·100 Capitaine MuLLER,llullclln de renselgne-
de l'expose de l'OR • Koutaba, 9 septembre arch1ves personnelles. ments, • L.espartlsans Bamileke •• Dschang,
59 AFP, 22 septembre 1959, dep@che reproduite
1959 (SHAT, 6H255).
dans u Monde, - Creation de millces popu- 80 • PV du CCO du Mungo ., 24 decembre 1959 25 septembre 1959 (SHAT, 6H255).
40 Commandant Marius B0ILLOT,• BRH du 20 laires contre le terrorlsmr •• 23 septembre Cl 30 decembre 1959 (SHAT, 6H237). 101 Llcutenant-colonel Andre LAURII.RE, BRH du
au 27 septembre 1959 • (SHAT, 6H25S). 1959. 81 Aud.re I.AURIERE, • BRH du 8 au 14 octobre 16 au 22 Mcembre 1959, Nkongsarnba
41 Lleutenant Fran~ols LABoNNE,• Plan detallle 60 Christian DIJ CaESTOE VILLENEIJVE, • Compte 1959 •, Nkongsamba (SHAT, 6H248). (SHAT, 6H248).
de l'expose de l'OR •, loc. clt. rendu trimestrlel de renselgnements, sep- 82 Ihle/. 102 General Louis LEl'llLOCH, • Rapport au sujct
42 • lnstruction relative ä la cltHense de surface tembre-novembre 1959 •• p. 2 et 6 (SHAT, 83 lbld. de !'Intervention des forces armees fran-
en Algerle •• 11 novembre 1955 (SHAT, 6H259). 84 Poste SMR Koutaba/Dschang, • BRH du ~alses au Cameroun dcpuis julo 1959 •,
lH 1809-2)(clte 111 Fran~ols-Xavier liAUTREUX, 61 Capltalne Jacques Muu.tR, • Bulletin deren- 28 decembre 1959 au 3 janvier 1960 •, p. 2. 30 d&:embre 1959, Brazz.aviJJe, p. 6 (SHAT,
• L'engagement des harkls, 1954-1962. Essai selgncmcnts : les partlsans llam llekc •• 85 l'lcrre AUFEUVRE, • Actlons menees par les IR201).
de perlodisatlon •, Vl113//emeSiede, n• 90, /c,c.c/1, forces fran~alses et camerounalses contre la 103 Clte In Roger FAUGOTet Jean GUISNEL (dir.),
2006). 62 lbltl rföellion. Riposte des forces de !'ordre•, Hlstolre secretede /a V" R€p11bllq11f, op. c/I.,
43 Chef de batalllon Marius BOILLOT,• ßRH du 63 Le 8//1111/lkd, n• 59, 1anvler 1960. 12 mal 1962, p. 3 (CADN, FAFC/62). p. 120.
1" au 7 novembre 1958 •, l)schong (SIIA'r, 64 Pill MIM de, autcurs OVC!(. )<'all llh•('\•Nlrs~cl, 86 Sclon l'art. 13 de l'ordonnance 59-147 du 104 1/Jld.
6112S5J 11arts, 1~ novembtl' 20011 7 !anvler 1959 (cltcl ,,, Claude FAURE,All.\' 105 Dossier• Ftlllx Moumll! • (CADN, FAFC/50).

(100 691
I
Kcm1t•tt111 N111c•,

106 • f(lttx Mournie (terrorlsteJ fall l'Nogc c1,,IJ 1.\ • JMO du KtOuprment tlt- geml.irmerll' du .i 11,lltrc '" 11t(li'phonh(II(' (l\•1 uuttlll' IIVC'\'
38 • ücdoi111.111cc 11•«J/52 port11tll lol OIIIJ
polltlqul' beige au C..ongo 1•• Pourquol/~" I, t~meroun ., 2' Wllll'\11(' 19\9 {SIIAI,
nlque ~ur l'etat d'urgcnce •, artlcle 7, 7 rn~t t l,111,hc JJNh-\1111', 2~ o, tobtl' ZOOS
Congo, 17 octobre 1959 (CADN, FAFC/50). 611109).
1960 SHAT, 6H262). 1 ( urrr,1u111,l,11H(' I"'' ,ourrlrl UV~("( IIUth
107 • Le docteur de la revolte ., Dnim, [mols 1111- 16 ~onard ~All, LI' frrrorhmr ""'" le M,111.,u 1 igJ111 Jnd,·n n·\pon\Jble dl' l'~\IIA III
39 • Rapport poUtlque sur 1a rcglon Nyong-.,i
slble) 1959 (traductlon trouvce dans Je dos- (1955-1971). op. dt., p. 102. Ol tolm• l(l08.
Sanaga •• l" avril 1957 (CADN, FHCC/-11
sler • Felix Moumle •• CAON, FAFC/50). 17 Jacques GUlMAl:ol,LJc '" 1;u/ner ,} /11 C'IJtt• 4 l l•ltr(' 1ll-ChrhllJn du Crt!)I l loul1 l)lo,
(clte Irr Marc MIO!ll., • • Action psycholo-
d'lvolrt par Ir ,.amcro11n,op. c/L, p. 2B3. 20 novembre 1959 (SHAr, 611266)
108 Roger FAUGOT et Jean GtrlSNtl.(dir.), H15111lre glque• et •propagande" au Camcroun 1a fln a Rene Cot,NY, • Mcsurcs 11prcudrr l'll co1
Meffl? c/e/11V" Rlpubllque,op. dt., p. 55. 18 • Le Cameroun au lendemaln de son lndl'- 5
des ann~s 19S0 •• loc. c/1.).
pendaace •• /011m11Ide (;r11e1•r,30 janvler d'une aggravatlon de l.i Situation au ( •m,
40 Cite In • Rapport de SOrete du 28 mars au
Notes du chapitre 21 : 1960. roun •• 21 septembre 1959 (SIIA r, 6112(16),
IS avrll 1959 •• p. 3 (APO, 1ACIS8).
19 • Note sur la sltuatlon polltiquc au Came- 6 /bld.,p.2.
La fausse " independance " roun ., s.d. (CARAN,FPR 151).
41 Jacques GElllAL-i, Dt '" Gu/11&-a /11 Cote•
7 Louis Lt Put.ocH,• Rapport au sujct de l'lntcr·
de janvier 1960 20 Andrl' LAURJtaE, • BRH du 16 au 22 decembre
11p.clt., p. 286.
tl'/voire pur le C11111ero1111,
42 Christlan-Toblc Kuou, Mon 1'imolJ1111ge. Lr
vcntlon des forces urm~es froni;aiws •u
Jean LA\IBUTON, • Les Bamlleke dans 19S9 •, Nkongsamba (SHAT, 6H248). Cameroun depuls Juln 19S9 •• luc.dt., p. 6
Camero1111 de 1'1111/tpe,1c/111tce
(1958-1970), Kar•
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thala, 1990, Paris, p. 41. la Defense nationale, 5 janvicr 1960 (~IIA1
p.460477. Cameroun •• 2• semestre 19S9 (SHAT,
43 Entretlen des auteurs avec Abel Eylnga, Mbal-
6H 109). (Le terme est employe ä nouvcau 6H239),
2 Entretiens des auteurs avec Paul Audat, Fcr• mayo, l6 mars 2007.
dans le • BRH du 6 au 13 janvier 1960 •.) 9 Lettre de Picrre Guillaumat ä Louh l r
ril!res-Jcs-Vcrreries, 25-26 juin 2007. 4-1 Abel EYISGA, Martdat c/'11mlpour CQILSI' d'ilfc-
22 fbl(I. Puloch, 10 decembre 1959 (SHAT. 6H266)
3 lb/1/. tlons. De la clemocrntle 1111 Camtrmm,
23 Louis LI Pt/LOCH, • Rapport au sujct de l'lntcr- 10 Lcttre des Europcens de Dschang, poM~c ou
4 Rene Hom1ERR,• Le probll!me de l'lndepen- 1970-1978, L'Harmattan, Parls, 1978, p. 197. centre cllmatlque de Dsc.hang au prf\ldent
dance au Cameroun et au Conga beige•• rap- vent lon des forces armfes frantalses au
45 Clte In Jacques GERMAr.l,De /11 Gu/11« olla de Ja Republlque fran~alse, l l Mcembu•
port du 13 janvier 1960 (CARAN, Fl'R 151). cameroun depuls juln 1959 •, /oc.dt., p. 6.
C()te-<l'/vo/re por lc Camrrmm, op. clt., p. 286. 19S9 (CARAN,l'l'R 151).
5 Entretiens des autcurs avec Paul Audat, Fer- 24 Andre LAua,tu, • BRH du 16 au 22 decembre
-16 Entretlen des auteun avecJacques Menler, 11 Lettre de • personnallttls sousslgnecs dl• I•
1959 •, loc. dt. Ce rapport dfoombre preclse-
rleres-les-Verreries, 25-26 juln 2007. Salnt-Cloud, 17 octobre 2008, colonlc (sie) rran~alse du Camcroun ••
ment • 937 Bamlll'k(! • refoull's et• 167 d'orl•
6 Marc MIC11u,• Les reactions francophones et 47 Clte Irr Chrlstlan-Toble Kuo11, Moll Nmol- Oouala, 16 Mcembrc 19S9 (CARAN, FPR
glnes d lverses •·
anglophones face aux prem iers regroupe- g1111gt.Le Camtro11111/e l'/11cltpmclance 1S1).
2S • JMO du groupement de gendarmerle
ments afrlcalns •, In Charles-Robert AGUON (1958-1970), op. eil., p. 43. 12 Entretlcn des auteurs avec Roland 13llrl
du Cameroun •• 2' semestre 1959 (SHAT,
et Marc MICHIL (dir.), 1.:tre des cltro/011/{Q• 48 Charles-Robert AGlROSet Marc MICHEL(dir.), chette, 13 octobre 2009, Parts.
6H109).
tions,op.dt., p. 290.
26 Jacques GUMAIN, Oe la 1;11111ee a /a C:lltc-
L't:re de~deco/011/.satiom, op. clt. 13 Lettre de De Gaulle a Hayen, presidc111(l.cIn
7 Eug~ne WoNYU,Vc /'UPC 1ll'UC. Tlmo/JIIQSC a 49 Entretlen des auteurs avec Abel Eylnga, Mbal- chambre d'agrlculture, en rcponst A um•
d'/1'0/rt par lc Cami:m1m,op. eil., p. 283.
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29 Lellre d'un hemme au nom lllisible adressre
s.d. [sansdoute 1958) (CAOM, Aff-Pol 3321 ). 51 Eugenc WONYU,Oe l'UPC ll l'UC, op. c/1.,p. 63. 14 Rene liOFFHERR, • Le probl~lll(' de l'lnd~pcn
ä • Mon eher Maurice•, 17 janvler 1960
9 Entretlen des autcurs avec Jacques Rousseau, S2 /bld., p. 64. dance au cameroun et au Congo beige
(CARAN,FPR 151),
Paris, 6 fevrlcr 2008. 53 Jacques GtRMAJN,De In Gulm!e 1i /11 Cllte• loc:.clt.
30 Entretlen des auteurs avec Jacques Rousseau,
10 Telegramme mllltaire, 1" janvler 1960 1/'/volrepar ltCmnerorm, op. clt., p. 287. 15 Rene HofflffD, • Cameroun et Conga belgr
Paris, 6 fevrler 2008. lmpresslons d'un recent voyagc •• Mo,11/r1 rt
(SHAT, 1R20I). 54 Phllippe GA!t.VJID, Allltl/o, Patrlnte et tlespolt,
31 Jacques RoussEAu, Memoires (non publl~s),
11 • BRH du 14 au 20 decembre 19S9 • (die /11 op. clt., p. 94. oolwres, n• 39, 1960.
p. 297.
Eug~ne-Jean OUVAI.,u 511/aJC m/1/talre <Ir /a SS Entretlen des auteurs avec Jacques Rousseau, 16 Letue d'un hemme au nom llllslble adrl.'i<N'
32 Entretlen des auteurs avec Jacques Rousseau, 11• Mon eher Maurice., /oc. clt.
Fmnc~ au ('amtrourr, 1914-/964, op. clt., Paris, 6 fevrler 2008.
Paris, 6 fevrler 2008.
56 Entretlen des auteurs avecJacques Menler, 17 Michel DEnt, Gouvtmer, tome 3, op. clt
p. 244). 33 Michel PROUZ6T,lt Camtr111111, LGDJ, Paris,
Saint-Cloud, 17 octobre 2008. p. 336.
12 • Operations de malntlen de !'ordre effec• 1974, p. 167.
57 Clte /11Beat-Chrlstophe BAESCHLIN-RAsPAIL,18 Plerre AurEUVRE,• Actions men~e~par lt1
tuees au Cameroun par Je PMP n• 261 des 34 Dlmltrl LAVROff et Gustave Pusu, lts Comll-
Allmaclm1Ahld/o, piomrlerdel'A{rlque moderne, forces fran,;alses et camerounalses contre 11
gardes auxlllalres de Bangassou du tmlons afrlca/11es, tome 1, Pedone, Paris,
P. Bory, Monte-Carlo, 1968, p. 90. rebeillon. Rlposte des forccs de l'ordr<' ••
1•• dl'cembre 1959 au 11 janvler 1960 •, 1961, p. 29 (clte 111Gabriel t•r.aitset David Su- 12 mal 1962, p. 3 (CADN. FAFC/62)
annexe au •JMO du groupement de gendar- VENAY,Unegumr nolrr, op. rlt., p. 27).
Notes du chapitre 22 : 19 Lcttre d'un homme au nom lllblblc odrcs~(•t•
merle de 1a Republlque centrafricalne •• jan• 35 Jacques Roussr.Au, Memoires (non publl(ls), :\ • Mon eher Maurice•, loc.dl
vier 1960-<lecembre 1964 (SHAT, 6H 110). p. 301. Janvier 1960: l'annee fran~ise
20 Entrctlcn des auteun; avec Paul Audal, 1n
13 lbl<I. 16 Entrcllcn des auwur.. avec Jacqu(') Rou~~c.iu, engagc la « reconqu<!tc » rl~res-lc.,.Vcrrcrles, 25-26 juln 2007.
14 Antoln<.'-Marle ßosc.,Urr chr{l111111xt', M11km1• 6 ftlvrlcr 2008, Pari, 21 1ntrrtlt>n des auteurs a\·ec Rrn~ Lanttlm1·,
Mltllt'I 1)11.r, (,OlffUIIU, tome J, "P• (/1.,
,lrpm1thr l9~H-1964, up. rlt., ll 14-.1, 17 \lott•du21f~Hler 11/C,O(CARAN,ll'R l~IJ. 1\1110ny, 1.I IIOV('lllhrc 20011.
Jl 111, 117,

t,() 6').\
I
l<m111:m11 N111t·\

22 • Max ßrlancl, 1\/05-1992, gcnfrnl de ;.Jlvl- 1


15 Max 0R1AN1,, • Note de servlcc sur l'organlsa- 64 Rcnl! Gmo~L1N,• Sitmition d,111stc dep,1rte- 84 Mo~ llRlAND,• Ropport sur Ja sltuotlon mlll-
slon ~, Dossier personncl cle Ma.~ Brl~nd ment Bamlleke ., /oc. cit., p. 10--11. ta1re au Cameroun 11la date du 3 mal 1960 •·
tlon du sous-secteur ouc~t •, ts fnnvlcr 1960
(SHAT, 14Ydl623). (SHAT, 6H239). 65 Eugene-Jean DUVAL,le S11/age milltalre c/~la loc. eil.
23 lbld. Franceau Camamm, op. c/L.,p. 255; ReneGRJ- 85 Decislon n° 1006/UPC/BCD du 14 juiliet
46 Max BRIAN0,12 fanvicr 1960 (clt~ /11Eug~ne-
24 lbid. BELIN, • Situation dans le departement Baml- 1960.
Jean DuvAL,Le Slllnsem/J/111/re de /11Fm11ce1111
25 Entretien des auteurs avec Pierre Brland, leke ., loc.c:11., p. 10-11. 86 Entretien des auteurs avec Jean Djou, ßat-
Camerou11,1914-1964,0/1. clt., p. 249).
Paris, 8 janvier 2009. 66 Daniel GALI.AND, • Dechiraat Cameroun l •, cham, 3 fevrier 2007.
4 7 tTAT•MJ\.[OR DUCoMMANOEMENT ll'ITERAAMW DF.S
26 1/;/d, 87 • Bulletin de renseignements hebdomadaire,
F0RCESFRANr;:AISES AU CAMEROUN,• fliehe Reforme,27 fevrier 1960.
27 fb/d. Region bamlleke •, 4 au 10 juin 1959 (SHAT,
concernant les Operations au Cameroun •, 67 Max ßRIAND,.. Evolution de la Situation au
6H255).
28 Correspondance Couve de MurviUe/Michel mars 1960 (SHAT, 6H239). Cameroun, fevrler 1960 •, p. 6 (SHAT,
88 Entretien des auteurs avec Abel Eyinga,
Debre (Archives historiques de Sciences Po, 48 Alexis GALU, • Synthese hlstorlque sur les 6H259).
Yaouade, 16 mars 2007.
Fonds Couve de Murvllie, CM7 1960). evenements du Cameroun, d'octobre 1960 ä 68 Renl' GRJBEUN,• Situation daas le dcparte-
89 • Comptes rendus d'interrogatoires de
29 Jean LAMBERT0N,• Les Bamileke dans le 1962 », loc. elt., p. 14. ment Bamlleke », /oc. cit., p. 15.
Joseph Koguem et Jean Feugalng, maqui-
Cameroun d'aujourd'hui », loc.clt. 49 Rene GRIBEl.lN,• Situation dans le departe- 69 • ßulletln de renseignements •• 15 janvler sards de Momo Paul ., 15-16 decembre 1960,
30 Lettre de Max Brland au chef d'etat-major de m ent Bamileke •• 10 janvler 1961, p. 8 1960 (SHAT, 6H243). Bafoussam (SHAT, 6H263).
la DHense nationale, 5 janvier 1960 (SHAT, (CADN, FAFC/62). Les commandos sont les 70 • BRH Secteur Ouest •• 10 fevrier I 960, p. 2 l 90 f.ntretien des auteurs avec Daniel Maugue,
6H239). • gardes clvlques •• une unlte suppletive que (SHAT, 6H248). Yaounde, 3 mars 2007.
31 lbid. nous abordons au chapltre 24. 71 Rene GRmeIJN, • Situation daru le departe- 91 • lnterrogatoire de Noumbl Joseph.,
32 /bid. SO Robert DELAVIGNIITTE, • Rapport "tres secret" ment Bamileke •, loc. eil., p. 13. Dschang, 19 mars 1959, p. 4; Dossier spc-
33 Cite /11Pierre PtussJER, Mass11,Perriu, Paris, au ministere de Ja France d'outre-mer ., 72 fbld. cial Singap du commlssarlat spedal, dossler
2003, p. 336. 20 mal 1946 (CAOM, l9PA). 73 ANY, 2AC346/8 (cite /11 Faustln KENNE, • Pollee politique •·
34 Note rnanuscrite de Pterre Messmer, 51 Entretien des auteurs avecJoseph Noumbissl feremieNd6/ene(1920-1960), 1111efig11reemble- 92 APO, 1AC52.
fevcier 1960 (SHAT, 1R201). et des membres de I' Assoclation des veterans 1natiq11e de la rebel/1011 camero,malse,memoire 93 Jean l<EUTCHA, U11pays, des ltommes, 1111
co11t1-
35 Lettre de Brland au com rna.ndant du sous- du Cameroun, notamment Paullne Rebeug, de maitrlse en hlstoire, unlversite de 11e11t,op. elf., p. 70.
secteur ouest, ie lleutenant-coionel Andre Douala, 10 mal 2007. Yaounde-1, 2001). 94 Jbld.
Lauriere, 12 janvler 1960 (SHAT, 6H239J. 52 Entretlen des auteurs avec le medecln-capi- 74 Note d 'infocmation, • Cameroun : sectionne- 95 Rene GR1BELIN, • Situation dans le departe-
36 Pierre AuFEUVRE,• Actlons menees par Jes taine Jacques Vaujany, Salnt-Jean-de-Luz, ment electoraJ. Pronostlcs •• 17 mars 1960 ment Bamileke ., /oc. clt., p. 14.
21 jaavler 2008. 96 lbld., p. 18.
forces fran~aises et camerounaises contre Ja (CARAN, FP.R151).
rebellion. Rlposte des forces de !'ordre •• 53 Etats de scrvlce de Rene Grlbelln (archives 75 Max BRlAND,• Evolution de la situation au
12 mal 1962, p. 17 (CADN, FAFC/62). personnelles de 1a famille GribclJ.n). cameroun, mars 1960 •, p. 8 (SHAT, 6H2S9).
54 lbid. Notes du chapitre 23 :
37 • Lutte totale contre Ja rebelllon et Je bandi- 76 Max ßRIAND,• Evolution de Ja sltuation au
tisme •• La Pressedu Cnmerou11,19 fevrler 55 Louis Dlo ll Max Brtand, • lnstruction per- La guerre « jusqu'au cou »
Cameroun, avril 1960 •• p. 10 ($HAT,
1960. L'articJe est signe de I'• envoye spectal sonaelle et secrete adressee par le mlnlstre Michel DEBRt, Gouvemer, tome 3, op. eil.,
6H259).
del'AFP». des Armees Plerre Gulllaumat au general 77 Max ßRIAND,• Evolution de la situatlon au p. 336.
38 • Le Cameroun, menace par l'anarchle, fait Briand •, 18 fanvler 1960 (SHAT, 6H47). 2 • BRH n° 47 de Ja compagnie de gendarmerie
Cameroun, mai 1960 •, p. 6 (SHAT, 6H259).
56 fbld. de Dschang •, 19 fanvier 1960 (SHAT, 6H257);
appel aux troupes fran~a'ises •• Les Dem/1:rcs 78 • L'ex-chef terrorlste Momo Paul ä
57 lbid. • BRH du poste SMR Koutaba/Dschang ••
Nouvel/esd'Alsace, 13 janvier 1960. Yaouade •, La Pressedu Cameroun,25-26 fuln
39 Cite it1 lbld. 58 Max BRIAND, • Rapport au sujet de l'evoJution 14 janvier 1960 (SHAT,6H2.S6).
1960.
milltaue du I" Janvler au 15 mars 1960 •, 3 Rene GRIBEUN, • Situation daas le departement
40 Jea.n-Pierre Benard, 23 novembre 1960 79 Max BRIAND,• Evolution de la sltuation au
21 mars 1960, p. 8 (CAON, FAFC/62). ßamlleke ., 10 janvier 1961, loc.dt., annexe 1.
(archlves personnelles de Max Briand). Camerou11, mai 1960 •, /oc. eil., p. 4.
59 Max BRIAND,• Rapport sur les operations 4 Jean EVINA,• Rapport de S0rete du 16 au
41 Phllippe NouRRY, • Pistes coupees, cases 80 Jean KEUTCHA, Un pnys, lies hnmmes,1111 contl-
mJUtalres au Cameroun en 1.960 •• 7 avril 30 novembre 1960 •, l" octobre 1960 (ANY,
lnceadiees, champs lncultes •, Le Figaro, 11ent,Les Presses du maaagement, Nolsiel,
1961, p. 3 (SHAT, 6H240). 1AA158).
21 janvier 1960. 1991, p. 69.
60 Max BR!AND,• Evolution de la sltuatlon au 5 Pierre T AILA, • Un pasteur bamileke raconte
42 Phillppe NOURRY, • La rebellioa dans l'Ouest 81 Max BRJAND, • Rapport sur la sltuation mili-
Cameroun, janvier 1960 •, p. 2 (SHAT, son evasion. Deposltion re~e ä ßafoussam le
du Cameroun ,, Le Figaro, 9 fevrier 1960. taire au Cameroun ä Ja date du 3 mal 19/iO»,
6H259). 29 avril 1960 • (eile l11Jean KELLER,• La
43 General de brigade Cathoulic, inspecteur p. 4 (SHAT, 6H239). revolte au pays bamileke et l'Eglise •• causerle
61 Max BRIAN0,• Evolution de la siluation au
general de la Gendarmerie outre-mer,
Cameroun, mars '1960 ., p. 6 (SHAT, 6H259).
82 Entretien des auteuTS avec Etienne Tch'inda, donnee aMarsellle en 1964).
• Lettre du Cameroun ", 26 janvier 1960, p. 3 62 Rene GR111FJJN, • Situation dans le departe- bras droit de Jfaemie Ndelene, ßamendjo, 6 Rene GRIBEUN,• Situation dans le departe-
(CARAN, FPR 151). 2 fevrier 2007. rnent Bamlleke •• /oc.clt., p. 22.
ment Bamllekth, 10 janvler 1961, p. 10-11
44 Max ßRIAND, • Rapport au sujet de t•~volutlon (CADN, FAl'C/62). 83 Faustin KENNE,}eremie Ndelene(1920-1960), 7 • BRH du GTN n° 12 •, 13-19 avrll 1960
milltaire du 1" fanvier au 15 mars 1.960 •· 63 • JMO de la 2• corn1>ngnle de con1ba1 du 11nefixure emblematlq11e de la rebe/11011 C(l111e- (SHAT, 6H254); •JMOde la 2•compagnlede
21 nws 1960 (CADN, l'AFC/62). 70• Rlmu • (SliA'f, 7U2807) ro1111nl.w,011.clt. combat du 70' flima • ($HAT, 7U2807).

694 59S
1(1mwrr111
/ Nutt·~

8 Max llRIANO, , Rnpport onnncl de) force~ ,nc11t1.onnol'f[Olt•nirn1lo pm~t•,1ion cn ,ioek 70 Rene GRIBEUN,• Situation dans Ie dcp11rte•
48 Entrc1lcn des auteurs avec Jacques Mermler,
fran~alses nu Cameroun pour l'an11ee ·1960 •, de • a,rtouchcs 12,7 Mi~ 47 h halle lnc~11• ment Bamllekt\ •, 10 janvier 1961, loc. eil.,
Paris, 14 juln 2008.
6' partie, p. 5 (SHAT, 6H268). dialrc • (SHAT, 611265).
49 Entretien des auteurs avec Daniel Maugue , p.42.
9 Rene GRtBELIN,• Situation dans le Mparte- 29 Rene ORIBWN, , Situation dans k• d6pnrie- 71 • Bulletin de renseignement hebdomadalre
Yaounde, 3 mars 2007.
ment Bamileke •, loc. dt., p. 22. men1 BamU~ke ., luc. eil., p. 14. du Bf.DOC du 8 au 15 octobre 1960 •, p. 3
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10 fbid., p. 24. 30 Palrlck-Charles RENAlJ0,• Algcrle 1954-1962.
p. 4 (SHAT, 6H25S). (ANY, lM 158).
11 Max BRIAND,• Evolution de la situation au B-26 au secours des fantasslns •, <www. 72 Commandement lnterarmees des forces fran-
S l Rene GRIBEUN,• BRH 0° 15 ., 4-10 mai 1960,
Cameroun, mai 1960 •, p. S (SHAT, 6H259). aerostorles.org>. ~a.isesdu Cameroun/Groupement Sud, • Pro-
p. 5 (APO, lAA 173).
12 Faustin KENNE,les GrandsChefs de l'/11surrec- 31 Entretien des auteurs avec ~Licnne Tchlnda, bleme des rallies du Mungo., 26 septembre
52 Rene GRraEUN,• Situation dans le departe-
Uon armeeen pays baml/ckc et leurs nctlvitesde Bamendjo, 2 fevrier 2007. 1960 (SHAT, 6H243).
ment Bamileke ., loc. dt., p. 32.
1955 t) 1971, op.c/t., p. 263-264. 32 General de brigade aerienne LAB1T,• Moyens
53 Entretien des auteurs avec Jean Donfack, 73 Max 8RIAND,• Campte rendu tclmestriel clc
13 • Bilan mois d'avril 1960 •· document aeriens et actlvlte operatlonnelle de l'annee renseignements. Demler trimestre 1960 ••
Balessing, 20 fevrier 2008.
manuscrit (SHAT, 6H264). de l'air au Cameroun •, /()(, cit. 9 janvier 1961, p. 3 (SHAT, 6H2S9).
54 Max BRIAND,• Evolution de la Situation au
14 Rene GRIBELIN, • Situation dans ie departe- 33 General Robert StZAIRE,• Rapport annuel
Cameroun, mars 1960 .. , loc. dr., p. 6. 74 • Rapport de S0rete du l" au 15 octobre
ment Bamileke ., loc. dt., p. 30. 1960 du commandemenl superleur de la
55 Jean EVINA, • Rapport de St'.irete du 16 au 1960 •• p. 16 (ANY, 1AA158).
15 Piches du 3' bureau de l'etat-major du zone d'outre-mer n• 2 •• Brazzaville, 15 mars
30 novembre 1960 •, 1" octobre 1960 (ANY, 7S Fragment de lettre de Paul Momo ä Abmadou
commandement lnteraTmees des forces fran- 1961 (SHAT, 6H39). Abidjo (APO, 1AA7).
lAAl58).
~aises au Cameroun : • Enseignements a tirer 34 Entretien des auteurs avec Jean Donfack,
S6 • Rapport sur les evenements survenusa 76 Fawtin lw-'N&, les Grands Chefs de l'lns11rrec-
des Operations de MO [malntlen de !'ordre] Balessing, 20 fevrier 2008. tion anneeen paysbamileki et leurs actlviles de
Douala, dans l'apres-mldl du 31 mal 1960 •
au cours de l'annee 1960 dans Ie Bamileke. 35 Entretien des autems avec Djumo Youmbl, 1955 tl 1971, op. dt., p. 278.
(CADN, FAFC/56, • Organisation judiciaiie,
(SHAT, 6H262). Douala, 30 mal 2007.
securlte poilce terrorisme •). 77 lbid.
16 Rene GR!BEUN,• Situation dans le departe- 36 • PV du comite de coordlnation et d'orlenta- 78 S0RErtD&BAF0USSAM, • Capture Momo Poul .,
57 Jean-Jacques OmER, Nous r/Jvlonsde chan,gerJe
ment Bamileke •, loc. dt., p. 31. tlon du renseignement du departement
monde,op. clt., p. 177. 17 novernbre 1960 (APO, lAA7/2).
17 GTS, • Bulletin de renseignements •, 17 juln Bamileke •, Dschang, 2S janvier 1960, p. 2 79 BRIGADE DEGE,'IDARMERIE DEMB0UDA,• ßulletln
58 Jean EvlNA, • Rapport de S0rete du 16 au
1960, Douala (SHAT, 6H243). (SHAT, 6H264) ; chef de batalllon Alaln
30 novembre 1960 •, /oc.cit. de renseignements: mort du rebelle Ndeien~
18 Telegramme du Cominterarm Cameroun au AGENET,commandant le quartier ßamileH, Geremie •, 27 novemhre 1960 (APO,
59 Max ßRIAND,• Rapport sur Ja situation mili-
cabinet du mJnist~re des Annees, • Evene- • CR des demandes operatlonnelles du prefet
taire au Cameroun il 1adate du 8 aoüt 1960 •, 1AA7/2).
ments du 18 au 25 juHJet ., 26 juillet 1960 du Bamileke lors du CCO •, 26 janvier 1960
p. S (SHAT, 6H239). 80 /bid.
(SHAT, IR201). (SHAT, 6H243).
60 • Bulletin de renseignement hebdomadalre 81 Meslllln l<ANGUEL!EU TCH0UAKE,l,a Rebellion
19 Max Ouv1ER-LACAMP, • TerTorlsme au Came- 37 Alain AGENET,• BRH du sous-secteur Ouest armee il l'Ouest-Camero1m (1955-197 l ),
du BEDOC du 8 au 1S octobre 1960 •, p. 4
roun •, le l'lgaro,23 mars 1960. du 25 au 31 janvier 1960 •, p. 4 (SHAT,
(ANY, 1AA158}. 0/1, dt., p. 89.
20 lbid. 6H256).
61 Max BRIAND,• Rapport sur les operations 82 Phllippe DECRAENB, • Un natlonaiistc
21 fran~ois-Xavier VERSCHAVE, La Fran,nfriq11e, 38 • Renselgnements, act!vltes de l'armee de modere•, Le Monde,26 julllet 1960.
militaires au Cameroun eo 1960 •, 7 avril
op.cit., p. 102. l'air en 1960-1961 •, janvier 1960, annexe 1, 83 Max BRJAN0,• Rapport sur !es operations
1961, p. S (SHAT, 6H240).
22 Mongo ßn1, Main basse s11rJe Camero1111, p. 2 (SHAT, 6H241). militaires au Cameroun en 1960 •, 7 avrll
62 Eugene-Jean DuvAt, Le Sillnte m/1/talre de /a
op.clt., p. 86. 39 Jbld.
Frr.mce au Cameroun,op. clt., p. 330. 1961, p. 9 (SHAT, 6H240).
23 Max BARDET et Nina THELLIER,0.K. Cargo !, 40 Alain AGENET,• BRH du sous-secteur Quest 84 General de brlgade aerieune LAsrr, • Moyens
63 • Max Louis Brland, 1905-1992, general de
op.dl., p. 85. du 25 au 31 janvier 1960 •, loc. cit., p. 4. aeriens et activlte ope.ratlonoeUe de l'armee
dlvision • (SHAT, l4Ydl623).
24 Gai!.lle LERov et Valerie OsouF, Camermm, 41 • BRH de la compagnie de gendarmerie de
64 Max BRIAND,• Rapport sur Las.ituation mm- de l'air au Cameroun •, loc. clt„ p. 7.
m1topsied'une lndependance,2007 (doCUIIlen- Dscbang ., 26 janvler-2 fevrier 1960, p. 5 85 Max ßRIAND,• Rapport sur les operations
taire au Cameroun ä la date du 8 aoC1t1960 •,
taüe de Program33). (SHAT, 6H257).
p. 6 (SHAT, 6H239). mllitalres au Cameroun eo 1960 •, loc. clt.,
25 Entretien des auteun avec tue Tchokokam, 42 Alain AGENET,• BRH du Dispositif de protec-
65 • Max Louis Brland, 1905-1992, general de p. 6.
Yaounde, 16 fevrler 2008. tlon du l" au 7 fevrier 1960 •• p. 5 (SHAT,
divlsion •, l()C.dt. 86 Andre BIJ\NCHET, « Le Camewun 1962: paci-
26 Alain Rusc10 • lndochine, Algerie : "Du bon 6H255).
66 Rene GRUIBLIN, • Situation dans le departe- fication et reunification •, conference devant
usage colonial" du napalm •, L'H11manite, 43 Rene GR!BELIN, • Ordre d'operation », 19 juin le Graupe d'etudes des problemes alricains,
ment Bamileke ., 10 janvier 1961, p. 47
9 octobre 2007. 1960(SHAT, 6H241).
(CADN, FAFC/62). Centre d'etude de polltique etnngere,
27 Entretien telephonique des auteurs avec 44 General de brlgade aerienne LAllrr,• Moyens 26 octobre 1962, p. 7-8 (Fonds prlves
67 Jean EvtNA, • Rapport de Sürete du 16 au
Claude Capdeville, 24 octobre 2008. aeriens et activite operatlonnelie de l'annee
30 novembre L960 • (ANY, IAA158). d' Andre ßlanchet, Academle des sclences
28 General. de bcigade aerlenne LAl!rr,• Moyens de l'alr au Cameroun ., /(JC. dt.
68 lbld. d'outre-mer).
aeriens et activlte operatloanelle de l'armee 45 Robert S17..AIRE, • Rapport annuel 1960 du
69 • PV de la seance de !'Assemblee des combat- 87 • BulleUn de rensei.gnement hebdomadalre
de l'air au Cameroun •• decembre 1959- commandement sup(!rleur de la zone du BEDOC du 8 au 15 octobre 1960 •, p. 11
tants, upecistes et Udefec, tenue ä Maingul le
octobre 1960, p. 7 (SHAT, 6H241). Une ewde d'outie-mer 11•2 •, loc. dt.
S septembre 1960 •, reproduit /11• Bulletin de (ANY, 1AAlS8).
anonyme de roars 1961, lntttulee • Archives 46 1/Jld. 88 Rene GRlllF.l.lN,• ßRH du GTN n° 38 ., 12 nu
renseignement hebdomadalrc du GTN du 12
campagne Cameroun. ~tude g&lmiliWlre •· 47 1/Jld.
illl 18 octohre 1960 ., p. 2 (ANY, 1AA158). 18 od:obre 1960, p. 2.

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Nr,tc•,

89 Max llRJAND,• Rapport sur lcs op(lrotlom 33 l ettre de l'lerre Gulllaumat ä Louis Lc 53 NOll' llU prNct de Ja r(•glon llamlleke, Enoch
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90 lbid. l'Armir ri1111rm1111"heclr 1959 a 19/(), 34 F,ntretlen des auteurs avcc Mmc Quezet- propos de I'• organlsallon des regroupe-
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de Yaounde-1, 2002. p. 36. 35 l'osn5MB KOUTABA Dsc1tANG,• BRH du 22 au (archives personnelles de Gregolre Momo,
17 Christian DU CRESTOEVILLfNEUVE, Rapport 27 decembre 1959 •• annexe : • Fiche deren- Dschang).
Notes du cbapitre 24 :
selgnement sur l'armec populalrc ßamileke • 54 • PV de la reunlon du 15 fanvier 1962 du
Repression« a J'africaine »
a11nue/ d11sec1e11r011~st,J959, op. r:/1.,p. 1.
(SHAT, 6H255). comite speclal • (CARAN, FPU 468).
18 AJe.xis GArl.s, • Synthese hls1orlque sur les
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mecle camerounaise •• Ge11dam11'rie 11atio1111Je,
la guerre psychologlque •, Joc.eil. Revued'etudes et d'l11fonnat1011s, 4• trlmcstre 1961, p. 4 (SHAT, 6H240). fevrler 1962 (CARAN, FPU 466).
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20 Christian DUCusr OEVJUENEUVE,Rapport
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mmuel d11sect.eur011es1,1959, op.eil., p. 3.
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21 • Tableou des forces armees et forces
5 Confcrence de Picrre MESSMER devant la p.4. 59 Clte /11Rene GRrBEI.IN, c BRH n• 38 du GTN du
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gucrre (ESG), 21 avril 1959 (eire /11David SER• risme en pays bamlleke ., octobre 1986 60 Fiches du 3' burcau de l'etat-mafor du
22 Christian Romeo BADIYIINA MOUKO,l'Annee
VENAY et Gabriel PtR1~. Uneguerre,mlre,up. (archives personnelles de Momo Gregolre, commandement lntcrarrnees des forces fran-
camerowwlscde 1959,l 1970, op. clt., p. 54.
dt., p. 29-30). falses au Cameroun; • Enselgnemcnts ä tlrer
23 Amar MOKHTAaJ,• Torture pendant trente- Dscbang).
6 Louis Le PIJLOCH,• Rapport annuel 1958 de 1a des operatlons de MO au cours de l'annee
quatre Jours par les hommes de Blgeard •• 41 Alaln AGENET,• Organisation de !'Armee
zone de defense d'outre-mer n• 2 •• loc. dt., 1960 dans le Bamileke • (SHAT, 6H262).
l'Hwnanltd, 23 aoOt 2000. populaire bamUeke •, [s.d., sans doute 1960)
p. 159. 61 lbld.
24 Marcel 81GEARD (avec le sergent-chef Marc (SHAT, 6H262).
7 lbid., p. 163. 62 • BRQdu 12 mars 1960 • (SHAT, JR201).
A11c11ne
Ft.Ald.ENT), bete au mo11de,La Pensee 42 Max BRIASO,• Rapport sur Jes operations
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moderne, Paris, 1959. mllJtaircs au Cameroun eo 1960 ., Joc.eil.,
taires •• 6-10 octobre 1959, conclus.tons du Colomb, Ntmcs, 19 deccmbre 2008.
25 Amar MOKHTAJu, • Torture pcndant trente- p.5.
general commandant superieur Louis Le 64 Entreti.en des auteurs avec Jacques Vaujany,
quatre Jours par les hommes de Bigeard •, -13 Alexis GALts, • Synthese hlstorlque sur les
l'uloch, octobre 1959 (SHAT, 6H30). Salnt-Jean-de-Luz, 2008.
9 fbld. loc.dt. evt!ncments du Cameroun, d'octobre 1960 ä
65 Georges CHAFFARO, les Camets secretsde In
26 1:.ntretlcn des auteurs avec le Colonel SyJ. 1962 •, loc. eil., annexe, p. 10.
10 Jean LAM8E1rroN, • Action clvlque et soclale dcco/0111,atlcm, tome 2, op. c/L, p. 400.
vcstre Mang, Yaounde, 13 fevrler 2008. Un 44 Gregoire MOMO,« Informations sur le terro-
dans les troupes afrlcalnes •• 22 mal 1958 66 Entretlen des auteurs avec Jacques Menier,
(SHAT, 6H243). • Blgeard boy •, qul a crapahute avec Lef~vre, rlsme en pays bamlleke ., Joc.dt., p. 39.
Salnt-Ooud, 2009.
11 Louis LEPUJ.octi,• Rapport annuel 1958 de la conf!rmc l'appreclatlon sur ce lleutcno nt 45 lbld.
67 Jean LAMDF.RTON, • Les Bamlleke dans
zone de defense d'outre-mer n• 2 •, loc. clt., • relat!vement grand, tres abordable et tres 46 Max Ouv1u-LACAM1•, • Terrorlsme au Came-
le Cameroun d'aujourd'hul •• loc. clt.,
p. 159. erucllt • (entretien telepbonique des auteurs roun •, le Figaro,23 mars 1960, p. 5. p. 460-477.
12 General Lionel-Max CHASSJN,« Du rOle du 24 aoOt 2009 avec Frands Agostlnl, qul a 47 Louis LEPuLOCH,• Rapport au sufet de l'inter- 68 Annotation manuscritc de Jean Lamberton,
ldeologlque de 1'armee •• Revue 1111/ltalre cötoye Jacques-Louis Lef~vrc au sein du vention des focces armees franc;alses au arcblves pcrsonnelles.
1/'infonnnL/011,10 octobre 1954 (clte i11Marte- 3• regiment parachutlste colonlal en Algerle Cameroun depuls juln 1959 ., loc. clt., p. 6. 69 Capltaine Ange AGOSnNI,Apcrpt des l11Sllt11•
Monlque ROBIN,Escadro,1sde Jamort, l'ecoJr de 1957 ä 1959). 48 hAT·MAJOROESFORCE$ TURF.STRES STATIONN{ES /Ionspolltlq11es et soclolescuutumleres1/es8aml-
frm1false,op. c//., p. 140). 27 Entretlen des auteurs avec le colonel Celestln OUTRE-MtR, • Fiche Interne. Garde clvique du /€kes,CMISOM, 4' trtmestre 1959.
13 lbid., p. 163. Nguernaleu Cbealeu, Oouala, 6 mars 2008. Bamlleke •• 15 Janvler 1961 (6H27t). 70 Rene CoGNY, • Mesures a prendre en cas
14 Lettre de Michel Oebre au mlnJstre d'ttat 28 Entretlen des auteurs avec le colonel Paul- 49 Lettre de Jean-Plerre Benard ä Ahmadou d'une aggravatlon, de la sltuatlon au Came-
charge des celatlons avec le Togo et le Came- Theodore Ndfock, Makak, 5 mars 2008. Ahidjo, 3 decembrc 1960 (CADN, FAFC/62). roun ., loc. clr.
coun, au mlnlstre des Affalres farangeres, au 29 • Fiche de renseignements : sltuation en 50 • PV de la conference de llalson du Jeudl 71 Andre LAuRrtRE,• Rapport SUI les activites du
mioistre des Armees et au ministre des IGAMIE bamileke •, 20 septembre 1961 13 octobre 1960 A Douala •• p. 11 (ANY, GTS, du 23 fevrier au 31 decembre 1960 •,
Flnances, • Objet : Traosfert au Cameroun (SHAT, 6H262). IM158). p. 3 (SHAT, 6H240).
des competenccs encore cxercees par la 30 Entrellen desauteurs avec le colonel Celcs1·In 5l Jean-Franc;ols BAYART, l.'Etnt au Camerou11, 72 Michel DEBRt,Guuvemi:r,up. dt., p. 336.
France en mattere de Defense •• 1J sep- Nguemaleu Cbealeu, Douala, 6 mars 2008. llp.til. 73 Jean-Jacques OoIER,No11srevimu de changerJe
tem.brc 1959 (SHAT, 6H4 7). 31 Alexis GAL.ts,• Synthese hlstorlque sur !es ,52 Lettre du secretarlat d'tlat aux Affalres etran- mo,ule,op. dl., p. 179.
15 lnstructlons de Porls re~ucs par le Haut eveneme,ns du Cameroun, d'octobre 1960 b R~res (dlrcctlon des Affalresafricalnes et mal- 74 SSDNFA, • Synthese hebdomadalre du 4 au
Commlssalrc, 20 octobre 1959, llraZ1nvlllc J962 •• ltH tlt., annexc, p. 10. gaches) ;,u 111lnlst rede la Cooperatlon, 10 Julllet 1960 •• 11 fui!let 1960 (SHAT,
(SHAT, 61163).
12 Jhld., 11 1S 21 f(>vrle1l962(CMAN, ~1'U 468). 1R20l).

WR 699
N()tl'~
l\llllll'nlff /

JO David SERVlNAY, • Lc~ occords secrets 11vec


75 1/Jld. Not es du chapltrc 25 : 14 1..~ .itrnrds sur l'asslstancc technlque et sur In
l'Afrlque: cncorc d'~poque? •• Ru,•89,
76 • Rapport de SOrcte du I" a11 15 octol.>rl' Le polson de la Fran~afrlque Mls~ion mllllcllre frarn,.alscsont dlsponlblö ~ur
1960 •• p. 11 (ANY, IAA158). un des sites Web de l'ONU, <tA-aties.un.org>. 26 lulllet 2007.
Entretlcn de Roger FaUgotavec Paul Grossl11, 31 Robin LUCKIIAM, • Le mllltarlsmc hant;als rn
77 Rene HOFFHERJ\, • Le problcme de l'indepell• 15 Robert SrZAJRE, • Situation des fo1ces arme.es
12 fuin 1984 (Cltc 111Roger FAUGOT,
• l,a vrok'- Ahique •• Polltl<Jue a(rlcai11t, n• S,
dance au Cameroun et au Congo beige•• fran~lses au Carneroun •, teure au minlstre
l,x:.eil. fousse lndependancc des colonlcs rran~·alscs fcvricr 1982, p. 97.
des Armees, 14 dkembrc 1960, p. 2 (SHAT,
d' Afrique subsaharlenne ., 111Roger FAUGOT 32 Moshc AMMI-OZ,• La formatlon des cadres
78 Presentalion du rapport devant 1'Academle 6H239).
des sclences d'outre-mer, 5 revrler 1960 et Jean Gu1sNEJ.(dir.), f//1rnlr1• secri'te de la mllitalres afrlcalns lors de la mlse sur pied des
16 /bld., p. 1. armees nationales•, Revuefranfalse d't1111/1•1
(Rene HOFFHUR, • Cameroun et Congo \,"'Rlp11b//q11e,
op. eil .• p. 113). 17 , PV de reunlon du comlte rnilitalre mhrte
beige : lmpressions d'un recent voyage •• p11l1tq11esafrlc11/nes, n• 133, lanvlcr 1977,
2 • Nouveau proiet de conventlon rranco- permanent •, 29 novembre 1960 (SHAT,
p. 87-88.
loc. cit.). a
camerounaise relative la Defense, ö l'ordre 6H239). L'cxlstcnce de cette conventlon 33 Robin Luott!AM, • Le rn llltarlsme frani;als cn
79 Rene Homwu1, • Le probl~me de l'lndepen- public et ä l'emplol de 1agendarmerle •• cltl? secrete et l'acceptatlon des demandes Afrique •, /oc. clt.
da nce au Cameroun et au Congo beige•, in lettre du general Le l'uloch au general d'Ahldlo sont confirme.es par une lettre de 34 Voir Paul et Marle-Cathertnc Vll.UITOUX,La
loc. ciL d'armee lnspecteur des forces terrestres Jean-Pierre Benard ä Michel Oebre du Rt!publlqueet so11"nm!e (ace au • perl/ s11b-
80 Andre L\URltRE,• Rapport 1960 Groupement Garbay, • Accords Franco-camerounals ••
tactlque Sud•, 10 revrler 1961, annexe 8 3 dl?cembre 1960 (CADN. FAFC/62). wrsi( •• op.dt., p. 529-561.
13 septembre 1958 (SHAT, 6H63). 18 • Accords de defense entre la France et le 35 Voir notamment Marle-Monique Roa1N,
(SHAT, 6H240).
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81 Louis LEPULOCtt,• Rapport sur la Situation
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mllltaiie au Cameroun en decernbre 1959 ••
p. 6 (SHAT, 1R201).
roo11,Scarecrow Press, Londres, 2000 (3• edl• 19 Rapport de Max Brland a
Rene Slzaire sur 36 Plene M=tER. Aprestm1tc/ebataille1, op.clt.,
tlon), p. 237 [notre traduction). l'annce 1961, 20 deccmbre 1961 (SHAT, p. 271.
82 SSDNFA, • Synthese hebdomadalre du 4 au
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6H40).
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83 Cite l11Frank GARB!:J.V, L'Assnss/nnrde Felix- situation polltlque ., mai 1959 (SHAT, Plene Benard, 22 decembre 1961 (CARAN, 38 Robert SJZAIRE,• Rapport annuel 1960 du
RnlandMoumie,op. c/t. IOT178). FPU 468). commandement superleur de la zonc
84 Max BRIAND, • Rapport sur la situation mil.1· 5 lbld. 21 Note du general eher d'e.tat-ma1or particulier d'outre-mer n• 2 ., Brazzavllle, 1S mars
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1960, p. 5 (SHAT, 6H239). Paris, fevrler 2008. ~a ises au Cameroun •· 4 1anvler 1962 39 Jean PouGI.T, • Ce mal rapponl? d'lndo-
85 Frederic FL'<KAM,Les RevelC1t/UflS t/e Jean 7 Jacques RoussEAu, M~mo/res (non publles), chlne •, Hlstorla Magazl11e, numfro spklal L<1
(CARAN, FPU 468).
Fochlve,le ehe{ de Japollce politlque despresl- p. 288. guerred'Algerle, 1972.
22 Plerre Au,EUVRE,• Actlons menees pa r les
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2003, p. 106-108. 41 Voir Marie-Monlque ROBIN,Escadro11s r/1•/11
commandant superleur ZOM n° 2 Brazza- la rcbellion •, 12 mal 1962, p. 3 (CADN,
86 Phlllppe NOURRY, «j'al vu les Haoussa, l'arc mort, /'ecolcfmnfalse, op. clt. ; et Gabriel Pt,ut~
ville, Secret (SHAT, 6H266). FAFC/62).
bandl?, monter la garde aux quatre colns du et David SERVENAY, Une,~uerre 110/re,
op. cit.
9 Letlre d'Ahldjo au Premier mlnlstre fran~ais, 23 l'rederlc TuRPIN, • Le passage ll. la dlplomatle
quartier bamill?ke ., Le Figaro, 10 fl?vrier 42 Gabriel Pta1ts et David SUVlNAV, lbltl.,
31 dl?cembre 1959, annexe 1 : • Convention bilaterale franco-africalne apr~s l'echec de ta
1960. p. 65-66.
partlculiere sur le cöle et le statut de la mls- Communaute •, Rrlallo11s l11tematlo11ales,
87 • BRH de la compagnle de gendarmerle de -13 Jean 1.AMllEKT0!-1,• Les armees de 1aCommu-
sion fran,;aise d'asslstance technique •; n° 135, mars 2008, p. 25-35.
Dschang ., 12 au 19 1anvler 1960, p. 18 naute •• expose au CMISOM, 1" trhnestre
(SHAT, 6H2S7). annexe 2 : • Conventlon particullere concer- 24 Maurice LIGOT,Les Accorclsde cnopemtl<m entrr 1961, p. 10. • Rien n'est plus trompeurque le
88 • BRH de la compagnle de gendarmerle de nant le statut des forces armees fran\.aises sta- la Fm11ceet /es twts a(r/CC1lnset 111algC1che tltre de cettc causerle ., releve Lamberton cn
Dschang •, 19 au 26 fanvler 1960 (SHAT, tlonnees au Cameroun • (SHAT, 6H239J. cl'expre,1.do11 preface de Jacques Foc-
(ra11,11/se, lntroductlon : • Les conceptlons Initiales
6H257). 10 /bid. cart, La Docurnentatlon fran~atsc, Paris, d'une communaut~ franco-afrlcalnc
89 • BRH de la compagnle de gendarmerle de 11 Note de Jean-Plerre Benard pour Michel 1964, p. 39. s'estomp[antl peu 11peu, [ ... J j'orlenteral
Dsd1ang •, 26 janvier au 2 fcvrler 1960, p. 18 Debre, • Futures conventlons mUltaires 25 /bld., p. 22. mon expose sur la coopl?ratlon mUltalre .•
(SHAT, 6H257). avec le Cameroun •, 19 mal 1960 (CADN, 26 Clte 111Alfred GROSSER, La Polltlq11e
ex!erleitre 44 • JMO du Groupement de gendarmerie du
90 Piet KONINGS, • Autochtony and ethnlc clean- PAFC/62). de la \? Rep11bll,1ue,JeanMoulln, Paris, 1965, Cameroun •• juUlet-decembre 19S9 (SHAT,
sing In the post-colony: the 1966 Tombel 12 • M. Charles Assale met la rebclllon dan.s p. 74. 6H109).
disturbances ia Cameroon •, lllternatlonal l'impasse •, LCIPresset/11Cumrrmm, 6-7 aoOt 27 Michel Df.BRt,Go11vtmer,tome 3, 1958-1962, 45 Fran~is-Xavler VEIISCHAVE, La Fra11fafrlq11e,
/mml(I/ of A(rlca11Hlstorlcal Studies, vol. 41, 1960. op.cit., p. 109-126,
op. eil., p. 34 1.
n• 2, 2008, p. 203-222 (disponible sur Rt1pportd'l11(11m10-
13 Voir /\SsEMBtlENATIONAU, 28 Jollen Mm.10N, • L'lnventlon de l'alde fran- 46 Pierre Pt>.N,A{falrts afrlc11/11es,
Fayard, Paris,
dindartlcles.com>). 1983, p. 64.; Maurice 0ElAUNEY,K11ln-kala,
tio11de la Comml.n/011de la Of(e,,se11111/01111/e
et i;alse au developpernent •, tue.clc.
91 Michel DEBRt,Go11vm1er, op.dt., p. 336-337. tles Fm-crsarm~rsSttr /,• rn111rOkpmlrmr11111/rt• 29 Mau rlcc LrGOT,LesAcronls tle cooperat/1111
e11tre op. dt., p. 180.
de, 11ph(t//u1i,1rxthlcttre~. 8 inar~ 2000, /,1 Fm11ceet /es lwt.1 t1{rlca/111et 111algacl1e 4 7 • l'orccs arm~es et les forccs publlqucs du
<WWW,llSSl'lllble<• nnflonntr fr.>. tl'<'xprt•~.do11 op.clt., p 42.
(m11(11/le, Gnbon, 1962-1964 •• rnpports s<>cren du

700 701
I
K11111c:r,111
Note'\

17 Phlllppe GAILLARD, Ce Cameror111, tome 2, 34 Rappott de flran~o!s de Qulrlelle au mlnl-


5 fuln 1962 et du 15 fulllrt 1963 (S11AI, 67 Frnn11Fi\NON, • Lu mort (ll' Lum11mbo : pou-
op. cit., p. 65. stere des Affaires etrangeres, 4 juHlet J 962
15H79). vlons-nous faire Jllttc,uent 1 ., Air/qm•
18 Phillppe GAILI.ARD, AlrmarlouAhldj<!,patrlote et (CARAN, FPU 466).
48 lbld. ; etats de servlce de Rene Grlbclln Actlu11, n° 19, 20 f~vrler 1961 (/11 Fran11.
despote,bathseur de l'tcat amrerOLmals, Ofl.ciC., 35 Dlscours d'Ahmadou Ahldjo il Bafang,
(arcblves personnelles de Ja famllle Grl- FAN0N, t>o11rJa rdvol11tlo11a(rtc11l11<',
"//· clt.,
p. 137. 20 jutn 1962 (CARAN, FPU 466).
beUn) ; et Thcophlle ASS0UM0U-MOMBEY, p. 217).
19 Note deJean-Pierre Benard äJacques f'occart, 36 Note de Claude Rosta!n au president de
• L'evolution des forces armees gabo- 68 • Rapport de SOrcte du I" au 28 fevrler
2 mars 1962 (CARAN, f'PU 466). GauUe, 8 decembre 1962 (CARAN, FPU 466).
nalses •• Gabon Maein, Hors se.rie « Special 50 1961 •, p. S2 (ADD).
ans•• 14 aout 2010, p. 32. 20 Entretlen des auteurs avec Paul Audat, Fer- 37 Daniel ABWA,Sado11 Dao11do11 parle, o{I. dt.,
rieres-les-Verreries, 25-26 juln 2007. p. 97-98.
49 l'lerre PEAN,Affnlr~s a{rlcnlnes,op.dt., p. 51. Notes du chapitre 26 :
21 Jean-Fran~ois BAYART, L'bat 1111 Camerorm, 38 Lettre du chef de region Bamilcke au Haut
50 lbid. Le dictateur s'instaJJe
op.clt., p. 55. Commissalre, 22 avril 19S8 (CADN,
51 Max BRIAND,• Evolution de la Situation au
(1961-1963) 22 Cite In lbid., p. 92. FHCC/8).
Camerow1, aout 1960 •• p. 3 (SHAT, 6H259).
Ahmadou AHIOJO,« Allocution prononcee 23 C1te Irr/bJd.,p. 203-204. 39 Pasma NGBAYOU M0LUH,Le Ce11trede reed11ca-
52 Etat-major du commandement interarmees
devant le Part! national unifle ~, Ebolowa, 24 Samuel l<AMt,« L'UC doit-elle ~tre un partl de C/011clvique de Mancoum (/ 962-1975),
des forces frarn;aises au Cameroun, 2' bu.reau,
5 juiUet 1962 (Jr, Ahmadou AttlDJ0, Autho- masse ou un partl d'elltes? La mobilisation memoire d'hi~"toire, universite de Yaounde-1,
• Reunion des membres du comite d.irecteur
lo,ile des dlscours. 1957-1979, tome l, Les des masses. Les adversaires politiques •• Pre- 2005, Annexe 6.
de l'UPCa Eseka •, 9 septembre 1960 (SHAT,
Nouvelles il.dttions afrlcalnes, Yaounde, mier stage des responsables de !'Union came- 40 Sur le camp de Mantoum, voir le memolre de
6H236).
1980, p. 238). rounaise, Yaounde, 1" au 6 ao0t 1961 mafülse de Pasma NGBAYOU MOLUH(lbld.).
53 Commandement interarmees des forces fran-
2 Phillppe GAILLARD, Le Camerorm, tome 2, (archives personnelJes de TI1eophile Nano). Pour celui de Tchollire, on lira le recit semi-
~aises au Cameroun, Bulletin de renseigne-
Ofl.eil., p. 29. fictlonnel d'Emmanuel BrrYEKJ(qui y resta
ments • Reorganisation de l'Ul'C legale•, 25 ßrochure que l'on retrouve dans les archives
24 mai 1960, p. 3 (SHAT, 1R20l); Max 3 MISSIONDE LIAISON AVECLECAMER0UNETLE milltaires fran~aises : • Comment devenlr plusieurs annees) : Tc/101//re.La co/1111e arrx
TOGO,• Le cameroun, problemes actuels •, oisea11.t,Sopecam, Yaounde, 2004. Pour les
BRJAND, • Campte rendu trimestriel de rensei- un vrai militant polit!que •, 15 avrll 1960
gnements du 1" julllet au 20 septembre fuin 1961 (CARAN, PPU 467). deux camps, on pourra se reporter au recit
{SHAT,6H262).
4 Ahmadou AHIDJO,• Di.scours ä la natlo11. d' Albert MUKONG,Prisomrer wlt.hout a Crlme.
1960 • (SHAT, 1Rl01). 26 Rapport de Fran~ols de Qulrielle au MAE,
Journre nationale de deuU, 31 mal 1961 • (In Dlsclp/111/,rgDlsse11t/11Ahldj()'S Camero<m,
54 Jean-Francis Hfil.D,L'Affaire Mo11mle,Fran~ois • L'etabllssement du parti unique •, 4 fulllet
Maspero, Paris, 1961, p. 18. Ahmadou AHJDJO,Antho/ogles des disco11rs. Langaa Research Publisbing, Bamenda, 2009
1962 (CARAN, FPU 466).
19S7-I979, tome 1, op. clt., p. 132-133). (premlere edition, 1985).
55 Marthe MouM1t, Victime du cn/011/allsme 27 Telegramme de l'ambassadeur Jean-l'lerre
(mnfais : mon marl Felix M<1tunie,op. clt., 5 Michel PRou,Br, Le Camerorm,LGDJ, Paris, 41 Pasma NGBA Y0UMOJ.Uli,l,e Centrede rfrd11cn-
Benard, 28 avril 1962 (CARAN, FPU 466).
t1011clvlq11ede Mantoum, op. eil., p. 13.
p. 77. 1974. 28 L'Es.ror des Je11rrt1s,mars 1962 (cite /11 Paul-
56 Wilson NDEHNTUMAZAH, A Conversatlonal 6 Max BRIAND,« Compte rendu trimestriel de 42 Paul et Marle-Catbe.rine VnJ.AToux, La Repu-
Valentin f.M0G, Le f>or/'eurde wmes, Ofl. clt.,
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A11tobiogmphy, Patron Publ!shing House, p. 71).
Bamenda, 2001, p. 681. 5 octobre 1961, p. 7 (SHAT, 6H259). op.clt., p. 225-235.
29 La Semainecamerormalse,15 mars 1962 (dte
57 Paul AUSSARESSES, fe n'ai pas C()llt tlil. lfltlmes 7 Entretien des auteurs avec Jacques Rousseau, 43 Entretien des auteurs avec Celestln Lingo
in Jean-l'ran~ois BAYART, L'bat ,111 Camerorm, (qul a passe quatre ans et huit mois au CRC
reve/ations au servlce tle la France. e11tretle11s Paris, 6 fevrler 2008. O(J.cit., p. 103).
avecfean-CharlesDenl//11,Rocher, Paris, 2008, 8 Jacques RoussEAu, Memoires (non publles), de Mantoum), Vaounde, 18 fevrler 2008.
30 Ordonnance n° 62-OF-18 du 12 mars 1962 44 Comme le releve Abel Eylnga (Mandat d'arrUt
p. 103. p. 3-4. portant repression de la subverslon. Pour
58 lbitl. 9 Entretlen des auteu:rs avecJacques Rousseau, po11r ca11sed'electio11s,
op. cit.).
couronner le taut, une seconde ordonnance, 45 • Proces-verbal de Ja reunlon du 11 janvler
59 Cite In Frank GARB&Y,L'Assassinat de Fellx- Paris, 6 fevrle.r 2008. publlee le ml!me jour, etend a taut le
RoJantlMoumie, op. eil. 10 Abel EYTNGA, iWandatd'arret pour rnmes d'€/ec. 1962 • (cite ;,, Pasma NGBAYOU MOLUH,Le
Cameroun les mesures les plus repressives de Ce11trede reed11c11Uo11 dvlq11e de M111rtrw111,
60 PhHippe BERNERT, SDEC:E,Service7, op. elf., /Ions, op. c/1„p. 23.
l'etat d'urgence proclame fusque-lä unique- op.dt., Annexe 6).
p. 207. Jl l'hilippe GAILLARD, Le C:amerorm, tome 2,
rnent dans certaines regions (ordonnance 46 Lol federale n° 63-30 du 25 octobre 1963
61 Pascal KRor, Lcs Sccrcts de l'esplonnage op. clt., p. 33.
n° 62-OF-17 du 12 mars 1962). completant l'ordonnance 62-0F-68. Voir
fmnfals, de 1870 ä ,wsJours,op.clc., p. 509. 12 Max BRIAND, • Campte rendu trimestrlel de
31 • Repression des menees fugees subver- l'etude de la COMMJSS!ON INTERNATIONALE DES
62 Constantin MELNIK, La .Mort etalt Je11r miss/011, rense.lgnements, juUlet-septembre-1961 •,
sives», lettre de l'ambassadeur Jean-Pleue JURISTES, • Les lois d'exceptlon dans la Repu-
op.eil., p. 192-205. loc. clt., annexe 1, p. 4.
Benard au mlnlstere des Affaires etrangeres, bllque federale <lu cameroun •• sep-
63 Maurice ROBERT,~ Ministre • de J'Afrlq11e, 13 Ordonnance pr~sidentielle n° 5 du 4 octobre
23 mars 1962 (CARAN, PPU 466). tembre 1964 (reproduite /11Abel EYINGA,
op.dt. 1961 • portanr lol organlque sur l'etat
32 Entretlen des auteurs avec Samuel Zeze, Mandat d'arrer pour caused'cJections,op.clt.).
64 Entretlen de Roger FaHgot avec Paul Grossin, d'urgence • (ANY, lM 1002).
Yaounde, 23 novembre 2007; voir aussi : 47 Lettre de Francis Clair au colonel P!erre
12 juin 1984, /oc. eil. 14 AFP, 13 novembre 1961 tCARAN, FPU 467).
• Rapport de SQrete du l" au 15 fanvier Aufeuvre, chef de la Mission militalre fran-
65 Frantz FANON,• Cette Afrlque ii venir •· /11 15 Philippe GAILLARD, Le Camernrm, IOrne 2,
1962 •, p. 20-24 (ADMO), \aise, 23 octobre 1963 (SHAT, 6H271).
Frantz FANON,Porir Ja revn/11tlon11(rlcalne, 0/J.eil., p. 33.
33 Henrl BANDOLO, la Flamme et la Fumee,Mi- 48 Entretien des auteurs avec le colonel Paul-
op. eil., p. 200-201. 16 Clll! ,,, Michel PR0UaT, l.c C11merorm, OJI.(//.,
66 lbld. tions Sopecam, Yaounde, 1986, p. 403. Theodore Ndjock, Makak, S mars 2008.
p.66n

702 703
l<llllll'fl//1 /
N0lt'I

49 Ahmndou A111010, • Allocullon prouonccr 111 l.Cttrc dr mtsslon 111•Jco11-l'lcr,~ llc11urd


26 Da11lclAIJWA, Sar/011Dau11rto11pwfr, op. clt., 52 En1rctlen des auteurs avcc Mathleu Njassep,
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1962 » (/11Ahmadou AIIIDJ0,Alllholoslr ""·' Fl'lJ 466). 53 Abel EYINGA, Mmulal d'arret po11rcal/Sed'eh'r-
27 Telegramme de Jean-Pierre ßenard,
discours, 1957-1979, op. c//., p. 230). 15 Volr Fred('rlc TuRPIN, • l.',1ssoclntlo11Europe-
15 novembre 1961 (CARAN,FPU467). Uons,op. dt., p. 32.
50 Clte par Aaron ToLEN,• Le Cameroun •• /11 Afrique, une "bonne affalre" pour la France
28 Note de Fran<;olsde Quirielle, 14 ao0t '1961 54 Entretien des auteurs avec Paul Pond 1,
Albert MABILEAU et Jean MEYJUAT {dir.), Dt'm/(1- dans ses relations avec l'Afrlque ( 1957- (CARAN,FPU 467). Yaounde, 26 fevrier 2008.
,1isatlo11et regime.spolltlques en Afrique noire, 1975)? •, /11Marie Therese Brrso-1et Gcrard
29 Colonel Jean-Victor B1.ANC, • Rapport sur le 55 Entretlen des auteurs avec Paul Audat, Fcr-
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51 Chr:istian-Toble KuoH, Mon Thnoig11age.Le a /11couve11tlu11
l'idee d'E11ra(rlq11e de Lom~ t. 30 Colonel Robert RENAN, couseiller milJtai.rede 56 Entretlen des auteurs avec le colonel Syl-
Camero1m de l'i11d€pemlrmce (1958-1970), Actes du col/oque lntemat/01111/ de Paris, l'ambassade de France au Cameroun, • Rap- vestre Mang, Yaounde, 13 fevrier 2008.
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52 Eutretien des auteurs avec Paul Audat, fer- port annuel 1965 • {SHAT,I0T635).
Verlag, Bruxelles/Paris/ßaden Baden, 2005, 31 Eutretien des auteurs avec le general Plerre Antony, 13 novembre 2008.
rjeres-les-Verreries, 25-26 juin 2007. p. 345-359. Semengue, Yaounde, 21 decembre 2007. 58 Entretien des auteurs avec Francis Hurt!,
53 Clte In Commandant WrRBEL, • Bulletin parti-
16 Richard JOSEPH (dil.), Gaullist A{rica. Came- 32 Entretlen des auteurs avec Andre Marsot, NeuiUy, 15 octobre 2008.
cu lier de renseignements •• 25 juin 1962
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(SHAT, 10T636).
Publisher, Enugu, 1978 (reed. 2002), p. 23. 33 Entretien des auteurs avec le colonel Syl- bout du reseau". Questions sur Ja methode
17 Julien MF.!M0N, • L'inveotion de l'aide fran- vestre Mang, Yaounde, 13 fevrier 2008. Foccart •, Les Cahiers du Centre de recherches
Notes du chapitre 27: ~a.lseau developpement •, Juc.cit., p. 32. 34 Entretien des auteurs avec Ie colonel Paul- hlstoriques, n° 30, 2002 (disponible sur
Neocolonialisme contre-subversif 18 Richard JOSEPH (dir.), Gattlllst A{rica, op, eil., Throdore Ndjock, Makllk, 5 mars 2008. <http://ccrh.revues.org>).
p. 127-178. 35 Entretien des auteurs avec Andre Marsot, 60 lbld.
(1961-1964) 6 t Pierre PtAN, L 'Homme de l'ombre. Sleme11ts
19 Voir David KOM,Le Camermm.Essaid'anal)•Se Vesoul, 27 ao0t 2008.
Jacques Focc~RT,preface aMaurice LIGOT,
Les eco110111iq11c et pu/ltlque, L'Hannattan, Paris, 36 Entretien des auteurs avec Rene Lantelme, d'enq11e1e de JacquesPoccart,/'homme ,~
a11to11r
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pulssant de /a V Rep11-
Stal!i a{rlcains et malJache d'express/011
fran- • Le Transkamerunals et l'interet des mono- 37 Eotretien avec !es auteurs, Paris, 2008. bliq11e,op. clt.
~aise,op. eil., p. X. poles ., La Vo/x du Kamemn, fevrier 1965 ; et 38 Entretien des auteurs avec Prancis Hure, 62 Lettre de Jean-Pierre Benard ä Jacques f'oc-
2 Andre ßJ.ANCHIT, « L'Unlon camerounalse de Phillppe GAILLARD, Le Cnme,01111,tome 2, NeuUly-sur-Seine, 15 octobre 2008. cart, 28 octobre 1962 (CARAN,FPR151).
M. Ahidjo entend s'imposer comme Ie cadre op. cit., p. 150. 39 Jean-Victor BLANC, • Rapport semestriei sur le 63 Maurice ROBERT, • Minlstre » de l'A(rtq11e.,
op. dt., p. l 12.
obligatoile du futur partl unifie •, Le Monde, 20 Ahmadou AHtoJ0,• Discours ä l'occasion du moral des cadres fran91is mis a la dlspositlon
11 juillet 1962. 64 Charles L..ICJil!R0Y,
/Je Salnt.Cyra l'aet/on psycJw.
conseil des ministres de l'OAMCE •, 16 juiIJ des !'AC•• 15 mal 1963 (SHAT,6H270).
3 Rapport de Jean-Pierre B~oard au minlstere logiq11e. Memoiresd'tm slecle, Lavauzelle, Paris,
1962 (in Ahmadou AHJDJO, Antlwlogies desdls- 40 lbld.
des Affaires etrangeres (MAE), 26 janvier 2003, p. 133 (dte In Gabriel P~tts et David SEJI·
cours. 1957-1979, tome 1, op. cit., p. 201- 41 GTS, Bulletin de renseignements, • Reunion
1962 (CARAN,FPU 466). VENAY, Uneguerrenoil'!',op. dt., p. 65-66),
203); et • Expose de politlque exterieure », franco-britannique •, Douala, 11 mars 1960
4 Rapport de Jean-Pierre Beoard au MAE, (SHAT,6H243).
7 septembre 1962 (lbid., p. 237-242).
22 decembre 1962 (CARAN,FPU 466).
21 Ahmadou AHIDJ0,• Discours de la reunion du 42 Entretien des auteurs avec Paul Pondi, Notes du chapitre 28:
5 Rapport de Jean-Pierrc ßenard au MAE, Yaounde, 26 f~vrler 2008.
2 octobre 1962 (CARAN,l'PU 466),
Conseil superieur du Pacte de defe.nse de Splendeurs et miseres
l'UAM •• Douala, 29 aotit 1962 (in Ah.madou 43 Autonomisation qul est iilscrite dans les de la « revolution kamerunaise »
6 Lieutenant-colonel Jean-Marle PETIT, textes en 1968 0ean-Emmanuel POND!,Paul
AHIDJO,Anrhologles des discours. 1957-1979,
commandant le batalllon de commande-
Pond/, Jetcmps de Japarote, op. clt., p. 36).
(1961-1963)
ment et des services n• 20, • Rapport sur Je tome 1, op. clt., p. 236).
22 • Harmonlsation de l'organisatlon des 44 Dedslon n° 1051 du 20 mars 1960 • cr~nt le • L.ettred'Emest Ouandie ä l'un de ses lieute-
moral 1" semestre 1963 •• p. 5 (SHAT,
unites. Perspectlves de standardisation et Bureau d'etudes et de documentation de la nants •, document recupere au cours d'unc
6H270).
creatlon d'une unite interannes type UAM •, presidence du gouvemement •· operation militalre Je 18 fevrler 1962 (cite
7 Rapport de Jean-Plerre ßenard au MAE,
/112• bureau de l'etat-major de Ja ZOM 2, 45 Decret 0° 55 du 8 decem bre 1961 portant dans une Iettre de Jean-Plerre ßi!nard au
2 octobre 1962, tue.eil.
• Bulletin partlculier de renseignements ,, creatlon du SEDOC. MAE, 6 mars 1962; CARAN,FPU 466).
8 n1egramme de Jean-Pierre B~nard, 7 avril
27 ao0t 1962 (SHAT,6H271). 46 Abe.lEvINGA, Mandat. d'arret potir caused'e/ec- 2 BCD, L'Oppresslonfmnralse 1111Kamenm, s.d.,
1962 (CARAN,FPU 466).
23 Dieudonue ÜYONO, A vec011srmsIn France? f.a tio11s,op. clt., p. 19. p. 11 (archives du PCF).
9 Fiche sur Charles Assale, 13 avrll 1962
politlq11eafrlcalne du Cameroun dep11is1960, 47 Maurice ROBERT, • Mini.llre • de l'Afrfque, 3 Wilson NOEHNTUMA2AH, A Co11vers11//01111/
(CARAN,FPU 466).
op. cft., p. 118. A11tobiogrnpl1y, op. eil., p. 681-682 et
10 Rapport de Jean-Plerre Benard au MAE, L'Hannattan, Paris, l 990, p. 55-83.
48 Jbid., p. 286. p. 717-719.
2 octobre 1962, /oc. clt. 24 MINISTtRE DB1.11CoortRATION,• Note sur notre
49 lbid., p. 287. 4 Volr le recit de Massaga dans Daniel Aew,1et
11 Eugene W0NYU,De /'UPCa l'UC, op. clt., p. 90. asslstance mllitaire au Cameroun •• 13 Juin
1974 (CADN, l'Al'C/58). 50 Voir l'arrete presidentlel du 7 ao0t 1962 (cite Rene Ngouo W0UNGLY•MASSAGA, Cnmerot/11,
12 • Bulletin partlculler de renseignements •,
par Abel EYINGA, Mandat d'arr2l po11rC/llfäe ma part de verlte,op. c/t., p. 62,68.
11 m.al 1962 (SHAT,10T636). 25 Le CERPAN et l'EMIA fuslonncnt en 1964
tl'elections, op. cit., p. 33). 5 Castor OsF.NDE AFANA, Halle a11xcrlmes de Ja
13 Rapport d'Yves Robin au MAE, 20 novembre (Chrlstlun Romeo ßADl\'ANA MotJK0,/,'Ar111~e
51 Entretlen des au1eurs avec Joseph Kogueum, Main rouge,lmprimerie Rose el Youssef, Ll'
1962 (CAllAN,rru 466), dr 1959,l J 970, ur1,t:lt., p. 53).
m111em111111/Sl'
llahouan, 21 f~vrlcr 2008. Calre, 10 mars 1961, p. 28 (archlves du PCl'),

704 70S
Kt11tll'IIIII I N()l1'~

6 Enrrctlcn des autcur) awc ~tlcnne lthlnda, 2.1 Melanie IIOIITt.llUEN0, ,..rur,1 01111111/11 1 Nolc~ du chapitrc 29 : 17 Ernebl OUANDlt, • Citoyens llbrcs ou
ßamrnjo, 2 fevrler 2007. ( 1924-1971). 1 'h111111m•,,, 1011 mtl,m /1<1/lr/11111•, Soumission des esprits csclaves? •• l,a \loi,N,/11Kamerun, juln 1962,
7 Selon Daniel ABWAet Rene Ngouo WOUNGLY• 11p.eil., p. 69-72. et« croisades antiterroristes »
p. 4.
MAssAGA, Camero,111,
ma part de ~tritt!,op. cit., 24 ClrcuJalre n• 030/E."1G/MA62 (du~ /11 Lam- 18 Felix SAIAL LtCCO,To11teIIIIC vle... Talll de lall·
p.92-93.
(1962-1964) venirs, Cle, Vaounde, 2007 (bizarrement,
bert BENEß'F-U.A,• EKpose mr la sltuatlon de
8 Entretlcn des aureurs avec Henrl Tamo, Ja rebellion Interieure•· Stage d'lnformatlon Samuel l<AMt, • L'UC doll-eile etre un parti de l'anclen prefet semble sltuer le drame en
Yaounde, 6 fevrler 2007, sur le renselgnement et l'actlon clvlque masse ou un partl d'Nltes 7 •, /oc.clt., p. 100. 1964).
9 Antolne-Marie B0NG, • Un chef lnsurge, de Nkongsamba, octobre 1967, p. 3) ; et 2 • ßRH du SEDOC •, 28 octobre au 19 Enoch l<WAYEB, • Rapport succinct d'une mls-
Makandepouthe 1958-1964 •, op. <it., clrculalre n• 184/UPC/ßCD/MA62 (ANY, 5 novembre 1962 (ANY, 1AA4S0/4). sion non offidelle dans le Moungo du 3 au
p. 49-SS. IAA450/4), 3 Volr Jean Evlna, dlrecteur de la S0rete fcde- 6 julllet 1963 • (APO, 1AC346).
10 lb/d., p. 44. t'adjudant fran~ais n'est autre 2-5 SteUa MBATCII0U,Comrlbut/011ci la commls- ra le, ii M. lc prefet, • Pour Information. 20 Meredith T!RRETTA, The Fabrlcat/011 o(t/1e Post-
qu'Alfred Renard, torllonnalre de Samuel s1111ce de l'Armde de llbemt/011 11otlo11ale
du Proc~s-verbal de la reunion du Comite des co/011/11/Stateo(Camercxm,op. dt., p. 355.
Zeze(entretien des auteurs avec Samuel Zeze, Camero,m (ALNK), 1959-/971, op. clt.; responsables du malntien de !'ordre•• 21 • BRH du SEDOC •• 25 dccembre 1963 au
Yaounde, 23 aovembre 2007). Melanie ßOUTCHUE.NG,Emest 011a11d/i 25 janvler 1962, Buea (Archives prov\nciales 5 janvler 1964 (ANY, IAA450/12).
11 Ote /11 • Bulletin de renseignemcnt hebdo- (/924-1971). /,'lmmme et so11ac//011politique, de Nkongsamba; clte in Meredith TERRETTA, 22 Entretlen des auteurs avec Ffä.x Sabal Lccco,
madaire du 22 au 28 mars 1961 • (ADD). op. ät., p. 69-72. The Fobrica//anof thc Postco/011/t1/State of Yaoundc, 6 decembre 2007.
12 SEDOC, • Bulletin de remeignement hebdo- 26 Volr par exemple • Bulletin de renseigne• Cnmemon,op. eil., p. 276); et proc~s-verbal de 23 J .• ß ND0UM0U, • Le terrorlsme et la lutte
madalre du 10 au 24 fevrler 1964 • (ANY, ment hebdomadaire du SEDOC du 14 au passation de servlce, arrondisscment de contre Je terrorume dans Je Mungo •, 4 ao0t
IAA450/12). 27 mai 1963 • (ANY, IAA450/5). Dlbombari, departement du Mungo, S fevrier 1970 (eile /11Meredith TulRETTA, The Fabrlca-
13 CCO ä Nkongsamba, sous la presldence du 27 Abel KlNGIJtet Wllson NDEIINTUMAiAtt, • La 1964 (Archi\'es provindales de Nkong- Lion o( the Postcn/011/a/State o( Comeroon,
prefct Jean-Georges Biscene, 29 avrll 1966 verltesur le Comlte revolutlonnalre (1963) •• sarnba; lbld,). op. dt., p. 350) [notre traduction].
(ANY, IAA24), Peuples110/rs,Peuplesa{rlrnl11s, n• 25, 1982, 4 • ßRH du SEDOC •, 2 au 15 mars 1964 (ANY, 24 • PV de la reuruon du comlte de campagne
p. 9-47. lAA450/12).
14 Telegramme de Fran(:ols de Quirlelle, 11 sep- psychologlque aupres des masses du depar-
28 Entretien des auteurs avec Rene Ngouo 5 Entretien des auteurs avec Rene Ngouo
tembre 1961 (CARAN,FPU 467). tement du Mungo•, 4 octobre 1966 (Al\'Y,
Woungly-Massaga, Yaounde, 22 novembre Woungly-Massaga, Yaounde, 22 novembre
15 • Compte rendu du colonel BlancJ.-V,, chcf lAA24),
2007. 2007.
de la sectlon "forces armees" de Ja Mission 25 Entretlcn des auteurs avec Jean Djou, ßat-
29 Lettre d'Abel l<lngue ä Emest Ouandie, s.d., 6 • BRHdu SEDOC •, 30 juillet au S ao0t 1963
mllltalre fran~alse •, 1" avdl 1963, MlsmU cham, 3 fevrler 2007.
p. 7 (ANB). (ANY, 1AA4S0/S).
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forces fran~alses et camerounalses contre la (APO, 1AA186),
16 Clte /11Faustin l<ENNF., Les Grands Chefs de
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tlon de la populatlon ä 1a lutte antiterro-
(APO, IAA7/0). BaJ~lng, 20 fevrler 2008.
32 SEOOC, • BRH du 13 au 20 novembre 1962 • riste •, 24 mal 1961 (SHAT, 6H262).
18 Note de Jean-Plerre B(mard, 28 octobre 1961 (ANY, IAA450/4). 28 Daniel ABWA,St1do11 Dm111t/011 parle, op. clt.,
10 Rapport de Jean-Pierre Bennrd au MAE,
(CARAN, FPU 467), 33 • Synthese blmensuelle de S0rete ., 19 mars p. 83,
• lmpressions du pays bamlleke •, 8 mal
19 • PV du CCO du pays bamileke •, 28 octobre 1963, p. 7 (APO, AC220), 29 lbld., p. 96.
1962 {CARAN, Fru466).
1961 (SHAT, 6H264). 34 Clte /11Eugene-Jean DuvAL, le Sl/lagemllitaire 11 J.-C. N~K.Ut, Habitat rrgro11pl tt d{-veloppe- 30 Entretlen des auteurs avec Marc Tchlnda,
20 Artlde 26 de la declslon n• 060/UPC/ 1/e /a Frm,ce011 Cameroun,op. rlt., p. 278, Balesslng, 20 fevrier 2008.
u
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BCD/MA 61 (cite /11Andre-Hubert ÜNANA 35 • BPR, projet de synthesc sur la Subversion 3 L Gregolre MoMo, l11fon11mlo11s s11rle terrorls111~
th~se de 3' cycle de geographlc, universlte de
MFEGE,• t' Armee de llberation nationale au cameroun rfallse par le SEDOC •, 5 sep- Yaounde, 1983 (clte In H. NJANTOU OANTSt,J...e en pays bo1111/eke.Ses ca11seset s,•.<ef(ets,
kamerunaise et sa Strategie revolutionnaire, tembre 1963 (SHAT, 10T636). Maquis et sei e{fets ,Jans lt Ntli, 1958-1970, octobre 1986, p. 45 (archtves personnelles de
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ßCD/MA61). 15 novembre 1961 (clte In 1AA450/4), d'admlnlstratlon pour l'Ouest •• 22 ao0t
(APO, 1AC186).
• Rapport de S0rete du I" au 15 decembre 38 • C.ornpte rendu du colonel Blanc J.-V., chef 13 • PV du CCO de l'Ouest ., t"' fevrier 1964 1965 (ANY, 1AA434).
1961 •, p. IS-24; APO, IC158), de la Sectlon •forces armees• de la Mission {APO, 1AC186). 34 Lettre du dlrecteur de la S0rete au secretalre
22 Message du nouvel an 1962 • Au peuple rnllltalre fr.m~alse •• loc.clt. general de la presldence de la Republlque
14 lbld.
kamerunais • (n° 001/UPC/BCD/MA62), , 15 Clte /11Paul-Valentin EMOG, Lc />orte11rde fM~ralc du Cameroun, 15 decembre 1965
I" tanvler 1962 (clte /11• Rapport de S0rete rnnies, op. clt ., p. 77. (ANY, 1M366/1).
du 1" au 16 fanvlcr 1962 •• p. 15-17; APO. 16 Plet KONINGS,• Autochlhony and ethnlc a
35 Discours de Germalne Ahldjo Dschang en
IC1S8). l Jcanslng In the post-colony •• /oc. clt. 1963 (cltc l11• Lutte antltcrroriste, synthl?se

706 707
/1.,111101111
/
Not,•~

blmensuellc de sOret~ du 6 d~ccmbre L963 •; li Let1ft' (IC J~on-Mrtrecl Ml'11jlt1CIIICr111xl)l'~lcts


25 Louis KERGARAVAT, • BPR 17 julllcl 1963 • 45 • Rapport au dlrcctcur de la SOret~ f~Mrale ••
APO IAA7). de la r~glon ud111lnls1rotlvc de l'Oucsl,
(SHAT,6H271). n° 31/CL/SF, 6 fevrler 1967, p. 2 et p. S
36 Volr Jean-Jacques OOJßR, No11sr2vion~ t/1• 21 mars 196S (ANY, IAMJ4).
26 Commandanl WIRaEL,• BPR du 19 julllel (ANB); et Fuimu N. KARi,Asslstant secretary
clumgerle moude,op. cft., p. 181-182. 7 Note de la SOret~ de Mbmrda, 11 Juln '1965
19-§2• (SHAT,10T636). II, • An analysis of the causes of the Tombel
37 Par exemple a Fotounl le 28 fevrier 1965 (ANY,1AA434)
27 Ahmadou AHIDJO,• Discours prononce a disturbances on 31 December 1966 •, Pc/f
(ANY, 1AA434). 8 Jean-Fran~ols BAYART, L'Etal 1111Cmnerc111r1,
llafang ., 22 juin 1962 (/11Ailmadou AH!DJO, 1966/3, p. 11 (ANB).
38 Slogans confectionnes au cours de la reu- op. eil., p. 117-118. 46 • A petltion presentcd by the non-speaking
Antholo,~/esdes dlscour.1.1957-1979, tarne 2,
n.ion du comlte de campagne psychologique 9 Reunion de remercie.menl aux militants bakossi cameroontans resident In Kumbe
op. c/L, p. 204).
aupres des masses du Mungo, 5 octobre 1966 de l'UC, Bafoussam, 10 avril 1965 (ANY, eastern area to the senior dtvlsional offtcer,
28 Jean MsouENDE,Pour Ja patrle, contre l'arbl-
(ANY,lAA24). 1AA434). Kwnba on the 27"'July, 1966 •, l'c/a 1966/1,
tro/re, op. eil., p. 114-127.
39 Cite in Gregolre MOMO,c lnformatlon sur le 10 Cite i11Jean-Fran~ois BAYART, L'i?.tatm1Came- Tom/;e/ m.m,rb1111ces, p. 1 et 3 (ANB) [notre
29 Note de renseignement, 9 mars 196S (ANY
terrodsme en pays bamlleke •, loc. eit., p. 48. roun, op. eil..,p. 254 (note). traductlon].
1AA434).
40 • PV de ia reunion CCO de i'Ouest •, 21 mars 11 ßeat-Christophe ßAESCHLJN-RAsPAIL, Ahmadou 30 Note de renseignement, 24 juln 1965 (ANY, 4 7 • Rapport au directeur de la Sfuete federale •,
1964 (APO, 1AA186). Ahldjo, pio,mfer de l'Afriq11emoderne,op. eil. n° 31/CL/SF, loc. ci!., p. 3.
1AA434).
41 • Rapport de Jean-Georges Biscene sur la 12 • Resume des lnstmctlons doru1ees par Mon- 31 • Lettre du prefet du departement du Nde au 48 lbld., p. 2-3.
campagne psychologique aupres des masses sleur le president aux responsables du main- ministre delegue ii la presidence charge de 49 Ib/d., p. 2.
rurales du departement du Mungo ., tien de !'ordre reunls saus sa presldence Je I' Administration territmlale et de la fonctlon 50 Jbld„ p. 1.
octobre 1966 (ANY, 1AA24). jeudl 26 aoOt 1965,. (SHAT,10T636). publique territoriale et ii l'inspccteur federal 51 SENIORDIVISION ALOFFICER KUMBA DIVISION,
42 Gregolre MOMO,• lnformation sur le terro- 13 lbill. d'administration pour la region administra- • Tumbe! disturbances •, Buea, 3 mars 1967
rtsmeen pays bamileke », loc:.cit., p. 51-S2. 14 Les informatlons qul suivent proviennent (ANB) ; voir aussl C11meroo11 Tlmes, 20 mal
tlve de l'Ouest •• 3 septembre 1965 (ANY,
43 Leonard SAH,Le Terrorlsme dans le M,m,~o des archlves mllltatres fran~aises, qul repro- 1AA166). 1967.
(1955-1971), non publie, p. 143-145. duisent les instructlons donnees en 1965 • Lettre du prefet du departement du 52 Piet KONINGS,• Autochthony and etlrnlc
32
44 Entretten des auteurs avec Marc Tchinda, pour la creatton de ces • comites de vigi- cleanslng In the post-colony •, loc. clt.,
Nde .... , loc. clt.
Balesslng, 20 fevrler 2008. lance» (SHAT, 10T63S). a
33 Ahmadou AHIDJO,• Discours l'occasion du p. 203-222.
45 Entretiens des auteurs avec le general Pierre 1S • Annexe A1 bis. sur les • eo mit es de vlgi- rneetlng de !'Union camerounaise •, Douala,
Semengue, l'ambassadeur Francts Hure et lance • (SHAT,1.0T63S). 15 juillet 1965 (/11Ahmadou Al-IIDJO, A11tho- Notes du chapitre 31 :
Anne-Marle Desgratoulet (s<l'ur du colonei 16 Colonel Robert RENA.'1, • Rapport mensuel de 1a log/esdesdlsrours. 1957-1979, tome 2, np. ät.,
Desgratoulet). Mission militaire fran~aise d'octobre 1965 ., p. 620-621).
La pacification
annexe Al, • lnstruction du president de la 34 VoiI Philippe HUGON, Analyse"" SOLIS-develop- par le « developpement »
Notes du chapitre 30: A l'ombre Repubüque SUI les modaütes de l'a,;sainisse-
1
pementen Afrique nn/re,op. eil., p. 56-5 7. 1 Roger L\Gl\Aveet Henrl 8ALAMBARGA, /'aimr
du parti unique (1965-1966) ment des popuJatlons et des organisations en 35 Cite /11Robert RENAN,• Rapport annuel man pays le Cameroun. Manuel d'instruct/011
vue de la lutte contre ia subverslon • (SHAT,
' 1965 •• Ioc. c/t. c/vlq11eet d'€'111catlo11 soclale, Centre de pro-
Ab.madou AHIDJO,• Dlscours d'ouverture du 10T63S). 36 • Lettre de Prancis Hure au MAE •, 15 julllet duction de manuels et d'auxUlalres de
premier conseil national de !'Union natio- 17 lbld. 1 1967 (CARAN,FPU 562). l'enselgnement, mlnistere de l'tducatlon
nale camerounaise •• 6 novembre 1967 (/11 18 Entretleo des auteurs avec le colonei Celestln 37 PhUlppe GAJLI.JIRD, Le Cameroun, tome 2, nationale, YaounM, 1961, p. 257.
Ahmadou AHIDJO,Anthologie.1 des dlscuurs. Nguemaleu Chealeu, Douala, 6 mars 2008. ap. clt., p. 47. 2 Jean-Fran~ols MtDARD,• ttat, democratle
1957-1979, tome 2, op. cit., p. 791). 19 Le Monde, 28-29 mal 1967 (cite /11Mango 38 Ahmadou AmDJO, • Discours prononce ä et developpement : l'experlence camerou-
2 Jean-Fran~ois BAYART, L'bat au Camerorm, ßn1, Main Basse s11rle C11111ero1m, op. eil., Bafang •, 22 juln 1962, loc. clt. naise ., in Sophia MAPPA (dir.), Developperp,tr
op. cit., p. 213. p. 145). 39 Ha man M,\NA, • Joseph Foalem Fotso : vic- /a democmtle? /11/onctlonsoceidentaleset ex/-
3 Rene NGAPETH, « Le röle du parti poUtique 20 Entretien des auteurs avec Francis Hure, time du devolr ., Mutations, 15 julllet 2004. gences plarreta/res, Karthala, Paris, 1995,
dans une natlon a regime de partl unlque ., Neullly, 15 octobre 2008 (alluslon a la 40 Le Monde, 28-29 mal 1967 (cite par Mlche.l p. 364.
Deuxieme semlnaire de !'Union camerou- vllla de l'empereur romaln Hadrien et l'ROUZET, Le Cameroun,op. eil., p. 55). 3 Georges COURADE, • Des complexes qui coO-
nalse, 15-23 juin 1964 (cite /11Henrl BAN- aux Memolre.1 d'Hadrlen de Marguerlte 41 SHAT, 10T637 (cite /11Pierre-Michel DURAND, tent eher. La priorlte agro-industrlelle dans
DOLO, La Flamme et la Fwnee, op. cit., Yourcenar). L'Afrique et /es relat/011s fr1111co-a(rlcalnes
d,ms l'agriculture carnerounaise •, Polltlq11eafri-
p. 240-241). 21 Robert RENAN,• Rapport annuel I 965 • /es armees 1960: 1111x orlgines de l'obsess/011 n° 14, 1984, p. 79.
cr1/11e,
4 Jean-Fran~ois BAYART, • L'Unlon nationale (SHAT,10T635). amerlarlne, L'Harmattan, Paris, 2007, p. 454). 4 Clte l11Abel l!YINGA, Mandat d'r,rret J'Ollrrn11se
ca.merounaise •, Rev11~ franfaise de sclences 22 Antoine-Marle SONG,Un chef/11.m~~e, Makm1- 42 On peut trouver les lettres cltees dans cette d'electlmis,op. cit., p. 220.
politiq11es,1970, vol. 20, n° 4, p. 691. depo11thc1958-1964, 011. cir., p. 45-46 et
affaire dans !es archlves de Yaounde (ANY, 5 Jean-Frarn;:ols BAYART, « L'Union nationale

5 Ahmadou AHIDJO,• Discours d'lnauguratlon 1AA236). camerowiaise •, /oc. cft., p. 705.


p. 107.
1 43 Entretlen des auteurs avec Felix Sabal Lecco, 6 • Aide au gouvernernent camerounais pour la
du village-pionnier de Pitoa >, Langul, 23 Robert RENAN,• Rapport annucl 1965 .,
18 janvler 1967 (/11Ahmadou AfllDJO,Antlm- 6 decembre 2007. realisation d'un program.me special en faveur
loc. eil".
44 Plet KONINGS,• Autochthony and ethnlc du pays bamlleke •, courrier du mlnlstre des
logie.sdesdlscmirs. /957-1979, tomc 2, op. eil., 24 Rn1rctlcn des auteurs nvl'C lc c,,tond Syl-
p. 120). cleansi.ng In the post-colony •, loc. clt., Affaires fuangeres (direction des Affaires afd-
vestrc Mnng, Yoou11d6,13 rnvl'ler WOil.
' p. 203-222. calnes el malgaches, Togo-Cameroun) au

708 1

709
I
Kc11/11!1w1 Nl/fl'1

ministre de Ja Cooperatlon, 16 fevrler 1962 35 Abel JACOB,• lsrael'S mllltary old to /\frlcu, 4·8 Je,,n-Frn111·ols M2DARI>,• 1';1u1,d~mocratle
l'entrcprlsi: com111crclulc ~ l'orgrinls,Hlon
(CARAN,FPU468). J 960- 1966 •• Tlw Jnumnl of Modem A(rican et developpement : l'expl:rl.ence cmne.rc,u-
poysanne •• ril'fS•M1n11lc, 1991, vol. J2,
7 lbid. n• 128. Stu//les,vol. 9. n• 2, aoüt 1971, p. 169 [notre naise •• loc. clt., p. 357.
8 • BPR de Wirbel•, 11 mai 1962 (SHAT, traductlon]. 49 1/Jld.
24 Votr Plerre JANIN, • Un planteur sans l'ltal
10T636). 36 « Compte rendu de Jean-Victor Blanc de sa SO Emmanuel ELAELA,u1Polltlq11ede defense du
peut-11 encore Nre un planteur? •, Polltlque
rencontre avec le secretaire d'Etat Hablb Cnmermm rlepuls 1959: commlntes er rea/ites,
9 Robert RENAN,• Rapport annuel 1965 ., n{rlcaiue, n• 62, juln 1996.
Deloncle •, 31 rnars 1963 (SHAT,6H271). these d'histoire, unlve1slte de Nantes, 2000,
loc. clt. 25 Grorges CouRADE, « Organisations pay-
37 • Etude par une mlsslon israelienne de l'orga- p. 59 et p. 145.
10 Ahmadou AHJDJO, • Discours d'ouverture dll sannes, soclet.es rurales, Etat et developpe•
nisatlon d'une jeunesse plonnlere au Came- 51 Volr archlves personnelles de Gregoire
premier conseil national de J'Union natio- ment au Cameroun (1960-1980) •, /11Pcte.r
roun •• B11//etlr1 de re11seig11eme11tsde la Mission Momo, Dschang; Daniel ABWA, Sat/011
nale camerounaise "• 6 novembre 1967 (/11 GJ:SCH!ERE et Plet KONINGS (dir.), Co/loq11eSllf
mllitalre franfalse r111 Camermm, 31 janvier DM11do11porle, 0//. dl., p. 71-72 i Jean-
Ahmadou AHIDJO,Anthologles des discours. l'&:011omlepolitique d11Camem1111
: perspectlves Fran~ols ßAYART, L'Etm au Cmnem1111, op. clt.,
1957-1979, tome 2, op. eil., p. 789). histor/qucs, tome 1, ASC, Yaounde, 1.989, 1963 (SHAT,lOT636).
p. 222-223.
11 Abel EYINGA, Mcmdat d'arret po11rca11.1e
d'elec- p. 57-93. 38 • Bulletln de renseignements •• 9 aoOt 1963
52 Dlscours de Paul Biya il l'occaslon de Ja fete
1/011s,op. dt., p. 21.1. 26 Jean-Pierre HADENGUE,• Note au sujet (SHAT,10T636).
de Ja jeunesse, CRTV, 10 (evrler 2008.
12 Georges CouRADE, • La constitution 39 Currlculwn v/tae de Gregoire Momo (archlves
des programmes de developpement du gou-
d'emplres agro-industriels etatiques depuis personnelles de Gregoire Momo, Dschang).
vernement •• 28 octobre 1961 (CARAN,
l'lndependance au Cameroun. Politlque de FPU 467). 40 Ahmadou AttmJO,• Dlscours d'inauguration
deve.loppement rural et/ou national ., 27 Philippe GAIUARD, Ahldjo, pntriote et despote,
du village-pionnler de Pltoa •, Laagul, Notes du chapitre 32 :
A{riCtln Economic History, n• 12, 1983, op. clt., p. 137. 18 janvier 1967 (/11Ahmadou AHIDJO, Antho- La debäcle des Kamerunais
p. 33-34. loglesdesdlscours. 1957-.1979, tome 2, op. eil.,
28 Au milieu des ann~s 1960, le Cameroun est en exil (1963-1969)
13 Abel EYINGA, Mandat d'arret pour caused'elec- le pays d' Afrlque francophone qul r~oit le p. 721).
tlons, op. clt., p. 217-218. 41 Nous nous appuyons lci sur les tl'avaux de 1 Castor ÜSENDE AFANA,• Lettre ä "Joseph" .,
budget d'asslstance milltalre fram;ais le plus
14 Cite In • L'oppressJon neocoloniale de la Jean-Claude BARBIER, • Coionisation agricole 30 mal 1965 (ANB).
important : 78 milllons de francs (Gabriel
France au Cameroua •, p. 43 (archlves du et reference au mlUeu urbaln : exemple des 2 Entretien avec les auteurs pres de Mbalmayo,
PtRrts et David SERVENAY, Une guerre 110/re,
PCF). vlllages pionniers de l'operation Yabassl- novembre 2007,
op. cit, p. 79 n.).
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15 • Reunion de remerciement aux militants de 29 Robert RENAN,• Rapport annuel 1965 »,
Caltiers ORSTI)M, serle Sciences humalnes, 4 Archives non classees (ANB).
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vol. 10, n° 2-3, 1973 ; et ~ A propos de l'ope- 5 Yacouba ZERBO, ~ La problematlque de l'unite
1AA434). op. eil., tome 2, p. 121.
ration Yabassi-Bafang (Cameroun) •, Tm- afrlcalne (1958-1963) •• Guerresmcmdia/eset
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de /'ISH, Office national de
1tt11ix er Doc11me11t.s
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op. dt., p. 244. GrandePnrce/lede ma vle, Editions Cheakoua, 6 Albert-Paul LENTIN,La Lutte trico11tlne11tale.
17 l'hllippe HUGON,A11a.lysedu SOIIS-developpe- Douala, [s.d.] i et aussl Vlrglnle WANYAKA, la recherche scientifique et technique (ONA-
RFST),Yaounde, 1977. lmperlalismeet revolutiona/lfi'Sla co11(erence t/e
ment en Afrlque 110/re,op. eil., p. 23. • Forces armces et dcveloppement econo- La Havnne, Maspero, Paris, 1966, p. 41.
18 Ahmadou AHIOJO, « Declaration dans les nou- mlque et soclal au Cameroun de 1960 ä nos 42 On devlne l'hnportance du colonel Blanc
7 F.ntretien des auteu1s avec Mohammed
veaux locaux de 1'Assemblee natlona le •, jours •, memolre de mattrlse d'histoire, sous dans cette operatlon a travers le reclt du
Harbi, Paris, 12 septembre 2008.
[s.d. : 1966 ?J(in Ahmadou AJ-11010,Antho- la dlrectlon de Daniel Abwa, unlversite de colonel Celestin NGUEMALEU CHF.ALEU, La
8 SEDOC, « BRHdu 24 au 30 septembre 1963 •
logiesdesdiscours. 1957-1979, tome 2, op. clt., Yaounde-f, 1998. Grande Parr:ellede ma v/e, op. eil., p. 264-265.
(ANY, 1AA450/5).
p. 682). Voir aussl le proces-verbal de ia reunlon du
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19 Ahmadou AHWJO,• Discours d'lnauguratlon gnements de la mlssion milltalre au came- 29 decembre 1965 (ANY,1AA360).
1984) : president de la Guinee, vol. 3, L'Har-
du nouveau centre emetteur de Radio- roun », 7 juillet 1962 (SHAT,6H271).
43 C11rrlrn/111n vitae de Gregoire Momo (archives
mattan, Paris, 2009, p. 87.
Buea "• 3 juin 1967 (111Ahmadou AHIDJO, 32 Volr notamment : Sabl H. SIIAPTAI, • Army personnelles de Gregoire Momo, Dsd1ang). 10 F.ntretien des auteurs avec tlie Tchokokam,
lbld., p. 768). and economy in troplcal Afrlca •, Eco110111/c H Discours de Gregoire Momo al'occasion de la Yaound~, 16 fevrier 2008.
20 Philippe HuGON,Analyse du s011s-developpe- Development a11d Cultural Changr, vol. 23,
• Fete des plonniers ., 24 fevrier 1968 11. Voir la note de synthese du SEDOC sur
me11tCTI A{rlque nolre, op. eil., p. 46. n• 4, lulltet 1975, p. 687-701. (archives personnelles de Gregoire Momo, !'Implantation de l'UPC en Afrique, tres bien
21 RapportSwy11nerto11 realist!pour le comptede In 33 Tous ces exen1ples sont cltes In • Visite au Dschang). reaseignee, du 11 novembre 1963 (ANB).
Cameronn Development Corporatlon (CDC), ministere des Forces armees camerounalses 45 Telegramme de Minalcoop ä Ambafrance, 12 SEDOC, • BRHdu 21 au 28 aovembre 1964 •
1964 (cite 111Piet KoNrNGS,• L'Etat, l'agro- 9 mal 1962 (CARAN,FPU 468). (ANY, 1AA450/2).
du colonel lsraelien J. Amihal •, 8111/et/11 de
industrle et Ja paysannerle au Cameroun •, rense/g11eme11t.s de In Missionmllltnire franr.alse 46 Selon Uma LELE,'fhe Designof Rum/ Develop- 13 S.EDOC,• BRHdu du 30 aoüt au 5 septembre
Pollliq11ea{rlcaine, n• 22, juin 1986, p. 127), au Camaoun, 22 juln 1962 (SHAT,6H271).
ment Lessom f'romAfrlca, John Hopklns Un.1- 1964 • (ANY, IAA450/12).
22 Jbid., p. 120. 34 Voir Leopold LAUFER, Israel am/ the Dt'Vclop-
versity Press, Baltimore, 1975, p. 16. 14 SEDOC, • Note de renseignemcnt •, 7 ao(lt
23 Voir Georges CoURADE,Parfait ELOUNDOU- plnJ Cmmtrles. New ApprmicltesIn Co-Opert1- 47 Chanson composee par l'inspecteur de la 1965, p. 9 (ANB).
EvtGUE et Isabelle Gl<ANGBRST-ÜWONA, tlo11,Twentletb Ccntury Pund, New York, Garde civique Gregoire Momo (clte 111Jean- 15 Clte /11Charles ATEBA VENE,Le Gt.ineralPinre
• L'Unlon centrale des coo~rllflvcs agrlcotes J 968 (cltc /11• l~mCI,01l.sslonbup~rlallste cn Claude BARBIER, • Colonisation agricole et Semengue. Toure tme vie da11s/es armees,
de l'Ouest-Comcroun (UCCAO) : <lc Afrlquc •, Si1t1fflt·,,11• 19, 1970, p. 66-77) r~f<!renceau mllleu urb11in•, loc. dt., p. 32). op. cit., p. IO 1.

710 71,1
Ke1111m111! Nutt•,

16 Volr CatherlncS11,10N,Atgorlc,lasn11,1i'~i plt'ds- :J5 Jean Sytvnln NENKON f)(>slr~MACIAN,• nnp- lo fro111l1'.-re
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17 Lettre de Paul Pondi au mlnistre delegue ä la dants du deux.l~me front pour le comit~ cen- SO Francls Hure ä Maurice Couve de Murvlllc, A11tobiography, op. cit., p. 1.40) [notre
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573,574,576,581,582,584,585,586,590,
591,593,594,595,596,597,599,600,603,
ABWA,Daniel, 610, 660, 662, 666, 669, 672,
673, 683, 685, 698, 703, 705, 706, 707, 71.0, 607,608,609,610,611,612,613,614,615,
711, 712, 714 616,617,619,620,622,624,626,627,628,
ADALABA, Jean, 687 629,630,631,632,633,635,636,639,641,
ADF.NAUER, Konrad, 197 642,643,644,645,646,650,674,681,683,
AERTS, F. (chef de bataillon), 247,677 684,685,687,689,690,693,697,699,700,
AfANA(lleutenant), 549 701,702,703,704,708,709,710,711,712,
AGEN'ET, Alaln (chef de bataJJlon), 425, 696, 71.4, 715
699 AHIDJ0,Gerrnaine, 552, 707
AGERON,Charles-Robert, 657, 658, 659, 679, ALI0UM,ldrtssou, 675
686,692,693 ALLEG,Hearl, 282
AGOSTINI, Ange (capitaine), 290, 450, 699 AMADOU (alias• Sans Pltle •), 426
AGOSTINI, Francis (adjudant), 288, 682, 698 AMATAKANA, Zacharle, 662, 666, 686, 687
AtllDJO, Ahrnadou, 8, 14, 17, 24, 27, 28, 88, AMlfIAI,J. (colonel), 589, 71 O
116,140,189,194,219,220,252,261,262, AMIN,Samir, 582
293,295,301,305,306,307,308,309,310, AMMJ-Oz,Moshe, 467, 701
311,312,316,317,318,320,321,327,329, AMSELLE, Jean-Loup, 660
331,332,333,334,336,340,341,342,344, ANTOINE, l'hillppe, 214
347,355,358, 359, 360, 361, 362, 363, 364, ANZIANI, Armand, 317,685
369,375,376,379,381,384,385,387,388, ARB0USSIER (o•), Gabriel, 76, 78, 81, 83, 132,
389,390,391,392,395,396,397,398,399, 325
400,402,409,410,412,426,429,431,432, ARCHIMBAULT, Jacques (Ueutenant), 510
443,445,451,456,457,459,460,461,463, ARGF.NLIEU(o'), Thierry, 63, 259
48],482,483,484,485,486,487,488,489, ARG0uo, Antoine (colonel), 398, 468
490,492,493,494,495,497,500,502,503, ARMAND, Louis, 10-1
504,505,506,507,508,512,513,514,515, AssAt.t,Charles, 41, 84, 88, 93, 137,143,205,
516,517,518,520,522,523,524,525,526, 31 l,312,313,334,388,389,412,427,460,
529,541,546, SS l, 552, S58, 559, S60, S61, 485,486, 1189, 504,553.581, 685, 700, 704

717
/111/n
K11111/'nill/

B1.11Nuu.r, Andre, 24, 25, 69, l.08, 113, 152, 460, 1J6l, 462, 46.:l,1173,528, S30, 641, 650,
ASSOUMOU-MOMDEY, Thfophlle, 702 66.:l,676,684,699, 70.~,708, 709, 710, 711,
33l,332,432,502,6S8,661,66S,687,697, 658,693,694,695,696,697,698,699, 700,
ATANGI\NA, Martin Abega, 144 713
704 701,702
ATIBAVENE,Charles, 671, 71 l BAllNOUISSA-GANGA, nemy, 604
ßLUM,Leon, 56 ßRIAND, Plerre, 398, 694
ATEM YENF., Theodore, 33, 35, 658, 6S9 BF.AUMONT,jacques, 630,714
ßODET,Pierre (general), 100, 664 ßRUNOT, Richard, 36
ArrAU,Jacques, 643 BEOEY-EYIDI, Marcel, 287,332,410,473,495 BODIN, Michel, 663 ßUCHMAN, Frank, 197, 198, 199, 313
AUDAT,Paul, 134, 141, 143, 309, 379, 380, ßtCHARD, Paul, 117, 131 ßOGANDA, ßarthelemy, 478,611 ßURON, Robert, 109,117,146,380,665
384, 385, 489,500,520, 546, 667, 668, 684,
BtarET, Raymond (adjudant-chef), 430 BorLLOT, Marius (chef de bataillon), 363, 365,
692,693,703,704,705
ßFOITF.L, William, 475,476, 525 690
AUFEUVRE, Pierre (colonel), 396, 402, 463, 466,
BE.CKl'.R,
Charles, 66 7 BOKASSA, Jean-Bedel, 612
513,538,546,689,691,693,694,701,703, C
BECQUEY, Georges, 136,459, 667 BOLI.AERT, Emile, 2S9
706
BEl.(.lMO,Chantal, 666 ßOLlARDltRE (PARIS OE),Jacques (general), 286,
AUJOULAT, Louis-Paul, 24, 58, 63, 67, 71, 79,
BENAu, Abdela, 240 287,288,682,683 CABOT LoDGE,Henry, 380
89, 103, 109, 123, 124, 125, 130, 140, 142,
BENARAFA, Mohammed, 397 BOLI.ARDltRE (PARIS DE),Slmone, 288, 682 CAusn, Frani;ois, 115, 413
144, 146, 158, 160, 161, 165, 188, 189, 190,
ßtNARD, Jean-Pierre, 388, 399, 400, 403, 445, BouoRt, Vlncent, 390, 652, 716 CAL\.fl'.Tl'ES,
Joel, 609, 712
192, 193, 194, 196, 198, l99, 204,218, 308,
460,466,488,494,503,504,505,506,512, ßONASSIES, 284 CArotvrLU, Claude (lleutenant}, 392, 422,
309,310,347,481,487,546,650,664,666,
673 513,543,544,685,694,699,700,701,703, BoNG,Antolae-Marle, 689, 692, 706, 708 693,696
704,705,706,707 BONGO, Omar, 189, 610, 612, 636, 637, 644, CArEl.lE,Loui.s,270, 272, 471, 680
AUSSARFSSES,Paul (general}, 469, 476, 702
BENßARKA, MeJ1dl,589, 597, 602, 621 645 CAPJA, Alphonse (capitaine), 681
AY1ss1
Mvooo, Victor, 713
BENBELLA, Ahmed, 474, 539, 598, 599 BONIN, Hubert, 665 CARDE, Jules, 51, 52
AZil(IWE,
Benjamin Nnamdi, 198
BENEB'f.LLA, Lambert, 706, 712 BoNToux,Georges (lleutenant), 285 CARDIN,]., 270,297
BOOBBYF.!t, Philip, 672 CARPENTIER, Marcel (geneml), 99
BENOIST(DE),Joseph Roger, 672
BOOG,Alphoase, 266, 268, 279, 284, 292, CARRt,Michel, 368, 691
BENOT, Yves, 659, 661
B 674,680,681,682 CARRltRt, Robert, 55 7
BERMAN,Bruce, 259
BORNE, Rene, 667 CARTIER, Raymond, 302
ßERNARD,Jean, 670
BORNE, Robert, 135 CAs1MJR, Robert, 78, 662
ßERNARO, Phillppe, 715, 716
ßOSSUAT, Gerard, 663, 704 CAsnx, Raoul (amiral), 99, 100, 664
ßA01YANAMOUl(O, Christian Romeo, 698, 704 ßERNERT, Philippe, 691, 702
Born,Marc,259,262,265,679,680 CASTRO, fidel, 326,473,604
BAESCHLIN-RASPAfl, Beat-Chrlstophe, 561, 693, BERTOUNO,Jean, 714
708 BOUAN, Gerard, 517 CATHOUUC (general), 694
Bm, Mongo (Alexandre Biyidl, dlt), 86, 187, CAZES, Berna rd, 664
BAGAl,Guillaume, 119,313 SOUCHE, Denlse, 658
191,192,421,422,631,632,633,634,636, BOUCFIER DECREVECCEUR, Jean (colonel}, 398 CAzou-MtNGOT (Lieutenant), 683
BAKANG ßATONJt,662, 665 660,662, 671,680,696, 708, 714, 715
ßAKARY, Ojibo, 132,306,319 BouLET,Michel, 263,282,290,371,679,682, CtorLE,Jean, 321, 685
BIDAULT, Georges, 61, 124 683,689,691 CWNt, Louis-Ferdinand, 47, 56, 660
BAKARY, lssa, 556
BIDIMA, ßertln, 715 Bouu, Uonard, 84 CtsAIRE, Airne, 62, 191
BALANDIER, Georges, 660
BIDJOKA, Jacques, 24, 270, 271, 292, 680 BoUM,Samuel, 281,282,678 CHAl!AN-DELMAS, Jacques, 237,261,262
BALLA, Benoit, 193
BIGEARD, Marcel (general), 255, 256, 261, 356, ßOIJMEOlf.NE, Houari, 599 CHAFFARD, Georges, 10, 149, l50, 260, 280,
BAllADUR (capitalne}, 175, 663, 669, 670
438,439,469,549,678,679,698,701 ßOURGEOT, Andre, 664 296,657,661,665,668,673,678,681,683,
BANCEI.,Nicolas, 672
BINDZI, Benoit, 206, 6 ll ßOURGts-MAUNOURY, Maurice, 133, 255 684,685,689,699
BANDOI.O, Henrl, 498, 610, 703, 708
BISCENE, Jean-Georges, 554, 706, 708, 713 ßOURGI, Robert, 661 CliAUAND, Gerard, 602, 712
B110DA! (Nguyen Pbuc Vlnh Thuy), 397
ßrSMARCJ< (VON),Otto, 48 ßOU1CHUENG, Melanie, 666, 686, 706 CHAI.U Maurice (general), 405, 423
BAP~,~tienne,530,531 1

BrssECJ<,Gulllaume, 84, 128 BmrrET,Remy, 712 CHAMAULTE, Henrl, 49, 54, 129, 158
BAMCl{E1TE, Roland, 235, 236, 238, 241., 256,
BITSCH, Marle-Therese, 663, 704 ßOUVENET, Gaston, 388 CHAPPERON,Jean, 289,310,682,684,685
271,284,316,395,676,677,678,680,682,
685,693 BITYl!Kl,Emmanuel, 703 ßOVAR, Andre, 35, 54, 71, 115, 117, 1.18, 120, CHARBONNlER, Frani;ois, 671
BARBt,Raymond, 334 BIYA, Jeanne-lrene, 643 1.26,142,219,308,658,660,661,665,666, CHARBY, Jacques, 713
BARBIER,Jean-Claude, 593, 711 BIYA,Paul, 17, 20, 187, 188, 189, 190, 487, 668,670,673,684 CHARDONNET, Jean, 664
518,594,634,642,643,644,645,646,647, ßOYD,Lennox, 24 l CHARROY, Pierre, 515,516
ßAROF.T,Max, 17, 18, 19, 20, 421, 431, 657,
ßOYER, Andre, 272,274,680,681 C!it1SS1N Guillaume Jean Max (dit Lionel-Max
696 648,649,650,651,652,671, 700, 711, 715,
ßRANCHF., Raphaelle, 447, 677, 682 Chassin) (general), 437,698
BARON, Louis (capitalne), 549 716
BASSOMB, NOUK,633 • ßHAUN, Plerre, 195 CHAUMIE."<, Marcel, 375, 377, 378
ßL.ANC, Clement (general), 101
ßRIAND, Max (gfoeral), 8, 24, 26, 397, 398, CHINDJI-KOULEU, Ferdinand, 20, 658, 684, 688
BATTNDA, Boukar, 615 ßLANC,Jean-Victor (Colonel), 18, 51.l, S 12,
399, 4()0, 401, 403, 406, 408, 415, 421, 424, CH1Rt\C, Jacques, 651
BAYART,Jean-Fran~ols, 89, 90, 237, 386, 444, S13, S 14, 515, 539, 540, 549, 557, 588, 589,
4·28, 431, 441, 443, 445, 4'18, 4.52,453, 454, CHOMSKY, Noam, 631
490,492,558,SS9,560,582,585,59l,616, S92, 705, 706, 711

718 719
""""'""' I /mfr.~

CHOUAJ..A, Yvcs-Alexandre, 716 DARUVAR(Dll),Yvcs, 684


CliOULF.OM, Raphai!l, 453 l)J0UMESSI,Mathlas, 88, 133, 131!, 135, 136, 111Tw1u, Jlhan, 7 l2
DAvrs, Angeln, 603
CHR!STOL, Jacques, l23 137,219,222,331,365,394,397,402,442 EM0G,P11ul-Vall,ntin, 618,688,703,707,713,
DAY,IN,Moshe, 590
CHURCHILL, Winston, 65 DJUATIO, Etienne, 229 714
DEBIZET,Plerre, 3 75, 6..l7
Cl.AIR,Francis, 499, 546, 703 DOMERGUE-CLOAREC, Danielle, 659 Escom:r, 13onaventure (capitalne), 235, 244,
DEBRC,Michel, 18, 21, 98,214,317,373,392, 339,674,675,676,677,687
CURGET,Jean (marechal-de5-logls che.f), 355, DOMISSV, Louis, 377,388,691
396,398,399,400,415,437,445,450,454, Esc:OUBE, Pierre, 103, 664
362,368 D0NFACJ<, Jean, 352, 423, 427, 445, 448, 689,
457,460,465,504,658,693,694,695,698, 696,697,699 ET0BE,Gilbert, 432, 556, 598
CLERGET, Michel, 355, 368, 689, 690, 691
699,700,701 ETOGA,Florent, 671
COGNY,Rene (general), 366, 394, 395, 450, D0NIAU,505
DEBRUS,H. (chef d'escadron), 664 D0NNAT,Gaston, 40, 41, 54, 64, 76, 77, 79, ETOGA,Paul, 183 1111
684,685,690,693,699
DECRAENE, Phllippe, 175, 431, 574, 686, 687, 137,652,659,660,661,662,683 ETOUNDI, Joseph, 525
COHEN,William ß., 660
Cou..IER(commissaire), 164
697
DORANDEU,Rene,289,290,668 EVINA, Jean, 429, 695, 697, 707 1
DEFFERRE, Gaston, 201, 202, 203, 204, 20S, DORSINVlU..E, Max, 182,671 EYADEMA, Etienne Gnasslngbe, 189, 466, 636
CoLI..OM!IAT,
Benoit, 715
208,226,235,241,286,302,335 DOUALAMANGABELL,Alexandre, 63, 67, 75, EYINGA,Abel, 193, 196, 388, 389, 412, 520,
CoM~Aux,Edmond, 100
DE!iON,Emile (pere), 122 77, 84, 114, 125, 127, 135, 137, 140, 141, 611,614,639,660,662,666,671,680,693,
CoNAN, Georges (capitalne), 259, 284, 290,
DELANCEY, Mark Dike, 700 143,386 695,702,703,705,709,710,713
356, 372, 472, 637
DELANCEY, Mark W., 700 D0UALAMANGABELL,Rudolf, 141
CONRAD, Joseph, 448
DlliNGUt, Charles, 212 Doucrr, Jean-Claude, 413
C0NSTANT, Jacques (Jieutenant), 285
DELAROZitRE, Roger, 660 DOUSTIN, Daniel, 247,256,257, 258,259,265,
COPEl,AND, Miles, 200, 672
DELAUNAY, Plerre (lleutenant), 258 268, 272,277,289, 294, 295, 301,303,304, F
COQUERY-VIDROVITCH, Catherine, 660
CORNEVIN, Robert, 173, 303 DELAUNEY, Maurice, 72, 81, 87, 116,194,224, 305,307,308,314,318,321,356,387,468,
CoRON,Robert, 313 227,229,230,234,235,236,237,238,239, 470,677,678,681,682,683,684,685
C0STE-fLORET, Paul, 101, 102 240, 242, 243, 244, 245, 247, 294, 356, 363, Ü0UZON,Henrl, 195 FAIJGOT,Roger, 378, 609, 665, 685, 691, 692,
Cor, Jean-Pierre, 637, 715 368,369,371,413,441,471,472,496,522, DRAMt,Patrick, 664 700,702
Cor, Pierre, 631 609,637,638,661,662,663,665,666,674, Duev, Philippe, 557 FAME NDONGO,Jacques, 71S
Corv, Rene,203,224,306,331 675,676,677,701 DuMAs,Joseph, 125 FANDTO, Plerre, 674
CoUGOUUl,Andre (capitalne), 691 DELAVIGNEITE, Robert, 42, 43, 44, 46, S8, 63, ÜUM0NET(chef de bataillon), 686 FAN0N,Frantz, 191, 325, 326, 348, 477, 478,
CoUUBALY, Ouezztn, 169 64, 70, 72, 78, 98, 122, 141, 405, 659, 660, DUM0NT,Rene, l 10, 583, 665 686,688,702
CouRADE,Georges, 584, 587, 709, 710 661,666,668,694 ÜUNDAS,Charles, 37 FAURE, Claude, 691
COURCEIJ..E,Rene,L63,669 DELONCLE, Habib, 539, 711 Durouv, Jean-Marcel, 263 FAURE,F.dgar, 109, 176
COUROT,Roger, 306 ÜELTOMBE, Thomas, 716 DURAND,Pierre-Mlchel, 709 FENKAM, Emmanuel (alias• Fermete »), 534,
CoURTIES,~tienne (commandant), 511 DENIAU,Jean-Charles, 702 ÜUSSERRE, Remy, 471 536,542
Coussv, Jean, 388, 391 DENLAU, Xavier, 328, 459 DuvA~ Eugene~ean, 170,361,404,658,659, FENKAM, Frederlc, 518, 519, 700
Coussv, Pierre, 388 DESCHAMP (adjudant), 510 664,671,673,679,687,689,690,691,692, FER11N,Pierre, 362, 493

COUVEDEMURVLLLE, Maurice, 241, 389, 399, DESGRATOLIUT (colonel), 557, 708 694,695,697,706 FEUGAING, Jean, 412, 695
655, 684, 694, 713 ÜESGRAT0ULET, Anne-Marie, 708 DuvAL, Raymond (general), 39 FEZE,Marcel, 206, 223
CRESTDEVILLEN.EUVE (Du), Christian (Colonel), DLAGNE, Blaise, 75 DUVERGER, Maurice, 386 FtllPPt,Sarah, 665
249,256,259,341,357,363,393,676,678, DICl<IJTCH,Susan, 648, 716 FILL0N,Fran~ois, 21,651,658
680,682,683,687,688,689,690,698 ÜIKAAKWA,Betote, 137, 494 FLAMJ:NT, Marc (sergent-cbef), 698
FOCCART, Jacques, 18, 22, 28, 110, 237, 295,
CuRJEL,Henrl, 620, 621, 622, 623, 629, 630, DIMALLA, Pierre, 138, 213, 270, 271, 680 E
714 D10, Louis (ge.neral), 248, 255, 256, 262, 275, 317,373,374,375,378,383,384,386,392,
395,396,397,400,410,445,465,472,474,
288,393,394,396,443,677,678,693,694
DI0P, Alloune, 191 EBENE.ZER, Etam, 494 477,488,502,S04,507,516,518,521,522,
EBOut, Felix, 31 523,532,543,553,591,603,604,609,610,
D DIVOL,Pierre, 77, 79, 91, 174, 662, 663, 666,
667,668,669,670 EBOUSS! ßOULAGA, Fabien, 715 611,612,624,630,632,637,638,667,668,
EtSF.NH0WER, Dwight D., 154, 333 676,683,685,701,703,704,705,712,713
DIX0NNE,Marcel (capltaine), 274, 282, 358,
DAGNAN, Joseph {general), 38 EKANGO, Jacques, 67S FOCHIVt,Jean, 453, 496, 516,517,518, 519,
367,682,689
DALOZ,Jean-Pascal, 715 EKWE,Samuel, 206 520,539,556,569,570,572,574,575,578,
DIYE,Ndongo, 528, 529
DA0UDOU,Sadou, 496,511,513,538,546, EJ..A
fu.A,EmmanueJ, 711 598,624,627,628,629,631,648,700
DJAKAM, Chepda, 528
550,556,557,594,610,641,683,698,703, Et:FASSt,Alla!, 176,260 Fmmu, Joseph, 674, 675
DJAMl'OU, Serge, 714
705, 707, 711 Etotv, Georgette, 131,217,666,667,672, F0NDJO,Thomas, 382, 427
ÜJONTEU,Jean,3S1, 530,567
DARMAGNAC, Lcon Marius, 86, 432 673 F0NGANG,Henrl, 243
DJ0U,Jeon, 412,548,549,695, 707
f.LOUNDOU-EvtGu~, Parfait, 710 FONI..ON, ßemard, 485

720
721
/<i.1/11/l'flllll mun

FORAY,Joseph, 666 GrRMAIN,Jncques,2.19, .11!4, 111<1, ,i'IO, 402, 1IAMANI, l)lorl, 319 Jmtrll, lllcliord, 17, 50, 88, 110, 115, ISO,
FORAY, Simone, 666 674, 671>,692, 69.l HAMMARSlsj0l.O, Das, JS0 167,169,222,306,507, 6S9, 660,661,662,
Fossr,Jacob (alias Nicodcme), 208, 35S, 670, Gi..ROl..\\11,
Andre, 49•1,S 18 HAIUII,MohammC'd, 597, 686, 711 663,66S,667,668,669,670,671,672, 704
671,672,67S,688,689,691 GESCIIIFJt[,reter, 710 HARVEY, Sir 0., 661 JOUHAUD, Edmoncl (gen&al), 200
Fosso, Fran~ois, 659 Gror.,Andrc,56, 191 HAULIN,Gabriel (capltalne), 214, 216, 258, jUUEN,Charles-Andre, 39, 507, 659
FOTSING, Raphael, 627, 632, 714 GrGuET,Maurice (lieutenant-colonel), 511 283,290,356,472,673
Forso, Joseph Foalem, S74, 709 GI.ASBERG, AJexandre, 630 HAIJTUUX, Fram;ois-Xavier, 690
FOTSO, Joseph Marie, 67S GLASER, Antoine, 661,684 HAYEN, 693 K
FOTI'ORINO, trlc, 715 GLOAGUP,N, M., 676 HtBERT (capltaine), 263
F0U0A,Andre, 114,311,576 GODUROY, Marcel, 369, 388, 397 HE.RRIOT,&:louard, 61
FOULON,Jcan, 661 GOEBBEIS, Joseph, 491 Hm.Dt,Adolf, 272, 374, 491 KAEUN, Georges, 218
FOULQUII.R,Alexis, 549 Gom,517 Ho CHI MINH,43, 62, 74, 81, 131, 217, 259, l<AGANOVITOI, Lawre, 278
l'REDENUCI,Jean-Charles, 663 GoRGON,Poe,213,231,670,67S 296 l<AG0LELE,Jacques, 20, 658, 689
Fruwu, Lillanc, 475 GoRSE,Georges, 583 H0DEIR, Catherlne, 66S KALI-Loet,lwiye, 313
Gowm,1,Yakubu (gemhal), 610 HOFFHEAA, Rene, 78, 380, 396, 451, 692, 693, l<ALOOR, Piecre, 19S, 238
GRAJFIN, Rene (Mgr), 71, 121, 122, 124, 125 700 l<AMDEM, ßernard, 343
GRAl1 MEL,i'rederlc, 667,684 HOGARD, Jacques (gfoeral), 249, 251, 264., KAMDF,M, Joseph, 139
G GRAMSCI, Antonio, 256 279,678,681 l<AMDEM NINYIM,Pierre, 193, 194, 206, 209,
GRAN0VAUD, Raphal!I, 657 HOGBENLEN0, Henrl, 600, 712 221,222,223,224,229,235,339,409,410,
GRANGERET-OWONA, Isabelle, 71.0 Houmout-r-BoIGNY,F~lix, 27, 60, 70, 73, 75, 411, 412, 429, 430, 489, 542, S46, 566,573,
GAILLARD, Phllippe, 133, 142, 188, 253, 483, GRAN11,a,Jean, 134, 667 76, 80, 81, 89, 117, 130, 131, 132, 133, 134, 672
485,S16,659,668,671,683,684,686,693, GRATTAROLA, Henri, 518 135, 137, 151, 169, 189,203,302,319,325, KAME, Plerre, 648, 715
702,703,704,709,710,715 GRtGorRE, Emmanuel, 664 596,610,612,636,64S,667,672,684 KAME, Samuel, 193, 194, 196, 229, 235, 363,
GAILLET, Roger (lieutenant-colonel), 5JO GRrewN, Rene (colonel), 404, 405, 407, 408, HO!Jl'AR0F.,Andre, 354, 355 383,384,410, 4.12,413,488,490,497,505,
GA1.ts,Alcxts Corentin (chef de bata111on), 409, 4)0, 413,417,418,419,420,426,432, HUBERT, Jacques, 136, l 77, 235, 667 508,S16,541,616,648,671,674,675, 703,
440,442,510,691,694,698,699 441,463,472,688,694,695,696,697,699, HUGON,Phllippe, 586,665, 709, 710 707
GAU.ANO, Daniel, 408, 695 702 HURt, Francis, 127,308,513,514, S15, 521, l<AMENI,Anatole, 206
GALLIENJ,Joseph (marechal), 136, 240 GROS,Charles (chef de batalllon), 510 564,573,608,609,610,611,613,643,666, KAMGA, Gaston Louis, 688
GAwSSOT, Rene, 714 GROSSER, Alfred, 701 705,708,709,712,713,715 l<AMGA, Joseph, 144, 230, 237, 340
GAMBINI, Paul (capitatne), 215,216,283,289, KAMGA,Plerre, 337
GRossrN,Paul (gen~ral), 373, 374, 378, 456,
290,295,673,674,682,683 477,478,700,702 KAl>iHOUA,Max, 194
GANDHI, Mahatma, 74, 82, 180 GUF.NELEY, Pierre (lieutenant), 279, 681 l<ANA,David (alias• MaUam Defense ~), 426,
GARBAY, Plerre (general), 253, 295, 658, 678, GuF.VARA, Ernesto" Che •, 598, 603, 604 532,533
683,684,689,700 GUEYE, Lamine, 60, 62 l<ANGA, Victor, 573, 574, S75, 582, 627, 628
Gi\Rlltl.Y,Frank, 172, 676, 677, 679, 700, 702 GUJDON-LAVALUE, Robert, 182 ISNARD,Jacques,
6S7, 691 KANGUELIEU TCHOUAKE, Mesmin, 658, 662,
GAROINJE!l, David E., 661, 687 GUIFFO, Jean-Phllippe, 545 675,688,697
GAU0EMET, Paul-Marle, 207 GUILLAUMAT, Pierre, 111, 199, 395, 398, 405, K~PTUE, Leon, 659
GAUl.ll(DE),Charles (general), 18, 19, 26, 28, 406,440,459,637,638,693,694,699,700 KARi,Fulmu N., 709
J KEGNE PoKAM, Emmanuel, 669
31, 32, 34, 37, 39, 40, 42, S7, 60, 61, 99, GUU.LE.MlN,Jacques, 260
111,124,201,237,241,269,301,309,317, GUILLON-VERNE, Patrick (capitaine), 285 KEITA,Modibo, 508, 596
318,319,320,321,328,333,361,373,395, GUJU.OU (capltaine), 290, 293, 683 JACOB, Abel, 711 KEt.LER,Jean (pasteur), 416, 69S
396, 399, 400, 40S, 4S6, 457,460,464, 467, Gt:ISNEL,Jean,609, 66S, 68S, 691,692, 700 JACOB, Fran~is, 658 KEMA)OU, Daniel, 237, 323, 332, 376, 451,
469,494,S04,521,S22,S30,574,603,604, GwoDOG,Jean, 192 jACQUINOT, Louis, 109, 110,323,332,380 569,676,685
611,612,624,637,643,661,677,684,685, jACQU0T (adm.tnlstrateur), 45 KEMB0U, Marius, 688
701,703 JAIJI0E,Max, 175, 682 KfMOGNE, Pierre, 337
GAUTH!Ell, Bernard, 639, 71S JAMOT, Eugene, 274 KENNE, Faustln, 654, 669, 67S, 686, 690, 695,
H ]ANIN,Pierre, 710 696,697,706
Gt.us (DE),Bernard, 119, 162, 178, 666, 669
GEORGES, Reml (dlt Herge), 17 JANOT,naymond, 373 KtNYA1TA, Jomo, 2S9
GEORGY, Guy, 43, 45, 83, 116, 120, 121, 141, HABYARIMANA,juvenal, 637 jAQUET, Gerard, 238,261,307,676,679,684 Ktll#J<OU,Mathieu, 189
659,662,665,666,668,685 HAOt(O,Farhat, 176 JAUfTRET,Jean-Charles, 679 l<F.RGARAVAT,Louis (general), 539, 567, 709
GtRAR0,Claude (son vrai nom : Georgette HAC:tlf.l•bROI,Florcncc, 110 JAVOUREl, Michel, 577 KEtJTCIIA,Jean, 413, 430, 5S2, 695
Gcrarcl), 195, 667 1IA0INC,ur.,Jcan-Plcl'rC,710 Jrcou, f.:.,J30, 686 KPlrrUlA,Julienne, 552

7: 723
Km11C'11111
/
lmkv
K1:vANFt,Jca11-Rober1, 570 i.AMOI kf(lN,jC[lll (col1mcl), 8, 9, 10, 11,, 12, IJ,
KINGUt,Abel, 83, 84, 93, J 18, 135, 162, 170, 17, 18, 25, 26,245,247,249,256,258, 2S9, 443,452,677,679, 68 I, 682,683,684,689, lvtARtIIANl>ISI.,
Jacques, 110
172,178,180,182,195,207,210,211,213, 262,264,265,267,268,270,271,273,274, 690,691,692,693,698,699,700 MARKOIT, Gcrard, 575
324,473,492,528,534,535,536,542,599, 275,276,278,279,280,281,282,283,287, LERov, Gat'lle, 421,543,696, 713 MARKOFF, Llllane, 570
672,706 LERo,•,Marccl (dil « Flnvllle •) (coloneJ), 374, MARSO'I, Andre, 512,514, 705, 712
288,289,294,295,296,302,317,352,356,
KlSOB,George c.,577 477,691 MARTIN,Jean-Paul, 369,691
358,363, 37), 372,379,393,399,400,405,
KJ.ZERßo, Joseph, l26 LESCl.llUEUX,Lucien (capltalne), 291 MAsPERO,Franr;ois, 605, 634, 671, 686, 688,
421,428,434,435,436,437,443,444,449,
KwN, Jean-Fran~ois, 665 l.EsnuNGANT,Jacques,70, 71, 72,661 702, 711, 712, 714
468,470,545,572,593,650,657,658,677,
KN1Gm,Alan (colonel), 198, 672 Lt VlNE,Victor T., 24, 45, 217, 658, 659, 660, MASSAMßA D2BAT,Alphonse, 604, 605, 607
678,679,680,681,682,683,689,691,692,
KOFEl.E·KALI!,
Ndiva, 715
694,698,699,701
673 MAssu,Jacques (gencral), 255,398, 401, 469,
KOGUEUM,Joseph,518, 705 LEwAT,Oswald, 716 694
LA.~, Mohaman, 60, 62, 376
KOM,Ambrolse, 713
LAMouRtRt:(colonel), 681
l.tWJN,Andre, 711, 712 MATARASSO, Leo, 177
KOM,David, 35Q, 594, 601, 688, 704, 712 L1ENART, Achllle (cardlnal), 124 MAITEI,Fran~ois, 190, 671
LANOrm (VANDE),Charles, 265, 680
KONlNGS,Plet, 454, 545, 577, 586, 660, 700, LJGOT, Maurice, 465, 466, 701, 704 MAUCll.RE, lt., 142
LANTELMB, Rene (coloneJ), 398,514,521, 693,
707, 709, 710, 715 Lmco1..~,Abraham, 561 MAUGUt,Daniel, 354, 413, 426, 689, 695, 697
705
KOSCIUSKO-MORIZIT, Jacques, 312, 328, 329, LINGO,Cclestin, 619,627,632,703,713, 714 MAURRAS, Charles, 249
l.APARRA, Maurice, 664
330,331,390,471,687 l.oGMO, Antolne, 313 MAYIMATIP,TModore, 314, 315, 316, 329,
l.APJE,Plerre-Olivler, 58, 660
KoUFAN MF.NKENE, Jean, 675 loMO MYAlHIOM, Aggee-Celestin, 660, 713 332,334,340,349,351,386,390,410,427,
lARMlNAT (DE),Edgard (generaJ), 186
KOUNGOU Eo1MA,Ferdinand, 566 l.oNSDALE,John, 259 473,490,492,503,530,685
LAlutue,Jacques, 665
Kluu, Claude, 286,682 l..oTH,Mbome, 569 MAZDIAUD, Roman, 658
LASERRE(DE), Fran~olse, 260
KRIVINE, Alaln, 399 Lou1s1A,Yves, 238 MB,\JUM,Samuel, 659,661.
l<ROP,Pascal, 10, 17, 691, 702 LAssERRE, A., 670 LuClARDI, 36 MBALI.A, Bamabe,391
KUITCHE FONKOU, Gabriel, 674 LAurut, Leopold, 710 LUCKHAM, Robin, 467, 701 MBATCIIOU, Stella, 674, 706
KuoH, Christian Toble, 487 LAURltRE,Andre (lleutenant-colonel), 354, LUMUMBA,Patrlce,380,474,478,525, 702 MBAYE, Sallou, 667
KUOtlMOUKOURI, Jacques, 77, 684 372,377,402,404,450,452,688,689,691, LYAUTEY, Hubert (general), 240 MSEMBE,Achtlle, 10, 17, 49, 54, 55, 94, 172,
KWAYEB, Enoch, 383, 430, 448, 496, 532, 543, 692,694,699,700 179,180,222,265,279,292,294,639,657,
[...\VAL, Plerre, 517 659,660,661,662,663,666,667,668,669,
544,546,569,570,573,575,577,628,699,
707,713 LAVROll',Dimitri Georges, 692 670,671,672,673,678,681,682,683,685,
LECLl!RC, l'hlllppe (general), 31, 32, 33, 34, 35,
M
686,715
36,46, 188,248,249,398,658 MeENG,Joseph, 569
UCOMTE,Jean (general), 249 MABIUAU, Albert, 704 MBIDA, Andre-Marie, 189,204,205,206,219,
L Lrnuco., Roger (capltalne), 510 MACIAN,Deslre, 712 220,224,247,252,254,255,258,261,286,
LEFEBVRE, Marcel (Mgr), 121, 123, 158 MADINl,Mongi, 674 293, 30S, 306,307,309,311,312,314,332,
LEFtVRf,Jacques-Louis (lieutenant), 438, 439, MAHONDt,famille, 233 360,391,410,473,495,644,668,672,673,
LAerr(gen~al), 696, 697 549,698 MAfnuER,Georges (capltalne), 245, 356, 369, 679
LAooNNE,Elrlk, 102, 103, 104, 105, 106, 111, LEFLOCH-P~GENT, LoYk,643, 715 371,471, 472, 637 MBOCKMBOCK,El~azar, 566
149,664 LF.GRANO, Michel, 675 MAJOR,Doumbla s.,658 MBOMBOCK NSOGA,THOMAS, 625
LAOONNE, Fran~ois (lieutenant), 363, 364, 689, LEGu1uou, Jean (commandant), 268, 279, MAKANOEl'OUTHE (de son vrai nom : Theodore MOONG,Sllas, 23
690 674,680,681 Mpouma Kilama), 351,382,427,530,531, MBOUL~DE,Jean,568,569,573,627,670,709
WROUSSE,Arnaud, 715 LEHtNANT,P., 681 542,546,566,627,689,692,706,708 MtoARD, Jean-Fran~ols, 522, 593, 705, 709,
LACAM, Andre (lleutenant), 438, 698 LEIRJS, Michel, 631 MAKON,Luc, 290, 293 711
LAOIARRIOO (DE),Rene, 659 LEu, Urna, 711 MALCOL.\tX, 603 MEDJO,Pierre Minlo, 598
LACHEROY, Charles (colonel), 130, 149, 150, LEMBEZAT, Bertrand, 145 MALENKOV, Gueorgul, 278 MEHLf.R, Andreas, 715
151,152, 153,154, 155, 157, 159, 166, 184, LEMERER (sous-lieutenant), 510 MALOUBIER, Bob, 637 MEIMON,Jullen, 507,660,684, 701, 704
235,244,247,249,250,264,468,470,521, LENTIN, Albert-Paul, 597, 711 MANAN,Haman, 709, 715 MtKOU,Samuel, 477, 528
523,668,669, 705 UONARD-81.ANCHER, Pierre (capltalne), 415, MANDELA, Nelson, 526 Mw.o, Louis, 424
l.,1couruRE,Jean, 630,634,664, 714 416 MANG,Sylvestre(colonel), 271,438,439,513, MELNlK,Constantln, 18, 19, 20, 26,373, 374,
l.AGANE, Claude, 392, 693 LEPEN,Jean-Marle, 20 520,556,566,567,680,698,705,708 431,477,657,691,702
l.AGET,686 LE PULOCtt, Louis (gfocral), 256, 259, 260, MANUE,Georges R., 96, 663 MENOts FRANCE,Plerre, 117, 124, 158, 194,
LAGORCE(OE),Paul-Marie, 685 262,268,283,287,291,294,318,356,357, 'MAOZf.ooKG, 151,217,342,473,604,614 668
LAI..AURIE, l'::tlcnne, 40, 44 358,364,370,371,372,376,39J,394,395, MAPPA,Sophia, 709 MENGUFME, Jean-Marcel, 575, 708
i.AMBER1, Nlcolas, 706, 712, 715 398, 400, 40 l, 4011,428, 4.'.14,4.15, 436, 11J8, MAROIAND, l'ierrc, 293, 390 MtNIFR,Jacques, 388,389,390,391,448,693,
MARtllANll,Th&xlorc l'aul, 51 699
724
725
,,,.,..,,
l
Km11t1n111

62..-1,624, 625, 626, 627, 628, 629, (l:10,6,i l, NvANANA,1 ltadd~. 569,570, 57J
MWo, Hen.rt-Marcel (capttotne), 557 MONOI),1 hfodore, 630, 63 l, 714 633,688,713,714 NYF.M,Kol, 290
M~ruc, Maurice, 4J MONTIIE,Paul, 213 NOOUMOU,J.-ß.,707 Nvont l'ANDJOO:,Isaac,252, 280
MERMIER, Jacques, 425, 697 MorEN, Noc, 542, 566 NEHRU,Jawaharlal, 252 Nzt, Thomas, 688
Ml'.SSANOT (adjudant), 270, 680 MORANT (capllalne), 372 N2Mo,Jean (general), 100 NZOKO,Ah1ned,88, 135
MESSINA,Jca.n-Paul,626, 713, 714 MORtT(chef de la Sürcte), 276 NENKAM, Frederic, 430
MESSMf.R, Plerre, 8, 10, 13, 27, 32, 33, 45, 76, MORTIMER, &!ward, 666 NENKAM,J.-C.,707
131,133,201,202,203,204,205,206,207, MOUCHl!T, Jean, 658 NENKO,Jean SylvaJn, 712 0
208,209,210,213,214,215,218,220,222, MOUMlt,Felix-Roland, 27, 28, 83, 84, 89, 93, NETO,Agostlno, 605
226,228,230,235,236,238,240,241,242, 94, 120, 121, 141, 143, 145, 161, 162, 163, Nu (adjudant-chef), 510
245,253,254,255,256,257,259,260,261, 165,168,169,170,171,172,174,178,180, OCKRENT, Christine, 636
NGANDIE,Joseph (alias • Chateau Dyna-
264,269,270,272,276,278,282,286,289, 182,195,207,210,213,223,324,326,331, Oowr, Maurice, 371,516
mlque » ), 426 ÜDIER,Jean-Jacques, 313, 427, 451, 685, 697,
293,295,296,304,305,309,311,328,335, 332,336,341,342,348,351,352,360,378, NGANDO,Alfred, 660
363,398,399,400,401,420,421,428,435, 409,410,421,460,473,474,475,476,477, 699,708
NGAPETH, ReneJob, 180,349,559, 708
443,459,462,468,469,470,477,496,609, 478,492,525,527,528,529,535,537,597, OJUKWU, Odumegwu Eme.ka (Ueutena.nt-
NGBAYOUMOLUt-1, Pa.sma, 497, 703
617,644,650,658,659,661,667,672,673, 600,636,662,666,671,672,676,677,679, colonel), 609,610,612
NGOMa.nguele, Esther, 290
674,676,679,682,683,684,694,698,701 686,687,688,691,692,700,702 OKAH,Benoit, 198
NGOM,Jacques, 41, 84, 119,177,209,213,
ÜKALA,Charles, 77, 127, 143, 206, 476, 495,
MEYl'flER, Gllbert, 20, 657 MOUMJ.t,Martbe, 89, 143, 474, 662, 668, 671, 316,349,386,473,688
MEYNIER, Octave (general), 20, 99,657, 658 702 58l
NGOMSI,Fran~ois-Xavler, 690 ÜLMER-LACAMP,
Max, 286,292,420,421,682,
MEYONG, Nestor Fils, 137, 674, 680, 683 MOUNIER,Emmanuel, 191 NGONGO,Louis, 666, 668, 669
MEYRJAT, Jean, 704 MOUTERDE, Emmanuel, 667 696,699
NGOUAUI, Marien, 263, 608, 638
MIAFFO-l<ALLA, 238 MOUTET,Ma.rlus, 201 OLLJVrER,Yves, 44 '-
NGUEMAI.EU CHEALF.U, Celestln (colone.l), 439,
M1CliEI.,Marc, 273, 659, 678, 681, 684, 686, MOUTIEZ, Andre, 134, 667 OLYMPIO, Sylvanus, 241, 320, 328, 465, 471,
564,698,708,710,711
692,693 MPAYE,Hyacl.nthe, 90, 177,315,663 596,611
NGUFONCliA, John, 567
Mn,NER,Ralph, 631 MPOUAMZ.E, Yves Christian, 678, 679 OMNl's,Yvon, 651
NGUIMBOUS, Andre (1955), 172
MrNTOOGU~Yves,654,674,680,681,682 MPOUMA, Samuel, 212,217,351 ONANA,Janvier, 661,672,673
NGUIMBOUS, Andre (1965), 599
MIOCH.E ONANA,Marle-JosephJne, 671
1 Philippe, 664 MuISSE,Ousmaoe, 206 NGUINl,Marcel, 666
MITTERRAND, Fran~ols, 62, 129, 130, 131, 132, MUKONG, Albert, 627,632, 703, 714 ÜNANAAWANA, Charles, 488,493
NICOLAS, Henri Pierre, 43, 44, 64
133,203,495,635,636,637,643,644,645, Muu.ER(capltalne), 691 ÜNANAMFF.GE, Andre-Hubert, 706, 712
NlNINE,Jules, 63, 116, 125, 143,157,308
651, 661, 667, 715 MULI.ER,Jacques (capltaine), 366, 688, 690, ÜRTOLIPaul (amlral), 400
NtxON, Richard, 333 ÜSENDEAFANA,Castor, 193, 195, 218, 324,
MoeuTU, Joseph-Desire (Sese Seko), 312, 469, 691 NJANTOU DANTSt,H ., 707
474,604,612,636,645 341,474,526,528,529,535,536,537,595,
NJASSEP,Mathieu, 518, 625, 626, 627, 631,
MOCH,Jules, 101 597,599,600,605,606,671,705,711,712
705 ÜTTU,Emah, 121,249,492,503,667
M0tiAMMEDV (Mohammed Ben Youssef), N NJAWUt, Nicanor, 528, 529, 537, 621, 622,
176,260,397 OuANDtt, Ernest (dit ~ camarade Emlle »), 28,
623 83, 84, 89, 93, 120, 124, 145, 161, 169, 178,
MOKHTARl, Amar, 438, 698 N,JF.UMA, Martin Zachary, 712
MOLINATI1, Georges, 125, 129 NANGA,Bemard, 715 180, 182, 193,195,207,210,213,324,332,
NJOCK,Aloys,53,291,599,600 351,473,478,492,518,524,528,529,531,
Mm.ur, Guy, 133,140,201,203,204,205 NASSER,Gama.l Abdel, 181, 325, 336,508,526, NJOl'A,Arouna, 307,332,337,351,388
MOLOTOV, Vlatcheslav, 278, 671 597 532,533,534,535,536,537,538,539,540,
NJOYA,Etienne (alias« Mobile•), 307, 332,
MOMO, Gregolre, 172, 365, 442, 443, 551, NAS.sß',Jean-Marle (capitalne), 657 541,542,545,562,567,569,575,576,583,
337,351,388 588,593,595,596,599,602,613,614,617,
553,590,592,666,670,699,707,708,711 NDEFFO,Henrl, 666 NJOY/\,Seidou Njlmoluh, 143
MOMO(Paul Tchemboa.), 227, 245, 339, 343, NDE.HNTUMAZAH, Wilson, 239, 527, 529, 532, 618,619,622,623,624,625,626,627,628,
NKEN,Simon, 663, 670, 672, 685, 686
382,408,409,410,411,412,429,430,448, 535,536,537,600,602,702,705,706,712, 629,630,631,632,633,634,636,641,666, 11
NKRUMAH,Kwame, 75,181,302,319,320, 11
667,671,672,686,705,706,707,713,714
518, 697 713 321,325,336,341,360,426,474,508,526,
MONGO,Thomas (Mgr), 86, 183, 187, 191, NDtLtNt, Jeremle, 228, 343, 352, 382, 411, ÜUANDlt,Marthe, 89, 332
535,536,596,598,599,605
253,254,313,314,421,422,617,631,632, 419,420,423,429,430,449,527,695,697 ÜUU>DADDAH, MokhtaI, 260
NKWF..NGUE, Pierre, 671, 672
633,634,636 NDJOCK,Paul-Theodore (colonel), 439, 627, OussET,Jean, 249
NOKINGUE, Gabriel, 547
MONTOT, Henri, 660 698,703,705 ÜWONOMIMßOE,Simon, 231, 494, 565
NOSI.EY, Maurice, 311,685
MONJENGUE, Samson, 608 NDOH, Isaac, 340 OvoNo, Dieudonne, 704
t:JouMBI,Joseph (alias~ Noumbissi •l, 227,
MONNBRVILI.E, Gaston, 62 NDOH, Michel, 195, 525, 527, 529, 535, 537, ÜSOUF,Valerie, 421, 543, 696, 713
243,339,674,677,695
MONNl!T, Jean, 96 599,621,622,704 NOURRY, Philippe, 403, 453, 694, 700
MONNIER,ßernard, 227, 238, 674, 675, 676, NOONGMO,Albert (Mgr), ,193, Sil6, 569, 575, Nousc:111,Andre, 665
684 576, 6 IJ, 61 li, 617, 611!, 619,620,621,622,

727
no
li."'"'' 111111 /11,/1•.~

p
187, 194,203, 204, 2S0,255, 272, 30J, 3 18,
398, 427, 482, 589, olS, 650, 66'1,6t'l8,669,
s Sll,II0KOFOSSI,Abraham, 208, 670, 671, 672,
675,688,689,691
670
PAGts,Pierrc, 144 S1MOON1Dts, 577
l'RCVrrALI,
Stcphane, 281, 680, 682
PALAYRET,Jean-Marie, 663 SABAL LECCO,Felix, 546, 547, 556, 569, S76, S1Mo,Pierre, 227, 230, 233, 244, 246, 330,
PRIVAT, Andre, 215,218, 673
PAl'ON,Maurice, 264 617,618,629,707,709, 7)3 339,340,362,413,677
PROUZET, Michel, 692, 702, 709, 713 S11BLAYR0u.r.s,Jean, 236, 238, 471, 675, 676
PARF.NT, Henri, 665 SIMON,Catherlne, 712
PRm--~ER,Gerard, 259, 6S9
PARET, Roger, 176,670 SAH,Leona1d,665,688,692, 708 SINGAP, Martin, 163, 223, 227, 231, 245, 326,
PARJSOT, Serge-Henri (colone.1),100, 664 SAHA TCHINDA, ttienne, 675 331,339,341,342,343,344,351,352,361,
PARODI, Alexandre, 104 S,\IBOU,lssa, 713 408,409,410,411,412,417,418,419,420,
Q SAINT-ExurtRY (DE),Patrick, 16 429,432,445,531,532,533,674,695
PAUL,Abdoulaye, 293
PAVLOV, Ivan, 272 SAINT-MICIIEL, Serge, 688 SINGUI, Andre, 531
QUANTIN,
Patrick, 715 SALAN, Raoul (general), 398, 468 SIR!ElX,Paui-Hend, 131, 667, 672
PüN, Pierre, 10, 294, 472, 667, 701, 702, 705,
715 QUEULLLE,
Henri, 124 SALASC, Leon, 118 SIYAM, Georges, 382
PEISBR,Gustave, 692 QUEZEL•COLOMB,Maurice, 440, 447 SALAZAR, Antonio de Oliveira, 603 SIZAIRE, Robert (general), 401, 428, 462, 463,
PwssrER,Pierre, 694 QUEZEL·COLOMll,
veuve, 699 SAUN,Herui-Paul, 36, 122 469,696, 701, 710
PENDA, Pierre, 162 QUIRIELLE
(DE),Fran,;:ols, 388, 701, 703, 705, SAtVAN, Jean (general), 214, 256, 673, 678, SMU, Jean-Philippe (dit • Johnny Hal-
706 679 lyday »), 591 ...,
PENKA, Miche.l, 408,446
PERErn,Jean (sergent), 445 SAMt,Ngomba, 542 SMITH, Stephen, 661, 684
Pwts, Gabriel, 16, 152, 4.70, 664, 668, 692, SAMMARCEW, Marcel, 224 SOKOUDJ0U, Jean Rameau, 206, 223, 238, 676
R SAMOBO, Plerre (general), 549 SONKt,Alex Bertrand, 194
698,701,705,710
PE.RIUiOU,Jean, 670 SANMARCO, Louis, 71, 114, 126, 310, 398, 659, Sowo l'RIS0,Paul, 36, 77, 93, 117, 140, 141,
PERRAULT, Gilles, 714 RAMADIER,Jean, 269,305,311,318,644, 674 661,665,666 142,143,193,205,206,207,208,209,210,
PF.RTHUIS DEW\ILLEVAULT (DE), 39 RAMADIER, Paul, 76, 306 SAJU<OZY, Nicolas, 390, 650, 651, 652 211,219,220,222,223,307,311,312,314,
PERvtut, Guy, 686 RtBEYROL, Phlilppe, 611,612,613,630,643, SARRAUT, Albert, 50, 56 332,386,409,410,450,473,500,581,672,
PtrAJN,Philippe, 32 713, 714, 715 SARS(DE), Henr.l (capitaine), 511,557 673
PETIT,Jean-Marie (lieutenant-colonel), 704 RENAN, Robert (colonel), 513, 514, 566, 574, SARTRE,Jean-Paul, 127,191,348 SOUCADAUX, Andre, 117, 128, 138, 140, 142,
PICHON, Fram;ols, 55 705,708,709,710,712,713 SASSOUNGUESSO, Dertis, 637, 645 143, 144, 146, 154,162,328, 665
PIGNEOOU, Serglo (Mgr), 626, 713 RE.NARD,Alfred (adjudant-chef), 370, 706 SAUL, Samir, 664, 665 SoUUER,Maurice, 40, 44, 77
PlGNON, leon, 162, 167, 668, 669 Rmo,Jean, 662, 668 ScHJMTz, Jean, 664 Souu, Georges (lieutenant), 274, 275, 316,
PINAY, Antoine, 124 RICHARD, Jacques (colonel), 386, 690 ScHMUCK, Yves, 388, 389 680,681
PINEI.U, Eugene, 680 RICCllUR,
Paul, 631 SCHUMIIN, Robert, 96, 197 SOUSTELLE, Jacques, 59, 186, 66 l, 671
PIOLOT, Maxime, 679 RIGAt,Joseph,291,681 SCHWEITTER, Albert, 274 SrCNALE, Georges, 120, 328, 666, 668
l'IOLOT,Noel, 259, 679 R!GOUSTE, Mathieu, 680, 681, 687 St.DAR SENGHOR, Leopold, 80, 98, 124, 125, SrOERRI, l'lerre, 311, 68S
PLEVEN, Rene, 31, 41, 124, 131, 133 RIVAILLE,Jacques, 266, 267, 276, 680 19],203,220,319,325,608,612, 663 STAl.!NE,Joseph, 65
PUSSONNEAU, Albeit (capitaine), 365, 690 RIVF.S-NIESSEL,
Jean (colonel), 367, 440, 690 SEKOU SISSOKO (cheikh), 488 STAL1'ER,Marcel, 495
POMMEROLLE, Marie-Emmanuelle, 715 ROBERT, Maurice, 375, 472, 474, 477, 516, St.KOUTouRt, Ahmed, 14, 27, 80, 306, 319, STANLEY, Brlan, 672
POMPIDOU, Georges, 32, 80, 612, 624, 632, 517,522,609,637,691,702,705 320,336,341,360,374,375,380,402,474, STEELE, Arc.hlbald T., 684
643, 714 ROBIN,Marle-Monlque, 283, 668, 678, 679, 508,526,565,596,597,711,712 STEYN, Phia, 665
PoNDI,Jean-Emmanuel, 688, 705 680,682,698,701 SEMENGUE, Piene (generai), 187, 468, 510, STJBBB, Pierre, 195, 496, 672
POND!,Paul, 253, 350, 515, 520, 538, 552, ROBIN, Yves, 506, 704 512,513,515,520,542,549,SS6,588,S98, SUAREZ,340,375,377
556,599,601,624,688,705,712 ROCAGIJA, Pierre, 308, 310 671,701,705,708,711 5URET-CANALE, Jean, 45, 83,659,661
PONSAll.LE, Guy, 637 ROCARO, Michel, 264, 679 SENDE,Jean-Paul,23,180,669 SWYNNtRTON, 710
PONSE, Louis, 678 ROGALSKt, Michel, 621,622, 623, 714 SENGAT-Kuo, Frarn;ois, 487
Poss10,Tlbault Stephene, 664 ROMMEL, Erwin, 42 SENTJS, MichelJ., 197
POSTEL-VINAY, Andre, 57 ROOSEVELT, Franklin D., 65 SEl'O,Jean, 232
POUKA, Louis-Marie, 498 ROSTAIN,Claude, 703 SERVAN-SCl!REIBER, Jean-Jacques, 286 T
POUMAJLLOU, Paul, 544 ROUSSEAU, Jacques, 115, 308, 381, 384, 385, SERVENAY, David, 16, 152, 470, 638, 664, 668,
PRt, Roland, 8, 27, 104, 105, 109, 110, 111, 386,388,459,484,66],665,668,684,692, 692,698,701,705,710,715
146,149,150,153, 1S4, 155, 1S6, 157,158, 693,700,702 S11'\NDATONME, Jean-Claude, 658 TAUET,Jean,621,714
159,160, 161, 162, 164, 165, 166, 167, 168, RUFFIEUX,Jean-Marle, 688 5HAI'rAL,Sabi H., 710 TABEU,Gabriel (alias• Wambo-le-courant •),
169,170,174,175,176,177,178,181, J83, Rusc10,Alain, 696 S1arn(colonel), 628, 714 620,629,632,714
SIDlb,Andre, 372 TAGNI'.,
Samuel, 343, 654

728
7',()
Kamur,111/ /1u/(t,\'

TAGNY,Mathleu, 145, 164,177,206,209,231, TORRt, Xavler, 287, 304, 307, 310, 320, 330, VIANSSON-l'ON'rl\,
Plerre, 373 WQUNGl,Y-MASSAGA, ltene Ngouo (r1lir1s
666,669,670,672,675 358,363,393,437,675,677, 681., 683,684, VIDAL-NAQUET, Pierre, 71.2 « commandant Kissamba •), 525, 528, 529,
TAKALA, Celestin, 629, 631 685,686,689 VJLLATOUX, Marie-Catherine, 664, 678, 679, 534,535,536,537,542,598,605,606,607,
TALLA,Pierre, 417,448,695 TouoARO(sergcnt-chet), 293 701, 703 608,610,622,685,705,706,707,712,714
TAMO,Henri, 231, 232, 344, 369, 427, 529, TRANCART, Andre (lleutenant-colonel), 185, VILLATOUX, Paul, 664, 678, 679, 701, 703
530,670,688,691,706 283,682,683 (DE), R., 162, 668
VILI.El.ONGUE
TANKEU,Noe, 344, 529, 531, 542, 546, 620, TRAORt,Moussa, 189 VILLENEUVE (DE),Frederic, 200 y
627 TRINQUleR,Roger (colonel), 250, 256, 268, VOGEL(Beuteoant-colonel), 706
TARALLO, Andre, 638 398,469 Vrns1N(Ueutenant-colonel), 680, 683
YAYA,Moussa, 332,488,489,490,516,616
TARDITS, Claude, 663 TRUMAN, Harrys., 72, 154
YEMBFi.
YEIIEL,
Antolne, 271, 680
TARDY(marechal-des-logis-chel), 677 TSANGA, Delphine, 552
TATSA,Jean,688 TVBERT,Paul, 40 w YEMMBACK,Pierre, 253, 291, 301
YOGONTONGA, Fran~ols, 69,661 ___,
TATSITSA,Jacob, 674 TIJRPIN,Frederlc, 701, 704
YoUL,OU,
Fulbert, 319,380,595,603,604,605,
TAWA,Dominlque, 223, 411, 674 WAKEFORO, Geoffrey, 378 608
TCHANQUt,Pierre, 574 WALL,lrwin M., 333
YOUMBI,Djumo, 424, 696
TCHAPTCHET, Jean-Martin, 191, 195, 475, 525, u WANDJJ-Nl(IJlMY,Jean-Plerre,552,569
YOURCENAR,Marguerite, 708
527,528,529,534,535,536,537,599,621, WANGEN(DE),Jehan, 621
622, 671, 672 WANKO,Samuel, 230,233,245,339
UM Nvost, Ruben, 9, 11, L7, 24, 27, 28, 41, 76,
TCHEULEUTIENTCHEU, Chrlstophe, 624 WANYAKA, Arnos (colonel), 712
TCHINOA,Etienne, 228, 423, 527, 674, 695,
77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 86, 87, 89, 91,
WANYA.KA, Virginle, 707, 710
z
92,93,94,95,113,115, 119,123,127,128,
696,706 WAUTHIER, Claude, 686
130,134,138,139,140,141,145,162,163,
TCHTNDA, Marc, 445, 549, 550, 551, 555, 699, WH!TEHOUSE, Jean (colonel), 211, 216, 248, ZANG-ATANGANA, Joseph-Marle, 660,671
164, 165, 166, 168, 178, 179, 180, 181, 182,
707,708 256, 672, 673, 677 ZEBON,Zacchee, 688
192,193,195,206,207,208,209,210,211,
TCHOKOKAM, E.lie, 422,527,696, 711 WJKOUONEYl, Emmanuel, 601, 712 ZELLER,Andre (genera.1), 468
213,216,217,218,221,224,226,231,232,
TCHOUANGOU,Andre,569 Wll.SON, Woodrow, 65, 239, 702, 705, 706, ZERBO,Yacouba, 7 L1
233,247,248,252,253,254,264,271,272,
TCIJOUMBA NGOUANKEU, Isaac, 206, 239, 332, 273,277,278,281,284,285,286,288,289, 71.2, 713 ZEUFACI<,Albert, 639, 715
409,494,575,672 WIRBEL(commandant), 568, 583, 593, 704, ZEZ.E,Samuel, 231, 232, 370, 494, 604, 605,
290,291,292,293,294,295,296,297,301,
TCHOUNGUI, Simon-Pierre, 626 709,710 608,675,691,703,706,712
304,305,312,313,314,315,316,320,324,
TCHUMTCHOUA, Emmanuel, 36, 658, 659, 661, WoERMANN, Adolph, 48 ZIMM[RMAN (adfudant-chef), 510
327,328,329,335,338,340,341,349,356,
665 WON\'U,Eugene, 390, 490, 491, 505, 692, 693, ZOA,Jean (Mgr), 493,616, 620, 626, 713, 714
361,381,390,430,448,4S1,473,478,482,
ThFAK,Augustin, 388 704 ZYEM,282, 290
492,504,536,537,600,607,617,635,636,
TtGUIA,Jean-Marle, 222, 224, 227, 229, 235, 652,657,660,662,663,668,669,670,671,
410 672,673,67S,678,683, 684,685,686,687
TEITGEN,Paul, 287
TorGEN,Pierre-Henri, 156, 168, 174, 669
TF.RRETIA,Meredith, 25, 88, 243, 658, 663, V
672,674,675,677,707,714
TERSARKISSOF, Alexandre, 362, 363, 364, 377,
VA!SsE,Maurice, 679
393,406,441,592,690
VALENTIN (capltaine), 45
TtuutRE (cbef d'escadron), 676
VARNEY, Guy (Colonel), S93, 613, 713
THELLrER, Nina, 17, 18, 657, 696
VAUJANY, Jacques (mMecln-capltalne), 441,
Tmoue, lbrahima, 667
447,448,694,699
TuoREZ,Maurice, 62
VERßl'.EK,
Yves, 623, 624, 625, 714
T(U,()N,Charles, 76
VERGts,Jacques, 191,193,453, S26, 598,631
TIRANT,Rene, 75, 163,329,606, 673
VERGOZ,Yves, 182, 254, 290, 661, 666, 671,
TisoN (capitaine), 510 678,683
TrXIER, Adrlen, 40
VERLET, Martin, 621, 623, 624, 625, 626, 630,
l)EGA,Joseph, 123 714
TOBNER, O<lile, 422, 654 VERSCHAVE, Fran~ols-Xavler, 10, l 1, 16, 17,
TOKO(chef), 578 393,421,657,667,696,701,715
TOLEN,Aaron, 704 VEHSP.L,
Jcnn, 138, 668

7:10
Tabledes matieres

Introduction. Enquete sur une guerre oubliee 9


Letemoignage post mortem deJeanLanwerton 10
CommeenAlgerie,Indoctrinefran~aise de Ja« guerrerevolutionnaire
»
c'il'reuvreau Cameroun 12
Aux originesdu systemeneocolonial fran~aisenAfrique 14
U11e guerreenfouie: silence,fictionetaffabulations 16
Negationsofficielles 20
Un bilanmeurtrier, encoretresdiffidlementchiffrable 22
La Francecontrele Kamerun 26

I
«Kamerun>,, une breche
dans l'Empire frarn;ais
(1945-1954)

1. Douala-Brazzaville-Douala: l'ebranlement colonial


(1940-1945) 31
1940 : /esgaullistes
proclament/' « independance
» du Cameroim 31
Les« indigenes» sousla bottefran~aise 33
Desbraset dela c/wiracanon 34
L/bemt/011 enFmnce,promesse.s aBrazzaville,,nassacresoutre-mer 36
Mntr/ce1/'1111fnce-it-(ace:
Jesyndlcallsme
indige11e... 40

73
/ ,1/Jlt•
,/i'} ,11,,1/l
111'\

K11111em11
/
6. llarosurl'UPC(19'1K 19M) 113
... et /es « co/011s
tlermnbnt» 42 Tmquer:.~~11enlogie tle/11flo11tl1•
tlrctomlem1 Cm11ero1m 114
Lese111e11tes deseptembre1945 43 / lnrceler:pro1oca1io115,
1 l11tl111itlatiom
,,, "guerillapsychologique
» 116
Epilogue pour1111
mnssnae 45 1t1mlper: l'affaire« U,11 Nyob~-,le Gells11 119
Diaboliser: l'tgliseca1/wliq11e e11crolsade contre
2. Les Illusions d'une « colonisation humaine » 47 /' « orgnnisnt/011deSatan» 121
"Le marchandd'abord,lesoldatensttite" 48 Mo,iopoliser: Louis-Paul Aujoulat11la manre11vre 123
« Humaniser la colonisation
» 50 Me11tir: /esmnnipulations de laFrnncea/'ONU 126
Le « goCitdu travail» 53
lndigenes,colons,nation:aquitloitpro{iterla colonisation
? 55
7. L'introuvable altemative al'UPC 129
QuandFrnn~ois MitterrandretoumeleRDA... 130
3. L'« Union fran~ise » ou la fin des illusions ... MathiasD;oumessiretoumesa veste 133
de Brazzaville (1946-1947) 58 Divise,:/a carteethniqueet /es « opposltionsa{ricnlnes
» 136
LesespoirsdeJapremiereConstit11a11te 59 Moderer:/erecrutement d'elites« moderees»
Lesbalbutiementsde la IV"Republique 61 et d'« interlocuteurs
valables» 140
Au Cameroun,/escolonsdecombatsontrnssures 63 Tnterdire? estala mode
« Le nationafl'sme
Lapremlerebatail/ede l'ONU 65 chez/espeuples"attardes"» 144
68 ...,
Unecoloniequi11editpasso11 110m
Lapadficationparla productivite 71
H
4. La naissance de l'UPC (1947-1948) 74
Feu sur J'UPC (1955-1958)
La creation
du Rassemblement
democratique
africain(RDA) 75
Du RACAMal'UPC:emergence d'un mouvement
politiquecamerounais
autonome 76 8. Roland Pre lance Ja « contre-subversion »
RubenUmNyobe,11nleadercharismatique 79 (1954-1955) 149
Moumie,Ouandie,Kingueet lesa11tres 83 La « leron» du colonelLacheroy 150
Lesbastionsde /'UPC:canafiser/esmecontents 85 Leplandebataillede RolandPre 153
L'UPCet /esassociations
« tmdltio1111elles" 87 « Lesmoyensdemocratiques deluttecontrel'UPC
Lepartides« hommesin(erieurs» 89 sontvouesc'il'echec» 156
« Kamenm», defiaTacolonisadon franralse 92 Du « noyautage communiste» ... 158
... au faux « nationalisme» 159
Strategie de la tension 161
5. Le piege de l'interdependance « eurafricalne „ 96
96 « I11dependa11ce immediate! " 165
Le masque« eurafricain »
L'Afriquecomme« zonederepli» 99
« Defenseensurface», « zonesdedefense» 168
9. L'UPC interdite (mal 1955)
et« industrialisation
strategique» 100 1

169
L'embrasement deMai: lesangcoule
RolandPr€,apotrede l'industrlalisation
strategique
et milltnrisee 104 173
Lechocdesinterpretations
Contra/erJeCameroun« en tautehypothesedes011verai11ete » 106 1
175
Vissolutionet represslon
CombinatEnelca111-Al11cam, l'i11terdepeudn11ce
contrel'/11dfpenda11ce 108 177
l)lspersio11
et clandesti11ite
Unedouceodeurdepetrole... et d'11rnni11111
? 1J 1
Q11e faire? ( 1) Laq11estion
deTal11Nennnee 179

735
7;\11
I
ifft11•11111 • li1/Jh'rll'\ 111111/~rt'\

Q11efaire?(2) m1"'1mr leco1111111111i~111e 181 14. Aux orlglnes de la ZOPAC: l'lmportatlon


De{ellseimerie11re 182 d'une doctrine mllltalrc cn Sanaga-Marltime 247
Luttercontre/' « adversalre
i11terle11r
» e11
Afriq11e
centmle 185 De~« opemtIonscleguerre» ... 248
... ,1/a « guerrerevol11tiom1aire
» 250
Lereß1sdenegocler 252
10. « Au pays des Blancs » 187 255
No11velledoctrine,11011veaux
hommes
Camerounisation descadres:leparcours« exempJaire
»
256
U11theoriclendiscret:DanielDoustin
dujeunePaulBiya 187 258
La miseenplacedeJa« zonedepaclfication
»
Louis-Paul AujouJat,Jeparrain 189 261
Fe11vertpolitique
LapolitisationdesjeimesCamero11nals en France 191
Generation 1955: /esetudiantscamero1maisde France
dans/'ad/du cyclone 194 15. ZOPAC (1): regrouper et endoctrlner 264
L'histoiremeconnuedesrelationsentrele « Ream1ementmoral» Deplacer/espopulations : « viderlebocal»
et /eselitescamerounaises 196 pourque« lespoissonssoie,itau sec» 265
L'armeepre11d Jepouvoir 267
« Mouiller/espop11/ations» 269
11. .Lefusil sur la tempe (1956-1957) 201
Unepropagande « bienapprise maismal dlgeree» 271
/uin 1956: la lol-cadre
Def{erre
contre/'lndependanceafricai11e 201
« UPC= TS~- TS~» 273
LebaJdesopportunistes 204
« Uneatmosphere dekennesse»
~

275
LepokerdePierreMessmer 206
UmNyobeentredeuxfeux 209
« Boycottactif! » 211 278
16. ZOPAC (II): traquer et eliminer
Decembre 1956: « Uneboucherie » 213 Contre-guerilla 278
« Hommes,femmeset enfantspourrissent dans/esbrousses» 216 « Ral/iements » 280
Lafa~adeet la guerre 217 « Par/er oumourir» : Jerenseigneme11t ato11tprix 282
« II faut faireregne,Jesi/ence» : occultatio11
et desi11fonnation
12. Le Kamerun s'embrase (1957) 221 danslesmediasfran~ais 285
L'etincelle
de Baham 222 Septembre1958 : l'assassinat d'UmNyobe 288
CNO:unearmeedansla bro11sse deSanaga-Maritime 224 Laprofanation du « dieuquis'esttrampe» 291
SDNK:laguerlllade /'Quests'organise 227 Epilogue: /esrevesd'UmNyobe 295
DuCentreau Nord,Jarebellion fait tached'hui/e 231

llI
13. Repressionen« Bamileke » (1957-1958) 234
Leshommesde MauriceDe/auney 234 L'independance dans le sang
Larepression
parleschefs 236 (1959-1960)
Coupstordusen zonebritannique 239
« Commee11 AJgerie
» : torture,
infiltration,intemement 242
« Laregion
a etedepeup/ee a50 % » 244 17. Ahldjo et de Gaulle: peres adoptlfs
de l'independance 301
" 11fm1dra
parlermpidementd'independance
» 302
/ '/11terl11d1
1 JeanR11111adier: revolut/011
depalaisil Ynounde 305
Allltlfo,/1•~ 1110/11,
A/1111atln11 111m1vai.\
des/101111ne.\
politiques» 307

736 7:17
lith/11tln 111111/1\11·~
Kn111err111
I ~ ,;!
1
i
311 22. Jan vier 1960: l'arrucc fran~aisc cngage
Dela conversiondeClwies AssaM...
314 la « reconquete » 392
... auralliementde MaylMntip
DeGaulleadopte/' « independance
» 317 Novembre 1959: lecoloneldu Crestrefitse
LeCameroun, poisson-pilote
desindependances
franfn(ricaines 319 le « camagedepaysansbamileke» 392
/anvler1960: lapreparation d'unerepression
sansprecedent 394
LegeneralMaxBriand,« ungoiittresprononce pourle travail
18. Guerilla diplomatique (1958-1959) 323 depaci{ication » 397
Lestribulations
du « triodeKumba» 324 Debre,Messmeret Lamberton ala manan1vre 399
« Lesrepresentantsde l'ONUeuxaussisontdesco/onialistes
» 327 « Preliminaires » 402
Dernieremissionde visitede l'ONU,demieresmanipulations 329 Laguerreit huisclos 404
1
Fevrier1959: demierechanceaNewYork 331 Offensives:« La viehumainenecompteplus» 407
Faceaux « forts», « riches», « Blancs»et« civilises» 335 Troubles jeux: leral/iementdePaulMomo 409
Manipuler/es« maquisards »pour«semerledesordre » ? 411
19. « Vaincre ou mourir" : 1a creation de l' Armee
de liberation nationale du Kamerun 337 23. La guerre « jusqu'au cou »
1 415
« Commes'il s'agi.ssait
demotsd'ordre» 338 Trousdememoire ... 415
Moumieet Singap(re)organisent la revolution 341 Unpasteuren enfer 416
Guerillaurbaine,guerreeconomique, guerresymbolique 344 1
« Coupsde boutoir» et« chassea l'homme» 418
Choisirsoncamp 347
Feuaerien:«Napalm»... 420
« Lagangrene gagned" terrain» 350 ... ou « cartouchesincendiaires
»? 422
Bombardements : souslecasquedespilotet 424
20. Une repression camouflee 354 Replisdel'ANLK,divergences militairesfranfaises 426
Disparitionsforcees 354 1 Leral/iementou/a mort 429
1

L impossible
1
reproduction de la ZOPAC 356 Repression aveuglepourguerresansimages 431
Tourde vis 359
Executions publiques 361
1 24. Repression« al'africaine » 434
Lacreationde milices:de /a « harka » de novembre1958... 363
... au « concours
inter-milices » d'octobre
1959 364 1 L'armee,cimentde/a r1ation franco-africaine 435
« Placeauxactivistes» : /esradnesfranfaises
« La tnrture,moije l'a/ vue» 367
370 ! del'armeecamerounaise 437
Restructurationdu renseignement: au Cameroun
...
372
1 De la repression
coloniale ala « guerrecivile» :
... et enFrance
375 ~ JacreationdeJaGardecivique 440
« Voilacequinousattend» 1 Tabula rasa, campssousmiradorset ordrenouveau
enregi.on Bamileke 444
21. La fausse « independance )> de janvier 1960 379 1 Tetescoupees 446
Uneceremonie en trompel'reil 380 1 1

Le « cailloubamileke» 449
« Epuration » et« refoulement » 383 Pogromes contre!esBamileke 452
UneConstitution surmesure 384
La tutelledesconseillers
franfais 387
' 25. Le poison de la Fran,;afrique 456
Desconvent/011.sprovlsolres
... 456
... r1uxacrordsddßnitifs 460

7:IA l i' 730


KamerrmI
TubledosmMl~/'C/S

Accordssecretsfra11co-camero1111ais el'conflltsau se/11


28. SJ>lendeurs et miseres
de l'etat-majorfran~ais 462
de la « revolution kamerunaise » (1961-1963) 524
Lagenera/isation du « modelemmerounais»
LeKarnerun dansla « revolution
africaine» 525
pourlesfaussesindependances a(ricaines 464
Quelleri'VolutionsmisMoumie? 527
Fevrier1960: offidellementabandonnee parl'armeefrcm(aise,
Ouandiedansl'enferdesmaquis 529
la DGRs'exporteen Afrique 467
Septembre 1961, la mortau combatdeMartinSingap:
La dissemination du « clandesCamerounais » 470
« L'Afriquelibre! » 531
Repression sansfrontieres:il faut liquiderMoumie 473
QuandOuandiereorganise Jemaquis... 533
Assassinatau Ricardplege 475
... l'UPCenexilse dechire 534
C'estfini? 477
Mars1963: /esautoritesfranco-camerounnises s'inquietent
de/'« ampleurexceptionnelle
del'activiterebelle» 537
N
29. Sou.mission des esprits et « croisades antiterroristes >>
Une dictature franc;africaine (1962-1964) 541
(1961-1971) lsolerle « cmnaradeEmile» 5111
La « quasi-totalite deJapopulntion» bnmilekedeplacee
dansdes« campsderegroupernent » s,1:1
26. Le dictateur s'installe (1961-1963) 481 Lapolitiquede l'effroi:executions publlq11es, 111assaw
1
collcctlf~,
,

Ahict;o,instrumentefficacedu neocolonialisme 481 tetescoupees ... M


Lareunification partielledesdeuxCameroun 482 ... et torturedevenueroudnlere .~.UI
L'Etat« camerounise ,, 485 « Reeducation », « guerrepsycholo.~lquell et « rfannr11w11t1110ml,. ~~o
Lecceurdu systeme: Japresidence 487 Delation,autosurveillance et corrfessionsp11/Jllq11e~ 5~.➔
Le « partiunifie», synthesetropicale desmethodessta/inienne Endoctrinement, « /avagedecervea11» et « bo11rmge decrfl;1e» 556
etfasdste 489
Lachasseam « subversifs» 492
Centressecretsd'« internementadministratif» 30. Al'ombre du parti unique (1965-1966) 558
et de « reeducationcivique» 496 Lepartirmiqueet leperedeJanation 558
Uneconception orwellienne de Ia « democratie
» 499 Vigilance et epuration:l'implication
de/'Unioncamerounaise
dansla Jutteantisubversive 561
Des« maquisblancs» aux « faux maquis» ? 56S
27. Neocolonialisme contre-subversif (1961-1964) 502 Quitue? lnstrumentalisation de Javiolencearmeeet luttesde c/ans 568
Derriere/a « fa(adecamerounaise », Parisresteaux commandes 503 Lafuriedu regimed'Ahidjocontre/a «peste»bamileke 570
Aide,cooperation et interdependance 506 De /a repressiondes « complotsbamlleke» ... 573
L'armeecamerounaise noyauteeparlaFrance 509 ... au nettoyageethnique 575
Le mysterieuxcolonelBlanc 511 ,,
1
Decembre 1966: /esmassacres planifiesde Tombel 577
Hierarchiesparalleles 513
LeSEDOC,unedes « pluse{ficaces » policessecretesd'Afriquenoire 516
La torturecommemethodedegouvemement 518 31. La pacification par le « developpement » 581
Le Camerorm, prototypedes« Etatstetards» d11colonelLacheroy 521 ,moutildecontroledeseliteset desrnasses
L'economie, 581
LeCam<>ro1m « quiS<'lew tot» 584
v,mllitarlsat/011
de l'eco110111/e:
le 111odele
ismel/en 587
1966-1972:l'op~m//011" Y11bnssi-ßo{a11g
» 591

740 71111
Kamerun/

32. La debäcle des Kamerunais en exH (1963-1969) 595


Guerrediplomatlque:l'UPCperdprogresslvement
sessoutiensafricains 596
Divisionsintemes:l'UPCperdla « demierechance»
deJa« so/idariteafro-asiatique» 600
L'etaude la diplomatie
gaul/ienneet la « fenet:re
» deBrazzavil/e 602
« Deuxieme front» ?De l'echecd'OsendeAfana... 605
...ala debaclede Woungly-Massaga 606
Ahidjo,mal-aimede la Franfafrique? 608

33. Le coup final : l'affaire Ndongmo-Ouandie


(1970-1971) 613
La fin desresistances ? 614
L'etonnantMgrAlbertNdongmo 616
« Solidarite
» : lereseauCurie/au secoursde l'UPC 620
Unnouveaufronta11ti-Ahidjo avecMgrNdongmo? 622
Ouandieet Ndongmoarretes! 624
Eradication:nouvelleä1asseauxBamileke 626
OuandieexeC11te: l'echecde la mobilisationinternationale 629
Le combatde MongoBe'ticontre/' « armeJaplusredoutable,
lesilence» 632

'-
Epilogue. Une guerre sans fin ? 635
FranfoisMitterrand, une« visioncolonialede l'Afrique» 636
La « malediction »petroliere 637
L'impossiblebilande la « guerredu Cameroun» (1955-1971) 640
PaulBiya,leravalement defafade 642
LeCameroundePaulBiya,gangrene jusqu'asestrefonds
par la com1ption 646
Soumissionet terreur:lapermanence desmethodesco/oniales 647
Et la France,toujours
... 650

Remerciements 653

Prindpaux fonds d'archives consultes 655

Notes 657

Index 717

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