Vous êtes sur la page 1sur 20

Fantôme !

Comédie de JpJ, d'après « Le fantôme de Canterville », un conte d'Oscar Wilde.

Distribution :
Masséna : Lord William Canterville, 11 ans, dernier descendant des Canterville. Très classe, la
dignité des grandes familles écossaises.
Cécilia : Miss Mary, sa sœur. Grande classe également mais rebelle. S'il n'avait tenu qu'à elle,
les Canterville n'auraient jamais quitté le château.
Maïlys : Janny Otis, fille aînée du Ministre américain Hiram B. Otis. Douce, intelligente et
rationnelle. Elle ne croit pas au surnaturel, alors les fantômes...
Anaïs : Linda Otis, la cadette. Intrépide, aventurière, elle n'en finit pas d'explorer ce château et
rêve de rencontrer enfin le fantôme pour l'en déloger.
Julie : Barabara, la cousine. C'est celle qu'on est obligé de supporter, qui a peur de tout, freine
des 4 fers mais qui ne laisserait sa place pour rien au monde.
Océane : Laura, petite-fille de Mrs Hascott, la gouvernante des Canterville. Elle connaît tout
des dessous de Canterville, château et famille...
Marine : Leonore, fille du maire de Canterville et petite-nièce du majordome des Canterville.
Fidèle à la mémoire de son grand-oncle, elle voudrait voir le château revenir dans
la famille des Canterville.
Les Fantômes...
Thomas : Maël, fils aîné de Gordon Canterville, bâtisseur et premier propriétaire du château
Maëlys : Abbie, fille de Eleanore Canterville qui fut assassinée par son mari Simon
Chloé : Margreth, jumelle d'Abbie
Justine : Juliette, l'éternelle amoureuse de Roméo, échouée dans ce château par hasard.

Musique celte sur laquelle monte une voix off :


Voix Off En l'an de grâce mille neuf cent quatre-vingt-deux, alors qu'un certain Mickael
Jackson inondait la planète Pop de son « Thriller », Monsieur Theodore B. Otis, le
ministre américain, acheta Canterville Chase, un de ces vieux château écossais
perdu dans les Highlands. Tout le monde lui dit qu’il commettait une folie car il ne
faisait aucun doute que les lieux étaient hantés. (un temps) En vérité, lord
Canterville lui-même, homme pointilleux à l’excès sur les questions d’honneur,
avait jugé de son devoir de mentionner le fait à M. Otis quand ils en étaient venus
à discuter des conditions de vente. Mais le ministre américain, ravi de retrouver l'
Écosse de ses ancêtres, ne fit aucun cas de cette mise en garde et installa sa
famille dans le château. A la grande surprise des autochtones, les filles et la nièce
du ministre fréquentèrent l'école communale, se mêlant aux enfants de
Canterville. Monsieur Otis était fier de sa réussite sociale aux États-Unis
d'Amérique. Mais il était tout aussi fier de ses racines européennes. Fier de son
mariage avec la petite-fille d'un esclave affranchi. Et il clamait sur tous les tons
qu'il était issu d'une simple famille écossaise et n'entendait pas vivre en parvenu.
Après quelques temps pour faire connaissance, les petites américaines s'étaient
naturellement liées d'amitié avec la plupart des enfants du village. Principalement
avec ceux dont les familles avaient été, de près ou de loin, liées au château.

1
Fin de la musique. Entrée des comédiens qui s'installent dans le salon du château.

Scène 1 Tea Time


Leonore, William, Barbara, Linda et Janny
Leonore Elle est vraiment magnifique cette demeure... Mais enfin, pourquoi vos parents
l'ont-elle vendue ? Ne le prenez pas mal, les filles, mais c'est quelque chose que je
ne parviens pas à comprendre et qui me trotte dans la tête.
Lord William Canterville Nous avons préféré ne pas y habiter nous-mêmes, depuis que ma
grand-tante, la duchesse douairière de Bolton, a été prise d’une peur panique -
dont elle ne s’est jamais vraiment remise - en voyant apparaître sur ses épaules
deux mains de squelette pendant qu’elle s’habillait pour dîner.
Barbara Deux mains de quoi !?!
Linda Deux mains de Scarlett, Barbara, rien que les mains de Scarlett. Tu sais, comme
l'héroïne de Autant en Emporte le Vent, Scarlett O'Hara...
Barbara C'est très gentil, Linda, d'essayer de me rassurer, mais ce n'est pas ce que j'ai
entendu. Vous avez bien parlé de … de squelette, n'est-ce pas Lord William ?
Squelette, c'est bien le mot que que que vous avez prononcé ?
William En effet. J'en suis navré mais il est de mon devoir de vous dire, Mesdemoiselles,
que le fantôme a été vu par plusieurs membres vivants de ma famille, aussi bien
que par le recteur de la paroisse, le révérend Augustus Damwer, diplômé de
King’s Collège à Cambridge.
Barbara Ah ! Vous voyez : un homme d'église en a été témoin.
Janny Oh, ça ne prouve pas grand chose, tu sais. Il n'est pas rare que des hommes
d'église prétendent avoir vu des choses extraordinaires qui n'ont jamais étaient
avérées. Ils appellent ça des miracles, des visions, des apparitions divines ou
démoniaques, comme ça les arrangent. Pour moi, le miracle, c'est de trouver des
gens assez simple d'esprit pour gober toutes ces fariboles !
Leonore Janny et son esprit cartésien ! Saint Thomas était comme toi : « je ne crois que ce
que je vois » Il a eu une sacrée surprise, c'est le cas de le dire...
William Après ce malheureux accident survenu à la duchesse, aucun de nos jeunes
domestiques n’a voulu rester avec nous, et lady Canterville a souvent bien peu
dormi la nuit en raison des bruits mystérieux qui venaient des couloirs et de la
bibliothèque.
Janny Je viens d’un pays moderne où nous avons tout ce que l’argent peut acheter ; je
suppose que, s’il existait un fantôme en Europe, nous l’annexerions à bref délai
pour le montrer au public dans un de nos musées ou dans les foires.

Scène 2 Les mêmes. Mary et Laura apportent et servent le thé.


Miss Mary Je crains pourtant que le fantôme n’existe bel et bien. Encore qu’il ait peut-être
résisté aux propositions de vos entreprenants imprésarios.
Laura Il est bien connu depuis près de sept siècles, depuis 1298 pour être précis, et il
apparaît toujours avant la mort de chaque membre de la famille Canterville.
Janny Je suppose qu'on peut en dire autant du médecin de famille. Mais les fantômes
n’existent pas, non, mesdemoiselles ; et je doute que les lois de la nature soient
mises en échec en faveur de l’aristocratie britannique.

2
Miss Mary Libre à vous de le penser. Quant à moi, je suis convaincue de la présence d’un
fantôme dans la maison. Mais si cela ne vous dérange pas, alors tant mieux.
Seulement, souvenez-vous que je vous ai prévenu.
Linda Moi aussi j'y crois à votre fantôme. Mais il ne me fait pas peur. Ah non, alors, pas
peur du tout. Et j'espère le rencontrer. J'ai bien cru que ça se produirait dès le soir
de notre arrivée ici. Tu te souviens, Janny ?
Janny Hum, hum.
Barbara Moi aussi je m'en souviens. Oh combien !
Linda Nous sommes arrivés par le train en gare d'Ascot, à une dizaine de kilomètres d'ici
et une voiture est venu nous chercher.
Janny Il faisait beau. Nous primes la route de la meilleure humeur, sous un soleil
radieux.
Linda Oh oui ! C’était une très belle journée de juillet et l’air était embaumé de la
senteur délicate des sapins. De temps en temps, on entendait un pigeon ramier
roucouler, on entrevoyait dans les fougères bruissantes le poitrail cuivré d’un
faisan. De petits écureuils nous regardaient passer, perchés sur les branches des
hêtres, et les lapins détalaient dans les taillis, leurs courtes queues blanches
dressées en l’air.
Barbara Et puis on est arrivé à Canterville. Et juste comme on s'engageait dans l'allée du
château, le ciel s'est soudain chargé de nuages ; un calme étrange parut se
répandre dans l’atmosphère, un grand vol de corneilles fila au-dessus de nos têtes
et, avant qu’on ait atteint la maison, quelques grosses gouttes de pluie se mirent à
tomber.
Janny C'est vrai que le climat est changeant par ici.
Laura Pour vous accueillir, ma grand-mère se tenait debout sur les marches du péron.
Elle portait sa plus belle blouse de soie noire, avec une coiffe et un tablier blancs.
Elle a de l'allure, ma grand-mère. Vos parents ont bien fait de la garder à leur
service comme gouvernante. Elle n'est plus très jeune, bien sûr, mais elle connaît
le château comme personne.
Barbara Tu sais Laura, ça me gène un peu de te le dire mais... elle m'a drôlement fait peur
ta grand-mère sur son péron ce jour-là. Oh c'est pas sa faute, non. Je sais que ça
vient de moi. Mais la voir là, tout en haut, toute en noir avec son tablier blanc...
Après les corneilles, elle m'a fait l'effet d'une énorme pie qui protège son nid. Elle
ne l'a pas fait méchamment, mais sa grande révérence en disant « Je vous
souhaite la bienvenue à Canterville Chase. » et ben ça m'a fichu une sacrée
frousse...
Linda Et puis on est entré, enfin, dans ce château dont Daddy nous parlait depuis de si
longues semaines.
Miss Mary Et vous avez découvert le magnifique hall de l'époque des Tudor. Vous êtes entrés
dans la bibliothèque, cette longue pièce basse lambrissée de chêne sombre à
l’extrémité de laquelle s’encadre une large fenêtre garnie de vitraux...
Laura Vous avez traversé toute la galerie des illustres ancêtres de la famille Canterville
pour arriver au petit salon Marie Stuart. Et là, vous avez découvert un trésor (un
temps) le thé de Grand-Mère, qu'elle met tant de soin à préparer et servir...
Janny Je dois avouer que cette première expérience de votre boisson favorite ne m'a pas
laissé un excellent souvenir. De l'eau bouillante et de la poussière d'herbes
sèches... cela m'a laissée perplexe.
William Je conçois que cela puisse surprendre de prime abord mais reconnaissez que son

3
pouvoir réconfortant et revigorant vous ont finalement conquises.
Janny Certainement, mon cher William. Et le plaisir de partager le thé avec vous et votre
sœur dans la demeure de vos ancêtres nous sont un moment bien agréable entre
tous. Tiens mais... Quelle est cette tache rougeâtre sur le parquet ?
Linda On aura sans doute renversé quelque chose par terre.
Laura Oui. Le sang a été répandu à cet endroit.
Barbara Quelle horreur ! (Janny sort) Une tache de sang dans un salon. C’est inadmissible.
Il faut la nettoyer tout de suite.
Laura C’est le sang de lady Eleanore de Canterville qui a été assassinée ici même par
son mari, sir Simon de Canterville, en 1875.
William Sir Simon lui a survécu neuf ans et il a disparu dans des circonstances très
mystérieuses. Son corps n’a jamais été retrouvé mais son esprit coupable continue
à hanter le manoir. (Retour de Janny)
Miss Mary Cette tache de sang est ineffaçable. Elle a été très admirée par des touristes et
plusieurs autres visiteurs qui se faisaient prendre en photo devant, les uns mimant
l'horreur, les autres faisant mine de frotter de toutes leurs forces pour la faire
disparaître. Devant un tel défilé, aussi irrespectueux, Père a finit par mettre un
terme aux visites. Quel soulagement ça a été...
Janny Tout ça ne tient pas debout ! Le Détachtou et le Superdétersif Pinkerton la feront
disparaître en un clin d’œil. (Elle tombe à genoux et se met à frotter le sol avec le
détachant sous les regards éberlués des autochtones. Puis elle se relève, toute
trace de la tache de sang effacée) Et voilà ! Je savais bien que Pinkerton ferait
l’affaire ! (admiration de sa sœur et sa cousine. Violent éclair et fracas de
tonnerre. Tous se dressent d'un bond. Barbara s'évanouit. Laura est térifiée.
Janny retourne calmement à son thé) Quel climat impossible ! J’ai l’impression
que la météo de ce vieux pays ne sait pas comment s'y prendre pour satisfaire tous
ses habitants en même temps.
Linda Tiens, Barbara est encore tombée en pâmoison.
Janny Les variations de pression atmosphérique. Elle a le sinus carotidien trop sensible
et nous fait une petite crise de fibromyalgie. Ne vous inquiétez pas, c'est pas la
première fois que ça lui arrive depuis que nous sommes en Écosse mais ça ne dure
jamais bien longtemps. (Et, en effet, quelques instants plus tard, Barbara
reviendra à elle, extrêmement perturbée)
Miss Mary Je ne suis pas sûre qu'il faille incriminer le climat de notre chère Écosse.
Leonore Il vaudrait mieux se méfier des malheurs éventuels qui pourraient s’abattre sur la
maison. Mon grand-oncle Edouard, qui s'est éteint dans ce château après avoir
consacré sa vie au service de la famille Canterville, nous racontait parfois qu'il
avait vu certaines choses de ses propres yeux...
Linda Ah oui ?! Des choses comme quoi, par exemple ? Il a vu le fantôme ? Il a vu le
fantôme ! (Barbara, à peine remise, s'effondre à nouveau)
Leonore Il a vu des choses qui feraient dresser les cheveux sur la tête de n’importe quel
chrétien. Et pendant bien des nuits, personne ne pouvait dormir à cause des
événements terribles qui ont eu lieu ici.
Linda Ne t'inquiètes pas, Leonore, ces vieilles histoires n'ont pour but que d'empêcher
les enfants de fouiner partout. Mais nous ne sommes plus des enfants, pas vrai ?
Et depuis notre arrivée, j'ai entrepris d'explorer le moindre recoin de cette
merveilleuse bâtisse. S'il y a un fantôme, c'est moi qui le débusquerai, parce qu'il
ne me fait pas peur. Tu m'entends, Monsieur le Fantôme, je ne te crains pas.

4
Montre-toi ! Allez montre -toi !! (Coup de tonnerre et violente pluie. Barbara
tombe à nouveau)
William Il semble que votre cousine tombe... de sommeil. Il est temps pour nous de
prendre congé et de redescendre au village.
Janny Sous cette pluie battante ? Vous n'y pensez pas. Restez plutôt dormir ici,
tranquillement, et vous rentrerez demain quand l'orage aura cessé. Je vais envoyer
prévenir vos parents.
Miss Mary C'est très aimable à vous, merci.
Janny Mais c'est naturel, Mary. Vous êtes ici...
Miss Mary (acide) Chez vous. (se reprenant) Pardonnez-moi. Mon propos était acerbe, j'en
suis navrée. Mais c'est pour moi une telle désolation d'avoir perdue la maison de
nos ancêtres...
Barbara Vous ne l'avez pas vraiment perdue puisque vous y avez gagné des amies. (le
bruitage de pluie fond à 0 ) Et puis votre chambre est intacte. Nous ne l'occupons
pas. Vous la retrouverez telle que vous l'avez laissée. Il en va de même pour la
votre, William. Mrs Hascott les entretient toutes les deux comme par le passé.
Leonore Et celle de mon grand-oncle Edouard, est-elle libre aussi ?
Janny Elle vous attend toutes les deux. Allons, il est temps d'aller dormir. (coup de
tonnerre et pluie qui enchaînera sur la musique à venir)
Laura Tout au moins d'essayer... (Ils sortent. On soutient Barbara qui a faillit choir à
nouveau)

Scène 3 Danse de nuit Tous


Lumière bleu-nuit sur le plateau. La pluie enfle, un ricanement retenti et la musique de Ghost
Busters pour une séquence chorégraphiée d'un début de nuit agitée : apparition des fantômes
dans le salon et retour des personnages pour un cauchemar en chemises de nuit. Fin de
musique : plateau vide.

Scène 4 Les Fantômes investissent le salon


Abbie Non mais sans blagues ! (singeant Linda) « Eh ! J'ai pas peur, moi, j'ai pas peur
des fantômes ! »
Margreth As-tu vu comme elle a détallé, celle-là, quand tu lui as sauté au visage !
Heureusement qu'elle a pas peur. (ils éclatent de rire)
Maël Palsambleu ! Ces donzelles fraîchement débarquées du Nouveau Continent sont
d'un sans gène ! Oser proférer en ces lieux qu'elle ne nous craignent pas, quel
toupet !
Juliette Ô Roméo, Roméo, mais pourquoi donc es-tu Roméo ?
Margreth (singeant Linda à son tour) « S'il y a un fantôme, c'est moi qui le débusquerai, parce
qu'il ne me fait pas peur. (s'adressant à Maël) Tu m'entends, Monsieur le
Fantôme ?
Maël Bouh !
Margreth (même jeu) Ah !!! (de frayeur feinte qui devient un rire collectif) Ah ah ah !
Abbie Bon, c'est pas tout ça mais il va falloir s'organiser. On ne peut pas en rester là,
vous êtes d'accord avec moi ?

5
Juliette Je t'ai donné ma foi, devançant ta requête ;
Pourtant je voudrais qu'elle fût encore à offrir.
Pour être généreuse et te la redonner.
Mais je veux seulement ce qui est déjà mien.
Ma largesse, comme la mer, est sans limites
Et mon amour aussi profond. Plus je te donne,
Plus je possède, car tous les deux sont infinis.
Abbie Mmmerci Juliette... C'est gentil... Et vous Maël ?
Maël Pour ma part, je n'entrave que couic à son discours mais Tudieu ! Pur sûr qu'on ne
va pas se laisser marcher sur les pieds ! Je m'en vais leur apprendre le respect,
moi. Non, mais !
Margreth Ne t'emporte pas, Maël. Il ne s'agit pas d'effrayer tout le monde. Tu as vu comme
la petite Barbara est fragile. Et on ne peut plus respectueuse : à chacune de tes
manifestations, elle se prosterne à en défaillir.
Abbie Margreth a raison, il va falloir concentrer nos efforts sur les plus retords, à savoir
celle qui prétend nous débusquer, et l'autre qui nous ignore. Remontons au grenier,
j'ai un plan.

Scène 5 Le matin. Retour progressif des enfants.


Laura Ce que j'ai mal dormi, moi ! L’orage a duré presque toute la nuit, et m'a réveillée
plusieurs fois.
Leonore Mon grand-oncle Édouard disait toujours que des orages qui durent longtemps,
dans la région, c'est pas naturel... Il me racontait souvent celui de la nuit du 6
février 1952, date de son cinquantième anniversaire. La foudre et la tempête
avaient dévasté une grande partie du parc, derrière le château. Le toit de la tour
sud avait été arraché.
Laura Pas à cause de ses cinquante ans, quand même ?
Leonore Il l'a d'abord cru et en était terrorisé. Mais le révérend Mac Léod à qui il confiait
ses craintes le lendemain l'a rassuré en lui apprenant que ce 6 février 1952 était
aussi la date du sacre de la reine Elisabeth II d'Angleterre.
Laura Ah oui ! Ma grand-mère me l'a raconté aussi cet orage. D'après elle, ce serait le
fantôme de William Wallace, le Patriote Écossais, qui déclenche la foudre à
chaque arrivée d'un nouveau souverain sur le trône d'Angleterre.
William Brave Heart ! William Wallace au Coeur Vaillant. Héros et symbole de
l'indépendance écossaise, je suis fier de porter ton prénom !
Linda Un héros écossais ? Racontez-nous, Lord William !
William Il est né à la fin du XIIIe siècle et s'est rendu célèbre et adulé en affrontant, à la
tête des clans écossais unis, les troupes du roi Édouard Ier d'Angleterre qui tentait
d'envahir l'Écosse.
Linda Ah oui ? Racontez !!!
Mary Si vous le lancez sur l'Épopée de William Wallace, on en a pour une bonne partie
de la journée.
William Je tâcherai d'abréger, cette fois, petite sœur. Mais ne me demande pas de laisser
nos amies dans l'ignorance du plus grand héros que l'Écosse ait jamais connu !
(cascade de coups de tonnerre plus rageurs les uns que les autres) Oui, pardon,
pardon ! Disons l'un de nos plus grands héros. (petit coup de tonnerre) Alors

6
voilà. Le roi Alexandre III d'Écosse meurt d'une chute de cheval en laissant la
couronne à sa petite fille Margaret, alors âgée de 3 ans.
Linda Elle est devenue reine à seulement 3 ans ?! Mais c'est incroyable ! Chez nous, en
Amérique, on ne peut pas être président avant d'être vieux ! Et elle, 3 ans !!!
Mary Elle est devenue reine mais n'a pas eu le temps de régner. Elle est morte à 8 ans.
Barbara La pauvre...
William Pas moins de treize prétendants au trône se manifestèrent presque immédiatement
ce qui provoqua une crise de succession en Écosse. Le roi d'Angleterre en a
profité pour mettre la main sur ce qu'il appelle alors « l'État vassal d'Écosse ».
Linda Ben, alors ton William Coeur Vaillant ne l'en a pas empêché ?
William C'est l'année d'après que le Brave Wallace soulève une rébellion et remporte une
formidable bataille à Stirling. (en fond apparaît « Amazing Grace ») La plupart
des villes importantes d'Écosse lui ouvrent leurs portes et William Wallace est
bientôt proclamé « gardien du royaume d'Écosse ».
Janny Gardien du royaume, c'est à dire ?
Mary Quelque chose comme Roi par intérim.
Barabara Pardon ?
Mary En attendant qu'un nouveau Roi soit nommé par l'assemblée des Lords. N'est-ce
pas, William ?
William C'est exactement ça. Malheureusement, Édouard Ier reprend le contrôle de
l'Écosse le 22 juillet 1298.
Linda Oh ça alors ! Le jour anniversaire de l'oncle John !
William Wallace a tenté de poursuivre la lutte mais il est arrêté en 1305, condamné à mort
et exécuté par les anglais, pour « donner un exemple » et faire passer le goût de la
rébellion au peuple écossais.
Janny Décidément, ces anglais ne supportent pas qu'on leur résiste.
Linda Il a pourtant bien fallu qu'ils accordent son indépendance au peuple américain un
certain 4 juillet 1776 !
William L'exécution de William Wallace n'a pas détruit le sentiment nationaliste écossais,
et d’autres hommes se sont dressés contre l’Angleterre qui a finallement du
accorder son indépendance à l'Écosse en 1328. Dommage qu'on n'en soit pas resté
là... (un temps assez long, la musique fond à 0)
Barbara poussant un terrible hurlement AH !!!!!!!
Janny Enfin, Barbara, que se passe-t-il ? Es-tu folle de crier ainsi ?
Barbara Là ! La la... la tache... elle est revenue. Exactement à la même place.
Janny Ça ne peut pas être la faute du Superdétersif, il a fait ses preuves partout.
Laura Alors ça ne peut être que le fantôme. Vous l'avez offensé en effaçant la trace et il
est revenu cette nuit.
Janny Pf ! Foutaises. Qu'à cela ne tienne, je retourne chercher mon Détachtou. (elle sort
tandis que les autres restent pour le moins circonspects... )

7
Scène 6 Les mêmes plus les fantômes
Abbie furieuse Ah non ! Ça va pas recommencer cette histoire de détachant !
Margreth Attention, Abbie !
Abbie Quoi, attention ? Attention à elles ?? Non mais tu plaisantes ! Parce qu'elles font
attention à nous peut-être ? T'as vu ce qu'elle ont fait des dernières traces de
Maman ? Hop ! Détachant !!!
Margreth Oui, t'as raison, ça c'est pas bien.
Abbie Pas bien ? Pas bien ??? Mais ma parole, t'es aussi folle que cette pauvre Juliette !
C'est plus que pas bien, c'est sacrilège ! C'est profanation ! C'est A-BO-MI-NA-
TION !!! (et elle s'effondre sur un fauteuil. Margreth se précipite à son côté)
Margreth Abbie !
Juliette Ô Roméo, Roméo, mais pourquoi donc es-tu Roméo ?
Margreth Abbie, pardonne-moi.
Juliette Renie ton père et dépouille-toi de ton nom,
Margreth Je ne suis pas aussi forte que toi.
Juliette Ou si tu ne veux pas...
Margreth Je n'y peux rien, j'ai le cœur sur la main... Enfin, c'est une façon de parler.
Juliette Fais serment de m'aimer.
Margreth Disons que je n'arrive pas à avoir autant de rancœur que toi contre les vivants.
Oui, je sais, ils n'ont jamais rien fait pour sauver notre mère ni même pour lui
rendre justice... Mais les vivants d'aujourd'hui n'y sont pour rien.
Abbie C'est pas une raison pour profaner son souvenir. C'est chez nous ici. De quel droit
se permettent-ils d'envahir notre château ?
Maël Bien parlé, fillette ! Sus à l'envahisseur ! Boutons les anglais hors les murs ! Et
que trépasse si je faiblis !!!
Abbie Oh non, Maël. On t'a déjà dit d'arrêter avec cette devise ridicule.
Maël Comment Ridicule ? Vertudieu ! Je la tiens de Godefroy de Montmirail qui nous
vint visiter en ces lieux du temps où mon père, Lord Gordon Canterville, achevait
la construction de cette forteresse. Je n'étais alors que dans ma prime jeunesse,
mais ce noble visiteur me fit forte impression. Il contait ses batailles tout en
ripaillant et ponctuait son récit de son « Que trépasse si je faiblis ! » avant de
rouler sous la table et de cuver jusques aux matines.
Abbie Oui. Le fait est que c'est un bien joli souvenir. Mais il n'empêche : que trépasse si
je faiblis, pour un fantôme, ça la fiche mal.
Juliette Mieux vaut subir la mort sous les coups de leur haine
Que vivre plus longtemps sans être aimée de toi.
Maël Mais pourquoi diantre cela la ficherait-il mal ?
Margreth Laisse, Abbie. Je m'en occupe. Alors voilà, cher Maël : votre devise laisse
entendre que vous êtes prêt à mourir plutôt que de faiblir, n'est-ce-pas ?
Maël Assurément, morbleu ! Et c'est pourquoi elle est admirable, Ventre-saint-gris !
Margreth Certes, mon ami, certes. Mais oyez plutôt la suite. Vous êtes, de votre état présent,
le plus ancien fantôme de ce château, n'est-ce pas.
Maël Assurément, gente damoiselle, pour vous servir.

8
Margreth Et pour être fantôme, il vous a bien fallu défuncter.
Maël Ah Pardieu oui ! La faute à mon exécrable frère, que Belzébuth le garde en son
Enfer !
Juliette Eh bien, triple buse ! Puisque ton frère t'a occis et que défunt te voilà, il faut bien,
si l'on en croit ta devise, en déduire que tu as bel et bien faiblis. Pas vrai ? (un
temps, puis comme précédemment) Doux ami, bonne nuit.
Cet amour en bouton, au souffle de l'été, peut éclore et,
Le jour où nous nous reverrons,
S'épanouir. Bonsoir. La nuit te soit sereine !
Et fasse que la paix, de nos âmes soit reine !
Maël tombe en songerie. Janny revient avec son détachant
Janny À nous deux, tache rebelle ! (et elle astique le plancher)
Abbie Ha c'est trop fort ! La voilà qui commet le sacrilège sous nos yeux, à présent.
Margreth Tu sais bien qu'elle ne peut nous voir que si on le veut bien.
Abbie Attend un peu, mademoiselle Fée du Logis, tu ne vas pas être déçue.
Janny se relève, triomphante Et voilà le travail ! (Abbie agite les doigts au dessus de la
tache)
Laura Tu la préfère en bleu ?
Janny Comment ça en bleu ? (elle regarde l'endroit de la tache) Mais ! Je viens tout juste
de l'effacer...
Leonore Et elle vient tout juste de réapparaître... (Janny frotte à nouveau. Se relève.)
Laura La revoilà! Verte, mais pile au même endroit. (Janny frotte plus ardemment)
Leonore Rouge écarlate, comme elle a toujours été.
Linda Ça alors ! Mais c'est extraordinaire ! Comme si le fantôme la faisait ré-apparaître
plus vite que tu ne l'effaces.
Abbie Comment ça « LE fantôme » ? Elle ne sait pas compter, celle-là ?
Margreth Elle ne nous voit pas, Abbie.
Janny Oui. Il faut bien reconnaître qu'il y a là quelque chose d'assez étrange...
Miss Mary Assez étrange pour vous amener à reconsidérer votre position sur l'existence d'un
fantôme en ces lieux, Mademoiselle St-Thomas ?
Janny Hum. Ça demande réflexion. Mais je reconnais que les faits sont troublants. Nous
venons d'assister à une scène qui échappe à l'entendement et qui, par certains côtés
il faut bien l'admettre, me semble quelque peu... surnaturelle.
Barbara Aaahhhh ! J'en étais sûre : y a des fantômes ! Cette maison est hantée ! Y a des
fantômes !!! (elle sort en hurlant, suivie de Laura et Mary)

Scène 7 les mêmes


Abbie Celle-là me plaît mieux. Crois-tu qu'elle nous voit pour avoir conscience de notre
pluriel ?
Margreth J'en doute. Mais il se peut qu'elle nous perçoive, d'une manière ou d'une autre. Tu
sais, comme ce bon Édouard qui veillait toujours à fermer les portes dans les
étages afin de nous protéger des courants d'air.
Maël Ah oui, lui c'était un bon drôle. Un fidèle serviteur, ben dévoué à ses maîtres.

9
William Cette demeure est votre, à présent, et vous en userez comme il vous plaira.
Toutefois...
Linda Eh bien, dites ! Pas de retenue entre nous.
William Toutefois il serait bon... Ah ! Comment dire …
Leonore Si vous permettez, Monsieur William. (signe de tête de William qui autorise
Leonore à poursuivre) Il serait bon de prendre en compte le fait que cette maison a
connu d'autres habitants avant votre arrivée. D'autres générations de Canterville,
depuis que Sir Gordon la fit bâtir, au treizième siècle.
Maël reniflant et écrasant une larme Papa...
Leonore Et bien des générations de gens de maison, au service de la famille.
Linda Nous le savons parfaitement, Leonore. Comment en serait-il autrement ?
William Vous le savez, bien-sûr, mais n'en avaient peut-être pas la pleine conscience.
Janny Pardon, mais je ne saisis pas bien le sens de vos propos.
Leonore C'est peut-être que vous avez grandi dans des immeubles modernes, dans une de
ces grandes villes américaines en constante expansion. Les demeures y sont
neuves, vierges encore de toutes histoires familiales. (un temps. Les fantômes sont
attentifs) Ici, on vit dans des lieux qui sont encore habités par le souvenir de ceux
qui nous ont précédé. Et ce depuis des siècles...
Maël Elle dit vrai, la donzelle.
Abbie Et elle le dit bien.
Leonore Ça en fait des souvenirs, pas vrai ?!
Linda Oh oui. Vu d'ici, c'est vertigineux.
Margreth Et d'ici encore plus... (Laura et Mary reviennent accompagnant Barbara)
Leonore Vous dites ne pas croire aux fantômes, chère Janny, mais vous conviendrez avec
nous que ceux qui ne sont plus laissent quelque chose derrière eux. Qu'on l'appelle
âme, esprit, ou souvenir, ils laissent des traces de leur passage, à l'attention de
ceux qui restent.
Janny Oui, naturellement, le souvenir de ceux que l'on a bien connu persiste dans nos
mémoires. De là à en faire des fantômes...
Mary C'est une question de perception, chère amie. Nous n'avons pas tous la même
sensibilité aux choses, matérielles ou immatérielles. (un temps) Tenez, votre
cousine, Barbara, eh bien elle a grandi dans le même univers que vous, ça ne
l'empêche pas de ressentir très violemment la présence des souvenirs qui habitent
le château.
Laura Tu as dit, Janny, que le souvenir de ceux qu'on a bien connu persiste dans nos
mémoires, n'est-ce pas ?
Janny Oui, ça j'en suis persuadée.
Laura Ma grand-mère, qui est née dans les étages de ce château0 et n'en est pour ainsi
dire jamais sortie que pour descendre au village, ma chère grand-mère me raconte
souvent des souvenirs très précis qui lui reviennent au gré des pièces du château
qu'elle traverse. Comme si ces souvenirs habitaient dans ces pièces et lui sautaient
en mémoire comme elle passe d'un lieu à l'autre...

10
Scène 8 Danse avec les fantômes Une musique monte doucement, « Mna Na
H-Eireann » par Sinéad O'Connor. Tous les personnages vont être saisis par cette
magie musicale dans laquelle les esprits cherchent à se faire percevoir des
vivants, en douceur. Rupture avec « Ghost dancing » de Simple Minds : tous
dansent seuls. Et puis « Unchained melody », la BO de Ghost ! Danse en couples
qui commence par Juliette qui invite William, Barbara qui invite Maël et puis les
autres exceptée Janny. Pour finir sur un bon reel sur lequel on farandole.

Scène 9 Tous en scène. Révérence respectueuse des écossais et de Barbara. Janny reste
hermétique. Linda exulte.
Linda Alors c'est vrai ?! Vous êtes... Vous êtes les fantômes de Canterville Chase ? Pour
de vrai !?! Waouh !!!! C'est dix mille fois mieux que Disney World Florida. Vous
vous rendez compte, on vient de danser avec des vrais fantômes !!! (regards
désapprobateurs des autres ) Pas Casper chez Mickey, non ! Non ! Non ! Les
vrais (elle réalise son indécence et son enthousiasme s'effondre) fan – tômes
(atone) de Canterville Chase. (un temps) Désolée. Je me suis emportée. Je me
rends compte que c'est très irrespectueux et je vous en demande pardon. Mais c'est
tellement... tellement...
Laura Inattendu.
William Inespéré.
Barbara Merveilleux.
Léonore Fabuleux
Mary Extraordinaire
Linda Le plus beau jour de ma vie.
(un temps. Les spectres se regardent, visiblement ravis, et s'inclinent à leur tour)
Juliette Vos paroles nous touchent profondément et nous sommes très honorés de votre
accueil.
Abbie Mais... Juliette ? C'est parfaitement sensé ce que tu viens de dire.
Juliette Évidemment. Si l' on veut se faire comprendre, il faut bien que les phrases aient
un sens. Sinon c'est « Beaucoup de bruit pour rien » comme disait William. (un
temps) Pas vous, hein... Ni votre Brave Heart. Non, le William à qui j'emprunte
facilement les mots, c'est Shakespeare, mon auteur préféré. (se tournant vers
Maël) Oui, je sais, il est anglais. Mais il est avant tout poète.
Maël Il est donc tout pardonné d'être né un peu trop au sud, car la poésie est partout
écossaise, is'nt it ?
Margreth Mais... Maël, quel miracle est-ce là ? Vous voilà débarrassé de ces tournures
médiévales qui encombraient votre langage.
Abbie Ah ! Quel soulagement...
Maël VENTREBLEU !!!! (crainte des deux autres) Non, je plaisante. Pas de rechute,
rassurez-vous. Et oui, je trouve plus confortable et respectueux de discuter avec
nos hôtes en faisant usage de leur langue vivante plutôt que de la mienne, qui est
bien morte...
Linda C'est en effet très aimable à vous de nous apparaître ainsi, en toute confiance.
Profitons-en pour faire connaissance, si vous le voulez bien.
Juliette Avec plaisir, Linda.

11
Linda Vous connaissez mon prénom ?!
Abbie Vous savez ce qu'on dit : les murs ont des oreilles...
Margreth Eh bien en fait, ils n'en ont pas... mais nous, oui !
Barbara Alors vous savez déjà tout de nous ? Vous avez tout vu, tout entendu ? Han ! Vous
avez dû me trouver bien ridicule...
Abbie Au contraire, jeune demoiselle. La crainte que vous avez manifestée à notre égard
est pour nous une marque de reconnaissance. Elle est bien plus appréciable que
l'évidente dénégation affichée par d'autres. (les regards se tournent vers Janny)
Janny Je suis navrée si je vous ai semblé dédaigneuse. Oui, c'est vrai, je ne croyais pas
aux revenants en arrivant ici. Les histoires de maisons hantées, de bruits de
chaînes dans les couloirs et autres apparitions nocturnes m'ont toujours laissée de
marbre, sans mauvais jeu de mot. Maintenant que je vous vois, vous entends et
vous parle. Il va bien falloir que je revois mon système de pensée.
Juliette Ne vous inquiétez pas, Janny. Ça se fera tout naturellement quand on aura fait plus
ample connaissance. A propos, je suppose que vous vous posez quelques questions
à notre sujet. Si le cœur vous en dit...
Linda Ah ben puisque vous le proposez, moi, j'en ai une question.
Maël Nous vous écoutons Linda.
Linda Elle est tout simple, cette question : pourquoi ? Pourquoi est-ce que vous restez
dans ce château ?
Juliette C'est vrai qu'elle est simple, cette question. Simple à formuler en tout cas. Pour ce
qui est d'y répondre... Qui veux essayer ?
Maël Eh bien, en tant que doyen en ces murs, je veux bien essayer d'apporter ma pierre
à l'édifice.
Margreth J'aime bien quand on comprend ce que vous dites, Maël. C'est très agréable.
Maël Merci Margreth. Je suis donc le doyen des esprits de ce lieu et j'ai l'honneur
d'avoir été le fils cadet du fondateur de cette bâtisse, qui fût d'abord une forteresse.
Mon père, Lord Gordon Canterville, acheva la construction en 1286, l'année de
ma naissance.
William L'année aussi de la mort de notre roi Alexandre III.
Maël Tu as raison, cher neveu. Permets que je te tutoie et t'appelle mon neveu puisque
tu es descendant de mon frère.
William C'est un honneur pour moi. Et en retour je vous appellerai mon oncle.
Maël Honneur. Que ce mot fait plaisir à entendre ! Et vois-tu chère Linda, ce seul mot
répond à ta question. Pourquoi suis-je resté dans ce château depuis des siècle ?
Pour l'honneur des Canterville.
Laura Parce que l'honneur de la famille serait en danger ?

Scène 10 Les mêmes


Léonore L'honneur d'une famille peut être bien plus fragile qu'on ne l'imagine... ( un
temps)
Barbara Que veux-tu dire, Leonore ?
Leonore Je pense à mon père. À ses rêves de grandeur mercantile.
Laura Comment ça ? Ton père n'est pas commerçant ! De quels rêves parles-tu ?

12
Leonore Depuis qu'il est maire de la commune de Canterville, il rêve de donner un coup de
fouet touristique à notre village. Il a imaginé plusieurs projets, tous beaucoup trop
gros pour être réalisables, heureusement. Mais quand il a su que le château était à
vendre, ça lui est monté à la tête.
Laura Ah bon ? Mais comment ça ? Il aurait voulu le faire acheté par la commune ?
Leonore Oui.
Mary Et pour en faire quoi ?
Leonore Je n'ose pas le dire devant vous. J'ai trop honte.
Maël Tu as bien tort, fillette. Les enfants ne sont pas responsable des idées ni des actes
de leurs parents. Et il semble que tu n'approuves pas le projet de ton père.
Leonore Ah ça non, alors ! Quelle horreur...
Abbie Le seul fait que tu ne sois pas d'accord avec lui te dispense d'avoir honte. Allez,
dis-nous. Ça lèvera le mystère et ça te soulagera par la même occasion.
Leonore après un profond soupir Il a un cousin à Fort Augustus, un village à peine plus grand
que le notre. (à Linda et Barbara) Vous ne le savez peut-être pas mais Fort
Augustus se situe juste au bord du Loch Ness. Je vous laisse imaginer le tourisme
que ça peut attirer.
Laura Ah c'est pas New York ou Paris mais faut bien reconnaître qu'on y vient du monde
entier. Et ton père voudrait rivaliser avec son cousin de Fort Augustus en attirant
autant de touristes que le Loch Ness ? Mais comment s'y prendrait-il ?
Leonore Il est de notoriété mondiale qu'en Écosse on a des châteaux hantés. Et personne
n'ignore au village que Canterville Chase en fait partie. Vous en êtes la preuve
vivante... Enfin... Vous en êtes la preuve ! (petit rire complice des fantômes)
Juliette Ne t'en fait pas. Tes paroles ne sont pas blessantes. Au contraire, même, elles sont
douces à entendre. Car enfin nous sommes loin d'être inertes, alors pourquoi pas
des preuves vivantes … (échange de sourires)
Abbie Alors comme ça, si les dollars du père de ces jeunes filles n'avaient pas fait la
conquête de notre demeure ancestrale, on serait peut-être aujourd'hui éblouis de
flashes internationaux et envahis de papiers gras ?
Mary Je ne pensais pas devoir dire ça un jour mais vous remercierez bien votre papa
pour nous, mesdemoiselles. Je craignais qu'en achetant Canterville Chase il n'en
fasse une enclave américaine dans nos Highlands, et c'est le contraire qui se
produit. Non seulement il respecte les lieux et les gens, mais surtout il nous a évité
le pire.
Janny La volonté de notre père a toujours été de revenir à ses racines écossaises, et non
pas d'importer ici le style de vie qu'il a connu quand il était ministre.

Scène 11 Les mêmes


William Monsieur Otis, votre père, est un homme de bien. Mais revenons, s'il vous plaît,
au récit de l'Oncle Maël. Vous disiez, mon oncle, être resté au château pour
protéger l'honneur des Canterville ?
Maël Pour veiller à ce qu'il ne se perde plus.
Mary Comment ? Se serait-il donc perdu auparavant ???
Maël Hélas oui, ma nièce. Mais asseyez-vous, que je vous raconte. (Il tire son épée et
s'en servira tout au long du récit pour ponctuer sa geste) Mon père avait tout juste

13
construit cette forteresse et notre bon roi Alexandre le troisième, à la suite d'une
mauvaise chute de cheval, rendait son âme à Dieu. Il allait s'en suivre une crise de
succession qui mis notre belle Écosse à la merci de ce fourbe d'Edouard
d'Angleterre. Ce matin, mon neveu vous a parlé du Brave William Wallace qui
réussit à unir les Lords écossais pour s'opposer à cet anglais de malheur. Eh bien
c'est aussi mon histoire.
Linda Vous... Vous voulez dire que vous y étiez ? Vous avez connu le Gardien de
l'Écosse ?
Maël (Il grimpe sur un fauteuil ou sur la table basse) Et comment ! La forteresse de mon
père servit de base arrière lors de la bataille de Stirling.
Linda Quoi !? Ce château ? !
Maël Eh oui, jeune fille. Même si la bâtisse que vous connaissez aujourd'hui n'a plus
grand chose à voir avec la forteresse de Gordon de Canterville. C'est ici même que
se sont rassemblés les Lords sous l'autorité de William Wallace. Et c'est d'ici qu'ils
sont partis repousser l'envahisseur anglais à Stirling.
Linda Vous y étiez, alors ?
Maël descendant de son perchoir Mon père, Lord Gordon, a pris part à cette bataille. Moi,
j'étais au château, avec ceux de mon âge, occupés à l'intendance. C'était la plus
belle période de ma vie... (un temps)
Laura Et... l'honneur des Canterville...
Maël Il a été foulé aux pied par Lothan, mon frère aîné, à l'été 1298. (un temps) Cet été-
là, comme vous l'a dit William, l'Anglais a repris le contrôle de l'Écosse. (dans un
accès de colère) Mais ça n'aurait jamais dû arrivé.
William Ils étaient malheureusement plus forts et plus nombreux, mon oncle.
Maël essayant de se contenir Pas à ce moment-là, William. Pas à ce moment-là, tu peux
me croire. Ils étaient même sur le point de rebrousser chemin face à
l'extraordinaire progression de notre armée. Nous étions peu nombreux, c'est vrai,
mais terriblement motivés. Et puis tous unis pour notre Écosse. Nous avions alors
une volonté de fer qui les terrassait. Partout ils reculaient ! (un temps)
Linda Comment se fait-il alors...
Maël La fourberie !!! La fourberie, jeune fille ! Voyant son armée dépassée partout où il
l'engageait, Edouard Ier d'Angleterre est revenu à ce qu'il maîtrise le mieux : la
fourberie. Il a promis monts et merveilles à ceux des nôtres les plus âpres aux
gains et il s'est rendu maître de l'Écosse par la traîtrise de quelques écossais. (un
temps) Parmi lesquels mon propre frère, Lothan Canterville. (Soupir. Il baisse la
tête)
Margreth Pauvre Maël. Ça a été horrible pour lui.
Barbara Parce que vous connaissez son histoire, vous ?
Abbie Voilà plus d'un siècle que nous hantons ces lieux ensemble. Ça crée des liens, c'est
le moins qu'on puisse dire.
Janny voulant détendre l'atmosphère Je croyais que pour les fantômes c'était plutôt des
chaînes
Juliette ironiquement Oh ! Ce qu'elle est drôle ! Mais bien-sûr, des chaînes ! Quelle idée
originale. Et puis des grands draps blancs, pendant qu'on y est ! Eh !
Mademoiselle St-Thomas, on n'est pas au théâtre, là. C'est pour de vrai.
Janny confuse Pardon. C'était déplacé.

14
Juliette Plutôt, oui. Allez les filles, racontez leur la fin de cette horrible histoire, sinon les
larmes de notre pauvre Maël vont encore ruiner son pourpoint.
Abbie Mais c'est pas un pourpoint.
Juliette Je sais, mais à mon époque on disait comme ça...
Margreth s'adressant à Mary et William Lothan, votre plus lointain ancêtre en cette demeure,
était fier d'être l'aîné de la famille. Comme vous le savez, à cette époque et pour
des siècles après, le titre et le domaine familial revenait à l'aîné. Son avenir était
donc assuré, il serait Lord Canterville à la suite de son père. Mais le domaine était
petit, et Lothan voyait grand... Comme son frère Maël, il était né pendant les
travaux de construction du château et s'y était beaucoup attaché.
Abbie Mais depuis le haut de la forteresse on embrassait du regard toute l'étendue du
domaine de Canterville. Ce qui rassurait son père agaçait Lothan. Un domaine
dont on voit les limites, c'est un domaine trop petit. Quand son tour viendrait
d'être Lord Canterville...
Margreth À l'été 1298, Lothan ne participait pas encore aux batailles mais il allait être
écuyer et, avec ses semblables, ils suivaient les campagnes de l'armée écossaise et
aidaient les Lords et leurs chevaliers aux préparatifs. Ses envies d'expansion le
poussait à s'intéresser de très près aux stratégies des Lords écossais.
Abbie Il savait se montrer plein d'entrain, bon camarade, volontaire, drôle... Il n'eut
aucun mal à séduire tous ceux de son entourage, et quelques chevaliers qui ne
juraient bientôt plus que par lui. Il était même jusqu'à certains Lords parmi les
plus influents qui le citaient en exemple et l'écoutaient, béats...
Margreth ... comme les marins grecs du temps jadis écoutaient les sirènes qui les menaient
tout droit sur les récifs.
Maël Si encore l'un d'eux avait eu la présence d'esprit de ne pas tant se fier à un gamin...
Mais c'est vrai qu'il les avait enjolé. Personne ne se méfiait. Pas même mon
pauvre père, qui en était si fier, et allait le payer de sa vie.
Linda De sa vie ?! Mais que s'est-il passé. (Maël reste coit. Abbie continue)
Abbie Lothan savait très bien où il comptait aller en s'attirant les faveurs de tout ce petit
monde. Il ne pensait qu'à l'expansion de son domaine à laquelle tous ces futurs
chevaliers seraient trop heureux de contribuer. C'est alors que le mauvais sort à
joué contre Maël et les siens. Je ne sais comment cela s'est produit mais Lothan a
été secrètement approché par un espion anglais et s'est jeté dans ses bras sans une
hésitation.
Laura Mais enfin, il ne pouvait quand même pas trahir tous ceux sur qui il comptait pour
agrandir son domaine par la suite.
Maël J'ai surpris leur conversation : l'anglais lui a tout bonnement promis le comté de
Falkirk s'il lui livrait les plans de batailles de notre armée. Tout un comté. C'était
bien plus qu'il n'espérait. (un temps)
Abbie Lothan a dit tout ce qu'il savait aux anglais. Les Lords écossais ont été pris à
revers. Ils ont perdu les villes de Berwick, Roxburgh, et quand Wallace et l'armée
écossaise ont pris le chemin de Falkirk, ils sont tombés dans une embuscade qui a
mis fin à cette belle épopée.
Margreth Comme la plupart de ceux que Lothan avait séduit, Lord Gordon est mort lors de
cette ultime bataille. Lothan devenait Lord Canterville ! Mais les anglais se sont
joué de lui et n'ont pas tenu leur parole. Il n'est jamais devenu comte de Falkirk.
Mary Et vous, mon oncle, vous n'avez pas pu empêcher cette trahison.

15
Maël La rencontre avec l'anglais a eu lieu ici même, dans l'écurie. Vous vous rendez
compte ? dans notre forteresse ! A peine l'espion parti, je me suis jeté sur mon
frère pour l'obliger à s'expliquer. Et comme je l'attrapais au col, une lueur vive
m’éblouit. Son visage, à trente centimètre du mien, s'illuminait d'un rictus que je
ne lui avais jamais vu. Et puis je me suis senti glisser... (un temps) Je n'ai pu
prévenir personne. Je n'ai pu sauver personne. Mais je me suis promis de passer
mon éternité à faire en sorte qu'il n'y ait plus jamais de traître dans ce château.
Musique celte : The Corrs, « Erin Shore » et fondu au noir

Scène 12 Nuit. Barbara et Laura bavardent dans la pénombre. L'une boit un thé, l'autre un
coca.
Laura Et t'as pas peur que ça t'empêche de dormir ?
Barbara Quoi ? Le Coca ?! Pourquoi ???
Laura Ben je sais que moi, ça m'le fait. Quand j'en bois ne serait-ce qu'un verre l'après
midi, bah j'ai du mal à m'endormir.
Barbara Ah bon ?
Laura Je tourne dans mon lit, je pense à des trucs, et j'me retourne... enfin j'arrive pas à
dormir, quoi.
Barbara Remarque, maintenant que tu le dis, c'est vrai que j'ai souvent du mal à
m'endormir aussi. J'ai jamais pensé que ça pouvait venir du Coca mais ça me fait
comme toi. Je tourne d'un côté, de l'autre, sans trouver le sommeil. Et puis là, j'me
mets à penser à des trucs qui m'font peur et s'est foutu...
Laura Moi aussi je pense à des trucs qui m'font peur dans ces moments-là. Le boucher de
Canterville, par exemple.
Barbara riant Oh non ! Me dis pas que le boucher t'empêche de dormir !
Laura vexée Ben quoi ? T'as bien la trouille des fantômes, toi ! (elle se détourne)
Barbara Oh excuse-moi, Laura. Je ne voulais pas te vexer ni me moquer de toi. (un temps)
T'as raison, en plus, on a chacun des trucs qui nous font peur et qui ne font rien
aux autres. C'est bizarre mais c'est comme ça. C'est des peurs qu'on alimente nous-
même jusqu'à ce qu'elle nous dépassent et alors on perd le contrôle.
Laura C'est vrai ce que tu dis. Le boucher, par exemple... Il a une drôle de tête quand
même, avec sa moustache noire qui remonte jusqu'aux oreilles et pas un cheveux
sur le crâne.
Barbara Oui, c'est sûr que c'est pas Tom Cruise !
Laura On est d'accord. Et ben quand j'y pense dans la journée, je me dis que c'est comme
ça, que c'est sa tête et puis c'est tout. Que c'est pas parce qu'il a une moustache
bizarre que ça en fait un psychopathe, et cetera... Et le soir, toute seule dans mon
lit, ben ça revient. Son sourire bizarre, sa grosse moustache, son crâne rouge... Et
j'arrive pas à m'endormir.
Barbara Bah tu sais, moi, avec les fantômes, c'est un peu ça aussi. Quand l'oncle Otis nous
a dit qu'on allait partir vivre en Écosse, j'étais super contente parce que depuis que
je suis orpheline, c'est devenu difficile à l'école.
Laura T'avais plus envie d'apprendre.
Barbara Ah non, c'est pas ça. Au contraire, même, j'me suis jetée à plein dans les
apprentissages, pour m'occuper la tête. Non, c'est les autres, mes « camarades ».
D'abord ils ont été très gentils, très proches, « t'en fait pas, on va t'aider ! On est là.

16
Tu peux compter sur nous... » Et puis très vite je me suis rendu compte qu'ils
s'éloignaient de moi. Qu'ils m'évitaient. Comme si j'avais été contagieuse, tu
vois ?
Laura Ah oui d'accord...
Barbara Et donc quand il a été question de venir vivre en Écosse et ben, je sais pas
pourquoi mais tout de suite j'ai pensé « maison hantée ». Alors quand j'ai su que
mon oncle avait trouvé un vieux château à vendre, j'ai commencé à me faire des
films et c'est devenu des grosses frayeurs, comme t'as pu le voir.

Scène 13 arrive Juliette


Juliette Coucou les filles. Je dérange pas ?
Laura se levant pour l'accueillir Pas du tout, entre Juliette.
Juliette C'est bon aussi pour toi, Barbara ?
Barbara Oui, oui ! Je ne suis peut-être pas encore tout à fait guérie de ma phobie des
fantômes mais ça va beaucoup mieux depuis qu'on a fait connaissance.
Juliette Ah ! Ça... Ça va toujours mieux quand on a pris soin de faire quelques pas les uns
vers les autres. Combien de fois on entend dire « j'aime pas », alors qu'il faudrait
dire « je ne connais pas ». Vaste sujet sur lequel on a écrit quantité d'histoires.
Mais qui les lit ? …
Laura Toi non plus tu n'as pas sommeil ? Oh que je suis bête ! T'es un fantôme, tu ne
dors jamais.
Juliette Détrompe-toi, Laura. D'abord je ne suis pas vraiment un fantôme, et puis
malheureusement je dors souvent...
Barbara Pardon ? T'es pas un fantôme ?
Juliette Eh non ! Je suis un personnage. Une personne imaginée par un être humain et qui
n'existe qu'à travers ce que cet humain lui fait dire. Parfois, un autre être humain
s'efforce de nous interpréter et met beaucoup d'attention à nous prêter vie. Parfois
ça fait illusion et c'est bien agréable. D'autres fois, c'est plutôt … déception. Enfin,
ça c'est dans votre monde réel, parce qu'heureusement dans le monde imaginaire
on a beaucoup plus de libertés. Tant qu'on ne tombe pas dans le sommeil de
l'oubli...
Barbara et Laura échangent un regard perplexe
Juliette Ah ! Je vois que je vous ai perdu, là, toutes les deux. Bon. Asseyons-nous et
offrez-moi une tasse de thé. Je vais me raconter. (Elles s'assoient. Laura verse du
thé dans une tasse) Sans sucre ni lait, merci. (Laura lui tend la tasse et Juliette
boit une gorgée). Hum ! Délicieux ! Qui sait si mon William aurait tant écrit s'il
avait connu cette merveilleuse boisson apaisante ? Barbara et Laura sont
médusées Han han !? Un problème ?
Barbara Mais Juliette, comment pouvez-vous prendre un objet réel alors que vous êtes...
Juliette Et non ! Je vous l'ai dis y a pas une minute : je ne suis pas un fantôme. Je suis un
personnage. Je suis la Juliette de William Shakespeare, dans « Roméo et Juliette ».
Je n'ai jamais été vivante, donc jamais morte, donc jamais fantôme. Vous me
suivez ?
Laura Comment se fait-il qu'on vous voit, alors ? Qu'on soit là, toutes les trois, à
discuter.
Juliette C'est tout simple. Vous partagez toutes les deux une part d'imaginaire, et moi, je

17
vis dans le monde imaginaire, alors c'est facile de s'y rencontrer ! Enfin, facile... Il
faut un peu de bonne volonté quand même, sinon on ne m'entend dire que ce que
William a écrit.
Barbara Ah oui... Donc, là, Laura et moi sommes en train de discuter avec un personnage
imaginaire, c'est ça ?
Juliette Ben oui, exactement.
Laura En buvant le thé ?
Juliette Ou un Coca, c'est pareil. Ce qui compte c'est qu'on prenne le temps d'être
ensemble, dans une certaine convivialité. Même si je vous sens quand même un
peu tendues, là. Je me trompe ?
Laura Ben, c'est pas tout à fait simple pour nous de comprendre ce qui nous arrive...
Barbara C'est ça, oui...
Juliette Alors je vous explique. Vous avez déjà toutes les deux lu beaucoup d'histoires, pas
vrai ?
Barbara Ben si ! J'adore ça, lire.
Laura Moi aussi, depuis toujours. Et puis écouter les histoires que me racontent mes
parents et ma grand-mère...
Juliette Voilà ! Donc vous êtes dotées toutes les deux d'un imaginaire important. Et vos
deux imaginaires se croisent en plein d'endroits, à chaque fois que vous
connaissez une même histoire.
Barbara Ah ben oui, y a sûrement plein d'histoires qu'on connaît toutes les deux, peut-être
avec des variantes ?
Juliette Mon histoire avec Roméo, par exemple, et nos familles qui ne peuvent pas se
supporter, vous la connaissez forcément.
Laura Bien-sûr !!!
Barbara Euh... désolée mais moi je ne connais que votre histoire d'amour. Je ne savais pas
que vos familles...
Juliette grave Ah. Tu vois, ça commence comme ça et très vite on se retrouve dans le
sommeil de l'oubli. Y en a tellement qui y sombre... Tu vois, dans mon histoire,
par exemple, vous vous souvenez de moi, de Roméo, mais les autres ?
Barbara Euh...
Laura Bah si, y a tous les Montaigu, la famille de Roméo, et puis les Capulet de ton côté.
Juliette Et en détail ?

Scène 14 les mêmes plus Leonore


Leonore arrive à la rescousse Ben y a …vos parents à tous les deux, ta nourice, Mercutio,
l'ami de Roméo, euh... Tybalt, ton cousin et euh... Samson et Grégoire, les valets
de ton père...
Juliette Bien ! Très bien. Et puis ?
Laura Ben les autres euh...
Juliette Benvolio, Frère Laurence, Balthazar... et puis Pierre, Pâris et Escalus... Ce sont
des personnages secondaires, bien-sûr, mais on les oublie. C'est dur, pour eux,
vous savez.

18
Barbara Oui. Je comprends. Ça fait mal de se sentir oublié, comme abandonné.
Juliette Eh !!! Haut les cœurs ! Ils ne sont pas abandonnés puisqu'on pense à eux. Même si
le souvenir est plutôt flou, c'est pas difficile de l'éclaircir. (Abbie et Margreth
apparaissent et assisteront à la fin de la scène avec plaisir)
Leonore Il suffit de relire.
Juliette Exactement ! Et de dire, déclamer, improviser !!!
Leonore Ô Roméo, Roméo, mais pourquoi donc es-tu Roméo ?
Juliette Qu'est-ce après tout qu'un nom ? Ce qu'on appelle rose,
Sous un autre vocable, aurait même parfum.
Roméo, s'il n'était « Roméo », garderait
Cette admirable perfection qui est la sienne
Sans ce nom-là. Alors, défais-toi de ton nom,
Car il n'est pas toi, Roméo, et en échange
Tout entière prends-moi.
Leonore Qui donc es-tu, toi que la nuit cèle aux regards,
Et qui surprends ainsi mon secret ?
Barbara Il t'aime, Juliette ! Roméo t'aime !!!!
Laura Au diable tes parents ! Au diable les siens !
Ne vous laissez pas enfermer dans la haine
Votre histoire à tous les deux
Est la plus belle histoire d'amour de tous les temps !
Barbara Vivez-la !
Pour ouvrir le chemin à tous ceux qui s'aimeront après vous,
Toutes VIVEZ-LA !!!!!

Scène 15 Tous
Maël, l'épée à la main et pourfendant l'air, il virevolte Ventrebleu ! D'où vient tout ce
tapage ? Les saltimbanques auraient-ils envahis mon château ? N'y a-t-il plus
moyen de hanter dans le silence de la nuit ?
Abbie Holà ! Tout doux, l'ami ! Et rengainez votre lame, il n'y a personne à pourfendre et
l'honneur des Canterville n'est pas tombé dans le ruisseau.
Mary Que se passe-t-il ici ?
William Un problème ?
Abbie Aucun, chers cousins, Juliette et vos amies rendaient un hommage appuyé à votre
homonyme, le poète trop au sud.
Linda entrant suivie de sa sœur On a raté quelque chose ?
Abbie Ah oui ! Un bel hommage aux amours de Roméo et de sa Juliette (révérence
devant Juliette)
Juliette C'est trop, Abbie. Tu me flattes.
Abbie Mais pas du tout ! Ton histoire d'amour avec Roméo est magnifique, tout le
monde le sait. On vous envie. On vous jalouse. Mais je suis de ton avis : si on ne
se rappelle pas les personnages de toutes ces belles histoires, ils s'estompent, au
risque de sombrer dans l'oubli. (attristée) Et nous savons bien que, parmi leurs
nombreux défauts, les vivants ont celui d'oublier facilement...

19
Linda Qu'est-ce qui ne va pas, Abbie ?
Abbie soupire profondément Les histoires d'amour finissent mal. (avec une pointe
d'ironie) En général... Celle de nos parents s'est très mal terminée. Et elle a laissé
une trace (coup de menton vers la tache de sang)
Margreth Notre père était d'une jalousie terrible.
Abbie Et d'une force herculéenne... (un temps) Elle l'aimait passionnément. Fidèlement...
Margreth Elle aurait quand même dû partir avant qu'il ne soit trop tard.
Abbie prenant sa sœur dans ses bras C'est fini, Margreth. Nul ne lèvera plus jamais la main sur
une femme dans la maison des Canterville. Nous sommes là pour y veiller.
Musique. On entoure les deux sœurs en se prenant par les mains. Et ça enchaîne sur
« Thriller » pour la danse finale.

Musiques possibles :
- album « Ghost in the machine » de Police
- « Thriller » évidemment
- BO de Ghost
- « Ghost Dancing » , Simple Minds
- « Ghosts » de Roben Ford, instru pour une chasse au fantôme

20

Vous aimerez peut-être aussi