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Intelligence artificielle et santé animale

Pauline Ezanno, Sébastien Picault, Nathalie Winter, Gaël Beaunée, Hervé


Monod, Jean-François Guégan

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Pauline Ezanno, Sébastien Picault, Nathalie Winter, Gaël Beaunée, Hervé Monod, et al.. Intelli-
gence artificielle et santé animale. INRAE Productions Animales, INRAE, 2020, 33 (2), pp.95-108.
�10.20870/productions-animales.2020.33.2.3572�. �hal-02966118�

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Intelligence artificielle INRAE Prod. Anim.,
2020, 33 (2), 95-108

et santé animale
Pauline EZANNO1, Sébastien PICAULT1, Nathalie WINTER2, Gaël BEAUNÉE1, Hervé MONOD3, Jean-François GUÉGAN4,5,6
1
INRAE, Oniris, BIOEPAR, 44300, Nantes, France
2
INRAE, ISP, Tours, France
3
INRAE, MaIAGE, Jouy-en-Josas, France
4
INRAE, CIRAD, UM, ASTRE, Montpellier, France
5
IRD, CNRS, UM, MIVEGEC, Montpellier, France
6
Programme international FutureEarth du programme des Nations unies pour l’environnement, Global research
programme oneHEALTH, Paris hub, France
Courriel : pauline.ezanno@inrae.fr

„„ Les recherches à l’interface entre Santé Animale (SA) et Intelligence Artificielle (IA) sont en plein essor.
Elles permettent de s’engager sur de nouveaux fronts de science en SA, de lever des verrous méthodologiques
et d’identifier les défis de demain en agriculture. Portés par le regain d’intérêt récent pour l’IA, de nouveaux
outils d’aide à la détection en médecine animale et d’aide à la gestion sanitaire émergent, ouvrant des horizons
nouveaux pour la sécurité sanitaire.

Introduction
infrastructures de calcul, l’apprentis- manière plus réaliste, l’aide à la décision
sage devient profond (« deep learning »), humaine (systèmes experts, aide au dia-
L’IA correspond à un large ensemble i.e. explore ces données massives que gnostics, allocation de ressources…).
de théories et technologies mobilisées ne peuvent traiter les méthodes sta- Pour cela, un large panel de concepts
pour résoudre des problèmes de forte tistiques. Par ailleurs, des algorithmes et méthodes sont développés en IA
complexité logique ou algorithmique apprenant sont développés, abou- (FranceIA, 2017), parmi lesquels les
(Villani, 2018). Nous retiendrons ici tissant par exemple aujourd’hui aux méthodes d’apprentissage, mais aussi
une acception large de l’IA, en tenant réseaux de neurones artificiels et aux les méthodes de résolution de pro-
compte des interactions et complémen- machines vecteur support (SVM). Les blèmes complexes, d’automatisation
tarités avec les disciplines connexes que développements récents se sont nour- de tâches ou de raisonnements, d’in-
sont l’informatique, l’algorithmique, ris des interfaces créées entre l’IA et les tégration d’informations provenant de
les mathématiques et les statistiques. autres disciplines, comme par exemple sources hétérogènes, ou encore d’aide
Concept introduit dans les années 1950, la biomédecine, ainsi que des données à la décision (figure 1).
notamment par A. Turing, nombre de massives issues de différents champs
méthodes ont été développées ou disciplinaires, notamment associés à la Une partie des recherches menées
étendues relativement récemment santé (Hosny et al., 2018 ; Karczewski et aux fronts de science en SA prend une
avec l’amélioration des performances Snyder, 2018). ampleur nouvelle en mobilisant de telles
des ordinateurs. Ainsi, l’apprentissage méthodes d’IA, mais aussi par le déve-
automatique (« machine learning ») se L’IA s’attache à adresser trois défis loppement de données massives. Ainsi,
développe dès les années 1980. Une des qui font également sens en SA : i) la les recherches en SA bénéficient des
méthodes de l’IA les plus connues du compréhension d’une situation et de avancées sur les méthodes d’appren-
grand public, elle correspond à analyser sa dynamique, telle qu’une dynamique tissage, par exemple en épidémiologie
des données pour en déduire des règles épidémique ; ii) la perception de l’en- prédictive, en médecine de précision
à suivre, voire permet de s’autocorriger vironnement qui se traduit en SA par individualisée, et dans l’étude des rela-
avec l’arrivée de nouvelles données. À la détection de patrons, de formes ou tions hôtes × pathogènes (Zhang et al.,
partir des années 2000, avec l’essor des de signaux à différentes échelles ; iii) la 2017 ; Karczewski et Snyder 2018). Ces
données massives (« big data ») et des prise de décision par l’ordinateur, ou, de méthodes facilitent le diagnostic et la

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Figure 1. Structure de l’article et positionnement de quelques thèmes de recherche en santé animale (en noir) et de concepts
et méthodes d’intelligence artificielle utiles pour les développer (en vert).

Apprentissage
automatique
Diagnostic Classification
automatique
Télémédecine
Collecte DÉTECTION Systèmes experts
Médecine de précision
Organisation §3 Reconnaissance
Surveillance
de formes
Accès partagé
Intégration
Biologie fondamentale automatique
COMPRÉHENSION Épidémiologie d’informations
§2 hétérogènes
Phylodynamique
DONNÉES
Systèmes Multi-Agents
§1 Représentation
Décisions, conseils des connaissances
PRÉVISIONS /
Gestion adaptative Génération
SCÉNARISATION
§4 Innovations automatique de code
Résolution de
problèmes complexes

détection de cas, fiabilisent les prédic- l’IA, pour partie sur des thématiques particuliers (pathogènes partagés
tions et réduisent les erreurs, accélèrent communes avec la santé humaine, comme pour la peste porcine afri-
les décisions, améliorent la précision pour partie du fait des spécificités des caine, passage de la barrière d’espèce
des analyses de risque et permettent recherches en SA (Ducrot et al., 2011), facilitée par des contacts fréquents).
de mieux cibler les interventions (Saria et qui peuvent constituer des verrous L’intensité de ces interactions pourrait
et al., 2018). Les recherches en SA béné- particuliers. Premièrement, le contexte croître du fait des actions seules ou
ficient aussi d’avancées scientifiques en agro- et socio-économique est crucial combinées des pressions environne-
IA sur la représentation des connais- pour ces systèmes biologiques gérés mentales (artificialisation des terres
sances et la modélisation des raisonne- par l’humain et sources de revenus et occupation par le bétail), démogra-
ments (Bedi et al., 2015), des processus (animaux de rente), et qui sont forte- phiques (demande mondiale crois-
décisionnels et de gestion de l’incerti- ment soumis aux attentes sociétales sante en productions animales) et
tude (Lynn, 2019), sur les parcours de en termes d’éthique et de bien-être sociétales (conduite en plein air du
vie des patients (Pinaire et al., 2017), en animal (Connehaye et Duée, 2015). bétail). Vu sous un autre angle, travail-
résolution de problèmes avec allocation Les mesures conventionnelles de maî- ler sur des réseaux de maladies mul-
de ressources sous contrainte (Vrakas trise des maladies animales peuvent ti-espèces fournit des informations
et Vlahavas, 2008), sur les agents auto- ne plus être acceptables (par exemple cruciales sur les mécanismes molécu-
nomes (Shakshuki et Reid, 2015) et les l’abattage sanitaire, l’utilisation d’an- laires sous-jacents (Anvar et al., 2011).
systèmes multi-agents (Roche et al., tibiotiques ; Hur et al., 2019). Des Troisièmement, les populations ani-
2008) voire multi-niveaux (Picault et alternatives doivent être identifiées et males sont soumises à des prises de
al., 2017), ainsi que sur la génération évaluées, et l’IA peut y contribuer. Par décision récurrentes qui concernent
automatique de code informatique exemple, le recours à une médecine aussi la gestion de la santé (commerce,
(Russell et Norvig, 2010). Ces avancées vétérinaire individualisée est une alter- mesures de maîtrise…) notamment
méthodologiques permettent ainsi des native qui mobilise des méthodes d’IA pour les maladies non réglementées
représentations plus réalistes et lisibles ainsi que des données différentes de (décisions adaptatives des éleveurs).
par des non informaticiens de systèmes celles de la santé humaine (Behmann Les critères économiques et l’impact
biologiques complexes tels que ren- et al., 2016). L’intégration des données sur le revenu des éleveurs sont alors
contrés en SA, ainsi que la production issues du séquençage massif en SA, des indicateurs incontournables pour
de modèles pour anticiper l’effet de incluant les technologies émergentes évaluer les stratégies de maîtrise, par-
décisions de maîtrise ou de conduite à d’étude du métabolome et de l’épigé- fois en contradiction avec les attentes
différentes échelles (animal, troupeau, nome, est aussi un challenge à relever sociétales. Toutes ces spécificités font
région…). rapidement (Suravajhala et al., 2016 ; de l’interface entre IA et SA un thème
Goldansaz et al., 2017). Deuxièmement, d’intérêt pour stimuler de nouveaux
Mener des travaux de recherche à les interactions entre espèces, notam- travaux méthodologiques et lever
l’interface entre IA et SA conduit aussi à ment entre faune domestique et sau- certains des verrous auxquels sont
identifier de nouveaux challenges pour vage, entraînent des risques infectieux confrontés les recherches en SA.

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Sur la base d’une revue de la littéra-


Encadré 1. Analyse bibliométrique systématique.
ture des articles scientifiques à l’inter-
face entre IA et SA publiés entre 2009 Les publications ont été recherchées dans PubMed et ISI Web of Knowledge pour la période allant de 2009
et 2019 (encadré 1), complétée d’en- à 2019. Les mots-clés ont été recherchés dans les titres, mots-clés auteurs et résumés des publications.
tretiens conduits avec des chercheurs Seuls les articles en anglais ont été conservés. Dans ISI Web of Knowledge, toutes les bases de données ont
et enseignants-chercheurs français été mobilisées, mais les catégories de recherche visiblement en dehors de la thématique ont été retirées
positionnés à cette interface (enca- pour limiter le nombre de résumés à parcourir. Les doublons ont été retirés (mêmes auteurs, titre, année,
dré 2), nous avons déterminé les grands support) lors de la lecture des titres et résumés.
domaines de recherche en SA dans les-
quels l’IA était aujourd’hui mobilisée Mots-clés recherchés : (health OR disease OR pathogen OR epidem*) AND (“artificial intelligence” OR
(figure 1). Nous avons exploré com- “machine learning” OR “multi-agent” OR “multilevel agent” OR “markov decision process” OR “hidden mar-
ment les méthodes d’IA contribuent à kov”) AND (animal OR livestock OR cattle OR pig OR poultry OR wildlife) NOT cancer.
revisiter les questions de recherche en
SA et permettent de lever des verrous Les publications visiblement hors thème à la lecture des titres et résumés ont été retirées, puis à nouveau
méthodologiques. Nous avons égale- à la lecture des articles. D’autres publications qui ne ressortaient pas sur ces bases de données mais
ment analysé comment des questions connues des auteurs pour être dans ce thème (connaissance des travaux des équipes concernées par ces
de recherche en SA interrogent et sti- publications) ont été rajoutées. Au final, 110 publications ont été retenues (tableau 1). La liste de ces
mulent de nouveaux travaux en IA. références est disponible sur demande.
Nous nous attacherons ici à discuter de
la collecte, de l’organisation et de l’ac-
cessibilité aux données en SA (partie 1), Tableau 1. Sélection des articles publiés à l’interface entre intelligence artificielle
puis à discuter comment les méthodes et santé animale.
d’IA nous permettent de revisiter notre
compréhension des pathosystèmes Base de données « PubMed » « Web of Knowledge » Total
(partie 2), à améliorer la détection
de cas et le diagnostic à différentes Nombre d’articles identifiés 128 395 *
échelles (partie 3), et à prévoir et scé-
nariser le devenir des pathosystèmes Sélection sur titres et résumés 35 58 77
pour en améliorer la gestion, faciliter
les prises de décision, et stimuler les Références complémentaires 33
innovations (partie 4). Enfin, nous dis-
cuterons des freins et leviers possibles Publications retenues 110
au développement de l’IA en SA (par-
Il existait des doublons entre les deux bases de données, le total n’est donc pas calculable avant lecture
*
tie 5), avant de conclure sur des recom- des titres et résumés des publications.
mandations pour se saisir au mieux des
enjeux que représente cette interface
SA/IA (partie 6).
rature corporelle, production et com- troupeaux lors de programmes de suivi
position du lait, reproduction, poids, de cohortes par exemple ; iii) réglemen-
1. Collecter, organiser alimentation…) ou ses caractéris- tairement (mouvements commerciaux
et rendre accessibles tiques propres (données génomiques, des bovins, plateforme d’épidémio-sur-
des données de qualité métaboliques…). Certaines données veillance) ; iv) par des entreprises pri-
existent déjà (mais ne sont pas toujours vées (mouvements des porcs, collecte
accessibles aux académiques), d’autres du lait), et v) de manière ad hoc dans
Un point central pour les recherches (métabolome par exemple) repré- le cadre de projets de recherche. Cette
en SA reste le lien aux données d’obser- sentent un enjeu dont il convient de se caractéristique entraîne une très grande
vation, lesquelles sont structurées entre saisir. Le processus de mondialisation et diversité de propriétés des données, et
échelles d’organisation du vivant, ainsi d’échanges d’animaux à large échelle donc de leur gestion, accès et usages
qu’entre échelles spatio-temporelles conduit aussi à inclure le niveau global possibles.
(Ezenwa et al., 2015). Les données dans les recherches en épidémiologie
d’intérêt sont diverses : elles peuvent quantitative et plus généralement en Il convient de réfléchir aux futurs
concerner des zones plus ou moins SA (transferts d’agents infectieux, géné- systèmes d’observation, de collecte et
grandes, des troupeaux, ou des groupes tique et gestion des races…). de gestion de ces données, et aux pra-
d’animaux (données épidémiologiques, tiques visant à une meilleure collabo-
de détention d’animaux et de mouve- L’ensemble de ces données massives ration entre les parties-prenantes. Si la
ments commerciaux, météorologiques, et hétérogènes peuvent être collectées : gestion des données a toujours été un
parcellaires…). Elles peuvent aussi i) automatiquement (capteurs, sys- élément important en recherche finali-
concerner l’animal lui-même, en lien tèmes de vidéo-surveillance…) ; ii) spé- sée pour faciliter leur utilisation et leur
avec le système de production (tempé- cifiquement pour certains animaux ou valorisation, il s’agit aujourd’hui d’une

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Encadré 2. Conduite des entretiens.

Toutes les unités du Département Santé Animale (DSA) d’INRAE ont été contactées. Des personnes ont été ciblées sur avis des directeurs d’unité et des membres
du groupe de travail. Des entretiens complémentaires ont été menés dans d’autres départements d’INRAE et hors d’INRAE, pour avoir une vision plus précise des
forces et compétences en présence en France à l’interface IA/SA, de l’intérêt des scientifiques pour cette interface, et des illustrations de collectifs organisés à une
interface comparable (dans le domaine de la santé s.l.).
À INRAE, au sein du DSA, ont été contactés : C. Citti, I. Oswald, P. Martin, D. Concordet et A. Bousquet-Mélou (Toulouse), S. Picault, G. Beaunée, A. Madouasse et
P. Ezanno (Nantes), N. Winter (Tours), projet CaSciModOT (région Val-de-Loire), J.-F. Guégan (Montpellier). Au sein du département Mathématiques et Informatique
Appliquées (MIA), ont été contactés : H. Monod (Chef du Département, Jouy-en-Josas), F. Garcia et T. Schiex (Toulouse), E. Vergu (Jouy-en-Josas). Par ailleurs, ont
été contactés : C. Lannou (Chef du Département Santé des Plantes et Environnement (SPE), Jouy-en-Josas), C. Bastien (Chef du Département Ecologie des Forêt,
Prairies et milieux Aquatiques (EFPA), Grand-Est-Nancy), et A. Franc (EFPA, Bordeaux), ainsi que R. Thiébaut (Inserm/Inria, Bordeaux), Charline Smadi (Irstea,
Grenoble), et Maguelonne Teisseire (Irstea, Montpellier). Les entretiens abordaient les points suivants :
– Quelles recherches menées dans l’équipe en lien avec l’IA ? Quelle plus-value pour les recherches en SA ? Quel positionnement par rapport à la liste des thèmes
retenus ?
– Ces recherches sont-elles menées en collaboration ? Quelles compétences clés sont mobilisées ?
– Quel est le principal verrou (données, compétences, méthodes, collaborations…) ?
– Quel front de science à cette interface IA/SA ? Positionné en SA (on peut aborder de nouvelles questions ou revisiter des questions) ou en IA (développement
de nouvelles méthodes, nouveaux concepts) ?
– Quel exemple concret pour illustrer le propos ?
– Qui d’autre devrions-nous contacter ?
Les thèmes en IA retenus étaient les suivants :
– Représentation des connaissances : langage domaine-spécifique, ontologie.
– Méta-modélisation symbolique ou numérique, génération automatique de code informatique, adaptation de code en autonomie.

question stratégique tant en recherche données de SA (dualité entre la notion à plus grande échelle des solutions
théorique que plus appliquée couplée de bien public et le caractère priva- innovantes et accélérerait leur mise au
aussi à un challenge technique (Pfeiffer tif de certaines données) pour rendre point et leur évaluation. Une expertise
et Stevens, 2015). Il apparaît nécessaire possible l’expérimentation en situations conséquente existe (plateforme de
de rendre interopérables les sources réelles et comparer les performances données épidémiologiques, grandes
hétérogènes de données, requérant des algorithmes d’IA (Prospective, cohortes, fermes expérimentales, zones
des développements méthodologiques 2019) ? Lever ces interrogations facili- ateliers…) qui pourrait être mise à pro-
dédiés. Par ailleurs, une grande partie terait aussi la collecte de données ad fit. De plus, l’IA pourrait contribuer à
des données relève de la sphère privée, hoc. L’IA, notamment par les systèmes revisiter les méthodes d’échantillon-
avec une propriété à caractère souvent experts et les systèmes multi-agents, nage pour la collecte de données de
hétérogène (propriétaires multiples, aide à construire une représentation terrain en santé et en épidémio-sur-
données non centralisées, données fer- réaliste de systèmes biologiques com- veillance animale, en ciblant mieux et
mées), et parfois floue (méconnaissance plexes et se révèle ainsi un outil effi- de manière dynamique les données à
du propriétaire réel de la donnée entre, cace pour favoriser la participation des collecter tout en évitant les données
par exemple, l’éleveur et le collecteur acteurs d’une filière donnée à la prise de colinéaires redondantes.
des données) ; ce qui tend à complexi- décision optimisée, voire l’évaluation de
fier grandement l’accès aux données, l’impact de modifications des usages et
interroge sur la propriété intellectuelle, pratiques (Binot et al., 2015).
2. Apports de l’IA
et pose un certain nombre de questions pour la compréhension
en lien avec un Règlement Général sur la Permettre l’expérimentation des des pathosystèmes
Protection des Données (RGPD) adapté technologies IA sur des territoires est
à la SA dans le respect de la confiden- un enjeu crucial pour favoriser leur
„„2.1. Mieux comprendre
tialité des données mobilisées. Quel développement, valider leur perfor-
l’évolution des pathosystèmes
est le modèle économique pertinent mance et mesurer leur qualité prédic-
à large échelle
au regard de la collecte de données tive (Prospective, 2019). En santé, l’accès
ou de l’accès à des bases de données simplifié à des structures génératrices Les méthodes d’apprentissage
existantes ? Quid de l­’ouverture des de données permettrait ­d’expérimenter peuvent être utilisées pour réaliser

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des reconstructions phylogénétiques et al., 2019) ; continent : (Buhnerkempe matique, les constituants du modèle
et ainsi proposer des scénarios évo- et al., 2014). Ces modèles dits méca- (hypothèses, ontologie des connais-
lutifs, notamment d’agents infectieux nistes permettent d’anticiper les effets sances, structure, paramètres, fonc-
et de leurs modes de transmission. de mesures de maîtrise convention- tions, règles…) sont accessibles dans un
Ainsi, les modèles phylogénétiques nelles, mais aussi innovantes (nouvelles fichier texte structuré, lisible et révisable
offrent une perspective intéressante molécules candidates, capteurs, index par les non-informaticiens, scientifiques
pour identifier les lignées bactériennes de sélection génomique ; Ezanno et ou gestionnaires, rendant les modèles
environnementales à fort potentiel al., 2015). Cependant, ils requièrent plus transparents. À ce jour, un langage
infectieux (Bailly, 2017), ou encore pré- d’intégrer des données et expertises domaine spécifique dédié à l’épidémio-
dire les espèces réservoirs et vecteurs multiples en biologie, épidémiologie, logie concerne les modèles à équations
arthropodes en jeu (Babayan et al., évolution, écologie, agronomie, éco- différentielles, dits à compartiments
2018). Ensuite, aller vers des modèles nomie, etc. Leur développement pose de type Susceptible-Infecté-Résistant
de niches plus phénoménologiques alors des enjeux de fiabilité, de transpa- (SIR) (Bui et al., 2015). Deuxièmement,
contribuerait à surveiller les infections rence, de reproductibilité, et de flexibi- l’utilisation d’agents logiciels auto-
émergentes et anticiper la diffusion épi- lité d’usage. De plus, ces modèles sont nomes permet de représenter des
zootique ou épidémique d’agents infec- souvent développés de novo, mobili- niveaux d’abstraction et d’organisation
tieux. Des modèles multi-agents dans sant peu les modèles d’autres pathosys- variés à plusieurs échelles (Mathieu
un contexte spatial explicite ont ainsi tèmes. Enfin, ces modèles peuvent être et al., 2018), rendant les modèles plus
été développés pour des transmissions considérés comme des boîtes noires par flexibles. Très récemment, un logiciel
d’agents pathogènes vectorisés, et sont leurs utilisateurs finaux (gestionnaires générique (EMULSION, figure 2, Picault
suffisamment ergonomiques pour être de la santé) alors qu’ils reposent sur et al., 2019b) a été développé, mobili-
adaptés à des contextes particuliers des hypothèses biologiques explicites sant à la fois un langage dédié et une
(Roche et al., 2008). Enfin, des réseaux mais souvent cachées dans le code ou architecture logicielle à base d’agents.
de neurones ont permis d’identifier le les équations. Cette approche double a l’ambition de
niveau d’introgression génétique entre répondre le mieux possible aux besoins
des populations sauvages et des popu- Bien qu’incontournables, les bonnes récurrents de transparence, fiabilité et
lations domestiquées dans un contexte pratiques de programmation (Sandve flexibilité en modélisation des maladies
spatialisé (Lek et Guégan, 2000), ce qui et al., 2013) seules ne peuvent répondre transmissibles. Un simulateur interprète
aide à comprendre la diffusion de gènes à ces enjeux (Leek et Peng, 2015). les fichiers textes décrivant le système
dans les systèmes hôtes × pathogènes L’approche la plus aboutie à ce jour en pour produire le code du modèle, ce
à multi-espèces hôtes. Notons ici que épidémiologie requiert encore d’écrire pour tout type de formalismes (modèles
plusieurs de ces travaux révèlent le beaucoup de code (O’Hare et al., 2016). à compartiments, individu-centrés) et
caractère relativement ancien de cette Des méthodes adaptées manquent d’échelles (individu, population, terri-
recherche en IA. Ces recherches ont sou- pour faciliter le développement de ces toire). Des briques de code complémen-
vent permis d’identifier des signaux (par modèles, notamment pour représenter taires peuvent être ajoutées pour des
exemple la tendance d’introgression des systèmes multi-échelles. Ainsi, les processus spécifiques au pathosystème
génétique) voire des patrons ou des processus intra-hôtes sont rarement étudié. La révision des hypothèses du
propriétés particulières (par exemple considérés pour prédire la propagation modèle ne nécessite plus de réécrire le
l’importance de la densité-dépendance de pathogènes dans des populations, code. Ce type d’approche devrait aussi
dans la transmission d’infections par alors que l’hétérogénéité individuelle faciliter la production d’outils d’aide à
des insectes vecteurs) moins visibles des hôtes est un facteur crucial de cette la décision destinés aux gestionnaires
ou absents dans les traitements statis- propagation (par exemple les interac- et aux décideurs publics de la SA et de
tiques plus conventionnels. tions microbiote × pathogène × immu- la sécurité sanitaire plus généralement.
nité, Vodovotz et al., 2016).
„„2.2. Garantir fiabilité, „„2.3. Extraire
reproductibilité Mobiliser l’IA pour répondre à des connaissances
et flexibilité des modèles ces enjeux s’avère prometteur. des données massives
épidémiologiques Premièrement, les méthodes de repré- de biologie fondamentale
sentation des connaissances per- en santé animale
Pour comprendre et prédire la pro- mettent d’expliciter la structure des
pagation de pathogènes, il est utile de modèles mécanistes et de réduire le Les méthodes d’apprentissage faci-
représenter de manière explicite et inté- code à écrire, accélérant et fiabilisant litent aussi des travaux de biologie fon-
grative dans un modèle mathématique leur développement. La séparation damentale, en mobilisant par exemple
(équations) ou informatique (simula- entre le développement logiciel et la des analyses morphologiques pour
tions) les mécanismes sous-jacents à la représentation des connaissances per- étudier la mobilité cellulaire (Sebag et
dynamique du pathosystème, et ce à dif- met à des scientifiques de discipline non al., 2015). L’utilisation d’approches de
férentes échelles (intra-hôte : Go et al., informatique de contribuer à concevoir classification et de filtres intelligents
2019 ; filières de production primaire : puis à évaluer les modèles. Au lieu de permet aujourd’hui de trier des don-
Ferrer Savall et al., 2016 ; territoire : (Qi n’exister que sous forme de code infor- nées massives de biologie moléculaire

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Figure 2. L’IA au service de la modélisation mécaniste en épidémiologie (Source : blages de prions, permettant ainsi un
EMULSION, Picault et al., 2019b). diagnostic plus précoce de ces mala-
dies animales de type neurodégénéra-
tives, et ouvrant la voie pour identifier
des cibles thérapeutiques potentielles
(Chyba et al., 2016). En santé humaine,
on a assisté dans la seconde moitié du
xxe siècle à un développement consé-
quent de nouvelles disciplines aux
interfaces entre IA et disciplines-phares,
notamment la biologie cellulaire et l’im-
munologie. Des disciplines d’interface
se sont développées, comme la biologie
et l’immunologie computationnelles,
qui doivent aujourd’hui fertiliser les dif-
férents secteurs de la SA. L’immunologie
humaine actuelle repose sur la descrip-
tion de mécanismes moléculaires et
cellulaires fins (par exemple le nombre
d’interleukines connues aujourd’hui a
augmenté de manière considérable par
rapport aux années 1970). La volonté
de comprendre les processus sous-
jacents aux réponses immunitaires a
provoqué une révolution en invitant
cette discipline à s’intéresser à la bio-
logie des systèmes complexes et aux
approches issues de l’IA (Bassaganya-
Riera et Hontecillas, 2016). Toutefois,
les déséquilibres entre les effectifs
d’immunologistes et de modélisateurs
en immunologie constituent un frein
à l’essor pourtant fantastique de cette
nouvelle discipline.

3. Revisiter les méthodes


de détection de cas
à différentes échelles

A. Les modélisateurs développent chaque modèle épidémiologique de novo, et produisent des codes Une gestion rationnelle des troubles
spécifiques non lisibles par des scientifiques d’autres disciplines ou par les utilisateurs finaux des de santé en élevage repose sur des
prédictions. méthodes performantes de détection
B. Mobiliser des approches d’IA pour combiner un langage dédié et une architecture logicielle à base
d’agents contribue à rendre les modèles épidémiologiques plus reproductibles, transparents, flexibles, et
de cas, que ce soit à l’échelle indivi-
transférables aux gestionnaires de la santé sous forme d’outils d’aide à la décision. Un simulateur interprète duelle voire infra-individuelle (organe),
les fichiers textes décrivant le système pour produire le code du modèle. Des briques complémentaires du groupe d’animaux, ou de territoires.
de code peuvent être ajoutées si nécessaire. Les méthodes d’apprentissage per-
mettent de détecter des patrons et
(données issues du séquençage massif lome (Tardivel et al., 2017). Par ailleurs, le des signaux dans les grandes masses
et de la métagénomique). Des voies de temps de diagnostic est réduit en facili- de données, et en particulier dans les
signalisation métabolique, physiolo- tant les analyses d’images (par exemple séries spatiales ou temporelles de cas
gique ou immunologique sont explo- la détection accélérée de patrons cli- en santé, et contribuent ainsi à l’essor
rées et des métabolites sont identifiés niques, Dórea et al., 2013), souvent d’une agriculture intelligente et de la
et quantifiés dans des mélanges biolo- nécessaires pour étudier les interac- télémédecine. Des alertes peuvent être
giques complexes. Cet aspect consti- tions hôte-pathogènes en pathologie produites, et contribuer aux conseils
tuait jusqu’alors un défi majeur pour animale. Par exemple, l’utilisation de de gestion en agriculture numérique
tester a priori des hypothèses liées à la méthodes optimales a permis de mieux (Liakos et al., 2018 ; figure 3) ou dans
caractérisation exhaustive du métabo- comprendre la formation des assem- la pratique vétérinaire (Jones-Diette

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Intelligence artificielle et santé animale / 101

Figure 3. Les données massives en élevage. (Forbes et al., 2013 ; Perez et al., 2009)
ou leurs proxies (ex : émergence de
Externe Météo maladies infectieuses suite aux pertur-
Paysage bations de l’environnement), ou encore
Exploitation Bâtiment des symptômes et voies métaboliques
Ambiance Données Modèles en cascades précurseurs de patholo-
Détention massives prédictifs gies chroniques ou dégénératives. L’IA
Commerce permet aussi de mobiliser les informa-
Animal Santé tions disponibles sur Internet, par des
Performances Alertes méthodes semi-automatiques de fouille
Comportement de textes (data mining) pour identifier
!
Alimentation
et traiter des signaux d’émergence pour
Génétique
Modèles la veille internationale sur les maladies
Éleveur
mécanistes animales infectieuses (Arsevska et al.,
2018).
Outils d’aide
Conseillers À large ou très large échelle (terri-
au conseil
toire, pays, continent…), l’analyse des
L’analyse des données massives par des modèles prédictifs (ex : par apprentissage) permet de générer
des alertes destinées aux éleveurs. Intégrer de manière automatique ces données ou les alertes produites données de mouvements commerciaux
dans des modèles mécanistes permettrait de proposer des outils logiciels d’aide au conseil innovants d’animaux entre élevages (Dutta et al.,
pour les gestionnaires de la santé, qui soient adaptés aux particularités locales. 2014 ; figure 4) permet de prédire le
risque épidémique associé (Hoscheit
et al., 2016). Ces mouvements sont dif-
et al., 2019). Cela aboutit parfois à une transposition à un autre pathosystème ficilement prévisibles, notamment car
détection plus précoce des troubles de ou la prise en compte d’évolutions envi- les échanges commerciaux reposent
santé et contribue à la rationalisation ronnementales ou réglementaires est sur de nombreux facteurs associés
des traitements anti-infectieux (notam- hasardeuse. Par ailleurs, si les méthodes aux activités et décisions humaines.
ment antibiotiques) chez les animaux d’apprentissage (classification, analyse Des méthodes de reconnaissance
de production. Cela peut reposer sur d’images, reconnaissance de formes, de patrons spatio-temporels et des
l’analyse de données collectées à par- fouille de données…) apportent des développements méthodologiques
tir d’objets connectés (Morota et al., solutions pour un large panel de pour l’analyse de graphes relationnels
2018), le typage de la santé individuelle questions de recherche en bioméde- dynamiques orientés et pondérés sont
ou de groupe (Dórea et al., 2013), voire cine et biosanté, il est crucial de bien requis dans ce domaine car très peu des
des modèles mécanistes prédictifs de démontrer par des méthodes de vali- méthodes permettent à ce jour d’étu-
l’occurrence des détections de nou- dation éprouvées la performance de dier des systèmes à grande échelle alors
veaux cas à traiter (Picault et al., 2019a). ces méthodes en mesurant leur qualité que les jeux de données sont souvent
Ensuite, une optimisation multicritère prédictive et en les comparant lorsque de très grande taille (plusieurs dizaines
permet de raisonner les stratégies thé- c’est possible aux méthodes statistiques voire centaines de milliers d’exploita-
rapeutiques en identifiant qui traiter alternatives. tions en interaction dynamique).
dans un groupe, quand, selon quel
protocole et pendant quelle durée, de À l’échelle des populations, la détec-
manière à maximiser la probabilité de tion de cas repose sur une surveillance
4. Cibler les interventions,
guérison tout en minimisant le risque directe (détection des troubles) ou intégrer l’humain
de résistance et les doses utilisées indirecte, mobilisant des informations au système et soutenir
(médecine individualisée et médecine connexes (proxies) à l’occurrence des ses décisions
de précision). troubles. Ainsi, l’émergence de certaines
maladies est détectée par une surveil-
Néanmoins, la qualité des alertes lance syndromique, en détectant des
„ 4.1. Choisir parmi
reste assujettie à la qualité et à la signaux anormaux dans des données
toutes les alternatives
représentativité des jeux de données collectées en routine (mortalité, repro- Un enjeu des gestionnaires de la santé
utilisés par les algorithmes d’appren- duction, comportement, production lai- est d’identifier les combinaisons de
tissage. De nombreux biais (d’origine tière, utilisation médicamenteuse plus mesures de maîtrise les plus pertinentes
matérielle, logicielle, humaine) peuvent importante… ; Marceau et al., 2014). selon les spécificités locales (caractéris-
entacher le bien-fondé des prédictions. Ici les méthodes d’IA et les statistiques tiques des élevages, objectifs de pro-
De plus, des alertes produites après un sont fortement complémentaires, duction…) et territoriales (ressources
apprentissage reflètent nécessaire- devant s’appuyer sur un large panel de collectives disponibles, localisation
ment les spécificités du système dont données, fortement hétérogènes, par- des élevages, priorités de gestion…),
les données sont issues (lieu, période, fois massives et souvent éparses, pour pour anticiper les effets de change-
pratiques d’élevage…), de sorte qu’une détecter des signaux souvent faibles ments sanitaires, environnementaux

INRAE Productions Animales, 2020, numéro 2


102 / Pauline ezanno et al.

Figure 4. Mouvements commerciaux de bovins en France en 2009 (Source : Base „„4.2. Tenir compte
de données nationale d’identification des bovins – BDNI). des attentes et des peurs
des gestionnaires de la santé

Les gestionnaires de la santé ani-


male doivent disposer des prédictions
issues de modèles dans un temps com-
patible avec les besoins de gestion.
Face à des émergences imprévisibles
(nouveaux pathosystèmes, nouvelles
conditions de circulation, mesures de
maîtrise à déterminer…), cela peut
s’avérer problématique. Envisager une
bibliothèque de modèles ayant un
cadre commun renforcerait la réacti-
vité des épidémiologistes, permettant
de développer des modèles pertinents
plus rapidement et de les mettre à jour
avec des données actualisées (« real-
time system modeling ») lors de la pro-
gression des épidémies. Néanmoins, si
cela accélèrerait le passage du modèle
conceptuel (dérivé des connaissances
et des hypothèses biologiques sous-
jacentes) à l’outil d’aide à la décision, un
gain de réactivité serait encore obtenu
par la génération automatique de code
Ces mouvements forment un réseau dynamique, orienté et pondéré. Le prédire est un challenge
scientifique et technique, pour lequel de nouvelles méthodes sont requises et auquel l’IA pourrait informatique performant et l’adapta-
contribuer. tion de code en autonomie ; ce qui reste
à ce jour un verrou méthodologique
important à lever en IA. Par ailleurs, il est
et ­réglementaires, et promouvoir des in silico d’évaluer, comparer, ­hiérarchiser souvent ­nécessaire de réaliser un très
conseils sanitaires de qualité. La ques- un large panel d’options à moindre grand nombre de calculs ou d’analyser
tion se pose aussi de comment favoriser coût (figure 5 ; Beaunée et al., 2017). de très grandes bases de données, ce
l’innovation en SA, par exemple anti- Cependant, la plupart des modèles qui appelle à une utilisation raisonnée
ciper les caractéristiques requises de disponibles n’intègre pas explicitement des ressources informatiques. Ainsi, les
molécules candidates (Schneider, 2019), l’humain et sa décision, alors que les outils logiciels transférés vers les ges-
ou évaluer l’avantage concurrentiel de décisions de maîtrise sont souvent de tionnaires requièrent parfois l’usage
stratégies innovantes (sélection géno- l’initiative des éleveurs (ex : maladies de ressources privées de type cloud
mique d’animaux résistants, nouveaux non réglementées), avec des consé- (logiciels qui ne fonctionnent pas sur
vaccins…) par rapport aux stratégies quences sanitaires et décisionnelles de simples ordinateurs), mettant en
conventionnelles. Les gestionnaires parfois à large échelle (diffusion infec- exergue le compromis entre coût de
privés (éleveurs, conseillers des éle- tieuse, diffusion de l’information et simulation, continuité de service (par
veurs) et collectifs (groupements d’éle- des rumeurs, zone d’influence…). Des exemple la gestion des pannes) et
veurs, pouvoirs publics…) ont besoin travaux récents visent à intégrer l’hu- temps requis pour obtenir les résultats
d’outils d’aide à la décision (OAD) pour main et ses décisions dans le système de simulations (Pham et al., 2017). Ces
cibler les incitations publiques, iden- en mobilisant du contrôle optimal et questions relèvent pour l’heure de la
tifier les investissements à privilégier des stratégies adaptatives issues de recherche en informatique, et des col-
par l’éleveur (Ezanno et al., 2018) et l’IA (Viet et al., 2018) ou encore des laborations sont souhaitables entre ces
cibler au mieux les mesures : qui cibler méthodes d’économie de la santé (Tago chercheurs et ceux de SA.
(quels élevages, quels animaux) ? avec et al., 2016 ; Krebs et al., 2018). Ces tra-
quelle(s) mesure(s) ? quand et pendant vaux sont précurseurs en SA et doivent Les gestionnaires souhaitent aussi
combien de temps ? etc. Ces questions être poursuivis et étendus dans le cadre s’appuyer sur des prédictions précises
deviennent incontournables pour rai- du développement de l’agroécologie, provenant de représentations réalistes
sonner l’usage des intrants (antibio- de la demande sociétale actuelle en des systèmes biologiques. Avant d’être
tiques, pesticides, biocides…). matière de qualité des produits et de utilisés, le comportement des modèles
respect des écosystèmes et de leur doit être analysé. Se posent alors les
Le recours à la modélisation méca- biodiversité, et plus généralement de questions d’exploration dans l’espace
niste est une solution qui permet la sécurité sanitaire internationale. des incertitudes et des données, et

INRAE Productions Animales, 2020, numéro 2


Intelligence artificielle et santé animale / 103

Figure 5. Identifier les stratégies pertinentes pour maîtriser la paratuberculose demain, pour quels objectifs ? Dans
bovine à l’échelle régionale (d’après Beaunée et al., 2017). un esprit de surveillance contrôlée,
ces OAD ne risquent-ils pas d’entraî-
ner une dérive de discrimination des
élevages selon leur statut sanitaire,
même lorsque ce statut sanitaire ne
peut être géré par les seules interven-
tions de l’éleveur ? Les nouvelles tech-
nologies issues de l’IA peuvent en effet
revêtir un caractère double, offrant par
exemple la possibilité d’un contrôle
des cheptels par des groupes interna-
tionaux de l’agro-alimentaire parfois
propriétaires des données collectées.
Deuxièmement, il existe aussi en SA
une crainte de voir l’outil remplacer
l’expertise humaine. Pourtant, auto-
matiser ne signifie en rien remplacer
l’humain, son expertise et sa décision
(Reddy et al., 2019). Il s’agit plutôt de
Classiquement, identifier les stratégies pertinentes revient à les définir a priori puis à les comparer, par renforcer ses capacités d’abstraction
exemple par modélisation. Généralement, seul un faible nombre d’alternatives est considéré. Ici, toutes et d’analyse, accélérer le processus
les alternatives sont considérées, aboutissant à une multitude de scénarios dont l’analyse peut devenir
un challenge. Chaque point correspond à la situation épidémiologique après 9 ans de propagation du
global, fiabiliser les prédictions, gui-
pathogène sur un réseau de 12 500 troupeaux bovins laitiers pour une stratégie donnée (astérisque : der les recherches complémentaires.
pas de maîtrise). Initialement, 10 % des animaux sont infectés en moyenne dans 30 % des troupeaux. Néanmoins, un développement impor-
Les points les plus bleus correspondent aux stratégies les plus favorables. Mobiliser dans un tel cadre tant des ressources et matériels infor-
des approches d’IA, notamment d’optimisation sous contraintes, faciliterait l’identification des stratégies matiques n’est pas sans impacts sur
pertinentes en explorant l’espace des possibles de manière plus ciblée.
l’environnement en termes de bilan
carbone (serveurs énergivores, recy-
d’optimisation sous contraintes. Cela ii) inférer des processus et des proprié- clage des capteurs…), ce qu’il faut
requiert souvent des simulations tés émergentes. Des développements aussi prendre en compte dans le cadre
intensives, qui bénéficieraient d’algo- méthodologiques sont encore requis du développement de l’agroécologie.
rithmes d’optimisation pour parcourir et qui bénéficieraient à de nombreuses Troisièmement, la très grande com-
plus efficacement l’espace des pos- problématiques de santé, notamment plexité d’analyse et d’acculturation
sibles. En retour, cela permettrait par en lien avec les notions actuellement des résultats et connaissances issus
exemple d’identifier automatiquement en pleine évolution de réservoir-hôte, de la recherche académique, notam-
comment atteindre un objectif fixé d’hôte relais (« edge-host »), et de bar- ment de l’IA, constitue un obstacle à
(ex : réduction de la prévalence d’une rière d’espèces (Han et al., 2019). Les l’appropriation des OAD par leurs utili-
maladie sous un seuil acceptable) tout développements méthodologiques sateurs et peut conduire à préférer des
en tenant compte des ressources dis- et la diffusion des méthodes exis- méthodes plus simples et faciles d’ac-
ponibles. Si cette question trouve des tantes sont à poursuivre (par exemple cès. Toutefois, ces dernières peuvent
solutions en statistique moderne pour le réseau français pluri-organismes se révéler ne pas toujours être les plus
des systèmes relativement simples, elle Mexico : « Méthodes pour l’EXploration pertinentes ou les plus fiables. Des pro-
représente un front de science pour les Informatique des modèles Complexes » jets de science participative (« citizen
systèmes complexes (large échelle, mul- organise des écoles-chercheurs sur science »), aussi nommée participa-
ti-hôtes, multi-pathogènes, multi-sys- « Analyse de sensibilité, métamodéli- tion communautaire en épidémiolo-
tèmes…) qui deviennent la norme. sation et optimisation de modèles », gie humaine (« community health »),
De plus, des objectifs d’optimisation https://reseau-mexico.fr/). permettront en SA de co-concevoir et
spécifiques à la SA peuvent engen- co-construire les OAD de demain avec
drer des besoins méthodologiques Enfin, trois limites ont été identi- leurs utilisateurs. Cet effet d’entraîne-
ad hoc (Shah et al., 2019). Les besoins fiées quant au développement d’OAD ment permettra de mieux répondre
en capacité d’abstraction et d’analyse pour les gestionnaires de la santé, liés aux attentes et aux besoins des uti-
sont massifs et pourraient bénéficier à l’acceptabilité de l’IA au sens large lisateurs mais aussi des citoyens, de
des complémentarités entre IA (explo- comme facteur majeur de progrès rendre moins opaques les systèmes et
ration raisonnée, utilisation intelligente (Prospective, 2019). Premièrement, les les approches informatiques, et d’ac-
des ressources informatiques, calculs questions d’éthique, flagrantes lors- croître leur confiance dans les prédic-
optimisés…) et statistiques pour tirer qu’il s’agit de santé humaine, sont aussi tions de modèles académiques parfois
autant d’information que possible des importantes à prendre en compte en obscurs, notamment lorsqu’ils ne sont
données : i) explorer, analyser, prédire ; SA. Quels OAD souhaitons-nous pour pas lisibles (lignes de code sans filtre).

INRAE Productions Animales, 2020, numéro 2


104 / Pauline ezanno et al.

Les OAD pourront alors être élaborés une connexion facilitée et de confiance fique gagnerait aussi à accroître encore
avec l’aide des ­décideurs publics, des est requise entre académiques et ins- ses compétences et son expérience en
éleveurs, des industries agro-alimen- tituts techniques et partenaires privés, valorisation, transfert et protection
taires et des syndicats sectoriels. La qui sont souvent les détenteurs ou de la propriété intellectuelle sur ces
co-construction donne le temps d’ex- collecteurs des données d’intérêt pour méthodes d’IA et les résultats associés.
pliciter la science derrière les outils résoudre des questions de recherche
et de les rendre plus transparents et en santé via des approches d’IA. La
utiles. Cette participation commu- réflexion pour une meilleure coordi-
6. Recommandations
nautaire, voire citoyenne, soutenue nation intersectorielle doit se faire au
aujourd’hui dans de très nombreux niveau national français, tant ce thème „„6.1. Partager et protéger
pays, est garante de prises de déci- apparaît hyper-compétitif et certains les données
sions plus conformes à l’aspiration des cloisonnements actuels allant encore
citoyens et correspond à une tendance à l’encontre du partage d’information. Aucun développement à l’interface
à se généraliser de « structured-deci- entre IA et SA n’est envisageable sans
sion making ». L’IA doit contribuer à Une acculturation des chercheurs un soutien extrêmement fort pour l’or-
cette démocratisation de l’aide et de à l’IA, ses méthodes et ses potentiels ganisation du dépôt, de la gestion, de
la participation à la décision publique développements, mais aussi ses limites, l’analyse, du calcul, et de la restitution
en SA. doit être proposée pour répondre aux des données. Le risque majeur est de
défis de l’agriculture du xxie siècle. En voir l’inflation des demandes pour des
effet, il existe des freins à mener des développements IA non soutenue par
5. Freins et leviers recherches sur ce front de science. les ressources humaines disponibles.
Nouer les nouvelles collaborations De plus, il est nécessaire de pouvoir
Les recherches menées à l’interface requises entre équipes menant des tra- s’appuyer sur des compétences en
entre IA et SA nécessitent de fortes vaux méthodologiques et équipes des droit, juridiction et déontologie quant
interactions entre disciplines de la domaines d’application reste difficile à l’acquisition, la détention, l’utilisation,
biologie (infectiologie, immunolo- vus les faibles effectifs académiques et la protection des données en SA.
gie, sciences cliniques, génétique, sur ces problématiques, leur très Cette question doit se penser à l’échelle
écologie, évolution, épidémiologie, forte mobilisation actuelle dans cette interinstitutionnelle, en s’appuyant sur
zootechnie…) et disciplines plus théo- recherche et la faible capacité à pou- la réflexion similaire conduite en santé
riques (mathématiques, statistiques, voir collaborer sur de nouveaux sujets, humaine. Il s’agit d’être en capacité
informatique). Mener des recherches ainsi que la difficulté d’appréhender d’accompagner tout changement au
à cette interface requiert de renforcer et maîtriser ces méthodes. Il existe un regard de ces données quant à leur tra-
les quelques équipes déjà positionnées, besoin de veille et de formation sur les çabilité jusqu’à leur propriété, qu’elles
mais é­ galement d’associer des équipes méthodes disponibles ou en cours de soient publiques ou privées.
travaillant autour des concepts « One développement, les nouveaux logiciels/
Health », « Ecohealth » et « Planetary packages et leur applicabilité, etc. Pour Les nouvelles données sont riches
Health » pour bénéficier des réalisa- développer des collaborations clés et doivent être valorisées le mieux
tions récentes en écologie et modé- et asseoir un positionnement straté- possible, non par chaque propriétaire
lisation des maladies infectieuses, en gique, une interconnexion peut aussi séparément, mais en les mutualisant et
santé des plantes et en santé de l’en- se faire via des équipes transversales en mobilisant nos capacités d’analyse
vironnement (Guégan et al., 2018). (par exemple l’équipe projet SISTM de données hétérogènes et complexes.
Ces travaux doivent s’appuyer sur un « Statistiques pour la médecine trans- La plateforme française interinstitu-
large panel de compétences métho- lationnelle » Inserm / Inria / Université tionnelle « Épidémiologie en Santé
dologiques (méthodes d’apprentis- de Bordeaux) qui nous apparaît être Animale » (ESA) constitue un lieu privi-
sage, fouille de données et de textes, une voie à privilégier. Des solutions sont légié pour discuter avec tous les acteurs
systèmes d’information, représenta- aussi à trouver pour favoriser la perco- et trouver des solutions de partage et
tion des connaissances, systèmes mul- lation des méthodes dans la commu- de protection des données. Des com-
ti-agents, résolution de problèmes, nauté et la montée en compétences des pétences quant à l’interopérabilité des
métamodélisation, optimisation, archi- scientifiques et ingénieurs. données sont requises et doivent être
tecture de simulation, réduction de développées.
modèles, modèles décisionnels…). Les Enfin, les méthodes d’IA, notamment
besoins de recherche, de formation, et de classification / apprentissage / fouille Enfin, pour pouvoir lancer des expé-
d’appui autour de ces questions consti- de données, et les innovations en SA rimentations ambitieuses de méthodes
tuent des enjeux cruciaux, aux échelles auxquelles ces méthodes peuvent d’IA sur des données réelles comme
nationale, européenne et internationale conduire ne sont que très peu abordées recommandé (Prospective, 2019), il
(essor actuel pris par des pays comme en enseignement vétérinaire, alors que convient de i) lever les non-autorisa-
la Chine et l’Inde sur ces thèmes alors ces étudiants représentent les futurs tions d’accès aux données en négociant
que la France dispose de compétences professionnels de la SA (van der Waal en région et auprès des entreprises ;
reconnues internationalement). Enfin, et al., 2017). La communauté scienti- ii) analyser et comprendre l’effet de

INRAE Productions Animales, 2020, numéro 2


Intelligence artificielle et santé animale / 105

ces levées sur les développements (Schulze, 2015), ce qui tend inter- prise de risque est rarement permise
­méthodologiques ; et iii) le cas échéant, nationalement à être la tendance par les agences de financement natio-
étendre de telles initiatives à d’autres (Bassaganya-Riera et Hontecillas, 2016). nales, alors qu’elle est cruciale pour ini-
régions voire à l’échelon national et Cela peut se faire via le partage d’expé- tier des travaux interdisciplinaires. Des
communautaire. riences et des formations de base sur les financements incitatifs (inter-)institu-
méthodes existantes, leurs avantages tionnels permettraient de soutenir les
„„6.2. Attirer et limites par rapport aux méthodes projets en phase initiale. Un projet de
les compétences conventionnelles. plus grande ampleur pourrait émerger
nécessaires après consolidation des interactions
Enfin, pour consolider le vivier des disciplinaires nécessaires.
Un frein incontestable à conduire de futurs chercheurs en SA, promouvoir
telles recherches vient des ressources un enseignement de base en IA dans Enfin, ces projets reposent généra-
humaines, notamment la trop faible les formations initiales est à construire lement sur l’utilisation de ressources
capacité actuelle d’encadrement par avec l’IAVFF (Institut Agronomique, informatiques conséquentes. Les insti-
les scientifiques permanents. Les colla- Vétérinaire et Forestier de France). tuts de recherche ont intérêt à inscrire
borations sont un moyen d’attirer des plus largement dans leur politique
compétences nouvelles. Cependant, „„6.3. Favoriser le montage informatique une contribution finan-
initier des collaborations à l’interface de projets en intelligence cière ou matérielle au développement
IA/SA devient très compliqué car les artificielle et santé animale mutualisé d’infrastructures numé-
équipes compétentes sont sur-sol- riques/datacenter/centres de calcul
licitées au regard de leurs effectifs, Les projets à l’interface IA / SA, intensif à l’échelle nationale.
même à l’international. La montée en comme tout projet interdisciplinaire,
puissance des compétences est à pour- doivent mobiliser des équipes des „„6.4. Promouvoir
suivre et soutenir, la croisée des disci- deux groupes de disciplines et per- l’innovation
plines étant incontournable. Une veille mettre à chacun d’avancer dans sa et les interactions recherche
sur les méthodes doit aussi être réali- discipline propre. Cependant, identi- académique – recherche
sée, accompagnée d’une explicitation fier les questions partagées entre dis- privée
aux domaines applicatifs, pour former ciplines les plus pertinentes demande
chercheurs et ingénieurs. Inciter finan- une bonne acculturation des disci- Inciter le partenariat public-privé
cièrement des séjours de chercheurs et plines entre elles, ainsi que d’une favoriserait un effet de levier aux finan-
ingénieurs dans des laboratoires spécia- volonté à se comprendre, ce qui n’est cements publics et permettrait d’ins-
lisés permettrait d’accroître les compé- pas encore le cas à cette interface. crire les recherches et développements
tences sur des méthodes de pointe, tout L’organisation de séminaires scienti- en IA sur le long terme. Réaliser une
en facilitant les collaborations futures, fiques à l’interface IA-SA permettrait cartographie du paysage très mou-
nationales ou internationales. Enfin, d’inviter des équipes cibles et faciliter vant des entreprises du secteur IA en
recruter de nouveaux chercheurs per- cette connaissance mutuelle, prérequis SA, qu’il s’agisse de structures inter-
mettrait de capitaliser des compétences à des projets ambitieux. Cela permet- nationales ou de start-up, apporterait
spécifiques difficiles à acquérir en trait aussi de fédérer et coordonner les une meilleure lisibilité des interac-
interne. Dans un contexte de ressources quelques initiatives locales. tions possibles. De même, mobiliser
(postes) et de vivier (compétences) limi- les outils existants (dépôts à l’Agence
tés, faciliter l’accueil de post-doctorants En termes de financement, les appels de Protection des Programmes (APP))
et de chercheurs français en formation à projets européens offrent des possibi- pour effectuer une cartographie des
continue et d’experts étrangers devient lités intéressantes, mais un important productions informatiques réalisées
crucial. déséquilibre persiste entre la capacité à cette interface permettrait d’en
à générer des données et analyser des accroître la visibilité et de communi-
Concernant plus spécifiquement les questions complexes, et la disponibilité quer sur leur potentiel de valorisation
recherches en immunologie, biologie en ressources et compétences humaines ou de transfert. Enfin, considérer la
cellulaire et infectiologie, l’apport de pour traiter de telles questions via production d’algorithmes documen-
l’IA a été plus largement réfléchi en des méthodes d’IA ou des méthodes tés comme des livrables scientifiques,
santé humaine, ce qui pourrait nourrir modernes en statistiques, mathéma- au même titre que les publications,
une réflexion similaire en SA (verrous tique et informatique. Les grandes fon- contribuerait à soutenir ces recherches
et avancées peu spécifiques). Avant dations internationales (par exemple plus opérationnelles. Plus largement,
de se lancer sur les fronts de science Bill et Melinda Gates) sont également il conviendrait d’initier une politique
(par exemple l’épigénomique et la mobilisables sur les maladies émer- de communication et d’éducation/
métabolomique émergentes en SA), gentes à l’interface animal / humain acculturation autour de l’IA et de ses
il est nécessaire que quelques per- (caractérisation de signaux faibles, développements en SA (liens avec le
sonnes de ces disciplines biologiques de phénologies, précurseurs d’émer- public, les éleveurs, les syndicats agri-
s’acculturent en IA, voire acquièrent gence), avec une valence méthodolo- coles, les services publiques…), ce qui
une autonomie d’usage des méthodes gique plus prégnante. Cependant, la

INRAE Productions Animales, 2020, numéro 2


106 / Pauline ezanno et al.

pourrait constituer un enjeu partagé sous-jacents quant à la propriété des en amont les connaissances et les
avec l’IAVFF et Agreenium. données, leur conservation, gestion, points de vue des n ­ ombreux acteurs
partage et interopérabilité, exigent de la santé et du bien-être animal.
aussi qu’une réflexion soit engagée Cependant, cela requiert que l’IA et ses
Conclusion nationalement et internationale- acteurs acceptent de traiter les spécifi-
ment en SA pour mieux encadrer ces cités et la complexité de la SA, laquelle
L’usage des méthodes d’IA (appren- données d’origine multisectorielle et ne constitue pas une simple biblio-
tissage, systèmes experts, technologies leurs différents usages. De plus, si l’ef- thèque de connaissances qu’il suffirait
analytiques…) converge aujourd’hui fort d’acquisition de ces données est de numériser pour en rechercher des
avec l’obtention de données massives, impressionnant, le développement séquences ou des signaux informatifs.
et permet à ces domaines de se déve- des compétences en IA au sein de la
lopper rapidement. Il est cependant communauté de SA reste limité au
essentiel de ne pas percevoir données regard des besoins. Les possibilités de
Remerciements
massives et IA comme une même ten- collaboration avec des équipes d’IA
dance, car l’accumulation de données sont faibles car celles-ci sont déjà très Cette réflexion a bénéficié de nom-
n’engendre pas toujours une amélio- sollicitées. Pour que les personnels de breuses interactions avec des cher-
ration des connaissances. Néanmoins, recherche en SA se saisissent au mieux cheurs et enseignant-chercheurs
plus les données sont nombreuses des opportunités offertes par l’IA, mais (encadré 2) intéressés par l’interface
et représentatives des concepts et aussi aient conscience des limites IA/SA, nous les en remercions ici. Nous
hypothèses de travail, plus les appli- et contraintes de ces approches, un remercions aussi Stéphane Abrioux,
cations issues de l’IA peuvent aboutir effort de formation doit être dispensé Xavier Bailly, Didier Concordet et Human
à des résultats importants. Les aspects et généralisé. Enfin, l’essor actuel de Rezaie pour leur participation aux dis-
éthiques, déontologiques et juridiques l’IA permet aujourd’hui d’intégrer plus cussions scientifiques et techniques.

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Résumé
Mobiliser les approches issues de l’Intelligence Artificielle (IA) en Santé Animale (SA) permet d’aborder des problèmes de forte complexité
logique ou algorithmique tels que rencontrés en épidémiologie quantitative et prédictive, en médecine de précision, ou dans l’étude des
relations hôtes × pathogènes. L’IA peut dans certaines situations faciliter le diagnostic et la détection de cas, fiabiliser les prédictions et
réduire les erreurs, permettre des représentations plus réalistes et lisibles par des non informaticiens de systèmes biologiques complexes,
accélérer les décisions, améliorer la précision des analyses de risque et permettre de mieux cibler les interventions et d’en anticiper les effets.
De plus, les fronts de science en SA engendrent de nouveaux challenges pour l’IA, du fait de la spécificité des systèmes, des données, des
contraintes, et des objectifs d’analyse. Sur la base d’une revue de la littérature à l’interface entre IA et SA couvrant la période 2009-2019, et
d’entretiens conduits avec des chercheurs français positionnés à cette interface, cette synthèse explicite les grands domaines de recherche
en SA dans lesquels l’IA est actuellement mobilisée, comment elle contribue à revisiter les questions de recherche en SA et lever des verrous
méthodologiques, et comment des questions de SA stimulent de nouveaux travaux en IA. Après avoir présenté les freins et leviers possibles,
nous proposons des recommandations pour se saisir au mieux de l’enjeu que représente cette interface SA/IA.

Abstract
Artificial intelligence and animal health
Mobilizing Artificial Intelligence (AI) approaches in Animal Health (AH) makes it possible to address issues of high logical or algorithmic complexity
such as those encountered in quantitative and predictive epidemiology, precision-based medicine, or to study host × pathogen relationships. AI
can to some extent facilitate diagnosis and case detection, make predictions more reliable and reduce errors, allow more realistic representations
of complex biological systems also readable by non-computer scientists, speed-up decisions, improve accuracy in risk analyses, and allow inter-
ventions to be better targeted and their effects anticipated. In addition, challenges in AH may stimulate AI research in turn due to the specificity
of systems, data, constraints, and analytical objectives. Based on a literature review at the interface between AI and AH covering the period 2009-
2019, and interviews with French researchers positioned at this interface, this synthesis explains the main areas in AH in which AI is mobilized, how
it contributes to revisiting AH research issues and removes methodological barriers, and how AH research questions stimulate new AI research
development. After presenting the possible obstacles and levers, we propose recommendations to better grasp the challenge represented by this
new AH/AI interface.

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Cet article est publié sous la licence Creative Commons (CC BY 4.0).
https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr
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