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Couvrez ces photos que je ne saurai voir, par de pareilles

actions, les systèmes sont contournés, et cela fait venir de


coupables pratiques ... : une étude de cas dans un
établissement de santé1
Uniquement après acceptation définitive de l’article :
Xxx Xxx *
Yxx Yxxx **
* XX, Université de XX, France
** XX, Université de XX, France

Résumé :
L’objectif de cette communication article est d’explorer les SI fantômes, leur persistance et
déclin dans les organisations. A l’aide d’une étude de cas unique dans un établissement de
santé, nous avons décrit les SI fantômes déployés par les praticiens pour gérer les images
photographies, ainsi que les cycles de renforcement et désactivation de ces derniers à l’aide
du modèle des forces de Furstenau et al. (Furstenau et al., 2017).

Mots clés :
Si fantôme, SI santé

1
"Couvrez ce sein, que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées,; Et cela fait venir de
coupables pensées.", in Molière Le Tartuffe, III, 2 (v. 860-862).

1
1 Introduction
Les termes « shadow IT » et « feral system », que l’on peut traduire en français par systèmes
d’informations fantômes et systèmes sauvages retiennent de plus en plus l’attention des
praticiens (Gartner, 2014; Walters, 2013) et des académiques (Furstenau, Rothe, & Sandner,
2017) notamment depuis le développement du cloud computing, des technologies Saas ou
encore de la vague de BYOD (Bring Your Own Device)(Beimborn & Palitza, 2013), qui sont
devenus des incontournables dans le paysage des systèmes d’information décentralisés des
organisations et des innovations tirées par les utilisateurs. Ainsi les ressources en technologies
de l'information (TI) adoptées et utilisées sans l'approbation du service informatique central
sont de plus en plus répandues dans les organisations comme les enquêtes récentes le
montrent (Walters, 2013). En particulier, les appareils grand public, comme les smartphones
ou les services de cloud via les navigateurs Web, constituent en soi des systèmes fantômes
facilement accessibles pour des employés, même avec de faibles compétences informatiques,
et des défis pour la gouvernance des systèmes (SI) (Györy, Cleven, Uebernickel, & Brenner,
2012; Haag & Eckhardt, 2015; Zimmermann & Rentrop, 2014). Une grande partie de la
littérature considère que ces technologies de l’information fantômes et les contournements
des usages, voire des technologies et systèmes existants dans les organisation, sont
plutôt néfastes. L'argument général majeur est que les usages détournés des systèmes actuels
ou les technologies et applications sauvages utilisés sans contrôle des services informatiques
centraux comportent des risques majeurs pour les organisations et qu’il serait plutôt
souhaitable de les identifier et de les supprimer (Walters, 2013). La plupart des organisations
tentent de diriger, restreindre et contrôler les systèmes fantômes utilisés par les unités ou
services en dehors des systèmes formels et officiels, afin d’en minimiser les coûts et les
risques. Cependant, nombre d’organisations échouent à éliminer ou réduire ces derniers
malgré les efforts déployés (Walters, 2013). Furstenau et al. (Furstenau et al., 2017) notent
que souvent les systèmes fantômes persistent ou reviennent même si les DSI font des efforts
pour les éliminer. Pourtant les contournements d’usages ont été décrits comme jouant un rôle
prépondérant dans l’amélioration des processus métiers (Alter, 2014) et les SI fantômes
comme une source d’innovation fertile en termes d’identification des besoins des utilisateurs
notamment. Ceci conduit certaines organisations a explicitement autorisés ces derniers en
croyant notamment à leur potentiel d’innovation. Furstenau et al. (Furstenau et al., 2017)
montrent qu’il existe une dynamique à long terme expliquant la persistance et l’évolution des
systèmes fantômes parallèles dans les organisations contemporaines avec des centaines et des
milliers de dispositifs et de systèmes décentralisés. Nous souhaitons interroger les systèmes
fantômes comme moteur de l’évolution du portefeuille de systèmes dans les organisations. La
question de recherche est ainsi la suivante : Comment les systèmes fantômes conduisent à une
reconfiguration des systèmes d’informations existants ? Afin d’explorer cette question, nous
avons conduit une étude de cas unique auprès d’une établissement de santé français 2, et
identifiés des systèmes d’informations fantômes utilisés par son personnel afin de traiter les
photographies médicales et leurs liens avec le SI officiel. A l’aide d’observations et
d’interviews, nous avons réalisé un état des lieux des pratiques et systèmes « fantômes »
déployés dans les services étudiés et montrons les processus dynamiques à l’œuvre dans
l’établissement étudié, de l’identification d’un « problème de gouvernance » à la mise en

2
Le premier projet de recherche avec l’établissement a démarré en 2014 et les observations et interviews ont été
réalisées plus spécifiquement sur les processus de gestion des images photographiques depuis 2016

2
œuvre d’un nouveau projet SI, à l’aide du modèle des forces de Furstenau et al. (Furstenau et
al., 2017). La communication sera articulée de la manière suivante : tout d’abord, la
description Pour arriver à ces contributions, cet article est organisé comme suit : la section 1
présente le cadre conceptuel relatif aux systèmes d’informations fantômes étudiés. Dans la
section suivante, nous nous référons aux méthodes de cette étude, puis présentons les
résultats préliminaires. La dernière section résume les résultats et discute des implications et
des futures opportunités de recherche.

1 Systèmes sauvages, fantômes, contournements3 et gouvernance des SI


Les systèmes d’information fantômes et ceux décrits comme sauvages, ainsi que les
contournements des systèmes en place sont bien connus dans la littérature en SI (Alter, 2014;
Behrens, 2009; Furstenau et al., 2017). Ils soulèvent des questions prégnantes en termes de
gouvernance des SI dans les organisations et malgré les efforts des organisations pour les
limiter voir les éliminer, on observe des dynamiques d’évolution propres des systèmes
fantômes que nous présentons en seconde partie de cette section. Le but de cette partie est de
fournir un bref aperçu des différents cadre conceptuels mobilisés pour l'étude de cas qui suit.

1.1 Les systèmes d’informations sauvages, fantômes et les contournements ….


La littérature sur « l’informatique fantôme » et les concepts s’y référant a produit une riche
compréhension contextuelle du sujet (Behrens, 2009; Haag & Eckhardt, 2017). Nous
présentons la définition retenue pour notre étude ainsi que les avantages et inconvénients
relevés par la littérature.

1.1.1 De la définition ….
Il existe un nombre de termes associés à la notion d’informatique fantôme très nombreux
(Kopper & Westner, 2016a). Tous les logiciels, matériels et services informatiques déployés
de manière autonome au sein d’une organisation ou d’un département ou service sans la
participation du service informatique de l'organisation peuvent être considérés comme des SI
fantômes (Haag & Eckhardt, 2017). D’ailleurs, la plupart du temps, les services
informatiques ne connaissent pas l’existence de ces systèmes (Rentrop & Zimmermann,
2012). Le concept de SI fantôme décrit un sous-ensemble principalement axé sur de petites
applications non officielles complétant les grands systèmes d'entreprise (par exemple un
ERP) (Behrens, 2009; Blichfeldt & Eskerod, 2008; Huber, Zimmermann, Rentrop, & Felden,
2016). Les artefacts (Haag & Eckhardt, 2015, 2017) peuvent inclure des matériels, des
applications ou des services (Gaß, Ortbach, Kretzer, Maedche, & Niehaves, 2015; Rentrop &
Zimmermann, 2012; Walters, 2013). Ce phénomène prend de l’importance ces dernières
années à mesure que les employés utilisent leurs appareils mobiles privés pour le travail,
parfois sans l'accord de leur organisation (Gaß et al., 2015) et utilisent leurs applications auto-
développées ou privées dans leur environnement de travail (Gozman & Willcocks, 2015). La
recherche existante sur ces systèmes est dispersée (Haag & Eckhardt, 2015).

1.1.2 … du bon grain


Les SI fantômes peuvent être bénéfiques à bien des égards dans les organisations. D’abord,
ils répondant à des besoins individuels non comblés par les SI officiels (Behrens, 2009) et ils
fournissent une opportunité d'innovation à faible coût, ainsi qu’une réponse rapide aux
besoins changeants de l'entreprise (Kopper et Westner 2016).
3
Shadow IT, feral IT, workaround

3
1.1.3 … et de l’ivraie
Cependant, en raison de la nature typiquement décentralisée des systèmes fantômes, ils
peuvent créer des charges de travail redondantes, et poser des problèmes d’intégrité des
données et de qualité (Behrens, 2009). De nombreux travaux soulignent les risques de
sécurité (Silic & Back, 2014), de conformité ou d'efficacité de ces systèmes (Behrens, 2009;
Fürstenau & Rothe, 2014; Zimmermann, Rentrop, Felden, & Freiberg, s. d.). Compte tenu
des avantages et des inconvénients de ces systèmes, chercheurs et praticiens discutent des
approches à adopter allant de l'autorisation totale, à la simple concessions spécifiques, voire
à l'interdiction (Györy et al., 2012; Haag & Eckhardt, 2017) et des implications managériales
pour la gouvernance des SI (Beimborn & Palitza, 2013; Furstenau et al., 2017; Györy et al.,
2012).

1.2 … conduisent à un problème de gouvernance des systèmes d’information et des


dynamiques d’évolutions antagonistes
Furstenau et al. (Furstenau et al., 2017) analysent notamment la dynamique à long terme
associée à l'informatique fantôme dans les organisations, en s’appuyant sur les théories du
pouvoir et la construction sociale du risque. Selon ces auteurs, l 'émergence et la
désactivation des SI fantômes est un processus multi-facettes qui se déroule au fil du temps
dans une dynamique antagoniste propre. Ils estiment que la notion de SI fantôme questionne
l’équilibre entre l'autonomie des unités décentralisées et la gouvernance centrale en matière
de système d’information (Brown et Magill 1994, Sambamurthy et Zmund 1999; Winkler et
Brown 2014).

1.2.1 Du problème de gouvernance ….


Selon Furstenau et al. (Furstenau et al., 2017), plusieurs facteurs peuvent déclencher un
processus d'auto-renforcement des systèmes « fantômes », qui conduit à un problème de
contrôle de la gouvernance centrale (Beimborn & Palitza, 2013; Györy et al., 2012; Silic &
Back, 2014). Ils qualifient cette tendance ou force de « problème de gouvernance » parce
qu'elle entraîne un vide et un déséquilibre en faveur des objectifs et des priorités à un niveau
décentralisé (Alter, 2014, 2014; Beimborn & Palitza, 2013; Györy et al., 2012; Haag &
Eckhardt, 2015, 2017). Pour Furstenau et al. (Furstenau et al., 2017), l'émergence d’un SI
fantôme est déclenché par un cercle vicieux nommé « problème de gouvernance » comme
décrit dans la figure qui suit. Pour eux, la tendance pro-SI fantômes provient d’un
renforcement du pouvoir des utilisateurs finaux qui déclenche un processus graduel de déclin
du pouvoir central exposé à une moindre connaissances métier, induisant une décentralisation
croissante couplée à une moindre standardisation des procédures.

1.2.2 … à la dynamique des forces antagonistes des systèmes « fantômes »


Face au problème de gouvernance renforçant les SI fantômes, un cercle antagoniste existe
décrit par Furstenau et al. (Furstenau et al., 2017). Face à la vulnérabilité aux risques des SI
fantômes existants (erreurs, faible durabilité, non intégration au SI officiel existant), les
programmes formels de gestion des risques peuvent être utilisés par la gouvernance centrale
afin de reprendre le pouvoir en identifiant des risques (qui n'étaient peut-être pas évidents
auparavant) conduisant à un processus de désactivation progressive des SI fantômes comme
décrit par la figure suivante.

4
Figure 1 : Double cycle antagoniste de renforcement et désactivation des SI fantômes
(Furstenau et al., 2017)
Pour ces auteurs, les deux cycles coexistent, dans des forces antagonistes, et parfois une
tendance peut surpasser l'autre. D’un côté, une tendance au développement de SI fantômes -
exprimant un besoin de solutions non standardisées et, une tendance à leur affaiblissement
-déclenchée par la perception des risques qui résulte de l'accent mis sur la non-conformité et
la gouvernance des SI au niveau central. Selon nous, l’analyse de Furstenau et al. (Furstenau
et al., 2017) peut être mobilisée de façon pertinente pour examiner les systèmes
d’information fantômes mis en place et leur évolution dans l’établissement de santé étudié.

2 Méthodologie de l’étude de cas qualitative


Afin d’explorer comment les systèmes fantômes conduisent à une reconfiguration des
systèmes d’informations existants, nous avons menés une étude sur des systèmes
d’information « fantôme » dans un établissement de santé, développés par les utilisateurs
finaux pour gérer les images photographiques dans leur pratiques médicales. Nous nous
sommes intéressés plus particulièrement à l’usage des photos dans et hors du SI officiel de
gestion du dossier patient informatisé (nommé DIPX) d’un établissement de santé publique
( nommé CHU X), grâce à une étude de cas qualitative (Benbasat, Goldstein, & Mead, 1987;
Lee, 2001; Yin, 1993). L’étude de cas a été conduit par les deux auteurs, depuis 2014, aidés
d’un étudiant stagiaire durant 3 mois (de février à avril 2016) et supporté par le président de
la « délégation à l’information hospitalière (DIH)» de l’hôpital (un médecin en charge des
nouveaux usages des technologies de l’information pour la pratique médicale)4.

2.1 Présentation du contexte organisationnel


L’établissement CHUX étudié a une capacité d’accueil de 3 000 lits et 11 000 collaborateurs.
Il y a plus de 600 000 hospitalisations et 500 000 consultations annuelles, ce qui représente
30 000 000 de documents générés annuellement. Le Dossier Patient Informatisé (nommé
DPIX) gère actuellement via différents modules la prise en charge des patients et constitue le
SI central pierre angulaire de l’urbanisation du SI en place. Dans notre cas, les
administrateurs de l’hôpital étaient intéressés pas une étude sur l’usage des images
photographiques dans la pratique médicale, compte tenu de l’observation de pratiques
« sauvages » et d’utilisation de TI non officielles pour les gérer dans un certain nombre de
4
ce qui constitue une équipe de recherche de type interne-externe, comme recommandée par Eisenhardt
(Eisenhardt, 1989).

5
services. L’étude a été diligenté avec l’aval de la direction de l’hôpital et de la commission
dédié au numérique. Le protocole de la recherche a été présenté à la direction, au directoire et
validé en 2014 et la phase ici décrite de l’étude a été réalisée en 2016 et 2017. Notre objectif
initial était de faire un état des lieux des pratiques en matière d’image photographique (hors
imagerie radiologique) et de diffusion de celles-ci afin d’identifier ainsi les SI « fantôme »
utilisés au niveau décentralisé.

2.2 Description de la méthodologie de l’enquête


Rentrop et Zimmermann (Rentrop & Zimmermann, 2012) estiment qu’il y a trois stratégies
possibles afin d’identifier des SI fantômes : les explorations techniques, l’interprétation des
demandes d’aides remontant au service informatique et les enquêtes directs auprès des
employés. Nous avons privilégié la troisième méthode et réalisé une enquête qualitative par
observations et interviews que nous détaillons ci-après.

2.2.1 Méthode de collecte de données 


Notre principal instrument de collecte de données a été des entretiens semi-structurés en face
à face complétés par des observations non participantes (Miles & Huberman, 1994). La
méthode de collecte de données utilisée a été dictée principalement par la nature cachée des
pratiques observées. Le point d’entrée a été de contacter les secrétaires référentes de la DIH,
de contacter un médecin par département et enfin de recourir à la méthode de la « boule de
neige ». Concernant les entretiens menés, nous avons essayé de ne pas être trop directifs lors
de nos entrevues, qui ont duré entre 10 et 30 minutes. En outre, nous avons eu l'occasion
d’observer des réunions de service et de direction. Les entretiens ont été retranscrits et des
notes d’observation ont été produites. Nous avons utilisé une grille d’entretien 5afin de
structurer ces derniers et d’identifier les pratiques concernant l’usage des photographies dans
la pratique médicale dans le cadre des routines de travail quotidienne.

2.2.2 Description de l’échantillon


Notre objectif initial était d'interviewer des praticiens de fonction et de service différents.
Nous avons dressé une liste détaillée des services ou l’usage des images photographiques
dans la pratique clinique était connu du directeur de la DIH. Notre échantillon final est
présenté dans le tableau ci-dessous, ainsi que la fréquence déclarée d’utilisation des images
photographiques dans chaque service.

Nombre de Nombre d’heures Nombre Nombre de


services d’entretien d’heures personnes
d’observation interrogées
10 10 h 20 h 21
Tableau 1 : Echantillon de l’étude

Services Interviewé Fréquence moyenne déclarée


Chirurgie Médecin 1 à 5 photos/patient
pédiatrique IDE 15 photos/ semaine
5
La première question de recherche a établi notre première priorité empirique, qui était d'établir si des SI
fantômes étaient effectivement mis en place par les individus interrogés. Nous avons d’abord demandé aux
interviewés de décrire le processus d'utilisation de photos dans leurs pratiques médicales au quotidien, afin de
décrire les processus, puis nous avons demandés aux interviewés quels technologies et outils étaient mobilisés
durant le processus de captation, stockage et diffusion des images produites.

6
Services Interviewé Fréquence moyenne déclarée
Plaie IDE 300 à 500 photos/ semaine
cicatrisation
Génétique Médecin 180 photos/ semaine
clinique
Unité médico Médecin, IDE, Jusqu’à 20 photos/ victime
judiciaire gendarme
CMF Médecin Environ 20 photos/ semaine
Aphérèse Médecin Ne sais pas
thérapeutique
Urgences IDE Nombreuses
Urgences Médecin Environ 20 photos/ semaine
pédiatriques
Dermatologie Médecin 200 à 300 photos/ semaine
Médecine IDE et médecin 40 photos/ semaine
interne
vasculaire
Tableau 2 : Fréquence d’usage des images photographiques en fonction des services
étudiés

2.2.3 Méthode d’analyse des données


Les données produites par les entrevues ont été enregistrées, transcrites, traitées et analysées
afin d'identifier des résultats significatifs. Pour l'analyse et l'interprétation des données, nous
avons choisi la méthode d'analyse de contenu thématique (Berelson 1952; Grawitz 1996). Par
ailleurs, nous avons opérer une triangulation des données. Les types de résultats de la phase
d'identification ont été, par exemple, des descriptions graphiques de processus avec les TI
réellement utilisées, et les liens avec le SI officiel (DIPX), à l’instar de Silic et Back (Silic &
Back, 2014). De plus, nous avons pu élaborer des tableaux récapitulatifs par service
répondant au principales questions relatives au quoi, quand, où, comment, combien des
pratiques identifiées, comme présenté en annexe. Les résultats de cette analyse figurent dans
la section suivante.

3 Résultats et discussion
Les résultats de notre étude empirique permettent de donner des éclairages sur la présence de
SI fantômes et les dynamiques internes d’évolution à l’œuvre les concernant au sein du
CHUX. Nous proposons une typologie de profils d’utilisateurs. Cette première analyse a
révélé l’existence de jeux d’acteurs entre les membres de la communauté que nous proposons
d’explorer à l’aune de l’analyse stratégique (Crozier et Friedberg, 1977).
Nous présentons tout d’abord les pratiques fantômes identifiées et le problème de
gouvernance initial auquel elles répondent, puis les cycles de renforcement et de
désactivation observés.

3.1 Identification des pratiques fantômes actuelles et du problème de gouvernance


Nos résultats permettent de proposer un état des lieux des SI fantômes déployés par les
interviewés dans leurs pratiques quotidiennes relativement à l’usage des images
photographiques et les liens avec le SI central, notamment DPIX.

7
3.1.1 Les pratiques actuelles
L’étude de cas menée montre un usage parallèle des SI officiels disponibles pour certaines
tâches du processus de captation, stockage et diffusion des images photographiques dans la
pratique clinique et des SI fantômes ou sauvages utilisés par les praticiens. Nous résumons
dans le tableau ci-après les caractéristiques des pratiques de manière très synthétique.
SI fantômes SI officiels
Technologie utilisée - 1 ou plusieurs appareils photo -Applications sécurisées
pour la captation personnels dédiés pour un service (covalia, domoplaies, infinis)
d’image - smartphone personnel
photographique
Technologie utilisée - espace de stockage local - espace de support local
pour le stockage personnel (PC/mac, disque dur) (PC, serveurs gérés par
volontaire d’image - espace de stockage local (PC, institution CHU
photographique serveurs gérés par autre institution -DIPX
que CHU : université, association) - sharepoint
- cloud personnel (picasa et google -serveur T, serveur W
photo)
Technologie utilisée - cloud personnel (icloud, drive,
pour le stockage iphoto, outlook) après
involontaire d’image synchronization automatique
photographique -stockage sur le smartphone
personnel
Technologie utilisée - sur smartphone, PC , tablette -écran et projecteur
pour la diffusion en personnels - PC
présentiel d’image - répertoire partagé d’un
photographique service
- dossier patient sur DIPX
Technologie utilisée - Messagerie personnelle - messagerie professionnelle
pour la diffusion à -SMS
distance d’image - what’sapp
photographique - picasa
Tableau 3 : les pratiques identifiées

3.1.2 Le problème de gouvernance

3.1.3 Comme nous l’avons montré dans la section précédente, nous avons identifié un
usage massif de TI non officiels pour la gestion des images photographiques dans la
pratique clinique au CHUX, dans les 10 services étudiés. En effet, suite à la
démocratisation des smartphones, les médecins et prestataires médicaux utilisent de
plus en plus leur smartphone personnel et/ou professionnel en tant qu’outil de travail
et d’aide au diagnostic sans passer systématiquement par le système officiel DIPX du
CHUX, qui contient depuis 2014 un module dédié à la gestion des images
photographiques dans le dossier patient informatisé (permettant d’assurer la phase de
stockage et diffusion des images produites en les rattachant à un dossier patient).
L’analyse des données collectées durant les observations et les interviews nous a
permis de comprendre les raisons du problème de gouvernance propre à la
problématique de l’usage des images photographiques dans la pratique clinique au

8
CHUX, résumé ci après : méconnaissance des besoins métiers, inadéquation des
solutions proposées, spécificités des contextes non prise en compte, réponse trop lente
aux demandes, effet de distance de la DSI du CHUX, temps de traitement sur DIPX
des images longs, etc… Il peut alors en résulter une vision défaitiste de la
communauté accompagnée par un désengagement voire un retrait de la communauté

3.2 La dynamique des forces vers et hors des systèmes fantômes


Nos entretiens font apparaître de façon assez saillante des jeux stratégiques les membres de la
communauté entre d’une part des équipes technique et des équipes ventes/marketing ; et
d’autre part entre les membres de la zone Europe et le reste du monde. Concernant les enjeux
liés à la communauté ils sont perçus positivement par la totalité des membres.
Le problème de gouvernance identifié concernant le SI officiel a conduit, dans le cas étudié, à
un processus de renforcement des SI fantômes déployés par les praticiens dans leurs pratiques
cliniques comme résumé dans la figure suivante adaptée de Furstenau et al. (Furstenau et al.,
2017) : la multiplication des SI fantômes utilisés a conduit à une décentralisation croissante
des processus impactés et à une désaffection des SI officiels ne répondant pas aux besoins
métiers concernant la gestion des images photographiques pour la pratique clinique, induisant
ainsi une diminution du pouvoir central de la DSI et une diminution notable de la
standardisation des processus et du respect des normes de sécurité et d’identito-vigilance
relatives à l’usage des images photographiques, ainsi qu’à une fragmentation des SI du
CHUX.
Dans le même temps, l’identification des SI fantômes et la croissance des pratiques sauvages
multiples et très hétérogènes au CHUX a conduit à l’identification de risques importants sur
l’ensemble du processus de captation, stockage et diffusion des images photographiques à
l’aide des TI fantômes utilisées dans les différents services étudiés, que nous résumons dans
le tableau de résultats suivants.
Processus Risques
Les risques de la phase de - Résolution de la photo
captation des images - normalisation de la prise de la photo (angle, éclairage,
photographiques type : cavité buccale)
- gestion de l’identité
- gestion des précisions, de la topographie
- format d’enregistrement de l’image photographique
- modalité de collecte de l’autorisation du patient et du droit
à l’image
- problème d’identito-vigilance
Les risques de la phase de - absence de stockage= perte d’informations
stockage volontaire des - problèmes de compétences techniques (savoir-faire,
images photographiques connectique, temps)
- modalités d’indexation des images (en fonction du patient
ou du diagnostic, date, pathologie, …)
- problème d’identito-vigilance
Les risques de la phase de - piratage smartphone
stockage involontaire des - volume, gestion des accès
images photographiques -protection contre le vol (d’appareil de données)

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Les risques de la phase de - Identito-vigilance
diffusion des images - erreur de donnée
photographiques -sécurité/ problème réseau
Tableau 4 : Identification des risques relatifs au SI fantômes au CHUX
L’étude de cas menée montre que face à cette tendance de renforcement des SI fantômes
utilisés dans les services pour gérer les images photographiques, une tendance antagoniste
alimentée par la présence de risques perçus sur l ‘ensemble du processus, a conduit à
l’émergence d’un cycle de désactivation des SI fantômes au sein du CHUX, à l’instar de
Furstenau et al. (Furstenau et al., 2017). Ainsi, face à la perception croissante des risques sur
le processus de gestion des images photographiques, notamment au niveau du management
intermédiaire (via le responsable de la DIH), puis du management central, nous avons
observé un cycle inverse de désactivation des SI fantômes en place, et de recentralisation du
processus, comme indiqué dans la figure qui suit. D’abord, la DSI a mis en place en 2015 de
nouvelles procédures normalisées concernant l’identito-vigilance au CHUX, concernant
notamment les processus de gestion des images photographiques dans DIPX. Plusieurs
mesures ont ensuite été prises à partir de la prise de conscience des risques sur les processus
de gestion des images au CHUX via les SI fantômes, notamment l’amorce d’une réflexion
dès 2015 sur le déploiement d’un projet d’implémentation d’une nouvelle application dédiée
à la captation, au stockage et à la diffusion des images photographiques dans le respect des
principes de l’identito-vigilance, qui a conduit à la mise en place d’une expérimentation, en
février 2016, d’une nouvelle application mobile, développée par le prestataire en charge de
DPIX. Une nouvelle application a ainsi été développée par la DSI, avec pour maîtrise
d’ouvrage l’éditeur du DPIX pour sécuriser le circuit photo, à travers l’intégration
automatisée de chaque photo dans DPIX. Le CHU a financé l’achat de 15 smartphones,
confiés à des praticiens volontaires, afin d’assurer une meilleure confidentialité dans le cadre
du respect de l’identito-vigilence des processus de gestion des images photographiques 6.
Nous résumons les résultats relatifs aux deux forces antagonistes mis à jour concernant la
dynamique des SI fantômes utilisés pour la gestion des images photographiques de l’étude de
cas menée au CHUX, dans la figure suivante :
problème de
risques perçus de la
gouvernance en
gestion des photos
central

6
L’application mobile permet l’insertion dans le dossier patient informatisé de photographies et
d’enregistrement audio réalisés grâce à un téléphone mobile personnel ou professionnel qui permet
l’identification de l’utilisateur et permet une synchronisation avec le système d’information du CHUX, DIPX.

10
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Figure 2 : Forces antagonistes de dynamique des SI fantômes au CHUX (adapté de


Furstenau et al., 2017)

4 Conclusion, limites et perspectives de la recherche


Nous avons proposé dansL’objet de cette article communication était d’explorer la
dynamique propre des SI fantômes en examinant de façon plus précise la participation
(intensité et motivation) des membres. Le cadre théorique mobilisé a porté sur la notion de SI
fantôme et les questionnements relatifs aux enjeux de gouvernance de ces SI. L’étude de cas
menée a porté sur les processus relatifs à l’usage des images dans la pratique clinique. Les
principaux résultats portent l’identification des SI fantômes utilisés et sur les dynamiques à
l’œuvre vers et hors du SI officiel et la reconfiguration en marche des SI officiels. d’une part
côté entre les services techniques et marketing/vente ; et de l’autre entre les zones Europe et
le reste du monde. Bien sur,
Ccette étude comporte de nombreuses limites en particulier l’analyse d’un unique processus
unique métier de même que la taille de notre échantillon limitent la généralisation de nos
résultats. Pour autant, mais nous envisagions cettete étude est à envisager comme une étude
comme une base pour mener des études complémentaires sur les dynamiques mis au jour.à
l’analyse d’autres communautés soit au sein de la même organisation ou soit dans d’autres
organisations

5 Références
Alter, S. (2014). Theory of Workarounds. Business Analytics and Information Systems.
Azad, B., & King, N. (2012). Institutionalized computer workaround practices in a
Mediterranean country: an examination of two organizations. European Journal of
Information Systems, 21(4), 358-372.
Behrens, S. (2009). Shadow Systems: The Good, the Bad and the Ugly. Commun. ACM,
52(2), 124–129.
Beimborn, D., & Palitza, M. (2013). Enterprise App Stores for Mobile Applications -
Development of a Benefits Framework. AMCIS 2013 Proceedings.
Benbasat, I., Goldstein, D. K., & Mead, M. (1987). The Case Research Strategy in Studies of
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