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Anna Maria Turi

POURQUOI LA VIERGE
APPARAÎT AUJOURD'HUI

Traduit de l’italien par Yannick Castiglione

Éditions du Félin

Espace Kiron 10, rue La Vacquerie, 75011 Paris


Collection
« Les grandes questions de notre temps » dirigée par Mi-
chel Random

Dans la même collection :


An 2000. L’avenir en question, A. Mercier, D. Aziz. Nostra-
damus. L’histoire secrète du monde, V. Ionescu.
Illustration de couverture :

Ernst Fuchs « Apparition »

Huile sur toile

Photo : Michel Random

© 1988 Éditions du Félin

ISBN 2-86645-031-0
Ce livre est dédié aux Enfants
qui cherchent leur mère et
à la Mère qui les trouve.
Note du traducteur

(Pour la traduction du terme « visionario », j’ai retenu en


français celui de « visionnaire », bien que R. Laurentin
emploie dans son petit ouvrage sur Medjugorje celui de «
voyant ».
Cf. Grand Larousse de la langue française :
« Voyant » : qui possède ou prétend posséder la vision des
choses surnaturelles (vieilli) : un prophète voyant (La-
rousse).
... « Celui qui s’appelle aujourd’hui prophète s’appelait
alors le voyant » (Sacy).
« Visionnaire » : Qui a ou croit avoir des visions, des ap-
paritions, des révélations d’ordre surnaturel.)
Sommaire
Avant-propos
Introduction
I
La Vierge : Il est encore temps d’être sauvé
1. Une présence millénaire : de la Grande Mère à notre Mère.
2. Des prophéties terribles qui concernent notre proche avenir
3. L'Église face aux miracles
II
Le « nuage de Marie » : un rendez-vous avec le surnaturel
1. Une énergie inconnue
2. La Vierge de Sofferetti, Maria Valtorta et le Padre Pio
III
Au royaume des visionnaires
1. 1531 : Le manteau et les roses de Juan Diego
2. 1830 : la vision de Catherine Labouré : une médaille miraculeuse
3. 1846 : La Prophétie de La Salette. Les deux voyants : Mélanie Calvat et
Maximin Giraud racontent l'apparition à l'abbé Lagier
4. 1871 : L’Apparition de Pontmain ; un grand crucifix rouge
5. 1917 : Fatima, le secret de la fin des temps
6. 1932-33 : Les apparitions de Beauraing, la Vierge au Cœur d'Or
7. 1933 : Banneux, la Vierge des pauvres
IV
Des ténèbres de la terre à l'espoir du salut
1. 1944 : Ghiaie di Bonate : trois millions de personnes protégées par la Vierge
2. 1945 : Amsterdam, de terribles prédictions
3. 1947 : Rome, les Trois Fontaines, la Vierge des révélations
4. 1947 : Val Staffora, quatre-vingt-cinq apparitions et cinq messages secrets
5. Gramolazzo, une visionnaire interdite par le Saint-Office
6. 1948 : Marina di Pisa, apparitions nombreuses et familières
7. 1948 : Apparitions à Marta, le pèlerinage souriant de la Vierge dans les
villages
V
Des combattants armés de rosaires
1. 1951 : Antonio Ruffini, la « Vierge des Douleurs » qui donne les stigmates
2. 1954 : Reggio Emilia, une apparition contestée
3. 1959 : Stornarella, les stigmates et les apparitions d'un Fou de Dieu.
4. 1949-1964 : Elena Aiello, une « Sainte religieuse » vivant d'extraordinaires
prodiges
5. 1961 : Garabandal, la Vierge et l’Archange Saint Michel
6. 1968 : Zeitoun, quatorze mois d'apparitions au Caire. Des foules
émerveillées.
VI
Messages et prodiges aux cœurs innocents
Les prodiges sensibles de la Vierge
1. Bernadette Soubirous : les apparitions de Lourdes
2. 1953, Syracuse : de vraies larmes coulent d'une statue de la Vierge. Un
miracle authentifié
3. 1971. Cinquefrondi. Événements mystérieux dans la Calabre mystique
4. 1982 : L'huile sainte coule à Damas. Les prodiges de Soufanieh.
5. 1985 : Roberta Dell'Olio (7 ans) et l'apparition sur le figuier
6. 1985-1986, Enfants visionnaires et multiples apparitions
VIII
Derniers avertissements ?... avant l’apocalypse
1. 1981, Apparitions en Afrique : les visionnaires du Rwanda
2. 1985 : La Vierge de Sofferetti apparaît dans une boule de lumière
3. 1985 : Olivetto Citra : le village des miracles
4. 1981-1988 — Medjugorje : dix secrets et les trois derniers « avertissements
» avant l'apocalypse
Annexes
1. La science face aux apparitions : des faits extraordinaires confirmés mais
inexplicables.
2. Chronologie et dates des apparitions de 1830 à nos jours
En conclusion
Les dernières apparitions de la Vierge en Russie
Avant-propos

par Michel Random

Aujourd’hui plus que jamais nous vivons le temps de l’in-


certitude et de la crainte : de quoi demain sera-t-il fait ?
L’inévitable catastrophe nucléaire aura-t-elle raison de
l’humanité ? De nouvelles maladies, incurables par la
science, se manifesteront-elles comme cela semble être le
cas pour le Sida, et dévasteront-elles les continents ? Il
ne fait aucun doute que la Terre est malade. Malade de
s’être en quelque sorte emparée des forces mystérieuses
de la nature à son propre profit. Malade d’avoir détruit la
structure sacrée de toutes choses et d’avoir divisé ce qui
était uni dans l’intime des cœurs comme dans le macro-
cosme tout entier.
Sur ce fond d’humanité en prise aux vertiges des barèmes
économiques, de la croissance, du bien-être, des plaisirs,
de l’argent et de toutes les formes imaginables de la dis-
sipation et de l’absence de soi, voici que dans des cœurs
simples apparaît l’image fraîche et lumineuse de la Vierge.
À travers d’innombrables voix et sur toute la planète,
cette image vient, au titre de la Mère des Cieux, nous dire
qu’il est peut-être encore temps de nous reprendre avant
que les grandes faux des destructions terrestres et cé-
lestes ne s’abattent par mille moyens divers sur l’en-
semble de l’humanité.
Que l’on soit croyant ou non, il est incontestable que les
innombrables apparitions confirmées par l’Église ou non
reconnues dans la très grande majorité, sont en elles-
mêmes un phénomène extrêmement important qui a des
incidences certaines sur l’histoire des êtres et sur celle
des nations. Tel qu’il est, ce phénomène n’est pas simple
à saisir. « L’honnête homme » n'est pas forcément un in-
croyant. Mais il demande quelques confirmations sinon
quelques sécurités pouvant lui venir à la fois des Autori-
tés Religieuses et de la Science. D’autre part l’étude même
de ces apparitions qui soulèvent des foules et emplissent
les colonnes de la presse, se révèle complexe. La plupart
d'entre elles paraissent extrêmement subjectives. Mais
tout à coup des phénomènes singuliers se produisent.
Sont-ils miraculeux, obéissent-ils seulement à un condi-
tionnement psycho-pathologique, manifestent-ils des lois
qui défient celles de la science, et que penser des miracles
et des guérisons ? Répondre à toutes ces questions, c'est
faire vivre le problème en prise directe avec les croyants
eux-mêmes, et c’est ce qu’en grande partie l’auteur Anna
Maria Turi a fait sous forme d’interviews, de reportages
qui rendent bien le vécu minutieux des événements. Le
livre comporte en annexe des analyses émanant d’autori-
tés scientifiques. À titre d’information, l’ensemble des ap-
paritions de 1830 à nos jours se trouve soigneusement
répertorié.
La structure de ce livre, à la fois vivante et objective, ré-
pond donc aux questions que croyants ou incroyants,
scientifiques ou observateurs, peuvent se poser. Mais il
reste que derrière l’objectivité apparente, notre incons-
cient profond, notre sens du mystère et du sacré, si petit
soit-il, est en éveil. Devons-nous rire ou être indifférents
à ces annonces répétées de grands cataclysmes qui nous
sont annoncés par la voix des visionnaires ? L’ensemble
de ces prophéties est-il seulement l’effet d’hypnose collec-
tive, ou devons-nous, au contraire, les prendre au sérieux
et changer à la fois individuellement et collectivement la
fuite en avant qui nous conduit allègrement vers une
sorte de terreur finale ? L’intervention du divin est-elle
complètement contraire au bon sens ou bien n'est-elle
pas la structure même de l'invisible qui est comme l'ar-
chitecture de toute chose. Et s’il en est ainsi, ne faut-il
pas se donner le temps de la réflexion et ouvrir un peu
plus notre cœur et notre conscience ?
Quelle que soit l’attention que nous portons à ce livre,
celle de l’observateur, du spécialiste ou du croyant, il ne
peut nous laisser indifférent. La Vierge est en quelque
sorte devenue une actualité présente. Des vagues d'appa-
ritions réveillent la foi profonde mais contrainte de la
Grande Russie. Et les foules défient allègrement les poli-
ciers et les fusils. Tant et si bien que l'ultime dilemme est
de savoir s’il restera suffisamment de justes et de
croyants sur cette planète pour lui assurer encore des
jours radieux. C’est ce que nous pouvons croire et espérer
de toute notre force car nous sommes tous nés d’une
Mère, et ce symbole humain d’amour et de protection de-
meure la plus merveilleuse image qui peut traverser toute
notre vie et qui précisément nous fait comprendre qu’il
existe bien dans l’invisible une Grande Mère ou une Mère
Céleste, la Vierge qui prend soin de nous et tâche de par-
ler aux grands enfants que nous sommes encore.
Introduction

La Vierge nous écoute Savons-nous l'entendre ?


Je ne saurais dire quand cela s’est produit exactement
mais, alors que j’étais plongée « sur le terrain » dans mon
étude sur les apparitions de la Vierge, j’ai eu tout à coup
la certitude de me trouver en présence d’un fait authen-
tique, à savoir l’irruption évidente du surnaturel dans
notre réalité quotidienne.
Cette « présence » était manifeste, objective, tangible. Elle
intervenait au milieu d’un rayonnement et sous des traits
familiers : ceux de l’iconographie religieuse classique. Et
pour être mieux perçue, elle faisait appel au plus profond
de l’individu, à la grande énergie des archétypes, aux
symboles universels — notamment et surtout celui de la
Mère — grâce auxquels l’homme se transporte au-delà
des dimensions spatio-temporelles et par là même de
toute contingence matérielle.
La réalité supérieure entrait donc de plus en plus fré-
quemment en contact avec nous, c’était là pour moi une
découverte bouleversante. Et il devait bien y avoir une
raison à cela.
Ma conviction était renforcée par l’exploration parallèle
menée dans le domaine de cette authentique littérature «
souterraine », très peu connue et très souvent méprisée,
qui évoque les apparitions passées : des textes et des do-
cuments présentant une parfaite syntonie et une grande
similitude d’accent avec les récits, témoignages et rap-
ports actuels.
Au cours de mes différentes et fréquentes incursions dans
l’univers des visionnaires, je découvrais par ailleurs un
milieu que je qualifierais de « vierge », un Paradis où l’ex-
périence visionnaire est dans l’ordre naturel des choses.
Là, on croit parce que l’on voit, en vertu sans doute d’une
capacité perdue ailleurs. Je suis parvenue à cet univers,
en général agreste, pastoral, en empruntant des routes
peu fréquentées, à travers monts, vallées et plaines, en
des contrées reculées où les distances se mesurent non
pas en kilomètres mais en esprit.
Les moyens de transport me venaient souvent en aide car
la chance me souriait. Et je rencontrais surtout sur place
un soutien providentiel grâce à la générosité des autoch-
tones, un soutien qui me permettait de travailler loin des
hôtels, du confort et des commodités qu’offre la civilisa-
tion.
Ce livre, reflète dans sa forme et sa structure, l'aspect vi-
vant et divers du « reportage » sur les lieux mêmes, de
multiples voyages souvent physiquement éprouvants.
Ainsi s’explique son aspect volontairement varié, voire
fragmentaire. Il se présente essentiellement comme une
suite de « cas », et comment aurait-il pu en être autre-
ment ?
Le problème des apparitions, qui n’a pour le moment
trouvé aucune réponse théologique, et encore moins
scientifique, est privilégié par rapport aux autres pro-
blèmes de par sa nature même. La scission qui lui est
inhérente, le caractère apparemment fragmentaire des re-
cherches, se recomposent dans l’émotion qu’est capable
de susciter la subjectivité, au moment où sonne l’heure
de la révélation, du changement, de l’adhésion à une idée
nouvelle.
Ma certitude, il est bon de le préciser, n’est pas à propre-
ment parler le fruit de ce qu’il est convenu d’appeler une
sensibilité religieuse ou d’une éducation catholique.
Même hors du catholicisme et de la religion en général,
l’hypothèse de l’existence de réalités « autres » interférant
ou entretenant des « correspondances » avec notre propre
réalité, a été formulée depuis un certain nombre d’années
déjà. Elle trouve une confirmation tant dans les données
de l’anthropologie culturelle que dans celles de l’histoire
des religions. Dans l’Inde antique, les divinités védiques
se manifestaient « en chair et en os » lorsque le prêtre cé-
lébrait les rites sacrificiels en leur honneur. Lors des in-
vocations du chaman, les « esprits » font également irrup-
tion dans l’univers des hommes : il les voit et s’entretient
face à face, avec eux en de longs discours1.
La Bible et les Évangiles évoquent également l’apparition
de la divinité, qui manifeste sa présence : ainsi Saint-Paul
dans son épitre à Tite : « Apparuit » (« Elle apparut »).
En écoutant des dizaines et des centaines de témoignages
de personnes saisies par un phénomène d’apparition, j’ai
inévitablement été amenée à penser que Marie, mère du

1
Cf. Mircea Eliade, Le chamanisme et les techniques de l’extase, 2e éd. augmentée,
Paris, 1967.
Nazaréen, se manifestait dans la réalité physique sous
une apparence non moins physique. Le mystère des ap-
paritions est peut-être le mystère même de la vie de la
Vierge, et surtout celui de sa mort.
Une antique tradition évoque en effet la « dormition » de
la Vierge après que celle-ci se soit retirée du monde. En
réalité, on n’a jamais rien su de la mort de Marie, si ce
n’est que, Pie XII ayant proclamé en 1950 le dogme de
l’Assomption, l’Église vénère celle qui est montée au Ciel
dans un corps pur. Ce qui revient à dire que grâce à cette
pureté, la Vierge peut conserver, intact, un lien magique,
une sorte de cordon ombilical sacré, avec les hommes.
« À mes yeux, Marie est un être réel, historique, et elle est
en même temps le miroir de différents symboles qui se
présentent à la conscience », dit Jean Guitton dans son
étude sur les apparitions qu’a faites la Vierge à la novice
Catherine Labouré2.
Ayant recensé 213 cas d’apparitions de la Vierge sur un
demi-siècle (sur ces 48 dernières années pour être plus
précise, à savoir de 1939 à 1987), je partage entièrement
ce point de vue. En partant de l’année 1830 (à partir de
laquelle il est possible de commencer à retracer l’histoire
de ces phénomènes), on recense 272 cas, mais ce chiffre
est sujet à caution étant donné le peu de renseignements
disponibles sur les événements du siècle dernier, et a for-
tiori sur ceux qui ont précédé.
Comme le font les mariologues, j’ai assimilé aux appari-
tions proprement dites les larmes, exsudations et autres

2
Jean Guitton, La Vierge, rue du Bac.
phénomènes extraordinaires observés sur des statues,
des peintures, des mosaïques et diverses reproductions
de la Vierge.
J’ai constaté qu’il existait des époques plus propices aux
apparitions et des pays davantage concernés que d’autres
par ce phénomène tant dans l’absolu que pour des pé-
riodes précises. À partir des données qui lui sont fournies,
le lecteur pourra faire des déductions et tirer ses propres
conclusions. Les subdivisions que j’ai établies en appen-
dice après certains chapitres de mon livre sont le résultat
d’une réflexion sur la dynamique du phénomène et sur la
probable logique interne de celui-ci, sur l’évolution de la
courbe qui le caractérise et dont le tracé enregistre natu-
rellement des pics et des creux.
Je m'arrêterai pour le moment uniquement sur quelques
aspects du problème. Au siècle présent, la période la plus
riche en apparitions a été celle qui a suivi la deuxième
guerre mondiale. En trois ans, de 1946 à 1949, on n’en
compte en effet pas moins de 58 : c’est là un chiffre stu-
péfiant compte tenu du fait que la guerre était alors ter-
minée. On peut cependant faire deux remarques à ce pro-
pos. En premier lieu, de même que l’on observe un effet
de glissement au cours des expériences sur l’E.S.P.3 (cf.
recherches de J.-B. Rhine), les années 46-49 pourraient
bien être celles d’une prise de conscience a posteriori par
rapport aux années cruciales de la guerre et de la bombe
atomique (1939-1945 : 16 apparitions), au cours des-
quelles le phénomène avait davantage de raisons de se
produire, d’un point de vue tant objectif que subjectif. Par

3
Extrasensory Perception (perception extra-sensorielle).
ailleurs, cette prise de conscience à retardement des dan-
gers qui avaient menacé l’humanité à cette époque et de
ceux qu’elle encourait de tout temps, était également le
fait de la fatigue, de l’affaiblissement, après les dures
épreuves de la guerre. Et l’on sait que parmi les condi-
tions qui favorisent les états « autres » de la conscience,
ainsi que les phénomènes cognitifs et mystiques qui en
découlent, figurent entre autres la perte sensorielle, la
mortification, l’abstinence, toutes conditions qui font par-
tie de ce que l’on appelle les « techniques de l’extase ».
Au cours de ces sept dernières années (1980-1987), les
apparitions ont connu un développement inattendu. Elles
se sont succédées à un rythme accéléré et on peut se de-
mander pourquoi. Nous sommes là aussi libres, sur la
base des informations réunies, de tirer nos propres con-
clusions.
En analysant les faits, et surtout le contenu des messages
délivrés au cours de chaque apparition, il semble que l’on
soit en présence, non pas tant de perceptions génériques
portant sur des catastrophes possibles ou évitées de peu,
que de véritables présages, de terribles prophéties con-
cernant l’avenir de l’humanité.
De nos jours, toute apparition revêt un caractère prophé-
tique. C'est pourquoi elle est importante pour nous : elle
anticipe les faits, annonce parfois des changements.
Quand et comment ces changements s'installeront et en
quoi ils consisteront : il est possible de déduire tout ceci
du langage mystérieux de la Vierge, avec un peu d’astuce
et de patience. Ce langage est parfois simple, trop simple,
au point qu'il peut être sous-estimé ou dévalorisé, et par-
fois cabalistique, lorsqu'il n'est pas répétitif et stéréotypé.
Pour en déchiffrer le code, en dégager l'émotion et en ex-
traire l’énergie, il semble qu’il faille alors une maïeutique
digne d’un Hermès Trismégiste ou de quelqu’autre grand
penseur de l’Antiquité, ou même de notre temps. Jean
Guitton n’est pas si éloigné de cette idée lorsqu'il écrit,
toujours à propos des apparitions : « Je dis que le pro-
phète, vu sous cet angle, atteint pendant un laps de
temps passager ce que recherchent les sages, les philo-
sophes, les théologiens et tous ceux qui à nos yeux rai-
sonnent sur la perspective : une vision globale de l'his-
toire du salut. Le prophète la perçoit dans son déroule-
ment apocalyptique4. »
Les messages de la Vierge, véritables déluges d'images et
de créations lyriques, de formules lapidaires mais égale-
ment de simples conseils et avertissements, s’articulent
toujours autour du schéma suivant :
— dénonciation d'une situation ;
— remarques sur les actes des hommes ;
— instructions en vue de l'expiation ;
— promesse d'un signe ;
— annonce d’un châtiment en cas de transgression.
La terminologie des messages s'accorde avec leur con-
tenu.

4
Ibidem.
On y retrouve toujours les mots « avertissement, châti-
ment, conversion, prière, épreuve ».
Pour le reste, la totalité des communications de la Vierge
évoque la présence de l’Antéchrist dans notre monde con-
temporain. L’époque où nous vivons est qualifiée d’« ère
satanique ». Le châtiment divin nous guette, bien peu
pourront être sauvés. La purification semble donc néces-
saire.
Bon nombre des messages que nous allons reproduire in-
diquent le type de cataclysmes annoncés en précisant où
ceux-ci se produiront. Ils évoquent la responsabilité des
gouvernants mais aussi des gens ordinaires, celle des na-
tions athées mais aussi celle de l'Église.
Tout ceci peut se résumer en un seul avertissement : at-
tention, le moment est proche d'horribles ténèbres.
La seule chose qui nous aide au milieu de cet effroi est la
pensée de cette vision, décrite avec tant de sincérité par
les visionnaires de toutes les époques et de toute prove-
nance, une vision qui à la longue devient aussi la nôtre :
celle de la Vierge.
Cela ressemble à un conte de fées, à n'en point douter.
Un nuage lumineux descend du ciel et s’entrouvre comme
un fantastique vaisseau de l'espace. Quelqu’un apparaît.
Les visionnaires la voient : c'est la Reine du Ciel, dans
toute la splendeur de sa beauté surnaturelle.
Elle parle. Évanescente dans sa grâce de créature venue
d'un autre univers, et pourtant tangible, concrète, la
Vierge prodigue des conseils, des avertissements.
Et croire en Elle, s'en remettre à sa présence presque ma-
gique, à son énergie — véritable « force faible » de l'orbite
qui est la nôtre — peut, si nous en sommes vraiment au
« temps des temps », se révéler comme un choix décisif5.

5
J'emprunte l’expression de « force faible » à la physique moderne.
I

La Vierge : Il est encore temps


d’être sauvé

Une présence millénaire : de la Grande Mère à


notre Mère.

C’est d’ailleurs à la lumière de ces prédictions que s’expli-


quent l’amour et l’attachement pratiquement illimités des
fidèles pour la Vierge qui ont certainement une compo-
sante ancestrale. Dans l’histoire des religions, la Grande
Mère se cache dans le ventre de toute divinité féminine
ayant pour fonction de veiller aux intérêts humains.
La tradition la plus ancienne nous enseigne que dans les
situations désespérées, les hommes s’en remettaient à
une puissance, dite précisément la « Grande Mère », qui
faisait alors son apparition sur la terre : elle sortait des
montagnes et plus spécialement des grottes (tout comme
en Crète et, plus près de nous, à Lourdes). « Mère ! Mère
», invoquaient les peuples de l’Inde antique, reconnais-
sant dans la vision qui se présentait à eux la déesse Kâlî,
épouse de Shiva.
Mais c’est dans les confessions chrétiennes que Marie est
la plus présente. Les coptes, par exemple, sont très sen-
sibles à tout ce qui concerne la Vierge, en particulier ses
miracles et ses apparitions. L’univers copte est peuplé de
ses nombreuses apparitions. La plus célèbre, parmi les
plus récentes, est celle survenue en 1968 à Zeïtoun, un
vieux quartier du Caire. On a également appris très ré-
cemment (1986) que des apparitions étaient signalées à
Shoubrah, autre quartier du Caire où des milliers de
chrétiens coptes affirment voir la Vierge. Toutes les nuits,
les ruelles qui entourent l’Église de Sainte-Dimiane où se
produisent les apparitions, se remplissent de fidèles qui
prient et chantent les louanges de Marie, mère de Dieu.
Craignant des heurts entre coptes et musulmans, surtout
à l'occasion de fêtes telles que la Pâques copte et le Ra-
madan, la police a interdit le quartier de Sainte-Dimiane
aux non-résidents à partir du coucher du soleil et a placé
à cet effet des barrages à l’entrée des rues y donnant ac-
cès. Mais les fidèles ont réussi à franchir ces barrages,
affluant en très grand nombre dans les locaux annexes
de l’église. Le patriarche copte Shenuda III a nommé une
commission afin de pouvoir se prononcer après examen
attentif des faits.
Dans la croyance des fidèles, c’est donc toujours et par-
tout la « Mère » des cieux qui intervient à travers l’histoire.
Elle a été et est toujours celle qui intercède pour le bien-
être sur terre et le salut éternel. La Mère de Dieu s’emploie
en effet auprès du Maître Suprême de l’Univers pour que
celui-ci prenne en compte les désirs humains et les aspi-
rations supraterrestres.
L’Église catholique enseigne que dans la maternité, Ma-
rie, mère de Dieu et de tous les hommes, remplit spécifi-
quement son rôle et accomplit éminemment son devoir.
C'est pourquoi, dans les cieux, Marie « reconnaît en Dieu
chacun de ses enfants » 6. Elle connaît ses enfants un par
un et les aime.
Elle intercède auprès de la puissance de Dieu, elle aide
les humains en se manifestant auprès d’eux.
Marie vient physiquement à nous. Ce mystère est lié au
mystère même de sa vie et surtout à celui de sa mort, à
la vérité jamais élucidée ni attestée, alors qu’a été pro-
clamé son enlèvement au ciel dans un corps pur (dogme
de l’Assomption établi par Pie XII en 1950).
Une antique tradition évoque en effet la « dormition » de
la Vierge entre le moment où elle s’est retirée du monde
terrestre et celui de sa montée aux cieux.
Ainsi, les lacunes de l’histoire et les faits que nous suggè-
rent la légende introduisent dans notre esprit l’idée selon
laquelle la Vierge, qui est la plus vivante et en même
temps la plus mystérieuse des figures célestes, serait rat-
tachée à la terre et à l’humanité par des liens non seule-
ment spirituels mais également surnaturels. C’est ce qui
explique pourquoi les apparitions de la Vierge, avec leur
cortège de miracles et de cultes qui lui sont dédiés, sont
signalées dès l’Antiquité.
On parle en effet de l’apparition de la Vierge à Grégoire le
Thaumaturge (IIIe siècle), à Théophile et à Marie l’Égyp-
tienne. Au VIIIe siècle, elle aurait, en apparaissant à
Saint-Jean Damascène, rendu à celui-ci la main qui lui

6
R. Laurentin : La Vierge Marie, Rome, 1984.
avait été coupée par l’émir de Damas.
Nombreuses sont par ailleurs les apparitions mention-
nées dans la vie des mystiques et des saints ; mais c’est
à partir du XIXe siècle que l’on parle avec plus d’insis-
tance, et avec une plus grande abondance de détails,
d’épiphanies de Marie. Pratiquement, jusqu’en 1830, an-
née au cours de laquelle la novice Catherine Labouré eut
à l’âge de 23 ans ses visions dans la chapelle du couvent
des Filles de la Charité de la rue du Bac, à Paris, il n’existe
pas de véritable histoire, au sens scientifique du terme,
d’apparitions ; il est en revanche possible d’en retracer
une pour les XIXe et XXe siècles7.

Des apparitions de plus en plus nombreuses

La vision de la Vierge du juif Alphonse de Ratisbonne, en


l’église Sant’Andréa delle Fratte à Rome en 1842, fut sim-
plement considérée par l’Église comme un « prodigieux
événement ». Les cas suivants furent en revanche pleine-
ment reconnus.
Le 19 septembre 1846, à La Salette, deux jeunes bergers,
Mélanie Calvat et Maximin Giraud, respectivement âgés
de 14 et 11 ans, furent visités par la Vierge, elle leur ap-
parut en pleurs et appela à la conversion des hommes.
L’évêque consacra l’événement et cinq ans plus tard, jour
pour jour, proclama son caractère surnaturel.

7
Au cours d’un récent colloque d’études mariales (septembre 1986) réuni à Sara-
gosse (Espagne), il a été présenté un rapport dans lequel étaient évoquées des mil-
liers d’apparitions de la Vierge qui se seraient produites en l’espace de dix siècles.
À Lourdes, la Vierge se manifesta 18 fois, du 11 février au
16 juillet 1858, à une jeune bergère, Bernadette Soubi-
rous et l’évêque du pays reconnut l’événement le 18 jan-
vier 1862.
Le phénomène de Pontmain fut également jugé comme
surnaturel : le 17 janvier 1871, la Vierge apparut une
seule fois, alors que l’armée prussienne occupait le pays,
et la phrase suivante s'inscrivit en même temps dans le
ciel : « Courage, mes enfants, priez. Mon fils se laisse api-
toyer. Dans peu de temps Dieu vous exaucera. »
Les apparitions survenues en 1877 à Gietrzwalde, en Po-
logne, furent aussi reconnues, de même que les événe-
ments, plus célèbres, de Fatima où, de 1916 à 1917, trois
jeunes bergers virent tout d'abord un ange puis, du 13
mai au 13 octobre 1917, une fois par mois sauf en août,
la Vierge, qui leur communiqua des messages. La der-
nière apparition, celle du 13 octobre, coïncida avec des
phénomènes solaires exceptionnels qui furent suivis par
une foule de 70 000 personnes.
Selon l’Église, cinq enfants virent réellement la Vierge à
Beauraing en Belgique, du 29 novembre 1932 au 3 jan-
vier 1933. Une fillette de condition modeste en eut la vi-
sion à Banneux, toujours en Belgique, du 15 janvier au 2
mars 1933. Tous ces témoignages d’apparitions recon-
nues par l’Église, ajoutés aux cas non reconnus ou seu-
lement tolérés, et des cas sur lesquels l'Église attend pour
se prononcer (sans parler de cas, nombreux, qui n’ont pas
été révélés) témoignent qu’à notre époque, où les événe-
ments historiques se succèdent à un rythme soutenu, ces
visions ont un sens manifeste : ils expriment une pré-
sence surnaturelle qui est aussi un avertissement.
L’image de la Mère de Dieu émerge avec une fréquence de
plus en plus rapprochée, toujours plus nette et plus pré-
cise. Une trentaine de pays au moins sont concernés par
les phénomènes d’apparition : Autriche, Brésil, Canada,
Tchécoslovaquie, Égypte, France, Japon, Italie, Yougosla-
vie, Lituanie, Pologne, Russie, Portugal, Roumanie, Es-
pagne, Suisse...
Le « nuage de Marie » régna sur la Belgique en 1933, se
déplaçant vers la France au cours de la décennie suivante
(1937-1947). L’Italie fut visitée par la mystérieuse appa-
rition à partir de 1944, et demeure en tête de tous les
classements, immédiatement avant la France et l'Alle-
magne, suivis de la Belgique, l'Espagne, les États-Unis et
le Canada.
Venons-en à aujourd'hui. De 1971 à 1986, c'est-à-dire au
cours de ces quinze dernières années, les événements
surnaturels liés au culte de la Vierge abondent encore,
surtout en Italie.
Faut-il rattacher ce phénomène à la présence dans la Pé-
ninsule du siège du catholicisme ? Je ne le pense pas. On
peut plutôt parler d’une plus grande disponibilité, et donc
d’une plus grande réceptivité, en raison d’une longue fa-
miliarité avec la matière religieuse et les pratiques du
culte qui sont au cœur de la tradition et de l’histoire ita-
liennes.
Giuseppe Besutti, professeur de mariologie à l’institut
d’Études mariales du Vatican, a effectué une étude ap-
profondie sur l’origine de 1.174 sanctuaires consacrés à
la Vierge et antérieurs ou postérieurs à l’année 1100, et il
a dressé le tableau suivant :

Avant l'année 1100, écrit Besutti, nous constatons que


parmi les différents motifs qui ont été à l’origine de l'éta-
blissement du sanctuaire c'est la découverte d’une image
de la Madone qui l’emporte. « ... Les cas d’apparition s’ac-
compagnant de la découverte de l’image de la Vierge sont
fréquents (14) », poursuit le chercheur, « et encore plus
fréquents ceux qui s’accompagnent d’un événement mi-
raculeux (41) ou de la découverte d’une image accompa-
gnée d’un phénomène miraculeux (20). Ces données se
rapportent à tous les sanctuaires mariail.8 »
« On sera peut-être surpris avec l’auteur de constater que
les visionnaires de sexe masculin sont plus nombreux
que ceux de sexe féminin et qu’il s'agit plus fréquemment

8
G.-M. Besutti, O.-S.-M. : Saggio di ricerca sull’origine dei sanctuari mariani in Italia,
in De cultu mariano saeculis, VI-XI (Romae, P. Academia Mariana Internationalis,
1972), vol. V, pp. 275-305.
d'adultes que d'enfants. »
C’est ce que déclare Giuseppe Besutti dans son étude sur
l’origine des sanctuaires mariais.
Le tableau de Besutti est le suivant :

Apparitions et Sanctuaires
Interview de Domenico Marcucci9

— De quelles recherches vous êtes-vous occupé tout par-


ticulièrement ?
— Je me suis intéressé au phénomène des sanctuaires en
Italie, à leur signification par rapport à l’évolution de
notre histoire et de notre culture. Je les ai ensuite sélec-
tionnés en fonction du milieu dans lequel ils se trouvaient
— en montagne par exemple — mais en tenant toujours
compte de leur signification religieuse. J’ai également étu-
dié les sanctuaires mariais situés sur l’eau et en ville, en
essayant pour ces derniers de voir ce qu’ils ont représenté

9
D. Marcucci est l’auteur de l’ouvrage « Santuari Mariani d’Italia », Ed. Paoline,
Rome, 1982.
pour le milieu urbain concerné.
— Avez-vous étudié les phénomènes d’apparition ?
— Oui, mais pas de manière approfondie, car s’il peut
sembler que les sanctuaires sont liés aux apparitions, il
n’en va pas toujours ainsi dans la réalité. Le phénomène
commun à l’Italie et aux pays étrangers est celui des
images mariales qui se manifestent d’une manière ou
d’une autre, étant découvertes ou retrouvées dans des
circonstances prodigieuses. 50 % des sanctuaires mariais
sont nés de cette manière. Très souvent l’apparition et la
découverte sont étroitement liées. Un cas typique est celui
de Pietralba, dans le Haut-Adige, où la Vierge est apparue
à un habitant du lieu qui était tombé dans un ravin et lui
a promis la guérison en lui disant d’aller creuser à un
certain endroit où se trouvaient des images. Un autre cas
est celui de la Vierge de Città di Castello, en Ombrie : là
la Vierge apparut à un enfant, Righetto Ciocchi, près du
vieux mur d’une église et le caressa comme une mère ; on
découvrit ensuite sur le mur une image de la Vierge, une
ancienne fresque en mauvais état. Il s'agissait d’une
église de la fin du Moyen Âge.
On compte davantage de sanctuaires dans le nord de l’Ita-
lie que dans le sud. Aussi loin que l’on remonte dans l’his-
toire, on s’aperçoit que les sanctuaires n’ont fait leur ap-
parition que vers l’an 1000 et se sont considérablement
développés à l’époque de Saint Bernard. C’est un phéno-
mène qui s’est étendu à toute l’Europe. Le sud a connu
sa période la plus florissante sous le règne des Souabes
et les sanctuaires s’y sont multipliés à cette époque-là.
C’est aussi à cette période que s’est fait le passage du rite
grec orthodoxe au rite latin. Un très grand nombre de mo-
nastères et d’ermitages firent leur apparition. Dans les
petites communautés, des images furent découvertes de
manière très troublante. Par ailleurs, à la fin du IXe siècle,
les images découvertes avaient été apportées en Italie
pour y être mises à l’abri et la zone la plus proche par la
côte était le sud. Les Pouilles et la Calabre sont en effet
très riches en sanctuaires mariais. Ce n’est en revanche
pas le cas de la Sicile, qui se trouvait sous l’influence
arabe. La Lucanie vit également naître un certain nombre
de sanctuaires, suite à cet afflux d'images ayant appar-
tenu à des moines orientaux, car l’Orient entretenait un
culte tout particulier pour la Vierge, très enraciné dans la
liturgie. Le phénomène le plus marquant dans le Sud est
donc la découverte de ces images dans les circonstances
les plus singulières : la Madonna delle Galline (« Vierge
des Poules ») avait ainsi été trouvée dans une basse-cour
où picoraient des poules, d’où son nom.
Les incursions arabes eurent également des répercus-
sions sur ce phénomène, dans la mesure où elles inci-
taient les gens à cacher les images qui, si la personne qui
les avait mises en sécurité mourait, n’étaient plus retrou-
vées ou étaient retrouvées beaucoup plus tard et ce, dans
des circonstances étranges ou fortuites. Il convient par
ailleurs de faire observer qu’il existe un étonnant phéno-
mène d’imitation, tant en ce qui concerne les apparitions
que les phénomènes extraordinaires. Lorsqu’un fait ex-
traordinaire se produit en effet, les gens aspirent à ce qu’il
se reproduise. Il commence alors à prendre de l’ampleur.
Ainsi, peu après les apparitions de Bernadette, plusieurs
fillettes affirmèrent voir la Vierge, parfois à l’intérieur
même de la grotte. Puis on constata que cette « vision »
dans la grotte était due à une stalactite. Ce fut là un cas
probant de phénomène d’imitation. À l’époque du siège de
Rome par les troupes de Napoléon en 1797, une image de
la Cathédrale d’Ancone remua les yeux lorsque l’Empe-
reur fit son entrée dans la ville. À partir de ce moment,
lorsque Napoléon traversa le territoire de l’État Pontifical,
les apparitions de la Vierge se manifestèrent partout. Rien
qu’à Rome, il y eut 18 cas d’apparitions et de visions cons-
tatés par les autorités ecclésiastiques. Le premier se pro-
duisit le 9 juillet dans une ruelle de Rome où se dresse
aujourd’hui un petit sanctuaire, celui de la « Madonna
dell’Archetto ». Sur les 26 cas — réels ceux-ci — des ar-
chives ont été constituées à l’initiative du Souverain pon-
tife lui-même. On peut penser que dans une période par-
ticulièrement sombre, la Vierge a voulu par ces prodiges
redonner confiance et espoir.
Lorsqu’à l’époque de la conquête russe, le clergé catholi-
que fut éloigné de la Ruthénie pour faire place au clergé
orthodoxe, toute une série d’images de la Vierge se mirent
à verser des larmes ou même du sang à travers ce pays
situé aux confins de la Russie et de la Pologne. Les auto-
rités catholiques se sont cependant empressées de dé-
truire les documents relatifs à ces faits, afin de les effacer
de la mémoire du peuple.
— Quelle est la nation européenne qui compte le plus
grand nombre d’apparitions reconnues ?
— Les phénomènes les plus importants se sont produits
en France. Ils dénotent sans aucun doute une interven-
tion surnaturelle sur l'Église de France. L’histoire du sa-
lut est une donnée biblique, un fait acquis, et ce salut
intervient au cours de l’histoire. Il n’est cependant pas
toujours en notre pouvoir d’analyser la signification de
ces phénomènes, mais nous savons avec certitude que
Dieu intervient dans l’histoire, et qu’il intervient en fonc-
tion de l’époque. Et je pense pour ma part que si les ap-
paritions sont reconnues comme un fait important et «
éclatant » à une période donnée, c’est parce que Dieu, qui
est pragmatique, se sert de ces phénomènes pour tenter
de faire comprendre aux hommes qu’il connaît des vic-
toires, mais aussi des défaites. Du moins des défaites
temporaires. Les phénomènes surnaturels peuvent aussi
bien ne pas être sus, ne pas être mis en valeur. Mais c’est
grâce à ceux-ci que Dieu s’introduit dans l’histoire des
hommes, provoquant même parfois des polémiques, des
résistances et des fanatismes qui peuvent avoir un effet
négatif et inciter les autorités ecclésiastiques à faire bar-
rage à ces phénomènes. L’histoire nous révèle que les
hommes font ainsi souvent barrage aux signes de Dieu. Il
n’en demeure pas moins que les apparitions survenues
en France par exemple ont été un signe de la Providence
divine, dans la mesure où elles ont redonné de la vigueur
au catholicisme français et partant, au catholicisme dans
le monde. Retenons le cas de Lourdes, qui est un peu le
cœur du catholicisme. Les apparitions qui se sont pro-
duites à partir du 19e siècle ont revêtu une grande impor-
tance dans l’histoire de l’Église.
Après la seconde guerre mondiale, c’est l’Italie qui a été le
lieu privilégié des apparitions. L’année 1947 a à cet égard
été une année exceptionnelle. Imposture ou signes de la
Providence ? Qui sait. Il ne faut cependant pas perdre de
vue le contexte historique bien particulier. Ces appari-
tions n’ont pas été reconnues et n’ont bien souvent pas
même donné lieu à la construction de sanctuaires dignes
de ce nom.
Toujours en ce qui concerne la Providence divine, il est
intéressant de savoir que l'évangélisation de l’Amérique
latine s’est faite essentiellement à la suite des apparitions
mariales qui s’étaient produites sur ce continent, celle de
Guadalupe par exemple. Face à la sauvagerie des Espa-
gnols, la Vierge se manifeste à un indien en parlant sa
langue. Au Venezuela, elle apparaît même à des païens,
en leur suggérant de se tourner vers les missionnaires.
C’est ce qui explique que l’Évangile ait été accueilli non
pas comme un fait extérieur mais comme quelque chose
de familier. Dieu était venu porter remède aux carences
et aux brutalités de l’occupant espagnol.
Un autre cas intéressant est celui de la Pologne où la
Vierge est devenue une présence bénéfique pour les gens
du peuple qui la considèrent comme une des leurs. Je
pense même que sans les apparitions la Pologne n’aurait
jamais existé en tant que nation. Lorsque le pays fut en-
vahi par les Russes et les Suédois, ce furent en effet ces
phénomènes qui galvanisèrent l’armée polonaise et lui
permirent de chasser l’envahisseur. C’est de cette ma-
nière qu’est née la nation polonaise. En étudiant l’histoire
de ces phénomènes, je me suis aperçu qu’ils se produi-
saient toujours à des périodes particulières de l’histoire,
essentiellement des périodes douloureuses : guerres, fa-
mines, peste, luttes intestines. Ils ont donc toujours une
signification ; ils représentent un tournant tant au niveau
des communautés locales qu’au niveau international.

Des prophéties terribles qui concernent notre


proche avenir

« Rappelez-vous, le danger est proche. Rappelez-vous


que je viens maintenant très souvent parmi vous, mes
enfants, parce que je veux vous sauver. Le danger se
rapproche petit à petit de vous. Un peu ici, un peu là, il
est encore faible mais il deviendra grand. »
C’est ainsi que depuis le 15 août 1951 la Vierge parlait au
visionnaire Gino Taddei, lors de ses apparitions dans la
Grotte Sacrée de Marina di Pisa.
Tous les visionnaires communiquent les messages qui
leur sont transmis par l’apparition dont ils entendent la
voix ou qui leur parle au travers d’un discours intérieur
(locutio interior). Parmi ces messages, certains sont « se-
crets » et particulièrement importants et délicats : ils sont
destinés à des personnes données, le plus souvent à des
autorités ecclésiastiques, qui, au moment opportun de-
vront les divulguer.
En 1937, à Heede, en Allemagne, la Vierge avait prédit :
« Tout ce qui se produira sera terrible, on n'a jamais vu
cela depuis le commencement du monde... Avec un pe-
tit nombre d’élus je bâtirai ensuite mon royaume...
L’heure est proche. »
En 1961, à Garabandal, en Espagne, la Vierge communi-
que un message analogue :
« Il y aura d'abord l’avertissement : un grand signe dans
le ciel. Puis un signe permanent, qui rappellera les Ap-
paritions de Garabandal, puis le châtiment. »
L’histoire de l’humanité, et particulièrement celle de la
mystique, ne manquent pas il est vrai d’apparitions pro-
phétiques lourdes de menace concernant l’annonce d’une
« fin des temps » et d’un grand châtiment qui sera infligé
par Dieu à l’humanité. Dès 1403, San Vincenzo Ferrer,
qui avait été visité par des apparitions privées, communi-
quait à ses fidèles la prophétie suivante lors d’un sermon
prononcé à Barcelone :
« ... Un signe se produira et vous ne le reconnaîtrez pas,
mais ce sera un temps où les femmes se vêtiront
comme les hommes et les hommes comme les
femmes... »
À Marie de Vallée (1656), la Vierge dit :
«... Ils (ces temps derniers) sont Mon Œuvre et Ma Pas-
sion. La fin sera pleine de consolation, glorieuse, digne
d’admiration, mais aussi plus désastreuse, plus violente
et plus épouvantable qu’on ne le croit. Elle moisson-
nera la Terre avec trois de ses filles : avec la Foi de
l’Église Militante, l’Espérance de ceux qui souffrent et
l’Amour de l’Église Triomphante. »
Le P. Bartholomé(?) Holzhauser (1658) prophétisa:
« Au cours de la Ve Ère... tout est dévasté par la guerre ;
les catholiques sont opprimés par les hérétiques et par
les mauvais chrétiens... Tous les hommes conspirent
pour fonder des républiques... »
Catherine Emmerich, stigmatisée et visionnaire, rappor-
tait au début du XIXe siècle les prédictions qui lui étaient
faites au cours de ses extases mystiques :
« ... cinquante ou soixante ans avant l'an 2000, Satan se
déchaînera pendant quelques temps... »
Et la Bienheureuse Anna Maria Taigi (1837) :
« Dieu enverra deux châtiments : l’un sous forme de
guerre et de catastrophes et l’autre qui sera envoyé du
ciel. La terre sera envahie par une obscurité qui durera
trois jours et trois nuits et la lumière artificielle ne
pourra éclairer, seuls les cierges bénis pourront donner
leur lumière... »
Les prédictions faites à la Vénérable Isabella Canori Mora
(1825) n’étaient pas différentes :
«... Le ciel se couvrira de nuages noirs, un terrible oura-
gan se lèvera, les légions de l’Enfer se déchaîneront...
Ce temps n’est pas si loin que vous le pensez...»
Mélanie Calvat, de La Salette, prophétisait :
« La Nature demande vengeance pour les hommes...
Un temps inclément fauchera les saisons, la terre ne
produira que de mauvais fruits, les mouvements des
astres seront irréguliers, le ciel ne reflétera qu’une lu-
mière rougeâtre ; l’eau et le feu (mers et volcans) im-
primeront à votre Terre des mouvements convulsifs et
d’horribles tremblements de terre engloutiront mon-
tagnes et villes... Malheur aux habitants de la Terre ! Il
y aura des guerres sanglantes, des famines et des épi-
démies, de terribles pluies, des orages, des tremble-
ments de terre qui feront disparaître des régions en-
tières. Le sang coulera partout. Ne survivront que ceux
qui ont la Foi. » (1846)
Et en 1856 :
« Je (la Vierge) suis avec vous, à condition que votre Foi
soit la lumière qui vous éclaire en ces jours de malheur.
Que votre ferveur vous fasse devenir des affamés de la
gloire et de l’honneur de Jésus-Christ. Combattez, en-
fants de la Lumière, vous les quelques rares qui y voyez,
car voici venir le temps des temps, la fin des fins...
L’Église sera éclipsée, le monde sera dans la consterna-
tion. Mais voici Enoch et Elie, pleins de l’Esprit de Dieu :
ils prêcheront avec la force de Dieu... feront de grands
prodiges en vertu de I’Esprit Saint et condamneront les
erreurs diaboliques de l’Antéchrist... Qui l’emportera, si
Dieu n’abrège pas la durée de l’Épreuve ?... Enoch et
Elie seront tués... beaucoup se laisseront séduire, car ils
n’ont pas adoré le véritable Christ, vivant parmi eux. »
Jean-Marie Vianney, le Curé d'Ars (1855), disait à ses fi-
dèles que les enfants de leurs enfants allaient voir le jour
de l'Antéchrist et du Jugement Universel.
Marie-Julie Jahenney (1850-1941), stigmatisée française,
fit part d’une prédiction comparable :
« Viendront trois jours de grandes Ténèbres... Seuls les
cierges bénis brûleront... mais dans les maisons des im-
pies ils ne s'allumeront pas... Les démons apparaîtront
sous des formes horribles et abominables, et ils se fe-
ront entendre... faisant retentir dans l’air d’horribles
blasphèmes. Les éclairs, les étincelles, les vents qui pé-
nétreront dans les maisons ne réussiront pas à éteindre
les cierges bénis. Une nuée rouge comme le sang, et un
grondement de tonnerre déchirera le ciel, et la terre
tremblera jusqu'en ses fondations. La mer lancera ses
ondes sur la terre qui deviendra un immense cimetière.
La famine qui s'ensuivra sera grande. La crise s’abattra
brusquement et les trois quarts de la race humaine se-
ront détruits. »
Les prophéties qui se succèdent toutes au fil des temps et
qui semblent converger vers un temps qui paraît bien être
le nôtre, sont profondément troublantes. Elles résonnent
en divers points de la Terre comme autant de sonneries
ou de tocsin, toutes compréhensibles et angoissantes au
même titre :
« Arriveront trois jours de ténèbres et de catastrophes
et la terre se couvrira de cadavres... » (San Gaspare del
Bufalo).
« Pendant trois jours de ténèbres, très nombreux se-
ront ceux qui périront et seul un quart de l'humanité
survivra... » (Sœur Marie du Crucifix de Jésus).
«... Des tempêtes se lèveront qui engloutiront les na-
tions dans le feu et le sang... Cette épouvantable bour-
rasque est en train de se préparer, toutes les forces
sont prêtes à se déchaîner avec fureur... » (Berthe Pe-
tit).
« La terre tremblera sous le poids de l'hécatombe... la
bataille durera trois jours... » (Bug de Milhas).
Parmi les prophéties de notre siècle, celles d'Elena Aiello,
la « monaca santa » de Cosenza, retiennent tout particu-
lièrement l'attention :
« Ce sera un moment épouvantable lorsque Mon Fils
parlera avec les accents du Juge et prononcera devant
l’humanité le verdict mérité » (1954).
« Si les hommes ne se reprennent pas, un terrible cata-
clysme de feu descendra du ciel », prophétisa encore
Elena Aiello, inspirée par la Vierge. « Le cataclysme est
proche, et il sera précédé d’une violente tempête de
vent qui détruira tout.
Puis, à l’intérieur d’une nuée, Jésus-Christ lui-même ap-
paraîtra, et il sera vu de tous, et l’on entendra le terri-
fiant cri de Justice qui fera trembler et blêmir d’épou-
vante tous les hommes. Après cette terrible sentence,
le ciel s'éclipsera et les ténèbres envahiront toute la
Terre. De celles-ci se déclenchera une terrible tempête
de feu que les Anges jetteront sur tous les méchants et
les mécréants. Vous verrez tomber en lambeaux fu-
mants la chair des impies. Ils iront à la recherche de ca-
vernes pour se soustraire au terrible Châtiment, mais
en vain. La terreur sera telle que même les bons pour-
raient mourir d'épouvante, mais j'interviendrai en tant
que Mère de miséricorde et je les sauverai, particuliè-
rement ceux qui ont été fidèles en récitant le Rosaire...
Tous les démons seront chassés par les Anges et retour-
neront en Enfer... Le Feu purificateur tombera du ciel
comme des flocons de neige sur tous les peuples... cela
durera 70 heures...
Tous les impies seront exterminés... Cet épouvantable
fléau surviendra dans les premières heures du jour...
Les âmes justes, fidèles à mon Rosaire, ne mourront pas
mais ressentiront la douleur de la mort... Tous devront
assister, le tourment dans l’âme : tous contempleront
cette Vision... » (1955).
Toutes ces terribles prophéties laissent-elles encore place
à l'espérance, même ténue, en la pitié divine ?
Il a été dit :
« Après les épreuves viendra une renaissance univer-
selle » ; « Le règne de Dieu est proche, mais la répara-
tion devra auparavant être consommée... »
En 1937 la Vierge apparut à quatre fillettes d'Heede, un
village allemand à proximité de la frontière hollandaise.
Ces événements se passant en plein régime hitlérien, la
Gestapo intervint et les visionnaires furent internées dans
un hôpital psychiatrique. L'Église quant à elle permit
dans ce cas, le culte de la « Reine de l’Univers » comme la
nommaient les fillettes. La police interdit aux fillettes de
se rendre sur le lieu de l’apparition bien que les médecins
déclaraient qu’elles étaient parfaitement saines d’esprit.
Huit ans plus tard, on était donc en 1945, année de la
bombe atomique sur Hiroshima et sur Nagasaki, Jésus
apparut à ces mêmes fillettes pour leur annoncer une ca-
tastrophe de « fin du monde ». Il dit que ses « anges justi-
ciers » se trouvaient déjà parmi les hommes, faisant de
toute évidence référence aux événements en cours.
À Itauna, au Brésil, la Vierge apparut de 1955 à 1961 à
Ovidio Albes de Senza. L’un des messages transmis au
visionnaire en extase est impressionnant par les préoccu-
pations qui l’inspirent, et qui concernent chacun d’entre
nous.
« Appelle les prêtres afin que ceux-ci disent au peuple
que de grands tourments s’abattront sur les hommes.
De terribles rayons de lumière tomberont sur une
grande partie de l’humanité, provoquant sa destruc-
tion. »
C’est également sur le ton de la prophétie que sont lancés
certains avertissements à l’intention de personnes déter-
minées. Lorsqu’ils s’adressent en effet à des mécréants ou
à des détracteurs des phénomènes surnaturels, les mes-
sages prennent la forme d’exhortations solennelles à ne
pas persévérer dans une attitude négative qui pourrait
avoir de lourdes conséquences sur leur vie.
À Ezquioga en Espagne, par exemple, des adolescents et
des adultes furent en 1931 témoins d’apparitions de la «
Señora ». Cet événement fut cependant exploité politique-
ment puis désavoué par ceux-là mêmes qui l’avaient sou-
tenu, tandis que les véritables témoins, au milieu des-
quels avaient volontairement été introduits de faux vi-
sionnaires, protestèrent en déclarant qu’ils ne voulaient
pas faire le jeu des luttes partisanes. L’Église se prononça
contre tous les faits survenus, disant qu’il y avait à
Ezquioga des « présences diaboliques ».
La « Señora » fit alors savoir que ceux qui désavouaient
Ezquioga seraient punis. Elle indiqua également, toujours
par la bouche des visionnaires (Pilar Ciordia et Evarista
Galdos), en quoi devait consister le châtiment, ce dont fut
informé le Père Burguera qui était alors en train d’écrire
un livre sur ces apparitions. Ce dernier chargea aussitôt
Don Pedro Balda de communiquer la prophétie à l’inté-
ressé, Don Justo Echeguren. La prédiction se vérifia un
mois après la publication du livre du Père Burguera : Don
Justo, qui avait été vicaire de Vitoria puis évêque
d’Oviedo, mourut dans un accident de la route, exacte-
ment comme il l'avait été annoncé trois ans auparavant.
Quant à l'évêque qui avait officiellement condamné les
événements d’Ezquioga, il perdit son diocèse après avoir
été destitué.
« Le feu tombera du ciel comme de la neige »... C’est le
leitmotiv des messages délivrés au moment de la seconde
guerre mondiale. La bombe atomique n’a pas encore été
lâchée sur Hiroshima et Nagasaki, elle le sera bientôt.
La visionnaire Berthe Petit a cette perception de l’avenir
(1943) :
« Les châtiments approchent comme un nuage qui
grandirait et s’étendrait pour recouvrir tout, laissant
tomber partout des étincelles qui engloutiront les
peuples dans le feu et le sang ».
Et Maria Valtorta (1943) :
« Feu envoyé par le soleil... ténèbres... tout ceci pour
vous inciter à réfléchir et à vous repentir ».
Pour la « visionnaire d’Amsterdam » (1945) :
« ... Une grande catastrophe se prépare, (les hommes)
seront surpris par celle-ci. Les mers orientales sont
pleines... »
« Ténèbres. Ténèbres. Ténèbres. » C’est le cri de tristesse
qui continuera encore longtemps à être lancé par les fi-
dèles de la Vierge, qui voient se profiler à l’horizon l’apo-
calypse de feu à laquelle succédera une autre apocalypse
faite d’obscurité :
«... J’ai vu des nuages noirs approcher de tous les cô-
tés... La neige gelait sur les plantes et il faisait un froid
comme on n’en a jamais connu... Le ciel est devenu de
plus en plus bas, formant comme une énorme chappe
noire sur toute la Terre. C’était comme si la Terre avait
été séparée du Ciel, ou comme si les hommes avaient
été abandonnés à eux-mêmes. Pendant les trois jours
de ténèbres, vous ne serez pas privés du nécessaire.
Vos enfants dormiront d’un sommeil profond... »
Le regard du visionnaire plonge plus profondément dans
l’avenir :
«... Je vois la Dame (la Dame de tous les peuples)
étendre la main sur une partie de l’Asie — sur l’Ukraine
me semble-t-il — comme pour la protéger10. Puis je vois
sur la gauche, dans le haut de la Russie, une lumière in-
fernale. C’est comme si une explosion se produisait de-
puis le sol. Puis je vois une plaine aride... » (Visionnaire
d’Amsterdam, 1973).

3. L'Église face aux miracles

Les catholiques disent que l’humanité a besoin de Marie


comme Marie a besoin de l’humanité. D’où le phénomène
des apparitions11. Ce mystère ressort comme tant

10
L’Ukraine se situe en fait dans l’Europe du sud-est, aux frontières de l’Asie.
11
Pour une plus grande facilité de lecture, nous adopterons parfois indistinctement
le terme d’apparition, qu’il s’agisse des véritables ou des fausses manifestations
surnaturelles. La distinction se dégagera toutefois clairement de l’ensemble du
texte et elle sera de toute façon introduite là où la nécessité s'en fera sentir.
d’autres à un plan supérieur, divin. Ce plan, qui assigne
à toute la création des finalités que nous ne pouvons con-
naître, unit cependant clairement la mère de Dieu aux
hommes et ce, d’une manière unique, essentielle, indélé-
bile et insécable, pour l’éternité.
Les apparitions de la Vierge, a-t-on également dit, sont
autant de maillons d’une chaîne, dans lesquels on peut
reconnaître les signes des temps et dont on peut tirer des
enseignements utiles.
Mais l’Église, comme on sait, ne se manifeste qu’après de
longues et minutieuses enquêtes. Elle se montre extrême-
ment circonspecte lorsqu’il s'agit de porter un jugement
sur l’authenticité des phénomènes. Nombreuses sont par
conséquent les apparitions qui n’ont pas été reconnues.
Tout aussi nombreuses sont celles qui, bien que n’ayant
pas été reconnues, attirent les foules. Rien ne mobilise
autant les masses que les apparitions, vraies ou réputées
telles, de la Vierge. Sept millions de pèlerins par an à Gua-
dalupe, au Mexique ; cinq millions à Fatima, au Portugal ;
quatre millions et demi à Lourdes, en France ; presque
autant à Aparecida, au Brésil : ces chiffres records révè-
lent, sur le plan de la réalité historique l’intervention de
l’invisible. Qu’elles soient reconnues ou non, toutes les
apparitions présentent les mêmes caractéristiques : ex-
tases, visions, événements extraordinaires. Juger de ces
manifestations est souvent une entreprise difficile, même
lorsque l’on n’est pas soumis aux contraintes imposées
aux théologiens. Pour les foules religieuses qui se mobili-
sent à l’occasion des apparitions, le problème intellectuel
et scientifique concernant l’authenticité de ces appari-
tions n’a pratiquement aucune valeur. À des niveaux
émotionnels aussi profonds, Lourdes (officiellement re-
connue) peut se comparer à Garabandal, un village espa-
gnol où, à partir de 1961, quatre fillettes suscitèrent par
leurs extases mystiques et prophétiques toute une série
de « faits merveilleux ». Ces faits bouleversèrent des mil-
liers de pèlerins et s'ils convainquirent des observateurs
attentifs et autorisés, l'évêque de Santander, refusa quant
à lui d’apporter sa caution.
Dans un document daté de 1978, la Congrégation pour la
doctrine de la Foi, donne certaines indications sur les cri-
tères à retenir en matière d'évaluation des apparitions
contemporaines. Rédigé en latin, ce document dont le
titre est, traduit en français, « Normes de la Sacré Con-
grégation pour la doctrine de la Foi sur la procédure à
suivre pour évaluer les apparitions et révélations présu-
mées », est transmis aux évêques des diocèses où se pro-
duisent des apparitions.
Il y est surtout fait remarquer comment les mass media
diffusent rapidement les informations relatives aux appa-
ritions présumées. Par ailleurs, toujours selon ce docu-
ment, la facilité avec laquelle les gens se déplacent fait
que les pèlerins peuvent aujourd’hui se rendre relative-
ment fréquemment sur les lieux de ces apparitions. Il
n’est toutefois pas facile pour les autorités ecclésiastiques
d’intervenir à temps pour émettre un jugement sur les cas
qui se présentent : d’où la nécessité de respecter les cri-
tères prescrits par la Congrégation.
Il arrive également, à titre tout à fait exceptionnel, que
l’organe central de l’Église à savoir la Congrégation pour
la doctrine de la Foi, se saisisse de la cause et procède à
l’examen des faits. D’après la doctrine il n’est en aucun
cas fait obligation aux fidèles de croire aux apparitions,
même si elles sont reconnues.
En Italie, à Ghiaie di Bonate, dans la province de Ber-
game, les apparitions à une fillette de 7 ans, Adélaïde
Roncalli, firent grand bruit au cours de la dernière guerre.
Malgré la pénurie des moyens de transport et les risques
que présentaient les voyages en période de guerre, des
milliers de personnes affluèrent sur les lieux et c’est un
miracle que jamais aucune bombe n’ait été lâchée par les
pilotes des avions de reconnaissance ennemis qui de-
vaient pourtant s’être aperçus des mystérieux rassemble-
ments. Dans l’autre camp, les pilotes des bombardiers
américains rapportaient à leur Q.G. que, lorsqu'ils se
trouvaient au-dessus de la multitude, ils entendaient
dans leur casque une voix féminine qui les incitait à ne
pas frapper la foule et à lâcher leurs bombes le long des
fleuves.
Bien que le « cas Bonate » ait eu une portée considérable,
notamment du fait de l'existence d’un certain nombre de
faits mystérieux parmi lesquels de nombreuses guérisons
« miraculeuses », l’Église a émis à son sujet un jugement
défavorable12. Et ceci pose un grave problème, en même
temps que bien des interrogations.
Certains cultes nés sur les lieux où s’est produite une ap-
parition de la Vierge ne sont pas officiellement reconnus
par l'Église mais simplement autorisés. Ceci signifie que

12
Ce n'est que tout dernièrement que le cas a été réexaminé, et que l’enquête a eu
des conclusions favorables pour la visionnaire dont les déclarations faites à plu-
sieurs reprises ont été passées au crible.
l'Église ne les condamne pas et qu'elle permet aux fidèles
d'y prendre part.
Ainsi, par exemple, celui de Saint-Banzille-de-la-Sylvie,
où la Vierge apparut en 1873 ; l'évêque du diocèse prit
cette décision du fait de la persistance de divergences de
vues irréductibles au sein même de la Commission nom-
mée pour l'enquête. Des cas comme celui-ci créent natu-
rellement des déchirements, notamment dans la cons-
cience du croyant.
Dans l'île de Bouchard, où se produisirent des événe-
ments analogues, l'autorisation du culte ne fut accordée
qu'après plusieurs années, eu égard à l'esprit de dévotion
et à l'obédience tant des visionnaires que des pèlerins.
Mais l'ajournement de cette décision causa certainement
bien des peines et des souffrances à tous les protago-
nistes de l’histoire en question.
Le cas de Pellevoisin, où des apparitions se manifestèrent
pour la première fois en 1876, est plus tourmenté et en
cela plus significatif. Précisons tout de suite qu'elles fu-
rent dans un premier temps reconnues puis désavouées
ensuite par les autorités compétentes.
Le 15 février 1876 à Pellevoisin, en France, une fillette de
dix ans, Estèle Faguette, gravement malade par suite
d'une péritonite tuberculeuse, confia au curé que la
Vierge lui était apparue et lui avait dit que le samedi sui-
vant exactement, c’est-à-dire cinq jours plus tard, elle de-
vait sortir morte ou vive de sa maladie13. Et ce samedi-là

13
Troublé par cette révélation, le curé eut la présence d’esprit de communiquer à
sept autres personnes ce qu’Estèle lui avait déclaré.
précisément, aussitôt après avoir communié, Estèle gué-
rissait miraculeusement et soudainement tant de sa tu-
berculose péritonéale que d'une paralysie au bras, une
guérison qui fut attestée par le corps médical en l’occur-
rence les docteurs de Buzansais et Hubert qui la soi-
gnaient.
L’évêque tint à rencontrer Estèle, puis autorisa le culte du
scapulaire portant le Sacré-Cœur de Jésus recommandé
par la Vierge à la fillette.
Au cours d'autres apparitions la Vierge annonça à Estèle :
« Je ne serai pas crue et toi tu auras de nombreux tour-
ments ». Mais rien à ce moment ne semblait devoir con-
firmer la prophétie. L’archevêque Charles La Tour vint en
personne visiter les lieux. La Congrégation des Rites ap-
prouva par ailleurs en 1900 le culte du scapulaire.
Après la mort de l'archevêque La Tour, il se produisit un
renversement complet dans l’attitude de l’Église. Son suc-
cesseur annula en effet les décrets qu’il avait pris et fit
fermer la Chapelle, interdisant le culte du scapulaire et
de la Vierge de Pellevoisin. Le curé fut transféré dans une
autre paroisse.
L’abbé René Laurentin, spécialiste des questions ma-
riales, observe que les évêques devraient dans les cas
d’apparition, soutenir et orienter la foi des fidèles, au
moyen de lettres pastorales, et non l’étouffer, ou tenter de
le faire, comme c’est souvent le cas.
On ne s’est en effet pas encore vraiment soucié du drame
psychologique que vivent les visionnaires : ils doivent
avant tout se soumettre au jugement des autorités supé-
rieures.
Or celui qui croit, ne peut renoncer à sa foi, d’où une si-
tuation d’exaltation et de doutes contradictoire. L’affirma-
tion d'une fidélité inconditionnelle à l’Église et, d’autre
part, une transgression, voire une révolte contre les
ordres de l’évêque créent les conditions d’un drame pro-
fond.
Ainsi à Kérizinen, en Bretagne, par exemple, une jeune
femme de vingt-huit ans, gardienne de vaches, Jeanne-
Louise Ramonet, déclara, à la veille du second conflit
mondial, qu’elle avait vu la Vierge. À partir de ce jour, le
15 septembre 1938, l’apparition se manifesta 58 fois en-
core, jusqu’en 1965. Le Christ apparut également à
Jeanne-Louise à partir de 1957, à 24 reprises.
Les récits de la jeune femme suscitèrent immédiatement
chez les gens pitié et émotion. Tout ce que l’on voit se
produire sur les lieux où la nouvelle d’une apparition se
répand ne manqua pas de se produire à Kérizinen.
La note dominante des messages de Kérizinen est le regret
souvent exprimé en d’autres lieux par la Vierge : « Oh. Si
le monde voulait, je n’aurai cessé de l’avertir jusqu’au
bout. Mon cœur saigne de son indifférence... Blottissez-
vous dans mon cœur. »
L’une des prophéties est la suivante :
« Le dernier choc surtout sera épouvantable, moins gé-
néral que le Déluge mais plus cruel, car il sera de feu et
de sang... »
Lors de ses apparitions, la Vierge demande toujours la
construction d’une église, d’un oratoire ou d’une petite
chapelle. C’est ce qu'elle fit également à Kérizinen et,
grâce à la contribution des pèlerins, un oratoire y fut érigé
en 1956. La visionnaire reçut en ce lieu la communion
mystique « d’une main qui lui apparut dans la lumière
entre deux anges à genoux14 ».
On assista également à des phénomènes d’ordre physique
tels que les phénomènes solaires et autres signes lumi-
neux (le 8 décembre 1963), les pluies de pétales blancs et
les parfums dont l’origine demeure mystérieuse.
Ceux qui crurent aux apparitions de Kérizinen, vécurent,
nous l’avons vu, le drame de vouloir à la fois se soumettre
au jugement des autorités ecclésiastiques, aux « décrets
infaillibles de la Sainte Église » tout en refusant et en cri-
tiquant ces mêmes jugements négatifs ou dubitatifs des
autorités.
Ainsi, les interdictions proclamées les 14 octobre 1956 et
24 mars 1961 par l’évêque, Mgr Fauvel, furent bien vite
oubliées tandis que le nouvel évêque nommé en 1968
s'abstint de prononcer tout jugement officiel15.
Certaines manifestations de caractère surnaturel appa-
raissent avoir seulement été « tolérées » par l’Église. Les
apparitions officiellement reconnues dans l’histoire de
l’Église et des croyants sont en revanche très peu nom-
breuses — sept en tout — comme nous venons de le voir.
En ce qui concerne le jugement de l’Église, la doctrine qui

14
B. Billet cite Guy Le Rumeur : Les Apparitions de Kérizinen, Argenton l’Église, et
également, Les Messages du Ciel donnés à Kérizinen (1938-65), Rouen, chez M. Mme
P. Leroy, Rouen.
15
Tout ceci fait que les gens se rendent à Kérizinen avec la mauvaise conscience
d’une presque désobéissance », dit R. Billet.
s’est constituée à travers les siècles est en la matière tou-
jours essentiellement celle du Concile de Trente (1563) et
celle de Prospero Lambertini (futur Benoît XIV, 1740-
1758)16.
Pour une reconnaissance officielle, l'avis de l’évêque du
diocèse dans lequel se produit le phénomène surnaturel
présumé est déterminant, son rôle est primordial.
L’évêque peut, s’il le veut et après s'être informé sur le cas
signalé, nommer une commission en vue de l’examen plus
attentif de ce cas. Au terme des travaux de la Commis-
sion, ce sera à lui de prononcer le jugement qui reconnaî-
tra ou non la présence du divin dans l’apparition en cause
et, par sa reconnaissance, il autorisera le culte.

L’attitude de l’Église face aux apparitions


d’après Giuseppe M. Besutti
(Interview du 14 février 1985)

Qu’est-ce qui peut nous autoriser à croire que


nous nous trouvons en présence d’une véritable
apparition ?
Il nous faut maintenant parler de quelque chose qui sou-
vent nous échappe dans son essence. Vous pourriez me
dire : « Je ne crois pas que le sang versé par Saint Janvier
constitue un miracle ». Mais le fait que ce sang coule est

16
On lui doit entre autres la distinction entre les extases naturelles, préternatu-
relles et surnaturelles (« De servorum Di Beatificatione »).
un fait contrôlable. On peut discuter sur le pourquoi, et
même sur la possibilité d’un truc (il semble qu’il n’y en ait
pas). Quand en revanche quelqu’un me dit : « Dieu m’est
apparu, la Vierge m’est apparue, un Saint m’est apparu
», quelle preuve pouvons-nous avoir ? Cette preuve
échappe aux critères normalement retenus pour une re-
cherche de caractère historique et c’est pour cela que
l’Église est toujours si méfiante, car il est facile de con-
fondre autosuggestion, tromperie, désir du merveilleux.
Quand donc nous trouvons-nous véritablement face à
une apparition ? Quand les journaux et les livres en par-
lent ? Je répondrais par un non catégorique. Il faut nor-
malement l’intervention de l’évêque du lieu qui met en
place une commission formée non seulement de prêtres
mais également de psychologues et de psychanalystes.
Cette commission instruit un véritable procès avec un
procureur et un défenseur ; elle reçoit des dépositions,
procède à des enquêtes et formule ses conclusions, que
l’évêque est libre d’accepter ou non. Il peut demander un
supplément d’enquête comme il peut dire : « Je ne sou-
haite pas répondre ». Ces phénomènes sont donc envisa-
gés avec une très grande prudence et il faut des années
et des années d’enquêtes. Les apparitions de Fatima, par
exemple, se sont produites en 1917 et la commission
d’enquête a terminé ses travaux en 1926. La déclaration
de l’évêque est de 1930 : dans un exposé très bref, limi-
naire, celui-ci affirme que le caractère surnaturel desdites
apparitions est reconnu et que le culte est donc autorisé
sur les lieux où elles se sont produites. Un point c’est
tout. Pas même un mot sur le message, sur les secrets de
Fatima. Il y a en effet toute une série d’interrogations sur
ce qui a été dit après Fatima, mais nous n’avons pas ré-
ussi à reconstituer les faits de manière satisfaisante. Un
cas exemplaire, selon moi, est celui des apparitions sur-
venues en Pologne : en 1976 ou en 1977, l’évêque a re-
connu le caractère extraordinaire de certaines d’entre
elles, qui s’étaient produites un siècle auparavant.
Si l’évêque reconnaît un phénomène d’apparition, la Con-
grégation pour la Doctrine de la Foi n’intervient jamais. Il
est rare qu’un évêque intervienne en même temps que la
Congrégation, à titre de confirmation. Tout dépend de
l’évêque. J’ai eu connaissance de l’original d’une lettre
dans laquelle la Congrégation prenait une position très
dure : il ne s'agissait pas directement d’un cas d’appari-
tion, mais la Congrégation voulait sans doute mettre fin
à tout développement ultérieur, à tout afflux de pèlerins.
Parfois, les choses reviennent lentement dans l’ordre, il
n’y a pas de réponse et tout le ferment retombe petit à
petit.
Dans le cas des Trois Fontaines à Rome, le culte a en re-
vanche été interdit au début — il n’y avait même pas un
autel — aujourd’hui des messes sont célébrées régulière-
ment. C’est un pas en avant, bien que je n’aie jamais lu
aucune déclaration officielle de reconnaissance de l’appa-
rition.
Un cas qui m’a toujours laissé perplexe est celui des ap-
paritions d’Irlande. Je n’ai pas réussi à trouver de docu-
ments probants sur ces faits. J’ai envoyé des confrères
sur place mais ils n’ont rien trouvé. Je sais que deux com-
missions d’enquête ont été instituées au siècle dernier,
qu’elles auraient émis un jugement positif mais que
l’évêque ne s’est pas prononcé. J’ignore pour quel motif il
ne l’a pas fait, mais je sais de manière certaine que le
nombre des apparitions, des phénomènes extraordi-
naires, qui se sont produits au cours de ces cent cin-
quante dernières années et qui ont été reconnus à l’issue
d’un procès sont rares. Certains disent : « J’ai eu la grâce,
j’ai bénéficié du miracle » et demandent un procès.
L’Église n’impose de toutes façons jamais de croire à l’ap-
parition.
J’ai présenté une enquête lors d’un congrès. Sur la base
d'une liste de tous les sanctuaires existant en Italie,
j'avais envoyé un questionnaire à tous les recteurs de ces
sanctuaires en leur demandant de me répondre sur cer-
tains points. Sans entrer dans les détails, je dirai simple-
ment que les sanctuaires qui étaient présentés comme
tels ne l'étaient en général que dans l'esprit du recteur et
non dans la réalité. Je ne me souviens plus du pourcen-
tage de réponses, mais je sais que j'ai complété mon en-
quête à partir de livres que j'avais sur l'historique des
sanctuaires. Les réponses étaient nombreuses et je tra-
vaillais sur fiches perforées. J'ai ainsi pu réunir certains
éléments essentiels : nombre des apparitions, région, an-
née, bénéficiaire de l'apparition. Sans me livrer à une re-
cherche critique, mais en me fiant à ces réponses, j'ai éva-
lué que sur les 1 200 sanctuaires marials existant en Ita-
lie, 6,5 % seulement étaient liés à un phénomène d'appa-
rition. Les bénéficiaires de ces apparitions sont pour la
plupart des hommes et non des femmes, des adultes et
non des enfants.
— Vous savez quel est le pays où se produisent au-
jourd’hui le plus grand nombre d'apparitions ?
— Non, étant donné que mon étude ne concernait pas
seulement les apparitions mais tous les phénomènes ex-
traordinaires en général. Les apparitions de « Mamma
Rosa » de San Damiano ont suscité il y a plusieurs années
un grand intérêt en France, en Suisse et en Allemagne, et
donc davantage à l’étranger qu'en Italie. On peut se de-
mander pourquoi en Italie des apparitions comme celles
de Garabandal, qui ont bouleversé l'Espagne, ou de Pal-
mar de Troya, où on en est arrivé à avoir un pape et une
église schismatique, n'ont eu aucun retentissement ?
Medjugorje a au contraire suscité un énorme intérêt en
Italie, alors que des phénomènes survenus en Italie n’ont
rien provoqué à l’étranger. Généralement, ce sont les
Français et les Allemands qui sont les plus sensibles à ce
genre de phénomènes. J'ai moi-même entendu parler une
fois d'un cas d'apparition survenu près de Florence, où se
trouve l'un de nos couvents. Je me rendis à ce couvent,
et alors que je demandais des renseignements sur ce qui
s'était passé, je m’entendis répondre : « Ah oui, il y a
quelqu’un qui a vu la Vierge », sur un ton parfaitement
indifférent.
La foi face au miracle :
le témoignage du Père Bianchi

Le 29 novembre 1950
Monseigneur17
J’ai eu l’occasion de lire le rapport que Vous avez rédigé
sur les apparitions de la Sainte Vierge à Marta. J’ai ad-
miré les desseins de la Divine Providence, qui se sous-
trait aux savants de ce monde mais aime à se manifes-
ter auprès des cœurs simples. Mais j’ai aussi apprécié
la clarté de Votre rapport, prudent mais empreint d’un
courageux enthousiasme et de beaucoup de naturel
dans la description des faits.
J’ai pu approcher plusieurs fois les visionnaires de
Marta, qui se trouvent depuis presque un an à l’institu-
tion Santa Teresa in Genova, à Quarto. J’ai assisté à di-
verses extases des fillettes et je suis de temps en temps
informé par la très digne et excellente Supérieure, la
sœur Massa, des événements les plus saillants qui vien-
nent marquer la vie de ces fillettes.
Je n’ai certes aucune compétence pour juger de ce que
les fillettes rapportent sur les visions et sur les états
d’extase dont elles sont l’objet, étant donné que per-
sonne d’entre nous ne peut voir la protagoniste de ces
visions. J’ai cependant noté des faits extérieurs véri-
fiables qui m’ont profondément impressionné et m’ont
porté à croire que ces fillettes sont vraiment en relation

17
La lettre est adressée à Mgr Tommaso De Dominicis, de Marta, (Viterbe), Italie.
étroite avec le Surnaturel.
En janvier (25 janvier 1950), alors que je souhaitais vi-
vement les conseils du Padre Pio sur la façon dont je
devais me comporter face à ces événements, je sentis
bien distinctement (et un autre témoin avec moi) une
odeur de parfum très prononcée et non moins suave,
qui ne pouvait provenir, en cette saison et dans le lieu
où je me trouvais (l’institution où étaient hébergées les
fillettes), ni des fleurs ni des plantes.
Je fus à nouveau frappé par ce phénomène dans un
autre établissement tenu par ces mêmes religieuses, où
sont rassemblées d’autres petites visionnaires. C’était
en octobre dernier et, toujours en présence d’autres té-
moins, je vis certaines de ces fillettes qui avaient été
brûlées par le démon. Je pense que le Seigneur veut, au
travers de ces fillettes, donner au monde un signe par-
ticulier que nous ne connaissons pas encore.
Il est certain qu'en observant ces fillettes, on ne peut
qu’être édifié par les vertus qui semblent peupler leur
vie et que leur approche incite à plus de piété.
Ici, près de nous, dans les montagnes de Casanova Staf-
fora, entre Bobbio et Tortona, la petite Angela Volpini
continue d’affirmer qu'elle a rendez-vous avec la Sainte
Vierge le 4 de chaque mois. Elle a récemment déclaré
que lors de sa vision du 4 novembre dernier, la Vierge
lui avait révélé qu’elle ferait bientôt le miracle tant de
fois promis. Ces apparitions auraient commencé en juin
1947, se renouvelant presque tous les mois jusqu’en
juillet 1948 et elles auraient ensuite repris en février de
cette année. Le 4 novembre dernier, le phénomène so-
laire aurait de nouveau été observé (rotation de l’astre
solaire et changements de couleurs pendant presque
toute la durée de l’extase).
Il est à noter qu’Angela Volpini s’est depuis un an liée
d’amitié avec les petites visionnaires de Marta, pen-
sionnaires à Quarto, dans la province de Gênes, et
qu’elles ont eu ensemble plusieurs visions. Il faut re-
marquer également que tous les mois depuis février
dernier, ces mêmes fillettes entrent en extase à l’heure
précise où Angela Volpini a ses visions sur le Mont Staf-
fora. Il est par ailleurs touchant de voir la tendre amitié
qui lie les petites visionnaires à Angela Volpini.
J’ai eu également l’occasion d’assister plusieurs fois aux
visions présumées d’Angela Volpini. J’ai vu aussi le so-
leil entrer en rotation et changer de couleur à l’heure
fatidique de l’apparition. Il se peut qu’il se soit agi d’un
phénomène optique ; il est toutefois étonnant que ce-
lui-ci ne se reproduise pas systématiquement chaque
fois que l’on regarde le soleil vers quatorze heures,
comme ce devrait être le cas s'il s’agissait d’un banal
effet d’optique.
J’ai ressenti le besoin de me confier un peu à vous,
Monseigneur. Peut-être trouverez-vous mon propos
ennuyeux mais je désire tellement apporter ma contri-
bution, si c’est là la volonté du Tout-Puissant, et faire
savoir à tous ces gens égarés que la Sainte Vierge vient
parmi nous !
Je suis toujours en attente, il est vrai, d’une confirma-
tion de cette vérité, elle serait si réconfortante ! Ces
jours-ci nous sommes nombreux à prier pour que la
Sainte Vierge veuille bien éclairer les esprits, par le
signe qui lui plaira, sur l'authenticité de ses apparitions
à Staffora le quatre de chaque mois. La Sainte Vierge
voudra-t-elle nous écouter ? Ou sommes-nous encore
bien loin de la réalisation de la grave prophétie de la
Vierge à Fatima : « Je viendrai demander la dévotion à
mon Cœur sacré ». Ou encore tout ceci n’est-il qu'hal-
lucination d’esprits malades ? Tout, y compris les pro-
phéties de Fatima ?
Je vous serais très reconnaissant, Monseigneur, si vous
trouviez le temps de me donner quelques éléments de
réponse.
Dans cette attente, je vous prie d'agréer, Monseigneur,
les assurances de ma plus respectueuse considération.
In cordibus Jesu et Mariae.
Signé :
Votre très dévoué
Père Mario Bianchi.
II

Le « nuage de Marie » : un rendez-vous


avec le surnaturel

« Non, elle n’est pas apparue à l'improviste », raconte une


visionnaire de Medjugorje, le village de Yougoslavie où la
Vierge apparaît tous les jours depuis 1981. « De cet en-
droit (où la jeune femme se trouvait avec ses amis), nous
voyions le Podbrdo et les gens qui s’y étaient rassemblés.
Quand nous avons commencé à prier un nuage lumineux
est apparu au-dessus des gens. Mais nous nous sommes
tout de suite aperçus que c'était la Sainte Vierge ; nous
l’avons tout de suite vue clairement. Elle flottait dans les
airs, ses vêtements ondoyaient. Elle venait vers nous.
C’était merveilleux. On ne peut le décrire. »

1. Une énergie inconnue

La science est prête à admettre que le visionnaire est un


sujet capable de capter des énergies inconnues qui exis-
tent probablement dans l’univers. La théologie rejette tou-
tefois le critère d’objectivité lié au raisonnement scienti-
fique : la réalité de la présence du surnaturel ne saurait,
dans les cas authentiques d’apparition, être mesurée, au
même titre que la fréquence et la longueur d’onde des vi-
brations énergétiques. « Si le Christ ou la Vierge veulent
se manifester, il s’agira d’une communication « sui gene-
ris », réplique à son tour le théologien « mariologue » René
Laurentin.
Le « nuage de Marie », présent dans tous les récits de ceux
qui affirment avoir eu des visions surnaturelles, peut
donc être cette forme de communication « sui generis ».

Le signe ou symbole

Le « nuage » est par conséquent un « signe »18, ce signe


étant une manifestation concrète qui n’apparaît pas par
hasard. Il a en effet un sens profond, une valeur plus
grande qu’il n’y paraît. Derrière le signe se cache l’idée qui
le sous-tend et le fait exister.
C’est ainsi qu’en février 1931, sœur Faustha Kawalska
était amenée à parler comme le Christ : « Avant le jour de
la justice, un signe apparaîtra dans le ciel et sur la terre.
Ce sera le Signe de la Croix, et de chacune de mes Plaies
aux mains et aux pieds sortira une lumière intense qui
illuminera la Terre pendant quelques minutes. »

18
Dans la Symbolique, le nuage est « instrument des apothéoses et des épiphanies
» (J. Chevalier. A. Gheerbrandt, Dictionnaire des symboles, R. Laffont-Jupiter, Paris,
1982 (Ed. revue et corrigée).
Les signes des temps

Tout ce qui se produit dans le monde est d’ailleurs « signe


». Voici les signes négatifs de notre temps tels qu’ils sont
énumérés par les visionnaires :
« La pollution de l’air, de l'eau, des plantes ; les tortures
infligées aux animaux ; les tremblements de terre, les
raz-de-marée, les éruptions volcaniques, les déluges de
grêle, les incendies dévastateurs, le temps extrême-
ment variable avec une chaleur excessive ou un froid
dur, les ouragans et les tornades impromptus, les
énormes catastrophes, les morts subites, la famine, les
pénuries, les épidémies, les maladies mystérieuses...
Les révolutions et les guerres continuelles, les atten-
tats, les enlèvements, les massacres, les tortures, les
persécutions religieuses et politiques, le vertige démo-
cratique, la course effrénée aux armements...
La désaffection croissante pour la religion, le manque
de Foi et de connaissance de la Vérité, l’apostasie gé-
néralisée, l’immoralité galopante avec une exaltation
du sexe et un avilissement de la femme considérée
comme objet ; la corruption des esprits et le renverse-
ment des valeurs, accompagnés d’une dégradation mo-
rale dans tous les domaines, d’une hérésie dans l’action
qui proclame la « mort de Dieu » et élève l’homme au
rang de l’indépendance ; la destruction de la famille et
de tout ordre constitué ; une enfance privée d’inno-
cence, une jeunesse sans idéaux, des vieillards rejetés
ou abêtis ; la drogue, la dissolution des mœurs, le vide
spirituel et une complicité insensée avec la mentalité
du monde, particulièrement de la part des ecclésias-
tiques ; l’idolâtrie dominante ; les plaisirs, les divertis-
sements, l'argent, le bien-être, l’étourdissement dans
les passe-temps et les vanités ; le cinéma, la télévision,
le théâtre, les journaux pornographiques en vente
libre, les blasphèmes, les obscénités sacrilèges accep-
tées tout naturellement dans un langage parvenu à un
degré de vulgarité inattendu ; d’incessantes profana-
tions, des vols, le brigandage, le terrorisme...
Et encore les hérésies, les divisions, l’avarice et le pro-
fond égoïsme des catholiques, la décadence des insti-
tutions religieuses ; avec une navrante vacuité de la vie
intérieure et de la connaissance des choses sacrées et
un gaspillage de l’argent dans les choses profanes.19 »
« Les autres moyens ayant tous été méprisés par les
hommes, la Sainte Vierge nous offre en tremblant la
dernière planche de salut : Sa venue en personne, Ses
nombreuses Apparitions, Ses larmes, les Messages de
visionnaires dispersés dans toutes les parties du
monde. »
L’exemple en est la communication faite le 22 mai 1958
au père Agostino Fuentes par Lucia di Jesus Santos, de
Fatima :
« Père, la Vierge et très fâchée car on n’a pas prêté at-
tention à son Message de 1917. Ni les bons ni les mé-
chants n’en ont tenu compte. Les bons suivent leur che-
min sans se préoccuper et ils ne respectent pas les

19
Joan P. Couliano : Esperienze dell’estasi dall’Ellenismo al Medioevo, Laterza,
Rome-Bari, 1986, p. 5.
règles célestes ; les mauvais qui sont sur la large voie
de la perdition ne tiennent aucun compte des châti-
ments annoncés. Croyez-moi, Père, le Seigneur notre
Dieu enverra bientôt son châtiment sur le monde. Ce
châtiment sera matériel. Songez, Père, à toutes ces
âmes qui tomberont en enfer si l’on ne prie pas et si
l’on ne fait pas pénitence. C’est la raison pour laquelle
la Sainte Vierge est triste.
Père, dites à tous ce que la Sainte Vierge m’a dit à
maintes reprises :
« Nombreuses seront les nations qui disparaîtront de la
surface de la terre. Des nations sans Dieu : c'est le fléau
que Dieu a lui-même choisi pour châtier les hommes
s’ils n’obtiennent pas, par la Prière et les Saints Sacre-
ments, la grâce de leur conversion. »
Dites-le, Père, que le démon est en train d'engager la
bataille décisive contre la Sainte Vierge (...)
La Vierge a dit expressément : « Nous approchons des
derniers jours », et elle me l’a répété trois fois. Elle a
d’abord affirmé que le démon avait entamé la lutte dé-
cisive de laquelle l’un des deux sortirait vainqueur ;
nous devons être ou avec Dieu ou avec le démon. La
seconde fois, elle m’a répété que les derniers remèdes
qui s'offrent au monde sont : le Saint Rosaire et la dé-
votion au Cœur Immaculé de Marie.20 »

20
Cf. « L'Araldo di S.Antonio», n° 15, 1975.
2. La Vierge de Sofferetti, Maria Valtorta et le
Padre Pio

Plusieurs messages de la Vierge de Sofferetti

Jeudi 24 octobre 1985 : « Je suis descendue sur la terre


pour demander que l’on prie pour le salut du monde.
Priez, priez tous, nous avons tant besoin de prières. Dans
mon royaume, le temps s’écoule lentement, chaque chose
en son temps. »
Dimanche 27 octobre 1985 : « Vous avez une âme mais
vous l’avez oubliée ; vous avez oublié beaucoup de
choses : le jeûne et la prière. Priez, il y en a tant besoin. »
Jeudi 30 janvier 1986 : « Je promets la Grâce nécesaire à
ceux qui chaque samedi du mois se confesseront et réci-
teront le rosaire avec l’intention de faire pénitence. Parmi
vous se trouve l’Agneau de la Paix. La Paix. Je veux la
Paix. Ecoutez-moi. Je demande la Paix. »
Dimanche 23 février 1986 : « Mes enfants, je dis que si
vous faites ce que je demande, il n’y aura pas de châti-
ments et j’écouterai vos prières. Autrement sachez qu’il y
aura de nombreux châtiments. »
Dimanche 2 mars 1986 : « Mes enfants, je mets entre vos
mains l’arme la plus grande qui puisse vous sauver : la
prière au Seigneur. Enfants indignes, pourquoi ne
m’écoutez-vous pas ? Convertissez-vous, convertissez-
vous, c’est votre Mère qui vous le demande. »
Dimanche 22 juin 1986 : « La paix soit avec vous. Mes en-
fants, je voudrais que vous écoutiez ce que je suis en train
de dire. Je suis venue pour vous unir et vous guider sur
la bonne voie, mais vous êtes en train de tout changer.
Priez beaucoup et écoutez ce que je suis en train de vous
dire, autrement pour vous punir de tout cela je vous
abandonnerai. Priez beaucoup pour que ceci n’arrive pas.
» Dimanche 6 juillet 1986 : « Mes enfants, je suis venue
parmi vous pour demander Miséricorde. Je vous de-
mande d’ouvrir vos cœurs et d’accepter tous les sacrifices
pour l’amour de Dieu. Je vous demande de beaucoup
prier, car vous ne savez pas ce que Dieu vous enverra.
Écoutez-moi. »

Les prophéties de la « visionnaire » Maria Valtorta

(23-VII-43 Q 4) : « ... Comme les premiers (martyrs), les


derniers seront fauchés... dans la persécution extrême. »
(20-VIII-43 Q 2) : « Il ne vous reste plus qu’à prier pour
ceux qui devront le subir... pour que la Force ne leur fasse
pas défaut et qu’ils ne se comptent pas au nombre de
ceux qui... blasphémeront au lieu d’appeler Dieu à leur
secours. Beaucoup d’entre eux sont déjà sur la Terre et
leur semence sera sept fois plus démoniaque qu’eux. »
(23-1-44 Q 13) : « Les derniers temps de trois ans et six
mois, plus terribles que ce que l’homme n’a jamais connu,
seront ceux où Satan, à travers son fils, brûlant d’une
profonde amertume, ... car même la scission entre les
deux branches du Peuple de Dieu aura pris fin... usera de
ses parfaites et ultimes astuces pour semer le mal et la
ruine et tuer le Christ dans les cœurs. Les sages (par un
don spirituel) comprendront le piège... car celui qui pos-
sède la Sagesse véritable est éclairé. Les impies suivront
le Mal et feront le mal, ne pouvant comprendre le Bien...
Alors viendra le temps où... l’Église ne sera plus libre de
célébrer le sacrifice éternel, et où l’abomination de la dé-
solation se lèvera sur le saint lieu... Pendant trois années
et demie l’horreur régnera sur le monde. »
(29-X-43 Q 8) : « La famine et la mortalité due aux épidé-
mies seront l'un des signes précurseurs de Ma deuxième
Venue sur Terre. La faim, engendrée par les violences et
la guerre... par l’arrêt, voulu par Dieu, les Lois cosmiques,
en conséquence de quoi le coup sera rude et prolongé, la
chaleur brûlante et non atténuée par la pluie, les saisons
interverties... la faim tourmentera cruellement cette race
arrogante et ennemie de Dieu. Les animaux... seront as-
saillis de toutes parts... »
(12-XI-43 Q 9) : « L’ère de Satan sera trois fois plus cruelle
que celle de l'Antéchrist. Mais elle sera brève. »
(20-VIII-43 Q 2) : « (L’Antéchrist régnera) jusqu’à ce que
Dieu dise « assez » et il les foudroiera par son apparition».
(12-XI-43 Q 9) : « ... Satan opposera à Mon Règne spirituel
et à mon Savoir sa guerre diabolique contre les esprits...
et, de ses réserves, de ses forteresses, où se terrent ceux
qui sont demeurés fidèles à la Bête, même après la défaite
de celle-ci et de Son Ministre (antipape), il dépêchera les
émissaires corrupteurs en vue de détruire une dernière
fois l’Œuvre de Dieu... vous serez si pervertis que vous
prendrez pour des prodiges célestes ce qui n’est que créa-
tion infernale. »
(11-XII-43 Q 10) : « D’un clergé qui cultive trop le rationa-
lisme et qui est trop au service du pouvoir politique, il ne
peut fatalement que venir une période très obscure pour
l’Église... »
(23-VII-43 Q 4) : « Lorsque le temps viendra, de nom-
breuses étoiles seront emportées dans les spires de Luci-
fer... Tu comprends ce que sont ces étoiles dont je parle ?
Ce sont celles que J’ai définies comme le Sel de la Terre
et la Lumière du Monde...
Vos facultés de compréhension se sont émoussées... dans
la fumée des vanités humaines, par abus de contacts
charnels... du fait de votre pervertissement. »
1943 : « Quand sera venu le temps de lire, l’humanité aura
atteint la perfection dans le vice... »
(11-XI-43 Q 9) : « Mes enfants, commencez la marche vers
la Lumière du Seigneur (formez-vous à l’intérieur de vous-
mêmes) ... entreprenez ce nouvel Exode (en fuyant Baby-
lone corrompue) vers la nouvelle Terre que Je vous pro-
mets... séparez-vous de ceux qui sont des idolâtres de Sa-
tan, du monde et de la chair... séparez-vous-en pour ne
pas être contaminés par eux. Vous n’êtes pas assez forts
pour pouvoir vivre au milieu d'eux sans risque... Imitez
les premiers chrétiens. Sachez vivre dans le monde, mais
isolés du monde, forts de votre amour pour Dieu... priez
pour eux... et cela suffit. Les mots ne pénètrent pas chez
ceux qui sont fermés à la Parole... »
(18-XI-43 Q 9) : « Éloignez-vous, détachez-vous tant que
vous le pouvez des lois de la Bête (pouvoir socio-politique),
écartez-vous d’Elle. Son destin est déjà tracé. Lorsque la
main de Dieu découpera l’horrible Bête en morceaux...
faites en sorte d’être loin de ceux-ci. À Babylone qui naît,
et qui connaîtra son apogée en tant qu'empire, succédera
un jour la Jérusalem sainte. »

La prophétie de Padre Pio

(Padre Pio avait reçu du ciel la révélation de la fin des


temps et il en avait été très chagriné. Le texte qui suit est
celui d’une communication parvenue au Vatican à une
date non précisée.)
« Je viendrai sur la Terre dans un terrible bruit de ton-
nerre... pendant une nuit de froidure des mois d’hiver.
Un terrible vent du sud précédera la tempête. De gros
grêlons détruiront la Terre. De lourds nuages de braise
décocheront les éclairs dévastateurs, incendiant et
consumant tout sur leur passage... L’air s'emplira de
substances toxiques et de vapeurs mortelles. Des tour-
billons détruiront les superbes édifices... érigés dans
l'ivresse du sentiment de puissance et comme témoi-
gnage d'un effort de volonté.
Mais l’homme doit savoir qu’il y a une volonté au-des-
sus de lui, laquelle fera crouler les étages très élevés
(gratte-ciel) de ces idoles comme des châteaux de
cartes. L’Ange Exterminateur de Dieu gommera pour
toujours la vie des nouveaux riches... Lorsque l’Ange de
la mort fauchera l’ivraie avec l’Épée de la Justice, l’enfer
se déchaînera avec violence et se retournera contre le
juste, surtout contre Mes victimes expiatoires, et il ten-
tera de les détruire en provoquant les craintes les plus
épouvantables...
Je vous donnerai un signe qui vous indiquera le début
du Jugement : par une froide nuit d’hiver, le tonnerre
résonnera sur la Terre et les arbres trembleront. Vous
devrez alors fermer portes et fenêtres et cacher l'exté-
rieur à votre vue : vos yeux ne doivent pas voir le plus
terrible des châtiments et ne doivent pas profaner l’ire
de Dieu par des regards curieux car celle-ci est sainte et
elle purifiera la Terre pour vous, petit Troupeau de-
meuré fidèle. Recueillez-vous en pensée devant un Cru-
cifix, placez-vous sous la protection de Ma Sainte Mère
et n’ayez pas de crainte, quoi que vous voyiez et res-
sentiez (diables). Battez-vous (en esprit) avec con-
fiance... et ne doutez pas de votre salut. Plus votre con-
fiance en Mon Amour sera forte et plus le rempart dont
je vous entourerai sera infranchissable. Battez-vous
pour les âmes qui vous sont proches. Tenez bon pen-
dant un jour et une nuit. La nuit qui suivra cette terrible
nuit et le jour d’après apaiseront les craintes. Au jour
naissant, le soleil luira de nouveau et ramènera la lu-
mière et la chaleur après l'horreur des brèves té-
nèbres.»
III

Au royaume des visionnaires

1. 1531 : Le manteau et les roses de Juan Diego

Sur les bancs d’une église romane parmi tant d’autres, on


peut trouver, laissé là à l’attention des visiteurs, un joli
petit livre illustré de dessins naïfs : c’est le récit le plus
ancien des apparitions de la Vierge de Guadalupe 21.
Cet ouvrage fut écrit par le père Antonio Valeriano, d’ori-
gine indienne, né en 1520 et mort en 1605, qui avait en
1545 consigné par écrit les événements prodigieux qu’il
avait entendu raconter de vive voix par les témoins de
langue « nahuatl »22.
C’était vers la fin de l’année 1531. À Mexico et dans la
province de la Nouvelle-Espagne, sous domination espa-
gnole depuis dix ans, la guerre ayant pris fin, l'Évangile
avait commencé à être diffusé par les Pères Franciscains

21
L'opuscule a pour titre « Nican Mopohua » et l’église est celle de Notre-Dame de
Guadalupe, paroisse des Pères Légionnaires du Christ, une congrégation fondée au
Mexique en 1941 par le père Marcial Maciel.
22
La traduction de l'espagnol en italien est de Walter Puccini, auteur de « Le prodi-
giose rose del Tepeyrac », éd. De Rossi, Tivoli.
qui avaient débarqué dans le pays en 1524.
Le samedi 9 décembre au matin, de très bonne heure,
avant l’aube, un indien pauvre et fruste, humble et bon,
originaire du village de Cuautitlan — situé à seize kilo-
mètres seulement de Mexico — et venant de se convertir
à la foi du Christ (il avait choisi comme nom de baptême
Juan mais on le surnommait Diego), se dirigeait du village
de Polpetlac, où il demeurait avec son épouse Maria Lu-
cia, une indienne, vers le temple de Saint Jacques Majeur
— Saint patron de l’Espagne — où se tenait la paroisse
des Pères Franciscains, dans le quartier de Tlaltelolco. Il
venait y écouter la Sainte Messe célébrée en l’honneur de
la Vierge.
Arrivé à l’aube au pied de la petite colline de Tepeyac, qui
s’élève au-dessus de la plaine, près du lac de Texcoco,
l’indien entendit un doux chant mélodieux qui semblait
provenir d’un vol d’oiseaux dont le singulier concert était
répercuté par la haute crête.
Levant les yeux vers le lieu d’où provenait la douce mu-
sique, il vit un nuage blanc lumineux, entouré d’un arc-
en-ciel produit par la vive lumière qui émanait de son
centre.
Juan Diego resta ébahi, plongé dans un doux ravisse-
ment, n’éprouvant aucune crainte ni aucun trouble mais
sentant au fond de son cœur une joie profonde et inexpli-
cable qui le fit s’exclamer : « Qu’est-ce que j’entends et
que je vois ? Où est-ce qu’on m’emmène ? J’ai peut-être
été transporté au Paradis terrestre, au lieu originel du
genre humain ? ».
Alors qu’il était encore plongé dans l’extase, le chant
cessa et Juan Diego s’entendit appeler par son nom.
C’était une voix de femme, douce et délicate, qui venait
du cœur du nuage et l’invitait à s’approcher.
Humblement, l’indien monta la colline en courant — il
était alors quatre heures du matin — et il s'approcha du
nuage lumineux : il vit au centre de cette splendeur une
très belle Dame dont les vêtements étaient si lumineux
que, frappées par la lumière, les roches dépouillées alen-
tour chatoyaient de mille feux comme des pierres pré-
cieuses et les feuilles des quelques rares plantes d’aubé-
pine, qui avaient beaucoup de mal à pousser à cet en-
droit, ressemblaient à des émeraudes, tandis que leurs
troncs, leurs rameaux et leurs épines brillaient comme de
l’or.
La belle Dame au visage doux et aimable s'adressa à lui
dans la langue du Mexique : « Juan Diego, mon fils que
j'aime tendrement comme un enfant, où vas-tu ? »
L’indien répondit : « Je vais, Ô ma douce Patronne, à
Mexico, dans le quartier de Tlaltelolco, pour entendre la
Sainte Messe célébrée par les ministres de Dieu ».
Sur cette réponse, la douce Dame ajouta : « Sache, mon
fils bien-aimé, que je suis la Vierge Marie, Mère du Dieu
véritable, Auteur de la Vie, Créateur de l'Univers et Sei-
gneur du Ciel et de la Terre, omniprésent ; je souhaite que
tu fasses édifier un temple en ce lieu à partir duquel,
pleine de compassion à ton égard et à l'égard de tes sem-
blables, je montrerai, telle une Mère, ma douce clémence
aux indigènes et à ceux qui m’aiment et me cherchent. Là
j'écouterai les suppliques et les plaintes de tous ceux qui
demanderont ma protection et m’invoqueront dans leurs
tourments et dans leurs peines ; là je les consolerai et les
assisterai. Pour que s’accomplisse ma volonté, tu te ren-
dras à Mexico, au palais épiscopal, et tu diras à l’évêque
que c’est moi qui t’envoie et qui souhaite qu’il fasse ériger
un temple en ce lieu. Tu lui raconteras ce que tu as vu et
entendu et sois certain que je te serai reconnaissante
pour tout ce que tu feras pour moi à l’occasion de cette
mission que je t'ai confiée, et que je parlerai de toi. Main-
tenant que tu sais ce que je souhaite, va en paix, mon fils,
et souviens-toi que je récompenserai tes efforts et ta dili-
gence ; fais tout ce qu’il est en ton pouvoir de faire. »
Juan Diego se prosterna à terre et répondit : « Je vais faire
exécuter vos ordres, Ô très noble Dame, comme un
humble serviteur. Soyez tranquille. »
Il fallut cependant quatre visites supplémentaires de Ma-
rie et plusieurs miracles de sa part pour convaincre
l’évêque de l’authenticité de l’apparition. À six heures du
matin, le 12 décembre 1531, la Vierge descendit du mont
Tepeyac, toujours entourée d’un nuage blanc, et elle se
présenta à l’indien qui, troublé et affligé, était à la re-
cherche d’un prêtre pour son oncle gravement malade.
Elle le réconforta en lui disant que son parent était guéri.
Rassuré et content, l’indien répondit : « Alors, belle Dame,
envoyez-moi chez l’évêque et donnez-moi le signe dont
vous m’avez parlé, afin qu’il me croie ».
La Sainte Vierge lui dit : « Mon très cher fils, monte jus-
qu'au sommet de la colline sur laquelle tu m’as vue et où
tu m’as parlé, cueille les roses que tu y trouveras, mets-
les dans ton manteau, puis apporte-les-moi. Je te dirai
alors ce que tu dois faire et dire. »
L’indien obéit sans mot dire, bien que sachant avec certi-
tude qu’il n’y avait pas de fleurs en ce lieu : ce ne sont là
en effet que roches escarpées sur lesquelles aucune fleur
ne saurait pousser. Arrivé en haut de la colline, il trouva
un jardin de roses de Castille, fraîches et délicatement
parfumées, couvertes de rosée.
Il déposa son manteau à terre, cueillit autant de fleurs
qu’il pouvait en contenir et les apporta ensuite à la Vierge
Marie qui attendait au pied d’un arbre que les indiens ap-
pellent « cuauzahualt ».
Humblement, l’indien montra à la Vierge les roses qu’il
avait cueillies : celle-ci les prit et les mit dans le manteau
(poncho), puis elle dit :
« Voici le signe que tu dois apporter à l’évêque. Tu lui
diras qu’après avoir eu cette preuve il doit faire ce que
je lui ai demandé. Fais attention, mon fils, à ce que je te
dis et souviens-toi que je place ma confiance en toi. En
chemin, ne montre à personne ce que tu portes et
n’ouvre ton manteau qu’en présence de l’évêque. Ra-
conte-lui alors ce que je t’ai ordonné de faire ; ce sera
là la preuve qui lui donnera le courage de faire élever
mon temple. »
Sur ces mots, la Vierge disparut. L’indien fut très content
d’avoir reçu le signe, car il comprenait que le message al-
lait finalement être perçu.
Il portait les roses avec grand soin, les regardant de temps
en temps et en appréciant la beauté et le parfum.
Parvenu à l’évêché avec son message, Juan Diego de-
manda à plusieurs domestiques d’avertir l’évêque de sa
présence, mais il ne fut pas entendu tout de suite.
Les domestiques avaient remarqué qu’il portait quelque
chose dans son manteau et ils tentèrent de voir ce dont il
s’agissait. Malgré la résistance qu’il opposa, ils réussirent
à découvrir légèrement le précieux paquet et à voir les
roses qu’il contenait.
Elles étaient si belles qu’ils essayèrent d’en prendre
quelques-unes, sans y réussir. Elles semblaient peintes
ou tissées dans le manteau. Les serviteurs coururent ra-
conter ce qu’ils avaient vu à l’évêque.
Introduit auprès du prélat, Juan Diego rapporta le mes-
sage et dit qu’il apportait le signe demandé à la Vierge,
dont il était le messager. Il ouvrit le manteau et les roses
tombèrent sur le sol ; sur le tissu grossier du poncho, à
la place des fleurs, on vit alors se dessiner l’image de la
Très Sainte Vierge, que l’on peut encore admirer de nos
jours.
Il était onze heures, ce 12 décembre 1531.

2. 1830 : la vision de Catherine Labouré : une mé-


daille miraculeuse

La bague de la Vierge, dont les rayons symboli-


sent ses grâces — La vision d’une médaille de la
Vierge — La médaille la plus vendue de tous les
temps.
La jeune religieuse, Catherine Labouré, native de la Bour-
gogne, eut en tout trois visions. Au cours des deux der-
nières, la Vierge lui suggéra de faire réaliser une médaille
miraculeuse portant son image en lui indiquant comment
elle devait procéder.
... Le révérend Aladel, confesseur de Catherine, fut le seul
à recueillir peu après ses confidences :
« Le 27 novembre 1830, qui était un samedi veille du
premier dimanche de l'Avent, à cinq heures et demie
du soir, après le moment de la méditation en grand si-
lence, soit quelques minutes après, il m'a semblé en-
tendre du bruit du côté de la tribune, près du tableau
de Saint-Joseph, comme le frou-frou d’un vêtement de
soie. En regardant de ce côté, j’ai vu la Sainte Vierge à
la hauteur du tableau. Elle se tenait debout et était ha-
billée de blanc, portant une robe en soie blanche
comme l'aube avec des manches plates, un voile blanc
qui lui descendait jusqu’aux pieds et j'ai pu voir en des-
sous de son voile ses cheveux ramassés en bandeaux
sur lesquels était posé un léger ruban de dentelle d’en-
viron trois centimètres de hauteur, non plissé ; son vi-
sage était en grande partie découvert et ses pieds re-
posaient sur un globe, ou plutôt une moitié de globe,
du moins c’est ce qu’il m'a semblé. Entre ses mains, le-
vées à la hauteur de la poitrine, de manière très natu-
relle, elle tenait un autre globe, les yeux élevés vers le
ciel.
À ce moment-là, elle n'était que beauté, je ne saurais la
décrire... Puis tout à coup j'ai vu des bagues à ses
doigts, couvertes de pierres précieuses plus belles les
unes que les autres, de plus ou moins grosse taille et
brillant de tout leur éclat. Les plus grosses lançaient de
longs rayons qui ne faisaient que grandir et les rayons
émis par les plus petites s'élargissaient vers le bas, cou-
vrant toute la partie inférieure, ce qui fait que je ne
voyais plus ses pieds... À ce moment précis, alors que
j'étais en contemplation devant Elle, la Sainte Vierge
baissa les yeux pour regarder vers moi. J'entendis une
voix me dire : « Ce globe que vous voyez représente le
monde entier et particulièrement la France, et chaque
personne en particulier »... Je ne puis exprimer ce que
j’ai alors ressenti et ce qui m’a frappé : la beauté et la
splendeur, ces rayons si beaux... « Ils sont le symbole
des grâces que je répands sur les personnes qui me les
demandent. » Elle me fit comprendre combien les
prières à la Sainte Vierge étaient appréciées et combien
elle était généreuse envers les personnes qui la
priaient... combien de grâces elle accordait aux per-
sonnes qui les lui demandaient, quelle joie elle éprou-
vait à les leur accorder... À ce moment-là, j'existais et je
n’existais pas... j'éprouvais une grande jouissance, je ne
sais...
Autour de la Sainte Vierge il se forma un tableau de
forme légèrement ovale en haut duquel les mots sui-
vants étaient inscrits en lettres d’or : « O Marie conçue
sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ».
Une voix se fit alors entendre qui disait : « Faites, faites
frapper une médaille sur ce modèle. Les personnes qui
la porteront recevront de grandes grâces. Les grâces se-
ront abondantes sur les personnes qui auront con-
fiance »...
À cet instant, il m’a semblé que le tableau se retournait
et je vis le revers de la médaille. Je m’inquiétais de sa-
voir ce qu’il fallait mettre au dos de la médaille quand,
après maintes prières, il me sembla un jour pendant la
méditation entendre une voix qui me dit : « La lettre M
et deux Cœurs en disent assez ».
Maintenant, deux ans plus tard, je suis tourmentée et
suis chargée de vous dire de faire élever un autel,
comme je vous en ai prié, à l’endroit où est apparue la
Sainte Vierge ; il sera le lieu privilégié de maintes grâces
et de maintes indulgences. Il y aura également abon-
dance de grâces pour vous et pour toute la commu-
nauté, ainsi que pour toutes les personnes qui vien-
dront la prier ».23
Le procès canonique sur les faits de la rue du Bac s’ouvrit
en 1836, sur ordre de l’archevêque de Paris. Mais Cathe-
rine Labouré ayant refusé de témoigner sur ses propres
visions, l’Église ne put les reconnaître officiellement. Elles
le furent toutefois officieusement. Des papes, tels Gré-
goire XVI et Pie IX, ont porté la « médaille miraculeuse ».
Elle est ainsi devenue la médaille la plus vendue de tous
les temps, des millions d’exemplaires étant dispersés
dans toutes les parties du monde. La Vierge était apparue
à la novice toute revêtue de soleil. De nombreux vision-
naires firent ensuite une description de leur apparition
qui évoquait le fameux passage de l’Apocalypse de Saint
Jean où est justement annoncée, pour la fin des temps,
l’apparition d’une femme « entourée de soleil, avec la lune

23
Cf. page suivante.
à ses pieds et couronnée d'étoiles ». (Apocalypse, 12, 1).
En 1841, le révérend Aladel demanda à la religieuse de
faire un rapport écrit sur le récit qu’il avait lui-même pu-
blié dans une lettre du 17 mars 1834 et dans la Notice
historique sur l’origine et les effets de la Nouvelle Mé-
daille... généralement connue sous le nom de Médaille Mi-
raculeuse. Sœur Catherine rédigea donc la même année
trois rapports sur l’apparition qu’elle avait eue le 27 no-
vembre et qui concernait la Médaille. L’apparition de la
nuit du 19 au 20 juillet devait être décrite par la suite à
la demande des révérends Aladel (1856) et Chevalier, au-
quel on doit la dernière édition de la Notice sur la Médaille
et qui fut le confident de Sœur Catherine au cours des
derniers mois de sa vie et jusqu’à sa mort en 187624.

3. 1846 : La Prophétie de La Salette. Les deux


voyants : Mélanie Calvat et Maximin Giraud
racontent l'apparition à l'abbé Lagier

Françoise-Mélanie Calvat naît le 7 novembre 1831 dans


une famille très pauvre qui ne compte pas moins de huit
enfants, trois filles et cinq garçons. Le père est bûcheron.
Dès l’âge de dix ans, Mélanie est placée dans la montagne
pour y garder les troupeaux. Elle travaille aussi le di-
manche et ne va donc pas à la messe. Elle est par ailleurs
analphabète. Au moment de l’apparition de septembre

24
D’après J. Guitton, Rue du Bac ou la superstition dépassée. Éd. S.O.S.
1846, elle se trouve depuis neuf mois au service de Bap-
tiste Prat, propriétaire de l’une des dix fermes qui entou-
rent le village de La Salette, les Ablandes.
Né le 27 août 1835, Pierre-Maximin Giraud est issu d’une
famille moins défavorisée. Il n’est pas encore allé à l’école.
C’est uniquement pour rendre service à un ami de son
père, François Selme, qu’il conduit cette semaine-là ses
vaches malades pour les faire paître dans la montagne.
Mélanie et Maximin ne s’étaient jamais rencontrés aupa-
ravant.
Ce samedi 19 septembre 1846 au matin, Mélanie et Maxi-
min marchent pendant deux heures, accompagnant cha-
cun leurs quatre vaches. Arrivés sur le pré communal à
midi, ils mènent les bêtes au ruisseau Sezia qui coule au
fond du vallon. Après qu’elles se soient abreuvées, ils les
font remonter vers une prairie où elles peuvent brouter et
ruminer en paix. Les deux enfants retournent alors au
ruisseau et s'assoient sur les pierres pour faire collation.
Ils traversent ensuite le petit cours d’eau avec leur sac
pour chercher un peu plus d’ombre. Là ils s'endorment
sur l’herbe. À un certain moment, Mélanie s’éveille et ré-
veille Maximin, s'inquiétant de ce que deviennent les
vaches. Ils se précipitent alors tous deux vers le lieu où
ils les ont laissées, après avoir traversé de nouveau le
ruisseau. Une fois rassurés, ils reviennent sur leurs pas,
redescendant le long de la pente pour aller rechercher
leur sac.
Les deux voyants, interrogés par l'abbé Lagier en février
1847, racontent ainsi le déroulement de l'apparition, qui
fut officiellement reconnue par Mgr Bruillard le 19 dé-
cembre 1851.
— Comme je regardais en descendant (Mémin était der-
rière moi) j'ai commencé à voir une clarté.
— Où as-tu vu cette clarté ?
— Elle était là-bas sur des pierres, les unes sur les autres,
nos sacs y étaient dessus.
— De sorte que la clarté rayonnait sur vos sacs ?
— Oui : et puis j’ai dit à Mémin : « Mémin, regarde voir là-
bas une clarté ». Il était à deux ou trois pas derrière moi.
Puis il est descendu : « Où est-elle ? où est-elle ? » Et je
lui ai dit : « Là-bas ! » Il est venu à côté de moi et il l’a vue.
Et j’ai dit : « Ô mon Dieu ! » Et puis j’ai vu la clarté se lever
un peu. Je l’ai vue scintiller. Elle était comme ronde.
— Quand vous avez vu cette clarté, n’y avait-il personne ?
— Non.
— Ne voyiez-vous rien que cette clarté ?
— Oui. Quand elle a commencé à bouger, nous ne pou-
vions presque pas la voir, elle nous éblouissait et nous
nous frottions les yeux. Quand nous avons commencé à
la voir, elle virait, nous nous frottions les yeux pour bien
regarder ; et nous l’avons vue s'élever comme à la hauteur
d’une personne : elle était petite et ne nous laissait rien
voir. Et comme elle tournoyait en scintillant, nous avons
commencé à voir le dedans de la clarté, nous avons vu
blanchir les mains et la figure. C’était des mains comme
ça, comme une tête, un peu rond ».
Mélanie mime l’apparition en approchant ses deux mains
ouvertes pour couvrir son front et sa figure. En voyant
cela Mélanie a eu si peur qu’elle en a laissé tomber son
bâton.
Protecteur, Maximin lui dit : « Garde ton bâton ! S’il nous
fait quelque chose, je lui jette un coup de bâton ! »
Mélanie continua :
« Puis nous avons commencé à voir des perles bien bril-
lantes.
— Vous ne voyiez point d’habillement, point de robe ?
— Non, nous ne pouvions pas la voir, la clarté a com-
mencé comme par s’ouvrir, et nous avons vu aussitôt
blanchir ses mains, et presque aussitôt nous avons pu
comprendre que c'étaient des mains, et nous avons vu
autour de ces mains comme une couronne.
— L’avez-vous vue assise dans cette clarté ?
— Oh non ! Nous ne pouvions pas bien voir, nous ne
voyions que luire, nous ne pouvions pas bien voir ce que
c’était : nous voyions ses bras et ses coudes, mais nous
ne pouvions pas bien voir tout le reste. Mais c’était comme
si elle avait été assise et les mains dans la figure.
— Après, la clarté a-t-elle disparu ?
— Non, elle s'est levée et elle était toujours luisante.
— Mais en se levant avez-vous vu une femme tout en-
tière ?
— Oui, nous voyions toujours une clarté et nous avons
vu une femme quand elle s'est levée tout à coup. Elle s’est
mise les bras croisés, toujours comme ça (Mélanie croise
les bras). Nous ne savions que comprendre, et nous avons
vu ensuite que c'était comme une personne, comme une
femme, nous avons bien vu ses doigts et sa figure comme
une femme ; mais parce qu’elle était habillée comme ça,
nous ne savions pas ce que c’était.
— Et comment était-elle habillée ?
— Elle avait une robe blanche avec des perles quand elle
nous parlait et que nous la regardions.
— Vous étiez donc bien près ?
— Nous étions à quatre ou cinq pas loin d’elle. Nous nous
étions arrêtés, quand nous avons vu la clarté, et nous
avions un peu peur. Et quand elle s’est levée droite, et
qu’elle a mis les mains comme ça (Mélanie croise les bras),
elle nous a parlé et s’est approchée de nous autres, bien
après. Au lieu de filer droit, elle est descendue comme si
elle avait voulu suivre l’eau à la descente.
— Combien de pas ?
— Je ne sais pas.
— À peu près.
— Trois ou quatre.
— Et vous autres ?
— Et elle était comme si elle avait été assise quand elle a
commencé à nous dire : « Avancez, mes enfants, je suis
ici pour vous conter une grande nouvelle ». Elle finissait
de parler ainsi en marchant à la descente de l’eau.
— Et vous autres ?
— Aussitôt qu’elle nous a dit d’avancer, nous avons des-
cendu sur le coup, et nous avons traversé le ruisseau près
d’elle. C’est là où nous avions laissé nos petits sacs, celui
de Mémin sur la pierre, le mien à côté. Nous avons joint
la vision, et nous n’avions plus peur.
— Étiez-vous bien près ?
— Nous nous touchions presque : nous étions bien près.
— Avez-vous vu ses mains ?
— Quand elles étaient comme ça, nous ne les voyions pas
(Mélanie a croisé ses bras et mis ses mains sous ses ais-
selles).
— Avez-vous pu distinguer sa figure ?
— Nous ne l'avons pas bien regardée.
— Ne pouviez-vous pas bien la regarder ?
— Sa figure, nous ne pouvions pas bien la regarder long-
temps.
— Et pourquoi ?
— Elle éblouissait bien autour d’elle et nous ne pouvions
pas bien regarder. Nous nous frottions les yeux et puis
nous retournions regarder.
— N'était-elle pas bien belle ? N’as-tu pas vu une bien
belle figure ?
— Elle était bien blanche.
— Bien faite ?
— Oui, comme les autres. Nous n’avons pas bien pu re-
garder. Elle avait une figure blanche et un peu longue. Et
aussitôt que je voulais regarder, elle m'éblouissait et je ne
pouvais pas bien regarder.
— Et que pensais-tu dans le moment ?
— Nous ne pensions rien, nous étions...
— Tu ne croyais pas que c’était une femme ordinaire ?
— Je ne savais pas.
— Comme elle était habillée comme une femme, tu n’as
pas pensé que ce pouvait être une dame de Val-Jouffrey
(bourgade de l’autre côté de la montagne) ?
— Je ne savais pas que penser. Nous écoutions. Quand
nous sommes arrivés tous les deux, elle s’est tournée et
s’est mise devant nous autres. Alors, elle nous a parlé. »
« Puis cette Dame s’est levée droite et nous a dit : « Avan-
cez mes enfants, n’ayez pas peur ! Je suis ici pour vous
conter une grande nouvelle. »
Nous avons passé le ruisseau et elle s’est avancée jusqu’à
l’endroit où nous étions endormis. Puis, elle nous a dit en
pleurant tout le temps qu’elle nous a parlé (j’ai bien vu
couler ses larmes) ;
« Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée
de laisser aller la main de mon fils. Elle est si lourde, si
pesante que je ne puis plus la maintenir. Depuis le
temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que
mon fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le
prier sans cesse ! Et pour vous autres, vous n’en faites
pas cas. Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous
ne pourrez récompenser la peine que j'ai prise pour
vous autres.
Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis ré-
servé le septième, et on ne veut pas me l'accorder !
C’est ça qui appesantit tant la main de mon fils.
Aussi, ceux qui mènent les charrettes ne savent pas ju-
rer sans y ajouter le nom de mon fils. Ce sont les deux
choses qui appesantiront tant la main de mon fils.
Si la récolte se gâte, ce n'est rien que pour vous autres.
Je vous l'ai fait voir l'année passée par les pommes de
terre, vous n'en avez pas fait cas !
Au contraire, quand vous trouviez des pommes de terre
gâtées, vous juriez, vous mettiez le nom de mon fils,
elles vont continuer que cette année pour Noël, il n'y
en aura plus. »
Et puis moi (n'oublions pas que c’est Mélanie qui ra-
conte) je ne comprenais pas bien ce que cela voulait
dire, des pommes de terre. J’allais dire à Maximin : «
Qu'est-ce que cela voulait dire, des pommes de terre !
» Et la Dame nous a dit :
« Vous ne comprenez pas mes enfants, je m'en vais
vous le dire autrement. »
« Si la pomme de terre se gâte, ce n'est rien que par
vous autres. Je vous l'avais fait voir l'an passé, vous n'en
avez pas fait cas.
C'était au contraire, quand vous trouviez des pommes
de terre gâtées, vous juriez, vous mettiez le nom de
mon fils au milieu.
Elles vont continuer, et cette année pour Noël il n’y en
aura plus.
Si vous avez du blé, il ne faut pas le semer, tout ce que
vous sèmerez, les bêtes vous le mangeront, ce qui vien-
dra tombera en poussière.
Il viendra une grande famine.
Avant que la famine vienne, les tout-petits enfants au-
dessous de 7 ans auront des tremblements. Ils mour-
ront entre les mains des personnes qui les tiendront et
les autres feront leur pénitence par la faim.
Les noix deviendront gâtées, les raisins pourriront. » Ici
la Dame garda un moment le silence : il me sembla
qu'elle parlait à Maximin ; mais je n'entendais rien.
Puis, après, elle me dit un secret en patois et pendant
ce temps Maximin s’amusait avec des pierres. Puis elle
dit :
« S'ils se convertissent, les pierres, les rochers seront
des monts de blé, les pommes de terre seront ense-
mencées par la terre. »
— Faites-vous bien votre prière, mes petits ?
— Pas guère, Madame.
— Il faut bien la faire, mes petits, soir et matin. Quand
vous ne pourrez pas faire plus, dites seulement un Pa-
ter, un Ave Maria, et quand vous aurez le temps en dire
plus.
Il ne va que quelques femmes un peu d'âge à la messe,
et les autres travaillent tout l’été. Le dimanche, l’hiver,
quand ils ne savent que faire, ils vont à la messe pour
se moquer de la religion, et le carême, ils vont à la bou-
cherie comme les chiens.
N’avez-vous jamais vu du blé gâté, mes enfants ? »
Maximin répondit :
« Oh, non, Madame ! »
Moi, je ne savais pas à qui elle demandait cela et je ré-
pondis bien doucement :
« Non, Madame, je n’ai jamais vu. »
Elle dit alors à Maximin :
« Vous devez bien en avoir vu, vous mon enfant, une
fois vers le coin avec votre père. Le maître de la pièce
dit à votre père d’aller voir son blé gâté. Vous allâtes, il
prit deux trois épis de blé dans sa main, les frotta, tout
tomba en poussière. Vous vous en retournâtes, quand
vous étiez en deçà, loin d’une demi-heure de Corps,
votre père vous donna un morceau de pain et vous dit
— Mange ce pain, je ne sais pas qui en va manger l’an
qui vient si ce blé continue comme ça”. »
Et Maximin lui dit :
« Oh ! si, Madame, je m’en rappelle à présent, tout à
l’heure je ne m’en rappelais pas. »
Après cela, la Dame nous dit en français :
« Eh bien ! mes enfants, vous le ferez passer à tout mon
peuple. »
Puis elle a passé le ruisseau et nous a dit encore, en
s'arrêtant à deux pas du ruisseau : « Eh bien ! mes en-
fants, vous le ferez passer à tout mon peuple. »
Puis elle monta jusqu’à l’endroit où nous étions allés
pour regarder nos vaches, à peu près à vingt pas du
ruisseau. En marchant, elle ne remuait pas ses pieds ;
elle glissait sur l’herbe à cette hauteur (environ 20 cm).
Quand elle fut arrivée à l’endroit que j’ai dit, en faisant
un petit contour, comme nous la suivions avec Maxi-
min, je passais devant la Dame, et Maximin un peu à
côté, à deux pas. Et puis cette belle Dame s’est élevée
comme ça (1 m 60 environ), puis elle a regardé le ciel,
puis la terre, et nous avons vu disparaître sa tête, puis
ses bras, puis ses pieds, et il n'est resté qu’une grande
clarté, ensuite tout a disparu.
Et j'ai dit à Maximin : « C'est peut-être une grande
sainte ». Et Maximin m’a dit : « Si nous avions su que
c'était une grande sainte, nous lui aurions dit de nous
mener avec elle ». Je lui ai dit : « Oh ! si elle y était en-
core ! »
Alors Maximin lança la main pour attraper un peu de la
clarté ; mais il n’y eut plus rien, et nous regardâmes
bien pour voir si nous ne la voyions plus. Et je dis : « Elle
ne veut pas se faire voir pour que nous ne voyions pas
où elle va ». Ensuite nous fûmes garder nos vaches.
« Le soir je dis à mes maîtres tout ce que nous avions
vu : ils me dirent que cela pouvait être, et le lendemain,
qui était un dimanche, je le dis à M. le Curé de La
Salette, et ensuite à M. le Maire. »
L’abbé Lagier a traduit le patois de Mélanie qui, comme
Maximin, parlait très peu le français. Le témoignage que
nous reproduisons est celui de Mélanie car son petit com-
pagnon a toujours rapporté les faits en des termes abso-
lument identiques à ceux de la fillette, son aînée de
quelques années.
La prophétie de La Salette s'avéra. La famine qui devait
se déclarer peu après, allait culminer en 1848, une ter-
rible année pour l'Europe, qui restera dans les annales
comme « l’année de la faim ».

4. 1871 : L’Apparition de Pontmain ; un grand


crucifix rouge

En janvier 1871, période terrible pour la France, Paris est


assiégée par les Prussiens qui gardent depuis quatre mois
Napoléon III prisonnier.
Aux confins de la Bretagne et de la Normandie, dans la
Mayenne, se trouve Pontmain, où un événement extraor-
dinaire est sur le point de se produire. Pendant ce temps,
au sud du village, la petite ville de Laval menace de tom-
ber aux mains de l'ennemi dans les trois jours qui sui-
vent.
Dans une maison avec grange attenante vit et travaille la
famille Barbedette, qui se compose de César, un paysan,
de son épouse et de leurs trois enfants : l'un, Auguste
Friteau, âgé de vingt-cinq ans, né d'un précédent mariage
de la mère, se trouve sur le front et les deux autres, Eu-
gène et Joseph, sont âgés respectivement de 12 et 10 ans.
Vers dix-sept heures trente ce 17 janvier 1871, les deux
garçons sont en train de préparer le fourrage pour la ju-
ment, dans la grange qui sert également d'étable et de
chambre à coucher aux deux plus jeunes de la famille.
Avec leur père, ils transportent des joncs à la lumière
d'une torche. Une femme du pays, Jeannette, qui passe
par là, entre dans la grange et se met à parler de la guerre
avec le père Barbedette. Eugène interrompt son travail et
sort sur la route. C'est alors qu'il remarque de l'autre côté,
au-dessus de la maison de la famille Guidecoq, à six
mètres environ au-dessus du toit, une Dame souriante
qui semble être sortie du néant. Elle a les bras ouverts et
est vêtue à l'orientale : elle porte une robe bleue avec de
grandes manches, parsemée d'étoiles d'or, et un large
manteau. Elle a sur la tête un voile noir sur lequel est
posée une haute couronne en or ressemblant au couvre-
chef des popes orthodoxes. Elle a aux pieds des chaus-
sures bleues ornées d'une boucle dorée. Son très beau
visage est de forme ovale.
Après avoir contemplé l'apparition pendant quelques mi-
nutes, le garçon appelle Jeannette et lui dit de regarder
en haut pour admirer la Dame. Mais la femme ne voit
rien. Seul Joseph, que son frère a également appelé, a la
même vision qu'Eugène. Lorsque leur père tente à son
tour de se rendre compte de ce qui se passe et ne voit rien,
un certain trouble se manifeste dans le groupe. On ne
voudrait pas donner trop d'importance à la chose mais,
au bout d'une demi-heure, on avertit une religieuse,
Sœur Nataline, qui vient sur place mais ne voit rien. Elle
revient alors accompagnée de trois enfants, François Ri-
cher, onze ans, Jeanne Caobozzé, neuf ans et Augustin
Monton, douze ans. Ce sont les deux plus jeunes qui
voient la Vierge comme la voient Eugène et Joseph. Peu
après, d'autres enfants (Eugène Friteau, six ans et demi,
et la fille du savetier Boitin, deux ans et demi) confirment
la vision des plus grands.
Les deux tiers de la population de Pontmain entourent
maintenant les enfants qui voient un tableau ovale, large
comme une main, entourer la figure de Marie à moins
d’un mètre de distance. Quatre chandeliers aux cierges
éteints sont disposés à l'intérieur de ce tableau, deux à la
hauteur des épaules et deux autres un peu plus bas que
les genoux. Sur sa poitrine, la Vierge — maintenant re-
connue comme telle par la population qui a commencé à
la prier — porte une croix rouge de la taille d'un livre.
Alors que la figure grandit, et que s'élargit l'ovale qui l'en-
toure, les étoiles du ciel viennent se poser à ses pieds,
alors que d'autres parsèment sa robe.
À un moment donné un grand M se dessine dans le ciel
et alors que les gens continuent à prier, une phrase s’ins-
crit peu à peu en lettres d’or sur celui-ci :
« MAIS PRIEZ MES ENFANTS, DIEU VOUS EXAUCERA EN
PEU DE TEMPS, MON FILS SE LAISSE TOUCHER ».
La Vierge durant ce temps semble être plongée dans une
grande tristesse. Puis un crucifix rouge se dessine, por-
tant un Christ, rouge lui aussi, et surmonté également
d'une inscription sur laquelle on peut lire : « Jésus-Christ
». Ces figures apparaissent aux côtés de la Vierge. Celle-
ci les prend avec ses deux mains et les présente aux en-
fants en s'inclinant.
Une étoile part des pieds de la Vierge et, faisant le tour de
l'ovale, allume les quatre cierges avant d’aller se poser en
dessous de la couronne.
Puis le crucifix rouge disparaît. Deux petites croix
blanches apparaissent sur les épaules de la Vierge. Elle
est maintenant souriante. Un grand voile blanc s’élève,
venant se placer à la base de l’ovale. Il dissimule petit à
petit au regard des enfants le visage de Marie, sa cou-
ronne, l’étoile. Enfin tout disparaît.
L'apparition a duré trois heures et quart. Il est vingt
heures quarante-cinq.
Après le procès canonique, l'évêque de Laval reconnut
l'authenticité de l'apparition de Pontmain par décret du 2
février 1872. L'Église confirma son jugement en 1920.

5. 1917 : Fatima, le secret de la fin des temps

L’ange de la paix — Une hostie et des gouttes de


sang — Une Dame au-dessus d’un chêne — La ré-
vélation de l’Apocalypse — Un océan de feu et des
âmes comme des braises transparentes — La vi-
sion de l’enfer — La conversion de la Russie — Le
Grand Châtiment pour la fin de notre siècle — Les
vivants envieront les morts — Les papes et la pro-
phétie — La « visionnaire du siècle » gardée au se-
cret.

Annoncée par des nuages ou des brouillards, par des


éclairs ou différentes lumières, l’arrivée de la Vierge dans
notre univers terrestre est unique en son genre. Ce fut le
cas le 13 mai 1917, à la Cova da Iria (« fosse d'Irène » en
portugais), près du village de Fatima, où Lucia Dos San-
tos, dix ans, Francisco Marto, neuf ans et Giacinta Marto,
sept ans, furent frappés par « quelque chose comme un
éclair » qui les éblouit. Il était midi et le ciel était dégagé.
Luca crut à l'arrivée d’un orage. Les enfants se mirent à
rassembler à la hâte le troupeau puis commencèrent à
descendre la pente qui rejoint la route. Mais à mi-chemin
de cette pente un second « éclair » les surprit. Tout trem-
blants et titubants, ils firent encore quelques pas. C’est
alors que la « lumière » attira leur regard : « Nous vîmes
au-dessus d’un chêne vert une Dame toute vêtue de
blanc, plus resplendissante que le soleil, qui diffusait une
lumière plus claire et plus intense qu’un verre en cristal
rempli d’une eau transparente traversée par les rayons
d’un soleil ardent ».
Ils se trouvaient à environ un mètre cinquante de la
Vierge, plongés dans la lumière dont Elle était entourée et
qu'Elle-même diffusait.
L’apparition de la Vierge fut précédée et annoncée par des
visions qui surprirent les enfants mais dont ils ne firent
pas mention sur le moment.
« D’après les calculs que j’ai pu faire à vue de nez, la pre-
mière apparition de ce que je crois être l’ange et qui n’osa
alors se manifester complètement, eut lieu en 1915. En
me souvenant du temps qu’il faisait, je crois que ces vi-
sions se sont produites entre le mois d'avril et le mois
d’octobre 1915.
À Cabeço, sur le versant orienté vers le sud, je vis au mo-
ment de réciter le rosaire en compagnie de trois de mes
amies, Teresa Matias, Mara Rosa Matias, sa sœur, et
Mara Justino, de Casa Velha, qu’au-dessus de la forêt qui
s’étend dans la vallée à nos pieds, flottait quelque chose
qui ressemblait à un nuage, plus blanc que la neige, un
peu transparent, aux contours humains. Mes compagnes
me demandèrent ce que c’était. Je répondis que je ne sa-
vais pas. Le phénomène se répéta trois fois à des jours
différents... Ce doit être au printemps de l’année 1916 que
l’ange nous apparut pour la première fois dans notre Loca
do Cabeço.
J’ai déjà dit, dans ce que j’ai écrit à propos de Giacinta,
que nous remontâmes le long du versant à la recherche
d’un abri et que ce fut après avoir fait Gollation et avoir
prié que nous commençâmes à voir à une certaine dis-
tance, au-dessus des arbres qui s’étendent du côté où le
soleil se lève, une lumière plus blanche que la neige, dans
laquelle se dessinait la forme d’un jeune homme, trans-
parente, plus étincelante que le cristal que traversent les
rayons du soleil. Au fur et à mesure qu’il approchait, nous
pouvions distinguer les contours. Nous étions surpris et
à demi-étourdis. Nous ne disions rien.
Arrivé près de nous, il dit : “Ne craignez rien ! Je suis
l’ange de la paix. Priez avec moi." Et, s'agenouillant à
terre, il inclina le front jusqu’au sol. Poussés par un élan
surnaturel, nous l’imitâmes et nous répétâmes les paroles
que nous l’entendîmes prononcer. “Mon Dieu, je crois,
j’adore, j’espère et je vous aime. Je vous demande pardon
pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’es-
pèrent pas et qui ne vous aiment pas". Après avoir répété
ces mots trois fois de suite, il se leva et dit : "Priez ainsi.
Les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à vos sup-
plications”. Et il disparut. »
La deuxième apparition de l’Ange se produisit au cœur de
l’été et la troisième entre septembre et octobre.
«... Nous allâmes de Pregueira (un petit champ d’oliviers
qui appartient à mes parents), jusqu’à Lapa en faisant le
tour des versants de la montagne du côté d’Aljustrel et de
Casa Velha. Là nous récitâmes notre rosaire et la prière
que nous avait enseignée l’Ange au cours de la première
apparition.
Nous nous trouvions donc là, lorsqu'il nous apparut pour
la troisième fois, portant dans sa main un calice et au-
dessus de celui-ci une hostie de laquelle tombaient, dans
le calice, quelques gouttes de sang. Laissant le calice et
l’hostie suspendus en l’air, il répéta trois fois la prière sui-
vante : “Très Sainte Trinité, Père, Fils, Esprit Saint, je
vous adore profondément et je vous offre le très précieux
corps, le sang, l’âme et la divinité de Jésus-Christ, pré-
sent dans tous les tabernacles de la terre, pour réparer
les outrages, les sacrilèges et l’indifférence qui l’offensent.
Et par les mérites infinis de son Cœur Sacré et du Cœur
immaculé de Marie je vous demande la conversion de ces
pauvres pécheurs.” Ensuite, s’étant levé, il reprit dans ses
mains le calice et l’hostie et me donna l’hostie, offrant le
contenu du calice à boire à Giacinta et à Francisco, tout
en disant : "Prenez et buvez le corps et le sang de Jésus-
Christ, horriblement outragé par l’ingratitude des
hommes. Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu". Il
se prosterna de nouveau et répéta avec nous, à trois
autres reprises, la même prière : “Très Sainte Trinité, etc.”
Et il disparut. »
Le 13 mai 1917, la Vierge apparut. Lucia raconte :
« J’étais en train de jouer avec Giacinta et Francisco sur
la hauteur de Cova da Iria, où nous nous apprêtions à
construire un petit mur autour d’un buisson, lorsque
soudain nous vîmes quelque chose qui ressemblait à un
éclair.
— Il vaut mieux que nous rentrions à la maison, dis-je à
mes cousins, car il y a des éclairs. Il pourrait bien y avoir
de l’orage.
— Oui, allons-y.
Et nous commençâmes à descendre le long de la pente,
en guidant les moutons vers la route. Arrivés à mi-hau-
teur, presqu’à côté d’un grand chêne vert qui se trouvait
là, nous vîmes un autre éclair puis, après quelques pas,
une Dame nous apparut au-dessus d’un chêne... »25.
« Ne craignez rien. Je ne veux pas vous faire de mal, dit
avant tout la mystérieuse apparition. J’appartiens au
Ciel. Je suis venue vous demander de venir ici pendant
six mois de suite, le 13e jour du mois à cette même
heure. Je vous dirai ensuite qui je suis et ce que je veux.
Puis je reviendrai encore ici une septième fois. »
Le mot « ciel », prononcé par la Vierge, suscite chez Lucia
une profonde émotion. Elle a tant de choses à demander !
La Sainte Vierge est maternelle et rassurante : pourquoi
ne chercherait-elle pas à savoir si tous les trois iront jus-
tement au Ciel et s’il s’y trouve deux fillettes, mortes peu
de temps auparavant ? La Vierge exauce leur désir de
connaître leur destin ainsi que celui des deux infortunées
fillettes qui viennent de disparaître. Elle répond que pour
ce qui est de tous les trois, Lucia, Giacinta et Francisco,

25
Lucia raconta Fatima, Éd. Queriniana, Breseiq, 1977.
oui, ils sont bien destinés à aller au Ciel.
Mais c'est la Vierge qui leur pose maintenant la question
fondamentale : veulent-ils s’offrir à Dieu, en acceptant les
souffrances imposées par Lui pour la réparation des pé-
chés et la conversion des pécheurs ?
— Oui, nous le voulons, répondirent les enfants.
La Vierge promit alors que s'il était vrai qu’ils allaient
beaucoup souffrir, la Grâce de Dieu les accompagnerait
toujours.
En prononçant ces mots, Elle ouvrit les mains. Les vision-
naires furent alors envahis par une lumière si intense
qu’ils se sentirent comme pénétrés par celle-ci au plus
profond de l’âme. Ils se virent eux-mêmes en Dieu, qui
était cette lumière, « plus clairement qu’on ne se voit dans
le meilleur des miroirs ».
Ils s’agenouillèrent d’instinct et récitèrent intérieurement
la prière : « Ô Très Sainte Trinité, je vous adore. Mon Dieu,
mon Dieu, je vous aime dans le très saint sacrement ».
Quelques instants s’étaient écoulés depuis la contempla-
tion de la lumière divine lorsque la Vierge leur recom-
manda : « Récitez le rosaire tous les jours pour obtenir la
paix dans le monde et la fin de la guerre ».
« Immédiatement après », se souvient Lucia, « elle
commença à s'élever tranquillement dans les airs, mon-
tant vers l’est pour disparaître ensuite dans l’immen-
sité. La lumière dont elle était entourée lui ouvrait en
quelque sorte la voie parmi la masse des astres, et c'est
la raison pour laquelle nous avons pu quelquefois dire
que nous avions vu le ciel s'ouvrir. »
Un secret qui doit être conservé

Les rendez-vous avec la Sainte Vierge eurent bien lieu


comme prévu le 13 de chacun des mois qui suivirent, sauf
en août où l'apparition se produisit le 15, les jeunes vi-
sionnaires ayant été retenus par les autorités locales.
Dans l'intervalle, en effet, l’histoire extraordinaire des
événements surnaturels n'avait pas éclipsé celle, inéluc-
table, des faits quotidiens et avait même déclenché le
triste processus des interrogatoires de la part des autori-
tés laïques et ecclésiastiques. L'intervention des foules
qui s’étaient mobilisées à l'annonce de cet événement re-
ligieux, poussées par l’attrait du divin, changeait égale-
ment la face des choses sans en altérer profondément
l’ordre.
Les paroles de la Vierge participent entièrement de cet
ordre, merveilleusement rythmé par les six apparitions de
Fatima, au point de constituer la trame de ce qui est con-
sidéré comme le texte prophétique par excellence, l’Apo-
calypse du deuxième millénaire, la Mère des Cieux semble
en effet dans ce texte vouloir faire connaître et exprimer
clairement sa volonté et ses pensées, et ce pour bon
nombre d’années à venir.
Mais les paroles prononcées par la Vierge à Fatima ne fu-
rent pas toutes divulguées par les visionnaires au mo-
ment des apparitions. Certains points du message furent
tenus secrets, suivant la volonté de la Vierge elle-même.
C’est ainsi que le « secret de Fatima » est passé dans l’his-
toire comme quelque chose de si grave pour l’avenir de
l’humanité qu’il ne pouvait être révélé. Le Pape Wojtyla
lui-même eut l’occasion de déclarer il y a quelques an-
nées : « Si nous avions connaissance d’un message an-
nonçant que les océans envahiront la terre et que des mil-
lions de personnes périront, nous n’aurions plus envie de
divulguer la nouvelle ».
Comment en réalité est né le mythe du « secret » et com-
ment est-on venu à apprendre l’existence de cette partie
des messages dont le contenu dramatique était moins évi-
dent ?
Lucia Dos Santos, qui avait dix ans lorsqu’elle fut inter-
rogée pour la première fois par les autorités ecclésiasti-
ques, déclara que lors de son apparition à la Cova da Iria
en 1917 la Vierge avait demandé aux hommes de faire
pénitence et de réciter souvent le rosaire afin surtout que
se termine au plus vite la guerre mondiale.
En 1941, devenue Sœur Lucia de Jésus, la visionnaire
portugaise donna beaucoup plus de détails en rapportant
les messages que lui avait confiés la Vierge. Elle avait été
invitée à sortir de sa réserve par l’évêque de Leiria, lequel
avait reçu quatre rapports sur les apparitions.
La troisième partie de ce que l’on a qualifié de « secret de
Fatima » fut couchée sur le papier par Lucia le 22 décem-
bre 1943 et le 9 janvier 1944. Elle s’était alors sentie mue
par un profond élan qu’elle avait attribué à une force sur-
naturelle. Une enveloppe cachetée fut remise à l'évêque
de Leiria, sous réserve que son contenu ne soit révélé
qu’en 1960. L'évêque remit le pli intact au nonce aposto-
lique en poste au Portugal, Mgr Ferdinando Cento, qui le
transmit à l’instance compétente à Rome, la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi, dont le secrétaire était à cette
époque le cardinal Alfredo Ottaviani. Étant donné le ca-
ractère délicat de cette affaire, le cardinal porta le pli
scellé au Saint Père qui était alors Jean XXIII. D’après
certaines rumeurs, les pages qu’il contient renfermeraient
le « secret » que la Mère de Dieu aurait confié le 13 juillet
aux visionnaires — « secret » que l’évêque de Leiria fit donc
parvenir au Vatican dans une enveloppe cachetée qu’il fut
bien recommandé de ne pas ouvrir avant l’année 1960.
La lecture des rapports établis d’après les déclarations de
Sœur Lucia révèle avant tout que les messages délivrés
par la Vierge aux jeunes bergers portaient sur trois points
différents.
La première révélation, faite le 13 juin 1917 (jour de la
deuxième apparition), concerne le destin personnel des
enfants.
« — Je voudrais Vous demander de nous emmener au
Ciel.
— Oui, j’emmenerai Giacinta et Francisco dans peu de
temps. Mais toi tu resteras ici encore un peu. Jésus veut
se servir de toi pour me faire connaître et me faire ai-
mer. Il veut instaurer dans le monde la dévotion au
Cœur Immaculé de Marie.
— Et je resterai ici toute seule ? demandais-je toute
triste.
— Non, mon enfant. Tu souffres beaucoup ? Ne te dé-
courage pas. Je ne te quitterai jamais. Mon Cœur Im-
maculé sera ton refuge et le chemin qui te mènera vers
Dieu.
« Le 13 juillet, alors qu’une foule immense s’était déjà
rassemblée autour des jeunes bergers, la Vierge, qui
était apparue au-dessus du chêne vert après l’éclair, re-
nouvela ses recommandations quant à la nécessité de
réciter le rosaire pour obtenir la paix : elle assura qu’au
mois d’octobre suivant elle allait opérer un miracle qui
allait être visible par tous et qui allait remettre les mé-
créants sur le chemin de la foi. Elle incita au sacrifice
pour la conversion des pécheurs et la réparation des
péchés commis.
« Alors qu’elle prononçait ces derniers mots, elle ouvrit
de nouveau les mains comme lors des deux rendez-
vous précédents. La lumière qui se fit sembla pénétrer
la terre et nous vîmes ce qui ressemblait à un océan de
feu : apparurent dans ce feu les démons et les âmes,
comme des braises transparentes, noires ou couleur
bronze, avec des traits humains, flottant dans le bra-
sier, soulevés par les flammes qui sortaient d’eux-
mêmes au milieu de nuages de fumée et retombaient
de tous les côtés. Ils étaient pareils à ces étincelles qui
jaillissent dans les grands incendies, sans pesanteur ni
équilibre, au beau milieu des cris et des gémissements
de douleur et de désespoir qui inspiraient l’horreur et
l’épouvante (ce fut sans doute le choc de cette vision
qui me fit lâcher ce “aïe” que l’on m’a entendue pro-
noncer). Les démons se distinguaient par leurs traits
horribles et laids d’animaux inconnus et effrayants mais
étaient aussi transparents que des charbons ar-
dents»26.
Lucia ajoute qu’effrayés par la vision, ils dirigèrent leur

26
Ibid.
regard vers la Vierge qui leur dit :
« Vous avez vu l’enfer, où vont les âmes des pauvres
pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut instaurer dans le
monde la dévotion à mon Cœur immaculé. Si elles font
ce que je vous dis, beaucoup d’âmes seront sauvées et
la paix régnera. La guerre prendra fin. Mais si l’on ne
cesse pas d’offenser Dieu, une autre, bien pire, se dé-
clenchera sous le règne de Pie XI. Lorsque vous verrez
une nuit éclairée d’une lumière inconnue, sachez que
c’est le signe suprême que Dieu vous donnera pour
vous faire savoir qu’il va punir le monde pour les crimes
qu'il a commis. Cette punition sera la guerre, la faim et
la persécution contre l'Église et le Saint-Père.
Pour l’empêcher, je viendrai demander la consécration
de la Russie à mon Cœur Immaculé et la communion
expiatrice tous les premiers samedis du mois. Si mes
demandes sont exaucées, la Russie se convertira et il y
aura la paix. Sinon, elle diffusera dans le monde ses er-
reurs, provoquant des guerres et entraînant la persécu-
tion de l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint Père
souffrira beaucoup et plusieurs nations seront anéan-
ties. À la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-
Père me consacrera la Russie27 qui se convertira, et une
période de paix sera accordée au monde. Le Portugal
conservera toujours le dogme de la foi, etc... Vous ne
direz ceci à personne. Vous pouvez cependant le dire à
Francisco. »
Le « secret de Fatima » tient tout entier dans ces points de

27
Ce qui se produisit le 7 juillet 1952.
suspension. Que révéla la Vierge et que dut taire Sœur
Lucia ?

Le « troisième » secret de Fatima

Arriva enfin l’année 1960. C’était le pape Jean XXIII qui


occupait alors le siège pontifical. Le « bon pape » ouvrit
l’enveloppe. Il lut le message et convoqua ensuite le se-
crétaire du Saint-Office, le cardinal Alfredo Ottaviani, qui
en prit également connaissance. Le feuillet comportant le
« troisième secret » de Fatima fut ensuite placé dans une
autre enveloppe. La mention suivante fut portée sur celle-
ci : « Le Pape a vu le document. Il n’exprime aucun juge-
ment sur son contenu ».
Depuis, les fidèles attendent. On escomptait la publica-
tion des révélations que Lucia avait faites à l’évêque et au
souverain pontife. Mais aucune décision n’est jusqu’ici in-
tervenue au Vatican sur ce point. Plongés dans l’obscurité
la plus profonde et dans le mystère le plus complet, les
fidèles n’ont pu que saisir quelques allusions, faites par
les autorités vaticanes elles-mêmes, au contenu du docu-
ment remis par Lucia Dos Santos. Des allusions qui sont
en fait extrêmement vagues et risquent même de détour-
ner l’attention de son véritable contenu.
En octobre 1963, un journaliste connu qui s’était inté-
ressé de près aux événements de Fatima, L. Heinrich, pu-
bliait dans Neues Europa, un journal de Stuttgart, ce qu’il
présentait comme un extrait des déclarations tenues se-
crètes.
Il s'agissait là selon Heinrich du troisième secret de Fa-
tima dont on attendait la divulgation en 1960. Le docu-
ment, révélé par suite d’une indiscrétion au niveau diplo-
matique, aurait été envoyé à titre d’information à Was-
hington, Londres et Moscou par les autorités du Vatican
qui jugeaient sa diffusion nécessaire, et même indispen-
sable, en vue de la conclusion d’accords sur la cessation
des expériences nucléaires. L’authenticité du document
n’a jamais été démentie par le Vatican.
Le 13 octobre 1917, après que se soit produit le « miracle
du Soleil », la Vierge, qui apparaissait pour la dernière fois
aux enfants de Fatima, Lucia, Giacinta et Francisco, au-
rait donc révélé à Lucia un message spécial contenant «
entre autres » les révélations suivantes :

Texte du message secret

« N’aie pas peur, ma chère petite. C’est la Mère de Dieu


qui te parle et te demande de rendre public le présent
message destiné au monde entier. Ce faisant, tu rencon-
treras de fortes résistances. Écoute et fais bien attention
à ce que je te dis :
Les hommes doivent se corriger. Ils doivent par d’humbles
supplications demander pardon pour les péchés qu’ils ont
commis et qu’ils pourront commettre. Tu souhaites que
je te donne un signe afin que tous acceptent les paroles
que je te charge de transmettre au genre humain. Tu as
vu le prodige du soleil et tous, croyants, incroyants, pay-
sans, citadins, érudits, journalistes, laïques et prêtres,
ont pu également le voir. Maintenant tu dois faire la dé-
claration suivante en mon nom :
Un grand châtiment s'abattra sur tout le genre humain,
non pas aujourd’hui ni demain, mais dans la seconde
moitié du XXe siècle. Je l’avais déjà annoncé aux deux
enfants de La Salette, Mélanie et Maximin, et je le ré-
pète aujourd'hui car les hommes ont commis des pé-
chés et foulé aux pieds le Don que je leur avais fait.
L’ordre ne règne dans aucune partie du monde et Satan
exerce son pouvoir aux postes les plus élevés, décidant
du cours des choses. Il réussira à parvenir jusqu’au
sommet de l’Église et à capter l’esprit des grands sa-
vants qui inventent les armes. Il sera ainsi possible de
détruire en quelques minutes une grande partie de
l’humanité. Il aura en son pouvoir les grands de ce
monde qui gouvernent les peuples et il les incitera à fa-
briquer de grandes quantités d’armes. Si l’humanité ne
se dresse pas contre lui, je serai obligée de laisser agir
le bras de Mon Fils. Alors tu verras que Dieu châtiera
les hommes encore plus sévèrement qu’il ne l’a fait
avec le déluge.
Si l’humanité ne se convertit pas, arrivera le temps des
temps, la fin de toutes les fins ; et si tout demeure comme
aujourd'hui, ou s’aggrave, les puissants périront en
même temps que les petits et les faibles. L’Église aussi
connaîtra le temps de ses plus grandes épreuves. Les Car-
dinaux s’opposeront aux Cardinaux, les Evêques aux
Évêques. Satan marchera dans leurs rangs et des chan-
gements interviendront à Rome. Tout ce qui est pourri
tombera et ce qui tombera ne se relèvera plus. L’Église
sera éclipsée et le monde secoué de terreur. Le temps
viendra où aucun roi, aucun empereur, aucun cardinal
ni évêque, n’attendra plus Celui qui interviendra, mais
pour punir, conformément aux desseins de Mon Père.
Une grande guerre se déclenchera dans la seconde moitié
du XXe siècle. Le feu et la fumée tomberont du Ciel, les
eaux des océans se transformeront en vapeur et l’écume
se soulèvera, emmenant tout sur son passage. Des mil-
lions et des millions d’hommes périront d’heure en heure
et ceux qui resteront en vie envieront les morts. Partout,
ce ne sera qu’angoisse, misère et ruine, dans tous les
pays. Tu vois, le temps approche et l’abîme se creuse de
plus en plus, sans espoir. Les bons périront en même
temps que les mauvais, les grands en même temps que
les petits, les princes de l'Église en même temps que leurs
fidèles et les gouvernants en même temps que leurs
peuples. La mort sera partout à cause des erreurs com-
mises par les insensés et les alliés de Satan, lequel ré-
gnera alors, et seulement alors, sur le monde. Finale-
ment, ceux qui doivent survivre à tous ces événements
proclameront de nouveau l’existence de Dieu et Sa Gloire
et le serviront comme autrefois, lorsque le monde n’était
pas aussi perverti. Va ma petite, et proclame-le. Je serai
toujours à tes côtés pour t’aider dans cette tâche. » 28

Les Papes et la prophétie

Le cardinal Ottaviani, qui reçut le pli scellé de la Noncia-


ture du Portugal et le transmit au Pape Jean XXIII, était
présent lors de son ouverture et raconte :
« Le pape ouvrit le pli et lut. Bien que le texte ait été écrit
en portugais, il me dit par la suite qu’il avait tout compris.

28
Le texte du message est tiré de 1'« Araldo di S. Antonio » du 15 mai 1975.
Il plaça ensuite lui-même le message secret dans une
autre enveloppe qu’il scella puis déposa le pli au fond de
ces archives qui sont comme un puits profond et tout noir
et dans lesquelles les documents sont tellement enfouis
que personne ne peut plus les voir. Il est par conséquent
difficile de dire où se trouve à l’heure actuelle le « secret
de Fatima ».
Le cardinal a rapporté ce fait en public, à l'Antonianum,
le 11 février 1967 lors de la cérémonie du cinquantième
anniversaire des apparitions.
Mgr Loris Capovilla, qui fut secrétaire du Pape Jean XXIII,
fit à son tour la déclaration suivante au Père Icilio Felici,
auteur du livre intitulé « Fatima », à l’occasion d’une con-
férence organisée à Alba, le 15 février 1978 autour du
thème : « Actualité du pape Jean XXIII ». « ... Le cardinal
Ottaviani affirme que le pli remis par Sœur Lucia était
adressé au Pape. Mais Pie XII, qui était à l’époque souve-
rain pontife, l’aurait transmis au Saint-Office (devenu au-
jourd'hui Congrégation pour la Doctrine de la Foi), sans
le lire. En fait le pli parvint au Saint-Office avant l’élection
de Jean XXIII. Celui-ci reçut le pli scellé de la main de R.-
P. Philippe O.-P.29, alors commissaire du Saint-Office, au-
jourd’hui cardinal, le 17 août 1959 à Castel Gandolfo. Le
texte étant incompréhensible en raison de l’abondance
des expressions dialectales, on fit appel à Mgr Paulo Ta-
vares, minuteur de langue portugaise à la Curie romaine,
devenu par la suite évêque de Macao ».
Après avoir pris connaissance du message, le Pape dicta

29
Ordre des Dominicains.
à son secrétaire, Loris Capovilla, une note personnelle qui
fut jointe à l’enveloppe renfermant le « secret » : « Pour
autant que je m’en souvienne, le pape ne se prononça pas
sur ce sujet. Il déclara vouloir laisser aux autres (à son
successeur ?) le soin d’émettre un jugement. Il emporta le
document au Vatican et le garda dans son secrétaire
jusqu’à sa mort (le 3 juin 1963). Paul VI s’enquit du pli
après son élection et il y a tout lieu de croire qu’il en a
pris connaissance. Le document a-t-il fini, comme l’af-
firme le cardinal Ottaviani, dans les archives secrètes du
Vatican, je ne saurais le dire. Il n’est certainement pas
perdu. Il est resté de 1959 à 1963 sur le bureau du pape.
Ensuite je ne sais pas où il a été mis. »
Le message de la Vierge ne devait pas être ouvert avant
l’année 1960. On demanda à Lucía : « Pourquoi cette
date ? ». Et elle répondit : — Parce qu’alors il apparaîtra
mais claro (plus clair).
En 1967, année du voyage de Paul VI à Fatiraa, le cardi-
nal Ottaviani affirma que le « secret » ne consistait pas en
quelque prophétie d’apocalypse ou de désastres quel-
conques pour le monde et l’humanité. À l’occasion de ce
voyage, Paul VI lui-même ne fit aucune allusion à la ques-
tion et, comble de discrétion, il ne voulut même pas avoir
une rencontre en privé avec Sœur Lucía qui en avait fait
la demande.
« Ce n’est pas le moment », répondit le Pape. « Et puis, si
vous souhaitez me communiquer quelque chose, faites-le
savoir à votre évêque. » L’évêque de Leiria, Mgr Venancio,
fournit en revanche des éléments concrets permettant de
reconstituer le contenu de la lettre : « Fatima ne peut être
dirigée contre une nation aussi chère que la Russie », dit-
il. « Fatima ne saurait être l’expression d’un esprit parti-
san qui permettrait d’agiter des valeurs purement poli-
tiques. Le contenu du message secret ne concerne pas la
conversion d’un État, qui d’athée devrait devenir catho-
lique, mais bien la décision de respecter la liberté de reli-
gion et de culte. Tous les États, et pas seulement l’Union
Soviétique, dans lesquels ces droits sont violés, doivent
absolument se convertir. »
Certaines allusions faites au secret de Fatima par le Pape
Wojtyla penchent en revanche pour le catastrophisme.
Élles furent faites à Fulda, à l’occasion d’un voyage que
fit le pape en Allemagne, en 1980, devant un petit groupe
restreint de catholiques. Le procès-verbal de ces déclara-
tions, publiées dans la revue allemande « Stimme des
Glaubens » et ayant également fait l’objet d’un enregistre-
ment, n’a jamais été confirmé ni démenti de source offi-
cielle au Vatican. Jean-Paul II avait déclaré : « Étant
donné la gravité du message, et pour ne pas encourager
la puissance mondiale du communisme à se livrer à cer-
taines ingérences, mes prédécesseurs ont préféré surseoir
à sa publication pour des raisons diplomatiques. Tout
chrétien devrait par ailleurs se contenter de savoir ceci :
s’il existe un message dans lequel il est écrit que les
océans inonderont des parties entières de la terre et que
d’heure en heure des millions d’hommes périront, est-il
vraiment souhaitable d’aspirer à ce qu’un tel message soit
divulgué ? Beaucoup veulent savoir par simple curiosité
et par goût du sensationnel, mais ils oublient que le fait
de savoir implique également une responsabilité. » Le
Pape se saisit alors de son chapelet et dit : « Voici le re-
mède contre ce mal, priez, priez, et ne posez plus de ques-
tions. Remettez-vous-en à la Mère de Dieu. » À la ques-
tion : « Qu’arrivera-t-il dans l'Église », il répondit (c’était
rappelons-le en 1980, six mois avant l’attentat dont il fut
victime) : « Nous devons nous préparer à de grandes
épreuves qui sont proches et qui pourront même exiger le
sacrifice de notre vie et le don total de notre personne au
Christ, pour le Christ. Ces épreuves pourront être atté-
nuées grâce à votre prière et à la nôtre, mais elles ne peu-
vent être évitées, car le véritable renouveau de l’Église ne
peut intervenir que de cette manière. On a par le passé
vu l’Église renaître tant de fois par le sang, et il en ira de
même cette fois encore. »
De par l’autorité qui lui est conférée par sa charge de res-
ponsable de la « Congrégation pour la Doctrine de la Foi
», qui a remplacé le Saint-Office, le cardinal Ratzinger a
de son côté confirmé récemment que le « secret de Fatima
» restera tel : justement pour éviter le sensationnel, a-t-il
expliqué.
Pendant toutes ces années, en effet, il s'est installé autour
du Sanctuaire, au grand préjudice de l'Église, une atmos-
phère qui tient à la fois de la magie et de l'épouvante,
lourde de sombres présages et de cauchemars annonçant
de terribles apocalypses.
Il a toutefois suffi d’une conversation que nous avons eue
en octobre 1986 avec l’abbé René Laurentin, ce théologien
qui a traité tout particulièrement des apparitions ma-
riales et des révélations prophétiques qui y sont atta-
chées, pour que l'atmosphère pesante qui règne à Fatima
nous semble tout à coup moins dense. Selon R. Laurentin
en effet, le « secret » ne concernerait en réalité que le Por-
tugal. Les révélations qui ont été faites sont fausses. Les
éléments manquants dans le texte connu se situent à un
endroit qui renvoie au reste du discours, et ce discours
porte justement sur ce pays.
Mais le désormais légendaire « troisième secret » de Fa-
tima est avant tout une profonde crainte de l’âme collec-
tive. C’est ce qui, plus que toute autre chose, est suscep-
tible de faire frémir et trembler de peur les hommes du
deuxième millénaire.
« Un grand châtiment s'abattra sur le genre humain,
non pas aujourd’hui, ni demain, mais dans la seconde
moitié du XXe siècle... Viendra le temps des temps et la
fin de toutes les fins... Le feu et la fumée tomberont du
Ciel, les eaux des océans se transformeront en va-
peur...»
Et ce n’est effectivement qu’aujourd’hui, comme le dit Lu-
cia, que le secret apparaît « mas claro » (plus clair).
Il ne fait aucun doute, ainsi qu’on l’a déjà fait observer,
que les paroles transmises par la Vierge à Lucia Dos San-
tos devaient avoir un caractère prophétique tant il est vrai
que les prophéties — et les Saintes Écritures sont là pour
le confirmer — sont précisément voilées de mystère et ne
sont révélées qu’avec prudence et méthode.
De nombreuses conjectures et même de nombreux textes
apocryphes ont tçutefois fleuri dans un silence presque
total de la part de l'Église.
Après Fatima, qui comporte désormais des zones d'ombre
et un grand nombre d’interrogations, d’autres messages
ont par ailleurs été délivrés à ceux qui ont déclaré avoir
été de nouveau visités par la Vierge. Les dernières pro-
phéties confirment-elles ou infirment-elles le présage dra-
matique des apparitions portugaises ? L’atténuent-elles
ou viennent-elles apporter d’autres détails ? C’est ce que
nous allons maintenant examiner.
Entre temps, l’accès au couvent de Coimbra, où Sœur Lu-
cia s’est retirée, a été interdit par la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi. Et dans sa retraite, la « visionnaire du
siècle », devant laquelle tremble et vacille tout l’édifice de
l’histoire de l’homme sur la terre, « prie, se souvient et
médite, mais ne parle pas ».30

6. 1932-33 : Les apparitions de Beauraing, la


Vierge au Cœur d'Or

La vierge sur un arbre — Venez en pèlerinage —


Un cœur plus brillant que le soleil — Sacrifiez-vous
pour moi.

Beauraing est un petit bourg situé à environ cinq kilo-


mètres de la frontière française, à la hauteur du village de
Givet. Il se trouve en bordure de la plaine de la Famenne
qui s'étend de l’autre côté jusqu’à la petite ville de
Marche-en-Famenne. Pour s’y rendre de Bruxelles, la
route à suivre est celle qui va vers Namur puis Dinant, en

30
Icilio Felici, Fatima, Éd. Paoline, Rome, 1981.
prenant ensuite la direction de Bouillon.
Le village est dominé par les tours et les ruines d’un an-
cien château. Au moment des événements que nous al-
lons évoquer, le bourg comptait deux mille habitants, ou-
vriers et paysans pour la plupart.
Le 29 novembre 1932, en fin d’après-midi, à six heures et
demie, Fernande et Albert (dit Bébert) Voisin, âgés res-
pectivement de quinze et onze ans, dont le père était em-
ployé des chemins de fer et la mère marchande de cou-
leurs, et Andréine et Gilberte Degeimbre, quatorze et neuf
ans, orphelines de père, se dirigeaient vers l’école des
sœurs, le « Pensionnat » pour aller chercher la cadette de
la famille Voisin, Gilberte, âgée de sept ans. La nuit était
déjà tombée et il faisait froid mais le petit groupe était gai
et insouciant. Ils avaient pour plaisanter tiré en chemin
la sonnette d’un magasin, pour faire croire à sa proprié-
taire qu’un client entrait.
Au bout de la rue de l’église, là où se tient le Pensionnat,
s’élèvent les pylônes qui soutiennent un grand viaduc de
forme semi-circulaire. C’est en se tournant vers celui-ci
qu’arrivé en même temps que les fillettes à la porte de
l’école, Albert vit une forme blanche, pareille à la statue
de la Sainte Vierge qui se trouvait près d’une reproduction
de la Grotte de Lourdes dans le jardin de l’école.
Les autres enfants qui attendaient la petite Gilberte se
retournèrent pour regarder, pensant que le jeune garçon,
qui avait crié :
« Regardez la Sainte Vierge qui se promène sur le pont !
»31, avait été abusé par les phares d’une voiture qui
descendait de la colline de Feschaux. Et tous virent une
personne vêtue de blanc, flottant entre le pont et la
Grotte.
— Regardez ma Sœur, la statue de la Grotte a bougé !
s’exclamèrent-ils en s’adressant à la surveillante de la
loge. Mais celle-ci les réprimanda en leur disant qu’une
statue ne peut bouger et qu’il s’agissait d’une branche
que le vent agitait. Pendant ce temps, la petite Gilberte
s’était présentée à l’entrée du collège, prête à rentrer
à la maison. Et, bien que ne sachant pas de quoi on par-
lait, elle eut elle aussi la même vision en regardant vers
l’allée : une femme vêtue de blanc « qui avait les mains
jointes et qui la regardait».
Les enfants furent saisis d’un certain trouble et se mirent
en route pour rentrer chez eux. Ils racontèrent ce qui
s’était passé à leurs familles respectives mais sans que
leur récit ne soit réellement pris au sérieux.
Le soir suivant, les enfants se trouvaient de nouveau au
complet sur la route qui menait au Pensionnat. La Sainte
Vierge était à nouveau là elle aussi. « Elle avait les mains
jointes et elle se déplaçait dans l’espace », devaient-ils dire
plus tard.
Le 1er décembre, douze personnes se rendirent sur les
lieux. Les enfants précédaient les adultes, parmi lesquels
Madame Degeimbre, qui s’était munie d’un gros bâton.
La Vierge attendait les enfants dans l’allée qui mène de la

31
Chanoine Enrico Massari, La Madonna dal Cuore d’Oro ossia. Le Apparizioni di
Beauraing (Belgio 1932-33), Casale Monferrato, 1957.
grille à la grotte. Mais l’apparition ne dura que quelques
instants, le temps de remarquer la luminosité plus in-
tense qu’à l’habitude de la tête de la Vierge, entourée
d’une couronne faite de nombreuses épingles dorées qui
lui ceignaient le front. Tout aussi resplendissants étaient
les beaux yeux bleus de la Vierge qui se posaient sur les
enfants avec une douceur extrême.
Lorsque l’image se fut dissipée et que les enfants cessè-
rent d’être plongés dans la contemplation de la vision,
Madame Degeimbre décida d’inspecter avec son bâton
tous les buissons du jardin. Mais ceci ne servit à rien :
l’endroit ne recelait aucun plaisantin en veine de dégui-
sement et de bons tours. Ayant dans l’intervalle récupéré
la petite Gilberte, les enfants retournèrent sur leurs pas,
en direction de l’allée centrale. On entendit alors un cri :
face à eux, suspendue sur un nuage qui effleurait le sol,
la Vierge apparaissait de nouveau, les mains jointes et les
yeux au ciel. Les enfants s’immobilisèrent tout de suite,
en extase.
Lorsque l’image prit congé d’eux en ouvrant les mains et
en écartant les bras pour les saluer et les bénir en même
temps, toujours sans dire un mot, le petit groupe se se-
coua et sortit de son extase. Ils s'apprêtèrent alors à sortir
par la grille mais voici qu’une fois encore ils virent à
l’unisson la Vierge dans l’espace qui sépare la grotte du
pont. Ils se mirent à crier : « Elle est là ».
Et l’apparition n’avait pas encore pris définitivement
congé pour ce soir-là. Une fois de retour à la maison, les
mères des cinq petits visionnaires décidèrent de retourner
sur les lieux pour recommencer à inspecter les buissons.
Les enfants les accompagnèrent. Huit heures sonnèrent.
L’obscurité était complète. Mais voici qu’après avoir fran-
chi la grille, trois des enfants tombèrent à genoux : Albert,
Fernande et Andréine. La Vierge était revenue, sous un
arbre.
« Elle est là, sur la branche », s’exclama Andréine, en mon-
trant du doigt un arbuste qui se trouvait près de la grille.
Comme elle devait l’expliquer par la suite, la Vierge se
trouvait sur un petit rameau qui retombait sur le sol, et
en dessous d’une branche d’aubépine.
Madame Degeimbre se dirigea dans cette direction pour
effectuer son inspection mais un cri poussé par sa fille
l’arrêta net : « Arrête-toi, maman, tu vas te cogner à elle ».
Lorsque la vision disparut, les adultes auxquels s’était
joint le père de Fernande, fouillèrent le jardin en long et
en large, éclairant chaque angle avec une lampe de poche.
Mais ils ne trouvèrent rien ni personne.
C’est dans cette atmosphère de stupéfaction, de sus-
pense, d’incertitude, d’attente, que la Vierge apparut sous
l’arbuste d’aubépine aux cinq enfants de Beauraing, du
début du mois de décembre 1932 jusqu’au 3 février 1933.
Ces apparitions avaient lieu à six heures du soir. Les en-
fants arrivaient sur les lieux en ordre dispersé. Se ren-
contrant devant la grille, non loin de l'aubépine, ils se dis-
posaient de la manière suivante : les deux Gilberte, la
grande et la petite, se plaçaient devant, derrière se postait
Fernande et, à ses côtés, de part et d’autre, Andréine et
Albert.
Une fois qu’ils avaient pris place, ils commençaient à ré-
citer le rosaire. La Vierge n’apparaissait que lorsqu’ils
avaient dit les premières prières.
Un soir, Albert osa demander :
« Vous êtes la Vierge Immaculée ? »
Et, penchant la tête vers lui, Elle sourit à l’enfant et ouvrit
les bras.
— Qu'est-ce que vous nous voulez ? demanda encore Bé-
bert.
La Vierge répondit qu’elle leur demandait « d’être toujours
très bons »32. Ainsi débutèrent les conversations entre la
Vierge et les enfants.
Quelques jours avant Noël, la Vierge dit clairement : « Je
suis la Vierge Immaculée ». Et l’avant-veille, Fernande lui
ayant demandé : « Pourquoi vous apparaissez à Beau-
raing ? », elle répondit : « Pour que l’on vienne ici en pèle-
rinage. »
Après la reconnaissance des apparitions de Fatima,
l’Église s’est arrêtée sur celles de Beauraing (1932-33) et
de Banneux (1933) et plus de cinquante ans se sont main-
tenant écoulés.
Les prophéties de Fatima étaient dramatiques, terri-

32
« Les enfants n'étaient certes pas des modèles de dévotion. Loin de là ! Leurs
visions n’étaient pas dues à un excès de prières ou à des lectures édifiantes. Non,
les petits visionnaires de Beauraing ne se distinguaient en rien des autres enfants
de leur âge (...) Pendant toute la durée des apparitions, les cinq enfants furent sé-
parés après chaque apparition afin qu’ils ne puissent pas communiquer entre eux.
» (Chanoine Enrico Massart, La Madonna dal Cuore d’Oro, op. cit.).
fiantes et de portée mondiale. En les évoquant avec le re-
cul, Lucia, seule survivante des trois petits bergers por-
tugais, garde cependant un grand calme, comme si elle
n’avait pas été éprouvée par les traumatismes et les
troubles que lui avaient causé des émotions exhaustives.
Ceci tient beaucoup au fait que la Vierge se montre très
discrète lorsqu'elle visite les visionnaires. Elle use avec
eux de manières douces. C’est pourquoi ils deviennent
toujours ses imperturbables porte-parole.
Ce fut notamment le cas pour les petits visionnaires de
Beauraing qui virent à trente trois reprises la Vierge sur
un nuage blanc. Des manières douces et des discours me-
surés. Dès le 28 décembre, la Vierge avait dit : « Ce sera
bientôt ma dernière apparition ».
Mais le 29 décembre, Fernande eut une vision exception-
nelle. Lorsque la Vierge fut apparue, au moment où Elle
ouvrit les bras avant de parler, la fillette vit au milieu de
la poitrine un cœur entouré d’une multitude de rayons
resplendissants. La Vierge au Cœur d'Or lui dit : « Priez,
priez beaucoup ».
La Vierge et son Cœur d’Or apparurent de nouveau sous
l’aubépine le 2 janvier 1933. Le Cœur resplendissait avec
davantage d'éclat encore que la Vierge elle-même, de la-
quelle émanait déjà une luminosité plus intense que celle
du soleil. Quant à la lumière qui se dégageait de l’en-
semble de la vision, on pouvait selon Fernande « la fixer
sans avoir mal aux yeux ». La Vierge annonça à cette der-
nière :
— Demain je dirai quelque chose à chacun de vous en
particulier.
Le jour suivant, 3 janvier, de nouveau réunis devant la
grille du Pensionnat, les cinq enfants se mirent à prier. Ils
avaient à peine fini de réciter les premiers Ave Maria que
quatre d’entre eux, Fernande exceptée, tombèrent à ge-
noux : ils voyaient la Vierge.
La petite Gilberte qui, les yeux hagards, fixait la vision,
fut la première à entendre la Vierge lui parler en particu-
lier. Lorsque la révélation qui la concernait fut terminée,
la fillette inclina la tête et se mit à pleurer.
Puis ce fut le tour d’Albert. Lui seul pouvait maintenant
entendre ce que la Vierge avait à lui révéler et il était
plongé dans une extase encore plus profonde. Après avoir
entendu les paroles de la Vierge, il baissa lui aussi la tête.
Ce fut ensuite à Gilberte, la plus grande, puis à Andréine.
En confiant à chacun des enfants le message qu’elle leur
destinait, la Vierge avait chaque fois conclu sa révélation
en disant :
— Ceci est entre nous, et je te prie de ne le dire à per-
sonne.
Mais Gilberte, la grande, entendit également quelque
chose qui était destiné à tous et qu’elle s’empressa de ré-
péter :
« Je convertirai les pécheurs ! », lui dit la Vierge afin qu’elle
fasse connaître ses intentions.
Et à Andréine elle confirma son identité :
« Je suis la Mère de Dieu, la Reine des Cieux ».
La dernière recommandation de la Vierge avant de pren-
dre congé fut :
« Priez toujours ! »
Enfin la Vierge les salua :
« Adieu ! »
Dès qu’ils retrouvèrent un peu de forces après l’émotion
et l’épreuve que représentait l’extase, les enfants quittè-
rent les lieux pour prendre le chemin de la maison. Tous
sauf une, Fernande. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle
avait été la seule à ne pas recevoir le message personnel
de la part de la Vierge. Un médecin qui avait assisté à la
scène la consola en lui murmurant :
— Tu verras, la Vierge reviendra peut-être pour toi...
Il tombait une pluie fine et glacée. La fillette commença à
réciter un autre rosaire. Les Ave Maria furent égrenés l’un
après l’autre mais la Vierge ne fit pas son apparition.
— Viens, Fernande. Allons à la Grotte. Nous y dirons en-
core une prière, lui dit le médecin qui s’inquiétait de voir
la fillette rester au froid. Mais elle ne bougea pas. Le mé-
decin s’impatienta :
— Allez, ne fais pas l’enfant. Viens à la grotte. Tu revien-
dras ici plus tard, quand il n’y aura plus personne.
Fernande semblait comme clouée au sol.
Alors que la pluie continuait à tomber, les gens s'apprê-
taient à la laisser là, toute mouillée et transie de froid.
Mais tout à coup une lumière intense frappa les yeux de
l'assistance.
— Qu’est-ce qui se passe ? C’est vous monsieur ? dit
quelqu’un en s’adressant à un photographe. Mais l’éclair
de magnésium ne produit pas une telle lumière. Les gens,
qui étaient sur le point de partir, se précipitèrent de nou-
veau vers l’aubépine : là ils eurent tout juste le temps de
voir briller une boule de feu qui, en éclatant, laissa échap-
per une myriade d’étincelles.
La petite visionnaire tomba de nouveau à genoux, les
yeux hagards et les mains jointes. Penchée en avant, elle
se mit à prier avec une ferveur qu’on ne lui avait jamais
vue auparavant : elle récita les Ave Maria, en les entre-
coupant de « oui », avec tant de passion qu’en l’entendant
les personnes présentes frémissaient d’émotion. Elle
s'écroula finalement à terre ; vaincue par les sanglots.
La Vierge lui avait demandé :
« Vous aimez mon Fils ? Vous M’aimez ? »
Et la réponse étant positive, elle avait ajouté :
« Alors, sacrifiez-vous pour moi ».
Fernande s’apprêtait à demander : « Mère, quel genre de
sacrifice attendez-vous de moi ? », mais la Vierge écarta
les bras et, en montrant son Cœur, elle dit :
— « Adieu ! »
C’est alors que Fernande éclata en sanglots.

7. 1933 : Banneux, la Vierge des pauvres

La Vierge sur la cime des sapins — Je suis la


Vierge des Pauvres — Un message secret — La
tristesse de la Vierge.
Dans les apparitions qu’elle a faites en Belgique, à Beau-
raing comme à Banneux, la Vierge n'a explicitement ou
implicitement délivré aucune prophétie concernant l’ave-
nir de l’humanité. Cependant, la correspondance entre
ces événements miraculeux et la montée au pouvoir d'Hi-
tler en Allemagne n’échappera à personne. Et l’on sait
combien la population belge avait déjà eu à souffrir au
cours de la première guerre mondiale du fait de l’Alle-
magne et combien en particulier le village de Banneux
avait été marqué.
Banneux est un village des Ardennes qui dépend de la
commune de Louveigné, à environ vingt kilomètres de
Liège. Son nom signifie « lieu banal ». En effet, dans ses
prés et dans ses bois, qui appartinrent du Moyen âge à la
Révolution française à la Principauté ecclésiastique de
Stavelot-Malmédy, dirigée par les moines bénédictins, les
habitants du village jouissaient du privilège de « banalité
», c'est-à-dire du droit de vaine pâture et d’affouage.
Selon un historien :
« On ajouta au nom de Banneux celui de Notre-Dame, non
pas, comme on pourrait le croire, à la suite des appari-
tions de la Vierge, mais en témoignage de reconnaissance
à Marie pour la protection qu’elle avait accordée au village
en 1914. Les villages alentour étaient la proie des
flammes. Voyant ce spectacle au loin, certains habitants
de Banneux, terrorisés, s’étaient réfugiés dans le château
où, ainsi que le leur avait suggéré la châtelaine, Madame
Cijnans, ils firent vœu d’appeler leur village « Banneux-
Notre-Dame » si la Sainte Vierge les sauvait. Les Alle-
mands mirent le village voisin de Louveigné à feu et à sang
alors que Banneux fut épargné. »33
Par un froid dimanche d’hiver, le 15 janvier 1933 exacte-
ment, une fillette dénommée Mariette Beco, âgée de douze
ans, fille d’un ouvrier, est en train de guetter à la fenêtre
de la maison familiale située en bordure du bois l’arrivée
de son frère de dix ans, Julien. Il est sept heures du soir,
il fait nuit et elle a très froid. La famille Beco se compose
des deux parents et de sept enfants. Au même moment
sont réunis dans la cuisine la mère, qui s’occupe de la
dernière-née, Marie-Louise ; le petit René, malade auprès
duquel est assise Mariette. Le père dort tout habillé dans
la pièce voisine, à côté de la petite Simonette. Alphonse et
André dorment eux aussi, dans la pièce située à l’étage.
Un drap sert de rideau à la fenêtre. Pour scruter l’obscu-
rité, Mariette se met de temps en temps à genoux sur le
banc et le soulève. Et c’est justement en faisant ce geste
que tout à coup la fillette aperçoit dans le noir une lu-
mière, qui se transforme en un instant en une silhouette
radieuse. C’est une silhouette féminine : se dessinant
plus nettement, elle apparaît, très belle et souriante, les
mains jointes vers le bas. Elle est étrangement inclinée
vers la gauche.
Incrédule malgré son jeune âge, Mariette s’agite sur le
banc en essayant de fouiller du regard la mystérieuse
obscurité du jardin. Elle se lève préoccupée, pensant
avoir été éblouie par le reflet de la lampe à pétrole qui se
trouve derrière elle, sur la table. Elle va prendre celle-ci

33
P. Angelo Rainero, O.S.J., La Madonna dei Poveri, Milan, 1953.
pour la porter dans l’autre pièce. Mais, revenue à la fe-
nêtre, elle voit la Dame, toute pareille mais encore plus
resplendissante qu’avant.
Mariette appelle alors sa mère.
— Maman, dehors il y a une Dame habillée en blanc avec
une ceinture bleue à la taille, s’exclame-t-elle, visiblement
frappée.
La mère s'approche de la fenêtre et regarde, elle aussi :
elle voit effectivement une forme blanche, lumineuse,
mais elle prend peur et s’empresse de dire à sa fille qu’il
s’agit d’une sorcière.
La fillette ne quitte cependant pas l’image du regard et
remarque que la Dame lui fait signe de sortir de la maison
et de venir vers Elle, dans le jardin. Mariette demande à
sa mère la permission de sortir mais, pour toute réponse,
celle-ci va à la porte, la ferme à clé et met la clé dans sa
poche.
Déçue, le jour suivant la fillette voulut raconter à son père
ce qu'elle avait vu le soir précédent dans le jardin. Après
avoir entendu son récit, son père voulut pour la rassurer
lui démontrer au moyen d'une expérience qu'elle avait été
victime d'un effet d'optique.
Lorsque la nuit tomba et que le froid se fit plus vif, il prit
de l'eau et la jeta sur la terre, où elle avait vu la figure
lumineuse. En gelant, l'eau allait jouer le rôle d'un miroir
dans la lumière de la lampe, créant l'illusion d'une appa-
rition.
L'ouvrier souleva ensuite le rideau et posa la lampe à sa
place habituelle. Mais la lumière, qui donnait directement
sur la rue, laissait dans l'ombre l'endroit indiqué par Ma-
riette et par sa mère. Et même en déplaçant la lampe da-
vantage vers la droite ou vers la gauche, il ne réussissait
pas à éclairer la zone de l'apparition.
Quatre jours plus tard, le 19 janvier, Mariette sortit dans
le jardin à sept heures du soir, dans le noir et au froid. Le
thermomètre marquait 12 degrés en dessous de zéro. Une
impulsion soudaine l'avait poussée à affronter le froid dif-
ficilement supportable et les ténèbres effrayantes pour al-
ler s'agenouiller dans la neige.
Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que son père, qui
l'observait médusé de la fenêtre, la voie soudain tendre
les bras vers le ciel.
Une fois sortie de son extase, elle racontera que la Vierge
est apparue sur la cime des sapins qui se dressent dans
le marécage situé auprès de la maison et dénommé La
Fagne. Elle semblait venir d’un point situé très loin dans
l’espace et elle était donc très petite, comme un avion qui
aurait débouché tout à coup de l’horizon. Mais au fur et
à mesure qu’elle se rapprochait, elle prenait des dimen-
sions plus importantes. Finalement, après être passée au
travers de deux sapins, elle vint se placer face à Mariette :
elle se trouvait à un mètre cinquante d’elle, suspendue
dans les airs à environ trente centimètres du sol, sur un
nuage gris. Sa taille était grandeur nature.
La Vierge portait une longue robe blanche de laquelle dé-
passait son pied droit orné d’une rose en or. Elle portait
également un grand voile, blanc lui aussi, et une ceinture
bleue qui lui marquait la taille. Sa tête était entourée de
rayons lumineux et un chapelet pendait de son bras droit.
Totalement absorbée par la vision, Mariette était entrée
en extase : elle s’était figée dans la position où elle était,
insensible à tout, même au froid intense, mais semblait
comblée par ce qu’elle voyait et entendait.
S’étant aperçu de l’état dans lequel elle se trouvait main-
tenue, son père devint nerveux. Il ouvrit et referma
bruyamment la porte de la maison et parcourut le jardin
en long et en large : mais la fillette restait immobile, ab-
sente, le regard dirigé légèrement vers le haut et ses lèvres
bougeaient à peine en murmurant les prières à voix
basse.
Alors Julien Beco, effrayé, enfourcha sa bicyclette pour
aller demander du secours à quelqu’un, et d’abord au
chapelain. Mais celui-ci était absent. Il alla alors frapper
à la porte de Michel Charlesèche, un brave homme qui
habitait tout près et auquel il expliqua ce qui arrivait à
leur Mariette. Celui-ci ne se fit pas prier et, accompagné
de son fils, un garçon de onze ans, il suivit le père de Ma-
riette.
Lorsqu’ils arrivèrent en vue de La Fagne et de la maison,
ils virent Mariette en train de se diriger comme un auto-
mate vers la route, sortant du jardin.
— Où vas-tu ? cria son père inquiet.
Mais, le regard toujours fixé sur quelque chose ou sur
quelqu’un qui semblait se trouver devant elle, elle répon-
dit :
— Elle m’appelle.
Alors qu’elle était en train de traverser la route, Mariette
tomba à genoux, au beau milieu de la chaussée. Elle resta
ainsi pendant un instant, puis se releva et se remit à mar-
cher.
Les trois autres, qui la suivaient à quelques mètres de
distance, l’appelèrent à plusieurs reprises, mais sans
succès tellement Mariette était absorbée dans sa vision
de la Vierge. Celle-ci allait à reculons, se déplaçant dans
les airs comme si elle volait sur une surface plane et les
pieds reposant toujours sur le petit nuage, qui semblait
la maintenir à une certaine distance du sol. Après avoir
fait quelques pas, Mariette tomba de nouveau à genoux
mais elle se releva quelques instants après. La fillette de-
vait raconter plus tard qu’elle s'agenouillait quand la
Vierge s'arrêtait et se relevait lorsque celle-ci repartait en
arrière.
Tout ceci se déroulait dans la nuit noire. Mariette se trou-
vait maintenant à environ vingt-cinq mètres du groupe
quand elle obliqua vers la gauche et alla s’agenouiller au
bord d’un fossé où coulait une petite source. On sut par
la suite que la Vierge s’était arrêtée au-dessus du talus
qui surplombe le ravin, de l’autre côté du fossé.
— Mets les mains dans l’eau, avait dit la Vierge à Mariette.
Elle obéit puis, alors qu’elle plongeait ses petites mains
nues dans l’eau glacée, elle répéta les paroles de la
Vierge :
— Cette source m’est réservée.
Et enfin :
— Bonsoir. Au revoir.
La fillette racontera que la Dame s’est élevée jusqu’à la
cime des sapins. Elle est ensuite devenue de plus en plus
petite, puis a disparu dans l’immensité du ciel.
Les apparitions suivantes de la Vierge à Mariette Beco se
déroulèrent de la même manière. Elles durèrent cepen-
dant moins longtemps que la première qui avait été d’en-
viron trente-cinq minutes.
Banneux n’attira jamais beaucoup de gens. Dans les pre-
miers temps, un groupe d’une douzaine de personnes
s’était formé mais beaucoup cessèrent bien vite de se
rendre chez les Beco. Mariette se retrouva ainsi parfois
complètement seule à attendre la venue de la Vierge dans
la nuit noire et dans un froid glacial. La fillette se mettait
sur la tête un vieux paletot. Son père la suivait. Après
avoir étendu un vieux sac sur la neige, elle s’agenouillait
et commençait à réciter son chapelet.
Elle était tournée vers la pinède et regardait dans la di-
rection de Louveigné, les yeux fixés sur un point situé
entre deux cimes de sapins.
Après avoir récité plusieurs dizaines d’Ave Maria, elle était
saisie de surprise à l’arrivée de la Vierge. Elle levait les
bras au ciel et s’écriait :
— Oh ! La voilà.
Le 19 janvier, jour de la troisième apparition, elle de-
manda à la Vierge :
— Qui êtes-vous, belle Dame ?
Et l’apparition de répondre :
— Je suis la Vierge des Pauvres.
Le samedi 11 février, jour de la cinquième apparition,
alors qu’elle se trouvait près de la source à laquelle l’avait
menée la Vierge, penchée au-dessus de l’eau, Mariette se
leva d’un bond puis éclata en sanglots, se cachant le vi-
sage dans le creux de son bras.
Il était surprenant de la voir ainsi se diriger vers sa mai-
son tout en conservant cette attitude bien que marchant
d’un bon pas. Une fois entrée chez elle, elle s’assit à la
table. Elle posa ensuite le bras sur la table et s’écroula
sur celle-ci, la tête toujours appuyée sur son bras et pleu-
rant à chaudes larmes.
Les personnes présentes tentèrent de la calmer mais elle
ne répondit pas, disant simplement entre deux sanglots :
— Attendez.
Ces pleurs semblèrent alors interminables. Le temps pas-
sait et, se sentant impuissantes autant qu’embarrassées,
les personnes en question firent le geste de s’en aller.
C’est alors que Mariette s'exclama :
— Non, restez encore un peu.
Puis elle se leva et dit à son père de venir avec elle dans
la chambre voisine. La porte qui séparait les deux pièces
demeura cependant entr'ouverte et, de la cuisine, les gens
purent voir Mariette qui, la tête posée sur l’épaule de son
père, parlait sans discontinuer. De la cuisine, on entendit
seulement : « La Sainte Vierge a dit : je viens soulager la
souffrance ». Les gens entendirent la fillette, qui s’expri-
mait comme toujours en dialecte wallon, ajouter qu’elle
n’avait pas compris le sens du mot « soulager ». Son père
lui traduisit alors ce terme en wallon34.

34
Ibid.
La Vierge revint rendre visite à Mariette Beco le mercredi
15 février, pour la sixième fois. Il se trouvait chez la fa-
mille Beco une dame de Liège avec sa femme de ménage
ainsi qu’une voisine du chapelain de Banneux. Les
femmes récitaient ensemble le rosaire tandis que Ma-
riette, « qui depuis un moment se tenait prête, son petit
châle sur les épaules et un bonnet blanc sur la tête, en
attendant le rendez-vous habituel », sortit de la maison
vers sept heures du soir, comme toujours dans l’obscurité
et le froid. La fillette s’agenouilla malgré tout dans l’allée.
Les autres vinrent se placer derrière elle.
Après deux rosaires, on vit Mariette lever la tête vers le
point habituel dans le ciel.
«... puis on entendit distinctement la voix de Mariette, qui
disait : « Sainte Vierge, notre chapelain m’a dit de deman-
der de vous un signe ». Puis elle demeura silencieuse pen-
dant un assez long moment, trois minutes environ.
Quelqu’un lui demanda : « Tu n’as pas froid ? ». Elle ne
répondit pas mais recommença à réciter le rosaire. Elle
ne suivait toutefois plus scrupuleusement les dizaines et
elle priait d’une voix mal assurée qui devint de plus en
plus faible pour finir étouffée dans un sanglot. On la vit
enfin se prosterner le visage contre terre et continuer à
pleurer sans dire un mot » 35.
Sa mère essaya alors de la faire se lever, cherchant en
même temps à savoir quelque chose d’elle. Mais elle ne
voulut ni se relever ni répondre. Alors une dame la sou-
leva de force et la remit debout.

35
Ibid.
— Pourquoi pleures-tu ? demanda-t-on à Mariette.
— Tu l’as donc vue ?
— Oui.
— Que t’a-t-elle dit ?
— Croyez en moi, je croirai en vous. Priez beaucoup. Au
revoir.
Ne pouvant plus tenir dans le froid, tout le monde rentra
en toute hâte dans la maison. Là, s’asseyant comme à
l’habitude à la table de la cuisine, Mariette s'affaissa sur
celle-ci, se cachant le visage dans le creux de son bras, et
elle continua à pleurer.
On lui demanda sans succès d’expliquer les raisons de
ces pleurs désespérés : Mariette restait muette et une
grande tristesse se peignait sur son visage.
Ce n’est qu’une fois que les gens furent partis et qu’elle
resta seule avec sa famille qu’elle se confia à son père. La
Vierge, dit-elle, lui avait fait part d’un secret. Et elle avait
ajouté : « Priez beaucoup ».
Quand elle avait demandé un signe à la Vierge, afin que
tous puissent croire en Elle, Elle avait répondu : « Croyez
en Moi : je croirai en vous ».
C’est en récitant pour la deuxième fois le rosaire qu’elle
avait entendu prononcer ces paroles mélancoliques :
— Au revoir. Et la Vierge s’était alors élevée au-dessus de
la cime des sapins, disparaissant ensuite dans l’immen-
sité du ciel.
La Vierge revint une septième fois, le soir du lundi 20 fé-
vrier. Elle vint uniquement pour répéter ses recomman-
dations :
— Ma chère enfant, priez beaucoup !
Mariette sortait toujours dans le jardin à sept heures du
soir. Elle portait un sac à la main et un châle sur la tête.
C’est ainsi que le 2 mars, s’étant comme à l’habitude age-
nouillée sur le sac, elle avait commencé à réciter ses
prières, en attendant l’apparition.
Il n’y avait pas beaucoup de monde autour d’elle. Il pleu-
vait mais ne neigeait pas cette fois-là. Les averses étaient
violentes et une dame eut pitié d’elle et couvrit la fillette
avec son parapluie.
Elle commença à réciter le rosaire. La mère de Mariette et
un de ses petits frères sortirent également de la maison.
Deux rosaires venaient à peine d’être égrenés que tout à
coup « la pluie cessa, le ciel se dégagea et les étoiles se
mirent à briller. Mariette se mit à réciter un troisième ro-
saire. Au bout de la troisième dizaine, on remarqua en elle
un changement soudain : sa voix s’éleva et les Ave Maria
sortirent de sa bouche avec un débit plus rapide.
À un moment donné, Mariette tendit les bras et se leva
d'un bond ; elle fit un pas en avant puis se remit à genoux,
continuant à réciter plusieurs Ave Maria, environ une di-
zaine, à toute vitesse. Elle priait seule, car les autres res-
taient à la regarder, en silence. Tout à coup, elle se tut,
puis prononça distinctement : « Oui... oui » et se proster-
nant le visage contre terre, elle se mit à pleurer, récitant
toujours des Ave Maria entre deux sanglots »36.
Ce nouveau comportement de la fillette, qui se prosternait
à terre, en larmes et désespérée, inquiéta les femmes. On
alla bien vite chercher le père de Mariette, tandis que sa
mère essayait d’arracher sa fille de cette position, mais
sans succès. Le père arriva. Il se pencha vers la fillette et
l’attrapa par les épaules. Il réussit finalement non sans
mal à la soulever du sol et, l’ayant prise dans ses bras, il
la porta jusqu’à la maison.
Mariette était encore toute troublée et pleurait toujours.
Son père alla la porter sur son lit, dans l’autre pièce. Là
elle versa encore bien des pleurs. Quand elle se fut un
peu calmée, elle quitta le lit et alla à la cuisine, où se
trouvaient les femmes. L'une d’entre elles voulut, pour la
réconforter, la prendre sur ses genoux.
— Qu’est-il arrivé, Mariette ? lui demanda-t-elle douce-
ment pour ne pas la troubler.
— La Sainte Vierge ne viendra plus. Elle m’a dit : « Adieu».
Le premier consterné par cette nouvelle fut le père de Ma-
riette. Son émotion fut même si forte qu’il devint tout pâle
et fut sur le point de s'évanouir. Les femmes vinrent alors
autour de lui : on lui donna un cordial et on lui mit des
vêtements chauds autour du corps. Il se remit.
Lorsque le calme fut revenu dans la petite pièce, on put
de nouveau poser des questions à Mariette. Elle répondit
que la Vierge avait également déclaré : « Je suis la Mère
du Sauveur, la Mère de Dieu. Priez beaucoup. Adieu. »

36
Ibid.
La vision était la même que les fois précédentes, mais le
visage n'était plus souriant mais triste. En lui disant «
Adieu », la Vierge l'avait ensuite bénie par imposition des
mains et en faisant le signe de la croix. Ce n’est qu’alors
qu’elle s’était éclipsée.
Alors que Mariette faisait ce récit, dehors la pluie avait
recommencé à tomber.
Banneux : neuf apparitions, du 15 janvier au 2 mars
1933. Les visions de Mariette Beco, une fillette de condi-
tion modeste à laquelle la Vierge s’était présentée comme
la « Vierge des Pauvres », furent pleinement reconnues
comme un phénomène surnaturel par l’évêque de Liège,
Mgr Kerkhofs, après avoir examiné les faits, celui-ci se
prononça en effet le 22 août 1949 de la manière suivante :
« Nous croyons, en toute conscience, pouvoir et devoir re-
connaître sans réserve (...) la réalité des huit apparitions
de la Sainte Vierge à Mariette Beco... »
IV

Des ténèbres de la terre


à l'espoir du salut

Le feu tombera du ciel comme de la neige »... C’est


le leitmotiv des messages délivrés au moment de
la seconde guerre mondiale. La bombe atomique
n’a pas encore été lâchée sur Hiroshima et Naga-
saki, elle le sera bientôt.

La visionnaire Berthe Petit a cette perception de l’avenir


(1943) : « Les châtiments approchent comme un nuage
qui grandirait et s'étendrait pour recouvrir tout, laissant
tomber partout des étincelles qui engloutiront les peuples
dans le feu et le sang ».
Et Maria Valtorta (1943) : « Feu envoyé par le soleil... té-
nèbres... tout ceci pour vous inciter à réfléchir et à vous
repentir ».
Pour la « visionnaire d’Amsterdam » (1945) : « ... Une
grande catastrophe se prépare, (les hommes) seront sur-
pris par celle-ci. Les mers orientales sont pleines... »
« Ténèbres. Ténèbres. Ténèbres. » C’est le cri de tristesse
qui continuera encore longtemps à être lancé par les fi-
dèles de la Vierge, qui voient se profiler à l’horizon l’apo-
calypse de feu à laquelle succédera une autre apocalypse
faite d’obscurité :
«... J’ai vu des nuages noirs approcher de tous les côtés...
La neige gelait sur les plantes et il faisait un froid comme
on n’en a jamais connu... Le ciel est devenu de plus en
plus bas, formant comme une énorme chape noire sur
toute la Terre. C’était comme si la Terre avait été séparée
du Ciel, ou comme si les hommes avaient été abandonnés
à eux-mêmes. Pendant les trois jours de ténèbres, vous
ne serez pas privés du nécessaire. Vos enfants dormiront
d’un sommeil profond... »
Le regard du visionnaire plonge plus profondément dans
l’avenir : « ... Je vois la DAME (la Dame de tous les
peuples) étendre la main sur une partie de l'Asie — sur
l’Ukraine me semble-t-il — comme pour la protéger37.
Puis je vois sur la gauche, dans le haut de la Russie, une
lumière infernale. C'est comme si une explosion se pro-
duisait depuis le sol. Puis je vois une plaine aride... » (Vi-
sionnaire d’Amsterdam, 1973).

1. 1944 : Ghiaie di Bonate : trois millions de


personnes protégées par la Vierge

D’innombrables guérisons miraculeuses — Les


danses du soleil — « Je ne peux pas dire ce que j’ai

37
L’Ukraine se situe en fait dans l’Europe du sud-est, aux frontières de l’Asie.
vu » — Un message secret.

C'était en 1944 : la guerre était partout. La Péninsule était


envahie au Sud par les Alliés et occupée au Centre et au
Nord par les troupes allemandes. Les bombardements,
l’exode des populations vers les campagnes, la déroute
des soldats italiens, le drame politique, étaient les com-
posantes de la tragédie quotidienne. Mais dans ce con-
texte, un événement ténu polarisa l’attention générale. Ce
furent les habitants de la région de Bergame qui furent
les premiers à en parler. En effet, dans un petit village
proche de Ponte San Pietro, dénommé Ghiaie di Bonate,
petit hameau de la commune de Bonate Sopra situé sur
la rive droite du fleuve Brembo, une fillette connaissait
des extases mystiques.
À l’âge de quinze ans, Adélaïde Roncalli consigna dans un
cahier le récit de ses treize rencontres avec la Vierge. Le
Père Bonaventura Raschi en publia le texte en 1959.
Voici comment la visionnaire parle de sa première appa-
rition du 13 mai 1944, en reproduisant, comme elle le fera
pour les autres apparitions, les mots prononcés en dia-
lecte bergamasque par la Vierge :
« Sur le coup j’ai eu peur et j’ai voulu m’enfuir, mais la
Dame m’a appelée d’une voix délicate, en me disant :
“Scapa mia ché me so la Madonna” (Ne t’en vas pas, je
suis la Vierge). Je restais alors à la regarder, mais tou-
jours avec un sentiment de peur. La Vierge me regarda et
ajouta : "The ghe de es buna, ubidiente e rispetuosa col
pro sem, e sincera. Prega be e turna in chel post che per
nof vol te semper a chest ura” (tu dois être bonne, obéis-
sante, respectueuse envers ton prochain et sincère. Prie
bien, et reviens en ce lieu neuf fois de suite, toujours à
cette heure.)
L’intérêt pour ce phénomène alla ensuite grandissant ; et
avec lui l’affluence des visiteurs, en cette époque où les
voyages étaient rendus difficiles et risqués par la pénurie
de moyens de transport, les bombardements aériens et la
difficulté de trouver des vivres en cours de trajet.
Trois millions de personnes réussirent cependant à se
rendre à Ghiaie di Bonate en ce printemps de l’année 44 :
c’étaient des gens de tous âges et de toutes conditions qui
avaient pris d’assaut les quelques trains encore en circu-
lation, les autocars, les automobiles, charrettes et autres
moyens de transport disponibles. Ils venaient de tous les
coins d’une Italie sous le joug de l’ennemi et meurtrie par
ses coups, et même d’une Europe dont la situation n’était
pas meilleure : de France, de Belgique, d’Autriche, de
Yougoslavie, d’Allemagne et de Suisse.
Le chef des services de Police de Bergame était saisi d’ef-
froi en songeant à ce qui pouvait se produire si l’ennemi
avait pris ce rassemblement de pèlerins pour une concen-
tration de troupes, d’autant que la nuit, en dépit du
couvre-feu, des milliers de bougies éclairaient la cam-
pagne comme en plein jour. Pourtant, jamais aucun avion
ayant survolé la zone à basse altitude, isolément ou en
formation, ne lâcha une bombe ni ne mitrailla Ghiaie di
Bonate. On entendit par ailleurs dire à l’époque, que
même la ville de Bergame avait été « miraculeusement »
épargnée par les bombardements. En fait, les Alliés
avaient des plans et des ordres bien précis pour effectuer
un raid aérien. Mais au dernier moment, il y eut contre-
ordre et les plans eux-mêmes furent d’ailleurs détruits...
Adélaïde était fille de l’ouvrier Enrico Roncalli et d’Annetta
Gamba. Ses parents avaient déjà quatre enfants lors-
qu'elle vint au monde, qui seraient encore suivis de trois
autres, soit huit au total. Quand elle eut sa première vi-
sion de la Vierge, le 13 août 1944, Adélaïde ne parlait que
le dialecte à demi incompréhensible du coin perdu de
Lombardie où elle vivait. Elle était née le 23 avril 1937 et
c’est à l’occasion de l’anniversaire de la vingt-septième ap-
parition de Fatima, le 13 mai 1944, que cette jeune fille
modeste connut peu après six heures du soir une expé-
rience surnaturelle.
Ce jour-là, un groupe de fillettes, parmi lesquelles Adé-
laïde, se dirige vers les prés en fleurs. Adélaïde, installée
sur une brouette est poussée par ses compagnes, Palma
sa petite sœur âgée de six ans, Bettina Masper, neuf ans,
et Severa Mascolini, dix ans. À mi-chemin entre un lieu-
dit le « Torchio » et la ferme des Ferrari, le petit groupe
s'arrête. Adélaïde racontera : « J’allais cueillir des fleurs
pour la Sainte Vierge qui se trouve dans l'escalier qui
mène à ma chambre. J'avais cueilli des marguerites et je
les avais mises dans une brouette que mon papa avait
faite. Je vis une belle fleur de sureau mais elle était trop
haute pour que je puisse la cueillir. Je l'admirai quand je
vis un petit point doré qui descendait du ciel et se rappro-
chait peu à peu de la terre. Au fur et à mesure qu’il s’ap-
prochait, il grandissait et il se dessina à l’intérieur,
l’image d’une belle Dame, avec l’Enfant Jésus dans ses
bras et, à sa gauche, Saint Joseph. Les trois personnages
étaient entourés d’un ovale de lumière et demeuraient
suspendus dans l’espace, tout près des fils électriques ».
Belle et majestueuse, la Dame était vêtue d’une robe
blanche et d’un manteau bleu clair ; elle avait autour de
son poignet droit un Rosaire aux grains blancs. Deux
roses blanches étaient posées sur ses pieds nus. L’enco-
lure de sa robe était bordée de perles de même grosseur,
reliées entre elles par un fil d’or en forme de collier. Les
auréoles qui entouraient les trois personnages étaient lu-
mineuses et avaient des reflets dorés.
« Sur le coup, je pris peur et je m’apprêtai à fuir, mais la
Dame m’appela d’une voix douce en me disant : “Ne t’en-
fuis pas, je suis la Sainte Vierge !" Alors je restai immobile
à la regarder, en ayant toujours peur. La Vierge me re-
garda puis elle ajouta : “Tu dois être bonne, obéissante,
respectueuse de ton prochain et sincère ; prie bien et re-
viens en ce lieu neuf fois de suite, toujours à cette heure.”
La Vierge Marie me regarda pendant quelques instants,
puis elle s’éloigna lentement, sans se retourner. Je la sui-
vis du regard jusqu’à ce qu’un nuage blanchâtre l’ôte de
la ma vue. »
Ce fut le Père Bonaventura Raschi, auteur du livre «
Questa è Bonate » (Gênes, 1959), qui plusieurs années
plus tard reconstitua à partir du cahier tenu par Adélaïde
Roncalli, et transposa en bon italien, le récit spontané des
faits. Toutefois, dans sa version, la charge émotionnelle
du texte original est inévitablement émoussée. Pour s’en
faire une idée, il faut se reporter aux déclarations que
nous avons pu recueillir auprès des témoins oculaires de
l’événement, à savoir les deux autres fillettes qui virent se
transformer le visage, l’expression et tout le comporte-
ment d’Adélaïde et en furent effrayées. La petite avait
chancelé puis s’était pliée sur le côté. « Adélaïde, qu’est-
ce que tu as ? Tu te sens mal ? »
Adélaïde ne répond pas ; elle est terrorisée et veut s’en-
fuir, mais elle demeure clouée sur place et son visage se
congestionne. Ses deux compagnes l’appellent de nou-
veau, elle ne répond pas. Palmina, sa sœur, se met alors
à courir en direction de leur maison et en arrivant là, tout
essoufflée, elle s’écrie :
« Maman, Maman, Adélaïde est morte debout ».
Les extases d’Adélaïde Roncalli dans la campagne de
Ghiaie di Bonate se succédèrent du 13 au 21 mai (à neuf
reprises), puis du 28 au 31 mai (quatre fois).
Il est facile d’imaginer avec quelle rapidité la nouvelle des
apparitions s’était entre temps répandue dans toute la
zone. Adélaïde avait elle-même raconté, le soir du 13,
qu’elle avait vu la Vierge, Saint-Joseph et l’Enfant Jésus.
Selon un journaliste, « des milliers de personnes des vil-
lages environnants étaient accourus dès le 19 mai, le len-
demain, un samedi, et le 21 une foule immense se ras-
sembla à cet endroit. Pendant ces trois journées la fillette
fut ballottée au milieu de la multitude. Durant la nuit, de
très nombreuses églises et écoles des villages voisins de-
meurèrent ouvertes pour donner asile à environ deux
cents mille pèlerins. L’évêque de Bergame, soucieux on le
comprend, de préserver la sécurité de la fillette et souhai-
tant en même temps suivre de près le déroulement des
faits, envoya des personnes de confiance, connues pour
leur grande probité, pour le tenir informé38.

38
Alberto Ambrosini : La Madonna di Bonate nelle visioni della piccola Adelaide, in
« L'Italia » du 8 juin 1944. Certains témoins ont estimé l’affluence des pèlerins à
« Voilà l’enfant »

Ceux qui ont pu observer Adélaïde Roncalli de près, ont


été à même de conclure que quelque chose d’exceptionnel
et de mystérieux était en train de lui arriver et qu’il im-
portait par conséquent d’étudier, d’analyser et d’examiner
attentivement, ce qui se passait.
« Voilà l’enfant ». À six heures du soir, Adélaïde arrive. Elle
est portée par le Commissaire de la Préfecture qui avance
lentement, se frayant difficilement un passage parmi la
foule en tirant en l’air. La fillette se cache le visage avec
son bras. On crie de tous côtés : « Adélaïde, prie la Sainte
Vierge pour moi... Dis à la Sainte Vierge de me guérir ».
Aux « écartez-vous ! écartez-vous ! » des soldats répond la
voix de l’infirmière de la Croix-Rouge qui s’écrie : « On ne
peut pas passer ! Il y a des malades sur les brancards ! »
« Passez-la à bout de bras ! » Et, de mains en mains, au-
dessus de cette marée humaine, la petite visionnaire
passe des bras de l’infirmière de la Croix-Rouge aux
miens et la voici maintenant debout, à son poste !39
Il est un peu plus de six heures et les médecins sont au-
tour d’Adélaïde. Tous l’observent attentivement et ont des
questions à lui poser. Ils lui prennent le pouls alors que
la foule l’interpelle. On se recommande à elle, chacun
communique ses problèmes : quelle les transmette. La fil-
lette porte son index à ses lèvres : elle demande le silence.
« À plusieurs reprises, la fillette semble ne pas se sentir

Ghiaie à trois millions en deux mois.


39
R. Raschi : op. cit.
bien, et, à huit heures moins le quart, heure légale (sept
heures moins le quart, heure solaire), elle est encore dans
les bras de sa cousine lorsque soudain elle s’agite, la fait
agenouiller. Ses yeux, qui tant de fois avaient jusqu’alors
fixé avec anxiété un point bien précis, s’illuminent... et la
voici, debout, les mains jointes, immobile, en extase... ».
Les médecins tombent eux aussi à genoux. Ce n’est qu’au
bout d’un moment qu’ils recommencent à observer Adé-
laïde, qui pendant ce temps demeure plongée dans l’ex-
tase la plus totale et la plus profonde.
« Il est huit heures moins dix : je n’arrive plus à prier et
je regarde fixement la fillette, harcelée par les piqûres des
médecins mais ne s’en rendant même pas compte, pas
plus qu’elle ne s’était aperçue les jours précédents des
brûlures qui lui avaient été faites aux mains et dont au-
cune trace n’était restée. Je la vois respirer profondément,
battre plusieurs fois des cils ; son visage devient très
triste. Je l’observe pendant tout le temps que dure l’ex-
tase. Au bout de dix minutes, la petite a les yeux hu-
mides, de grosses larmes se mettent à couler le long de
ses joues et l’expression de tristesse sur ce petit visage
me bouleverse. C’était l’adieu de la Vierge. »
Le cas d’Adélaïde Roncalli fut également étudié par le Père
Agostino Gemelli, alors Recteur de l’Université Catholique
de Milan, qui avait été saisi du dossier par l’évêque de
Bergame. Il émit certaines conclusions sur la personna-
lité et l’état de santé mentale de la fillette : a) « Adélaïde
Roncalli est un sujet normal, fruste parce que n’ayant
reçu aucune éducation ni aucune instruction, mais douée
d’une intelligence normale. Caractère positif et pratique,
bonté d’âme ; b) on peut affirmer de la manière la plus
absolue que les événements de Bonate ne sauraient être
attribués à une hypothétique déficience mentale, ne se-
rait-ce que limitée, de l’enfant ; c) il est exclu qu’il s'agisse
d’un sujet anormal qui a recours au mensonge pour faire
le récit de ses visions ; d) il est également exclu d’expli-
quer le phénomène par une perception représentative
particulière et par une imagination créatrice anormale-
ment fertile ; e) une autre hypothèse peut être écartée, à
savoir qu’il s’agisse d’un sujet hystérique... L’hystérique
se révèle surtout par la création imaginaire d’un monde
irréel et sa personnalité se manifeste tout particulière-
ment par le désir de paraître, d’être félicité, apprécié. Ce
n’est absolument pas le cas chez Adélaïde Roncalli. Nous
sommes en présence d’un sujet précocement positif, réa-
liste et synthétique. (Tiré d’une série d’articles parus dans
le Giornale del Popolo de Bergame à l’occasion du dixième
anniversaire des apparitions).
Le 15 juin 1944, la Vierge répondit à tous ceux qui l’in-
terrogeaient pour savoir quand la guerre prendrait fin.
C’était sa troisième apparition et, aux dires d'Adélaïde,
elle déclara : « Si les hommes font pénitence, la guerre se
terminera dans deux mois, autrement dans un peu moins
de deux ans ».
Mais aucun de ceux qui avaient entendu le message de la
Vierge n’aurait été capable de dire ce que recouvrait cette
éventualité.
Dans l’intervalle, les armées alliées, remontaient du Sud
de la Péninsule vers le Nord sous les bombardements qui
dévastaient les villes italiennes. Bien que de terribles
raids aériens aient frappé la province de Bergame, à Dal-
mine et à Ponte San Pietro, la foule affluait à Ghiaie, «
jusqu’à atteindre des proportions invraisemblables le der-
nier jour, le 31 mai ». Tout le monde voulait savoir quand
la guerre allait se terminer... Lorsque Brescia subit le 13
juillet un sévère bombardement, la radio de la République
fasciste de Salô en prédit un analogue pour Bergame.
Selon certaines rumeurs, que les fascistes avaient proba-
blement eux-mêmes fait courir, Bergame devait tout bon-
nement être totalement rasée au cours des jours à venir,
à onze heures précisément.
Mais une autre rumeur circulait également à Bergame : «
Brescia oui, mais pas Bergame, parce que la Sainte Vierge
la protège » (quant à Ghiaie di Bonate, on dit que les pi-
lotes des avions qui survolaient la zone entendaient dans
leur casque la voix d’une femme qui leur commandait de
ne pas lâcher leurs bombes à cet endroit mais de les faire
tomber dans le fleuve Brembo ou le long de ses rives).
La semaine du 13 au 20 juillet fut décisive pour la pro-
vince de Bergame. Un prêtre partisan, Don Vittorio Bo-
nomelli, cachait à ce moment-là un officier des Services
Secrets anglais : les faits miraculeux dont la protagoniste
était la petite Adélaïde allaient inévitablement faire intru-
sion dans leur activité politico-militaire. Le Père Bo-
nomelli racontera justement, au cours d’une conversation
qu'il aura en juin 1973 à Breno, dans la province de
Brescia :
« J'avais avec moi un Commandant qui était une personne
extrêmement positiviste ; je précise par ailleurs qu'il
n'était pas catholique : c'était un anglais je dirais presque
anticatholique. Quand il entendait parler de visions ou
d'apparitions, il disait : "Oh, vous latins, vous en avez à
tout moment des visions, particulièrement en ces temps
de guerre, et moi aussi si je m’écoutais, je verrais volon-
tierrs des Saintes Vierges qui viendraient me réconforter
(...)”. La première fois je le laissais aller seul à Ghiaie,
parce que j’étais déjà sous le coup d’une condamnation à
mort. Il passa une soutane... Il descendit jusqu’à Ghiaie
et observa attentivement les gens, en bon représentant de
l’intelligence Service : il vit beaucoup de fascistes, il ob-
serva tout... Et il put finalement avoir un entretien avec
la “jeune fille”, comme il l’appelait 40. Il porta le jugement
suivant : “La jeune fille est bonne, très simple ; pour ce
qui est de son intelligence, on pourrait lui attribuer le
coefficient six... Cette fille-là est incapable d’inventer...”
(...) effectivement ce qu’elle dit avoir vu, elle l’a vu réelle-
ment (...). Elle a dit des choses qui dépassent son intelli-
gence, et dont, selon moi, elle n’a même pas saisi la signi-
fication ; on peut par conséquent dire que c’est une mes-
sagère inconsciente. »
Un jour l’officier anglais dit :
— Je veux informer le Haut-Commandement de ce phé-
nomène.
Le Père Bonomelli lui demanda :
— Nous devons le faire d’ici ou d’ailleurs ?
— Il vaut mieux changer d’endroit, répondit-il.
« Nous allâmes dans la montagne », raconte le prêtre, « un

40
C'était en réalité une fillette de sept ans.
peu en dessous de la Maresana ; nous redescendîmes un
peu vers les Sacramentini, vers les vignes où les véhicules
allemands ne pouvaient pas faire de rondes, et là nous
commençâmes à retransmettre le texte qu’il avait pré-
paré. » Il entendait tout ce que l’officier transmettait, étant
capable de déchiffrer le code secret du message :
« ... Il parlait de ce phénomène... Il insista énormément
sur cette phrase : repousser tout projet éventuel de bom-
bardement sur Bergame. Ce à quoi le Commandement
Suprême répondit : c’est une question très délicate car,
comme tu nous en as toi-même informés, le siège du
quartier général De Kesselring se trouve à San Pellegrino
et nous devons l’en déloger, créer la confusion, ne serait-
ce que parce que Bergame abrite de nombreux dépôts...
Il fut fait allusion à l’Hôpital Central, au Campo di Orio
qu’il fallait rendre inutilisable, à Ponte San Pietro... Et fi-
nalement : un bombardement en règle est prévu par le
Commandement Suprême sur Bergame ; il faut voir... Ce
bombardement devait détruire la gare et tout particuliè-
rement le centre de la ville, isolant celui-ci en le rendant
totalement inopérationnel du point de vue militaire. »
Mais l’officier insista tellement que la décision fut suspen-
due.
Il paraît que quelques jours auparavant, en regardant un
soir Bergame de la colline de la Maresana, le Comman-
dant allié aurait déchiré toutes ses cartes en disant : « Je
ne veux pas mécontenter la Vierge ».
On arriva ainsi au 20 juillet, c'est-à-dire à la fin de la pé-
riode des deux mois mentionnée dans la prophétie de la
Vierge, date à laquelle un autre événement suscita un tel
bouleversement dans les affaires politico-militaires qu’il
aurait pu leur faire prendre une tournure totalement nou-
velle : l’attentat contre Hitler aurait en effet pu, s’il avait
réussi, entraîner la cessation immédiate de la guerre.
Adélaïde avait précisé que la Vierge lui avait dit qu’il fallait
« faire bien attention à ce qui allait se passer un jeudi,
dans deux mois ». C’est ce qui se produisit, deux mois
plus tard, un jeudi, lorsqu’explosa la bombe dans la salle
où se tenait la réunion entre Hitler et les chefs suprêmes
de ses armées41.
Parmi les faits survenus à Bonate on compta également
beaucoup de « guérisons peu ordinaires », toutes prou-
vées. Parmi celles-ci, figurent les quatre-vingts signalées
par la Commission d’enquête mise sur pied à cet effet, qui
s’inspira des critères et des méthodes du Bureau de Cons-
tatations Médicales de Lourdes. Jusqu’à trois cents gué-
risons miraculeuses furent signalées au curé et au vi-
caire. Un prêtre, le Père Casella, nous a confié comment,
en toute simplicité, le « miracle » se produisait : « Alors
que nous dressions les procès-verbaux précédents, ras-
semblés dans la petite pièce du chef de gare, nous enten-
dions crier dehors : “Miracle, miracle”. Une mère qui por-
tait dans ses bras une enfant de trois ans atteinte d’une
luxation congénitale, qui avait subi en vain une interven-
tion, s’aperçut justement là, à la gare, que l’enfant posait
à terre sa jambe malade, comme l’autre jambe. Elle ne
savait toutefois pas encore si elle pouvait marcher ou non.
Le Père Ughetti, un prêtre de Mantoue, tendit un bonbon
à l’enfant qui se tenait debout toute seule devant la foule,

41
Tiré du Giornale del Popolo di Bergamo, déjà cité.
et lui fit des signes pour qu’elle s'approche. L’enfant hé-
sita un instant, puis avança en marchant d’un pas très
assuré. Le train était annoncé pour quelques minutes
plus tard lorsqu’on entendit de nouveau crier au miracle.
Un enfant de huit ans, sourd-muet de naissance, tira sur
la jupe de sa mère en lui montrant du doigt, tout content,
la cloche du train qui tintait. La mère de l’enfant poussa
un cri de joie. La foule se resserra autour d’elle. Le jeune
garçon, devant ce phénomène jusqu’ici inconnu, regarda
autour de lui, effrayé, puis se cacha le visage en se blot-
tissant contre sa mère et éclata en sanglots. Il n’avait pas
encore acquis l’usage de la parole mais il entendait, et
celle-ci n’allait pas tarder à suivre... »
Domenico Argentieri rapporte avec force détails certaines
guérisons miraculeuses42, parmi lesquelles celle de la «
signora Anna Villa », épouse Biella, née à Casatenovo.
« Depuis plusieurs années, la signora Anna Villa était
obligée de porter un corset orthopédique car autrement
elle n’aurait pu marcher, et, pour faire quelques pas sans
ce corset, elle devait se baisser en appuyant les mains sur
ses genoux. » Les médecins avaient diagnostiqué un mal
terrible : le mal de Pott. Les radiographies montraient
comment l’ostéite avait rongé la douzième vertèbre dor-
sale et la première lombaire. Après un bref séjour en cli-
nique, elle revint comme elle l’avait souhaité dans la mai-
son paternelle de Casatenovo où elle fut contrainte de de-
meurer pratiquement tout le temps alitée.

42
Cf. « La Fonte Sigillata », Rome, 1955.
Une nouvelle radiographie pratiquée le 23 mars 1943 ré-
véla une aggravation de son état : une destruction
presque totale de la douzième vertèbre et de rares résidus
lenticulaires de la première lombaire.
La foi poussa alors la signora Anna Villa à aller trouver le
Padre Pio de Pietralcina, à San Giovanni Rotondo. Celui-
ci lui dit : « Guéris d’abord ton âme et tu verras que ton
corps guérira également ».
Le 16 décembre 1943 il fut procédé à une nouvelle radio-
graphie : la partie résiduelle de la douzième vertèbre
s’était encore détériorée. On lui fit alors un corset en alu-
minium recouvert de celluloïd et avec ce corset elle se ren-
dit à Bonate le 28 mai 1944, pour la fête de la Pentecôte
qui était aussi le jour de la Première Communion d'Adé-
laïde Roncalli et un jour d’apparition.
Elle arriva à l’enceinte où se produisaient les apparitions
de Ghiaie vers huit heures trente du matin. Elle attendit
pendant environ neuf heures l’arrivée de la visionnaire. «
Pendant l’apparition elle pria constamment. Une fois que
la petite Adélaïde fut partie, elle voulut s’asseoir sur la
même pierre que celle où la fillette se tenait peu de temps
avant, puis elle souhaita s’y étendre. Elle ressentit tout à
coup un bien-être extraordinaire et chercha immédiate-
ment du regard sa mère, qui était restée sur sa chaise
longue. Elle cria : "Maman, je suis guérie”.
Quelques temps après, je me rendis chez la signora Anna
Villa où deux médecins, le Dr Loglio et le Dr Maggi, la vi-
sitèrent et l’aidèrent à se débarrasser de son corset : elle
se tenait droite, sans aucune douleur. »
Le Père Bonaventura Raschi43 cite seize cas de guérisons
miraculeuses. Ceux qui reçurent la « grâce » de la Sainte
Vierge à Ghiaie di Bonate sont :
Invernizzi Alessandro ; Robustelli Testo Maria Domenica,
de Sondrio ; Calligari Adelio, de l’institut pour Aveugles
de Milan ; Defen Lirida, de Basiliano, province de Udine ;
Accuso Anna ; Longoni Maria, de Saronno ; Baldassare
Anna Maria, de Rovereto ; Anna Sala, de Molteno,
Mandello Lario ; Rossi Maria épouse Cereda, de
Crescenzago, province de Milan ; Anna Villa épouse
Biella, de Casatenovo ; Ada Ronconi, de Milan ; Negri
Attilia, de Valgreghentino, province de Come ; Brunato
Maria ; Crippa Rodolfa, de San Fermo délia Battaglia,
province de Come ; Pino Santucci ; Cassia Rosangela, de
Ghiaie di Bonate.
Achille Ballini44 rapporte le cas d’une religieuse qui fut
elle aussi miraculeusement soulagée de ses souffrances :
« Sœur Antida Gasparini, de la Congrégation de Maria
Bambina, qui souffrait depuis 1941 de spondylarthrite
cervicale avec radiculite cervico-brachiale, se sentit guérie
le 22 juin 1944, à neuf heures du soir, à Bergame, au
terme d'une neuvaine à la Madonna delle Ghiaie commen-
cée le 14 juin. Le professeur A. Poli, directeur de l’institut
d’Orthopédie Matteo Rota de Bergame, émet les conclu-
sions suivantes après l'avoir examinée : « Suite aux ob-
servations qui précèdent, le soussigné, qui a eu l’occasion

43
In « Questa è Bonate », Gênes, 1950.
44
In « Una fosca congiura contro la storia », Rome, 1954.
de suivre depuis un certain temps la maladie... soudaine-
ment résorbée le soir du 22 juin 1944 après d’intenses
pratiques religieuses à la Madonna di Bonate, s’estime
fondé à affirmer en toute conscience et au vu de ses con-
naissances que la guérison de l’affection qui s’avère totale
du point de vue clinique, s’est produite selon des modali-
tés qui n’ont rien à voir avec les lois naturelles (31 juillet
1944). »
Le Dr F. Golmozzi, Chef de clinique de l’Hôpital Central de
Bergame, écrit quant à lui à son collègue Borroni : « ...
Voici ce que je peux dire à propos de la maladie et de la
soudaine guérison que l’on peut juger surprenante et
inexplicable en l’état actuel des connaissances scienti-
fiques qui sont les nôtres (20 novembre 1944) ».
Les témoins de ces guérisons miraculeuses de Ghiaie di
Bonate purent également observer des phénomènes con-
comitants dans le ciel, tels que les « danses » du soleil. «
À six heures du soir ce jour-là, je me trouvais avec une
foule de gens en haut de la butte qui surplombe le lieu
des apparitions car il était impossible, étant donné le
nombre de personnes présentes, de descendre plus bas »,
raconte un témoin oculaire. « À un moment donné, j’en-
tendis les gens dire : "Regardez le soleil, regardez le so-
leil !”. Je me retournai moi aussi, la curiosité l’emportant
sur la méfiance, et je vis le soleil qui, sorti des nuages (le
ciel était menaçant), tournoyait sur lui-même et semblait
déraper avec la vitesse du mouvement. En même temps
je vis qu’il projetait des faisceaux de lumière... qui, pour
moi, étaient pratiquement en permanence jaune d’or.
Ceux qui étaient près de moi disaient tous qu’ils avaient
constaté le même mouvement mais également qu'ils
avaient vu d’autres couleurs ; d'autres disaient qu’ils
avaient vu dans le soleil les symboles de l’Hostie, d’autres
encore une Croix, la Sainte Famille ou la Sainte Vierge. »
C’était le 21 mai 1944 et celui qui recueillit ces impres-
sions était le Père Giuseppe Piccardi, de Bergame 45. Il
continuait ainsi : « Vers huit heures, ayant quitté la butte
où je me trouvais, je pris le chemin du retour et, sous une
pluie légère, je me dirigeais vers la cure, je trouvais là de
nombreuses personnes qui commentaient les divers évé-
nements de la soirée. Le Père Andréa Spada, directeur de
"l’Eco de Bergamo”, m’appela à la cure et me demanda ce
que j’avais moi-même vu dans le soleil. Je lui fis part de
ce qui précède et il évoqua la possibilité d’une illusion
d’optique et d’une suggestion collective. Nous étions en
train de discuter lorsque quelqu'un, je ne me souviens
plus qui, vint nous appeler en disant : "Sortez, sortez, le
soleil tourne encore”.
En un instant nous nous trouvâmes dans la cour et j’as-
sistai à un spectacle que je n’aurais jamais pu imaginer.
Le soleil couchant formait un disque d’une douce couleur
argentée et je le voyais tourner sur lui-même à une vitesse
vertigineuse, donnant parfois l’impression qu’il allait se
désintégrer dans le ciel. L’œil n’avait aucun mal à le fixer
du premier coup tant il était reposant. Mais le merveilleux
ne s'arrêta pas là. Dans sa rotation, le soleil lançait, tel
une girandole conçue par le meilleur artificier, des fais-
ceaux de lumière tantôt jaune, tantôt verte, tantôt vio-
lette, avec une telle vivacité que les nuages qui l'entou-
raient en étaient merveilleusement colorés et formaient

45
Cité par Domenico Argentieri dans son livre « La Fonte sigillata ».
autour de celui-ci une auréole fantastique. »
Un an et demi après ces événements, à l'automne de l’an-
née 1945, le bruit commença à courir qu’Adélaïde Ron-
calli était revenue sur tout ce qu’elle avait précédemment
révélé sur les apparitions dont elle avait été témoin.
Nombreux furent ceux qui ne prêtèrent aucune impor-
tance à ces rumeurs. Mais bientôt commencèrent à circu-
ler des photocopies d’une déclaration écrite et signée par
la fillette elle-même : « Ce n’est pas vrai que j’ai vu la
Sainte Vierge. J’ai menti car je n’ai rien vu. Je n’ai pas eu
le courage de dire la vérité, mais ensuite j’ai tout dit au
Père C. Maintenant je regrette d’avoir dit tant de men-
songes. »
Sur cette feuille figurait également la date du 15 septem-
bre 1945.
Devant ce fait nouveau, la mère d’Adélaïde se précipita
pour aller voir sa fille qui avait été placée au couvent. Elle
rapporta elle-même à la Commission d’enquête épisco-
pale ce qui se passa ensuite :
« En ce qui concerne la rétractation de l’enfant », témoigna
sa mère, « je l’ai apprise au Père C. qui m’a apporté le
papier ; et je suis venue au couvent. Il y avait Sœur M. et
une autre sœur et un homme se tenait à côté d’elles sur
la banquette. Puis elles se sont éloignées toutes les deux.
"Écoute, Adélaïde", lui ai-je dit, “tout le monde dit que ce
n’est pas vrai que tu as vu la Sainte Vierge". "Si, c’est vrai
que je l’ai vue !”. "Et alors, pourquoi les gens disent que
tu ne l’as pas vue ?” "Je ne peux pas dire ce que j’ai vu,
parce que je commets un péché de désobéissance”. »
Comme à Bernadette, la Vierge avait prédit à Adélaïde
Roncalli des souffrances dans ce monde en lui promettant
le bonheur dans l’autre : «... entre ta quatorzième et ta
quinzième année, tu te feras sœur de la Congrégation du
Saint-Sacrement. Ensuite tu endureras beaucoup de
souffrances ; mais ne pleure pas, car après tu viendras
avec moi au Paradis » (deuxième apparition, 14 mai 1944).
La prophétie touchant à son avenir s’avéra fondée,
puisqu’Adélaïde, entrée au couvent des religieuses du
Saint-Sacrement, en fut renvoyée un peu plus tard et en
éprouva évidemment une grande mortification.
D’autres messages, simples mais dont le contenu était ce-
pendant loin d’être à la portée d’une fillette de sept ans,
ainsi que d’autres prédictions, furent révélés par la
Vierge, comme pour souligner l’événement extraordinaire
que constituaient ses apparitions répétées et les fixer de
manière indélébile.
Au cours de sa cinquième apparition, le 17 mai 1944, elle
avait confié à l’enfant un message secret pour le Pape et
pour l’évêque : « Répète à l’évêque et au Pape le secret que
je te confie. Je te demande de faire ce que je te dis : mais
n’en parle à personne d’autre. »
Malgré son jeune âge, Adélaïde tint sa promesse : de
même, toujours à la demande de la Vierge, elle insista en
revanche auprès des fidèles sur l’importance du message
du 18 mai, délivré à l’occasion de la sixième apparition :
« Prière et pénitence ! Prière et pénitence ! Prière et péni-
tence ! Prie pour les pauvres pécheurs, plus malheureux
qui sont en ce moment en train de mourir et qui me trans-
percent le Cœur ! » Et, en réponse à une question posée
par les fidèles : « La prière qui me fait le plus plaisir est
l’Ave Maria ».
C’est au cours de sa septième apparition, le 19 mai, que
la Vierge évoqua le problème de la guérison réclamée par
tant de gens :
« Non, il n’est pas nécessaire que tout le monde vienne ici.
Que ceux qui le peuvent viennent et, suivant les sacrifices
qu'ils auront faits, ils seront guéris ou demeureront ma-
lades ; il faut cependant qu’ils ne commettent plus de pé-
chés graves ».
Le 22 mai 1947, Adélaïde Roncalli comparut devant le Tri-
bunal ecclésiastique réuni auprès de la Maison des
Sœurs de la Sagesse à Bergame. Elle avait dix ans et, sous
le sceau du serment, elle répéta le récit qu’elle avait déjà
fait en son temps de sa première rencontre avec la Vierge :
« J’ai vu une lumière s’avancer et j’ai eu peur et ensuite,
peu à peu, j’ai vu une personne. C’était une lumière de
forme ovale. Je me suis dit : “Qu'est-ce que c'est cette lu-
mière ?”. J'ai pris peur et je me suis sentie mal. Je n'arri-
vais plus à parler. Je ne me rappelle pas si je suis tombée
par terre. J'ai vu un visage et un corps dans cette lumière.
Je ne sais pas combien de temps ça a duré. C'était un peu
en hauteur, à deux ou trois mètres de distance mais un
peu plus bas que ce plafond. J'ai vu une Dame. Il me
semble qu’elle était vêtue de blanc, avec un manteau bleu
ciel, pas très long, et une ceinture bleu ciel. Elle avait
deux roses sur les pieds, une sur chaque pied ; je ne me
souviens plus de leur couleur. Des petites roses comme
ça, un peu plus grandes que les pompons qu’on met sur
les chaussures. Elle avait les mains jointes. Je ne me sou-
viens plus si elle regardait le ciel ou moi. Elle était un peu
plus grande que ma maman et plus maigre. »
La Vierge avait l'habitude de se présenter à Adélaïde dans
une gracieuse attitude. Elle serrait entre ses mains deux
colombes dont les petites têtes apparaissaient entre les
doigts joints dans la prière. Le peintre Terlizzi retint entre
autres cette description qui lui avait été faite par la fillette
et réalisa un tableau qui devint célèbre. Terlizzi ajoute : «
La vision de la Sainte Famille dans le temple, entourée
d'animaux en prière, avec l’épisode du cheval qui
s’échappe et de Saint Joseph qui le ramène à l’Église est
également un joyau absolument inédit dans la littérature
mystique, prenant toute sa valeur avec le commentaire de
la fillette qui, lorsqu’on lui fait valoir que les animaux sont
incapables de prier, répond du tac au tac : « Si, ils priaient
parce que la Madone a dit que les pécheurs aussi doivent
prier ! »
Mais, quelle qu’ait été la grâce de ses visions, la petite
Roncalli dut, entre la première et la deuxième série d’ap-
paritions, entrer au Collège des Ursulines de Bergame. Et
c’est toujours dans ce couvent qu’elle fut reconduite le 31
mai, lorsqu’elle déclara qu’elle ne devait plus voir la
Sainte Vierge.
« Prière et pénitence ! Prière et pénitence ! Prière et péni-
tence ! », c’était un message que la Mère de Dieu lui avait
communiqué et qu’elle avait fait connaître aux hommes ;
elle le faisait désormais sien. Et finalement, le 31 mai
1944, la Vierge se montra à elle pour la dernière fois :
« Chère enfant, je regrette de devoir te quitter, mais
mon heure est passée : ne t’inquiète pas si tu ne me
vois pas pendant un moment. Pense à ce que je t’ai dit,
à l’heure de ta mort je viendrai encore. Dans cette val-
lée de douleurs, tu seras une petite martyre. Ne te dé-
courage pas : je souhaite que mon triomphe soit
proche... ».

2. 1945 : Amsterdam, de terribles prédictions

La Vierge annonce le Concile du Vatican — Le


monde se détruira tout seul — La destruction de
l’Italie — Combats à Jérusalem — Le monde dé-
chiré en deux — « Même la nature change » — « Je
peux encore sauver le monde ».

À Amsterdam, la Vierge « de tous les peuples » annonce


toutes sortes d'événements. Évoquant le terrorisme et la
dégradation de l’environnement, elle déclare : « Le monde
se détruira tout seul ».
Nombreux sont ceux qui ignorent le nom de la fameuse «
visionnaire d'Amsterdam ». On connaît bien en revanche
ses visions ainsi que les messages que lui dicta la Vierge
qui s’était à cette occasion présentée comme la « Dame de
tous les peuples ».
Les visions d'Amsterdam se prolongèrent en effet de 1945
à la fin de l’année 1959 et donnèrent lieu à un très grand
nombre de communications et d’événements sporadiques
qui continuèrent à se produire par la suite.
La « mystérieuse » visionnaire était en fait une femme
(peut-être est-elle toujours vivante) dont le nom n'est pas
demeuré secret. Il s’agit d’Ida Peederman, née le 13 août
1905.
La vie mystique d’Ida Peederman commença à l’âge de
quarante ans, lorsqu’elle vit apparaître, le dimanche 25
mars 1945, une « Dame » vêtue d’une longue robe
blanche. Son confesseur, le Père Frehe, était présent et il
prit note des messages.
Selon certains exégètes, les prédictions de la « Dame de
de tous les peuples » se sont déjà en partie accomplies46.
Le 11 février 1951, la Vierge annonça le Concile du Vati-
can, le 31 mai de la même année, la « Dame » parla de
l’élection au trône pontifical du cardinal Montini. Des évé-
nements profanes comme la mission sur la lune et la
guerre des Six jours furent également prédits par la
Vierge d’Amsterdam.
Les visions d'Ida Peederman se produisaient dans l'Église
de Saint Thomas à Amsterdam et chez elle et dans ce cas
c’était la sœur de la visionnaire qui enregistrait les mes-
sages.
25 février 1946 : la Sainte Vierge a l’air très affligée. Dans
son extase, la visionnaire répète en effet des propos alar-
mants :
— Calamités sur calamités, des catastrophes naturelles.
Puis je vois les mots « faim » et « chaos politique ». « Ceci
n’est pas seulement valable pour votre pays », dit la
Vierge, « mais aussi pour le monde entier ». Je ressens

46
Louis Knuvelder, L’Histoire de la Dame de tous les peuples, Amsterdam, 1970.
une grande douleur et je dis : « C’est une autre période
d’oppression et de douleur qui s'abat sur le monde ». Je
vois alors les mots : « Sans espoir ».
4 janvier 1947. En montrant le globe terrestre qu’elle tient
dans sa main, la Vierge dit :
« Voici le monde tel qu’il est aujourd’hui ».
La visionnaire pose sa main sur le globe et sent une dou-
leur atroce. La Vierge dit :
« Voici le monde tel qu’il sera plus tard, il est très lourd.
Le monde se détruira tout seul. »
30 août 1947. J’entends cette voix et je regarde, dit la vi-
sionnaire, et un sentiment d’oppression m’envahit. J’en-
tends dire : « Il règne une grande oppression » et je vois
distinctement l’Italie devant moi. C’est comme si une très
grande tempête se déchaînait sur ce pays. Je dois écouter
et j’entends prononcer le mot de « proscription ». Je sur-
vole l’Italie et c’est comme si je devais asséner des coups.
Puis j’entends : « Là c’est comme une succession de coups
». Je continue à voir toujours très distinctement le Nord
de l’Italie et l’extrême pointe et entre ces deux pôles il
semble qu’il y ait la mort. Puis je vois se dresser une
grande coupole et au-dessus de cette église ou de cette
coupole il se met à pleuvoir, de très grosses gouttes. Ce
n’est pas une pluie ordinaire, ce sont des gouttes de sang.
Je vois de loin une croix qui se dresse dans la lumière et
j’entends :
« Ceci devient une grave lutte entre les forces poli-
tiques et les forces chrétiennes, entre les forces poli-
tiques et les forces ecclésiastiques. »
26 décembre 1947. Je vois tout à coup une forte lumière
et je ressens une douleur à la main, on dirait un faisceau
de rayons lumineux, dit la visionnaire. Puis je vois la
Dame qui dit :
« Il y aura des catastrophes, du Nord au Sud, du Sud à
l'Ouest et de l’Ouest à l’Est. »
Puis je vois une coupole ronde. Il me semble qu’il s'agit
d’une coupole de Jérusalem. J’entends :
« Tout autour de Jérusalem et à proximité de graves
combats se dérouleront. »
Je vois immédiatement Le Caire, bien distinctement.
J’éprouve un sentiment étrange. Puis je vois toutes sortes
de tribus orientales, perses, arabes, etc. La Vierge me dit
alors :
« Le monde sera pratiquement déchiré en deux. »
Maintenant je vois le monde devant moi et je vois s’avan-
cer une grande déchirure à travers le monde entier. Je
vois aussi au-dessus de lourds nuages et je ressens une
grande douleur et une grande détresse.
J’entends la Vierge dire :
« Il y aura beaucoup de douleur et beaucoup de dé-
tresse. »
Puis je vois les villes orientales aux toits blancs. Je sens
dans ma main quelque chose de lourd et en la regardant
je vois une croix s’y poser. Je dois la déposer par terre. La
croix est lourde et vacille de tous côtés. Elle oscille sans
arrêt de gauche à droite et d’avant en arrière. Il semble
un instant qu’elle soit sur le point de tomber en avant
mais elle se redresse et c’est comme si elle était plus lé-
gère et se trouvait fermement plantée dans le sol.
Maintenant je dois regarder à terre et j’y vois, sous la
croix, des os et des casques. Puis une grande clé vient se
poser dans ma main. Je la lâche immédiatement et elle
tombe parmi les os et les casques. Puis je vois des rangées
de jeunes garçons défiler devant moi, ce sont des soldats.
J’entends la voix dire : « Assister nos garçons par une aide
spirituelle ». Puis je vois surgir des tombes blanches,
toutes ornées de petites croix blanches.
7 mai 1949. Je vois la Vierge assise en vêtements de deuil,
elle porte un voile blanc autour de la tête. Les traits de
son visage ont beaucoup vieilli. Elle est toute voûtée et
garde la tête baissée.
Puis elle dit :
« Nous sommes ici dans l’obscurité, c’est la corruption
de l’humanité. »
Je vois ensuite devant moi une croix et le Corps du Christ
qui glisse à terre de sorte que la croix reste nue. La Vierge
dit :
« Le martyre recommence ».
Je vois de profondes rides et de grosses larmes sur le vi-
sage de la Vierge. Puis je pénètre avec elle plus profondé-
ment dans l’obscurité. Nous nous enfonçons et je vois
seulement plus loin dans l’obscurité... Puis la Vierge dit :
« Même la Nature change ».
***
Trois éléments fondamentaux se dégagent des communi-
cations faites à Ida Peederman par la Vierge « de tous les
peuples ». Le premier concerne la mission de Marie pour
la paix dans le monde, le deuxième la vénération de l’Eu-
charistie et le troisième la dévotion à l'Esprit Saint.
Le 31 mai 1967, la Vierge annonçait : « Je peux encore
sauver le monde ».
C’était, semble-t-il, le dernier avertissement. Mais le 5
mars et le 31 mai 1970, l’ordre fut donné de « divulguer
ce message dans le monde entier ».

3. 1947 : Rome, les Trois Fontaines, la Vierge des


révélations

La cité du monde — Terre de péché — La Vierge


de la Révélation — Des guérisons spectaculaires
— Trente ans après — La danse du soleil — L’at-
tentat contre le Pape — Les pulsations du soleil.
Rome quarante ans après — Interview avec le
voyant Bruno Comacchiola — L’importance du ro-
saire — Une petite vieille en voiture qui est la
Vierge — Satan qui ôte la voix — Nous allons vers
le pire.

La Deuxième Guerre Mondiale a marqué une coupure


entre les deux moitiés du XXe siècle. La Vierge a par con-
séquent dû concentrer ses apparitions sur les plaies de
cette époque. Et, dans cette tragédie universelle, elle ne
pouvait que choisir Rome comme épicentre de son épi-
phanie.
Le lieu exact de la venue de la Vierge dans la capitale du
Christianisme est le tronçon de la voie Laurentina où
l’apôtre Paul mourant en martyr fut décapité en l’an 67
après J.-C., sous le règne de l’Empereur Néron.
La tradition veut que la tête de Saint Paul ait, en tombant,
rebondi trois fois à terre : de ces trois rebonds sur le sol
auraient jailli, toujours selon la tradition, les trois sources
qui ont donné leur nom au lieu-dit des Trois Fontaines.
Déjà du temps des Romains, le lieu en question, où de
nombreux autres chrétiens trouvèrent la mort en martyr,
était dénommé Aquae Silviae. Le culte rendu avait ensuite
conduit à ériger, au cours des premiers siècles après J.-
C., un temple qui tirait son nom du lieu. Par la suite, fut
érigée l’Abbaye de Saint Vincent et Sainte Anastasie, puis
l’église Santa Maria, Scala del Cielo.
Juste en face de ce lieu saint s’élevait, et s’élève toujours,
une colline. Avant les événements que nous allons racon-
ter, cette colline était inculte. Seuls quelques vieux euca-
lyptus y poussaient.
Çà et là s’ouvraient dans la colline des grottes naturelles
ou creusées dans la roche, des dépôts d’ordures ou des
abris de fortune pour les rencontres entre les prostituées
et leurs clients.
Mais revenons un moment encore à Saint Paul de Tarse.
Son véritable nom était Saül, sa famille étant juive. Il avait
été éduqué par les rabbins et avait commencé par persé-
cuter les Chrétiens : pour les arrêter, il s’était posté sur
le chemin de Damas (38 après J.-C.), obéissant en cela
aux ordres du Grand-Prêtre. Mais, aux abords de la ville,
il fut ébloui par une grande lumière, si pénétrante et si
violente qu’il tomba à terre. Une voix se fit alors entendre :
« Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ?» A partir de cet
instant, sa vie et sa manière de penser changèrent du tout
au tout.
Un peu moins de deux mille ans plus tard, un fait ana-
logue se produisit. Le protagoniste en fut un conducteur
de tramway de Rome, Bruno Cornacchiola âgé de trente-
quatre ans. D'abord athée, il avait milité au parti commu-
niste pendant un certain temps. Puis il était devenu pro-
testant, de confession adventiste. Le 12 avril 1947, sur a
voie Laurentina à Rome, au lieu-dit les Trois Fontaines, à
où Paul de Tarse avait été martyrisé, il eut une apparition
qui le laissa interdit. Il entendit également une voix de
l’au-delà qui lui dit : « Tu me persécutes, maintenant c’en
est assez ».
Cela s’était passé ainsi. En ce jour d’avril, l’agent de
l’A.T.A.C.47 avait promis à ses trois enfants, Carlo, Isola
et Gianfranco, une belle promenade dans la campagne
d’Ostie. Mais le destin voulut que juste au moment où ils
arrivaient tous les quatre à la gare Ostiense ils voient le
petit train, qui ne les avait bien sûr pas attendus, dispa-
raître dans le lointain.
Pour ne pas décevoir ses enfants auxquels il avait promis
une promenade, Cornacchiola pensa alors qu’il pouvait
les emmener dans un endroit de la banlieue de Rome qu'il

47
Société des transports romains.
connaissait pour avoir habité étant petit dans la zone de
Porta Metronia d'où il avait fait quelques promenades
jusqu’aux Trois Fontaines. Les eucalyptus faisaient de
l'ombre au terrain sur lequel les enfants allaient pouvoir
gambader librement et jouer au ballon. Une grotte creu-
sée dans le tuf pourrait éventuellement constituer un abri
adéquat pour satisfaire les besoins naturels. Quant à lui,
il se tiendrait à l’écart pour se consacrer à la préparation
d’un discours qu'il devait prononcer devant une commu-
nauté de jeunes : le lendemain, en effet, il devait, au cours
d'une réunion à laquelle il participait en tant qu'orateur,
s’élever, pour le bien des jeunes générations, contre le
dogme de l’immaculée Conception, un dogme rejeté par la
religion adventiste.
Arrivés sur la petite colline, Bruno Comacchiola et ses
trois enfants, se livrèrent à leurs occupations respectives.
De caractère autoritaire, narcissique, passionné, mais
profondément bon et honnête, Bruno savourait déjà l’effet
que produiraient sur son auditoire sa voix tonitruante,
son ton énergique et son esprit combatif. Personnage tout
en rondeurs, qui ne se sentait nullement entravé par son
uniforme des agents de l’A.T.A.C., d’allure imposante, le
cheveu et l’œil noirs, parfois violent, tant à la maison
qu'au dehors, c’était un propagandiste né et un lecteur
passionné de la Bible et de l’Évangile.
Légionnaire en Espagne, c’était là que quelqu'un l’avait
amené au protestantisme, lui communiste athée qui
s’était rebellé contre le catholicisme. Mais, une fois em-
brassée la religion baptiste, il s’en était ensuite détaché
pour devenir adventiste. Il demeurait de toute façon fa-
rouchement opposé à tout culte ou à tout hommage par-
ticulier rendu à la Vierge.
Et ceci était devenu l’un des thèmes favoris de la propa-
gande grâce à laquelle il réussissait, en bon orateur, à
faire des prosélytes notamment au sein des agents de
1’A.T.A.C. et parmi les amis de son quartier de Tiburtino.
Les réunions des adventistes dans une salle de la via Ur-
bania étaient autant de succès personnels remportés par
Cornacchiola grâce aux infinies ressources de sa veine
polémique : la cible en était les prêtres et, naturellement,
le Pape.
En ce moment, assis sur une pierre, dans la tranquillité
des Trois Fontaines, Cornacchiola est justement en train
de feuilleter la Bible, à la recherche des expressions qui
pourraient démontrer la fausseté des attributs que les ca-
tholiques prêtent à Marie.
Les enfants jouent à l’écart. À un moment donné, Carlo
et Isola « viennent interrompre mon travail », racontera
Bruno : « Papa, on a perdu le ballon ». Je pense qu’il peut
avoir roulé en dehors du terre-plein, là où le terrain des-
cend en pente raide jusqu’à la route. Je leur indique où
le chercher mais ils reviennent découragés : « On n’arrive
pas à le retrouver ». Je dis alors : « Moi et Carlo nous al-
lons le chercher ». Isola grimpe sur le plat de la colline au-
dessus de la grotte qui s’ouvre au fond de la clairière où
nous nous trouvions tous les quatre, tandis que je recom-
mande à Gianfranco de ne pas bouger, en lui donnant un
petit illustré pour enfants pour lui faire passer le temps.
Nous fouillons les buissons un par un et nous éloignons
même un peu. Pour m’assurer que le petit ne s'écarte pas
et ne tombe pas dans un trou, je l’appelle de temps en
temps. À un moment donné, je lui parle et il ne me répond
pas ; je recommence, rien. Que peut-il être arrivé ? Je re-
pense aussitôt à ce jour où Gianfranco était tombé de huit
mètres de haut et où on avait dû lui mettre dix points de
suture : pourtant, aussi extraordinaire que cela puisse
paraître, quatre jours plus tard il était déjà guéri. J’arrête
de chercher le ballon et je vais voir. L’enfant se tenait à
gauche de l’entrée de la grotte, à genoux et ses petites
mains jointes. Comme s’il parlait à quelqu’un qui se trou-
vait devant lui et que je ne voyais pas, il répétait tout sou-
riant : « Belle dame, belle dame ». Personne à la maison
ne lui avait enseigné cette position pour prier, d’autant
plus que les protestants prient debout, sans joindre les
mains. J’appelle Isola qui est en train de composer un
bouquet : « Qu’est-ce que tu veux, papa ? » « Descends un
peu ». Nous nous approchons avec mon fils Carlo de Gian-
franco, toujours en extase : « Mais vous voyez quelque
chose ? » « Rien », répondent-ils, mais au même moment
voici qu’isola se met elle aussi à s’agenouiller, à joindre
les mains et à s’exclamer, le regard fixé sur un point de la
grotte : « Belle dame ». Je crois à une plaisanterie des en-
fants, puis je pense que la grotte est ensorcelée, qu’il
s'agit de quelque chose de magique.
Je dis alors à mon fils Carlo qui est à côté de moi : « Et
toi, tu ne t'agenouilles pas ? » Il répond sur un ton non-
chalant et amusé : « Allons donc ! » Il a à peine terminé sa
phrase qu'il tombe à genoux et, les mains jointes, a à son
tour la vision de son frère et de sa sœur. Je suis alors pris
de terreur : j’essaie de secouer mes enfants, qui ont tou-
jours les yeux fixés sur un endroit où je ne vois rien, si ce
n’est l’obscurité de la grotte. Les enfants semblent pétri-
fiés. Je les observe : ils sont devenus blêmes, presque
transparents, et ont les pupilles dilatées. Une prière
s’échappe spontanément de mes lèvres, me faisant croire
à une intervention diabolique : « Seigneur, sauve-nous ».
Je viens à peine de faire cette invocation qu’il me semble
sentir deux mains me pousser par l’arrière et enlever dé-
licatement de devant mes yeux comme un voile. À cet ins-
tant, la grotte disparaît de ma vue, je me sens tout léger,
comme si j’étais débarrassé de ma chair, et enveloppé
d'une lumière éternelle, dans laquelle je vois la figure
d’une femme « paradisiaque » qu’il m’est impossible de dé-
crire. Je peux seulement dire que son visage paraissait
d'une beauté majestueuse et qu’elle avait le teint olivâtre
des femmes orientales. Ses cheveux noirs étaient réunis
sur le dessus de sa tête, dépassant un peu de son man-
teau qui descendait de la tête au pied, tombant de chaque
côté. Son manteau était de la couleur de l’herbe des prés
au printemps. Sa robe était blanche, resserrée par une
ceinture de couleur rose dont les pans lui arrivaient aux
genoux. Ses pieds nus reposaient sur un bloc de tuf.
J’évaluai la taille de la « Belle dame » à un mètre soixante-
cinq environ. Elle avait un air triste et doux. Mon premier
réflexe fut de vouloir parler, de vouloir crier, mais je me
sentis comme paralysé. Je restai sans voix. Et moi aussi,
tout comme mes enfants, agenouillés l’un à côté de
l’autre, je me retrouvais à genoux, les mains jointes dans
la prière. La « Belle Dame » portait un petit livre de couleur
grise dans la main droite et indiquait de sa main gauche
un vêtement noir à terre ; auprès de celui-ci j’aperçus une
croix brisée.
Ensuite une voix très douce, ne ressemblant à aucune
autre, pas même vaguement, parvint à mon oreille :
« Je suis celle qui appartient à la triade divine. Je suis la
Vierge de la Révélation. Tu me persécutes : maintenant
c’en est assez ! Entre au bercail sacré, cour céleste sur
terre. Les neuf vendredis du sacré-cœur que tu as faits
avant de t’engager sur la voie du mensonge t’ont
sauvé.»48
Tandis qu’ils demeurent tous les quatre les genoux cloués
au sol, l’image continue de se montrer à Bruno Comac-
chiola et à ses enfants, vivante et saisissante, auréolée de
sa lumière, sur le fond de la grotte. La Sainte Vierge parle
encore à Bruno, qui se souviendra ensuite parfaitement
de tout jusqu’à ce qu’il recopie, plusieurs heures plus
tard, toutes ses paroles. Mais ses enfants eux n’entendent
rien : ils voient uniquement remuer les lèvres de l’appari-
tion alors que l’extase dans laquelle ils sont plongés con-
tinue de les maintenir dans un état de total abandon au
surnaturel et de complet détachement par rapport à la
réalité.
La Vierge parle longtemps à Bruno, lui disant des choses
dont une partie seulement devra être révélée.
Il y a aussi cependant un message dont tous les hommes

48
Giulio Locatelli, « La Madonna è apparsa ed ha parlato nella grotta delle Tre
Fontane », Edizione Unitas. Les neuf vendredis du Sacré-Cœur constituent un exer-
cice de dévotion très répandu, lié aux apparitions de la figure du Christ avec son
cœur, qu'eut Sœur Marguerite-Marie Alacoque à Paray-le-Monial, en Bourgogne,
en 1675.
doivent être informés en temps voulu. Il contient de vives
recommandations : la Sainte Vierge insiste beaucoup
pour que l’on prie et que l'on récite quotidiennement le
Rosaire : ceci pour la conversion de tous les mécréants et
de tous les pécheurs et également pour « l’unité des Chré-
tiens ».
En récompense, Marie promet :
« Avec cette terre de péché, j’opérerai de grands mi-
racles pour la conversion des incrédules. »
Pour moi, racontera Cornacchiola, elle n’a pas fait mys-
tère des jours de persécution et des épreuves doulou-
reuses qui m’attendaient. Mais la Vierge lui a aussi pro-
mis sa protection maternelle.
— La voix céleste m’avait dit, continuera de raconter le
visionnaire,
« Pour que tu ne doutes pas que cette vision est une
réalité divine et non une manifestation satanique,
comme beaucoup voudront te le faire croire, je te
donne ce signe. Tu devras aller par les églises et par les
routes. Tu diras au premier prêtre que tu rencontreras
dans une église et à tous ceux que tu croiseras sur les
chemins : “Père, je dois vous parler”. Quand celui que
tu auras abordé te dira : "Ave Maria, mon fils, que veux-
tu ?”, tu lui répondras par les paroles qui te viennent à
la bouche. Il t’indiquera alors un autre prêtre qui te fera
abjurer, en prononçant cette phrase : “C’est celui-là
qu’il vous faut”. La Sainte Vierge me recommanda la
“prudence”, elle me dit : la “science reniera Dieu” : puis
elle me dicta un message secret que je devais remettre
personnellement “à sa Sainteté le Pape”, en me faisant
cependant accompagner d’un autre prêtre "que tu con-
naîtras et auquel tu te sentiras lié”. »
Cornacchiola fera remarquer plus tard qu’il n’avait pas
perdu une seule syllabe de cet incroyable monologue
grâce à un phénomène très étrange : jusqu’à ce qu’il l’ait
transcrit fidèlement, celui-ci lui était en effet sans cesse
revenu à la mémoire, des premiers mots, « Je suis », au
dernier mot, « AMOUR », scandé comme un discours qui
aurait été gravé sur un disque et se serait répété sans
interruption. Ce phénomène, qui se manifesta également
pendant ses heures de service, cessa immédiatement dès
lors qu’il eut mis par écrit le dernier mot prononcé par la
Vierge.
Cette intervention prodigieuse qui s'était déroulée dans la
grotte des Trois Fontaines avait duré de 16 heures 10 à
17 heures 30 : un laps de temps extrêmement long, no-
tamment pour les enfants qui avaient montré une in-
croyable résistance, étant pendant tout ce temps demeu-
rés agenouillés sur les pierres et sur le gravier qui cou-
vraient le seuil de la grotte.
Dès que la Vierge eut terminé de parler, elle esquissa
quelques pas en souriant et en gardant les mains sur sa
poitrine, puis elle se tourna vers le fond de la grotte, tou-
jours invisible, et disparut lentement. Ce fut à ce moment
que Carlo, qui avait recouvré son état normal, se leva
pour courir derrière l’image lumineuse et la retenir par
son manteau, et tomba nez à nez avec la roche.
Tous les quatre se remirent de leur stupeur après ce qui
était arrivé. Bruno s'inquiéta de l'état de santé de ses en-
fants qu'il examina des pieds à la tête, en s'arrêtant en
particulier sur les genoux qui étaient restés en contact
avec les pierres coupantes et qu'il trouva « bien roses,
comme s’ils n’avaient jamais supporté pendant si long-
temps le poids de leur corps ». Alors, sans hésiter, il dit
aux trois enfants : « Vous avez vu ? C’était la Vierge Marie
» et aussitôt il s’assit sur une pierre et se mit à prendre
des notes sur un petit carnet ; il acheva ce travail une fois
rentré chez lui. « Nous avions remarqué, mes enfants et
moi, que la Vierge s’était en partant tournée en direction
de Rome. »
La vie de Bruno Cornacchiola s’était complètement trans-
formée. Son unique aspiration était désormais de trouver
le prêtre qui allait prononcer, en le voyant, la phrase qui
lui avait été indiquée par la Vierge. Il observait et arrêtait
en chemin les prêtres qu’il rencontrait, entamant même
la conversation avec ceux qui voyageaient à bord du tram-
way qu’il conduisait.
« ... Ce fut le 28, vers 8 heures 30, qu’étant entré dans
l’église de la Toussaint, sur la via Appia Nuova, je rencon-
trai un prêtre, la Père Mario Frosi, qui me salua : "Ave
Maria, mon fils” et m’indiqua tout de suite, lorsque j’eus
formulé ma demande, un de ses collègues, le Père Gil-
berto Carniel, qui quelque temps auparavant avait con-
verti un autre protestant. Dans la sacristie, je rapportai à
celui-ci les propos de la Vierge et ce qu’elle m’avait or-
donné de faire.
Le jour suivant, il vint chez moi, via Modica, et je lui fis le
récit détaillé de toute la vision que nous avions eue en lui
montrant ce que j’avais écrit et qui ne concernait que moi,
gardant naturellement le secret sur le message destiné au
Saint-Père.
Du 28 avril au 7 mai, le père Gilberto me fit un cours
d’instruction religieuse et à cette occasion il s’étonna de
me voir si préparé et si peu enclin aux préjugés. Le 7 mai,
dans l’après-midi, je lus dans ma propre maison le texte
par lequel j’abjurais ma foi adventiste. Le récit de l’appa-
rition, accompagné d’une lettre à l’attention du Saint-
Père, fut remis le jour-même au Saint-Office.
Le 18 mai, Gianfranco reçut le sacrement du baptême et
Isola celui de la confirmation et de la première commu-
nion ; je participais moi aussi à leur fête. Au cours de la
messe célébrée par le Père Gilberto, le Père jésuite Ro-
tondi, chapelain des cheminots catholiques, qui savait
bien le mal que j’avais fait dans sa communauté, avait fait
intervenir un certain nombre de mes collègues pour qu’ils
témoignent des grâces dont la Sainte Vierge est si pro-
digue et quelle dispense avec tant d’amour maternel. »
Après sa première vision du 12 avril, Bruno Cornacchiola
avait continué à se rendre tous les jours à la grotte des
Trois Fontaines. Il avait eu la joie de revoir à nouveau la
Mère de Dieu les 6, 23 et 30 mai, toujours entourée d’un
halo de lumière et d’un parfum de lys.
Ce n’est qu’à l’occasion de la dernière apparition qu’il put
encore entendre le son de son « indicible voix ». La Vierge
lui confiait un message pour les religieuses de l’ordre des
Maestre Pie Filippini, dont l’institution se trouve près de
la Trappe : « Qu’elles prient pour les incrédules et pour
l’incrédulité qui règne dans ce secteur ».
Le 23 mai 1947, au cours de la troisième apparition de la
Vierge aux Trois Fontaines, un jeune religieux, le père
Mario Sfoggia, accompagnait Bruno Cornacchiola. La stu-
peur qui avait saisi le jeune prêtre, lorsque, devant l’ex-
tase de Bruno, il avait pu se rendre compte de ce qui se
passait sur la colline de la voie Laurentina, le poussa à
parler de ce qu’il avait vu. La nouvelle se répandit. Les
journaux s’en emparèrent. Le « Messaggero » et le « Gio-
male d’Italia » du 31 mai 1947 titrèrent en gros caractères
sur les événements extraordinaires des Trois Fontaines.
Une foule de croyants et de curieux se déversa alors sur
les lieux. Et dès que se furent produits plusieurs cas de
guérison miraculeuse, une véritable marée humaine
s’abattit sur la colline jusqu’alors peu fréquentée et cou-
verte de pierres, toute en montées abruptes et en escar-
pements, pleine de trous et de grottes.
La nouvelle de certaines guérisons spectaculaires surve-
nues devant la Grotte étant à peine parue dans les jour-
naux, écrivit à l’époque le docteur Alberto Alliney, certains
médecins, parmi lesquels ceux qui les avaient constatées
personnellement, eurent l’idée de constituer un collège
sanitaire analogue à celui mis en place à Lourdes.
Entre temps, la colline aux eucalyptus et aux prodiges
s’était complètement transformée. Des sentiers y avaient
été tracés, les aspérités de la roche avaient été aplanies,
les anfractuosités nettoyées, les pierres enlevées. Des
plates-bandes avaient été aménagées et plantées d’arbres
nouveaux, l’eau et l’électricité avaient été installées. Ces
travaux de nettoiement et d’embellissement avaient béné-
ficié du soutien personnel du maire de Rome, l'ingénieur
Salvatore Rebecchini49.

49
Les moines franciscains dont le couvent est situé non loin de là ont la garde des
L’afflux des visiteurs à cet endroit a donné lieu petit à pe-
tit à un véritable pèlerinage dont les participants provien-
nent de tous les milieux sociaux et professionnels et de
toutes les institutions existantes. L’Église est toujours
présente en la personne de ses représentants, qui vont
des simples prêtres aux Pères Supérieurs des différents
ordres, aux évêques, aux dignitaires ecclésiastiques et
aux cardinaux. Politiciens, hommes de culture, de gou-
vernement, de lettres ou de sciences, ambassadeurs, se
mêlent à la foule des gens ordinaires à l’occasion tout par-
ticulièrement de la cérémonie commémorant l’anniver-
saire du 12 avril. Celle-ci s’ouvre dès les premières heures
de l’après-midi par la célébration d’une messe et par un
discours prononcé par Cornacchiola lui-même, et se pro-
longe jusqu’au soir.
Telle qu’elle se présente aujourd'hui, la Grotte est ornée
d'une statue en bois polychrome grandeur nature repré-
sentant la Vierge de la Révélation d’après la description
qu’en a faite Bruno Cornacchiola au sculpteur Domenico
Ponzi. La statue fut installée le 5 octobre 1947, à l’issue
d’une procession solennelle qui s’était formée sur la place
Saint Pierre au milieu des applaudissements du public.
Les témoins racontent : « Le cortège, parti de la place
Saint Pierre, se dirigeait aux environs de 15 heures 30
vers le Corso Vittorio dans un joyeux déploiement de ban-
nières et au milieu des applaudissements nourris de la
foule, précédé des motards en grand uniforme. La multi-
tude qui suivait en priant la statue de la Vierge de la Ré-
vélation parcourait lentement le centre de la capitale en

lieux.
suivant le Corso Vittorio Emmanuele, la Piazza Venezia,
la via dei Fori Imperiali, la via dei Trionfi, une partie de la
via Ostiense et de la Laurentina, grossissant ses rangs
aux points névralgiques où l'attendaient des rassemble-
ments imposants. Lorsqu’elle arriva aux Trois Fontaines,
après une brève halte au pied de la verte colline aux eu-
calyptus — dont les abords étaient déjà noirs de pèlerins
en prière — la grande statue de la Vierge de la Révélation
fut portée par plusieurs miraculés au milieu des émou-
vantes exclamations de la foule qui s'élevaient jusqu’au
ciel, et elle fut placée à l’intérieur de la Grotte, la Vierge
en ayant elle-même émis le souhait au cours de l’une de
ses apparitions.50 »

Rome, trente ans après

La commémoration du 12 avril est donc pour les Ro-


mains, et pas seulement pour ces derniers, un rendez-
vous de longue date. Mais ce qui pendant trente ans ne
fut qu'une dévotion, célébrée par habitude, devint un
beau jour l’occasion de prodiges spectaculaires. La Vierge
l’avait annoncé à Bruno Comacchiola le 7 novembre
1979, alors qu’il était en train de prier, à neuf heures du
matin, devant la grotte. Elle lui avait en effet révélé qu’à

50
E. Teotino, Il Santuario délia Rivelazione, Rome, 1969. Il est rappelé dans ce petit
ouvrage que « L'Osservatore Romano » a fait mention de la grotte romaine des
Trois Fontaines dans un long article sur les lieux de pèlerinage marial, où sont énu-
mérés les sanctuaires les plus connus consacrés à la Vierge et définis comme des «
cathédrales de la prière, fiefs et capitales de Marie ». Ajoutons que ce témoignage
rendu par l’organe de presse officiel du Vatican sur les événements des Trois Fon-
taines ne tient pas compte du fait que l’Église n’a pas encore officiellement reconnu
les apparitions en cause.
l’occasion du 33e anniversaire de son apparition aux Trois
Fontaines Elle allait faire en ce lieu de « nombreuses ac-
tions de grâces internes et externes ». Bruno rapporta
également fidèlement dans son journal ce que la Vierge
avait ajouté : « À la grotte, je ferai un grand prodige dans
le soleil. Garde le silence, ne dis rien à personne. »
Ce 12 avril 1980 tombait un samedi, et plus exactement
la veille du dimanche de Quasimodo. Trois mille per-
sonnes avaient envahi la colline.
Le rassemblement semblait toutefois n’avoir pour objet
que la prière, son caractère solennel lui étant donné par
la messe concélébrée par huit prêtres dont le principal
était un frère mineur, le Père Gustavo Parisciani.
Arrive le point culminant de la messe : la consécration. Il
est 17 heures 50 et quelqu’un s'aperçoit alors, ayant levé
par hasard les yeux vers le ciel, que le soleil apparaît
comme une immense roue multicolore. Le soleil effectue
une danse, tourne rapidement sur lui-même, diffusant
tout autour dans le ciel sa lumière irisée. « Le soleil res-
semblait à un magma, à un globe liquéfié aux couleurs
changeantes. On pouvait le regarder à l’œil nu », dira un
témoin, Antonietta Tortorito, médecin. « A un moment
donné, je vis dans le soleil des petits points phosphores-
cents, comme de minuscules feux d’artifice. Mobiles, ils
s'alignèrent pour former un M. Ma fille de onze ans qui se
tenait derrière moi, à cinq ou six mètres de distance,
s’écria au même moment : « Maman, regarde, un M est
apparu dans le soleil ». Le M demeura visible pendant un
certain temps, puis il se transforma en un cœur. Puis une
grande hostie apparut dans le soleil avec en son centre,
bien dessinées, les lettres J H S » 51.
Des milliers d’yeux fixent maintenant le ciel sans craindre
ses effets néfastes. Les « signes » sont nombreux. Certains
voient une figure féminine portant une couronne ornée
des douze étoiles ; d’autres voient le Tout-Puissant, sou-
verain assis sur un trône. D’autres encore ont devant les
yeux trois figures humaines disposées en triangle ou bien
une colombe lumineuse.
De nombreux témoins déclareront que le soleil était coloré
en vert, en rose et en blanc, tout comme le manteau, la
ceinture et la robe de la Vierge de la Révélation.
Le phénomène de transformation du soleil dura trente mi-
nutes, de 17 heures 50 à 18 heures 20 (heure légale).
Mais pour Bruno Cornacchiola il avait commencé bien
avant, pendant qu'il récitait le Rosaire. Il confia par la
suite à un ami : « J’ai dû faire un très grand effort pour
me contenir, pour dominer l’émotion et la joie qui m’ont
envahi lorsque j’ai vu que la Sainte Vierge tenait la pro-
messe qu’elle m’avait faite un peu plus de cinq mois au-
paravant »52.
Deux ans plus tard, le 12 avril 1982, les « signes » se re-
produirent dans le soleil. « Pendant la Sainte Messe, au
moment de la communion des fidèles », raconte le père
Osvaldo Balducci, « des cris s’élevèrent de l’assistance :
"Le soleil, le soleil”. Aussitôt je me retournai pour regar-
der : on pouvait fixer le soleil sans difficulté, il formait un

51
Salvatore Nofri, I Segni nel sole, in Antologia di « Un’apparizione, La Vergine della
Rivelazione », Rome, 1983.
52
Salvatore Nofri, op. cit.
disque d’un vert éclatant, au milieu de deux anneaux,
l’un de couleur blanche et l’autre de couleur rose, qui
émettaient des rayons trépidants. L’ensemble ressemblait
à un bouquet de feu d’artifice. J’eus également l’impres-
sion qu’il tournoyait. Je regardai autour de moi : les cou-
leurs se reflétaient sur les personnes et sur les choses.
J’observais le soleil de différents points de l’esplanade,
pendant environ une heure. Je voyais parfaitement ce
merveilleux spectacle qu’offrait le soleil sans que mes
yeux soient incommodés. Sur le chemin du retour, viale
Marconi, j’essayais en même temps que trois autres per-
sonnes qui m’accompagnaient dans la voiture et qui
comme moi avaient pu fixer le soleil, de regarder à plu-
sieurs reprises dans sa direction, mais aucun de nous n’y
réussit. Le matin même, j’avais, en compagnie d’un petit
groupe restreint d’ecclesiastiques, assisté à la lecture
d’un message délivré par la Vierge à Bruno Cornacchiola
le 23 février 1982. Il était annoncé entre autres qu’il serait
attenté pour la deuxième fois à la vie du Pape, mais que
celui-ci en sortirait indemne, grâce à la protection de la
Vierge. La prophétie devait s'avérer : le 12 mai 1982, à
Fatima, on tenta d'assassiner Sa Sainteté le Pape. Ce ma-
tin-là, Bruno Comacchiola avait également précisé que
Jean-Paul II en avait été secrètement averti à temps. »
Le 12 avril 1986, une caméra pointée directement sur le
soleil par un cinéaste amateur put filmer les « pulsations
» de ce dernier au cours de la messe annuelle célébrée aux
Trois Fontaines à l’occasion de l’anniversaire de l'appari-
tion de 1947. Tandis que se produisait ce phénomène ex-
traordinaire, d'autres transformations inouïes étaient ob-
servées à. la surface du soleil et systématiquement fil-
mées par le cinéaste amateur qui se trouvait sur les lieux.
Comme dans une vision surréaliste, le soleil devenait tan-
tôt rouge vif, tantôt vert émeraude. Les couleurs en
étaient rutilantes et le rayonnement de plus en plus puis-
sant au point que de gigantesques raies de lumière des-
cendaient du ciel sur les milliers de têtes rassemblées sur
la colline.
« Quelques jours avant la commémoration de cette année
1986 », raconte Pompeo Santorelli, l’homme qui a relevé
l’objectif de sa caméra en direction du soleil, « des amis
m’avaient proposé d’aller avec eux aux Trois Fontaines
pour faire quelques prises de vue. Il ne m’était pas facile
de me libérer de mes engagements familiaux mais je ré-
ussis quand même à le faire. Je me rendis donc au Sanc-
tuaire en emportant ma caméra. J’avais déjà filmé plu-
sieurs images de la foule rassemblée lorsque, au cours de
la Messe, alors que l’on commençait à crier au prodige, je
décidai de pointer mon objectif vers le haut. En fait je
craignais ce faisant de brûler le tube cathodique de l’ap-
pareil, puis en y réfléchissant je me convainquis que si les
yeux pouvaient à ce moment fixer le soleil sans dommage,
il n’y avait rien à craindre pour le matériel. Je commençai
donc à filmer le soleil, tout d’abord à l’oblique, puis de
face et, tandis que je tournais, il se produisit le phéno-
mène le plus extraordinaire auquel il n’ait jamais été
donné à quelqu’un d’assister : celui de la “pulsation” de
la sphère lumineuse. »
Rome, quarante ans après

Nous sommes allés trouver le visionnaire Bruno Cor-


nacchiola là où il s’est retiré depuis un certain nombre
d’années, entouré d’un groupe de fidèles avec lesquels il
a formé une communauté religieuse. La maison qui abrite
cette communauté se dresse sur une colline proche du
sanctuaire romain du Divino Amore.
Cornacchiola est toujours débordant d’enthousiasme et
de vigueur malgré son grand âge, la blancheur de ses che-
veux et de sa barbe et l’aphonie dont il est atteint depuis
des années. Celle qui l’assiste dans la gestion de l’Asso-
ciation Catéchistique SACRI, la Mère Supérieure Prisca,
se consacre cependant essentiellement, tout comme Cor-
nacchiola et tous les autres membres de la communauté,
à la prière, à la méditation et au travail manuel.
Tous ceux qui vivent avec Cornacchiola ont fait vœu de
chasteté. Il a lui-même donné l'exemple en 1954 et sa
femme a accepté. (Celle-ci est morte en 1976.)
— Monsieur Cornacchiola, combien de fois avez-vous en-
core vu la Vierge de 1947 à aujourd'hui ? Avez-vous eu
d’autres apparitions ces derniers temps ?
— J’ai vu la Sainte Vierge du 12 avril 1947 au mois de
janvier dernier (1986). 28 fois en tout.
— La Vierge vous a-t-elle confié un message pour l’huma-
nité ?
— Ce qu’Elle demande toujours c’est la paix.
— Satan intervient-il en ce moment dans le monde ?
— Satan est en train d’inciter les hommes à se rebeller
contre toutes les lois, contre toute morale, toute valeur,
toute hiérarchie.
— L’image de la Vierge est-elle identique à celle des pre-
mières apparitions ?
— Non.
— En quoi a-t-elle changé ?
— Elle apparaît avec un chapelet à la main. Elle invite à
la prière et prie Elle-même.
— Est-ce si important de réciter le rosaire ?
— Le rosaire est toute la foi, toute la dévotion, toute la
doctrine. Ceux qui ne savent ni lire ni écrire, ceux qui
sont handicapés ou malades, les sceptiques, les pé-
cheurs, peuvent avec ce simple instrument de prière ser-
vir le Christ en faisant Sa volonté et obtenir tout ce qu’ils
désirent de plus noble et de plus élevé pour eux-mêmes.
— Y a-t-il autre chose dans la Vierge qui la différencie par
rapport aux premières apparitions ?
— Un jour je revenais du travail en voiture. C’était le 9
janvier 1970. Cela ne faisait que trois jours que je m’étais
installé ici avec ma communauté. Pour arriver à cet en-
droit, je dois suivre la via Laurentina. Parvenu à la hau-
teur de la via délia Cecchignola, en ralentissant à un car-
refour, je vois, appuyée à un mur, une petite vieille qui
portait un grand fichu sur la tête. Elle semblait attendre
que quelqu’un s’arrête pour la prendre. Je pensais en
moi-même : « Si elle ne me fait pas signe, je ne m’arrête
pas, je continue ». Mais, l’ayant dépassée, je regarde dans
le rétroviseur et je vois la petite vieille qui me fait un signe
de la main. Je fais alors marche arrière et, arrivé à sa
hauteur, je lui demande : « Qu’est-ce qu’il y a grand-
mère ? Où allez-vous ? » Elle me répond : « Au Divino
Amore ». Je lui ouvre la porte de la voiture et elle monte,
toute contente, s’installant à côté de moi. Elle se met im-
médiatement à me parler : « Au Divino Amore, j’ai un fils
qui fait tant de bien aux gens qu’il veut sauver tout le
monde ». Puis elle me demande : « Quel âge me donnes-
tu ?» Je lui réponds que je ne sais pas, « soixante-quinze,
quatre-vingt ». « J’en ai quatre-vingt-dix ». Ça me semble
beaucoup mais je ne fais pas de commentaire. En passant
devant l’auberge des Sept Nains, nous voyons des clients
assis à la terrasse qui, le verre à la main, blasphèment.
La petite vieille me dit : « Tu dois aller les trouver pour
leur dire qu’ils ne doivent pas blasphémer car le blas-
phème attire la malédiction sur celui qui le prononce, sur
les hommes en général et sur la terre. S'ils ne veulent pas
prier, tant pis ! Mais au moins qu'ils ne blasphèment pas
». Je lui réponds : « D'accord, j'irai ». J'arrive au bout de
la via Castel di Leva, au croisement de la via Teatina. Je
freine et je m’arrête. À cet endroit, il y avait des agents.
La petite vieille me dit : « Bon, ce n’est pas la peine de
m’accompagner plus loin. Je descends ici. » J’allonge
alors le bras pour lui ouvrir la porte de son côté mais mon
bras passe au travers de son corps. Mon geste avait été si
naturel et si rapide que j’avais ouvert la porte avant même
de me rendre compte que j’avais eu à côté de moi une
ombre ou une vision. Il me semblait en outre que l’agent
qui se dirigeait vers moi avec impatience m’avait surpris
juste au moment où je voulais faire descendre la personne
qui était dans la voiture avec moi. « Depuis le temps que
je vous fais signe d’avancer : ça fait au moins vingt mi-
nutes que vous êtes immobilisé ici, vous vous êtes en-
dormi ?» À la vérité, j’étais en transe, et je l'étais depuis
que j'avais vu la vieille sur la via délia Cecchignola. J'avais
conduit toujours en état de transe et c'est pourquoi j'étais
resté pendant vingt minutes le bras tendu vers la porte
ouverte. Lorsque je me suis rendu compte que la petite
vieille qui était montée à côté de moi était la Sainte Vierge,
je me suis mis à pleurer de joie et d’émotion.
— Monsieur Cornacchiola, il est probable que l’apparence
qu’a prise la Vierge ces derniers temps, sous les traits
d’une vieille femme de quatre-vingt-dix ans, indique
qu'elle est lasse de parler. Il se peut également qu'elle
veuille annoncer une échéance proche, échéance dans
l'histoire de l'humanité mais peut-être aussi dans celle de
ses rapports avec les hommes, au-delà de laquelle elle ne
pourra plus nous aider, cette aide n’ayant plus aucun
sens. Quels autres éléments pouvez-vous ajouter en fa-
veur de cette interprétation ?
— Je vais vous raconter autre chose. En 1960, je me trou-
vais à Assise, chez les sœurs allemandes, plusieurs
prêtres s’apprêtaient, avec l'autorisation de l’Évêque, à
exorciser une fillette. Ayant appris que je me trouvais là,
ils souhaitèrent ma présence. Au moment où fut pronon-
cée la formule d’exorcisme, la fillette se mit à sauter en
l’air et à se débattre de manière impressionnante. Je
m’exclamais alors : « Au nom de Marie, ne bouge pas ! Ne
bouge pas ! » Sur cette injonction, je m’entendis ré-
pondre : « Et moi je t'enlèverai ce qui pour toi est le plus
précieux ! ». En 1961, alors que je parlais en public, je
restai sans voix. Je pensai immédiatement : « Voilà la me-
nace qui se réalise ». Ma voix était en effet ce à quoi je
tenais le plus. Je chantais depuis tout jeune, j’étais ténor
et étais très fier de ma voix. J’étais par ailleurs un orateur
et aimais beaucoup prendre la parole en public. À Rimini,
en 1956, devant un auditoire de 40 000 personnes, les
haut-parleurs tombèrent tout à coup en panne. Je m’ef-
forçai cependant de faire entendre ma voix. Donc, comme
je l’ai dit, en 1961 je devins aphone. Ensuite, tout douce-
ment, j’ai pu récupérer un filet de voix mais une corde
vocale est restée paralysée. C’est depuis ce temps-là que
je parle comme ça. Si je parle pendant une heure, c'est
comme si j'avais parlé pendant six heures d'affilée. J'avale
de l’air qui va dans mon estomac en même temps que la
salive. De temps en temps, je dois mettre un doigt sur ma
gorge et faire des exercices pour pouvoir continuer de par-
ler en me débarrassant du catarrhe qui l’encombre. Si je
l’avalais de travers, je risquerais de m’étouffer. Je ne peux
pas manger avec les autres. Il faudrait que je mange sans
boire, car si quelqu’un me posait une question pendant
que je bois, je pourrais avaler de travers et m’étouffer.
C'est pourquoi je mange dans ma chambre, seul midi et
soir. Tous les jours. Autrement, j’obligerais les personnes
de la communauté à garder le silence en mangeant. Je ne
peux pas boire comme tout le monde, en prenant mon
verre et en avalant le liquide d'un trait. Je dois tenir mon
verre bien fermement, prendre un peu d'eau et faire
comme si je me lavais les dents, en avalant petit à petit.
Tout ceci est l'œuvre du démon, ce sont là ses mauvaises
plaisanteries. Mais alors que certains offrent comme moi
toutes leurs souffrances à Marie, faisant ainsi la volonté
de Dieu, il ne serait plus possible de parler d’offrande et
de sacrifice si la compromission avec le démon se déve-
loppait au point de gagner toute notre vie. Dans ce cas,
tout serait perdu, et pas seulement une petite chose dont
on était fier.
— Y a-t-il des présages de catastrophes dans les mes-
sages que vous recevez de la Sainte Vierge ?
— Je ne peux rien dire. Mais nous devons nous attendre
au pire. Nous allons en fait vers le pire.
— Monsieur Cornacchiola, tant d’années après ce qui
vous est arrivé, c’est-à-dire la première apparition de la
Vierge dans la Grotte des Trois Fontaines, pensez-vous
pouvoir donner une nouvelle version des événements,
éventuellement modifiée à la lumière de vos propres ré-
flexions ou de votre propre expérience ; ou encore une
version inspirée d’une conscience spirituelle nouvelle ?
— Quand il vous arrive ce qui m’est arrivé, on n’en prend
conscience que petit à petit et il y a toujours des choses
qui vous reviennent, des détails ou des significations ca-
chées à mettre en évidence. Il ne s'agit plus d’insister sur
la description du phénomène mais plutôt d’en dégager la
valeur métaphorique et symbolique. L’apparition s’est
produite dans un lieu mal famé, un lieu de rendez-vous
coupables qui servait aussi de dépôt d’ordures et exhalait
de mauvaises odeurs. Nous, l’humanité tout entière, qui
avons accumulé tant de péchés, sommes comme cette
grotte, un réceptacle pour tous les immondices de l’uni-
vers. Mais, en accueillant le divin, nous pouvons comme
cette grotte dégager non plus de mauvaises odeurs mais
un parfum agréable. Le miracle du soleil n’est lui-même
rien d’autre que le miracle de la naissance en nous d’un
soleil intérieur. Je parle de métaphores mais également
de choses réelles. Marie et le Saint-Esprit sont des entités
qui existent, s’intéressent à nous et entrent en contact
avec nous, avec le monde matériel. Lorsqu’elle m’appa-
raît, la Sainte Vierge m’encourage ou me fait des re-
proches : « Tu ne dois plus faire cela, c’est mauvais pour
toi, etc. ». La doctrine du Christ, révélée par la Sainte
Vierge, est tout simplement le lien qui unit le monde spi-
rituel et le monde matériel.
— Combien d’hommes, selon vous, peuvent-ils rencontrer
la Vierge et voir naître en eux le soleil intérieur ?
— Le contact avec le surnaturel peut se faire sous forme
de reproche, d’appel ou de récompense. Prenons
l’exemple de Saint Paul : dans son cas, il s’est agi d’un
appel.
— Comment se fait-il que vous ayez nommé Saint Paul ?
— Parce que je l’admire beaucoup. C’était un militaire qui
obéissait aux ordres de ses supérieurs, mais il rencontra
le Seigneur et sa vie changea. Moi aussi, comme Saint
Paul, j’obéissais à quelqu’un.
En Espagne, je combattais contre Franco et en même
temps je militais au Parti Communiste. Quand je revins
d’Espagne en 1939 j’avais vingt-six ans. Pour pouvoir tra-
vailler et entrer à TA.T.A.C., je dus passer mon certificat
d’études. Je n’étais allé que jusqu’au cours préparatoire,
que j’avais redoublé deux fois. Ensuite, j’avais arrêté
l’école. Pour en revenir à Saint Paul, après s’être converti,
il s’était senti presque rejeté par ses coreligionnaires eux-
mêmes... Pierre s’était un peu disputé avec lui... Puis les
païens l’ont pris et l’ont emmené aux Trois Fontaines où
ils l’ont tué. C’est en ce même lieu que j’ai reçu la parole
de Dieu, non pas des hommes mais de Lui directement,
tout comme Saint Paul sur le chemin de Damas.
— Selon la Vierge que devons-nous faire ?
— Ce qu’elle demande toujours c’est la paix. Elle insiste
sur le fait que l’humanité doit œuvrer pour le maintien de
la paix.

4. 1947 : Val Staffora, quatre-vingt-cinq


apparitions et cinq messages secrets

Angela Volpini (7 ans) la Bernadette du Val Staf-


fora — Le temps de la Vierge — Quatre-vingt-cinq
apparitions — Cinq messages secrets — Peu nom-
breux sont ceux qui me suivront.

Dans une Italie saignée à blanc et en plein désordre, ac-


cablée sous le poids de la reconstruction et par consé-
quent talonnée par une infinité de problèmes, les événe-
ments de Val Staffora produisirent un effet de surprise.
La « Bernadette » du lieu était Angela Volpini, âgée de sept
ans à pieine. Les apparitions dont la Vierge semble l’avoir
gratifiée commencèrent le 4 juin 1947, sous un ciel lourd
d’orage.
Angela avait ce jour-là mené les brebis à la pâture au lieu-
dit « Il Bocco » situé près du village de Casanova-Staffora,
dans le diocèse de Tortona. Malgré son jeune âge, Angela,
qui était la deuxième des six enfants que comptait cette
famille de paysans, devait s'occuper de ses frères et sœurs
et aussi garder les moutons.
Au cours de l’après-midi, alors qu’elle se trouvait en com-
pagnie d’autres enfants, elle remarqua la présence d'un
nuage blanc d’une luminosité exceptionnelle. Elle pâlit,
son visage se décomposa et elle tomba à genoux sur
l’herbe, les bras grands ouverts. Les autres demeurèrent
sans voix. Au bout d’une dizaine de minutes, Angela se
reprit. Encore toute pâle et toute tremblante, elle raconta
avec beaucoup de candeur qu’elle « avait vu la Sainte
Vierge » et qu'elle était « vêtue de rose, avec un manteau
bleu ciel, un voile blanc et avait les pieds nus ».
Lorsque la nouvelle fut connue, quelque cent mille per-
sonnes affluèrent cet été-là à Casanova-Staffora. Les gens
se rassemblaient sur la grève du fleuve et dans les gorges
qui mènent au lieu-dit « Il Bocco » où se produisaient les
visions. Les pèlerins continuèrent par la suite à affluer,
tout particulièrement le 4 du mois. L’Église se décida
alors à intervenir : elle demanda une enquête qui ne
donna pas foi aux récits faits par Angela.
Les autorités ecclésiastiques persuadèrent ensuite ses
parents de mettre la fillette dans un couvent de reli-
gieuses. Là on fit tout pour qu’Angela oublie tout ce
qu’elle avait vu, dit ou fait jusqu’alors. On fit également
en sorte qu’elle perde la notion du temps, ceci afin d’éviter
que le 4 du mois elle ne demande à aller au « Bocco ».
Malgré toutes ces précautions, elle se leva à la date dite,
aux premières heures du jour et courut vers la grille du
jardin en essayant de l’escalader : elle avait entendu 1’«
appel » de la Vierge.
Lorsqu’on découvrit sa fugue, mais également l’authenti-
cité de l’élan qui la poussait vers le lieu de ses visions, on
rendit la petite visionnaire à sa famille. Et à partir de ce
moment, la « Bernadette de Val Staffora » put sans aucune
difficulté se rendre de nouveau à ses rendez-vous avec la
Vierge.
Les apparitions durèrent jusqu'au 4 juin 1956 et furent
au nombre de quatre-vingt-cinq.
Le 4 août 1947, la Vierge se fit appeler « Marie Secours
des Chrétiens, Refuge des pécheurs ».
Le 4 octobre 1947, cinq ou six mille personnes assistèrent
à un prodige solaire. À cette occasion, la Vierge demanda
« beaucoup de rosaires !... ».
Le 4 février 1952, la Vierge demanda que soient érigés une
chapelle et un sanctuaire. Elle continua également à con-
fier des messages à Angela Volpini, dont cinq devaient de-
meurer secrets. La petite visionnaire était chargée de
transmettre les messages aux prêtres, mais l'Église n'a
jamais cru bon d’en tenir compte et a même par deux fois
émis un avis négatif sur l'authenticité des apparitions du
« Bocco ». Deux évêques, Mgr Egisto Malchiodi et Mgr Fran-
cesco Rossi, ont en effet déclaré successivement, après
avoir été consultés officiellement, que les manifestations
de Casanova-Staffora n’avaient aucun caractère surnatu-
rel. La visionnaire obtint toutefois finalement de l'évêque
l’autorisation de faire construire sur le terrain des appa-
ritions, grâce aux offrandes des fidèles, une église dédiée
à « Marie Mère de l'Église ». Cette autorisation fut cepen-
dant accordée non « à titre de reconnaissance des appa-
ritions, mais uniquement pour le bien de la population de
la localité du Bocco et pour honorer la Vierge Marie » 53.
Devenue adulte, Angela Volpini se consacra à des œuvres
sociales et fonda un centre, le « Nouveau Cana », où ve-
naient se réunir des jeunes étudiants dans le besoin, un
peu « anarchistes » et « chevelus » ayant pour objectif le «
respect et l'amour de l'homme, l'harmonie entre la pensée
politique et la vie religieuse ». Dans une interview qu'elle
accorda en 1969 au mensuel « Madré di Dio », Angela Vol-
pini déclara qu'elle ne se permettait pas de juger les auto-
rités diocésaines mais qu'elle continuait à ressentir le be-
soin de parler de son expérience du « Bocco » et à penser
que les grâces dont elle avait bénéficié ne lui étaient pas
destinées personnellement.
En parlant ainsi, la visionnaire voulait sans doute mon-
trer qu’elle n’avait pas oublié et qu'elle était reconnais-
sante de l’aide qui lui avait été prodiguée lors des grands
moments d’émotion éprouvés au « Bocco ». À cette époque
lointaine, un journaliste eut l’occasion d’observer la petite
Angela Volpini alors qu’elle redescendait du bois du «
Bocco » vers Casanova-Staffora : la vision qu’elle venait
d’avoir l'avait laissée « à bout de forces et blême », mais
quelqu’un avait bien pris soin d’elle. C’était son père, un
« homme grand et maigre, vêtu comme un montagnard
avec de grosses chaussures aux pieds et un chapeau à
bord mou relevé sur le front ». Le père d’Angela descendait
le sentier avec ce léger fardeau dans les bras, au milieu
de la foule qui s’agenouillait en se signant. Il portait sa
fille — note le journaliste — comme le font les gens de

53
B. Billet, op. cit.
cette région lorsqu’ils ont recueilli une brebis blessée54.

Une année de messages délivrés


par la Vierge de Val Staffora
(4 janvier-4 décembre 1952)

4 janvier 1952 :
« Mon Fils veut que vous priiez et que vous fassiez pé-
nitence pour sauver de nombreuses âmes. Ceux qui
sauveront une âme auront une place assurée au Para-
dis. » (Extase de onze minutes de 13 h 56 à 14 h 07).
4 février 1952 : J’ai demandé à la Vierge de m’aider et Elle
m’a répondu :
« Ne crains rien, je suis toujours à tes côtés. Vous m’ai-
mez, je récompenserai bientôt votre foi. » La Vierge
était souriante (13 h 56-14 h 07).
4 mars 1952 :
« Je ne peux accomplir bientôt le miracle. Mon Fils veut
que vous priiez beaucoup. Je suis contente de vous,
mais vous devez prier afin que le monde entier soit con-
tent ! » La Vierge était souriante (13 h 55-14 h 10).
5 avril 1952 :
« Je vois que vous souffrez beaucoup. Réjouissez-vous :
vous serez bientôt heureux. Priez et je vous aiderai en
tout et pour tout. » La Vierge était souriante (13 h 55-

54
Pier Angelo Soldini, La Bernadette di Val Staffora ha visto ancora la Madonna («
Il Tempo », juin 1955).
14 h).
4 mai 1952 :
« Je suis contente du sacrifice et de la foi que vous
m’avez montrés. C’était une épreuve pour voir si vous
m’aimez vraiment. »
Le texte du message fait référence au fait que les fidèles
sont restés sous une pluie battante pendant près de huit
heures en attendant le moment de l’apparition (13 h 55-
14 h 07).
4 juin 1952 :
« Quand vous avez de la peine, venez à moi et je vous
consolerai. Plus vous m'honorez par le Saint Rosaire,
plus je vous comblerai de grâces et je serai contente. »
(14 h 15-14 h 25 : le retard est dû à l’orage).
4 juillet 1952 :
« Priez pour les âmes du Purgatoire et pour la conver-
sion des pécheurs. Si vous priez, je ne vous abandonne-
rai pas mais je vous assisterai toujours et vous serez
sauvés. » (13 h 55-14 h 10).
4 août 1952 :
« Mes Chers Enfants, priez pour que mon Fils Jésus
fasse preuve de miséricorde avec ceux qui le font souf-
frir. Si vous priez, vous serez contents et les châtiments
s'éloigneront. » (12 mn d’extase).
4 septembre 1952 :
« Ayez foi dans les promesses que Votre Mère vous a
faites. Priez et espérez. » Ce message fait référence au
fait que la visionnaire n’était pas présente à l'heure pré-
vue car elle avait dû se rendre au Diocèse. À 16 h 30,
une force irrésistible la poussait toutefois à se rendre
jusqu’au bois et de là jusqu’au lieu où elle eut la vision
habituelle (16 h 30-16 h 35).
4 octobre 1952 :
« Je vois que vous avez une grande foi. Vous êtes venus
de loin pour implorer mes grâces et elles vous seront
accordées en même temps que votre salut. » (Extase de
12 mn en présence de huit professeurs de Bologne et
trois de Modène).
4 novembre 1952 :
« Priez pour que Jésus fasse preuve de miséricorde en-
vers les pécheurs. Priez pour qu arrive bientôt ce que
Mon Cœur désire. » (Treize minutes d’extase en pré-
sence du Dr Rossi de Voghera).
4 décembre 1952 :
« Je suis contente que même le sacrifice n’ébranle pas
votre foi. Ne vous découragez pas si beaucoup vous
abandonnent car je vous le dis peu nombreux seront
ceux qui me suivront. »

5. Gramolazzo, une visionnaire interdite par le


Saint-Office

Une « Miss » devenue stigmatisée — Voyage en


Garfagnana — Rencontre avec une visionnaire —
Une croix apparaît sur la poitrine — Un pétale de
rose offert par la Vierge — Les trois hosties du ciel
— Une liste des prodiges — Les recommandations
de la Vierge — D’immenses cimetières et des
fleuves de sang — Bouleversement de la terre et
de la mer — Le bras de la Colère Divine suspendu
— La main du Saint-Office — Interdiction du Sur-
naturel.

Une lettre du curé de Gramolazzo,


Gramolazzo, 1er février 1986

Chère Madame Turi,


Je suis chargé de vous remettre les documents ci-joints.
Ils sont peu nombreux et concernent surtout les événe-
ments de Marina Di Pisa qui ont été à l'origine des faits
constatés à Gramolazzo.
Bien cordialement
P. Luigi Grandini.

C’est ce que m’écrivit un jour le curé de Gramolazzo. Je


décidai alors de me rendre à ce petit village accroché aux
crevasses de la Garfagnana, cette région comprise entre
les Apennins et les Alpes Apuanes, célèbre pour ses car-
rières de marbre.
Une pluie d’hiver voilait le paysage et un habitant de la
région qui m’accompagnait se souvenait de l’époque où «
petit enfant » (« bimbetto »), le diminutif est typique du
parler toscan, il entendait parler d’Anna Morelli qui, après
avoir été élue Miss Garfagnana, avait été visitée par la
Sainte Vierge et était devenue visionnaire et stigmatisée.
Connaissant Anna pour sa beauté, les gens furent
quelque peu déconcertés par ce qui lui arrivait. Et
quelques histoires piquantes commencèrent ainsi à cir-
culer — on ne savait pas si elles étaient véridiques ou to-
talement inventées — comme celle que racontait un con-
ducteur d’autocar. Ayant eu Anna Morelli à bord de son
véhicule, il avait à l’en croire pour ainsi dire mené le cor-
tège qui s’était formé dans la montagne à sa suite : la
jeune fille, qui avait reçu les stigmates sur la poitrine,
s’était laissée convaincre de montrer ses plaies aux voya-
geurs de l’autocar et à ceux qui, aux arrêts, venaient la
voir.
Les journalistes s’étaient également lancés sur la piste
d’Anna Morelli et, partis de Marina di Pisa où s’étaient
produits les prodiges, ils s’étaient aventurés jusqu’au
cœur sauvage de la région. Après avoir laissé « une si forte
impression à la Villa Santa, après avoir fait l’objet jour
après jour d’une attention presque morbide de la part de
milliers de fidèles rassemblés là, et enfin après l’épisode
mystique de la pierre de sang qui était tombée du ciel tout
droit dans ses mains », la jeune fille avait en effet mysté-
rieusement disparu et personne ne l’avait plus vue à la
grotte de Marina.
« Qu’est devenue A. Morelli ? Pourquoi, après avoir quitté
la tranquille station balnéaire de Marina di Pisa ce fa-
meux 16 juin, n’a-t-elle pas donné signe de vie ? Elle est
peut-être malade ? Ou tout ce qu’elle prétendait avoir "vu”
n'était-il que le fruit d’une imagination fertile et extrava-
gante ? »
Les journalistes écrivaient : « Nous parcourons donc en-
semble les kilomètres de montagnes et de collines qui
nous séparent de ce pittoresque petit village de la Garfa-
gnana où la jeune Anna Morelli vit avec sa modeste fa-
mille, dans une de ces nombreuses petites bicoques cam-
pagnardes adossées aux versants de marbre. Ce sont des
gens rudes mais bons, attachés au travail et aux tradi-
tions. »
Et la voici de nouveau, cette « visionnaire de Gramolazzo
», quarante ans plus tard, dans ces mêmes montagnes.
C’est une femme encore belle, au regard extraordinaire ;
sa poitrine est couverte de reliques, au nombre desquelles
un grand crucifix qui pend au bout d’une chaîne. Ses
gestes et ses paroles s’inspirent de cette foi inébranlable
qui en avait fait à vingt ans une figure légendaire : « Les
braves gens de ce bourg ensoleillé dont la foi est aussi
forte que les contreforts tourmentés qui se profilent de
tous côtés, se pressent autour d’Anna en la qualifiant déjà
de Sainte », écrivaient les journaux. « Ils lui confient leurs
peines et leurs douleurs. Et ils prient le soir venu et le
dimanche dans la vieille chapelle sur les collines... ».
Célibataire, Anna Morelli, qui est infirmière à Pise pen-
dant la semaine, revient tous les samedis et tous les di-
manches dans son village natal de Gramolazzo. Elle est
aussi sœur bénédictine laïque, ayant prononcé ses vœux
il y a bien longtemps, à Sorrente. C’est un prêtre de Cam-
panie, un fervent disciple de la Vierge, spectateur ému de
ses extases, qui l’ayant approchée et convaincue de se
transférer là où il vivait, fut à l’origine de cette décision.
C’est ainsi que naquit en 1950, à Sorrente, sous l’impul-
sion du prêtre et de la visionnaire, une institution qui
avait pour objet de venir en aide aux enfants abandonnés.
Cette initiative n’eut cependant pas l’heur de plaire aux
autorités ecclésiastiques, qui en ordonnèrent la fermeture
moins de deux ans plus tard.
Anna Morelli revint dans la Garfagnana. Le tollé qu’elle
avait suscité devait peu à peu s’estomper. Elle avait en
effet promis à l’Évêque de Massa de ne plus faire parler
d’elle et elle gardait elle-même le silence.
— À partir du jour où je fis cette promesse, je gardai tout
pour moi, dit-elle. Et elle me montre les reliques qu’elle
porte sur elle, lesquelles ont, en quelque sorte, scellé son
engagement : le pétale de rose que lui a remis la Vierge en
1948, le Crucifix que lui a donné une religieuse bénédic-
tine morte en odeur de sainteté et l’anneau reçu en sou-
venir de l’archevêque de Sorrente.
Je demande à Anna Morelli :
— Ne pensez-vous pas que vous pouvez maintenant sortir
de votre réserve ?
Et elle me répond :
— Je ne sais si je peux me permettre aujourd’hui de par-
ler avec quelqu’un de ces événements lointains. Mais je le
ferai, en observant toutefois les limites de l’engagement
qui m’a lié par le passé à l’évêque de Massa.
C’était dans la nuit du 29 au 30 novembre 1949, le jour
de la Saint André. Bien qu’âgée seulement de vingt ans (je
suis née en 1926), il y avait longtemps que j’étais malade.
Je ne réussissais plus à avaler quoi que ce soit. Les mé-
decins disaient qu’une poche d’air s’était formée dans le
pylore. En fait, une série de radiographies permit de cons-
tater que celui-ci avait gonflé : je ressentais des douleurs
terribles en déglutissant, je maigrissais, je perdais con-
naissance à tout bout de champ et j’avais dû abandonner
l’école.
Anna se souvient. Elle a les mains jointes, les coudes sur
la table, son regard devenu lointain et vide n’a plus cette
lumière étrange quand elle se souvient par bribes de la
promesse faite. Elle prononce d’une voix profonde des
mots sortis du fin fond de sa mémoire. Pour se souvenir,
elle a tenu à se réfugier dans une maison déserte, à la
lisière du village, au milieu des bois et des escarpements.
Il pleut.
C’est cette nuit-là, alors que j’étais au lit, qu’à un certain
moment je vis une lumière. Je distinguai un visage dans
cette lumière. La figure s’approcha de moi et me dit : « Ne
crains rien, je suis la Vierge ». Elle me fit un signe de croix
à la hauteur de l’estomac : « Maintenant tu es guérie ». Et
la lumière disparut. Je me mis à crier, épouvantée, et ma
mère, qui dormait dans une autre pièce en bas, près de
la cuisine, monta l'escalier en courant. « Elle est morte!
Elle est morte ! », criait-elle à son tour. « Non, maman »,
lui dis-je, « j'ai vu une lumière, puis une dame qui m’a dit
qu’elle était la Sainte Vierge. Elle m’a aussi fait un signe
de croix ici », et je montrai l’endroit sur ma poitrine. Ma
mère vit une croix marquée sur ma peau. « Je ne suis plus
malade », répétais-je. Et j’étais en effet guérie. Mais je sen-
tais une brûlure sur la poitrine : c’était la croix, qui avait
apparemment été tracée de trois traits de crayon rouge,
qui me procurait cette sensation, alors que tout autour la
peau était intacte et lisse. Ma mère courut entre temps
appeler le médecin et le curé. Quant à moi, je me rendis
à la messe à huit heures du matin, en remerciement. Je
communiai. Revenue chez moi, je pris une bonne tasse de
lait avec du pain trempé. À déjeuner, je mangeai des
pâtes, auxquelles je n'avais pas touché depuis des an-
nées. Je me sentais bien. En un mois, je grossis de huit
kilos. Puis un jour, je vis de nouveau la lumière et l’image
de la Vierge, qui me dit : « Ce signe de croix que j’ai tracé
sur ta peau, tu dois le faire connaître et le faire voir à
tous».
Je demeurai interdite. Puis la lumière disparut et, étant
tombée à genoux en extase, je revins à moi. Mais j’étais si
pâle que ma mère s’écria en me voyant : « Elle est en train
de mourir ! »
Je me repris. J’avais cependant sur la poitrine une nou-
velle croix de dix centimètres de hauteur et deux de lar-
geur.
On appela le curé et un va-et-vient continu de gens com-
mença alors chez nous. Ils vinrent par centaines, par mil-
liers, voir le signe de la croix. Quant à moi, j’obéissais à
la Vierge qui avait dit : « Tu dois le faire connaître et le
faire voir à tous ».
Le 7 décembre 1947, en revenant de la messe, je remar-
quai en chemin une grande lumière qui venait vers moi.
Je suis incapable de dire ce que j’ai fait à partir de cet
instant. Je sais que les passants m’ont vue m'agenouiller
à terre. La Vierge, qui était apparue dans le halo de lu-
mière, me disait : « Aujourd’hui à trois heures ».
Revenue à moi, je courus à nouveau vers le curé qui me
dit : « Si la figure se présente de nouveau à toi, dis-lui de
faire connaître qui elle est réellement ».
À partir de ce jour, notre maison s’emplit de nouveau,
tandis que toutes les montres et horloges étaient éloi-
gnées, y compris celle que j’avais au poignet. Mais moi je
pensais : si elle a dit qu'elle viendrait à trois heures, il
sera trois heures quand je la verrai. Et c’est précisément
à cette heure-là que je m’entendis appeler : « Anna, viens
». Elle se trouvait là où je l’avais vue le matin même, dans
la rue.
La Vierge devait bien d'autres fois, comme ce jour-là, ve-
nir chercher Anna Morelli en l'appelant de la rue et la me-
ner dans la campagne où, sur les recommandations de
l'apparition, allait se dresser quelques mois plus tard la
petite chapelle dite de la Maiora.
— J’étais occupée aux travaux domestiques, respectant
en cela les ordres qui m’avaient été donnés par mon di-
recteur de conscience, par l’intermédiaire de ma mère (à
savoir ne pas penser à la Sainte Vierge et, si celle-ci ap-
paraissait, la laisser apparaître, si elle m'emmenait de-
hors, la laisser m'emmener, à condition de ne pas la
suivre de mon plein gré mais uniquement guidée et attirée
par une force supérieure) quand, vers quatorze heures
trente, je La vis venir de la rue, souriante, et s’approchant
de moi, étendre le bras gauche, sourire encore une fois et
me prendre par la main en disant : « Allons-y ». Je ne sa-
vais pas résister à un tel appel, toute ma personne était
totalement captivée par cette force supérieure qui me gui-
dait et m’accompagnait dans une course effrénée jusqu’à
la petite chapelle dans les champs. J’avais la sensation
de voler et non pas de courir. Arrivée là, la Vierge se con-
fondit comme toujours avec la statue, et je me signai en
lui rendant hommage par la prière « Amores Mei ». Puis je
lui baisai les pieds et notre dialogue commença. Elle me
rassura sur l’évêque en me disant que j’avais parfaite-
ment respecté ses ordres et que je n’avais par conséquent
rien à craindre. Elle me parla ensuite des châtiments
proches. Je lui adressai alors maintes questions et lui
transmettai les suppliques que les gens m’avaient con-
fiées, sollicitant sa bénédiction pour les personnes pré-
sentes et éloignées. Puis c’est Jésus qui apparut. Il me
confirma le grand mystère qui s’accomplissait en ce jour
et insista pour que sa Mort réelle soit commémorée à date
fixe, le 25 mars — vendredi saint — et sa Résurrection le
27. Nous récitâmes ensemble le Rosaire ; Jésus me confia
qu'il voulait me faire participer à la Passion de cette jour-
née, c’est-à-dire à la douloureuse montée au Calvaire et à
son Agonie sur la croix, puis à sa Mort. Alors je le priai de
faire que tout ceci se déroule chez moi, dans ma petite
chapelle, n'ayant aucune envie de m’offrir en spectacle, et
Jésus consentit à venir chez moi. Je demandai ensuite
une bénédiction pour tous les présents, je leur baisai à
tous les deux les pieds, je me signai, et la Vierge me baisa
sur le front ; puis, comme à l’habitude, ils me saluèrent
et s’en allèrent lentement en me disant qu’ils viendraient
à dix-sept heures trente chez moi.
— Mademoiselle Morelli, comment se relient les deux his-
toires, celle des apparitions de Gramolazzo et celle des
apparitions de Marina di Pisa ?
— En avril 1948, ma mère avait voulu tenir la promesse
qu’elle avait faite à la Vierge de Montenero. Elle avait en
effet promis, si j’étais guérie d’une autre maladie dont
j’étais atteinte, que nous irions ensemble la remercier
(j’avais subi une intervention aux oreilles en 1945). Après
tant de tragédies, la guerre était terminée mais les condi-
tions de vie étaient encore précaires, notamment pour ce
qui était des moyens de transport. Nous nous rendîmes
pourtant à Montenero et nous allâmes dormir chez une
dame de Marina di Pisa qui était venue à Gramolazzo les
jours d’apparition. C’est cette dame qui me dit : « Tu sais
qu’à Villa Santa il y a une petite fille de trois ans qui voit
la Sainte Vierge ? Eh bien, allons-y nous aussi. Viens à la
Villa Santa avec moi. »
Devant la statue de la Vierge située dans la grotte aux
colonnes, il y avait, quand nous arrivâmes, une petite fille
de trois ans environ qui, quand elle m’aperçut, s’approcha
de moi et s’exclama : « Toi aussi tu as vu la Belle Dame ».
Et elle ajouta : « Viens, allons la voir ensemble ». Puis elle
me prit par la main et me conduisit dans la petite cha-
pelle. « La voici, la voici ! » fit l'enfant. Et je la vis moi aussi.
C'était vraiment Elle, dans cette chapelle. Elle me dit : «
Demain, tu me verras de nouveau ».
Quand je revins à la Villa Santa il était trois heures de
l'après-midi. Je La vis de nouveau apparaître et je l'enten-
dis me dire : « Il faut beaucoup prier car nous sommes au
bord d'un gouffre terrible... Tu diras à ces personnes que
les prodiges qui se produisent ici sont l’œuvre de la
Vierge».
Le 5 juin je me trouvais de nouveau à Marina di Pisa. En
apparaissant devant moi, la Vierge m'expliqua une fois
encore le grave motif qui l’avait incitée à descendre parmi
nous puis, pour apporter la preuve de sa véritable pré-
sence dans un corps réel, elle me dit : « Tu vois ces roses ?
Elles sont vraies ». Il y avait en effet des roses fraîchement
coupées autour d’elle. « Prends ce pétale et garde-le tou-
jours avec toi ».
Tous ceux qui se trouvaient là à m'observer me virent tout
à coup avec un pétale de rose entre les doigts. Le pétale
passa ensuite de main en main, au grand émerveillement
de tous car il n’y avait aucune fleur aux alentours, seule-
ment du sable. Il fut par la suite analysé et il apparut qu'il
appartenait à une fleur de la famille des roses-thé. C’est
dans l’après-midi de ce même jour que se produisirent
des prodiges des plus stupéfiants. En apparaissant à moi,
la Vierge me dit beaucoup de choses, puis elle m’invita à
ouvrir les mains. Elle tenait dans la sienne une petite pa-
tène en or sur laquelle se trouvait une hostie. « Ouvre tes
mains car je vais y laisser tomber l’hostie. Tu feras avec
une communion spirituelle. » Entre temps les hosties
s’étaient multipliées et étaient maintenant au nombre de
trois : une sur chacune des paumes de la Vierge et une
troisième entre ses mains. « La deuxième hostie sera con-
servée et la troisième sera donnée aux malades. »
C’est alors que les gens me virent tendre les mains vers le
ciel et recevoir trois hosties. Je dis : « Sainte Vierge, com-
ment dois-je faire avec les malades ? ». Elle me répondit :
« Ne t'inquiète pas, romps l’hostie en plusieurs morceaux
». Et je commençai à diviser l’hostie. Il y avait près de moi
une jeune fille sur un brancard. La Vierge me dit : «
Prends-la par la main et dis-lui : « Lève-toi et marche ».
La jeune fille se leva et se mit à marcher. Elle s’appelait
Ilva Borghini et venait de Rio Marina, dans l'île d'Elbe.
Elle était paralysée depuis seize ans. Elle vit elle aussi la
Vierge à ce moment-là.
Les quotidiens « La Nazione », de Florence, et « Il Mattino
dell'Italia Centrale » du 8 juin 1945 rapportèrent les faits
que j'entends raconter de vive voix par Anna Morelli : «
Pendant toute la journée d'hier, on a constaté une af-
fluence exceptionnelle des fidèles dans le joli jardin de la
Villa Santa. On évalue en effet à quelque vingt mille le
nombre des personnes qui, des premières heures de la
matinée jusqu'à la nuit bien avancée, se sont succédées
devant la grotte sacrée, illuminée et couverte de fleurs.
... Une fois remise de ses émotions et n'arrivant pas à
croire à l’irréfutable phénomène dont elle avait été l’objet,
elle s'est mise à rompre les hosties en petits morceaux
qu’elle a ensuite déposés dans les mains de plusieurs in-
firmes qui se trouvaient près d’elle. L’autre hostie a été
remise au curé qui est intervenu tout de suite. Elle a été
soumise à l'Archevêque de Pise mais le secret le plus ab-
solu est gardé autour de cet examen ».
— Lorsque l’évêque m’a interdit de retourner à Marina di
Pisa, ajoute Anna Morelli, la Sainte Vierge est alors venue
me chercher de nouveau chez moi. Elle me prenait par la
main et elle m’entraînait jusqu’au terrain que mon père
nous a laissé à sa mort, à ma sœur et à moi.
— Vous sentiez la main de la Vierge ?
— Bien sûr. La Sainte Vierge ouvrait la porte de la mai-
son. Ma mère fermait toujours la porte avec le verrou. Le
curé me retenait en me prenant par les bras. Mais la
Vierge ouvrait quand même la porte de la maison et m’em-
menait, même à travers des fils barbelés.
À une centaine de mètres de la chapelle de la Maiora,
dans le bois de Gramolazzo, se trouvent deux sources. Au
cours de l’une de leurs apparitions, dit A. Morelli, la
Vierge et Jésus la firent creuser à cet endroit et deux
sources jaillirent alors. Sur le trajet qui va des deux
sources à la chapelle de la Maiora, il y a, conformément
toujours à la volonté de Jésus et de Marie, un chemin de
croix au tracé pentagonal dont les quatorze stèles repré-
sentent les Sept Joies et les Sept Douleurs de la Vierge.
Il fait nuit et sous une pluie battante je m'aventure avec
A. Morelli dans le bois. Je marche derrière une femme
inspirée, qui m’entraîne à travers les ronces, tout comme
la Vierge l’avait entraînée à travers les fils barbelés.
Dans l’obscurité je découvre la petite chapelle, le chemin
de croix des Sept Joies et des Sept Douleurs et les deux
sources de Jésus et de Marie.
Quelques heures plus tard, en traversant en auto la Gar-
fagnana sur le chemin du retour, je m'aperçois que, bien
qu’ayant marché sous la pluie et ayant foulé l’herbe
mouillée, mes chaussures sont sèches.
Annexes
Signes visibles des apparitions
de la Vierge à Gramolazzo

— Une hostie, non consacrée, donnée par la Vierge à


Anna Morelli à Marina di Pisa, en présence de milliers de
personnes (par l’évêque de Pise).
— Une pierre en forme de bouclier sur laquelle est gravée
une croix portant des traces de sang (par l'évêque de Pise).
— Un pétale de rose (provenant des roses que la Vierge
avait sur les pieds) (par A. Morelli).
— Une épine de la couronne d'épines de Jésus (par le curé
de Gramolazzo).
— Un mouchoir qui s'imprégna de sang lorsqu’il fut passé
sur les pieds de Jésus en présence de nombreuses per-
sonnes (par le curé de Mugnano-Lucca).
— Un chapelet qui se couvrit de sang lorsqu’il fut passé
sur les pieds de Jésus (par Don Pierami, Piazza al Ser-
chio).
— Un chapelet des cinq plaies trouvé dans un vieux mur
plus que centenaire.
— La source au-dessus de la chapelle de la Maiora.
— L’étole d’un prêtre qui s’imprégna de baume parfumé
quand elle toucha le corps de Jésus (par le Père Bongi
Staffoli).
— Un parfum de violettes sur tous les objets bénis par
Jésus et par Marie en présence de nombreuses per-
sonnes.
— Une prière, trouvée dans une muraille qui soutient la
montagne, avec une recommandation de Marie de la faire
connaître à tout le monde, particulièrement à ceux qui
n'ont pas le temps de faire de longues prières.
— Un scapulaire en satin blanc brodé d’or (par le curé de
Gramolazzo).
— etc., etc. Et également tant de grâces reçues et tant de
conversions.
En 1948, la Vierge de Gramolazzo a demandé que soient
respectés les dogmes et préceptes suivants :
— Assomption
— Médiation universelle de Marie
— Majesté divine
— Divine maternité
— Date fixe de Pâques, le 25 mars vendredi saint
— Exhortation à la pureté
— Exhortation à l'amour
— Mobilisation contre le divorce
— Mobilisation contre l'avortement
— Mobilisation contre la violence
— Croisade universelle pour la reconnaissance de la date
fixe de Pâques
— Institution universelle de la société des ministres de
Marie (statut de cette société mariale dicté par la Vierge)
— Exhortation à la prière et à la pénitence.

Extraits des messages dictés par la Vierge à Anna


Morelli :

La Très Sainte Vierge, le 5 juin 1949 :


« Une nouvelle pentecôte viendra ; mais avant cela
vous devrez traverser des déluges de larmes, de sang et
de flammes. Et tout ces enfants (elle les montre) qui
demain ne seront plus, qui seront fauchés comme l’on
fauche les épis de blé. Vous verrez d’immenses cime-
tières, des fleuves de sang couleront, beaucoup
d’épouses et de mères pleureront, nombreux sont ceux
qui pleurent et cherchent ceux qui ne sont plus. Une
grande chaîne ininterrompue des prières est nécessaire
en ces temps si difficiles. Vous êtes à la veille de ter-
ribles choses. Je veux plus de ferveur dans la prière, elle
est faite avec tant de légèreté. Il est absolument néces-
saire de prier, de se repentir et de faire pénitence.
Priez... priez... priez... Mon Cœur saigne. »

Messages Secrets de Gramolazzo le 10 novembre


1951

« Le 22 août 1948, la Sainte Vierge me communiqua le


secret suivant (je vous demande de pardonner mes
fautes) qu’elle voulait que je révèle à l’Évêque afin que
beaucoup de prières soient dites pour conjurer les dan-
gers que je vais exposer ; au cours de la vision du 7 dé-
cembre 1948, elle répéta une partie de ce secret, afin
que les fidèles commencent à faire pénitence. Voici le
secret que je devais révéler à l’évêque de Massa :
« Mon Enfant, fais savoir à l’évêque de Massa qu’il est
nécessaire de faire des prières expiatrices pour ces ter-
ribles péchés qui ont été commis ; sinon les châtiments
seront affreux. Mon Fils et Moi ayant désigné Son Dio-
cèse comme paratonnerre contre les fureurs divines, je
veux que ce soit lui qui incite à la prière, et qui reçoive
de Mon Fils les bénéfices de son obédience dans l’Eter-
nité.
De grandes calamités vous attendent, de mauvaises
maladies et des épidémies infesteront le monde ; beau-
coup mourront ; de grands massacres dont les victimes
innocentes paieront pour les péchés de leurs pères.
Vous en verrez bientôt les effets. De très fortes pluies
s’abattront et dévasteront tout, engloutissant tout sur
leur passage ; des éclairs sillonneront le ciel, détruisant
les maisons et les récoltes ; toute la terre connaîtra de
grands bouleversements et la mer ne vous épargnera
pas non plus.
Il y aura la faim, le désordre, la rébellion ; le sang des
innocents coulera dans les rues ; le frère tuera son
propre frère et très vite il y aura aussi la guerre ; de
nouveaux et terribles microbes infesteront la terre et
ses créatures ; ils vous persécuteront tous, mes chers
enfants, enfants de Mon Fils. Il n’y a pas de temps à
perdre, le bras du Père indigné s’est déjà levé au-dessus
du monde rebelle et pécheur, prêt à lancer les éclairs
de Son Ire provoquée par l’ingratitude de ses créatures.
Même dans Votre Diocèse il y a de douloureuses plaies
à guérir.
Il est nécessaire qu’il organise une chaîne ininterrom-
pue de prières expiatrices en l’honneur du Cœur de
Mon Fils et du mien ; les prières du Rosaire doivent être
récitées en continu dans toutes les églises, chacune de
celles-ci devant comporter un oratoire où l’Eucharistie
de Mon Fils sera exposée, avec autant de petites
lampes allumées ; les gens doivent comprendre la né-
cessité de ces prières.
Vous, mes enfants, vous devez donner l’exemple en
priant davantage et en vivant avec plus de discrétion,
en modérant vos manières et votre langage, en cou-
vrant et en guérissant certaines plaies douloureuses qui
constituent un mauvais exemple pour les fidèles.
Soyez, Vous et Vos enfants, mes Apôtres ; soyez autant
de petits sosies de Mon Fils Jésus, je serai votre Mère
bonne et aimante comme je l'ai été pour mon fils.
Que Votre Cœur de Père soit, pour ce Diocèse, plein
d’amour tel une éponge qui, plongeant dans notre
Cœur, laisserait retomber sur les hommes un peu de
notre amour.
Que votre Diocèse, auquel Mon Fils et Moi daignons
rendre visite, soit le "paratonnerre” d’une humanité en
danger, et que Vous en soyiez la pointe dorée.
Nous vous bénissons en vous protégeant, en vous gui-
dant et en vous éclairant pour vous mener sur la voie
de la Sainteté dans la gloire des Cieux. »
En foi de quoi, je me suis décidée à écrire le message
secret suivant puisque finalement une audience m’a
été accordée et, après vous l’avoir révélé de vive voix,
je le consignerai par écrit pour Son Excellence puisque
c’est là la volonté de la Sainte Vierge. »

Copie de la lettre envoyée le 8-12-1951 à Madame


Ida Nardini de Prato di Barga par Son Excellence
Monseigneur Carlo Boiardi, Évêque d’Apuania
Massa et, pour information, au curé de Gramo-
lazzo, le Père Luigi Grandini

Chère Madame,
Votre lettre du 18 novembre courant, à laquelle était joint
le compte rendu de la vision qu’aurait eue Anna Morelli le
1er novembre, appelle certaines précisions quant aux po-
sitions adoptées et certains éclaircissements sur les équi-
voques qui, me semble-t-il, continuent à être entretenues.
1° Je tiens avant tout à préciser que je vous ai reçues en
audience, vous et Mademoiselle Morelli le 14 novembre,
étant donné qu'au cours d'une visite précédente vous
m'aviez dit être troublée, craignant que la décision du
Saint-Office puisse laisser supposer l’existence à votre
propos de fautes morales, voire de péchés, et que vous
aviez par conséquent besoin, et Anna Morelli tout parti-
culièrement selon vous, d’une explication et d’éclaircisse-
ments.
Ceci étant, je vous ai reçue et je vous ai expliqué que la
décision du Saint-Office ne se voulait absolument pas une
condamnation des péchés que vous-même ou surtout A.
Morelli auriez pu commettre, mais qu’elle contenait cer-
taines directives et certaines précisions sur la nature des
apparitions.
Je vous faisais en effet valoir qu'en prononçant la ferme-
ture de l'institution fondée par A. Morelli, le Saint-Office
chargeait les Évêques de mettre les fidèles en garde pour
qu’ils ne « se laissent pas prendre par la propagande faite
autour de certaines apparitions dénuées d'un réel fonde-
ment et de tout caractère surnaturel, et qu'ils ne donnent
pas leur adhésion à la constitution de cette Institution qui
avait été interdite par le Saint-Office ».
2° Anna Morelli me mit ensuite au courant de sa situation
économique et juridique, étant donné qu'elle était non
seulement la fondatrice mais aussi la Présidente de l'ins-
titution qui s'était dotée de la personnalité morale. Elle
me faisait part de sa déception, tout le monde à Rome
l'ayant abandonnée à la suite de la décision du Saint-Of-
fice, ce qui l'avait mise dans une situation très difficile,
compte tenu des lourdes responsabilités qui pesaient sur
elle ; et elle ne trouvait plus personne pour l'écouter. Elle
me demanda ensuite ce qu'elle devait faire et je lui donnai
donc les directives suivantes : elle devait renvoyer chez
eux au plus vite les six ou sept enfants qu'elle gardait en-
core avec elle ; renvoyer chez elles également les jeunes
filles qui l'avaient assistée dans la fondation de l'institu-
tion ; ainsi en décidait la mesure prise par le Saint-Office.
Elle devait ensuite remettre l'ensemble de la gestion de
l'institution à l'Évêque de Saleme en lui laissant le soin
de prendre toutes les décisions qu'il jugerait opportunes
sur l'avenir de cet établissement. Une fois ceci accompli,
elle ne devait plus s’occuper de rien. Elle devait oublier
ses apparitions et ses visions, et laisser les choses aller
leur cours. C’est l’Autorité Ecclésiastique de Salerne qui
allait tout prendre en main.
3° Au cours de ces entretiens, je remarquai que, tout en
vous déclarant, vous-même et A. Morelli, disposées à
suivre les directives du Saint-Siège — quoiqu'émettant
parfois certains doutes quant à la valeur de sa décision et
quant au sérieux et au bien-fondé de l'enquête menée sur
les apparitions, vous souligniez également des distinc-
tions établies par le Saint-Office lui-même entre ce qu'il
condamnait et ce qu'il ne condamnait pas, entre ce qu'il
interdisait et ce qu'il n’avait pas l’intention d’interdire,
etc. vous interrogeant sur l’étendue de l'obéissance due,
etc. Dès lors je vous avertissais que tous ces doutes et
toutes ces distinctions subtiles n'avaient aucune raison
d'être et ne pouvaient en aucune façon s'accorder avec
l'obéissance due aux directives données par l’Église. Or,
la teneur de la vision du 1er novembre, dont vous me com-
muniquez le compte rendu, confirme l'impression que j’ai
eue au cours de nos entretiens, à savoir que l’on veut
trouver des prétextes pour continuer à agir comme avant :
ces subtilités et ces distinctions que l’on attribue à la
Vierge à l’occasion de cette vision ne sauraient en effet
être retenues.
C’est la raison pour laquelle j’insiste de nouveau et une
fois pour toutes : que l’on n’entende plus parler de ces
apparitions, ou visions, ni par vous, ni par A. Morelli, ni
par d’autres ; il vous est toujours interdit, à vous-même
ou à qui que ce soit, d’assister ou de participer d’une quel-
conque manière à d’autres phénomènes de ce type, de
prendre des notes ou des photographies, etc. Il demeure
interdit à Anna Morelli de faire de la propagande pour ces
visions ou ces prétendus entretiens et d’admettre qui-
conque à participer à des faits de ce type ; il demeure in-
terdit d’organiser des collectes ayant un rapport avec ces
faits. Il reste entendu que tout ceci a pour objet de définir
certaines responsabilités et d’éclaircir certains points,
comme je l’ai fait remarquer au début, et que l’on ne sau-
rait y voir un manque de respect à l’égard de vos per-
sonnes, pour lesquelles nous conservons toute notre con-
sidération.
Avec notre bénédiction.
Votre Très dévoué
Monseigneur Carlo Boiardi, Évêque.
P.S. : J’oubliais de vous dire que je vous charge de com-
muniquer à Anna Morelli le contenu et les dispositions de
la présente lettre en vous priant de me faire savoir éven-
tuellement si telle n’était pas votre intention ou votre vo-
lonté.
N.B. Je déclare que la présente lettre est conforme à l’ori-
ginal envoyé à ladite destinataire. Le curé de Gramolazzo,
le père Luigi Grandini, est chargé par Monseigneur
l’Évêque de faire connaître à Anna Morelli le contenu et
les dispositions de la lettre reproduite ci-dessus.
Suit le cachet avec la mention
Curie Episcopale d’Apuania.
Apuania Massa, le 15 février 1952
Chanoine Pietro Farinelli,
Chancelier de l’Évéché.
Compte rendu de la vision du 8 décembre 1953

Ave Maria !
Je suis chez moi, occupée comme d'habitude aux travaux
domestiques, lorsqu’à quatorze heures quinze la Sainte
Vierge arrive et me prend par la main pour m’emmener
en toute hâte à la petite Chapelle dans les champs. Arri-
vée là, je me signe, lui baise les pieds et lui rends hom-
mage en récitant la prière « Amores... ». Puis je lui de-
mande grâces et bénédictions. Jésus apparaît lui aussi et
se plaint des méchancetés des hommes et des offenses
qu’il subit continuellement, demandant la prière et la pé-
nitence. Puis, me prenant par la main tous les deux, ils
m’emmènent au dehors de la chapelle en me faisant ré-
péter le Je Vous Salue Marie à chaque station du chemin
de croix des Sept Joies et des Sept Douleurs de la Sainte
Vierge. Ils me demandent cet exercice de dévotion pour
racheter les méchancetés des hommes. Ils me mènent
ainsi petit à petit jusqu’à la source. Là Jésus et Marie bé-
nissent deux statues offertes par la ville de Bolzano, se
disant contents et bénissant les donateurs. Ils remercient
également en les bénissant ceux de Salerne qui ont offert
des céramiques représentant le Chemin de croix et les
stations des Sept Joies et des Sept Douleurs, puis ils me
font observer que les œuvres réalisées autour de la source
sont belles, qu’ils en remercient et bénissent les auteurs,
mais que quelques modifications devraient y être appor-
tées car elles ne correspondent pas tout à fait à leurs sou-
haits. Une des sources a par exemple été murée. Ils me
font ensuite réciter le Saint Rosaire, me répètent qu’ils
veulent que l’on fasse venir les malades à la source car
des trésors de grâce y sont prêts à être distribués. Jésus
me dit de demander que l’on ne m’abrite pas sous un pa-
rapluie car II fera en sorte que je ne sois pas mouillée,
ceci étant le signe qu’il veut donner aux personnes pré-
sentes. En effet, malgré une pluie torrentielle, je ne fus
pas mouillée. En revenant à la chapelle, ils me firent age-
nouiller à l’extérieur de celle-ci pour terminer le Saint Ro-
saire, puis Jésus me demanda de répéter ses paroles : «
Mes Enfants, priez, soyez recueillis, ne vous laissez pas
distraire par les choses fallacieuses, unissez-vous dans la
prière, pensez que je suis ici près de Vous, par mon
Corps, mon Sang, mon Ame et ma Divinité. Ayez donc
plus de respect et plus de dévotion pour ce lieu ; pensez
qu’il est bien rare de m’avoir ainsi, si près de Vous, soyez
plus dignes, aimez-moi. Aujourd’hui, Celui qui me repré-
sente sur la Terre, qui parle par ma voix, le Saint-Père, a
solennellement inauguré l'Année mariale, dédiée à ma
Mère. Profitez de cette année de Grâces et de faveurs pour
vous gagner mon Père, que vous avez tant offensé par vos
méchancetés. Il est encore temps pour vous d’essayer par
vos prières et votre mortification de conjurer les terribles
dangers qui vous menacent. Ma Mère implore pour Vous
la Paix en cette année glorieuse pour Elle. Profitez-en,
faites en sorte que vos suppliques unies aux Siennes
soient entendues ».
Puis Jésus et la Vierge m’ont raccompagnée à l'intérieur
de la chapelle et, après qu’ils m’aient dit que je devais les
revoir peu de temps après chez moi, afin de me permettre
d’offrir un peu de repos à Jésus en souffrant pour Lui, je
leur ai transmis les demandes que m’avaient confiées de
nombreux fidèles. J’ai ensuite offert à la Sainte Vierge une
petite chaîne en or qu’une dame américaine lui envoyait
en don. Ils m’ont saluée comme à l’habitude et ont dis-
paru.
En foi de quoi, je signe le présent compte rendu.
Anna Morelli, Gramolazzo.

16 h 30

À 16 h 30 environ, la Sainte Vierge et Jésus sont apparus


dans ma petite Chapelle et, après avoir sollicité des grâces
et des faveurs et avoir imploré leur bénédiction pour
toutes les personnes présentes et pour les absents, je leur
ai demandé de bénir tous les objets et les chapelets qui
se trouvaient à leurs pieds et de répondre aux requêtes
qui leur étaient présentées. L’ayant fait, ils donnèrent leur
bénédiction. Mes souffrances commencèrent alors afin de
soulager pendant quelques instants les membres doulou-
reux de Jésus. Quand elles furent terminées, ils donnè-
rent leur bénédiction particulière à tous les présents.
Jésus me dit que le Carême approchait, et qu’en cette pé-
riode il voulait me donner d’autres Signes d’amour. Il me
dit toutefois de demander à mon directeur spirituel qu’il
décide lui-même, car il savait que les Autorités ne vou-
laient pas d’éclat, tandis que Lui souhaitait que tout le
monde voie et sache ce que me donnait Jésus. C’était
donc à mon directeur spirituel de décider ou de prendre
ses dispositions pour que pendant la période du Carême
(sauf le 25 mars et le jour de Pâques car je devais ces
jours-là me trouver chez moi où II devait m’apparaître), je
puisse me rendre sur le lieu de ma mission finale, qu’il
connaissait. Ce n’était que de cette manière qu’il pouvait
éviter que mes plaies ne se rouvrent, en me donnant une
souffrance intérieure et non visible. Il devait donc décider
selon sa volonté, en sachant toutefois que si je ne me ren-
dais pas là, Jésus me donnerait Ses signes d’amour en
faisant beaucoup de publicité car il voulait que les gens
sachent et voient.
Jésus insista pour que mon directeur de conscience garde
le secret sur le lieu de ma mission. Il devait également
faire lui-même toutes les démarches nécessaires pour
mener à bien cette mission. Je promis à Jésus de parler
dès que possible à mon directeur spirituel et de lui donner
bientôt une réponse.
Jésus et la Vierge me saluèrent ensuite comme d’habi-
tude en me disant que j’allais les revoir le 6 janvier 1953
mais qu’ils viendraient donner la bénédiction du Rosaire
le soir du 24 décembre. Puis ils disparurent lentement
comme toujours.

6. 1948 : Marina di Pisa, apparitions nombreuses


et familières

Apparition à une enfant de trois ans — Une grotte


sacrée — De nombreux enfants voient la Vierge —
La guérison des maladies — Des signes miracu-
leux — Une vision qui épouvante — Vingt mille per-
sonnes devant la grotte — Le prodige des trois hos-
ties — Les miracles de Villa Santa — Des phéno-
mènes solaires.
Sur les côtes de la riviera de la Versilia, à Marina di Pisa,
la Vierge apparut le soir du 27 avril 1948 à une enfant de
trois ans et demi, Paola Luperini, dans une vieille grotte
aux formes irrégulières, pleine de voûtes, de stalactites et
de colonnes en partie naturelles et en partie artificielles.
La grotte, qui fait toujours l’objet d’une grande vénéra-
tion, appartient au jardin de la Villa Santa construite
pour les princes de Carovigno. Aujourd'hui l’ensemble est
propriété domaniale.
Le phénomène dont la petite visionnaire fit l’objet était
loin d’être un cas isolé. Nombreux furent en effet ceux
qui, à la Villa Santa de Marina di Pisa, purent et peuvent
encore affirmer avoir eu ou avoir des apparitions de la
Vierge. Mais c’est surtout en 1948 que les visions se suc-
cédèrent sans relâche à la Grotte Sacrée, confirmant ce
que la Vierge elle-même avait annoncé : « Presque tout le
monde me verra ».
« Chaque mètre carré de terre de ce merveilleux jardin est
un miracle manifeste ! » dit un petit livre rédigé sous l’im-
pulsion de quelques fidèles du lieu, « un témoignage tan-
gible des apparitions, des faits prodigieux, des prières,
des parfums, de la foi ».
Pourtant avant le mois d’avril 1948, c’est-à-dire avant que
ne commencent les apparitions, la grotte était, aux dires
des personnes qui la connurent à l’époque, « dans des
conditions déplorables ». Le jardin tout entier était à l’état
d’abandon et les immondices, les pierres et le fil barbelé
en jonchaient le sol. Après avoir été le domaine des
princes de Carovigno, la Villa Santa et ses dépendances
avaient en effet sans cesse changé de propriétaire, pour
être ensuite occupées par le gouvernement fasciste et, fi-
nalement, par l’actuel gouvernement. C’est ainsi quelles
furent aménagées en bureaux. Le parc quant à lui avait
été complètement négligé.
Outre son aspect extérieur qui a connu quelques amélio-
rations du fait des soins et de la dévotion dont elle a fait
l’objet, la grotte a conservé sa structure d’origine. Il serait
plus juste de parler de deux grottes, dans la mesure où
l'amas rocheux couvert d’une végétation variée, en parti-
culier de nombreuses plantes grimpantes, est en réalité
une construction en béton armé dans laquelle l’auteur du
projet a fait creuser deux cavernes. La première, couverte
et basse, à laquelle on accède en passant sous deux arcs,
situés à l’est et à l’ouest, est ornée de colonnes et de sta-
lactites artificielles et, dans sa partie haute, de symboles
païens. La seconde est à peine ébauchée et comporte une
paroi commune avec la première ; elle est recouverte d’un
petit toit et débouche sur une plate-forme de huit mètres
sur dix, entourée d’une palissade.
On peut s’interroger sur ce nom de Villa Santa donné à la
demeure au moment où elle fut construite, et donc bien
avant que la Vierge n’apparaisse en ce lieu. Le nom de
l’épouse de l’un des nombreux propriétaires qui se succé-
dèrent était en effet Santina. Ce n’est donc qu’à partir
d’avril 1948, avec les apparitions, que le nom prit réelle-
ment tout son sens.
C’est cependant dès le mois de mars que l’on avait pu
constater dans la demeure des phénomènes mystérieux.
Une demoiselle prolongée dénommée Francesca Pam-
pana, connue et estimée de tous à Marina di Pisa, eut au
cours d’une journée printanière l’idée de visiter le jardin
à l’abandon dans lequel elle n’avait pas remis les pieds
depuis au moins trente ans. Dans l’allée qui mène à la
grille de la via Orlandi, la demoiselle remarqua une belle
statue de la Vierge. Elle vit peu après une statue similaire
sous la grotte couverte. Croyant en toute bonne foi qu’il
s’agissait de véritables sculptures, elle les regarda, les ad-
mira, mais elle n’eut pas l’idée de les toucher ni d’en par-
ler autour d’elle. Elle ressentit seulement, en ce lieu, le
besoin de prier.
C’est après que la Vierge se soit manifestée « en chair et
en os » à la grotte que Mademoiselle Pampana se souvint
des deux statues qu’elle avait vues. Celles-ci ne se trou-
vaient cependant plus là. Il semblait même qu’elles n’y
aient jamais été. Personne ne les y avait en effet vues à
cet endroit. Francesca Pampana se rappela que les sta-
tues étaient lumineuses et elle eut alors la certitude
d’avoir été témoin de la première apparition de la Vierge
à la Villa Santa.
Les événements qui suivirent ont été racontés par les fi-
dèles visiteurs de la grotte de l’époque : « Le soir du 27
avril, vers dix-neuf heures, tandis que plusieurs enfants
de tous les âges jouaient aux "belles statues” devant la
grotte découverte, la Très Sainte Vierge apparut à Paola
Luperini, une petite fille de trois ans et demi. Une fillette
plus âgée la vit également mais pendant un instant seu-
lement. La vision de Paola dura en revanche dix minutes
environ et, bien que s’exprimant difficilement en raison
d’un défaut de prononciation dû à une hypertrophie des
amygdales, elle raconta avoir vu une "belle Dame” vêtue
de blanc qui lui avait dit en souriant de se mettre à ge-
noux et de prier et lui avait donné rendez-vous pour le
jour suivant à la même heure. Le soir du 28 nombreux
furent ceux qui affluèrent à la Villa Santa pour assister à
l’apparition. Dès que la Vierge apparut, Paola s'age-
nouilla, les mains jointes, et à la demande de l’apparition
elle se mit à prier. Mais elle arrivait seulement à répéter :
“Je vous salue Marie, ainsi soit-il ! Je vous salue Marie,
ainsi soit-il !...” La Vierge lui dit qu’elle lui apportait une
grâce pour sa mère (la guérison) puis elle l’invita à lui bai-
ser les pieds. Alors, en essayant d’éviter le fil barbelé qui
jonchait le sol, la petite visionnaire s’inclina jusqu’à la
terre "pour baiser les petits pieds de la Dame". »
Au mois de mai, Emilio Stefanini, douze ans, eut quatre
visions alors que Nilvana Garzella, dix-sept ans, en eut
sept. Parmi les visionnaires adultes de Marina di Pisa, il
y eut Pia Baldi, dont la petite fille de cinq ans fut miracu-
leusement guérie ; Beppina Pastore ; Joie Gonnelli, qui
fut également guérie de son épilepsie : Teresina Batta-
glini ; Argentina Dini ; Corinna Bongianni. Mais tous ceux
qui se rendaient à la Villa Santa, qu’ils aient été ou non
de Marina di Pisa, disaient souvent avoir vu la Vierge. Au
cours des mois de mai, juin, juillet et août, la Vierge se
manifesta à un grand nombre de personnes, ainsi qu’elle
l’avait annoncé la première fois : « Presque tout le monde
me verra ». Elle apparut à dix ou douze personnes en
moyenne par jour et toujours à des gens nouveaux et ve-
nus de villages différents. Elle leur recommandait avec in-
sistance de prier, de faire pénitence et leur donnait ses
instructions.
La plupart des visionnaires de 1948 étaient des visiteurs
occasionnels, des personnes qui se trouvaient à Marina
di Pisa en vacances ou pour affaires et qui venaient à la
Villa Santa par curiosité ou pour implorer quelque grâce.
Ils eurent parfois la chance de voir la Vierge à deux ou
trois reprises. Mais ce furent surtout deux fidèles de la
grotte qui eurent la faveur des apparitions et devinrent
les deux visionnaires « vedettes » de Marina : Gino Taddei
et Sestilio Sandroni. Le premier eut sa première appari-
tion le 10 mai et le second le 17 du même mois.
Les visions de Taddei furent prolongées et laborieuses car
leur objectif était la conversion des personnes présentes
par le biais des souffrances imposées au visionnaire.
Celles de Sandroni furent plus brèves et plus simples,
sauf lorsque certains signes lui étaient communiqués, ne
contenant que des annonces sur des faits qui devaient
par la suite réconforter le visionnaire et ceux qui, comme
lui, croyaient en la venue de la Sainte Vierge sur terre.
Les signes envoyés à Sandroni furent les suivants :
1° Trois figures mystiques de couleur blanche sur le mur
noirci de la cuisine, représentant un grand Cœur sur-
monté de deux ailes, un Ciboire et une Hostie entourée
de rayons lumineux. (Ce signe fut donné le 5 mars 1949).
2° Quelques gouttes de Sang sur le Crucifix d’un chapelet
que Sandroni tenait à la main et dans un petit livre de
prières (Jeudi Saint de l’année 1949).
3° Quelques gouttes de Sang sur le Crucifix du chapelet
d’un prêtre qui était curé à Lucques, tandis que Sandroni
était dans un état d’extase. Au même moment, des larmes
apparurent sur le visage de la statue de la Sainte Vierge
et l’une d’entre elles, qui s’était arrêtée sous son menton,
se transforma en sang. Elle ne disparut qu’après une
quinzaine de jours, comme l’avait prédit la Vierge. Ce
signe fut donné à la grotte le 23 mai 1949, en présence
d’une foule immense.
L’appel de la Vierge, adressé à tous, visionnaires et fi-
dèles, était : « Priez et faites que l’on prie. Priez sans re-
lâche. »
En 1951, Gino Taddei est saisi d’extase à l’intérieur de la
grotte, à quatre heures trente de l’après-midi, et les yeux
fermés avance à tâtons :
— Mère, faites la lumière, je ne vois rien ! dit-il. Et de ses
lèvres sortent les paroles de la Vierge :
— Mon fils, tu trouveras la lumière sur le chemin de la
Croix (un sentier qui mène jusqu’au Calvaire de la Villa
Santa). Nombreux sont ceux qui ne veulent pas croire en
mon Fils, et moi, sa Très Sainte Mère, je suis descendue
sur terre pour que la lumière soit faite. Voici le chemin de
la Croix, suis-moi, Mon Fils t'y attend.
— Mère, fais-moi souffrir, peu m’importe. Et le visionnaire
sort de la grotte, prêt à souffrir les douleurs de la passion
de notre Seigneur Jésus Christ.
— Mon fils, le Calvaire est proche, suivez tous son che-
min. Pour ceux qui n’ont pas vu, j’ai envoyé le parfum qui
n’a pas d’équivalent parmi les parfums terrestres, en deux
exhalaisons. (Tous sentent le parfum très suave qui, du
saint lieu se diffuse à travers toute la pinède.)
— Mère, voici le Calvaire. Quelle douleur...
— Mes enfants, écoutez, c’est la Très Sainte Mère de Dieu
qui vous parle. Bon nombre d’entre vous viennent ici non
pour prier, puisqu’ils ne veulent pas prier, mais unique-
ment poussés par la curiosité.
Rappelez-vous, mes Enfants, le message que Mon Fils Jé-
sus vous a fait connaître. Il ne reviendra pas sur sa déci-
sion. Moi, sa Mère, je ferai tout ce qui est en mon possible
pour empêcher ce châtiment.
— Oui, Mère, retiens la main de Ton Fils, prends-moi au
nom de tous les pécheurs. Cela m’est égal. (Suit une brève
pause puis la Vierge se remet à parler.)
— Aujourd’hui c’est le grand jour de mon Assomption.
Lorsque, le 20 février 1950, j’annonçai la grande fête par
la voix de l’un de mes Enfants, beaucoup pensèrent à la
fête que l’on célèbre tous les ans mais en fait il s’agissait
de la véritable fête de Mon Assomption au ciel, en chair et
en os, comme je l’annonçai à Mon disciple. Le 1er no-
vembre de cette même année, mon enlèvement au ciel par
la grâce de Mon Fils fut reconnu par l’Église. Sou venez-
vous, le danger est proche. Souvenez-vous que je viens
maintenant très souvent parmi vous, mes Enfants, car je
veux vous sauver de ce danger qui se rapproche petit à
petit de vous, un peu ici, un peu là ; aujourd’hui il est
mineur mais demain il sera très grand.
— Sauve-nous, Marie, prends-moi, je ne sers à rien.
— Rappelle-toi la Croix sur laquelle mourut Mon Fils : elle
est votre salut. Rappelez-vous, Je suis toujours très près
de vous.
— Mère ! Quelle douleur !
— Supportez, supportez, ce n’est rien. Ceux qui auront
l'amour dans leur cœur pour la Sainte Vierge surmonte-
ront tous les obstacles sans douleur. Je suis toujours à
vos côtés Mes Enfants, n’oubliez pas la prière. Souvenez-
vous, Mon Fils veut des prières. Et une grande foi pour
ceux qui voudront la grâce de me sentir près d’eux.
Mes bienfaits s’étendent à tout le monde (et elle offre en
secret la guérison à Taddei).
— Non, Mère, je ne veux pas guérir, je veux souffrir, je
veux souffrir pour les pécheurs, et mes souffrances je les
offre pour leur Mère.
— Souviens-toi, Mon Enfant, de la fleur dont je t’ai fait
don.
— Mère, quelle fleur ?
— La fleur que tu tiens dans ta main gauche.
Avant de sortir de la grotte pour faire le chemin de Croix,
Taddei s’était retrouvé sans s’en rendre compte avec un
œillet dans la main gauche.
— Mère, je n’ai pas senti tes douces mains s’approcher de
moi. »
Pendant ce temps, la foule prie et demande un miracle
afin que la grotte sacrée soit reconnue par l’Église. Mais
la Sainte Vierge parle de nouveau :
— Vous vous souvenez qui est ici ?
— Qui ? demande Taddei.
— Un de mes disciples, venu de loin, Cavallin. Il y a long-
temps il fut guéri ici-même. Le grand miraculé est présent
aujourd’hui. Que voulez-vous de plus ? On devait lui am-
puter la jambe et au lieu de cela, un soubresaut et un
coup au cœur, puis un cri : « Je suis guéri. Je n’ai plus
besoin de rien. »
La prière sauvera tous ceux qui auront foi en Moi et en
Mon Fils Jésus. Souvenez-vous que je reviendrai encore
sur terre pendant un certain temps, jusqu’à ce que vienne
le jour où tout autour de vous sera bouleversé.
— Comme ce châtiment est horrible ! Maman, sauve-
nous !... Sauve-nous !
Tandis que Gino Taddei affiche un regard terrifié et rugit
même comme une bête fauve, le spectacle le plus émou-
vant est sans doute celui de l’arrivée à la Villa Santa des
baigneurs qui se trouvaient sur la plage : eux aussi sont,
semble-t-il, pris d’une angoisse irrépressible.
Parmi les visionnaires qui ne résidaient pas à Marina di
Pisa mais qui y eurent des apparitions figure également
Anna Morelli. Née à Gramolazzo Garfagnana, c'est là
qu’elle vivait avec sa famille. Elle commença à fréquenter
la Villa Santa à partir du mois de mai 1948, y revint le 5
et le 16 juin et au cours de ces journées mémorables elle
demeura en extase pendant des heures et des heures, la
Vierge lui donnant des signes « qui avaient de quoi stupé-
fier le monde entier », ainsi qu'Elle l’avait annoncé à Gino
Taddei avant même que ces visions ne se produisent.
Mais les autorités ecclésiastiques ne permirent pas à
Anna Morelli de retourner à la Villa Santa. La visionnaire
obéit et ses visions se poursuivirent dans son village natal
de Gramolazzo.
« Pendant toute la journée d’hier, l’affluence des fidèles
dans le joli jardin de Villa Santa a été vraiment exception-
nelle », écrivirent les journaux de l’époque. « On calcule
en effet que, dès les premières heures de la matinée et
jusqu’à la nuit bien avancée, quelque vingt mille per-
sonnes se sont succédées devant la grotte miraculeuse,
illuminée et couverte de fleurs. Cette ruée subite a proba-
blement été suscitée par le mystérieux prodige “des hos-
ties", ainsi que le définissent les gens. On sait en effet que
samedi dernier, vers trois heures de l’après-midi, une
jeune fille de la Garfagnana, une certaine Anna Morelli,
fille du défunt Massimo Morelli, née il y a vingt-trois ans
à Gramolazzo, étant venue de son village pour implorer
une grâce de la Mère des Cieux, fut soudainement ravie
en extase et ne quitta pas des yeux un certain point dans
le grotte. Elle eut à n’en pas douter une vision surnatu-
relle, d’où cette attitude impressionnante que purent ob-
server toutes les personnes présentes et qui la faisait res-
sembler à une statue.
Mais la chose la plus extraordinaire fut la suivante : en
levant les mains vers le ciel, la jeune fille reçut au creux
de celles-ci trois hosties miraculeusement tombées du
ciel. Il est bien souligné ici qu’un grand nombre de per-
sonnes rassemblées autour de la jeune fille ont pu être
témoins du prodige. »
Les journaux titrèrent : « Les événements de Villa Santa :
on attend les résultats de l’analyse des hosties »55 .
« Tandis que la tension est vive dans l’attente de connaître

55
Nous ne rapportons ici que des extraits des articles parus.
les résultats des examens pratiqués sur les hosties mys-
térieusement apparues dans les mains d’Anna Morelli, les
pèlerins continuent à affluer à la Grotte de Villa Santa.
Il était normal qu’après les événements survenus samedi,
la grotte connaisse dimanche une telle affluence. Il ne
s’agissait plus de la banale apparition quotidienne ; c’était
bien autre chose, rien moins que des hosties tombées
dans les mains d’une jeune fille. Dans ces circonstances,
dit-on parmi les témoins, on s'attend à quelque éclaircis-
sement sur ce phénomène, afin d’établir si les affirma-
tions faites jusqu’ici sont véridiques.
Peut-on croire à ce qui s’est passé ? C’est la question qui
est sur toutes les lèvres parmi les fidèles de la grotte. Les
autorités ecclésiastiques, qui ont actuellement entre les
mains l’une des trois hosties, se prononceront sur ce cas
et l’on espère qu’elles mettront finalement un terme à
cette incertitude qui règne en un lieu désormais très fré-
quenté et donnant lieu à des discussions plus ou moins
approfondies. Les commentaires qui font suite à chaque
“apparition” parlent tantôt de suggestion, tantôt de fic-
tion, tantôt de vérité : pour l’observateur objectif il est
néanmoins nécessaire que l’une de ces trois hypothèses
soit confirmée. Après l’amélioration aussi soudaine que
sensible de l’état de santé de Borghini Ilva, que nous
avons par erreur citée sous le nom d’Alice, l’affluence des
malades et des infirmes est grande et chacun vient avec
l’espoir d’être touché par le miracle. Parmi ceux qui affir-
mèrent dimanche avoir eu une "vision", certains venaient
de provinces voisines : Borsù Pietro, de Lido di Camaiore ;
Santucci Tosca, de Guamo (province de Lucques) ; Bitossi
Caria, de Montelupo (prov. de Florence) ; Gambini Norma,
de Ponteletto (prov. de Lucques). »
Les journaux insistaient sur les miracles de Villa Santa :
« Un autre fait tenant du prodige s'est produit quelques
heures après. Une certaine Alice Borghini de Rio Marina
(Ile d’Elbe), atteinte depuis plus de huit ans d’une forme
aiguë de paralysie aux jambes, s’est levée de son brancard
et tout de suite après, soutenue par plusieurs carabi-
niers, on l’a vue monter les marches de la petite maison
située dans le parc de la Villa Santa. Cet événement a
également suscité un profond émoi parmi les fidèles qui
ont manifesté leur joie et leur conviction. La place qui
s’étend devant la "Villa Carovigno”, sur le bord de mer, a
vu stationner une trentaine d’autocars. »
A. Borghini déclara : « Je suis atteinte de cette paralysie
aux jambes depuis une douzaine d’années à cause d’une
fracture à la colonne vertébrale. Mon état n’avait jamais
connu d’amélioration et je mettais tous mes espoirs dans
la foi qui m’anime. J’ai assisté à l’apparition des trois hos-
ties et, tout de suite après, la jeune fille qui les a reçues
m’en a remis des petits morceaux en me disant d’avoir
confiance en la Sainte Vierge qui allait me guérir. Je per-
dis conscience en entendant parler de guérison et lorsque
je revins à moi je me retrouvai en dehors de l’enceinte de
la grotte, toujours sur mon brancard. C’est alors que j’ai
entendu une voix venue de très loin qui m’appelait et me
disait de me lever. Je répondis que je ne pouvais pas, et
cette même voix me dit alors que même si je souffrais, il
ne tenait qu’à moi de me lever. Je devais le faire coûte que
coûte, en suppliant la Vierge de me guérir et de me par-
donner. Mon grave péché avait été ma tentative de sui-
cide. La voix mystérieuse me disait que mon péché avait
été effacé par la souffrance de ces douze dernières an-
nées. Lorsque je n’ai plus entendu la voix, j’ai soudain
ressenti un grand soulagement et j’ai trouvé la force de
me lever du brancard ; on m’a soutenue mais je ne voulais
pas. Je ne me souviens plus bien ce qui est arrivé
après»56.
Les extases et les visions de Giovanni Riccardi, dix-huit
ans, de Santa Maria del Giudice, furent particulièrement
remarquables.
Bruno Ferretti n’avait quant à lui que douze ans. Dans
son village, Ponsacco, il connut d’autres apparitions dans
une petite grotte protégée par une clôture. C’est ainsi qu’il
fut surnommé « l’enfant de Ponsacco ». Jésus et la Sainte
Vierge lui confièrent de nombreux secrets. À Marina di
Pisa, une veuve de Vecchiano, Elvira Polidori, femme du
peuple, eut des visions en juin, juillet et août 1948.
À Lucques, ce fut Duilio Gigli, qui cultivait en métayage
un grand champ de fleurs et de légumes sous les murs de
la ville. Il fut témoin du prodige du sang.
À Remola (Massa Apuania), vivait Baldino De Ambri qui
eut des visions et reçut des signes à Marina di Pisa.
Tosca Santucci était une visionnaire de la province de
Lucques et une jeune sourde-muette de Remola fut plu-
sieurs fois envoyée à Marina di Pisa où elle eut des visions

56
Les citations sont tirées des quotidiens « La Nazione » de Florence et « Il Mattino
dell'Italia Centrale ».
de la Vierge. Celle-ci avait beaucoup d'estime pour la vi-
sionnaire et elle le dit ouvertement à Villa Santa le 23 oc-
tobre 1949 au cours d’une apparition à Giovanni Ric-
cardi.
Marina di Pisa a connu à diverses reprises de remarqua-
bles phénomènes solaires à l’occasion d’apparitions dont
Anna Morelli et Gino Taddei firent l’objet. Au cours de ces
phénomènes, l’astre solaire était entraîné dans une rota-
tion vertigineuse, la lumière diminuait d’intensité et les
personnes, les plantes et le paysage tout entier se colo-
raient en jaune, en vert et en violet.

7. 1948 : Apparitions à Marta, le pèlerinage


souriant de la Vierge dans les villages

Histoires extraordinaires à Bolsena — Des fêtes


paysannes en l’honneur de la Madonna — La
Vierge apparaît dans un cellier — Un mécréant en
extase — D’innombrables apparitions — La Vierge
présente dans de nombreux villages — Des phéno-
mènes physiques étranges — Des extatiques revi-
vent la Passion du Christ — Peppino joue à la vi-
sion et tombe en transe — La Vierge s’incarne pour
Maria — Satan auprès des savants — Ce sont les
dernières heures — Un arc de lumière recouvrira
la terre — Une étoile devant la lune annoncera le
Grand Evénement.

Rien n'immortalise la reine des Ostrogoths, Amalasunta,


qui vécut et œuvra pourtant pour la paix entre Goths et
Romains, si ce n'est la petite île du lac de Bolsena où ses
ennemis la reléguèrent pour la faire mourir. Ceci se pas-
sait en l’an 535 après J.-C. et Amalasunta n’avait,
semble-t-il, pas beaucoup plus de trente ans.
Comme les autres lacs du Latium d’origine volcanique, le
lac de Bolsena est alimenté par un grand nombre de
sources « mystérieuses » dans la mesure où elles sont dif-
ficilement repérables. Il a cependant un affluent notoire :
le fleuve Marta qui se déverse dans la mer Tyrrhénienne.
Le bassin lacustre est riche en poissons et la pêche oc-
cupe un rang de choix sur la brève liste des ressources
économiques des villages riverains, Bolsena et Marta —
communes de la province de Viterbe qui comptent cha-
cune quatre mille habitants environ et sont situées à plus
de trois cents mètres d’altitude sur les monts Volsini.
Bolsena compte plusieurs églises et monuments anciens
parmi lesquels la collégiale Santa Cristina, construite au
XIe siècle dans le style roman. À côté se dresse une cha-
pelle de style baroque érigée pour conserver et protéger
l’autel sur lequel, en 1263, s’était produit un miracle
connu dans l’histoire de l’art et dans l'histoire en général
sous le nom de « miracle de Bolsena ». Un prêtre de Bo-
hême avait des doutes sur le mystère de la transubstan-
tiation, c’est-à-dire sur le fait qu'au moment de l'élévation
s’accomplisse réellement la transformation de l'hostie
pour devenir le corps du Christ. Or, un beau jour, alors
que ce prêtre célébrait la messe et précisément au mo-
ment crucial où le calice est levé pour que l’élément divin
réalise sa fusion avec l'élément terrestre, des gouttes de
sang perlèrent de l’hostie à peine consacrée.
En fait, le lac de Bolsena comporte deux îles, l’île Bisen-
tina et l’île Martana. C’est cette dernière qui est l’île
d’Amalasunta. Elle fait face à la rive méridionale du lac,
sur laquelle est bâti le village de Marta. C’est un lieu plein
de charme, surtout lorsqu’on le découvre de la hauteur
sur laquelle s’élevait le Château des Famèse — et où les
grottes naturelles côtoient les maisons construites au mi-
lieu des ruines. Le lac s’étend à ses pieds avec l’île d’Ama-
lasunta au beau milieu.
Il y a plusieurs siècles, à cet endroit, une fillette si pauvre
que sa mère devait pour vivre faire cuire le pain pour les
autres familles eut, en allant porter du bois pour le four
sur la colline de Marta, une vision : une mystérieuse
Dame lui apparut et lui parla, lui disant qu’un sanctuaire
devrait être érigé à cet endroit-même en son honneur. Elle
lui demandait donc d’aller rapporter au prêtre ce qu’elle
avait vu et entendu. Mais après l’avoir écoutée le prêtre
se mit à rire. Il lui fit remarquer que si ce qu’elle disait
était vrai il ne comprenait pas pourquoi la « mystérieuse
Dame » ne l’avait pas guérie des éruptions cutanées qui
envahissaient son visage et son cuir chevelu et qui la tor-
turaient et la défiguraient. La pauvre enfant s’en tint à
son récit sans pouvoir se défendre. Il ne lui restait plus
qu’à retourner sur la montagne pour aller de nouveau
chercher du bois. Elle eut cependant la même vision :
cette fois la belle Dame s'approcha d’elle, lui caressa le
visage, lui passa la main sur la tête, puis disparut sans
dire un mot. Ce fut le prêtre qui, lorsque la fillette revint
au village, remarqua cette fois que son visage était devenu
tout à coup lisse et rose et ne portait aucune trace de ci-
catrices. Il appela alors aussitôt plusieurs hommes et leur
demanda de l'accompagner sur la montagne pour voir si
la mystérieuse figure allait se présenter également à eux.
Ce ne fut pas le cas.
Une autre personne, plus obstinée, continua en revanche
à chercher. C’est ainsi qu’elle trouva, à demi enfouie sous
la végétation, une très grande tuile artistiquement peinte :
elle représentait une image de la Vierge à l’Enfant aux
couleurs éclatantes.
Il fut alors décidé de transporter solennellement la relique
du lieu où elle avait été trouvée vers l’église du village. On
amena donc une charrette ornée de branchages, de ge-
nêts et d’autres fleurs, conduite par un attelage de bœufs.
La tuile fut placée au beau milieu de la charrette et le tout
ressemblait à un trophée. Mais après avoir fait quelques
pas, les bœufs s'arrêtèrent et fléchirent les pattes. Il fut
ensuite impossible de les faire repartir.
Et même forcés d’avancer sous l’aiguillon, les animaux
revenaient sur leurs pas pour s’arrêter en un endroit où
le terrain était aplani. Aiguillonnés de nouveau, ils se re-
mettaient en marche en direction du village mais, dès
qu’ils arrivaient à un certain endroit, ils cessaient d’avan-
cer et se couchaient, pour retourner ensuite en arrière
jusqu’au terrain plat. Ceci se répéta trois fois. Devant
l’obstination que montraient leurs bêtes, il sembla alors
aux habitants de Marta qu’elles étaient animées d’une
sorte d’impulsion d’ordre supérieur et peut-être guidées
par une main divine, ce qui les décida à ériger sur le lieu
un édicule à l’intérieur duquel ils placèrent provisoire-
ment la tuile. Ils construisirent par la suite sur le plat du
terrain le Sanctuaire de la Madonna del Monte qui donne
lieu, le 14 mai, à un pèlerinage caractéristique.
Juste avant l’aube, le grand jour est annoncé par un rou-
lement de tambour qui réveille le village endormi. Tout le
monde se lève en toute hâte pour se rendre au Mont.
Un comité des « responsables de la fête »57, renouvelé tous
les ans, a veillé aux préparatifs. Les femmes ont fait cuire
une énorme quantité de biscuits en couronne, les « ciam-
belle », en les mettant tout d’abord dans l’eau puis au
four, afin qu’ils deviennent blonds et luisants comme de
grands bracelets en or.
Ces joyaux villageois sont destinés aux membres du cor-
tège folklorique qui doit accomplir ce que l’on appelle les
« passate » (passages).
À la fin de la messe, en effet, la charrette conduite par les
bœufs doit avec ses occupants et ses accompagnateurs
passer devant l’autel, entrer dans la sacristie puis sortir
sur le parvis pour entrer de nouveau dans l’église. Ce cir-
cuit doit être parcouru trois fois de suite.
Au cours des trois « passate », les meilleurs produits de la
terre et du lac sont offerts à la Vierge. Sont ainsi présents
les bergers avec leurs agneaux et leur « ricotta » : les mois-
sonneurs avec leur faucille et leurs gerbes d’épis ; les se-
meurs avec leur sacoche en bandoulière, pleine de genêts
qu’ils jettent par poignées comme s’ils les semaient ; les
pêcheurs avec leurs petites barques en miniature et de
petits filets dans lesquels des poissons sont restés accro-
chés. La Vierge reçoit en offrande les compositions les

57
Les « Signori ».
plus variées de fleurs, de fruits, et de douceurs. Ces der-
nières sont plus élaborées et sont parfois enrichies de pe-
tites fontaines desquelles jaillit une eau limpide.
Pour la célébration du 14 mai 1949 les « Signori » de la
fête, Beniamino Lombi, Andréa Sborchia, Mario délia Bri-
seide et d’autres, se trouvaient de bon matin sur le lieu
du Sanctuaire pour disposer les nombreuses corbeilles
remplies de biscuits rituels. Ce fut alors qu’ils remarquè-
rent tout à coup, de l’autre côté de la route qui sépare le
devant du sanctuaire d’un champ de blé, la silhouette
d’une femme habillée en noir qui remontait la petite val-
lée. La religieuse, c’est ce qu’ils pensèrent en voyant l’ha-
bit noir, se détachait nettement sur la verdure. Un des
hommes s'exclama :
— Comment se fait-il que cette religieuse passe par là ?
Où veut-elle aller ?
C’est Beniamino Lombi qui eut l’idée de sauter par-des-
sus la haie pour aller à la rencontre de la « sœur ». Mais
dès qu’il fut au milieu du champ de blé, il observa un fait
étrange : la silhouette disparut dans le néant, à quelques
pas d’où il se trouvait. Il resta interdit mais chercha tout
de même dans l’herbe où il remarqua qu’aucune em-
preinte n’avait été laissée dans la terre humide et qu’au-
cun brin d’herbe n’avait été piétiné. Il dut toutefois se dé-
pêcher de retourner devant le Sanctuaire car le temps
pressait et l’on entendait déjà dans le lointain le roule-
ment des tambours de la procession qui approchait et le
tintement non moins joyeux des cloches du village. Le
cortège qui s’était formé sur la place s’apprêtait à se diri-
ger vers le Mont. Les régisseurs (« casenghi ») à cheval
étaient en tête, arborant la bannière bleu ciel sur laquelle
se détachait en toutes lettres le nom de Marie.
La scène qui devait s’ensuivre aurait pu évoquer un rite
païen mais la beauté de cette fête paysanne en fait un
vibrant hommage à la Mère du peuple chrétien.
Les paysans s’avancent avec leurs charrues tirées par des
bœufs et décorées de laurier, de roses et de genêts. Sui-
vent les buveurs avec leur gourde de vin en bandoulière.
Les maraîchers portent une bêche reluisante remplie de
légumes, notamment de splendides artichauts. Divers ou-
tils se succèdent, laissant pendre des grappes de raisin,
des rameaux d'olivier ou d’autres feuillages. Çà et là le
blond maïs fait son apparition. Puis viennent les prêtres
et les fanfares, et enfin toute la population qui chante des
hymnes à Marie.
Une fois arrivés au Sanctuaire, les charrettes et autres
trophées qui sont trop encombrants pour effectuer les «
passades » rituelles restent dehors à un endroit qui leur
est réservé. Mais les paysans et les pêcheurs qui les ont
artistiquement décorés recevront eux aussi, après la
messe, le biscuit béni qui, tel un grand bracelet, viendra
également orner leur bras.
En cette occasion, tout se déroulait comme à l’habitude,
parfaitement. Beniamino remplissait sa tâche avec dili-
gence. Mais il ne réussissait pas à effacer le souvenir de
la religieuse qui était apparue puis s’était évanouie dans
le néant. Que s’était-il réellement passé alors qu’il se trou-
vait au milieu du champ ? Qui était la personne qu’il avait
vue ? Il dut attendre quelques jours avant d’avoir la révé-
lation soudaine et inattendue : il s'agissait de la Vierge.
Beniamino, lui qui était si sceptique et si peu croyant
avait, en cet anniversaire du 14 mai, eu au Sanctuaire la
visite de la Belle Dame.
Pour savoir ce qui durant ces jours animait l'esprit du
modeste Beniamino, natif de Marta sur le lac de Bolsena,
il convient de remonter un peu dans le temps, un an exac-
tement en arrière. C'était le 19 mai 1948. Dans ce même
village, plusieurs fillettes avaient, à l'intérieur d'une
grotte creusée dans la colline de l'ancien château, vu ap-
paraître la Vierge au milieu des tonneaux de vin qui y
étaient alignés. L'entrée de la cave était joliment décorée
de sarments de vigne. Après avoir descendu quelques
marches, il fallait suivre un passage sous les arcs en ma-
çonnerie qui soulignaient l'intérieur de la galerie. Après
avoir dépassé les niches creusées dans la roche, on arri-
vait à une sorte de pièce rectangulaire, elle aussi taillée
dans le roc. Sur la paroi du fond se détachait une entaille
sans doute produite par les premiers coups de pic donnés
en vue de creuser un emplacement futur pour d’autres
tonneaux. C’est ici, sur cette paroi récemment entamée —
et qui devait rester en l’état après que le lieu ait été dé-
claré « lieu saint » — que quatre fillettes avaient été saisies
par l’apparition mystérieuse. Mais retraçons maintenant
les faits à travers les impressions recueillies auprès des
premiers témoins.
« Cet après-midi-là, du 19 mai 1948, en sortant de chez
moi, je vis beaucoup de monde dans les rues. » C’est Bar-
bara Pomponi De Dominicis, l’une des représentantes de
la bonne société de Marta, qui parle ainsi. Ayant recueilli
avec soin dans un manuscrit encore inédit tous les détails
concernant les apparitions survenues dans son village,
elle constituait une source précieuse à laquelle nous
avons le plus souvent fait appel pour établir le compte
rendu qui suit. « On me raconta que la Vierge était appa-
rue dans un cellier. Je ne pus m'empêcher de rire telle-
ment la chose me semblait absurde. C’était certes une
plaisanterie bien trouvée... Je m’approchai quand même
de l’endroit pour m’assurer de ce qui s’était produit mais
je ne pus pénétrer dans la grotte car je trouvai devant
celle-ci une population en grand émoi ; chacun avait
quelque chose à raconter. »
En interrogeant les uns et les autres, elle réussit cepen-
dant à reconstituer la vraie version des faits. Il s’était
trouvé que les fillettes, Ivana Conestà, Brunilde Pesci,
Maria Antonietta Chiatti et Concetta Cherubini, pensant
que la Fête-Dieu tombait le lendemain, étaient allées dans
la campagne cueillir des fleurs pour former dans les rues
des jonchées destinées à rendre hommage à la procession
qui devait se dérouler. Au retour, les fillettes furent ce-
pendant réprimandées par leurs mères qui leur reprochè-
rent d’avoir cueilli trop tôt ces belles fleurs qui allaient se
fâner puisque la Fête-Dieu ne devait être célébrée que
neuf jours plus tard. Déçues, vexées mais décidées à sau-
ver coûte que coûte les pauvres fleurs, elles eurent l’idée
de les emmener dans un endroit frais et choisirent pour
cela la grotte du marchand de vin située juste à l’arrière
de la maison de l’une d’entre elles.
Une fois à l’intérieur, les fillettes avaient à peine fini d’ins-
taller les fleurs dans la niche de la paroi du fond qu’elles
virent se former devant leurs yeux un nuage blanchâtre.
Elles prirent peur et firent demi-tour. Elles s’apprêtaient
à s’enfuir en courant quand, jetant un dernier coup d’œil
en arrière, Ivana aperçut la Vierge Immaculée. Celle-ci
s’avançait vers elle en souriant. La fillette poussa alors un
cri, appelant ses compagnes qui étaient arrivées près de
la sortie. Ces dernières se retournèrent et, ayant fait
quelques pas en arrière, virent également la Vierge. Le
premier moment d’émotion passé, elles se mirent à crier
et à se précipiter au dehors pour appeler les gens.
Les familles et les voisins pensèrent à une plaisanterie des
fillettes. Mais'au fur et à mesure qu’ils pénétraient dans
la grotte, ils étaient un à un saisis par la vision de la
Vierge. Il était deux heures de l’après-midi et c’était la ré-
volution dans le village. « Les gens accoururent de par-
tout, non seulement pendant la journée mais aussi la
nuit. Tous n’avaient pas le bonheur de voir l’apparition, il
semble même que cette faveur ait été réservée aux blas-
phémateurs, aux incrédules et à bon nombre d’enfants
innocents. »
La nouvelle s’étant répandue comme une traînée de
poudre, des milliers de gens accoururent des villages et
des villes de la région. « Une dizaine de carabiniers arrivait
difficilement à discipliner les visiteurs qui faisaient la
queue pendant des demi-journées entières sous un soleil
ardent ou sous la pluie, canalisés par une palissade de
fortune. Quand arrivait leur tour, ils descendaient dans
la grotte par groupes de dix personnes environ et effec-
tuaient une brève visite, dans la prière. Ceux qui avaient
la chance d’être touchés par la vision fondaient en pleurs
et communiquaient aux autres une grande émotion. »
L’image était encore silencieuse. Mais le quatrième jour,
c'est-à-dire le 22 mai dans l’après-midi, elle se mit à par-
ler à un certain Orlando Maurizio qui était entré dans la
grotte justement pour se moquer des visionnaires et des
fidèles en prière.
On avait entendu le cri d’une fillette qui voyait la Sainte
Vierge entourée d’un océan d’étoiles. Orlando s’exclama :
« Je t’en ferais voir moi des étoiles, mais avec un coup de
bâton sur la tête ! »
Il avait à peine terminé sa phrase qu’il tomba par terre,
inanimé. Il fut aussitôt emmené au poste de secours qui
avait été installé dans les parages, étant donné qu’un
grand nombre de personnes étaient frappées d’extases
plus ou moins profondes et durables. Le poste avait été
mis en place, grâce à l’intervention du curé de Marta, le
père Libérato Tatquini Ravezzi, chez Madame Italia Feleli
Cucchiani, à laquelle on avait demandé de bien vouloir
mettre à la disposition de l’équipe de secours une pièce
de sa demeure pour ceux qui dans la grotte étaient en
proie à d’étranges maux. « En fait, nous ne savions rien
sur les effets de l’extase », se souvient Madame Barbara
Pomponi. « On étendait là sur les lits ceux dont nous pen-
sions qu’ils étaient évanouis et on accueillait ceux qui
avaient besoin d'assistance. »
Orlando Maurizio fut donc transporté au poste de secours
mais tous les soins qui lui furent prodigués ne servirent
à rien. Il fut alors emmené à l'hôpital où il demeura là
aussi pendant plus de quatre heures comme mort, le
corps raide et froid, les yeux ouverts mais vitreux. Per-
sonne ne pouvait comprendre à ce moment-là qu’Orlando
était en communication avec la Vierge. Le médecin pensa
même à une simulation. C’est pourquoi il prit une aiguille
et piqua l’homme sur tout le corps, en frottant la pointe
sur toute la largeur de la poitrine. Mais, insensible, Or-
lando n'eut pas le moindre tressaillement et demeura
aussi raide qu’avant.
On sut par la suite qu’au cours de sa longue extase la
Vierge lui avait demandé de changer de vie. Et à partir de
ce moment, la Vierge parla à bon nombre d’autres vision-
naires, leur « imposant des pénitences et leur enseignant
des prières ».
À compter de ce jour, Orlando agit en fonction de ce que
lui disait la « Madone ». Ses visites à la grotte étaient
même décidées par Elle. Si à l’heure fixée il se trouvait
encore en chemin il était saisi par l’extase. Dans un état
semi-cataleptique qui le faisait se raidir et l’arrachait au
monde extérieur, il se rendait à la grotte où il se laissait
absorber entièrement par la vision céleste.
La chroniqueuse des événements de Marta, Barbara Pom-
poni De Dominicis, avoue que les premiers jours il lui fut
impossible de suivre de près la plupart des faits, étant
donné la grande confusion qui régnait à l’intérieur et sur
le devant de la grotte, mais qu’elle dut se contenter de les
observer de la petite loggia située dans l’escalier de la mai-
son des Castelli, en face de la grotte. Madame Mecuccia
Castelli, qui était une sainte femme, montra tout de suite
l’amour qu’elle portait à la Sainte Vierge en permettant à
tout un groupe de dames du village « d’envahir à tout mo-
ment sa maison ». Des chaises et des bancs étaient mis à
la disposition de ces dernières pour qu’elles puissent
prendre place sur la loggia et aux fenêtres. La grande
table de la cuisine était même amenée jusque-là pour per-
mettre aux plus jeunes de grimper et de s'installer. L’en-
trée de la grotte se trouvait exactement face à ce belvédère
improvisé. « Je me souviens de l’émotion que nous res-
sentions à voir sortir les créatures élues par la Sainte
Vierge. »
Elles les appelaient pour avoir des nouvelles et celles-ci
venaient sous la loggia en répondant : « Il y en a une autre
qui a vu... Elle pleure... C’est pas une du village, on ne la
connaît pas. Maintenant ils amènent un jeune... Comme
il est pâle et tourneboulé ! C'est Gabriello Paoletti. Voilà
une jeune fille : elle se cache le visage et elle pleure. »
Barbara Pomponi déclare qu'en moyenne sur vingt per-
sonnes deux au moins voyaient la Vierge. Une fois sorties
de la grotte, ces dernières étaient emmenées sous un
arbre où on les interrogeait sur leur vision.
« Il y en avait qui racontaient avoir vu la Vierge Immacu-
lée, d’autres l’avaient vue dans un champ de lys, d’autres
encore avec l'Enfant dans ses bras ou avec les symboles
de la Passion et la couronne d’épines sur les genoux... La
grande variété des visions apporta de l’eau au moulin des
malveillants qui ne voulaient pas les reconnaître, préfé-
rant attribuer les faits à des phénomènes de suggestion
hypnotique ou à certaines petites poudres répandues
dans l’air dans le but de faire croire à des choses qui
n’existaient pas. On en vint même à dire que ces phéno-
mènes pouvaient avoir été provoqués par quelque puis-
sante machine importée d’Amérique. Mais dans quel
but ?»
Revenons-en maintenant à Beniamino Lombi qui, igno-
rant volontairement tous ces faits, n’avait à aucun mo-
ment pendant toute l’année qui s’était écoulée mis les
pieds dans la grotte. À l’occasion du premier anniversaire
des apparitions qui tombait, nous l’avons vu au début de
ce chapitre, quelques jours avant la fête de la Vergine del
Monte, il se laissa cependant convaincre par sa femme : «
Viens au moins une fois », avait-elle insisté. Et il la suivit.
Dès qu’il eut pénétré dans la grotte, Beniamino Lombi vit
avec une très grande netteté ce dont il avait jusqu’alors
douté et qu’il n'avait par conséquent cessé de critiquer :
la Vierge des Douleurs, qu’il dit lui être apparue au milieu
du champ de blé pour le troubler. « On vit alors des larmes
couler des yeux de cet homme au caractère fort et réservé.
À partir de ce soir-là il fréquenta assidûment la grotte et
eut à chaque fois une vision. Il répondait lui aussi à des
billets clos, bénissait des mouchoirs pour les malades et
priait dans un grand recueillement. »
Les « apparitions de Marta » peuvent être considérées
comme un phénomène quasiment unique dans l’histoire
des manifestations mariales. Elles l’ont été en effet de par
le nombre des personnes touchées par les visions et de
par la nature de leurs réactions.
La Vierge se présentait ponctuellement dans la cavité
creusée dans la roche au fond de la grotte du marchand
de vin. Elle se présenta ensuite également sur le terre-
plein qui s'étend devant la grotte. Puis on la vit dans les
rues, dans les maisons et dans la campagne de Marta.
Comme le fit remarquer Don Tommaso De Dominicis, de
l’Académie pontificale du Latran, dans un « Rapport sur
les apparitions », entre la fin de l’année 1948 et le début
de l’année 1949 la Vierge se manifesta également dans les
villages de Capodimonte, à deux kilomètres de Marta, de
Montefiascone, à dix kilomètres, de Tuscania, à quinze
kilomètres, et de Bagnaia, à trente kilomètres.
En voyant la Vierge, dès que commence l’extase, les vi-
sionnaires se déchaussent. Si l’extase est si soudaine
qu’elle les abasourdit tout à fait, ils tombent tout de suite
violemment à terre, soit à la renverse, et dans ce cas ils
se cognent la nuque ou le dos, soit en avant en heurtant
le visage contre le sol. Mais ils ne se font jamais mal, vio-
lant les lois de la gravité, comme si leur corps était à ce
moment devenu trop léger pour ressentir l’impact de leur
contact brutal avec la terre. Par ailleurs, la rigidité cata-
leptique qui s’installe avec l’état extatique provoque des
phénomènes inexplicables. Deux enseignants venus, l’un
de Viterbe et l’autre de Rome, pour se rendre compte des
faits, ne réussirent pas à soulever de terre un visionnaire
de faible corpulence qui, à ce moment, était en train de
revivre la Passion du Christ et se sentait donc alourdi
sous le poids de la croix.
Don Tommaso De Dominicis témoigne également sur le
fameux ravissement extatique : « Une fois seulement j’ai
vu se produire le ravissement. Les jeunes Franco et Vit-
torio, qui étaient debout, sont restés comme pétrifiés
dans la position où ils se trouvaient. Vittorio était plié en
avant, appuyé sur un seul pied, en déséquilibre. Il avait
été surpris par l’extase alors qu’il allait avancer et avait
été arrêté dans cette position ; les témoins de la scène
pleuraient. »
La petite Domenica Sassara, si « menue et si douce » qu’on
lui avait donné le surnom de « Mecuccetta », se dirigea un
jour du fond de la grotte vers la sortie, toute courbée, la
tête vers le bas, avançant à grand peine avec des gémis-
sements déchirants. Quelqu’un pensa qu’elle était peinée
parce qu’elle avait perdu quelque chose. Cet étrange com-
portement se répéta pendant plusieurs jours. Finalement,
elle monta sur la plate-forme qui s’étend devant l’entrée
de la grotte et, les bras levés au ciel avec trois de ses petits
doigts tendus, elle s’écria : « Trois jours seulement ! Il est
ressuscité ! Il est ressuscité ! il est ressuscité ! »
Mecuccetta fut ainsi la première à revivre la Passion du
Christ.
« Lorsque la Vierge demande à un visionnaire de faire la
Passion, celui-ci se trouble et la prie instamment de l’en
dispenser. J’ai vu des visionnaires de tous les âges et des
deux sexes accomplir la Passion », raconte Don Tommaso.
« Le spectacle est émouvant : il est difficile de retenir ses
larmes... La douloureuse représentation commence à par-
tir de la Cène mais plus souvent à partir de la montée au
Calvaire, parfois même de la crucifixion. La prière au Jar-
din des Oliviers est faite à genoux ou étendu par terre les
bras allongés en avant. Suit la scène de l’arrestation de
Jésus et des multiples comparutions devant divers tribu-
naux, les mains liées à l’avant ; il est impossible de libérer
ces mains attachées ensemble par des cordes invisibles.
Arrive ensuite la scène des railleries et des gifles que le
visionnaire reçoit en criant de douleur. La scène de la fla-
gellation et de la couronne d’épines est terrible car elle
s’accompagne de plaintes déchirantes de la part de la per-
sonne qui se débat en subissant ce tourment extrême. La
montée au Calvaire au cours de laquelle est portée la croix
invisible et l’attitude qui traduit une indicible souffrance
inspirent une grande pitié. Le sujet a au pied une longue
chaîne qui traîne derrière lui : si un spectateur pose le
pied sur cette invisible chaîne par inadvertance ou déli-
bérément, le sujet, même s’il n’est pas en position de pou-
voir voir le geste, ne peut plus avancer et émet des gémis-
sements tandis qu’il essaie de se libérer de cette entrave.
Il tombe trois fois sur le chemin, heurtant violemment la
poitrine et le visage, et il est fouetté par d’invisibles ca-
nailles. Il fait de gros efforts pour se relever car le poids
de la croix est accablant. On m’a dit que la croix est for-
mée de deux troncs à l’état brut de vingt centimètres de
diamètre. S’il se trouve dans la foule des jeunes filles en
extase, elles jouent le rôle des saintes femmes ou de la
Vierge des Douleurs, donnant lieu à des scènes qui inspi-
rent une extrême compassion. Les extatiques n’acceptent
aucune aide pour se relever de leurs chutes et ils la re-
poussent d’un gémissement caractéristique.
Un jour j’ai essayé d’en aider un qui était tombé et celui-
ci m’a laissé faire, mais je n’ai pas réussi à déplacer d’un
millimètre le bras qui soutenait l’invisible croix : il était
lourd comme une pierre... »
Au terme du pénible chemin de croix a lieu la scène de la
crucifixion, soit sur le perron en haut de l’escalier, soit
sur l’emplacement situé devant la grotte. Ayant déposé la
croix à terre le visionnaire se laisse brusquement tomber
en arrière sur celle-ci : « Des sbires invisibles lui étirent
les bras et les clouent à la croix. Puis ils lui croisent les
pieds, qu’ils clouent également. Les fillettes sont parfois
crucifiées debout. Au moment de la pose des clous on voit
les muscles se contracter effroyablement, les doigts se rai-
dir de douleur, tandis que le sujet émet des cris de souf-
france. » Ils répètent sur la croix les paroles de Jésus, par-
fois en latin, et il est stupéfiant d’entendre de très jeunes
fillettes parler dans cette langue.
« Les affres de l’agonie sont déchirantes. La poitrine (des
extatiques) est haletante et se soulève de manière ef-
frayante, puis vient le râle : le visage est tiré et perd toute
couleur, les yeux se voilent. Ils fléchissent tout à coup la
tête sur l’épaule droite et expirent. À cet instant, les
membres se relâchent brusquement, la respiration cesse
complètement pendant quarante secondes. J’ai demandé
à une fillette ce qu’elle ressentait au moment de la « mort
» ; elle a répondu : « une confusion dans ma tête, puis
plus rien ». Peu après la mort, ils se remettent lentement :
la respiration reprend tout doucement, pour redevenir
progressivement normale. Lorsqu'il arrive au bout de
cette passion, le visionnaire montre les signes d'un grand
soulagement, comme s'il sortait d'une intense souffrance.
Il libère ses mains des clous en les dégourdissant et fait
de même pour les pieds. Certains enlèvent les clous et en
baisent la pointe : j'ai pu ainsi constater que le clou des
pieds fait trente centimètres de long. Puis ils ôtent la cou-
ronne d'épines, qu’ils posent à terre ou remettent à la
Vierge. Ils se lèvent alors et font baiser les plaies invisibles
de leurs mains par les spectateurs ; ils effacent ensuite
celles-ci en mettant les mains et les pieds sur la flamme
des cierges, sinon la Vierge les efface elle-même.
Lorsqu’ils ne parviennent pas à se relever, ils tendent la
main à la Vierge qui les aide à se mettre debout. »
Pendant l’extase, les visionnaires se montrent très affec-
tueux à l’égard des enfants, des malheureux, des aveugles
et de tous les infirmes en général qui viennent à la grotte
ou qui y sont menés pour demander grâce à la Sainte
Vierge. Ils soulèvent de terre les petits enfants pour qu'ils
soient bénis par la Vierge, ils embrassent les aveugles sur
les yeux, caressent les infirmes en faisant sur tous le
signe de la croix.
Ils sont également très solidaires entre eux. Pendant la
vision, ils s’encouragent mutuellement, ils s’aident à sup-
porter les pénitences, les prennent parfois sur eux afin de
soulager la douleur de leurs compagnons, soulevant
ceux-ci de terre quand ils voient qu’ils souffrent trop. Les
visionnaires communiquent entre eux à distance, ils sen-
tent lorsque l’un d’eux a besoin d’aide, ils accourent alors
et se reconnaissent même s’ils ne se sont jamais vus au-
paravant.
Et ils ont pour habitude de dessiner par terre, pendant
l’extase, des figures à l’aide des gouttes de cire qui tom-
bent des cierges qu’ils ont dans les mains ou de pétales
de fleurs. Le style des dessins, qui sont parfois d’une
beauté saisissante, rappelle celui des peintures des cata-
combes. Ceux qui les réalisent n’ont en général jamais
démontré auparavant qu’ils possédaient un don artis-
tique. Il s’agit d’ailleurs le plus souvent de paysans anal-
phabètes dont les mains rudes sont davantage accoutu-
mées au travail des champs ou aux activités manuelles.
À l’époque des « phénomènes merveilleux », Marta vécut
également avec intensité les phases d’affrontement entre
ceux qui croyaient en l’authenticité de ces phénomènes et
ceux qui n’y croyaient pas. Ce fut justement le fils de Bar-
bara Pomponi De Dominicis, le jeune Peppino, qui in-
carna cette opposition et éprouva dans sa chair le choc
de cet affrontement.
Peppino était élève du lycée classique de Viterbe. En ville,
il entendait les critiques contre les visionnaires et contre
ce qui se passait dans la grotte de Marta.
Au moment des vacances scolaires, revenu chez lui, Pep-
pino rencontra un soir un petit groupe d’incrédules de
son village à la tête duquel se trouvait un carabinier. Ce-
lui-ci lui demanda aussitôt s'il se sentait capable de se
glisser dans le groupe des visionnaires et de faire sem-
blant d’être des leurs pour arriver à découvrir qui était
celui qui les manœuvrait en les faisant agir de manière si
étrange.
« Comme ça on mettra fin à cette farce ! », dit le carabinier,
ne doutant pas un instant que les techniques de camou-
flage et d’infiltration des forces de l’ordre pourraient fina-
lement avoir raison de l’agitation populaire. Peppino ré-
fléchit, raconte sa mère, et le soir suivant, c’est-à-dire le
24 juillet 1948, alors que Sara était en train de remettre
de l’ordre dans la cuisine, il s'approcha d’elle et lui de-
manda : « Dis-moi la vérité, je ne le répéterai à personne.
Qui te fait faire ce que tu fais et comment fais-tu pour
qu’on y croie ? » Sara demeurait silencieuse, tête baissée,
honteuse, et il insistait : « Regarde, moi aussi je viendrai
avec vous, je sais aussi bien m’y prendre que toi ».
En disant cela, il écarta les bras et, regardant vers le haut,
il s’exclama : « Sainte Vierge, comme vous êtes belle ! »
Il avait à peine prononcé ces mots qu’il tomba brusque-
ment à la renverse et resta par terre, gémissant. La Sainte
Vierge lui était réellement apparue et lui reprochait en
pleurant d’avoir cédé aux viles suggestions de ses enne-
mis. Le voyant ainsi étendu de tout son long pendant si
longtemps, Sara crut qu’il continuait à feindre et elle
s’écria : « Ne vous attendez pas à ce que je vienne vous
aider, levez-vous et cessez de vous moquer. Ce sont des
choses très sérieuses. »
Mais Peppino resta là jusqu’à ce que la Vierge elle-même
lui tende la main et l’emmène en dehors de la maison, lui
faisant monter les marches pour le conduire à ses parents
qui étaient réunis dans l’appartement de Don Tommaso,
à l’étage au-dessus. En entendant des pas et des gémis-
sements, j’allai ouvrir la porte et je le trouvai là. Il se jeta
dans mes bras, tout en nage et pleurant ; il faisait le geste
de s’arracher les cheveux, en s’exclamant : « Pourquoi l’ai-
je fait... je l’ai fait pleurer, pourquoi, pourquoi ? Qui m’a
poussé à le faire ? »
Ensuite, dans la maison de son oncle, il revécut la Pas-
sion. Entre temps, Sara monta elle aussi, en extase, in-
carnant la Vierge des Douleurs au pied de la Croix. À la
fin, Peppino se détacha de la croix, baisant un par un les
clous et la couronne d’épines qu’il posa à terre. Ses Pa-
rents ne voyaient plus rien, n’était-ce la mimique et le vi-
sage déformé de douleur des deux visionnaires. Les vi-
sions du jeune Peppino De Dominicis se succédèrent à un
rythme soutenu au cours des jours suivants. Il sortait de
chez lui déjà plongé dans l’extase, descendant pieds nus
les escaliers ou plutôt effleurant les escaliers sans y poser
le pied : il les survolait comme s’il chaussait des skis. En
le voyant, les gens s’arrêtaient pour le regarder. Mais lui
ne voyait personne.
Barbara De Dominicis raconte bien d’autres choses. Un
soir, sa sœur Giovanna vit que la Sainte Vierge prenait à
pleines mains des étoiles extrêmement brillantes et
qu'elle les laissait tomber en pluie derrière son dos. La
vision symbolisait, selon la visionnaire, l’amour que porte
la Mère de Dieu aux créatures abandonnées. On a en effet
pu constater à Marta que les Croyants choisis par la
Vierge pour bénéficier de ses grâces et de ses dons étaient
surtout des personnes pauvres, humbles et même parfois
rejetées par la société, ou encore des malades ou des in-
firmes.
« Marietto Sassara, bien qu’entendant, n’avait pas l’usage
de la parole, il voyait très mal d’un œil et perdait conti-
nuellement sa salive qui lui coulait sur le menton et
mouillait le devant de sa chemise : c’est pourquoi sa mère,
qui avait une grande dévotion pour la Vierge, supplia
celle-ci avec ces mots : "Je sais qu’en ce monde il nous
faut souffrir et je ne demande pas qu’un miracle guérisse
complètement mon Marietto. Je vous demande seulement
de le soulager de cette vilaine salivation car on se moque
souvent de lui en l’appelant le " baveux ”. J’ai peur que si
l’un de mes frères (j’en ai cinq et tous l’aiment beaucoup)
se trouve là quand on le traite ainsi, il ne puisse se retenir
d’invectiver ou même de malmener celui qui l’insulte au
risque d’aller trop loin et de finir en prison.” La femme
pria avec tant de foi, tandis qu’à terre son fils représentait
en silence, pour la première et la dernière fois, la mort de
Jésus sur la croix, que sa prière fut tout de suite exaucée
et que le jeune garçon fut immédiatement libéré de ce gros
désagrément. »
Parmi les malheureux qui ont trouvé un réconfort en
voyant apparaître la Vierge il y eut Luciano di Bagnaia,
un arriéré mental dont l’état était dû à une mauvaise
chute faite dans l’enfance. Emilio Angelini, épileptique et
très pauvre, eut lui aussi de nombreuses visions de la
Vierge. Il se rendait à Marta en faisant trente kilomètres
à pied pour « se mettre à la disposition de la Sainte Vierge
de l’apparition ».
Maria Moretti, une orpheline, était surnommée «
Ceccopeppa ». Lorsqu’elle représentait la Passion, elle ré-
citait les prières que lui enseignait la Vierge.
La petite Ginetta Ricci transcrivit sur deux feuillets un
dialogue entre elle et la Vierge : « Immaculée, les gens di-
sent que vous êtes un esprit et que vous n’êtes pas la di-
vinité.
— Touche ma chair et vois si elle est chaude comme la
tienne. Sens mon cœur et vois s’il bat comme le tien. Re-
garde mes yeux s’ils battent comme les tiens. Observe
mes pieds et tu verras s’ils bougent comme les tiens !
« Elle a pris ma main et l’a mise sur son cœur », écrivit
encore Ginetta, “et j’ai senti qu’il battait. Puis elle s’est
avancée pour me faire voir que ses pieds bougeaient
comme les miens. Elle a ensuite pris de nouveau ma main
et l’a portée à ses joues. J’ai senti que sa chair était
chaude comme la mienne. »
Quelques jours plus tard, l’Église allait proclamer le
Dogme de l’Assomption de l’âme et du corps de Marie.
Annexes
Les messages de la Vierge à Marta

Les messages échangés entre le Vierge et les visionnaires


de Marta composent un chapitre important de l’histoire
de ces faits extraordinaires. Lorsqu’ils communiquaient
avec la Vierge, les extatiques faisaient souvent entendre
leur voix et ils répétaient mot pour mot ce que leur disait
cette dernière. Ce fut le cas pour le visionnaire Luigi De
Rossi, agriculteur. En extase, la tête penchée en arrière,
les mains jointes tendues vers l’avant, il parlait et faisait
entendre les paroles prononcées par l’apparition. Le 4
août 1950, à Marta, dans la Grotte des Apparitions, le
message de la Sainte Vierge fut le suivant :
Marta 4 août 1950 — Luigi de Rossi
Ma présence sur la terre est inévitable, c’est la pro-
messe qu’a faite le Père Éternel pour le salut du monde.
L’heure fixée va sonner.
Priez, agenouillez-vous, priez pour les pauvres pé-
cheurs, pour ceux qui ne veulent pas écouter la parole
du Fils de Dieu. Je suis venue sur terre non pas pour me
faire voir... mais pour vous sauver.
Si vous transcrivez toutes les paroles prononcées par
moi sur cette terre, vous les trouverez sur le moment
bien pauvres.
La vérité la plus belle est dictée par Jésus notre Sau-
veur.
L'immaculée conçue sans péché, croyez-moi, est parmi
vous pour vous sauver, vous libérer de la haine de Satan
et vous mettre en présence du Père Éternel. Oui, mes
chers enfants, nous devons aimer et prier également
pour nos ennemis, afin qu’ils connaissent Dieu et L’ai-
ment, pour l’équilibre du monde, dans Sa Divine Misé-
ricorde et sa Justice, avant le grand châtiment immi-
nent dont nous percevons les signes avant-coureurs en
tous points de la terre.
Je vous bénis... au nom du Père, du Fils et du Saint-Es-
prit.
Le 23 août 1950, Luigi De Rossi prononça les paroles
suivantes, répétant toujours ce que lui disait l’appari-
tion : « Mes enfants, je suis venue à vous comme une
maman de la terre, je viens en pèlerinage dans vos
villes, dans vos villages, sur vos routes. Je vais par les
hameaux de vos campagnes, porter mon réconfort aux
créatures qui, là où elles se trouvent, sont éloignées du
secours de l’Église. Je vois tous leurs besoins, je vois
leur cœur, mais je sens souvent leur réprobation contre
ce pèlerinage que j’effectue et je souffre de leurs of-
fenses. Peu nombreux sont les cœurs qui m’aiment
vraiment... Ne vous disputez pas sur ma venue dans
cette Grotte. C’est inutile. Je m’emploierai moi-même
à ouvrir les cœurs et à les attendrir. Ne vous inquiétez
pas si les aides et les fils de Satan organisent sept en-
treprises malignes. Gardez les yeux ouverts, interrogez
bien votre conscience et, avec une grande rigueur,
votre esprit.
Prenez bien garde autour de vous à tous ceux que vous
ne connaissez pas ; leurs agissements, leurs paroles ne
sont pas divins mais c’est Satan qui essaie de détruire
tout ce que je construis. Les forces de la terre tenteront
de vous affaiblir, ô mes enfants, au moment terrible...
Bouleversés et terrifiés, troublés par leurs grandes con-
naissances terrestres, les savants trouveront à leur côté
Satan, qu’ils prièrent et invoquèrent au moment de
leur formation personnelle. Dieu ne leur convenait pas
car il leur imposait le respect, l'humilité, l’amour. Ils
combattront jusqu’aux derniers instants de leur vie. Ils
ne veulent pas se soumettre à l’humiliation mais se pré-
valent uniquement de leur orgueil démesuré. Ce sont
les puissants de cette terre qui plus que jamais offen-
sent la divinité de mon Fils. Pourquoi cette superbe, ô
enfants de mon Fils ?... Penchez votre front sur la plus
tendre des créatures de cette terre afin que l’amour du
Père descende sur le Fils, et que la soumission du Fils
remonte vers le Père.
En ce moment, c’est Le Père Éternel qui vous dicte ces
quelques paroles : « Bien qu’offensé et calomnié, je
tends encore vers vous, ô mes enfants, mon bras de
Père et de Frère. Ne reculez pas quand la Sainte Église
vous impose l’obéissance. Fidèles, devant la croix se
tient le signe du témoignage d’amour que vous devez
rendre à Jésus, mon Fils. Si l’orgueil des hommes tend
encore à m’offenser, la position du Père Éternel à votre
égard est encore celle d’une grande douleur. Aimez-
vous les uns les autres, mes enfants. Priez la Sainte
Mère du Ciel, ma Fille et ma Mère, car j’ai mis en Elle
tous les pouvoirs divins.
J’ai accédé avec amour à Sa volonté de descendre sur
terre pour sauver l’humanité du péché.
Avec mes bénédictions, enfants du trône éternel, pour
le salut des justes et pour la condamnation des impies,
acceptez avec humilité et résignez-vous à toutes les vo-
lontés du Père Éternel. Avec le signe de la croix je vous
offre ma bénédiction paternelle. Je vous bénis au nom
du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »
Ainsi soit-il.
Marta, 3 septembre 1950
Paroles prononcées par la Sainte Vierge devant Luigi De
Rossi :
«... Qui vous donnera la force de vous redresser au mo-
ment terrible, épouvantable, du grand châtiment ? Mes
enfants, ne vivez pas d’illusions terrestres. Nous
sommes entrés dans le grand fléau... Croyez-moi, mes
enfants, ce sont les dernières heures. Nous en sommes
aux derniers instants de notre vie. Le cœur de Jésus,
percé et affligé, fixera l’échéance et la fin sera ter-
rible...»
Marta, 14 septembre 1950 — 21 heures.
«... Les portes de la terreur sont en train de s ouvrir et
la justice de Dieu s’abat sur l'humanité indigne. Jamais
l’histoire de ce monde ne pourra, ô mes enfants, enre-
gistrer le moment que vous vivez. Vous verrez des
signes de lumière, des signes divins, vous entendrez un
bruit impressionnant qui annoncera le Christ lui-même,
au travers de l'espace céleste. Si après ce que vous au-
rez vu, vous persistez dans le péché, le signe lumineux
fondra alors comme la foudre sur la terre et la détruira.
Je suis l’immaculée Conception, la Mère de Jésus de Na-
zareth. Je vous bénis, mes enfants, au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Paix sur la terre aux
hommes de bonne volonté. Mes enfants, un grand
signe apparaîtra dans le ciel. La croix du Seigneur sera
levée pour protéger les fidèles ; un grand arc partira
d’une extrémité à l’autre de la terre se dressant vers le
ciel et recueillera tous les fidèles pour les protéger du
terrible châtiment de Dieu. La lune commencera à
s’obscurcir et une étoile placée devant celle-ci annon-
cera le grand événement.
Refermez-vous sur vous-mêmes avec la sainte prière du
Seigneur, ô mes enfants, et n’ouvrez jamais vos portes
et vos balcons, car l’ange des ténèbres pourrait vous ra-
vir. »
V

Des combattants armés de rosaires

Dès le début de ses apparitions à La Salette, il y a un


siècle et demi, la Vierge a dit aux petits visionnaires,
Maximin et Mélanie, qu’elle attendait des hommes la pé-
nitence et la prière. Elle a constamment renouvelé cette
exhortation. Or, personne n’ignore que prier signifie re-
tourner à Dieu et que se repentir c’est se régénérer.
La Vierge invite constamment les hommes, et aujourd'hui
plus que jamais, à retrouver la pratique du rosaire. Le
mot latin rosarium a deux anagrammes : le mot ars = art
et le mot umor = sève (liquide nutritif, vital). Il n’est pas
difficile de voir dans ces deux termes une correspondance
avec le thème du salut.
« Je voudrais être un guerrier... », dit un visionnaire en
dialoguant avec la Vierge. Mais un guerrier armé d’un ro-
saire. En annonçant la catastrophe immanente et immi-
nente, Marie lance d’ailleurs cet avertissement : « Le der-
nier remède que je vous offre est celui des prières du Saint
Rosaire ».
1. 1951 : Antonio Ruffini, la « Vierge des
Douleurs » qui donne les stigmates

La Vierge déguisée en paysanne — L’eau couleur


de sang — Des stigmates sur les mains.

Un fait prodigieux qui eut un grand retentissement à


l’époque et qui provoque encore la stupeur se produisit
au 74e km de la Via Appia Antica, le 12 août 1951.
Ce matin-là, à l’approche de la fête de l’Assomption, An-
tonio Ruffini, après avoir comme à l’habitude fait ses dé-
votions, était allé à Gaeta, puis à Terracina pour y vendre
son papier d’emballage. Ce fut une demi-journée perdue
puisqu’il ne fit aucune vente. Il décida de retourner à
Rome, en espérant pouvoir faire quelque chose là-bas. Il
avait trente lires en poche, qui à l’époque avaient encore
quelque valeur. Il avait l’intention d’acheter un peu de
pain. En revenant à Rome dans sa Fiat 500, il fut pris
d’une soif étrange, insupportable. Il se dit : Pourquoi cette
soif ?... Je n’ai rien mangé de salé. Et puis comment est-
elle venue tout d’un coup ?... Boire ?... Et où ?... Ici il n’y
a pas d’eau !
N’y pouvant plus, il pensa au moins humecter ses lèvres
avec un peu d’eau du réservoir de sa voiture mais il n’y
réussit pas.
Il s’arrêta pour se reprendre un peu et vit non loin de là
une voiture de luxe qui était à l’arrêt. Les propriétaires en
étaient descendus et s’amusaient avec leur chien, un gros
chien loup. Ils lui lançaient des morceaux de pain de
Gênes qu’il attrapait au vol avec l’habileté propre à cette
race de chien. Un enfant s'approcha alors. Il avait environ
sept ans et respirait la pauvreté. Avec beaucoup de can-
deur il dit à ces gens : Vous me donnez un peu de pain à
moi aussi ? J’ai faim ! — Va-t-en ! hurlèrent les autres en
le chassant brutalement.
Ruffini dit que cette scène le mit mal à l’aise : donner à
manger à un chien et repousser un enfant affamé. « Je
voulus m’en occuper moi-même », dit-il. « C’était mon de-
voir. Je pensai : je lui donne tout l’argent que j’ai en
poche. Je saute le déjeuner et ce soir je mangerai un peu
de soupe.
Je lui dis : mon enfant, sois content : voici trente lires, va
t’acheter du pain. C’est tout ce que j’ai et je te les donne.
L’enfant me regarda en souriant, me remercia et s’éloigna
lentement. Je le suivais du regard et lui se retournait par
moments pour me regarder et ce, à plusieurs reprises. »
Antonio Ruffini se remit en route. Sa soif n’avait pas dis-
paru, elle était même devenue plus forte. Il décida de s’ar-
rêter pour aller à la recherche d’un petit ruisseau dans la
campagne environnante.
La Providence l’attendait précisément à cet endroit, au
74e kilomètre de la Via Appia Antica. Près de celle-ci coule
en effet une fontaine : une petite colonne avec deux jets
d’eau. Il s’en approcha et vit à quelques pas de la fontaine
une femme vêtue de noir avec un châle noir sur les
épaules : elle était pieds nus. Il crut d’abord que c’était
une paysanne des environs.
Ruffini raconte :
Je lui demandai : Madame, cette eau elle est potable ?
— Oui, bois elle te fera du bien. — Je plaçai mes mains
sous la fontaine et dès que mes lèvres eurent touché l’eau,
avant même que je n’ai eu le temps de boire, ma soif se
dissipa tout à coup. J’éloignai immédiatement mes mains
du jet d’eau car je pris peur en voyant une eau couleur de
sang à l’intérieur de celles-ci.
La femme s’exclama : qu’est-ce que tu as aux mains, elles
saignent !
— Je ne sais pas. Peut-être me suis-je fait mal en descen-
dant de la voiture.
Il y avait en fait dans mes paumes de mains une tumé-
faction qui s’était ouverte et saignait.
La femme commença à me parler de Jésus et de sa bonté.
Elle me parla également des Apôtres, de chacun d’eux en
particulier : elle connaissait bien leur histoire. Je l’écou-
tais émerveillé : comment une simple paysanne pouvait-
elle avoir une telle instruction religieuse ? J’entendais des
choses que je n’avais jamais entendues.
Tout à coup une belle musique se fit entendre, légère et
délicate, comme celle d’une harpe. Comme elle était
douce. Pour savoir d’où elle provenait, je regardais autour
de moi mais ne vis personne. Mais d’où venait cette mu-
sique mystérieuse ? Mais... Je me retournais pour regar-
der la femme quand je la vis qui était soulevée de terre
d’une bonne vingtaine de centimètres, ses pieds reposant
sur un petit nuage ; elle posa ensuite lentement ses pieds
sur le sol. Elle s’éleva de nou'veau puis redescendit ; ceci
trois fois de suite. Je fus pris de grands frissons. Un
souffle puissant comme une tempête me parcourut et je
m’exclamai dans mon trouble : Mais vous êtes la
Vierge ?...
« Oui, je suis la Vierge des Douleurs ! Mon fils Jésus a
donné sa vie pour les hommes et ceux-ci sont si
égoïstes ! Que de méchanceté dans le monde ! Tu auras
toi aussi beaucoup à souffrir de l’égoïsme et de la mé-
chanceté des gens. »
Je me tenais à genoux, émerveillé que la Vierge me parle,
et je la regardais extasié. Peu à peu, Elle se souleva de
terre et, se dirigeant vers Sezze, elle disparut, suivie d’un
petit nuage.
Ruffini demeura saisi de stupeur près de la fontaine. Il
regardait ses mains qui saignaient et il dut les entourer
d’un mouchoir pour ralentir l’hémorragie.
Il remonta dans sa voiture mais le sang qui sortait de ses
plaies coulait sur le volant, sur ses manches et dans la
voiture. Voyant cela, il fit un détour par Cisterna où il
acheta des bandes afin de pouvoir faire un pansement ef-
ficace.
Le stigmatisé Antonio Ruffini aime le silence et la retraite.
Pour se soustraire aux regards des curieux, il se réfugie
dans les églises, passant de longues heures en prière. Si
quelqu'un l’interroge pour savoir quelque chose, il fait vi-
siblement un gros effort avant de parler. Puis il raconte
en peu de mots l’événement du 12 août 1951.
Si quelqu’un lui demande à voir les stigmates, il baisse
les yeux, murmure une prière, baise un petit crucifix qu’il
porte toujours sur lui, puis découvre ses mains, en disant
habituellement : « Les voici... Je ne sais même pas moi-
même comment cela a pu arriver. Dieu m’a donné ces
stigmates et Dieu peut s’il le veut me les enlever. »
Les stigmates d’Antonio Ruffini ont été photographiés à
des époques différentes, par le Père Tomaselli et par moi-
même. Les documents que nous présentons (cf. photogra-
phies illustrant cet ouvrage) montrent de manière évi-
dente et irréfutable que le phénomène a un caractère
mystérieux et ne saurait être expliqué sur un plan ration-
nel. Pour les commentaires, se reporter aux légendes des-
dites photographies.

2. 1954 : Reggio Emilia, une apparition contestée

La Vierge dans la « Stalingrad » italienne — Lève-


toi tu es guérie — L’Evêque de la Vierge ne croit
pas aux apparitions de Rosina la brodeuse.

Née cinquante-trois ans plus tôt au sein de la nombreuse


famille d'un forgeron de San Faustino di Rubiera et ayant
perdu sa mère très jeune, Rosa Soncini, analphabète,
était venue à Reggio Emilia pour trouver du travail comme
brodeuse. C’est dans cette ville qu’elle devait contracter
une maladie incurable, la péritonite tuberculeuse. Elle
avait, il est vrai, dès son plus jeune âge eu une santé pré-
caire. Atteinte d’un double souffle au cœur, elle avait éga-
lement eu des ennuis arthritiques et des problèmes ré-
naux. Le 7 juin 1952, elle fut transportée, presque agoni-
sante, pour effectuer, en compagnie d’autres malades de
l'Hôpital de Reggio Emilia, un pèlerinage à Lorette dont
l'accompagnateur était MgrBeniamino Socche, évêque de
Reggio Emilia. Dans la soirée qui précéda la messe solen-
nelle célébrée à l’intention des malades, Rosina vit la
Sainte Vierge dans le Sanctuaire. Le jour suivant,
lorsqu’on la transporta sur un brancard jusqu’à l’autel,
elle se sentit tout à coup beaucoup mieux et commença à
dire qu’elle était guérie. Elle devait raconter par la suite
que la Sainte Vierge lui avait dit en souriant : « Lève-toi,
tu es guérie ».
Un observateur exceptionnel, Mgr Wilson Pignagnoli, rap-
porta à l’époque : « Le fait doit avoir été consigné dans les
annales du Sanctuaire de Lorette, mais il n’a pas été étu-
dié par le corps médical et encore moins par les Autorités
ecclésiastiques. Nous le rapportons tel que nous l’a ra-
conté la visionnaire elle-même. Aujourd'hui — poursuit le
témoin de ces lointains événements — la pieuse femme
est en assez bonne santé et vit modestement des travaux
de couture et de raccommodage qu'elle effectue tous les
jours chez les gens. Dans les quelques mois qui ont suivi
sa guérison à Lorette, Rosina Soncini a commencé à “voir
la Sainte Vierge” en privé et elle affirme avoir même jeté
de l'eau bénite sur son image pour voir s’il s’agissait d’une
manifestation diabolique. Puis ce furent les "rendez-vous”
en public dont nous avons parlé. Il est inutile d’insister
sur la bonne foi de cette modeste femme du peuple, illet-
trée et incapable de mensonge ; il va également sans dire
que bien que n’étant pas bigote, elle fréquente assidû-
ment l’église paroissiale58.»
Deux années plus tard, en 1954, Rosina eut la surprise

58
Wilson Pignagnoli, L’ultimo vescovo-principe di Reggio Emilia (Mons. Beniamino
Socche), Volpe Editore, Rome, 1975.
d’avoir une nouvelle vision de la Vierge dans la mansarde
où elle habitait. Celle-ci l’invitait à se rendre sur la place
de la Cathédrale où elle allait avoir une apparition en pu-
blic.
La place de la Cathédrale de Reggio Emilia porte le nom
de Camillo Prampolini, socialiste, anti-clérical et athée.
C’est là un détail très révélateur de la ferveur marxiste qui
anime cette province de l’Emilie dont le chef-lieu est l’un
des bastions du bolchevisme athée en Italie, même si par
le passé soixante-trois églises y ont été consacrées à Ma-
rie, la région comptant en tout quelque six cents autres
églises également dédiées à la Vierge, sans parler natu-
rellement des différents sanctuaires. À l’époque, le maire
de Reggio Emilia était un communiste, Cesare Campioli.
L’évêque du diocèse était Mgr Socche qui avait été sur-
nommé « l’Évêque de la Vierge ». « À Cesena », écrivit ce
dernier en évoquant les étapes de sa vie, « j’avais trouvé
sur mon chemin la Sainte Vierge qui m’avait communiqué
cette "euphorie” grâce à laquelle j’accueillais chaque con-
trariété ou chaque difficulté (en me disant) que la Sainte
Vierge allait la résoudre. Dès les premiers temps après ma
nomination à Reggio Emilia, j’essayais ainsi d’inoculer
aux autres cette confiance en la Sainte Vierge. Je priais
avec les prêtres, avec les laïques, avec les religieuses. » Il
ajoutait : « La véritable dévotion à la Vierge est une grande
grâce, la plus grande des grâces qui existe pour obtenir le
salut ».
Bien qu’étant un fervent défenseur du culte de la Vierge,
Mgr Socche demeura réservé et prudent dès sa première
rencontre avec Rosina Soncini. « Voilà qu’un beau jour on
me présente une femme d’une cinquantaine d’années »,
raconte-t-il, « une petite femme, qu’accompagnaient une
enseignante de mathématiques et sa mère. La femme me
dit que la Sainte Vierge voulait qu’elle se rende sur le par-
vis de la Cathédrale car Elle devait paraître devant elle à
cet endroit. Au premier regard, cette petite femme ne me
sembla pas avoir toutes ses facultés mentales et je lui dis
qu’il valait mieux qu’elle reste chez elle, qu’il y avait beau-
coup de gens, un peu partout, qui déclaraient voir la
Vierge. Mais, au jour dit, la femme se rendit sur la place
devant la Cathédrale en compagnie des deux autres et,
agenouillée sur les marches de l’église, sous mes fenêtres,
elle déclara avoir sa première apparition de la Vierge, la-
quelle lui fixa rendez-vous pour un autre jour. Le jour
venu, Rosina Soncini eut en effet une deuxième appari-
tion, en présence d'autres femmes et d’un prêtre du dio-
cèse, le Père Bruno Zecchetti. »
L’évêque appela alors le prêtre et le tança vertement. Mais
celui-ci l’informa que dans toute cette histoire il avait été
également question de Padre Pio de Pietralcina et que
pendant les apparitions les parfums de Padre Pio s’étaient
manifestés. Reggio Emilia la « rouge » était sur le point de
devenir un autre Lourdes.
« Je pris alors des renseignements pour savoir qui était
cette Rosina Soncini : c’était une honnête femme qui vi-
vait de son travail de brodeuse mais qui dès sa jeunesse
avait manifesté des signes importants d’hystérie. Je fis si-
gner à une religieuse, Sœur Ancella délia Carità, qui tra-
vaille actuellement à l’hôpital de Castelnuovo Sotto, une
déposition en ce sens. La religieuse en question était as-
sistante infirmière dans le service des femmes de l’hôpital
de Reggio Emilia à l’époque où la jeune Rosina Soncini
venait de temps en temps y faire des séjours. Lorsqu’elle
arrivait à l’hôpital on aurait dit qu’elle était sur le point
de mourir de toutes les douleurs qui lui traversaient le
corps. On la pansait et elle ne cessait de crier pendant
toute la durée des soins. Le matin suivant, elle sautillait
dans la salle avec ses bandages défaits : elle était complè-
tement guérie.
Le chef de service, le docteur Torreggiani, un chrétien pra-
tiquant convaincu, mort il y a quelques années seulement
mais dont le souvenir est toujours vénéré parmi les hon-
nêtes gens de Reggio Emilia, disait à la religieuse : « Ma
Sœur, laissez-la faire cette pauvre fille. Vous ne voyez pas
que c’est une hystérique ? » Et, s’adressant à Rosina Son-
cini : « Je n’ai jamais vu une forme d’hystérie aussi pro-
noncée que la tienne ». Etant donné ces symptômes
avant-coureurs, comment pouvait-on se fier à Rosina
Soncini ?
Et pourtant, poursuit l’évêque, je ne pus que constater
que sur cette place de Reggio Emilia où avaient été profé-
rés toutes sortes de blasphèmes au fil des manifestations
rassemblant des athées, une foule s’était réunie (compo-
sée en majorité de personnes n’appartenant pas au dio-
cèse) pour assister aux apparitions de la Vierge, alors que
je n’avais moi-même jamais été capable de me faire en-
tendre pour asseoir sur des bases solides la dévotion à
Marie. Tout ceci était pour moi source d’espoir. Et ce fut
justement moi qui dus désavouer le phénomène et décla-
rer qu’il n’y avait rien là de surnaturel ; c’était mon devoir.
C’était encore une fois une étrange preuve de ma con-
fiance en la Vierge que j'offrais à Reggio Emilia. C’est
ainsi. »
L’« Evêque de la Sainte Vierge » suivait cependant les «
rendez-vous » qu’avait Rosa Soncini avec la Vierge sur les
marches de la Cathédrale puisque, nous l’avons vu, ses
fenêtres donnaient sur le parvis : il observait les milliers
de pèlerins qui se pressaient autour de la « visionnaire »,
laquelle se tenait à genoux, un chapelet passé autour de
son bras ou entre ses mains, le regard fixé vers le ciel, le
visage immobile comme une statue de cire.
Le drame intérieur du responsable de ce diocèse qui sem-
blait être voué à l’athéisme et qui s’éveilla toutefois à la
religion au nom de la Vierge fut à son comble lorsque ledit
responsable estima qu’il était de son devoir de communi-
quer à ses fidèles le message suivant : « En ce qui con-
cerne les faits présumés, dont certains ont affirmé qu’ils
s’étaient produits sur la place de la Cathédrale de Reggio
Emilia, nous tenons à confirmer que rien ne permet de
supposer qu’ils soient réellement survenus et encore
moins de les qualifier de surnaturels. C’est pourquoi nous
interdisons de nouveau aux prêtres, aux religieux et reli-
gieuses de notre diocèse et de tout autre diocèse d’y as-
sister. Tout prêtre, qu’il appartienne à un ordre ou à une
congrégation religieuse d’un autre diocèse ou du mien,
qui viendrait à Reggio Emilia dans ce but le 30 juillet pro-
chain, se verrait retirer le droit de célébrer la Sainte Messe
sur tout le territoire de ce diocèse, tant dans la plaine que
dans la montagne. »
Quelques rares personnes, une quinzaine en tout, étaient
venues assister au premier rendez-vous du 2 juillet et
c’était plus par incrédulité que par réel intérêt qu'elles en-
touraient Rosina alors qu’elle était agenouillée sur la
place. Il fallut attendre les rencontres suivantes, et parti-
culièrement celles du 2 octobre et du 10 décembre de la
même année, jour de la fête de Notre-Dame de Lorette,
pour voir la Place de la Cathédrale se remplir d’une foule
de plus en plus nombreuse de fidèles attendant que la
Vierge apparaisse à la modeste brodeuse qui avait jusque
là vécu dans l’anonymat le plus total. Rosa Soncini se
présentait vêtue d’un tablier noir avec un voile sur la tête
et un chapelet à la main, un chapelet à gros grains.
Bien que l’opinion publique n’ait pas été des plus favo-
rables à l’expression de la foi dans cette région rouge de
l’Émilie et dans cette ville de Reggio encore plus irréduc-
tible, et en dépit de la prise de position officielle de
l’Église, toute rencontre annoncée avec la Vierge en public
attirait une foule croissante sur cette place définie comme
l’un des plus beaux salons d’Italie. On put dénombrer des
dizaines de milliers de personnes lors des huit principales
apparitions qui eurent lieu aux dates suivantes : 2 oc-
tobre 1954 ; 10 décembre 1954 ; 11 février 1955 ; 30 avril
1955 ; 30 juillet 1955 ; 5 novembre 1955 ; 11 février
1956 ; 11 mai 1956. Celles-ci se produisaient toujours à
15 heures et duraient de vingt à quarante minutes.
Un journaliste écrit59 : « Samedi dernier à six heures
trente la place de la Cathédrale était encore dans l’obscu-
rité. Le pavé était luisant et glissant à cause du brouillard
épais de la nuit, les réverbères étaient entourés d’un halo
blafard qui semblait avoir été dessiné à l’aide d’un com-
pas. Les fenêtres des maisons étaient hermétiquement
closes. La ville dormait sous ses pesantes couvertures.

59
Alfredo Panicucci, La Madonna le parla in italiano, in « Oggi », novembre 1955.
C’est à cette heure que sortit le premier pèlerin de l’hôtel
Posta. Il craignait de ne pas être en bonne place à côté
des marches de la Cathédrale, près de l’endroit précis où,
huit heures plus tard, Rosina Socini devait s’agenouiller
pour parler à la Sainte Vierge. Ce premier pèlerin était
arrivé la veille au soir dans un autocar autrichien rempli
d’autres fidèles mais il n’avait pu attendre plus long-
temps. Il s’approcha des marches, sortit de sa valise en
carton un siège pliant, l’ouvrit, chercha dans sa poche un
chapelet, s’assit et commença à prier. Il ne fut pas troublé
lorsque, deux heures plus tard, apparurent sur la place
les premières voitures, les premiers vendeurs de marrons
grillés, de sandwiches, de café chaud, de sièges pliants,
de "Chocolats de la Sainte Vierge à 100 lires le paquet” et
de jumelles de pacotille. Le visage enfoui dans le revers
de son manteau, le pèlerin continua de prier. »
Peu à peu la place s’animait. De véritables cortèges de
femmes débouchaient de rues adjacentes et allaient oc-
cuper en rangs serrés les premières places. Mais de nom-
breux autres fidèles arrivaient en rangs dispersés : « Les
plus téméraires se hissaient sur la statue de Crostolo, les
autres grimpaient sur des tas de pierres amassées en vue
de la réfection du parvis. Le chœur des prières s’interrom-
pit peu avant onze heures, lorsqu’un groupe de femmes
tziganes descendit d’une grosse voiture immatriculée en
France. Elles portaient de longues jupes aux couleurs vio-
lentes, de lourds colliers en or, et leurs cheveux luisaient
de brillantine. Elles arrivaient de Nogara, près de Vérone,
où elles avaient laissé leur tribu. Elles étalèrent un tapis
sur les cailloux, s’assirent, sortirent des sandwiches d’un
sac et se mirent à manger, lentement. Tandis qu’un agent
courait au Commissariat pour informer le Bureau des
Étrangers, la foule recommença à chanter. Les fidèles
priaient en regardant le ciel. Ils attendaient que les
nuages bas et sombres fassent place au rayon de soleil
que tout le monde attendait.60»
Au cours des précédents « entretiens » de Rosina Soncini
avec la Vierge, le 30 juillet, beaucoup avaient vu sur la
façade de la Cathédrale se profiler d’étranges formes
après avoir fixé longuement le soleil. D’autres avaient eu
l’impression que le soleil était devenu rouge, puis vert,
puis noir ; ou qu’une grande croix y était dessinée.
D’autres encore étaient sûrs d’avoir vu le soleil faire une
rotation dans le ciel. On nota également un intense par-
fum de violettes et d’œillets.
À trois heures moins cinq, Rosina arriva sur la place pré-
cédée des Carabiniers qui lui avaient frayé un passage à
travers la foule. Elle était suivie de ses accompagnateurs
habituels : une institutrice, sa propriétaire, une amie de
Lugano et une journaliste. Elle se mit à genoux et « tout
de suite on plaça devant elle plusieurs enfants, assis dans
la boue. Ils étaient aveugles, estropiés ou débiles. L’un
d’entre eux pleurait, il ne voulait pas rester en place. Son
père lui administra une taloche. La foule cria qu’elle ne
voyait rien. Les agents de police s’agenouillèrent, mais
seulement pour ne pas empêcher ceux qui étaient der-
rière de voir. Rosina commença à prier. Puis elle se re-
tourna tout à coup vers les photographes qui s'étaient re-
groupés devant elle et leur dit : « Éloignez-vous car la
Sainte Vierge n’a pas la place. Elle a tous ces nuages sous

60
Ibid.
ses pieds ». Puis elle ferma les yeux, sourit, écarta les bras
et murmura dans l’extase : « Le ché, Le ché. Siv propria
vu Maduneina ?61 »
Il était difficile à l’assistance d’entendre et de rapporter
les questions et les réponses : on voyait seulement les
yeux de Rosina fixer un point sur la façade de la Cathé-
drale, qui correspondait plus ou moins à l’endroit où est
située l’une des statues de Spaini, au-dessus du tympan
du portail central. Rosina implorait la Vierge pour qu’elle
donne un signe de sa présence afin de convaincre les in-
crédules et, à une question qui semblait avoir été posée
par la Vierge Rosina, répondit : « Mais qu’est-ce que j’y
peux si l’Église ne veut pas m’écouter ? » Puis : « Mais ce
sont les mêmes choses que celles que vous avez dites en
juillet ». Et encore : « Petite Sainte Vierge, bénis tous les
hommes qui sont sur cette place et en Italie et dans le
monde ». Et, tout de suite après : « Eloigne la guerre de
l’Italie », ou : « Pourquoi pleures-tu, petite Sainte Vierge ?
Je sais. Il y a trop de mal partout. »
Il était quinze heures trente lorsque Rosina dit à la foule :
« La Sainte Vierge nous donne sa bénédiction. Nous nous
reverrons le 11 février. » Elle se releva lourdement et de-
manda à une des femmes qui l’accompagnaient de lui prê-
ter un crayon rouge et bleu : elle se pencha de nouveau
sur les marches de la cathédrale et dessina d’une main
incertaine un cercle rouge : « C’est ici qu’étaient les
nuages », dit-elle. Puis elle traça deux signes en bleu à
cinquante centimètres l’un de l’autre : « Et ses pieds

61
Ibid. (« Qu'est-ce que c’est, qu’est-ce que c'est ? C’est bien vous, petite Sainte
Vierge ? »).
étaient ici ».
La maison où habitait la brodeuse, dans la via San Do-
menico, était extrêmement modeste. Elle logeait au troi-
sième étage, dans une mansarde attenante à un grenier
où la pluie et l’humidité s’infiltraient entre les tuiles dis-
jointes. La mansarde faisait à peu près trois mètres de
long.
Le lit se trouvait à gauche de la porte en entrant. Au fond,
à côté d’une petite lucarne qui donnait sur un mur gris,
il y avait un évier, un petit réchaud à gaz et un poêle à
bois. Face à l’entrée se trouvait une cheminée dont la
fonction était désormais de recevoir les fleurs pour la
Sainte Vierge et les images pieuses. Une vieille armoire
noire était nichée dans l’angle et sur le mur de droite était
appuyée une commode abîmée qui servait d’autel à Ro-
sina. Sur un napperon blanc brodé trônaient quatre pe-
tites lampes, deux bouquets d’œillets blancs, une niche
et, fixés à un tissu bleu ciel, une dizaine de cœurs en ar-
gent attestant les « grâces reçues ». Un tableau peint au
blaireau par un peintre amateur de Parme, Giovanni Gia-
cobelli, le premier « miraculé », était accroché à une
poutre basse du plafond. Le sujet en était la Vierge, en-
tourée d’un nuage rose. « C’est ainsi que je l’aie vue »,
disait le signor Giacobelli, « au moment de ma guérison ».
« C’est dans cette mansarde que Rosina vit, mange, dort,
travaille, prie et parle avec la Sainte Vierge. Elle ne sort
que lorsque quelqu’un la fait appeler pour broder un drap
ou une nappe. Mais elle ne le fait pas de gaieté de cœur.
C’est une femme de petite taille, grosse, à l’allure lourde.
Elle marche avec difficulté »62.
« La Sainte Vierge vient me trouver chez moi au moins une
fois par mois », racontait Rosina. « Elle me dit toujours
que pour obtenir le salut les hommes doivent tous les
jours réciter leur chapelet et dire cent requiem. »
La brodeuse parlait de la Vierge dans un langage simple.
Elle décrivait ses premières apparitions de manière en-
jouée, ses mains petites et potelées étant posées sur ses
jambes. « Une fois », dit-elle, « je jetai au visage de la
Sainte Vierge une petite casserole remplie d’eau bénite.
Mon confesseur m’avait dit que c’était peut-être le Diable
qui me tentait, déguisé en Sainte Vierge. Bien que j’eusse
jeté de l’eau sur Elle, Elle se mit à sourire et je la priai
alors de me pardonner de l’avoir aspergée. Mais ce petit
peu d’eau fut bénéfique car avant cela Elle apparaissait
de loin mais à compter de ce jour-là Elle s’est toujours
montrée de très près. »
La figure qui apparaissait à Rosina ne ressemblait pas à
l’image qui en est donnée dans les tableaux religieux. «
Elle est belle, grande — environ un mètre soixante dix —
elle a les cheveux longs et noirs. Elle est vêtue d’une robe
bleu ciel et d’un grand manteau couleur argent. Elle tient
l’Enfant sur son bras gauche et me donne la bénédiction
de sa main droite. Ses pieds reposent sur un beau nuage
bleu clair et rose. Elle ressemble à Notre-Dame de Lorette,
mais elle est différente. Elle est plus belle. Elle est ins-
truite, Elle me parle toujours en italien. »
Dès le mois d’août 1954, lors d'une apparition en public

62
Ibid.
sur le parvis de la Cathédrale, la Sainte Vierge « instruite
» avait exposé à une Rosa Soncini « prodigieusement ra-
jeunie et embellie comme une fillette en extase »63 l'objet
de ses visites sur terre :
« Je te donne un ordre et toi tu dois dire à tout le
monde, je dis bien à tout le monde, que je suis envoyée
spécialement du Ciel. »
Et à ce moment l'Enfant sourit comme pour approuver ce
qu'elle disait
« en tant que médiatrice pour éloigner à tout jamais du
monde le fléau de la guerre et faire que l'humanité tout
entière se voue au cœur de Notre-Dame de Lorette. Tu
dois rapporter à tout le monde, j'ai dit à tout le monde,
mes recommandations : il faut que tous deviennent
meilleurs, qu’ils combattent l’impureté et le blasphème
qui sont en train de se répandre partout, qu’ils commu-
nient tous les premiers samedis du mois, jour qui m’est
dédié, et qu’ils récitent avec dévotion le Saint Rosaire.
Alors le fléau de la guerre sera pour toujours écarté du
monde : si je ne suis pas obéie, la guerre aura lieu. »
Par ces mots, la Vierge de Lorette précisait finalement sa
mission, révélant que le terrible châtiment qu’Elle avait
déjà en d’autres lieux laissé entrevoir était la guerre. Elle
offrait encore à l’humanité une possibilité de se racheter.
Le dialogue entre Rosa et la Vierge se prolongea cette fois-
là pendant plus de vingt-cinq minutes. Selon une journa-

63
Anna Marisa Recupito, Ha parlato per mezz’ora con la Madonna di Loreto, in «
Oggi », août 1955.
liste qui se trouvait sur les lieux, « les photographes ram-
paient à terre et se hissaient sur les petites colonnes si-
tuées sur la façade de l’église, faisant crépiter sans inter-
ruption les flashes de leurs appareils braqués sur la bro-
deuse »64.
Cinq années plus tard, le vendredi 29 janvier 1960 à onze
heures, Rosa Soncini s’éteignait à l’Hôtel-Dieu de Reggio
Emilia. Elle était âgée de cinquante-sept ans. On lui ad-
ministra les sacrements de la confession, de la commu-
nion et de l'extrême-onction. Elle fut enterrée dans le ci-
metière de Villa San Maurizio, près de Reggio Emilia.
Wilson Pignagnoli note65 : « Sur la place de la Cathédrale
plus rien ne témoigne de ses rendez-vous avec la Vierge ;
les fidèles passent et repassent sur les marches (où elle
s'agenouillait en extase) pour entrer et sortir de la Cathé-
drale bâtie depuis bien des siècles sur la foi des habitants
de Reggio. »

3. 1959 : Stornarella, les stigmates et les


apparitions d'un Fou de Dieu

Les stigmates de Domenico Masselli — Dieu joue


avec les fous de Dieu — Des phénomènes de lévi-
tation — Les océans se transformeront en vapeur
— Des nations disparaîtront — Des lettres pour la

64
Ibid.
65
Op cit.
Vierge.

« Ô mon fils, approche-toi davantage de Dieu et ne crains


personne. » C’est en ces mots pleins de sollicitude mater-
nelle que la Vierge parla le premier jeudi du mois
d'octobre 1961 au paysan des Pouilles, Domenico Mas-
selli et, à travers lui, aux fidèles de la région et du monde
entier.
Domenico Masselli est né le 26 février 1922 à Stornarella,
un petit village de la plaine de Foggia, le « Tavoliere », gre-
nier d’Italie.
Né d'une famille de paysans, il est lui aussi resté à tra-
vailler la terre. Quelques hectares de terrain dans la cam-
pagne de Stornarella lui ont suffi pour vivre et faire vivre
sa femme et ses six enfants, quatre filles et deux garçons.
Domenico continue encore aujourd’hui à cultiver sa terre
alors que ne restent plus à la maison avec sa femme que
deux de ses enfants, les autres s'étant mariés et n'ayant
pas repris l'activité de leur père.
Le voyage au centre de la rude région des Pouilles, à la-
quelle la sincérité, l'honnêteté et les survivances d'une ci-
vilisation païenne liée aux cultes agrestes apportent tou-
tefois quelque douceur, commence près du jardin public
de Foggia, d'où part un plaisant autocar en direction de
Stornara d'abord, puis de Stornarella.
L'autocar traverse, à une allure de croisière, les terres de
la région de Foggia semées d'oliviers artistiquement taillés
qui ont pris la forme de créatures mythologiques, hippo-
griffes et chimères par exemple. Les lauriers-roses ont des
couleurs vives. Le soleil resplendit dans un ciel plus bleu
que partout ailleurs.
D'une grande force et d'une grande vivacité, les habitants
de la région sont aussi capables de sentiments intenses.
Ils aiment ou rejettent, sans moyen terme et sans laisser
planer le doute.
Descendre à Stornarella signifie par conséquent entrer en
contact avec une vie intense, dans laquelle la roue du des-
tin s'empare de vous et vous entraîne à son gré.
Étant donné que même le hasard a ici des manières ex-
péditives, choisissant les chemins les plus courts, de-
mander au premier passant venu où habite Domenico
Masselli porte chance. Le voici justement, sur une bicy-
clette habituée à lui qui le ramène fidèlement à la maison,
sans le trahir et en lui épargnant toute fatigue — pas plus
que ne l’ont trahi ni surmené les travaux des champs,
qu’il vient juste d’interrompre : des travaux rituels, aus-
tères et consacrés.
Rencontrer le visionnaire des Pouilles signifie faire la con-
naissance peu après de sa famille, une éclosion de fleurs
de toutes tailles due à une explosion de mariages et de
naissances...
Ce bouquet entoure le chef de famille, dans la cuisine où
est en train de cuire la soupe de fèves et où trône en
bonne place sur la table le magnum de vin rouge.
L’une et l’autre attestent la présence de Dieu. Dieu est
dans la fécondité, dans cette réserve d’enfants et d’éner-
gies. Il est présent dans les remises pleines de provisions.
Et la Vierge ressemblant ici à une paysanne infatigable,
économe et même têtue. Elle s’obstine depuis plus de
vingt-cinq ans maintenant à apparaître à l’ombre des ré-
coltes et dans le parfum des légumineuses.
Après toutes ces années, le partiarche est resté celui qu’il
était lors de la première apparition : l’élu de la Vierge,
toujours entouré de sa famille et de ses fidèles, demeure
hiératique mais hypersensible tel un grand chaman, ad-
ministrant sagement la vie de son groupe mais explorant
également les univers fantastiques, à la fois serviteur du
divin et champion de l’irrationnel.
En pénétrant dans la cuisine à midi, on se trouve déjà,
dans un milieu communautaire dont la vie est toutefois
réglée par la discipline de fer de Domenico, plongé dans
le climat religieux qui précède l’apparition vespérale de la
Vierge. Lié aux personnes présentes, mais fondamentale-
ment isolé eu égard à ses expériences privées, le vision-
naire est à la fois loquace, extraverti et, introverti. On ap-
porte sur la table la soupe de fèves, nourriture symbo-
lique par excellence66 qui n’a toutefois de sacré pour le
paysan que son caractère sain et nourrissant. Quelqu'un
frappe à la porte. C’est une religieuse, fidèle de longue
date de Domenico. Elle est elle aussi invitée à prendre
place à la table.
Cette réunion autour de la table familiale est si naturelle,
sans embarras, que l'on a du mal à se rappeler que, der-
rière tant de simplicité, teintée de sagacité et de sagesse,

66
« La fève symbolise le soleil minéral, l’embryon » (Dictionnaire des Symboles, J.
Chevalier, A. Gheerbrant). Les fèves font également partie des fruits sacrifiés au
cours des offrandes rituelles par de nombreuses populations, à l'occasion d’événe-
ments importants tels que les mariages ou le culte des morts.
se cache une personnalité que l’on qualifie habituelle-
ment de mystique complète. Portant les stigmates aux
mains et au côté, se livrant à des pratiques ascétiques à
l'intérieur d'une « cellule » dont on l’a vu plusieurs fois
sortir en lévitant, sujet à des bilocations, guérisseur, il a
également décrit ses expériences de « voyages dans le ciel
». Pendant toutes ces années marquées par ces phéno-
mènes complexes, la Vierge l’a visité régulièrement. La
première apparition, en date du 2 décembre 1959 à 16
heures, surprit Domenico Masselli chez lui, dans sa
chambre à coucher.
La Vierge lui dit alors :
« Je suis votre Mère céleste, l’immaculée Conception. Ne
crains rien, mon fils, je te dirai plus tard ce que je veux
de toi. »
À partir de ce moment, comme il l’écrivit lui-même dans
son livre sur les Messages de la Vierge, « les merveilleuses
apparitions se succédèrent de manière rapprochée et
chaque fois la Vierge (...) me donnait des instructions pré-
cises : je devais réciter le Rosaire pendant quarante jours
de suite avec toute la famille réunie, sans sortir de chez
moi ; je devais rendre visite à des personnes désignées par
Elle, dans le village ou en dehors, ces personnes étant
malades ou dans le besoin ; des pénitences et des absti-
nences m’étaient imposées et ainsi de suite ».
— Domenico, tu vois encore la Sainte Vierge ? Je lui pose
cette question à table.
— Je la vois les trois premiers vendredis du mois, à sept
heures du soir.
— Combien de temps dure la vision ?
— Ça dépend, vingt minutes, quelquefois quinze, dix mi-
nutes...
— Qui t’a aidé à écrire ce livre de messages ?
— La Sainte Vierge.
— Que fait encore la Sainte Vierge pour toi ?
— J’avais deux hectares de terrain plantés d’oliviers. Un
matin de bonne heure des ouvriers viennent pour m’aider
à tailler les arbres. À midi, chez moi, deux hommes dé-
barquent en voiture, de Bari. « C’est ici la maison de Do-
menico ? » « Oui, c’est ici ». « Et lui, où est-il ? »
Ma femme répond : « Il est dans les champs. »
Ceux de Bari disent qu’ils m’ont vu dans le village peu de
temps avant, que j’étais devant et qu’eux me suivaient en
voiture. Ils étaient ensuite arrivés à la maison en passant
par l’église.
Ma femme répond : « Comment est-ce possible ? Il est
parti pour la campagne ce matin de bonne heure et je l’at-
tends parce que nous devons déjeuner. »
Ils sont restés à m’attendre et quand je suis rentré ils
m’ont vu tout sale, plein de terre. « Mais tu n’étais pas au
village juste avant ? » « Moi ? J’étais dans les champs. »
On m’écrit d’Amérique que je suis allé là-bas. On m’écrit
aussi de France qu’on m’a vu là-bas. Moi je suis ici avec
ma femme et mes enfants. Il y en a qui sont venus il y a
plusieurs jours de Florence. « C’est lui, c’est bien lui ! » Et
à moi : « Tu es venu chez moi. » « Moi ? » « Oui, je t’ai vu,
je t’ai serré dans mes bras, je t’ai embrassé. » Sa femme :
— C’est une chose incroyable, vraiment incroyable. Main-
tenant je voudrais parler de la fin de l’histoire du tableau
de la Sainte Vierge. Moi je lui disais : « Domenico, cette
Sainte Vierge est belle, mais elle ressemble plus à Sainte
Lucie. » « Non, répondait-il, c’est celle-là la Sainte Vierge.»
Notre plus jeune fille, qui avait alors sept ou huit ans,
s’est mise une fois à côté de son père et a vu elle aussi
l’apparition. Elle m’a dit : « Maman, la Sainte Vierge qui
est apparue est exactement la même que celle du tableau.
» La main du peintre qui l’avait représentée avait dû être
guidée par les anges.
Nous allâmes à Cerignola, chez le menuisier, pour acheter
le petit autel pour la Sainte Vierge. Il était midi. Domenico
disait : « La Sainte Vierge apparaît sur le côté, nous met-
trons l’autel sur le côté. » Je lui disais : « Il faut mettre la
Sainte Vierge de face pour qu’on puisse mieux l’admirer
en entrant dans la pièce. » Nous appuyâmes l’autel contre
le mur du fond mais en revenant dans la chambre l’après-
midi nous vîmes à notre grande surprise qu’il s’était dé-
placé tout seul et était venu se placer sur le côté, là où
était apparue la Sainte Vierge.
Domenico : — Ce que tu vois là, c’est un coton imbibé de
sang. Il faut que tu saches en effet que j'ai été transpercé
par le Christ, aux mains et au côté, et que j'ai eu les stig-
mates pendant dix années de suite. Avec un tampon
d’ouate imprégné de mon sang, une personne de Castel-
lamare di Stabbia a eu une guérison miraculeuse. Il suf-
fisait de frotter le coton sur les yeux, sur le nez, sur le
menton du malade pour le guérir. Tout ceci se produisait
quand j’avais les stigmates et que je connaissais des ex-
tases67. Maintenant, quand je suis en pénitence et en
prière, face contre terre dans ma cellule, les portes s’ou-
vrent toutes seules, malgré des charnières à ressort si ré-
sistantes qu’il faut au moins trois hommes pour les for-
cer. Par ailleurs, je n’ai étudié que jusqu’au cours moyen
première année, puisque j’ai abandonné après être passé
au cours moyen deuxième année. Eh bien, le livre que je
te fais lire, j’ai commencé à l’écrire en faisant le signe de
la croix : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,
faites-moi écrire ce livre. » Je l’ai présenté en trois cha-
pitres. En lisant ce livre, tu dois te dire : c’est un fou.
Comment a-t-il fait pour écrire ces choses ? Et moi je me
déclare fou. Mais ce n’est pas le même genre de folie. Celui
qui est fou en Dieu, Dieu plaisante avec lui. Celui qui est
fou en Dieu reçoit les instructions de Dieu. Celui qui est
fou en Dieu, Dieu joue avec lui. »
Je m'adresse à sa fille : — Est-il vrai que ton père s’élève
au-dessus du sol ?
La fille : — Oui, c’est vrai.
— Combien de fois est-ce arrivé ?
— De nombreuses fois.
— Quelqu’un l’a photographié ?
— Oui, on a même des photos68.

67
J'entrais en lévitation.
68
Comme on a pu l’établir d'après les déclarations de nombreux témoins et d’après
les documents photographiques réunis, Domenico Masselli est l'un des rares
exemples de sujets qui connaissent le phénomène paranormal de la lévitation.
Je demande à Masselli : — Combien de fois as-tu eu des
lévitations dans ta vie ?
— Je ne sais pas, je ne sais pas. Je ne me souviens plus
très bien. Eux, il montre les personnes de sa famille, ils
me disent quand cela m’arrive, mais moi je ne m’en aper-
çois pas. Quand c’est fini, ils me disent aussi que je suis
tout pâle. j
Sa femme : — Il ne se rappelle pas qu’il s’est élevé (en
lévitation) puis qu’il est redescendu.
— Je ne m’aperçois pas quand je m’élève, jamais.
— Et ce que tu as ressenti ou vu « au-dessus », tu t’en
souviens ?
— Je me souviens de ce que la Sainte Vierge m’a fait dire.
Sa femme : — Tout de suite après, il ne se souvient pas.
C’est après que certaines choses lui reviennent. Il parle
avec la Sainte Vierge, et nous on écrit. Le chemin qu’il
parcourait pour aller au Ciel il le décrivait et nous on écri-
vait. Quelque chose de merveilleux, vraiment merveilleux.
— Dans mes livres, il y a dix-neuf « serments » : je parlais
et eux indiquant toujours les membres de sa famille, ils
écrivaient. En 1962, La Sainte Vierge me dit que j’allais
être mis à l’épreuve par le Seigneur ; Elle me dit textuel-
lement : Mon Fils, tu devras prêter serment devant le Sei-
gneur pour lui prouver ta fidélité. Ce fut une longue
épreuve, douloureuse et douce à la fois. Je sentis de dou-
loureuses épines, mais j’eus également des visions su-
blimes, je vis des fleurs jamais vues auparavant, telles
que des roses et des lys bleus au parfum enivrant, un
parfum qui n’a pas son égal sur terre. En cette lointaine
année 1962, au mois de janvier ou de février, je ne me
souviens plus exactement, mon corps revécut pendant au
moins dix-neuf nuits, dès minuit sonné et à la seule lueur
des bougies, et en présence des membres de ma famille et
de quelques-uns de mes premiers fidèles, l’expérience qui
est décrite au début du récit de mon premier voyage au
Ciel. Les épreuves étaient au nombre de dix-neuf, tout
comme les serments. Mais malheureusement seuls seize
d’entre eux ont été transcrits car la personne qui se trou-
vait à côté de moi, ne sachant pas ce qui se passait, pa-
ralysée par l’émotion voire même par la peur en voyant
que mon corps, qui paraissait mort, parlait et ressentait
les choses qu’il disait, ne put faire usage du papier et du
crayon, et à cette personne, étant donné le caractère peu
commun de cette expérience et l’état d’âme particulier
qu’elle exigeait.
Sur ces mots, Domenico Masselli ouvre sur la table dres-
sée pour le repas le livre des serments, que je feuillette et
dont je lis quelques passages.
Le « serment » y apparaît comme la description que fait
l’extatique de ce qu’il est en train de voir et de ressentir.
C’est un récit en vers, simple, dicté par l’émotion et tout
empreint de cette dernière.
Le récit reproduit le ravissement des sens et fait notam-
ment allusion par métaphores au phénomène de la lévi-
tation dont Masselli a tant de fois été le protagoniste.
Dans le « serment » qui suit, l’aventure est encore plus
grande : un voyage dans le ciel comme seuls les sorciers
primitifs peuvent en accomplir et dont le but est la con-
naissance et le prix à payer, la lutte.

5e Serment

Je voudrais être un guerrier


Et partout je voudrais lutter
Pour remporter des victoires
Et accéder à l’éternelle gloire.
Le pèlerin se met en route
Il voyage le cœur content
Il chemine doucement
Pour se rendre au serment.
À mi-chemin suis arrivé
Dans une telle obscurité
Personne ne m’a arrêté
Pour aller à l’éternité.
Je marche sur ce sentier
Les épines me piquent les pieds
Bientôt je répondrai présent
En arrivant à mon régiment.
Déjà l’air est parfumé
Tout de lys et de roses
Très bientôt j’atteindrai
La terre où l’on se repose.
Je suis déjà arrivé
Une multitude d’angelets
Attendent et s’apprêtent
À emboucher leurs trompettes.
Le pèlerin qui s’en va
Entend les trompettes sonner
Ils nous sont si affectionnés
Retournons à notre monde ingrat.
Le pèlerin redescend
Il redescend tout content
Car il a prêté maintenant
Le cinquième serment.

Sa femme : — Une fois, Domenico a écrit une lettre en


araméen, grâce à la Sainte Vierge.
— Un soir, en présence de milliers de personnes, c'était
un vendredi, la Sainte Vierge me dit : « Prépare un crayon,
du papier et écris. »
Quand je vois la Sainte Vierge, je suis généralement à ge-
noux. Je me levai et je préparai papier et crayon, puis
j’attendai ce qu’elle allait me dire. « Tourne la tête et écris.
» « Si je tourne la tête, je ne peux plus écrire. » « Tourne la
tête et écris. » Les gens au-dessus regardaient. « Tourne-
toi vers la fenêtre. » Ma main droite écrivait toute seule.
Je sentais que quelqu’un me tenait le poignet. Et tous,
au-dessus de mon épaule, regardaient, suivant des yeux
ma main qui avançait. Mais, à la fin, l’écriture n’était plus
lisible.
— La langue dans laquelle tu as écrit a-t-elle été confir-
mée ?
— Oui, par un professeur spécialiste des langues. Si tu
veux, je vais te lire la version italienne de ce message du
18 février 1972 écrit de ma main, sous la conduite de la
Sainte Vierge, en dialecte de Petah (Palestine) et destiné
au Pape Paul VI.
— Oui, lis-moi le message.
— « Je vais moi-même de par le monde convaincre l’hu-
manité. Pensez-y, mes enfants, ce n’est qu’avec la prière
et la pénitence que l’on pourra sauver l’humanité de
l’autodestruction.
O vous qui êtes le Pape, le Seigneur Dieu châtiera bientôt
le monde. Le châtiment sera matériel. La cause de ma
tristesse est que de nombreux prêtres sont sur la voie de
la perdition.
O mon fils, dis au Pape que la Sainte Vierge ne peut plus
retenir le bras de son Fils, trop offensé. Si le monde ne
fait pas pénitence, le châtiment viendra bientôt.
Il se produira dans le Ciel une grande chose inattendue
qui causera beaucoup d'épouvante, quelque chose qui ap-
paraîtra en tournoyant au milieu d’un nuage rouge, des-
cendra du Ciel à grande vitesse, tournera autour de la
terre à plusieurs reprises, traversera l’atmosphère et des-
cendra vers la terre en survolant les mers, les montagnes
et les villes, et qui partout où elle passera provoquera de
grands désastres de toutes sortes.
Prie le Pape pour que de nombreuses prières soient réci-
tées dans les églises, dans les maisons, sur les routes, sur
les lieux de travail et partout où l'on se trouve.
Si tout le monde croit en Dieu, les scandales de toutes
sortes cesseront.
Le Seigneur promet que le châtiment sera plus doux, au-
trement il sera sévère.
Priez. »
— Combien de fois la Vierge a-t-elle parlé de l’éventualité
d’une semblable catastrophe ?
— Lis ici :
« 13 novembre 1970
O mon fils, viendra le temps des temps et la fin de toutes
les fins. Si l’humanité ne se convertit pas, les grands et
les puissants périront en même temps que les petits et les
faibles.
Même pour l’Église viendra le temps de ses plus grandes
épreuves : les Cardinaux s’opposeront aux Cardinaux, les
Évêques aux Évêques. Satan marchera dans leurs rangs.
Une grande guerre se déclenchera dans la seconde moitié
du XXe siècle.
La fumée et le feu tomberont du Ciel, les eaux des océans
se transformeront en vapeur et l’écume se soulèvera, em-
portant tout sur son passage.
Des millions et des millions de personnes périront au fil
des heures et ceux qui resteront en vie envieront les
morts.
De toutes parts ce ne sera qu’angoisse et misère dans
tous les pays. Vois-tu, mon fils, le temps approche et
l’abîme se creuse sans espoir. »
Et lis encore ceci :
«17 juillet 1970
O mon fils, notre Père des Cieux châtiera bientôt le
monde.
Encore une fois la tristesse est revenue en moi pour in-
troduire l’épée dans mon cœur.
De nombreuses nations seront rayées de la carte. Il est
encore temps d’empêcher le châtiment du Ciel, pour cela
vous devez faire encore beaucoup pénitence.
Le dernier remède que je vous conseille c’est de réciter le
Rosaire. Je fais en ce moment de nombreuses apparitions
sur cette terre et je regarde toute l’humanité victime de
tant de châtiments. Un grand châtiment fondra égale-
ment sur le genre humain, dans peu de temps. O mon
fils, ces paroles je les ai prononcées lors de toutes mes
apparitions, là où je descends, dans tous les coins de la
terre. »

Des lettres adressées à la Vierge

La religieuse : Il y a un « appel » pour la Sainte Vierge.


Et elle tend une envoloppe affranchie à Domenico.
Je dis : De quoi s’agit-il ?
La religieuse : C’est une demande adressée à la Sainte
Vierge. L’intéressé l’écrit sur un petit billet qu’il introduit
dans une enveloppe timbrée. Ces enveloppes qui contien-
nent les « appels » sont déposées sur l’autel de l’Oratoire.
Lorsque Domenico s’agenouille et commence son dialogue
avec la Sainte Vierge, il demande la réponse à chaque
question posée sans avoir lu celle-ci. Domenico écrit au
fur et à mesure ce que lui dicte la Sainte Vierge au dos de
chaque feuillet et ce qu’il écrit correspond naturellement
à la question posée.
Je demande : À quoi sert le timbre ?
La religieuse : À expédier la lettre de ceux qui ne se trou-
vent pas dans l’Oratoire à ce moment-là et de ceux qui ne
sont pas de Stornarella.
Moi : Je voudrais moi aussi faire un « appel », mais je n’ai
ni enveloppe ni timbre.
La sœur : Je peux vous donner enveloppe et timbre car
j’en ai toujours une réserve dans ma poche.
Domenico Masselli : Quand les personnes écoutent les ré-
ponses que leur donne la Sainte Vierge, elles s’en trouvent
bien. Quand elles ne les écoutent pas et ne suivent pas
les conseils de la Sainte Vierge, elles vont mal. Par
exemple, en ce qui concerne toutes ces interventions chi-
rurgicales, la Sainte Vierge n’est pas d’accord, elle dit que
ces interventions vont mal se terminer. Mais dans cer-
tains cas elle dit : « Va, car je veillerai sur toi. » Certaines
opérations difficiles ont ainsi parfaitement réussi.
Alors qu’il est en train de parler, je trouve un bout de pa-
pier dans mon sac et, intriguée par la pratique des « ap-
pels », j’écris moi aussi ma question.
C’est une interrogation qui s’est fait jour dans mon esprit
à la suite des prophéties relatives à un avenir proche pour
Domenico Masselli, qui se dit le porte-parole de la Sainte
Vierge, vient à peine de me lire d’après son livre intitulé «
Messages et Serments ».
Voici mon « appel » à la Vierge, dis-je en déposant sur la
table, où se trouvent encore la soupe de fèves et le vin, la
lettre que j’ai glissée dans l’enveloppe que m’a donnée la
sœur et affranchie.
À qui dois-je l’adresser ?
— Mettez : « À la très chère Maman du Ciel. » Ou, simple-
ment : « À la Maman du Ciel. » Et inscrivez votre adresse
au dos.
L’enveloppe reste là, comme sur l’autel de l’Oratoire.
La religieuse : Nous l’apporterons avec les autres lettres à
l’Oratoire, nous la mettrons sur l’autel et, après avoir reçu
la réponse, nous l’expédierons à Rome, à ton adresse.
Masselli, qui n’a pas bougé de sa place, en bout de table,
d’où il peut, dominant son auditoire, parler ou se taire et
se concentrer sans jamais perdre le contrôle de celui-ci,
et où il a toutes choses à portée de main comme le prêtre
quand il célèbre la messe — prend le livre des Messages
et des Serments et l’ouvre au hasard, suivant une tech-
nique en usage dans la religion ancienne mais également
chez les voyants, les mystiques et les devins du monde
entier. Il lit :
« Nous avons à notre disposition deux moyens très effi-
caces : la prière et la pénitence ou sacrifice, mais le Dé-
mon fait tout pour nous en éloigner et pour nous enlever
le goût de la prière ».
Suit une longue pause au cours de laquelle Domenico
Masselli me regarde dans les yeux. Je le regarde moi aussi
dans les yeux. La question que j’ai écrite sur le bout de
papier : « Pourrons-nous nous sauver ou sommes-nous
damnés ? », semble destinée à ne pas recevoir une ré-
ponse explicite.
La « veillée » d’attente et de préparation touche mainte-
nant à sa fin. Il est quatre heures de l’après-midi et le
visionnaire referme le livre brusquement, maintenant
pendant quelques instants la paume de sa main sur ce-
lui-ci. Puis il se lève. C’est le moment de la cérémonie de
l’habillage. Il nous demande la permission de se retirer
dans sa chambre. Il est seul. Il fera tout par lui-même.
Un quart d’heure à vingt minutes plus tard, sa femme
ayant pendant ce temps débarrassé la table et nous-
mêmes ayant ramassé nos affaires, l’homme réapparaît,
habillé comme s’il allait à un mariage ou à un baptême :
les cheveux bien en ordre et brillants, le visage lisse, frais,
parfumé, il a des manières étudiées et élégantes et une
démarche fière bien qu’un peu raide, à cause de son pe-
sant costume bleu.
L’Oratoire, dédié à Sainte Marie du Rosaire et à San Ge-
rardo Maiella et construit par le Mouvement Marial
Laïque de Stornarella, est le monument par excellence du
protagoniste des événements mystiques de la région de
Foggia, dont les stigmates, les ravissements extatiques,
les visions et les bilocations ne sont pas que les effets na-
turels de la joie qu’il a éprouvée à rencontrer la Vierge.
L’« Oratoire » est la seule note moderne de Stornarella. Ce
monument au style efficace, construit non loin de la mai-
son de Masselli, n’est pas une simple chapelle ni la repro-
duction exacte d’une église. C’est un édifice complexe, gé-
néreux, marqué au sceau d’un solide bon sens.
L’Oratoire proprement dit est de dimensions spacieuses,
l’autel y est imposant ; il est éclairé par de grands vitraux
polychromes et abondamment décoré avec une certaine
recherche.
À ses côtés se tient l’ancien Oratoire, plus petit, auquel
ont été ajoutées d’autres salles, tant au rez-de-chaussée
qu'au premier étage. Ici on espère fonder un centre d’as-
sistance pour les orphelins et les enfants des familles
pauvres, et en attendant que ce rêve se réalise on conti-
nue de faire les travaux de maçonnerie.
L’ancien Oratoire est maintenant une salle d’attente pour
les visiteurs. Dans un angle, se trouve le confessionnal ou
« cellule » des mortifications physiques et mentales de Do-
menico Masselli. C'est ici qu'il entre pour faire pénitence
et c'est d'ici, de la partie supérieure, ouverte, qu’on l’a vu
tant de fois s'élever alors qu'il se sentait monter au ciel
après être tombé en extase sur terre.
Dans le petit cabinet où on accède à partir de cette salle,
Domenico reçoit les gens un par un, parle avec ceux qui
ont besoin d’un conseil, d’un appui, d’un réconfort.
Domenico et sa femme fournissent toutes sortes d’aides à
ceux qui souffrent physiquement ou moralement. Les ma-
lades sont soignés selon les méthodes de la médecine
mystique populaire qui consistent dans cette région à en-
duire les parties malades d’huile d'olive, à accomplir les
gestes rituels, à invoquer la Vierge et les Saints et à faire
réciter les prières par le guérisseur et par son malade.
Les moments de plus grande affluence du public coïnci-
dent avec les jours d'apparition de Marie Immaculée : les
trois premiers vendredis du mois. Dans le nouvel Oratoire
où les fidèles se réunissent entre six heures et sept heures
de l'après-midi, le Rosaire est récité à haute voix. Dome-
nico est seul près de l'autel. Il se met à genoux et prie lui
aussi mais sa voix se perd dans celles des autres. Et voici
que, devant la foule mais isolé de celle-ci tant il arrive à
s'en abstraire, il sourit à quelqu’un qui n’est apparem-
ment visible que par lui et qui ne parle — semble-t-il —
qu’à lui. Domenico acquiesce d’un signe de tête ou mur-
mure une réponse.
Il est toutefois arrivé plus d’une fois, comme l’ont rapporté
quelques journalistes, que les gens aient eux aussi vu la
Vierge Immaculée dans le nouvel Oratoire. Un dimanche
sept octobre (l’année n’est pas indiquée dans le document
qui est en notre possession), pendant ou après la sup-
plique adressée à la Madonne de Pompei, la Sainte Vierge
apparut à de nombreux fidèles d’une assistance compo-
sée de milliers de personnes venues des provinces de
Bari, de Caserte et d’autres grands centres de la région
des Pouilles et de la Campanie. À ce moment, « des per-
sonnes malades ont senti que leurs souffrances dimi-
nuaient et toutes ont vécu un grand moment mystique et
spirituel, particulièrement lorsqu’est apparue sur l’autel
une grande lumière faisant penser au paradis ». Maria
Visentini, de Caserte, affirme : « J’ai vu le visage de la
Sainte Vierge couronné de fleurs et d’une resplendissante
lumière, et ce pendant près de trente secondes. » Maria
Gerundina, étudiante de Barletta, confirme ces dires en
ajoutant que « la couronne que tenait la Sainte Vierge
entre ses mains était elle aussi lumineuse comme le so-
leil. » Le document indique également que ces faits sont
confirmés par la Signora Geltrude de Caserte, « alors
qu’une autre dame à côté, de la même ville qu’elle, a senti
quelque chose lui traverser le corps et s’est sentie soula-
gée du mal chronique et incurable dont elle était atteinte.
Poussée par sa foi, elle s’efforçait de se remettre à mar-
cher, ce qu’elle n’avait pu faire jusqu’alors ». Un certain
Saverio Malena, ouvrier aux papeteries de Foggia, raconte
qu’en invoquant la Sainte Vierge pendant son apparition,
il vit ses mains auréolées d’une grande lumière. Il était
atteint de déficience cardiaque et respiratoire et avait dû
faire plusieurs jours à l’Hôpital d’Avanzo de Foggia. Il va
maintenant beaucoup mieux.
Mais l’histoire de Domenico Masselli n'est pas seulement
une longue expérience de contacts avec la Vierge, suivie
de prosélytisme. Ce sont aussi les contestations qui ont
été suscitées par l’incrédulité de personnes sans foi et
sans Dieu. Le fort tempéramment du paysan des Pouilles
n’en a toutefois pas été entamé, pas plus que sa vocation
de mystique.

4. 1949-1964 : Elena Aiello, une « Sainte


religieuse » vivant d'extraordinaires prodiges

Stigmates et don des langues — Le phénomène


des voix — Des hurlements inhumains — Vivre
sans nourriture — Le Bain de sang purificateur —
Famines et catastrophes naturelles — La Russie
envahira l’Europe — Pire que le déluge — Le Rhin
plein de cadavres et de sang.

Le quotidien romain « Il Messaggero » du 12 mai 1954 pu-


blia l’article suivant sous la signature de Nino Longo-
bardi:
Un « phénomène » inexpliqué dans un quartier de Co-
senza.
LA « MONACA SANTA » (la sainte religieuse ) PERD SON
SANG ET PARLE DES LANGUES ANCIENNES AVEC DIX
VOIX DIFFÉRENTES.
Depuis trente-deux ans, tous les premiers vendredis du
mois, Elena Aiello, religieuse de l'institution Santa Te-
resa, voit son sang perler en fines gouttes sur son front,
ses yeux, ses mains, ses côtés, ses genoux et ses pieds et
s’exprime dans des langues anciennes et modernes qui
lui sont inconnues.
« Tous les premiers vendredis du mois, un service d’ordre
est placé à la grille de l’institution Santa Teresa qui se
trouve dans la partie haute de Cosenza, à proximité d’un
ancien quartier médiéval dit de la « Carruba ».
Douze fois par an, deux agents viennent se poster de bon
matin sous les fenêtres de l’institution qui surplombe la
vallée de Rovito au fond de laquelle furent fusillés les
frères Bandiera, deux héros du Risorgimento. Les agents
ont ordre de ne laisser pénétrer aucun étranger pendant
tout le temps que dure le phénomène, d’éloigner les cu-
rieux et d’interdire toute manifestation, qu’il s’agisse de
rassemblements ou du dépôt de bougies votives le long
du petit mur qui entoure le bâtiment.
Le « Phénomène » dure parfois une journée entière, parfois
quelques heures seulement. Pendant ses « crises », la re-
ligieuse parle en hébreu, en araméen ou en grec ancien
avec des intonations qui changent de minute en minute
et qui souvent donnent un timbre de voix masculin,
proche de celui d’une basse.
D’autres prodiges se manifestent pendant le phénomène
et lorsque les convulsions qui secouent tout son être sem-
blent se calmer pour quelques instants, la religieuse dé-
crit sa rencontre avec la Vierge et fait une sorte de récit
très détaillé de ce qu’il lui arrive de voir et de ressentir
dans l’univers où elle affirme être transportée.
Une fois par an, le jour du Vendredi Saint, la « crise » revêt
un caractère particulièrement violent et la religieuse en
sort complètement épuisée, demeurant dans une demi-
inconscience jusqu'au lundi suivant.
À l’occasion du dernier Vendredi Saint, plusieurs méde-
cins ont pu assister à la manifestation de cet extraordi-
naire phénomène. Pendant la « crise », la religieuse
s’écria : « La Vierge a ordonné au Christ de me mettre la
couronne d’épines ! » et aussitôt le sang jaillit de la tête
de la religieuse, tout particulièrement de son front, dessi-
nant sur les murs de la petite pièce du second étage de
grosses taches rouges dont certaines étaient en forme de
croix.
Après ces « exsudations », le corps de la religieuse ne pré-
sente aucune trace de plaies, si ce n’est les cicatrices des
mains qui apparaissent, tout de suite après, parfaitement
refermées : ce sont les stigmates que la religieuse re-
couvre de deux bandes noires de manière à conserver
l’usage de ses doigts.
Depuis des années, la stigmatisée ne reçoit plus que
quelques très rares visites. Si elle le souhaitait, les grilles
de l’institution, desquelles la police éloigne les fidèles, de-
viendraient un lieu de pèlerinage tout comme celles qui
mènent au Padre Pio.
Mais la religieuse a décidé de vivre dans la solitude entre
les quatre murs de cette petite pièce où flotte le mystère
de faits inexpliqués.
Elena Aiello est née dans un petit village de la province de
Cosenza, Montalto Uffugo, où son image est vénérée de-
puis des années déjà comme celle d’une Sainte.
Son sang coula pour la première fois au printemps de
1922. Elle venait tout juste de prononcer ses vœux.
C’était un vendredi, par une journée très chaude, et la
jeune fille se trouvait dans la maison paternelle quand
elle « fut plongée dans un état mystique en tout point sem-
blable à celui de la transe ».
C’est sa mère qui la trouva évanouie, son habit de reli-
gieuse taché de sang, dans un coin du jardin où Elena
cueillait des fleurs pour les porter à l’église.
Lorsque finalement la religieuse revint à elle, elle de-
manda à ceux qui l’entouraient : « Qu’est-ce qui m’est ar-
rivé ? » Puis elle regarda ses mains et, tombant à genoux,
elle s'écria : « Les stigmates ! » en montrant les cicatrices
en forme de croix qui étaient mystérieusement apparues
pendant la « crise ».
Depuis, tous les premiers vendredis du mois, elle verse
son sang et parle dans des langues anciennes. Il ne man-
qua pas au début de sceptiques, de « Saint-Thomas », cer-
tains allant même jusqu’à tremper les mains dans le sang
jaillissant à flots du corps de la stigmatisée pour le faire
ensuite analyser plusieurs fois craignant qu’il ne s’agisse
d’une « supercherie, réalisée à l’aide de peinture rouge ».
Des médecins de renom et de hauts dignitaires de l’Église
sont repartis de Cosenza convaincus après avoir assisté
à ce phénomène extraordinaire qui a suscité une polé-
mique non encore apaisée.
Depuis des années, la religieuse n’absorbe aucun aliment
solide et se nourrit uniquement de quelques gouttes de
lait et de sirop d’orgeat, ressemblant beaucoup en cela à
une autre religieuse, Sœur Thérèse Neuman, qui depuis
une vingtaine d’années en Bavière se refuse à avaler
quelque aliment que ce soit.
Même à l’état normal, la voix de la religieuse de Cosenza
connaît des variations de ton et d’intensité, ce phénomène
s’accentuant pendant les « crises », au cours desquelles il
semble qu’il y ait dans la pièce « non pas une, mais au
moins dix personnes différentes dans un seul et même
corps ».
Il ne m’a pas été facile de me faire recevoir par la sainte
religieuse.
Une jeune sœur de l’institution Santa Teresa m’a accom-
pagné jusqu’à la petite pièce aux fenêtres munies de bar-
reaux dans laquelle flotte une odeur de sacristie et de
couloir d’hôpital.
Celle qui constitue un « cas inexpliqué », probablement
destiné à demeurer tel, me reçoit au lit ; elle est allongée
sur le dos dans la pénombre et sa tête qui repose sur deux
oreillers est couverte d’un voile noir.
De même qu’au premier abord le Padre Pio ressemble à
un bon paysan des Pouilles, de même la religieuse de Co-
senza me fait penser à l’une de ces femmes calabraises
dont, passé la quarantaine, on ne peut plus définir ni le
visage ni l’âge.
Sur le drap blanc de ce lit haut comme un catafalque,
deux taches noires. Ce sont les bandes qui recouvrent les
mains de la religieuse et sous lesquelles j’ai vu les « stig-
mates ». Dans le bas du mur, à côté de son lit, on aperçoit
du sang séché depuis peu.
C'est celui du dernier Vendredi Saint.
« Diabolicum est ! » s’était exclamé un évêque en se sau-
vant de cette pièce où il avait assisté au phénomène.
« C'est une Sainte ! » avait déclaré en privé un autre prélat.
« C'est inexplicable ! » devait conclure dans son rapport
de quatre-vingt-quatre pages un médecin allemand qui
était demeuré sur place, à Cosenza, pour assister quatre
fois de suite au phénomène.
La « Sainte » me fait signe de m'asseoir sur un fauteuil
près de son lit et commence à me parler de ses activités.
Elle a fondé l'Ordre des Sœurs Minimes de la Passion qui
se consacrent à l'éducation de quelque deux cents enfants
trouvés, pensionnaires dans cette institution.
Elle me raconte d'une voix tranquille, posée, l'histoire de
cette fillette abandonnée de Cosenza qui fut recueillie par
l'institution après que des « gens sans scrupules » l'aient
vendue à un vieillard pour quinze lires... lorsque tout à
coup sa petite voix aigre change de tonalité et se trans-
forme en une profonde voix de basse, une voix tout à fait
masculine. Il me semble entendre un homme me parler
du fond d'une caverne et non pas une aimable petite
vieille du fond de son lit.
« Ma sœur — lui dis-je — vous êtes-vous aperçue que
votre voix a changé ? »
— « Ne faites pas attention, répond-elle, cela m'arrive sou-
vent. »
Elle change également de conversation et, après avoir
marqué quelque hésitation, elle commence à me parler du
« phénomène ».
« Tous les premiers vendredis du mois, une force supé-
rieure m'appelle à une vie meilleure et toute de pureté, et
je me rends alors loin de ce monde de plus en plus cor-
rompu.
Cela m'arrive parfois la nuit, tout de suite après minuit,
quand le premier vendredi du mois vient tout juste de
commencer. D'autres fois c'est en plein jour. Je ressens
tout d'abord un léger vertige, puis je perds connaissance
et le sang commence à couler de mon corps.
Alors je crie très fort car c’est la Vierge qui le veut. Je vois
le Christ et je Lui parle dans les langues des anciens
textes sacrés, dont les hommes ne savent rien ou presque
rien. »
La religieuse s’interrompt. Parler représente pour elle un
effort et il me semble qu'elle préfère ne plus parler car,
lorsque le ton de sa voix se modifie, elle est la première à
en être effrayée.
Elle est très malade, épuisée par la répétition périodique
de ce prodige, et elle souhaite passer le temps qui lui reste
à vivre seule dans cette petite pièce entourée de son mys-
tère, au milieu d’images pieuses et de son sang dont les
murs sont maculés. Sur sa table de nuit, elle a à portée
de sa main une petite sonnette en argent. Lorsque celle-
ci tinte trois fois, c'est le signe que la « Sainte » ressent les
symptômes de la « crise » imminente.
Juste en face de la cellule de la religieuse se trouve le dor-
toir des pensionnaires auxquelles elle se consacre toutes
les fois qu'elle en a la force, entre chaque prodige, accom-
plissant une remarquable œuvre d’apostolat.
Lorsque le « phénomène » se produit de nuit, la sœur âgée
qui s’occupe de la « Sainte » se précipite pour fermer la
porte du dortoir à clé. Mais ceci n’empêche pas les fil-
lettes, recroquevillées sous leurs couvertures, d’entendre
les cris, les râles et les mots inconnus qui proviennent de
la pièce de la Mère Supérieure dont les gémissements em-
plissent tout l’établissement.
On dit aux enfants que « Mère Elena est malade », et elles
retiennent leur souffle. Réveillées dans le cœur de la nuit
par des hurlements qui n’ont plus rien d’humain, elles
attendent avec impatience que les fenêtres laissent filtrer
les premières lueurs de l’aube.
Nino Longobardi. La Sœur Elena Aiello, surnommée la «
sainte religieuse » eut un grand nombre de révélations
qu’elle consigna par écrit à la demande de la Vierge.
1949 :
« L’homme s’est rebellé contre Dieu, il y a une épidémie
d’immoralité qui conduira le monde à la ruine et à la
mort, non seulement pour les adultes mais aussi pour
les enfants... Le relent de leurs vices est monté jusqu’à
Moi... que d’impureté. »
1950 :
« Quand dans le ciel apparaîtra un Signe extraordinaire,
que les hommes sachent que le châtiment qui doit
s’abattre sur le monde est proche. »
1952 :
« Le péché d’impureté est devenu instrument de séduc-
tion diabolique : la plupart des hommes vivent dans la
boue. »
1954 :
« Le monde sombre dans une immense corruption...
Les gouvernants sont devenus de véritables démons in-
carnés, et alors qu’ils parlent de paix, ils préparent les
armes les plus meurtrières... pour détruire Peuples et Na-
tions... La corruption de la jeunesse a dépassé toutes les
limites et la recherche effrénée des plaisirs de la Terre a
dégradé l’Esprit... Mais le châtiment est proche et les Té-
nèbres s’avancent. Le Troupeau va se disperser. De nom-
breux signes jamais vus viendront avertir les hommes que
la mesure est comble. »
1955 :
« Ceux qui gouvernent les peuples s’agitent et parlent
de paix, mais le monde entier connaîtra la guerre et
toute l’humanité sera plongée dans la tristesse, car la
Justice de Dieu ne tardera pas à suivre son cours, et les
événements sont proches !...
La Justice de Dieu menace le monde et l’humanité,
souillée par la boue, sera lavée dans son propre sang
par les maladies, la famine... Le monde sera affligé de
grandes calamités, de sanglantes révolutions, de vio-
lents tremblements de terre, de grandes famines,
d’épidémies et d’effroyables ouragans.
Si les hommes ne voient pas dans ces fléaux les Appels
de la MISÉRICORDE Divine et ne retournent pas à DIEU
par une vie véritablement chrétienne... le monde sera
ravagé par une nouvelle et terrible Guerre... Les armes
les plus meurtrières détruiront les peuples et les na-
tions... L’heure du terrible abandon est proche... La
Russie marchera sur toutes les nations d’Europe, en
particulier sur l'Italie, et hissera son drapeau sur la cou-
pole de Saint Pierre... Il y aura de terribles bouleverse-
ments sur toute la Terre, car les hommes ont perdu le
chemin de DIEU...
1955 :
« Le monde est devenu une vaste tombe remplie de
morts et de mourants : l’innocence des enfants est me-
nacée ; la jeunesse est perdue par le scandale et le dé-
sordre de la vie conjugale... »
1956 :
« L’heure est grave. Le monde est tout bouleversé car il
est dans une situation pire qu’au temps du Déluge...
Toutes les nations seront punies, car nombreux sont les
péchés qui, tels un océan de boue, ont recouvert la
Terre. Les Forces du Mal sont prêtes à se déchaîner
dans toutes les parties du monde : j’ai depuis long-
temps averti les hommes de diverses manières. Les
gouvernants... sont conscients du très grave danger
mais ils ne veulent pas reconnaître que, pour éviter le
châtiment, il est nécessaire de faire retrouver à la so-
ciété une vie véritablement chrétienne... »
1958 :
« Ceux qui gouvernent les peuples ne veulent pas de la
lumière de DIEU ; parmi ceux-ci figurent ceux de l’Italie,
qui se servent de Mon Nom et de celui de Mon Fils Jé-
sus, qui disent être “chrétiens” mais sont contre les lois
de l’Évangile... »
1960 :
« Avec ses armes secrètes (y compris celles qu’elle dis-
simule sous les mers), la Russie combattra l’Amérique,
mettra l’Europe en déroute, et l’on verra tout particu-
lièrement le Rhin plein de cadavres et de sang. » 1964 :
« Le monde est tombé trop bas, il a besoin de châti-
ments, de fléaux, pour être purifié. Les hommes ne re-
connaissent plus leur DIEU : leur dieu à eux c’est le pé-
ché, le plaisir, la malhonnêteté... »

5. 1961 : Garabandal, la Vierge et l’Archange Saint


Michel

Quatre filles voient l’Archange Saint Michel — La


Vierge entourée de deux anges — Un œil au centre
d'un triangle — La coupe est déjà presque pleine
— La révélation d’un secret — L'Ange qui donne la
Sainte Communion — Le « petit miracle » de l’hostie
— Un miracle divin vu par le monde entier — Un
châtiment pire que tous les feux — La condamna-
tion des Evêques, suivie de morts et d’événements
étranges. — Les Anges, messagers de la Sainte
Vierge — Miracles, avertissements et châtiments
annoncés — « Auparavant la coupe se remplissait,
maintenant elle est en train de déborder. »

San Sébastian de Garabandal est un village de la chaîne


des monts Cantabriques. Adossé au flanc de la montagne,
à 600 mètres d’altitude, il est situé dans la province de
Santander ; 90 km le séparent du chef-lieu de la province.
Il y a une vingtaine d’années il était habité par quelque
soixante-dix familles tout au plus. Pour y arriver, il fallait
(et peut-être faut-il encore à l’heure où nous écrivons ces
lignes) grimper un sentier pierreux et, selon la saison,
parfois boueux.
C’est dans ce lieu si isolé du reste du monde que le 18
juin 1961, un dimanche après-midi, quatre fillettes occu-
pées à jouer furent surprises par une vision. Trois d’entre
elles, Conchita, Maria Dolores, dite Loli, et Giacinta,
avaient à l’époque douze ans. Maria Cruz en avait onze.
Elles n’étaient pas parentes, bien que Conchita, Giacinta
et Maria Cruz aient porté le même nom de famille, Gon-
zalez. Maria Dolores s’appelait Mazon.
Pour jouer, le petit groupe s’était rendu près du jardin du
maître d’école dans lequel se trouvait un pommier, avec
l’intention de dérober quelques fruits. En effet, Conchita
et Maria Cruz réussirent à remplir plusieurs paniers en
cachette mais elles prirent la fuite en même temps que
leurs compagnes après avoir entendu la voix du maître
d’école qui, de chez lui, disait à sa femme :
— Va dans le jardin et chasse les abeilles qui sont encore
revenues sur mon pommier !
Sur la route qui mène vers la zone dite « Les Pins », les
fillettes goûtèrent quelques pommes mais éprouvèrent
aussi un peu de remords. Ce fut à ce moment qu’elles
entendirent un bruit très fort, un bruit de tonnerre qui
les surprit et accentua leur nervosité. Elles pensèrent
qu’il allait pleuvoir. Il faisait nuit, il était environ huit
heures et demie du soir. Alors, pour calmer leur angoisse,
elles commencèrent à se raconter des histoires mi-drôles
mi-sérieuses. Le vol des pommes avait sûrement fait pleu-
rer leur bon ange gardien, disaient-elles, mais avait dû
faire plaisir au démon. Conchita eut une idée.
— Jetons-lui des pierres.
Et ramassant des cailloux sur la route, elles commencè-
rent à les jeter vers la gauche, là où elles pensaient que
devait se trouver le démon, les lançant en réalité dans le
vide mais « de toutes leurs forces ».
Quelques minutes seulement après ce jet de pierres dans
le vide, une d’entre elles s’immobilisa tout d’abord sur
place avec une expression de concentration et de ravisse-
ment, le regard fixé sur un point droit devant elle, puis
s’exclama :
— Là, là.
Devant les yeux de Conchita Gonzales, la première à avoir
vu quelque chose sur la route qui s’étendait devant elles,
était apparue « une figure très belle, enveloppée d’une
splendide lumière qui ne fait cependant pas mal aux
yeux.69 »
Regardant toutes les trois ensembles dans la direction
que leur avait indiquée Conchita, ses compagnes, s’excla-
mèrent à leur tour :
— L’Ange.
Nous ne savons pas combien de temps a duré leur « ra-
vissement ».
Aux premiers curieux comme aux nombreuses personnes
qui ont successivement étudié 1’« affaire Garabandal »,
elles n’ont pu que rapporter qu’au cours de cette première
apparition l’Ange était resté muet et avait ensuite « dis-
paru dans l’air70 ».

69
Extrait du Journal intime de Conchita Gonzales, cité par Francisco Sanchez-Ven-
tura y Pascual, Las appariciones en el Palmar de Trova, Rome-Athènes, 1967.
70
Ibid.
Le récit de cette aventure extraordinaire ne pouvait man-
quer de se répandre immédiatement parmi les habitants
du petit village de Garabandal. La perplexité avait suc-
cédé à la curiosité mais les fillettes adoptèrent face à cela
une attitude très réservée. Elles eurent en effet recours à
des subterfuges pour faire en sorte que l’expérience ex-
traordinaire se répète.
Le 20 juin, arrivées les unes par la route, les autres à
travers champs au lieu de la première apparition, elles
attendirent à genoux et en priant l'arrivée de l’Ange. Mais
l’attente semblait vaine. « Nous nous sommes levées pour
retourner au village », racontera Conchité, « et là nous
avons aperçu une lumière éclatante qui nous barrait la
route. Nous avons poussé des cris de frayeur ».
La lumière disparut, les laissant tout émerveillées, en ex-
tase, heureuses.
Il n’y avait plus lieu d’être réticent quant à l’aventure qui
arrivait aux fillettes, lesquelles, après les premières réac-
tions de scepticisme, se remirent à parler de leurs visions,
ce qui eut pour effet d’attirer les foules.
Le 23 juin devant un nombreux public de fidèles accourus
également des autres villages, l’Ange se présenta de nou-
veau à Conchita, à Maria Dolores, à Giacinta et à Maria
Cruz. Il était environ neuf heures et demie du soir. Lors-
que leur extase prit fin, les Gardes civils accompagnèrent
les visionnaires jusqu’à la sacristie où le curé les attendait
pour les soumettre à un long et minutieux interrogatoire.
Ce n’est qu’après examen des déclarations qu’elles
avaient faites que le curé, le Père Valentino, sortit la nuit
même de la sacristie et révéla, sur le parvis :
— Je les ai interrogées ensemble mais aussi séparément.
Les fillettes ne se contredisent pas. Il apparaît évident,
d’après leurs déclarations, qu’elles voient quelque chose
qui n’est pas de ce monde.
Samedi 24 juin : sur les lieux où l’Ange est apparu, la
foule est si nombreuse que l’on a jugé bon de construire
une enceinte de forme carrée pour protéger les vision-
naires en dressant des barrières tout le long du périmètre
afin qu’elles soient hors de portée des curieux et à l’abri
des chocs accidentels.
Soudain l’Ange apparut : la « lumière » foudroya les fil-
lettes dès qu’elles arrivèrent à l’endroit et avec elle appa-
rut le messager du Ciel. Une inscription se dessina égale-
ment dans le ciel mais les petites visionnaires ne réussi-
rent pas à la déchiffrer car elle était en caractère romain.
Elles demandèrent à l’Ange ce que voulait dire cette ins-
cription. Mais II ne répondit pas.
La stupeur, l'intérêt et l’effervescence allant croissants
dans la région, le sentiment se développait également de
l’attente de quelque chose d’encore plus important.
Le 1er juillet, au milieu de la population se trouvaient éga-
lement à Garabandal des représentants de différents
corps et en particulier de celui des médecins, venus de
différentes localités aux côtés des prêtres. Il faisait encore
jour ; il était dix-neuf heures trente lorsque l’Ange se ma-
nifesta. Les fillettes entrèrent tout de suite en extase. Le
temps passa très rapidement. Il leur sembla que l’appari-
tion avait duré quelques instants alors que de l’avis du
public elle se prolongea pendant deux heures. Dans ce
laps de temps évalué de manière différente, la figure cé-
leste dit aux petites visionnaires qu’il était l'Archange
Saint Michel et, ayant dit cela, il leur fit une révélation
encore plus importante : le lendemain, dimanche 2 juillet,
il accompagnerait lui-même la Vierge. Elle allait appa-
raître sous le nom de « Vierge du Carmel ».
Ce fut alors jusqu’au lendemain une attente fiévreuse
pour les visionnaires mais également pour tous les habi-
tants de la province montagneuse de Santander et des
villages entourant Garabandal.
Le dimanche matin, la messe célébrée avec une solennité
toute particulière se ressentit de cette tension de l’attente.
Aussitôt après le déjeuner, à trois heures de l’après-midi,
on commença, toujours dans l'église, à réciter le chapelet
avec une très vive émotion.
Lorsque la prière prit fin, les fillettes décidèrent de se
rendre à pied à la rencontre des frères de Conchita qui
revenaient de voyage. Elles se mirent donc en marche en
direction de Cosio, sans doute pour tromper une attente
insupportable. Mais après avoir parcouru un peu de che-
min, elles trouvèrent devant elles une multitude de per-
sonnes qui leur barraient le passage. Tous ces gens se
rendaient à Garabandal pour assister à l’apparition de ce
dimanche 2 juillet. Ayant reconnu les visionnaires dont
les photos étaient désormais connues de tous, ils s’élan-
cèrent vers elles, certains les assaillant de questions,
d'autres les photographiant, d’autres encore leur remet-
tant de force des chapelets afin qu’ils soient bénis par la
Sainte Vierge. On voulait également à tout prix leur offrir
des bonbons.
L’agitation était telle quelle vint à être sue au village.
Un garçon partit à cheval de Garabandal pour ramener
les fillettes. Heureusement, une jeep passa peu après et,
le sentier étant envahi par les gens, son conducteur fut
forcé de s'arrêter. Se rendant compte de la situation, il
invita les fillettes à se dépêcher de monter dans son véhi-
cule et il les reconduisit saines et sauves au village.
À six heures, quand arriva le moment de prendre la direc-
tion de la zone des « Pins », il y avait affluence à Garaban-
dal. Parmi ceux qui s'intéressaient à l’étude du phéno-
mène, les médecins figuraient en bonne place. L’Église
était représentée par onze prêtres venus là d’eux-mêmes
ou, comme on peut facilement l’imaginer, envoyés par
leurs supérieurs afin de fournir un rapport précis et cir-
constancié sur les faits.
Les fillettes se dirigeaient déjà vers 1’« enceinte », la zone
protégée par des barrières, quand, n’ayant pas encore pé-
nétré à l’intérieur, elles virent se présenter à elles la
Sainte Vierge accompagnée de deux Anges.
Elles entrèrent aussitôt en extase. On connaîtra les dé-
tails de leurs visions à travers les comptes rendus suc-
cessifs qu’elles en feront oralement et par écrit.
Les visionnaires reconnurent tout de suite dans l’un des
Anges l’Archange Saint Michel. Elles ne connaissaient pas
l’autre. Mais tous les deux avaient le même aspect et des
vêtements identiques, « comme des jumeaux ».
La vision était cependant encore plus riche. Elle compor-
tait également un tableau flamboyant qui se trouvait à la
droite de la Vierge et duquel se détachait une figure géo-
métrique, un triangle pour être précis. Au centre du
triangle était dessiné un œil.
Dans le triangle toujours figurait une inscription en ca-
ractères étranges, apparemment des caractères orien-
taux.
Les fillettes commencèrent à parler avec la Sainte Vierge.
Elles étaient visiblement en extase mais conservaient un
air naturel. L'assistance n’entendait pas les mots échan-
gés, ils furent rapportés par la suite. C’étaient des mots
simples : les fillettes parlèrent d’elles et de leur vie à la
Sainte Vierge ; « Nous lui disions que nous allions dans
les champs, que nous étions bronzées, que nous devions
entasser les foins... La Sainte Vierge riait des choses que
nous lui racontions »71.
En parlant de l’Archange Saint Michel, l’une des fillettes
fit une déclaration ingénue :
— J'ai un frère qui s’appelle Michel lui aussi, mais sans
le « saint ».
Ce fut au tour de ses compagnes de rire. Puis tout à coup,
si l’on en croit toujours le récit qui fut fait plus tard, l’at-
mosphère de la rencontre changea, tant par le ton du dia-
logue que par le genre de l’iconographie qui l’accompa-
gnait. La Vierge annonça en effet aux fillettes quelque
chose de grave :
— Le coupe est déjà presque pleine, dit-elle à voix basse.
Et les fillettes virent se dessiner dans l’air une grande

71
Extrait du Journal intime de Conchita Gonzales, op. cit.
coupe de laquelle débordaient des gouttes dont elles n’au-
raient su dire s’il s’agissait de larmes ou de sang.
Alors, tandis qu’une grande tristesse envahissait son vi-
sage, la Vierge commença à parler d’un grand châtiment
divin qui planait désormais sur l’humanité.
« Nous ne l’avions jamais vue aussi sérieuse », déclarera
Conchita. « Et en prononçant ces mots, “la coupe est déjà
presque pleine”, elle parlait d’une voix très basse. »
Après cette terrible annonce qui eut pour effet de commu-
niquer à celles qui l’entendirent la profonde tristesse affi-
chée par l’apparition, la Vierge commença à réciter les
prières du Rosaire en apprenant aux fillettes à prier len-
tement. Les ayant incitées à se joindre à Elle dans la
prière, Elle les laissa continuer seules, ne récitant plus
quant à elle que le Gloria Patri.
Le chœur des Ave Maria et des autres prières familières
cessa. Alors, devant le regard stupéfait et fasciné de Con-
chita, Maria Dolores, Giacinta et Maria Cruz, la Vierge
sembla s’apprêter à partir. Elle les quitta en effet « en se
volatilisant dans les airs ». Les fillettes la saluèrent en fai-
sant des signes de la main.
Au cours des jours qui suivirent, la vision fut amplement
commentée. C’est ainsi que lorsque se produisit l’appari-
tion du 29 juillet les consciences étaient en un certain
sens prêtes à accueillir le compte rendu d’une expérience
encore plus incroyable que les précédentes.
Le 29 juillet en effet, les quatre petites visionnaires de Ga-
rabandal entendirent de la Sainte Vierge les derniers dé-
tails du message qu’elles furent priées — toujours par la
Vierge — de ne pas divulguer avant le 18 octobre de cette
année-là, l’année 1961.
À un moment donné, les fillettes dirent à la foule qu’elle
devait s’éloigner, que c’est ce que souhaitait la Sainte
Vierge. La foule s’exécuta. Les rares personnes qui se
trouvaient encore à côté d’elles virent les fillettes, toujours
en extase, prendre un air triste et presque effrayé :
— Elles pleurent ! s’exclama la mère de l’une d’entre elles.
À ce moment précis — on le saura plus tard — la Vierge
était en train de leur révéler un secret qu’elles devaient
garder pour elles. Et tout laisse supposer qu’il s’agissait
de l’annonce de quelque chose de très grave, non pas tant
pour les fillettes elles-mêmes que pour l’humanité tout
entière.
Le 18 octobre 1961, les gens accoururent de toute l’Espa-
gne à Garabandal. La nouvelle s’était répandue partout :
les quatre fillettes allaient révéler le message que leur
avait confié la Vierge. Presque tous nourrissaient par ail-
leurs le secret espoir d’assister ce jour-là à un grand pro-
dige, comme à Fatima. Il pleuvait, mais bien que trempés,
les gens attendaient, les pieds dans la boue.
Il avait d’abord été décidé dans un premier temps que les
fillettes allaient révéler le message dans l’Église. Mais la
Commission chargée de contrôler de près les événements
de Garabandal imposa ses vues, à savoir que le message
devait être lu sur les lieux de l’apparition.
C’est par conséquent au lieu-dit Les Pins, à dix heures du
soir, sous une pluie battante et à la lumière d’une lan-
terne que l’une des quatre fillettes sortit de sa poche un
morceau de papier et lut, d’une voix toute tremblante, ce
qui y était écrit et qui avait précédemment était signé de
la main des quatre visionnaires avec mention de l’âge de
chacune.
On avait du mal à saisir les mots, aussi, au terme de la
lecture, l’une des personnes de l’assistance prit-elle la
feuille et relut-elle le contenu. « Il faut faire beaucoup de
sacrifices et de pénitence. Nous devons beaucoup fré-
quenter le Très Saint. Mais avant tout il nous faut être
très bon. Et si nous ne le sommes pas, un châtiment très
grand s’abattra. Déjà la coupe se remplit72 et si nous ne
changeons pas, le châtiment viendra. »
Par son extrême simplicité, le contenu du message sema
la perplexité parmi l’assistance. Par ailleurs le désir de
voir s'accomplir quelque prodige à l’appui des révélations
faites par les visionnaires ne fut cette fois pas satisfait. La
déception et le doute gagnèrent désormais les observa-
teurs des faits de Garabandal.
Conchita écrit dans son journal : « Étant donné que nous
avons beaucoup insisté auprès de la Vierge et de l’Ange
pour qu'ils fassent un miracle, le 22 juin, au moment où
j’allais recevoir la Sainte Communion, Elle me dit : « Je
ferai un miracle ; ce ne sera pas moi qui le ferai mais Dieu,
par mon intercession et la tienne. »
« Je lui demandai : “Quel sera ce miracle ?.”, et l’Ange me
répondit : "Quand je te donnerai l’hostie, tous la verront
sur ta langue". Je réfléchis un instant puis je lui dis : «
Mais quand tu me donnes la Communion, ils la voient

72
C'est nous qui soulignons.
bien l'hostie sur ma langue. » Mais l’Ange me dit que non,
que les gens ne la voyaient pas mais que ce jour-là où se
produirait le miracle ils la verraient. Je lui dis : « Mais ce
miracle est bien petit », et il se mit à rire. Après m’avoir
dit cela, il s’en alla. »
Le jour suivant, le 23 juin, Conchita s'approcha à nou-
veau de l'autel pour recevoir la Communion et elle la reçut
des mains de l’Ange. Elle lui demanda encore quand le
miracle allait se produire. L’Ange lui répondit que ce se-
rait la Vierge elle-même qui lui ferait savoir la date.
Conchita vit alors apparaître la Vierge et lui fit la même
demande. La Vierge lui répondit que le vendredi suivant
elle allait entendre une voix : cette voix devait lui révéler
la date.
« Le vendredi arriva et, comme me l’avait dit la Sainte
Vierge, alors que je me trouvais aux Pins j’entendis une
voix que me dit que le miracle allait avoir lieu le 18 juil-
let... La voix me dit aussi : “Le petit miracle, comme tu
l’appelles” »73.
Le « petit miracle » devait consister en une « Communion
visible ». C’est ce que soutenait Conchita Gonzales. Pour
annoncer à tous le miracle, elle se mit à écrire quantités
de lettres qu'elle envoya un peu partout. Le Père Valen-
tino lui suggéra de ne pas trop en faire, mais Conchita ne
voulut rien savoir, disant qu’elle écrivait parce que l’Ange
le lui avait demandé. Une lettre fut également adressée à
l’Évêque de Santander, par l’intermédiaire d’un prêtre, le

73
Extrait du journal de Conchita, op. cit.
Père Placido Ruiloba Arias, résidant lui aussi à Santan-
der.
Le 18 juillet 1962, alors que les pèlerins affluaient à Ga-
rabandal, deux groupes s’étaient formés près de la mai-
son de Conchita : l’un récitait le chapelet et l'autre dan-
sait au son des musettes et des tambourins. Un prêtre fit
alors observer que si l’on continuait à danser le miracle
n'allait pas avoir lieu. Mais Conchita répliqua : « Danse
ou pas danse, le miracle aura lieu. »
Lorque la nuit fut tombée », poursuit Conchita, « les gens
commencèrent à s’agiter car il était déjà tard. Mais moi je
ne doutais pas car l’Ange et la Vierge m’avaient dit que le
miracle aurait lieu et jamais auparavant ils ne m’avaient
dit que quelque chose devait arriver sans que cette chose
se produise réellement. À dix heures j’avais entendu un
appel, puis un autre encore à minuit. À deux heures du
matin, l’Ange m’apparut dans ma chambre. À la maison,
il y avait ma mère, Aniceta, mon frère Aniceto, mon oncle
Elias, ma cousine Lucia et Maria del Carmen Fontaneda,
d’Aguilar del Campo. L’Ange s’attarda un peu et me dit
comme les autres fois : « Récite le Confiteor et pense à
Celui que tu vas recevoir ». C'est ce que je fis, après quoi
il me donna la Sainte Communion. Puis il me dit de réci-
ter l’Anima Christi et de rendre grâce au Seigneur en gar-
dant la bouche ouverte jusqu'à ce qu'il disparaisse et
qu’arrive la Sainte Vierge. Ce que je fis. Lorsqu'apparut la
Vierge, Elle me dit que tous ne croyaient pas encore ».
Dans le récit de Conchita, certains passages essentiels
relatifs au déroulement des faits font défaut. Ces lacunes
sont cependant facilement explicables étant donné que la
fillette était en extase et qu’elle ne se rendait pas compte
de tout ce qu'elle faisait.
L’extase l’avait en effet surprise dans sa chambre d’où elle
était sortie la tête tournée vers l’arrière. C’est dans cette
attitude qu’elle avait descendu l'escalier et qu’elle était
apparue dans la rue. Les gens s'étaient alors pressés au-
tour d’elle, l’entourant de si près qu’ils l’empêchaient de
marcher. Elle parvint à grand peine à l’angle de la rue. Là,
elle tomba si violemment à genoux que l’on peut mesurer
dans toute son ampleur l’intensité de l’extase dans la-
quelle elle était plongée. Dans cette position elle sortit la
langue. Ceux qui se trouvaient à côté d’elle constatèrent
qu'il n’y avait rien sur sa langue. Mais tout à coup, en une
fraction de seconde, ils virent apparaître une hostie
blanche d’une certaine épaisseur qu’elle garda sur la
langue pendant un petit moment.
Ce « petit miracle » ne constitue cependant pas la preuve
ultime et définitive des apparitions de Garabandal, tou-
jours selon Conchita Gonzales qui continue à en être con-
vaincue.
Il y aura en effet un grand miracle, affirme-t-elle, un
énorme prodige qui obligera tout le monde à croire en la
présence effective de la Vierge au milieu des hommes, et
en particulier en sa venue au sein de la population du
petit village des monts Cantabriques.
Le mythe de Garabandal où, à l'heure où nous écrivons,
en 1986, l’événement annoncé ne s’est encore pas pro-
duit, continue à vivre dans la foi et l’espérance des gens,
en fonction précisément de ce grand miracle qui doit ar-
river.
Selon Conchita :
— Le châtiment que nous méritons est si grand que le
miracle sera à la mesure de ce dont le monde a besoin. Il
sera à la fois grand et spectaculaire.
Et la visionnaire a laissé entrevoir certains détails de ce
miracle. Il aura lieu un jeudi, à vingt heures trente, lors-
que l’Église célèbre un saint ayant un rapport avec le Sa-
crement de l'Eucharistie. Le prodige durera quinze mi-
nutes et pourra être vu de tous ceux qui se seront rendus
à Garabandal ou qui se trouveront dans les environs. Les
malades seront guéris. Les incroyants seront convertis.
« Ce sera le plus grand miracle que Jésus ait accompli
pour l’humanité. Il ne sera absolument pas possible de
douter qu’il vient de Dieu et qu’il est accompli pour le bien
de l’humanité. Il restera toujours trace du miracle dans
la zone des Pins. Il pourra être filmé et retransmis à la
télévision »74.
Pour quelle raison la Vierge est-elle apparue à Garaban-
dal ? La prophétie évoquée plus haut n'apporte aucun
éclaircissement sur ce point. L’humanité doit se conver-
tir : c’est ce que dit Conchita Gonzales à propos de la mis-
sion sur la terre de la Reine des Cieux. Le miracle qui est
censé convaincre ceux qui doutent sera précédé d'un
avertissement :
« La Vierge me l’a révélé le 1er janvier 1965, aux Pins. Je

74
Selon F. Sanchez-Ventura y Pascual : « Nous conservons les originaux de ces notes
écrites de la main de Conchita. En les retranscrivant, nous avons jugé bon d’en res-
pecter le style en corrigeant toutefois les erreurs d’orthographe et la ponctuation,
pour en faciliter la lecture.
ne peux dire en quoi il consistera, car Elle ne m’a pas
chargée de le faire savoir. Elle ne m'a pas dit quand il se
produira et je ne le sais donc pas. Je sais une chose, c’est
qu'il pourra être vu dans le monde entier ; il sera l’œuvre
directe de Dieu et interviendra avant le miracle. Je ne sais
si des gens mourront. Il se pourrait qu’à sa vue certains
meurent simplement d'émotion. »
Conchita ajoute :
« Cet avertissement sera comme une sorte de châtiment
pour les bons et les méchants, destiné à rapprocher da-
vantage les bons de Dieu et à avertir les méchants que la
fin des temps approche et que ce sont là les derniers aver-
tissements. C’est très long, je ne peux l’expliquer dans
une lettre. C’est une chose inévitable. Elle doit se pro-
duire, même si l’on n’en connaît ni la date ni l’heure. »
Il est probable que ni l’avertissement ni le miracle annon-
cés n’inciteront l’humanité à revoir sa manière de vivre.
Alors viendra le châtiment : « S’il se produit, je sais en
quoi il consistera, car la Vierge me l’a dit, mais je ne peux
le révéler. D’ailleurs, j’ai vu le châtiment. Oui, je peux af-
firmer que s’il se produit ce sera pire que si nous étions
encerclés par le feu, pire que si nous avions le feu en des-
sous et au-dessus de nous. Je ne sais combien de temps
il s’écoulera avant que Dieu ne nous l’envoie, une fois qu’il
aura accompli le miracle attendu. »
Le dernier message de la Vierge du Carmel dont nous
ayons connaissance remonte au 18 juin 1965. Il fut confié
par Conchita Gonzales au Père Serra dans l’église, à la fin
de la messe. Celui-ci se rendit ensuite devant la maison
de la visionnaire où une foule nombreuse était rassem-
blée. Il lut le message dans trois langues, en espagnol, en
français et en italien. Le Père Marcellino Andreu le lut en
anglais. En prenant connaissance de son contenu, les
gens se mirent à pleurer. Beaucoup le recopièrent.
« Message que la Très Sainte Vierge a délivré au monde
par l’intermédiaire de Saint Michel.
L’Ange a dit : étant donné que son message du 18 octobre
n’a pas été suivi d’effets et n’a pas été diffusé, je vous dirai
que celui-ci est le dernier. Auparavant, la coupe se rem-
plissait, maintenant elle est en train de déborder. De nom-
breux prêtres sont sur la voie de la perdition et entraînent
beaucoup d’âmes derrière eux. De jour en jour l’Eucha-
ristie perd de son importance. Il nous faut éviter la colère
du Bon Dieu qui se trouve au-dessus de nous, de toute
notre force. Si vous Lui demandez pardon, avec sincérité,
Il vous pardonnera. Moi, votre Mère, par l’intermédiaire
de l’Archange Saint Michel, je veux dire qu’il faut vous
corriger. Vous en êtes déjà aux derniers avertissements.
Je vous aime beaucoup et je ne veux pas votre condam-
nation. Implorez-nous d’un cœur sincère et nous vous don-
nerons. Vous devez davantage vous sacrifier. Pensez à la
Passion de Jésus.
Conchita Gonzales, 18 juin 1965 »

Une lettre envoyée au Professeur Sanchez-Ventura y Pas-


cual par Conchita Gonzales nous révèle les détails de la
dernière apparition de la Vierge du Carmel à Garabandal.
Elle eut lieu le 13 novembre 1965.
Conchita avait, au cours d'un dialogue intérieur, reçu
dans l'église l’annonce que la Vierge l’attendait aux Pins,
le jour même.
« Il pleuvait, mais cela ne me faisait rien. En me rendant
aux Pins, j’apportais avec moi de nombreux chapelets qui
m'avaient été offerts peu avant afin de les distribuer. Moi,
comme la Vierge me l’avait dit lors de notre entretien, je
les apportais pour qu’elle les baise. » Une fois arrivée aux
Pins, Conchita commença à sortir de ses poches les cha-
pelets que les gens lui avaient confiés. Et c’est alors que
ce faisant elle fut surprise par une voix très douce. Elle
leva les yeux et vit la Vierge avec l’Enfant. La fillette mon-
tra alors tout de suite les chapelets. Sur ce geste s’établit
un dialogue au cours duquel la Vierge l’assura de sa pro-
tection pour le restant de ses jours, ajoutant :
« Tu sais Conchita pourquoi je ne suis pas venue le 18
octobre te faire connaître le message destiné au monde ?
Parce qu’il me coûtait beaucoup de vous le révéler moi-
même. »
La Vierge lui dit également que c’était la dernière fois
qu’elle la voyait à cet endroit.
Il pleuvait beaucoup mais la Vierge et l’Enfant n’étaient
pas mouillés.
Il est intéressant de noter également que les quatre vi-
sionnaires de Garabandal furent à plusieurs reprises du-
rant l’année 1966 frappées d’un étrange phénomène
d’amnésie touchant aux faits qui avaient entouré les trois
visions de la Vierge. Cette dernière avait il est vrai an-
noncé le phénomène aux intéressées en 1961 en quali-
fiant de « divine » l’amnésie dont elles allaient être victimes
à une certaine période de leur vie.
La hiérarchie ecclésiastique espagnole a joué un rôle non
négligeable dans l’histoire des apparitions de Garabandal.
À la suite du message du 18 juin 1961 délivré par l'Ar-
change Saint Michel, les autorités religieuses intervinrent
en effet.
Le 26 août 1961, Mgr Doroteo Femandez, évêque de San-
tander, nomma une commission d'enquête. Celle-ci ne
semble toutefois avoir rédigé aucun document. Dans l’in-
tervalle, Mgr Eugenio Beitia Aldazabal, qui avait succédé
à Mgr Fernandez, recevait le 4 octobre 1962 un rapport de
la Commission dont les conclusions étaient négatives. Le
8 juillet 1965, l’évêque fit une déclaration dans laquelle il
niait le caractère surnaturel des événements (texte repro-
duit dans OCHAO III, 4691-4602), déclaration qui fut
transmise au Saint-Office. La Congrégation de Rome ré-
pondit le 28 juillet 1965 en approuvant l’intervention de
l’évêque. Cette communication fut diffusée dans le dio-
cèse le 9 août.
Quelques jours plus tart, à sa demande, l'évêque quitta
le diocèse. Le 17 août, il fut remplacé par Mgr Vincente
Puchol Montis qui ne publia aucun document sur Gara-
bandal. Il envoya toutefois à Rome en octobre 1966 la do-
cumentation réunie par la Commission ainsi que les
textes adoptés.
Le 7 mars 1967, le Saint-Office répondit par la plume du
Cardinal Ottaviani en affirmant que la documentation
avait été soigneusement examinée et qu’étant donné que
la question avait été résolue par l'évêque lui-même il
n'avait aucune raison d’intervenir (OCHOA, III, 5121). Le
8 mai 1967, l'évêque de Santander mourait dans un acci-
dent de la route.
Le 8 août 1968, Mgr Maria Cirada Lachondo prenait sa
succession et quarante jours plus tard il confirmait les
conclusions négatives de son prédécesseur.
Il convient de préciser que le 12 janvier 1966 Conchita,
l'une des visionnaires, s'était rendue à Rome accompa-
gnée de sa mère et du Père Luna pour être reçue par le
Cardinal Ottaviani. Le 19, à l’issue d une audience pu-
blique, le Pape Pie XII avait en effet reconnu parmi les
présents le Pr Enrico Medi qui accompagnait le groupe.
Le 10 mai 1968, la Congrégation romaine pour la Doctrine
de la Foi fait une nouvelle déclaration : l’évêque ordinaire
de Santander doit continuer à exercer son autorité en tant
que juge ordinaire75.
Francisco Sanchez-Ventura y Pascual, farouche défen-
seur des apparitions de Garabandal, soutient que ce n’est
pas un hasard si dans l’évêché de Santander, d’où partit
la condamnation des événements, six personnes se suc-
cédèrent en l’espace de huit ans en qualité d’évêques ti-
tulaires ou auxiliaires ou de responsables apostoliques.
Et il y a pire, toujours selon le Pr Sanchez-Ventura y Pas-
cual : l’évêque titulaire, qui fut directement à l'origine de
la condamnation des faits, mourut quelques jours plus
tard dans un accident de la route, au moment même où
l’Église commémorait l'apparition de l’Archange Saint Mi-
chel.
Quant au Vicaire qui interdit le culte dans la chapelle de

75
In : « Le Minifestazioni straordinarie mariane », de Giuseppe Besutti.
Garabandal consacrée à l’Archange, il devait lui aussi
mourir brutalement le 1er mai 1969, journée dédiée à la
Vierge.

6. 1968 : Zeitoun, quatorze mois d'apparitions au


Caire. Des foules émerveillées.

Apparition à Zeitoun, une église du Caire — Des


éclairs silencieux — Un nuage lumineux — Des co-
lombes surnaturelles — Des formes ressemblant à
des oiseaux — Quatorze mois d’apparitions de-
vant la foule — Des chants de l'Egypte des Pha-
raons — Une déclaration du Pape d’Alexandrie —
Une commission pour l’étude des guérisons mira-
culeuses.

— Comment vous appelez-vous ?


— Moshen Taher.
— De quelle religion êtes-vous ?
— Je suis musulman.
— Qu’avez-vous vu en avril 1968 ?
— En avril 1968, j’étudiais. Je le faisais habituellement le
soir car à cette période de l'année il fait déjà très chaud
au Caire et on reste debout jusque tard dans la nuit76.
Ce dialogue, qui date de l’époque où les pèlerins, venus

76
Michel Nil, Les Apparitions de la Très Sainte Vierge Marie en Égypte en 1968-
1969, Paris, Tégui, 1980.
notamment d’Europe, étaient nombreux à affluer dans la
capitale égyptienne, se déroulait entre le jeune homme,
qui habitait avec sa famille dans une banlieue du Caire
dénommée Zeitoun, et un prêtre catholique venu de
France. La maison, située à l’angle de deux rues silen-
cieuses, se trouvait à côté d’une petite église consacrée à
Marie, dans le vieux Caire. C’est un quartier populaire.
Au milieu des maisons de couleur ocre, sur lesquelles est
passée la patine du temps, l’édifice couvert de chaux
blanche, qui est aussi le siège de la paroisse de cette zone,
se caractérise par son style et par la forme de ses cou-
poles.
À l’intérieur, une mosaïque explique la raison pour la-
quelle l’église a été dédiée à Marie. La surface concave de
la coupole centrale est d’ailleurs entièrement couverte
d’une mosaïque représentant la Vierge. Elle apparaît sur
un fond de ciel brillant de milliers d’étoiles, auréolée d’une
grande lumière.
Moshen répondait poliment aux questions de son interlo-
cuteur.
Il prenait en fait beaucoup de plaisir à se remémorer et à
raconter l’histoire extraordinaire dont il avait été par ha-
sard le témoin quelques années auparavant.
C’était donc un soir d’avril, entre huit heures et neuf
heures du soir. Un vacarme s’éleva tout à coup de la rue
qui longeait l’église. Quelque chose d’insolite était en train
de se produire tout près, lui rapportèrent les domes-
tiques. Certaines personnes voyaient une lumière, «
quelque chose » qui n’était pas normal, là-haut, au-des-
sus de l’église... L’agitation continua au fil des heures, si
bien qu’il resta éveillé toute la nuit. Le matin suivant,
Moshen inspecta les parages et pu voir les traces de l’af-
fluence du public sur les lieux : paquets de cigarettes jon-
chant le sol, boîtes de conserve... Le jardinier de l’église,
qui était également le jardinier de sa famille, lui fit savoir
ce qu’il en était. Il semblait que des faits extraordinaires
s’étaient produits à cet endroit ; et comme toujours dans
ce cas, les témoins étaient divisés entre ceux qui croyaient
à une intervention surnaturelle et ceux qui demeuraient
sceptiques.
C’est ainsi que la nuit suivante le jeune Moshen s’installa
en face de l’église, et plus précisément dans un garage
d’où il pouvait voir la coupole où se produisaient les ap-
paritions présumées. Il avait amené avec lui son appareil
photo et le matériel nécessaire pour enregistrer l’événe-
ment de manière objective, concrète et irréfutable.
Il était environ sept heures quand un grand nombre de
gens commença à se rassembler jusque sur les toits.
— Alors j’ai dit : « Bon. Je rentre. » et je suis revenu ici.
J’avais plutôt peur pour la maison, pour ma mère, pour
mes sœurs. J’ai donc quitté et je suis revenu, surtout qu’il
faisait de plus en plus obscur et puis qu’on ne voyait rien.
Jusqu’à ce que, vers dix heures, onze heures, les hurle-
ments commencent. C’était les débuts de l’apparition.
Alors là, je n’ai pas pu descendre parce que la foule était
jusqu’à la porte de la maison (il y a peut-être trois cents
mètres de chemin entre nous et l’église). C’était impos-
sible d’arriver. Alors, vers minuit, il y a des copains qui
sont venus, qui ont tapé à la porte : c’étaient des copains
de l’école, qui savaient que j’habitais là. Ils ont dit : « On
a soif ». « Ils ont bu »77.
Parmi les personnes qui avaient frappé à la porte, il y
avait un garçon du genre qui ne croit en rien. C’est juste-
ment lui qui prit Moshen par le bras et lui dit :
— Il faut que tu ailles voir. Moi je ne crois à rien. Eh bien,
c’est la première fois que je commence à croire à quelque
chose.
« Ils étaient cinq ou six copains », continua à raconter le
jeune Moshen. « Alors là, on y est allé. Ils se sont tous
tenus par la main et ils ont fait un petit cercle et puis ils
m’ont mis au milieu. Alors on a commencé à pousser pen-
dant une demi-heure, jusqu’à ce qu'on soit arrivé juste
devant la porte de l’église. C’est là où... c’est l’angle où on
pouvait voir l’apparition. À ce moment-là, bien sûr, dès
que vous voyez ça, vous tombez sous le choc : vous
voyez... La Vierge... ou bien un éclairage qui ressemble,
qui ne peut être que ça. Alors, c’est une personne qui est
là, en lumière, elle n’était qu’en lumière. Et puis là, c'est
tellement réel, c’est réellement beau, vous voyez... Je ne
peux pas vous expliquer, on ne peut pas voir quelque
chose de plus beau que ça. C’est une personne, vous
voyez, vous sentez, qui est là, sourit, qui veut parler, qui
veut dire quelque chose au monde, qui est en train de
donner quelque chose... une bénédiction... je ne sais pas
comment expliquer ça... »78
L’apparition de Zeitoun s’était produite le 2 avril. La revue

77
Ibid. (En français dans le texte).
78
Ibid. (En français dans le texte).
française « Le monde copte » 79 donna un compte rendu
fidèle des débuts du phénomène :

« Apparition miraculeuse de la Sainte Vierge à


Zeitoun.
« ... À Zeitoun, une église dédiée à la Sainte Vierge com-
mémore le passage de la Sainte Famille. Cette église copte
orthodoxe s'élève dans la rue Touman-Bey, principale ar-
tère de cette banlieue du Caire. Elle est surmontée d’un
dôme central et de quatre dômes plus petits aux quatre
coins de l’édifice. En face de l’église se trouve un garage
d’autobus des Transports Publics.
Le 2 avril 1968, une heure et demie après le coucher du
soleil, l’attention des mécaniciens et des chauffeurs se
trouvant dans ce garage fut attirée par des bruits et des
mouvements dans la rue. Ils virent alors une forme hu-
maine, une femme habillée de vêtements blancs, se te-
nant sur le dôme central de l’église, tenant la main sur la
croix dominant ce dôme. Les personnes se trouvant dans
le garage : Farouk Mohammed Atwa, (chauffeur), Hussein
Awwad (mécanicien), Abed-el-Aziz (gardien), Mahmoud
Afifi (chauffeur) et Yacout Ali, tous musulmans, ont ra-
conté en détail ce qu’ils ont vu »80.
Ils eurent tout d’abord l’impression d’assister à la tenta-
tive de suicide d’une religieuse. Ils pensèrent tout de suite
avertir la police et allèrent en même temps frapper à la
porte de l'église.

79
N° 1, pp. 28-32.
80
En français dans le texte.
C’est Adel Youssef Ibrahim, dix-huit ans, fils du Père
Youssef Ibrahim, l’un des prêtres de la paroisse, qui leur
ouvrit. Le père et le fils sortirent et constatèrent que ce
que les hommes leur avaient dit était vrai. Ils se précipi-
tèrent donc pour aller avertir leur supérieur. Entre temps,
une foule s’était rassemblée dans la rue et elle grossissait
de plus en plus. Les gens se regroupaient à l’endroit d’où
l’on pouvait apercevoir, en regardant vers le haut, la sil-
houette étrange. La circulation fut interrompue dans la
rue Touman-Bey. Sorti dans la rue, le goumous regarda
vers le haut, à l’endroit qu’on lui avait indiqué : et quel ne
fut pas son émerveillement lorsqu'il reconnut l'image de
la Sainte Vierge. Voici son rapport :
« Rapport du curé de la paroisse.
Le père Constantin Moussa, curé de la paroisse, établit
un rapport officiel dans lequel il écrit en particulier :
Après cette soirée mémorable, la Sainte Vierge apparut
plus d’une fois et fut aperçue par différentes autres per-
sonnes, parmi lesquelles M. Michel Soliman et sa famille
qui habitent en face de l’église.
La Sainte Vierge apparut de nouveau le 9 avril. La nuit
suivante, aussi bien les Sœurs d’une école voisine que
mon fils aîné, élève ingénieur, me dirent avoir de nouveau
aperçu la Sainte Vierge. Je me précipitai sur la place et je
vis l’apparition, cette fois sous la forme d’un buste dans
l’une des ouvertures du dôme du côté nord-est de l’église.
C’était un corps lumineux doré » 81.

81
Ibid, En français dans le texte.
L’apparition de la Vierge était souvent précédée de diffé-
rents signes précurseurs. De mystérieuses lumières éclai-
raient le ciel. Ou bien l’on voyait un globe lumineux, si
resplendissant que ce n’est qu’après quelques minutes
que le regard réussissait non sans mal à distinguer dans
celui-ci la forme de la Vierge.
« D’autres fois, des décharges d’éclairs silencieuses ou
bien encore ce qui semblait être une chute d'étoiles ou
une pluie de diamants. Assez fréquemment, la lumière
apparaissait à l’un des dômes puis éclairait toute la toi-
ture et le dessus des dômes. Il arriva même qu’on vit la
Sainte Vierge sortir graduellement d’un dôme alors que
toutes les vitres en sont fixées à demeure sans pouvoir
être ouvertes »82.
De nuit, on voyait parfois son corps sortir en entier du
nuage lumineux ; parfois, seul son buste apparaissait
mais toujours auréolé de lumière. La formation de lu-
mière allait se glisser dans l’espace entre les coupoles ou
se déplaçait d’une coupole à une autre. Tantôt elle s'incli-
nait devant la croix située au sommet de l’édifice, tantôt
elle se tournait vers la foule et la bénissait. On vit égale-
ment des cortèges de créatures surnaturelles sous la
forme de colombes au vol rapide. Tout ceci durait un cer-
tain temps. Le 30 avril de cette année-là, la vision se pro-
longea pendant deux heures et quart : de deux heures
quarante-cinq du matin à cinq heures, c’est-à-dire
jusqu’à l’aube.
On vit également la Vierge apparaître à Zeitoun avec un

82
Ibid, En français dans le texte.
petit rameau d’olivier à la main. Elle avait l’apparence
d’une adolescente. Entourée d’une lumière blanche, elle
était tout de blanc vêtue. Tous les éclairages de la rue
furent éteints pour confirmer la vision, qui apparut plus
clairement.
« Ah ! Quelque chose qui est encore plus étrange... à son
apparition, c’étaient là les pigeons blancs » — disaient en-
core quelques années plus tard les témoins de ces événe-
ments. « Tout le monde le sait, les pigeons ne volent ja-
mais la nuit. Il n’y a qu’une seule sorte de pigeons qui
vole la nuit : cette sorte-là est très rare en Égypte. Il n’y a
que quelques amateurs qui ont cela. Or la quantité de pi-
geons qui a été vue à l’époque des apparitions est très
grande... Tout d’abord, ils étaient d’une dimension
géante... blancs, blancs, blancs ; et ils volaient tous en
rayonnant depuis le point où apparaissait la Vierge » 83.
Même les rapports officiels et les comptes rendus des
journalistes mirent fortement l’accent sur ce phénomène
singulier :
« Un autre phénomène particulier à ces manifestations fut
la présence de créatures ressemblant à des oiseaux, plus
gros que des colombes, d’un blanc immaculé, lumineux.
Ils étaient vus avant, pendant et après les apparitions,
parfois même les nuits sans apparitions. Ils surgissaient
d'un coup et disparaissaient de même. Ces formes vo-
laient plus vite que des colombes, sans un battement de
leurs ailes déployées. Elles semblaient glisser dans l'air
plutôt que voler. Leur nombre : deux, trois, six ou plus.

83
Ibid, En français dans le texte.
Elles se disposaient en formations : en triangle, en croix
ou en lignes parallèles » 84.
Ce qui est tout aussi surprenant c’est que l’on réussit à
obtenir, en prenant des photographies, la preuve irréfu-
table des apparitions non seulement de la Vierge mais
également des mystérieux oiseaux, qui furent impression-
nés sur la pellicule. Cependant, malgré de nombreux pro-
diges, la Vierge ne fit jamais entendre sa voix. Mme Claire
Choukri, habitant rue Nassour, déclare en effet : « Samir
(mon mari) a vu la Vierge. Moi aussi je l’ai vue. Elle avait
comme une couronne et un chapelet à la main. Elle est
restée longtemps. Oui, elle avait le chapelet à la main. Elle
était comme une statue85.
La Vierge avait une façon particulière de se déplacer : elle
ne marchait pas mais glissait dans l’air, et son vêtement
gonflé par le vent flottait autour d’elle. Une auréole
blanche lui ceignait le front. Son visage était parfois sou-
riant, parfois grave et comme attristé. »
Il est facile d’imaginer la foule des curieux qui se rassem-
blait autour de l’église de Zeitoun : jour et nuit, les gens
se déversaient sur les terres environnantes. Les mar-
chands ambulants en profitaient pour spéculer sur cette
clientèle inespérée. En raison des perturbations qui en
résultaient pour la circulation, le gouvernement, et plus
précisément le Ministère de l’intérieur et celui du Tou-
risme, ordonnèrent la démolition de plusieurs taudis afin

84
« Le Monde Copte », op. cit. (En français dans le texte).
85
En français dans le texte.
de dégager un espace libre permettant aux gens de se ras-
sembler et d’aller et venir.
« La Sainte Vierge sembla favoriser de ses visites les nuits
de ses fêtes — les fêtes mariales sont nombreuses dans
l’Église orthodoxe : trente-deux dans l’année. C’est tou-
jours pendant la nuit, entre neuf heures du soir et six
heures du matin qu’eurent lieu les apparitions. Parfois
elles ne duraient que quelques minutes, parfois, jusqu’à
une, deux heures et plus. Elles pouvaient aussi s’inter-
rompre et reprendre plus d’une fois dans la même nuit
(...) Dans la nuit du 8 juin 1968, une apparition dura sans
interruption de neuf heures du soir à quatre heures et
demie du matin (...) Les pèlerins, surtout ceux qui ve-
naient de loin, s’assemblaient sur les lieux plusieurs
nuits de suite afin de bénéficier d’une ou même de plu-
sieurs apparitions »86.
Le rapport du Ministère du Tourisme, rédigé à l’occasion
de cet événement, dit textuellement qu’« une foule très
nombreuse de toutes nationalités, religions, conditions,
position sociale ou activité, des gens de tous les âges, ma-
lades ou en bonne santé, remplissent les quatre rues qui
entourent l’église et regardent en direction des coupoles
de cette église, attendant impatiemment de voir la Vierge».
Les journaux, la radio, la télévision diffusèrent partout la
nouvelle. Les autorités, tant civiles que religieuses, se
rendirent sur les lieux. Ambassadeurs et consuls des
pays étrangers vinrent également afin de fournir à leurs

86
M. Nil, op. cit. (En français dans le texte).
gouvernements respectifs des informations sur cet événe-
ment.
La Vierge apparut au-dessus de la coupole de l’église de
Zeitoun pendant quatorze mois. D’après les statistiques,
cinquante mille personnes en moyenne par nuit accouru-
rent pour la voir. On atteignait même parfois les cent mille
personnes voire davantage.
Cette foule immense acclamait « avec enthousiasme » —
disent les chroniques — chaque visite de Marie. Et toutes
les populations religieuses se mirent à l’invoquer dans
une grande ferveur : les musulmans en récitant les ver-
sets du Coran, les coptes, les orthodoxes et les catho-
liques en priant et en chantant des cantiques en arabe,
d’autres en priant en grec. Mais la véritable toile de fond
de cette polyphonie est un retour aux chants de l'Égypte
pharaonique : ce n’est pas un hasard si la Vierge est ap-
parue non loin d’Héliopolis, la ville que les anciens Égyp-
tiens avaient consacrée au Soleil.
À une époque plus récente Héliopolis a vu la construction
d’un temple dédié à Notre-Dame de Fatima et destiné tout
particulièrement à rappeler le prodige solaire survenu le
13 octobre 1917 à Fatima, au Portugal, où la Vierge avait
donné à la multitude rassemblée un signe de sa présence
réelle. C’est d’ailleurs sous l'apparence de l’astre solaire
que certains virent la Vierge à Zeitoun :
« C’était la veille du cham-el-nessim (fête du début de
l’été), vers le 13 avril. Nous sommes venus vers neuf
heures du soir. Nous avons veillé. Il y avait une cinquan-
taine ou une centaine de personnes. Nous avons chanté
des cantiques à la Vierge : "Ave Maria”, tout ça. Et puis,
de la chapelle (= de l’église), du côté de la petite ruelle,
nous avons vu (sortir) une lumière qui n’était pas nor-
male : quelque chose comme le soleil, orange, puis une
auréole comme dans une icône : c’était celle de la Vierge
et celle du petit Jésus, qui sortaient de la coupole. On a
crié, on a chanté, on a applaudi, on a tout fait !... On ap-
plaudissait, on applaudissait. Il y avait même l’actrice
Leila Mourad... »87
Les musulmans ne furent pas les derniers à vouloir té-
moigner sur ces faits : Mahmoud Abd-el-Rahman, jour-
naliste à « El Masaa », Hamdy Hiraz, député de Zeitoun à
l’Assemblée Nationale, Mahmoud Naguib, correspondant
de presse du journal « Al Gomhoreya », Mohamed Hassan,
de la Société de Lunetterie Nagi, Mustafa Mohamed El-
Kabbani, comptable à l’institut du Pétrole et Mohamed
Raafat Mahmoud, chef comptable, tinrent à apporter leur
témoignage.
Le 23 avril 1968, S.S. Kyrillos VI, pape d’Alexandrie et pa-
triarche de la Prédication de Saint-Marc, institua une
commission chargée d’étudier ces phénomènes. Cette «
délégation provisoire » était composée du Père Guirguis
Matta, directeur général de l'Office papal ; du Père Hanna
Abd-el-Messih, député, membre de la Commission des Af-
faires ecclésiastiques ; du Père Benjamin Kamel, secré-
taire privé de S.S. le Pape. Après une étude approfondie,
ils déposèrent un rapport officiel confirmant les faits... :

87
Ibid. (En français dans le texte).
Déclaration papale

« S.S. Kyrillos VI, pape d’Alexandrie, après étude de tous


les rapports et de tous les témoignages, a déclaré sa pro-
fonde foi dans la réalité du miracle et des bénédictions
qui l’accompagnent. Ces apparitions, dit-il, apportèrent
deux grandes grâces : la première est le renforcement de
la foi et la seconde est la guérison miraculeuse des mala-
dies désespérées. Il offre des actions de grâce au Seigneur
pour avoir autorisé l’accomplissement de ce miracle
unique, dans l’église bâtie à l’endroit où la Sainte Famille
est passée lors de sa fuite devant les persécutions d’Hé-
rode. »
Le gouvernement égyptien lui-même, bien que de confes-
sion musulmane, admit l’intervention de la Vierge de Zei-
toun :

Rapport du Gouvernement

« Le directeur de l’information et des Griefs a soumis à M.


Le Ministre du Tourisme Hafez Ghanem un rapport cir-
constancié confirmant le témoignage des ouvriers du ga-
rage et attestant de vingt-sept apparitions de la Sainte
Vierge depuis le 2 avril 1968 jusqu’à la date du rapport.
Le cardinal Istaphonos, patriarche des coptes catho-
liques, et l’archimandrite Airut, de l’église catholique
grecque, interrogés dans le cadre de ce rapport gouverne-
mental, apportèrent leur confirmation sur les apparitions
miraculeuses de la Sainte Vierge. Le cardinal Istaphanos
a ajouté que ce miracle représente un message bienveil-
lant qui attirera les pèlerins du monde entier vers l’église
de Zeitoun. »
Un comité médical dirigé par le docteur Shafik Abd-el-
Malek, fut institué par le Patriarcat pour l’étude des cas
de guérison signalés, cas de cancer des voies urinaires,
des maladies de la thyroïde, de hernies, de l'évulsion du
biceps et de très nombreuses autres affections.
Pendant des mois, on voyait venir des gens en taxi : des
paralysés, des gens qui avaient eu des chocs, des pro-
blèmes de santé, etc. À l’émotion de ce qui se passait, il y
en a certains qui guérissaient. On disait que c'était des
miracles... Il y avait beaucoup de gens qui venaient ici
pour guérir — et ça, on l’a vu : après être venus sur une
chaise roulante, il y a des gens qui marchaient... Je ne
peux pas vous dire si c’était des miracles... ou une mala-
die nerveuse... ou quelque chose d’autre »88.
Mme Berlanti Kamel Louis raconte :
« Un soir que mes enfants rentraient d’Héliopolis à dix
heures, ils ont vu autour de l’église une foule qui criait :
"Voilà la Vierge qui apparaît”. Ils ont vu une personne
près de la grille de l'église (...) Elle avait auprès d’elle sa
fille qui était paralysée depuis son enfance. Ils l'ont vue
se lever et marcher. Ils ont dit que c’est la Vierge qui a fait
ce miracle. Mes enfants ont couru m'avertir de ce qui se
passait. Le temps d’y aller, la Vierge avait disparu, mais
la paralysée marchait au bras de sa mère... » 89
Un prêtre italien, le Père Gabriele Giamberardini, fut éga-

88
En français dans le texte.
89
En français dans le texte
lement témoin des événements extraordinaires de Zei-
toun :
« Lors de notre visite, nous vîmes des infirmes sur des
brancards, à l’intérieur et tout autour de l’église, partout.
On lisait également régulièrement dans les journaux des
articles annonçant que la Vierge avait fait un miracle à
Zeitoun. Riad Nagib Aziz a écrit un livre après avoir mira-
culeusement recouvré la vue90 »
Le chef de l’église copte fit quant à lui la déclaration sui-
vante : « Les apparitions sont autant de signes de la bien-
veillance du ciel à l’égard de la terre sur laquelle elles se
produisent. Sur notre terre d’Égypte, la Vierge fut accueil-
lie de manière bienveillante. Il n’y a donc rien de surpre-
nant à ce que l’on constate aujourd’hui que le ciel a voulu
honorer le peuple égyptien, qui croit en Celle qui est bénie
entre toutes les femmes et La vénère... Ses apparitions (à
Zeitoun) sont bien réelles, elles ont été observées par
nombre de nos catholiques dignes de foi. »
On émit également l’hypothèse que, reconnaissante en-
vers le peuple égyptien qui lui avait généreusement offert
l’hospitalité au moment où elle avait dû fuir sa terre na-
tale, Marie venait lui porter la paix et lui redonner espoir
à un moment où régnaient la pénurie et le décourage-
ment. L’apparition se produisait en effet à la date anni-
versaire de la désastreuse « guerre des six jours » qui avait
opposé l’Égypte à Israël.
La rue Touman-Bey, où se dresse l'église de la Vierge, est

90
Riad Nagib Aziz, Promesse de la Lumière, le Caire, 1970.
en fait à mi-chemin entre Matariah et Le Caire. Or, à Ma-
tariah se trouve l’Arbre de la Vierge et au Caire la Maison
de Marie, toujours vénérés par les fidèles. Marie serait
donc revenue pour revoir le chemin qui, environ deux
mille ans auparavant, à l’époque de la fuite en Égypte,
l’avait conduite « de l'abri sous l’Arbre à l'abri dans la Mai-
son ».
C’est ce que pensèrent les gens.
En souvenir des apparitions de Zeitoun, il a été construit,
au centre d’une grande cour située dans les vieux quar-
tiers du Caire, un oratoire surmonté d’une coupole sem-
blable à celle au-dessus de laquelle restait suspendu le
nuage de la Vierge. L’oratoire, qui se trouve au sud-est de
l’ancienne église de la Vierge, est dédié à « Notre-Dame de
la Lumière. »
VI

Messages et prodiges
aux cœurs innocents

Les prodiges sensibles de la Vierge

Les prodiges auxquels ont donné lieu les images de Marie


— qu’il s’agisse de statues, de mosaïques ou de peintures,
ou encore de simples reproductions sur papier comme les
banales oléographies — à savoir les yeux ou les lèvres qui
bougent, les larmes ou le sang qui coulent, l’huile qui
suinte, les parfums d’encens ou l’essence de rose et de
violette qui embaument, sont à l’évidence autant de lan-
gages secrets, de manières de communiquer mystérieuses
mais simples, beaucoup plus efficaces que la parole seule
et permettant des échanges beaucoup plus profonds et
intenses que n’importe quel type de rapports intellectuels.
Les théologiens assimilent eux-mêmes ces événements
miraculeux à l’apparition de la Vierge. Il est d’ailleurs in-
téressant de remarquer que ces deux manifestations
jouent à bien des égards l’une pour l’autre le rôle de mi-
roir. Lorsque la Vierge apparaît, certains la voient par
exemple « comme une statue ». Par ailleurs, les effluves
merveilleux qui émanent de sa personne valent tout au-
tant que la douceur de son discours. Elle exprime aussi
souvent concrètement son amour ou sa douleur en sou-
riant ou en pleurant, ou encore en montrant son cœur
qui bat ou qui saigne, sur une oléographie par exemple.
Les pleurs de la Vierge inspirent une infinie tristesse. Et
elle pleure souvent : comme si c’était là le véritable motif
qui l’incitait à se manifester. Marie verse des pleurs
lorsqu’elle apparaît à Catherine Labouré, dans la Cha-
pelle de la Rue de Bac à Paris et qu’elle lui dit sur un ton
plein de mélancolie : « Les temps sont durs... Des mal-
heurs vont s’abattre sur la France... »
En 1846, sur le mont de la Salette, elle pleura à chaudes
larmes au point que Mélanie et Maximin, les petits vision-
naires, l’appelèrent « La belle Dame qui pleure ».
En 1858, elle montra un visage triste et baigné de larmes
à Bernadette en lui faisant répéter : « Pénitence ! Péni-
tence ! Pénitence ! »
Plus près de nous, Lucia, de Fatima, a vu la Vierge pro-
fondément triste et le visage plein de larmes.
Le 13 octobre 1917, la Vierge dit en effet à celle-ci :
« ... Il faut qu'ils s’amendent, qu’ils demandent pardon
pour leurs péchés », et, prenant un air encore plus
triste, « qu’ils n’offensent plus notre Seigneur qui l’a
déjà trop été ».
Une visionnaire belge, une certaine Marguerite, a au
cours d’une expérience mystique assez récente (1967-
1968) reçu ce message : « Songe que le cœur de la Sainte
Vierge... est pris dans un étau cruel qui fait sortir de ce-
lui-ci des flots de sang et de larmes... »
Le miracle des larmes qui perlent sur les images de la
Vierge — et ceci vaut également pour les autres subs-
tances organiques — ne fait qu’un avec le miracle de l’ap-
parition de la « Vierge vivante » — de la « Vierge en chair
et en os », comme disent les visionnaires.
Les larmes, le sang, l’huile sainte, etc.… sont autant d’élé-
ments d’une « réalité plus réelle ». Ils sont des messages
vivants.

Des cœurs innocents à l’écoute du divin

On reproche souvent aux enfants leur trop d’imagination.


Il n’en existe pas moins une « image » qui n’a rien d’inco-
hérent ni de fantaisiste et que l’on retrouve dans tous les
cas d’extase : c’est celle de la Vierge.
De nombreuses « visionnaires » d’âge tendre n’ont pas en-
core fait leur première Communion. L’Église n’a pas en-
core eu le temps de les familiariser avec la représentation
de la Sainte Vierge. Et pourtant, en un éclair, toute l’ico-
nographie relative à Marie — avec toute la tradition dog-
matique qu’elle véhicule — est appréhendée par l’esprit
vierge de la fillette. Et les indications que donne cette der-
nière sur les perceptions qu’elle ressent sont si précises,
si sûres, si cohérentes et si inébranlables qu’il est impos-
sible pour celui qui les reçoit de penser qu’elles puissent
être le fruit d’un rêve ou de l’imagination.
Ce sont ces raisons, entre autres, qui ont porté les obser-
vateurs des phénomènes d’apparition à croire que ce se-
rait essentiellement l’âge de l’adolescence qui favoriserait
ces phénomènes. Ce seraient donc surtout les adoles-
cents, et en particulier les fillettes, qui auraient la faveur
des visions. Mais cette opinion largement répandue est
contestée par Giuseppe Besutti, sur la base d'enquêtes
(sur les apparitions qui ont donné lieu à l’établissement
des sanctuaires mariais) dont les résultats ont démontré
le contraire.
Les enfants, et en particulier les petites filles, sont doués
d’une grande intuition. Ils sont par ailleurs capables de
supporter une grande souffrance, aussi bien physique
que morale. La douleur les choisit et ils choisissent eux-
mêmes dans un certain sens la douleur parce qu’ils de-
meurent de cette façon sensibles aux consolations d’une
réalité supérieure. C’est là le jeu subtil, inconscient, de
l’âme humaine qui a ainsi la force de supporter également
les fardeaux de l’existence. Le meilleur exemple en est la
vie de Bernadette Soubirous chez qui la souffrance nais-
sait de la désillusion mais qui, avec toute l’amertume
qu’elle comportait, était toutefois source d’un bonheur
qui n’aurait pu être atteint autrement.
Tous les petits visionnaires de notre époque peuvent être
considérés comme les enfants de Bernadette.
Rappelons que Bernadette était ignorante et que par con-
séquent la Vierge s’adressait à elle dans l’unique langue
qu’elle connaissait à savoir le patois. L’adolescente ap-
pelle la Vierge « Aquero », c'est-à-dire « cette chose-là » en
dialecte. Il faut selon nous y voir la preuve de la très
grande simplicité de son esprit. « Mon enfant... recueillez-
vous », dit une fois un inquisiteur à Bernadette. « Je peux
vous être utile si vous dites la vérité ; mais ne me dites
rien dont votre conscience et surtout vos yeux n’aient été
témoins. Est-il vrai que vous ayez vu une étrange per-
sonne sur la montagne basse ? »
Et Bernadette : « Oui, Monsieur, je l’ai vue. » « Comment
était-elle habillée ? » « Elle avait une robe blanche, un voile
blanc et une rose sur chaque pied. » « Qu'avez-vous
éprouvé en la voyant ? » « Une grande joie, tellement
grande que je ne peux l’exprimer. » « Et ensuite ? » « Un
grand désir de la revoir. »
Cette dernière réponse rappelle celle fournie presque un
siècle plus tard par Adélaïde, âgée de sept ans à peine.

1. Bernadette Soubirous : les apparitions de


Lourdes

Les « roches mystérieuses » du Mont des Es-


peluges. — Bernadette enfant : le taudis, la mi-
sère, la maladie. — L’apparition dans la grotte de
Massabielle. — Les messages de la Vierge : péni-
tence. — La source miraculeuse. — L’Église con-
firme ses visions. — La mort d’une Sainte.

La petite ferme des Castérot-Soubirous où naît Berna-


dette le 7 janvier 1844 est située aux abords de Lourdes,
sur un affluent du gave de Pau. Face à la voie des Mou-
lins, s'élève la colline du château-fort qui garde la vallée
et d’où l’on distingue l’île du Chalet où les porcs sont mis
à la pâture, l’Hospice et le cimetière.
Dans le centre habité proprement dit, regroupé autour de
la place principale, se dressent l’église paroissiale, la mai-
rie et le poste de police.
Le paysage de Lourdes est celui des zones d’accès aux
chaînes montagneuses : un pan de montagne qui n’offre
aucune grande perspective ni aucune beauté émouvante.
Définie à cette époque comme l’une des petites villes « les
plus modestes et les plus humbles des Pyrénées »,
Lourdes ressemblait à tant d’autres lieux qui ne deman-
dent qu’à acquérir une physionomie, à découvrir leur
vraie image.
Mais déjà à cette époque, une étrange impression se pro-
pageait d’un lieu à un autre. Cet endroit était à n’en pas
douter ordinaire au sens où et les contours exprimaient
une réelle modestie ; mais il avait également quelque
chose d’extraordinaire de par les imaginations qu’inspi-
raient les lieux mêmes.
Pour qui se rendait au Mont des Espeluges, toujours le
long du Gave, la roche et les arêtes dégageaient une sim-
plicité qui loin d’être forte et suggestive était étrangement
familière, une fantastique intimité inspirée par une im-
pression de déjà-vu. Peut-être était-ce parce que les «
roches mystérieuses » et les « obscures cavités » susci-
taient l’excitation que fait naître l’idée, la vision toute per-
sonnelle, d’un au-delà probable.
Cette race pyrénéenne résistait aux saisons de maigre
moisson et de vendanges encore plus pauvres, lorsque la
sève tarissait dans les veines des plantes comme dans le
sein des femmes et que les nouveau-nés souffraient de
privations comme les agneaux et les veaux dans les pâtu-
rages et dans les étables.
Louise n'a pas de lait à donner à la petite Bernadette qui
vient de naître aussi l’enfant, telle un homme mourant de
soif dans le désert, est-elle allaitée par une femme de Bar-
très, Marie Laguës. Celle-ci vient de perdre son petit Jean.
Mais ce sein ne réussit jamais à la rassasier. La nourrice
de Bartrès haïra par la suite à tout jamais Bernadette, lui
faisant expier la place qu’elle avait involontairement
usurpée. Ne la nourrissant pas suffisamment, ce « mau-
vais » lait finira en outre par l’empoisonner.
À cinq-six ans, Bernadette qui est déjà de faible constitu-
tion, souffre en effet également de l'estomac et de la rate.
Et l’épidémie de choléra de l’automne 1855 la menace, au
fond d’un taudis où la famille Soubirous, à laquelle sont
venus s’ajouter Toinette et Jean-Marie et bientôt Justin,
a été jetée par la misère. Comme un tourbillon sans cesse
alimenté par de nouveaux courants, l’indigence extrême
qui touche toujours les classes les plus humbles l’a tout
à coup chassée du moulin de Boly.
Le choléra qui sévit dans la région transforme la vive in-
quiétude de ces années de souffrance en véritable pa-
nique. La fragile Bernadette ne peut qu’en pâtir encore
plus que les autres membres de sa famille. Son physique
délicat réussit à résister et à survivre, mais au prix d’une
terrible maladie, l’asthme, qui deviendra à partir de ce
moment le fardeau de sa vie, une chose qui devait tou-
jours lui rappeler la tragédie de la prime enfance.
L’angoisse, l’asthme, une enfance bloquée : Marie-Ber-
narde, dite Bernadette, réussira-telle à devenir femme ?
À l’époque où elle eut ses visions, Bernadette n’avait pas
encore atteint l’âge de la puberté. Même par la suite, elle
devait conserver « un air jeune, une allure enfantine, que
sa petite taille venait accentuer ».
Et pourtant le désespoir avait toujours régné dans la mai-
son des Soubirous. Contrainte d’émigrer avec les siens à
Arcizacès-Anglès, où la famille vécut même dans une ca-
bane, Bernadette qui était déjà dans un état de faiblesse
attrapa le choléra. Elle avait onze ans et sa santé était à
tout jamais compromise.
Les divers échecs de François, le père de Bernadette, se
succèdent, alors que la famille, revenue à Lourdes, en est
réduite à vivre dans une ancienne prison où elle est relé-
guée dans la cellule la plus basse et la plus malsaine,
sans air ni lumière, le « cachot ». L'adolescente, qui ne va
pas à l’école, est totalement analphabète. Elle ne s'ex-
prime qu’en patois.
Elle est maintenant âgée de douze ans et on l’envoie tra-
vailler. Elle fait la servante au village de Bartrès mais cette
vie débilitante l’oblige à revenir chez elle où sa condition
n’est cependant pas très différente : elle doit travailler du-
rement, s’occuper de ses frères et sœurs et aller chercher
du bois.
Et par une journée froide et pluvieuse, alors qu’atteinte
d'asthme elle se met en quête de branchages et d’os d’ani-
maux, elle est surprise dans la grotte de Massabielle, non
loin du centre habité de Lourdes, par l'apparition d'une
jeune et belle dame vêtue de blanc…91

91
C’était le 11 février 1858. Bernadette allait avoir 18 apparitions au total jusqu’au
Bernadette (14 ans), sa sœur Toinette (11 ans) et leur
amie Jeanne Abadie, dite Baloume (13 ans) s'étaient
aventurées vers l’extrémité du champ où le gave confluait
avec un canal, au-delà duquel se découpait l’arête ro-
cheuse de Massabielle. Au pied de ces roches, on trouvait
du petit bois et des os en abondance. Les deux autres fil-
lettes s’étaient dépêchées de traverser le ruisseau à l’en-
droit où il pouvait être passé à gué avant de se jeter dans
le gave. Bernadette quant à elle hésitait, pensant à son
asthme, à la fièvre qu’elle avait, aux recommandations de
sa mère et ne voulant pas mouiller ses bas dans l’eau.
Mais devant les appels de ses deux compagnes, qui ne
pouvaient venir la chercher pour la porter de l’autre côté
de la rive, elle prit courage. Elle pensa tout d’abord à en-
lever ses bas, pour ne pas les mouiller. Elle se pencha et
en ôta un.
C’est alors qu’elle eut la sensation d’être effleurée par un
mystérieux courant d’air, « comme un coup de vent »...
Elle s’était penchée de nouveau pour enlever son second
bas lorsqu’elle entendit encore le bruissement du souffle
de vent... Elle s’arrêta dans son geste et leva la tête en
regardant instinctivement devant elle : en haut de la
grotte qui s’ouvrait sur le versant rocheux, à droite, il y
avait une niche sur laquelle un buisson agite encore son
feuillage et l’obscurité de cette niche s’éclaira tout à coup :
apparut une jeune femme vêtue de blanc qui sourit et fit
un geste l’invitant à s’approcher.
À ce moment, la fillette n’en croit pas ses yeux. Elle

16 juillet de cette même année. L’Église, qui les a reconnues, célèbre l’événement
le 11 février.
cherche le chapelet qui se trouve dans son tablier pour
faire le signe de la croix en portant le crucifix à son front.
Mais, comme elle le dira, elle ne peut lever le bras. Ce
n'est que lorsque l’apparition porte le chapelet qu'elle a
dans les mains à son front que Bernadette peut suivre
son exemple. L’apparition égrène ensuite son chapelet
entre ses doigts mais sans parler. Et à la fin tout dispa-
raît. La cavité rocheuse retrouve son obscurité. La réalité
ambiante revêt son aspect habituel : il y a la pluie, il y a
les deux autres fillettes qui s’agitent pour se réchauffer
après avoir ramassé leurs fagots.
Nous ne pouvons refaire pas à pas tout le chemin de l’ex-
périence mystique vécue par Bernadette. Nous nous limi-
terons par conséquent à quelques observations.
Elle comprit tout de suite que quelque chose d’extraordi-
naire lui était arrivé lorsque, s'adressant à sa sœur et à
leur amie elle demanda : « Vous n'avez rien vu ? » 92 Et
après leur réponse négative, elle avait hésité longtemps
avant de raconter ce qu'elle en revanche avait vu. Elle fit
remarquer également un autre fait étrange : « Quand j’ai
voulu faire le signe de la croix, quelque chose m’a empê-
chée de lever la main et quand « cette chose-là » (Aquerô
en patois) a fait le signe de la croix, quelque chose m’a fait
lever la main. »
La blanche image de la Vierge se présentera dix-sept fois
encore à Bernadette et elle sortira de son silence mais
avec retenue, ne disant que l’essentiel. Si les paroles —
que rapporta par la suite la visionnaire à quelqu’un qui

92
Bernadette s'exprime en réalité en patois : « Aouet bis a ré ? »
l’interrogeait à ce propos — étaient plutôt rares, la com-
munication intérieure, cette espèce de rapport intime et
indicible, non exprimé, que tout être, et surtout la pauvre
Bernadette, aurait été incapable de faire tenir dans un
langage, devait être plus nourrie.
Les « messages » de la Vierge, que l’on a pu reconstituer à
travers le modeste parler de Bernadette, paraissent eux
aussi d’une simplicité déconcertante. À cela s’ajoute le
fait que la Vierge s’exprimait en dialecte :
— « Comment t’a-t-elle parlé ? En français ou en patois ?
» lui avaient demandé les gens de son village, curieux. Et
elle de répondre :
— « Oh ! mais comment voulez-vous qu’elle me parle en
français ? Est-ce que je le connais moi, le français ? Elle
me parle en patois et elle me vouvoie. »
Il convient de préciser avant tout que plus que des « mes-
sages » véritables ce sont en fait des annonces ou des pro-
phéties :
« Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans
ce monde, mais dans l'autre oui »93 dit en effet la Vierge à
Bernadette le 18 février 1858, à l’occasion de sa troisième
apparition.
Les « messages » sont également des exhortations plutôt
impératives, dans leur extrême concision : « Pénitence »
dit la Vierge le 24 février, lors de sa huitième apparition.
Et, ce même jour : « Priez pour la conversion des pé-
cheurs. »

93
« Nou proumeti pas deb hé urousa en este mounde, mes en aoute. »
Mais se mêlent également à ces injonctions la révélation
de choses cachées, la clairvoyance et les miracles.
Lors de sa neuvième apparition, le 25 février, la Vierge dit
en effet à Bernadette :
— « Allez boire à la fontaine et vous y laver » 94. Il n’y avait
pas de fontaine ni de source dans les environs, unique-
ment de la boue dans un endroit de la grotte. Mais c’est
cette boue, que Bernadette avait à peine remuée avec ses
mains pour exécuter l’ordre qui lui avait été donné, qui
devait faire jaillir une source si abondante qu’elle est en-
core de nos jours pratiquement intarissable. Et pour ce
qui est des effets purificateurs obtenus en se lavant dans
cette eau, la longue série de guérisons miraculeuses cons-
titue sans doute le chapitre le plus troublant de toute
l’histoire des temps modernes.
Au cours de sa treizième apparition, le mardi 2 mars, la
Vierge charge Bernadette d’aller dire aux prêtres d’orga-
niser une procession pour le jeudi suivant et de diriger
celle-ci vers la grotte. Elle manifeste également le souhait
de voir construire une chapelle en ce lieu :
« Monsieur le Curé », répétera en effet la fillette, «
Aquerô m’a dit :
« Allez dire aux prêtres de faire construire ici une cha-
pelle. »
Et après lui avoir posé un certain nombre d’autres ques-
tions, le curé lui avait demandé :
— Tu ne sais pas encore comment elle s’appelle ?

94
« Anat béue en’a hount è b’y laua. »
— Non, monsieur le curé », avait répondu Bernadette.
— Eh bien, il faut le lui demander.
C’est lors de sa seizième apparition, le 25 mars, que la
Vierge finira par révéler qui elle est, mais sous un qualifi-
catif inconnu de Bernadette.
— Mademoiselle, voulez-vous avoir la bonté de me dire
qui vous êtes, s’il vous plaît ?95
Bernadette dut bredouiller sa question à quatre reprises
avant qu’Aquero ne révèle :
— Je suis l'immaculée Conception96.
Cet après-midi-là, Bernadette demandera :
— Mais qu’est-ce que ça veut dire, Immaculée Concep-
tion ?
Comme dans un montage de séquences cinématographi-
ques qui aurait été rigoureusement expurgé de tout élé-
ment superflu, redondant ou non essentiel, le verbe de
Marie, filtrant au travers d’une fillette analphabète et gra-
vement malade, n’est rien d’autre que condensé de signes
de caractère essentiellement pragmatique mais ayant une
portée évangélique. C’est également si l'on veut un cane-
vas, un synopsis pour toutes les rencontres possibles
avec le surnaturel qui mobiliseront les sens, les facultés
extrasensorielles, l’esprit et l’âme des futurs visionnaires.
C’est sur ces bases que se développera la littérature —
plus ou moins abondante — sur les messages surnaturels

95
« Mademisello, boulet aoé la bountat de me dise que es s’il bou plait ? »
96
« Que soit l’Immaculada Councetsiou. »
rapportés par des adultes et des enfants. Des fondations
ont été jetées dans les profondeurs de la psyché collec-
tive : les visionnaires de toutes les races et de tous les
pays, incultes pour la plupart, d’origine et de condition
socioprofessionnelle modestes, semblent — sans s’en
rendre compte et ignorant le catéchisme de Lourdes —
suivre le scénario écrit par la petite bergère des Pyrénées.
Cette dernière fut certainement également dépositaire de
quelques grandes révélations prophétiques sur les desti-
nées de l’humanité, comme c’est également le cas pour
toute compilation de messages mariais, mais ne les trans-
mit pas, soit par ordre divin, soit par incapacité ou par
peur. Il faut songer dans le cas de Bernadette aux doutes
et à la suspicion, aux véritables tortures psychologiques
et morales qui l’avaient rendue victime du retentissement
qu’avaient eu les événements la concernant. Lors de la
treizième apparition de la Vierge, mille trois cents per-
sonnes étaient présentes sur les lieux. Il y en avait quatre
mille pour la quatorzième et presque huit mille pour la
quinzième. Dans ces circonstances, « l’enfant du cachot »
faillit être envoyée à l'hôpital psychiatrique.
Bien qu’elle soit considérée comme « visionnaire », le
monde s’empare du mythe de Bernadette pour s’en exal-
ter, avant même que l'Église ne se soit prononcée. Elle
s’affaiblit. À seize ans, elle est par chance confiée aux re-
ligieuses de l’Hospice du village, auprès desquelles elle
restera jusqu’à l’âge de vingt-deux ans.
Entre temps, l'Église reconnaît l’authenticité de ses vi-
sions (18 janvier 1872). Mais, atteinte de pneumonie, elle
est sur le point de mourir et reçoit l'Extrême-Onction.
Elle demeure cependant en vie. Elle s’efforce avec beau-
coup de mal de s’occuper des malades et des petits élèves
de la communauté qui peuple l'Hospice. Mais on la juge «
bonne à rien ». Elle est sur le point de devenir religieuse.
La première messe est célébrée à la Grotte. Bernadette,
qui doit commencer sa vie de recluse à Nevers, dit en ar-
rivant dans sa nouvelle retraite : « Je suis venue ici pour
me cacher. »
Toujours incapable de soutenir le moindre effort, tuber-
culeuse des pieds à la tête, elle passe son noviciat à l'infir-
merie. Elle prononce ses vœux lorsque, à nouveau sur le
point de mourir, elle reçoit pour la deuxième fois
l'Extrême-Onction, qui lui sera administrée une troisième
fois à l'occasion d'une énième crise d'asthme. Elle est re-
léguée au rang d'aide-sacristine.
Sa fin prématurée est désormais proche. De l'automne de
1875 au printemps de 1879 où elle reçoit finalement les
derniers sacrements, elle est presque toujours alitée.
« La Sainte est morte ! », s’écrie la foule en apprenant le
décès. Son enterrement est un triomphe.

2. 1953, Syracuse : de vraies larmes coulent d'une


statue de la Vierge. Un miracle authentifié

Une statuette de la Vierge qui verse des larmes. —


D’immenses foules viennent assister au miracle.
— Des larmes analysées en laboratoire. — Cinq
cents guérisons signalées — Des larmes chimique-
ment semblables aux larmes humaines. — Une dé-
claration des Evêques authentifiant les faits.

Un fragile haut-relief en plâtre — un « capezzale » comme


on dit dans cette région, c’est-à-dire un objet destiné à
être accroché au chevet du lit — représentant le Cœur
Immaculé de Marie, qui coûtait à l’époque 3 500 Lires,
versa des pleurs pendant trois jours et demi du 29 août
au 1er septembre 1953. Il avait été acheté peu de temps
avant et installé dans la modeste chambre à coucher de
deux jeunes mariés siciliens habitant à Syracuse, dans
un petit appartement du 11 de la via degli Orti. Les pleurs
étaient silencieux mais insistants, abondants, prolongés
et affligés ; c’étaient des « larmes humaines » versées « de
manière humaine ».
La statuette figurait au nombre des modestes cadeaux de
noces qu’avaient reçus Antonina Giusto, née à Syracuse
le 11 janvier 1933 et avant-dernière d’une nombreuse fa-
mille, et Angelo Iannuso, également né à Syracuse le 18
mars 1926 et lui aussi avant-dernier d’une nombreuse
progéniture.
C’était une de leurs belles-sœurs qui avait acheté le ca-
deau. Grazia, la femme de Giuseppe Iannuso, avait fait
son choix dans le magasin Floresta, au n° 28 du Corso
Umberto, entre deux petites statues de la Vierge qui re-
présentaient toutes les deux le Cœur Immaculé de Marie.
Bien que de sensibilité communiste et manifestant lors
des grèves organisées par la Caméra del Lavoro, Angelo,
ouvrier agricole, pas plus qu’Antonina son épouse, peu
pratiquante, ne trouvèrent rien à redire à ce cadeau et
l’accrochèrent au chevet de leur lit comme c'est l’usage en
Sicile et dans les autres régions de l’Italie méridionale.
On accédait à la maison des Iannuso, par une porte
étroite donnant sur la via degli Orti, une rue en mauvais
état, poussiéreuse et toute défoncée. On trouvait à l’en-
trée un local dont la voûte s’était effondrée. Puis se pré-
sentait un couloir étroit et sombre qui servait de cuisine.
Ensuite venaient les petites pièces occupées par les deux
frères, Giuseppe et Angelo Iannuso et leurs épouses. Le
couloir menait à celle d’Angelo et d’Antonina. C’était une
petite chambre au plafond bas et aux murs nus.
Dans cette chambre uniquement éclairée par un filet de
lumière provenant d'une fenêtre qui donnait sur la via
Carso qui fait l’angle avec la via degli Orti, se trouvaient
un lit, deux tables de nuit, une armoire, une commode,
un coin toilette, une petite table recouverte d’une nappe
aux rayures bleues et plusieurs chaises. C’est là que souf-
frante, en raison d’une grossesse difficile, Antonina devait
à longueur de journée demeurer étendue sur son lit.
La toxicose qu’elle avait contractée à l’occasion de sa gros-
sesse lui causait bon nombre de troubles et de souffran-
ces mais également des crises de convulsions si violentes
qu’elle en perdait momentanément la vue. Les deux
jeunes gens avaient passé beaucoup de nuits blanches,
notamment celle du 28 au 29 août 1953. Dans la soirée,
Angelo et Antonina avaient voulu aller au cinéma et ils
étaient rentrés vers 23 heures 30. En pleine nuit, vers 2
heures 30, Antonina eut une crise et à 3 heures elle perdit
l’usage de ses yeux.
Ce fut une nuit affreuse. Mais à six heures du matin, bien
que sa femme ne fût toujours pas remise, Angelo fut
obligé de la quitter pour aller travailler dans les champs.
« J’étais prise de convulsions », racontera Antonina, « et à
un moment où j’avais ces convulsions, j’ai eu une crise
plus forte et j’ai recouvré la vue. J’ai ouvert les yeux et j’ai
vu la Sainte Vierge qui pleurait. Nous avons alors appelé
les voisins et tout le monde s’en est aperçu... »97
Antonina était allongée la tête au pied du lit car elle avait
très chaud et, dans cette position, elle pouvait sentir le
peu d’air qui arrivait par la fenêtre. L’une des vitres était
en fait cassée et même lorsque les volets étaient fermés
l’air pouvait circuler dans la pièce. Par ailleurs dans cet
espace très réduit, sa belle-sœur Grazia ne pouvait lui
porter assistance que si elle s’allongeait de cette manière :
pour maintenir ses mains et ses bras pendant les crises
de convulsions, le pied du lit était en effet plus commode
parce que plus bas que le chevet, adossé au mur.
— C’est pour cela que j’ai tout de suite vu que la statuette
de la Vierge qui était en face de moi était en train de pleu-
rer.
— Vous avez bien vu couler des larmes des yeux de la
petite Sainte Vierge ? demanda-t-on à Antonina.
— Oui, elles tombaient sur le rebord du lit.
— Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?
— Quelle peur j’ai eue...
— Vous avez eu peur ?

97
Propos recueillis par Lucio Basco pour la station de radio WOV de New York.
— Ben naturellement. Je me suis levée du lit et je suis
sortie en courant de la pièce. Il y avait ma belle-sœur et
ma tante avec moi98.
— Dans la soirée du 28, ma belle-sœur était au lit avec
des convulsions et ses yeux ne voyaient plus, raconte
Grazia Iannuso. Elle m'a appelée vers huit heures et de-
mie du matin le 29. C'était un samedi. Elle était étendue
au pied du lit. Au cours d’une crise elle a retrouvé la vue.
Après cela, elle s’est aperçue que la Sainte Vierge trans-
pirait et elle m’a appelée car j’étais là pour la réconforter.
— Grazia, tu la vois ? La Sainte Vierge est en train de
transpirer... »
Mais qu’est-ce que tu dis, que je lui ai répondu. Ce n’est
pas vrai qu’elle est en train de transpirer la Sainte Vierge.
Alors j’ai laissé ma belle-sœur qui était étendue au pied
du lit et je me suis approchée de la tête du lit : et là j’ai
vu que la Sainte Vierge n’était pas en train de transpirer
mais qu’elle pleurait, elle pleurait vraiment, les larmes
coulaient de ses yeux. Je me suis tournée vers ma belle-
sœur et je lui ai dit : « Antonina, Antonina, elle ne trans-
pire pas la Sainte Vierge, elle est en train de pleurer. »
Alors, quand elle entendit que la Vierge pleurait vraiment,
elle fixa le tableau, les yeux grands ouverts. « Maria, m'a-
t-elle dit, maintenant j’ai peur. » Je lui ai répondu en lui
disant : « N’aie pas peur car la Sainte Vierge te protège.
Qui sait, peut-être qu’elle a vu toutes les souffrances que
tu as connues pendant ces cinq mois. » J’ai pris alors un
chiffon et j’ai essuyé les mains de la Vierge. Ma mère était

98
Ibid. Ce témoignage comme le précédent ont été recueillis par Lucio Basco en
dialecte sicilien.
avec moi et on essayait de rassurer ma belle-sœur. J’ai
pris le chiffon et j’ai essuyé complètement la Sainte
Vierge. Ma belle-sœur s’est levée du lit et elle est allée
dans la petite salle.
Au bout d’un quart d’heure, vingt minutes, ma belle-sœur
est revenue dans sa chambre et elle a vu que les gouttes
étaient tombées sur la tête du lit. Je me suis alors retour-
née et j’ai dit : « Mais alors c’est bien ça... je ne pensais
pas... c'était quelque chose de froid... Je ne pensais pas
que c’était... J’ai appelé une voisine, la femme de l’agent
de police Rubera. Et c’est comme ça que les gens sont
accourus. En voyant toute cette foule... »
La mère de Grazia intervient :
— La petite main de la Vierge se remplissait comme une
fontaine.
Grazia poursuit :
— Nous sommes allées appeler la police et ils ont vu que
la Sainte Vierge pleurait. »
Au cours de la matinée du 29, la statuette versa des
larmes à six ou sept reprises.
Les premières larmes de la Sainte Vierge de Syracuse fu-
rent essuyées avec un petit chiffon, un « quatratu ». Les
autres le furent par les personnes qui défilèrent dans la
pièce les jours suivants.
Ce matin-là, Giuseppe Iannuso, le frère d’Angelo, était
parti au travail. En revenant à midi, il était de mauvaise
humeur car il venait d’être licencié. En voyant la confu-
sion qui régnait chez lui, il demanda à sa femme : « Razia,
chi avi, Ninna ? » (Grazia, qu’est-ce qu’elle a Antonina ?).
En le voyant déjà si sombre, sa femme hésita à lui ré-
pondre. Ce furent les autres qui lui révélèrent que la
Sainte Vierge pleurait.
— La Sainte Vierge pleure ? répéta-t-il ébahi. Mais c’est
nous qui devrions pleurer.
Giuseppe entra dans la chambre de sa belle-sœur. Il prit
la statuette, la décrochant du mur. Il regarda ses mains
après les avoir posées sur l’objet : elles étaient mouillées.
Le liquide coulait des yeux de la petite Sainte Vierge.
Il était environ cinq heures et demie de l’après-midi lors-
que Angelo revint à son tour du travail. Du bout de la rue,
il remarqua tout de suite que les gens s’étaient rassem-
blés devant chez lui. Il eut un coup au cœur. Il pensa tout
de suite à Antonina : peut-être son état avait-il empiré,
peut-être était-elle morte. Mais à cet instant son frère
Giuseppe courut au-devant de lui en compagnie d’un ami.
— N’aie pas peur. Et ils lui expliquèrent que tous ces gens
étaient là parce que la Sainte Vierge pleurait dans sa mai-
son. Mais Angelo n’en crut rien. Arrivé devant la porte de
sa maison, encore tout bouleversé, il ne réussit même pas
à se frayer un passage au milieu des gens pour entrer.
L'angoisse de ces quelques instants fut terrible.
Finalement, Angelo Iannuso ne put pénétrer chez lui
qu’avec l’aide de la police qui délogea également tous ceux
qui avaient envahi la chambre à coucher.
Demeuré seul en compagnie de sa femme, Angelo cons-
tata que la statuette n’était pas en train de pleurer. Ce-
pendant, quelques minutes après, étant resté en tête à
tête avec la Sainte Vierge qu’il n’avait cessé de fixer dans
les yeux, il put voir que la statuette se mettait à verser
des larmes. Angelo en fut si troublé qu’il tomba instincti-
vement à genoux : « Je me suis agenouillé et j’ai prié —
Petite Sainte Vierge, pourquoi pleurez-vous ? — Je pen-
sais à elle (il montre sa femme), à elle qui allait si mal...
Qu’allait-il lui arriver ? »
Lorsqu’il se releva, il sortit sur le pas de la porte et appela
le Commissaire de Police qui se trouvait sur place :
— Commissaire, elle pleure.
Pendant trois journées entières, les curieux, qui avaient
envahi de nouveau la maison des Iannuso, ne voulurent
à aucun prix quitter le lit de la malade.
« Alors nous avons accroché la statuette sur la porte »,
raconte Angelo, « puis nous l’avons emportée jusqu’au pe-
tit jardin pour que tout le monde puisse la voir car ma
maison est petite et elle ne pouvait pas recevoir toutes ces
personnes. Et donc, pour que tout le monde soit content,
nous l’avons mise dehors.
— J’ai été l’un des premiers à apprendre que la Sainte
Vierge versait des pleurs, dira un témoin, quelques mi-
nutes après que le fait se soit produit. En passant dans
la via Pasubio, je me suis retourné vers la via degli Orti et
j’ai vu un petit groupe de personnes rassemblées devant
la maison d’Antonina Giusto. Lorsque j’ai appris ce qui
s’était passé, je me suis tout de suite éloigné, ne croyant
pas du tout à ce que l’on m’avait raconté. Le jour suivant,
une foule immense faisait déjà le siège de la maison. Vers
dix heures, je réussis à me glisser jusque sous la fenêtre
de la maison, que l’on ouvrait de temps en temps. Lorsque
la Sainte Vierge se mit à pleurer, la fenêtre s’ouvrit en effet
et un carabinier appuya le haut-relief sur le rebord. Et j’ai
vu alors les yeux de la Sainte Vierge devenir humides,
j’avais même l’impression que ses paupières étaient gon-
flées, puis les larmes grossirent au coin de l’œil et coulè-
rent légèrement le long des joues, se rejoignant sous la
cavité formée par le menton, et j’ai vu bien distinctement
une larme tomber de celui-ci »99.
« Il était presque midi le 29 août lorsque ma sœur me dit
qu’il y avait une statuette de la Sainte Vierge qui pleurait
chez la signora Giusto, raconte une femme, témoin elle
aussi. D’abord je n’ai pas voulu y croire, puis, par curio-
sité, j’ai voulu aller voir. J’y suis allée mais je n’ai pas vu
les larmes, car les gens qui étaient présents les avaient
déjà essuyées, certains avec des mouchoirs, d’autres avec
du coton. Je suis donc revenue chez moi, mais je suis
retournée dans l’après-midi car une voisine m’avait dit
que la Sainte Vierge s’était encore mise à pleurer. Il y avait
beaucoup de monde, mais je réussis à m’approcher près
du lit au-dessus duquel était accrochée la Sainte Vierge
et, à mon grand émerveillement, je pus voir des larmes
s'échapper des orbites et couler le long du visage de la
Sainte Vierge avant de tomber sur ses mains, qu’elle tient
sur son cœur. Devant ce phénomène prodigieux, je ne pus
retenir des pleurs et j’étais si émue que je n’osais même
pas baiser la statuette ou essuyer ses larmes, comme les
autres le faisaient. Il y avait des gens qui, bien qu’ayant
vu ces larmes, ne pouvaient y croire, il y eut même une
jeune fille qui voulut goûter des larmes de la Sainte Vierge

99
Valvo Bruno, habitant au 74 de la vie Caltanissetta, à Syracuse.
et qui constata toute étonnée qu’elles étaient salées,
comme nos propres larmes. Et la signora Giusto nous
ayant demandé à tous de sortir une fois que nous avions
vu la Sainte Vierge, je rentrais chez moi bouleversée et je
racontai à ma famille que la Sainte Vierge pleurait vrai-
ment. »
« On ne parlait que d’une seule chose à Syracuse : du
tableau de la Sainte Vierge de la via degli Orti qui versait
des pleurs. Je voulus donc aller voir moi aussi via degli
Orti pour assister à cet événement extraordinaire. Une
foule immense se pressait autour de la Sainte Vierge, le
tableau ayant été placé au dehors de la maison où s’était
produit le prodige. Celui-ci était éclairé au moyen d’un
petit projecteur et je pus ainsi constater moi aussi que de
l’œil gauche coulait une larme qui, descendant le long du
visage, avait mouillé la pommette et le cou de la Sainte
Vierge. Mais ce qui m’impressionna le plus ce fut l'expres-
sion de ses yeux : elle n’avait en effet rien de matériel, elle
était humaine, son expression était celle d'une véritable
mère qui souffre » 100.
— Moi, Tina Santuccio, je suis allée le 31 août 1953 avec
ma grand-mère voir le tableau de la Sainte Vierge. À dire
vrai, j’étais un peu sceptique sur ce qui s’était passé, car
je n’arrivais pas à me convaincre que la Sainte Vierge ait
pu pleurer. Beaucoup de gens doutaient comme moi et
nous restions presque tous là à attendre plus par curio-
sité que pour prier la Vierge. Il est difficile de trouver les
mots pour décrire la scène à laquelle j’assistai dans la via

100
Giuliano Gaetano, Via Garibaldi 30, Fioridia.
degli Orti. Une multitude de gens qui poussaient en hur-
lant, en gesticulant et qui demandaient à voir ce tableau
de la Sainte Vierge en pleurs.
Certains posaient des questions pour savoir ce qui se pas-
sait, d’autres, fatigués après une longue attente sous un
soleil écrasant, ne se décidaient pas à partir. Tout à coup,
alors que tout le monde attendait impatiemment l’événe-
ment, on entendit crier : "La petite Sainte Vierge est en
train de pleurer, La Sainte Vierge fait couler des larmes
du tableau”. Nous étions tous abasourdis, quand nous
vîmes la fenêtre s’ouvrir et le tableau apparaître, tenu par
son propriétaire. Je vis de mes yeux couler les larmes du
tableau ; la Vierge ressemblait à une pauvre femme qui,
attristée par les péchés commis par ses enfants, aurait
laissé paraître sa douleur. Elle était très belle et en la
voyant n’importe qui se serait converti, même un non-
croyant. Les hommes qui auparavant, en entendant par-
ler de ce fait, refusaient d’y croire en disant que ce n’était
pas possible étaient maintenant en train de pleurer et de
prier, voulant absolument la voir. Tout le monde rentra
bouleversé, se promettant bien de ne plus faire pleurer la
Sainte Vierge »101.
Les personnes qui commençaient à affluer dans la maison
de la via degli Orti arrivaient à Syracuse par tous les
moyens de transport disponibles : en train, notamment
en provenance de gares situées sur des lignes secon-
daires, en bateau, après avoir effectué la traversée entre
le continent et la Sicile, en avion et dans les voitures par-

101
Tina Santuccio, Via Malta 58, Syracuse.
ticulières. Certains venaient même en mobylette ou en bi-
cyclette. Ceux qui arrivaient des petits villages de cam-
pagne des environs utilisaient la typique charrette sici-
lienne ou leur tracteur. D’autres venaient à pied.
Selon un journaliste : « Si l’on ajoute enfin que de très
nombreux malades ont été transportés en ambulances
des provinces les plus éloignées de la Sicile, on peut esti-
mer sans trop se tromper que ceux-ci sont venus aug-
menter le nombre de visiteurs à raison d'un peu plus d’un
millier d'unités, ce qui représente une moyenne de 19.000
personnes par jour pour un chiffre total de fréquentation
de 1.159.000. »102
Ce chiffre ne prend cependant pas en compte les habi-
tants de Syracuse même. De l’aube au crépuscule, et
même durant la nuit, quelque 5.000 visiteurs syracu-
sains en moyenne par jour ont défilé devant la statue de
la Sainte Vierge et se sont arrêtés sur la place, particuliè-
rement le soir, pour réciter le Rosaire. Le nombre des pè-
lerins qui ont participé à ce spectacle émouvant au cours
des deux mois pendant lesquels se produisit le phéno-
mène s’élève à presque 1.500.000 personnes.
Certains soirs, alors que presque tous les pèlerins avaient
repris un train de nuit pour rentrer chez eux, on put voir
sur la place Euripide une foule de 10.000 à 15.000 per-
sonnes, de Syracuse pour la plupart, réunies pour réciter
le Rosaire. Mais on peut s'interroger sur le nombre de per-
sonnes qui étaient passées sur cette place durant la jour-
née.

102
Ottavio Musumeci, Ha pianto la Madonna a Siracusa, Syracuse, 1954.
Il conviendrait d'ajouter aux chiffres recueillis pour les
deux premiers mois trois cent mille autres personnes qui
défilèrent devant la Sainte Vierge pendant les seuls mois
de novembre et de décembre. Certains soirs le nombre des
Syracusains présents sur la place Euripide fut évalué à
trente mille voire à trente-cinq mille personnes. Le 6 dé-
cembre, jour de la clôture de la Mission Mariale en pré-
sence de l'Archevêque, Mgr Baranzini, et le soir du 13 dé-
cembre, jour de la Sainte Lucie, une foule immense rendit
hommage à la Vierge en promenant dans la ville la statue
en argent de la Sainte Patronne. L'Épiscopat de Sicile
avait fait une déclaration sur la Vierge des pleurs et celle-
ci avait été communiquée aux habitants de Syracuse par
l’Archevêque.
De fin août à fin décembre se sont donc succédées aux
pieds de la Sainte Vierge en pleurs quelques 1.800.000
personnes provenant de Syracuse même, d’autres régions
de l’Italie ou de l’étranger.
Dans l’intervalle, dès le 1er septembre de cette fatidique
année 1953, et essentiellement à la demande du curé de
paroisse, le Père Giuseppe Bruno, des analyses scienti-
fiques avaient été entreprises sur les larmes versées par
la Sainte Vierge de la via degli Orti. Une Commission
nommée par le Chancelier de la Curie épiscopale de Sy-
racuse, Mgr Giuseppe Cannarella, envoya donc ses repré-
sentants dès ce premier jour de septembre au 11 de la via
degli Orti. Ils pénétrèrent dans la maison avec l'aide des
agents de la Force Publique. Arrivés dans la chambre à
coucher, ils y trouvèrent Antonina qui ouvrit un tiroir
fermé à clé au fond duquel se trouvait, enveloppée dans
une serviette de table, l'image de la Sainte Vierge.
Dans le rapport scientifique qui fut rédigé par la suite, on
peut lire : « Ladite image était déjà à l’évidence mouillée
en plusieurs endroits du visage et du buste, que l’on es-
suya soigneusement avec un coton. Il ne resta ainsi
qu’une seule goutte, dans le coin interne de l’œil gauche
et celle-ci fut prélevée à l’aide d’une pipette contenant
1/10 de cm3. Quelques gouttes perlèrent ensuite au
même endroit et furent également recueillies. »
Alors que le contenu de la pipette était placé dans un tube
de verre, d’autres larmes ont coulé de l’œil et sont venues
se déverser dans le creux de la main qui tenait le Cœur
Immaculé. Elles ont également été prélevées à cet endroit.
Pendant l’opération de prélèvement, il ne fut pas possible
d’empêcher certaines personnes de l’assistance d’essuyer
une partie des larmes.
Un peu plus d’un cm3 de liquide en tout a pu être emmené
au laboratoire. Le phénomène, qui avait duré près de
quinze minutes à partir du moment où la statuette avait
été extraite du tiroir, ne s’est plus reproduit et il n’a donc
pas été possible de se procurer d’autre matériel pour
l’analyse.
Il convient de noter que l’examen à la loupe de l’angle in-
terne des yeux n’a révélé la présence d’aucun pore ni
d’aucune irrégularité sur la surface de l’émail.
La partie en faïence de la statue a été détachée de son
support en verre de couleur noire et l’on a pu noter que
l’image était constituée d’une épaisseur de plâtre variant
de un à deux centimètres environ, recouverte à l’extérieur
d’un émail polychrome et présentant à l’intérieur une sur-
face brute et irrégulière de couleur blanche qui s’est révé-
lée totalement sèche au moment de l’examen.
L’objet du prodige se présentait comme un petit tableau
de 28 centimètres sur 23, inséré à l’aide de vis dans un
cadre de 24 centimètres sur 28. Les détails techniques de
la fabrication du tableau furent fournis par le fabricant
lui-même qui témoigna sous serment en présence du Père
Giuseppe Bruno le 14 septembre 1953. Par ailleurs,
Ulisse Viviani, fondé de pouvoir de la Société, résidant au
n° 25 de la via Contessa Casalini à Bagni di Lucca ; Amil-
care Santini, sculpteur, habitant à Cecina (province de
Livourne) au 137 de la via Aurelia ; Domenico Condorelli,
représentant de la Société pour la Sicile, résidant à Ca-
tane, au 19 de la via Anfuso, vinrent à Syracuse et, après
avoir observé attentivement la Sainte Vierge qui pleurait,
déclarèrent avoir constaté que celle-ci était exactement
dans l’état où elle est sortie de l’usine. « Aucune modifi-
cation de quelque nature que ce soit n’a été apportée à
celle-ci. »
L’image de la Sainte Vierge en pleurs de Syracuse avait
été réalisée dans les ateliers de la Société I.L.P.A. (Indus-
trie Lucchesi plastiche artistiche) de Bagni di Lucca, dans
la province de Lucques. Le sculpteur qui l’avait modelée
était un certain Amilcare Santini, de Cecina et le matériau
qui avait été utilisé était le gypse pur de Brisighella (pro-
vince de Forli), c’est-à-dire le même matériau que celui
qui sert à la fabrication de tous les produits en plâtre pro-
venant des ateliers réputés de la Val di Lima dans la pro-
vince de Lucques. Le phénomène qui s’est produit à Sy-
racuse n’a jamais été constaté avec aucun produit reli-
gieux ou profane sorti de ces ateliers. La fabrication se
fait de la manière suivante :
Le plâtre est gâché avec l’eau puis il est coulé dans des
moules en caoutchouc ou en gélatine. Dès qu’il a pris, ce
qui ne demande que quelques minutes, l’objet est sorti du
moule et mis à sécher à l’air et au soleil. Lorsqu'il est bien
sec, il est débarrassé de ses éventuelles imperfections
puis coloré. La couleur est appliquée à l’aide d'un aéro-
graphe en utilisant des peintures à la nitrocellulose.
L’épaisseur de plâtre de la statuette en question et des
figurines de ce type est en général de deux à trois centi-
mètres. L’œil est obtenu dès le moulage, l’image se pré-
sentant en un seul bloc, sans application ni éléments de
rapport.
Lorsque les larmes cessèrent, au bout de trois jours et
demi, les guérisons commencèrent. Le 5 septembre, la
foule cria au miracle au moins à six reprises.
Il n’y eut pour ainsi dire aucun village de Sicile qui n’ait
eu ses « miraculés ».
Les guérisons se produisaient le plus souvent à proximité
de la petite statuette, mais elles furent également enregis-
trées en des endroits très éloignés : il suffisait d’une image
La reproduisant ou d’un coton imbibé de Ses larmes ou
tout simplement mis en contact avec le prodigieux haut-
relief pour déclencher le miracle tant espéré.
« Sur la place Euripide, la foule s’attardait jusque tard
dans la nuit. De temps en temps, au milieu des prières
murmurées, des bouquets de fleurs apportées en of-
frandes, des sanglots retenus et des invocations pres-
santes, un cri s'élevait soudain :
— Miracle ! Et la foule s’écartait pour laisser passer celui
ou celle qui avait été touché par la grâce. Alors, tandis
que les paralytiques qui se trouvaient devant la stèle de
la petite Sainte Vierge retrouvaient l’usage de leurs
jambes et de leurs bras et donnaient la preuve de leur
guérison en déposant aux pieds de l’Image Sainte leurs
béquilles ou leurs appareils orthopédiques comme autant
d’ex-voto, un frisson passait dans la foule et un cri jaillis-
sait :
— Vive Marie !
Quel fut le nombre des guérisons ? Les journaux débor-
dent de cas. Quelques cinq cents de ces cas furent signa-
lés à la Commission médicale, dont une soixantaine pré-
sentent un caractère vraiment extraordinaire »103.
Le rapport officiel des analyses chimiques effectuées fut
récapitulé par le Pr Leopoldo La Rosa dans une déclara-
tion qu’il fit parvenir à un prêtre espagnol, le Père De Cas-
tro, curé de Santiago de Ciudad Real.
« Comme vous l’avez souhaité, je vous donne un résumé
des informations dont j’ai eu l’occasion de vous faire part
lors de notre conversation.
Le 1er septembre dernier, Michele Cassola, membre d’une
Commission scientifique spécialement nommée à cette
occasion, procéda au prélèvement de ce qui furent les der-
nières larmes de la "petite Sainte Vierge” de la via degli
Orti à Syracuse.
La statuette fut également détachée du support en verre

103
« Época », 18 octobre 1953.
sur lequel elle était fixée à l’aide de deux vis et l’on put
constater que le plâtre dont elle est composée était par-
faitement sec.
Examiné au travers d’une lentille à fort grossissement,
l’œil est apparu — et apparaît toujours — parfaitement
uniforme, sans aucune rayure.
Le 2 septembre, une autre Commission scientifique —
nommée par l’Archevêché de Syracuse est composée de
M. Michele Cassola, faisant fonction de Directeur de la
Section Micrographie du Laboratoire d’Hygiène et de Pro-
phylaxie de Syracuse, de M. Francesco Cotzia, assistant
de ladite section, du Dr Mario Marietta, chirurgien et du
soussigné, Expert-chimiste auprès de la Section Chimie
dudit Laboratoire — procéda à l’analyse des larmes. Le
Père Giuseppe Bruno, curé de la paroisse du Panthéon,
assistait également à cette analyse qui se déroula dans
les locaux de la Section Micrographie.
L’observation microscopique effectuée sur un échantillon
d’un centimètre cube de larmes a permis de séparer les
composants chimiques du matériau utilisé pour la fabri-
cation de la statuette et de mettre en évidence tous les
composants physiologiques des larmes humaines, à sa-
voir une solution aqueuse de chlorure de sodium conte-
nant des traces apparentes de protéines et de substances
quaternaires de type excrétoire comme dans les sécré-
tions humaines.
Les analyses comparatives auxquelles il a été procédé à
partir de larmes recueillies sur un adulte et sur un enfant
d’environ trois ans ont donné des résultats analogues
quant à la composition, ce qui nous a autorisés à faire
savoir à la presse que "le liquide qui s’est écoulé des yeux
de la statuette de la Sainte Vierge présente une composi-
tion analogue à celle des larmes humaines”. En foi de
quoi, je signe le présent rapport. Syracuse, le 17 octobre
1953. Signé : Prof. Leopoldo La Rosa. »
Ce dernier a également délivré à M gr Giuseppe Cannarella
la déclaration suivante :
« Seule une infime quantité de liquide ayant pu être pré-
levée sur la statuette de la Sainte Vierge, un centimètre
cube, nous avons eu recours, pour l’analyse, aux rayons
chimiques par voie humide en utilisant des réactifs chi-
miques spécifiques sur plaquettes de verre avec observa-
tion directe au microscope.
Nous avons pu ainsi exclure par comparaison tous les
éléments du matériau utilisé pour la fabrication, ainsi
que les pigments colorés et les composants de l’émail.
Des essais furent également effectués par voie sèche au
chalumeau oxhydrique et confirmèrent ou exclurent la
présence des éléments examinés par voie humide.
On observa ensuite l’absence de cations de magnésium,
de calcium et de potassium et d’anions sulfuriques et car-
boniques.
L’analyse révéla, outre la présence du cation sodium, celle
de l'anion chlore, puis celle du chlorure de sodium ainsi
que des traces de protéines et d’autres composés quater-
naires, c’est-à-dire des composés formés des éléments
carbone, hydrogène, oxygène et azote que l'on rencontre
dans les sécrétions humaines.
En d’autres termes, l’analyse permit de découvrir la pré-
sence des éléments qui constituent le liquide lacrymal hu-
main.
Cette révélation nous amena à effectuer une comparaison
avec des larmes humaines.
À cet effet nous décidâmes de prélever les larmes d’un
adulte et celles d’un enfant. Le premier prélèvement fut
réalisé par M. Cotzia sur M. Cassola et le second par M.
Cassola sur un enfant d’environ trois ans, dans une
crèche.
Plusieurs essais permirent de conclure à l’analogie la plus
complète entre ces liquides après une réaction identique
du pH 6,9. Nous pûmes ainsi faire le communiqué sui-
vant à la presse : “Le liquide qui s’est écoulé des yeux de
la statuette de la Sainte Vierge présente une composition
analogue à celle des larmes humaines". Signé : Prof. Leo-
poldo La Rosa. »
Lorsque l’image avait été détachée de son support, Anto-
nina Giusto avait voulu la prendre dans ses mains. Elle
s’était ensuite mise à la fenêtre et l’avait montrée en
criant :
— Approchez, vous qui disiez qu’il y avait un truc et que
l’on avait placé derrière cette image un petit robinet pour
faire jaillir les larmes... Venez voir ce qu’est en train de
faire la Commission.
Les agents de police n’avaient pas voulu ouvrir la porte
d’entrée de peur que la foule ne s’y engouffre et M. Cas-
sola dut sauter par la fenêtre pour sortir de la maison.
Le Père Giuseppe Bruno ajouta une note au rapport et la
signa de sa main :
« Étaient présents M. Nicolo Samperisi, Commissaire de
police, le Pr Pasqualino Greco de Floridia, M. Roberto Ber-
tin, chimiste, le brigadier de police Umberto Ferrigno, le
Lieutenant-colonel Giovanni Grasso, commandant la gar-
nison de Syracuse, le Lieutenant-colonel Carmelo Ro-
mano, Officier supérieur de la garnison. Les quatre pre-
miers signataires ont juré sur les Saints Évangiles de dire
la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. »
Dans une déclaration rédigée le 3 septembre 1953, M.
Bertin confirme le rapport officiel de la Commission et
ajoute : « L’envers de l'image se présentait comme une
surface concave constituée, à mon avis, de plâtre dont j’ai
pu constater qu’il était parfaitement sec. Il était par con-
séquent exclu de continuer à penser à des substances hy-
groscopiques ou à des phénomènes de condensation, ne
serait-ce que parce que le liquide qui s’était écoulé pen-
dant les trois jours qui avaient précédé notre visite repré-
sentait un volume considérable. Ayant en outre voulu me
rendre compte par moi-même de la saveur de ce liquide,
j’ai ressenti la même impression que si j’avais goûté à mes
propres larmes. »
Le 12 décembre 1953, le Cardinal Ernesto Ruffini pro-
nonça le message des Évêques de Sicile : « En consé-
quence, les Evêques de Sicile rassemblés dans la villa San
Cataldo à Bagheria, ayant examiné attentivement les
nombreuses dépositions sous serment des témoins ocu-
laires, au-dessus de tout soupçon, et ayant pris acte des
résultats positifs des analyses chimiques conduites avec
diligence sur les larmes versées par l’image pieuse, ONT
JUGÉ UNANIMEMENT QUE L’ON NE PEUT METTRE EN
DOUTE LA RÉALITÉ DES FAITS.
Ils ont donc émis le vœu que cette manifestation miséri-
cordieuse de notre Mère des Cieux nous incite tous à une
pénitence salutaire et à une plus vive dévotion envers le
Cœur Immaculé de Marie, en souhaitant la construction
prochaine d'un Sanctuaire qui perpétue la mémoire du
prodige »104.
Nombreux furent alors à Syracuse les témoins qui purent
dire par exemple : «... j’ai eu la Grâce de pouvoir voir cou-
ler des yeux de cette petite Sainte Vierge en pleurs des
larmes humaines. Je ne trouve pas de mots pour expri-
mer ce que j’ai éprouvé à ce moment-là. Seuls ceux qui
n’ont pas le regard de la foi peuvent ne pas croire à un tel
miracle. D'abord les yeux de la petite Sainte Vierge ont
semblé se gonfler, puis les pupilles sont devenues bril-
lantes et tout de suite après de grosses larmes ont com-
mencé à couler peu à peu le long de ses joues et à se poser
sur sa main qui formait un creux » 105.
Ou encore : « J’ai vu les larmes le 31 août. J'avais appris
la veille que dans le quartier Santa Lucia, via degli Orti
précisément, une statuette représentant la Sainte Vierge
versait des pleurs. Cette nouvelle m'a laissé perplexe, je

104
L’archevêque de Syracuse, Mgr Ettore Baranzini, s’était rendu, à titre privé, chez
les Iannuso le 2 septembre. Il avait ensuite adressé un rapport sur les faits au Saint-
Office et, par décret du 22 septembre 1953 (?) avait constitué au sein de la Curie
un tribunal ecclésiastique spécial qui devait commencer ses travaux le 25 sep-
tembre.
105
Garpinieri Letteria, Via Isonzo 94, Syracuse.
ne voulais pas y croire, une chose pareille était matériel-
lement impossible.
Poussé par la curiosité, je me rendis toutefois en compa-
gnie de plusieurs amis, Aldo Selvo, Liistro Michele, et
d'autres via degli Orti. La rue était pleine de gens, la cha-
leur et les nombreux effluves qui se dégageaient de la co-
hue faisaient qu'il était difficilement supportable d'es-
sayer de se frayer un chemin. Je m’approchai cependant
et après avoir joué des coudes j'arrivai sur le seuil de la
porte. Là, protégé par un cordon d’agents de police, était
accroché le tableau de la Sainte Vierge. On voyait nette-
ment les larmes qui jaillissaient des yeux de la Vierge et
qui descendaient ensuite le long de son visage. Je trempai
un petit morceau de coton et je vis qu'il était humide. Il
ne pouvait donc pas s’agir d’une illusion. Je ne pus que
croire à une telle évidence et après avoir dit une prière je
retournai chez moi »106.
« Je me trouvais au milieu d’une foule immense, presque
aux premières loges, lorsque je me suis senti poussé vers
l’avant par les gens qui semblaient être devenus comme
fous, alors qu’un cri s'élevait vers le ciel : “Elle est en train
de pleurer” (“a Madunnuzza chianci.") J’ai regardé avec
encore plus d'attention et j'ai en effet vu deux ou trois
petites larmes qui, brillant dans le soleil, coulaient sur le
visage de la statuette de la petite Sainte Vierge.
J'étais un peu incrédule mais devant cette vision je suis
resté stupéfait et un frisson a parcouru tout mon corps
tandis que je sentais ma gorge nouée tant mon émotion

106
Tarascio Aldo, Via Croceffisso 38, Syracuse.
était grande. J'ai vu pleurer la petite Sainte Vierge à deux
reprises et j'ai également vu deux miracles se produire et
j'en ai presque pleuré d'émotion »107.
« Dans la via degli Orti, une Sainte Vierge en plâtre à
pleuré : elle a pleuré comme une maman qui voit ses en-
fants en danger, devant un péril imminent. La Sainte
Vierge a pleuré » 108.

3. 1971. Cinquefrondi. Événements mystérieux


dans la Calabre mystique

L’image de la Vierge qui verse des larmes et du


sang — Une visionnaire, Bettina Jamundo, au
corps souffrant — Une boule rouge et la Vierge ap-
paraît — L’Italie connaîtra une triste fin — Rome
et ses prêtres menacés — Des larmes miracu-
leuses qui se changent en sang — Des croix de
sang sur rideaux et lingerie — Apparitions mul-
tiples et stigmates — Les « appels extraordinaires
» de Cinquefrondi se font entendre dans toute la
Calabre — Les larmes et le sang de la Vierge fran-
chissent le détroit de Messine et font leur appari-
tion en Sicile — La Croix de Catanzaro tournée
vers Jérusalem.

À Cinquefrondi, dans la province de Reggio de Calabre,

107
Germano Aristide, Via Dione R.S. Cirstoforo n° 1, Syracuse.
108
Giacomo Cataudelle, Via Arsenale 36, Syracuse.
dans la nuit du 21 au 22 octobre 1971, un tableau repré-
sentant la déposition du Christ tomba à terre sans raison
apparente. La maison dans laquelle il se trouvait trembla,
ainsi que toutes les autres alentour. Le clou auquel il était
accroché n'avait cependant pas bougé du mur où il était
enfoncé.
Quelques jours plus tard, le 26 octobre, une image repré-
sentant le Cœur Immaculé et Douloureux de Marie,
simple reproduction sur papier, se mit à verser des larmes
toujours dans la même maison. Ce fait se répéta à de très
nombreuses reprises, en présence de milliers de per-
sonnes. Puis, le vendredi de la semaine sainte de l'année
1973 (ainsi que de l’année 1974), le sang coula de la plaie
ouverte dans le cœur reproduit sur la même image.
Ces larmes et ce sang furent recueillis et analysés et il
apparut qu'il s’agissait de larmes et de sang humains.
Bettina — diminutif d’Élisabetta — Jamundo, née à Cin-
quefrondi, une célibataire aujourd’hui âgée de plus de
quatre-vingt ans et seule au monde, a toujours habité
dans la maison où se produisirent les prodiges. Ayant
commencé à recevoir les stigmates en 1977, tout d’abord
à l’intérieur des poignets, puis au côté et aux pieds, elle
avait, dès le 23 janvier 1974, était visitée par la Vierge qui
lui avait dicté des messages de la teneur de ceux qui sont
reproduits ci-après.
« Mes enfants. C’est aujourd’hui le jour anniversaire de
mon apparition à Lourdes et mes enfants ne se sont pas
encore rendus compte que ce monde doit finir, que la co-
lère de l'Esprit-Saint est prête à se déclencher et que ceux
qui se vouent à Jésus et à la Vierge Marie sont peu nom-
breux. De mauvaises tempêtes approchent : la terre trem-
blera (11 février 1982, huit heures).
« Priez intensément car vous êtes à la fin du monde et le
message de Luca est en train de se réaliser : tous les évé-
nements que je t’ai annoncés sont les mêmes que ceux
que j’ai annoncés à Luca. Je vous bénis tous. » (31 mars
1982, une heure).
Le 12 mai 1981, Bettina Jamundo avait depuis peu ter-
miné sa sieste (il était dix-sept heures quinze), lorsqu'elle
entendit un fort vent qui fit tomber les images pieuses
posées sur la table de nuit et une voix qui disait : « La
terre tremble, la terre tremble. Deuil au Vatican, deuil au
Vatican. Attentat contre le souverain pontife, attentat
contre le souverain pontife. Répète, répète. »
Instinctivement, ne sachant que penser ni que faire, Bet-
tina courut dans la deuxième pièce de sa modeste maison
où elle avait l’habitude de se retirer et de prier. Peu de
temps après, la sage-femme de Cinquefrondi, Mme Virgi-
nia Creace, vint la trouver : et c’est à elle qu’elle raconta
tout ce qui s’était passé. Les deux femmes étaient trou-
blées et effrayées mais elles le furent encore davantage
lorsque, le jour suivant, elles apprirent la nouvelle de l’at-
tentat perpétré, sur la Place Saint-Pierre à Rome, contre
le pape Jean-Paul II.
C’est au cours de l’été 1986 que je fus accompagnée
jusqu’à l’une des ruelles de son village, Cinquefrondi, —
situé non loin de l’écueil de Scylla, en bordure du détroit
qui sépare la pointe de la botte de la Sicile — par l’un de
ces gentilshommes calabrais, l’avocat Giuseppe Guerrisi,
dont la noblesse ne tient pas uniquement aux biens qu’il
possède ni aux salons qu’il fréquente mais également et
surtout à cette disposition d’esprit et à ces manières qui
allient la grandeur à la douceur, la magnanimité à la sen-
sibilité humaine.
Dans la ruelle, il n'y avait qu’une seule maison, modeste,
mais dont la petite cour était d’une beauté sans pareille
grâce à la présence de deux citronniers « royaux » comme
je n’avais jamais pu en admirer auparavant, deux grands
arbres fournis, prospères et odorants.
C’était la fin de l’après-midi. Une fois entrée dans la mai-
son, je fus en revanche frappée par l’apparence de la vi-
sionnaire âgée, Bettina Jamundo. Assise au milieu de
quelques rares et modestes objets, elle avait un visage ex-
pressif mais son corps inerte était tout recroquevillé, sa
poitrine creusée, son ventre dilaté et malade et ses jambes
étaient monstrueusement enflées. Chez cette vieille
femme, tout exprimait la souffrance et même la torture
physique mais en même temps, la maladie semblait avoir
été surmontée en vertu d’une force intérieure. Au-delà de
ses chairs fanées et flasques, de ses plaies cicatrisées ou
non, et de l’odeur âcre qui émanait de sa personne, l’âme
de la visionnaire se manifestait violemment.
Avant de m’entretenir avec Bettina Jamundo, qui était
immobilisée dans son fauteuil, j’allai visiter la petite cha-
pelle, érigée là pour commémorer les prodiges survenus
dans la maison. C’était autrefois la chambre à coucher de
la maîtresse de ces lieux.
Le tableau de la Vierge qui avait versé des pleurs, accro-
ché sur le mur face à l’entrée, au-dessus d’un petit autel,
était à cette heure estivale et dans le recueillement des
jardins, éclairé par l’ultime et néanmoins intense rayon
de soleil couchant : il semblait touché par la Grâce. C’est
sur cette impression que je retournai vers la visionnaire.
— Je subis le martyre pour la Sainte Vierge, commença
par me dire Bettina Jamundo. Elle parlait dans sa langue,
un pur dialecte calabrais qu’il ne sera jamais possible de
rendre en italien, à défaut du pathos et des rythmes hé-
rités du grec ancien et de quelqu’autre idiome parlé en
des temps reculés, à l’extrême pointe du continent.
— Des opérations, des opérations... Quinze ans que je ne
sors pas de chez moi. J’ai une plaie qui n’est pas encore
cicatrisée, qui se rouvre toujours... Mais la Sainte Vierge
vient me trouver de temps en temps.
— Vous pouvez me raconter l’histoire de la Vierge qui
pleurait ?
— Il y avait un tableau, autrefois, dans l'église patronale.
Quand le prêtre mourut, tous les objets qui se trouvaient
dans cette église furent jetés. Alors, en voyant une car-
riole remplie de toutes ces choses, mon père adoptif, qui
était musicien, demanda : « Je peux prendre ce tableau ?
». « Oui, professeur — lui répondit-on — vous pouvez le
prendre. » Mon père apporta ce tableau à la maison.
Quand elle le vit, ma mère me dit : « Regarde, Élisabetta,
ton père a apporté un autre tableau. Cette maison est
pleine de tableaux maintenant. » Le visage de la Vierge
était couvert de moisissure mais mon père, qui était un
homme très expansif et très généreux dit en s’adressant
à ma mère : « Dis à Elisabetta qu’elle doit vénérer ce ta-
bleau plus que les autres qui se trouvent dans cette mai-
son. Celui-ci, il faut le mettre à l’endroit le meilleur que
nous puissions trouver. » « Où ? » « Où vous voulez, mais
cette Sainte Vierge doit avoir son chapelet tous les jours.
Elle doit tous les jours avoir sa lampe à huile. Nous nous
priverons, mais cette Sainte Vierge doit avoir sa lampe. »
Ma mère était très attachée à l'église et tout particulière-
ment à la Vierge des Douleurs. Mais elle s’attacha égale-
ment comme nous sans réserve à cette Sainte Vierge.
Nous ne la laissions jamais sans lumière. Si nous allions
chez une parente, dans un autre village, nous emportions
la Sainte Vierge avec nous. Elle venait avec nous, voya-
geait avec nous. C’était une créature comme nous. Nous
n'étions pas trois mais quatre. Mon père adoptif construi-
sit une grande boîte. Quand nous allions à Naples, où
nous avions de la famille, la Sainte Vierge voyageait avec
nous jusqu’à Naples. Une fois arrivés, nous la retirions de
sa boîte. Quand nous allions à la mer, à Brancaleone, la
Sainte Vierge était avec nous, ainsi que les fleurs et la
lampe. Bref, combien de voyages avons-nous faits et com-
bien de voyages a-t-elle faits cette Sainte Vierge. Ma mère
mourut et je restai seule avec mon père. Il voulut alors
l’avoir en face de son lit pour pouvoir toujours la voir.
Avant la mort de mes parents, j’avais obtenu mon diplôme
de professeur de couture à Naples. J’exerçai ensuite mon
métier de couturière pendant trente ans. Mon père et ma
mère étaient morts dans l’intervalle. Une parente me dit
alors : « Tu es seule, prends deux institutrices chez toi. »
Elles restèrent sept ans chez moi. Ces deux jeunes filles
de Messine ne me payaient pas : elles apportaient à man-
ger et nous mangions ensemble. Nous formions une fa-
mille.
Puis elle se marièrent et je restai de nouveau seule. Pen-
dant les dix années qui ont suivi, j’ai eu comme locataire
un directeur de banque et un secrétaire. Moi j'étais dans
cette pièce avec la Sainte Vierge. Je faisais la bonne dans
ma propre maison : je lavais la vaisselle, les draps. Puis
ils s’en allèrent l’un après l’autre. Il y avait un peintre qui
était communiste. Je fis appel à lui pour peindre ma pièce
et lui demandai de mettre le lit à cet endroit. Je me rendis
à Maropati parce que là il y avait une Sainte Vierge qui
versait du sang. Il y avait avec moi un garçon qui prit mon
mouchoir et lui fit toucher le verre qui recouvrait la Sainte
Vierge car je n'y arrivais pas moi-même. Mon mouchoir
était blanc. Nous avions fait cela par dévotion. Le mou-
choir était toujours blanc quand je le remis dans mon sac
où se trouvaient également un cordon de Saint Antoine,
des images saintes et d’autres choses encore. Je gardai ce
sac avec moi. Longtemps après, quand le peintre me dit
de ramasser toutes les images qui se trouvaient sur la
commode, mon sac tomba, s’ouvrit et le mouchoir en sor-
tit, portant tous les signes et les croix de sang. Ma Sainte
Vierge n’avait encore rien fait. Au bout d'une quinzaine de
jours, deux jeunes filles vinrent me trouver en me disant :
« Pouvez-vous me couper ce manteau. » Et je répondis : «
Vous m'accrocherez bien ce tableau, le tableau de la
Sainte Vierge, dans ma chambre, au-dessus de la table
de nuit. » Ma chambre se trouvait là où se tient mainte-
nant la petite chapelle. J’ai aussi chez moi un long ta-
bleau représentant la déposition. Il faisait nuit quand je
sentis un très fort tremblement de terre. Les maisons d'à
côté se mirent aussi à trembler. Au matin, les personnes
qui y habitent me dirent : « Mademoiselle, qu’est-ce qui se
passe ?» Je répondis : « Je ne sais pas. » Quand nous en-
trâmes dans la pièce où se trouvait le tableau de la dépo-
sition, nous le trouvâmes à terre. Mais ce tableau ne pou-
vait à lui seul faire un tel bruit. Trois jours plus tard, alors
que je me trouvais chez moi avec les jeunes filles qui
étaient venues pour se faire faire un manteau, je les en-
tendis m’appeler : « Mademoiselle, regardez ce qu’a la
Sainte Vierge. » Je leur dis : « Qu’est-ce qu’elle a ?» Et je
me retournai : le tableau versait des pleurs. « Maman. »
fis-je. Nous nous dîmes : « Tu les vois ? ». « Oui ». « Et toi,
tu les vois ? » « Oui. » Les jeunes filles allèrent appeler leur
mère pour qu’elle voie elle aussi.
Des larmes. Des larmes coulaient. La Sainte Vierge n’était
pas sous verre. Elle était ruisselante... Les larmes sor-
taient du cadre.
C’était le 26 octobre 1971, à neuf heures du matin.
En partant, les jeunes filles me dirent : « Nous ne disons
rien, sinon ce sera la fin de tout. » Le 1er novembre, je
portai des fleurs au cimetière sur la tombe de mes pa-
rents. De retour du cimetière, je m’entendis appeler : «
Mademoiselle, on vous cherche. » C’était le photographe
Tropepe, de Polistena, qui fit ensuite un petit film sur la
Vierge alors qu’elle était en train de verser des pleurs. Il y
eut également un grand nombre de photographies de
prises. Nous appelâmes l’archiprêtre. Le dimanche, le ma-
réchal des carabiniers vint me trouver : « Mademoiselle,
dit-il, vous devez mettre le tableau dehors. » Je mis le ta-
bleau sur une chaise, dehors. Le visage de la Sainte
Vierge qui était auparavant sec, devint tout mouillé. Le
maréchal prit alors le tableau et l’examina. Il vit qu’au dos
se trouvait un carton et qu’il y avait en dessous un papier
tout à fait ancien, puis un autre renfort et enfin la repro-
duction de l’image de la Vierge. Quand il prit celle-ci en
main, les larmes perlèrent des yeux de la Sainte Vierge. «
Ah ! » s’écria le maréchal « C’est un miracle ! » Et s’adres-
sant à moi : « Je vais t’envoyer un de mes hommes de la
caserne. Si les gens touchaient cette image, la maltrai-
taient ! »
C’est là après tant d’années le récit de ces événements
lointains et extraordinaires que j ai recueilli auprès de
celle qui les vécut dans sa personne, une Bettina
Jamundo maintenant vieille et fatiguée mais se dévouant
toujours avec autant de ferveur à la Sainte Vierge. Quant
au tableau qui versa des larmes en 1971, il ne s’agit pas
d’une toile peinte, comme nous l’avons dit, mais d’une re-
production de 40 x 60 cm environ, qui a été amputée
avant d’entrer chez les Jamundo : une main de la Vierge
est en effet coupée.
— Il y a maintenant quinze ans que j’ai commencé à me
consacrer à la Sainte Vierge en disant le rosaire ! dit Bet-
tina.
— La Vierge vous est déjà apparue ?
— Oui, cela a commencé deux ans après les larmes.
C’était en janvier 1974. Je vais vous raconter la première
apparition de la Sainte Vierge. Des gens étaient venus en
pèlerinage de la région de Cosenza. Le maréchal des ca-
rabiniers avait recommandé : « N’ouvrez à personne ! »
Mais les pèlerins voulurent entrer : « Nous dirons seule-
ment un "Salve Regina”. Avec les parapluies, il y eut une
vraie mare par terre. Je dis : « Sainte Vierge, il a fallu que
tu viennes ici, dans ce taudis, et pas dans un salon avec
des divans et tout ça ! »
Les gens s’en allèrent. Je demeurai seule et la maison
était trempée. Je me dis : « Je ne fais rien. Je suis fatiguée
et je vais me coucher. Je suis vieille et malade. »
Quand je me réveillai, le matin suivant, vers huit heures
et quart, c’était le 23, le ciel était vilain, quatre éclairs le
parcoururent et un coup de tonnerre retentit. Une boule
entra alors dans la maison et je me dis : « Elle va éclater
là et toute la maison avec. »
C’était une boule rouge qui alla se placer sous l’armoire.
— De quelle couleur avez-vous dit qu elle était ?
— Jaune et rouge.
— Grande comment ?
— Comme une orange. J’ai eu peur et j’ai pensé : « La
maison va sauter. »
Mais en me retournant j’ai vu une religieuse à côté de la
commode.
« Par où êtes-vous entrée ? » dis-je. Je croyais qu’elle fai-
sait partie du pèlerinage de la veille. « Où vous êtes-vous
cachée ? » (La porte de la maison était fermée. Je n’avais
ouvert que la fenêtre). Je dis encore : « Regardez un peu
ce qui m’arrive avec cette Sainte Vierge ! Les gens se ca-
chent chez moi et y dorment et je n’en sais rien ! Vous
avez dormi sous le lit ? » Elle ne disait rien.
— Elle était belle ?
— Oui elle était belle. Mais ses pieds nus ne reposaient
pas par terre. Elle avait une robe de couleur gris-bleu. «
Traça, elle me parla en dialecte, Sugnu la Mamma del
Nazzareno »109. En entendant ces mots, je me sentis
comme morte : je me jetai à terre à genoux. Je n’étais plus
de ce monde, je me trouvais dans un autre monde. Je ne
comprenais plus rien. « Lève-toi, ne tremble pas, dit-elle,
et écris. » Et je reçus son premier message. Je n’avais ja-
mais reçu de messages. Je n’avais pas de papier sous la
main mais je trouvai un faire-part de mariage. Elle le prit,
le retourna et me fit écrire le premier message :
« Moi, Mère de Jésus de Nazareth, je suis apparue à la
femme qui se consacre à mon Cœur douloureux. Je de-
mande aux âmes qui me sont dévouées de réciter quinze
fois le rosaire en entier, au moins une fois tous les huit
jours. Toi, ma fille, tu sais qui je suis, dis-leur que je prie
pour eux et que je retiens le bras du divin Nazaréen car
ton pays (l’Italie) connaîtra une triste fin. Dis au prêtre,
mon ministre, qu’il vienne plus souvent. Ma fille, nous
nous reverrons. Baise chaque jour l’arbre du premier mi-
racle de la nuit du 15 juillet. »
Elle fit un beau sourire. Elle n’est pas blonde la Sainte
Vierge : elle est brune, avec la raie au milieu. Et ses yeux
sont noisette.
Quand elle disparut...
— Comment disparut-elle ?

109
« Me voici. Je suis la Maman du Nazaréen. »
— Je ne saurais vous le dire. Comme si elle était entrée
dans le mur. Quand elle fut partie, ma maison était toute
sèche, dans un état parfait : la mare qu'avaient provoquée
les parapluies mouillés avait disparu.
— Et la deuxième apparition, quand s’est-elle produite ?
— La deuxième apparition et les suivantes eurent lieu à
une certaine distance l’une de l’autre.
11 février 1974, huit heures quarante :
« Moi, la mère du divin Nazaréen, je veux qu’avec vos
prières vous dissipiez tous ces péchés qui existent dans
le monde. Je t’ai déjà dit que le monde connaîtra une
triste fin, en particulier l’Italie. Ceux qui soulagent les
blessures du Nazaréen... seront placés sous la protection
de ma miséricorde. Priez et faites que l’on prie car ma der-
nière apparition sera triste, tout particulièrement pour
ceux qui ne croient pas à mes larmes. »
3 avril 1974, neuf heures trente cinq :
« Je suis apparue pour la troisième fois à la femme qui
souffre en pensant à ma douleur et à mon cœur qui
saigne... car je vais à la recherche de mon Nazaréen.
Rachetez les péchés par la communion, car vous êtes à la
fin et la charité et les prières, tu le sais ma fille, guérissent
les plaies de mon cher Fils. Vous me voyez affligée parce
que je voudrais tous vous sauver et que mon Fils souffre
beaucoup, ce qui me déchire le cœur à moi, sa Mère. »
13 mai 1974, neuf heures quinze :
« J'apparais devant toi pour la quatrième fois. Dis que
l’Italie a le 14 connu un grand fléau qui a contaminé toute
la nation. Rome, la ville sainte, le paiera ainsi que ses
prêtres. Jadis, le Nazaréen était cloué sur la croix et les
malfaiteurs lui dirent : "Si tu es Dieu, descends de la
croix". Son bras va se libérer, l'heure est venue.
Priez et faites que l’on prie pour cette nudité, mon man-
teau de miséricorde est grand pour ceux qui veulent se
sauver. O mon enfant bien-aimée, amie des apôtres qüi
t’entourent, fais-les prier. »
— La Vierge vient encore vous trouver ?
— Oui.
— Elle vous dicte d’autres messages ?
— Oui.
— Comment se présente-t-elle ?
— En pleurs : la Sainte Vierge pleure.
— En quel endroit de la maison vous apparaît-elle habi-
tuellement ?
— Dans cette petite pièce et dans ma chambre.
— Combien de fois ?
— Des centaines de fois. Quand elle pose la main sur moi
je sens un parfum extraordinaire.
— Comment s’annonce la Vierge ?
— Je la vois tout d’un coup.
— Avez-vous peur ?
— Je sens quelque chose en moi... Je ne comprends rien.
— Êtes-vous mal à l’aise à l’idée de rester seule et de sa-
voir que la Vierge peut apparaître ?
— Non. La Sainte Vierge apparaît également quand il y a
beaucoup de monde. On sent alors un parfum extraordi-
naire et elle apparaît. Elle dicte et j’écris le message. Par-
fois elle me dit : « Sur ce message tu dois tenir le secret.
Quand je te le dirai, tu pourras le faire connaître. »
Non loin de la maison avec son potager et sa petite cha-
pelle où vit la visionnaire Bettina Jamundo en compagnie
de la Vierge qui pleure, se dresse l’église du Carminé dans
laquelle se trouve une statue représentant la déposition
du Christ.
Le soir du 23 mai 1978, jeudi saint, une fillette de Cin-
quefrondi qui s’était approchée de la statue pour la baiser
eut les lèvres et les doigts tachés de sang. Le fait se répéta
le jour suivant dans une église pleine de fidèles célébrant
le Vendredi Saint et il en fut de même pour le Samedi
Saint, le lundi de Quasimodo et en maintes autres occa-
sions.
Le mardi de Quasimodo, alors que l’église avait été fermée
par ordre des autorités ecclésiastiques, un crucifix en
plâtre se mit à verser du sang au domicile de cette même
fillette, au n° 2 de la via Indipendenza. Le prodige se ré-
péta. Le sang recueilli chez la fillette ainsi que celui qui
avait perlé sur la statue de l’église furent prélevés et les
analyses révélèrent qu’il s’agissait de sang humain d’un
autre groupe que celui de la fillette.
Sur une photographie prise sur le vif, on voit clairement
la goutte de sang perler presque à l’extrémité de l’os
iliaque sur le côté droit de la statue de l’église du Carminé
de Cinquefrondi. La goutte de sang humain est apparue
à dix-sept heures trente le 15 janvier 1979, en présence
de témoins.
La fillette s’était cette fois-ci rendue à l’église pour porter
au Recteur, le Père Fortunato Sirrenti, un message que
lui avait confié Jésus le 8 janvier : « Et je vous avertis que
la paix ne viendra pas si vous ne priez pas... Ma mère
pleure du sang parce qu’il n’y a pas assez de prières. J’ai
choisi cette fillette pour qu’elle convertisse les gens et prie
pour le monde. »
Apparaissant une heure plus tard sous l’apparence de Jé-
sus Miséricordieux, le Seigneur ajouta : « Des choses af-
freuses surviendront si vous ne vous ressaisissez pas... et
des Anges du Paradis descendront sur terre et vous di-
ront : "Vous y croyez ?”
Presque deux années ont passé depuis les faits qui se
sont produits à l’église du Carminé. Cinquefrondi est,
nous l'avons dit, situé dans la province de Reggio de Ca-
labre d’où l’on peut voir la Sicile de l’autre côté du détroit
de Messine. Or, le 8 décembre 1980, dans la province
toute proche de Catane, les murs de la maison de la fa-
mille Orofino, située au n° 15 de la via Riganati dans le
village d’Adrano, se retrouvèrent tout à coup maculés de
traces de sang frais. Simultanément, des larmes com-
mencèrent à couler des yeux de l’image figurant sur une
carte postale souvenir en noir et blanc rapportée de Cin-
quefrondi et représentant le Sacré-Cœur de Marie. En
tombant sur la table, ces larmes se changeaient en sang.
Le phénomène dura pendant plusieurs jours. Les gens
pouvaient tremper le doigt dans le sang frais. Un pèlerin
de Catane eut alors l’idée d’apporter dans la maison des
Orofino une grande image de Jésus Miséricordieux. Une
autre fois il apporta une image de la Vierge de Fatima.
C’est alors que le prodige cessa de se produire sur la carte
représentant la Vierge de Cinquefrondi et que les larmes
de sang commencèrent à couler de l’image de Jésus Mi-
séricordieux et de la Vierge du Portugal.
Les gens ont attribué tous ces événements et ces signes,
survenus dans un rayon si étendu, aux « appels extraor-
dinaires de Cinquefrondi ».
Un autre personnage incarne l’expression de la piété po-
pulaire en Calabre : il s’agit de Natuzza Evolo, de Paravati,
une sainte femme également stigmatisée dont la maison
est devenue un lieu permanent de pèlerinage. Tout
comme Bettina et les autres stigmatisés et visionnaires,
Natuzza n’est cependant que la partie visible de cet ice-
berg qu’est la foi en la Sainte Vierge et en son Fils, lequel
atteint, sur cette terre de « Grâce » des proportions gigan-
tesques.
À Nicastro, la foi en Jésus dont les visionnaires Pietro et
Giovanni (leur nom de famille ne peut être divulgué) se
font les apôtres donne lieu à l’apparition de centaines de
croix de sang sur les rideaux, draps et nappes de gens qui
prient avec ferveur dans un lieu de culte privé. Au nombre
de phénomènes « merveilleux » qu’entraîne la dévotion,
j’entendis parler, toujours en Calabre, de deux femmes :
l'une, Maria Marino, dont la gorge laisse de temps en
temps échapper, « par une grâce surnaturelle », un chant
merveilleux, une mélodie sans paroles mais extraordi-
naire ; l’autre, Caterina, originaire de Settingiano, qui
s’entretient tous les jours avec la Vierge et est stigmatisée
pendant la Semaine Sainte. Toutes deux demeurent à Ca-
tanzaro. Maria a été reçue par le Pape Jean Paul II tandis
que Caterina nourrit sa foi en dehors de la protection de
l’église.
Le problème pour moi, qui cherchais à reconstituer la
trame de Cinquefrondi, était surtout de trouver la « voix
d’ange ». Maria avait en effet l’habitude de faire le tour des
églises de Catanzaro, sans programme précis d’après ce
que l’on m’avait dit. Mêlée à la foule, elle attendait sim-
plement que 1’« Esprit Saint » se manifeste à travers elle,
faisant merveilleusement vibrer ses cordes vocales.
Je n’insisterai pas sur le mal que j'eus à rassembler
quelques renseignements plus précis. On me donna fina-
lement le nom d’un frère franciscain que l’on pouvait
trouver dans une petite église de campagne, sur le do-
maine des princes Ruffo délia Scaletta. Celui-ci devait
pouvoir me permettre de rencontrer Maria. À la fin de la
messe, les paysans en habits du dimanche baisèrent la
main de l'officiant et me prirent pour la fille de la prin-
cesse du lieu, une fille qui serait revenue après une
longue absence : dans cette atmosphère de conte de fée,
j’appris du frère franciscain que pour trouver celle que je
cherchais, je devais me rendre, l’après-midi même, à cinq
heures, à l’église du Rosaire de Catanzaro.
J’arrivai à Catanzaro bien avant l’heure indiquée. Je m’at-
tardai tout d’abord dans la partie basse de cette ville
construite autour d’une théorie de quartiers et de fau-
bourgs répartis sur plusieurs niveaux en partant de la
côte et en allant vers les hauteurs. Je m’étais en effet sou-
venue de Caterina et je voulais aller à sa recherche. Je
réussis à trouver sa maison au milieu des ruelles du
quartier Santa Maria.
La jeune femme se terrait chez elle en compagnie de ses
deux enfants dont un nourrisson. Un charmant petit au-
tel était dressé dans l’une des pièces et quelques visiteurs
étaient déjà assis sur un divan. Le mari de Caterina allait
et venait, faisant en quelque sorte les honneurs de la mai-
son. Mais c’était un « compère », fidèle déclaré et « apôtre
» de la visionnaire, qui réglait les allées et venues des vi-
siteurs. Ladite visionnaire dont l’innocent visage avait les
traits tirés attendait, un enfant dans les bras et l’autre à
ses genoux, que sa « Petite Sainte Vierge » (« Madonnina »)
comme elle l’appelait, lui rende visite et la console, entre
cinq et sept heures.
Je souhaitais me trouver dans l’église du Rosaire à cinq
heures pour pouvoir assister à l’arrivée de Maria, mais je
ne réussissais pas à me détacher du divan sur lequel
j’étais assise à côté de la jeune mère qui attendait la
Vierge. Tout à coup elle se leva et courut vers l’autel. Son
visage était radieux, détendu, béat. Son regard était dirigé
vers le haut et tandis qu’elle était en contemplation, son
cou se mit à enfler considérablement, une grosseur de la
taille d’un melon apparaissant sous sa peau à la hauteur
de la glotte.
La Vierge est là et un bruit étrange et profond, un bruit
sec et répété tel un message en morse venu de l’intérieur,
rompt le silence de la pièce. On ne sait d’où il provient
mais, passé le premier moment de surprise, on le rap-
proche de l’enflure et on devine derrière cette crépitation
atone le dialogue muet qui se déroule entre la visionnaire
et son apparition.
Quelques minutes plus tard, la jeune femme est sortie de
son extase : la Vierge a disparu. Je dois maintenant m’en
aller si je veux retrouver l’autre visionnaire. Maria Ma-
rino. Mais en me voyant me diriger vers la porte, Caterina
m'adresse une prière en guise d’adieu :
— Vous voulez me faire plaisir ? Faites-moi rencontrer le
Pape.
Cette supplique empreinte d’une grande tristesse résonne
encore dans mes oreilles alors que je pénètre dans l’église
du Rosaire, perchée tout en haut de la ville de Catanzaro.
Je me fraye un passage parmi la foule et, espérant vive-
ment apercevoir Maria, je vais me placer dans les pre-
miers rangs. La messe touche à sa fin mais tout le monde
est encore là quand s’élève du banc situé juste derrière le
mien une voix profonde, vibrante, retentissante. Une
femme menue s’est levée et a commencé à parler d’une
voix qu’on dirait masculine. Elle lance un sévère avertis-
sement à la foule rassemblée et des invectives contre les
faux prophètes. Lorsque son interpellation est terminée,
la fragile silhouette se dirige d’un pas ferme vers la sacris-
tie, quelques rougeurs ayant malgré tout envahi son vi-
sage. Mon intuition me dit que ce jour-là à Catanzaro l’Es-
prit Saint a soufflé sur notre Maria.
Je lui cours après. Me trouvant face à elle, je m'aperçois
qu’en dépit de sa faible constitution, elle me dépasse. Ses
traits agréables s’accorderaient cependant davantage
avec une voix d’ange qu’avec celle d’un prophète biblique.
Mais tout à coup, avant même que j’ai le temps de pour-
suivre mes réflexions, je vois le cou de Maria enfler, tout
comme celui de Caterina peu de temps auparavant. Puis
j'entends de nouveau le bruit sourd et répété, venu on ne
sait d’où, qui m’avait déjà frappé dans les quartiers de la
ville basse. « Tu reconnais le coassement de la grenouille ?
», me dit-elle de sa voix de vieux prophète. Maria Marino
m’avait donc vue, telle une voyante, alors que je me trou-
vais chez « l’autre », dans les faubourgs de Catanzaro. Je
compris alors pourquoi cet après-midi là, dans l’église du
Rosaire, il n’y avait pas eu pour moi de chant merveilleux.
« Va-t-en. Il n’y a pas de place pour toi. Je ne veux pas de
ton temps, mais de ton cœur ! » dit justement, en des
termes plus ou moins approchants, une poésie de Maria,
de Catanzaro, publiée dans un journal bimensuel de la
paroisse.
Le 2 juillet 1981, jour de la fête de la Madone de la Grâce
et de la Visitation, une voiture parcourait la route qui, des
côtes tyrrhéniennes de la Calabre, mène en traversant la
chaîne des montagnes jusqu'aux côtes ioniennes, à Ca-
tanzaro.
Partie de Cinquefrondi, la voiture dans laquelle voya-
geaient Bettina Jamundo et certains de ses fidèles accom-
pagnateurs, se rendait à Casciolino (Catanzaro Lido).
C'est au cours de ce voyage que, vers onze heures, les
stigmates que la visionnaire avait aux poignets commen-
cèrent à saigner. C’était un jeudi et cela parut étrange,
dans la mesure où le phénomène se manifestait d’ordi-
naire le vendredi.
Il y avait cependant une raison à cela : la visionnaire se
rendait sur la colline où se dresse une Croix portant l’ins-
cription : « Le Christ règne », dans la localité de Casciolino
située sur le front de mer de Catanzaro, en direction de
Jérusalem. C’est un avocat calabrais, Giuseppe Guerrisi,
qui fit ériger la Croix à ses frais, la colline où sont célé-
brées des messes appartenant à son épouse. Il raconte :
« À dix-sept heures, alors que nous nous apprêtions à
nous rendre jusqu’à la Croix portant l’incription "Le
Christ règne”, les plaies se rouvrent, laissant échapper un
flot de sang.
À dix-sept heures dix, nous montons la colline où se
dresse la Croix et nous entamons l’heure d’adoration et
de prière en l’honneur de l'Esprit Saint.
Pendant le troisième quart d’heure de la méditation, nous
voyons Bettina, qui était restée dans la voiture, changer
de visage et tomber en extase tandis que des larmes cou-
lent le long de ses joues. Sont présents : Giuseppe Guer-
risi, Antonia Di Tocco, Silvia di Tocco, Margherita Guer-
rini, Maria Galluzzo veuve Pronesti, auxquels viennent se
joindre, presqu’à la fin du prodige qui dure environ dix
minutes, Giuseppina Messina épouse Prejanô, Mme Mar-
zano et huit autres personnes de Catanzaro, dont Maria
Marino elle-même. Arrive enfin le curé de la paroisse du
Sacré-Cœur, sur le territoire de laquelle se dresse la
Croix. »
Sortie de son extase, Bettina raconte ce qu elle a vu : la
Très Sainte Vierge est apparue dans sa robe blanche et
son manteau bleu, la tête couverte d'un voile blanc. Elle
reposait sur un petit nuage blanc qui la maintenait à
quelque vingt-cinq centimètres du sol. Sa main droite
était accrochée au grillage qui soutient la Croix et elle ras-
semblait de sa main gauche son manteau que le vent
avait dérangé. Une magnifique colombe blanche était po-
sée sur son épaule gauche et avait gardé les ailes dé-
ployées pendant tout le temps de l'apparition. Autour
d’elle se trouvait une multitude de personnes de tous les
âges, vêtues de blanc et de bleu ciel, adultes et enfants,
qui, les mains jointes regardaient vers le haut en direction
d'un disque lumineux qui se tenait au-dessus de la Croix.
Ce disque envoyait des rayons de lumière dans toutes les
directions.
La très Sainte Vierge me disait : « Béni soit ce lieu ! Béni
soit ce lieu ! Béni soit ce lieu ! Béni soit le symbole de mon
Cher Fils ! Béni soit le symbole de mon Cher Fils ! Bénie
soit la Croix ! » Elle s’était éloignée sur ces paroles en don-
nant sa bénédiction puis était réapparue à l’arrivée des
personnes venues de Catanzaro pour s’associer aux
prières. Et Bettina avait répété par deux fois : « La Sainte
Vierge est parmi nous — La Sainte Vierge est parmi nous.»

4. 1982 : L'huile sainte coule à Damas. Les pro-


diges de Soufanieh

Une image de la Vierge où coule une huile miracu-


leuse — Mima, une jeune mariée dont les mains et
le corps se recouvrent d'huile — Le Contrôle de la
police secrète en pays communiste.
Le 28 février 1987, je me trouvais avec le Père Civerra du
Sanctuaire San Salvatore d’Andria (province de Bari).
Avant de m'accorder une interview sur les faits qu'il avait
recueillis au cours de son dernier voyage en Orient,
l'ecclesiastique avait voulu que je regarde avec lui des vi-
déo-cassettes (huit heures d’enregistrement en tout) qu’il
avait rapportées de la Syrie au printemps 1986. Je me
trouvais au siège de Télé-Dehon, la chaîne privée du
Sanctuaire. Brusquement confrontée à des images iné-
dites ou presque dans l’histoire des prodiges mariais, je
restais profondément troublée au point que cette nuit-là
je ne réussis pas à trouver le sommeil. Voici le récit de ces
faits par le père Civerra qui, après s’être rendu en pèleri-
nage à Jérusalem, était passé en Jordanie puis en Syrie.
— Père Civerra, qu’avez-vous vu personnellement à Da-
mas ?
— En ce qui concerne le prodige de Damas, on en parle
beaucoup en Orient. En revanche, il est difficile d'en-
tendre parler d'un événement de ce genre en Occident
quand il y a la guerre en Syrie, la guerre au Liban, la
guerre en Orient.
En 1986, vers la fin du mois de mai, je me trouvais en
Jordanie, à Semakye, chez un de nos missionnaires, don
Ilarion, qui, par hospitalité, tint à me faire visiter Damas.
Je connais l'Orient depuis 1978, grâce aux nombreux
voyages que j’y ai faits mais je n'avais jamais visité la Sy-
rie. Nous partîmes donc le 26 mai 1986 de Jordanie en
voiture, passant la frontière avec beaucoup de difficultés.
Nous restâmes en effet quatre heures à attendre sous le
soleil. La police inspecta notre véhicule en démontant
même les portes et les roues. Nous nous dirigeâmes fina-
lement vers Damas.
J'avais tant souhaité visiter cette ville, qui a selon moi été
le berceau de la Chrétienté : la conversion de Saint Paul
est en effet intervenue sur le chemin de Damas. Je ne
saurai dire si nous sommes passés en auto près du lieu
où s’était produit ce grand tournant historique : nous ne
savions en tout cas rien de ce qui était en train de se pas-
ser à Damas depuis le 27 novembre 1982.
La ville de Damas est divisée en deux grands quartiers :
le quartier historique, qui a gardé sa simplicité, avec ces
constructions coloniales datant de la présence française,
et le quartier moderne, sacrifié en raison de la guerre qui
oppose, comme vous le savez, la Syrie à Israël depuis
1948. C’était un triste spectacle que d’arriver à Damas et
de ne pas voir de jeunes mais seulement des vieillards et
des femmes, dans une ville en état d’alerte permanent où
tout était rationné, même l’électricité (en mai 1986, la lu-
mière était coupée le matin à huit heures et était rétablie
le soir à partir de cinq-six heures). Tous les jeunes étaient
au front.
Près de la Porte Saint-Thomas se trouve le quartier de
Soufanieh. Nous apprîmes des frères franciscains qu’il y
avait là une maison où l’huile coulait à grosses gouttes
d’une image de la Vierge et des mains d’une jeune femme,
Mirna, qui y habitait.
Le soir du 26 nous entrâmes dans la maison de Mirna.
Mirna est un prénom syrien — arabe — qui veut dire Ma-
rie. La jeune femme n’était pas chez elle ce jour-là. Un
grand nombre de personnes était toutefois rassemblé là
pour réciter le chapelet et chanter de beaux chants orien-
taux en l’honneur de la Vierge. Cela me surprit. Certaines
questions me vinrent à l’esprit et le Père Ilario, qui connaît
parfaitement l’arabe, les posa pour moi car lui non plus
n'était pas très au courant de cette histoire. Nous fûmes
ainsi informés que le 27 novembre 1982, Mirna, qui était
jeune mariée, elle avait je crois dix-neuf ans au moment
de son mariage, avait eu une apparition de la Sainte
Vierge. C’était une jeune femme très simple, très belle,
avec un niveau d’instruction moyen. Son instruction reli-
gieuse n’avait pas non plus été très poussée. Elle était de
religion catholique alors que son mari, prénommé Nicola,
était orthodoxe.
Ce jour-là, Mirna était montée à la petite terrasse de sa
maison, une modeste terrasse à l’orientale qui n’avait rien
à voir avec les nôtres. On trouvait là un peu de verdure et
quelques pots de fleurs. Arrivée là-haut par un escalier
très raide, elle vit la Sainte Vierge dans le parc qui se trou-
vait devant la maison. Dans ce parc où s’élèvent de
grands arbres, des eucalyptus me semble-t-il, un ruis-
seau sert désormais d’écoulement pour les eaux usées de
la vieille ville. La Vierge dit à Mirna : « J’ai besoin de toi,
mais je ne troublerai pas ton foyer. N'aie pas peur, je te
donnerai des signes. » C'est à peu près ce qu’elle lui dit.
À ce moment, de l'huile commença à couler des mains de
Mima : de l'huile d'olive, et se voyant ainsi la jeune mariée
prit peur et dégringola les escaliers pour dire à son mari
d'abord, puis à sa famille, ce qui lui arrivait. Elle était tout
en pleurs.
Ses proches commencèrent à lui essuyer les mains, mais
serviettes de toilette, serviettes de table ou mouchoirs
était toujours imprégnés d'huile, cette huile mystérieuse
qui suintait de ses mains.
On essaya dans un premier temps de cacher la chose tant
elle avait un caractère insolite et déconcertant : les
proches ne comprenaient pas eux-mêmes s'il s’agissait de
magie ou d’une intervention divine ou diabolique. Trou-
blé, désorienté, Nicola songea même à renvoyer son
épouse chez ses parents, ne sachant pas ce qui se pro-
duisait. Mima avait cependant un directeur de cons-
cience, son curé, qui la tranquillisa.
Quelques jours après le 27 novembre, au cours de la neu-
vaine de l'immaculée Conception, des bruits commencè-
rent à courir sur ce qui se passait dans la maison de
Mirna.
C'est à un religieux, le père lazariste Giuseppe Malubi,
que nous devons toute la documentation qui relate les
faits des tous premiers jours ou presque (décembre 1982)
à nos jours. À plus de soixante-dix ans, cet homme d’âge
vénérable ne se laisse pas impressionner facilement,
ayant vécu la totalité de la guerre depuis 1948. Il s'est
attaché à noter sur un carnet tous les faits au jour le jour
et a fait également appel à un photographe qui, étant
aussi un passionné de télévision, a filmé et immortalisé à
maintes reprises les « exsudations » de Mirna, puis celles
d’une image de la Vierge, une image toute simple, dont le
format était plus petit que celui d'une carte postale mais
un peu plus grand que celui des images pieuses que nous
connaissons. Cette image, entourée d'un cadre en plas-
tique comme on en trouve sur les marchés, viendrait de
Bulgarie. De l’huile commença donc à couler abondam-
ment du tableau posé sur une étagère dans l’entrée de la
maison, au point de remplir bols et assiettes. Ne voulant
pas faire dégoutter l’huile directement dans le récipient,
les fidèles commencèrent par mettre de l’ouate sous le ta-
bleau. Et chaque fois que l'huile perlait sur l'image, elle
coulait en même temps des mains de Mirna et, plusieurs
fois, de son front, de son cou ou de sa poitrine.
La Syrie est un pays arabe de régime communiste. Cet
événement miraculeux, l’apparition sur une image de la
Vierge de cette huile qui est utilisée pour faire le signe de
la croix sur les malades, dont beaucoup guérissent, fit
sensation. Les fidèles, catholiques, orthodoxes et mel-
chites, mais aussi protestants et musulmans dans cette
ville qui est un creuset de religions, commencèrent à se
rassembler devant la maison de Mirna. La nouvelle arriva
bien entendu jusqu’au gouvernement central et la police
commença à s'inquiéter de ce va-et-vient de fidèles qui
finissaient toujours par s’amasser sur la grand-route qui
passe devant la maison de Mirna. On évalua à plusieurs
milliers le nombre de personnes qui se rendirent dans le
quartier de Soufanieh.
Je me souviens avoir aussi appris la nouvelle du Pa-
triarche de Jérusalem, à la fin de l’année 1982. Sa Sain-
teté le Patriarche me parla de l’apparition de la Vierge à
Damas et de cette huile sainte, comme on l’appelle en
Orient. Dans les Saintes Écritures, cette huile est le sym-
bole de la bénédiction. On l’utilisait pour sacrer les rois et
les prêtres. L’olivier était d’ailleurs un arbre sacré. La
grande bénédiction des patriarches a de tout temps été
rattachée à la tradition évoquée dans les Saintes Écri-
tures qui fait appel au pain, au vin et à l’huile.
J’eus finalement la chance de pouvoir m’entretenir avec
Mima. Elle attendait également ce jour-là, le 27 mai, la
visite de diplomates français. Elle portait une robe bleu
clair, comme la Sainte Vierge qu’elle avait vue. Ce fait me
frappa Je m’aperçus également qu'elle était enceinte et
son mari me confirma que leur enfant devait naître avant
la fin du mois. J’eus également la chance d’être pris en
photo avec Mirna, qui me fit cadeau d’images de la Sainte
Vierge de Soufanieh. Le Père Maloubi me dit ensuite que
l’on pouvait trouver chez un photographe de Damas des
vidéocassettes assez complètes sur les événements qui
s'étaient produits de 1982 à fin 86, époque où j'étais ar-
rivé à Damas. Vous savez que je dispose au Sanctuaire
d'une radio et d'une télévision privées. Cette possibilité
qui m'était offerte de me procurer ces vidéo-cassettes me
combla d'aise. Le soir, nous nous rendîmes chez le pho-
tographe qui ne disposait pas de la série complète mais
nous promit de faire tout son possible pour que nous
l'ayons le lendemain. C'est ainsi que je pus rapporter en
Occident quatre vidéo-cassettes Bétamax, comportant
huit heures d'enregistrement, sur cet incroyable prodige.
Nous devons tous être reconnaissants à l'opérateur arabe
qui, malgré le peu de lumière, le bruit, les prières, la
bousculade et les cris d'émerveillement qui s’élevaient de
tous côtés, a réussi à faire bien son travail. Mon problème
était désormais de pouvoir passer ces vidéo-cassettes à la
frontière. Ni le Père Ilarion ni moi-même ne savions au
moment où nous les avions achetées ce que contenaient
exactement les cassettes. Ce n'est que deux ou trois jours
plus tard, à notre retour en Jordanie, que nous devions
pouvoir les visionner. Nous rendons grâce à la Sainte
Vierge de nous avoir permis de réussir à passer la fron-
tière sans encombre. Le Père Ilario en transportait deux
et j'avais les deux autres avec moi. Ce sont les premiers
documents qui soient parvenus en Europe sur ces événe-
ments. Le plus extraordinaire est que, malgré la fatigue
du voyage et poussés par la curiosité ou peut-être par une
force intérieure, le soir-même de notre retour à Semakye,
le 28, nous nous mîmes à regarder les vidéo-cassettes et
nous restâmes jusqu'à une heure du matin, et même au-
delà, devant l'écran. J'étais interloqué et le Père Ilario
l'était encore plus, lui qui connaissait l'arabe et compre-
nait donc le commentaire qui expliquait les faits impres-
sionnés sur la pellicule.
Dans les derniers jours de mon séjour à Semakye, je me
fis traduire le commentaire en italien. Une fois revenu en
Italie, dans les premiers jours de juin, je n'eus toutefois
pas le courage de passer le film sur ma chaîne de télévi-
sion car les faits qu'il présentait étaient trop extraordi-
naires et j'ignorais quelle pouvait être la réaction des
gens. Je le fis donc voir tout d'abord en privé, au magné-
toscope, aux familiers du Sanctuaire qui en restèrent tout
ébahis. Je décidai de me lancer et fis diffuser pendant
tout le mois de juin sur notre chaîne, pour la première
fois en Italie, ce documentaire sur la Vierge de Soufanieh.
L’histoire y est très bien racontée, avec les dates, les réfé-
rences précises, les résultats des visites médicales, des
analyses chimiques et les avis des experts, des évêques
orthodoxes, catholiques grecs. La caméra montre bien
comment naît et se développe le phénomène et c'est un
émerveillement.
J'eus plusieurs fois l'occasion d'annoncer en Italie qu'à
Damas la Sainte Vierge se trouvait sur sa terre et qu’elle
manifestait sa présence avec plus de force que partout
ailleurs. Il faut ajouter à cela un détail important : les plus
dévots sont les musulmans. Ils se rendent à la maison de
Soufanieh avec une grande piété. De grandes processions
ont été organisées à Damas en l'honneur de la Vierge de
Soufanieh, auxquelles ont participé des catholiques et
des orthodoxes, mais également des musulmans venus
de tous les coins de la ville. Le message spécifique de la
Vierge à cet endroit semble précisément être centré sur
l’unité. Dès ses premières apparitions, elle a dit : ceux qui
ont divisé l’Église et la religion ont mal agi et ceux qui
profitent de cette division agissent encore plus mal. Et elle
a ajouté : vous les catholiques, vous ne serez plus rien si
vous ne formez pas une seule chose, si vous ne vous re-
portez pas à l’Évangile et à cette phrase de Jésus : Père,
qu’ils ne forment qu’une seule et même chose. Le monde
chrétien n’aura plus aucune influence sur l’histoire de
l'humanité s’il ne fait pas l’effort de réaliser l’unité. C’est
là pour moi le très beau message de la Vierge de Soufa-
nieh.
C’est la première fois en Orient que les orthodoxes frater-
nisent avec les catholiques, la première fois qu’ils entrent
dans les églises catholiques et que les catholiques entrent
dans les églises orthodoxes. De nouvelles lois autorisent
les mariages entre catholiques et orthodoxes. On constate
une plus grande charité. Le message tient certainement
tout entier dans cette grâce que la Vierge répand en ce
moment.
Je voudrais vous raconter un autre épisode que j’ai appris
de la bouche des témoins. La police secrète du Président
dépêcha une mission d’inspection chez Mirna. Tout ceci
se fit dans le plus grand respect car les musulmans, et
notamment le Président, respectent et vénèrent eux aussi
la Vierge. Le chef de la police secrète se rendit donc à Sou-
fanieh accompagné de ses acolytes. Ils étaient tous en ci-
vil. Une fois entrés dans la maison, ils se présentèrent
puis firent sortir les gens. Ils prièrent ensuite Mirna de se
laver les mains avec un savon qu’ils avaient apporté et de
les essuyer avec une serviette qu’ils lui remirent. Mirna
fit ce qu’on lui demandait mais, tandis qu’elle se lavait les
mains, des gouttes d’huile commencèrent à suinter, au
grand désarroi du chef de la police qui devait plus tard
rapporter au Président qu’il ne s'agissait pas d'une mys-
tification mais bien d'un fait réel, qu'il avait vu se produire
sous ses yeux et dont ses collaborateurs avaient été té-
moins. Le gouvernement accorda donc une entière liberté
de culte à Soufanieh. C’est ainsi que les quelques rares
pèlerins qui peuvent arriver jusqu’à Damas et qui deman-
dent qu’on leur indique le quartier de Soufanieh, se voient
tous dirigés, quelle que soit leur religion, vers la maison
de Mirna.
Je citerai encore un autre épisode extraordinaire.
Le photographe qui a pris tant à cœur la tâche qui lui
était confiée de suivre les événements de 1982 à nos jours
a lui-même été l’objet d’un prodige. Beaucoup de gens lui
ayant réclamé la photographie de la Vierge de Soufanieh,
il en tira un jour, c’était dans les premiers temps, des mil-
liers d’exemplaires et les mit à sécher dans le laboratoire
de son studio. Dans les pays d’Orient, les photographes
ne disposent pas du matériel perfectionné dont sont équi-
pés leurs confrères occidentaux : après le bain dans
l’acide et le tirage, notre photographe mit donc les photo-
graphies de la Vierge à sécher sur une toile et, à son grand
émerveillement — comme il le raconte lui-même en pré-
sentant le film qu’il a tourné sur le moment — toutes les
images commencèrent à suinter, imprégnant d’huile le
tissu sur lequel elles avaient été posées. C’est la première
fois que je raconte l’histoire de Soufanieh à un journaliste
et j’en suis très content. Je souhaite de tout mon cœur
qu'elle soit connue en Occident.
Le documentaire intitulé « Notre-Dame de Soufanieh —
l’Huile Sainte coule à Damas, en Syrie » dure, nous
l’avons dit, huit heures. La caméra a enregistré principa-
lement les phénomènes d’exsudation constatés sur une
petite image représentant une Vierge d’origine bulgare,
mais également sur d’autres oléographies ayant notam-
ment pour sujet Saint Jean l’Evangéliste et Saint Élie pro-
phète. Le phénomène s’est également produit sur une Ma-
done avec le Christ dessinée sur une peau de chèvre et
accrochée au mur de la cour intérieure de la maison où
habite Mirna.
Voici le commentaire de certaines séquences filmées (qui
ne représentent qu’une infime partie d’un vaste matériel
documentaire) avec les dates correspondantes :
9 janvier 1983 : une immense procession de fidèles de
toutes les religions parcourt les rues de Damas pour se
rendre à l'église. Elle est composée de catholiques ro-
mains et de catholiques de rite orthodoxe grec, d'ortho-
doxes et de musulmans. Il y a parmi eux la visionnaire
Mima et son mari. Des milliers de personnes suivent
l'image, tenue à bout de bras, de la Vierge bulgare dont
les dimensions sont inférieures à celles d'une petite image
pieuse.
20 novembre 1983 : la caméra filme dans la maison de
Mima l’huile qui coule à grosses gouttes de l’image de la
Vierge. Le liquide s’écoule du cadre comme s'il sortait
d’un robinet. On a placé sous l’image un morceau d’ouate
qui a été complètement imbibé.
26 novembre 1983 : on voit les mains de Mirna dans les-
quelles suinte l’huile. La visionnaire montre également
ses stigmates aux mains, au côté et aux pieds.
27 novembre 1983 : c’est le premier anniversaire du com-
mencement du phénomène. La caméra filme l’huile qui
s’écoule abondamment du tableau de la Sainte Vierge.
Une couche d’huile se forme sur le coton. Les autres ta-
bleaux (oléographies et peau de chèvre) commencent éga-
lement à suinter devant l’objectif. Puis une autre Sainte
Vierge se met à pleurer des larmes d’huile et la caméra
s’arrête sur celle-ci pendant une vingtaine de minutes,
suivant le tracé des larmes qui sortent du bord inférieur
des paupières pour arriver au menton, après avoir coulé
très lentement le long des joues.
14 avril 1984 : la caméra filme Mirna assise sur son lit
alors que l’huile suinte de ses mains.
19 avril 1984 : (Jeudi Saint) — 15 h 15: les médecins exa-
minent les stigmates de Mirna. Les plaies se rouvrent de-
vant l’objectif. Le soir elles se referment sans laisser au-
cune trace ni aux pieds, ni aux mains, ni au côté.
La visionnaire est interviewée devant la caméra. Voici la
traduction sommaire de l’interview réalisée en arabe :
« Je suis née en 1964. Je me suis mariée en 1982 avec
Nicola. Six mois après mon mariage, la Vierge m’est ap-
parue pour la première fois et de l'huile a suinté dans mes
mains : c'était le 28 octobre 1982. J’ai entendu une voix
qui me disait : "Mirna, ma fille, n’aie pas peur et n'em-
pêche pas quelqu’un de bénéficier de ma miséricorde."
C'était au début. L’huile coule surtout au cours des fêtes
religieuses. J’ai ensuite entendu la voix dire : "Souvenez-
vous de Dieu, souvenez-vous que Dieu est toujours avec
vous. Vous savez beaucoup de choses mais vos connais-
sances sont insuffisantes. Viendra le jour où vous con-
naîtrez toute chose comme Dieu vous connaît. Faites du
bien à ceux qui vous font du mal et ne rendez jamais le
mal pour le mal. Je vous ai donné de l’huile plus que vous
ne m’en avez demandé. Je vous donnerai des choses plus
grandes que l’huile. Convertissez-vous et demandez...
Souvenez-vous dans vos moments de joie que celui qui a
reçu l’annonce sera sauvé et que celui qui ne l'a pas reçue
croit en vain. Je ne demande pas que vous me construi-
siez une église, une chapelle. Je ne vous demande pas de
distribuer vos biens aux pauvres, car je les visiterai moi-
même dans leurs familles.”
Quelqu’un m'a demandé quand finira cette guerre du Li-
ban, poursuit Mirna, mais la guerre c’est nous qui l’avons
faite. Dieu n’oublie personne. Dieu a ordonné la charité
et avec la charité nous ferons des miracles, avec la charité
nous mettrons fin à la guerre. »
Ces derniers mots ont été répétés par la jeune femme
dans l’église des grecs catholiques de Beyrouth, le 10 no-
vembre 1985.

5. 1985 : Roberta Dell'Olio (7 ans) et l'apparition


sur le figuier

Les messages secrets de la Vierge — Le figuier to-


talement épargné par la tempête — Un entrepre-
neur incroyant, le figuier coupé — Une source
d’eau chaude envahit le terrain.

Née à Bisceglie, dans la province de Bari, en 1978, Ro-


berta Dell’Olio est le dixième enfant d’une famille dont le
père a, pendant vingt-trois ans, fait le métier de balayeur
puis de concierge, pour finir hémiplégique à cinquante
ans par suite d’une thrombose cérébrale.
Bisceglie est un village dynamique du bord de mer. Cette
mer, l’Adriatique, a non seulement connu une grande ac-
tivité guerrière et commerciale, mais elle a également de
tout temps inspiré une spiritualité contemplative.
Près de Bisceglie se trouve Trani et, plus à l’intérieur, An-
dria. Non loin d’Andria, se dresse le célèbre Castel del
Monte que l’Empereur Frédéric II avait fait ériger sur les
ruines de l’abbaye de Santa Maria del Monte. Le Château,
qui fut probablement un temple dédié à l’initiation spiri-
tuelle, est de forme octogonale. C’est en quelque sorte un
mandala, c’est-à-dire le dessin mystique qui, à l’origine,
déterminait le plan des temples hindous. Le mandala est
le symbole de l’unité divine et de la diversité de ce monde.
En contemplant un mandala, l’individu subit une trans-
formation intérieure : sa conscience s’ouvre, son esprit
devient clairvoyant. Le divin se manifeste.
On dit que de Castel del Monte partirait une galerie, sou-
terraine naturellement, qui conduirait à Andria. Là le por-
tail de l’Église Sant-Agostino atteste la présence et l’acti-
vité spirituelle des Chevaliers teutoniques. La basilique
de Santa Maria dei Miracoli à Andria est également un
témoignage de spiritualité : non loin se trouvent les
grottes où les moines byzantins vivaient dans la contem-
plation. Enfin, face au port de Trani, on peut admirer
l’Église des Templiers, datant du XIIe siècle.
À Bisceglie, les Dell'Olio vivent en revanche dans un quar-
tier populaire récent composé de plusieurs zones où les
maisons sont séparées par des cours remplies de cris
d’enfants.
C’est dans l’une de ces cours que la petite Roberta des-
cendait jouer. Et sa mère, une femme analphabète qui
n’en a pas moins éduqué sa nombreuse progéniture avec
intelligence et honnête, surveillait ses faits et gestes de la
fenêtre.
L’enfant avait l’habitude de se mettre à l’écart dans un
coin de la cour qui donne sur un terrain en friche. Sa
mère l’appelait de la fenêtre, mais elle ne mettait pas
d’empressement à revenir auprès de la porte d’entrée où
elle se trouvait plus en vue et pouvait être mieux surveil-
lée. Plus tard, en reconstituant les faits qui avaient pré-
cédé la révélation des visions, sa mère avait fait remar-
quer que cela faisait bien cinq mois que la fillette se met-
tait ainsi à l’écart.
Puis, un beau jour, le 26 octobre 1985 exactement, Ro-
berta arriva en pleurant chez elle : entre deux sanglots,
elle raconta à sa mère que dans le coin de la cour quel-
qu'un l'appelait avec insistance comme s’il voulait l’attirer
à lui. « Roberta, ne retourne plus là », lui dit sa mère. Le
lendemain, cette dernière confiait à Roberta, âgée rappe-
lons-le de sept ans, sa petite-fille de cinq ans en lui di-
sant : « Emmène la petite chez son autre grand-mère, car
il se fait tard. »
Les deux enfants se mirent en route. Mais sur le trajet il
se produisit quelque chose d’encore plus bouleversant
pour Roberta.
« Ma fille s'entendit appeler : “Petite ! Petite !” Elle se re-
tourna et vit quelque chose d’aspect filamenteux, comme
un nuage qui s'élevait. Elle regarda autour d’elle et ne vit
personne. Mais du nuage lumineux était apparue une «
Dame » qui lui demanda : “Comment t’appelles-tu ?” "Je
m’appelle Roberta”, répondit-elle. "Roberta”, dit alors la
Vierge Marie, "tu dois aller trouver ton prêtre et tu dois le
faire venir ici, pour qu'il bénisse cet endroit”. À ces mots,
la fillette prit peur. Sans doute était-ce trop pour elle. Elle
se mit à pleurer. Sa petite nièce courut alors chez son
autre grand-mère où elle trouva son père et lui dit : “Papa,
Roberta a vu une dame sur le figuier et elle a eu peur !”
Alors le père est venu chez moi et m’a dit : "Qu’est-il arrivé
à Roberta ?” "Je ne sais pas”, que j'ai répondu. "Donne-
moi la petite”. Il a pris l'enfant dans ses bras et il est re-
tourné à l'endroit. Elle, elle pleurait. "Roberta, qu’est-ce
que tu as vu ? Qu’est-ce qu’il y a sur l’arbre ?" Et Roberta :
“Il n’y a personne en ce moment sur l’arbre”. Puis, se re-
tournant : "La voilà, là !” Mon fils voulait voir lui aussi. Il
alla donc prendre sa voiture et dirigea ses phares allumés
vers l’endroit indiqué par sa petite sœur. Moi je n’avais
pas voulu descendre. Quand ma fille Rosa arriva à la mai-
son, je lui dis : "Rosa, va chez le Père Giovanni et dis-lui
de faire sortir de la tête de Roberta cette idée fixe que là-
bas il y a une dame ?” Et Rosa se rendit chez le prêtre.
Celui-ci vint. Alors la Vierge dit à Roberta : “Dis au prêtre
qu’il doit apporter l’eau bénite.” Alors, après que l’enfant
lui ait rapporté les paroles de la Sainte Vierge, il alla à
l’église et revint avec l’eau bénite. »
Les HLM de Bisceglie sont entourés d’une clôture métal-
lique et le figuier sur lequel la Vierge apparaît à Roberta
Dell’Olio se trouve sur un terrain limitrophe appartenant
à un entrepreneur, qui craint de le perdre du fait de son
appropriation abusive par les fidèles. C’est pourquoi il a
l’intention d’y envoyer les pelles mécaniques pour procé-
der aux travaux de terrassement en vue de la construc-
tion d’un immeuble. À moins que la Vierge n’exauce un
de ses vœux en lui accordant le miracle d’une grâce...
... Mais la fillette a, de sa propre initiative, mis fin au mar-
chandage en disant à l’entrepreneur que la Sainte Vierge
ne cédait pas au chantage.
Pour le moment, la dévotion des fidèles a conduit à la
mise en place dans la clôture d’une petite porte munie
d’un cadenas, qui permet d’accéder facilement au petit
autel rempli de fleurs fraîchement coupées, dressé sous
le figuier.
Le défilé des pèlerins en ce lieu où elle voit la Vierge per-
turbe toutefois la petite Roberta. En général, lorsqu’elle
voit des gens arriver, elle cherche sa mère, se blottit dans
ses bras et se cache le visage contre sa poitrine. Il n’est
pas rare qu’elle éclate en sanglots. Pour pouvoir lui parler,
il faut la tranquilliser en la ramenant chez elle. La fillette
doit se distraire en retouvant ses jeux d'enfant. Elle a be-
soin de sentir que, pendant qu’elle se livre à ses occupa-
tions, ses parents et ses frères et sœurs sont là qui la
protègent, tout comme son petit chat auquel elle prodigue
sa tendresse. Après un certain temps, on peut tenter de
poser quelques questions à Roberta sur la Vierge Marie,
par l’intermédiaire de sa mère toutefois.
Mère — Sur l’arbre, qui y avait-il ?
Roberta — La Vierge Immaculée.
Mère — Comment était-elle habillée ?
Roberta — En blanc, bleu clair et or.
Mère — Quand tu la vois, que dis-tu ? Tu es en extase ?
Roberta — Non, normale.
Mère — Elle te dit quelque chose la Sainte Vierge ?
(silence)
Mère — Quoi ?
Roberta — Je ne peux pas le dire.
Mère — Elle ne veut pas que tu le dises, la Sainte Vierge ?
Roberta — Non110.
L'intervieweuse — La Vierge, tu la vois soudainement ?
Roberta — Soudainement.

110
Les messages ont en fait été transcrits. Certains seront cités plus avant.
L'int. — Où la vois-tu exactement ?
Roberta — Où il y a toutes ces fleurs.
L’int. — L'as-tu jamais vue chez toi ?
Roberta — Quand j’étais petite, je l'ai vue près du rideau,
entourée de douze étoiles. Puis une autre fois, dans la
chambre, dans le miroir. J’ai vu un grand nuage, avec six
fleurs tout autour de la Madonna del Pozzo. Maintenant
ça suffit.
L’interview prend fin. La fillette demande à sa mère de
l’argent pour s’acheter une glace. Sa mère fouille dans son
corsage et en tire des pièces de monnaie.
« Voilà, j’ai trouvé quelque chose ! », s’exclame-t-elle.
Alors je fouille dans mon sac et je dis moi aussi que j’ai
trouvé quelque chose en montrant quelques billets de
mille lires. « Non ! », s'écrie Roberta, tandis que je lui tends
l'argent ; et, du divan sur lequel il est étendu, son père
proteste à son tour, faisant pour la première fois entendre
le son de sa voix.
Roberta est une belle petite fille. Sa mère, qui l’a eue à
quarante-et-un ans, dit qu’elle a toujours été une enfant
calme et qu’à six mois elle parlait déjà. Elle a été précoce
en tout. Au moment où nous écrivons, elle n'a toutefois
pas encore fait sa première communion.
Par lettre recommandée datée du 10 juin 1986, la petite
Roberta Dell'Olio me fit parvenir deux feuilles de cahier
sur lesquelles elle avait recopié plusieurs messages de la
Vierge. Nous en rapportons quelques-uns :
3 novembre 1985, La signification de cette histoire et
pourquoi cette histoire m'est arrivée à moi. La Sainte
Vierge me l’a dit mais elle m’a aussi dit que je ne devais
le dire à personne parce que c’est un secret.
Dell’Olio Roberta.

— Mes chers enfants, vivez dans ma paix car si la guerre


se produit vous me poignarderez le cœur.
(1er message de Bisceglie, 26 avril 1986, délivré par l’im-
maculée).
— Mes chers enfants, vivez dans l’humilité car dans le
monde que Dieu a créé doit régner la paix.
(2e message de Bisceglie, 25 avril 1986 — vendredi).
— Mes chers enfants, ne dites pas des choses qui ne sont
pas justes mais faites la paix entre vous.
(10 mai 1986, message du Christ — 14e message).
— Mes chers frères, vivez en paix.
(10 mai 1986, message du Christ — 15e message).
— Mes chers frères, vivez en paix.
(23e message. Bisceglie, 24 mai 1986, Christ).
— Mes chers frères, vous m’avez trahi, ne me trahissez
plus.
(24e message. Bisceglie, 26 mai 1986).
— Mes chers enfants, nous souffrons beaucoup là-haut
au Paradis ; priez.
(26 mai 1986, message de la « Signora delle 12 stelle »).
— Mes chers enfants, je vous donne ma paix, donnez-moi
votre paix.
(28e message, Bisceglie, 3 juin 1986, de la Vierge Marie).
Roberta ne confia pas tout de suite à sa mère qu’elle avait
eu sa première apparition de la Vierge le 27 juin 1985.
Apparemment, en réfléchissant sur ses propres expé-
riences visionnaires antérieures au 27 octobre 1985, la
fillette avait reconnu en l’une d’elles les caractéristiques
de la Mère de Dieu.
Le 27 juin 1986, la Vierge délivra le premier message an-
niversaire, qui fut suivi d’un deuxième le 27 juillet, puis
d’un troisième le 27 août.
Le figuier (qui, à la fin du mois de mai 1986 avait consi-
dérablement poussé depuis que je l'avais vu pour la pre-
mière fois en avril de cette même année) avait continué à
grandir pour atteindre des proportions impressionnantes
mais avait gardé son aspect en forme de grotte. La tornade
qui s’était abattue sur Bisceglie dans la première quin-
zaine de juillet avait, avec ses rafales et ses tourbillons,
déraciné des arbres et endommagé le matériel mais
n’avait pas causé le moindre dégât au figuier. Les pom-
piers ne trouvèrent aucune trace du passage de la grêle
sur ses feuilles. Une image de la Madone de Lourdes, une
du Calvaire, ainsi que le panneau indiquant l’horaire du
rosaire, qui était simplement appuyé sur les branches,
n'avaient pas été emportés mais étaient au contraire de-
meurés exactement à la même place.
Mais l'entrepreneur auquel appartient le terrain où
pousse le figuier, siège des apparitions, voulut en août
faire venir les pelles mécaniques pour abattre l’arbre,
craignant de voir échapper sa propriété. Par deux fois
l'engin qui devait abattre le figuier se brisa. Le conducteur
de l’engin et le propriétaire lui-même, qui voulut se mettre
aux commandes, se sentirent giflés par une main invi-
sible. Ce fut donc avec beaucoup de mal que l’arbre qui
avait poussé de manière si prodigieuse en quelques mois
seulement, fut sectionné à la base. Mais autour de la
souche se forma aussitôt une nappe d’eau chaude bouil-
lonnante qui continue encore aujourd'hui à filtrer sur ce
terrain. De nouvelles pousses ont fait leur apparition.
Quelques jours après ces faits, le mardi 2 septembre
exactement, alors que, vêtue en tertiaire franciscaine, Ro-
berta Dell'Olio suivait la procession qui a lieu à Bisceglie
en septembre pour célébrer l'Assomption, la Madone dont
l’image se trouve dans la Cathédrale laissa, aux dires de
certains témoins, apparaître au coin de ses yeux deux
larmes de sang.

6. 1985-1986, Enfants visionnaires


et multiples apparitions

La Madone sous les oliviers à Syracuse — Les éco-


liers voient la Vierge dans un arbre — Un duel apo-
calyptique dans le ciel — Le visage du Christ gravé
miraculeusement dans l’hostie — Angela, 10 ans :
la Vierge lui apparaît dans un garage — Trois en-
fants et le Christ dans une maison en ruine.

Il n’y a jamais eu et il n’y a toujours pas de contact entre


les petits protagonistes des cas d’apparition de la Vierge :
et pourtant la ressemblance dans les témoignages qu’ils
donnent est frappante.
Prenons l’année 1985.
Huit enfants âgés de 11 à 13 ans voient apparaître la
Vierge au mois de novembre à Floridia, dans la province
de Syracuse. Il est 19 h 45. Dans la zone dite du « Circuito
», Sergio Pennavaria (11 ans), Salvatore Genovese (11
ans), Massimo Sanna (12 ans), Francesco Romano (12
ans), Paolo Colussi (12 ans), Marcello Spada (12 ans), Sal-
vatore Burgio (13 ans) et Sebastiano Sardo (13 ans) sont
en train de jouer en poussant des cris.
Francesco Romano est le premier à s’apercevoir qu’il y a
quelque chose d’étrange autour d’eux : « Regarde sous ces
deux oliviers morts ! Quelle clarté ! On dirait la Madone !»
Salvo s’en aperçoit lui aussi : « Tu as raison ! » Et, ce tour-
nant vers ses compagnons de jeu : « Regardez ! »
Alors se produit quelque chose d’encore plus stupéfiant.
La Vierge se déplace et, laissant les oliviers, elle va se
mettre sur un mûrier. Puis, alors que sa luminosité
s'avive, elle commence à parler. Les jeunes garçons sont
troublés et effrayés. Ils comprennent, d’après le contenu
de ses paroles, qu’un cataclysme menace la terre 111.
« Elle a neuf ans, elle est intelligente, jolie et elle voit la
Vierge » : c’est le titre de l’article paru dans le « Corriere
délia Sera » du 7 octobre 1985 sous la signature de l’écri-
vain Nautas Salvalaggio, lequel décrit sa rencontre avec

111
Il n’est pas difficile de reconnaître dans la prophétie la tragédie de la centrale
nucléaire de Tchernobyl, qui a semé la mort dans le village soviétique du même
nom et a eu des effets néfastes dans les autres pays.
Francesca Paier à Cavarzano, près de Belluno. La fillette
voit la Sainte Vierge sur la colline de Lanza et son com-
portement est le même que celui des autres enfants saisis
par une extase mystique.
La Vierge apparaît également aux écolières pendant les
heures de classe. Le fait que les enfants se trouvent ras-
semblés semble favoriser le phénomène, dont la surve-
nance est également liée sans aucun doute à bien
d’autres causes concomitantes.
Ce fut le cas à l'école secondaire « Nicola Romeo » de Ca-
savatore, un village de l'arrière-pays napolitain. Les élèves
de la classe de 6e D comme leur enseignante ont vu, au-
dessus des branches d’un arbre que l’on peut facilement
apercevoir de la fenêtre de la salle de classe, l’image ca-
ractéristique de la Vierge.
Tout avait commencé le 13 décembre 1985 lorsque Lore-
dana Tronconi, une élève de 11 ans, avait raconté en
classe qu’elle était allée à Oliveto Citra, un village de la
vallée du Sele, dans la province de Salerne, où l’on voyait
depuis le printemps apparaître la Vierge de l’autre côté de
la grille qui interdit l’accès à un vieux château abandonné
depuis des années.
La description de ce lieu si évocateur et de l’émotion sus-
citée par ces visions qui se répètent toutes les nuits sur
fond de prières, de cantiques et autres formes de dévo-
tions, avait touché tout particulièrement trois des
membres du petit auditoire, qui avaient éclaté en san-
glots.
La première qui s’était mise à pleurer était Maddalena
Orefici, 11 ans. Le plus étonnant était que la fillette pro-
fessait une foi évangélique, au point qu’elle s’abstenait de
prier en même temps que ses compagnes. Mais pourquoi
Maddalena s’était-elle mise à pleurer de la sorte ? La rai-
son était encore plus étrange : elle voyait à ce moment-là
une figure qui passait d’une fenêtre à l’autre, se déplaçant
dans l’air : une figure céleste, floue mais reconnaissable :
celle de la Vierge Marie.
Une autre fillette, Gilda Chiangiano, âgée elle aussi de 11
ans, avait également été bouleversée, ayant vu la Vierge
près d’un arbre. Celle-ci portait l’Enfant Jésus dans ses
bras et Elle lui avait fait un signe pour l’inviter à se mettre
à la fenêtre : Elle s’était alors présentée bien distincte-
ment à Gilda Chiangiano, mais aussi à Gilda Baione et à
Assunta Masiello, également du même âge, qui avaient
remarqué l’auréole lumineuse autour de la céleste appa-
rition.
Les cris de surprise et d'émotion que poussèrent les
quatre fillettes firent accourir les autres, qui se mirent
elles aussi à la fenêtre. Elles furent alors nombreuses à
écarquiller les yeux devant cette vision tandis que
d’autres voyaient se dessiner dans l’air diverses figures
telles que, par exemple, le manteau de la Vierge, si vaste
qu'il entrait dans la classe, l’inscription « Vive Marie, vive
Dieu », un arc-en-ciel sous lequel se tenait la Vierge, un
vol d’oiseaux, un soleil en rotation.
D’étranges odeurs, telles qu’en dégage une substance qui
brûle, mais également des effluves parfumés rappelant le
jasmin ou la clémentine, flattèrent l’odorat de l’écolière.
Tandis que ces impressions olfactives, et tout particuliè-
rement l’odeur de brûlé, provoquaient une sorte d’état
d’alerte dans l’école, au point que le directeur tint à se
rendre compte en personne de ce qui se passait (sans ré-
sultat toutefois), un garçon vit lui aussi, de la cour de
l’école où il se trouvait, la Vierge à l’Enfant qui était en
prière : la figure glissait le long du mur. À Maddalena Ore-
fici la Vierge révéla qu’elle ne franchissait pas les fenêtres
et n’entrait pas dans la classe parce qu’elle souhaitait que
sa venue demeure secrète.
Ce ne fut pas le cas puisque, durant les heures qui suivi-
rent, le phénomène prit des proportions de plus en plus
impressionnantes et devint extrêmement complexe.
Lorsque, à onze heures trente, l'enseignante Rita Rocco
prit la place de sa collègue dans une classe mise en émoi
par ces événements insolites, l’expérience collective de-
vint encore plus troublante.
Les fillettes s’exclamèrent, voyant à ce moment même la
Vierge Marie qui les invitait à se mettre toutes à la fenêtre.
Elles s’y précipitèrent. Leur professeur vit alors la Madone
des Grâces, comme dans un tableau, contre l’arbre au-
dessus duquel elle était apparue aux autres fillettes.
Dans l’intervalle, l’une des élèves, Omella di Gennaro,
avait couru avertir ses camarades de 5e D de ce qui se
passait dans leur classe : ces dernières se mirent égale-
ment à la fenêtre et virent la Vierge Marie dans la cour de
l’école. Par la suite, on apprendra également qu’une éco-
lière qui ignorait totalement ce qui se passait et qui se
trouvait dans la cour pour la leçon de gymnastique avait,
en levant les yeux, vu dans le ciel une chose étrange : une
carte d’Italie (la vision avait été la même pour plusieurs
élèves de la classe de 6e D).
L'après-midi, d’autres élèves eurent l'idée de dresser, près
du mur où était apparue la Sainte Vierge le matin même,
une petite table sur laquelle furent exposées des images
pieuses. Alors qu’ils se trouvaient à cet endroit, ils virent
tout à coup la Vierge près de la table. Leur expression de
stupeur et leurs appels firent accourir enfants et adultes :
alors « ceux qui voient ne se comptent plus », commenta
l’équipe médicale dont les études ont fait l’objet d’un rap-
port scientifique lors d’un Congrès International sur les
phénomènes mystiques qui s’est tenu en Espagne au
cours de l’été 86112.
« Plusieurs jours plus tard, si l’on en croit les visionnaires
de la "deuxième génération”, commencent à apparaître
sur les murs de l’école des images religieuses. Les figures
se dessinent sur les stores et, lorsque ceux-ci sont rele-
vés, les images glissent vers le bas, sur le mur. Il ne fau-
dra que quelques jours pour qu’elles fassent leur appari-
tion sur les murs des maisons entourant l’école, puis de
plus en plus loin, jusqu’à la paroisse de Casavatore. Ap-
paraissent le visage de Jésus, la Vierge Marie et même la
figure de Dieu. Tous verront les figures sacrées : le maire,
son adjoint, ses assesseurs, des médecins, des gens ins-
truits, de petites gens : même les carabiniers qui en bra-
quant des torches électriques tenteront d’effacer les
images sur les murs. »

112
L’équipe médicale était composée des docteurs Giorgio Gagliardi, Marco
Margnelli, Mauro Cardella et de l'association Regina della Pace — section Re-
cherches.
Vers le 20 janvier 1986, les visionnaires du début (de la «
première génération ») voient de nouveau des apparitions.
Non plus en classe, à l’école, mais sur le grand tableau
noir du ciel.
« Tout d’abord elles assistent à un duel apocalyptique : la
Sainte Vierge, armée d’une grande épée, se bat contre un
serpent géant et le terrasse. La bataille dure peu. Dans le
même temps, les petites visionnaires voient se dessiner
dans le ciel les mots : « Convertissez-vous, sinon vous
vous en repentirez », et une date : « février 1987 ».
Des exégètes de fortune en interprètent immédiatement
la signification : 32 c’est le serpent, le diable : 1 c’est l’Ita-
lie : 33 c’est l’âge du Christ et 8 c’est la Vierge. Cette in-
terprétation est celle de la cabale napolitaine qui consiste
à interpréter les signes pour jouer au « lotto ».
Un phénomène analogue s’est produit à partir du 24 dé-
cembre 1984 pour une classe de cours moyen de Crotone,
en Calabre. Les élèves se trouvaient dans l’église de l’Im-
macolata qu’ils étaient en train de visiter sous la conduite
de leur maîtresse, Antonietta Ferrigno. Ce fut alors qu’ap-
parut Jésus, exactement à l’endroit de l’ostensoir qui res-
semblait, avec la grande hostie exposée sur l’autel, à un
petit écran de télévision.
« Le 22 décembre 1984 je vins ici en compagnie d’une col-
lègue pour que nos élèves rendent visite au Saint-Sacre-
ment », raconte l’institutrice. « Dès que nous nous
sommes agenouillés, les enfants ont manifesté bruyam-
ment leur surprise : ils poussaient des cris en disant
qu’ils voyaient Jésus dans l’hostie exposée sur l’autel.
Certains disaient le voir couronné d’épines, d’autres re-
marquaient le sang qui coulait de ses cheveux et de sa
barbe. Ma collègue et moi nous nous sommes regardées,
tout étonnées : "mais comment est-ce possible ? Qu'est-
ce que vous dites ?” avons-nous dit aux enfants. Mais ils
semblaient être devenus fous. Nous retournâmes à
l’école. Là, ils commencèrent à dessiner Jésus au tableau
et sur leurs cahiers. Les jours suivants, ils voulurent ab-
solument que je les accompagne à l’église : je tins à ce
qu’ils s’y rendent seuls car je ne voulais pas que l’on dise
que c’était moi qui les influençait. Pendant ce temps, je
menais l’enquête sur l’hostie. J’allais trouver un prêtre
pour lui demander si par hasard le visage de Jésus n’était
pas imprimé sur cette hostie. Il me répondit qu’il y avait
bien une croix, mais pas du tout de visage. Je me rendis
chez le fabricant. J’appris qu’elles étaient faites unique-
ment avec de l’eau et de la farine et que la croix y était
imprimée par moulage. Le 22 janvier l’une de mes élèves,
Patrizia Manfredi, me supplia en classe : "Maîtresse,
pourquoi demain on ne se voit pas tous ensemble dans
l’église de l’Immacolata ?” Nous nous donnâmes rendez-
vous à dix heures et demie. Après avoir prié à genoux en
compagnie de mes élèves, je me levai pour m’en aller. Je
m’étais déjà engagée dans l’allée qui sépare les bancs
quand un élève, Eugenio Piro, m’appela : "Maîtresse, ve-
nez voir par ici” Pour lui faire plaisir, je m’approchai de
l’autel et vis tout d’abord uniquement l’hostie blanche,
puis un dessin gravé dans l’hostie et enfin un visage bien
net : il portait une couronne d’épines si grande que la tête
s’y enfonçait. Les jours suivants, je vis de nouveau Jésus.
Puis il y a eu les apparitions de Jésus "en chair et en os",
dans l’église cette fois et non plus dans l'hostie. »
« J’étais en train de réciter le Notre Père dans l’église de
l’Immacolata », raconte Alessandra Scerra, une fillette
fluette comme un roseau, « et tout d’un coup j’ai senti
quelque chose derrière moi. J’ai tourné la tête et j’ai vu
Jésus. C'était un homme vêtu d’une tunique pourpre. Jé-
sus s’est déplacé, il est allé vers le crucifix qui se trouve
sur l’autel, il l’a pris et l’a soulevé devant tout le monde.
Mes camarades m’ont vu pleurer. Ils ont aussi vu le cru-
cifix qui allait d’un côté à l’autre de l’autel. Le jour sui-
vant, j’ai encore vu Jésus, à un mètre cinquante de moi,
et il m’a parlé. La maîtresse a remarqué que je pleurais.
Elle a pensé que je ne me sentais pas bien. Elle voulait
que l’on m’accompagne dehors, mais je lui ai dit : "Maî-
tresse, je suis en train de voir Jésus”.
Il serait trop long de citer tous les enfants et tous les
adultes qui affirment encore aujourd’hui voir le visage du
Christ sur l’écran que constitue l’hostie et, par un autre
effet « magique », sur le grand écran formé par la conque
remplie de stucs, d’ors et de merveilles du dix-huitième
siècle de cette église consacrée à Marie. Le curé, le Père
Giuseppe Covelli, a recueilli des centaines de témoi-
gnages, sans jamais faire de commentaires, encoura-
geants ou décourageants.
Les témoignages émanaient — et émanent toujours — de
personnes dignes de foi. « Le mercredi d’avant le di-
manche des Rameaux, entré dans l’église pour une brève
visite, je m’agenouillai devant le banc du fond. Dès que je
relevai les yeux, je vis le Christ : non pas dans l’hostie,
comme tant d’autres, mais à côté. C’était une personne
en chair et en os, qui appuyée sur l’autel comme sur un
parapet, se penchait vers moi. Il était si naturel que je
suis resté là à le fixer pendant une vingtaine de minutes.»
La Vierge serait même apparue dans un garage, à une fil-
lette d’un village de la province de Naples :
« Angela, viens, je t’attends. Tu ne veux pas me connaî-
tre ? » La voix, faible et presque plaintive, provenait d’un
garage. Angela, qui avait dix ans, était en train de jouer
non loin de là, sur la route, avec trois petites amies. In-
triguée, elle ne put résister à cet appel et entra dans le
box. Une heure plus tard, elle n’en était toujours pas sor-
tie et l’une de ses amies, inquiète, décida de prévenir ses
parents. On retrouva Angela à genoux, en prière et en
pleurs.
Entre deux sanglots elle réussit à prononcer quelques
mots : « J’ai vu le visage de la Sainte Vierge. Elle était là,
en face de moi. Elle me regardait fixement dans les yeux...
» Puis, son père l’ayant prise dans ses bras, la fillette
s’évanouit.
Ceci s’est produit hier soir à Cardito, un village de 15.000
habitants aux portes de Naples113.
Un mois plus tard, l’image du Christ apparaît à Licata,
dans la province d’Agrigente, dans la cour d’une maison
à moitié en ruine. Les enfants surpris par cette vision sont
Francesco Combino (9 ans), Danilo Cona (10 ans), Filippo
Lopresti (11 ans). Ils étaient à ce moment là en train de

113
Antonello Perrillo, « La Madonna appare dentro un garage » (Il Tempo, 18 avrìl
1986).
jouer tout naturellement au ballon à cet endroit, qui sem-
blait mieux se prêter à la dépense de leur énergie phy-
sique qu’à une manifestation de leur imagination (la cour
abandonnée se trouve via Federico, dans le quartier Ma-
rina di Licata).
De nombreux villages ont eu et continuent d’avoir leur
Bernadette, comme le montre la liste figurant en annexe ;
une Bernadette qui est également une Cassandre capable
de prévoir et de prophétiser. Dans tous les cas, c’est un
petit oiseau qui, si on le maltraite, se sent blessé à mort
et cesse de chanter.
VIII

Derniers avertissements ?...


avant l’apocalypse

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les appari-


tions de la Vierge deviennent plus fréquentes. La toile de
fond de cette nouvelle « épiphanie » de Marie, qui se pro-
duit parfois devant des multitudes, est l'Italie.
Le recours à la bombe atomique a soulevé la question ob-
sédante du futur de l’humanité et de la planète. Marie ré-
pond :
« Je suis descendue sur la terre non pas pour me faire
voir, mais pour vous sauver du grand châtiment qui
vous menace et dont nous voyons déjà les signes pré-
curseurs. »
Et encore :
« Nous sommes arrivés au grand fléau » ; « Croyez-moi,
mes enfants, ce sont les dernières heures. Nous en
sommes aux derniers instants de vie... Les dernières
heures seront terribles. » (A Luigi De Rossi, 1950).
La terrible épreuve qui attend l’humanité est confirmée
par l’extase d’Anna Morelli, de Gramolazzo :
« De grandes calamités vous menacent. De mauvaises
maladies et des épidémies s’abattront sur le monde ;
beaucoup mourront... De très fortes pluies tomberont
et dévasteront tout, engloutissant et enfouissant toute
chose ; des éclairs viendront du Ciel et détruiront les
maisons et les récoltes ; toute la terre sera bouleversée
et la mer elle-même ne pourra vous sauver.
Il y aura la faim, les désordres, les rébellions ; le sang
des innocents coulera dans les rues ; le frère tuera son
propre frère et très vite il y aura aussi la guerre ; de
nouveaux et terribles microbes infesteront la terre et
toutes les créatures... » (1951)
« Rappelez-vous, le danger est proche. Rappelez-vous que
je viens maintenant très souvent parmi vous, mes en-
fants, car je veux vous sauver du danger qui vous menace
de plus en plus, un peu ici, un peu là ; il n’est pas très
grand actuellement, mais il le deviendra... » C’est ainsi
que la Vierge parla à Gino Taddei en 1951. En entendant
ces mots et en contemplant en même temps ce que lui
montre la Vierge à l’appui de ses vaticinations, Taddei
s’écrie : « Que ce châtiment est horrible. Mère, sauve-
nous. »
La Vierge répond :
« Restez unis, vous serez mon troupeau. »
« La coupe se remplissait, maintenant elle est en train de
déborder » : c’est le message que confia la Vierge en 1965
à Conchita Gonzales, la jeune visionnaire du petit village
espagnol de Garabandal.
« Si le monde ne change pas, commente Conchita, vien-
dra le châtiment. Il sera plus terrible que tout ce que
nous pouvons imaginer, car il résultera de l’interven-
tion directe de Dieu. Je sais en quoi il consistera, car la
Vierge me l’a dit, mais je ne peux le révéler. J’ai d'ail-
leurs vu le châtiment. Oui, je peux affirmer que s’il se
produit, ce sera pire que si nous étions encerclés par le
feu, pire que si le feu était en dessous et au-dessous de
nous. »
Il n’est pas une prophétie de cette époque qui ne con-
tienne les thèmes évoqués dans les avertissements de Ga-
rabandal. On en trouvera quelques exemples ci-après :
Aloisa Lex (1965) :
« Les hommes ne sont pas conscients de la gravité du
moment qu’ils sont en train de traverser... Partout où
je suis apparue dans le monde — dit la Vierge — pour
inciter l’humanité à la prière et à la pénitence, je n’ai
rencontré qu’hostilité... Le jour viendra où il sera trop
tard... Quand le Signe de la Croix apparaîtra dans le ciel,
tout le monde tremblera à la vue de cet avertissement
solennel. Les hommes blêmiront de frayeur et tremble-
ront d’angoisse : alors le pouvoir des ténèbres fondra
sur eux. » (Apparitions à Eisenberg).
Enzo Alocci (1966) :
« Un jour on verra des choses qui impressionneront
tout le monde et ce sera comme une fin. Ce jour-là,
dans un fort grondement de tonnerre, un char de feu
traversera tout l’univers... Ce sera le signe que le "châ-
timent” de DIEU est proche. La Terre se mettra à trem-
bler : le soleil tournera sur lui-même dans une grande
explosion ; la lune sera en deuil... À ce moment, le ciel
sera limpide, sans nuages, et le "phénomène" miracu-
leux pourra être vu de toutes les parties de la terre. En-
suite, le soleil s’éloignera et un fort grondement se-
couera la terre puis ce sera l’obscurité. » (Apparitions à
Porto Santo Stefano).
Margherita, visionnaire de Belgique (1966-1971) :
« Qui aura le courage d’accepter le changement impor-
tant que je demande ? Qui osera aller contre le
monde ? Je souhaite la formation d’une armée d’âmes
simples qui resteront tendrement unies entre ma Jus-
tice et les pécheurs, sous la garde de Ma Mère, Reine
des Cieux... »
« Un jour viendra qui n’est jamais venu et qui ne res-
semblera à aucun autre jour... Prie... pour la paix dans
le monde, gravement menacée par un épouvantable
cataclysme... L’heure est grave. Les péchés du monde
dépassent la mesure... L’ennemi, tapi dans l’ombre,
guette le moment où il pourra attaquer. »
Une visionnaire du Mexique (1969) :
« L’Avertissement annoncé à Garabandal sera le der-
nier. Il faut réparer, en quittant le péché et en renon-
çant aux plaisirs, mêmes honnêtes, faire pénitence en
mortifiant les sens, se consacrer à la prière, en se reti-
rant avec le Christ dans la solitude pour méditer : "J’ai
soif d'âmes qui prient dans la solitude avec MOI.”
Rina Moschin (1970) :
« Bientôt dans le ciel il se produira une chose inouïe et
inattendue qui causera une grande épouvante. Une
chose qui tourne apparaîtra au milieu d’un nuage
rouge. Elle descendra du ciel à grande vitesse et tour-
nera autour de la Terre à plusieurs reprises... et partout
où elle passera, elle provoquera de grands désastres de
toutes sortes... Le Seigneur veut que le monde soit
averti, car... si tout le monde prie et demande pardon,
Il accomplira Son grand Miracle : il arrêtera cette chose
terrible et la renverra dans l’espace... »
Une visionnaire anonyme (1974) :
« Allez, allez prier dans les Refuges : alors vous ne serez
pas attirés par la secte noire ni par l’imposture raffi-
née... N’attendez pas l’heure et le jour pour demander
Mon Aide, mais faites-le tout de suite. »

1. 1981, Apparitions en Afrique : les visionnaires


du Rwanda

Apparitions au Rwanda — La Guerre contre la


Vierge — Je suis la Mère du Verbe — Un collège de
jeunes filles en émoi — Un jeune homme nu écoute
la Vierge — Les visionnaires de la brousse — L’eau
et la pluie de la bénédiction.

Là où il s'étend au-dessus des grandes forêts africaines,


le ciel ne pouvait que se révéler un domaine fertile. Du 28
novembre 1981 à la fin de l’année 1985 en effet, plusieurs
étudiantes de Kibeho, au Rwanda, ainsi que des jeunes
filles des villages voisins et un jeune garçon de la brousse
qui n’avait pas reçu le baptême, ont vu la Vierge appa-
raître. Les gens sont alors accourus de tous les coins du
pays et même des pays voisins.
Tout ceci se produisait après toute une série d’événe-
ments bouleversants et terribles. En effet, de 1979 à
1981, une fureur diabolique s’était déchaînée contre la
Mère de Dieu. Selon l’évêque de Nyando, Mgr Aloy
Bigirumvanni, « les iconoclastes possédés par le Démon
dérobèrent et brisèrent les statues qui se trouvaient dans
toutes les églises et à tous les croisements du Rwanda, et
ceux qui auraient dû protester contre ces sacrilèges ne le
firent pas »114.
Presque toutes les statues de la Vierge qui se dressaient
à l’entrée des églises furent dérobées ou détériorées, voire
même détruites. On réussit dans certains cas à retrouver
l’auteur du sacrilège, sans pouvoir pour autant remonter
la filière de l’organisation qui avait décidé de déclarer la
guerre à la Vierge ni être en mesure de déterminer les rai-
sons qui avaient pu provoquer la destruction des objets
du culte marial dans tout le pays.
Indépendant depuis le 1er juillet 1962, le Rwanda est un
petit État situé au cœur de l’Afrique noire. Ses premiers
habitants étaient des pygmées. Les tribus bantoues et ni-
lotiques, ancêtres des Batutsis, s’y installèrent ensuite.
Ce pays qui vit presque exclusivement de son agriculture
n’en figure pas moins au nombre des vingt-cinq nations
les plus pauvres de la terre. Pour ce qui est de la religion,
il est venu au christianisme vers la fin du siècle dernier.

114
Gabriel Maindron, Apparizioni à Kibeho, Ed. Queriniana, Brescia, 1985.
Il est par ailleurs intéressant de noter que la langue na-
tionale, le kinyarwanda, est ressentie par le peuple
comme un fondement de l’unité nationale, au point que
le Jambo (le Verbe) revêt une importance primordiale
dans la vie sociale du pays. Extroverti, heureux de vivre
et hospitalier, aimant le chant et la danse, le Rwandais a
la veine poétique et une imagination fertile. C’est ainsi
qu’au cours des veillées les gens aiment à citer des pro-
verbes et à raconter des faits plus ou moins légendaires.
— Ndi Nyina wa Jambo (Je suis la Mère du Verbe), dit
justement la Vierge à Alphonsine Mumureke le jour où
elle lui apparut, à savoir le 28 novembre 1981. Née seize
ans plus tôt dans la région Est du pays, connue pour ses
croyances dans les esprits, la jeune fille était interne dans
la modeste école de Kibeho tenue par des religieuses
rwandaises.
« Il était 12 h 35 et je me trouvais dans le réfectoire des
élèves où je servais mes camarades à table. J’étais très
contente mais ma joie n’allait pas sans une certaine peur.
J’entendis soudain une voix m’appeler : « Ma Fille » 115.
Alphonsine eut l’impression que ses pas la dirigeaient
vers le couloir. C’est alors qu'elle vit la Sainte Vierge. Elle
avait l’apparence d’une femme dont la peau n’était pas
tout à fait blanche et avait les pieds nus. Elle portait une
robe et un voile blancs. Elle avait les mains jointes à la
hauteur de la poitrine mais ses doigts étaient levés vers
le ciel. Quatre de ses compagnes racontèrent par la suite
à Alphonsine qu’elle se trouvait encore dans le réfectoire

115
Ibid.
lorsqu’elle était entrée en extase et que, toujours sans
s’en rendre compte, elle avait parlé en plusieurs langues
— français, anglais et kinyarwanda — et en d’autres
langues que les fillettes ne connaissaient pas.
— Femme, qui es-tu ? avait demandé Alphonsine.
C’est alors que la Vierge avait répondu : « Ndi Nyina wa
Jambo » (Je suis la Mère du Verbe).
Mais ce soir-là comme durant les jours qui suivirent, les
élèves du collège ainsi que leurs enseignants considérè-
rent l’expérience d’Alphonsine comme une espèce de sor-
tilège qui aurait été l’œuvre des esprits.
« Alphonsine souffrit beaucoup à ce moment-là de la mo-
querie des gens. "Voilà la visionnaire !”, "Mettez-vous à
genoux ! Voici l’apparition !", “Demande ceci, ou cela, à la
Sainte Vierge !” Ils mimaient les scènes d’apparition »116.
Après la première apparition qui avait eu lieu de jour dans
le réfectoire, les suivantes se produisirent le soir, dans la
partie du dortoir où se trouvait le lit d’Alphonsine. Mais
l’agitation qui n’avait pas manqué de s’installer dans le
collège valut à la jeune visionnaire des mesures discipli-
naires et les apparitions se produisirent alors dans la
cour du collège. D’autres visionnaires vinrent bientôt
s’ajouter à Alphonsine mais celle-ci demeurait toutefois la
seule, en 1985, à recevoir encore la visite de la Vierge. La
jeune fille est également détentrice d’un secret qu’elle dit
ne pouvoir révéler que plus tard.
Anathalie Mufamazimpaka, née en 1965, était élève dans

116
Ibid.
le même collège. Les apparitions dont elle fit elle aussi
l’objet durèrent jusqu’en 1983. Marie-Claire Mukan-
gango, institutrice diplômée, est née en 1961 et Stéphanie
Mukamurenzi en 1968. Vistine Salima, couturière, et
Agnès Kanagajn, maîtresse de maison sont quant à elles
nées en 1960.
Toutes ces jeunes femmes ont vu la Sainte Vierge à
Kibeho.
Emmanuel Segatashya, païen, n’a été baptisé qu’en 1983.
Né en 1967 sur les rives du fleuve Akanyaru, à la frontière
qui sépare le Rwanda et le Burundi, il est l’aîné de cinq
enfants. Analphabète au moment des apparitions, c’est
un garçon qui a vécu dans la brousse et qui a abandonné
l’école pour se faire berger et aider les voyageurs à traver-
ser le fleuve Akanyaru à la saison des crues. « Vilain gar-
çon », lui avait un jour dit son père, « tu es encore petit.
Sais-tu que tu pourrais attraper froid et que le fleuve
pourrait t’emporter ? »
Emmanuel n’était pas connu à Kibeho. Aucun chrétien
du collège ni de la paroisse n’avait entendu parler de lui
et il n’y connaissait lui-même personne ayant déjà dé-
passé l’âge de l’admission au cours préparatoire et n’étant
pas non plus inscrit au catéchisme. Il connut pourtant le
2 juillet 1982 l’expérience suivante.
« J’étais en chemin sur la route qui mène à Kibeho, au
lieu-dit Muhora. J’étais allé voir mon champ de haricots
et je m’étais assis à l’ombre pour me reposer. Soudain
j’entendis une voix m’appeler : "Mon enfant, si on te confie
une mission, seras-tu capable de la mener à bien ?” Du
fond du cœur, je réponds oui sans hésitation. Et tout de
suite Jésus me confia un message : “Tu leur diras : Puri-
fiez vos cœurs car le temps est proche”. Puis il me fit voir
l’intérieur d’une cour remplie de gens auxquels je devais
porter le message. Je lui demandai à mon tour comment
s’appellait celui qui m’envoyait là et d’où il venait, car j’en-
tendais la voix mais j’avais beau me tourner de tous les
côtés, je ne voyais personne aux alentours, personne qui
soit susceptible de m’appeler. “Si je te disais mon nom,
les hommes ne te croieraient pas.” Je lui demandai alors :
“Comment est-il possible de prouver que ce que je leur
apporte est bien la vérité ? Je suis rwandais et ils le sont
aussi. Ils me demanderont qui m'envoie, quel nom leur
donnerai-je ?” Il me répondit alors en disant : "Va trans-
mettre mon message à ces personnes qui se trouvent là-
bas." Je le remerciai, me levai et me mis en route.
Arrivé là, dans la cour de Robert Ngenzi, je vis beaucoup
de personnes rassemblées, surtout des femmes et des
jeunes qui faisaient sécher les haricots. Alors, je ne sais
pas vraiment comment cela arriva mais je me retrouvai
nu et j’en eus honte. Les personnes présentes prirent
peur : certaines s’enfuirent, d’autres se mirent à rire...
Une femme me dit : "Mon garçon, pourquoi annonces-tu
la parole de Dieu tout nu ? Qui aura encore le courage de
t'écouter ?” C’est alors que j’entendis une voix qui me dit :
"Dis-leur que le Fils de l’homme est venu sur cette terre
et qu’on l’a dépouillé de ses vêtements. Il t’arrive la même
chose en souvenir de moi ; ce souvenir ne sera plus rap-
pelé mais il ne sera plus jamais oublié” (Urwibutso ruta-
zahoraho iteka kandi rutazibagirana). Puis il me dit :
"Ouvre les yeux et tu pourras me voir. Tu continueras à
annoncer mon message. Si tu mènes à bien ta mission,
nous nous reverrons.”
Je vis alors son visage à la peau noire dans une lumière
resplendissante. Il était de taille moyenne, vêtu à la rwan-
daise avec un pagne. Nous avons pu parler. Lorsqu’il dis-
parut, je vis mon père et mes frères qui venaient vers moi.
Je ne sais ce qui les avait fait venir. Je revins avec eux et
ils se moquèrent de moi en disant que j'étais devenu fou.
Ils me firent passer la nuit chez mon oncle.
Deux jours plus tard, le dimanche 4 juillet, Jésus revint.
Il me dit qu’il m’envoyait porter son message aux hommes
mais que ceux-ci diraient que ce message n'est pas com-
mun.
Un homme ne peut ainsi demander à un autre des choses
extraordinaires s'il ne réussit même pas à s’apercevoir de
ce qui est ordinaire » 117.
Au début les apparitions se produisaient dans l’enclos qui
entourait la maison familiale. Jésus lui enseignait com-
ment faire le signe de la croix et il lui faisait réciter le
Notre Père, le Je vous Salue Marie et tout le chapelet...
Les personnes présentes écoutaient les paroles et obser-
vaient les réactions de Segatashya. L’affluence fut telle
que l’enclos familial fut dévasté. Par chance Jésus donna
ensuite rendez-vous au jeune garçon à Kibeho même.
Emmanuel a eu de fréquentes apparitions de Jésus, qui
lui a confié des messages, mais également de la Vierge.
« D’après les recherches que nous avons effectuées — dé-
clare le Père Maindron — il ne pouvait avoir aucune con-

117
Ibid.
naissance de la religion ni par son milieu familial ou so-
cial, ni par ses voyages. Chez lui personne ne savait lire
ni écrire, il n’y avait pas la radio et sa famille vivait dans
un endroit isolé. »
Étant venu jusqu’à Kibeho et s’étant joint aux vision-
naires du collège catholique, Emmanuel commença lui
aussi à avoir des visions et à communiquer devant la
foule.
Le 31 mai 1982, on put mesurer l’intérêt que suscitaient
les apparitions de Kibeho dans la population rwandaise.
C’était la fête de la Visitation, le lundi de Pentecôte. Bien
que les routes aient été encore peu carrossables, on cal-
cula que 15.000 personnes étaient présentes ce jour-là à
Kibeho. Il n’y avait que huit policiers pour contenir la
foule et ils furent vite débordés.
Les autorités et la direction du collège eurent alors l’idée
de dresser une estrade dans la cour de l’école, de façon à
ce que les gens puissent observer les visionnaires en ex-
tase. Autour de l’estrade on installa une clôture métal-
lique afin que les membres des commissions médicale et
théologique ainsi que les journalistes puissent faire leur
travail sans être dérangés, un travail qui consistait géné-
ralement à observer, à effectuer des enregistrements et à
prendre des clichés etc.
L’extase des visionnaires dure généralement une heure
mais elle peut se prolonger pendant plus de deux heures.
La particularité des apparitions de Kibeho est qu'elles ne
se produisent pas simultanément mais bien séparément,
à des moments différents. La séquence des apparitions
peut donc commencer en début d'après-midi et se prolon-
ger jusque tard dans la nuit. Pendant tout ce laps de
temps, les milliers de Rwandais venus assister à ces ap-
paritions se tenaient, et se tiennent encore aujoud’hui, en
silence alors que hurlent au-dessus de leurs têtes les
haut-parleurs du Bureau rwandais de l’information
(Orinfor), qui amplifient énormément les messages de la
Vierge. Le 15 août 1982, en présence de 20.000 per-
sonnes, les apparitions se prolongèrent pendant des
heures et des heures mais la foule, qui pouvait suivre les
visionnaires se tenant sur l'estrade et entendre les mes-
sages retransmis, garda son calme et resta disciplinée.
Il n’en demeure pas moins qu’au début une bonne dose
de scepticisme régnait parmi les gens qui venaient à
Kibeho. Il y avait parmi ceux-ci de simples curieux et
d’autres qui venaient là uniquement en promenade. Et
pourtant, quels qu’aient été les motifs de chacun une
force d’attraction supérieure avait bien dû s’exercer pour
qu’une telle multitude affronte un voyage qui s’annonçait
plein de difficultés et de dangers. Il n’était en effet pas
facile de se rendre à Kibeho dans les années 1982-83 en
raison du très mauvais état des routes. Le Père Maindron,
« chroniqueur » des faits extraordinaires, rappelle que ce
n’est qu’à la fin de l’année 1982 que la route qui relie Ki-
gali à Gitarama et Butare a été asphaltée. Auparavant, la
route de Gitarama à Butare était complètement défoncée
par suite du passage des tracteurs et des gros camions.
Beaucoup venaient à pied, passant deux nuits à la belle
étoile, dans la forêt. Pour ceux qui prenaient l’autocar, le
taxi ou leur propre voiture, le voyage n’était pas moins
aventureux ni précaire.
Toujours selon le Père Maindron : « Pendant la saison des
pluies, les routes sont glissantes et on risque de tomber
dans un ravin. Pendant la saison sèche au contraire, la
poussière pénètre partout et, si les routes sont moins
dangereuses, le voyage n’en est pas plus agréable. Il con-
vient donc d’admirer ces foules qui restent debout pen-
dant des heures à observer. Certains prennent des notes,
d’autres enregistrent. On prie avec les visionnaires »118.
Les jeunes qui attendent de voir apparaître la Vierge vien-
nent juste de monter sur l'estrade. Ils se mettent à ge-
noux. Ils n’ont même pas jeté un regard sur la foule im-
mense et ne semblent pas non plus entendre le vacarme
que font les voitures avec leur klaxon. Certains sont en-
dimanchés, comme Anathalie qui porte une robe blanche,
d’autres sont habillés comme tous les jours. Les premiers
temps, Segatashia était habillé en berger, avec ses cu-
lottes rouges.
Les visionnaires se concentrent dans la prière. Mainte-
nant chacun d'entre eux attend l'apparition de la Vierge.
Il peut arriver que l’un d’eux monte sur l’estrade déjà en
état d’extase. Mais lorsqu’arrive la Vierge, tout change. Le
visionnaire sursaute tout à coup : « Il se lève immédiate-
ment, d’un bond, et ouvre grand les yeux. Il regarde vers
le ciel, généralement en direction de l’ouest. Tous les vi-
sionnaires se comportent pratiquement de la même ma-
nière. Le regard est fixe et plongé dans l’infini mais dirigé
vers un point bien précis et immobile. Le sujet est tantôt
debout, tantôt agenouillé mais son regard est toujours

118
Ibid.
fixé sur ce même point... »119. C’est en ce point qu’appa-
raît la Vierge. Anathalie dit qu’elle arrive comme un aigle
(« agasiga ») qui « plane dans la vallée sans battre des ailes
». Alphonsine rapporte qu’Elle vient « comme une statue
qui glisserait sur des rails ». Ils la voient entourée de
fleurs merveilleuses. On ne saurait la décrire par des
mots. Sa peau n’est ni blanche ni noire mais pas non plus
métisse. Elle porte une robe d’une blancheur éclatante.
Le voile qui lui descend de la tête jusqu’aux pieds est
blanc pour certains mais bleu comme le ciel pour
d’autres. Pour Alphonsine, Agnès, Marie-Claire, Vestine
et Stéphanie, la Vierge se présente les mains jointes sur
sa poitrine dans une attitude que décrit très bien l’expres-
sion rwandaise : « byose Ayibumbiye muli jye », c’est-à-
dire « toutes les grâces de Dieu sont en moi ». Pour Ana-
thalie et les autres visionnaires, parmi lesquelles parfois
Agnès, la Vierge a les bras ouverts et les mains tendues,
telle que la représente la « médaille miraculeuse ». En
rwandais, cette attitude est décrite par l’expression : «
Bikima Mariya ugaba inema » (Marie dispensatrice de
grâces).
La foule sait que la Vierge est présente lorsque le vision-
naire commence à parler ou à chanter. Celui-ci est visi-
blement en conversation avec quelqu’un qui se trouve de-
vant lui et avec lequel il s’entretient de manière très na-
turelle et en toute confiance : les paroles qu’il prononce
sont souvent presque toutes audibles et il est parfois pos-
sible de déduire d’après celles-ci le sens de ce qu’est en
train de dire l’apparition. Outre les chants et les prières,

119
Ibid.
on peut également observer les signes d’assentiment, les
sourires, les remerciements — ainsi que les silences plus
ou moins longs.
Le 2 avril 1982, Marie-Claire Mukankango reçut de la
Vierge des avertissements que l’on peut considérer
comme capitaux dans le contexte des révélations de
Kibeho.
Marie : Repens-toi ! Repens-toi ! Repens-toi !
Marie-Claire : C’est ce que je fais.
Marie : Quand je te parle ainsi, je ne m'adresse pas uni-
quement à toi, mais aussi aux autres. Les hommes d’au-
jourd’hui ont vidé toutes choses de leur véritable sens.
Le 31 mai 1982, la Vierge dit à Marie-Claire :
« Ce que je vous demande, c’est de vous repentir. Si vous
récitez ce petit chapelet en méditant, vous aurez alors la
force de vous repentir. Aujourd’hui rares sont ceux qui
savent demander pardon. Ils mettent de nouveau le Fils
de Dieu en croix. C’est pourquoi j’ai voulu venir vous le
rappeler, surtout ici au Rwanda car il y a encore ici des
personnes humbles qui ne sont pas attachées à la ri-
chesse, à l’argent. »
La « Mère du Verbe » enseigne à supporter la souffrance
intérieure (« kwibabaza »), celle qui résulte de la privation
des plaisirs (« kwigomwa ») et celle qui naît de la mortifi-
cation physique (« kwihana »).
En suivant ces règles de vie, les visionnaires bénissent
par l’eau non seulement les foules mais également les
crucifix, les chapelets et les images pieuses. Ils peuvent
guérir en accomplissant un rite qui fait appel à l’eau et à
la Bible, laquelle est posée sur la tête du malade.
Ce rite est né à la suite des épisodes de frayeur qu’ont
vécus les élèves du collège de Kibeho. Des figures ef-
frayantes étaient en effet apparues dans le dortoir, les ré-
veillant en sursaut ou les empêchant de s’endormir. Une
religieuse eut alors l’idée de procéder à des aspersions
avec de l’eau de Lourdes : les présences négatives sem-
blèrent alors avoir été vaincues... Lorsque l’eau de
Lourdes fut terminée, la religieuse demanda à Anathalie
de faire bénir de l'eau par la Sainte Vierge à l’occasion
d'une apparition. C’est ainsi qu’à partir du 2 mars 1982
l’habitude fut prise de remplir des bidons, des cuvettes et
des bouteilles d’eau : les visionnaires devaient ensuite in-
tercéder auprès de l’apparition pour en faire bénir le con-
tenu.
C’est vers la fin de l’apparition que la Vierge demande à
son tour au visionnaire de se faire le médiateur pour bénir
la foule. Toujours en extase, le visionnaire voit autour de
lui non plus des personnes ou des objets mais des
champs remplis de fleurs, fraîches ou fanées. Il peut voir
également des forêts aux arbres vigoureux ou vieux et bri-
sés. La Vierge lui demande alors d’arroser les plantes,
tout particulièrement celles qui sont défraîchies, avec
l’eau bénite : la foule fait ainsi l’objet des aspersions. On
a aussi vu souvent, pendant ou après la bénédiction ef-
fectuée par le visionnaire, une pluie fine tomber du ciel
sur l’assistance. Elle a été qualifiée de « pluie de la béné-
diction ».
Anathalie s’adresse ainsi à la Vierge avant de bénir la
foule :
— Purifie mes mains, mon cœur, purifie-moi tout entière.
C’est la raison pour laquelle, durant l’extase, les vision-
naires se lavent le visage, les mains, les bras, et boivent
des quantités extraordinaires d’eau, ressentant une
grande soif. Il est arrivé à Segatashya de boire d’un trait
une pleine bouteille d’eau. Il donne à l’eau le nom de «
amazi y’umugisha » (l’eau qui vous donne la bénédiction).
Anathalie boit elle aussi de grandes quantités d’eau pen-
dant les apparitions. De tous les visionnaires, c’est elle
qui a le plus fréquemment béni les foules, implorant le
secours de Marie à l’aide de prières telles que :
« À Toi qui veux que nous ayons la vraie vie, nous deman-
dons la bénédiction. Nous demandons ta grâce, pour pou-
voir demeurer toujours à tes côtés... Nous attendons
beaucoup de cette eau. Mère qui connais notre faiblesse,
tu sais que nous n’avons pas la force, que nous ne pou-
vons rien faire sans toi. Aie pitié de nous. Donne-nous ta
bénédiction.
Toi qui lis dans les cœurs, tu vois ce que nous voulons,
ce que nous désirons. Accueille tous ces objets et bénis-
les. Toi en qui nous mettons toute notre confiance. Toi
dont nous attendons beaucoup de bien, nous te deman-
dons de nous accueillir. Accueille nos cœurs. Que tous
ces objets dont nous nous servons soient sanctifiés par
Toi.
Bénis-nous si nous en sommes dignes. Nombreux sont
ceux qui veulent connaître ton chemin. Nous les hommes
nous sommes un grand nombre à vouloir aller vers Toi,
mais nous ne savons pas comment faire. Chaque jour
nous voulons être avec Toi et nous voulons te prier de
nous guider.
Il est des hommes qui ne croient pas, qui n’ont aucun
espoir, qui n’aiment pas, mais à l’aide de ta force et de ta
bénédiction, nous pouvons tout espérer. C’est pourquoi
nous te prions et demandons ta bénédiction.
Nous voudrions être avec Toi, chaque jour, mais nous
nous heurtons à ce qui nous éloigne de Toi. Nous vou-
drions te servir tous les jours mais nous rencontrons tant
de difficultés.
Ta bénédiction nous apporte beaucoup, c’est pourquoi
nous te prions et te demandons que cette bénédiction que
tu nous donnes nous soit utile et nous fortifie tous les
jours de notre vie.
Vierge Marie, Mère de Dieu, nous te prions, viens à notre
secours dans la douleur : nous te bénissons dans la joie.
Nous venons à tes pieds pour implorer toutes sortes de
biens et pour remettre tout entre tes mains (...) »120.
Le 5 août, la Vierge parla ainsi à son tour à Anathalie :
— Je vous parle mais vous ne comprenez pas. Je veux
vous faire mettre debout, mais vous vous restez à terre.
Je vous appelle mais vous restez sourds. Quand ferez-
vous ce que je vous demande ? Vous restez indifférents à
tous mes appels. Mais quand comprendrez-vous ? Quand
ferez-vous attention à ce que je veux vous dire ? Je vous

120
Ibid.
donne beaucoup de signes, mais vous demeurez incré-
dules. Combien de temps resterez-vous sourds à mes ap-
pels ? »
Anathalie a souvent répété ce message : « Mubyuke,
mukanguke, mwiyuhagire, mukanure » (Réveillez-vous, le-
vez-vous, lavez-vous et regardez attentivement). La Vierge
lui avait demandé de prononcer plusieurs fois ces mots,
tout particulièrement le 29 octobre 1983.
Anathalie dit souvent :
— Nous sommes aveugles, car nous passons à côté des
signes que le ciel nous envoie. Que n’avons-nous de véri-
tables yeux pour voir vraiment, au lieu de ces billes de
verre ! Nous sommes sourds, car nous n’entendons pas
les appels que nous adressent Jésus et Marie. Que
n’avons-nous de véritables oreilles pour entendre, au lieu
de feuilles mortes ! »
De retour dans leur village, les pèlerins qui se rendent à
Kibeho racontent ce qu’ils ont vu et entendu, répétant le
message de la Vierge. Ils rapportent tous les faits à ceux
qui n’ont pas pu partir de chez eux ou n’ont pu affronter
un tel voyage. Ceux qui ont en revanche osé se mettre en
route ont pu constater qu’ils avaient été particulièrement
protégés, même et surtout la nuit.
Les pèlerins qui, étant parvenus à Kibeho, ne peuvent re-
tourner le soir-même à cause de l’extrême fatigue s’éten-
dent par terre, dans une pièce où sont réunies une cen-
taine de personnes, ou dehors, dans le bois. Rares sont
ceux qui disposent d’un tapis ou d’une couverture. Pour
tout dîner ils avalent un morceau de pain et quelques ba-
nanes.
2. 1985 : La Vierge de Sofferetti apparaît dans une
boule de lumière

Une femme mystérieuse cueille de l'origan — Un


nuage de lumière — L’Évêque fait contrôler par les
médecins Giulia, la visionnaire — Les visions fan-
tastiques de Mario Zenna.

L’Église de San Michele Arcangelo à Sofferetti, petit village


du nord de la Calabre, ne comporte ni mosaïques, ni sta-
tues. Elle contient uniquement des icônes, toutes ré-
centes, étant donné que sa consécration au culte ortho-
doxe grec date à peine de 1982.
Sofferetti : quelques maisons sur la crête des collines qui
relient l’imposant mont Pollino aux vastes plages de la
côte ionienne. On trouve ici trace de la civilisation de la
Grande Grèce, de Sybaris et de Crotone, mais également
de la civilisation byzantine et du monachisme oriental,
présents dans les sanctuaires et les couvents disséminés
dans cette zone.
Depuis plusieurs siècles, c’est cependant surtout la Cala-
bre des Albanais qui ont fui leur pays. Le centre le plus
fréquenté est San Demetrio Corone, commune dont dé-
pend Sofferetti.
Comme dans les églises orthodoxes, la coupole de San
Michele Arcangelo est de couleur bleu ciel. Elle est sur-
montée d’une grande croix grecque. Des églises byzan-
tines, elle a l’autel carré, le crucifix peint, le grand Évan-
gile doré sur ses deux faces (Christ crucifié, Christ Res-
suscité), l’encensoir contenant des grains d’encens du
Mont Athos. Conformément au rite Gréco-Byzantin, la li-
turgie s’y déroule avec des chants, de nombreuses asper-
sions d’essences parfumées et un déploiement d’orne-
ments précieux.
Ceci pour l’élégance des cérémonies. Les gens du lieu, des
paysans pour la plupart, sont en revanche très simples.
Ils n’ont pas un attachement particulier envers les pra-
tiques d’une religion si recherchée. Le rythme des travaux
champêtres et la vie de type patriarcale donnent large-
ment matière à se concentrer. Les énergies mystiques
sont absorbées dans la contemplation de la nature et les
épisodes de la vie familiale.
Ce n’est qu’à la suite de l’apparition inopinée de la Vierge
dans l’un de leurs champs précisément — un champ d’oli-
viers dans lequel trônaient deux grands chênes — que les
paysans, tout intimidés et craintifs, se sont mis à fré-
quenter leur joyau d’église. Et ils sont là tout embarrassés
devant les icônes, plus empruntés et plus inhibés que ja-
mais devant Don Giovanni Cassiano, le jeune prêtre or-
thodoxe au teint pâle, coiffé de sa haute toque. Leur his-
toire, leur incroyable histoire, est en effet la suivante.
« J’étais assise devant la maison qui regarde la vallée, avec
ma mère et ma sœur », dit Giuseppina Oriolo. « Passe une
personne du village qui a sa propriété à côté. Elle était
avec sa belle-fille. » « Regardez là-bas, qu’elle nous dit, qui
est au milieu des oliviers ? » On voyait bien une femme
habillée de blanc. « Si c’est Pasqualina, qu'est-ce qu’elle
est en train de faire. » Pasqualina a un petit grain. Alors
pensant que c’était elle et que la chaleur de juillet lui avait
fait du mal, on était inquiètes. J’ai dit à mon fils : « Va voir
qu’il n’arrive rien à Pasqualina qui traîne dans la cam-
pagne. » Mais après être descendu le long du talus et être
arrivé à l’endroit qui se trouve à environ deux cents
mètres de ma maison, mon fils n’a vu personne. « Des-
cends plus bas » qu’on lui a crié, parce que nous, en haut
du talus, on continuait à voir la femme. « Descends plus
bas ! », qu’on lui a répété comme il nous faisait signe qu’il
ne voyait rien. Alors mon fils est monté dans un olivier.
Mais il ne voyait toujours rien. Il m’est venu une idée : «
Jette-lui une pierre ! » et il a pris une pierre et l'a jetée.
Mon fils a entendu le bruit de la pierre qui tombait par
terre mais il n’a rien vu. Il n’a entendu que le bruit. Pen-
dant ce temps là, nous on voyait la femme changer de
position. Elle se baissait, en s'inclinant vers la terre
comme pour cueillir de l’origan, puis elle se relevait. En
se relevant, elle disparaissait à moitié derrière les buis-
sons. C’est un terrain à l’abandon. J’ai dit à ma mère : «
Vas-y toi. Tu ne vois pas qu’elle se mette à battre mon
fils ! » Alors ma nièce est partie dans cette direction. « Re-
gardons bien, qu’on disait, il ne s’agirait pas qu'elle nous
roule et qu’elle s’échappe ! ». Toutes les quatre, moi, ma
sœur et la voisine avec sa belle-fille, on regardait très at-
tentivement. Au fur et à mesure que ma mère s’appro-
chait, la femme commençait à disparaître. Quand mon fils
et elle ont été près d’elle, elle a complètement disparu. On
ne l'a plus vue. Alors on a pensé : « Celle-là elle nous a
eus ». Alors, toujours en pensant que cette femme s'était
échappée, j'ai crié à ma mère : « Elle ne serait pas descen-
due plus bas par hasard ? » « Non », a répondu ma mère,
« là il y a des buissons ». Le jour d'après, il y avait aussi
mon frère. Et tous on a vu à nouveau cette femme. Elle
était là. Elle était habillée en blanc. Alors j'ai pris une mo-
bylette et j'ai suivi le sentier qui longe le bord du talus
jusqu'à la dernière maison. J'ai laissé la mobylette. Je
suis arrivée à pied jusqu'à l'endroit et je n'ai rien vu. «
Mais alors qui c'est celle-là qui se fiche de moi ? » que je
me suis demandée. Puis il y a eu le troisième jour, mais
au lieu de se faire voir sous l’apparence d'une femme, elle
s’est montrée sous la forme de deux lumières, comme, di-
sons, le soleil et la lune. On voyait une lumière plus
grande et une autre plus petite. Mon mari et mon beau-
frère ont alors pensé que c’était un reflet sur un figuier :
voilà ce que c’était l’image qu’on avait vue jusqu’à présent.
C’est pourquoi ils sont allés couper une branche, persua-
dés que c’étaient les feuilles qui envoyaient les reflets. Sur
le moment on a été rassurés. Mais peu de temps après,
en retournant voir, on a revu la femme. Le jour d’après, il
vient une du pays qui me dit : « Allons retirer les racines
du figuier. » Et on est allé retirer les racines du figuier.
Mais on l’a vue de nouveau. On a eu peur. On pense tout
de suite à quelque chose de mal. Et puis j’ai pensé : « J’ai
envoyé mon fils là-bas, si c’était une "cosa maie”121 il se-
rait arrivé quelque chose à mon fils ». Ensuite on a été
rassuré quand on a revu la lumière. C’était elle qui don-
nait ce signe. Les plantes brillaient. J’ai vu les chênes
briller et finalement la Sainte Vierge est apparue sur le
tronc d’un chêne comme une image sur un tableau. »
La « signora Angela », âgée de quarante-quatre ans, ma-
riée, fut parmi les premières à voir la Vierge dans le
champ d’oliviers de Sofferetti. Elle raconte : « Dès qu’elles

121
Une créature maléfique.
ont vu la silhouette d’une femme qui cueillait de l’origan,
elles sont venues me trouver. Alors j’ai couru moi aussi à
cet endroit, mais j’ai vu seulement un quartier de lune.
Une lune apparaissait en plein jour. Elle se formait juste
au-dessus du chêne. On n’a rien dit à personne : on a eu
peur. »
La Vierge était apparue pour la première fois à Sofferetti
le 24 juillet 1985. On l’aperçut un beau jour, nous l’avons
vue, sous l’apparence d’une femme penchée sur l’herbe.
Dans les jours qui suivirent, son apparition fut assimilée
à celle de la « lune » ou d’un « nuage », dont la présence
mystérieuse dans le ciel avait frappé : « J’ai vu en un ins-
tant une boule blanche qui était comme un nuage. Du
nuage est sortie la Vierge. Je me suis mise à courir, à crier
et j’ai senti un grand vide en moi. »
Puis, en août, on vit de nouveau la boule blanche : un
très beau phénomène. « Le nuage se formait à partir de
celle-ci. La Sainte Vierge en sortait, les bras ouverts. Les
femmes se mirent à crier : “Je La vois ! Je La vois !”.
C’est l’hiver. On est dimanche. Il tombe une pluie fine. La
route que je viens de parcourir pour me rendre à Sofferetti
et qui, avec ses montées et ses descentes, m’a fait faire le
compte de toutes les collines, s’est perdue dans la brume.
Comme dans un décor de théâtre, l’impressionnant mont
Pollino, qui s’évanouit dans le lointain, jette un rideau
entre le village et le reste du monde.
J’emprunte avec la voiture l’étroit passage par lequel, de
manière tout à fait étrange et particulière, on accède à la
vallée et au lieu des visions.
Il faut d’abord grimper par une petite route étroite qui
semble déboucher sur une cour entre deux maisons. En
fait, une fois dépassé le rétrécissemment on se retrouve
sur une sorte de terre-plein d’où l’on découvre toute la
vallée où se produisent les visions ainsi qu’un vaste pa-
norama de monts et de collines. De nombreux champs
d’oliviers et quelques étendues de chênes. De là, on peut
apercevoir le carré de terre couvert de buissons, d'oliviers
et de deux chênes où se produisent les phénomènes ex-
traordinaires, distants de deux à trois cents mètres à vol
d'oiseau.
Sur l'emplacement réservé au parking, où sont station-
nées un peu dans tous les sens les voitures de gens venus
des différents villages de la région, se forme un cortège de
personnes de tous les âges décidés à se laisser glisser le
long du talus malgré les aspérités du terrain rendues plus
dangereuses par le mauvais temps.
Les visionnaires « officiels », Giulia Arancino et Mario
Zenna, sont déjà prêts à rencontrer la Vierge. Venus cha-
cun de leur village, vêtus de blanc, tout comme le mari de
la jeune femme, ils attendent sur le belvédère, au milieu
de la foule, que la Vierge les « appelle ». Giulia a son cha-
pelet entre les mains et un voile sur la tête, comme le lui
a demandé la Vierge. Et tout à coup ils L'entendent à
l'unisson. Ils échangent un rapide regard et commencent
à marcher le long du sentier tracé dans la colline qui, à
travers buissons, arbres et cailloux, mène jusque sous le
grand chêne.
Moi aussi, mêlée à la foule, hypnotisée, le regard fixé à
mi-distance entre terre et ciel, je pense comme les autres
que je verrai bientôt la Vierge. Une dame s'approche de
moi pour m'aider à ne pas glisser sur la terre : j'appren-
drai plus tard qu'il s’agit de la nièce de l’évêque de Lungro,
Mgr Giovanni Stamad. La signora Mirella, si prévenante à
mon égard, moi qui suis étrangère à ces lieux, est une
fidèle de Sofferetti. Elle me parle sans arrêt à l’oreille de
ces apparitions, toute essoufflée, et ce n’est qu’au bout
du chemin que tout à coup elle se tait.
Il règne un silence absolu sur l’escarpement où se dresse
majestueux le grand chêne et auquel est accroché la
grappe humaine attendant la Vierge.
Ce terrain a dernièrement été acheté pour dix neuf mil-
lions de lires par le « Comité de la Vierge de Sofferetti ».
Sous le chêne, une clôture isole une portion de terrain
d’environ vingt mètres de côté à l’intérieur de laquelle a
été déposée une grande image de la Vierge. De nombreux
vases remplis de fleurs sont disposés tout autour.
Les deux visionnaires, qui ont pénétré dans l’enceinte
après avoir ôté leurs chaussures, commencent à prier, les
mains jointes. Et tout à coup, comme des oiseaux abattus
par une main invisible, ils tombent à terre. Et, tels des
feuilles rassemblées par le vent, les gens se pressent au-
tour d’eux. Ils raconteront qu’un nuage est descendu du
ciel, que ce nuage s'est entrouvert et que de celui-ci est
sortie la Vierge. Ensuite le nuage est venu se rassembler
aux pieds de la figure céleste.
Je réussis à me laisser glisser sur le terrain en pente
jusqu’au groupe qui entoure Giulia Arancino et je me fraie
un passage dans la foule pour pouvoir observer de près
la jeune femme qui a en ce moment une vision de la
Vierge. Giulia ressemble à une statue de plâtre, elle est
comme morte. Seules les lèvres ont un léger mouvement
et laissent passer, d’une voix faible, le message de Marie :
« Mon Cœur Immaculé est blessé et humilié par vos in-
justices. Je demande la conversion des cœurs pour le
salut du monde. »
Agenouillé à côté de la jeune femme, Franco son mari,
transcrit les paroles du message sur un petit bout de pa-
pier qu'il remet soigneusement dans sa poche avec
d’autres, identiques.
Quelques minutes ont passé : Giulia se reprend. Elle est
maintenant soulevée de terre, réchauffée et on lui masse
les bras.
Mais les gens attendent encore. Tout à coup une autre
femme devient pâle comme une morte. C’est une mère de
famille, dont les enfants et les parents se tiennent un peu
plus loin sur le terre-plein herbeux. Elle subit, sous mes
yeux, une impressionnante transformation : ses traits se
contractent en une expression de stupeur et des larmes
coulent de ses yeux aux iris dilatés, ruisselant sur ses
joues comme autant de sillons creusés par un soc. Alors
que son visage hésite entre la stupeur, le tremblement, le
rire et les pleurs, son corps se contracte et un étrange
raidissement l’envahit. Ses mains se déforment comme si
les muscles en étaient tout à coup paralysés. Des san-
glots, des cris étouffés, des bribes de phrases : la jeune
femme voit et entend la Vierge.
L’état de la visionnaire ne dure également que quelques
minutes. Lorsqu'elle revient à la réalité qui l'entoure, elle
est encore à moitié contractée, le visage terreux, lar-
moyant, heureuse et craintive à la fois. Elle a très froid.
On la masse. Peu à peu ses muscles se détendent et elle
retrouve sa physiononie. Après, c'est une autre personne,
celle d'avant l'extase. Une belle-sœur à elle est à ses côtés
et la serre dans ses bras. Elle dit : « C'est moi qui ai insisté
pour la faire venir ici. Nous sommes venues en car
d’Amantea. Le voyage était long. Elle ne croyait pas qu'à
Sofferetti la Vierge pouvait apparaître. Ma belle-sœur a
trois enfants.
Elle voulait rester à la maison. Elle disait qu'elle avait tant
de choses à faire. »
On a allumé des feux sur le bord du ravin. Il fait presque
nuit mais il y a des gens qui restent encore ici, au pied
des oliviers et des chênes. Moi je voudrais retourner au
village, pour m’asseoir avec les paysans autour du feu,
par exemple.
Quelques étoiles pointent à travers les nuages, des
torches sont portées à bout de bras au flanc des collines.
Après avoir regagné le chemin du retour, je m’arrête au-
près du feu pour me réchauffer. Ayant repris mon souffle
et retrouvé un peu de chaleur et de courage, je m’adresse
à un vieux paysan et lui demande sans préambule et sans
hésitation : « Pourquoi je n’ai pas vu la Vierge moi ? »
Il sourit. Puis il commence à parler : « Comme je pratique
les mystères de la prière, je me suis adressé la nuit à la
Sainte Vierge et je lui ai dit : “Si c’est vrai que tu es la
Sainte Vierge, fais-toi voir.” Sept ou huit jours après, il y
a eu la procession jusqu'aux chênes. On chantait les
prières et je me suis mis à chanter moi aussi. Je me suis
mis à genoux au beau milieu des champs. Et tout à coup,
je le jure, je vois une grande, grande lumière. Je me rap-
proche des arbres. Et c'est alors qu'apparaît la Vierge,
toute vêtue de la couleur du ciel. Je ne sais pas combien
de temps elle est restée devant moi. À la fin, quand toute
cette belle lumière s'est éteinte, je suis revenu en arrière
en marchant à quatre pattes dans l'obscurité. Voilà com-
ment ça s'est passé. Et je suis vraiment content d'avoir
vu la Sainte Vierge. »
Giulia s'était rendue vers la fin de l'automne 1985 à Lun-
gro, pour raconter à l'évêque comment elle avait eu ses
premières visions et lui rapporter les premiers messages.
Son Excellence Mgr Stamati l'avait écoutée attentivement
mais n'avait pris aucune décision.
C'est en septembre 1986 que l'évêque persuada la vision-
naire de se faire admettre à l'Hôpital Policlinico A. Gemelli
de Rome, afin d'y subir tous les examens cliniques néces-
saires pour écarter toute éventualité d'une pathologie
nerveuse ou mentale. Et voici ce qui fut écrit le 1er octobre
1986 sur la lettre de sortie de la patiente Giulia Arancino :
« La patiente a été admise pour effectuer certains exa-
mens par suite du constat de phénomènes psychosenso-
riels. L’étude clinique et électro-physiologique n’a révélé
aucun signe organique susceptible de justifier les faits ci-
tés. Elle sort de l’hôpital après avoir été en observation. »
Mgr Starnati s’était rendu à Sofferetti le 6 juillet 1986. Ce
jour-là, dans l'église, au cours de la messe, Giulia Aran-
cino eut une vision de la Vierge qui lui communiqua le
message suivant :
« Mes enfants, je voudrais que l’Église et ses prêtres
écoutent avec attention ce que je vous dis. Je suis ve-
nue reconstruire ce qui est en train de s’effondrer.
Ecoutez-moi et convertissez-vous. »
Au moment où nous écrivons, Mgr Starnati n’a toujours
pas jugé bon d’engager une procédure d’enquête sur les
faits de Sofferetti.
Giulia Arancino vit avec son mari Pasquale (qu’en famille
on appelle Franco) Capalbo, dans une maison de la cam-
pagne de Thurio. Autour s’étend l’horizon sans fin de la
plaine d’où avait surgi l’antique Sybaris : jardins et plan-
tations d’agrumes. À quelque distance de là, toujours
dans la campagne, entre une route asphaltée et un che-
min de terre, s’élève la fabrique de jus d’orange, d’écorces
d’orange confites et de conserves où travaille sous contrat
Pasquale Capalbo. Des oranges et des mandarines mer-
veilleuses, sans pépins, poussent dans le jardin de la vi-
sionnaire dont le nom de jeune fille est justement Aran-
cino122. Une grande cave permet de conserver les produits
de la campagne. Une belle cheminée orne le séjour. Des
cadeaux de mariage et des souvenirs d’Allemagne, où le
couple a travaillé, décorent le salon. La chambre à cou-
cher est remplie de poupées. Une seconde chambre est
meublée entre autre d’un petit autel sur lequel trônent
différentes images de la Vierge. C’est là l’univers tout
simple dans lequel se déroule la vie quotidienne de Giulia,
qui passe de longues heures seule à attendre que son
mari revienne du travail.
Giulia Arancino est née à Thurio (Corigliano Calabro) le

122
N.d.T. : Le terme « arancino », diminutif d’« arancio » désigne une petite orange
amère utilisée en confiserie.
29 septembre 1957. Elle n’a jamais été malade étant pe-
tite. Elle s’est mariée à dix huit ans. Elle a eu quatre gros-
sesses qu’elle n’a pu mener à terme mais les médecins
l’ont rassurée, tout va bien, elle pourra de nouveau être
enceinte.
Petite fille, elle aimait l’école même si elle ne retenait pas
ce que disait la maîtresse. Elle allait aussi à l’église. Au
mois de mai, mois de la Vierge, elle aidait sa mère à dres-
ser à la maison le petit autel avec l’image de la Vierge et
une profusion de fleurs. Elle aimait les images de la
Sainte Vierge mais elle n'en avait pas beaucoup. Elle visi-
tait avec sa famille les lieux de pèlerinage de la zone. Elle
éprouvait alors une grande joie. Elle aimait les statues de
saints qu’on pouvait y voir. Elle allait à la messe le di-
manche et priait matin et soir.
Bien que vivant dans un tel isolement, Giulia est tran-
quille. Elle a toujours quelque chose à faire dans la mai-
son mais il ne lui déplairait pas non plus d’être coutu-
rière, de faire des vêtements simples, vêtements féminins
ou masculins.
Giulia est maintenant ici, devant moi. Nous sommes
toutes les deux assises devant la grande cheminée de la
cuisine. Nous sommes comme deux amies dans cette con-
fiance et cette sérénité qu'inspire la plaine de Thurio, fer-
tile en agrumes comme en civilisations ensevelies. Je de-
mande à la visionnaire si elle veut me parler de la pre-
mière apparition de la Vierge. Elle me répond par l’affir-
mative, de sa voix basse, sourde, monocorde, une voix qui
semble dénoter un perpétuel tressaillement ou un état de
début d'hypnose.
« J'étais allée au bord de la mer, sur la place de Sibari, et
un parent me parla des apparitions de la Vierge à Soffe-
retti. Je demandai alors à mon mari de m'y emmener le
jour même. Il ne m'y accompagna que deux jours après,
le 5 août 1985. Ma mère et ma belle-mère étaient égale-
ment venues. Une fois arrivées là, auprès du chêne, nous
avons été agacées par ce que disaient certaines personnes
incrédules. Nous nous sommes éloignées de ce groupe et
peu après ma mère s'est tout à coup mise à pleurer : elle
se serrait contre moi en disant qu'elle voyait la Vierge avec
l'enfant. Moi, en dehors d'une petite lumière qui s'était
formée au-dessus de l'endroit, je ne voyais rien. Une autre
personne se mit à crier : "Je La vois !” mais moi je conti-
nuais à ne rien voir. À un moment donné, je me suis mise
à prier et j'ai dit : “Sainte Vierge, pourquoi ne te montres-
tu pas à moi ?” Un instant après, sur ces mots la Vierge
m'est apparue. J'ai eu à peine le temps de crier : "Je La
vois ! Je suis en train de La voir !” que tout de suite après
je suis tombée aux pieds de ma mère, sans connaissance.
Lorsque je suis revenue à moi, on m'a aidée à retourner à
la voiture, on m'a fait asseoir à l’intérieur et on m’a ap-
porté de l’eau. Après avoir repris presque totalement mes
sens, je L’ai vue de nouveau. Cette fois elle était habillée
en religieuse et elle était dans le chêne. Après le 5 août
j’ai continué à aller à Sofferetti, un jour sur deux, et je La
voyais toujours à cet endroit, même si elle ne me parlait
pas. Mais elle me souriait, me faisait des signes. Mon pre-
mier message je l’ai reçu le 4 octobre 1985 :
« Je suis ici pour apporter la foi et la paix, mais personne
ne croit en moi et personne ne te croira. Prends garde,
tu souffriras beaucoup. Ne crains rien, je serai toujours
en toi. Garde pour toi ce que je t’ai dit jusqu’à ce que
vienne le moment — je suis ici pour vous sauver. Je suis
la Reine de la Paix et des Miracles. »
***
Depuis qu’elle lui délivre des messages, la Vierge se pré-
sente à Giulia vêtue de blanc et non plus en habit de re-
ligieuse. Ses pieds reposent sur le nuage d’où elle est ap-
parue et qui s’est ramassé sur lui-même en formant un
coussin. Elle a entre les doigts un chapelet et, parfois,
une croix de couleur sombre. Elle pleure quelquefois car
elle est triste en communiquant certains messages.
La Vierge a révélé à Giulia Arancino qu’Elle se manifestait
en de nombreux endroits pour affirmer la nécessité de
prier pour le Salut. Elle a ajouté qu’Elle se manifestait
indifféremment à des adultes et à des enfants.
La Vierge parle de façon simple, compréhensible, même
pour les gens de culture modeste. Elle a une voix très
douce qui ne saurait être comparée à aucune autre et en-
core moins décrite.
Parfois son apparition s’accompagne d'une bouffée de
parfums de fleurs, de myrte et d’encens. Elle ne bouge
généralement pas de l’endroit où elle se trouve et fait seu-
lement des mouvements avec les mains. Elle descend,
puis remonte.
Giulia a reçu deux messages secrets qu’elle a confiés à
l’évêque. Elle devra communiquer d’autres messages con-
fidentiels aux personnes et aux dates qui lui seront indi-
quées le moment venu par la Vierge elle-même. Le nombre
déjà important de ces communications secrètes n’est pas
encore complet. Mais Giulia se souvient parfaitement de
leur teneur.
Avant de voir la Vierge, la visionnaire se sent nerveuse,
elle sent son cœur qui bat. Puis elle entend la Voix qui
l'appelle, alors elle se rend sur place à Sofferetti, et la voit
Elle, et rien d’autre.
La Vierge lui caresse l’épaule : Giulia ressent alors comme
une décharge électrique. C’est en fait une sensation plus
légère que celle que procure une décharge électrique :
c’est comme une vibration.
Giulia a aussi des visions de la Vierge chez elle, dans la
pièce où elle a dressé un petit autel. Avant l’apparition,
elle entend Sa voix qui provient de cette pièce. Elle cesse
alors de vaquer à ses occupations et se dirige vers la
pièce. Arrivée sur le seuil, elle voit la Vierge là, du côté
opposé à celui où se trouve l’autel. Son image est iden-
tique à celle qui apparaît à Sofferetti. Ici comme auprès
du chêne, elle semble avoir dix-sept ou dix-huit ans.
— Tu entends toujours une voix qui t’appelle, ou tu sens
toujours quelque chose qui te pousse vers le lieu des ap-
paritions ?
— J’entends la voix et je ressens un élan. Si mon mari,
qui m’accompagne en voiture jusque là-bas, le mardi, le
jeudi, le samedi et le dimanche est en retard pour un mo-
tif quelconque, je deviens agitée, parce que je sens qu’Elle
m’attend.
— Qu’arrive-t-il quand finalement tu arrives sous l’arbre ?
— Ce dont je me rappelle c’est que je m’agenouille, je ré-
cite l’Ave Maria et une autre prière qu’Elle m’a recom-
mandé de dire...
— Tu peux la répéter ?
— « Me voici, je suis là, fais de moi ce que tu veux. »
— Quand te l’a-t-elle apprise cette prière ?
— Quand Elle m’a confié le premier message, le 4 octobre.
Après avoir prononcé ces mots, je ne me rends plus
compte de rien.
Giulia a également eu des visions des anges et de l’Enfant
Jésus. Elle a par deux fois vu la figure tout entière du
Christ ressuscité qui lui a parlé d’événements qui doivent
se produire mais qui pour le moment doivent être tenus
secrets. Une chose est sûre : prière, jeûne et pénitence
peuvent permettre d’éviter le châtiment que représentent
ces événements.
Depuis que ces expériences extraordinaires ont com-
mencé, la Giulia d’avant est morte — c’est ce que dit la
visionnaire Arancino qui vit parmi les orangers et les fa-
briques de jus d’orange et d’écorces confites établies sur
les vestiges de l'antique Sybaris — et une nouvelle Giulia
est née.
Depuis le début de 1986 la Vierge de Sofferitti apparaît
aussi régulièrement à une autre personne Mario Zenna
de Vaccarizzo Albanese.
Né à Vaccarizzo Albanese, localité dépendant de San De-
metrio Carone, le 24 octobre 1950, Mario Zenna est car-
rossier de métier. Maigre, petite moustache, élégamment
vêtu, Mario, qui a cinq frères et trois sœurs, n'est pas allé
plus loin que le cours élémentaire deuxième année. Marié
avec trois enfants, il se déplaçait, étant enfant, de ferme
en ferme avec sa famille pour travailler dans les orange-
raies. Il n'a jamais été malade mais n'a pas effectué son
service militaire, ayant été reconnu comme chef de famille
à la mort de son père.
C'est le 7 août 1985 que la Vierge est pour la première
fois apparue à Mario sous le chêne de Sofferetti. Aupara-
vant, le 4 août, sa fille — une adolescente d'une douzaine
d'années
— lui avait dit qu'elle avait vu bouger une statuette qui
brodait sous ce même chêne. Mario demeura en ce lieu
pendant près d'une demi-heure puis il rentra chez lui.
Le 6 août, il prit ses vacances. Il apprit le 7 au bar du
village qu'une enfant de Vicence avait également vu la
Vierge à Sofferetti, ce qui avait provoqué une grande émo-
tion parmi la foule qui se rassemblait à cet endroit. Alors
il retourna le soir même à Sofferetti. Et voici ce qui arriva,
selon la version des faits que Mario lui-même m'a donnée
au cours d'une interview réalisée peu de temps après :
« — À sept mètres à peu près d'où je me tenais, juste sous
un olivier qui se trouve à côté du chêne, j'ai vu se former
une fumée à l'intérieur de laquelle est apparue la Sainte
Vierge habillée en religieuse. Son vêtement était de cou-
leur marron foncé. Elle venait vers moi. Alors qu’elle était
arrivée à environ deux mètres de moi, je fus effrayé par
ses bras. C'étaient en fait des bras normaux, comme les
nôtres. Elle venait vers moi, les bras tendus, et je tombai
à terre. Autour de moi se tenaient des centaines de per-
sonnes mais moi je me sentais tout seul. Le Vierge me fit
compter, et je comptai jusqu'à 9, puis de 9 je continuais
jusqu'à 21, sautant le numéro 19. Je prononçai égale-
ment trois lettres, sans savoir pourquoi : L S T. Ensuite,
étant revenu à moi, je restai pendant cinq heures sans
réussir à parler. Je suis retourné à Sofferetti le jour sui-
vant. Le soir j’ai vu de nouveau la Sainte Vierge. Cette fois
je ne voyais que son buste et il y avait de la fumée en
dessous d'elle. Autour il y avait une lumière incroyable,
comme s'il faisait jour. Puis, en un instant, l’image dispa-
rut. Le dimanche suivant, je vis avant tout sous le chêne
un phare. Puis je vis une clairière et ensuite un mur, et
auprès du mur une croix qui venait vers moi. La croix se
transforma ensuite en une chrétienne habillée en reli-
gieuse. J’ai été frappé par la capuche et par un gros cru-
cifix sur sa poitrine. Je me suis alors trouvé dans une
longue galerie pleine d’or, de vaisselle ancienne et de pe-
tites amphores. Je voyais aussi des briques carrées bril-
lantes comme l’or. Tout ceci a duré environ un quart
d’heure, puis la vision a disparu et la figure de la reli-
gieuse s’est évanouie. Quand je me trouvais dans la gale-
rie, je ne voyais ni le chêne ni les oliviers. Après, quand la
vision a disparu, j’ai revu l’herbe, les oliviers et le chêne.
Deux semaines plus tard, j’ai eu une vision plus nette de
ce qu’il y a sous terre. Je voyais une grotte ; je me trouvais
à l’intérieur de cette grotte. Je voyais cinq personnes et
parmi celles-ci Saint Michel et la Vierge. Je ne me sou-
viens pas qui étaient les autres. Dans cette grotte, il y
avait un lit haut comme une petite table, couvert d’un
voile bleu clair. Je demandai : "Mais qui êtes-vous ?”. "Je
suis la Vierge” dit l’une d’entre d’elles, “que faites vous
là ?.” "Nous habitons ici." Dans la galerie j’ai vu également
une statuette d’environ un mètre de haut tout en or.
"Nous sommes toujours ici”, a ajouté la Vierge qui m’a dit
d’autres choses que je ne dois pas révéler. D’autres pa-
roles qui doivent rester secrètes m’ont été dites par Saint
Michel. La grotte que j’ai vue et où je me suis trouvé est
comme une espèce de four. Elle est sous terre, sous le
chêne. »
Le récit des visions de Mario Zenna, visions qui pour-
raient avoir un contenu paranormal et être le fruit de psy-
chométries involontaires des lieux123, est particulière-
ment intéressant si l’on songe que les lieux de culte et
tout particulièrement les sanctuaires, ont pour origine
non seulement les apparitions mais aussi des formes de
perception extrasensorielle qui débouchent sur la décou-
verte d’une image relative à un culte préexistant, tombé
dans l’oubli pour des raisons historiques après que les
lieux aient été détruits et que les objets de vénération
aient été occultés.
En ce qui concerne l'ensemble des phénomènes de Soffe-
retti, il convient d’observer que le lieu où apparaît la
Vierge se trouve sur une colline dont le sommet domine
le plus vaste panorama de hauteurs et de vallées de toute
la zone. Et le Père Cassiano, curé de Sofferetti, cite le nom
de tous les sanctuaires existants, disséminés aux alen-
tours : ceux de la Madonna délia Catena, de la Madonna
delle Armi, de la Madonna Acheropita (qui n’a pas été

123
La psychométrie est une forme de perception extra-sensorielle qui permet de
reconstruire l’histoire d'un objet à la seule condition que le sujet sensible ou sujet
paranormal l’ait touché ou du moins approché.
peinte de la main de l'homme), de la Madonna del Pet-
toruto, de Cosme et Damien ; et le monastère de la Ma-
donna del Papire et celui, basilien, des saints Adrien et
Nathalie.
On peut donc penser que sur la Colline de Sofferetti s'éle-
vait aussi autrefois un temple dédié à la Vierge qui a dû
être détruit à la suite de quelques vicissitudes. Même la
mémoire en aurait été effacée si, pour des motifs extraor-
dinaires, quelques visionnaires ne l’avaient pas évoqué,
créant ainsi une occasion propice pour que le sanctuaire
puisse renaître de ses cendres. Il suffit de se rapporter au
message confié à Giulia Arancino le dimanche 19 janvier
1986 par la Vierge : « Je suis la Vierge de la Paix et des
Miracles. Je désire qu'en ce lieu on construise une Église
en mon honneur. »

3. 1985 : Olivetto Citra : le village des miracles

La Vierge dans une Italie du Sud à la dérive — «


Les Martiens arrivent ! » — Un village de vision-
naires — Des guérisons miraculeuses à Olivetto
Citra — L'extase confirmée par électroencéphalo-
gramme — La prophétie céleste est terrible.

« Grâce à Dieu, à Oliveto Citra, il n’y a pas de camorra »,


dit-on ici. La civilité qui y règne fait même de cet endroit
un village modèle de la Vallée du Sélé.
L’histoire extraordinaire des apparitions de la Vierge com-
mença ici le jour de la fête du Saint Patron, Saint Macaire
Abbé, le 24 mai 1985. L'année s’était jusque-là déroulée
tout à fait normalement.
Perché sur les collines, ce village de quatre mille habi-
tants, dont un tiers sans travail, est situé à 50 km de Sa-
lerne. Les terres y sont irriguées et fertiles. On y vit de
l’agriculture mais aussi du commerce. Tous les jeudis se
tient un grand marché. Vendeurs et acheteurs s’y rendent
par milliers des communes avoisinantes. On y trouve de
tout, y compris du bétail.
Il faut se souvenir que le village avait subi le tremblement
de terre de 1980 qui, s’il n’avait provoqué qu’une dizaine
de morts, avait complètement détruit le centre historique.
Le Château situé au cœur des habitations en avait égale-
ment été victime bien qu’une petite partie ait été préser-
vée. La partie supérieure s’écroula et il ne resta que la
base dont les murs en ruine ne servent désormais plus à
grand chose.
Datant du Moyen Age, le puissant édifice érigé sur un
éperon de roche calcaire avait déjà subi au fil du temps
de nombreux avatars, auxquels il avait été remédié par
des restaurations méticuleuses.
L’œuvre fut parachevée au XVIIe siècle : il en résulta un
ouvrage hybride, semble-t-il, mais utile pour le prestige
et la défense du lieu. Il n’y avait qu’un seul élément dont
l’origine demeurait inconnue et qui n’avait apparemment
fait l’objet d’aucune restauration ni d’une récupération :
il s’agissait d’une ancienne mosaïque représentant
l’image de la Vierge. Elle se trouvait sur un mur du hall
du château, mur qui n’avait pas résisté aux secousses
sismiques, ce qui fit que la mosaïque finit en morceaux
sur le sol.
C’était donc le 24 mai 1985. À l'occasion de la fête « civile
», qui faisait suite à la cérémonie religieuse, toute la po-
pulation se divertissait joyeusement sur la place Gari-
baldi où un petit orchestre jouait en pleine lumière et où
se déroulaient d'autres formes de spectacles. Seul un pe-
tit groupe de jeunes gens, douze exactement, avait dé-
serté la fête, préférant s'adonner à son jeu favori, le bal-
lon. Les jeunes joueurs avaient pour cela choisi la petite
place qui se trouve devant l'escalier conduisant à l'ancien
château des barons du lieu. La place Garibaldi n'étant
qu'à quelques pas, ils ne trahissaient pas complètement
Saint Macaire et ne se soustrayaient pas totalement à la
surveillance de leurs familles.
Tout à coup, l'attention de tout le groupe fut attirée par
un nuage lumineux qu'ils prirent dans un premier temps
pour une étoile filante. Il sillonnait le ciel en direction des
murs en ruine. L'un d'eux s’exclama : « Les martiens ar-
rivent ! » en plaisantant. Mais tous se précipitèrent sur le
petit escalier menant au portail qui donne accès au ter-
rain entourant le château. Le terrain, traversé par une
allée, est envahi par les herbes sauvages. Le portail étant
fermé par une grille, les garçons ne purent aller plus loin.
Mais là ils eurent la surprise d’entendre les pleurs d’un
enfant qui, étrangement, semblait se trouver de l’autre
côté de la grille. Tous prirent peur. (Le lieu, nous l’avons
dit, était depuis longtemps abandonné). Ils firent au
moins quatre fois de suite la navette en courant entre la
petite place du château où ils avaient joué peu avant et la
grande place du village où se déroulait la fête. Revenus
une fois encore sur les lieux, ils eurent l’idée de lancer
une pierre sur la grille qui barrait l’entrée au château.
C’est le plus entreprenant du groupe qui s’en chargea.
Une très belle dame portant un enfant dans ses bras ap-
parut alors devant leurs yeux, mettant un terme à toutes
les chimères et à toutes les réminiscences d’aventures
spatiales. L’un des jeunes gens fut pris d’un malaise.
Un jeune homme qui passait par là au même moment re-
marqua quelque chose d’anormal. Il vit quelqu’un qui
était blanc comme un mort, le saisit par le bras et l’amena
au bar Iannace qui se trouve sur la place Garibaldi. Ayant
retrouvé ses esprits, le malheureux raconta une étrange
histoire puis dit à ses parents stupéfaits qu’il avait vu la
Sainte Vierge. « Vous avez vu la Sainte Vierge ? » dit quel-
qu'un. Une jeune serveuse du bar, Annita Rio, écoutait
sans rien dire. La patronne du bar s'adressa justement à
elle en lui disant : « Tu as entendu ? Ils ont vu la Sainte
Vierge ! » « Allons donc ! » répondit Annita. « C’est bon, je
vais voir moi aussi », conclut la patronne et elle courut
vers le château qui se trouvait à quelques mètres de là.
Bien que sceptique, la jeune fille éprouva le besoin de
suivre sa patronne et les jeunes gens qui s’étaient préci-
pités à sa suite. Et c’est justement elle, Annita, qui fut
littéralement foudroyée par l’apparition d’une très belle
femme — La Vierge — dès son arrivée sur le lieu. La vision
était vêtue de blanc et portait un manteau bordé d’un fil
d’or, une couronne d’étoiles autour de la tête et un ban-
deau blanc qui lui enserrait les cheveux. Elle tenait l’en-
fant sur son bras droit et un chapelet pendant des petites
mains de celui-ci.
Effrayés, les jeunes gens et Annita commencèrent à reve-
nir sur leurs pas. Mais la vision faisait signe de sa main
gauche, comme pour dire : ne partez pas, ne vous enfuyez
pas. Puis elle dit à la jeune fille : « Tu me verras aussi de
nuit. »
Anita s’évanouit. On la conduisit à l’hôpital où le médecin
diagnostiqua un état de choc.
Passé ce malaise, Annita recommença à vivre normale-
ment mais elle connut par la suite de multiples appari-
tions qui en firent la visionnaire privilégiée d’Oliveto. Elle
revit en effet maintes et maintes fois la Vierge, toujours
vêtue de la même manière et dans la même attitude.
Il n’en demeure pas moins que tous les habitants d’Oli-
veto Citra, ont eu, au même titre que toutes les personnes
venues de l’extérieur, leur propre expérience en matière
d’apparitions de la Vierge. Ainsi Giuseppe Gagliardi, 37
ans, qui raconte :
« Un après-midi, je me rendais à la pharmacie, qui se
trouve tout près du château. C’est alors que je vis un
nuage. Je ne vis rien d’autre mais je ressentis un grand
mal de tête et je me mis à transpirer. Je n’eus ensuite
qu’une idée, retourner à cet endroit. Et, au fur et à me-
sure que j’y retournais, je commençais à distinguer
quelque chose à l’intérieur du nuage qui se présentait à
moi. Je voyais tout d’abord le nuage, puis des ombres et
enfin des silhouettes. Je vis ensuite la Vierge. Par la suite,
je voyais tout de suite la Vierge. Je ne parlais pas quand
je La voyais. Je ne pouvais desserrer les lèvres. Ceci dura
pendant presque un mois. »
Rocco Romano, un ingénieur de Fratta Maggiore, petit vil-
lage de la province de Naples, était allé consulter un oph-
talmologiste qui avait diagnostiqué une rétinopathie dia-
bétique avancée. Le spécialiste lui avait dit : « dans deux
ans tu seras aveugle ». Il avait donc vécu dans la hantise
de ce drame. Bien que son mari soit farouchement anti-
clérical, sa femme avait voulu demander à un visionnaire
d’Oliveto d’intercéder en sa faveur auprès de la Sainte
Vierge. Une autre personne, de Saleme, qui ignorait le mal
dont était atteint Rocco Romano, se mit à dialoguer avec
la Vierge à Oliveto Citra et reçut ce message : « Dis à Rocco
que pour ce qu’il a demandé je l’ai exaucé. Qu’il vienne
donc me remercier. » Cette personne ne comprit pas le
message. Peut-être quelqu’un de la famille de Rocco avait-
il des ennuis de santé ? Le mardi suivant, à deux heures
de l’après-midi, alors que la famille Romano se trouvait
encore à table (pour fêter la guérison qu’avait constatée
l’ophtalmologiste le matin même), l’ami en question dit à
Rocco : « Rocco, j’ai reçu un message pour toi de la Sainte
Vierge. Le voici : et il le lui répéta. Qu’est-ce que cela veut
dire ? Ton fils est malade ou quelqu'un de ta famille ? »
Rocco Romano fut terrassé par l'émotion : « C'est moi qui
souffrait d'une grave maladie », répondit-il à son ami. «
Quand ce matin le médecin m'a annoncé que je n’avais
plus rien, j’ai pensé qu’il avait auparavant fait une erreur
de diagnostic. Mais maintenant tu m’apportes la preuve
que je suis un miraculé de la Sainte Vierge. »
Rocco Romano avait voulu se rendre à Lourdes mais à
son retour il avait déclaré : « A Oliveto c’est mieux, c’est
autre chose. »
Le curé d’Oliveto Citra, le Père Giuseppe Amato, s’est
trouvé aux côtés de nombreux visionnaires en extase et il
a vu combien ils étaient perdus dans l’abstraction, con-
centrant leur attention sur un point donné, et demeu-
raient insensibles à toute forme de stimulation, même
douloureuse.
Donato Bracigliano, un paysan devenu modeste ouvrier
dans une petite entreprise locale, était totalement inca-
pable de mensonge, c’était un homme sans malice auquel
les gens du village avaient donné le surnom laconique
d’homme de la pierre, sans doute pour ne pas dire 1’«
homme de l’âge de la pierre ». Un soir il s’était rendu au
château en curieux lorsqu’il vit apparaître la Vierge. Il de-
meura stupéfait, tremblant de tous ses membres. Il re-
tourna ensuite tous les soirs au château après avoir dit
bonsoir à sa femme et à ses six enfants, qui demeuraient
à la maison. On peut peut-être le voir encore aujourd’hui,
appuyé à la grille et les mains agrippées aux barreaux,
s’adressant à une personne invisible avec laquelle il a une
conversation soutenue. La personne que Bracigliano est
le seul à voir dans ces moments-là (sauf lorsque d'autres
visionnaires entrent en extase comme lui), se trouve de
l’autre côté de la grille, dans l’allée qui mène au château.
Elle se tient près d’un buisson dont le vent agite parfois
le feuillage.
Âgé de trente-neuf ans, Donato Bracigliano n’a fait sa pre-
mière communion qu’il y a sept ou huit ans. Il n’a jamais
montré une dévotion particulière pour le Christ ou pour
la Vierge. Il porte cependant le nom du Saint patron du
village voisin de Contursi. Son épouse Loreta, 43 ans,
porte le nom du sanctuaire, proche, de Notre-Dame de
Lorette. Dans la vallée se trouve également un village dé-
nommé Mater Domini, ce qui montre l’attention toute par-
ticulière portée à la valeur spirituelle des noms dans cette
Vallée du Sélé toute empreinte de religiosité.
Le couple à six enfants Anna, qui a vu une fois la Sainte
Vierge alors qu’elle se trouvait avec son père.
Le soir du 20 novembre 1985, il ne fut pas difficile à un
médecin de faire de cet homme simple l’objet de ses expé-
riences scientifiques. Il le trouva en extase, « en conver-
sation » avec la Vierge devant la grille des apparitions. Il
était entouré de fidèles qui attendaient surtout que le mi-
racle se produise.
Le professeur Maurizio Santini, de l’Université de Milan,
étudie la transe extatique des visionnaires et utilise pour
ce faire, entre autres instruments, un appareil de son in-
vention. Il s’agit d’un algésimètre humain, c’est-à-dire
d’un appareil permettant de mesurer la sensibilité à la
douleur, que l’on applique sur la peau. C’est un instru-
ment très simple, constitué d’une plaquette en argent qui
est portée, au moyen d’un circuit électronique, à une tem-
pérature de 50°. Lorsque cette plaquette est appliquée sur
la peau, dont la température est plus basse, le système
électronique intervient pour maintenir la température de
la plaquette à 50°. Un chronomètre électronique mesu-
rant en dizièmes de seconde se déclenche simultanément
et se bloque automatiquement lorsque, ne supportant
plus la brûlure, la personne soumise à l’examen éloigne
l’instrument. Le chiffre atteint au chronomètre de l’algé-
simètre donne le temps de perception de la douleur.
En ce soir de novembre 1985, la population salernitaine
montra plus que jamais sa ferveur religieuse. Le rosaire
entonné par le curé lui-même, par la voix d’un haut-par-
leur installé sur un balcon, donnait le ton de la prière. La
foule émue était prête à s’abandonner à des réactions
hystériques. Le seul qui s’était totalement abstrait, pris
par la Vierge, était Donato Bracigliano dont le professeur
Santini attesta l’état d’analgésie totale. Le professeur
avait, lors des examens effectués sur le visionnaire, dû
enlever la plaquette à 50 ° de sa peau, afin de ne pas pro-
voquer de brûlures par un contact prolongé et ce, à la
tempe droite, à l’arcade sourcillière droite et à la deu-
xième phalange de l’index droit.
Par ailleurs, une fillette de dix ans Paola V. qui se trouvait
à ce moment-là à la droite de Bracigliano, et qui avait
commencé elle aussi à « dialoguer » avec la Vierge, fut
soumise à l’algésimètre qui révéla également chez elle une
insensibilité totale à la douleur124.
D’autres médecins ont observé que « le visionnaire a gardé
les yeux ouverts pendant toute la durée de la “vision”,
qu’il est resté assis et a conservé une motilité et des réac-
tions normales. Il a toujours répondu aux questions qui
lui étaient posées par une personne étrangère à l’équipe
médicale et scientifique, tout en gardant le "contact" avec

124
Notre « homme de l’âge de la pierre » fut encore, deux semaines après, soumis
à une électro-encéphalographie, aux « spectres de puissance », et à ce que l’on
appelle des capteurs en vue de l'enregistrement de sa fréquence cardiaque, de sa
température et de sa conductance cutanées. Le rapport suivant fut établi : « L’en-
registrement E.E.G. met en évidence de brusques variations du tracé en raison
d’une désynchronisation manifeste et d’une diminution du voltage durant la phase
centrale de la « vision », avec un retour au tracé de base au terme de celle-ci ; on
observe simultanément une augmentation de la conductance cutanée et une très
légère élévation de la fréquence cardiaque. »
la Vierge pendant une trentaine de minutes. Il a à plu-
sieurs reprises décrit, quand on le lui demandait, l’aspect,
le comportement et les volontés de la Vierge, prenant par-
ticulièrement à témoin deux enfants présents et son in-
terlocuteur. L’environnement était particulièrement
éprouvant du fait de la présence d’environ cinq cents per-
sonnes qui se pressaient sur les lieux de l’apparition.
Entre les cris, un silence presque absolu s’installait tou-
tefois pendant les sept minutes que durait la “vision”. »
À Oliveto Citra, les messages de la Vierge — la « Reine du
Château » — abondent. Celui qui suit est l’un des plus
représentatifs :

Message à toute l’humanité dicté par la Vierge à


une visionnaire le 10 janvier 1986

« Diffusez ce message pour l’Église et pour le monde »


Mes Chers Enfants, Dieu m’envoie sur terre pour que je
vienne tous vous sauver, car le monde entier est en
danger. Je viens parmi vous pour apporter la Paix dans
vos cœurs. Il veut que dans les cœurs de l’humanité
tout entière règne la Paix et il veut la conversion de
tous les hommes.
C’est pourquoi, mes chers enfants, vous devez Prier,
Prier, Prier : si vous ne priez pas, vous ne recevrez rien.
Le temps dont vous disposez est bref ; des tremble-
ments de terre, des catastrophes et des famines s’abat-
tront sur tous les habitants de la terre.
Chers enfants, quand Dieu vient parmi vous en mani-
festant sa présence, il ne vient pas pour plaisanter, Il
n’a pas peur des orgueilleux ou des indifférents, par
conséquent prenez ce message au sérieux.
Je prierai pour que Dieu ne vous punisse pas. Dieu dit :
« sauvez-vous, priez beaucoup, faites pénitence et con-
vertissez-vous ; par la prière vous pouvez tout obtenir,
les hommes ne doivent pas aimer seulement Dieu mais
aussi leurs frères qui souffrent et ils doivent combattre
la faim dans le monde. »
L’humanité est pleine de graves péchés qui offensent
l’amour de Dieu. La paix sur la terre va finir, le monde
ne peut être sauvé sans la Paix, cependant il ne la trou-
vera que si l’humanité retourne vers Dieu. Mes enfants,
je vous supplie de prier pour la conversion de tous les
peuples ; faites pénitence et sauvez-vous de l’enfer. Je
mènerai la bataille finale contre Satan qui aboutira au
triomphe de mon Cœur Immaculé et à l’avènement du
Règne de Dieu dans le monde. Ceux qui aujourd'hui re-
fusent Dieu iront demain loin de Lui, en enfer. Je me
suis présentée à Vous comme la Vierge Immaculée,
Mère de Jésus et je viens vous apporter, mes chers en-
fants, la Miséricorde, le Pardon et la Paix au nom de
Dieu le Père.
Fais lire ce message aux prêtres. Je souhaite qu’il soit
ensuite divulgué à tous au plus tôt.
Ne soyez pas embarrassés par mon message mais
faites-le connaître à tous ceux que vous rencontrerez.
La diffusion de ce Message est une action de grand
Apostolat, car en étant informés de mes apparitions et
en prenant connaissance des messages, beaucoup de
gens prieront davantage.
Maintenant mes enfants je vous bénis tous.
Souvenez-vous : Prière et Pénitence, et priez pour la
conversion de toute l’humanité ».
(Imprimé sous la direction du comité « Reine du Châ-
teau ». Oliveto Citra-S.A.).
Pendant que se déroulaient tous ces événements, la mo-
saïque représentant le visage de la Sainte Vierge qui se
trouvait dans le château d'Oliveto Citra et qui s’était bri-
sée à la suite du tremblement de terre avait été récupérée
morceau par morceau, pièce par pièce. Le travail de res-
tauration, qui avait été confié par la municipalité à une
artiste-peintre d’Oliveto qui avait longtemps vécu aux
États Unis, fut mené à bien assez rapidement pour que la
mystérieuse composition artistique soit présentée au pu-
blic, dans une petite chapelle qui devait être érigée sur le
lieu des apparitions.

4. 1981-1988 — Medjugorje : dix secrets et les


trois derniers « avertissements »
avant l'apocalypse

Mirjana, une visionnaire, à qui est révélée la fin


des temps — Une partie de l’Europe deviendra dé-
sert — Premier « avertissement », un cataclysme
ravage une région de la terre — Un romain, Aldo
Venditti, écrit à son amie visionnaire Ivanka — Le
récit• des apparitions de Medjugorje.
À l'heure où nous écrivons, la Vierge qui apparaît depuis
dix ans à Medjugorje, en Yougoslavie, à plusieurs jeunes
a déjà communiqué à ceux-ci dix secrets sur l'avenir du
monde. Les trois premiers ont trait à trois avertissements,
des événements très graves, qui se produiront afin
d'ébranler les hommes et de les inciter à se convertir. Im-
médiatement après, sur les lieux des apparitions, il y aura
un grand Signe, visible, beau, durable. À son apparition
la Vierge se retirera pour que se réalisent, à intervalles
rapprochés, les autres Secrets. Le septième de ces secrets
a cependant été annulé grâce aux prières, aux pénitences
et aux jeûnes de nombreuses personnes. Quant aux
autres événements annoncés, la visionnaire Mirjana sait
quand ils se produiront, car la Vierge lui en a communi-
qué les dates et elle s’est engagée à en avertir les prêtres
trois jours avant que la série ne débute.
La Vierge demande que l’on récite entre temps le Rosaire
en entier, tous les jours ; que l’on dise au moins sept Pa-
ter, sept Ave, sept Gloria, un Credo, et que l’on invoque le
Saint-Esprit ; qu’on lise l'Évangile et que l’on médite sur
celui-ci (tout particulièrement sur Saint Mathieu, VI,
24/34) ; que l'on fasse des pénitences et des jeûnes au
pain et à l'eau le vendredi, et aussi le mercredi, si on le
souhaite. Tout ceci, dit la Vierge, est nécessaire pour
vaincre Satan qui domine actuellement le monde.
Les secrets doivent se réaliser pour que prenne fin le
règne de Satan. Après, il y aura un renouveau. Mais il est
encore possible d'éviter la catastrophe : ceci grâce à la pi-
tié de Dieu. Et voici les « derniers avertissements » de la
Vierge :
« Hâtez-vous de vous convertir. N’attendez pas
qu'appa-raisse ce Signe qui a été annoncé. Pour ceux
qui ne croient pas, le temps se rétrécit : il ne leur en
reste plus beaucoup pour se convertir... Les chrétiens
ont oublié qu’ils pourraient arrêter la guerre et aussi
certaines calamités naturelles s'ils avaient recours à la
PRIÈRE et au JEÛNE... Vous... n'avez pas besoin de signe
(vous qui croyez) : vous êtes le Signe. »
Des paroles analogues retentissent dans tous les lieux
d’apparitions mariales. Elles sont l’annonce de l’approche
de « brèves ténèbres ».
« La Vierge a dit qu’une grande partie de l’Europe de-
viendra un désert humain... À ces moments-là (de
l’épreuve), le démon sera visible... Maintenant (le
monde) est plein de démons... Surtout lorsque le
Triomphe viendra effacer tout le mal. Tous ceux qui se-
ront présents La VERRONT (la Vierge). »
Marie a également dit :
« À l’heure des Ténèbres, je serai un PHARE » (1983).
Inspirée elle aussi par la Vierge une visionnaire charis-
matique a confirmé les motifs d’espoir :
« C'est l’heure de Marie. L’auguste “Condottiera” des
troupes célestes est à la tête de Son Armée » (25 octobre
1984).
L’histoire des apparitions de la Vierge dans le village you-
goslave de Medjugorje est à la fois incroyablement simple
et complexe. Des faits extraordinaires s’y produisent tous
les jours, depuis le 24 juin 1981 et continuent à la date
où nous écrivons (mars 1987). C’est donc une histoire
unique en son genre. Les six jeunes gens qui en sont les
protagonistes se sont totalement investis dans cette his-
toire et ils n’ont pas été les seuls. Cela a également été le
cas pour les croyants venus de tous les continents, et
pour l'Église. Depuis l'automne 1986, le « dossier
Medjugorje » a été transféré du bureau de l'évêque de
Mostar, dont relève ce village de l'Herzégovine, à celui de
la Conférence épiscopale yougoslave, sur ordre de la Con-
grégation romaine pour la Doctrine de la Foi. Évêque d'un
État marxiste et donc athée, Mgr Pavao Zanic avait montré
peu d'empressement à reconnaître les apparitions. Et il
semble que le Pape lui-même ait tranché en disant lors
d'une réunion ecclésiastique privée : « Medjugorge, c'est
l'affaire du Pape. »
On ne compte plus les prêtres, ni les théologiens, qui cau-
tionnent désormais les apparitions de Medjugorge, ne se-
rait-ce que par leur présence sur les lieux.
Le célèbre théologien René Laurentin résume en une
seule question la foi et l'espérance de nombreux repré-
sentants de l’Église catholique : « Pourquoi est-ce que je
sens que la Sainte Vierge, invisible pour moi, mais si pré-
sente à tous, est venue très simplement rappeler à des
êtres simples des choses simples et cohérentes que le
monde oublie, alors que ces choses seules peuvent l'arra-
cher au malheur qu’il génère, à l'auto-destruction que ses
préoccupations et son matérialisme, son idéologie et sa
mégalomanie sont en train de préparer ? »125.
« Ces jeunes de Medjugorje vivent pendant l'extase une

125
René Laurentin, Ljudevit Rupcic, La Vergine appare a Medjugorje ? Queriniana,
Brescia, 1984.
expérience qui dépasse les dimensions spatio-temporelles
que nous avons coutume d'appeler réelles » 126 : c'est la
conclusion que tirent en commun les commissions médi-
cales française (celle du Pr Joyeux) et italienne (celle du Pr
Luigi Frigerio), qui ont soumis les visionnaires à des exa-
mens nombreux et complexes, réalisés à partir des ins-
truments les plus modernes et les plus perfectionnés.
Une église qui se mobilise, des théologiens en émoi, des
scientifiques pris à témoin et déconcertés, une conversion
inspirée et durable... Quels autres plans la Sainte Vierge
a-t-elle en réserve ? C'est la question que nous pourrions
nous poser.
Le Père Tomislav Vlasic, qui a été pendant trois ans le
directeur de conscience des visionnaires de Medjugorge,
a répondu à peu près dans ces termes : « La substance
est la conversion, l'objectif est la paix. Le monde occiden-
tal a le ventre plein tandis que l'Orient vit un athéisme
théorique. C'est le premier qui est le plus dangereux.
Tout est en tous cas, expliqué, dit-il dans les dix secrets
confiés aux visionnaires, qui se rapportent aux destinées
du monde. Les trois premiers secrets évoquent les aver-
tissements que le monde recevra prochainement et les
autres annoncent une série d'événements qui se succéde-
ront de près. Selon les visionnaires, il s’agit des dernières
apparitions de la Vierge à l’humanité, et ceci est lié à la
prophétie des dix secrets. »

126
Giorgio Gagliardi, Étude de la fréquence cardiaque au cours de quatre phéno-
mènes extatiques survenus à Medjugorje en septembre 1985 sur les personnes de
Yakov Colo, Ivan, Dragicevic, Marija Pavlocic, et Vicka Ivankovic.
Le 25 octobre 1985, la Vierge aurait montré à la vision-
naire Mirjana, comme dans un film, les événements qui
se produiront dans un premier temps et qui constitueront
le premier « avertissement » de Dieu : un cataclysme
s'abattra sur une région de la terre qui s'en trouvera com-
plètement ravagée.
À la suite de cela, si les hommes ne profitent pas de ce
signe qui leur est donné pour se convertir, et s’ils ne le
font pas non plus au cours d’une nouvelle période de «
purification », il y aura un « troisième épisode » au cours
duquel les hommes sauront que Dieu existe, mais il sera
trop tard pour changer de conduite.
Les autres événements, nous l’avons dit, s’enchaîneront
sans discontinuer.
La prophétie est donc précise et exorbitante. Elle suscite
par conséquent un profond effroi. On comprend ainsi que
quelqu’un puisse souhaiter s’introduire dans ce circuit
particulier qui s’est instauré entre le visionnaire et le sur-
naturel, un circuit privilégié dans lequel le visionnaire a
semble-t-il, subi une sorte de transmutation.
« Un chrétien ne doit pas se préoccuper de certaines
choses qui pourraient se produire ; il doit bien plutôt sa-
voir que quoi qu’il arrive, même s’il devait essuyer les ef-
fets d'une catastrophe atomique, s'il est dans l'Esprit de
Dieu pas un de ses cheveux ne sera touché. » C’est ce que
déclarait Marija en octobre 1984.
Cet élan qui pousse tant de gens, plus de huit millions en
quelques années, vers Medjugorje et vers les autres lieux
d'apparitions mariales n'est donc pas sans motivation.
Les gens cherchent le salut à travers la transmutation, la
conversion, sachant que cette dernière peut être obtenue
par la prière et par les autres formes de discipline, tant
psychologiques que plus proprement spirituelles.

Medjugorje

24 juin 1981 : Début des apparitions en silence.


25 juin 1981 : La Vierge dit être venue pour raffermir la
foi dans cette zone.
26 juin 1981 : Vicka asperge la vision d’eau bénite et la «
Dame » révèle qu’elle est la Bienheureuse Vierge Marie,
exhortant à la paix et à la réconciliation.
27 juin 1981 : Interrogatoire dans les locaux de la police,
suivi de l'apparition.
28 juin 1981 : 15.000 personnes sont présentes et la
Vierge les regarde en souriant.
29 juin 1981 : La Vierge invite à croire.
30 juin 1981 : à Cerno, après une « excursion » forcée en
voiture, « pour visiter les beautés du paysage alentour »,
sur l'invitation de deux gentilles dames, la Vierge appa-
raît.
2 juillet 1981 : Première messe quotidienne après l’appa-
rition.
13 juillet 1981 : Les apparitions se produisent désormais
dans l’église.
6 août 1981 : Le mot « MIR » (paix) apparaît dans le ciel.
7 août 1981 : à deux heures du matin, la Vierge appelle
les jeunes gens de Podbrdo, les incitant à la pénitence.
15 août 1981 : La foule accourt sur les lieux.
17 août 1981 : Arrestation du Père Jozo, qui sera con-
damné en octobre à trois ans et demi de prison (il sera
libéré au bout d'un an et demi).
14 janvier 1982 : Les apparitions ont lieu dans la sacris-
tie.
15 décembre 1982 : Début des « perceptions par le cœur
» pour Jelena et Mirjana.
25 décembre 1982 : Les visions prennent fin pour Mir-
jana.
***
Depuis le 25 décembre 1982, les apparitions, qui conti-
nuent à se produire au moment où nous écrivons, ne s’ac-
compagnent plus de faits marquants. Il faut toutefois si-
gnaler les changements suivants dans leur déroulement :
Avril 1985 : le lieu des apparitions devient le presbytère,
sur les conseils de l’archevêque de Split, Mgr Franjo Fran-
cic.
7 mai 1985 : dernière apparition pour Ivanka.
Novembre 1986 : les messages de la Vierge ne sont plus
délivrés tous les jeudis mais le 25 de chaque mois.

Lettre à Ivanka : comment j’ai vécu avec toi les


événements de Medjugorje

Cette lettre est écrite par un catholique italien, Aldo Ven-


ditti, à l’une des visionnaires, Ivanka Ivankovič, son amie.
Cette lettre, qui s'était perdue, est un exposé vécu des
événements de Medjugorje, même si en la parcourant on
y découvre aussi l’âme d’un homme de Dieu dévoué à la
Vierge.
Rome, le 18 mars 1987
Chère Ivanka Ivankovič,
Que de traces ont laissé sur ton visage rayonnant ces cinq
années d’expériences bouleversantes et uniques !
Tu menais auparavant une vie simple dans le petit ha-
meau de Bjakovici, étudiant pour devenir jardinière d’en-
fants, et t’occupant de ta petite sœur et de ton petit frère
dans la maison à la grille en fer forgé située à la lisière
des champs. Cette maison est agrémentée d’une vaste
tonnelle qui s’étend au-dessus de la cour fleurie et de la
margelle du puits. Là commence le sentier pierreux qui
monte vers la double rangée de maisons donnant sur la
route principale, au-delà de laquelle il s'avance au milieu
des dernières terrasses herbeuses, parmi quelques grena-
diers. Il devient ensuite plus rude et plus abrupt en grim-
pant parmi les pierrailles et les buissons de ronces, dans
un décor dépouillé et chargé de références bibliques qui
sert de toile de fond aux apparitions de la Vierge.
Souvent, échappant à tes obligations de jeune fille, tu te
plongeais dans la solitude de la colline du Podbrdo. Et tu
partageais parfois cette solitude avec les amis auprès des-
quels tu allais vivre tes expériences visionnaires : une mo-
saïque de personnalités différentes où se côtoyaient la
douce Mirjana Dragivič, dont le nom signifie « paix » (en
slave mir), étudiante en agronomie à Sarajevo ; Vicka
Ivankovič, (« vie » en italien), l'extrovertie qui se passion-
nait pour les travaux des champs et la conduite des ma-
chines agricoles, une jeune fille spontanée et spirituelle
qui avait été opérée plusieurs fois d’un mystérieux kyste
au cerveau et dont l’état de santé avait nécessité de longs
séjours à l’hôpital ; la sage Marija Pavlovič, qui était au-
paravant apprentie coiffeuse et qui se consacre mainte-
nant uniquement à l’écoute de la voix de la Sainte Vierge ;
Jakov Colo le casse-cou, aujourd'hui âgé de quinze ans
qui perdit à cette époque ses deux parents et qui continue
avec Marija à avoir quotidiennement des entretiens avec
la Mère de Dieu ; Ivan Dragicevic, l’introverti, qui fait ac-
tuellement son service militaire à Lubiana et qui est de-
venu champion de son régiment.
C’est le jour où l’on fêtait ton saint patron, Saint Jean
Baptiste (Ivanka = Jeanne), le 24 juin 1981, un mois
après la mort de ta mère et après l’attentat au cours du-
quel le Pape Wojtyla fut blessé sur la Place Saint-Pierre,
que se produisit l’imprévisible sur les hauteurs de Pod-
brdo, dans le silence de la fin d’après-midi que venait seu-
lement troubler le bêlement des moutons éparpillés çà et
là sur les vastes pentes à la recherche de quelques touffes
d’herbe jaunie. Vous ne faisiez rien de mal même si, à ce
qu’il paraît, vous fumiez en cachette, car vous n’auriez pu
le faire au village, une cigarette confectionnée de vos
mains en écoutant votre transistor. Vous étiez toutes
deux bien jeunes : tu avais quinze ans et Mirjana dix-
sept.
Tout à coup le ciel s'ouvrit devant toi et ton cœur et ton
esprit semblèrent également s'ouvrir, comme parcourus
d’une secousse électrique de forte puissance, à l’appari-
tion de la silhouette éthérée d'une jeune femme qui por-
tait un enfant dans ses bras, radieuse et souriante, légè-
rement soulevée de terre, une présence immédiate et si-
lencieuse qui ne pouvait être discutée et qui t’inspira cette
exclamation, dans un élan tenant plus de l’instinct vital
que de la raison : « C’est la Sainte Vierge ! » Et avant même
que tu n’aies le temps de répondre à la prompte réaction
d’incrédulité qui avait échappé à Mirjana : « Mais non, ça
ne peut pas être la Sainte Vierge ! », sa réflexion s'arrêta
sur ses lèvres lorsque la vision merveilleuse se manifesta
également à ton amie la plus chère sous la forme d'une
créature à la fois céleste et humaine, comme elle devait
se révéler dans l’après-midi de ce même jour à Vicka et à
Ivan puis, le lendemain, à Marija et à Jakov. Tu entendis
alors à cet occasion l’appel à la réconciliation et à la paix
entre tous les hommes.
Ainsi s’était mis en marche le processus qui, parti de toi,
devait s'élargir à d'autres visionnaires (Ivan Ivankovic, Je-
lena Vasilj, Mirjana Vasilj, etc.) et se prolonger jusqu'à
nos jours. Et même s’il a pris fin pour Mirjana au Noël
1982 et pour toi en mai 1985, la Vierge ne vous a toutes
deux pas oubliées puisqu’Elle t’apparaît à chaque date
anniversaire de ton premier dialogue avec elle et se mani-
feste à Mirjana le jour de son anniversaire, le 18 mars.
Et vous êtes par ailleurs devenues toutes les deux les dé-
positaires des dix secrets qui seront peu à peu divulgués
à vos compagnons.
Ivanka, tu ne seras pas surprise que je résume briève-
ment la succession des faits extraordinaires en parlant de
ce qui demeure des « apparitions présumées » : la pre-
mière, au cours de laquelle aucune parole ne fut échan-
gée, se produisit vers 18 h le mercredi 25 juin 1981. Elle
se manifesta dans un premier temps à Mirjana et à toi et,
dans un second temps, d’abord à vous deux puis à Vicka,
à Ivan Dragicevic, à Ivan Ivankivic et à Milka Pavlovic,
sœur de Marija (ces deux dernières ne devaient plus avoir
de visions par la suite).
La deuxième apparition eut lieu le jeudi 25 juin toujours
sur le Podbrdo, cette étendue aride sur le mont Crnica, et
six d’entre vous en furent les protagonistes : toi, Mirjana,
Vicka, Marija, Ivan Dragicevic et Jakov. Sur cette même
colline, la Vierge sourit le 26 en voyant Vicka l’asperger
d’eau bénite pour s’assurer que c’était bien Elle (comme
le fit en son temps Bernadette à Lourdes). L’apparition se
présenta alors comme Marie, Reine de la Paix, venue ré-
compenser les croyants de cette zone déshéritée et appe-
ler les visionnaires, le village, le pays, l'Église et le monde
entier à une totale réconciliation. Le message sur la foi et
sur la paix continua ainsi à être délivré jusqu’à la sep-
tième apparition qui eut lieu loin du lieu habituel, à
Cerno. Deux jeunes femmes, vous avaient en effet pro-
posé une excursion agréable dans la région, jusqu’aux
chutes de Kravica. Une halte fut cependant faite à l’heure
habituelle de l'apparition et la Vierge ne manqua pas au
rendez-vous. À cette occasion, Elle accepta la proposition
de Mirjana, qui demandait que les rencontres se fassent
désormais dans l'église, afin d’éviter les problèmes d’ordre
public que posait l'affluence d’un nombre de plus en plus
grand de personnes sur le Podbrdo à la suite des guéri-
sons miraculeuses qui s'y produisaient en permanence.
Ainsi les rencontres avec Marie se firent-elles dans la sa-
cristie qui se trouvait à gauche en entrant dans l’église,
jusqu’au 25 décembre 1982, jour où les « apparitions » de
Mirjana devinrent « visions » toutes intérieures transcen-
dant la réalité extérieure. Le phénomène se fixa dans la
sacristie jusqu’en janvier 1984, au moment où Mgr Franic,
archevêque de Split, suggéra qu’il ait lieu désormais dans
le presbytère des franciscains.
Ton village natal dont le nom signifie littéralement « au
milieu des montagnes », se trouve, Ivanka, dans le bassin
de la rivière Neretva — que les Vénitiens appelaient Na-
renta — c’est-à-dire en pleine zone méditerranéenne. Tout
comme Assise, patrie de Saint François ; tout comme San
Giovanni Rotondo, qui est celle de Padre Pio ; tout comme
Ephèse, où séjournèrent la Vierge Marie et l'apôtre Jean
qui l'accompagnait ; tout comme Israël, dont le Dieu fait
homme foula la terre ; tout comme Tersatto (près de
Fiume) et Loreto, qui virent arriver sur leurs terres, trans-
portée par les Anges, les 10 mai 1291 et 12 décembre
1294, la Maison de Nazareth qui avait abrité Marie, Jo-
seph et Jésus. Tous ces endroits ont des caractères com-
muns : une certaine douceur des reliefs dans un paysage
presque toujours composé de collines plutôt que de mon-
tagnes, un sol pierreux et cependant rehaussé d’une vé-
gétation variée, typique du maquis méditerranéen ; une
eau rare, qui s’infiltre dans le sol et émerge en aval pour
féconder des étendues très fertiles. À l'exception d'Assise,
toutes ces zones sont en outre assez proches de la mer
dont les effets bénéfiques se ressentent sur le climat.
Cette communauté de paysages qui, en partant d'Israël et
en passant par l'Asie Mineure et la Grèce, rapproche tous
ces pays jusqu'à l'ensemble du bassin de l'Adriatique (en
remontant jusqu’aux Préalpes vénitiennes), est accentuée
par une même manière de cultiver la vigne, l’olivier et le
tabac, de tracer les sentiers et de construire des murets
en pierres sèches, de traiter les haies qui séparent les
champs, de délimiter les jardins et de protéger les façades
et les cours des maisons avec ces caractéristiques ton-
nelles de vigne qui, l’été, filtrent les rayons du soleil,
comme dans la maison de ton père. Par ailleurs, l’habille-
ment foncé typique des femmes âgées, et en particulier le
grand fichu noir noué sur la nuque (comme le porte ta
grand-mère), est peut-être la marque ultime d’une unité
culturelle et sociale d’inspiration chrétienne instaurée au
cours des siècles par la République de Saint-Marc dans
les zones situées à la limite de l’empire ottoman qui cons-
tituaient la quasi-totalité de ses possessions. Rappelions
en particulier, pour ce qui est de la côte dalmate, que
Saint François d’Assise avait touché ses rivages en 1212,
à la suite d’une tempête providentielle, et y avait ravivé,
grâce à l’accueil chaleureux que lui avait réservé ton
peuple, ce sens de la foi chrétienne hérité de Byzance et
si bien défendu à travers les siècles contre l'ennemi et
l'envahisseur. Cette tradition qui se perpétue chez vous
depuis des millénaires est attestée par une pierre tombale
de la Basilique franciscaine de l'Aracoeli, sur le Capitole
à Rome, qui représente sur un délicat bas-relief la Reine
Catherine de Bosnie. Mais le témoignage le plus récent
est sans conteste la béatification par le Pape Paul VI, le 2
mai 1976 (34 ans seulement après sa mort), de Saint Leo-
pold Mandic, de Castelnovo di Cattaro, puis sa canonisa-
tion le 16 octobre 1983 par le premier Pape d’origine slave
de l’histoire, alors que toi et tes amis viviez vos expé-
riences mystiques depuis un certain temps déjà. Le Père
Leopold capucin, avait vécu et était mort à Padoue, à
quelques centaines de mètres de la tombe de Saint An-
toine, ce franciscain si vénéré de par le monde et tout par-
ticulièrement en Croatie. Cet homme de petite taille et de
santé précaire, affligé d’un bégaiement, s’était pendant
quarante ans consacré à la réconciliation des âmes dans
une minuscule cellule-confessional du couvent de Santa
Croce, glacée en hiver et étouffante en été, faisant renaître
l’amour dans le cœur de milliers de personnes attirées par
sa très grande disponibilité et son humanité. Il a en cela
été un prophète de ce qui devait se produire à Medjugorje,
où le sacrement de la Réconciliation est, bien plus qu’ad-
ministré, célébré à la lumière de la Parole de Dieu, de l'Es-
prit Saint et de Marie la Très Sainte Vierge — laquelle
touche tant de cœurs par sa mystérieuse présence, tout
comme Elle le fit pendant des dizaines et des dizaines
d’années en demeurant aux côtés du Père Leopold. Après
la mort de celui-ci, survenue le 31 juillet 1942, lorsque le
Couvent et l’Église furent complètement détruits par un
bombardement, seules la petite cellule du Père et la sta-
tue de l’immaculée qui lui était si chère furent épargnées.
Mais le Père Leopold a aussi été le prophète de la récon-
ciliation entre les chrétiens, entre les religions et entre les
peuples, c’est-à-dire le prophète de l’œcuménisme et de la
paix, cette paix dont Marie s’est proclamée Reine à
Medjugorje et dont le Sacrement de la Réconciliation, di-
gnement célébré, est ’un des principaux signes. Et tout
ceci, Ivanka, est en totale larmonie avec le destin de votre
peuple et de votre terre natale, lieu de cohabitation entre
peuples de traditions différentes et — au sein même de
ces peuples — de religions différentes. Le Père Léopoldo
avait, dans sa grande sensibilité, souffert dès sa jeunesse
des conflits souvent douloureux qui avaient opposé ses
compatriotes de nationalité serbe, monténégrine, croate
et macédonienne et aussi de religion catholique, ortho-
doxe, musulmane et juive. Il avait offert toutes ses souf-
frances et toutes ses peines pour que la paix vienne de
nouveau régner parmi ceux qu'il considérait comme ses
frères, puisqu'ils étaient tous comme lui fils d’un même
Père et d’une même Mère, en des temps où le monde était
à peine sorti d'un horrible conflit et allait en connaître un
autre, bien pire encore. Medjugorje se trouve par ailleurs
non loin de Mostar, près de la verte vallée de la Neretva
où un peuple tout entier mit vaillamment fin à l'invasion
ennemie au cours d'une mémorable bataille qui, au terme
de la seconde guerre mondiale, avait rougi de sang les
eaux du fleuve, le rendant sacré à tout jamais. Le village
se trouve également au centre d'une zone où le sang a
coulé en abondance entre frères appartenant à des fac-
tions rivales, engendrant des blessures qui ne pouvaient
être guéries que par un pardon réciproque et par une ac-
tion commune pour la renaissance nationale...
Ma première rencontre avec Medjugorje a été marquée par
ta présence, Ivanka, dès le vendredi 11 septembre 1981,
lorsque je fus frappé par l'expression paisible qui se dé-
gageait de toi, sur une photo publiée en page 14 du quo-
tidien romain « Il Tempo » sous le titre : « Sur la colline
d'un petit village, une journée comme à Fatima » ; tu étais
recueillie dans la prière, entre Vicka et Marija, et à côté
du Père Jozo. Et c'est parce que je souhaitais tout simple-
ment te remettre un petit portrait en clair-obscur que
j'avais précédemment esquissé en bordure d'un champ
que je me décidai dans l'après-midi du samedi 20 octobre
1984 à approcher de la porte de la « chapelle des appari-
tions », à l'intérieur de l'église. Lorsque commença le Ro-
saire (qui précédait la célébration de la Sainte Messe,
comme tous les jours et encore maintenant), une tren-
taine de personnes firent irruption dans la petite pièce au
mur de laquelle était accroché un Crucifix et dans la-
quelle se trouvait également une statue de l’immaculée —
maintenant dans l'église — dans l'angle à côté de la fe-
nêtre. Mon regard implorant rencontra alors celui du Père
Slavko Barbarie, qui était un peu le « S 1 Pierre » de la si-
tuation, c’est-à-dire le gardien attentif, alors que le Père
Tomislav Vlasic était plutôt comme Saint Paul, un prédi-
cateur capable d'inciter les foules à la méditation. Après
un premier refus, cet homme bourru au cœur tendre me
poussa à l'intérieur quasiment de force, comme s'il venait
de saisir en moi un sentiment de regret. Vers la fin de la
récitation des mystères douloureux — celle des mystères
glorieux devant se faire après la Messe — tout se déroula
comme dans une rapide séquence cinématographique. Tu
étais la plus grande du groupe, aussi remarquai-je tout
de suite ton expression de ravissement lorsque, guidés
par le petit Jakov, vous avez fait votre entrée avec une
parfaite coordination dans vos mouvements. Ce n'était
pas une entrée « théâtrale ». Vous étiez déjà plongés dans
l’extase. Et avec un ensemble absolument extraordinaire,
vous êtes littéralement tombés tous les cinq à genoux sur
les dalles en faïence. Le bruit sourd de votre chute fut
immédiatement couvert par le « Notre Père » que vous avez
entonné à l’unisson dans des tonalités de voix différentes,
douces et un peu monotones, dans la meilleure tradition
croate. Puis le silence s’installa soudain et je perdis alors
toute notion du temps, une onde de vibrations énergé-
tiques se propageant de mon cerveau à mon cœur, qui se
mit à battre violemment, diffusant en moi une sensation
inouïe de paix, de libération, de soulagement et de joie. Je
perçus en même temps un message m’exhortant à placer
la Parole de Dieu au centre de mon existence en la redé-
couvrant continuellement à la lumière de l'Esprit Saint
qui se trouve aux côtés de la Vierge Marie, et en l'inter-
prétant jour après jour à ma manière, de même que des
artistes différents offrent une interprétation personnelle
d’une même œuvre musicale. Puis, après que Vicka eut
prononcé à voix basse le mot « ode » (« elle est partie »), qui
signalait la fin de la vision, nous fûmes envahis par une
sensation d’éveil joyeux et nous nous regardâmes, ra-
dieux. En te saluant, j'eus également le sentiment d'avoir
sans le savoir été attendu à ce rendez-vous, et je décou-
vris que malgré ton élégance et ton maquillage recherché
tu étais un peu intimidée en te rendant avec les autres
jusqu'à l'autel pour réciter comme à l'habitude les sept
Pater, Ave et Gloria, précédés du Credo, dans une église
pleine à craquer. La statue en bois de Saint Jacques, au-
quel l'église est dédiée, semblait du chœur revivre l'expé-
rience mystique du saint. Je pus ensuite avec plaisir me
rendre compte pour la première fois de la somme d'amour
qui émanait de cette communauté recueillie dans la prière
commune, dont les chants mélodieux pénétraient au plus
profond du cœur. Je me souvins alors de ces vers du
XXXle chant du Paradis dans lesquel Dante compare la
piété mariale de Saint Bernard à celle de ces pèlerins
croates qu’il avait observés à Saint Pierre à l’occasion du
premier Jubilé de l'histoire (convoqué en 1330 par Boni-
face VIII), alors qu’ils vénéraient avec émotion l’empreinte
de la Sainte Face laissée par Jésus sur le voile de Véro-
nique, exposé en public :
« Tel que celui qui de la Croatie
Peut-être vient voir notre Véronique
Et ne se lasse, pour l’antique renom
Mais dit en son penser, tant qu'on la montre :
— Seigneur Mien Jésus-Christ, Dieu véritable,
Ainsi fut donc faite votre semblance ?... »127
Ivanka, tu as été le guide qui m’a permis de pénétrer dans
ce paradis de Medjugorje où l’on respire un air propre à
une mystérieuse étreinte reconciliatrice entre le Ciel et la
terre. J’en eus l’intuition lorsque, le dimanche 21 dé-
cembre 1984, au cours d’une promenade qui, en descen-
dant du Podbrdo, devait nous mener jusqu’au bois près
du cimetière où nous allions cueillir quantités de cham-
pignons, je me reposai sur un bloc de pierre situé non loin
d’une maison dont je devais apprendre par la suite qu’il
s’agissait de la maison de ton père. Et je te vis soudain
arriver par le sentier à travers champs, toute joyeuse, au
milieu d’un petit groupe d’amies que tu saluas avant de
disparaître dans la cour derrière la grille. Puis, répondant
aux appels de certaines personnes de mon groupe qui
s’étaient approchées, tu nous reçus tous sous la tonnelle
en te laissant photographier avec nous et avec ta vieille et

127
N.d.T. : dans la traduction d’André Pératé.
sympathique grand-mère Iva. Je remarquai alors qu’il
émanait de ta personne un éclat surprenant qui, derrière
la cordialité de tes expressions et de tes gestes, celait un
message secret, à la fois ancien et nouveau : le message
biblique qui, à commencer par les grandes figures fémi-
nines de l’Ancien Testament — Sarah, Rachel, Esther et
Judith attribue à la femme une dimension à la fois fami-
liale et sociale. La vie cachée de Marie de Nazareth en est
l’illustration et ce chant de libération de toutes les oppres-
sions qu’est le « Magnificat », qu’elle improvisa dans la
joie, les mains levées vers le ciel, Aïn-Karim au milieu des
collines ondulées de Judée, en réponse au salut inspiré
de sa cousine Elizabeth, annonce l’avènement historique
de la libération de la femme et, avec elle, de l’humanité ;
lorsque, suivant une heureuse formule du Patriarche or-
thodoxe de Constantinople, Démétrios 1er, successeur
d’Athénagoras, « on laissera à l’Esprit Saint (!) la possibi-
lité de s’exprimer à travers la voix de tous les peuples, ét
surtout à travers la voix de ceux qui sont sans voix ! » Ces
paroles prophétiques, que j’entendis prononcer au Fanar
en 1977128 à l’occasion du bimillénaire de la naissance de
la Vierge, trouvent pour moi une résonnance dans les évé-
nements de Medjugorje, qui annoncent dans la joie la li-
bération prochaine de tous proclamée dans le Magnificat.
Même si l’image que tu vois lors de tes apparitions, à sa-
voir celle d’une jeune fille croate vêtue entre le gris et le
bleu pâle, portant un voile blanc-ivoire et levant les mains
vers le ciel comme la Vierge orante des Catacombes ro-
maines (c’est ainsi que me l’a un jour décrite Vicka), n’est
pas à proprement parler celle de la Vierge, cette image est
128
Anciennement résidence du Patriarche Orthodoxe de Byzance.
toutefois le signe visible de la présence de Celle-ci parmi
nous. En effet, si la présence physique de Jésus parmi
nous est déterminée par l’Eucharistie, celle de Marie est
si mystique, si intense et diffuse en même temps, qu’il
n’est pas possible de la déterminer ni de la cerner avec
précision. C’est pourquoi seules les personnes qui sont
les protagonistes de ces phénomènes deviennent ses
images vivantes, ce qui justifie, Ivanka, les références que
j’ai pu faire à ta personne, au sourire constamment affi-
ché par Vicka ou à l’intensité du regard très clair de Ma-
rija et de Mirjana.
C’est donc cette présence viscérale de Marie lors de ses
manifestations qui leur donne ce contenu prophétique
qui renvoie à la Réalité Supérieure de Marie ; une Réalité
qui se révèle à nous de la même manière qu’elle s’est ré-
vélée à Elle, c'est-à-dire avec la croix en arrière-plan.
Depuis le début des apparitions, ta vie comme celle de tes
amis ne vous appartient plus, pas plus que celle de vos
familles, tant elles sont envahies par une succession im-
pressionnante d'événements. Après les premières appari-
tions sur la colline, au milieu des gens venus des villages
voisins au fur et à mesure que se produisaient les guéri-
sons et les autres prodiges, les suivantes eurent lieu dans
la vieille sacristie de l'église pour des raisons touchant au
maintien de l'ordre public. Vous êtes également passés
par les visites psychiatriques et par les interrogatoires de
police, avec des épisodes parfois drôles comme ces
étranges phénomènes de verrous qui s’ouvraient automa-
tiquement dans les cellules ou de moteurs de voitures qui
refusaient bizarrement de démarrer pour vous emmener
aux interrogatoires. Les rapports avec l'évêque Pavao Zca-
nic avaient en revanche été plus difficiles, surtout pour
un caractère comme le tien, que la télévision de Belgrade
avait en plaisantant qualifié de « furieux » lors d’un repor-
tage sur les faits. Mais il est certain que la censure ecclé-
siastique doit être plus sévère que la censure policière
qui, au fond, se borne à sauvegarder l’ordre public alors
que la première doit défendre une tradition bien enracinée
de prudence. Je crois pouvoir comprendre la position de
l’Église compte tenu du fait — rappelé à plusieurs re-
prises par le Père Tomislav Vlasic — qu’avant les appari-
tions aucun d’entre vous n’aurait pu faire partie norma-
lement d’un groupe paroissial étant donné le caractère
bien particulier de chacun.
Toutes ces croix, tu les avais portées avec beaucoup de
simplicité, beaucoup de naturel. Et tu en avais été large-
ment récompensée par les dialogues que tu avais eus avec
la Mère de Dieu. Vicka me le confirma également en sou-
riant, quelques minutes après une apparition qu'elle avait
eue chez elle le soir du 6 juillet 1986, tandis que ses yeux
d’un vert intense brillaient de joie et d'émotion. Elle
ajouta que la beauté de Marie la dédommageait, elle,
Vicka, de toutes les douleurs endurées à l'occasion des
nombreuses opérations qu'elle avait dû subir au cours de
ces dernières années.
Dans l'histoire de Medjugorje, on ne saurait oublier la
construction, entre 1937 et 1969, de l'église St-Jacques
dont l'emplacement fut choisi, avec semble-t-il une intui-
tion prévoyante, de façon à ce qu'elle soit facilement ac-
cessible et à égale distance des trois hameaux qui com-
posent le village de Medjugorje : Bjakovici, Miletina et Vio-
nica. Elle fut surtout prévue pour contenir un nombre de
fidèles nettement supérieur à celui que peut normalement
accueillir l'église d'un petit village comme tant d'autres.
Si l'on songe que le différend qui avait opposé les gens du
village à propos de l'endroit où devait se dresser l'église
avait fait trois morts, on peut conclure des faits qui se
sont produits par la suite que ce sacrifice ne fut pas tota-
lement vain ; ne serait-ce que parce que la naissance d'un
esprit fraternel et d'une compréhension mutuelle à la
suite des apparitions a totalement effacé, à Medjugorje et
alentour, cet esprit de clocher prononcé et ce besoin mé-
diterranéen de vengeance qui avaient provoqué cette tra-
gédie et combien d’autres auparavant.
La disparition de ces tourments en a fait naître bien
d’autres et tu en as souffert plus que tout autre, Ivanak.
Il est en particulier une croix que tu dois supporter depuis
que les apparitions quotidiennes ont pris fin pour toi, une
croix qui est passée inaperçue pour beaucoup de gens
mais que j’ai eu le privilège de découvrir.
Dans la nuit du 24 au 25 juin 1985, à l’occasion du qua-
trième anniversaire des apparitions, l’Esprit Saint nous
convoqua, moi y compris, sur le mont Krizevac sur lequel
s’élève la lourde croix en ciment (érigée en 1933 pour le
Jubilé décrété par le pape Pie XI) et d’où le regard dé-
couvre en plein jour un panorama d’une rare étendue, du
profond couloir de la rivière Neretva aux plaines très ver-
doyantes des hauts-plateaux enserrés au nord par une
couronne de montagnes au profil ondulé, si léger et si fan-
tasque qu’il semble avoir été tracé par l’un des peintres
naïfs de ton pays ! De même que l’on va à Lourdes pour
boire aux fontaines et se baigner dans les piscines, on va
à Medjugorje prier sur la lande de Podbrdo en y laissant
un ex-voto accroché à l’une des croix rudimentaires plan-
tée chacune par un groupe de fidèles et en emportant avec
soi un petit caillou ou une pierre, non pas comme souve-
nir ou par superstition, mais à titre de symbole du désert
intérieur et extérieur qui est nécessaire pour être à
l’écoute de l’Esprit de Dieu : c’est la raison pour laquelle
le Podbrdo, qui présentait lors des premières apparitions
une surface convexe, est maintenant un terrain en creux.
Il brûle toujours là-haut des cierges devant des croix et
des icônes ; on y prie en silence et à voix basse ou on y
chante en chœur ; le va-et-vient continu des fidèles — les
malades y sont amenés sur des brancards transportés à
dos d’homme — a élargi le sentier que l’on peut mainte-
nant apercevoir d’en bas comme une fissure jaunâtre au
flan de la montagne. Et de même qu’à Lourdes on par-
court le Chemin de Croix qui se déroule entre les sapins
séculaires de la colline du Calvaire, on monte à
Medjugorje — spécialement dans les grandes occasions
— jusqu’au mont Krizeva pour y suivre le Chemin de la
Croix tracé le long d’un sentier tortueux passant presque
tout du long sur des roches saillantes et menant en cin-
quante minutes du hameau de Miletina au sommet. J’y
accompagnai cette nuit-là une jeune fille handicapée que
je confiai ensuite à quelqu’un d’autre pour aider une
femme âgée atteinte d’arthrite. Arrivé au sommet et de-
meuré seul parmi des milliers de personnes qui conti-
nuaient à monter à la lumière des flambeaux, décrivant
un lumineux serpent fantasmagorique, je louai le Sei-
gneur en lui demandant de me guider. Je t’aperçus alors,
souriante, avec ton chemisier blanc, ton jeans et tes ten-
nis, tu priais à genoux à côté de Jakov, de tes amies et
d’autres jeunes, formant un cercle sur les cailloux, à l'abri
d’un buisson. Je me joignis à vous pour réciter le Rosaire,
tandis que la foule entourait Marija, Vicka et Ivan qui à
minuit, au pied de la Croix, avaient eu une apparition.
J'eus l'intuition que Jakov en avait également eu une à
nos côtés car il s'était raidi pendant quelques dizaines de
secondes. Puis il fut décidé de redescendre, Jakov se trou-
vant à la tête du petit groupe et montrant le chemin avec
un petit fanion phosphorescent, et nous deux à l'arrière.
Tu t’attardas un instant pour admirer le vaste horizon
sous le ciel étoilé en murmurant émerveillée : «
Medjugorje ! Medjugorje ! » Puis nous nous prîmes tous
fraternellement la main, formant une chaîne, et commen-
çâmes à descendre de plus en plus vite le long du sentier
que la forte pluie de l’après-midi et le défilé incessant des
personnes qui montaient en priant et en chantant rendait
moins praticable qu’à l'accoutumée. Au début nous sor-
tîmes sans dommage de deux glissades provoquées par
une rupture de rythme soudaine de ceux qui nous précé-
daient et, après nous être aidés mutuellement à nous re-
lever, nous récupérâmes immédiatement le terrain
perdu ; Jakov nous imposa ensuite une allure constante
mais un peu trop rapide pour moi, qui n'en suis cepen-
dant pas à mes premières expériences. Dans l'obscurité
qu’éclairait faiblement la lumière des torches de ceux qui
montaient, nous sautions sur la pointe des pieds, d'un
bloc de pierre à l’autre ou d’un rebord à l’autre. Nous ef-
fleurions les saillies de la roche et les buissons épineux
qui bordaient le sentier. Pendant ce temps, toujours à
l’instigation de l’infatigable Jakov, nous poussions à tour
de rôle des cris de joie, des cris sauvages qui exprimaient,
en cette nuit de printemps marquée par l’odeur de la terre
mouillée, toute la joie et toute l’émotion que nous avait
inspirés l’expérience intense que nous avions vécue peu
auparavant sur la montagne, faite d’invocation, de silence
et d’écoute en commun. Comme si nous voulions exorci-
ser, à la manière des gitans slaves avec leur rite « Sinti »,
tout esprit du mensonge qui voudrait se mettre en travers
de notre chemin. Cette spontanéité était le symbole d'une
profonde communion de nos cœurs avec le Christ et avec
sa Mère, avec ce peuple en prière et avec toute l'humanité,
avec la nature et le cosmos lui-même, qui semblait exul-
ter, dans l’harmonie du scintillement des étoiles et des
torches électriques, du fait de cette vibrante manifesta-
tion de vitalité. Je me souviens que dans un passage par-
ticulièrement escarpé, fait de grosses pierres superpo-
sées, nous nous arrêtâmes quelques secondes sur le côté
pour aider ceux qui se hissaient avec peine, nous passant
les personnes comme s'il s'était agi de paquets qui de-
vaient être déposés délicatement en haut des marches na-
turelles. Puis nous repartîmes dans notre course folle, ef-
frayant ceux qui, effleurés par cette véritable avalanche
humaine, n'avaient pas le temps de reconnaître Jakov ou
toi. Et nous nous envolions — comme si nous étions
transportés par les anges, toujours très actifs eux aussi à
Medjugorje — vers le bas du sentier, lançant à l'attention
de ces spectateurs stupéfaits un joyaux « ciao ! » et un «
Priez ! Priez ! » impératif. Nous nous retrouvâmes enfin —
en un peu moins d'un quart d'heure — au village, nous
dirigeant au pas de marche vers l'église. C'est alors que
ton aimable fermeté me rappela à l'ordre et me fit com-
prendre qu'il fallait mettre un terme à cette euphorie qui
nous avait saisis sur la montagne, où la présence invisible
et intense de Marie nous avait bénis et escortés, tout
comme Jésus avec ses Apôtres préférés sur le mont Tha-
bor. La relativité de l'espace que nous venions d'expéri-
menter ensemble me rappelait celle des premières appa-
ritions, lorsque le va-et-vient continu de vos maisons
jusqu’au Podbrdo et vice versa ne se heurtait ni à la dis-
tance ni aux obstacles du terrain. Mais maintenant que
pour toi les apparitions étaient terminées depuis plus
d’un mois, c’était le désert ; et il te fallait regarder devant
toi pour ne pas perdre l’espoir qui éclaire toujours la
croix, lorsqu’à côté d’elle se trouve la Mère qui souffre,
prie et espère. Nous nous désaltérâmes tous les deux
sans un mot au vieux puits situé près du presbytère, bu-
vant dans un même verre en plastique qui, dans mes sou-
venirs émus, prend valeur de Graal que nous nous se-
rions offert mutuellement à la fin d'un véritable rite para-
liturgique de caractère spontané. Étant entré dans l'église
pour échapper au froid de la nuit, j'avançai d'un pas hé-
sitant entre les rangs des pèlerins étendus sur le sol, ces
mêmes pèlerins que j’avais vus arriver dans la journée
dans leurs costumes traditionnels bariolés, en files inin-
terrompues le long des bas-côtés de la route. Il y avait
beaucoup d’hommes et de jeunes, mais surtout des
femmes de tous les âges, des mères et des grands-mères
de la Bosnie, de l’Herzégovine et du Monténégro à la forte
constitution, au visage serein même lorsqu’il exprime la
souffrance humaine, enveloppées dans leurs costumes
aux couleurs très vives et la tête couverte d'un grand fi-
chu noir. Certains dormaient béatement sous la chaleur
des couvertures étendues sur le sol à côté de leurs sacs à
dos remplis d'objets de peu de valeur, d’autres méditaient
en silence, d’autres encore psalmodiaient leurs prières en
égrenant leur chapelet au rythme des battements de leur
cœur et de leur respiration. Il régnait somme toute cette
nuit-là un grand ordre et une grande dignité et je décidai
moi aussi de me blottir au pied de l'autel, en présence de
Jésus vivant dans le Tabernacle et de cette foule de
pauvres des Béatitudes, pour apprendre cette leçon que
me donnait Medjugorje et qui évoquait l'exode biblique. »
Annexes

1. La science face aux apparitions : des faits ex-


traordinaires confirmés mais inexplicables

Derrière le phénomène de l'apparition de la Vierge, qu'il


s’agisse des cas reconnus par l’Église, comme Lourdes ou
Fatima, ou de ceux qui n’ont pas eu un grand retentisse-
ment mais qui valent rétrospectivement la peine d’être
étudiés, se dessine le phénomène presqu'aussi extraordi-
naire et intéressant, tant du point de vue scientifique que
religieux, de l’extase du visionnaire. Il devient absolument
impératif de tenter de comprendre les modifications neu-
rophysiologiques qui interviennent au cours de cette mys-
térieuse transformation qui aboutit aux visions et au dia-
logue avec le divin. Les visionnaires que nous évoquons,
connaissent des extases prophétiques, ce ne sont pas des
mystiques « formés », parfaitement épanouis sur le plan
spirituel, ce sont sans aucun doute des personnes qui
sont capables de parvenir à des « états mystiques ». Dans
ces états, quel que soit leur caractère passager ou déli-
mité dans le temps, il s’installe entre le visionnaire et son
apparition une sorte d’intimité dans laquelle l’élan
d’amour élève à ce point la « température » émotionnelle
du sujet que celui-ci s’en trouve complètement trans-
formé et que ses possibilités sont exaltées au-delà du con-
cevable. S'ensuivent des sentiments ineffables de parfaite
réalisation et des manifestations extraordinaires attri-
buables précisément à ces possibilités exceptionnelles ou
charismes. La science demeure encore aujourd'hui extrê-
mement démunie face à ces phénomènes supérieurs
qu'elle aborde toujours avec difficulté, à tâtons. Que peut-
on en dire ? Les « états » exceptionnels d’extase semblent
dans de nombreux cas plus involontaires que recher-
chés : « J’ai dormi avec mon Dieu, entre les bras de la
divine Présence, et je ne le savais pas » (St François de
Sales). Et il en va de leur disparition comme de leur ap-
parition : elle échappe en grande partie à la volonté cons-
ciente du sujet. Ces états semblent être le fruit d’une in-
telligence plus profonde, de l’intervention d’un moi in-
connu qui n’a pas grand-chose à voir avec le moi quoti-
dien. C’est pourquoi les mystiques ont coutume de dire
qu’une volonté et un esprit surnaturels se substituent
soudain à leur propre volonté et à leur propre esprit. C'est
de cette façon qu’ils s’expliquent leurs révélations.
Ainsi, les phénomènes d’union mystique se produisent
pratiquement sans effort, du fait de cette espèce de pro-
cessus involontaire, même si les épreuves de l’extase peu-
vent se révéler très grandes. Cette contradiction apparaît
également dans d’autres aspects de l'extase, qui procure
à la fois bonheur et souffrance, rires et pleurs.
Il semble que les sens cessent momentanément de jouer
leur fonction et que les facultés inférieures restent tem-
porairement inactives : l’extase donne en revanche lieu à
de nouvelles acquisitions intellectuelles.
Une forte expérience mystique s’accompagne toujours,
nous l’avons dit, de tout un éventail de phénomènes pa-
ranormaux. De Vesme et Richet faisaient déjà observer,
par exemple, que les visions et les « voix » de Jeanne d’Arc
« relevaient sans aucun doute des phénomènes métapsy-
chiques », sans vouloir toutefois en diminuer par là le ca-
ractère surnaturel.
Dans le ravissement extatique, nous l’avons vu, le sujet
acquiert également la certitude d'avoir une « révélation »
de la divinité : celle-ci revêt pour le mystique une impor-
tance énorme et semble présenter une grande valeur in-
trinsèque. Par ailleurs, conscient d’être le dépositaire
d'une vérité, il sent également se raffermir sa propre force
morale, une énergie vivifiante s'emparant de tout son être.
Son âme vibre de tous les sentiments et de toutes les
énergies positives, magnifiant le courage, l’optimisme et
la générosité. Un psychologue fait observer à propos du
mysticisme religieux : « Les mystiques... sont dotés d'une
forte personnalité. L'humilité, le renoncement, la passi-
vité qu'ils professent ne doivent pas nous faire perdre de
vue l'énergie surprenante qu'ils déploient pour s'affirmer.
Ils ne visent rien moins que la perfection divine et dès
qu’ils (...) sont parvenus à la communion avec Dieu, ils se
mettent en chemin pour faire régner dans le monde la vo-
lonté divine » (L. Leuba, La psicologia del misticismo reli-
gioso).
Certains cas retentissants d’apparition récente de la
Vierge ont conduit plusieurs chercheurs à entreprendre
les premières recherches, qui seront peut-être décisives,
sur l’élément neurophysiologique et psychologique de
l’extase. Ces études, qui sont certainement parmi les plus
intéressantes de l’histoire de la médecine, sont surtout
centrées sur le phénomène « Medjugorje », que nous évo-
querons abondamment dans la suite du texte. En ce lieu,
on le sait, plusieurs jeunes gens sont tous les jours de-
puis 1981 témoins d’apparitions de la Vierge. Diverses
commissions médicales se sont intéressées à Medjugorje.
Et toutes se sont accordées pour conclure que les jeunes
gens en question étaient normaux et sains, tant de corps
que d’esprit. Les recherches effectuées par des médecins
français et des praticiens italiens à partir d’électro-encé-
phalogrammes, d’électrocardiogrammes et d’électro-ocu-
logrammes, ainsi que d’autres examens pratiqués avant,
pendant et après les extases des visionnaires, ont amené
à conclure qu’aucune modification pathologique n’inter-
venait au cours des trois phases mais que toutefois,
comme l’affirme le F Henri Joyeux, le phénomène des ap-
paritions « se révèle scientifiquement inexplicable ».
Deux médecins, Giorgio Gagliardi et Marco Margnelli, font
observer qu’il « n’a pas été possible de reproduire en labo-
ratoire l’extase "catholique” (au cours de laquelle se ma-
nifestent les apparitions de Jésus et de la Vierge). Par ail-
leurs, des états neurophysiologiques analogues à ceux
qui sont constatés pendant l’extase (tachycardie, perte
des sens, analgésie, par exemple) ne déclenchent pas à
eux seuls l’extase “catholique” : il faut à l’évidence une
cause externe pour que celle-ci se produise chez le vision-
naire ».
a) Les apparitions de Medjugorje d’après
Giorgio Gagliardi et Marco Margnelli.

Avant d’émettre un jugement d’ensemble sur les phéno-


mènes extatiques de Medjugorje au vu des études réali-
sées, il convient d’évaluer les conditions dans lesquelles
se sont produits les phénomènes.
Les apparitions ont débuté le 24 juin 1981 sur une colline
des environs de Medjugorje, les jeunes visionnaires étant
entourés d’une nombreuse foule qui chantait, parlait et
demandait des grâces. Elles se sont déroulées ainsi, en
plein air, jusqu’au 30 juin 1981. Je qualifierais cette pre-
mière période très importante, mais n’ayant donné lieu à
aucune observation scientifique, de « Medjugorje I », les
seuls éléments étant fournis par les comptes rendus jour-
nalistiques qui parlent de peur, de cris, de fuites et de
lipothymies. À partir du 1er juillet 1981, les apparitions
n’allaient plus se produire en public mais dans une at-
mosphère religieuse, en présence de quelques rares per-
sonnes recueillies dans la prière. Dès cette date en effet,
certains religieux de la région décidèrent que les appari-
tions devaient avoir lieu dans un petit local dépendant de
l’église de Medjugorje. J’appellerai cette seconde phase,
unique dans l’histoire des apparitions dans la mesure où
elle concernait des laïques, « Medjugorje II ».
Les observations scientifiques ne devaient commencer
qu’en 1983.
Ainsi pendant très longtemps cet extraordinaire phéno-
mène ne fut pas apprécié à sa juste valeur scientifique.
Or cette approche était très importante, s'agissant d’un
phénomène survenu spontanément puisque, toujours
d’après les articles de journaux, il apparaît que les pre-
mières extases étaient très superficielles, les « vision-
naires » n’étant pas totalement déconnectés du monde ex-
térieur. Ils transmettaient en effet immédiatement à l’ap-
parition les questions que leur posait la foule, suivaient
les conseils de celle-ci sur la façon dont ils devaient se
comporter et lui rapportaient les réponses obtenues.
Leurs réactions émotionnelles étaient évidentes. On peut
indiscutablement voir dans cette phase de « Medjugorje I
» un État de Conscience Modéré (T. Tart) (D.S.o.C)129,
c’est-à-dire un état de transition entre l’état de conscience
ordinaire et le véritable état altéré de conscience dont re-
lève l’extase.
« Medjugorje II » modifie en revanche les structures de
base du phénomène, ritualisant les dimensions de l’es-
pace dans lequel évoluent les visionnaires, qui se trouvent
plongés dans une succession de synchronismes religieux
qui sont autant de modèles fixes de stimulation. Les vi-
sites des pèlerins, l’horaire des prières récitées avant l'ex-
tase, le rituel de l’admission à la petite pièce des Appari-
tions, les flashes des appareils photo et le crépitement des
caméras, modifient les systèmes de construction de l’in-
put sensoriel, de la sensibilité extéroceptive, en fonction
de caractéristiques bien précises et propres à l’atmos-
phère religieuse au sein de laquelle ils se développent.
Cette nouvelle perception, dont les grandes lignes demeu-
rent inchangées tout au long des expériences, joue le rôle
de préparation physique et psychologique pour l’accès à
l'état altéré de conscience qu'est l'extase et que Ludwing

129
Discrete State of Consciousness.
décrit ainsi : « diminution des stimulations extéroceptives
et des activités motrices, par suite d'une diminution ab-
solue de l'apport sensoriel ; modification des patterns de
données sensorielles ; exposition constante à des stimuli
répétés et monotones. Ces phénomènes incluent la transe
hypnotique, les états mystiques et ascétiques, la léthargie
de la période d'initiation ».
Un autre facteur à prendre en compte, notamment en ce
qui concerne les études réalisées au mois de septembre
1985, est que les jeunes visionnaires ne se sont générale-
ment pas prêtés volontiers aux expériences cliniques, en
privilégiant certaines par rapport à d'autres. Cette inter-
férence subjective s'est traduite dans la pratique par une
durée réduite des extases: 75, 49 et 60 mn.
Le lendemain du jour où prirent officiellement fin les ex-
périmentations, on enregistrera une extase de 60 mn au
cours de laquelle les valeurs de la fréquence cardiaque
furent nettement inférieures à celles des jours précé-
dents. On constata également à cette occasion un retour
aux valeurs basales. Ceci confirme que de nouveaux fac-
teurs environnants (« entraining agents ») peuvent provo-
quer des modifications dans les rythmes biologiques et
moduler l'activité périphérique et l'activité centrale du
passage à l'État Altéré de Conscience ; on a ainsi la dé-
monstration du caractère hypothétique mais également
très subjectif de la recherche menée par de nombreux
neurophysiologistes parmi lesquels A. J. Deikman, sur la
volontarisation du système neurovégétatif dans les États
Altérés de Conscience.
Cette étude de la fréquence cardiaque sur Yakov Colo,
Ivan Dragicevi, Marija Pavlovi et Vicka Ivankovic ne sau-
rait être dissociée des études menées parallèlement à par-
tir d’autres paramètres pris en considération tels que la
thermoanalgésie, l’analgésie à la douleur, les potentiels
évoqués, la pléthysmographie, l’activité électro-dermique,
la pneumographie, les mesures d'impédance, ou l’esthé-
siométrie cornéenne, car c'est l’ensemble de ces investi-
gations qui a permis d’établir sans aucune réserve que
l'on se trouvait en présence d'un A.S.C. prenant la forme
d’un état extatique mystique. L’étude de la fréquence car-
diaque est venue confirmer le phénomène, une confirma-
tion par ailleurs étayée tant par les extases actuellement
vécues à Medjugorje que par une longue expérience mys-
tique, et tout particulièrement catholique.
On a toujours parlé d’« extase » dans le compte rendu,
dans la mesure où le phénomène apparaissait déjà clai-
rement au stade de l’évaluation clinique et de l’évaluation
phénoménologique proprement dite, sous un angle à la
fois physique, culturel, religieux, paranormal, anthropo-
logique et transculturel.
Les principales constatations sont les suivantes :
— Medjugorje II s’est déroulé dans un contexte religieux
ritualisé au sein duquel l’extase est davantage mise en
évidence, d’un point de vue tant qualitatif que quantitatif.
— L’apparition de nouvelles conditions extérieures peut
influencer le déroulement et la durée de l’extase.
— L’enregistrement de la fréquence cardiaque, paramètre
doté d’une biorythmicité circadienne, montre l’apparition
chez les sujets étudiés d'un facteur nouveau qui a déter-
miné une modification de la périodicité dudit paramètre
avec une expression maximale au moment de la manifes-
tation de l’état extatique : on note en effet un continuum
ergotrophique en croissance de l’état basai de la journée
au moment de la préextase, le déclenchement de l’extase
correspondant à la phase aiguë, période appelée protoex-
tase étant donné que dans l’extase il se produit déjà une
« retombée » des valeurs, parfois suivie (Joyeux, 1984)
d’une nouvelle pointe dans la phase postérieure à l’ex-
tase. Cette phase postérieure se caractérise essentielle-
ment par une diminution sensible des valeurs qui, après
20 à 30 minutes tomberont, en deçà des valeurs basales
constatées.
— L’organisme ne s’est par ailleurs pas habitué à cet
A.S.C. qui dure depuis maintenant plusieurs années, le
système neurovégétatif dénonçant toujours une réaction
anormale lors de son apparition et également lors de la
phase préparatoire, le « trigger » de l’extase doit donc être
considéré comme extérieur à l’organisme au sein duquel
il se manifeste.
— Ce « trigger » qui depuis quatre ans déclenche un État
Altéré de Conscience n’a pas déterminé d’altérations pa-
thologiques chez les sujets concernés mais déclenche tou-
jours des extases mystiques et prophétiques. Il ne peut
relever du monde physique qui nous entoure ni des para-
mètres « borderline » de la parapsychologie, qu’il trans-
cende.
— La réaction neurovégétative aux phases préextatiques
et à l’extase elle-même est un continuum ergotrophique :
c’est-à-dire que l’on passe d’un tonus adrénergique à une
hypertonie sympathique adrénergique, indice d’un état
d'alerte très prononcé. Cette alerte n’est, nous l’avons vu,
pas dirigée vers l’extérieur mais est vécue dans l’espace
psychique du sujet.
— Ces jeunes visionnaires de Medjugorje vivent pendant
l'extase une expérience qui dépasse les dimensions spa-
tio-temporelles que nous avons coutume d'appeler ré-
elles.

b) Étude sur les apparitions


d’Olivetto Citra (Salerne) 1985-1986
par les Docteurs Giorgio Gagliardi et Marco Margnelli 130

Expériences sous hypnose

Les récits hagiographiques et plus encore les écrits médi-


caux et scientifiques assimilent souvent l'extase à un état
hypnotique.
Il n'entre pas dans notre propos de faire une analyse cri-
tique détaillée de ce matériel. Nous nous contenterons de
dire que cette idée est tout simplement fondée par l’obser-
vation des comportements et qu’il est rare que les auteurs
en question aient recueilli des informations d'un autre
type.
Autrement dit, dans les rares occasions où un témoin
ayant quelques notions de neuropsychiatrie ou quelque
expérience de l'hypnose a pu observer certains vision-
naires au cours d'une apparition, alors qu'ils étaient en

130
Sous la responsabilité du « Centro Studi e Ricerche sulla psicofisiologia degli stati
di conscienza », directeur : Marco Margnelli, Milan.
extase, la comparaison entre le comportement extatique
et celui des sujets sous hypnose a tout de suite été éta-
blie.
Outre le fait que l’extase est rare et qu'il est encore plus
rare qu’un observateur autorisé en soit le témoin, des
complications de nature et méthodologique sont venues
s'ajouter au siècle dernier et ont fait que l’étude de l’ex-
tase n’a été entreprise que dans le but d’en démontrer le
caractère pathologique et réalisée essentiellement sur des
sujets se trouvant en milieu psychiatrique, d'où les
doutes qui peuvent surgir quant à l’authenticité de ces
extases.
On peut dire aujourd'hui que ces études et ces témoigna-
ges ont perdu beaucoup de leur valeur scientifique et que
la seule observation du comportement ne suffit pas pour
rétablir une distinction valable entre extase et transe hyp-
notique.
La recherche contemporaine a démontré qu’un état de
conscience peut et doit être simultanément à quatre ni-
veaux au moins, qui sont les niveaux : 1) du comporte-
ment ; 2) neurophysiologique ; 3) psychique et 4) psycho-
physiologique. Toutefois, tant en ce qui concerne l'extase
que l'hypnose, les études fondamentales n’ont pas encore
été menées, de sorte que l’on manque d’éléments de réfé-
rence permettant de procéder à un travail de vérification
systématique.
S’agissant de l’extase, il existe aujourd'hui un modèle
théorique qui veut que cet état de conscience s’accom-
pagne : 1) d'une différenciation sensorielle totale (réver-
sible) du cerveau ; 2) du maintien d'une conscience par-
fois définie comme « transcendante », mais qui n’en est
pas moins critique et capable de mémoriser les événe-
ments intérieurs (bien que le cerveau soit isolé du milieu
ambiant) et 3) d’un état d’hyperactivité neuro-végétative.
Quant à la sémiologie de l’hypnose, de nombreuses
études ont déjà démontré la différence nette et substan-
tielle qui existe entre celle-ci et l’extase.
Les difficultés qui se font jour lorsque l'on veut décrire
une neurophysiologie précise et une psychophysiologie
détaillée de l'hypnose sont dues au fait qu'il s’agit d'un
état de conscience indifférencié et fluctuant, alors que
l'extase est un état défini et stable.
Il existe bien évidemment une neurophysiologie de l’hyp-
nose, en ce sens que le mode de fonctionnement du sys-
tème nerveux central est différent de celui de l'état de
veille, mais on n'a pas sur ce mode de fonctionnement du
système nerveux supérieur les certitudes que l’on pour-
rait avoir si l’hypnose était un état bien défini.
En parlant d’un état indifférencié et fluctuant, on se ré-
fère à la caractéristique la plus marquante de l’hypnose :
la suggestibilité. Cette caractéristique fait que le sujet
hypnotisé peut être amené à vivre en esprit (par halluci-
nation) toutes sortes d’expériences et qu’il est possible
d’observer sur son corps les effets psychophysiologiques
de la représentation qui se déroule au niveau psychique.
En conséquence, que l’hallucination provoque une situa-
tion de joie ou de terreur, de détente ou d’activité, le sys-
tème neuro-végétatif du sujet sous hypnose reproduit, au
niveau somatique, les activités correspondantes.
Partant de ces considérations, nous avons entrepris une
étude systématique des différences existant entre extase
et hypnose par observation directe de sujets qui, faisant
l'objet d'apparitions, étaient susceptibles d'expérimenter
des états altérés de conscience analogues à ceux provo-
qués par l'extase ou proches de ceux-ci.
Hypnotiser un sujet qui a eu une vision signifie en prin-
cipe être en mesure de lui faire revivre son expérience vi-
sionnaire et, par-là, de provoquer chez lui une extase s’il
en a connu une auparavant.
Il est de même théoriquement possible de reproduire l'état
de conscience dans lequel se trouvait le sujet au moment
de son apparition.
Quelle que soit cette possibilité, l’expérience visionnaire
sera par ailleurs revécue sans l’intervention critique de la
conscience ordinaire et donc de manière immédiate et au-
thentique, sans les corrections et les ajustements que
l’activité critique et interprétative de la conscience ordi-
naire peut avoir interpolés.
On sait en outre que l’état d’hypnose provoque la libéra-
tion de certaines composantes de la mémoire qui ne sont
plus « inhibées » ou « contrôlées » par les mécanismes de
l’attention à la vie relationnelle. Ceci permettrait de mieux
cerner le type d’expérience vécu par le visionnaire.
À Oliveto Citra, les auteurs ont soumis trois visionnaires
à une expérience d’évocation hallucinatoire. Il s'agissait
de : Anita Rio, 20 ans (l'expérience a duré vingt minutes),
Anna De Bellis, 37 ans, (trente minutes) et Mafalda Mat-
tia, 47 ans (trente minutes). La technique adoptée était
une technique directe et rapide : par stimulation tactile et
verbale, on a provoqué chez ces sujets un état de transe
suffisamment profond pour qu’elles puissent retourner en
esprit au moment de leurs apparitions, revivre celui-ci et
le décrire.
Au cours de l'expérience, les jeunes femmes ont été inter-
rogées sur leurs hallucinations et on leur a suggéré les
mêmes images que celles qu'elles avaient elles-mêmes dé-
crites lors d'interviews, alors qu'elles se trouvaient dans
un état de conscience normal.
Bien qu'il soit connu qu’au cours de l’hypnose les sujets
ne parlent pas où parlent avec difficulté et que s’ils le font
ils ont tendance à se réveiller, on a tout de même interrogé
les jeunes femmes pendant ces expériences car il était es-
sentiel de savoir quelles étaient les images qui se présen-
taient à elles, au fur et à mesure qu'étaient évoquées les
visions connues au cours des mois précédents.
Elles étaient reliées au même polygraphe psychophysio-
logique que celui qui avait servi à recueillir les données
sémiologiques relatives à leur état de conscience durant
les visions.

Anita Rio

Son système représentatif est essentiellement cénesthé-


sique (nous le verrons plus avant) et s'adapte par consé-
quent immédiatement à la mise sous hypnose, répondant
à la préhypnose par une crise de tachycardie, comme on
l’observe habituellement au cours de cette phase. On sug-
gère une situation d'isolement et de tranquillité, un isole-
ment qui rappelle l'image du château tel qu'il se présente
de nuit, et Anita commence son voyage hallucinatoire. Il
lui est suggéré de visualiser le château et, étant donné
que désormais son mode de représentation est exclusive-
ment de type cénesthésique, elle se détend de plus en
plus. Ces réactions sont confirmées par le polygraphe. En
situation basale, (Fig. A II), le pléthysmogramme d'Anita
signalait une irrégularité notable dans la forme et l'ampli-
tude des ondes dicrotes, ce qui est le signe de troubles au
niveau de la tonicité de sphincters précapillaires (phéno-
mène de Raynaud initial), l'amplitude moyenne des ondes
étant de 13,6 mm avec coefficient d'amplification égal à 5.
La réactivité électrodermique était vive à un niveau moyen
et elle était maintenue malgré la perturbation initiale de
la circulation. La fréquence cardiaque se situait dans les
limites de la norme (72 mn), ainsi que la fréquence respi-
ratoire.
Au cours de la mise sous hypnose, les indices psychophy-
siologiques restent essentiellement à l’intérieur des va-
leurs de base, sauf en ce qui concerne l’amplitude des
ondes dicrotes (signe de détente) que leur forme. L’hypno-
tiseur continue les suggestions en provoquant un retour
en arrière au soir du 24 mai 1985, c’est-à-dire au soir de
la première apparition qui a marqué le début des événe-
ments d’Oliveto. Ce retour en arrière produit immédiate-
ment ses effets et Anita dit voir une lumière. Elle la décrit
très bien et déclare éprouver une sensation de soulage-
ment et de paix.
La suggestion de l’apparition, faite tout de suite après
l’hallucination lumineuse, déclenche au niveau neuro-vé-
gétatif une véritable décharge : la résistance électro-cuta-
née commence à enregistrer des variations brusques et de
grande amplitude, le tracé pléthysmographique devenant
très irrégulier avec de fortes variations d’amplitude et la
ligne de base oscillant avec également beaucoup d’irrégu-
larité.
On poursuit l’expérience en provoquant la disparition de
la vision (qui a duré une quinzaine de minutes) et en sug-
gestionnant le sujet dans les sens de la détente, de la
tranquillité. Quand on l’interroge Anita dit alors se sentir
fatiguée : elle revit probablement l’évanouissement dont
elle a réellement été victime le 24 mai, à la suite de la
première apparition. On provoque peu de temps après
une deuxième évocation de l’apparition. Cette fois encore,
la vision ne dure que quelques secondes, mais la réponse
neuro-végétative est nettement reconnaissable sur les
tracés polygraphiques. Les modifications des paramètres
observés sont analogues aux précédentes d’un point de
vue qualitatif mais beaucoup moins intenses d’un point
de vue quantitatif.
En commentant par la suite l’expérience, Gagliardi devait
déclarer qu’il avait eu l’impression qu’Anita était un sujet
à faible capacité hallucinatoire, expliquant ceci par le fait
qu’elle présentait une forte syntonisation sur le mode re-
présentatif cénesthésique (c’est-à-dire qu’il s'agissait d’un
sujet dont l’esprit était plus habitué à prêter attention aux
signaux sensitifs d’ordre cénesthésique, d’origine soma-
tique, qu’aux signaux visuels provenant du milieu envi-
ronnant).
La fin de l’expérience consiste à amener progressivement
Anita à l’état de conscience normal. Le passage se fait
avec une légère tachycardie telle qu’on l’observe souvent
à la sortie des états altérés de conscience. En langage non
verbal, la tachycardie observée à la sortie de l’état d’hyp-
nose est généralement considérée comme l’expression de
la peur suscitée par ce que le sujet peut avoir dit au cours
de l’état d’altération de la conscience.
L’expérience a démontré :
1) qu’Anita avait de faibles capacités hallucinatoires vi-
suelles au cours de l’évocation (même non suggérée) d’ex-
périences cénesthésiques (l'évanouissement consécutif à
la première vision) ;
2) que l'expérience visionnaire n’a pas été trop remaniée,
le vécu sous hypnose correspondant pour l’essentiel au
récit fait au cours de l’interview ;
3) que, quelle qu’en ait été la nature, l’expérience visuelle
de la nuit du 24 mai 1985 s’est réellement produite ;
4) que l’apparition évoquée déclenche une réaction neuro-
végétative périphérique d’éveil sympathique qui n’atteint
cependant pas le plus haut degré de l’extase. Ceci dé-
montre (sous réserve des vérifications qui s’imposent sur
la régularité de l’expérience) qu’au cours de sa vision du
24 mai Anita n’était pas en extase, sinon elle s’en serait «
souvenue », même au niveau somatique (l’hypnose a servi
d’amplificateur émotionnel mais n’a pas déclenché d’évo-
cation extatique).

c) Les guérisons survenues


aux « Trois Fontaines », Rome

On connaît le cas, d’ailleurs étayé par l’éminent témoi-


gnage de l’endocrinologue Nicola Pende, de cette jeune
femme qui, ayant un œil en moins et ne voyant plus de
l’autre par suite d’une grave opacification de la cornée et
d’une atrophie rétinienne, fut frappée par la grâce et ré-
cupéra instantanément la vue à Lourdes. Et pourtant les
ophtalmologistes devaient constater que les troubles dont
souffrait l’œil n’avaient pas disparu.
Le Dr Alberto Alliney, membre du Comité Médical Inter-
national de Lourdes et président de la Commission médi-
cale chargée d’étudier et de confirmer les guérisons sur-
venues aux Trois Fontaines, a recensé bon nombre de ces
cas de guérison, certificat médical à l’appui, constatés par
l’organe qu’il dirigeait. Il convient de préciser que les mé-
decins qui l’assistaient étaient tous des « membres du
corps médical faisant preuve de la plus grande rigueur
scientifique, professeurs, libres praticiens, chefs de cli-
nique et spécialistes des différentes branches de la méde-
cine. »
Selon le Dr Alliney :
« Les promesses de la Vierge, qui devait faire des mer-
veilles sur la terre du péché, ont été maintenues. Ceux
qui fréquentent la grotte entendent à chaque fois parler
de grâces extraordinaires qui y ont été accordées ; les ma-
ladies de toutes sortes sont guéries instantanément, at-
testant le miracle. Un Comité, qui n'a rien à voir avec la
commission d'enquête constituée par les autorités ecclé-
siastiques, recueille les faits, les vérifie, les sélectionne et
les documente dûment et il me serait donc aisé de repro-
duire ici une très longue liste de ceux qui ont bénéficié de
la grâce de la « Belle Dame ». Je me bornerai à en citer
quelques-uns. »
Le Dr Alliney fit la distinction parmi ces guérisons entre
celles qui selon lui tenaient du prodige et celles qu’il qua-
lifiait de « merveilleuses » (c’est-à-dire les véritables «
grâces »).
Ces grâces mirent fin aux maladies suivantes, dont
étaient atteintes une ou plusieurs personnes :
A) Guérisons tenant du prodige :

— Myocardite aiguë
— Arthrose de la colonne vertébrale
— Ulcères variqueux
— Asthme bronchique
— Sectionnement d'un tendon
— Goitre exophtalmique
— Tumeur au cerveau
— Abcès profonds
— Ulcération de la cornée avec infection
— Seins fistuleux
— Tuberculose pulmonaire
— Tumeur maligne du sein
— Épilepsie
— Ulcère duodénal

B) Guérisons merveilleuses (Grâces) :

— Maladies du système nerveux


— Maladies de la vue
— Maladies du sang et du système circulatoire
— Maladies de l'appareil respiratoire
— Maladies de la séreuse
— Maladies de l’appareil digestif
— Maladies arthritiques
— Maladies de la peau
— Maladies tuberculeuses
— Maladies chirurgicales.

d) L’apparition du point
de vue de la science

L’apparition religieuse

Le Dr Alberto Alliney, membre du Bureau International de


Lourdes qui fut chargé de mener les enquêtes sur les gué-
risons jugées « miraculeuses » de la grotte des Trois Fon-
taines à Rome, écrit textuellement dans un ouvrage pré-
facé par le Pr Nicola Pende131 :
« Les apparitions peuvent, on le sait, être vraies ou
fausses. À l’origine des fausses apparitions, on trouve
principalement : les hallucinations, la suggestion, la my-
thomanie, la mystification et la supercherie.
L’hallucination est la projection vers l’extérieur d’une
image sensorielle qui se forme à l’intérieur de nous, qui a
l’apparence de l’objectivité et qui est constituée de don-
nées mnémoniques, imaginaires, mythiques. Il s’agit
d’une image incohérente, confuse, momentanée et ca-
pable de métamorphoses rapides, très riche de détails.
Pour donner une idée, je dirais qu’elle est en tout point
comparable à ce que l’on peut voir en rêve (hallucination
onirique, qui peut se rencontrer également à l’état de

131
Alberto Alliney, « La Grotta delle Tre Fontane », Città di Castello, 1952.
demi-veille). L’hallucination se manifeste uniquement
chez des sujets atteints de formes de démence, de psy-
choses graves et de délires.
Jamais chez des sujets sains, à l’état éveillé. »
Pour la psychologie ordinaire et pour la psychiatrie, les
fantasmes sont des créations purement subjectives : des
suggestions ou des hallucinations dues à des états patho-
logiques ; ou encore des « vécus » particuliers du sujet
normal, ce que l’on appelle « images ideiques », qui se pré-
sentent à l’esprit avec une telle rapidité et une telle préci-
sion qu’on peut les confondre avec des réalités tangibles.
Quant à l’hallucination, elle peut se produire de différen-
tes manières, notamment par suggestion, une démarche
qui consiste à susciter chez le sujet un état de mo-
noidéisme en vertu duquel il devient obsédé par une idée,
toutes les autres étant inhibées. Chez le sujet ainsi sug-
gestionné, les facultés supérieures sont temporairement
suspendues : il n’exerce plus son jugement, sa réflexion
ni son esprit critique mais accepte avec passivité les
ordres de celui qui suscite chez lui une image donnée.
La parapsychologie prend en revanche en considération
la réalité des apparitions. Le phénomène aurait, dans cer-
tains cas, une objectivité propre, à savoir une correspon-
dance dans les événements du monde physique, des
forces inconnues venant modifier le milieu ambiant. L’ap-
parition est en fait liée essentiellement à des situations
dans lesquelles l’être humain vit des moments de grande
tension émotionnelle : c’est le cas par exemple lorsqu'il
court un grave danger et que son « double » le fait savoir
à un proche ou à un ami, qui apprend ainsi sa situation
par des voies mystérieuses avant d’en entendre parler par
les canaux d’information habituels. De même les fan-
tômes qui hantent certaines maisons et certains lieux se
manifestent dans un milieu qui a auparavant été le
théâtre de crimes, de tragédies ou d’événements qui ont
en général exercé, et continuent d’exercer d’une certaine
manière, une forte emprise sur l’émotivité humaine.
Il y a enfin les interventions évoquées par la littérature
médiumnique et spirite, qui sont considérées comme la
manifestation dans le monde sensible d’une réalité ultra-
sensible, celle de l’âme des défunts. Et nous touchons là
un terrain de croyance qui n’est plus à proprement parler
scientifique.
Les récits populaires abondent d’apparitions de défunts,
et même de personnes vivantes. Notons que, comme l’a
révélé la parapsychologie, l’apparition n’est généralement
pas perçue par la totalité des sens. Dans sa forme la plus
courante, elle est même éminemment silencieuse (« appa-
rition silencieuse »).
Il ne fait aucun doute que le phénomène paranormal est
dû à des opérations mentales inconscientes, intervenant
sous l’action de stimuli particuliers qui déterminent des
tracés ne relevant pas des canaux sensoriels connus mais
d’une faculté de perception extrasensorielle demeurée
mystérieuse.
Mais venons-en à ce qui nous intéresse.
Le Dr Alliney estime pouvoir reconnaître et décrire l’appa-
rition religieuse chez les personnes saines, non sujettes à
des processus relevant de la psychologie projective. C’est
le cas de Bruno Cornacchiola qui eut, en 1947, une ap-
parition de la Vierge aux Trois Fontaines à Rome :
« À partir du récit fait par Cornacchiola, nous savons que
la “Belle Dame" est immédiatement apparue en entier,
avec des contours nets et précis, inondée de lumière, le
visage d'un rose légèrement olivâtre ; qu’elle portait un
manteau vert, une ceinture rose, une robe blanche et un
livre gris à la main ; qu’elle était d’une beauté qu’aucune
parole humaine ne peut décrire : quelle s’est présentée
dans la lumière du soleil, à l’entrée d’une grotte, à l’im-
proviste, sans aucune cérémonie, sans aucun suspense
ni aucun intermédiaire ; qu’elle a été vue la première fois
par les trois enfants et leur père et les deux autres fois
uniquement par Bruno Cornacchiola ; que son apparition
s’est accompagnée d’une osmogénèse (émission de par-
fum), même à distance, de conversions et de guérisons
miraculeuses dont l’étendue dépassait de loin toutes les
capacités thérapeutiques connues des scientifiques ;
qu'elle est réapparue à deux autres reprises, quand elle
l'a voulu ; et qu'après plus d'une heure de conversation
la Belle Dame a salué d'un signe de tête, fait deux ou trois
pas en arrière, puis s'est retournée et, après quelques pas
encore a disparu, semblant se fondre dans la masse ro-
cheuse au fond de la grotte.
Tout ceci m'amène à conclure que l’apparition en ques-
tion est réelle et de type religieux. »132
S'agissant des apparitions religieuses, il est probable

132
Ibid.
qu’elles sont surtout attribuables à des causes ne rele-
vant pas du domaine des événements ordinaires ni de la
réalité terrestre.
Il convient également de préciser que certains théologiens
tendent désormais à faire tomber la traditionnelle distinc-
tion qui était établie entre le concept d'apparition, dési-
gnant une expérience ayant des implications objectives,
et celui de vision, se rapportant à une expérience pure-
ment subjective, n'ayant aucun lien avec la réalité exté-
rieure.
Enfin, toujours pour le Dr Alliney, les apparitions religieu-
ses peuvent être d'origine surnaturelle ou préternaturelle
et elles sont dans ce dernier cas le résultat de l’interven-
tion de bons esprits (les Anges) ou d’esprits malins.
Ce n’est certes pas une entreprise aisée que de réussir à
cerner avec précision la genèse de ces manifestations :
même les esprits angéliques peuvent, par la volonté de
Dieu, prendre l’apparence de la Vierge. Toujours selon le
Dr Alliney : « Nous savons bien que les esprits malins ont,
toujours avec la permission du Seigneur mais aussi de
par le pouvoir qu’ils exercent normalement sur la matière,
la faculté de nous apparaître (par condensation de cette
même matière ou en agissant sur nos sens), sous des
formes humaines ou religieuses et que dans ce dernier
cas ils le font pour nous tromper et nous induire en er-
reur. Leurs manifestations sont cependant toujours
vaines, stériles, fantaisistes, et ne s’accompagnent jamais
de phénomènes spirituels au sens le plus noble du
mot»133.

133
Ibid.
2. Chronologie et dates des apparitions de 1830 à
nos jours

Naissance de la « Médaille Miraculeuse »

1) Paris (France), 1830


Jeune religieuse des Filles de la Charité, Catherine La-
bouré (1806-1876) eut dans la chapelle de son couvent,
rue du Bac à Paris, dans la nuit du 18 au 19 juillet 1830,
une vision de la Vierge qui fut suivie de deux autres entre
le 27 novembre et le 27 décembre de la même année. La
Vierge demanda à la religieuse de faire frapper et diffuser
une médaille, connue par la suite sous le nom de « Mé-
daille Miraculeuse », en lui en indiquant tous les détails
iconographiques.
Les expériences extraordinaires de C. Labouré ne furent
connues que quelques mois avant sa mort. C’était le dé-
but d’une série d’apparitions mariales qui devaient s’ac-
compagner de messages circonstanciés.

Le scapulaire vert de la Vierge

2) Paris (France), 1840


Une novice des Filles de la Charité, Justine Bisqueyturn,
eut de 1840 à 1841 une série de visions de la Vierge qui
apparaissait avec un scapulaire vert et un cœur entouré
de flammes et transpercé par une épée, avec l’inscription :
« Cœur Immaculé de Marie, prie pour nous maintenant et
à l’heure de notre mort. »
Pie IX reconnut le scapulaire à deux reprises, en 1853 et
en 1870, et en autorisa le culte.

Les visions du Curé d’Ars

3) Ars (France), 1840


Jean-Marie Baptiste Vianney, curé d’Ars, canonisé après
sa mort, eut plusieurs visions de la Vierge, ainsi que le
déclarèrent ceux qui témoignèrent lors de l'instruction de
sa béatification.

Le juif converti à la suite d’une apparition

4) Rome (Italie), 1842


Alphonse de Ratisbonne (1812-1884), un riche israélite
en voyage en Italie pour des raisons de santé, se trouva
de passage à Rome et entra dans l'église de Sant’Andrea
delle Fratte, alors qu’un enterrement était en train de se
préparer. C’était le 20 janvier 1842. C’est alors qu’en di-
rigeant son regard vers l’une des chapelles il vit la Vierge
dont l’image était en tout point pareille à celle de la « mé-
daille miraculeuse ».
Ratisbonne déposa le 30 janvier auprès du Vicariat de
Rome un mémoire sur ce qui s’était produit. Le 3 juin, le
document fut publié. L’Église a reconnu le caractère « pro-
digieux » de l’expérience vécue par Ratisbonne.

La Vierge apparaît à deux petits bergers

5) La Salette (France), 1846


Le 19 septembre 1846, sous le règne de Louis Philippe,
deux petits bergers, Maximin Giraud (onze ans) et Méla-
nie Calvat (quinze ans) eurent, dans une zone monta-
gneuse située à deux heures de marche du village de La
Salette, une vision de la Vierge (qu’ils appelèrent la « Belle
Dame »), qui se présenta à eux en pleurs et leur parla sur
un ton affligé.
L’évêque, Mgr de Bruillard, reconnut cette apparition le 19
septembre 1851 : « Nous affirmons que l’apparition de la
Sainte Vierge (...) présente en soi tous les signes de la vé-
rité, et que les fidèles ont de bonnes raisons d’y croire
sans aucun doute ni incertitude. »

Les yeux de la Vierge de Rimini bougent


et Pie IX se montre troublé

6) Rimini (Italie), 1850


Le 11 mai 1850, à 14 h 30, l'image de la Vierge Mater
Misericordiae peinte par Giuseppe Soleri, qui se trouve
dans l’église S. Chiara de Rimini commença à bouger les
yeux. Le phénomène se répéta pendant plusieurs jours de
suite. Pie IX se montra frappé par ce phénomène et le 11
janvier 1851 l’évêque de Rimini proclama le caractère ex-
traordinaire de l’événement.

La Vierge de la maremme toscane

7) Sorano (Italie), 1853


Une petite bergère, Veronica Nucci eut, le 19 mai 1853
— c’est ce qu’elle raconta à son évêque — une vision de la
Vierge des Sept Douleurs. Le fait se produisit à Sorano,
dans la province de Grosseto.
L’évêque du diocèse de Pitignano dont elle dépendait, Mgr.
Francesco Maria Barzellotti, fit construire une église sur
le lieu de l’apparition. Quant à la jeune visionnaire, elle
entra par la suite au couvent.

La Vierge de Taggia bouge les yeux et Pie IX est


favorable à la reconnaissance du phénomène

8) Taggia (Italie), 1855


Le 11 mars 1855, alors que l’on célébrait la messe dans
l’église de Taggia, dans la province de Gênes, en l’honneur
de l’immaculée, la statue de la Vierge commença à bouger
les yeux. Le phénomène se répéta les jours suivants.
L’évêque de Vintimille, Mgr Lorenzo Battista Biale, nomma
une commission d’enquête et demanda l’avis des évêques
des diocèses voisins, c’est-à-dire ceux de Novare, d’Al-
benga et de Savone.
Le 31 mai 1855, Mgr Biale présentait un rapport sur les
faits au Pape Pie IX, assorti d’une requête visant à ceindre
la statue de la Vierge d’une couronne. Le 21 juin, le sou-
verain pontife accédait à cette demande, écrivant notam-
ment à l'évêque : « ... tu as fait preuve de beaucoup de
bon sens en jugeant bon d’apporter tous tes soins dili-
gents à l’instruction nécessaire d’un prodige de cette na-
ture, dont tu t’es empressé de nous informer dans une
lettre que nous avons reçue avec beaucoup de plaisir... »
L’année suivante, le 1er juillet 1856 exactement, l’évêque
de Vintimille déclarait être suffisamment certain du ca-
ractère surnaturel des « divers mouvements répétés des
yeux de la statue, ces admirables mouvements ne pou-
vant être intervenus autrement qu’en vertu d’un prodige
de Dieu Tout-Puissant. »
Le 7 avril 1868, la Congrégation des Rites accorda à
l'église de Taggia sa propre messe et ses propres offices.

La Vierge dans le village de Lourdes

9) Lourdes (France), 1858


Âgée de quatorze ans, Bernadette Soubirous eut dix-huit
apparitions de la Vierge, du 11 février 1858 au 16 juillet
de la même année. Ces apparitions ont été reconnues par
l’Église, qui célèbre l'événement à la date du 11 février.
Bernadette a été canonisée.

La prière de la Vierge

10) Anglet (France), 1863


Le fondateur de l’institut de Notre-Dame du Refuge d’An-
glet, dans les Pyrénées Atlantiques, le vénérable Ludovic
Édouard Cestac (mort en 1868), eut une apparition au
cours de laquelle la Vierge lui dicta une prière. Celle-ci fut
approuvée par la Congrégation des Reliques et des Indul-
gences (le 17 juillet 1895). Trois cents jours d’indulgence
furent d’abord octroyés aux « servants de Marie », puis, le
8 juillet 1908, cette indulgence fut étendue Urbi et Orbi.
Le 28 mars 1935, la Sacrée Pénitencerie porta cette in-
dulgence à cinq cents jours. Le procès de béatification de
Ludovic Édouard Cestac est en cours.
La tisseuse miraculée

11) Philippsdorf (Bohême), 1866


Magdalena Kade était une pauvre tisserande de Bohême
âgée d’une trentaine d’années et gravement malade. Elle
était sur le point de mourir lorsque le 13 janvier 1866 elle
eut une apparition de la Vierge : elle en sortit complète-
ment guérie.
La nouvelle s'étant répandue dans la région, la maison de
la jeune femme devint un lieu de pèlerinages, qui furent
l’occasion d’autres guérisons miraculeuses. Les fidèles
construisirent ensuite une petite chapelle qui fut trans-
formée une vingtaine d’années plus tard en une véritable
église consacrée à la Bienheureuse Vierge Marie, Secours
des chrétiens. Les autorités ecclésiastiques avaient donné
leur accord et placé le lieu sous la responsabilité des
Pères Rédemptoristes. La Congrégation des Rites la pro-
clama basilique mineure par un décret du 13 janvier
1926.

La prophétie de Pontmain

12) Pontmain (France), 1871


La France était en guerre avec les Prussiens depuis 1870.
Le 17 janvier 1871, alors qu'en présence des fidèles
l’évêque faisait à Saint-Brieuc un vœu solennel à la Vierge
de Bonne Espérance afin que d’autres souffrances soient
épargnées au pays, plusieurs enfants âgés de neuf à
douze ans virent la Vierge dans le village de Pontmain.
Une inscription apparut également dans le ciel :
« Mais priez mes ENFANTS. DIEU VOUS EXAUCERA
DANS PEU DE TEMPS. MON FILS SE LAISSE TOUCHER. »
Deux mois après les faits, une commission d’enquête fut
nommée et le 2 février 1872 le caractère surnaturel de
l'apparition fut reconnu.

La « voix de la Vierge » et la naissance


du sanctuaire de Pompéi

13) Pompéi (Italie), 1872


Le bienheureux Bartolo Longo (1841-1926) était un gen-
tilhomme dont l'épouse avait des propriétés dans la Vallée
de Pompéi. En octobre 1872, alors qu’il se trouvait en vi-
site sur ces terres, il entendit tout à coup une voix inté-
rieure (locutio interior) qui lui dit : « Si tu cherches le sa-
lut, diffuse le Rosaire. Ce sont les promesses de Marie. »
Cette zone, où habitaient à l’époque quelque 1 200 per-
sonnes, était parmi les plus déshéritées du sud de l'Italie
et elle était en outre infestée de criminels de la pire es-
pèce. Elle ne comportait qu'une petite église.
Après avoir entendu cette voix étrange, le gentilhomme se
mit, à l’occasion des fêtes de la Vierge, à distribuer des
chapelets, des médailles et des images de Marie. En 1875,
il fit installer à Pompéi une petite statue de la Mère du
Christ. La première pierre de l’église consacrée à la Vierge
fut posée le 8 mai 1876.

Notre-Dame du Dimanche

14) Saint-Banzille-de-Sylve (France), 1873


Auguste Arnauld, un simple vigneron, se rendit de bon
matin le 8 juin 1873 auprès de sa vigne. À sept heures,
Arnauld fit une pause pour manger la collation qu’il avait
apportée. C’est alors qu’il mangeait que la Vierge lui ap-
parut : Elle lui reprocha de ne pas être un pratiquant as-
sidu et lui ordonna d’élever dans sa vigne une nouvelle
croix à la place de celle qui s’y trouvait autrefois (et dont
il ignorait l’existence). La Croix devait porter l’image de la
Vierge.
Lorsqu'Arnauld alla raconter ce qui lui était arrivé au
curé, celui-ci ne prêta pas grande foi à ses propos mais il
découvrit ensuite qu’effectivement une grande croix en fer
forgé avait bien autrefois été érigée dans la vigne et avait
été enlevée au moment de la Révolution française.
Auguste Amauld eut une autre vision de la Vierge après
avoir dressé la croix. En souvenir de ces apparitions et de
la Croix qui se trouvait là autrefois — témoignant peut-
être d’une première apparition — trois statues différentes
de la Vierge ont été placées à cet endroit, une Vierge que
la population locale désigne sous le nom de Notre-Dame
du Dimanche.

La Vierge et le scapulaire du Sacré-Cœur

15) Pellevoisin, (France), 1876


Estelle Faguette, du petit village de Pellevoisin, affirma
avoir eu quinze apparitions de la Vierge à partir du 14
février jusqu'au 8 décembre 1876.
La Vierge avait recommandé la pénitence et la prière ainsi
que la diffusion du scapulaire du Sacré-Cœur après que
celui-ci ait été approuvé par l'Église.
En 1900, la visionnaire présenta le scapulaire au Pape
Léon XIII. Le Saint-Office l’approuva par un décret du
3 septembre 1904, ainsi que la communauté à laquelle il
donna naissance, en précisant toutefois qu'il ne fallait pas
voir dans cette approbation la reconnaissance du carac-
tère surnaturel des apparitions.
Depuis ces dernières années, l'évêque du diocèse favorise
les pèlerinages au sanctuaire qui a été institué à Pellevoi-
sin. Des recherches sont en cours en vue d’approfondir la
question.

La Vierge sur l’érable

16) Gietrzwalde (Pologne), 1877


Barbara Samulowska et Justine Szafryusa, âgées respec-
tivement de douze et treize ans, virent, en même temps
que d’autres personnes, la Vierge leur apparaître en
1877, à Gietrzwalde (en allemand Dietrichswalde), un vil-
lage de Pologne. L’apparition se manifesta sur un grand
érable qui se dressait à côté de l’église paroissiale.
Les pèlerinages se multiplièrent en ce lieu. Le frère capu-
cin Honorât Kozminiski fonda une congrégation religieuse
en liaison avec les événements qui s’y déroulaient. Une
église fut également construite et devint basilique mi-
neure.
L’évêque du diocèse a reconnu officiellement les appari-
tions un siècle plus tard, le 11 septembre 1977 exacte-
ment.
La Vierge apparaît avec d’autres figures
sur le mur de l’église de Knock

17) Knock (Irlande), 1879


Plusieurs paroissiens du village irlandais de Knock, souf-
frant comme le reste de la population d’une terrible di-
sette, virent le 21 août 1879 sur le mur extérieur de leur
église les images lumineuses de la Vierge, de Saint Joseph
et de Saint Jean Baptiste, apparaissant autour d’un autel
sur lequel le Christ était symbolisé par un agneau et par
la croix.
Deux commissions furent instituées, en 1879 et en 1936,
afin d’examiner les faits. Elles conclurent à la réalité de
ces faits mais s’abstinrent de toute décision en la matière.

La Vierge des Sept Douleurs bat des paupières

18) Rovigo (Italie), 1895


Une oléographie représentant la Vierge des Sept Douleurs
était depuis longtemps exposée dans l'église de San Mi-
chele se trouvant dans la via Porto Po, à Rovigo. Le 1er mai
1895, plusieurs fillettes virent la Vierge battre des pau-
pières. Le phénomène se reproduisit les jours suivants.
L’image fait aujourd’hui l’objet d’une grande vénération
dans l’église des Sœurs Réparatrices Servantes de Marie,
qui se trouve via di Cappuccini, au n° 17.
19) Quito (Equateur), 1906
Trente-six enfants du Collège des Jésuites de Quito
avaient, ce 30 avril 1906, à peine fini de déjeuner. Le pré-
fet s’entretint alors avec les élèves les plus âgés sur le
tremblement de terre qui venait de frapper San Francisco.
Les plus jeunes étaient quant à eux allés jouer. Seul
Jaime Chauvez, qui avait fait sa Première communion la
veille, fut saisi par un fait insolite et exceptionnel : en le-
vant les yeux vers une image de la « Vierge des Sept Dou-
leurs » qui était accrochée au mur du réfectoire, à trois
mètres de lui, il remarqua qu’elle ouvrait et refermait len-
tement les paupières.
Ceux qui avaient été appelés par le jeune garçon purent
également assister avec émerveillement au prodige, qui
dura un quart d’heure. Il se répéta à plus de vingt reprises
les jours suivants.
Le diocèse étant vacant, c’est le Vicaire du Chapitre qui
nomma une commission d’enquête, invitant notamment
des spécialistes de disciplines diverses à se prononcer.
À la suite de quoi le Vicaire s'exprima le 3 juin 1906 dans
les termes suivants :
1. La réalité historique des faits ne peut être niée.
2. Le phénomène ne saurait être expliqué par des causes
naturelles.
3. Les faits ne peuvent être attribués à un phénomène
diabolique.
Il est donc permis de croire à ces faits d'une foi toute hu-
maine, et l’image peut faire l’objet d’un culte public. »
Le 12 octobre 1907, Pie X accorda une indulgence à ceux
qui avaient prié devant l’image.
Le Cœur Immaculé de Marie apparaît
à une malade

20) Bruxelles (Belgique), 1909-1910


Une femme très éprouvée par la souffrance, Berthe Petit
(1870-1943), vit, dans la nuit de Noël de l’année 1909, le
Cœur blessé de Jésus et le Cœur de Marie transpercé par
une épée. Une voix surnaturelle dit au même moment : «
Faites aimer le Cœur de ma Mère transpercé par les dou-
leurs qui lacèrent le mien. »
La vision se reproduisit le 31 décembre et le 30 janvier
1910. En février, Berthe Petit vit les Cœurs de Jésus et de
Marie surmontés d’une colombe, le symbole du Saint Es-
prit. La Voix appelait encore à la foi et à la dévotion.
À l’occasion d’un pèlerinage en Alsace, il fut également
révélé à la visionnaire que sa mission était de promouvoir
dans le monde la dévotion au Cœur Douloureux et Imma-
culé de Marie.
Ces faits arrivèrent jusqu’à Pie X, ainsi qu’un dessin des
Cœurs que Berthe Petit voyait au cours de ses visions.
Le Cardinal Mercier accorda plusieurs indulgences à la
suite d’une oraison jaculatoire et le Souverain Pontife fit
la réponse suivante au Primat de Belgique qui lui avait
demandé un avis : « L’indulgence de cent jours pour l’orai-
son jaculatoire que Votre Eminence a accordée en usant
de ses privilèges : que la pieuse femme se contente pour
le moment de cela. »
Apparitions entre les deux guerres
(1917-1938)

1) Kolomenskoje (Russie), 1917


L’année 1917 vit la diffusion dans toute la Russie, avec
l’approbation du patriarche Tikhon, du nouveau texte de
l’Hymne Acathiste en l’honneur de « Marie Derzawnja »
(globe d’or). Mais l’année 1917 fut également celle de la
déposition du tsar Nicolas II et du triomphe du bolche-
visme : la diffusion de l'hymne fut donc interdite. Le 13
février 1917, une pauvre paysanne de Potchinki, un petit
village situé non loin de Moscou, avait entendu l'appel
d'une voix mystérieuse l'invitant à se rendre à Kolomens-
koje pour y chercher une grande icône noire de la Vierge,
la nettoyer et prier devant elle. Cette paysanne, dont le
nom était Eudokia Andrianova, se rendit toute craintive
jusqu’au village en question et raconta au pope du lieu,
Nicolas Lkichaev, le motif de sa visite. Avec beaucoup de
difficultés, on retrouva l'image.
La dévotion à cette image se répandit rapidement, en dé-
pit de la répression du gouvernement bolchevique.
2) Fatima (Portugal), 13 mai — 13 octobre 1917
Le village de Fatima a été le théâtre de toute une série
d'apparitions de la Vierge qui figurent parmi les quelques
rares phénomènes officiellement reconnus par l'Église.
Les faits, dont les protagonistes étaient trois petits ber-
gers, s'étaient produits à la Cova da Iria, sauf le 13 août,
jour où l'apparition se manifesta à Valinhos.
La première enquête fut menée par le chanoine Manuel
Formigâo, plus connu sous le pseudonyme de Visconde
de Montelo. Commencée le 3 novembre 1917, l’enquête
prit fin le 8 juillet 1924. L'évêque de Leiria donna son ap-
probation le 11 octobre 1930 : il jugeait les apparitions
dignes de foi et autorisait le culte public.
3) Ferdrupt (Vosges, France), 2 mars 1928
La Vierge apparut à cet endroit à Georges Maralle (13 ans)
et Madeleine Hingray (8 ans).
4) Campinas (Brésil), 1930
En 1917 à Campinas (Sao Paulo), au Brésil, une commu-
nauté de religieuses portant le nom d’« Institut des Sœurs
Missionnaires de Jésus Crucifié » avait été instituée.
L'une des sœurs, Amalia « du Sauveur Flagellé », eut le 8
novembre 1929, en priant devant le tabernacle pour la
santé d'une parente, une vision du Sauveur qui fut suivie
de la guérison de la malade. La Vierge apparut également
à la religieuse le 8 mars 1930. Elle lui remit un chapelet
composé de sept perles, une par mystère.
Les autorités ecclésiastiques approuvèrent la nouvelle
prière.
5) Ezquioga (Espagne), 1931
Dans les années 1931-33, la Vierge apparut tout d’abord
à plusieurs enfants d’Ezquioga (diocèse de Victoria) en
Espagne, puis à 150 personnes.
Le 13 juin 1934, un décret du Saint-Office déclarait que
les apparitions et les révélations qui les accompagnaient
ne présentaient aucun caractère surnaturel. Les livres
traitant de ces apparitions étaient par conséquent inter-
dits, ipso jure.
6) Izurdiaja (Pampelune, Espagne), 11 octobre 1931
La Vierge étant apparue à deux fillettes, le Saint-Office
donna un avis négatif sur les faits le 18 juin 1934.
7) Marmagen (Allemagne), 1932-1934
Des apparitions de la Vierge furent signalées.
8) Metz (Moselle, France), 1932-1935
id.
9) Beauraing (Belgique), 1932
Du 29 novembre 1932 au 3 janvier 1933, cinq enfants du
petit village de Beauraing, dans le diocèse belge de Na-
mur, virent la Vierge à 33 reprises sur un petit nuage
blanc, près d’une reproduction de la grotte de Lourdes,
dans le jardin de l’école des sœurs.
Le tribunal ecclésiastique du diocèse approuva, après des
enquêtes rigoureuses, la dévotion à la Vierge de Beau-
raing.
10) Banneux (Belgique), 15 janvier — 2 mars 1933
Mairette Béco, dix ans, vit pour la première fois la Vierge
vers 19 heures le 15 janvier 1933, de la fenêtre de la mai-
son de ses parents à Banneux, dans les Ardennes belges.
Les apparitions furent au nombre de neuf.
Le 19 mars 33, l'évêque de Liège autorisa le culte de la «
Vierge des Pauvres », qui fut approuvé le 31 mai 1942.
11) Beauraing (Belgique), 11 juin 1933
Tilman Côme, 58 ans, obtint la guérison et eut douze vi-
sions de la Vierge.
12) Crollon (Manche, France), 16 juillet 1933
Adrien Angot et des enfants de son âge eurent trois appa-
ritions de la Vierge.
13) Onkerzeele (Belgique), 1933
Léonie Van Dyk, 48 ans, eut, en compagnie d’autres per-
sonnes d’Onkerzeele, en Belgique, une série de dix-huit
apparitions, du 4 août 1933 jusqu’à l’année 1934. Le Car-
dinal Van Roey, archevêque de Malines, émit toutefois un
jugement négatif le 25 mars 1942.
14) Harcy (Ardennes, France), 5 août 1933 Une appari-
tion de la Vierge a été signalée.
15) Houlteau-Chaineux (Belgique), 5 octobre 1933
Georges Dunaime, 37 ans eut dix-huit apparitions de la
Vierge qui se manifesta également à Jeanne Emonds et
Charles Gillet (5 ans).
16) Etikhove (Belgique), 1933
À Etikhove, en Flandre-Orientale, le peintre Orner Fene-
man eut, du 9 au 30 octobre 1933, une série de visions
de la Vierge. L'Église a émis un jugement négatif.
17) Herzele (Belgique), 20 octobre 1933
La Vierge apparut à Jules de Vayst. Le 28 octobre 1933
et en juin 1940, elle se manifesta à Jules Van Driesche (9
ans) et à Mme Van Langelen).
18) Olsene (Belgique), 1933
Du 29 octobre au 7 novembre 1933, à Olsene, en Bel-
gique, la Vierge apparut à Maurice Van Den Bœcke. La
décision de l'Église ne fut pas favorable.
19) Lokeren (Belgique), 1933
Les protagonistes des apparitions de Lokeren furent un
enfant, Gustav Van Driesche, et Mme Van Langhen. Les
faits se produisirent du 20 octobre 1933 au mois de juin
1940. Les autorités ecclésiastiques émirent un jugement
négatif.
20) Olsene (Belgique), 20 octobre 1933 Apparitions de
la Vierge signalées.
21) Foy N.D. (Belgique), 19 novembre 1933 id.
22) Melin (Belgique), 1933 id.
23) Tulize (Belgique), 1933 id.
24) Verviers (Belgique), 1933 id.
25) Wielsebek (Belgique), 1933
La Vierge apparut à Jeanne Martin.
26) Roggliswil (Suisse), 23 mars 1934 — février 1958 La
Vierge apparaît à Melchior Kleen-Hodel.
27) Marpingen (Allemagne), 1er octobre 1934-1936 Ap-
paritions de la Vierge signalées.
28) Rome (Italie), 1935-1956
La Vierge apparaît à Maria Bordoni.
29) Bauxières-Aux-Dames (France), 11 mars 1936-1947
La Vierge apparut à Adeline Pietcquin, et à Gabrielle Ha-
nus. La décision de l’Église, en juillet 1947, fut négative.
30) Ham-sur-Sambre (Belgique), 22 mars 1936-1955
Adeline Pietcquin et Emelda Scohy eurent une longue sé-
rie de visions mais l’évêque émit un jugement négatif en
1946.
31) Voltago-Belluno (Italie), 3 juillet 1937
La Vierge apparut à cinq fillettes. La décision fut négative.
32) Bettin (à 25 km de Voltago, Italie), 3 juillet 1937 La
Vierge apparut à un homme de vingt-trois ans.
33) Oberbruck (Haut-Rhin, France), octobre 1937 La
Vierge apparut à Antoinette Lauber.
34) Heede (Allemagne), 1er novembre 1937-1940
À Heede, dans le diocèse de Osnabrück en Allemagne du
nord, habitaient Anna Schulte, les sœurs Greta et Maria
Ganseforth et Susana Bruns, âgées de douze à quatorze
ans, qui, du 1er novembre 1937 au 3 novembre 1940, eu-
rent des apparitions de la Vierge à raison d’une centaine.
La Gestapo intervint et fit examiner les fillettes par des
médecins, des psychologues et des psychiatres qui, bien
que les ayant trouvées normales et en bonne santé, les
firent admettre pour un certain temps dans une maison
de soins. Les frais de séjour dans cet établissement furent
à la charge de l'évêque.
35) St-Bonnet-de-Montaurus (Lozère, France), 15 dé-
cembre 1937-1938
La Vierge apparut à Henriette Dejean, quatorze ans.
36) Wigratz (Allemagne), 23 février 1938
37) Praduik (Pologne), février 1938
La Vierge apparut à Sœur Faustine (Helena Kowalska).
38) Bochum (Allemagne), 1938
La Vierge apparut à Ursula Hibbeln (1869-1940).
39) Kérizinen (Bretagne, France), 1938
De 1938 à 1965, soixante-et-onze apparitions de la Vierge
se sont produites à Kérizinen.
La visionnaire s'appelait Jeanne Ramonet et avait vingt-
huit ans. Dans les messages qu’elle lui a communiqués,
la Vierge annonce de très graves dangers pour la France,
pour le monde et pour l'Église. D’autres messages sont
venus du Sacré-Cœur de Jésus. Des signes extraordi-
naires se sont produits dans le ciel et une source a jailli,
considérée comme miraculeuse. Des guérisons et des
conversions ont eu lieu.
Le 12 octobre 1956, l'évêque de Quimper a toutefois émis
un jugement négatif et a formellement interdit le culte.
40) Oberpleis (Allemagne), 1938-1955
La Vierge est apparue à Anna Gagenmayer.
41) St-Pierre-la-Cour (Mayenne, France), 1938 Des ap-
paritions de la Vierge ont été signalées.

Les Apparitions des années du danger


(1939-1945)

1) Kerrytown (Irlande), 11 janvier 1939-1946


La Vierge apparut à Theresa Ward et à d’autres vision-
naires.
2) Dublin (Irlande), septembre 1939
Une apparition de la Vierge a été signalée.
3) St-Placide Charlevoix (Canada), 1939
La Vierge apparut à Thérèse Gay, douze ans.
4) Marienfried, Pfaffenhoffen (Allemagne), 13 mai
1940-1946
Les 25 avril, 25 mai et 25 juin 1946, dans le petit village
de Marienfried, Bärbel Ruess, de Pfaffenhoffen, eut des
visions de la Vierge. Le message délivré à la visionnaire
avait un caractère apocalyptique : il était centré sur le
combat entre la « bête » et la Vierge.
Sur les lieux de l'apparition, une chapelle fut érigée. Le
curé, M. Hump, rédigea un rapport qu’il remit à l’évêque
d’Augsbourg. Celui-ci nomma une commission d’enquête
qui conclut qu’il n’y avait dans les messages aucun élé-
ment contraire à la foi catholique. La commission ne se
déclara toutefois par convaincue du caractère surnaturel
des visions, en l’absence de miracles. Les prières furent
par la suite autorisées dans la chapelle.
5) Ortoncourt (Vosges, France), 18 juin 1940-1944-46
La Vierge apparut trois fois à une fillette, Thérèse Coat.
6) Alto de Umbe (Bilbao, Espagne), 1941
La visionnaire, Felisa Sistiaga Orozco (née le 29 janvier
1908), mariée à Bonifacio Arrieta Libarona, eut sa pre-
mière apparition dans la nuit du 25 mars 1941. La Vierge
se présenta à elle sous l’apparence de la Vierge des Sept
Douleurs. Les autorités ecclésiastiques ne jugèrent pas
bon d’intervenir.
7) Comamona (Irlande) septembre 1942 — 10 mai 1947
La Vierge apparut à Marie Morin.
8) Girkalnis (Lituanie), 8 février 1943
Quatre apparitions ont fait l’objet d'une décision négative.
9) à Athis-Mons (Seine et Oise, France), 1943
En 1943, Athis-Mons, plusieurs adultes, parmi lesquels
Mme Debord, auraient eu des visions de la Vierge. Le ju-
gement de l'Église fut toutefois négatif.
10) Bonate (Italie), mai 1944
Adélaïde Roncalli, sept ans, eut des apparitions de la
Vierge, mais également de la Sainte Famille. Elle se pro-
duisirent à Ghiaie di Bonate, à un endroit dénommé Tor-
chio, et débutèrent le 13 mai 1944. Il y eut deux séries :
la première, du 13 au 21 mai, comporta neuf apparitions ;
le seconde, du 28 au 31 de ce même mois, n’en comporta
que quatre. L’affluence sur les lieux fut grande, bien que
l’on fût en pleine guerre.
L’évêque de Bergame, Mgr A. Bernareggi, prononça un ju-
gement négatif sur ces manifestations à l’issue de l’en-
quête réalisée, mais, depuis plusieurs années, des cri-
tiques ont été émises sur le fonctionnement de la com-
mission et sur les méthodes adoptées par celle-ci. Il s’est
en conséquence dessiné un mouvement en faveur d’un
réexamen de la question.
11) Detroit (États Unis), 1944
Des apparitions de la Vierge ont été signalées.
12) Amsterdam (Pays-Bas), 1945-1959
La visionnaire hollandaise Ida Peederman a été la desti-
nataire de nombreux messages de la Vierge qui lui ont été
délivrés dans sa propre maison, où sa sœur prenait ceux-
ci en note, et dans l’église St Thomas d'Amsterdam.
Le 7 mai 1956, l’évêque du diocèse de Harlem déclarait,
après un examen attentif des révélations de « N.-Dame de
tous les Peuples », que « le caractère surnaturel des appa-
ritions n’était pas démontré » et il interdisait en consé-
quence la dévotion en public et en privé à « Notre-Dame
de tous les Peuples », ainsi que la diffusion des écrits à
son sujet.
Selon Giuseppe Besutti, « le 2 mars 1957, ce même
évêque confirmait ses déclarations et, par lettre du 13
mars de la même année, le Saint-Office approuvait la di-
ligence dont avait fait preuve Mgr l'Évêque ainsi que les
décisions qu'il avait prises ».
En 1958, le Saint-Office déclarait qu’en vertu de la règle
1399 du Code de Droit Canon, le livre de L. Knuvelder,
Maria en verchiningen Amsterdam (La Haye, 1959) devait
ipso jure être réputé interdit. En 1961, quatre professeurs
hollandais s’étaient adressés au Pape pour solliciter le ré-
examen de la question des apparitions et des messages
d’Amsterdam.
Dans sa réponse à l'évêque de Harlem, le Saint-Office rap-
pelait que la question avait déjà été traitée par le prédé-
cesseur de l’évêque alors en fonction.
À la suite de développements ultérieurs et après un nou-
vel examen plus approfondi de ce cas, la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi confirma, dans un avis paru
dans L’Osservatore Romano du 14-15 juin 1974, le bien-
fondé du jugement émis à l’origine par les autorités ecclé-
siastiques compétentes et invita prêtres et laïques à ces-
ser toute publicité sur les prétendues apparitions et révé-
lations de « N.-Dame de tous les Peuples. »
13) Chandavila de Codosera (Espagne), 1945
La Vierge des Sept Douleurs apparut le 27 mai 1945 en
Estrémadure à un grand nombre de personnes (une cen-
taine au moins).
L’évêque du diocèse autorisa la construction d’un petit
sanctuaire où les pèlerins sont nombreux à se rendre.
14) Île de Pasman (Yougoslavie), 22 août 1946-1950 La
Vierge apparut à de nombreux visionnaires.
15) Espis (Tam-et-Garonne, France), 22 août 1946
La Vierge apparut à deux fillettes, Nadine et Claudine
Combalbert.
16) Vilar-Chao (Portugal), 1946
La Vierge apparut à Amelia de Natividade Rodrigues.
30 000 personnes purent également voir un prodige so-
laire.

Les Apparitions des années de privation


(1946-1949)

1) Espis (France), 1946


Un groupe d’enfants vit la Vierge à Espis, près de Moissac
(diocèse de Montauban), au mois d’août 1946. L’évêque
prit une première série de mesures, mais une commission
d’enquête fut toutefois nommée le 2 février. Au terme de
ses travaux, un nouvel évêque fit une déclaration (le 7
décembre 1950) dans laquelle il affirmait entre autre
qu’aucun élément ne pouvait amener à conclure que les
phénomènes étaient d’inspiration divine.
2) Gallinaro (Italie), 1947 ; 1984-1987
Dans ce petit village de la province de Frosinone, Giusep-
pina Fazio a eu des visions de la Vierge et de Jésus.
3) « Trois Fontaines », Rome (Italie), 12 avril 1947
Sur la colline dite des « Trois Fontaines » à Rome, dans
une grotte située dans un bois d'eucalyptus, la « belle
Dame » apparut à un adventiste, Bruno Cornacchiola, 34
ans, et à ses enfants, Gianfranco (2 ans), Carlo (7 ans) et
Isola (10 ans). La Vierge se présenta à eux comme la «
Vierge de la Révélation », tenant un livre à la main.
Une église fut construite à cet endroit et le soin en fut
confié aux moines d’un couvent voisin. Une chapelle a été
érigée près de la grotte.
Les pèlerins affluent sur les lieux, surtout à la date anni-
versaire du 12 avril. Pour la commémoration des qua-
rante ans de l’apparition, le cardinal Poletti, vicaire du
Pape Jean-Paul II, est venu y célébrer la messe.
4) Bocco, Casanova Staffora (Italie), 1er juin 1947 — 4
juin 1956
À Casanova Staffora, au lieu-dit « Il Bocco », dans la pro-
vince de Pavie, Angela Volpini a reçu une série de mes-
sages de la Vierge, du 1er juin 1947 au 4 juin 1956. Ces
messages ont été recueillis dans un opuscule écrit en dia-
lecte de la région.
Les autorités ecclésiastiques ont cependant émis un ju-
gement négatif quant au caractère surnaturel des appa-
ritions.
5) Montichiari (Italie), 1947
À Montichiari, dans la province de Brescia, la Vierge est
apparue à Pierina Gilli (née le 3 août 1911) à plusieurs
reprises en 1947. Elle est de nouveau apparue en 1966.
6) Vortenbosch (Pays-Bas), 27 juin 1947
La Vierge est apparue à trois enfants âgés de 11 à 12 ans.
7) Mont Saint-Émerie (Hongrie), 2 juillet 1947 La Vierge
est apparue à Clara Laslone.
8) Tannhausen (Allemagne), 23 août 1947 — 1948
Des apparitions de la Vierge se sont produites mais pas
d’indications précises à leur sujet.
9) Kayl (Luxembourg), 1er novembre 1947
La Vierge est apparue à Émily Winandy et à d’autres.
10) Gramolazzo (Italie), du 29 novembre 1947 à nos
jours
Dans ce petit village de la Garfagnana (dans la province
de Lucques), Anna Morelli a de nombreuses visions de la
Vierge et du Christ. Elle reçoit les stigmates sur la poitrine
et fait jaillir deux sources.
11) Ile-Bouchard (France), 8 décembre 1947
Avant de se rendre à l’école, quatre fillettes, Jacqueline
Aubry (12 ans), Nicole Robin (10 ans), Laura Croizon (8
ans) et Jeanne Aubry (7 ans entrèrent dans l’église St-
Gilles, à l’Ile-Bouchard (Indre-et-Loire) pour y réciter le
rosaire et virent entre le vitrail et l’autel une grande lu-
mière au milieu de laquelle apparaissait, dans une grotte,
une belle Dame.
L’évêque ne semble pas avoir émis de jugement.
12) Forstweiler (Allemagne), 1947
La Vierge est apparue huit fois à une femme de Forstweil-
ler, en Allemagne. Ces apparitions n’ont cependant pas
été reconnues.
13) Plescop (France), 26 décembre 1947-1948
Thérèse Le Camm et Annick et Monique Goargues ont eu
11 apparitions de la Vierge.
14) Bolzanet (Italie), 1947
Des apparitions de la Vierge sur lesquelles nous ne dis-
posons d’aucun renseignement précis.
15) Forstweiller (Allemagne), 1947
Quatre enfants et une femme ont eu huit apparitions. Dé-
cision négative de l’évêque.
16) Grottammare (Italie), 1947
La Vierge est apparue à un enfant.
17) Île Napoléon (France), 1947 Trois enfants ont vu la
Vierge.
18) Montepoli (Italie), 1947 Une femme a vu la Vierge.
19) Munich (Allemagne) 1947-1955
Katarina Vogl a eu des apparitions de la Vierge.
20) Stockport (Angleterre), 1947
Des couronnes de roses sont apparues dans le ciel.
21) Tyromestice (Tchcoslovaquie), 1947
Apparitions de la Vierge sur lesquelles nous ne disposons
pas d'autres renseignements.
22) Uracaina (Brésil), 1947
Un prêtre a vu la Vierge lui apparaître. La décision de
l’église a été négative.
23) Marta (Italie), 19 mai 1948-1949
Dans ce petit village situé sur le lac de Bolsena, dans la
province de Viterbe, Maria Antonietta Chiatti (10 ans),
Concetta Cherubini (10 ans) et Ivana Conestà (9 ans) vou-
laient, le 19 mai 1948, porter des fleurs pour la proces-
sion de la Fête-Dieu. S’étant trompées de date et voulant
conserver les fleurs jusqu’au jour de la fête, elles les dé-
posèrent dans une grotte de tuf où elles eurent une appa-
rition. D’autres personnes, dont un certain Orlando Mau-
rizi, âgé de trente ans, qui ne voulait pas croire les fil-
lettes, eurent également des apparitions qui se poursui-
virent jusqu’en 1962.
Le 29 juin 1952, l’Église a émis un jugement négatif.
24) Lipa (Philippines), 1948
À Lipa, dans l’île de Luçon aux Philippines, la Vierge est
apparue le 12 août 1948 à une novice carmélite, Teresita
Castello, âgée de 20 ans, à quinze reprises. La décision de
l’Église a été négative.
25) Assise (Italie), 1948
La grande statue de la Vierge qui se trouve en haut de la
façade de l’église Sainte-Marie-des-Anges a semblé bou-
ger.
26) Gimigliano (Italie), 1948
Au mois de mai 1948, Anita Federici (11 ans) de Gimi-
gliano, dans la province d’Ascoli Piceno, eut des visions.
Un phénomène solaire fut en outre constaté à cinq heures
trente du matin, le 17 mai 1948, par tous ceux qui avaient
passé la nuit dehors. La décision de l’évêque fut cepen-
dant négative.
27) Cluj (Roumanie), 1948
À Cluj, en Roumanie, la foule assista à une apparition de
la Vierge. La décision de l’évêque fut négative.
28) Tor Pignattara, Rome (Italie), 17 mai 1948
Un adolescent, Bruno Borlotti, 13 ans, entra en extase
alors qu’il était en train de jouer avec un groupe de gar-
çons de 6 à 17 ans. Il affirma avoir vu la Vierge. Les ap-
paritions se sont reproduites tous les mois (le 4 de chaque
mois) jusqu’au printemps 1948.
29) Marina di Pisa (Italie), à partir du 27 avril 1948 et les
années qui suivirent.
Paola Luperini, 3 ans, voit la Vierge à la Villa Santa de
Marina di Pisa. De nombreuses autres personnes la virent
également. L’affluence des fidèles est considérable.
30) Ponsacco (Italie), 10 mai 1948 Apparitions de la
Vierge.
31) Remola (Italie), 17 mai 1948
Une sourde-muette voit la Vierge dans ce petit hameau
situé près de Massa Apuania.
32) Castelmadama (Italie), 19 mai 1948 Apparitions de
la Vierge.
33) Schichowitz (Tchécoslovaquie), 27 juin 1948 — 27
juillet 1948
Odile et deux autres fillettes voient la Vierge.
34) Lipa (Luçon, Philippines), 13 septembre 1948
Teresa Castello, novice carmélite de 20 ans, voit la Vierge
(« pétale » ?) Décision négative de l’Église.
35) Lucques (Italie), 1948 L’apparition de la Vierge est
signalée.
36) Montluçon (Allier, France), 18 septembre 1948 Le
R.P. Collin a une vision de la Vierge.
37) Aspang (Autriche), 11 novembre 1948
Un homme de 61 ans a une vision de la Vierge.
38) Liart (Ardennes, France), 7 décembre 1948
Louise Mercier et d'autres personnes voient la Vierge.
39) St Jean-aux-Bois (France), 18 décembre 1948 Lucie
Manceau, 23 ans, voit la Vierge.
40) La Forclaz (Jura, France), 1948-1949
M. Brelat, 50 ans, voit la Vierge. Décision négative de
l’Église.
41) Cluj (Roumanie), 1948
La foule voit la Vierge. Décision négative de l'Église.
42) Frascati (Italie), 1948 Apparitions de la Vierge.
43) Liceta (Italie), 1948 Apparitions de la Vierge.
44) Lucques (Italie), 1948 Apparitions de la Vierge.
45) Nocera Superiore (Italie), 1948 Un enfant voit la
Vierge.
46) Dueren (Rhénanie, Allemagne), 1er mai 1949-1950
Gertrud Fink, 50 ans, voit la Vierge.
47) Zo-Se (Shangaï, Chine), 1er mai 1949
La Mère Supérieure Van Smarten voit la Vierge. Décision
négative de l’Église.
48) Fehrbach (Rhénanie, Allemagne), 12 mai 1949
Santa Roos, 12 ans, voit la Vierge. Décision négative de
l'Église.
49) Montréal (Canada), 5 août 1949
Apparitions de la Vierge à une religieuse.
50) Thuri-Heroldsbach (Bavière, Allemagne), 9 octobre
1949-1952
Sept enfants et de nombreux autres visionnaires ont une
apparition de la Vierge. Décision négative du Saint-Office
le 19 juillet 1951.
51) Weert (Pays-Bas), 16 octobre 1949 La Vierge appa-
rut à une visionnaire.
52) Sonnenhalb (Suisse), 1949-1964
Maria Graf (1906-1961) voit la Vierge. Décision négative
de l’Église.
53) Würzburg (Allemagne), 1949
Un frère bénédictin voit la Vierge.
54) Balestrino (Italie), 5 octobre 1949 — 5 octobre 1971
À Balestrino, dans la province de Savone, Caterina Pi-
chero eut, de 1949 à 1971 cent trente-cinq apparitions,
le 5 de certains mois. L’evêque émit un jugement négatif
le 28 juin 1957.
55) Heroldsbach-Thurn (Allemagne), 1949
De 1949 à 1952, la Vierge apparut à six enfants et à de
nombreuses autres personnes à Heroldsbach, dans le
diocèse de Bamberg.
Le décret du Saint-Office en date du 18 juin 1951 n’a pas
retenu le caractère surnaturel des visions et le culte en a
été interdit.
56) Haszos (Hongrie), 1949
À Haszos, en Hongrie, la foule voit la Vierge en 1949. Le
jugement est négatif.
57) Lublin (Pologne), 1949
Dans cette ville de Pologne la foule est, en juillet 1949,
témoin d'un fait extraordinaire : une apparition de la
Vierge. L’Église émet toutefois un jugement négatif.

Les apparitions de la décennie 1950-1960

1) Saint-Eugène de Gamby (Canada), 17 mars 1950


Trois fillettes voient la Vierge.
2) Necedah, Wisconsin (Etats Unis), 1950
À Necedah, Mary Ann Van Hoof, quarante-et-un ans, eut
des apparitions. Mgr John P. Tracy, évêque de La Crosse,
Wisc., émit le 17 juin 1955 un jugement négatif.
3) Acquaviva Platani (Italie), 1950
Dans ce petit village de la province de Caltanissetta, en
Sicile, Pia Mallia, douze ans, aurait eu sept visions de la
Vierge. La décision de l’Église a été négative.
4) Ribera (Italie), juin 1950
Plusieurs enfants virent la Vierge dans un lieu fermé de
la province d'Agrigente. Parmi eux se trouvait Giovanna
Veneziano.
5) Binghamton (États Unis), 28 mai 1950
La Vierge apparut à Mary Ann Van Hoof.
6) Denver (États Unis), 11 septembre 1950
La Vierge apparut à Mary Helena, quinze ans.
7) Remagen (Allemagne) 18 décembre 1950 Vingt fil-
lettes virent la Vierge.
8) Perregaux (Algérie), 23 décembre 1950
Une certaine MmeBlanquer vit la Vierge dans la province
d'Oran.
9) Guarciano (Frosinone, Italie), décembre 1950 Un gar-
çon de dix ans voit la Vierge.
10) Belmuttet (Irlande), 1950
Une fillette de douze ans voit la Vierge.
11) Bientenuda-Usagre (Espagne), 1950
Nombreuses apparitions de la Vierge dans la province de
Badajoz.
12) Padoue (Italie), 1950
Nerone Cella, vingt-cinq ans, voit la Vierge.
13) Binghamton (États Unis), janvier 1951
Une image de la Vierge verse des larmes dans l'État de
New York.
14) Amarossi (Italie), 1er mai 1951
Dans la province de Bénévent, Maria Riccio, treize ans,
voit la Vierge.
15) Arluno (Italie), 21 juin 1951
Luigia Nova, trente-neuf ans, voit la Vierge.
16) Casalicontrada (Italie), 1951
Dans la province de Chieti, le 8 août 1951, l'analphabète
Leonardo Manoli (Masoli ? Fasoli ?) eut neuf visions de la
Vierge. La décision de l’Église fut négative.
17) Km 74 de la voie Appia Antica (Italie), 12 août 1951
Apparition de la Vierge à Antonio Ruffini, représentant.
Les stigmates apparurent immédiatement sur les deux
mains du visionnaire et continuent à se produire.
18) Dugny (France), 17-18 août 1951
Une fillette et un jeune garçon ont des apparitions de la
Vierge.
19) Oriolo Calabro (Italie), octobre 1951
Dans la province de Cosenza, une statue est l'objet de
prodiges. Giorgio Farina a des visions de la Vierge.
20) Tangua (Brésil), 1951
Isabela Souza, sept ans, voit la Vierge.
21) Tinos (Grèce), 1951
La Vierge apparaît sur une île grecque.
22) Orria (Italie), 21 février 1952
Cinq bergers et d’autres témoins ont de nombreuses ap-
paritions dans la province de Salerne.
23) Rodalben (Allemagne), 1er juillet 1952 Amelies
Wafzig, vingt-six ans, voit la Vierge.
24) Niedertach (allemagne), 5 Juillet 1952
Karl Zianke, trente-quatre ans, voit la Vierge.
25) Guerpinnes (Belgique), 10 juillet 1952 Rosette Col-
met, sept ans, voit la Vierge.
26) Cossirano (Italie), 1953-1958
Au lieu-dit La Santelle, près de Cossirano (province de
Brescia), la Vierge apparaît d’abord à une seule fillette,
puis à un groupe d’enfants et enfin à des adultes.
L’évêque de Brescia a prononcé un jugement négatif en
1954 et ultérieurement.
27) Bivigliano (Italie), août 1953
Galileo Sacrestani, quarante-neuf ans, voit la Vierge.
28) Syracuse (Italie), 2 août 1953
Le prodige de Syracuse figure parmi ceux dont, à notre
siècle, l’Église a reconnu le caractère surnaturel. Une sta-
tue en plâtre de la Vierge a versé des larmes dans la mai-
son modeste d’un jeune couple. Le 13 décembre 1953,
l’Épiscopat sicilien reconnaissait officiellement le carac-
tère extraordinaire de ce phénomène.
29) Philadelphie (États Unis), 10 novembre 1953 Ca-
terina Nardi, vingt ans, voit la Vierge.
30) Hydrequent (France), 1953
Jean Lavoisier (dix ans) et d’autres personnes ont eu des
visions à Hydrequent (Pas-de-Calais). L’Église a émis un
jugement négatif.
31) Santo Saba (Italie), 1953
Dans la province de Messine, Rosario Pio, huit ans, eut
des visions. Jugement négatif de l’Église.
32) Porto Empedocle (Italie), 21 novembre 1953
Une Vierge de Syracuse verse des larmes et du sang dans
la province d'Agrigente.
33) Frignano Maggiore (Italie), 26 novembre 1953
Angela Ronza, dix-sept ans, voit la Vierge.
34) Mileto Calabro (Italie), 14 décembre 1953-1954
Dans la province de Catanzaro, Concetta Mascano, mère
de neuf enfants, voit apparaître l’image de la Vierge de
Syracuse.
35) Catane (Italie), 4 janvier 1954
Francesco Pulvirenti voit apparaître la Vierge de Syra-
cuse.
36) Vittoria (Italie), février 1954
Iolanda et Giuseppina Cancellieri voient, dans la province
de Ragusa, apparaître la Vierge de Syracuse.
37) Mezzolombardo (Italie), 1er avril 1954
Dans la province de Trente, Roberto De Gregori voit la
Vierge de Syracuse.
38) Palerme (Italie), 2 avril 1954
Des élèves de l’école « Luigi Capuana » voient la Vierge.
39) Sasso Marconi (Italie), 27 avril 1954
Dans la province de Bologne, Sultana Ricci, trente-et-un
ans, voit la Vierge et est guérie d’une paralysie.
40) Angri (Italie), 12 mai 1954
Dans la province de Salerne, Angelina Campolo et Genti-
lina Attianense voient l’image de la Vierge baignée de
larmes.
41) Marche-en-Famenne (Belgique), 5 juin 1956 Appa-
ritions de la Vierge.
42) Colombera di Avenza (Italie), 6 juin 1954
Dans la province de Carrare, Aldide Narra, dix-neuf ans,
voit la Vierge.
43) Jérusalem (Palestine), juin 1954
Un enfant copte voit la Vierge.
44) Pingsdorf (Allemagne), 19, 20, 24, 29 juillet — 1er
août 1956
Apparitions de la Vierge.
45) Giarra (Italie), 21 août 1954
Dans la province de Catane, Alfio Nicotra voit l'image de
la Vierge de Syracuse en larmes.
46) Saint-Tropez (France), 20 Octobre 1954 Apparitions
de la Vierge.
47) Newcastle (Angleterre), 5 novembre 1954 Appari-
tions de la Vierge.
48) Seridnia (URSS), 20 décembre 1954
Une fillette, Hanusya, et plusieurs autres personnes ont
vingt apparitions en Ukraine.
49) Bande (Luxembourg), 1954 Des enfants voient la
Vierge.
50) Cosenza (Italie), 1954
La Vierge apparaît à Élena Ajello, religieuse stigmatisée.
51) Ibdes (Espagne), 1954
Plusieurs groupes d’enfants voient la Vierge dans la pro-
vince de Saragosse.
52) Pombia (Italie), 1954
Dans la province de Novare, Iole Frizzarin, vingt-neuf ans,
mère de quatre enfants, est guérie et a des visions.
53) Reggio Emilia (Italie), 1955
Rosina Soncini, cinquante-cinq ans, voit la Vierge.
L’Église émet un jugement négatif.
54) Roumanie, septembre 1955
Révélations sur le Cœur Immaculé de Marie.
55) Eisenberg (Autriche), 13 octobre 1955
Aloisa Lex, mère de douze enfants, et Anna Lex, six ans,
voient la Vierge. Décision négative de l'Église.
56) San Vincenzo Valle Roveto (Italie), 1955
Apparitions de la Vierge et du Christ à une femme stig-
matisée, Filoméne Carnevale, dans la province d’Aquila.
57) Assoro (Italie), 7 mai 1956
Dans la province d’Enna, en Sicile, quatre enfants voient
la Vierge dans une grotte.
58) Urbania (Italie), 15 mai 1956
Augusta Tangini, onze ans, et d'autres enfants, eurent
des visions de la Vierge dans la province de Pesaro.
L’Église émit le 31 mai un jugement négatif.
59) Englancourt (France), 1956
Une statue de la Vierge est l’objet de prodiges.
60) Sansabito (États Unis), janvier 1957 (Sausalito ?)
Un paralytique voit la Vierge dans un musée. Réserves de
la part des autorités ecclésiastiques.
61) Rocca Cometa di Lizzano in Belvedere (Italie), avril
1957-1959
Dans un petit village de l'Émilie, de la province de Bo-
logne, une image de la Vierge verse des larmes. L'Église
se montre réservée.
62) Cracovie (Pologne), 1957
Une femme, Czeclawa Janusz, voit la Vierge lui apparaître
sur une place.
63) Jorcas (Espagne), juin 1958
Apparitions de la Vierge dans une grotte dédiée à St Jo-
seph.
64) Turczovka (Tchécoslovaquie), 1er juin 1958
Alors qu’il faisait son travail de garde forestier, Matousch
Laschut vit la Vierge, qui ne lui adressa cependant pas la
parole. Les apparitions ne furent pas reconnues par le
curé ni par les autorités civiles, qui soumirent le vision-
naire à des examens psychiatriques et l’envoyèrent pour
plusieurs années dans un hôpital psychiatrique. Les
autorités ecclésiastiques ne semblent pas s’être pronon-
cées, bien que certaines sources évoquent une réponse
négative.
65) Vallemaio (Italie), 10 août 1958
Dans ce village de la province de Frosinone, la Vierge ap-
parut au petit berger Angelo Fanelli et à ses parents.
66) Mantoue (Italie), 1958 Apparitions de la Vierge.
67) Terni (Italie), 1958 Apparitions de la Vierge.
68) Villa Baronne di San Secondo Parmense (Italie),
1958
Dans cet endroit de la province de Parme, Gina Melloni,
cinquante-deux ans, assista au prodige du sang versé par
une image de la Vierge.
69) Gaeta (Italie), 9 mai 1959
Un tableau représentant la Vierge de Pompéi verse des
larmes. Nombreux sont les témoins mais l'église nie tou-
tefois le fait.
70) Scheggia (Italie), mai 1959
Dans ce village de la province de Pérouse, quatre enfants
voient la Vierge en se rendant à l’école.
71) Vibo Valentia (Italie), 13 juillet 1959
Francesco Procopio, huit ans, voit la Vierge.
72) Varsovie (Pologne), 7 octobre 1959
De nombreuses personnes voient la Vierge sur le toit de
l’église Saint Augustin.
73) Stomarella (Italie), du 2 décembre 1959 à nos jours
Le paysan Domenico Masselli a de nombreuses visions de
la Vierge, reçoit les stigmates et entre en lévitation. Dans
ce village de la province de Foggia, un oratoire attire de
nombreux pèlerins.
74) Ascona (Suisse), 1959 Anna Polli voit la Vierge.
75) Acqua Voltri (Italie), 1960
Dans ce village de la province de Gênes, un certain Fran-
cesco voit la Vierge.
76) Thierenbach (France), 1960
Fernand Chakkay, mineur d’origine espagnole, voit la
Vierge.

Les apparitions sur une quinzaine d'années


(1961-1976)

1) Garabandal (Espagne), 18 juin 1961-1965


À partir du 18 juin 1961, à San Sebastian de Garabandal,
un petit village de la province de Santander, perché sur
les monts Cantabrique, plusieurs apparitions se succédè-
rent, dont les protagonistes étaient des fillettes. Des mes-
sages d'inspiration divine et des prodiges suscitèrent un
profond intérêt dans toute l’Espagne, attirant des milliers
de pèlerins et provoquant l’intervention des autorités ec-
clésiastiques.
Ainsi que le rappelle Giuseppe Besutti, le 26 août 1961
Mgr Doroteo Fernandez, évêque de Santander, nomma
une commission d'enquête. Mgr Eugenio Beitia Aldazabal,
qui avait entretemps succédé à celui-ci, reçut le 4 octobre
1962 un rapport de la commission dont les conclusions
étaient négatives. Le 8 juillet, il rédigea en conséquence
une déclaration dans laquelle il rejetait le caractère sur-
naturel des apparitions, déclaration qui fut transmise au
Saint-Office. La Congrégation romaine répondit le 28 juil-
let 1965, approuvant la décision de l'évêque.
Quelques jours plus tard, l'évêque quitta à sa demande le
diocèse. Il fut remplacé le 17 août par un nouveau prélat,
Mgr Vicente Puchol Montis, qui ne publia aucun docu-
ment sur Garabandal.
Le 8 août, Mgr José Maria Cirada Lachondo lui succéda et
confirma quarante jours plus tard son jugement négatif.
2) Brigueil-le-Chantre (France), 26 juillet 1961
Jacqueline Martin, quatorze ans, voit la Vierge.
3) Craveggia (Italie), depuis le 1er juillet 1961
Une femme de soixante ans, guérie à Lourdes en 1955,
eut des apparitions de la Vierge à Craveggia, dans la pro-
vince de Novare. Le caractère surnaturel n’a pas été re-
connu.
4) San Damiano (Italie), 29 août 1961
Des apparitions eurent lieu dans ce petit village situé à
20 km de Plaisance. La bénéficiaire en fut Rosa Quattrini,
dite « Mamma Rosa », mariée et mère de trois enfants
(morte en 7 septembre 1981). La Vierge lui confia égale-
ment des messages particuliers. Les fidèles affluent en ce
lieu.
L'évêque du diocèse est intervenu en septembre 1965 et
en août 1966. Le 2 février 1968, Mgr Malchiodi affirma
finalement qu’aucun élément ne permettait de confirmer
le caractère surnaturel des apparitions.
5) Skiemoniai (Lituanie), 13 juillet 1962
Francesca Romana Macuys, dix-huit ans, voit la Vierge.
6) Ostie (Italie), 3-4 septembre 1963
L’image d’une Vierge byzantine laisse suinter de l’eau.
L’Église interdit le culte aux fidèles.
7) Cava dei Tirreni (Italie), 9 juillet 1963
Trois enfants assistèrent à des prodiges touchant à une
image de la Vierge de Lourdes.
8) San Vittorino Romano (Italie), 1964
Dans ce petit bourg des alentours de Tivoli, Fratel Igino
eut des apparitions de la Vierge dans le Sanctuaire dédié
à Notre-Dame de Fatima.
9) Fribourg (Suisse), 31 mai 1965-1968 Une fillette voit
la Vierge.
10) Porto Santo Stefano (Italie), 27 mars 1966
Enzo Alocci voit la Vierge dans ce village de la province de
Grossetto. Depuis 1967, les apparitions se produisent le
14 de chaque mois.
11) Aïn-el-Delbi (Liban), 31 mars 1966
Wardi Mansour, quatorze ans, et 10.000 autres per-
sonnes, ont des visions de la Vierge.
12) Cabra (Philippines), 6 décembre 1966-1968
Belinda Villos, douze ans, voit la Vierge.
13) Fontanelle, (Italie)
Pierina Galli a des apparitions de la Vierge.
14) Liège (Belgique), 1966-1970 Apparitions de la
Vierge.
15) Rome (Italie), 1966
Une jeune fille de dix-huit ans voit la Vierge un dimanche,
à 11 h du soir, dans l'église Ste Agnès.
16) Ventebbio (Italie), 1966
Le Père Rino Ferrero, curé de la paroisse, voit la Vierge et
demeure interdit.
17) Natividade (Brésil), 9 mai 1967
Le Dr Fausto de Faria voit la Vierge.
18) Cefala Diana (Italie), 26 mai 1967
La Vierge apparaît en Sicile, à Roberto Castelluccio,
Antonio Barberio, onze ans, Francesco di Marto et
Antonio Belloni.
19) Raccuia (Italie) 12-17 juin 1967
Apparitions de la Vierge dans ce petit village de Sicile.
20) Québec (Canada) septembre 1967
Une jeune fille, Johanna Allison, voit la Vierge.
21) Athènes (Grèce) 1967
Dans l’église russe de la rue Phillelinon, une icône de
Notre-Dame de Kazan verse des larmes.
22) Palmar de Troja (Espagne), 30 mars 1968-1975
Le 30 mars 1968, un groupe de quatre enfants eut des
visions de la Vierge. Les apparitions se poursuivirent et
s’accompagnèrent d'autres phénomènes tels que mes-
sages, stigmates, communions mystiques, jaillissement
de sources miraculeuses, etc.
En 1975, Clemente Dominguez, qui affirmait avoir des ap-
paritions, fonda l’Ordre des Carmes de la Paix Sainte et
se fit consacrer évêque par un prélat vietnamien de ma-
nière tout à fait irrégulière. Dominguez ordonna à son
tour d’autres évêques, mais un groupe de fidèles se dis-
socia de lui pour demeurer aux côtés de l'Église. Le juge-
ment de l'Église fut globalement négatif.
23) Zeitoun (Le Caire, Egypte), depuis le 2 avril 1968
Le 2 avril 1968 à 22 h 30, dans la rue Tuman Bey, dans
le vieux quartier du Caire, où se dresse une église dédiée
à la Vierge, trois ouvriers musulmans qui travaillaient
dans un garage en face virent une sphère lumineuse au-
dessus de la plus grande coupole de l’édifice. Sur celle-ci
se tenait une femme qui bougeait. On reconnut dans cette
figure celle de la Vierge, dite à Zeitoun Mère de la Lumière.
Plusieurs milliers de personnes de race et de religion dif-
férentes purent constater le phénomène.
Le Patriarche orthodoxe copte du Caire nomma une com-
mission d’enquête qui, à l’issue de ses travaux, reconnut
le caractère surnaturel des apparitions.
24) Saint-Bruno-de-Chambly (Canada), 22 juillet 1968
Manon Saint-Jean, treize ans, Danielle Vincent, dix ans,
et d’autres, eurent quatre apparitions de la Vierge.
25) Anse-aux-Gascons (Canada), 7 octobre 1968
Julien Roussy, dix ans, Berthe Périsé et d’autres enfants
virent la Vierge.
26) Fort Kent (États unis), 23 octobre 1968
Gérard Pelleties, dix ans, eut une apparition de la Vierge.
27) Maille (France), 1968-1970
Quatre enfants eurent des apparitions de la Vierge.
28) Casapulla (Italie), 1968
Une image de la Vierge versa des pleurs.
29) Ouex (Italie), 14 mai 1969
Dans la province de Turin, une femme de soixante ans
environ a une apparition de Notre-Dame de Lourdes.
30) Barcelone (Espagne), 1969 Apparitions de la Vierge.
31) Florence (Italie), 1969
Sergio Miccinesi a des apparitions de la Vierge. Une image
de la Vierge de Murillo exsude du sang.
32) Mexico (Mexique), 1969
Sœur Maria Conchita voit apparaître la Vierge.
33) Milan (Italie), 14 avril 1970
Lucia Frascaria et d’autres personnes voient apparaître la
Vierge dans le souterrain de l’église St Joseph.
34) Limal (Belgique), 20 septembre 1970
Jean-Marie Michiels, soixante ans, a des apparitions
après une messe et du sang perle sur les hosties.
35) Ladeira do Pinheiro (Portugal), 1970-1971
Maria de Concepçâo Menzer Marta, visionnaire et stigma-
tisée.
36) Maropati (Italie), décembre 1970-1971
Visions de Mme Cordiano. Une image de la Vierge de Pom-
péi a le cœur qui saigne.
37) Cinquefrondi (Italie), 26 octobre 1971 — Janvier
1974 à nos jours.
Dans la province de Reggio Calabria, une image de la
Vierge verse des larmes dans la maison de Bettina
Jamundo, qui aura par la suite des visions de la Mère du
Christ.
38) Akido (Japon), 13 octobre 1973
Sœur Agnès et d'autres témoins voient une statue de la
Vierge verser des larmes, qui s’avéreront être d’origine hu-
maine, et du sang appartenant au groupe O.
39) Gallinaro (Italie), à partir du 15 mai 1974
Apparitions de Jésus et de la Vierge à Giuseppina Norcia.
40) Bayside (New York, États Unis), 25 juillet 1975 — 31
décembre 1976
Veronica Leuken aurait, la veille des fêtes de la Saint-Mi-
chel, reçu de la Vierge et de plusieurs Saints, des mes-
sages, enregistrés sur magnétophone, mettant en accu-
sation les trois proches collaborateurs de Paul VI et révé-
lant que le personnage qui apparaissait en public n’était
pas le véritable Pape, celui-ci étant prisonnier

Apparition « planétaires » 1977-1987

1) Lamezia Terme (Italie), octobre 1977


Dans cette petite ville de Calabre, un jeune homme
nommé Pietro a une apparition de la Vierge qui donne
naissance à une phénoménologie mystique complexe et
qui se poursuit dans le temps.
2) Australie, décembre 1979
Apparition de la Vierge à Adelia Bernard, à laquelle il est
suggéré de se transférer en Thaïlande pour se consacrer
aux réfugiés.
3) Medjugorje (Yougoslavie), du 24 juin 1981 à nos
jours.
La Vierge apparaît le 24 juin 1981 à un groupe de jeunes
de 11 à 17 ans, en haut d’une petite colline près du village
de Medjugorje, dans le diocèse yougoslave de Mostar.
D'autres visions se produisent le 25 juin, puis les jours
suivants, sur la colline ou, par la suite, dans une chapelle
située près de l’église paroissiale.
L’affluence des pèlerins est considérable. L'évêque
nomme une première commission d’enquête composée de
quatre personnes. Les autorités civiles soumettent les vi-
sionnaires à des examens psychiatriques et psychanaly-
tiques, arrêtent le curé du lieu et d’autres prêtres. En dé-
pit de ces obstacles, les fidèles continuent à affluer et les
démonstrations de piété se poursuivent. La Congrégation
pour la Doctrine de la Foi intervient (1986).
Le dossier constitué en vue d’une éventuelle reconnais-
sance des apparitions est transmis à la Commission épis-
copale yougoslave par décret de la Congrégation.
4) Kibeho (Rwanda), 28 novembre 1981 — 1985
À Kibeho, dans le diocèse de Butare, au Rwanda, la Vierge
apparut pour la première fois le 28 novembre 1981 à une
jeune fille de 17 ans, Alphonsine Numereke. Le 12 janvier
1982, Anathalie Mukamazimppal commença elle aussi à
voir la Vierge. À partir du 1er mars, ce fut le tour de Marie-
Claire Mukagango. Il y eut également d’autres vision-
naires. Le 30 juillet 1983, l’évêque Jean-Baptiste Gaha-
manyi envoyait aux fidèles une pastorale sur les appari-
tions de Kibeho.
5) Damas (Syrie), du 27 novembre 1982 à nos jours
La Vierge apparaît à Mima, une arabe de religion catho-
lique et de l’huile coule abondamment de ses mains,
d’une image de la Vierge et d’autres tableaux de sujet re-
ligieux qui se trouvent dans sa maison. Des milliers de
témoins. Des examens médicaux, des analyses chimiques
et des rapports de police confirment le prodige.
6) Keméguez (France), le 13 mai 1984 et les jours sui-
vants
Jeanne Dunan, une jeune artiste peintre qui réalise des
tableaux de sujet religieux, voit apparaître la Vierge près
du manoir de Kernéguez, en Bretagne, dans un champ au
fond duquel se dressent les ruines de l’ancienne chapelle
du château.
7) Chicago (États Unis), le 29 mai 1984 et les jours sui-
vants
Dans l’église paroissiale Saint Jean de Dieu, une statue
de la Vierge en bois de tilleul d’un mètre de haut, repré-
sentant Marie, Rose Mystique, et provenant d’Italie, se
met à verser des pleurs dès son arrivée.
8) Crotone (Italie), depuis le 22 décembre 1984
Dans l’église consacrée à Marie Immaculée, à Crotone en
Calabre, une écolière, ainsi que son institutrice Anto-
nietta Ferrigno, le curé, le Père Giuseppe Covelli, et de
nombreux autres visiteurs, voient surtout Jésus dans
l’hostie élevée au-dessus du ciboire et dans l’église, mais
ont également des apparitions de la Vierge.
9) Le Caire (Égypte), mars 1985
Dans le quartier populaire de Shoubra, des milliers de
chrétiens affirment voir la Vierge près de l’église Sainte
Damienne. Le patriarche copte Shenuda III nomme une
commission d'enquête.
10) Schio (Italie), depuis le 25 mars 1985
La statue de la Vierge de San Martini aile Aste parle à
Renato Baron, 53 ans.
11) Oliveto Citra (Italie), depuis le 24 mai 1985
Huit enfants, puis de nombreuses autres personnes, ont
vu apparaître la Vierge près du vieux château de ce vil-
lage, situé dans la haute vallée du Sélé, dans la province
de Salerne. Grande affluence de pèlerins. Le curé, le Père
Giuseppe Amato, a constitué le Comité « Regina del Cas-
tello » (Reine du Château).
12) Licata (Italie), mai 1985
Dans ce village de la province d’Agrigente, Jésus apparaît,
dans la cour d’une maison en ruine, à trois enfants, Fran-
cesco Cambino (9 ans), Filippo Lopresti (11 ans), et Danilo
Cona (10 ans).
13) Sofferetti (Italie), depuis le 24 juin 1985
Dans une localité de peuplement albanais de la province
de Cosenza, en Calabre, la Vierge apparaît auprès d’un
grand chêne à de nombreuses personnes et à deux vision-
naires en particulier, Giulia Arancino et Mario Zenna,
quatre fois par semaine. Giulia Arancino reçoit également
des messages.
14) Monteroduni (Italie), juillet-août 1985
Dans ce village de la province d’Isernia, la statue de la
Vierge des Douleurs, qui se trouve dans une petite cha-
pelle, a versé des larmes devant les fidèles en prière. On
a également vu sa poitrine se soulever et son cœur battre.
Le phénomène a été filmé. La caméra a en particulier en-
registré les mouvements de ses yeux.
15) Bisceglie (Italie), septembre 1985 à aujourd’hui
Dans la province de Bari, Roberta dell’Olio (7 ans) voit la
Vierge dans la cour de sa maison. L'image se dessine au-
dessus d’un figuier et appelle l’enfant par son nom. Les
visions se succèdent alors pour la fillette, qui n'a pas en-
core fait sa première Communion, ainsi que les messages
dictés par la Vierge.
16) Colle di Roanza (Italie), septembre 1985 à 1986
Dans la province de Vicence, Francesca Payer, 13 ans, a
des visions de la Vierge qui lui communique également
des messages.
17) Floridia (Italie), novembre 1985
La Vierge apparaît sur un mûrier à huit enfants, dans le
village de la province de Catane.
18) Casavatore (Italie), depuis le 13 décembre 1985
Les élèves de l’école « Nicola Romeo » de la Casavatore,
dans la province de Naples, ont des visions de la Vierge et
de Jésus. La Vierge apparaît sur les branches d'un arbre
situé face à l’école.
19) Cardito (Italie), 1986
Dans ce village de la province de Naples, Angela (10 ans)
a des apparitions de la Vierge.
20) Grumo Nevano (Italie), 1986
Lello Ferrara (20 ans) reçoit les stigmates et dans le même
temps une statuette de la Sainte Vierge de Lourdes verse
des larmes.
21) Sezze (Italie), 1986
Dans la plaine qui s’étend entre Latina et le petit village
de Sezze, situé sur la colline, la Vierge apparaît sur un
mur de ferme.
22) Campobasso (Italie), 1986
Dans le hameau du Toro, à une quinzaine de kilomètres
de Campobasso, apparitions de la Vierge.
23) Belpasso (Italie), 1987
Dans ce village de la province de Catane situé au pied de
l’Etna, Rosario Toscano (15 ans) voit apparaître la Vierge
le premier jour du mois. Grande affluence de pèlerins
(jusqu’à 50 000 personnes).
24) Crosia (Italie), 1987
Dans ce petit village de la province de Cosenza, et dans
une église abandonnée, une statue de la Vierge pleure.
Deux adolescents, Vincenzo Fullone et Anna Biasi, ont
deux visions de la Vierge. Divers prodiges, (dont guérisons
de malades) se manifestent. On assiste à une « danse » du
soleil, et à un objet non identifiable dans le ciel (le 30 mai
1987).
En conclusion

Les dernières apparitions


de la Vierge en Russie

Nous voici à la fin de ce voyage, à l'intérieur des mystères


de l’homme et du divin. Tout ce que nous avons vu et en-
tendu, à travers les prophéties de la Vierge, celles surtout
du XXe siècle, annonce en définitive l'avènement d’une ère
nouvelle.
Le « discours » de la Vierge dans son extrême simplicité
cache en fait un processus global de transformation dans
la vie de notre planète et des races qui la peuplent. La
mutation se produira apparemment à l’occasion d’événe-
ments graves qui ne seront pas nécessairement apocalyp-
tiques mais qui pourraient prendre la forme de calamités
naturelles d’une grande ampleur ou celle d’événements
imprévus, tels que des conflits armés.
C’est sans doute après de terribles bouleversements qui
toucheront aussi bien les hommes que les choses, que
naîtra à n’en point douter l’aube d’un nouveau jour. Les
systèmes politiques et économiques seront complètement
bouleversés et réinventés. Une nouvelle Église naîtra et
aussi une nouvelle conscience religieuse.
Cette catharsis se traduira-t-elle par cette libération dont
a parlé Jean-Paul II dans son encyclique Aima Redemp-
toris Mater ?
Le Pape voit en effet dans le Magnificat, ce cantique de la
Vierge rendant visite à Élizabeth, un chant de libération
vis-à-vis de toutes les servitudes de l’homme, de recon-
naissance de toutes les valeurs et de tous les droits de ce
dernier dont font partie, entre autres, les valeurs et les
droits religieux. Et en effet, une Vierge que les vision-
naires nous décrivent comme « soulevée de terre de
quelques centimètres seulement », « à l’intérieur d’un petit
nuage » et « en trois dimensions », « très humaine, proche,
concrète », nous recommande telle une amie, une sœur,
non seulement de lire la Bible, de réciter le Rosaire ou de
faire pénitence, mais aussi de cultiver cette foi particu-
lière qu’est l'abandon à la plus profonde spontanéité du
cœur. Au fond, nous dit la Sainte Vierge, toutes les
croyances valent celle du chrétien, que ce soit celle du
juif, du musulman ou des autres. Cette foi est, en subs-
tance, amour pour le visible et l'invisible, pour le sem-
blable et l'autre, moins facile à approcher. La bohé-
mienne, surtout celle d’un certain âge, est accueillie dans
toutes les maisons de Medjugorje comme si elle était de
la famille : il y a toujours pour elle une chaise, une as-
siette et quelque chose à manger.
La Vierge a dit à l’un des visionnaires contemporains : «
Ce que vous vivez en ce moment, personne ne l’a jamais
vécu auparavant. » Ceci est d’autant plus vrai que depuis
1978, année de l’élection du pape marial par excellence,
on a, comme par hasard, constaté une véritable explosion
des apparitions dans le monde entier.
Victime d’un attentat le 13 mai 1981, date anniversaire
de l’apparition de Fatima, le Pape Wojtyla semble en effet
doté d’un charisme particulier, propre à susciter les phé-
nomènes surnaturels et à en favoriser la perception. Le
pontife polonais invite l’homme à échapper à sa destinée
uniquement terrestre, et à ouvrir sa foi à un nouvel opti-
misme. Le parallèle est par ailleurs assez étrange entre
les voyages de ce pape et les pérégrinations de la Vierge.
Notre époque bénéficie de ces deux présences qui cha-
cune apporte un nouveau message. Le pape s’est, rappe-
lons-le, rendu par deux fois en Pologne mais jamais
jusqu’ici en Yougoslavie, un pays proche et plus « tempéré
» du point de vue de son climat politique, et encore moins,
naturellement, dans la sévère République d’Union Sovié-
tique. Or, tant en Yougoslavie qu’en U.R.S.S., la Vierge
semble d’une certaine manière réparer cette lacune.
Aux dernières nouvelles, de nombreuses apparitions se
produisent en effet au cœur même de la « planète rouge ».
À huit heures du matin, le 26 avril 1987, date anniver-
saire de la tragédie de Tchernobyl, Marina Kizyn, une fil-
lette de douze ans, qui s’en va à l’école du village de
Grouschevo, en Ukraine subcarpatique, embrasse sa
mère et quitte la maison familiale. Un jardin l’entoure
d’où l’on aperçoit une petite église de style catholico-by-
zantin, désaffectée depuis de nombreuses années désor-
mais, après avoir été rayée des registres de l'administra-
tion soviétique.
Marina ajuste sur sa tête le châle que portent les pay-
sannes ukrainiennes tandis que l’air vif pique ses joues
roses. Elle lève alors, automatiquement, les yeux vers le
ciel. C’est à ce moment qu’elle aperçoit autour de la cou-
pole de l’église une grande lueur. Une lueur qui n'est pas
le reflet de la lumière ou de la pluie sur les tuiles an-
ciennes de la chapelle, mais qui est plutôt une lumines-
cence insolite, en forme de nuage. En regardant plus at-
tentivement à l’intérieur de ce nuage qui flotte au-dessus
de la coupole, Marina Kizyn distingue une silhouette fé-
minine enveloppée dans un manteau noir et portant un
enfant dans ses bras. Tout ébahie, la fillette rentre chez
elle hors d’haleine et s’écrie : « Maman, il y a une dame
sur la coupole de la chapelle ». Pensant à une fantaisie de
la part de sa fille, la mère répond qu'elle ferait mieux de
se dépêcher si elle ne veut pas arriver en retard à l’école.
Mais la fillette insiste et supplie sa mère de sortir un mo-
ment dans le jardin. Mme Kizyn se laisse convaincre ; elle
sort et regarde dans la direction que lui indique la fillette.
Quelle n’est pas sa stupéfaction de voir une silhouette fé-
minine toute de noir vêtue qui tourne son regard vers
elles. « Agenouille-toi et prie », murmure la mère à sa fille.
« C’est Elle ! »
C’est ainsi qu'ont débuté, et que se poursuivent au-
jourd’hui les apparitions de Grouschevo, petit village du
district de Drogobyc en Ukraine subcarpatique. Précisons
qu’après cette première apparition, la Vierge n’est pas
seulement réapparue à Grouschevo mais aussi à Temo-
pol, à Ozernoje, à Berezany et à Kamenka-Bugskaja, «
derrière les vitraux de la cathédrale, sur le toit d’une
église, sur le mur d’un hôpital, d'un magasin et d'une
école ».
C’est surtout la nouvelle de l'apparition de Grouschevo
qui s’est répandue comme une traînée de poudre. Des
milliers de pèlerins ont afflué vers ce petit coin d’Ukraine,
arrivant en autocar, par le train, en automobile et même
à pied, de Moscou, de Sibérie comme d’Afghanistan. Mal-
gré la présence de la milice et du KGB, on a pu recenser
jusqu’à cinquante mille personnes par jour. Le phéno-
mène a pris une telle ampleur que l’organe officiel du syn-
dicat des écrivains, la « Literatoumaïa Gazeta », a même
dépêché sur place un de ses envoyés qui a rédigé un ar-
ticle intitulé : « Miracle » à Grouschevo. On peut y lire no-
tamment qu’à la simple vue des plaques minéralogiques
il est possible d’apprendre, dans ce petit village d’Ukraine,
« la géographie de tous les États d’U.R.S.S. »
Le chef de file des catholiques ukrainiens, Josyp Terelya,
qui, après avoir passé en tout dix-huit ans de sa vie dans
les camps et les hôpitaux psychiatriques d’Union sovié-
tique, a récemment été expulsé de son pays, nous a ra-
conté, à l’occasion d'un entretien exclusif, ce qu’il avait
personnellement vécu et vu à Grouschevo :
« Lorsque la nouvelle des apparitions se répandit, j'étais
intimement convaincu que les gens ne mentaient pas
quand ils disaient qu'ils voyaient la Mère de Dieu ; mais
je sentais en même temps que je devais en discuter avec
mon directeur de conscience, un abbé de l'ordre basilien.
Après une nuit d'insomnie, je me rendis donc près de lui
et, après avoir pesé le pour et le contre, nous en arrivâmes
à la conclusion qu’il nous fallait aller sur place pour cons-
tater les faits de visu. Ma présence à Grouschevo pouvait
tout aussi bien cependant être interprétée comme une vo-
lonté de notre Église de tirer parti de cet événement. En
outre, après ma libération, survenue en février, j'étais
sous la surveillance constante du KGB auquel rien
n'échappait à Grouschevo et qui faisait prendre des cli-
chés avant de rédiger des rapports. Des ouvriers furent
licenciés après que leur présence sur les lieux ait été
prouvée. La milice avait même fait dresser des barrages
et creuser des tranchées sur les routes permettant l'accès
au village, élargissant ainsi le périmètre de la zone inter-
dite aux visiteurs. En dépit de tout cela, je sentais que je
devais me rendre sur place. Quant aux hommes du KGB,
j’étais certain qu’ils ne pouvaient m’arrêter au lendemain
de ma libération intervenue sur décret du Praesidium du
Soviet Suprême. Je me mis donc en route, accompagné
de dix jeunes gens qui venaient de terminer leur service
militaire. Nous louâmes une voiture et arrivâmes au vil-
lage le 9 mai. Sur la route qui menait à la colline où se
dresse la chapelle, nous trouvâmes la milice qui bloquait
l’accès. Nous fûmes donc contraints de nous arrêter à
800-900 mètres du barrage, sur une route déjà encom-
brée de toutes sortes de moyens de transport. Alors
qu’avec mes compagnons je regardais stupéfait cette ma-
rée de véhicules, j'entendais que d’autres continuaient à
s’agglutiner derrière nous. Quelques dizaines de voitures
venaient d’arriver de Géorgie. Ayant été bloqués par la po-
lice, les Géorgiens protestaient véhémentement. Au dé-
but, je ne sus comment apporter une aide à ces gens mais
ensuite, je ne saurais expliquer comment, je me surpris à
dire au conducteur de la voiture de tête de se mettre sur
le côté gauche de la route et de faire un signe de croix sur
la milice. Lorsque nous arrivâmes à notre tour au bar-
rage, je vis à côté du sous-lieutenant lituanien qui nous
avait donné l'ordre de nous arrêter mes vieux amis du
KGB, que je saluai. J'eus la présence d'esprit de leur de-
mander qui avait donné l'ordre d'empêcher les gens de se
rendre sur le lieu des apparitions, ajoutant que cet ordre
était une provocation antisoviétique. Ceux du KGB s’éloi-
gnèrent, tandis que ceux de la milice parurent déconcer-
tés. Ils m'avaient sans doute pris pour un officier supé-
rieur. Toujours est-il que nous franchîmes le barrage. Il
m'est impossible de décrire ce que je vis une fois arrivé
sur les lieux. À l'extérieur de l'église fermée à clé par les
autorités, désireuses d'en faire un musée du pain, la foule
jetait des pièces de monnaie par une fenêtre située sur la
façade. J'étais à la fois ému et gêné de la simplicité de ces
gens. Je gardais la tête baissée mais quelqu’un me recon-
nut néanmoins à cet instant, s'étonnant de me voir là
étant donné que j'avais été condamné la dernière fois à
une peine de douze ans de prison. Je levai alors les bras
pour faire taire la foule et m’adressai à elle en ces termes :
« Mes frères, mes sœurs, que la paix soit avec vous, loué
soit Jésus Christ. » Parmi la foule se trouvaient bien évi-
demment les agents du KGB qui ne me quittaient pas des
yeux, ayant la ferme intention de ne pas me perdre de
vue. « Braves gens, que faites-vous là ? » continuai-je. « La
Mère de Dieu n’a pas besoin de votre argent. Il vous faut
vous débarrasser non pas de votre argent mais de vos
propres péchés. La Mère de Dieu a besoin de prières et de
pénitence. Mes frères, mes sœurs, nous réciterons un
chapelet pour ceux qui souffrent en prison et dans les
camps de concentration de Sibérie et de Moldavie. Prions
donc pour notre Ukraine à la fois vivante et moribonde. »
Tous se mirent immédiatement à prier. Quelqu’un eut
même le courage de se mettre à genoux et tout le monde
s’agenouilla, même les agents du KGB qui se cachaient
dans la foule. Deux officiers s’approchèrent cependant de
moi et m’invitèrent à les suivre. Je m’adressai alors de
nouveau à la foule, déclarant : « Qui sont ces deux offi-
ciers ? » Le KGB craignit à l’évidence une réaction car les
deux hommes s'éloignèrent. Je fus alors libre de parler à
l'assistance, ce que je fis pendant quatre heures d'affilée.
Tout le monde resta sur place à m’écouter pendant tout
le temps que dura mon intervention. Nous entonnions de
temps en temps quelques prières. Je regardais également
vers la coupole de la chapelle, mais je ne voyais rien. Je
pensais n'être pas digne de voir la Mère de Dieu. J'avais
le cœur lourd et enviais ceux qui avaient la grâce de La
voir. Le soir arriva et j’allumai un cierge. Je commençai à
prier. Mais en même temps je pleurais, pleurais tant que
je n’arrivais pas à me concentrer sur la prière, quand tout
à coup je me sentis soudain envahi par une grande tran-
quillité et je compris que celle-ci était le fruit de la prière.
Le chapelet ayant ainsi été égrené, je levai la tête et regar-
dai vers la coupole de l’église. « Oh mon Dieu, je La vois !
», m'écriai-je. Une lumière brillante, vive, se dégageait en
effet de la coupole et éclairait le ciel dans toutes les direc-
tions. Je sentis à ce moment une grande force en moi. Je
voyais une femme qui me regardait dans les yeux et
m’emplissait de courage. Je pensai : « Qu’Elle est belle ! »
Elle avait un visage surnaturel, mais en même temps hu-
main, proche. Je me sentais plein de courage, de force. Je
savais désormais ce que je devais faire, je savais où je de-
vais aller. Pendant les dix jours que dura mon séjour à
Grouschevo, la Vierge m’apparut sans cesse et je me ren-
dis dans les villages alentour pour répandre la nouvelle.
La Vierge pleurait et demandait la pénitence en échange
de la rémission de nos péchés. La milice ne relâchait pas
son attention mais je réussissais toujours à lui échapper
grâce à la traditionnelle hospitalité de nos maisons catho-
liques. »
Au cours de notre enquête, nous avons également décou-
vert qu’un petit livre intitulé « Mémoires de pèlerinage à
Grouschevo » et publié en 1913 avec l’imprimatur de
l’évêque Mgr Konstantyn Tchekhovitc, cite ce petit village
comme l’un des plus grands sanctuaires de la Galicie.
Mais il existe une histoire encore plus ancienne sur la pe-
tite église. Elle a été écrite au siècle dernier par Johan
Korostenski, curé doyen de Grouschevo, qui a reconstitué
les faits en se fondant sur les témoignages de ses vieux
paroissiens, dépositaires de la tradition orale. Au XVIe
siècle, du temps de la guerre des Cosaques qui opposait
Bohdan Chmelnizcki au roi de Pologne, la Vierge était ap-
parue à l’endroit où se dresse actuellement la chapelle.
En souvenir de cet événement surnaturel, les gens
avaient planté un saule. À la fin du XVIIIe siècle, et au
début du XIXe, une source limpide coulait en dessous du
saule et les gens venaient même des villages voisins pour
recueillir une eau qui était non seulement propre à la con-
sommation mais aussi miraculeuse puisqu’elle guérissait
les malades. En 1806, les gens accrochèrent par dévotion
sur le tronc de cet arbre un tableau représentant la Vierge
réalisé par l’iconographe Stefan Chiapovski. Les fidèles
venaient souvent se recueillir à cet endroit pour prier et
célébrer la liturgie en l'honneur de la Mère de Dieu en
allumant de longs cierges. Mais ceci dérangeait l’occupant
polonais qui chargea un célèbre brigand, Justen Kina,
d’aller saccager les lieux et de rendre la source inutili-
sable. C'était en 1840. En 1855, une épidémie de choléra
s’abattit sur Grouschevo et les villages voisins. Et alors
que les gens mouraient, une femme de Grouschevo eut
un rêve dans lequel la Vierge lui apparut et lui dit : « Ma
fille, la mort est à l’affût, mais je veux te donner la vie.
Purifie la source et fait de nouveau célébrer la liturgie en
ce lieu. L’épidémie cessera. » Lorsque les gens du village
l’apprirent, ils s’armèrent de leurs propres outils et se
rendirent près de la source qui redevint pure. C’était en
1856. Une chapelle fut ensuite érigée et consacrée par le
curé du village de Klistevic et par cinq prêtres. On lui
donna le nom de Très Sainte Trinité, en raison des trois
bougies allumées qui étaient apparues au-dessus de la
source. Au cours des vingt-deux années qui suivirent,
l’église fut agrandie. Enfin, dans la nuit du 12 mai 1914,
les lieux furent éclairés par une grande lumière au milieu
de laquelle apparut la Vierge. Cette apparition se prolon-
gea pendant toute une journée. C’est alors que beaucoup
entendirent la voix de la Vierge annoncer la venue de
temps douloureux pour le pays et pour le monde. Huit
décennies allaient connaître les souffrances et les persé-
cutions, avait dit la Vierge, car trois guerres s’annon-
çaient après lesquelles la chrétienté devait cependant
triompher.
La dernière apparition, la troisième, de la Vierge à
Grouschevo, semble donc être le signe que les temps an-
noncés par la prophétie du début de ce siècle dans ce petit
village du fin fond de l’Ukraine sont proches. Mais tous
ces événements renferment en eux un germe d’espoir.
Dans les épreuves qui nous attendent, la succession des
événements ne sera pas exclusivement d’ordre « humain
». Un élément émerge au cœur même des conflits hu-
mains : une inconnue plane en effet sur ceux-ci, un Plan
caché qui échappe presque toujours à la vue et à la ré-
flexion ordinaire. Selon les visionnaires, même lors d’une
explosion atomique, celui qui serait en contact avec le
surnaturel pourrait survivre, de manière différente il est
vrai et humainement inexplicable.
Il y a là naturellement un paradoxe. Mais le sens de ces
mots est qu’il faut désormais se laisser façonner par le
surnaturel. Les visionnaires de toutes les époques et de
tous les pays sont transformés par l’Apparition. Ils s’affi-
nent et, quand ils n’étaient pas beaux, le deviennent. Tout
en eux prend un caractère de perfection. Et leur voix, je
l’ai entendue, est suave et mystérieuse, monocorde
comme une musique un peu mélancolique, cachant et ré-
vélant en même temps son secret.
Crédits photographiques : Tous les documents appartiennent
à la photothèque

Edition du Félin et à A. M. Turi.


ACHEVÉ D’IMPRIMER

SUR LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE

TARDY QUERCY (S.A.)

46001 CAHORS

N° d’impression : 80038A — Dépôt légal : avril 1988

Imprimé en France
Anna-Maria Turi

POURQUOI LA VIERGE APPARAÎT AUJOURD’HUI ?

Pourquoi les apparitions de la Vierge se multiplient-elles aujourd’hui : Damas,


Medjugorge, Tchernobyl en 1988, sans compter ses innombrables manifestations
en Italie. Miracles, guérisons, phénomènes solaires et de toutes sortes se succèdent
presque à chacune de ses apparitions. Et chaque fois aussi, la Vierge s’adresse à
nous à travers ses voyants pour nous avertir de bouleversements imminents.

La Mère retient le bras du Fils. Notre civilisation matérialiste est un blasphème


contre l’esprit divin. Dans ce livre, la Vierge révèle les signes prémonitoires d’un
grand cataclysme. Elle nous avertit. À nous de la croire et d’ouvrir nos cœurs.

L’écrivain et journaliste italienne, Anna Maria Turi, nous fait vivre en direct ces ap-
paritions. Elle s’est rendue sur les lieux, a rencontré les voyants, les autorités reli-
gieuses, et aussi les personnalités scientifiques venues, comme à Medjugorje, ana-
lyser les phénomènes de voyance avec tout l’appareillage de la science. Et les ob-
servations les plus rigoureuses ne peuvent déceler aucune supercherie.

Croyants et incroyants se déplacent par millions aux lieux des apparitions. Et la


Vierge répond le plus souvent à leur attente. Elle offre à tous, les signes évidents
de sa présence. Le monde va changer, c’est certain. Et ce livre, ce document ex-
traordinaire, révèle pourquoi. Un monde spirituel nouveau se prépare, et aussi l’ap-
parition d’une nouvelle Église. Sceptiques ou animés de foi, nous sommes tous con-
cernés. Il n’est plus temps d’attendre, la Vierge nous parle. À nous de l’écouter.

Prix T.T.C. : 155 F

782866

450311

Maquette de couverture : David Lee Fong

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