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Loi no 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par
la loi no 2011-525 du 17 mai 2011
ISBN 978-2-09-257925-1
UN TAUREAU
BIEN TROP JOLI
OÙ EST EUROPE ?
LES PAROLES
D’APOLLON
QUELLE DRÔLE
DE GUIDE !
UNE MYSTÉRIEUSE
CAVERNE
Le temps s’écoule.
Beaucoup de temps.
Les hommes que Cadmos a envoyés à la source ne reviennent
pas. Le jeune berger a emmené son troupeau plus loin, mais
Cadmos se souvient bien de ses paroles : « La source est toute
proche, et vous la trouverez facilement… »
Ses compagnons devraient déjà être de retour ! Que font-ils
donc ?
Au bout d’un moment, il décide d’aller voir. Il descend la
colline, suit le vallon, s’engage dans la forêt. Bientôt, il aperçoit
l’entrée de la caverne, en partie dissimulée par les branches des
arbres, et il entend le murmure de la source qui s’écoule dans le
bassin de pierre au bord d’une clairière couverte d’herbe tendre.
Et sur l’herbe…
Cadmos se fige, tétanisé. Ses compagnons sont là, couchés
sur le sol. Leurs armes sont éparpillées autour d’eux,
abandonnées, inutiles. Instinctivement, Cadmos cherche du regard
un éventuel ennemi. Mais le lieu est désert et paisible. Que s’est-il
donc passé ?
Il s’approche à pas prudents et se penche sur l’un d’eux. Ses
vêtements sont déchirés et son corps est couvert de terribles
morsures. Il a dû se battre vaillamment, car sa main est toujours
serrée sur la poignée de son épée. Mais il n’a pas survécu.
Le voici à présent auprès du deuxième. Il est allongé sur le
ventre et son dos porte de drôles de traces… Comme si son cou
avait été serré par quelque chose de très fort, au point de le faire
étouffer ! Il est mort, lui aussi.
Le troisième repose sur le flanc et son corps présente des
taches brunâtres qui dégagent une odeur épouvantable. Cadmos
s’écarte. Il ne peut s’agir que d’un poison violent…
Le quatrième… Le quatrième est mort, comme les autres.
Cadmos fait ainsi le tour de la clairière. Du groupe d’hommes
qu’il a envoyés pour rapporter de l’eau sacrée, aucun n’a survécu !
Et tous portent des marques terribles et inexplicables. Il examine
les lieux. Tout paraît si paisible. La source chante inlassablement ;
les feuilles des arbres frissonnent sous la brise légère ; les rayons
du soleil se posent sur l’herbe ; les oiseaux gazouillent…
Il s’arrête soudain, tous ses sens en éveil.
Non. Les oiseaux ne gazouillent pas. Ils se sont tus depuis
quelques instants, Cadmos vient de le réaliser.
Il s’aperçoit alors qu’une légère vibration anime le sol. Ce n’est
d’abord qu’un fourmillement sous ses pieds, puis le fourmillement
gagne ses chevilles, ses jambes, ses genoux. Maintenant, ce sont
les arbres qui tremblent…
Et soudain !
Soudain, une affreuse créature jaillit de la caverne. Sa tête est
coiffée d’une crête dorée ; le feu brille dans ses yeux qui dardent
sur Cadmos un regard méchant ; une langue fourchue sort de sa
gueule largement ouverte et au bord de laquelle s’alignent trois
rangées de dents tranchantes et aiguisées. Derrière cette tête, le
corps d’un serpent se déroule. Un serpent monstrueux avec des
anneaux écailleux qui se courbent en arcs gigantesques. La bête
est si énorme qu’elle domine la clairière, cache le ciel, éteint la
lumière du soleil.
Bien campé sur ses deux jambes, Cadmos n’a pas peur. Il est
porté par la rage. Voilà donc celui qui a tué ses fidèles
compagnons ! Ces hommes qui l’ont suivi depuis la lointaine
Sidon ! Eh bien, lui ne se laissera pas faire. Il brandit sa lance de
fer qui miroite dans la lumière, serre les doigts de son autre main
sur son javelot et se fige, comme si ses pieds étaient enracinés
dans le sol.
Le serpent se jette sur lui à la vitesse de l’éclair. Mais il est prêt.
Au moment même où le monstre a esquissé son geste, il a lancé
son javelot qui s’enfonce dans son ventre. Fou de douleur, le
monstre tourne la tête, saisit l’arme de Cadmos avec ses dents, tire
de toutes ses forces, l’arrache enfin de son corps… mais le fer du
javelot y reste planté et le fait cruellement souffrir.
Il se redresse cependant tandis qu’une écume blanchâtre
dégouline de sa gueule. Sa queue couverte d’écailles frappe le sol
avec violence, son haleine empoisonne l’air, il se love sur lui-
même, formant un cercle immense, puis déroule ses anneaux et se
redresse droit vers le ciel. Il jette son poitrail contre les arbres qui
s’écroulent sous le choc. La terre tremble et la peur envahit alors
Cadmos.
Il songe au chemin qu’il a parcouru pour arriver jusqu’ici.
Il songe à sa sœur Europe pour qui il a quitté la cité où il est
né.
Il songe à sa mère qui l’a suivi aussi loin qu’elle a pu.
Il songe à son père qu’il ne reverra jamais.
Il songe à ses frères qui errent de par le monde et combattent
peut-être, eux aussi, des monstres jaillis du ventre de la terre.
Il songe à cette cité qu’il doit fonder.
Et la peur s’efface. Il ne se laissera pas arrêter par un serpent,
si monstrueux soit-il. Il va combattre, et il vaincra.
Il recule pas à pas, sans quitter la bête des yeux. La lance
pointée en avant, il le tient en respect. Le serpent y plante ses
dents, sans parvenir à l’arracher des mains de son adversaire, et
c’est du sang qui coule à présent de sa gueule. Alors Cadmos
pèse de toutes ses forces sur son arme et l’enfonce au plus
profond de la gorge du monstre qui recule et recule encore. Un
arbre l’arrête. Son corps est collé contre le tronc et Cadmos
parvient enfin à transpercer le cou de la bête. La créature s’écroule
sur le sol, vaincue, morte.
Cadmos reste figé quelques instants, glacé de terreur, les
membres raidis, la tête bourdonnante, le corps meurtri par le
prodigieux exploit qu’il vient d’accomplir. Petit à petit, il reprend
conscience du monde qui l’entoure. La source murmure à nouveau
à ses oreilles, les feuilles des arbres frissonnent sous la brise, les
oiseaux gazouillent…
Oui ! Les oiseaux gazouillent !
CHAPITRE 6
UN CADEAU
BIZARRE
UNE VILLE
À BÂTIR
Où se trouve Sidon ?
Dans l’actuel Liban.
Voici très longtemps, cette terre, située sur la côte orientale
de la mer Méditerranée, s’appelait la Phénicie. Les
Phéniciens étaient des marins audacieux et de grands
commerçants. Ils naviguaient dans tout le monde
méditerranéen pour exporter leurs produits, comme le bois
de cèdre. Vers 1000 avant J.-C., ils inventèrent un alphabet
que les Grecs adoptèrent en lui apportant quelques
modifications. C’est de là que vient l’alphabet que nous
utilisons aujourd’hui.