souterraines de Respigui, j'ai souvent caressé le projet de les redécouvrir sur ton divan écarlate installé dans le temps compté mais inépuisable de la musique, contre celui de l'horloge qui dit une année exactement. Alors on se souvient que dans le double fond des valises parfois dorment les témoins des scènes qui ne se sont pas jouées et dont l'histoire des voyageurs ne sait plus que faire désormais. Cependant, au nom de celles si pleinement vécues que leur joie persiste à ne vouloir rien céder aux désillusions, le paradoxe de cette journée particulière choisie sforzando pour conjurer le silence affligeant, les pauses désolantes, les demi-soupirs assassins, le tacet frustrant, n'est pas pour me déplaire ! Si tu m'autorises à filer la métaphore orchestrale, j'avoue être rompu au patient comptage des mesures, l'attente avant l'appel cuivré ! L'age venant, le goût de la métrique juste et implacable l'emporte sur le rubato romantique...Vive l'allant du 2/4, puisque notre République est en marche! Voyager dans ce poème symphonique , c'est aussi naïvement conjurer cet antique rendez- vous manqué dans l' Urbe , notre promenade imaginaire et cantabile au chant des oiseaux Borghesiens, notre descente parodique aux Catacombes, nos propres fantômes Janiculaires un soir de pleine lune sur la colline! Enfin vivre sans peur pour voir un matin de promesses Phoebus triompher sur la Via Appia. Dans un registre plus militaire, je peux te confier non sans une pointe d'ironie salutaire que si j'ai conquis quelques galons officiels au sein de la légion loin de Rome, j'ai semble t-il laissé ma jeunesse sur les champs de batailles, et suis devenu soldat valétudinaire depuis quelques mois, les carabins me préconisent un climat plus clément pour la décade à venir.
Je ne sais dans quelle humeur cette lecture te saisira, ni
même si lecture sera faite, et pourtant quel plaisir j'éprouve à t'imaginer par exemple propriétaire de cette jolie petite maison au pied du giardino delle rose.Très aimée, c'est une certitude. Je n'ai le regret du moindre signe de vie que je t'ai donné depuis ta main lâchée sur le tarmac. Ce matin j'ai cinquante ans, j'aurais aimé t'attendre une heure encore aux Gubbie Rosse. Ne te méprends pas sur ces lignes, elles te signifient simplement le deuil impossible pour moi de nos affinités électives et en dépit de mes fantasmes , Highlander et Orlando réunis , la légère inquiétude existentielle qui s'empare de mes pensées lorsque le temps n'est pas Proustien. Elles te signifient l'impossible parfum de Never More auquel ton éclipse m'accoutume .Ce matin j'ai cinquante ans, pas de jeu dans mes cartes mais foi en l'imprévisible fortune, quelques magnifiques souvenirs, le souffle éprouvé, mais le coeur vaillant. Je t'embrasse. Une dernière fois.