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Cap-aux-Diamants
La revue d'histoire du Québec
URI: https://id.erudit.org/iderudit/6331ac
Publisher(s)
Les Éditions Cap-aux-Diamants inc.
ISSN
0829-7983 (print)
1923-0923 (digital)
Tous droits réservés © Les Éditions Cap-aux-Diamants inc., 1985 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
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E,
ivacuée de l'his-
toire par les élites et la bourgeoisie, la prosti-
dans leur quartier. Dans Saint-Jean Bap-
tiste, à l'extérieur des murs, ces maisons pro-
tution n'en demeure pas moins une industrie lifèrent.
florissante qui a un passé. Québec, ville por- En 1851, le surintendant de la police
tuaire, commerciale et aujourd'hui touristi- dénonce la présence, dans les quartiers
que, a été une ville fourmillante de maisons Saint-Jean et Saint-Louis, d'une quinzaine
de jeux, d'auberges et de bordels au XIX e de maisons de prostituées qui comptent plus
siècle. Jusqu'en 1871, Québec comptait une de 70 filles en hiver. En été s'ajoutent une
garnison militaire de plusieurs centaines cinquantaine de travailleuses qui vont ven-
d'hommes, consommateurs de divertisse- dre leurs charmes sur les Plaines et aux Cove
ments et clientèle assidue des maisons de Fields. Le surintendant de police croit en
prostitution. Le départ de cette garnison outre qu'il est impossible d'enrayer ces acti-
entraîne d'ailleurs, en 1871, des problèmes vités. D'après lui, mieux vaudrait tenter de
de recyclage des prostituées qui forcent la les régulariser. Par tous les moyens, il désire
municipalité à intervenir. garder ces maisons à l'extérieur de la ville.
En attendant que les historiens nous De plus, il demande aux autorités de légi-
racontent l'histoire de ces filles de rue, chair férer afin d'assurer une inspection médicale
à plaisir et il faut examiner les réactions des des prostituées et la levée d'une taxe sur ces
citoyens et des autorités municipales de établissements. Finalement, il croit qu'on
l'époque. Quant aux femmes, irlandaises et devrait forcer les tenancières à garder les fil-
canadiennes-françaises, qui exercèrent ce les malades au lieu de les renvoyer. Le surin-
métier, aucun témoignage ne subsistent de tendant McCord pense que ces mesures per-
leur vécu. Pour reconstituer cette histoire, il mettraient de réduire le nombre de maisons
faut scruter les discours puritains des politi- de débauche et de les garder sous son con-
ciens et les jugements moralisateurs du trôle.
clergé.
Dans la décennie 1860, face aux pressions
et aux plaintes de plus en plus nombreuses
1866:
au conseil municipal, la municipalité réagit.
UN PREMIER Le 23 février 1866, le conseil adopte un
RÈGLEMENT règlement concernant les maisons de prosti-
Pendant toute la première partie du XIX e tution, malfamées ou déréglées. Cette régle-
siècle, régulièrement, les journaux font état mentation met fin à plusieurs années de
des plaintes de citadins dénonçant la pré- laisser-faire et d'indifférence. Elle n'interdit
sence de maisons de jeux et de prostitution pas la prostitution mais tente de la contrôler.
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La présence militaire à Qué-
bec au X I X ' siècle entraîne
le développement d'activités
de prostitution dans le fau- Les maisons de prostitution ne seront pas égarées. Pendant 50 ans les Soeurs reçoivent
bourg Saint-Jean. J . P. tolérées près, ou dans les rues avoisinantes 4 000 femmes, en majorité des prostituées
Cockburn, 1830. Archives
Publiques du Canada.
d'une église ou d'une école. Elles devront repentantes. Ces chiffres indiquent l'impor-
être «garnies de jalousie en bois et fixes, afin tance du phénomène.
qu'on ne puisse voir de l'extérieur, l'inté-
rieur de la maison». Aucune sollicitation Près de la Citadelle et des barraques mili-
n'est permise à l'extérieur de la maison. taires, les citoyens du quartier Saint-Jean se
Tout contrevenant à ce règlement encourt plaignent de plus en plus de la présence des
une amende de cent dollars ou six mois de maisons de prostitution. En 1870 un comité
travaux forcés et d'emprisonnement. de surveillance des quartiers Saint-Jean et
Saint-Louis se forme pour faire pression sur
L'ARRESTATION la ville.
DES FILLES DE JOIE Même les militaires de sa majesté se sen-
Ce règlement semble complètement inef- tent parfois gênés de la présence des prosti-
ficace. Les autorités policières de l'époque tuées. Elles les dérangent durant la «drill».
ne se montrent pas particulièrement vigilan- Ainsi en juin 1855 le commandant du 6 e
tes pour fermer ces maisons. Elles décident régiment de la Citadelle se plaint au maire de
de s'attaquer aux filles sur le trottoir. À cha- l'époque que, durant les exercices militaires,
que année une quarantaine de filles sont des femmes s'approchent du régiment en
arrêtées. Depuis 1850 les Soeurs du Bon Pas- exposant leur personne d'une manière indé-
teur accueillent les filles repenties et les âmes cente et dégoûtante.