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2,70 € Première édition. No 13201 Vendredi 8 Décembre 2023 www.liberation.

fr

Numéro
spécial
Le libé
des
animaux
n A l’école, à l’hôpital, dans l’armée…
quand l’animal vient en aide
à l’homme n A la recherche des
­derniers bisons sauvages d’Europe
n En Bretagne, tout fout le camp
pour les fous de Bassan n Chauve-
souris : secrets d’une mal-aimée
n Kiara et Philibert, inséparables
panthères n Et toute l’actualité
des humains en cahier central.
28 pages d’enquêtes
et de reportages dans la vie animale

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Algérie 1,80 €, Allemagne 3,20 €, Andorre 3,20 €, Belgique 2,70 €, Canada 5,30 $, DOM 3,20 €, Espagne 3,20 €, Etats-Unis 5,20 $, Grande-Bretagne 2,90 £, Grèce 3,20 €,
Italie 3,20 €, Liban 7800 LBP, Luxembourg 2,70 €, Maroc 29 Dh, Pays-Bas 3,20 €, Portugal (continental) 3,60 €, Suisse 3,60 FS, Suisse alémanique 3,60 FS, Tunisie 8,70 DT, Zone CFA 2600 CFA.
2 u
Le libé des animaux événement Libération Vendredi 8 Décembre 2023

Des tribunaux
éditorial
Par
Matthieu
Ecoiffier

aux hôpitaux,
Un peu
de douceur
«Qu’il est doux !» se réjouit

les animaux nous


Bernadette, 94 ans, en cares-
sant l’encolure de Vaga-
bond, un âne beige aux yeux
calmes. De la douceur, des
caresses, de la tendresse. En
cette fin d’année marquée
par deux guerres sans fin,
cette sixième édition du Libé
des animaux, quotidien en-

font du lien
tièrement consacré, une fois
par an et rubrique par rubri-
que, à l’actualité de nos par-
tenaires sur cette planète, se
concentre sur l’essor des
animaux médiateurs :
chiens d’assistance judi-
ciaire, militaire ou scolaire,
chevaux auxiliaires de vie
dans les Ehpad, lapins am-
bianceurs dans les prisons…
Nous sommes ainsi partis à Des chiens à l’école ou dans les palais de justice,
la rencontre de Suzy, une
golden retriever dont la sim-
des lapins dans les prisons… Ces dernières années,
ple présence rend les maths les recours à la médiation animale se multiplient
attractives au collège, ou de
Darky, un chien qui apaise et s’institutionnalisent en France, signe d’une évolution
les troubles post-traumati-
ques d’un aide-soignant de
de notre rapport aux bêtes.
retour d’Afghanistan.
Au-delà du constat, empiri-
que et fort ancien, des bien-
faits prodigués par la pré- Par zaine de chiens seulement sont opéra- hygiéniste à l’animal, teinté de la
sence à nos côtés des Virginie Ballet tionnels, des golden retrievers, une crainte de le voir transmettre virus et
animaux domestiques, leurs «race identifiée comme docile, rassu- autres parasites.»

C
effets bénéfiques sur notre e sont des convives aussi velus rante, capable de bien se tenir et de
santé commencent à être qu’inattendus. A la maison rassurer les victimes, pour leur per- «Freud avait Un chien
documentés. Il suffit parfois d’arrêt de Fleury-Mérogis (Es- mettre de mettre des mots sur un vécu dans son bureau»
de les regarder pour retrou- sonne), depuis six ans, un épagneul difficile». Si l’objectif est encore loin Une étude menée en 2021 par la fon-
ver un semblant de sérénité. breton et un berger australien comp- d’être atteint, c’est qu’il faut deux ans dation privée et indépendante Adri-
A preuve, le succès phéno- tent parmi les visiteurs réguliers, pour pour former les canidés, une tâche enne et Pierre Sommer, qui vise à dé-
ménal sur les réseaux so- des ateliers hebdomadaires. Au sein qui incombe à l’association Han- velopper et financer la pratique en
ciaux de vidéos montrant de la prison de Melun, deux cochons di’chiens. Créée en 1989 pour édu- France, permet de mesurer cet essor.
des chats câlinant des d’Inde et un lapin ont intégré il y a quer et remettre des chiens à des per- Sur la base d’un questionnaire
chiens et vice-versa. L’émer- trois ans une animalerie, gérée par les sonnes en situation de handicap, la adressé à des établissements de tous
gence de la figure des ani- détenus. En Bourgogne, l’association structure a vu petit à petit «le spectre types, cette enquête a reçu 1 000 ré-
maux médiateurs dans la les Chouettes du cœur fait entrer fau- de ses missions s’élargir», à en croire ponses, ce qui est déjà une «informa-
cité peut aussi être vue cons, hiboux et autres buses dans des son cofondateur, Jean-Luc Vuilleme- tion capitale», pour la fondation, qui
comme le symptôme d’une Ehpad… Des hôpitaux au milieu car- not : si entre 120 et 140 animaux sont y voit un indicateur que la pratique
difficulté voire d’une inca- céral, en passant par l’école formés chaque année, avec un coût «s’est imposée dans le monde médical
pacité croissante à créer du (lire page 4) ou l’armée (page 6), les de 18 000 euros par tête, ce sont pas et médico-social». Bilan ? 84 % de ces
lien entre humains. Un révé- recours à la médiation animale se moins de 450 demandes qui parvien- structures déclaraient avoir recours
lateur de nos solitudes ur- multiplient en France ces dernières nent aujourd’hui à Handi’chiens. aux animaux. Et ce de manière ré-
baines. Voire un palliatif au années. Dernier exemple en date : le Jean-Luc Vuillemenot y voit le signe cente, puisque 70 % des répondants
manque d’éducateurs, d’in- ministère de la Justice, qui s’est en- de la fin d’un scepticisme très fran- s’y étaient convertis ces trois derniè-
firmiers, de psychologues… gagé à doter chaque département çais: «La France est le pays de Pasteur. res années, faisant appel à des chiens
Si au contact des animaux d’un chien d’assistance judiciaire d’ici Nous avons longtemps nourri un lien dans la majorité des cas (51 %), ou à
nous retrouvons notre ani- à 2027. Des «doudous vivants» pour des chevaux (23 %). Cette donnée
malité, cette pratique anti­- «aider les enfants à verbaliser, à se n’étonne pas Christophe Blanchard,
spéciste devrait in fine nous sentir moins mal», s’était ­emballé le «La France est sociologue, maître de conférences en
inciter à plus de bien-
veillance entre humains.
garde des Sceaux, Eric Dupond-Mo-
retti, en annonçant l’extension de ce
le pays de Pasteur, sciences de l’éducation à l’université
Sorbonne-Paris-Nord : «Le chien fut
Pourtant, si les animaux dispositif en décembre 2022, lors d’un nous avons la première espèce domestiquée par Le véritable tournant date des an-
nous font du bien, nous
­continuons souvent à les
déplacement à Orléans, où exercent
déjà deux golden retrievers.
longtemps nourri Homo sapiens, il y a plus de vingt
mille ans.» S’il rappelle que «l’animal
nées 60, lorsque le pédopsychiatre
américain Boris M. Levinson publie
maltraiter. Comme le révèle Tandis que le premier chien d’assis- un lien hygiéniste aidant a existé de tout temps», Chris- un article qui fera date (1). Maître
notre enquête sur le sort ré-
servé aux veaux et aux che-
tance judiciaire, un labrador baptisé
Lol, a mis les pattes au tribunal de Ca-
à l’animal.» tophe Blanchard souligne que «les
initiatives hospitalières ou dans le do-
d’un chien baptisé Jingles, il voit dé-
barquer des parents accompagnés de
vreaux dans la production hors en 2019, une centaine de ses con- Jean-Luc Vuillemenot maine de la psychologie remontent au leur enfant autiste avec une heure
de lait. Un précipité de nos génères devraient l’imiter. A ce jour, cofondateur de l’association début du XXe siècle : Freud lui-même d’avance sur leur rendez-vous. Pas le
contradictions. • explique la chancellerie, une quin- Handi’chiens avait un chien dans son bureau». temps de confiner son chien : Levin-
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u 3

En Charente, des ânes


contre le vague à l’âme
Depuis 2012, une association «On a aussi des gens en burn-out qui vien-
organise des rencontres nent, c’est très réconfortant de les voir repar-
entre les petits équidés tir l’esprit plus léger», partage Catherine Fol-
let, infirmière de profession et médiatrice
et des résidents en Ehpad animale. C’est dans son esprit qu’a émergé
ou des personnes en burn-out. l’idée de Corps et Anes en 2012. «J’ai eu mon
Des interactions qui stimulent premier coup de cœur pour cet animal
et réconfortent les visiteurs. en 2009, lors d’une randonnée dans l’Isère.
L’année suivante, j’ai acheté ma première
ânesse, Anémone. J’ai mis six jours à la ra-

U
n jour d’automne à Coteaux-du- mener à pied jusque chez moi, ça a créé un
Blanzacais, petit village charentais. lien très fort entre nous», raconte la fonda-
Dans un décor de carte postale où trice, qui a depuis acquis de nombreux au-
les vallons tutoient le ciel à perte de vue, un tres compagnons pour conjuguer ses deux
troupeau d’ânes broutent frénétiquement passions, le soin et les animaux. Au-
une parcelle d’herbe fraîche. Tout à coup, jourd’hui, elle travaille avec cinq bénévoles
des voix se font entendre au loin, puis de qui se relaient pour les deux séances quoti-
plus en plus distinctement. Les grandes diennes. «On cherche encore des volontai-
oreilles se dressent aussi vite que les têtes res», glisse d’ailleurs la Charentaise, qui pré-
se relèvent, laissant appa- cise que les visiteurs s’acquittent
raître de larges yeux DEUX-
VIENNE
d’une adhésion à l’association et
SÈVRES
en amande, doux et bien- d’une participation aux frais.
veillants. L’air impatient, Dans l’enclos, les yeux de
Nuage, le plus jeune et CHARENTE- CHARENTE Claire Couturon filent à
plus fougueux, prend MARITIME toute allure sur les visiteu-
la tête de la petite bande. Angoulême HAUTE- ses pour s’assurer que cel-
Coteaux-du- VIENNE
Les voix se rapprochent. Blanzacais
les-ci ne font aucun mou-
Cinq résidentes de l’Ehpad vement brusque. Quelques
et de l’ESLD (1) de Barbe- DORDOGNE
minutes plus tôt, elles
zieux, accompagnées d’ai- ont eu un topo détaillé sur
des-soignantes et d’animatri- 10 km l’âne dans une yourte construite
ces, prennent place en arc de cercle à l’entrée des 6 hectares de terrain.
au milieu de l’enclos. Dans un ­silence pres- Pour mieux appréhender le moment. «Les
que religieux, Claire Couturon, ­médiatrice ânes sont très curieux et adorent être câli-
animale pour l’association Corps et Anes et nés, mais ils restent de gros animaux spon-
maîtresse de cérémonie d’un jour, vient à tanés. On leur apprend à ne pas prendre
leur rencontre. Le «bain d’ânes» peut main- peur quand ils entendent un cri par exem-
tenant commencer. ple. Vous savez ce qu’on dit : un cheval, ça
obéit, un âne, ça coopère !» prévient-elle.
«Elle ne parlait Près d’une barrière, justement, Claire Cou-
que de l’ânon !» turon s’aperçoit que Marie-Claude, atteinte
Avec leurs gabarits aussi variés que les cou- de la maladie d’Alzheimer, est un peu ef-
leurs de leur pelage, dix ânes se mêlent aux frayée par Apache, un âne pyrénéen. Pour
visiteuses pour recevoir des caresses. Vaga- la mettre en confiance, elle lui raconte son
bond, originaire de Provence, file droit sur histoire : Apache est un âne calme et tendre,
Michèle, 93 ans, et Bernadette, 94 ans, tou- marqué par des années de violences avec ses
tes les deux en fauteuil roulant. Un grand anciens maîtres. Marie-Claude se détend et
sourire se dessine sur les visages. Hésitantes esquisse un sourire. Elle ira même jusqu’à
mais curieuses, ­elles tendent la main pour brosser l’animal durant la deuxième partie
toucher son poil. «Qu’il est doux !» s’exclame de la ­séance qui se termine par une balade
Bernadette. Vagabond s’approche un peu avec obstacles.
plus et pose son museau sur l’épaule de Mi-
chèle qui ne bronche pas. «Je crois qu’il «Il a même commencé
m’aime bien», s’amuse-t-elle. «Quand j’étais à danser la valse»
jeune, les paysans ne les appréciaient pas Parmi les plus beaux souvenirs de l’associa-
beaucoup, rembobine Bernadette. Ils étaient tion, la venue d’un monsieur de 93 ans
régulièrement ­battus, les pauvres. Je préfère en 2015. Le teint cireux, vissé dans son fau-
les voir comme ça.» teuil roulant avec le regard vide, il ne parlait
Autrefois utilisé par les bergers pour porter pas, ne réagissait à rien. «A sa septième sé-
le matériel lors des transhumances, l’âne a ance, il a pris tout le monde de court : il s’est
aujourd’hui troqué son statut de mal-aimé levé, a chuchoté quelque chose à l’âne puis
contre celui d’animal doué d’une grande s’est mis à parler de sa jeunesse, de la guerre,
sensibilité, capable d’apaiser les âmes. de Bordeaux. Il a même commencé à danser
«C’est tout l’objectif des séances que nous or- la valse. C’était incroyable de le voir se trans-
ganisons ici à destination des personnes former. Plus tard, son fils nous a remerciés
âgées, mais aussi des scolaires ou des per- d’avoir donné un peu de bonheur à son père
sonnes porteuses d’un handicap. On essaie pour ses derniers jours», se rappelle Cathe-
de créer un lien entre les humains et les ani- rine Follet, encore émue. «On ne force jamais
maux pour améliorer leur bien-être, les sor- personne. Pour certains, le simple contact
Un âne et une son reçoit la famille avec Jingles à ses cette présence peut contribuer à tir de l’isolement, stimuler leur mémoire, avec la nature en présence d’animaux est suf-
pensionnaire pieds. Le canidé va vers l’enfant, qui établir un lien, voire un transfert, leur énergie. Pour qu’ils se reconnectent avec fisant, insiste Claire Couturon. Mais parfois,
d’Ehpad, à force de le câliner demande à ses entre l’enfant et le thérapeute. Ces la nature aussi», déroule Claire Couturon. quand on ne s’y attend pas, la ­magie opère.»
le 12 octobre parents quand il pourra revenir. Re- travaux précurseurs donneront Laurence, animatrice, se souvient notam- Eva Fonteneau
à Coteaux- nouvelant le procédé, Boris Levin- naissance à un domaine de recher- ment de cette dame âgée qui passait son Envoyée spéciale
du-Blanzacais. son observe des progrès chez son che dédié, baptisé «human animal temps à crier. «Ici, je l’ai vue parler douce- à Coteaux-du-Blazancais
jeune patient, donnant lieu à la interactions». «Levinson a théorisé ment pour la première fois. On lui a donné Photo Rodolphe Escher
«psychothérapie infantile assistée une pratique présente chez certains une photo de l’ânon. Les semaines suivantes,
par l’animal», fondée sur l’idée que de ses confrères de Suite page 4 elle ne parlait que de lui !» (1) Etablissement de soins de longue­durée.
4 u
Le libé des animaux événement Libération Vendredi 8 Décembre 2023

Suite de la page 2 manière anec- (infirmiers, psychothérapeute, etc.) en 1792 un centre où les patients se Condoret, un vétérinaire interve- force d’être au contact d’émotions
dotique sans qu’ils l’aient érigée en avant de pouvoir revendiquer le titre voient notamment confier le soin nant auprès de jeunes enfants at- négatives, Lol, le chien d’assistance
technique de soin», éclaire Jérôme de thérapeute avec les animaux. d’animaux «afin de retrouver dans teints de troubles du langage. Ces judiciaire, a fini par développer des
Michalon, sociologue, chargé de re- le plaisir la capacité à se concentrer dix dernières années, alors que la pellicules. Ce qui fait dire à Christo-
cherche au CNRS et auteur d’une «Une dimension sur des choses simples». Il faudra société réenvisageait le statut et la phe Blanchard qu’il convient de
thèse sur le soin par le contact ani- quasi Politique» pourtant plusieurs siècles pour que place des animaux de compagnie, «conserver une approche éthique et
malier (2). En réalité, des expériences attri- les bénéfices du lien avec les bêtes le secteur a connu un tel essor que responsable, prenant en compte les
Mais gare à la confusion des genres buant un bénéfice à la présence soient documentés. «Au-delà de le sociologue Christophe Blanchard deux ­côtés de la laisse». •
et aux éventuelles dérives. Comme ­a nimale sont recensées dès l’empirique, les effets sont relative- a entamé il y a un an des travaux
le rappelle Jérôme Michalon, «aux le XVIIIe siècle, comme le rappelle ment difficiles à prouver. Ce qu’on pour questionner la cohérence et (1) The Dog as Co-Therapist, Mental Hy-
Etats-Unis, on a assez tôt employé le Laurence Paoli, ex-collaboratrice peut quantifier de manière objec- l’homogénéité des pratiques au giene, 1962.
terme de “thérapie” sans exiger de du Muséum national d’histoire na- tive, c’est l’impact sur certaines hor- sein des institutions de l’Etat. Pour (2) Panser avec les animaux : sociologie du
formation des soignants». Mais au- turelle et autrice d’un ouvrage ré- mones ou sur le rythme cardiaque», lui, il y a dans cet engouement une soin par le contact animalier, Presses de
jourd’hui, en France comme cent sur le sujet (3). Elle y relate explique Laurence Paoli. «dimension quasi politique : on a ré- l’Ecole des ­mines, 2014.
ailleurs, la profession s’accorde sur l’initiative du philanthrope anglais En France, c’est dans les années 70 envisagé la place de l’humain dans (3) Quand les animaux nous font du bien,
la nécessité d’être reconnu comme William Tuke qui, «atterré par l’état qu’apparaissent les premières ini- un écosystème plus large». Dans son Enquête sur ces compagnons qui rendent
spécialiste du soin pour les humains des asiles psychiatriques», ouvre tiatives, à travers les travaux d’Ange livre, Laurence Paoli relate qu’à nos vies meilleures, Buchet-Chastel, 2022.

leur place au collège», constate Ni-


colas Hérissé, le prin­cipal de l’éta-
blissement.

«Elle m’apporte de la joie»


«Quand il n’y avait pas Suzy, je tra-
vaillais un peu mal, je ne me concen-
trais pas très bien. Maintenant ça va
mieux», dit Alice, élève de cette Ulis
spécialisée dans la déficience intel-
lectuelle. «A des moments, le matin,
je n’ai pas trop envie d’aller à l’école
et, quand je vois Suzy, elle m’apporte
de la joie», abonde Gloria. «C’est trop
bien parce que, quand tu es triste, tu
peux aller la voir, lui faire des câlins,
des bisous», apprécie Alisson. Les
adultes aussi voient la différence.
Durant la promenade, Maud Cour-
coul regarde Manoah, en attente de
place dans un institut médico-édu-
catif, lancer la balle à Suzy. «C’est un
des seuls moments où il a le sourire,
glisse l’enseignante. Avec lui, quand
je ne suis que professeure, on est dans
le conflit permanent. Là, il m’écoute
davantage. Ça décentre les choses.»
Il faut d’ailleurs le voir, au retour de
la balade, débouler dans le bureau
du principal, où Suzy vient se repo-
ser quand elle n’est pas «en service» :
il file chercher la gamelle d’eau, la
remplit, en renverse un peu par
terre au passage, charrie le chef
d’établissement. «Ça permet aux
élèves de venir avec plus d’aisance
dans le bureau du principal, ça dé-
sacralise le lieu», loue Maud Cour-
Suzy, golden retriever de 2 ans, met en confiance des élèves de 6e Segpa, le 27 novembre à Dinan. coul. L’occupant, lui, ne se formalise
pas de cette familiarité, au contraire.
«Le chien est un animal qu’on est ha-

A Dinan, un coup de patte avait recours à un dalmatien. bitué à avoir à la maison. L’avoir ici
«C’était une évidence pour la classe crée un changement de posture. Ça
d’Ulis, assure-t-elle. Ce sont des élè- permet d’introduire une dimension
ves qui ont des difficultés à la mai- domestique dans un collège où ils

pour les maths son, qui vivent des choses pas faciles, n’ont pas forcément envie d’être», ex-
il y a souvent des conflits.
J’ai pensé que ça pou-
plique Nicolas Hé-
rissé.
vait les apaiser.» Manche
Dans la salle
Au collège ­Roger-Vercel, d’un tablier rouge et d’une toque les illustrer. «Les élèves de Segpa ont Au sein de l’établis- d’Ulis, Suzy est
la chienne Suzy vient verte, un saladier et un fouet posés besoin de choses concrètes pour que sement, les élèves partout, utilisée
Saint-Brieuc
FINISTÈRE

en aide depuis février devant elle. La classe se marre. ça fasse sens. Avec Suzy, tout devient de l’Ulis sont les pour illustrer des
L’élève qui a rédigé le texte et ap- concret», explique Maud Courcoul. référents de la CÔTES- leçons de gram-
aux élèves en difficulté porté les accessoires prend la Depuis février, cette enseignante chienne. Ce sont D’ARMOR Dinan maire, enrichir le
ou en situation
E

chienne en photo. spécialisée et sa collègue accompa- eux qui ont le pri- vocabulaire, ima-
IN
-V E-

de handicap. Sa présence
ILA
ET ILL

gnante d’élèves en situation de han- vilège de la prome- giner une liste au


rend les enseignements Des élèves valorisés dicap Stéphanie Baptiste se sont ner avec Maud Cour- MORBIHAN père Noël. Quand ces
plus concrets et apaise Ce lundi-là, au collège Roger-Vercel lancées dans un projet de médiation coul à travers les rues 20 km
élèves, qui ont parfois
les esprits. de Dinan (Côtes-d’Armor), les élèves animale avec leurs élèves d’Ulis, le pavées de la jolie ville bre- du mal à gérer leurs émo-
de 6e Segpa (section d’enseigne- dispositif de scolarisation des élè- tonne. Eux qui savent repérer les tions, sentent le trop-plein arriver,

«S
uzy prépare 30 gâteaux ment général et professionnel ves handicapés. C’est la deuxième ­signaux d’inconfort de Suzy et la­ ils peuvent aller la voir pour faire re-
au chocolat, 26 tartes aux adapté) bénéficient de la visite de fois qu’elles «prêtent» la chienne, ménager pour lui épargner sursolli- descendre la pression. Alice, elle, lui
pommes et 46 pains au Suzy, golden retriever de 2 ans, pour propriété du collège mais dont elles citation et stress. Eux qui sont allés lit des histoires.
chocolat. Combien y a-t-il de pâtisse- agrémenter leur cours de maths. se partagent la garde, à la Segpa. la présenter à la quasi-intégralité Elsa Maudet
ries en tout ?» L’énoncé du problème Tous ont préalablement imaginé et L’idée a germé dans l’esprit de Sté- des classes. «Suzy valorise les élèves : Envoyée spéciale à Dinan
de maths terminé, quelques élèves rédigé des problèmes impliquant phanie Baptiste quand elle a décou- les plus fragiles sont les maîtres du Photo Quentin
s’affairent. Et voilà Suzy affublée l’animal, il est désormais temps de vert qu’un autre établissement chien. C’est une manière de trouver Bonadé-Vernault
6 u
Le libé des animaux événement Libération Vendredi 8 Décembre 2023

«On attend
du chien qu’il
accompagne
et apaise la
blessure, un
peu comme un
aide-soignant.
Sa présence va
aider le blessé à
se sociabiliser
de nouveau.»
Frédéric réserviste
et médiateur chien

A l’issue de plusieurs semai-


nes à faire connaissance pro-
gressivement, et si l’alchimie
opère, les participants peu-
vent officialiser l’adoption.
«Dans un contexte social mar-
qué par les abandons, ce pro-
gramme a du sens pour les
blessés, les chiens, et la société
au sens large», appuie Chris-
tophe Blanchard, sociologue,
spécialiste en médiation ani-
male et référent scientifique.
Pendant un an, le tandem re-
çoit la visite d’un médiateur
canin, chargé de s’assurer que
tout se passe bien. «Rien que
Darky, croisé labrador-dogue argentin, et Loïc, ex-infirmier au sein du service de santé des armées, le 6 octobre à Vincennes. ça, ça oblige à faire en sorte
que l’appartement soit pro-
pre. Et pour ça, il faut remet-

Stress post-traumatique : de «redorer leur blason».


Construit sur plusieurs se-
maines, le programme Arion
permet à des volontaires de
tre le pied à l’étrier», glisse
Loïc. La présence du chien l’a
obligé à revoir son rythme, ou
plutôt ses «habitudes de sur-

l’armée y met du chien venir se familiariser au re-


fuge avec des animaux choi-
sis spécifiquement. «Ces
chiens connaissent le milieu
vie, bien ancrées».

Sortir de sa torpeur
L’arrivée de Darky dans la vie
Depuis trois ans, un programme d’aide singulière. L’objectif est de Vincent Roucoules a parti- humain et ses désavantages. de cet amoureux des ani-
aux blessés permet aux militaires créer un tandem entre un mi- cipé au lancement du pro- Beaucoup sont déjà allés de maux ressemble à un signe
litaire et un chien de refuge, gramme. Lui-même ancien famille en famille. Ce vécu du destin : hospitalisé, Loïc
traumatisés d’adopter un compagnon pour que chacun aide l’autre militaire, il estime être «passé leur permet d’observer leur découvre l’histoire de ce
canin en refuge, afin que chacun aide à surpasser son passé trau- sous les radars» quand le humain, et de réagir en fonc- «molosse» sur le point d’être
l’autre à surmonter son passé. matique. «La réciprocité est stress post-traumatique était tion de lui, ce qui est essentiel euthanasié sur les réseaux
centrale, à la différence du encore largement tu : «Ce s’agissant de soldats en stress sociaux, et décide de l’adop-

D
ans les allées ombra- l’apaiser. «Et si je pète un fusi- système de chien d’assistance. sont mes deux chiens qui post-traumatique, souvent ter, faisant un léger détour
gées du bois de Vin- ble, il me fait une léchouille. Il s’agit là de créer une alchi- m’ont aidé : ils étaient là, perdus dans le temps ou dans par rapport au circuit norma-
cennes, le long du lac Ça me ramène au moment mie entre le soldat et un chien, alors il a bien fallu continuer leur identité», décrit l’adju- lement pensé par l’armée.
Daumesnil, retentit un aboie- présent.» en vue d’une adoption», pose à avancer», se souvient-il. dant-chef Frédéric, réserviste Grâce à l’expertise des mé-
ment qui fissure la quiétude le colonel Armel Jorrot, chef Fort de son expérience, Vin- et médiateur canin, qui ré- diateurs canins du pro-
de cette fin de matinée au- «Créer une alchimie» de la Cabat, destinée à ceux cent Roucoules tenait à im- sume : «On attend du chien gramme, Loïc apprend à
tomnale. Darky, un croisé do- Ancien infirmier au sein du dont la blessure – physique pliquer des chiens de refuge, qu’il accompagne et apaise la «comprendre les limites de
gue argentin-labrador de service de santé des armées, ou psychique – nécessite plus ayant généralement vécu un blessure, un peu comme un Darky, son passé, ses besoins».
6 ans, compte bien manifes- Loïc a pris part au pro- de six mois de suivi. Bien sûr, abandon, «souvent dépeints aide-soignant. Sa présence va Et réfléchir aux siens, en mi-
ter son mécontentement à un gramme Arion, lancé en 2020 les chiens ne sont pas une so- comme agressifs ou mé- aussi aider le blessé à se socia- roir. Son compagnon, «toni-
congénère croisé lors de sa par la Cellule d’aide aux bles- lution unique ou miracu- chants», comme une manière biliser de nouveau.» que, toujours en mouvement»,
balade quotidienne. «Il y a sés de l’armée de terre (Ca- leuse, mais ils viennent se ni- l’a forcé à sortir de sa torpeur,
encore deux ans, une situa- bat). Au total, une quinzaine cher dans un parcours de à rythmer ses journées, à al-
tion comme celle-là aurait pu de personnes en ont déjà bé- reconstruction plus large, re- ler vers les autres, puisque lui
LIBÉ.FR
me miner. J’aurais gardé en néficié. Rentré d’Afghanistan posant sur le sport, la réhabi- le fait sans cesse. «C’est son
moi des émotions négatives. en 2011, Loïc a senti «le trou- litation psycho-sociale et la superpouvoir», sourit Loïc.
Aujourd’hui, j’ai appris à les ble s’installer insidieusement» réinsertion professionnelle. «Moi, Nala, chienne de vie» Avec lui, le quadragénaire dit
gérer», analyse posément chez lui, rongeant d’abord Inspirée par des expériences «Je m’appelle Nala, je suis une femelle labrador, j’au- avoir compris qu’il était en
Loïc, le maître du colosse au son sommeil, hanté par «le menées en Allemagne et aux rai 7 ans en janvier. Là, allongée doucement près de vie. «Qu’il fallait continuer».
pelage caramel, en le cal- bruit des avions et des roquet- Etats-Unis, l’armée française Marie, qui souffre de la maladie de Parkinson, je fais Lui qui avait jusqu’alors du
mant. Deux ans qu’ils vivent tes», l’isolant petit à petit, le a usé d’une «convergence mon boulot de “chienne d’assistance et d’accompa- mal à se projeter d’une se-
ensemble, et clairement ils poussant à se noyer dans le de bonnes volontés», venues gnement social”. C’est fou ce que les humains peu- maine à l’autre voit désor-
ont appris à se comprendre. travail, pour «fuir». Jusqu’à du 132e régiment d’infanterie vent aimer les noms à rallonge pour dire ce que Ma- mais un avenir qui lui fait en-
«Darky a appris à me lire bien essayer d’en finir, ce qui l’a cynotechnique basé à Suip- rie résume en quelques mots : “Nala, c’est ma vie, pour lequel il s’est formé.
avant que moi, je ne le lise», obligé à «sortir du déni» pour pes (Marne), de l’université grande copine. Comme je suis très malade, elle me Au terme de son arrêt mala-
corrige le quadragénaire en finalement accepter de se soi- Sorbonne-Paris-Nord et de la fait du bien. Je ne sais pas combien de temps il me die, Loïc veut se reconvertir
souriant. La preuve ? En cas gner. C’est dans le cadre de Société carcassonnaise de reste, Nala me donne de l’espoir…”» dans la médiation animale.
de sommeil agité, Darky pose son suivi qu’il a entendu par- protection animale. Le soi- Notre reportage à l’hôpital de Saint-Dizier Virginie Ballet
sa tête sur son maître, pour ler de cette initiative canine gneur et comportementaliste à lire sur Libération.fr. Photos Marie Rouge
Il aime jouer,
manger, dormir,
se promener...
Au fond, quelle différence
avec votre chien ?

Vous aussi, participez à rendre le monde


meilleur pour tous les animaux.
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8 u
Le libé des animaux Monde Libération Vendredi 8 Décembre 2023

Bons bisons
de Pologne
Braconné jusqu’à l’extinction au début
du XXe siècle, le plus grand mammifère
terrestre d’Europe reprend du poil
de la bête dans la forêt de Bialowieza, sous
l’œil vigilant d’un chercheur-sentinelle
dont le travail a révolutionné
la compréhension de l’espèce.

A Bialowieza, en septembre. Après avoir complètement disparu en 1919, les bisons sont plus de 1 500 à peupler la forêt à ce jour. Photo Rafal Kowalczyk

Par brouillard enveloppant la forêt prend peu à sous leur poids, le silence de la plaine qui se qui connaît le mieux les subtilités de cette
Patrice Senécal peu une teinte orangée. fend. «Il y a des jours comme ça», se désole Ra- «relique» qu’est le bison d’Europe, descen-
Envoyé spécial dans la forêt de Bialowieza Rafal Kowalczyk balaie les environs du re- fal Kowalczyk. La rencontre avec les bisons dant d’une mégafaune quasiment anéantie.
gard. Soudain, dans une prairie, au milieu des attendra encore un peu. Si au XVIe siècle, la peine capitale était re-

U
n petit matin d’automne dans le vil- meules de foin laissées par des fermiers, une Pourtant, à Bialowieza, le bison est partout. quise pour quiconque tuait un bison (privi-
lage de Bialowieza. Dans la rue princi- silhouette se détache de la brume. «Vous le Tantôt esseulé, tantôt en troupeau. Immobile lège exclusivement royal), la Première Guerre
pale, l’éclairage blafard des lam­- voyez, là-bas ? C’est un mâle, chuchote-t-il. Les dans la plaine, dégageant une force aussi brute mondiale et le braconnage ont décimé l’es-
padaires laisse apparaître les coquettes femelles ont généralement des cornes moins que majestueuse, avec ses cornes pointues, pèce au début du XXe siècle. A l’hiver 1919,
maisons en bois si typiques de Podlachie, imposantes. Peut-être qu’un troupeau rôde son pelage brun, ses larges épaules et son poil Bialowieza perd son dernier bison. Quatre ans
cette région de Pologne orientale à la frontière dans les parages.» Mais le spécimen est trop hirsute. Il est là, telle une ombre dissimulée plus tard pourtant, l’espoir renaît sous l’im-
bélarusse. A l’angle d’une église orthodoxe en loin pour être observé. Alors, roulant de pâtu- dans les bois, vous fixant de ses yeux noirs. pulsion de la Société internationale pour la
pierre rouge, aux abords de l’Institut de biolo- rage en pâturage, au détour de chemins fores- Parfois, au détour d’un sentier, des panneaux protection du bison, fondée par le zoologiste
gie des mammifères, des phares percent l’obs- tiers tortueux, la quête se poursuit. avertissent de sa présence. Que serait Bialo- Jan Sztolcman, écologiste de son temps. Et
curité. Une voiture estampillée d’une tête de wieza, sans celui que l’on surnomme, ici, le c’est à Zwierzyniec («parc animalier» en polo-
bison s’approche. A bord, le chercheur Rafal Un retour aux airs «roi des bois» ? La dernière forêt primaire de nais), une bourgade nichée au cœur de la fo-
Kowalczyk et, au volant, son collègue Tomasz de petite victoire plaine d’Europe, avec 150 000 hectares de vé- rêt, qu’ont été réintégrés en 1929 dans un en-
Kaminski. On monte dans la berline qui sort Le soleil brille désormais au-dessus de la cime gétation sauvage classés au patrimoine mon- clos en bois quelques spécimens issus de
du village et longe, à faible vitesse, les prés qui des arbres. Soudain le chercheur s’inter- dial de l’Unesco, constitue son unique sanc- réserves européennes. Alors que la biodiver-
bordent les bois. Manifestement, Rafal Ko- rompt : «Regardez, là-bas !» Une vingtaine tuaire sur le continent. C’est là, au cœur de sité s’amenuise sur toute la planète, l’histoire
walczyk est un habitué de ce genre d’expédi- d’ombres se devinent à une centaine de mè- cette flore de douze mille ans, cet heureux de ce retour relève de la petite victoire. A ce
tions matinales. «Ce n’est pas un problème de tres. Le véhicule s’arrête, Rafal Kowalczyk chaos de mousses, de champignons et d’arbres jour, plus de 1 500 bisons peuplent la forêt de
se réveiller à 3 ou 4 heures, d’autant plus qu’au s’approche d’eux, chaussé de bottes en caout- massifs que vit l’emblème de la région. Bialowieza, dont un peu plus de la moitié côté
petit matin, c’est magnifique.» On le croit sans chouc, ­caméra à l’épaule. Mais le troupeau dé- Professeur à l’Institut de biologie des mam- polonais, tandis que leur nombre était d’à
peine au vu du décor qui se dévoile timide- campe aussitôt dans la forêt, sans doute pour mifères de l’Académie polonaise des sciences, peine 200 il y a cinquante ans. Sauvé de l’ané-
ment à mesure que le soleil se lève. L’épais ruminer. On entend les branches se fracasser Rafal Kowalczyk est sans doute, à 54 ans, celui antissement, le plus grand mammifère terres-
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u 9

Le professeur polonais Rafal Kowalczyk est devenu une sommité du bison. Photo Simona Supino

bison de Bialowieza, expliquant que, couplée


à l’intensification des activités humaines, la
Dans un pré encore elle aussi sous la coupe du PiS.
Des avancées, toutefois, il y en a eu. De retour
transformation des steppes en couvert fores- humide de rosée, où les dans son bureau, Rafal Kowalczyk se penche
tier, dans la foulée de la dernière glaciation,
a forcé le bison d’Europe à s’abriter dans les
orties piquent jusqu’aux sur les statistiques : 80 % des bisons meurent
aujourd’hui de causes naturelles, quand 20 %
bois, en guise d’habitat refuge. Depuis qu’il cuisses, on remarque sont abattus. «Il y a vingt ans, c’était l’inverse !
a entamé ses ­recherches, il en est à sa sixième Ils pouvaient même être chassés lorsqu’ils
étude, la dernière en date consacrée à l’influ- à l’odeur les signes de s’aventuraient dans les prés.» Les recomman-
ence du régime alimentaire sur les perfor-
mances reproductives du bison. Il s’agit de
la présence fraîchement dations scientifiques sont désormais ac-
cueillies avec moins de résistance au sein de
documenter chacun des troupeaux, de les dissipée du troupeau. la population. Et l’intérêt des Polonais à
photographier, d’évaluer leur état corporel l’égard de la protection de la nature a bondi.
et… de récolter des échantillons de bouse. «Il y a trente ans, on avait plus de chance de
alors ne pas trop s’en approcher.» Rafal Ko- croiser un loup qu’un touriste dans Bialo-
Environ «4 millions walczyk en sait quelque chose, lui qui s’est wieza. Aujourd’hui, on les voit à vélo, avec des
de bouses par an» déjà retrouvé face à face avec un bison cour- cartes, dans les parties les plus reculées de la
Dans ce pré encore humide de rosée, où les or- roucé, sans dommage toutefois : au moment forêt. Ils constatent que cette forêt a une ri-
ties piquent jusqu’aux cuisses, on remarque où le mâle chargeait, il put par chance se réfu- chesse que l’on ne retrouve nulle part ailleurs
justement à l’odeur les signes de leur présence gier dans un trou creusé par un sanglier. «Il en Europe.»
fraîchement dissipée. «Dans la forêt de Bialo- s’est arrêté à 4 mètres de moi. Souvent, quand
wieza, les bisons défèquent jusqu’à huit fois par les bisons se mettent en mode attaque, ils se Empreintes de sabots
jour, explique Rafal Kowalczyk. Soit l’équiva- contentent de courir, avant de s’arrêter subite- et bisonneaux
lent pour l’ensemble des bêtes ment face à la personne.» La dangero- Fin novembre, on retrouve Rafal Kowalczyk
Mer
de 4 millions de bouses par Baltique
LIT
UA
sité du bison, capable de galoper aux aurores dans une ­forêt de Bialowieza dra-
NI
tre d’Europe fait aujourd’hui le bonheur des an.» Lesquelles sont un ex- E à 60 kilomètres à l’heure, n’est pée de neige. Depuis notre dernière visite,
touristes, et il est même devenu un argument cellent vecteur de disper- Forêt de cependant pas à négliger. En c’est toute la Pologne qui a changé de visage.
Bialowieza

marketing, arboré par certaines bouteilles sion des espèces végétales. trente ans, 45 cas d’attaques Quelques semaines plus tôt, mi-octobre, les
L
AR
ALLEMAGNE

US

d’alcool bien connues… «Les bisons peuvent se dépla- de bison ont été comptabili- Polonais ont élu une coalition pro-europé-
Varsovie
Au départ, rien ne prédestinait réellement cer jusqu’à 15 kilomètres par sés. «Des gens ont été blessés, enne, tournant la page de huit ans de national-
Rafal Kowalczyk à devenir une sommité du jour, les graines de végétaux mais personne n’est mort populisme. Chez les écologistes, on nourrit
INE

POLOGNE
RA

bison. A 18 ans, étudiant en sylviculture, il pé- comprises dans leurs excré- heureusement. Dans 85 % des l’espoir d’en finir pour de bon avec l’obsession
UK

RÉP
nètre pour la première fois dans la forêt de ments se répandent ainsi TC
UB
LIQ
cas, ils s’étaient approchés trop du PiS de chercher à dompter la nature.
HÈ U
Bialowieza. C’est le coup de foudre. La forêt, sur de longues distances.» QU E SLOVAQUIE près du bison, ou bien ils le dé- Ce matin-là, dans un froid mordant, la
E
«très différente» des monocultures d’arbres Et comme l’animal est doté d’un 100 km rangeaient.» chance nous sourit. Peut-être car, à l’appro-
qu’il avait l’habitude d’étudier, l’enchante. «large museau permettant de prendre Comme une sentinelle, Rafal Kowalc- che de l’hiver, les bisons s’aventurent plus
Une nouvelle vocation ­s’ouvre à lui, il sou- de grandes bouchées, avec une dentition adap- zyk n’hésite pas à élever la voix lorsque l’on fréquemment dans les espaces découverts,
haite «plutôt travailler avec les animaux». Il tée au broyage d’aliments contenant une s’en prend à la biodiversité. En 2017, il avait en quête de nourriture. Des empreintes de sa-
consacre ses premières recherches aux lynx grande quantité de fibres et de silice» et que, dénoncé un projet de coupes forestières bots traversent la route enneigée. «Suivons
et aux loups, en tant qu’aspirant biologiste. par ailleurs, il n’est pas difficile, pouvant man- dans Bialowieza, initié par le gouvernement leur trace.» Puis, à la sortie d’un sentier fores-
Puis, en 2004, trois ans après la conclusion de ger «jusqu’à 300 espèces de plantes»… national-conservateur de Droit et Justice tier, les voilà qui apparaissent, comme sortis
son doctorat sur les blaireaux, le directeur de Plus loin, on découvre de larges empreintes (PiS). Lequel avait dû finalement ranger les de nulle part. Un troupeau de plusieurs dizai-
l’Institut de biologie des mammifères lui pro- au sol, comme si la terre avait été retournée tronçonneuses, menacé de sanctions par la nes de bêtes, 80 peut-être, regroupées, silen-
pose de s’intéresser aux bisons. Rafal Kowalc- vigoureusement. Se vautrer dans la terre, c’est Commission européenne. L’ère du PiS, enta- cieuses. Elles restent là, presque curieuses,
zyk doute : «L’animal était étudié depuis une leur cure de détente, explique le biologiste. mée en 2015, marqua aussi la fin des réunions un brin méfiantes. Au cœur de ces imposan-
cinquantaine d’années, que pouvais-je appor- «Ils aiment les lieux sablonneux, s’y frotter au ministère pour «discuter de la gestion des tes masses, des silhouettes plus petites : des
ter de nouveau ?» Pourtant, son travail a per- leur permet d’éliminer les parasites. Mais pen- bisons». Un an plus tard, Rafal Kowalczyk fut ­bisonneaux de quelques mois à peine. Sou-
mis de ­révolutionner la compréhension du bi- dant la saison du rut, plus tendue, des bisons même révoqué du Conseil d’Etat pour la pro- dain, sans crier gare, le troupeau décampe au
son d’Europe. C’est lui qui, par exemple, a peuvent aussi se rouler ainsi en voyant un au- tection de la nature. Sans parler de la direc- galop, fouettant la neige en tourbillons dans
forgé le concept d’«espèce réfugiée» propre au tre mâle, ou encore un humain. Il vaut mieux tion du parc national de Bialowieza, tombée la plaine. •
10 u
Le libé des animaux France Libération Vendredi 8 Décembre 2023

En Bretagne,
Par lll pas freiner la contagion.»
Élodie Auffray «C’était horrible ! Tu naviguais là, il
Envoyée spéciale sur l'île Rouzic y avait des cadavres un peu partout»,
Photos Fabrice Picard dépeint encore Armel Deniau, re-
grettant «l’inaction» de l’Etat, qui n’a

L
e ballet est revenu, comme rien mis en place pour les oiseaux
tous les ans. Incessant, fasci- malades : «On n’avait aucun moyen
nant, lancinant : des centaines de les prendre en charge. Après la
de fous de Bassan virevoltent conti- marée noire de l’Erika [en 1999, ndlr],

les fous
nuellement aux abords de l’île Rou- on avait récupéré 60 000 oiseaux,
zic. Il y a ceux qui partent à la pêche, créé trois centres de soin… C’est un
ceux qui en reviennent, et ceux qui truc à anticiper pour l’avenir, il fau-
tournoient tout simplement, tandis dra s’engager pour créer des centres
que des milliers de leurs ­congénères de soin», plaide-t-il.
nichent en contrebas, sur les pentes Cette influenza aviaire, apparue
abruptes de ce petit bout de terre, à dans les années 90 au sein des pou-
­l’extrémité est de l’archipel des Sept- laillers industriels d’Asie et plus
Iles, à 5 km au large de Perros-Guirec connue jusque-là pour ses ravages

de Bassan
dans les Côtes-d’Armor. dans les élevages de volailles, a pris
Sur l’«île aux oiseaux», comme elle tout le monde de court. «La grippe
est surnommée par ici, ces grands aviaire existe depuis des milliers
volatiles marins, reconnaissables à d’années. Ce qui est nouveau, c’est
leur plumage blanc éclatant et à leur qu’elle touche des communautés d’oi-
tête jaunâtre, sont si nombreux, si seaux marins, en pleine saison de ni-
concentrés et massés sur les flancs dification et dans sa version haute-
nord-ouest du rocher, qu’ils forment ment pathogène», explique Pascal
une tache laiteuse, bien visible de- Provost. «D’habitude c’est un virus

battent de l’aile
puis le continent. Un spectacle gran- qui tape l’hiver, dans les populations
deur nature, immuable depuis des de canards, d’oiseaux d’eau douce,
décennies, mais malmené : en 2022, etc. A cette période, les oiseaux ma-
la grippe aviaire a décimé la colonie, rins sont dispersés. Mais là, toute la
la seule de France. Des milliers d’oi- stratégie des fous de nicher les uns
seaux qui viennent se reproduire là sur les autres par sécurité, comme
chaque année, de fin janvier à octo- phénomène rassurant pour se proté-
bre, fidèles à leur partenaire et à ger des prédateurs, les a rendus tota-
leur nid, ont été balayés : seuls 11 000 lement vulnérables», complète Ar-
à 12 000 couples ont été recensés mel Deniau.
cette année, contre 19 000 les années
précédentes. «Perte de confiance»
D’autant que le virus a touché une
«On était démunis»
«Avant, toute cette zone était couverte Les grands oiseaux marins ont été communauté déjà fragilisée par «des
pressions multiples» : d’abord «la
de points blancs», commente Armel
Deniau, garde technicien de la ré-
durement touchés l’an dernier baisse des ressources en mer, qui en-
gendre un stress nutritionnel, expli-
Ile Rouzic
serve naturelle des Sept-Iles, en ap- Manche par la grippe aviaire, qui a décimé que Pascal Provost. Les maquereaux
prochant Rouzic à bord d’un bateau CÔTES- et les orphies, proies principales des
D’ARMOR presque la moitié de leur colonie
FINISTÈRE

pneumatique. Certes, en ce début fous, ne sont plus en quantité suffi-


d’automne, «on est à la fin de la sai-
son de nidification, les jeunes et cer-
Saint-Brieuc
sur l’île Rouzic. Ses gardiens sante, les oiseaux s’affaiblissent et
ont du mal à produire un poussin».
appellent à s’interroger sur
E
IN
-V E-

tains adultes sont partis. Mais c’est Le taux de reproduction, qui tour-
ILA
ET ILL

frappant de voir le nombre de nids in- nait auparavant autour de 80 à 90 %


occupés», poursuit-il, entre deux pri- MORBIHAN les ressorts de l’hécatombe par an, est ainsi tombé dans la der-
ses de vues au téléobjectif. Environ
toutes les deux semaines depuis le
20 km
et à élargir les espaces protégés. nière décennie à 40 % en moyenne.
En constante croissance depuis son
début de la saison, la petite équipe de établissement dans les années 30, la
la réserve, gérée par la Ligue pour la colonie de Rouzic est entrée en 2010
protection des oiseaux (LPO), vient dans «une phase de stabilité, début
photographier la colonie à distance, de déclin», constate Pascal Provost.
pour documenter l’impact de cette Il y a aussi le changement climati-
épizootie inédite, qui a touché en que, qui «déplace les proies vers le
même temps 40 des 53 communau- nord». Et puis les noyades dans les
tés de fous de Bassan dans le monde. engins de pêche, surtout lors des
«Aux Sept-Iles, on a compris rapide- trajets migratoires vers l’Afrique de
ment que l’enjeu, c’était la connais- l’Ouest. «On le voit avec les oiseaux
sance : il y a eu plein de prélèvements, qu’on bague : le taux de retour est de
d’analyses… On a fait de notre mieux, moins en moins important», obser-
on est parmi les premiers contribu- ve-t-il. L’influenza «est venue s’ajou-
teurs au niveau mondial sur le sujet», ter à tout ça, comme une boule dans
explique Pascal Provost, le conserva- un jeu de quilles. Une pression nou-
teur de la réserve. velle, à laquelle les oiseaux n’étaient
Le premier cas a été détecté le 1er juil­- pas préparés, avec un variant haute-
let 2022. La propagation a été fulgu- ment pathogène spécifique au fou de
rante dans cette communauté où l’on Bassan», analyse le scientifique.
niche collés-serrés. «A la fin de la sai- Début 2023, les gardiens des Sept-
son, il y avait des centaines de cada- Iles, tout comme les habitants du lit-
vres sur Rouzic. 1 200 fous ont été re- toral, ont guetté avec fébrilité le re-
trouvés morts le long des côtes tour des fous : allaient-ils revenir ?
bretonnes, mais la plupart sont décé- Partis deux semaines plus tôt que
dés au large. Certains ont été retrou- d’habitude l’an dernier, ils sont aussi
vés dans des jardins ! Ça glace le sang, revenus plus tard cette année, ali-
parce que ce sont des oiseaux de haute mentant l’inquiétude. Normale-
mer», décrit Pascal Provost, de sa ment, vers la fin du mois de janvier,
voix placide. Une période difficile «le premier courageux se posait et,
pour lui et son équipe, marquée par dix minutes après, ils étaient plu-
«la tristesse» et «l’impuissance» : «On sieurs centaines, puis plusieurs mil-
était démunis, on ne pouvait lll On ne recense que 53 colonies de fous de Bassan dans le monde. Photo Armel Deniau liers au bout de quelques heures», ra-
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u 11

Sur l’île Rouzic, dans


les Côtes-d’Armor,
fin septembre.

conte Armel Deniau. Cette fois, il a elle a permis l’installation plus ra- en 2022, «un bond en arrière de sur notre manière de produire à généré cette variante agressive du
fallu attendre le 22 février pour pide de ces oiseaux-là», constate le quelques décennies». l’échelle planétaire et sur les effets virus. «Avant, elle sévissait seule-
qu’un individu pose palme à terre technicien. «La nature tente de cica- Pour les ornithologues de la réserve, que ça peut avoir sur la biodiver- ment l’hiver, maintenant il y a des
pour de bon. triser ses plaies», admire Pascal Pro- ce dramatique épisode d’influenza sité», pointe Provost, visant les éle- réservoirs toute l’année. Des passe-
Les fous ont longtemps tâté le ter- vost. Sur les 14 000 nids, de 2 000 aviaire devrait inciter «à réfléchir vages intensifs de volailles, qui ont reaux sont touchés, des rapaces
rain. «Pendant trois semaines, ils à 3 000 étaient occupés par un oi- aussi…» s’inquiète le scientifique,
ont tourné autour de l’île et ont mis seau seul, jeune ou veuf. qui plaide pour laisser davantage
du temps à s’y poser : est-ce que ce Côté reproduction, «entre les céliba- d’espace aux oiseaux marins, dont
n’était pas à cause d’une forme de taires et les immatures, le capital les effectifs mondiaux «ont chuté
traumatisme ?» se demande Pascal était réduit». Mais, pour les couples de 70 % entre 1950 et 2010».
Provost. «On a vu des choses inédi- engagés, avec un taux de succès
tes : ils se posaient et redécollaient de 57 %, «c’est une bonne saison», se «Zone de quiétude»
moins d’une minute après, il y avait félicite le conservateur, qui se ré- D’ailleurs, face au déclin des espè-
une perte de confiance au niveau du jouit aussi qu’aucun nouveau cas ces constaté localement, le périmè-
site», renchérit Armel Deniau. d’influenza n’ait été recensé. Cet été, tre de la réserve des Sept-Iles a été
D’après les estimations des scienti- sur le littoral breton, ce sont les ster- étendu l’été dernier, passant de 280
fiques, sur environ 25 % des nids, les nes qui ont été touchées par le virus. à 19 700 hectares. Grâce à cette me-
membres du couple sont morts. Autre enseignement de cette année sure, élaborée avant la grippe, les
D’autres ont vu revenir un seul des post-épizootie : les scientifiques ont fous de Bassan, ainsi que les dix au-
deux partenaires. «Ils se sont instal- observé avec étonnement «un nou- tres espèces d’oiseaux marins qui
lés sur leur nid et ont attendu l’au- veau phénotype» parmi les fous. A nichent à Rouzic, jouissent aussi
tre», raconte Armel Deniau. Difficile Rouzic, comme dans les autres co- d’une «zone de quiétude» de 130 hec-
de dire si des duos se sont reformés. lonies touchées, jusqu’à 20 % des in- tares autour de l’île, interdite à toute
Sur les 102 nids observés de près dividus affichent désormais un iris activité humaine d’avril à fin août,
grâce à une caméra implantée sur noir, quand l’espèce est connue cœur de la saison de nidification.
l’île, le garde en a distingué deux où pour ses yeux bleu vif. Tous les pré- «On voit parfois des kayaks passer à
des paires «se sont constituées tardi- lèvements effectués sur ces Bassan moins de trois mètres des oiseaux. Ça
vement», peut-être le signe d’une re- au regard sombre ont révélé qu’ils crée de la panique, les oiseaux peu-
lation fraîchement nouée. «Mais avaient contracté la grippe aviaire vent bousculer les œufs, etc. Si ça se
l’échantillon est trop faible pour et qu’ils en avaient réchappé, déve- répète, on a vite fait de créer des zo-
qu’on puisse en tirer un pourcentage loppant des anticorps contre cette nes stériles. Or on sait que les activi-
à l’échelle de la colonie.» maladie pourtant réputée incura- tés de loisirs vont se développer en-
Si la communauté a pu regarnir ses ble. Mais pour l’heure, le devenir de core», souligne Armel Deniau, pour
rangs, le ballet reprendre et la tache ces oiseaux guéris demeure incer- qui «cette tranquillité, c’est ce qui
blanche faire son retour dans le pay- tain. «Il se peut que ces yeux noirs manque aux oiseaux marins. Ce sont
sage, c’est aussi grâce aux juvéniles, évoluent vers des glaucomes, donc les activités humaines qui font qu’ils
reconnaissables à leur plumage, des douleurs et la cécité», redoute n’ont plus d’espace. Il faut multiplier
noir jusqu’à l’âge de 5 ans. D’habi- Pascal Provost. A l’arrivée, le cons- les endroits favorables aux oiseaux,
tude, ces immatures traînent autour tat est nuancé : d’un côté, «la colonie pour qu’ils puissent faire face aux
des colonies, à la recherche d’un a connu une espèce de rebond», se catastrophes : avoir plus de colonies,
partenaire et d’un territoire. «La réjouit-il, mais de l’autre, 2023 ne pour que certaines puissent échap-
grippe a créé comme un appel d’air, peut pas cicatriser ce qui s’est passé Le conservateur de la réserve des Sept-Iles, Pascal Provost. per aux virus». •
12 u
Le libé des animaux France Libération Vendredi 8 Décembre 2023

Par nasie massive en élevage» ne peut


Sarah Finger constituer «une solution accepta-
ble pour résoudre le problème

P
ourquoi diable les végans et du nombre trop important de che-
autres végétaliens renon- vreaux à engraisser», rappelle
cent-ils à consommer des l’instance. En plus de ces eu­-
produits lactés ? Boire du lait ou thanasies illégales, 17 % des
manger du fromage ne tue aucun ­chevreaux naissants partent à
animal. A moins que… Pour com- l’équarrissage.
prendre, il faut rappeler une évi- Les petits nés de vaches laitières
dence, dont bien peu de consom- ne suscitent guère plus d’enthou-
mateurs ont encore conscience : siasme dans l’élevage industriel.
pour avoir du lait, une femelle doit Environ 300 000 veaux nourris-
devenir mère. Or une production sons sont envoyés chaque année
laitière continue implique des sur les routes, principalement vers
naissances à la chaîne : en France, l’Espagne, pour y être engraissés.
5,5 millions de chevreaux, Ces longs trajets représentent
agneaux et veaux naissent ainsi un vrai calvaire pour les veaux
chaque année, afin que leur mère non sevrés, comme le dénoncent
produise du lait. Du lait produit de nombreuses associations de
pour nous, et pas pour eux. défense animale. Idem dans la fi-
Pour ces petits, la vie débute ainsi : lière des brebis : chaque année,
«La grande majorité sont séparés environ 450 000 agneaux de lait
de leur mère à la naissance et al- sont exportés et doivent supporter
laités “artificiellement” au seau», de longs trajets, jusqu’à l’Espagne
résume un rapport de l’Institut ou l’Italie.
national de recherche pour l’agri- Une partie des petits issus de
culture, l’alimentation et l’envi- ­l’industrie laitière alimentent éga-
Dans un élevage intensif de Vendée, où des centaines de chevreaux sont engraissés. Photos L214 ronnement (Inrae), paru en 2022. lement le circuit d’abattage en
Cette séparation immédiate n’est France. Ainsi, chaque année, en-

Souffrance
pas indolore : le rapport reconnaît tre 550 000 et 600 000 chevreaux
la force du lien qui unit la mère sont «ramassés» dès trois jours
et son petit, dans les heures sui- après leur naissance pour être en-
vant la naissance, et bien au-delà voyés dans des «ateliers d’engrais-
de l’allaitement, et évoque les «si- sement», où ils vivront enfermés.
gnes de détresse» des animaux. Un Dans ces centres, qui engraissent
ancien éleveur de vaches laitières chacun entre 1 500 et 70 000 che-
racontait à Libération que les mè- vreaux par an, le taux de mortalité
res appelaient leur veau pendant peut «dépasser 20 %», indique le

et surexploitation
des heures, parfois des jours. De CGAAER. Les autres petits ne
son côté, le Centre national inter- ­vivent guère plus longtemps : ils
professionnel de l’économie lai- sont abattus à un mois ou un mois
tière (Cniel) affirme que «plus un et demi. Cette courte vie débou-
veau reste sous la mère, plus la sé- che sur un piteux «produit fini» :
paration est difficile». un chevreau de 10 kilos, dont la
moitié de carcasse.
«le chevreau, «Dans la filière des vaches laitiè-
ça ne vaut rien» res, 3,5 millions de veaux naissent

Les dessous
Que deviennent ces nouveau-nés ? par an, détaille Laetitia Dinault,
Premier constat : la plupart ne du CIWF, une ONG qui milite pour
sont pas franchement désirés la protection des animaux d’éle-
par les éleveurs. Ainsi, environ un vage. Dès leur naissance, la très
million de chèvres élevées pour grande majorité de ces veaux sont
leur lait donnent naissance, à la enfermés dans des cases indivi-
louche, à 1,2 million de chevreaux duelles pendant huit semaines.
par an. Mais ceux-ci constituent Cet isolement pose d’évidentes
un vrai fardeau pour les éleveurs, questions en termes de bien-être
par manque de débouchés, en animal… Une partie des femelles

laids du lait
­dehors des périodes de Pâques renouvellera le cheptel des laitiè-
et Noël. En septembre 2021, res. Quant aux mâles, 94 % seront
le Conseil général de l’alimenta- ensuite élevés dans des bâtiments
tion, de l’agriculture et des espa- industriels, sans pouvoir sortir,
ces ruraux (CGAAER), placé sous avant d’être abattus à l’âge
la tutelle du ministère de l’Agri- de 6 mois.»
culture, affirmait que «le prix du Les agneaux, eux, sont allaités par
chevreau naissant payé aux éle- leur mère pendant un mois. Ceux
veurs est devenu très faible voire qui sont de race Lacaune (environ
nul». Soit entre 0 et 4 euros par 800 000 par an) sont ensuite en-
bête (1 à 2 euros en moyenne)… graissés durant quatre mois maxi-
«La consommation de chevreau est mum. En juin 2020, l’association
en chute libre, constate Michel (1), L214 diffusait une enquête sur
éleveur de chèvres dans le sud du ces agneaux issus de la filière du
Cantal. Du coup, le chevreau, ça fromage de Roquefort. Tournées
Petits séparés des mères à la naissance, emmerde, ça ne vaut rien. L’idée,
c’est de s’en débarrasser le plus vite
dans un site de la société d’en-
graissement animal Grimal, dans
animaux entassés, enfermés et abattus à la chaîne… possible… Tuer les chevreaux à la l’Aveyron, les images montraient
ferme ? Des éleveurs ne s’embêtent des agneaux entassés, sans accès
Loin de l’image d’Epinal portée par l’industrie pas pour le faire.» vers l’extérieur, certains malades,

du lait et du fromage, bovins et caprins paient Le CGAAER constate qu’environ


300 000 chevreaux disparaissent
d’autres agonisant, ainsi que des
bacs d’équarrissage remplis de ca-

le prix fort de la course au rendement de des statistiques annuelles ; cer-


tains alimentent sans doute la
davres. Interrogé par Libération,
Jérôme Faramond, président de
l’agriculture intensive. «conso perso» des éleveurs, d’au-
tres sont tués et vendus sur place,
la Confédération générale des
producteurs de lait de brebis et
mais combien sont juste éliminés des industriels de Roquefort, esti-
car trop encombrants ? «L’eutha- mait que sa filière n’était pas res-
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u 13

ponsable : «Nous, on fait du lait, pas


des agneaux.»
en 2020. Elles sont traites, en
moyenne, deux fois par jour, toute
«L’idée, c’est de n’encadre l’élevage des brebis,
des chèvres et des vaches laitières.
se blessent entre elles ou donnent
un coup aux éleveurs. «La prise en
Le sort réservé aux petits n’est pas l’année, même durant leurs gesta- se débarrasser Seuls des textes généraux rappellent charge de la douleur au moment de
la seule zone sombre de l’industrie tions. Leur productivité est évaluée de grands principes, mais sans l’ébourgeonnage des jeunes veaux
laitière : la course au rendement en- en «kilos de lait par jour de vie». des petits le plus ­imposer de normes minimales». progresse très fortement», affirme le
gendre aussi de la souffrance. Mi-
chel, qui a travaillé dans des struc-
Depuis que toute leur énergie passe
dans la production de lait, leur
vite possible… D’après des statistiques publiées
en 2016 par l’Observatoire des éle-
Cniel, qui ajoute : «La filière laitière
s’est engagée à réaliser une évalua-
tures industrielles avant de créer sa santé bat de l’aile. Des chercheurs Tuer les chevreaux vages laitiers, 8 % des vaches laitiè- tion de bien-être animal dans 100 %
petite exploitation, résume : «Dans
les élevages intensifs, les chèvres ont
de l’Inrae estiment que 20 à 35 %
souffrent de mammites (inflamma-
à la ferme ? res ne sortent jamais ; les autres ont
accès à un pâturage au moins une
des fermes laitières d’ici 2025.»
Mais que penser de la mort précoce
des mamelles énormes. Elles devien- tions douloureuses des pis), et 20 à Des éleveurs partie de l’année. des laitières, laquelle ne constitue
nent des pis sur pattes.» Chez les 25 % de boiteries (lésions des pieds), pas, précise le Cniel, «un indicateur
brebis de race Lacaune, la producti- dues notamment à des mamelles ne s’embêtent pas Une espérance de vie de bien-être animal» ? Alors qu’elles
vité a explosé : 82 litres par animal
et par an en 1970, jusqu’à 340 litres
hypertrophiées. «Ces vaches sont
moins résistantes et ne mangent plus
pour le faire.» drastiquement réduite
Concernant les 1,3 million de brebis
peuvent vivre 20 ans, de nombreu-
ses vaches quittent la salle de traite
aujourd’hui. assez pour compenser leur produc- Michel éleveur laitières, «nous n’avons pas de chif- à 4 ans pour être transformées
tion. On constate de plus en plus de de chèvres dans fres officiels, mais il semble qu’elles en rôtis, brochettes ou steaks ha-
Des vaches transformées carences et de cas d’infertilité, leur le Cantal aient conservé un accès aux prairies, chés. Les chèvres, dont l’espérance
en «usines à lait» lait se tarit au bout de quelques lac- ce qui n’est pas forcément le cas pour de vie dépasse 15 ans, sont elles
Et que dire des vaches ? Dans les an- tations… Les éleveurs les remplacent industriel.» Une conclusion qui fait les agneaux», avance Sandy Ben- aussi abattues à 4 ans, parfois plus
nées 50, les meilleures laitières donc plus vite», détaille Eric Bara- écho à celle de chercheurs, auteurs soussan-Carole. Quant aux chèvres, tôt ; tels des déchets, entre 40 et 45 %
donnaient 2 000 litres de lait par an. tay, historien spécialiste des rela- d’un article paru dans la revue entre 60 et 70 % ne sortent jamais partent directement à l’équarris-
Aujourd’hui, elles en produisent tions entre l’être humain et l’ani- scientifique Sésame, en juin 2022 : des bâtiments. La filière bio, elle, sage. Parmi toutes ces laitières, cer-
plus de 7 000, et jusqu’à 10 000 pour mal, professeur à l’université Lyon- «Améliorer le bien-être des animaux garantit un accès aux pâturages. De taines sont tuées alors qu’elles sont
celles de race prim’holstein. Ces fe- III, qui ajoute : «Transformées en dans les systèmes intensifs n’est plus, la prise en charge de la dou- gestantes. Selon Welfarm, aucun
melles sont contraintes «à produire usines à lait, ces vaches n’arrivent pas possible.» leur est obligatoire, en bio, lors de diagnostic de gestation n’est réalisé
six à dix fois plus de lait qu’elles ne plus à suivre. Dès que leur produc- Sandy Bensoussan-Carole, chargée l’ébourgeonnage des jeunes ani- avant le départ à ­l’abattoir. On
le feraient naturellement», pointe tion n’est plus au niveau qu’on at- d’étude à l’association de protec- maux, une opération très doulou- ignore combien sont ainsi tuées
un rapport d’information de la tend d’elles, on les réforme [ce qui si- tion des animaux de ferme Wel- reuse qui consiste à brûler les bour- alors qu’elles attendent un petit. •
Commission des affaires européen- gnifie qu’on les abat, ndlr]. Tout cela farm, explique qu’«aucun texte geons des cornes par cautérisation
nes sur le bien-être animal, paru témoigne de l’impasse de l’élevage ­spécifique sur le bien-être animal thermique, pour éviter qu’elles ne (1) Le prénom a été changé.

Des images de l’association L214 montrent des bêtes entassées, parfois à l’agonie ou déjà mortes, dans des élevages de chevreaux ou de vaches laitières.
14 u
Le libé des animaux Sciences Libération Vendredi 8 Décembre 2023

Araignées Soies
Les araignées sont
recouvertes de poils
sensoriels appelés des soies
Araig
saute
Petite
Tapez «araignée mign
et des centaines d’a
apparaissent. Avec le

Un peu plus
qui leur permettent (quelques millimètre
de ressentir les vibrations, de chat et leurs c
les tapotements,
vibrantes, c’
les déplacements d'air
et compensent leur
qu’il faut com
faible vision amadoue

Pédipalpes

près des toiles


Equivalent des
mandibules chez les
crustacés et les insectes.
Chez les mâles, ils font
egalement office
d'organe copulateur

Huit pattes, six ou huit yeux, des crochets et des fils


de soie… Elles émerveillent les uns, épouvantent
les autres et sont l’objet d’un paquet de légendes. Chélicères
Se terminent par des
Plongée dans le monde merveilleux des arachnides. crochets et sont souvent
reliées à une glande à venin.
Elles permettent d'injecter
le liquide digestif pour
«pré-digérer» les proies
Par reçues et légendes urbaines à leur peau (elles façonnent plutôt des co-
Alice Clair encontre sont multiples, symptô- cons de soie pour protéger les
mes d’une grande méconnaissance œufs)… A l’inverse, on omet trop Céphalothorax
Fusion de la tête et du thorax,

L
es relations qu’on entretient de leur mode de vie et de leur fonc- souvent leur rôle crucial dans la
il porte les yeux, les huit
avec les araignées sont loin tionnement. Parmi les plus couran- chaîne alimentaire qui permet de
pattes, les pédipalpes,
d’être neutres. Certains les tes : non, on ne mange pas huit arai- réguler les populations d’insectes et les chélicères et la bouche
trouvent fascinantes, d’autres dan- gnées par an dans son sommeil en fait le meilleur insecticide natu-
gereuses, voire carrément terrori- (elles n’ont aucun intérêt à se rap- rel. On lève ici le voile sur ces mons-
santes… Elles sont les tristes victi- procher de notre bouche) ; elles ne tres à huit pattes avec un objectif :
mes d’une culture populaire les piquent que très rarement (et apprendre à mieux les connaître
ayant érigées en symbole malgré d’ailleurs, elles ne piquent pas, mais pour que la curiosité l’emporte sur
­elles et sont l’objet de l’une des pho- mordent, et de préférence leur la peur. Et c’est une arachnophobe
bies les plus répandues. Les idées proie) ; elles ne pondent pas sous la convaincue qui vous le dit… •

Une petite bête qui ne mange pas la grosse


Œil
Contrairement à une idée répandue, ­ ’autres animaux, et les morsures de
d Opisthosome
les araignées n’ont aucune raison de défense se font souvent sans injec- Assure les fonctions de
s’attaquer à un être humain. Pour el- tion de venin. Aucune araignée n’est digestion, respiration,
les, nous ne sommes pas des proies mortelle pour l’homme et les quel- excrétion, reproduction Filières
et leur venin est trop précieux pour ques cas de mort répertoriés dans et fabrication de la soie Appendices servant à
fabriquer la soie pour
être gaspillé. Ainsi, une grande par- le monde (une dizaine par an) sont
tisser leur toile. Certain
tie des «morsures d’araignées» surtout dus à des réactions inflam- Pédipalpe espèces d'araignées
­signalées sont en réalité dues à matoires et à des surinfections. Chélicère produisent plusieurs
types de soie
Piqûres ou morsures d'animaux venimeux
Proportion par nombre de piqûres et décès des suites de l'envenimation
Vue de face
Insectes Serpents Scorpions Araignées Animaux marins de la tête
Décès
Envenimations Les araignées des suites
morsure, piqûre... sont responsables de l'envenimation À quoi ça ressemble ?
de 2% des morsures
1% Huit pattes pour se déplacer, en
2%
ou piqûres et de 0,5% 0,5% 0,5%
3% des décès dans général six à huit yeux (et parfois
le monde 12%
12%
zéro), deux parties constituant le
corps, des appendices pour pal-
per ou se reproduire, des crochets Mygale
pour injecter le venin et des fils de Veuve noire Géante de
soie pour divers usages : voilà Mauvaise réputation C’est dans les forêts tr
pour la base. Leur corps mesure Oui, il lui arrive de manger Guyane qu’on trouve la
82% de 0,3 mm à environ 15 cm sans le mâle après l’accouplement, au monde, avec une tre
82% compter les pattes qui font mon- mais finalement pas plus que d’envergure. On la su
ter les plus grosses à une tren- n’importe quelle autre araignée... «mygale mangeus
taine de centimètres. Les quel- On la trouve dans le sud de la qu’elle préfère largemen
ques spécimens représentés sur France et ses (rares) morsures, comme les insectes ou
cette double page sont à taille ré- bien que très douloureuses, Goliath peut se montre
5% elle et se trouvent tous en France. ne sont pas mortelles. neurotoxique n’agit que
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u 15

Un premier fil relie deux Etapes de fabrication L’art de se faire


points d'ancrage fixés sur des d'une toile géométrique
orbiculaire
une toile
objets physiques
Point d'ancrage
Une araignée peut produire jusqu’à
gnée Fil de structure primaire huit types différents de soie : soie sè-
euse Fil de structure secondaire che entrant dans la confection de la
e puce Fil collant de capture toile régulière, soie gluante destinée
nonne» dans Google, Un deuxième fil pend à capturer les proies, soie qui adhère
araignées sauteuses entre les deux points aux proies comme du scratch, soie
eur taille minuscule d'ancrage parcheminée, soie cotonneuse en-
es), leurs grands yeux trant dans la confection des cocons…
couleurs souvent Si toutes les araignées fabriquent de
’est par elles L'araignée se la soie, toutes ne tissent pas de toile.
mmencer pour suspend au fil pour Environ 3 000 espèces tissent des
er la peur. le tirer vers le bas toiles géométriques, les autres (la
majorité) tissent des toiles en nappe,
en dôme, en fils diffus ou en tube.
Yeux L'araignée
Même si les araignées sont attache le dernier
dotées en général de huit point d'ancrage
yeux, leur vision est Tégénaire pour former un Y
souvent considérée Monstre gentil Danse de
comme médiocre.
Ce sont les plus grosses araignées l'araignée-
La majorité est plus
de France métropolitaine. Elles sont paon
sensible aux
vibrations et aux exactement ce qu’on imagine quand
odeurs émises on pense «grosse araignée velue»… mais
par leur proie complètement inoffensives et très
craintives. On les observe
surtout en automne, car
c’est à ce moment là que
les mâles partent en
quête acharnée Fils d'ancrage
d’une femelle. Cadeau de la
Pisaura mirabilis

La périlleuse parade
Fils de la nuptiale du mâle
structure
Problème de taille pour le mâle cher-
assurant la
chant à se reproduire : sa taille. Sou-
stabilité
Morphologies vent plus petit que la femelle, il res-
et espèces courantes semble à s’y méprendre à une proie.
en France Il faut donc ruser pour se faire remar-
Représentées à taille réelle quer sans se faire croquer…
Le rythme dans la toile
Chez toutes les araignées à toiles, le
rapprochement s’opère en faisant vi-
brer les fils à l’aide des pattes pour se
Rayons de fils
faire connaître tout en se distinguant
d’une proie.
Dancing king
Certaines araignées qui ne tissent
pas de toiles comme l’araignée-paon
Fils en spirale non collants, ont développé des chorégraphies
utilisés par l'araignée spécifiques et des tambourinages
comme référence pour la cadencés permettant de capter l’at-
disposition des fils collants tention de la femelle.
Pattes
Accrochées au
Piège de fil
céphalothorax et Chez les Thomisidae (ou araignées-
divisées en sept parties. crabes), le mâle tourne ­autour de la
Parmi les quatre paires femelle tout en dévidant des fils de
de pattes locomotrices, Fils collants en spirale soie qui l’immobilisent pendant la
les deux premières paires servant à la capture durée de l’accouplement.
nes de pattes antérieures des proies
sont dites tractives et les Autres espèces Cadeau intéressé
deux paires postérieures courantes de la classe Le mâle Pisaura mirabilis apporte à
sont dites pulsives des arachnides la femelle un ballot de soie renfer-
mant une proie, puis profite qu’elle
soit occupée à manger pour s’accou-
Ixodida tique pler discrètement.
Arachnide
de la famille Une grande famille
des acariens Les araignées appartiennent à la
Acarien classe des arachnides. Ceux-ci se
Arachnide distinguent des insectes par quatre
généralement minuscule. paires de pattes et un corps com-
50 000 espèces posé de deux parties (céphalothorax
Goliath Pholque répertoriées et opisthosome), dépourvu d’anten-
e la jungle Fée du logis Opillon faucheux nes et d’ailes. La classe des arachni-
ropicales humides de Ne supportant pas le grand froid, elle est des compte plus de 50 000 espèces.
Se distingue des
a plus grosse araignée chez nous comme chez elle. Idéale pour araignées par l'absence
entaine de centimètres se débarrasser des moustiques et des de venin et de soie Sources : Je n’ai plus peur des araignées,
d’Abdelkader Mokeddem et Christine
urnomme également autres petits insectes des maisons.
Rollard ; A la découverte des araignées et
se d’oiseaux» bien En cas de danger, elle s’agite très autres arachnides, d’Alain Canard et Christine
nt des proies plus petites rapidement en tournant sur elle-même, Scorpion Rollard ; Envenimations et intoxications par
u les vers. Si l’araignée jusqu’à presque disparaître. Elle est les animaux venimeux ou vénéneux, de Jean-
Arachnide doté Philippe Chippaux et Max Goyffon ; Muséum
er agressive, son venin souvent prise à tort pour un faucheux de pinces et d'un national d’histoire naturelle ; Wikipédia
e peu sur l’être humain. (opilion) ou un cousin (tipule). aiguillon venimeux et World Spider Catalog.
16 u
Le libé des animaux Expresso
Libération Vendredi 8 Décembre 2023

En Australie, des corridors


LIBÉ.FR ­d’eucalyptus pour protéger
les koalas en péril
A la veille d’un été austral potentiellement très chaud, les
ONG ­tentent de protéger les petits herbivores à poil gris
en plantant des rangées d’arbres pour leur offrir un ­passage
sûr au milieu des champs. Ils sont menacés, notamment
à cause de la déforestation chronique. Article et vidéo
à voir sur Libération.fr. Photo Getty Images. AFP

En Méditerranée, à la
poursuite de la grande
nacre disparue
Emblématique nacre peuvent atteindre jus- gressivement dans les petites
de la faune qu’à 1,20 m. Plantées à la ver- profondeurs.
aquatique, l’énorme ticale, ses deux grandes val- Ainsi, en 2016, 600 nacres
coquillage est en ves dépassent des herbes étaient recensées sur les
danger d’extinction, marines. Le coquillage se fixe 33 hectares de la petite ré-
victime de par une barbe, appelée le serve du Larvotto à Monaco.
la surpêche, puis byssus, et se déplace grâce à Aujourd’hui, il n’y en a plus
un pied. S’il est couché par aucune. La décimation s’est
d’un parasite qui
le courant, il zigzague et se opérée fin 2018. «En quinze
pourrait lui être fatal. replante. Tout au long de jours c’était fait, se souvient
sa vie, des huîtres, des épon- Jacqueline Gautier-Deber-
Par ges et des algues se fixeront nardi, directrice de l’Associa-
Mathilde Frénois, sur sa coquille, attirant pois- tion monégasque pour la
Correspondante à Nice sons et crustacés. A sa mort protection de la nature. On
(elle peut vivre jusqu’à a vu une nacre morte. Puis

N
i écailles de sirène ni 45 ans), la grande nacre de- une deuxième, une troisième.
tentacules de kra- vient le gîte de dorades et Petit à petit, elles sont toutes
ken : la grande nacre de poulpes, ses principaux mortes.» Denis Chaboud,
de Méditerranée n’est pas prédateurs. lui aussi, a vu «toutes les na-
une créature imaginaire, Comme la plupart des histoi- cres mourir». A 47 ans, ce
mais son histoire ressemble res d’espèces en voie de dis- moniteur de plongée sur
à une légende. Ceux qui l’ont parition, celle de la grande le Rocher, qui enfile son mas-
déjà croisée multiplient les nacre est d’abord celle de sa que 200 fois par an, en parle
superlatifs : «le plus grand bi- prédation par l’homme. Ses désormais au passé : «C’était
valve du monde», «le plus gros valves sont de un compagnon
des coquillages», «le plus im- fantastiques l’histoire de plongée. J’ai
pressionnant». Le biologiste trophées pour du jour grandi avec. Ça
marin Nardo Vicente se sou- les plongeurs. faisait partie
vient de sa première rencon- Les grandes coquilles incur- du paysage. Les anciens
tre («en apnée») avec «cette vées font de magnifiques comme moi, on a toujours un
espèce emblématique» : «Tout souvenirs dans les magasins petit œil ouvert. Si on tombe
est parti de là.» Eric Dulière, de bord de mer, des appli- dessus…»
président d’un club d’archéo- ques sur les murs des appar-
logie marine à Villefranche- tements et des supports de «Terminé». Une certitude :
sur-Mer (Alpes-Maritimes) gouaches du plus bel effet. La la Pinna nobilis est victime
et descendant de pêcheurs, légende raconte que le bys- d’un parasite du nom de Ha-
garde en mémoire cette boîte sus de la nacre aurait été uti- plosporidium pinnae. Cet
mystérieuse dans laquelle lisé pour fabriquer la toison animal unicellulaire de quel-
son grand-père conservait d’or de Jason ? On en fera ques dizaines de microns
«de petites perles comme des «des sacs, des écharpes, des pond dans le système diges-
têtes d’épingles», cueillies au bonnets, énumère Nardo Vi- tif. Il est fatal pour les bival-
creux de sa coquille. cente. Quel est le plongeur qui ves. D’abord repéré dans le
Des histoires qui tiennent n’a pas récolté une ou plu- sud de l’Espagne, il est re-
autant du récit que du souve- sieurs nacres pour consom- monté jusqu’aux côtes fran-
nir : la grande nacre de Médi- mer le muscle qui joint les çaises. Comment est-il ap- Une grande nacre dans une réserve monégasque, en 2011. Photo Biosphoto. AFP
terranée a presque disparu. deux valves ? On dit que ça a paru ? Deux hypothèses : soit
Pinna nobilis, coquillage en- le goût de la queue de lan- par les eaux de ballast d’un biologiste de 87 ans. Il s’agis- pement de jeunes nacres. Les Le club d’archéologie sous-
démique de la Méditerranée, gouste. Moi, je n’ai jamais cargo japonais, soit avec le sait bien d’une Pinna nobilis. larves seront captées, suivies marine d’Eric Dulière a été
est désormais en danger cri- ­essayé.» réchauffement des océans. Je me mets à l’eau, elle est en milieu contrôlé puis réin- «le premier à montrer des
tique d’extinction, inscrite Protégée depuis 1992, la «Vous avez en dormance une à 20 °C. En m’approchant, tégrées en milieu littoral images chocs de la grande na-
sur la liste rouge des espèces grande nacre ne peut plus foultitude de virus, des para- j’aperçois un rafraîchisse- «quand le virus aura dis- cre». Des coquilles sont ou-
menacées. être pêchée, mais elle conti- sites, divers germes. Avec le ment et un trouble. C’était dû paru», précise Nardo Vi- vertes en deux, en éventail.
nue d’être une victime colla- changement climatique et le à une arrivée d’eau douce.» Le cente. A Monaco, des opéra- «Sur la Côte d’Azur, on n’en
Trophée. «Tout à coup, je térale de la destruction de la maintien des températures de parasite n’opérant que dans tions de captage ont déjà été voit plus une vivante. C’est
vois une énorme moule», dé- posidonie, ces herbiers sous- la Méditerranée à un niveau l’eau salée, cette grande na- lancées. «Des filets, qui res- terminé, déplore-t-il. C’est
crit Nardo Vicente, le plus marins qu’elle habite, dé- élevé pendant plusieurs mois, cre est épargnée. Comme semblent à des sacs à patates, comme si, dans une forêt,
grand spécialiste de l’animal truits par les ancres des ba- leur nombre explose», expli- ­celles des étangs de Thau et sont fixés sur des bouées. S’il y vous enleviez la moitié des ar-
et ­ancien délégué général de teaux. Sans parler des rejets que Nardo Vicente. de Corse. «S’il reste 1 % de a des larves, elles peuvent bres.» On peut encore l’obser-
l’Institut océanographique d’eaux usées qui tuent les lar- Mais un jour de mars 2022, la population, c’est au voisi- s’accrocher, détaille Jacque- ver sur le timbre de 2 centi-
Paul-Ricard de Six-Fours-les- ves. Les aires marines proté- «un plongeur amateur quali- nage des deltas», expose le line Gautier-Debernardi. mes de Monaco. La grande
Plages (Var), quand il raconte gées se transforment dès lors fié» envoie plusieurs photos spécialiste. Mais il n’y en avait pas.» L’es- nacre de Méditerranée pour-
son premier tête-à-tête. C’est en havre de paix et les colo- prises au large de Cassis. «J’ai Un programme européen est poir de repeupler les eaux ra- rait bien devenir un être
que les coquilles de la grande nies se reconstituent pro- failli m’étrangler, rejoue le lancé, prévoyant le dévelop- pidement s’éloigne. de papier. •
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u 17

LIBÉ.FR
«Peuple des abysses»,
vingt mille yeux
sous les mers
Tous deux passionnés de plongée, Anthony
­Berberian et Fabien Michenet ont photographié
de nuit les bestioles incroyables – de quelques
­millimètres ou immenses – dont ils ont croisé la
route entre la surface et 60 mètres de profondeur.
Photo Anthony Berberian et Fabien Michenet

1936
Bien-être animal Bruxelles fixe
des limites aux temps de transport Cuisses de grenouille :
il y a de quoi bondir
La Commission européenne propose de limiter à neuf heures
le temps de transport des animaux destinés à l’abattage, dans
le cadre de nouvelles règles présentées jeudi visant à amélio-
rer le bien-être animal. La législation européenne actuelle,
vieille de vingt ans, ne fixe aucune limite à la durée du voyage Une spécialité bien fran- exportateurs, les popula- nom est inscrit sur l’em-
vers un abattoir – seulement une obligation de repos de vingt- çaise, réservée aux ama- tions d’espèces de grande ballage.»
quatre heures après vingt-quatre à vingt-neuf heures de teurs, aux gourmets et taille, comme la grenouille En naviguant sur les sites
voyage, en fonction de l’espèce. Pour les animaux qui ne sont autres fines gueules… de Java, s’effondrent les marchands, on s’aperçoit
pas destinés l’abattage, la Commission fixe désormais la du- Sauf que l’écrasante unes après les autres. De en effet que le pays d’ori-
rée maximale de transport à vingt-et-une heures, à condition ­majorité des grenouilles plus, leur disparition en- gine des batraciens n’est
On l’avait perdue de vue
qu’ils puissent se reposer au bout de dix heures. Si le voyage consommées en France traîne la pullulation d’in- pas toujours indiqué, loin depuis… 1936 : deux spé-
nécessite une deuxième étape (d’un maximum de vingt-et- n’ont rien de local : selon sectes et donc le recours de là. Idem pour la «frai- cimens de «taupe dorée»,
une heures), les animaux devront se reposer vingt-quatre la Direction générale de à des pesticides nocifs, rine», une sorte de pâté à une espèce connue pour
heures entre les deux et pouvoir boire, à l’extérieur du véhi- l’alimentation, nous en comme ce fut le cas en base de gras de porc et de
cule. La réforme prévoit aussi un «espace minimal augmenté importons en moyenne Inde.» chair de cuisses de gre-
«nager» dans le sable, ont
et adapté à chaque espèce» pendant le transport, et de nouvel- 2 820 tonnes par an, dont Ce n’est pas tout : selon nouille, baigné dans été repérés près de Port
les règles pour protéger les animaux des températures extrê- 2 620 tonnes en prove- Robin des bois, les gre- de la gelée et arrosé de Nolloth, dans le nord-
mes. Ces propositions visent à refléter davantage «les connais- nance d’Asie. Les cuisses nouilles importées sont vin blanc. ouest de l’Afrique du Sud,
sances et avis scientifiques les plus récents» et autres «objectifs congelées viennent d’In- irradiées au cobalt 60 afin La France compte pour-
de durabilité», explique la Commission. donésie, du Vietnam ou d’éliminer un maximum tant encore de nombreux
a annoncé fin novembre
d’Inde. Les cuisses réfri- de germes toxiques. «Avec froggies. Les 27 et 28 avril, une équipe regroupant des
gérées sont expédiées de l’ONG allemande Pro Wil- Vittel organisera ainsi chercheurs d’une ONG lo-
«Bien vieillir» Les animaux des résidents Turquie, d’Albanie ou dlife, nous demandons la 50e édition de sa «Foire cale et de l’université de
bientôt bienvenus dans les Ehpad ? bien de Belgique, qui les donc l’arrêt de ces impor- aux grenouilles» : entre
importe puis les revend. tations par l’UE», tranche 15 000 et 20 000 visiteurs
Pretoria. Ce petit animal
Dans les couloirs des maisons de retraite, ronronnements et Des grenouilles vivantes Charlotte Nithart. sont attendus durant aveugle, au pelage irisé et
aboiements pourraient bientôt accompagner le ronflement arrivent même par la Selon ces deux ONG, le week-end. «Environ à l’ouïe hyperdéveloppée,
des résidents. Un amendement à la loi «bien vieillir» – déposé route depuis la Bulgarie, les consommateurs sont 4 tonnes de cuisses de gre- s’appelle officiellement la
par le député Philippe Juvin et adopté à l’Assemblée nationale l’Albanie, l’Egypte… également trompés par nouille sont consommées
«taupe de Winton». Son ouïe
le 23 novembre – veut rendre possible l’accueil des animaux «Les grenouilles sont pro- des informations floues, durant cette foire an-
de compagnie dans les établissements pour personnes âgées. tégées en Europe mais erronées ou carrément nuelle», se réjouit Martine exceptionnelle, qui détecte
«L’Ehpad est un domicile, et non un hôpital. Chez soi, on est l’Union européenne tolère absentes concernant le Guigues, «grande maî- d’infimes vibrations du sol,
libre», avance le député des Hauts-de-Seine. La décision a été que des millions soient pays d’origine des gre- tresse» de la Confrérie des lui a probablement permis
applaudie par la fondation 30 Millions d’Amis, qui se réjouit capturées ailleurs dans nouilles ainsi que leur es- taste-cuisses de gre-
d’éviter l’homme. Comme
d’une «avancée sociétale». Sa présidente, Reha Hutin, s’alar- la nature, explique Char- pèce. Déjà, en mars 2017, nouilles de Vittel. Une
mait de devoir accueillir des chiens et des chats dont «les maî- lotte Nithart, porte-parole le Muséum national fête de la gastronomie qui dans un roman policier,
tres ont été contraints de se séparer à contrecœur, lors de leur de l’ONG Robin des bois. d’histoire naturelle avait n’est pourtant que très re- c’est en analysant des traces
transfert». Selon cette nouvelle réglementation, les Ehpad au- L’Europe importe ainsi mené des tests ADN sur lativement locale : ces génétiques laissées derrière
ront dorénavant l’obligation de prendre «les dispositions néces- plus de 4 000 tonnes de des cuisses congelées. grenouilles arrivent con-
elle sous forme de poils ou
saires» à l’accueil d’un animal domestique. En attendant que cuisses par an dont les Verdict : «Dans 99 % des gelées d’Indonésie, du
le Sénat entérine la loi, les petits compagnons patientent. trois quarts proviennent cas, le consommateur ne Vietnam, de Turquie… de cellules cutanées qu’elle
La séparation avec leur maître touche à sa fin. d’Indonésie. Dans les pays mange pas l’espèce dont le Sarah Finger a pu être confondue.

Tian Tian
Deux bébés kiwis
sauvages rassurent
la Nouvelle-Zélande
L’espoir de sauver le kiwi nouveaux membres, comme
brun, ce petit oiseau incapa- l’a annoncé le 30 novembre
ble de voler endémique à l’équipe du «Capital Kiwi
la Nouvelle-Zélande, renaît Project». Leur population
C’est le nom de la femelle panda du zoo
avec la venue au monde ré- ­devrait d’ailleurs encore
cente de deux poussins près s’élargir avec l’éclosion atten- d’Edimbourg, qui est repartie lundi vers la Chine
de Wellington, la capitale du due de 18 autres bébés kiwis avec son compagnon, Yang Guang. Le couple,
pays. Il s’agit des premières bruns. Les deux kiwis nés à l’état sauvage. PETE KIRKMAN. AFP qui a attiré des millions de visiteurs en Ecosse
éclosions sauvages enregis- L’animal l’a échappé belle. ­pendant douze ans, n’a pas eu de petit. Il s’agissait
trées dans la région depuis Avant l’arrivée des colons eu- de conservation en 2016. charge du Capital Kiwi Pro-
des seuls spécimens de tout le Royaume-Uni. Le
plus d’un siècle. Il y a tout ropéens, au XIXe siècle, des D’après l’organisation carita- ject. Car si un adulte est en
juste un an, 63 kiwis avaient millions de spécimens à long tive Save the Kiwi, 95 % des mesure de les repousser à retour au bercail de Tian Tian et Yang Guang est
été relâchés dans la nature bec et au plumage brunâtre et spécimens nés à l’état sau- l’aide de ses puissantes pat- le symbole d’un retournement de la «diplomatie
dans le cadre du programme duveteux vivaient en Nouvel- vage sont tués avant d’attein- tes et griffes acérées, un oi- du panda», outil de soft power grâce auquel Pékin,
de sauvegarde «Capital Kiwi le-Zélande. Mais la popula- dre l’âge adulte. sillon en est incapable. Une en «prêtant» des animaux, en faisait une arme
Project», qui vise à rétablir tion de ces oiseaux est «Ils se font massacrer par les intense campagne d’élimina-
­diplomatique. Les «pandas américains» de Wa-
une population sauvage de ­aujourd’hui estimée à seule- hermines qui mangent les tion des prédateurs naturels,
kiwis à grande échelle. Un ment 68 000 individus, ce qui poussins avant qu’ils n’attei- tels que les rats, les chats, et shington ont ainsi regagné la Chine cette année et
programme qui a finalement a poussé le gouvernement à gnent leur poids de combat», les furets, a donc été menée. ceux d’Atlanta doivent le faire en 2024, scellant les
porté ses fruits avec ces deux lancer un vaste programme développe Paul Ward, en Sascha Garcia tensions entre les deux pays.
18 u
Le libé des animaux Expresso
Libération Vendredi 8 Décembre 2023

LIBÉ.FR
Feng Li, photographe
­arrivé à bon porc
L’artiste chinois habitué
de street photography revient dans une série
de ­clichés intimes sur la relation étroite qu’il
­entretient avec son cochon, Piggy Feng. Lui
et sa femme ont adopté l’animal il y a sept ans,
le sauvant d’une mort certaine. Un diapo à voir
sur Libération.fr. Photo Feng Li

bler les habitudes de la pen-


sionnaire originelle. «Au dé-
but, Gandhi avait très peur
de Delhi. Ça a pris quasiment
un an pour qu’elles se rappro-
chent», explique Sofie. Mais
depuis, les deux entretien-
nent «une très belle relation».

Fumier. La douche est ter-


minée. Gandhi et Delhi peu-
vent reprendre leur activité
principale. Une occupation
incontournable qui leur
prend seize heures par jour :
manger. Elles broutent
l’herbe locale, boulottent des
branches d’arbre, mâchent
des kilos de foin et se régalent
de fruits et de légumes, avec
chacune des petites préféren-
ces, que la soigneuse Char-
lotte détaille : «Delhi est fan
de tous les fruits mais il ne
faut pas en abuser car les élé-
phants ne supportent pas trop
le sucre. Gandhi, elle, fait une
fixette sur les artichauts, et a
du mal avec les courgettes.»
Les tomates et les potirons
sont proscrits : leurs graines,
indigestes, seraient retrou-
vées intactes dans les 180 ki-
los de fumier quotidien.
Devant la grange, une petite
équipe de bénévoles s’active
Gandhi, 54 ans, première pensionnaire d’Elephant Haven, se badigeonne d’argile pour protéger sa peau des insectes et du soleil. justement pour trier des di-
zaines de kilos de fruits et lé-
gumes. Ce sont des invendus

En Haute-Vienne, des morceaux de fruits pour


la récompenser.
La voici immaculée. Mais pas
pour longtemps : sa longue
du supermarché du coin,
donnés à l’association. Cette
aide régulière est bienvenue
pour la structure, qui repose

un Ehpad pour éléphants trompe vient fureter sur un


tas d’argile qu’elle projette en
quantité sur son ventre et son
dos. «C’est pour se protéger du
entièrement sur les dons, et
se trouve déstabilisée par
l’inflation galopante. «Les
dons sont stables mais les frais
soleil et des insectes», traduit de fonctionnement se sont en-
Près de Limoges, heure au sud de Limoges, Haven ont dû quasiment tout mal peut espérer vivre entre Nathalie Bouquerod, une des volés», souffle Sofie, inquiète
un couple de que Tony Verhulst et Sofie construire, en commençant 50 et 60 ans en captivité. quatre employées de l’asso- pour l’avenir du refuge. Il faut
soigneurs belges Goetghebeur, deux soigneurs par les grandes clôtures de Soudain, le talkie-walkie de ciation. «Leur peau est très dire qu’un éléphant, ça chif-
s’occupe de belges, ont posé leurs valises l’enclos principal (4 hectares) Sofie l’interrompt : «C’est fine et très sensible, ajoute So- fre énormément. Gandhi et
deux retraitées en 2016 pour monter un pro- et l’étable attenante, bâtie l’heure de la douche !» Vite, fie. Elles sentent même les pi- Delhi coûtent 100 000 euros
pachydermiques jet d’envergure : ouvrir un pour accueillir trois spéci- on court vers l’enclos. Delhi, qûres de moustiques.» chacune à entretenir chaque
dans un refuge sanctuaire pour les vieux élé- mens adultes. Il a fallu aussi la plus dynamique, a déjà Les éléphants, des animaux année.
phants rescapés des cirques bâtir la confiance avec les voi- fini ses ablutions. très socia- Pour autant, Sofie et Tony ne
qui veut donner INDR
E
et des zoos d’Europe. Après sins et les autorités locales Un peu timide, bles, vivent se voient pas faire autre
une belle fin de vie E
avoir travaillé dans des parcs qui les ont parfois pris «pour Gandhi pointe ENN en famille chose que ce travail passion
aux rescapés des animaliers pendant plus de des hurluberlus», comme le le bout de sa
VI
dans la na- qui les occupe 365 jours par
cirques et zoos. vingt ans, le couple a ressenti concède Sofie en souriant : trompe. On HAUTE- ture. Ils ne an, sans vacances possibles.
VIENNE CREUSE
le besoin d’en faire plus pour «Ça a pris des années, mais distingue CHARENTE peuvent pas Si les finances suivent, ils
Par Jean-Baptiste ces grands mammifères, qui on y est arrivés», dit fière- la doyenne Limoges vivre long- prévoient de construire une
Chabran sont souvent loin d’avoir des ment la quinquagénaire. Car de sa ca- temps tout nouvelle étable afin d’ac-
Envoyé spécial conditions de vie idéales en en octobre 2021, cinq ans dette par sa seuls. Il était cueillir de nouveaux pen-
à Bussière-Galant captivité, a fortiori quand ils après l’arrivée du couple dans couleur plus Bussière- donc crucial sionnaires. En effet, la loi
DORDOGNE Galant
Photo Romain vieillissent. le Limousin, l’Ehpad pachy- claire. A un que Gandhi et oblige les cirques français à
Longieras dermique, unique en son train de séna- 10 km Delhi s’appré- se séparer de leurs animaux
«Hurluberlus». Sous un genre en Europe, a enfin teur, la vieille dame cient. Ce qui a pris du sauvages avant 2028. Parmi

A
Bussière-Galant, en ciel orageux de début sep- pu accueillir sa première re- de 3 tonnes passe les gran- temps et a beaucoup stressé les 500 animaux recensés par
Haute-Vienne, il y a tembre, Sofie nous fait visiter traitée : Gandhi, 54 ans, ve- des portes de l’étable et con- la petite équipe d’Elephant le gouvernement, le couple
une église, 1 200 habi- ce havre de verdure où la nue d’un zoo breton. A sent à faire sa toilette. Pen- Haven. Venue d’un parc ani- espère bien pouvoir rapatrier
tants et deux éléphants plaine vient rencontrer la fo- l’été 2022, elle a été rejointe dant que la soigneuse malier tchèque, Del­hi a été quelques éléphants pour leur
d’Asie. Car c’est dans ce coin rêt. Sur 29 hectares de terrain, par Delhi – presque une jeu- Charlotte Pidoux l’arrose installée dans l’enclos mi- offrir une retraite paisible au
un peu reculé, à une demi- les fondateurs d’Elephant nette à 40 ans, quand l’ani- avec le tuyau, Tony lui lance toyen pour ne pas trop trou- cœur du Limousin. •
EXPOSITION 14 10 2023 7 07 2024

La
scandaleuse
vie de la nature

sex_appeal

museum.toulouse-metropole.fr
Cette exposition est reconnue d’intérêt national
par le ministère de la Culture qui lui apporte à
ce titre un soutien financier exceptionnel
20 u Libération Vendredi 8 Décembre 2023

Idées/ Le Libé
des animaux

Laurent Tillon
Recueilli par Oui. Seul Desmodus rotundus, le
Coralie Schaub vampire commun, qui vit en Amé­-
rique du Sud, peut se nourrir du

N
ous les avons si longtemps sang des grands mammifères, des
craintes, honnies. Par pure animaux sauvages, parfois du bétail
ignorance. Il est temps de
nous réconcilier avec les chauves-
souris, dont nous découvrons
­depuis peu les incroyables capacités
«Les chauves-souris et plus rarement des humains s’ils
ferment mal leur moustiquaire.
Seules deux autres espèces, elles
aussi d’Amérique du Sud, prélèvent

sont des bijoux


biologiques et la riche vie sociale. des fluides corporels. La plus petite
D’autant qu’elles jouent un rôle éco- du monde, qui pèse trois grammes,
logique clé. Nous avons la chance, se nourrit de l’hémolymphe des
en France, d’en avoir 36 espèces sur ­insectes. Une autre suce le sang des
les 42 que compte l’Europe. Prêtons tout petits mammifères et oiseaux.

­high-tech»
attention à ces petits mammifères A part ces trois-là, tous les autres
discrets au vol papillonnant, chiroptères sont frugivores, necta­-
choyons-les, et nous aurons tout à y rivores ou insectivores. Beaucoup
gagner. C’est ce que nous enseigne, d’arbres forestiers, notamment sous
avec une passion communicative, le les tropiques, n’existeraient pas sans
chiroptérologue et ingénieur fores- Laurent Tillon, chiroptérologue eux. Car ils pollinisent leurs fleurs
tier à l’Office national des forêts et ingénieur forestier à l’Office ou dispersent leurs graines. Plus on
Laurent Tillon dans son formidable national des forêts, révèle lève le voile sur ces mystérieux
ouvrage les Fantômes de la nuit. Des dans son dernier ouvrage mammifères, plus on réalise leur
chauves-souris et des hommes (Actes nécessité. Ils contribuent vraiment
Ingrid Bailleul

Sud, 2023). Entretien.


l’importance de la présence au bon fonctionnement des écosys-
Votre première rencontre et de l’action de ces petits tèmes, en particulier forestiers.
avec une chauve-souris, c’était mammifères dans la sauvegarde Et, au passage, ils nous débar-
quand ? de la biodiversité, et donc rassent des moustiques !
J’avais 15 ans. Je vadrouillais en de notre planète. Qui s’en plaindra ! La pipistrelle
­forêt, en vallée de l’Eure, en février. commune, celle qui fait seulement
A l’entrée d’une grotte, j’ai distingué cinq grammes, peut manger de 600
une forme de la taille d’un demi- à 1 000 moustiques par nuit. Il n’y a
pouce. C’était ma toute première aucune raison de les laisser à dis-
chauve-souris, elle était en léthar- tance, au contraire. D’ailleurs, ces
gie. J’ai alors découvert que ces ani- êtres fascinants ont toujours été
maux ne présentent aucun risque, proches de nous. Nous avons
contrairement à ce qu’on m’avait d’abord partagé les grottes.
­seriné quand j’étais gamin. Au ­Aujourd’hui, nous cohabitons sou-
­début des années 80, dans la cam- vent dans nos maisons avec les
pagne percheronne où vivaient mes ­pipistrelles, sérotines, oreillards,
grands-parents, on croyait encore rhinolophes ou certains murins…
aux malédictions liées aux chauves- Mais elles sortent quand nous dor-
souris. Comme les chouettes, elles mons, et inversement. Comme si
ont longtemps été clouées aux por- ­elles étaient nos fantômes de la nuit,
tes des granges. On m’avait dit «sur- et nous, leurs fantômes du jour.
tout reste éloigné, elles s’accrochent Quand vous avez commencé à
aux cheveux, sucent le sang, sont les étudier, dans les années 90,
­signe de malheur». L’adolescent que elles restaient méconnues. Cela
j’étais, en colère et curieux, a voulu a-t-il changé ?
braver l’interdit. A l’époque, s’intéresser à ces bes­-
Comment expliquer cette aver- tioles n’était pas hyper sexy. Et les
sion ancestrale ? premières études menées dans les
La première raison, c’est qu’on ne années 60 avaient détruit des popu-
les connaissait pas. On pouvait par- lations entières, car on les mani­-
fois les observer hibernant dans pulait et on les réveillait en pleine
certaines grottes. Mais en été, leur hibernation. Par crainte d’entraîner
vie au milieu de la végétation fores- leur disparition, il y a eu moins
tière était invisible, inaudible, insai- d’observations de ce type. Jusqu’à
sissable. Ce qu’on méconnaît, on le ce que des technologies comme la
méprise, on en a peur. Et ce sont des détection ultrasonore chamboulent
animaux de la nuit, de ce noir qu’on tout, à partir de la fin des années 90.
redoute. Dans la religion catho­- Avec cette méthode, il était possible
lique, leurs ailes étaient adossées au d’accéder à l’univers acoustique des
diable. Le mythe de Dracula ne les chauves-souris, qui est d’une
a pas aidées non plus. Et puis, pré- grande richesse et nous permettait
tendre qu’elles s’agrippent aux che- enfin de les révéler. Les chiroptéro-
veux et boivent le sang permettait logues sont bien plus nombreux
d’empêcher les demoiselles de sor- ­aujourd’hui, il y a énormément de
tir le soir. Ces légendes infondées jeunes, des femmes, c’est fabuleux !
sont longtemps restées dans l’ima- Qu’a-t-on découvert sur elles ?
ginaire collectif. D’abord, qu’elles ont des superpou-
Une seule des 1 400 espèces re- voirs extraordinaires. Ce sont des bi-
censées dans le monde peut joux high-tech. Il y a l’écholocation,
nous sucer le sang… Le Desmodus rotundus, le célèbre vampire de la forêt guyanaise, à Saül. Photo Tanguy Stoecklé bien sûr. La chauve-souris émet un
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u 21

«Ces animaux ont ce dernier dévore les ­racines des ar-


bres. Puis, adulte, il avale leurs
de la mémoire. Et feuilles. Au risque de les tuer.
ils communiquent Comme il y a moins de noctules, les
hannetons pullulent. A tel point
énormément […]. que 80 000 hectares de forêts subis-
Leurs capacités sent des mortalités massives, en
grande partie à cause d’eux. Cela
sociales concerne surtout les chênes, qui
ressemblent à ­figurent parmi les essences forestiè-
res captant le plus de carbone, donc
celles des grands bénéficiant le plus au climat…
­celui-là même que les éoliennes
animaux à gros sont censées préserver. Cet exemple
cerveau comme montre qu’on ne réglera la crise
­climatique que si on tient aussi
les cachalots…» compte de la biodiversité.
C’est ce qui se passe pour les
son très puissant réfléchi par un chauves-souris, non ? Elles sont
obstacle, un écho lui revient qu’elle de plus en plus chouchoutées…
analyse en quelques milli­secondes Oui, depuis les années 90, une
pour se repérer dans l’espace. Il y a ­attention particulière leur est por-
aussi leur rythme biologique com- tée. Des programmes visent à proté-
plètement fou. Quand elles rentrent ger des gîtes, à restaurer des habi-
en hibernation, elles peuvent passer tats. En forêt, au cœur des parcelles
en une heure de 800 pulsations car- de production, on maintient désor-
diaques par minute à moins de 10, mais des arbres pour la biodiversité.
leur température corporelle chute On crée aussi des réserves forestiè-
de près de 40 °C à 8 °C ou à 10 °C. res en libre évolution. Et ça paie ! Le
­Elles ralentissent leurs fonctions grand rhinolophe, qui se portait
­vitales pour limiter toute dépense mal, a vu sa population croître
d’énergie inutile qui leur serait de 30 % en France entre 2005
­fatale. C’est prodigieux, cela défie et 2015. Quand on fait des inventai-
les lois de la biologie. Leur système res acoustiques dans certaines fo-
immunitaire est aussi ultra-perfor- rêts, comme celle de Rambouillet,
mant. On a découvert chez le grand on est débordés par le nombre d’es-
murin un gène qui permet d’éviter pèces et d’individus présents !
les inflammations et les cancers, et Et nous avons tout intérêt à les af-
de réparer l’ADN en permanence. Ce fectionner ainsi. Ne serait-ce que
qui explique sa longévité exception- pour éviter qu’elles nous transmet-
nelle : alors qu’il pèse 25 grammes, tent des ­virus, type Sras, Mers-Cov,
il peut vivre quarante ans. Mais la Ebola, Covid-19… Car à chaque fois,
longévité des chauves-souris s’expli- Le Myotis myotis, ou grand murin, dans une champignonnière. Photo Tanguy Stoecklé les vrais responsables de ces zoono-
que aussi par leur époustouflante ses, c’est nous. En détruisant leur
intelligence sociale. muniquent énormément, donc se centimètres de votre visage pour printemps était mauvais et où les fe- habitat, nous les stressons, or, ce
C’est-à-dire ? transmettent forcément l’informa- vous «scanner». On sous-estime la melles peinaient à nourrir les petits. stress augmente leur taux de corti-
Elles ont développé des liens ­sociaux tion. Leurs capacités ­sociales res- faculté qu’ont les autres vivants de J’ai l’impression qu’elles nous iden- sol, qui éteint l’expression du gène
qui leur permettent d’optimiser les semblent à celles des grands ani- c­onsidérer qui nous sommes, de tifient comme des êtres en qui elles leur permettant de résister aux ma-
ressources disponibles. C’est ce qui maux à gros cerveau, comme les nous percevoir, avec leur histoire à pourraient avoir confiance. ladies. Donc pour éviter les pandé-
me secoue le plus. Dans ces sociétés cachalots, les chimpanzés, les élé- eux, leur ­«culture», j’ose utiliser le Pourtant, nos activités les mena- mies, il faut qu’elles aillent bien.
matriarcales vivant en colonies, les phants ou les loups. Les chauves- mot. Il reste tant à découvrir sur le cent… C’est simple : plus on prendra soin
femelles s’associent, soit par lignées souris chassent en meute : j’ai ob- sujet. C’est vrai. Raser des haies, utiliser des autres vivants, des forêts, de no-
familiales dans le cas du murin de servé deux murins de Natterer Vous racontez cette histoire des pesticides qui tuent les insectes tre Terre, plus elle sera en bonne
Bechstein, soit entre copines chez «pousser» acoustiquement des folle : une mère a fait l’effort dont elles se nourrissent, continuer santé et mieux on se portera. Tout
les oreillards roux. ­Elles ont compris ­papillons vers deux autres qui les ­contre-nature de sor- à construire des routes est lié.
tous les bienfaits de l’entraide. Cel- ­attendaient. C’est dingue. tir en plein jour pour aberrantes comme Que pouvons-nous faire, chacun
le-ci peut aller jusqu’au sacrifice : les L’une d’elles vous a longuement abandonner son uni- l’A69 Toulouse-Cas- de nous, pour qu’elles se portent
mauvaises ­années, quand la nourri- observé, un soir que vous étiez que bébé sur un mur tres… Tout cela leur fait bien ?
ture est rare, chez le murin de Bech­- attablé, postée juste au-dessus de maison, juste à côté du mal. Il y a aussi l’éo- Par exemple, ne plus fermer certains
stein, certaines femelles avortent de vous… de la porte d’entrée… lien, qui tue la noctule volets. C’est ce que je fais chez moi,
pour se rendre totalement disponi- C’est très troublant, presque gênant. L’aurait-elle confié commune : elle traverse et trois espèces ont emménagé der-
bles pour la colonie. S’il le faut, elles Elles sont curieuses, viennent à no- aux humains pour des champs ­éoliens rière eux. Ou à la tombée de la nuit,
restent au gîte des nuits complètes tre rencontre, se questionnent sur qu’il soit recueilli ? quand elle migre et vole en terrasse, les observer avec ses
successives pour maintenir la cha- qui nous sommes, des comporte- La question se pose. La ­entre 50 et 200 mètres amis, en trinquant, ce sont des mo-
leur au sein de la crèche, où sont éle- ments qu’on prête plutôt aux hu- mère est ­venue déposer d’altitude, pile la zone ments merveilleux qui nous réen-
vés et allaités les jeunes, chaque fe- mains. Je l’ai vécu à plusieurs repri- son jeune d’à peine un de développement de chantent. La clé, c’est juste de prêter
melle ne faisant qu’un petit par an. ses. Quand ce petit rhinolophe est jour devant un point de cette énergie. La attention à l’autre, qu’il soit chauve-
Au risque de perdre leurs forces et venu nous étudier. Quand certaines passage obligé des hu- ­population française de souris, chêne ou cétacé. D’être capa-
d’y laisser leur vie. Et ce, en toute ont déjoué le dispositif que j’avais mains, en pleine visi­- noctules communes a ble de s’en émerveiller. Cela déclen-
connaissance de cause. installé pour les capturer, avant de bilité mais en dehors Laurent Tillon chuté de 88 % en che souvent un attachement à cet
Elles ont probablement vu d’autres me tourner autour, comme pour d’un risque de préda- Les fantômes quinze ans. Or, cette autre vivant, qui peut donner envie
femelles se sacrifier de la sorte les tenter de comprendre ce que je fai- tion. Le phénomène a de la nuit espèce est la prédatrice de se battre pour lui, de lui laisser
printemps précédents. Or ces ani- sais. Parfois, l’une d’elles peut se été ­observé à d’autres Actes Sud, d’un insecte, le han­- toute la place qu’il mérite. Pour ne
maux ont de la mémoire. Et ils com- poster en vol stationnaire à trente reprises, les ­années où le 288 pp., 22 €. neton. A l’état de larve, pas le perdre et nous perdre. •
22 u Libération Vendredi 8 Décembre 2023

Idées/ Le Libé
des animaux

Des bêtes dans tous les sens


V
Dans un best-seller ue, ouïe, toucher, goût et sans avoir besoin de nous regarder de plus que nous, et voient beaucoup caractéristiques de la pression de
foisonnant, odorat. C’est avec cinq sens (la proprioception, qui nous permet plus de couleurs. Si bien qu’une vue l’eau. Les ouvertures situées sur le
seulement qu’une tradition de nous déplacer dans le noir). Mais d’oiseau n’est pas simplement une bec sont capables de percevoir cette
le journaliste héritée de l’Antiquité conçoit l’hu- surtout, cela conduit à plaquer vue plus surplombante que la distorsion et permettent à l’oiseau de
américano-britannique main. Pas de chance, le bon sens se ­notre perception du monde sur l’en- ­nôtre.» localiser ainsi des ­objets», écrit l’au-
Ed Yong nous invite plante. «Ces vieilles idées sont puis- semble du monde animal, sous pré- Il compile, dans l’ouvrage, une série teur, qui semble encore s’étonner de
à relativiser notre santes, car elles correspondent sou- texte que beaucoup de ses représen- de rencontres auprès de scienti­- la relative simplicité avec laquelle
vision du monde vent à notre expérience quotidienne tants ont des yeux, un nez et une fiques travaillant sur les chauves- ces découvertes interviennent : «Les
en montrant comment du monde. Mais elles ne correspon- bouche. Ou ce qui y ressemble. souris, les requins, les chiens, les caméras infrarouges, lunettes à vi-
les animaux perçoivent dant pas à la réalité !» raconte à Libé loutres et autres vautours pour sion nocturne et capteurs d’ultra-
leur environnement, le journaliste américano-britan­- «parler d’une vision mieux comprendre le fonction­- sons sont des technologies précieuses.
nique Ed Yong, dont le best-seller d’ensemble» nement des «bulles sensorielles» Mais beaucoup de découvertes sur
depuis les oiseaux Un monde immense. Comment les Récompensé par le prix Pulitzer propres à chaque animal. Il reprend les sens des animaux ont été faites à
qui voient plus animaux perçoivent le monde pour des articles sur le Covid-19, le mot allemand Umwelt, que le zo- partir d’une simple observation : les
de couleurs que (les Liens qui libèrent) vient d’être Ed Yong entend lutter contre nos ologue Jakob von Uexküll (1864- premiers ­indices d’une faculté des
nous jusqu’aux requins traduit en français. biais anthropomorphes : «En an- 1944) avait utilisé pour «désigner la requins à percevoir les champs élec-
qui utilisent les champs Pour ce vulgarisateur spécialiste glais, on utilise l’expression “a bird’s partie spécifique de l’environnement triques sont venus parce qu’on a re-
électriques. des animaux, ce bon vieux présup- eye view” pour parler d’une vision qu’un animal peut sentir et expéri- marqué de ­petits ­pores sur leur peau
posé nous fait oublier les autres d’ensemble. Or, la plupart des menter». et qu’on s’est questionné sur leur uti-
sens que nous, humains, pos­- ­oiseaux ont les yeux sur les côtés de Le livre est presque double. D’un lité», dit-il.
sédons, comme notre sens de l’équi- la tête, si bien que leur monde visuel côté – c’est son point fort – il décen-
libre (l’équilibrioception) ou notre s’enroule autour d’eux. Ils possèdent tre notre regard. Il montre comment D’autres perceptions
capacité à sentir notre propre corps une cellule réceptrice de la couleur les fameux cinq sens diffèrent chez que la nôtre
les autres animaux, et il liste un cer- Un monde immense… pose un para-
tain nombre d’autres systèmes sen- doxe intéressant : jamais nous ne
soriels comme l’écholocalisation parviendrons à comprendre totale-
chère aux chauves-souris, l’utili­- ment les perceptions du monde
sation de champs électriques pour ­autres que la nôtre, et pourtant, il

Signé Coco percevoir son environ-


nement que l’on trouve
nous faut sans cesse
chercher à mieux les
chez les poissons-cou-
teaux et les poissons-
En haut comprendre et à les
imaginer. «A l’opposé de
éléphants, ou encore la
capacité des têtards à de la pile l’anthropomorphisme,
il y a une position tout
percevoir des vibrations aussi discutable : refuser
qui n’entrent pas tout à de reconnaître un point
fait dans la catégorie commun avec d’autres
«audition». créatures, alors que
De l’autre côté, une par- nous partageons avec
tie plus encyclopédique ­elles des ancêtres», dit-il.
multiplie les récits d’ex- Agir ainsi, c’est «prendre
périences ayant permis conscience de nos res-
de mieux connaître ces ponsabilités vis-à-vis de
Umwelten étrangères. la nature, et des façons
Comme ce moment où par lesquelles nous por-
Ed Yong défie un chien tons préjudice aux
dans une course d’orien- ­c réatures qui nous
tation où la piste à sui- Ed Yong ­entourent, par inadver-
vre est olfactive : évi- Un monde tance».
demment, la truffe immense Le livre s’achève sur un
(décrite par le menu) Les Liens qui plaidoyer écologique
s’en sort bien mieux que libèrent, 2023, contre les pollutions
le nez. Mais l’humain 460 pp., 26 €. ­sonore et lumineuse, qui
pourrait, à force d’en- agressent et tuent de
traînement, largement améliorer nombreuses espèces. Ed Yong
ses facultés. Certains exemples ­insiste sur le fait qu’on peut changer
moins désopilants ou spectaculai- rapidement les choses sur ces deux
res n’en sont pas moins frappants : sujets. Mais pourquoi ne pas y ajou-
les oiseaux côtiers utilisent le «tou- ter la lutte contre les ondes ou les
cher à distance» lorsqu’ils plantent produits chimiques ? «Même si c’est
leur bec dans le sol à la recherche de bien sûr mauvais en soi, il y a peu de
­coquillages. La détection de nour­- données qui documentent la façon
riture ne se fait pas par contact dont la pollution chimique affecte les
­direct : «En plongeant son bec dans capteurs des animaux. Même chose
le sable mouillé, le bécasseau mau- sur l’effet des champs électromagné-
bèche exerce une pression sur l’eau tiques», justifie l’auteur, rappelant
qui se propage. Si un objet solide se tout ce qu’il reste à découvrir sur ces
trouve dans cette vague – disons, une mille formes de perception du
palourde ou un rocher – l’eau s’écoule monde.
alors autour […], ce qui ­modifie les Thibaut Sardier
© Simon Lorenz / WWF-HK
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SRQGUHjYRVGHPDQGHVRXIDLUHDSSHOjYRWUHJpQpURVLWp(OOHVVRQWFRQVHUYpHVSHQGDQWXQHGXUpHGHDQVGDQVOHFDGUHGHODWUDQVPLVVLRQGHSDWULPRLQH
RXSDUODGXUpHQpFHVVDLUHGDQVOHFDGUHGHO¶DSSHOjYRWUHJpQpURVLWp&RQIRUPpPHQWjODORL©LQIRUPDWLTXHHWOLEHUWpVªYRXVEpQp¿FLH]G¶XQGURLWG¶DFFqVG¶LQ-
IRUPDWLRQGHUHFWL¿FDWLRQGHOLPLWDWLRQG¶RSSRVLWLRQGHSRUWDELOLWpRXGHVXSSUHVVLRQGHVGRQQpHVSHUVRQQHOOHVYRXVFRQFHUQDQW9RXVSRXYH]H[HUFHUFHGURLW
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24 u Libération Vendredi 8 Décembre 2023

JANA WINDEREN
L’exploratrice
des sons marins
Chants des poissons, cliquetis des crustacés…
Depuis une quinzaine d’années, l’artiste
norvégienne plonge ses micros sous l’eau
pour composer de fascinantes symphonies,
qui révèlent un monde loin d’être
calme et silencieux.

Par en concert, installations ou disques – dont


Olivier Lamm le plus récent, The Blue Beyond, fait se rencon-
trer pour la première fois un brochet des eaux

L
a conversation se tient par écrans inter- du lac de Joux, dans le Jura suisse, et un viva-
posés. Jana Winderen vient de poser ses neau de la côte atlantique au large de Miami.
valises au bord de la mer Rouge. Invitée
par le biologiste marin Carlos Duarte pour une Phoques barbus
résidence d’artiste à la Cordap (Coral Research Le «monde du silence» cher à Jacques-Yves
and Development Accelerator Platform, ini- Cousteau et Louis Malle n’a jamais existé
tiée en 2020 par le G20), elle trépigne d’impa- ailleurs que dans leur imagination, et la nôtre.
tience en songeant aux excursions qu’elle va «C’est une formule tellement bizarre, et une
pouvoir faire sur le terrain, au bord de l’eau, idée si étrange que celle d’une mer silencieuse.
au-dessus, en dessous. Pour la première fois, Il suffit d’avoir passé une minute dans la cale
elle va plonger ses micros subaquatiques –dits d’un bateau, ou même à bord d’une barque,
hydrophones – dans les récifs de corail uni- pour savoir que c’est faux. Tout crépite, on en-
ques au monde de la mer Rouge, et elle se tend les dauphins, les baleines, qui signalent
montre immensément curieuse d’entendre ce leur présence à travers le bois, ou même le mé-
que les populations de poissons peuvent y tal. En Thaïlande ou au Groenland, j’ai décou-
produire comme genre de son et musique. vert comment les pêcheurs écoutent les pois-
«On m’a si souvent parlé de ces chœurs de pois- sons en posant leur crâne sur les rames.»
sons, s’enthousiasme la Norvégienne de De fait, les enregistrements sous-marins de
58 ans. C’est la première fois que je vais pouvoir Jana Winderen sont tout sauf calmes et as-
les écouter et les enregistrer.» Car non seule- sourdis. Plutôt les témoignages de l’activité in-
ment les poissons «chantent», usant de leur tense de ceux dont elle nous donne à entendre
vessie natatoire, de leur bouche, de leurs le quotidien – chasse, accouplements, gueule- Energy Field, dont les environnements ont été riennes mais qui se cachent des hommes
dents pour produire souffles, notes et clique- tons. Ainsi The Wanderer, rêverie bio­- captés dans la mer de Barents, au Groenland pour se faire entendre, ou s’expriment au-
tis, mais il leur arrive de le faire ensemble, en acoustique en quête des traces laissées par les et en Norvège, et Spring Bloom in the Marginal delà de ce que nous pouvons entendre, infra-
chœur et en cadence, souvent au lever et au populations de zooplancton et phytoplancton, Ice Zone, enregistré entre la Russie et la Nor- sons ou ultrasons – ce n’est pas un hasard si
coucher du soleil, comme les oiseaux. composée à partir d’enregistrements réalisés vège et près du Spitzberg, nous emmènent au son deuxième album, en 2014, s’intitule Out
Artiste et compositrice avant d’être scientifi- en Atlantique, des zones arctiques à l’équa- plus près des bancs de morues, aiglefins, ha- of Range, hors de (notre) portée. «Enfant,
que, Jana Winderen parcourt le monde en teur ; The Listener, symphonie tissée à partir rengs et lieus noirs, mais aussi des orques, des j’étais passionnée par les récits de Thor Heyer-
quête de leurs plus belles performances de- des stridences du corixa et autres insectes phoques barbus et des baleines à bosse. dahl [anthropologue et navigateur, ­auteur de
puis une quinzaine d’années, documentant aquatiques de l’Orne, en Normandie ; ou l’ex- Des pièces de musique qui sont le contraire l’Expédition du Kon-Tiki, ndlr], dans les-
au micro leurs activités et l’état pour le moins traordinaire The Noisiest Guys on the Planet, de catalogues : des odes à la part invisible de quels il décrivait des lieux inexplorés, expli-
préoccupant de leurs environnements. Des compendium d’enregistrements de crustacés notre environnement, dont la Norvégienne que-t-elle. Naturellement, j’aime attirer l’at-
enregistrements qu’elle tisse ensuite en de charognards particulièrement sonores à s’est emparée comme d’une évidence, en tention vers ces lieux du vivant qu’on ignore
vastes compositions vouées à être entendues l’heure du repas. Plus amples, les superbes même temps que les sons des espèces ter- parce qu’on ne les voit pas, ou qu’on ne peut
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u 25

CULTURE/ Le Libé
des animaux

hommage à son grand-père ORL, qui l’a sensibi- à mal par la pêche, la pollution et la dégrada- Au mois de septembre, le Premier ministre
lisée aux affaires d’audition et de conduction tion des habitats sous-marins. norvégien social-démocrate, Jonas Gahr
osseuse du son, fervent défenseur de la na- A l’instar de l’environnement terrestre dont Støre, a annoncé sa volonté de commencer
ture des littoraux norvégiens, qui fut l’un des la biophonie s’atrophie à vitesse grand V l’exploitation minière en eaux profondes, au
premiers à s’y construire un chalet. «Il m’a (comme le bioacousticien Bernie Krause nous mépris des recommandations de centaines de
beaucoup appris sur la faune et la flore, sur les l’expliquait en 2016), le son des océans n’a de scientifiques, d’associations et d’Etats. Lutter
poissons qu’on trouvait là. L’été, ma mère cesse de baisser en volume, en diversité, en contre est le prochain défi de ceux, trop rares,
m’emmenait sur la côte et je passais des heures beauté. «Quand j’avais 11 ans, le lac à côté de qui défendent la vie dans les océans. Y com-
à explorer en barque. Mais j’ignorais tout des notre maison a failli asphyxier les poissons à pris pour les nuisances sonores que les extrac-
sons sous-marins. Je pêchais, je devinais tout cause d’une efflorescence algale. Mon grand- tions provoqueraient. «Quand on dit pollution
juste tout ce qui vivait là-dessous. C’est en en- père me racontait déjà toutes les espèces qui sonore, on ne parle pas que des bruits provo-
registrant les eaux de fonte d’un glacier sur la avaient disparu de son vivant. Et depuis que qués par les bateaux, mais aussi les sonars mi-
côte occidentale de la Norvège que j’ai pris j’enregistre sous l’eau, j’ai pu constater la vi- litaires, les tests sismiques. Tout ça est très in-
conscience du bruit que font les poissons. tesse à laquelle les choses ont pu changer. Une quiétant. L’exploitation minière va avoir un
Vers 2006, beaucoup plus tard.» biodiversité abondante s’entend immédiate- effet dévastateur pour beaucoup d’espèces.»
ment. J’ai pu m’en rendre compte dans le sud Alors Jana Winderen travaille, voyage, enre-
Et soudain, une morue de la Thaïlande, dans une zone qui était don- gistre, compose. Pour sensibiliser. Par chance,
Dans l’intervalle, Jana Winderen a développé née pour morte il y a trente ans, à force d’être le son, la beauté de ces environnements que
d’autres activités. Diplômée en mathémati- dévastée par les chalutiers. Les pêcheurs ont la plupart ignorent, a cette vertu. «Le son nous
ques et en chimie, c’est à l’occasion d’un cur- changé leur méthode, des récifs artificiels ont touche, c’est un médium direct, qui permet de
sus artistique à l’université de Goldsmiths, à été construits, les poissons sont revenus. Et j’ai se raconter des histoires. C’est pour ça que je ne
Londres, qu’elle a réalisé ses premiers enre- pu entendre les sons les plus incroyables que donne pas la liste des espèces dans mes enregis-
gistrements environnementaux, au bord de j’aie jamais eu l’occasion d’enregistrer. Des di- trements. Ça empêcherait l’imagination. Mon
la Tamise, dans le cadre d’installations sono- zaines d’espèces différentes simultanément. La but est d’inspirer, et de pousser mes auditeurs
res. Avant de se rapprocher du milieu de la Terre est un environnement infiniment riche, à se poser des questions. C’est ce que nous avons
musique expérimentale, notamment des ar- que nous sommes malheureusement très doués de mieux à faire. Nous poser autant de ques-
tistes du label de référence Touch, actif de- à couvrir sous des bruits de moteur.» tions que possible.» •
puis 1982 et qui accueille nombre de composi-
teurs-chercheurs, tel le très réputé Chris
Watson. «J’expérimentais avec toutes sortes de
micros, je les plongeais dans l’eau, je les four-
rais dans le congélateur, je les accrochais à des
arbres pour enregistrer le vent. Je travaillais
aussi sur des installations interactives, avec
des capteurs de mouvement. Puis un jour, j’ai
décidé de sortir. Je voulais capter les sons les
plus minuscules, des vers de terre, des fourmis
qui mangent des feuilles. Des sons que je vou-
lais entendre, hors de portée. Nous sommes al-
lés dans le Northumberland avec Chris Watson
pour plonger des micros au fond de fourmiliè-
res géantes. J’ai commencé à me munir d’équi- LA SÉRIE PHÉNOMÈNE
pements plus adaptés.»
Et puis, un jour, enfin, un micro, un poisson.
En Norvège, dans un enclos d’élevage, une
morue. «C’était juste avant la ponte. Je savais
que les morues produisaient un son particu-
lier à cette occasion. Les poissons étaient atti-
rés par l’hydrophone, et ils venaient le pousser
en grognant. Puis j’ai commencé à écouter la
mer au large, les poissons sauvages. Je n’en ai
pas cru mes oreilles. J’ai compris qu’ils étaient
Jana Winderen parcourt le monde en partout, tout le temps. Il suffit de tendre
quête des plus belles performances l’oreille, à l’heure qui convient – vers 3 heures
animales. Photos Francesca Thyssen- du matin, quand tout le monde dort, que les
Bornemisza et José Alejandro Alvarez. avions sont sur le tarmac, les bateaux au port.
Courtesy of TBA21-ACADEMY Une biodiversité immense.» Immense, et, il
va sans dire, menacée. Notamment par le
bruit, notre bruit. «La première chose que
vous entendrez en plongeant un micro dans
NOUVEL ALBUM
pas les entendre. Comme les animaux qui la mer sera sans l’ombre d’un doute un bruit
émettent des sons hors de notre audition, au- de moteur», explique Winderen, qui a parti-
dessus de 20 hHz, tous ces insectes, oiseaux, cipé en février 2021, avec 24 scientifiques, à
poissons ou mammifères. Ils font partie de no- la rédaction d’un article de fond dans la revue « Scénario habile et bourré de références à la période actuelle,
tre environnement sonore, puisque les insec- américaine Science sur la pollution sonore personnages hauts en couleur, rythme trépidant… »
tes, les baleines, les poissons rouges, les chiens, dans les océans, «The soundscape of the An- L E M ONDE
les chats ou les rats peuvent les entendre. Ne thropocene Ocean» («le paysage sonore de
serait-ce qu’en avoir conscience permettrait l’océan à l’ère anthropocène»). Des amas de
de nous rendre un peu plus humbles face données et des dizaines de diagrammes pour AU R AY O N B A N D E D E S S I N É E
aux créatures qui nous entourent, et à leurs évoquer de quelle manière l’anthrophonie (la
aptitudes.» production sonore due à l’activité humaine)
Née à Bodø, petite ville au nord du cercle po- participe à réduire une biophonie (l’ensem-
laire où elle a grandi, Jana Winderen rend ble des sons d’origine biologique) déjà mise
26 u Libération Vendredi 8 Décembre 2023

Les poissons
d’aquarium seraient
30 millions en France.
«Appetite for
the Magnificent».
David et Tania Willen

Billet
Chat peut
s’arranger
Un soir, nous voilà de retour au
bercail, notre boule de poils
dans les bras. Jade vient de su-
bir une ovariectomie, stérilisa-
tion nécessaire pour une
chatte. Les effets de l’anesthé-
sie s’estompent, et soudain,
Jade mue en panthère prête
à nous sauter à la gorge.
On n’a jamais vu ça. Impossible
de l’approcher. Peur chez elle,
peur chez nous. Alors, place à
l’intervention d’une vétérinaire
urgentiste. La spécialiste doit se
saisir d’un filet pour dompter le
«monstre» qui menace et gro-
gne toutes griffes dehors. Après
moult approches infructueuses,
elle opte pour l’anesthésie

Les poissons pour passion


­générale par injection. Jade
plonge dans un sommeil de
mort, les yeux grands ouverts,
allongée comme un tapis dans
la baignoire. Voilà qui nous aura
L’animal de compagnie dant le Covid. Les gens n’ont plus dans ce hobby à l’adolescence. «Un un millier d’animaux à nageoires fait découvrir «le syndrome du
le plus répandu en d’argent, l’électricité a encore pote d’un cousin arrêtait tout et se et autres crustacés de tous les ­tigre», phénomène traumati-
pris 10 % en août et la première débarrassait de tous ses accessoires ­continents. «J’ai toujours considéré sant, qui désigne la métamor-
France, loin devant coupe, c’est toujours les loisirs», et un bac de 120 litres et des livres. les animaux. Rares sont ceux qui sa- phose d’un chat en félin agres-
les chats et les chiens, nuance ce passionné parmi les J’ai tout potassé et j’ai commencé vent qu’un poisson rouge peut faire sif et violent.
fascine de nombreux passionnés. avec des xiphos porte-épée [des pe- 30 cm et vivre trente ans. Certaines Les causes sont multiples :
aquariophiles. «Libé» tits poissons orangés tropicaux ori- espèces sont très intelligentes, d’au- stress intense, faim, peur, an-
en a rencontrés. «Soupe». Qui sont-ils, les aqua- ginaires d’Amérique centrale, tres très attachantes avec pas mal xiété ou même ennui ! Gare à
riophiles ? Des hommes et un peu ndlr], des lèche-vitres et des scalai- de personnalité», plaide-t-il. nous ? Que nenni. Le lendemain
Par geeks sur les bords en matière de res. C’était une vraie soupe de pois- Une expérience partagée par matin, la panthère Jade rede-
Florian Bardou technique et de biologie ? De son, ça n’avait aucun sens», pour- Amaury, 41 ans, ex-soigneur ani- vient chat – avec, toutefois,
grands amoureux de la nature ? suit le trentenaire, qui ajoute : «En malier. Venu à l’aquariophilie sur prescription d’anxiolytiques par

N
on, les chats ne sont Installé à Marseille depuis peu, arrivant à Paris, pour mes études le tard, c’est par l’entremise d’une le véto. Mais, face au syndrome
pas les animaux de Quentin Charpentier, 33 ans, se dé- il y a une dizaine d’années, j’ai voisine de palier qu’il a récupéré du tigre, nombre de maîtres, en
compagnie les plus finirait plutôt comme un esthète. trouvé un bac dans la rue, je me du matériel. Et après des «erreurs état de choc, voient pour seule
répandus en France. Dans son appartement, cet insta- suis dit que c’était le destin. J’ai re- de débutant» fatales à quelques solution l’abandon. La France
Les 15 millions de félidés qui grammeur connu sur ses réseaux commencé, je suis monté en compé- animaux, ce salarié d’une asso de est la championne européenne
squattent les foyers hexagonaux, sous le nom de ParisianScape, pos- tences grâce à des tutos et c’est cinéma a, depuis, installé un en la matière : 100 000 aban-
selon les derniers chiffres de la Fé- sède trois bacs, dont un palud- comme ça que j’ai découvert aquarium de 30 litres dans la cui- dons d’animaux domestiques
dération des fabricants d’aliments arium, un bassin en métal et une l’aquascaping.» sine de son appartement parisien en 2022. Et l’agressivité d’un
pour chiens, chats, oiseaux et au- cuve avec un niveau d’eau assez Etudiant en prépa bio à Lyon, Na- où cohabitent des crevettes, un chat compte parmi les premiè-
tres animaux familiers, sont de- bas, dans lesquels frayent parmi than Rencker, 18 ans, est, lui, mo- gros escargot et neuf rasboras res causes.
vancés – et de loin – par… les pois- moult plantes hydrophytes une tivé par sa curiosité pour les ani- nains, un poisson rouge de deux Or, ce comportement s’explique
sons ! Ils seraient presque trentaine d’animaux. maux et leur bien-être. Au point centimètres. souvent par un mode de vie non
30 millions à buller dans un aqua- «Le déménagement a été une ga- d’ouvrir il y a trois ans, au sous-sol «Ça a changé mon regard sur les adapté pour l’animal. Un chat
rium. Soit, en moyenne, une di- lère, mais ça apporte vachement de du domicile familial, un refuge poissons ; même au sein des plus pe- replié sur lui-même, soumis
zaine d’individus par bassin. sérénité dans un intérieur. C’est pour poissons abandonnés. «C’est tites espèces, les caractères sont dif- à un événement traumatisant
«On estime que 5 % à 6 % des ména- aussi une manière de jardiner à la très enrichissant d’être au contact férents selon les individus. Dans un (comme, ici, notre Jade), ou mal
ges achètent des produits destinés maison, j’ai d’abord une passion du vivant, de comprendre les cycles groupe de neuf, je vois bien les domi- nourri, peut tout faire péter. De
à l’aquariophilie et que 8 % de pour les plantes vertes et ça m’inté- naturels, comment les animaux nants et dominés, ceux qui sont les quoi mûrir sa réflexion avant
foyers seraient en possession d’un resse d’en maintenir sous l’eau, ex- ­interagissent entre eux et d’appren- plus agressifs, etc.», relate celui qui d’abandonner voire de carré-
poisson», complète Jean-Jacques plique le directeur de casting. Mais dre à faire les bonnes associations», se définit comme un «amateur». Et ment euthanasier un chat trop
Lorrin, secrétaire général de la Fé- c’est aussi intéressant de voir évo- explique le jeune homme. de conclure : «Ça m’a fait réfléchir agressif. D’autant plus qu’il
dération française d’aquariophilie, luer des espèces sous l’eau, voir sur la place qu’on donne au vivant : existe des centres d’aide et des
à laquelle 150 clubs sont affiliés. leurs comportements incroyables, «Erreurs». Nathan Rencker a lui est-ce qu’un aquarium ce n’est pas vétérinaires ultra-expérimentés
Ce qui fait de la France, avec l’Alle- leurs parades pour séduire les fe- aussi commencé ado avec quelques un peu cruel ? Est-ce que ce n’est pas pour régler le souci, et pour
magne ou les Pays-Bas, l’un des melles.» Comme bon nombre guppys, ce petit poisson sud-améri- égoïste pour satisfaire mon propre vous accompagner, vous et
pays d’Europe les plus aquariophi- d’amateurs, l’aquascapeur – c’est- cain d’eau douce dans un bac plaisir ? On a encore du mal à sortir ­votre chat, sur le chemin de la
les. «Ce loisir plonge ces dernières à-dire qui s’adonne à la création de de 30 litres. Il compte désormais de la notion de collection, y compris réconciliation-guérison.
années, malgré une remontée pen- paysage aquatique – est tombé une quinzaine d’aquariums pour chez les aquariophiles.» • Katia Dansoko Touré
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u 27

radar/
Toujours plus pomponnés
Le marché mondial des produits de toi-
lettage pour animaux de compagnie est
en pleine croissance, avec un taux an-
nuel évalué entre 4 % et 6 %. Les projec-
tions (qui envisagent jusqu’à + 9 %) vont
dans le même sens, confortées par une
augmentation tous azimuts des dépen-
ses consacrées aux soins et au bien-être des animaux de
compagnie, du taux d’adoption et du nombre de propriétai-
res. Parmi l’arsenal de toilettage, on peut citer les sham-
pooings et après-shampooings, les lotions contre les tiques Snoop d’Anatomie d’une chute a obtenu la «palme dog» à Cannes. Photo Les Films Pelleas
et puces, les déodorants et parfums, les produits de soins
bucco-dentaires… L’offre (particulièrement dynamique
en ligne) est très variée, de l’abordable au luxueux. S.Ch.

Cannes, Goncourt…

Pawternity
Les animaux à tout prix
Que ce soit dans le registre l’Hôtel de Guénégaud à Pa- neau d’Anne Pouget (Caster- r­ écompense tous les ans
littéraire ou cinématogra- ris, le premier prix a été man), une histoire d’épidé- ­depuis 2001 la «meilleure
phique, les animaux acteurs, ­décerné à Cédric Sapin-De- mie en Alaska en 1925 et dont performance canine sur
personnages de livres ou four pour Son odeur après le remède ne peut être ache- grand écran». Cette année,
muses ont aussi droit aux la pluie (Stock), carton de miné en raison du blizzard. la palme revient au très mé-
De plus en plus d’entreprises plus hautes récompenses.
Le 30 novembre, lors de la
­librairie avec 170 000 ventes
qui raconte l’histoire
Le 15 novembre, Cédric
­Sapin-Defour a aussi reçu
ritant Snoop d’Anatomie
d’une chute de Justine Triet,
proposent un congé XVe édition du prix littéraire d’amour entre un alpiniste le Goncourt des animaux. sans qui l’ultime pirouette
de la Centrale canine (un et son bouvier disparu, ­Décerné depuis 1982 à un ro- dramaturgique du film n’au-
«pawternity» («patte-ternité») établissement d’utilité pu- Ubac. man ou à un essai mettant à rait pas pu avoir lieu. Per-
à leurs salariés afin qu’ils blique qui promeut la santé
du chien et la race canine
Dans la catégorie documen-
taire et technique, le jury a
l’honneur des animaux, son
heureux récipiendaire se
sonnage à part entière, à la
fois ami et complice du per-
puissent accueillir au mieux un sous toutes ses formes), trois attribué le premier prix à voit remettre un chèque sonnage du jeune Daniel
animal chez eux. Il ne reste plus lauréats ont reçu des prix
­littéraires mettant en avant
Pierre Jouventin pour le
Chien, un loup rempli d’hu-
qu’il doit aussitôt reverser
à une association de pro­-
Maleski (Milo Machado-
Graner), ce bon Snoop arrive
qu’à faire entrer ces dispositions «la relation humain-chien», manité, aux éditions Ulmer. tection animale. Enfin, le même à jouer les chiens ma-
comme l’indique le commu- Le premier prix jeunesse re- ­cinéma n’est pas en reste : lades. Mérité.
dans le code du travail français ! niqué. Dans les salons de vient à Togo, chien de traî- à Cannes, la «palme dog» Marie-ève Lacasse

Van Gogh
à Auvers-sur-Oise
Les derniers mois Vincent Van Gogh
(1853-1890), Champ de blé
sous des nuages d’orage,
Auvers-sur-Oise, juillet 1890,
huile sur toile,
50.4 cm x 101.3 cm,

Musée d’Orsay Van Gogh Museum,


Amsterdam (Vincent
van Gogh Foundation).

03.10.23 – 04.02.24
Photo : © Van Gogh Museum,
Amsterdam (Vincent
van Gogh Foundation).

Avec le généreux En partenariat média avec Billetterie | Informations


Cette exposition est organisée par le musée d’Orsay, Paris
soutien de en collaboration avec le Musée Van Gogh, Amsterdam. musee-orsay.fr
Kiara, panthère d’asile
Née dans l’Ukraine en guerre, issue du trafic d’animaux sauvages,
la jeune léoparde noire reprend du poil de la bête dans
un refuge de la Loire après un périple à travers l’Europe.

I
l ne lui faut qu’une fraction de seconde Kiara est à elle seule un «symbole de l’ab- spontanées et autant d’opérations. Sur-
pour annoncer la couleur. Son humeur ? surdité humaine», estimait le Fonds dans tout, il était très dépendant des hommes,
Noire. Feulements, gueule ouverte et re- un communiqué, au moment de son exfil- qu’il laissait même le toucher, cherchant
gard mauvais. «Elle peut être plutôt agres- tration d’Ukraine. Il lui aura fallu plusieurs sans cesse leur contact. Au départ, le léo-
sive. Là, elle est fâchée contre moi, parce que semaines, à l’automne, pour se requinquer pard ne pouvait s’empêcher de se frotter
je lui ai fait son rappel de vaccin la semaine dans le sanctuaire polonais. Là, on lui a aux barreaux de la cage, en quête d’un
dernière», tente d’excuser Laurène Gantner, fourni des biberons de lait en poudre, des peu de tendresse, lorsqu’il voyait les soi-
vétérinaire au sein de l’association Tonga compléments vitaminés, des vaccins (no- gneurs, quand la farouche Kiara n’en avait
terre d’accueil. Cette flèche balancée dans tamment contre le typhus et la rage), un cure.
son postérieur, Kiara est bien décidée à faire passeport en règle, ainsi qu’un prénom. Aujourd’hui, ils ont appris l’un de l’autre :
savoir qu’elle ne la digère pas. Après plusieurs semaines de repos, le si Philibert a compris comment se compor-
Et gare à ceux qui la contrarieraient : «Elle temps de dompter le stress de ce change- ter en panthère, Kiara se montre «plus
pourrait arracher un bras», plaisante la ment d’environnement, Kiara a pu entre- calme, joueuse», révélant un tempérament
jeune soignante, tandis qu’on rit jaune, à prendre la dernière étape de son odyssée. plus apaisé. Bien sûr, cette douce harmonie
l’abri derrière une vitre de protection de Objectif : la France, où elle a fini par arriver ne s’est pas construite sans quelques acci-
l’enclos. Vingt-cinq kilos, un mètre sans la peu de temps avant dents de jeu, impli-

Le Portrait
queue (adulte, elle pourrait atteindre une Noël, tandis que les quant, entre autres, des
trentaine de kilos et jusqu’à 1,50 m de long), quatre lionceaux qui coups de griffes mal
et des griffes surpuissantes : personne n’a ont accompagné ses maîtrisés, quand «ils
envie de fâcher la dame. premières semaines Juillet 2022 faisaient les fous». Tous
D’autant que du haut de ses 1 an, la jeune d’exil ont trouvé refuge Naissance estimée. deux sont maintenant
panthère noire est maintenant bien rom- aux Etats-Unis. Leur Octobre Transit par le zoo capables de fonctionner
pue aux réflexes de son espèce. Cette «force rôle a été central dans le de Poznan (Pologne). en bonne intelligence.
de caractère», désormais bien affirmée, développement de la 23 décembre Arrivée Et si une idylle devait
contraste avec la demoiselle «un peu sau- fauve, selon Laurène ­à Saint-Martin-la-Plaine (Loire). pointer ? «L’âge de la
vage, réservée, parfois prostrée» qu’elle était Gantner : «Même si elle 2023 Rencontre maturité sexuelle est
à son arrivée au refuge de Saint-Martin-la- a été élevée par avec Philibert. plutôt aux alentours de
Plaine (Loire), à en croire Matthieu Marin, l’homme, elle n’en a pas 2 ans. On posera un im-
l’un de ses soigneurs. Laurène Gantner, été trop imprégnée et a pu acquérir les codes plant contraceptif à Kiara à ce moment-là,
elle, garde le souvenir d’un animal «extrê- du comportement des grands félins, au con- puisque ici, tout est fait pour empêcher la
mement stressé, difficile à approcher, tact des lionceaux. C’est essentiel pour déve- reproduction, contraire à nos valeurs»,
oreilles en arrière, qui avait tendance à cra- lopper ses instincts.» Bien sûr, Kiara n’ap- tranche la vétérinaire.
cher, recluse dans un coin». Elle n’avait que prendra jamais à chasser : son passif A condition que Kiara soit toujours au re-
6 mois environ, et déjà un parcours chaoti- «traumatisant» la rend inapte à tout relâ- fuge, ce qui est loin d’être acquis : l’endroit
que, marqué par le trafic, la guerre, l’exode. chement dans la nature. n’est pensé que pour un accueil provisoire,
Née à l’été 2022, dans une Ukraine envahie Il suffit toutefois d’observer ses congénères avec pour objectif, à terme, de trouver un
par la Russie, Kiara a été abandonnée du au sein du refuge de la Loire pour compren- placement plus grand que ces 150 m² par
jour au lendemain par son propriétaire, à dre qu’elle s’en sort plutôt bien. En témoi- animal, dès lors qu’il y aura une place
Kyiv. S’est-il enfui ? Est-il parti combattre ? gne Philibert, panthère beige tachetée avec ailleurs. A peine libérés, nul doute que les
Seule certitude : elle est issue du trafic qui Kiara est «comme cul et chemise», au enclos se rempliront rapidement. Cet été,
d’animaux sauvages. Livrée à elle-même, point de partager son enclos depuis février. la capacité d’accueil maximale était déjà at-
la jeune léoparde (car la panthère noire est «Ils se font même des petites léchouilles, et teinte, signe de la vitalité du trafic à l’inter-
un léopard, dont la couleur du pelage est ne se séparent que pour manger pour éviter national, largement encouragé par la popu-
due à une mutation génétique) a d’abord tout conflit», s’amuse la vétérinaire. Quand larité de ces bêtes sauvages entretenue sur
été prise en charge et biberonnée par sont servis les poulets entiers, cailles, pous- les réseaux sociaux.
le Wild Animal Rescue Center (Warc), une sins et autres cœurs de bœuf, dont ils raffo- Les voisins de Kiara permettent de mesurer
association ukrainienne. lent, c’est chacun chez soi, et service via le l’évolution des tendances : ces temps-ci, les
Ensuite, c’est le Fonds international pour ­garde-manger protégé par un grillage. La servals, des félins d’Afrique subsaharienne,
la protection des animaux (Ifaw), qui a pris demoiselle carnivore s’enfile la bagatelle opèrent une inquiétante percée. Sans pour
le relais, pour trouver une solution plus pé- d’un kilo de viande par jour. «Dans la na- autant surpasser les primates : le refuge en
renne à la petite féline. Direction le zoo de ture, ils sont plutôt solitaires, mais ces compte une cinquantaine, ainsi qu’une di-
Poznań, en Pologne. Soit un périple deux-là ont grandi ensemble, ce qui expli- zaine de tigres et autant de lions. Kiara et
de 1 500 km et une quinzaine d’heures de que qu’ils soient devenus inséparables», ob- Philibert, eux, devraient continuer de coha-
route, en compagnie de quatre lionceaux serve Laurène Gantner. biter : les soigneurs sont déterminés à leur
de quelques mois à peine, abandonnés Ce jour-là, Philibert somnole contre sa co- trouver un nouvel espace commun. Lovée
comme elle. Au total, en un an de guerre, locataire. Si Kiara est arrivée «en parfaite contre lui, Kiara ne lui adresse ni grogne-
en février 2023, l’Ifaw estimait avoir se- santé», lui a été récupéré par les autorités ment ni regard mauvais, signe d’un avenir
couru plus de 103 000 animaux en Ukraine, françaises dans un état déplorable : retiré qui promet d’être rose. •
lions, loups, ours ou caracals, félins aux trop tôt à sa mère, Philibert souffrait d’im-
oreilles aussi velues que pointues, présents portantes carences, notamment en cal- Par Virginie Ballet
en Afrique et en Asie. cium, qui ont entraîné plusieurs fractures Photo Martin Colombet
Vendredi 8 décembre 2023

Matignon Elisabeth Borne s’y voit pour longtemps page VI

Afrique de l’Est
2 millions de
déplacés par le
«El Niño indien»
page IV
Brian Inganga. AP

enfants israéliens
l’impossible après
Deux mois après l’attaque du Hamas, malgré un semblant de retour à la normale
en Israël, de graves séquelles psychologiques se manifestent au sein de la population,
notamment chez les plus jeunes. pages II-III
II u
Monde Libération Vendredi 8 Décembre 2023

ENFANTS ET ADOS
ISRAÉLIENS
«Papa, est-ce
qu’ils vont venir
nous tuer ?»
Crises d’angoisse, hypervigilance…
Parmi les jeunes Israéliens, le pogrom
perpétré par le Hamas a produit un traumatisme
durable et massif, que n’efface pas un début de retour
à la normale dans une partie du pays.
Dans le kibboutz Shefayim, au nord de Tel-Aviv, le 10 novembre.

Par où 1 200 personnes ont été massa- n’ont pas l’air «plus perturbés que Surtout, la joie de voir les parents sujet des douze enfants dont il a la
ève Szeftel crées par le Hamas et 250 enlevées, ça». Mais leurs angoisses surgissent étreindre leurs enfants après cin- charge, rapportant, sans s’étendre,
Envoyée spéciale à Tel-Aviv les Israéliens n’ont quasiment plus parfois, «comme des pop-up», ob- quante jours de cauchemar a été as- qu’ils avaient subi de «graves sévices
Photo Sandra Mehl à déplorer de pertes civiles sur leur serve-t-il : «Papa, pourquoi ils lui sombrie par les premiers récits sur psychologiques et physiques».
territoire. Et si des roquettes conti- ont coupé le bras, à la petite fille ? leurs conditions de captivité, livrés

«L
a guerre, c’est comme s’il nuent d’être tirées depuis la bande Est-ce qu’ils vont venir jusqu’ici par leurs proches ou des pédiatres. «Dessins sombres»
n’y en avait pas. A Tel- de Gaza, elles sont quasiment tou- pour nous tuer ?» Thomas Hand, le père d’Emily, Depuis le 7 octobre, Guy Yakar, psy-
Aviv, tout a rouvert, les tes interceptées par le Dôme de fer Entre le 24 novembre et le 1er dé- 9 ans, a raconté qu’elle avait perdu chologue dans un lycée de Tel-Aviv,
cinémas, les cafés. Il n’y a plus la – le système de défense antimissile cembre, la libération de 105 otages, beaucoup de poids, mais surtout ne ne sait plus où donner de la tête face
peur qu’il y avait avant», raconte dont les garçons comme Itamar dont une dizaine d’enfants, en savait plus que chuchoter. La tante à l’ampleur du traumatisme, et la
Itamar, 14 ans, joint par téléphone parlent avec fierté, comme s’il échange d’une trêve depuis rom- d’Eitan Yahalomi, que ce dernier sévérité des cas qu’il a à traiter, chez
à sa sortie du collège alors qu’il se s’agissait d’un super-héros. pue, a procuré un peu d’apaise- avait été «battu, forcé à visionner des les ados comme chez les profs. Avec
rend à son cours de tennis, mardi. ment. «Tous les soirs, on attendait images» du pogrom et que les jeunes émotion, celui qui s’est aussi porté
Le survol d’une dizaine d’hélicoptè- Marqués au fer rouge leur retour, devant la télé. On était enfants détenus avec lui étaient volontaire pour prodiguer les pre-
res de l’armée lui fait aussitôt re- Ajoutant à cette impression de super contents de voir les familles ­menacés d’une arme à chaque fois miers soins psychologiques aux en-
gretter son optimisme. «Lundi, pen- ­retour à la normale, Tel-Aviv est ­réunies», témoigne Naomi, 12 ans. qu’ils pleuraient. Les frères Yaakov fants rescapés, hébergés dans les
dant mon cours, on a entendu dix ­repassé en vert depuis peu. Le mi- Mais le soulagement a été de courte ont été marqués au fer rouge sur hôtels du front de mer, se souvient
gros boums : c’était le Dôme de fer nistère de l’Education a classé le durée. 138 captifs restent aux mains leurs jambes, comme des esclaves, de «ces bébés qui dormaient tout le
qui détruisait des missiles», ajoute pays en trois zones – verte, jaune et du Hamas ou de ses alliés. Et le sort avec un pot d’échappement pour temps» : leur manière de «se proté-
ce jeune Franco-Israélien. rouge – en fonction de la situation des petits Kfir Bibas, 10 mois, et qu’ils soient identifiés comme des ger de la violence de ce qu’ils avaient
Ici, dans le centre du pays, la guerre sécuritaire. Le Nord, frontalier du Ariel, 4 ans, donnés morts avec leur otages s’ils parvenaient à s’échap- vécu dans l’abri» assiégé, devenu un
est à la fois lointaine et proche. Le Liban, et le Sud, sont toujours en mère par le Hamas, continue de per. Dimanche, sur la chaîne 12, une piège mortel. «Les enfants plus
front est à peine à 70 km au sud de rouge : les écoles y sont fermées, hanter le pays. Leur père est apparu phrase du directeur de l’hôpital grands, eux, réagissent en ayant un
Tel-Aviv, où le sol tremble quand tout comme la plupart des com- dans une vidéo diffusée par l’orga- pour enfants de Tel-Aviv, le docteur comportement violent, en criant, en
Tsahal largue des bombes très puis- merces non essentiels. A Jérusalem nisation islamiste dans une nou- Itaï Pessach, a donné la chair de se rebellant contre leurs parents.»
santes sur la bande de Gaza. Mais, aussi, où les écoles ont été parmi les velle séquence de torture psycholo- poule à toute une nation : «Quand le Guy Yakar les a fait dessiner pour
contrairement aux Palestiniens premières à rouvrir, la «routine a gique qui fait dire aux psychologues récit de ce qui leur est arrivé sera qu’ils extériorisent leurs angoisses.
de l’enclave qui vivent et meurent repris», témoigne le journaliste interrogés par Libération que rendu public, aucun de nous ne «Jamais de ma carrière je n’ai vu des
sous les bombes depuis le 7 octobre, Pierre Assouline, et ses enfants «le 7 octobre n’est pas terminé». pourra dormir la nuit», a-t-il dit au dessins aussi sombres», rapporte le
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u III

­ inutes, Eyal et son père ont résisté


m première sortie depuis le 7 octobre,
aux terroristes du Hamas qui ten- une virée à la mer pour fêter les
taient de forcer l’ouverture de leur 17 ans de Maya. La séquence de
abri, qui ne fermait pas de l’inté- l’autoroute leur en a coupé l’envie.
rieur. Maor et les siens ont réussi, Elles racontent la vie d’après le 7,
eux, à bloquer la porte d’entrée les cours en zoom, les abris étant
de leur maison. trop éloignés des ­salles et en nom-
Sur la pelouse baignée de soleil, des bre ­insuffisant, la hantise d’une in-
enfants de Kfar Aza jouent au foot filtration terroriste qui les pousse
en cette veille de Shabbat, encadrés à se barricader chez elles, mais
par des plus âgés, venus de la ville aussi le bénévolat pour se sentir
voisine de Herzliah. Si la plupart utile et leur attachement désormais
des mineurs déplacés ont repris viscéral à leur pays. Quitter Israël ?
l’école, Eyal et Maor n’ont pas la Roni ­ouvre des yeux ronds : «Ja-
tête à ça : ils tiennent à s’occuper de mais de la vie, c’est notre pays, on
leurs copains, dont certains sont n’en a pas d’autre et il n’y en a pas de
orphelins, ou en deuil d’un frère ou meilleur au monde !» Toutes trois se
d’une sœur. «On essaie de ne jamais ­disent impatientes de faire leur
les laisser seuls pour qu’ils ne dépri- ­service, l’an prochain. Pour faire
ment pas. L’après-midi, on va surfer la guerre ? «Oui, si c’est la ­condition
ensemble», raconte Maor, au visage pour avoir de nouveau le droit
poupin. Les deux survivants ne de boire des verres en terrasse.
sont pas égaux face au trauma- Comme vous, en France.» •
tisme : ce dernier est suivi car il
souffre à l’évidence d’un TSPT – il
dort mal et chaque «boum» provo-
qué par la destruction d’un missile
Faits du jour
le «ramène au 7 octobre». Eyal, qui n Les combats font rage
rêve de rejoindre les troupes d’élite à Gaza. Appuyés par
de l’armée après son bac, assure, des frappes aériennes,
lui, ne pas en avoir besoin. «La ca- des chars et des
pacité à ­surmonter un choc trauma- bulldozers, des soldats
tique ­dépend des ressources dont on israéliens ont affronté
disposait au moment de l’événe- les hommes du Hamas,
ment», ­explique Guy Yakar. Et c’est notamment à Khan
pareil pour les otages : «Certains Younès, la plus grande
iront en ­thérapie, d’autres passe- ville du sud de l’enclave
ront au ­travers, on ne peut préjuger palestinienne.
de rien», ajoute cet expert en n «Tout le monde
­reconstruction. a faim» : un rapport
du Programme alimentaire
«C’est notre pays» mondial publié jeudi
Pour les spécialistes de santé men- estime que 97 %
tale, la société israélienne dispose des familles de Gaza
cependant d’une capacité de rési- manquent de nourriture.
lience exceptionnelle, qui tient «Tout le monde a faim», a
­notamment à la cohésion sociale averti la patronne du PAM.
dont elle fait preuve. «Nous sommes n Plus de 17 000 morts
unis» ou «ensemble, nous vain- à Gaza. Selon le ministère
crons», ne sont pas que des slogans de la Santé sous contrôle
patriotiques omniprésents, sur les du Hamas, l’offensive
panneaux routiers ou publicitaires, israélienne a fait plus
mais une réalité vécue par cette pe- de 17 170 morts et plus
tite nation de moins de 10 millions de 46 000 blessés depuis
d’habitants répartis sur un terri- le 7 octobre.
toire plus petit que la Bretagne. n Deux soldats
«Quarante-huit heures après les israéliens tués, dont le
psychologue, qui n’est pas autorisé bande de Gaza et une partie de la gestion des ressources pour faire face massacres, le pays était déjà en fils d’un ministre. Tsahal
à les montrer pour des raisons de Cisjordanie». à l’inédit», à savoir des «crimes de train de s’organiser. Or la solidarité, a annoncé la mort de deux
confidentialité. Pédiatre dans un centre de santé guerre avec viols et actes de torture». c’est l’un des facteurs de résilience de ses soldats à Gaza, dont
Crises d’angoisse, pensées suicidai- à Tel-Aviv, Sophie Belmin est as- Or des ressources, les Israéliens, qui les plus connus, avec l’entourage Gal Meïr Eisenkot, 25 ans,
res ou somatisation, à l’image saillie de coups de fil de parents qui ont «sédimenté les traumas depuis et les croyances», explique Emma- le fils du ministre Gadi
de l’eczéma qui a recouvert le corps lui demandent «où leurs enfants soixante-quinze ans», n’en man- nuelle Halioua. Eisenkot. Au total,
de Nina, la petite sœur d’Itamar, peuvent être adressés en urgence quent pas, estime cette spécialiste Le week-end dernier, Naomi est 89 militaires israéliens ont
toujours paniquée à chaque fois pour une prise en charge psychologi- des troubles du stress post-trauma- ­allée avec ses parents cueillir des été tués à Gaza depuis
que la sirène retentit : non seule- que car ils ont des signes de somati- tique (TSPT). En particulier les en- grenades près d’Ashkelon, au sud de le début de son offensive.
ment l’effet du 7 octobre continue sation ou des syndromes de stress, fants, qui ont des «ressources fan- Tel-Aviv, pour pallier le départ des n Une enquête de l’AFP,
à se faire sentir, mais il s’est diffusé, par exemple une sensation d’oppres- tastiques par rapport aux adultes». travailleurs étrangers. Avec sa mère, publiée jeudi, conclut
via les réseaux sociaux ou les récits sion thoracique». Elle décrit aussi Il n’est pas rare de voir des élèves elle a aussi rendu visite à un veuf qu’un obus de char
des témoins à la télévision, au-delà «des enfants qui ne veulent pas sor- «descendre dans les abris en chan- qui avait perdu son fils à la guerre, israélien a tué un
des enfants directement concernés, tir de la chambre forte», ont le plus tant» et, dès l’âge de 7 ans, ils sont après être tombée sur un message journaliste de Reuters et
«traversant plusieurs cercles de vul- grand mal à s’endormir ou encore formés à l’école au protocole sur Instagram appelant à venir le blessé six autres reporters
nérabilité». Yakar évoque le cas refusent de quitter leurs parents Six’C/6C, employé par Tsahal et l’ar- réconforter. «On s’aide les uns les le 13 octobre dans le sud
d’un lycéen qui, deux mois après, d’une semelle, car «c’est la seule mée américaine pour «déchoquer» autres. A l’école, aux scouts, on a du Liban. Les ONG Human
«est toujours prostré et n’arrive pas chose dans laquelle ils ont encore les soldats et leur permettre de écrit des lettres, fait des dessins pour Rights Watch et Amnesty
à s’arrêter de pleurer. A la lumière confiance, tout le reste, toutes les fonctionner normalement après un les familles des kidnappés. Mon International ont réclamé
de mon expérience, je m’attendais à certitudes se sont effondrées». événement traumatisant. frère, qui est à l’armée, les gens lui une enquête pour «crime
ce qu’il se rétablisse beaucoup plus Docteur en psychotraumatologie, Eyal et Maor ont 15 ans. Ces deux paient le café…» de guerre».
vite. Mais à chaque fois que je le Emmanuelle Halioua juge cepen- ados, qui sortent d’un pas non­- Roni, Maya et Shaïli ont 17 ans. n Les Etats-Unis ont
vois, il me répond : pas de change- dant que le pays est passé à «une au- chalant du réfectoire du kibboutz Quand nous les rencontrons, po- repris les vols de drones
ment». Pour le praticien, «le trau- tre phase : le premier mois, on était Shefayim, au nord de Tel-Aviv, ont sées sur une falaise face à la Médi- au-dessus de Gaza pour
matisme est toujours en cours car en état de choc et d’hypervigilance, perdu leur insouciance depuis terranée, quelque part entre Tel- aider à la recherche
la guerre est toujours en cours» et car on s’attendait à être pris en le 7 octobre. Rescapés du massacre Aviv et Herzliah, les lycéennes d’otages détenus par
le sentiment de menace existen- sandwich entre le Hamas au sud et de Kfar Aza, ce sont des héros de ce tremblent ­encore d’avoir dû se pla- le Hamas. 138 otages sont
tielle n’a pas disparu dès lors que le Hezbollah au nord». La phase qui qu’on appelle en Israël la «bataille de quer au sol sur l’autoroute après toujours retenus à Gaza,
«le Hamas contrôle toujours la s’ouvre désormais est celle de «la la poignée» : pendant de longues une alerte aérienne. C’était leur selon Tel-Aviv.
IV u
Expresso Monde Libération Vendredi 8 Décembre 2023

LIBÉ.FR
En Hongrie, une nou-
velle «loi de souverai-
neté» menace les ONG
Le texte, en cours d’examen au Parlement, vise offi-
ciellement à empêcher les partis politiques de tou-
cher des financements étrangers. Mais sa formula-
tion très floue ouvre la voie à une vague d’enquête
sur tous les mouvements citoyens ou associations.
Photo Bernadett Szabo. Reuters

L’Afrique de l’Est
soumise à des
calamités-fleuves
Le déluge lié au El Niño indien, un phéno- compter que la plupart des
phénomène météo mène d’oscillation clima­- zones inondées, notamment
«El Niño indien» qui tique provoquant pluies et le long du fleuve Jubba, sont
s’est abattu sur ­c yclones d’un côté de sous contrôle de l’organisa-
l’océan, sécheresse de l’autre. tion islamiste Al-Shebab.
l’Ethiopie, la Somalie
Il est dit dans sa phase posi- Même si les insurgés ont
et le Kenya, causant tive lorsque les pluies s’abat- donné des signes positifs au
des centaines de tent à l’ouest, et dans sa déploiement des humanitai-
morts, atteint la phase négative quand les res, l’acheminement de l’aide
Tanzanie. Une étude nuages se déplacent vers est en réalité quasiment im-
parue jeudi confirme l’est. En 2023, il est entré possible.
aussi le rôle dans une phase positive et a
du réchauffement atteint son intensité maxi- «Pertes». Enfin, les inonda-
global. mum en novembre. tions ont ruiné une partie des
En Somalie, en Ethiopie et au cultures agricoles, alors que
Par Kenya, les fleuves ont amorcé les sécheresses à répétition,
Célian Macé leur décrue cette semaine. ces dernières années, avaient
«Sans surprise, les zones rive- déjà placé des millions de per-

D
es millions d’habi- raines ont été les plus tou- sonnes en situation d’insécu-
tants de la corne de chées puisque toutes les riviè- rité alimentaire. «Les gens
l’Afrique, confrontés à res ont débordé», explique avaient logiquement planté en
une sécheresse historique, Cyril Ferrand, coordinateur espérant profiter du deyr.
ont prié pour faire venir la pour la résilience en Afrique Mais un champ sous l’eau pen-
pluie pendant deux ans et de l’Est à la FAO (l’organisa- dant cinq jours d’affilée est fi-
demi. Trop, peut-être. Les tion de l’ONU pour l’agricul- chu pour la récolte», rappelle
précipitations torrentielles ture et l’alimentation). «En Cyril Ferrand. Les précipita-
qui balayent la région de- Somalie, les fleuves sont tions «devraient inonder au
puis un mois ont provoqué comme des conduits d’écoule- moins 1,5 million d’hectares de
de nouvelles catastrophes : ment qui prolongent les hau- terres agricoles jusqu’en dé-
inondations, crues soudaines tes vallées d’Ethiopie et du cembre», indique Action con-
et débordements des rivières, Kenya, décrit Cyril Jaurena, tre la faim. «Nous sommes
glissements de terrain. Les chef des opérations du co- dans une région d’éleveurs,
pluies ont causé plus de mité de la Croix-Rouge inter- ajoute Cyril Jaurena. Or les
300 morts et au moins nationale dans le pays. C’est rares animaux en bonne santé
deux millions de déplacés au parfois comme un mini-tsu- qui avaient survécu à la séche-
Kenya, en Somalie et en nami : l’eau peut déferler avec resse se retrouvent sans accès
Ethiopie. L’extrême aridité violence, balayant tout sur à la nourriture, puisque l’eau A Dolow, en Somalie, le 25 novembre. Photo Hassan Ali Elmi. AFP
des sols – la corne n’avait pas son passage.» a tout recouvert. Il va y avoir
connu une telle sécheresse Les déplacés sont souvent encore des pertes.» son, soulageant la majorité aux sécheresses et aux inon- mois sur l’Afrique de l’Est
depuis quarante ans – a em- privés de ressources, de Cependant, tous les spécia- des éleveurs. dations. «Le changement cli- s’est déplacé vers le sud, attei-
pêché l’absorption ­naturelle nourriture mais surtout d’eau listes s’accordent pour dire matique a rendu des événe- gnant la Tanzanie. D’épaisses
de l’eau. En quelques heures potable. Dans leurs abris de qu’à l’échelle de la corne, Fonds. Le 30 novembre, ments tels que la sécheresse coulées de boue y ont em-
parfois, les ­fleuves sont sortis fortune, coupés du monde malgré les inondations, à la conférence pour le climat [dans la corne, ndlr] beaucoup porté des ­centaines de véhi-
de leur lit pour submerger pendant des semaines, ou l’abondance des pluies est (COP28) de Dubaï, les plus forts et plus probables : cules et de maisons dans la
des villages entiers. dans les quelques camps plutôt une bonne nouvelle. 200 Etats présents ont acté la une estimation prudente est région ­septentrionale de Ka-
construits à la hâte sur les «L’impact positif surpasse les création du fonds «pertes et que de telles sécheresses sont tesh, où au moins 65 person-
Dipôle. Les précipitations hauteurs, ils se retrouvent à effets négatifs. En dehors des dommages» réclamé depuis devenues environ 100 fois plus nes ont perdu la vie, selon le
ne sont pas anormales à cette la merci des épidémies. zones riveraines, la récolte des années par les pays en dé- probables», indiquait, en gouvernement. «Des précipi-
période de l’année, appelée La plupart des centres de agricole sera sans doute veloppement au nom de la avril, une étude publiée par le tations extrêmement abon-
«petite saison des pluies» ou santé ont été endommagés bonne, prédit Cyril Ferrand. solidarité mondiale. Ils sont réseau World Weather Attri- dantes sont attendues en Tan-
deyr, dans la corne de l’Afri- par les eaux, ou restent Sur le papier, la décrue pour- en effet, bien souvent, les plus bution. Le même collectif zanie, en Ouganda, au
que. Mais leur volume, ­inaccessibles. rait aussi être une opportu- touchés par les catastrophes scientifique affirme, dans un Rwanda, au Burundi, indique
en 2023, a été spectaculaire «En Somalie, les pistes sont nité pour planter. Même si la liées au changement climati- rapport paru ce jeudi, qu’au- Cyril ­Ferrand. Ce sont des
et concentré sur un temps encore noyées ou impratica- disponibilité des semences à que, alors qu’ils y contribuent delà de l’effet météorologique pays de collines, avec des ris-
très court. Les cycles de sé- bles, beaucoup de ponts se cycle court, et la possibilité très faiblement. Les pays de la du dipôle de l’océan Indien, le ques de glissements de ter-
cheresse et de pluie en Afri- sont effondrés, détaille Cyril pour les habitants de rentrer corne de l’Afrique en sont la réchauffement mondial «a rain.» Semblant narguer les
que de l’Est s’inscrivent dans Jaurena. Les rivières, tumul- chez eux pour cultiver pose tragique illustration. Ils de- multiplié par deux l’intensité négociateurs climatiques ré-
un système météorologique tueuses et qui charrient des encore question.» Les précipi- vraient, en toute logique, bé- des pluies meurtrières en Afri- unis à Dubaï, El Niño indien
de large envergure : le dipôle débris, des arbres, ne sont pas tations devraient par ailleurs néficier du fonds pertes et que de l’Est». Ces jours-ci, le poursuit imperturbablement
de l’océan Indien, surnommé forcément navigables.» Sans reverdir les pâtures cette sai- dommages pour faire face déluge qui s’abat depuis un ses ravages. •
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u V

LIBÉ.FR
Au Sri Lanka, un prix
pour une longue dispari-
tion forcée L’épouse du
j­ ournaliste Prageeth Eknaligoda, enlevé par des
militaires en janvier 2010, a reçu ce jeudi le prix
­Engel-du Tertre 2023 remis par la fondation Acat.
Un moyen d’alerter sur le sort de dizaines de mil-
liers d’autres victimes de la guerre sri-lankaise.
Photo Ishara S. Kodikara. AFP

Gemini
Ukraine : l’aide américaine
entravée par les républicains
C’était assurément «le plus ­ urcissement de la politique
d jeudi l’institut de recherche prévue la veille au Congrès, le
beau cadeau» à offrir au pré- migratoire des Etats-Unis allemand Kiel Institute. président ukrainien a admis
sident russe Vladimir Pou- à la frontière avec le Mexi- Réagissant au vote du Con- que l’armée russe avait «aug-
tine, avait prévenu Joe Biden que. Joe Biden s’est dit prêt grès, le Kremlin a dit jeudi menté la pression de manière
dans un discours solennel. à des «compromis impor- «espérer» que les élus améri- significative» sur le front.
L’avertissement du président tants» sur ce point, afin d’ob- cains ne continueraient pas Anticipant le risque de lassi- C’est le nouveau modèle d’intelligence artifi-
américain n’a visiblement tenir un soutien des deux à «brûler» l’argent du pays en tude de son allié américain, cielle lancé par Google, mercredi. La firme
pas été écouté par le Congrès, Chambres au Capitole. En Ukraine. Pour Kyiv, le refus Volodymyr Zelensky s’était ­californienne a décidé de presser le développe-
qui a bloqué mercredi soir ­attendant que les négocia- de cette nouvelle enveloppe rendu en personne à Wa-
une enveloppe de plus de tions ­aboutissent, Washing- est une catastrophe, alors que shington en septembre, ment des outils intelligents en lançant un nouveau
106 milliards de dollars ton a annoncé une nouvelle sa contre-offensive lancée en échangeant longuement avec modèle censé ringardiser ChatGPT. «C’est notre
(98 milliards d’euros) com- aide militaire à Kyiv, d’un juin n’a pas apporté les gains Joe Biden et des élus du Con- modèle d’IA le plus ­conséquent, le plus doué et aussi
prenant des fonds pour montant toutefois limité territoriaux espérés. Vladimir grès, sans que sa visite n’ait le plus général», a assuré Eli Collins, vice-président
l’Ukraine et Israël. de 175 millions de dollars Poutine compte sur l’«effon- toutefois l’effet escompté.
Au cœur d’acerbes tracta- (162 millions d’euros), drement» du soutien occi- Depuis l’invasion russe de
de Google DeepMind, lors d’une présentation à la
tions, le texte n’a finalement ­ponctionné sur les réserves dental à l’Ukraine, a affirmé l’Ukraine en février 2022, le presse. Google cherche à développer une techno-
pas reçu le soutien de l’op­- de l’exécutif. Volodymyr Zelensky lors Congrès a déjà engagé plus logie capable de tout voir, de tout entendre, de tout
position républicaine. Pour- Ce nouveau blocage du Con- d’une téléconférence menée de 110 milliards de dollars comprendre – pas seulement du texte comme avec
tant encore nombreux à sou- grès intervient alors que les le même jour entre les diri- (102 milliards d’euros) pour
ChatGPT, mais aussi des images, du code et
tenir l’Ukraine en public, les nouvelles promesses d’aide geants des pays du G7. Après Kyiv, les Etats-Unis représen-
élus conservateurs condi- occidentale à l’Ukraine ont avoir annulé de manière im- tant son plus important sou- du son – et d’en faire ensuite l’analyse pour ses
tionnent cette aide à un net fortement ralenti, a informé promptue son intervention tien militaire. ­utilisateurs.

«[La Chine] s’oppose Russie


fermement au dénigrement Une adolescente
de 14 ans tue une
et à l’affaiblissement de camarade de classe
la coopération [autour] des Une adolescente de 14 ans a
ouvert le feu jeudi dans une
Nouvelles Routes de la soie.» école de Briansk, une ville du
sud-ouest de la Russie, pro-

Image tirée de Being there d’Omar Victor Diop et Anonymous Project. Photo Ed. Textuel
che de la frontière avec
l’Ukraine, tuant une cama-
rade et en blessant cinq
­autres avant de se suicider, a
Wang Wenbin annoncé le Comité d’enquête
porte-parole du ministère de Russie. «Une fille de 14 ans
AFP

chinois des Affaires étrangères est venue à l’école avec un fu-


sil à pompe, tirant sur ses ca-
L’Italie ne cachait plus ses intentions depuis plusieurs marades de classe» et tuant
mois. Mercredi, une source au sein du gouvernement de l’une d’elles, précise le com-
Giorgia Meloni a finalement confirmé le retrait de l’Italie muniqué des enquêteurs.
de l’accord controversé avec la Chine sur les «Nouvelles «Les motifs et les circonstan-
Routes de la soie», quatre ans après l’avoir intégré. Et jeudi, ces» du drame sont en train
sans nommer directement l’Italie, la Chine dit «s’opposer d’être établis, a précisé la po-
fermement au dénigrement et à l’affaiblissement de la coo- lice de Briansk, sans donner
pération [autour] des Nouvelles Routes de la soie, et s’oppose d’indication sur les motiva-
à la confrontation et à la division», par la voix du porte-pa- tions de la jeune fille. Selon le
role du ministère des Affaires étrangères, Wang Wenbin. gouverneur régional, Alek-
L’accord devait être automatiquement renouvelé en mars, sandr Bogomaz, les cinq
sauf en cas de retrait d’ici la fin 2023. L’adhésion de Rome blessés sont des enfants.
«n’a pas produit les résultats» escomptés par la troisième Deux sont légèrement tou-

CE SAMEDI
économie de la zone euro, avait jugé en septembre le mi- chés, tandis que trois autres
nistre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani. ont des blessures de gravité
Ployant sous le poids de sa dette publique, l’Italie était de- moyenne. Autrefois rarissi-
venue en 2019 le seul pays du G7 à participer à ce pro- mes, les fusillades mortelles

SPÉCIAL CADEAUX
gramme d’investissements massifs de Pékin dans des pro- se font depuis quelques an-
jets d’infrastructures internationales, décrit par ses nées de plus en plus fréquen-
opposants comme un cheval de Troie destiné à obtenir une tes en Russie, en particulier
influence politique. Une «grave erreur», avait estimé Gior- dans des écoles. En septem-
gia Meloni avant son arrivée au pouvoir fin 2022. Lancées
il y a dix ans, les Nouvelles Routes de la soie, auxquelles
bre 2022, une fusillade dans
une école d’Ijevsk perpétrée FILMS, MUSIQUE, BEAUX LIVRES, GOURMANDISES…
adhèrent plus de 150 pays selon Pékin, constituent le projet
phare de Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en 2012.
par un ancien élève de l’éta-
blissement avait fait 15 morts 26 PAGES DE PÉPITES POUR NOËL
A lire en intégralité sur Libération.fr. dans le centre de la Russie.
VI u
Expresso France Libération Vendredi 8 Décembre 2023

LIBÉ.FR
Pénurie d’amoxicilline
­pédiatrique : «C’est
toujours le bordel»
Les données publiées jeudi par la chambre syndicale
de la répartition pharmaceutique laissent craindre
de nouvelles tensions d’approvisionnement de cet
­antibiotique, essentiel en solution buvable pour
les enfants, alors que les infections bactériennes
­hivernales se multiplient. Photo Hans Lucas. AFP

Dans un entretien
au «Figaro» jeudi,
la cheffe du
gouvernement
a déroulé, sans
grande annonce,
ses objectifs
pour 2024, balayant
ainsi les rumeurs
d’un remaniement
en janvier.

Par
Jean-Baptiste
Daoulas

I
l y a le texte et le sous-
texte dans la longue in-
terview d’Elisabeth Borne
publiée dans le Figaro jeudi.
Logement, énergie, emploi…
L’entretien est une énuméra-
tion, façon catalogue, de l’en-
semble des réformes que la
Première ministre compte
mener au premier semestre
2024. Quant au sous-texte ?
«C’est “Je reste”, ou plutôt
“Je veux rester”, traduit un
membre de son gouverne-
ment. Ce n’est pas fait dans
le dos de l’Elysée, ce n’est pas
son genre.»
Alors que les rumeurs de re-
maniement imminent poin-
tent à nouveau, Elisabeth Elisabeth Borne, au congrès de l’Association des maires de France, à Paris, le 23 novembre. Photo Albert Facelly
Borne entend montrer qu’elle
conserve les manettes. Au

Réformes, réunions avec les députés :


moins pour quelques mois
supplémentaires. «J’ai mon-
tré que j’ai de l’énergie, de la
détermination pour porter les
réformes du Président. Et
cette détermination ne faiblit
pas», conclut-elle, au cas où
certains auraient vraiment
l’opération leadership de Borne
du mal à comprendre le mes-
sage envoyé par son inter- conviés à shooter les ren­- Macron, est annoncée très en ­ ttente de sécurité sur tout le
a énergie doit réformer la fixa- La Première ministre compte
vention. «Un Premier minis- contres alors que ce type de amont à la presse. Eternel territoire» après l’attentat de tion du prix de l’électricité, aussi programmer une loi de
tre doit toujours se penser, si conciliabules, avec verres de bloc-notes à portée de main samedi à Paris et la rixe de sujet sensible après deux an- «transformation de notre
ce n’est éternel, du moins dans vin et amuse-gueules, reste quand elle reçoit ses minis- Crépol, Borne mise sur le dé- nées de forte inflation. La agriculture» et une autre sur
le temps long», résume cruel- d’ordinaire plus discret. «On tres, Borne a passé les der- ploiement de 239 brigades de crise du logement fera l’objet «l’efficacité de l’action publi-
lement un proche d’Emma- était divisés en petits groupes. nières semaines à plancher gendarmerie annoncé par le de deux textes, l’un accélé- que» visant à «diversifier les
nuel Macron. Ça me rappelait mes cours sur son programme législatif Président et sur une «straté- rant la construction, l’autre voies de recrutement» des
d’arts plastiques au collège, se de la rentrée. Façon d’enjam- gie renforcée de lutte contre censé donner «davantage de fonctionnaires.
«Leadership». Une étape marre une dépu- ber l’incertain les stupéfiants». leviers aux maires» en ma- Pas un mot plus haut que
de plus dans la campagne tée Renaissance La femme projet de loi im- tière d’urbanisme. Elisabeth l’autre ou une prise de posi-
que la cheffe du gouverne- pas emballée par du jour migration – dont Energie. En matière de ter- Borne ne reprend pas à son tion inattendue dans le
ment mène au grand jour de- l’opération. Elle l’examen dans rorisme, elle n’exclut pas de compte les propositions de ­programme énoncé par la
puis quelques semaines pour était détendue, aimable, par- l’hémicycle de l’Assemblée nouvelles mesures. «C’est Bruno Le Maire sur la ré- cheffe du gouvernement.
conserver sa place. Elisabeth lait sans note.» Le tout en se nationale commence lundi – trop tôt aujourd’hui, alors forme du chômage des plus «Elle reste trop prudente.
Borne ne s’est pas contentée gardant de faire la moindre et les derniers 49.3 à dégai- que l’enquête vient de démar- de 55 ans ou sur la création Il faut qu’elle ait un thème,
de recevoir en petits groupes annonce aux députés. «Ça ner pour faire passer son rer», temporise-t-elle toute- d’un dispositif de temps par- un sujet, un objet politique
les députés de la majorité, sentait la reprise de leader- budget 2024. Et d’oublier que fois, alors que Les Républi- tiel pour les seniors. Elle bien à elle», encourage un
du 28 novembre au 5 décem- ship», décode une élue. chacune de ces étapes peut cains et le Rassemblement imagine plutôt une «exten- de ses ministres, convaincu
bre, «afin d’échanger et d’évo- Même procédé lundi. Sa réu- conduire à la chute de son national se sont lancés sans sion» du dispositif de re- qu’elle doit sortir de son rôle
quer avec eux les priorités nion de travail avec ses mi- gouvernement en cas d’acci- attendre dans une suren- traite progressive. En ma- d’exécutante du programme
du premier semestre de l’an- nistres Bruno Le Maire (Eco- dent de parcours. chère de mesures libertici- tière d’emploi, elle évoque présidentiel si elle veut durer
née 2024», Matignon a en- nomie et Finances) et Olivier Les objectifs énoncés dans des. un plan «pas d’emploi non à Matignon. «Il ne se passera
voyé un communiqué de Dussopt (Travail) «pour le Figaro sont sans surprise. Le reste de l’agenda sera pourvu» dans les secteurs rien en ­décembre», certifie
presse pour l’annoncer. Les ­atteindre le plein-emploi», Diagnostiquant «un besoin trusté par des réformes éco- qui peinent à recruter, sans un proche du Président. Mais
photographes ont même été grande priorité d’Emmanuel évident d’autorité et une nomiques. Un projet de loi s’étendre sur les détails. en janvier ? •
Libération Vendredi 8 Décembre 2023 u VII

LIBÉ.FR
Immigration : qu’est-ce que l’accord
franco-algérien de 1968, discuté
au gouvernement et à l’Assemblée ?
Sur fond de discussions sur l’immigration, la droite
veut ­remettre en cause un texte conférant un statut
particulier ­aux Algériens en matière de circulation, de séjour
et d’emploi en France, tandis qu’Elisabeth Borne évoque
«des discussions à l’ordre du jour».
Photo KEYSTONE FRANCE. GAMMA RAPHO

GSR
Groupe Casino Les syndicats ont «Il y a un contexte de répression
rencontré les repreneurs jeudi
L’intersyndicale rassemblant les cinq organisations représen-
antisyndicale inédit depuis
tatives des salariés de Casino (FO, CGT, CFDT, UNSA, CFE- l’après-guerre.»
CGC) a dit craindre «une casse sociale sans précédent sur les
sièges et la logistique» jeudi, après une réunion avec la direc-
tion de l’entreprise et des représentants de ses repreneurs. Les
représentants du consortium de Daniel Kretinsky et Marc La- Sophie
dreit de Lacharrière ont, eux, indiqué «soutenir la volonté du Binet
groupe Casino de vendre la totalité des hypermarchés et des Secrétaire
supermarchés», selon les syndicats. Les salariés craignent une générale

AFP
«vente à la découpe». de la CGT

comme «Groupe de sécurité de Recon-


quête» : le parti d’Eric Zemmour a lancé Le gouvernement chercherait à museler les syndicats qu’il ne
Assurance La vignette verte mercredi ce service d’ordre, que plusieurs
s’y prendrait pas autrement. Dans une lettre envoyée mardi
supprimée à partir d’avril 2024 à Elisabeth Borne, la secrétaire générale de la CGT, Sophie
élus de gauche ont qualifié de «milice» pour «or- ­Binet, s’inquiète d’un «contexte de répression antisyndicale
La vignette verte à placer sur le pare-brise, garantissant que ganiser des ratonnades». Dans un communiqué, inédit depuis l’après-guerre» mû selon elle par une «réelle vo-
le véhicule est assuré, ainsi que l’attestation qui devait l’ac- le Parti socialiste demande la dissolution de lonté politique de porter atteinte à [leur] action». Dans son
compagner seront supprimées d’ici avril 2024. Une façon pour courrier, la numéro 1 du syndicat indique que plus de 1 000 mi-
le gouvernement de «simplifier la vie des gens, enlever de la
cette nouvelle excroissance du parti d’extrême litants cégétistes sont aujourd’hui poursuivis devant les tribu-
paperasse, enlever les risques d’amendes». Concrètement, la droite. «Le parti Reconquête est sur le point de naux pour des faits relevant d’actions syndicales, notamment
vignette et l’attestation seront remplacées par une inscription, se transformer en phalange, c’est pourquoi nous pendant la mobilisation du premier semestre 2023 contre la
sous soixante-douze heures après la souscription d’un contrat demandons la dissolution de son Groupe de sécu- réforme des retraites. Réclamant une «loi d’amnistie», Sophie
d’assurance, dans un fichier dématérialisé auquel les forces Binet dénonce une «judiciarisation des conflits sociaux» et
de l’ordre pourront accéder. «Tous les véhicules motorisés res-
rité», écrivent les socialistes dans un texte signé «une grave dérive qui fait peser sur des individus la responsabi-
tent soumis à cette obligation d’assurance qui ne change pas», notamment par Olivier Faure qui, sur Twitter, lité d’actions qui ont été décidées collectivement». J.-B.C.
rappelle toutefois le ministère de l’Economie et des Finances. qualifiait la création du GSR «d’alerte brune». A lire en intégralité sur Libération.fr

Sciences-Po bloqué après les


accusations visant le directeur
Sur le parvis de Sciences-Po de l’administration ne peut doit être «cohérent». La se-
Paris, quelques étudiants ten- être que la suspension des maine n’est pas la plus pro-
tent de lancer des brioches fonctions de Mathias Viche- pice à la lutte : les cours sont
à leurs camarades postés à la rat, ainsi que sa démission». terminés. Seule une cinquan-
fenêtre du premier étage. Une Mathias Vicherat, 45 ans, et taine d’étudiants étaient ras-
centaine de jeunes ont passé sa compagne, Anissa Bonne- semblés jeudi devant l’éta-
la nuit dans l’établissement et font, s’accusent réciproque- blissement, tapissé d’affiches
ont bloqué son accès à leurs ment de violences conjuga- exhortant le directeur à la dé-
camarades et à leurs profes- les. Tous deux ont été placés mission. Ewa, 25 ans, n’a pas
seurs, jusqu’à la fin de la ma- en garde à vue dimanche hésité à faire le déplacement :
tinée, jeudi. avant d’être libérés lundi. Le «Quand les accusations ont
Déclenchée mercredi, lors parquet de Paris a, depuis, été rendues publiques, je me
d’une première assemblée ordonné une enquête préli- suis sentie trahie. Mathias Vi-
générale, l’action a pour ob- minaire. L’énarque avait pris cherat représente notre insti-
jectif de pousser vers la sortie la direction de l’école en 2021, tution, il a un devoir d’exem-
Mathias ­Vicherat, directeur dans le sillage fétide de l’af- plarité.»
de l’école, accusé de violences faire Olivier Duhamel. Son Yaëll estime qu’il est «inad-
conjugales. Après «un temps prédécesseur, Frédéric Mion, missible qu’un directeur qui
de négociation» entre deux venait d’être contraint à la s’est engagé à faire des violen-
représentantes de syndicat, démission pour avoir dissi- ces sexistes et sexuelles sa pri-
une responsable de l’associa- mulé les soupçons d’inceste orité soit placé en garde à vue
tion féministe de l’école et visant le politologue. «Malgré pour violences conjugales».
l’administration, les protesta- les grands discours prononcés Certes, il n’y a pas de plainte
taires ont accepté de lever à son arrivée, on a l’impres- ni de mise en examen, mais
l’occupation à la mi-journée, sion que rien n’a changé», peu importe : «La justice et la
contre «un espace de visibilité soupire une étudiante. Elle représentation de notre insti-
pour nous mobiliser, et une dit sa lassitude et sa colère tution sont deux choses diffé-
liste de diffusion pour toucher face à la défense de son di- rentes. Il y va de l’intégrité de
tou.te.s les étudiant·e·s», recteur, qui a envoyé un mail l’école et de la responsabilité
­explique Yaëll du syndicat aux élèves à l’issue de sa de l’administration d’envoyer
Solidaire Etudiants. garde à vue, en invoquant le un message fort.» L’AG – com-
Ces actions sont «un énième droit à la «vie privée». posée d’étudiants mobilisés
cri d’alerte traduisant l’indi- Paul, 23 ans, rappelle que Ma- et de représentants syndi-
gnation des étudiant·e·s face thias Vicherat «s’est fait élire caux – appelle à une nouvelle
au maintien du climat d’im- sur sa politique de lutte contre réunion lundi pour discuter
punité, pouvait-on lire dans les violences sexistes et sexuel- des suites de la mobilisation.
un communiqué. La réponse les» et estime que le directeur Juliette Delage
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VIII u Libération Vendredi 83Décembre 2023
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4 9 7 1 3 8 6 2 5Christian Losson 3 2 8 1 5 7 4 6 9
75 92 93 894 2 6 7 9 5 1 3 4 (enquêtes) 5 1 9 6 4 3 7 8 2
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www.ville-bougival.fr 7 8 5 9 4 2 Rédacteurs
de 9h à 18h au 01 87 39 84
9 100
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en chef adjoints
grilles(France),
5 7 Alemagna d’hier
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ou par mail Anne-Laure Barret
legales-libe@teamedia.fr
(environnement), Lionel
Charrier (photo), Cécile
Daumas, Sonia Delesalle-
Stolper (monde),
VENDREDI 8 SAMEDI 9 Fabrice Drouzy (spéciaux),
Yoann Duval (forums),
Les pluies sont soutenues près de la Une nouvelle perturbation traverse l'ouest et Cédric Mathiot
Méditerranée et au pied des Pyrénées. le nord du pays en cours de journée. Les (checknews),
Didier Péron (culture)
Le temps est instable dans le Sud-Ouest régions de l'Est et du Sud échappent aux
avec des averses. Les éclaircies reviennent précipitations. Les températures sont douces.
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au Nord-Ouest. LE SOIR Des pluies circulent sur une large Site : abo.liberation.fr
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Toulouse Marseille Toulouse Marseille Nancy Print (Jarville),
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