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P OLYTECH ’L ILLE

GIS 3

S TRUCTURES M ATH ÉMATIQUES


Table des matières

Introduction 3

1 Les Séries 4
1.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.2 Deux résultats sur les séries convergentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.3 Séries à termes positifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.4 Séries à termes quelconques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.5 Séries d’applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.6 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

2 Topologie d’un espace vectoriel normé 17


2.1 Norme et distance associée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.2 Parties bornées d’un evn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.3 Ouverts et fermés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.4 Suites dans un evn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.5 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

3 Limites et continuité 31
3.1 Limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.2 Continuité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.3 Applications linéaires continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

4 Espaces vectoriels normés en dimension finie 37


4.1 Équivalence des normes en dimension finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
4.2 Théorème du point fixe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
4.3 Compacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
4.4 Continuité des applications linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
4.5 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

5 Espaces préhilbertiens réels 47


5.1 Produit scalaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
5.2 Inégalités et normes euclidiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
5.3 Orthogonalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
5.4 Procédé d’orthogonalisation de Schmidt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
5.5 Projection orthogonale sur un sev de dimension finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
5.6 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

2
Fonctionnement du poly

Le cours de Structures Mathématiques se compose de 12 séances. Il reprend abondamment les notions


classiques d’algèbre linéaire abordées durant le module Renforcement Mathématique.
Le programme est dense, en particulier pour les étudiants non issus de classes préparatoires. À cet effet, les
définitions et résultats qui y sont présentés seront pour la grande majorité accompagnés de commentaires
et d’exemples.
Le suivi et la compréhension du cours sont nécessaires (et sans doute suffisants) pour aborder les exercices
dans les meilleures conditions.
En paralèlle de ce cours, interviennent 11 séances de TD. Les exercices se trouvent à la fin de chaque
chapitre. Certains d’entre eux proviennent des partiels et examens des années précédentes, certains sont
corrigés. Les exercices difficiles sont marqués du symbole ⋆.
Votre note finale est obtenue comme moyenne d’un partiel (fin novembre) et d’un examen (mi-janvier).
Le partiel portera essentiellement sur les deux premiers chapitres et l’examen sur les trois derniers. Il n’y
aura aucune surprise lors de ces deux épreuves ; ce qui vous sera demandé aura été vu soit en cours, soit
en TD. De plus, vous aurez droit lors de ces deux épreuves à 2 feuilles (format A4, recto-verso) que vous
aurez pu au préalable remplir de notes manuscrites.
Conserver ce poly, vos notes de cours et de TD car ils vous seront utiles durant toute votre scolarité à
Polytech’Lille.

David Coupier

3
Chapitre 1

Les Séries

Dans ce chapitre, K représente le corps des réels R ou celui des complexes C. Suivant le cas, | · | désigne
soit la valeur absolue, soit le module.
Q UESTION . Vous marchez toujours dans la même direction de la manière suivante ; le second pas est de
longueur la moitié du premier, le troisième de longueur la moitié du second et ainsi de suite ... Jusqu’où
irez-vous ?

1.1 Généralités

P 1.1.1 Soit (un )n∈N une suite d’éléments de K. On appelle série de terme général un et on
Définition
note un la suite des sommes partielles (Sn )n∈N où pour tout n ∈ N,
n
X
Sn = u0 + u1 + . . . + un = uk .
k=0

La série est dite numérique car les éléments de la suite (un )n∈N appartiennent au corps K.

E XEMPLES :
• Le terme général d’une série géométrique est un = r n , où l’élément r ∈ K est appelé la raison de
la série. Ses sommes partielles ont une expression explicite.
(
n + 1 si r = 1
Sn = 1 + r + . . . + r n = 1−r n+1
1−r si r 6= 1

• Le terme général de la série exponentielle est


1
un = .
n!
Par convention, 0! = 1. Les sommes partielles Sn sont des rationnels mais n’ont pas d’expression explicite.

L’objectif de ce chapitre est de fournir des outils permettant de déterminer la nature d’une série donnée, à
savoir convergente ou divergente.
P
Définition 1.1.2 Soit (un )n∈N une suite d’éléments de K. On dit que la série un converge (ou est
convergente) si la suite des sommes partielles (Sn )n∈N converge dans K. Dans ce cas, la limite de la suite

4
P
(Sn )n∈N est appelée somme de la série un et est notée
+∞
X
un .
n=0
P
Dans le cas contraire, on dit que la série un diverge (ou est divergente).

Notons par ailleurs que la convergence d’une série ne dépend pas de ses premiers termes. Changer un
nombre fini de termes ajoute une même constante à toutes les sommes partielles à partir d’un certain rang.
Cela n’affecte donc pas sa nature mais uniquement sa somme (lorsqu’elle converge).
Voici trois exemples de séries convergentes dont la somme est connue. La série géométrique r n converge
P
si et seulement si |r| < 1. Dans ce cas, sa somme est
+∞
X 1
rn = .
n=0
1−r

La somme de la série exponentielle est le nombre e, dont le logarithme népérien vaut 1.


+∞
X 1
= e ≃ 2, 71828 .
n!
n=0

Voici un deuxième exemple de série dont les sommes partielles sont explicitement calculables :
+∞
X 1
=1.
(n + 1)(n + 2)
n=0

En effet,
1 1 1
un = = −
(n + 1)(n + 2) n+1 n+2
et les termes de la somme partielle Sn se télescopent :
1 1 1 1 1 1
Sn = u0 + u1 + . . . + un = 1 − + − + ... + − =1− .
2 2 3 n+1 n+2 n+2
Dans ce chapitre, nous nous poserons toujours les deux mêmes questions ; la série est-elle convergente ?
Et si oui, quelle est sa somme ? Lorsque nous disposerons d’une expression pour la somme partielle Sn
(comme dans l’exemple précédent), il sera facile de déterminer la nature de la série et, si elle converge, sa
somme. Mais cette situation sera très rare. En fait, déterminer la somme d’une série convergente sera la
plupart du temps hors de portée... Nous nous contenterons de déterminer sa nature. Pour ce faire, voici un
premier résultat :

Proposition 1.1.3 Si une série converge alors son terme général tend vers 0.

La contraposée de ce résultat est plus utilisée : une série dont le terme général ne tend pas vers 0 ne peut
pas converger. C’est la première chose à vérifier lorsque l’on doit déterminer la nature d’une série ! Voici
deux exemples.

E XEMPLES :
• Considérons une série dont le terme général est très souvent nul :
1 si n = 2k pour k ∈ N

un = .
0 sinon

5
La suite des sommes partielles (Sn )n∈N varie de plus en plus rarement. Par exemple, Sn vaut 101 pour
chaque valeurPde n comprise entre 2100 et 2101 − 1, ce qui représente tout de même 2100 termes ! Malgré
tout, la série un diverge car son terme général ne tend pas vers 0.
• Considérons maintenant la série dont le terme général un vaut 1 lorsque n est pair et −1 lorsque n
est impair. La suite des sommes partielles (Sn )n∈N s’annulle une fois sur deux :

Sn = (1 − 1) + (1 − 1) + . . . + (1 − 1) = 0 ,
P
lorsque n est impair. Pourtant, la série un diverge car son terme général ne tend pas vers 0.

1.2 Deux résultats sur les séries convergentes


P P
Proposition 1.2.1 SoientP un et vn deux séries convergentes à termes dans K. Alors, pour tout sca-
laires α, β ∈ K, la série (αun + βvn ) converge et sa somme vaut
+∞
X +∞
X +∞
X
(αun + βvn ) = α un + β vn .
n=0 n=0 n=0

Par exemple, la série de terme général wn = 2−n − 3−n est convergente et sa somme vaut
+∞ +∞ +∞
X X 1 X 1
wn = n

2 3n
n=0 n=0 n=0
1 1
= −
1 − 1/2 1 − 1/3
1
= .
2
P P P P
P ailleurs, si un et vn sont deux
Par telles que un converge et un + vn diverge alors la série
P sériesP
vn est divergente.
P Cependant, si un et vn sont toutes deux divergentes, on ne peut rien conclure
quant à la série un + vn (elle peut converger : prendre un = 1 et vn = −1 pour tout n).
P
Proposition 1.2.2PConsidéronsPune série un à termes complexes. Cette série converge si et seulement
si les deux séries Re(un ) et Im(un ) à termes réels convergent. Dans ce cas, leurs sommes valent
+∞ +∞ +∞ +∞
! !
X X X X
Re(un ) = Re un et Im(un ) = Im un .
n=0 n=0 n=0 n=0

Voici une application immédiate de cette proposition. Soient 0 < ρ < 1 et θ ∈ R. Puisque |ρeiθ | < 1, la
série (géométrique) de terme général ρn einθ converge. Sa somme vaut :
+∞
X 1
ρn einθ = .
n=0
1 − ρeiθ

Dès lors, la série de terme général Re(ρn einθ ) = ρn cos(nθ) est elle aussi convergente et sa somme

6
s’obtient comme suit :
+∞ +∞
!
X X
ρn cos(nθ) = Re ρn einθ
n=0 n=0
 
1
= Re
1 − ρeiθ
1 − ρ cos(θ)
= .
1 − 2ρ cos(θ) + ρ2

De la même manière, avec cette fois la partie imaginaire, la série de terme général ρn sin(nθ) est conver-
gente et sa somme vaut :
+∞
X ρ sin(θ)
ρn sin(nθ) = 2
.
n=0
1 − 2ρ cos(θ) + ρ

1.3 Séries à termes positifs


Dans cette section, toutes les séries envisagées sont à termes positifs.
Il est bien connu qu’“une suite croissante et majorée est convergente”. Ce principe de base se traduit en
termes de séries en un résultat fondamental.
P
Lemme 1.3.1 Une série un à termes positifs converge si et seulement si la suite de ses sommes par-
tielles est bornée :
n
X
∃M > 0, ∀n ∈ N, uk ≤ M .
k=0

Une suite croissante n’a que deux comportements possibles ; soit elle est bornée et elle converge, soit elle
tend vers l’infini. Ainsi, la somme d’une série à termes positifs est soit finie et dans ce cas la série est
convergente, soit égale à +∞ et dans ce cas la série est divergente. C’est la raison pour laquelle on note
parfois
+∞
X
un < +∞
n=0
P
pour signifier que la série à termes positifs un converge. Attention, cette notation n’a aucun sens pour
une série à termes quelconques.
P P
Proposition 1.3.2 (Théorème de comparaison) Soient un et vn deux séries à termes positifs. Sup-
Pexiste un entier N P
posons qu’il ≥ 0 tel que pour tout n ≥ N , (0 ≤)un ≤ vn .
(1) Si P vn converge alorsP un converge.
(2) Si un diverge alors vn diverge.

E XEMPLES :
• Considérons la série de terme général
1
un = .
3n + 2n
Nous majorons facilement un par 1/2n qui est le terme général d’une série géométrique de raison 1/2,
donc convergente. Le Théorème de comparaison nous permet de conclure quant à la convergence de la

7
série initiale. Majorer un par 1/3n conduisait à la même conclusion.
• Considérons maintenant la série de terme général
1
un =
3n − 2n
qui est toujours à termes positifs. L’inégalité 3n − 2n ≤ 3n mène à un ≥ 1/3n . C’est un exemple typique
de situation pour laquelle le Théorème de comparaison n’apporte aucun renseignement ; c’est la plus petite
des deux séries qui converge, la plus grande peut aussi bien converger que diverger ! Si l’on croit en la
convergence de la série de terme général un , il s’agirait plutôt de minorer 3n − 2n par une quantité assez
grande. L’inégalité  n
3
≥2,
2
valable pour tout n ≥ 2, implique 3n − 2n ≥ 2n et donc
1 1
un = ≤ n ,
3n −2n 2
pour n ≥ 2. Le Théorème de comparaison nous permet cette fois de conclure quant à la convergence de la
série initiale. P 1
• Nous avons déjà vu que la série (n+1)(n+2) est convergente. Nous allons en déduire que c’est
P 1
aussi le cas pour n2
. On a :
1
2n2 1
lim 1 = .
n→+∞
(n+1)(n+2)
2
En particulier, il existe N tel que pour tout n ≥ N :
1 1
≤ .
2n2 (n + 1)(n + 2)
En fait,
P c’est vrai pour n ≥ 4, mais il est inutile de calculer une valeur précise de N . On en déduit que la
1
série 2n2
converge, d’où le résultat par linéarité.
P
Le Théorème des équivalents stipule que la nature de la série un ne dépend que du comportement
asymptotique de son terme général un , et en particulier à la vitesse à laquelle il tend vers 0 quand n tend
vers l’infini.

Proposition 1.3.3 (Théorème des équivalents) Soient (un )n∈N et (vn )n∈N deux suites à termes positifs,
équivalentes au voisinage de l’infini :
un
un ∼ vn ⇐⇒ lim =1.
+∞ n→+∞ vn
P P
Alors, les séries un et vn sont de même nature (convergentes ou divergentes).

Par exemple, les séries de terme général

n2 + 3n + 1 n + ln(n)
ou
n4 + 2n3 − 2 n3
1
convergent. Dans les deux cas, le terme général est équivalent à n2
.

Proposition 1.3.4

8
(1) La série de Riemann P n−α converge si et seulement si α > 1.
P
(2) La série de Bertrand n−1 ln(n)−β converge si et seulement si β > 1.

Par exemple, les séries de terme général

n2 + 3n + 1 n + ln(n)
3 3
ou
n + 2n − 2 n2

divergent. Dans les deux cas, le terme général est équivalent à n1 , qui est le terme général d’une série de
Riemann divergente (α = 1).
⋆ Faire l’Exercice 4.
En combinant le résultat portant sur les séries de Riemann et Bertrand et le Théorème de comparaison,
nous obtenons le diagramme des phases convergence et divergence représenté par la Figure 1.1.

DIVERGENCE CONVERGENCE

1 11 3
n− 2 n−1 n− 10 n− 2 n−2 e−n

ZOOM

1
n−1 ln(n)− 2 n−1 ln(n)−1 n−1 ln(n)−2

F IGURE 1.1 – Sur les axes horizontaux sont ordonnées des vitesses de convergence vers 0 ; le second est
un zoom du premier. Le Théorème de comparaison permet de séparer ces vitesses en deux catégories. À
droite, il y a des vitesses pour lesquelles une série dont le terme général tend vers 0 selon l’une d’entre
elles, est convergente et à gauche, il y a des vitesses pour lesquelles une série dont le terme général tend
vers 0 selon l’une d’entre elles, est divergente. La Proposition 1.3.4 nous permet d’ajuster la frontière entre
ces deux catégories.

L’utilisation du critère de d’Alembert peut s’avérer très efficace lorsque le terme général de la série à étudier
apparait sous la forme d’un produit (i.e. produit multiple, puissance ou factorielle) mais catastrophique
lorsqu’il apparait sous la forme d’une somme : voir l’Exercice 3.
P un+1
Proposition 1.3.5 (Critère de d’Alembert) Soit un une série à termes positifs telle que un converge
vers l. P
• Si l < 1 alors P un converge.
• Si l > 1 alors un diverge.
Si l = 1 on ne peut pas conclure en général.

rn
Comme exemple d’application du critère de d’Alembert, la série exponentielle de terme général un = n! ,
pour tout réel positif r. Le rapport

un+1 r n+1 n! r
= n
=
un (n + 1)!r n+1

9
P rn
tend vers 0 quand n tend vers l’infini. Il en découle la convergence de la série n! . Sa somme est notée
er ; c’est par l’intermédiaire d’une série que l’on définit la fonction exponentielle !

1.4 Séries à termes quelconques


Cette section concerne les séries à termes complexes, ou à termes réels dont le signe change infiniment
souvent. En effet, étudier la nature d’une série dont le terme général (réel) est de signe constant à partir
d’un certain rang revient, quitte à oublier les premiers termes et à changer le signe de tous les suivants, à
étudier la nature d’une série à termes quelconques.
P
Définition 1.4.1POn dit qu’une série un à termes dans K est absolument convergente si la série (à
termes positifs) |un | est convergente.

Il n’est pas difficile de démontrer que la somme de deux séries absolument convergentes est encore une
série absolument convergente. Il en va de même pour la multiplication par un scalaire d’une série absolu-
ment convergente. L’ensemble ℓ1 (K) des suites d’éléments de K dont la série est absolument convergente
est donc un K−ev. Son élément neutre est la série identiquement nulle.
P P
Théorème 1.4.2 Considérons une série
P un à termes dans K. Si un est absolument convergente alors
un est convergente. De plus,
+∞
X +∞
X
un ≤ |un | .
n=0 n=0

Le Théorème 1.4.2 est fondamental : il affirme que toute série P numérique absolument convergente est
convergente.
P Ainsi, afin de prouver la convergence d’une série un , il suffit de prouver la convergence de
la série |un | qui est à termes positifs. Or, la Section 1.3 fournit tout un arsenal de résultats permettant
de déterminer la nature d’une série à termes positifs. Par exemple, la série de terme général un = einθ /n2 ,
où θ ∈ R, est convergente car absolument convergente. En effet,

einθ 1
2
= 2
n n

est le terme général d’une série convergente : c’est une série de Riemann avec α = 2 !
Cependant, le Théorème 1.4.2 ne founit pas une équivalence, i.e. une série qui n’est pas absolument conver-
gente n’est pas nécessairement divergente. Autrement dit, il existe des séries convergentes mais non abso-
lument convergentes. Pour de telles séries, le Théorème 1.4.2 n’a aucun intérêt. De telles séries sont dites
semi-convergentes. Cette section se termine par un exemple classique de séries semi-convergentes.

un à termes réels est dite alternée si, pour tout n ∈ N, un = (−1)n an où
P
Définition 1.4.3 Une série
(an )n∈N est une suite de réels positifs.

Les termes d’une série alternée sont successivement positifs et négatifs.

Théorème 1.4.4 SoitP (−1)n an une série alternée. Si la suite (an )n∈N est décroissante et tend vers 0 à
P
l’infini alors la série (−1)n an converge.

Considérons la série de terme général un = (−1)n / n. C’est une série alternée qui vérifie les conditions
du Théorème 1.4.4 ; elle est donc convergente. Par ailleurs, cette série n’est pas absolument convergente

10

car |un | = 1/ n est le terme général d’une série de Riemann avec α = 1/2. En conclusion, la série

(−1)n / n est semi-convergente.
P
Attention, les séries alternées ne sont pas toutes semi-convergentes puisque (−1)n /n2 est alternée et
P
absolument convergente.

1.5 Séries d’applications


Dans cette section, X désigne une partie non vide d’un K−evn de dimension finie et (fn )n∈N une suite
d’applications de X dans K.
P
On appelle série d’applications, et on note fn , la suite d’applications (Sn )n∈N définie par :
n
X
∀n ∈ N, Sn = fk .
k=0

La somme partielle Sn est une application de X dans K qui en chaque élément x ∈ X vaut
n
X
Sn (x) = fk (x) = f0 (x) + . . . + fn (x) .
k=0

Voici deux modes de convergence pour les série d’applications ; la convergence simple et la convergence
absolue.
P
Définition
P 1.5.1 La série d’applications fn converge simplement
P sur X si, pour chaque x ∈ X, la
série fn (x) converge. Dans ce cas, la somme de la série fn est une application de X dans K définie
par :
∞ ∞
!
X X
∀x ∈ X, fn (x) = fn (x) .
n=0 n=0

Nous avons démontré (dans la section précédente) par le critère de d’Alembert la convergence de la série
de terme généralPfn (x) = xn! , pour tout x ∈ X = [0; +∞[. Ceci signifie que la série d’applications
n

correspondante fn converge simplement sur X = [0; +∞[. C’est ainsi qu’est définie la fonction expo-
nentielle :
X∞ X∞
exp := fn : x 7→ fn (x) .
n=0 n=0

Lorsque vous demander à votre calculatrice la valeur de exp(5) (ou e5 ), elle calcule simplement les pre-
miers termes de cette série.
P
Définition
P 1.5.2 La série d’applications fn converge
P absolument sur X si, pour chaque x ∈ X, la
série fn (x) converge absolument (i.e. la série |fn (x)| converge).

D’après le Théorème 1.4.2,


P la convergence absolue implique la convergence simple. En effet, considérons
P
une série d’applications converge absolument sur X. Alors, pour tout x ∈ X, la série |fn (x)|
fn quiP
converge. Il enP va de même pour fn (x), ce qui se traduit par la convergence simple (sur X) de la série
d’applications fn .
= xn! converge absolument pour tout
n
Reprenons l’exemple précédent : la série de terme général fn (x)P
x dans R. Par conséquent, la série d’applications correspondante fn converge absolument (mais aussi
simplement) sur R tout entier. Et voilà la fonction exponentielle définie sur tout R !

11
La convergence normale est un mode de convergence beaucoup plus fort que la convergence simple ou
même la convergence absolue. Elle ne concerne d’ailleurs que des séries d’applications bornées. Rappelons
à cet effet que l’ensemble B(X, K) des applications bornées de X dans K est un K−ev. Posons, pour tout
f ∈ B(X, K),
kf k∞ = sup |f (x)| .
x∈X
P
Définition 1.5.3 On dit que la P
série d’applications fn converge normalement sur X si, pour tout n ∈
N, fn ∈ B(X, K) et si la série kfn k∞ converge.
P
Soit fn une série d’applications qui converge normalement sur X. Pour tout x ∈ X,

|fn (x)| ≤ sup |fn (x)| = kfn k∞ .


x∈X
P P
Comme kfn k∞ converge,
P il en va de même pour |fn (x)| (par le Théorème de comparaison), et ce
pour tout x ∈ X. Ainsi, fn converge absolument sur X.

Proposition 1.5.4 Les trois modes de convergence se comparent comme suit :


convergence normale ⇒ convergence absolue ⇒ convergence simple .

E XEMPLES :
• Pour tout n ∈ N, considérons les applications
sin(nx)
∀n ∈ N, fn : R → R, x 7→ .
n2
fn est bornée et vérifie kfn k∞ = 1/n2 . Puisque la série 1/n2 converge, on en
P
Chaque application
P
déduit que fn converge normalement sur R, donc absolument et simplement.
• Il existe des séries d’applications qui convergent simplement, voire absolument mais qui ne conver-
gent pas normalement. Considérons les applications

∀n ∈ N, fn : R → R, x 7→ nx2 e−x n
.

Étudions la convergence simple. Pour tout x >P0, n2 fn (x) = n3 x2 e−x n → 0 quand n → +∞. Le
résultat
P de l’Exercice 4 implique que la série P fn (x) converge. Pour x = 0, fn (0) = 0 et la série
fn (0) converge triviallement. Finalement, fn converge simplement sur R+ .
Les applications fn étant à valeurs positives, convergence absolue et convergence simple sont confondues.
Passons à la convergence normale. Une rapide étude de fonction montre que l’application fn est bornée

sur R+ et atteint son maximum en x = 2/ n :
 
2 4
kfn k∞ = fn √ = 2 .
n e
√ √
−x n qui rendait la série
P
P x = 2/ n détruit le terme e
En fait, prendre fn convergente.
P Le terme général
de la série kfn k∞ ne tendant pas vers 0, celle-ci ne peut converger. Donc fn ne converge pas norma-
lement sur R+ .
On peut néanmoins montrer que la convergence est normale sur tout intervalle [a, +∞[ où a > 0. L’idée

est la suivante ; le réel x = 2/ n, en lequel fn atteint son maximum, va sortir√ de l’intervalle [a, +∞[ pour
n à partir d’un certain rang. Préçisément, il existe un entier N tel que 2/ N ≤ a (car a > 0). On a alors,
pour tout n ≥ N :
k(fn )|[a,+∞[ k∞ = sup |fn (x)| = fn (a)
x∈[a,+∞[

12
√ P
(car fn est décroissante sur [2/ n, +∞[). La série Pfn (a) étant convergente (cf. l’étude de la conver-
gence simple), on en déduit la convergence normale de fn sur [a, +∞[.
L’intérêt de la convergence normale est double : elle est relativement simple à vérifier (détetminer la nature
d’une série numérique à termes positifs) et fournit des renseignements sur la somme de la série.
P
Proposition 1.5.5 Soit fn une série d’applications continues sur X qui converge normalement sur X.
Alors, l’application somme
X∞
fn : X → K
n=0
est continue sur X.

Reprenons P l’exemple des applications fn définies par ∀x ≥ 0, fn (x) = nx2 e−x n . La converge normale
de la série fn sur [a, +∞[ implique la continuité de la somme sur [a, +∞[. Ceci étant valable pour tout
réel a > 0, la somme est continue sur tout R∗+ .
P
Terminons ce chapitre par un résultat de dérivation sous le signe .
P
Proposition 1.5.6 Soit fn une série d’applications définies sur un intervalle I ⊂ R vérifiant :
(i) pour tout n, l’applicationPfn est dérivable sur I ;
(ii) il existe x0 ∈ I tel que P fn (x0 ) converge ;
(iii) la série d’applications ′
P fn converge normalement sur I.
Alors la série d’applications fn converge simplement sur I. Sa somme, l’application

X
fn
n=0

est dérivable sur I de dérivée !′



X ∞
X
fn (x) = fn′ (x) .
n=0 n=0

Pour illustrer ce résultat, calculons l’espérance d’une variable aléatoire X de loi géométrique de paramètre
0 < p < 1. Rappelons que
∀n ≥ 1, IP(X = n) = (1 − p)n−1 p .
Nous pouvons écrire
X X X
IE X = n IP(X = n) = n(1 − p)n−1 p = p n(1 − p)n−1 .
n≥1 n≥1 n≥1

La quantité n(1 − p)n−1 apparait comme la dérivée


P (par rapport à p) de fn (p) = −(1 − p)n . On souhaite
alors appliquer la Proposition 1.5.6 à la série fn sur l’intervalle I =]0, 1[. Les conditions (i) et (ii) sont
facilement vérifiées. La vérification de la dernière condition nécessite un peu plus de travail. On en déduit,
pour 0 < p < 1,
 ′  ′
 ′
X
n−1
X X X 1 1
n(1 − p) = fn′ (p) = fn (p) =  −(1 − p) n
= 1− = .
p p2
n≥1 n≥1 n≥1 n≥1

Finalement l’espérance IE X vaut p1 .

13
1.6 Exercices
Exercice 1
Après s’être assuré de leur convergence, prouver les égalités ci-dessous :
+∞ +∞
X 1 1 X n2 + 3
= et = 8e .
n=3
n(n − 1) 2 n=1
(n − 1)!

Exercice 2
Parmi les séries suivantes lesquelles convergent ?
X 1 X 2n + n X 2n + n
, , .
2n + 3n n2n n2 2n

Exercice 3
Parmi les séries suivantes lesquelles convergent ?
X n! X (n!)2 X n! + 1 X 1
, , , .
(2n)! (2n)! (n + 1)! (n!)1/n

P 4
Exercice
Soit un une série à termes positifs.
P Supposons qu’il existe un réel α > 1 tel que nα un → 0 quand
n → +∞. Montrer que la série un converge.

Exercice 5 (Examen 2007-2008)


1. Soit (an )n∈N∗ une suite d’éléments de {0, 1, . . . , 9}. Montrer que la série de terme général an 10−n
converge.
2. Soit x ∈ [0, 1[ un réel. Pour tout n ≥ 1, notons an sa n−ième décimale : x = 0, a1 a2 . . . an . . .
Montrer que, pour tout entier N ≥ 1,
N
X an
0≤x− n
≤ 10−N .
n=1
10

En déduire l’égalité
+∞
X an
x= .
n=1
10n
3. Montrer que les réels 0, 9999 . . . (celui dont toutes les décimales sont égales à 9) et 1 sont égaux.

Exercice 6
Parmi les séries suivantes lesquelles convergent ?
X n + 1 X n2 + 1 X n2 + 1
ln , √ , √ ,
n ln(n) n6 + 2n + 3 ln(n)2 n6 + 2n + 3
 
2 sin 1
X 2
n +1 X 2
(1 + cos(n))(n + 1) X cos(n) 2
n +1
√ , √ , √ .
2 5
ln(n) n + 2n + 3 2 6
ln(n) n + 2n + 3 2
ln(n) n + 2n + 3

14
Exercice 7
Parmi les séries suivantes lesquelles convergent ?
X (−1)n X 1 X (−1)n
√ , √ , √ .
n n + (−1)n n n + (−1)n

Exercice 8 P
On considère une série un à termes réels. Parmi les affirmations suivantes lesquelles sont vraies ? Justi-
fier par une démonstration ou un contre-exemple le cas échéant.
1. Si la série un converge alors la série u2n converge.
P P

2. Si la série un est absolument convergente alors la série u2n converge.


P P
P P
3. Si la série un converge alors la série nun converge.
P P P
4. Si les séries un et vn divergent alors la série un + vn diverge.
P P
5. Si la série un converge et si, pour tout n, un > 0 alors la série 1/un diverge.
P P
6. Si la série un est absolument convergente alors la série cos(n)un converge.

Exercice 9 - Corrigé (Examen 2008-2009)


Déterminer (en justifiant) la nature des séries numériques suivantes :
X 2n + 1000 X √ √  X n! X  (−1)n 1

, n+1− n , et + .
3n + 1 nn n n(ln(n))2

Exercice 10
Montrer que l’application
+∞
X 1
f (x) =
n2 + x2
n=1

est bien définie et continue sur tout R.

Exercice 11 ⋆
Montrer que l’application
+∞
2 x2
X
f (x) = xe−n
n=1

est définie sur R+ et continue sur R∗+ . En considérant f (1/k), pour k ∈ N∗ , montrer que f n’est pas
continue en 0.

Correction de l’Exercice 9
Remarquons que  n
2n + 1000 2
un = ∼ ,
3n + 1 3
lorsque n tend vers l’infini. Ces deux termes sont positifs. Le Théorème des équivalents affirme que les
séries correspondantes sont de même nature. Or la série
X  2 n
3

15
P
converge en tant que série géométrique de raison 2/3 < 1. La série un converge elle aussi.
C’est une série télescopique :
n  √  √
X √
Sn = k+1− k = n+1
k=0

qui tend vers l’infini. La suite des sommes partielles (Sn )n∈N diverge : idem pour la série.
Écrivons
n! 1 2 n−1 n 2
un = n
= × × ... × × ≤ 2
n n n n n n
P 1
en conservant les deux premiersP 2 termes du produit et en majorant tous les autres par 1. Par Riemann, n2
converge donc
P par linéarité n 2 converge aussi. Le Théorème de comparaison s’applique (séries à termes
positifs) : un converge.
Les séries
X (−1)n X 1
et
n n(ln(n))2
sont convergentes ; la première par le théorème des séries alternées, la deuxième par Bertrand. On conclut
en évoquant le fait que la somme de deux séries convergentes est encore convergente.

16
Chapitre 2

Topologie d’un espace vectoriel normé

Dans ce chapitre (et dans tout ce cours), K désigne R ou C. On abrège espace vectoriel en ev et sous-espace
vectoriel en sev.

2.1 Norme et distance associée


Définition 2.1.1 On appelle norme sur un K−ev E toute application N : E → R+ telle que :
(i) ∀λ ∈ K, ∀x ∈ E, N (λx) = |λ|N (x)
(ii) ∀x ∈ E, (N (x) = 0 ⇒ x = 0)
(iii) ∀(x, y) ∈ E 2 , N (x + y) ≤ N (x) + N (y) (inégalité triangulaire).
On appelle espace vectoriel normé (en abrégé evn) tout couple (E, N ) où E est un K−ev et N une norme
sur E.

En appliquant (i) à λ = 0, on déduit N (0) = 0. Le (ii) devient alors une équivalence : N (x) = 0 ⇔ x = 0.
Le fait d’imposer à une norme d’être à valeurs positives est en réalité superflu. En effet, des inégalités :

0 = N (0) = N (x − x) ≤ N (x) + N (−x) ≤ 2N (x) ,

on déduit N (x) ≥ 0.
Une norme sur E est souvent notée k · k : E → R+ , x 7→ kxk, ou encore kxkE .

E XEMPLES :
• Tous les étudiants de GIS3 connaissent depuis bien longtemps un exemple de norme. Il s’agit de
l’application | · | sur le K−ev K, i.e. la valeur absolue lorsque K = R et le module lorsque K = C. En
effet, les relations |λx| = |λ||x|, |x| = 0 ⇒ x = 0 et |x + y| ≤ |x| + |y| sont bien connues.
• Les trois normes usuelles sur Kn .
Soit n ∈ N∗ . Considérons pour tout x = (x1 , . . . , xn ) ∈ Kn , les réels kxk1 , kxk2 et kxk∞ définis par :

n n
!1/2
X X
kxk1 = |xk |, kxk2 = |xk |2 et kxk∞ = max |xk | .
1≤k≤n
k=1 k=1

Vérifions que les applications k · k1 , k · k2 , k · k∞ : Kn → R+ sont des normes. Dans le cas n = 1, les
normes k · k1 , k · k2 et k · k∞ sont confondues et égales à la norme | · |. Les calculs suivants sont valables
pour tout x = (x1 , . . . , xn ), y = (y1 , . . . , yn ) ∈ Kn et λ ∈ K.
Pour k · k1 et k · k∞ , la vérification des points (i) et (ii) est immédiate, celle du (iii) repose sur l’inégalité

17
triangulaire dans K.
n
X n
X
kλxk1 = |λxk | = |λ| |xk | = |λ|kxk1 .
k=1 k=1

n
X
kxk1 = |xk | = 0 ⇐⇒ ∀k ∈ {1, . . . , n}, |xk | = 0
k=1
⇐⇒ ∀k ∈ {1, . . . , n}, xk = 0
⇐⇒ x = 0 .

n
X n
X
kx + yk1 = |xk + yk | ≤ |xk | + |yk |
k=1 k=1
n
X n
X
≤ |xk | + |yk | = kxk1 + kyk1 .
k=1 k=1

kλxk∞ = max |λxk | = |λ| max |xk | = |λ|kxk∞ .


1≤k≤n 1≤k≤n

kxk∞ = max |xk | = 0 ⇐⇒ ∀k ∈ {1, . . . , n}, |xk | = 0


1≤k≤n
⇐⇒ x = 0 .

kx + yk∞ = max |xk + yk | ≤ max (|xk | + |yk |)


1≤k≤n 1≤k≤n
≤ max |xk | + max |yk | = kxk∞ + kyk∞ .
1≤k≤n 1≤k≤n

Il en va de même des points (i) et (ii) pour k · k2 :


n
!1/2 n
!1/2 n
!1/2
X X X
2 2 2 2
kλxk2 = |λxk | = |λ| |xk | = |λ| |xk | = |λ|kxk2 .
k=1 k=1 k=1

n
!1/2
X
2
kxk2 = |xk | = 0 ⇐⇒ ∀k ∈ {1, . . . , n}, |xk |2 = 0
k=1
⇐⇒ x = 0 .

La démonstration de l’inégalité triangulaire pour k·k2 est traitée dans le cas réel (K = R). Le cas complexe
(K = C) est tout à fait similaire.

kx + yk2 ≤ kxk2 + kyk2 ⇐⇒ kx + yk22 ≤ (kxk2 + kyk2 )2


Xn
⇐⇒ (xk + yk )2 ≤ kxk22 + kyk22 + 2kxk2 kyk2
k=1
n
X n
X n
X
⇐⇒ x2k + yk2 +2 xk yk ≤ kxk22 + kyk22 + 2kxk2 kyk2
k=1 k=1 k=1
n n
!1/2 n
!1/2
X X X
⇐⇒ xk y k ≤ x2k yk2 .
k=1 k=1 k=1

18
Cette dernière inégalité est connue sous le nom de Cauchy-Schwarz. Elle sera démontrée dans la Section
5.2. La norme k · k2 est appelée norme euclidienne sur Rn si K = R et norme hermitienne sur Cn si
K = C.
• Pour tout entier n ∈ N∗ et pour tout réel p ∈ [1, +∞[, l’application k · kp : Kn → R+ , définie par

n
!1/p
X
p
kxkp = |xk | où x = (x1 , . . . , xn ) ,
k=1

est une norme sur Kn , appelée norme de Hölder. Les normes k · k1 et k · k2 en sont des cas particuliers.
• Il existe également des normes sur des ev d’applications (voir l’Exercice 3).

Proposition 2.1.2 (Inégalité triangulaire inverse) Soit (E, k · k) un evn. On a ;

∀(x, y) ∈ E 2 , |kxk − kyk| ≤ kx − yk .

Définition 2.1.3 Soit (E, k · k) un evn. On appelle distance associée à la norme k · k l’application d :
E 2 → R+ définie par ;
∀(x, y) ∈ E 2 , d(x, y) = kx − yk .

La formule d(x, y) = kx− yk exprime la distance à l’aide de la norme tandis que la formule kxk = d(x, 0)
exprime la norme à l’aide de la distance. Ainsi, dans la suite de ce chapitre, tout objet mathématique d’un
evn (E, k · k) pourra être défini de manière équivalente soit à l’aide de la norme k · k, soit à l’aide de la
distance associée d.

Proposition 2.1.4 Soit (E, k · k) un evn et d la distance associée à k · k. On a ;


(1) (symétrie) ∀(x, y) ∈ E 2 , d(y, x) = d(x, y)
(2) (séparation) ∀(x, y) ∈ E 2 , d(x, y) = 0 ⇔ x = y
(3) (inégalité triangulaire) ∀(x, y, z) ∈ E 3 , d(x, y) ≤ d(x, z) + d(z, y)
(4) (homogénéité) ∀(x, y) ∈ E 2 , ∀λ ∈ K, d(λx, λy) = |λ|d(x, y)
(5) (invariance par translation) ∀(x, y, z) ∈ E 3 , d(x + z, y + z) = d(x, y).

La condition suivante, équivalente à (2), exprime davantage la séparation : x 6= y ⇔ d(x, y) > 0.

2.2 Parties bornées d’un evn


Soit (E, k · k) un evn et d la distance associée.

Définition 2.2.1 Soient a ∈ E et r > 0. On définit les parties suivantes de E, appelées respectivement
boule ouverte et boule fermée, de centre a et de rayon r :

B(a, r) = {x ∈ E, d(x, a) < r} et B̄(a, r) = {x ∈ E, d(x, a) ≤ r} .

Évidemment, B(a, r) ⊂ B̄(a, r). La différence des deux boules est appelée la sphère de centre a et de
rayon r :
S(a, r) = {x ∈ E, d(x, a) = r} .
Dans (R, | · |), la boule ouverte B(a, r) est l’intervalle ouvert ]a − r; a + r[ tandis que la boule fermée est
[a − r; a + r]. La sphère S(a, r) est réduite aux points a − r et a + r.
La boule ouverte (resp. fermée) de centre 0 (élément neutre de l’ev E) et de rayon 1 est appelée boule

19
unité ouverte (resp. fermée). La figure 2.1 représente les boules unités pour les trois normes usuelles sur
R2 . 
−1 + x < y < 1 − x, si x ≥ 0
k(x, y)k1 < 1 ⇐⇒ .
−1 − x < y < 1 + x, si x < 0
k(x, y)k2 < 1 ⇐⇒ x2 + y 2 < 1 .

−1 < x < 1
k(x, y)k∞ < 1 ⇐⇒ .
−1 < y < 1

+1 +1 +1

−1 O +1 −1 O +1 −1 O +1

−1 −1 −1

F IGURE 2.1 – Représentation graphique dans R2 des boules unités de centre 0 = (0, 0) et de rayon 1 pour
les trois normes usuelles. De gauche à droite ; k · k1 , k · k2 et k · k∞ . Dans le dernier cas, on parle de “boule
carrée”.

Définition 2.2.2 Une partie A de E est dite bornée si il existe M > 0 telle que A ⊂ B̄(0, M ) :

∃M > 0, ∀x ∈ A, kxk ≤ M .

Tout partie de E pouvant être incluse dans une boule est donc bornée. Ainsi, pour être non bornée, A doit
en quelque sorte pouvoir s’échapper vers l’infini.
En terme de distance, le fait que A soit bornée s’écrit :

∃M > 0, ∀(x, y) ∈ A2 , d(x, y) ≤ M .

Les boules (et donc les sphères) sont des exemples de parties bornées : pour tout x ∈ B(a, r),

kxk ≤ kx − ak + kak ≤ r + kak .

⋆ Faire l’Exercice 1.
Si A est une partie bornée non vide de E, l’ensemble {d(x, y), x, y ∈ A} est une partie non vide et majorée
de R, donc admet une borne supérieure dans R. Ce qui justifie la définition suivante.

Définition 2.2.3 Soit A une partie bornée et non vide de E. On définit le diamètre de A, noté diam(A),
par :
diam(A) = sup d(x, y) .
x,y∈A

Notons que si A n’est pas bornée alors son diamètre est infini ; diam(A) = +∞. Ainsi, A est bornée si et
seulement si diam(A) < +∞.
Il est rassurant de constater que le diamètre d’une boule de rayon r est 2r. On a déjà vu que, pour tous x, y ∈
B̄(a, r), la distance entre x et y est plus petite que 2r. La quantité 2r est donc un majorant de l’ensemble
{d(x, y), x, y ∈ B̄(a, r)}. Il vient diam(B̄(a, r)) ≤ 2r. Pour obtenir l’égalité, il suffit d’expliciter deux

20
vecteurs x et y de B̄(a, r) tels que d(x, y) = 2r, ce qui forcera le diamètre de B̄(a, r) à être au moins égal
à 2r. Choisissons x et y diamétralement opposés : par exemple
   
kak − r kak + r
x= a et y = a.
kak kak

On vérifie alors aisément que la distance entre x et y est bien 2r.


   
kak − r kak + r
d(x, y) = kx − yk = a− a
kak kak
 
kak − r − (kak + r)
= a
kak
−2r
= a = 2r .
kak

Avec un peu plus de travail, on montre que 2r est aussi le diamètre de la boule ouverte B(a, r).

Proposition 2.2.4 Soient A et B des parties de E telles que A ⊂ B, A 6= ∅ et B est bornée. Alors
diam(A) ≤ diam(B).

2.3 Ouverts et fermés


Soit (E, k · k) un evn et d la distance associée.

r
Définition 2.3.1 Une partie O de E est dite ouverte (dans E) si, pour x B(x, r)
tout x ∈ O, il existe un réel r > 0 tel que B(x, r) ⊂ O. On dit aussi
que O est un ouvert de E.
O
Tout intervalle ouvert de (R, | · |) est un ouvert (voir l’exemple traité par
la Figure 2.2) et, plus généralement, toute boule ouverte, disons B(a, r),
est un ouvert de E. En effet, pour tout x ∈ B(a, r), la boule B(x, r − d(a, x)) est incluse dans B(a, r)
(faire un dessin pour s’en convaincre).
Les intervalles ouverts et non bornés de (R, | · |), i.e. les intervalles du type ]a; +∞[ ou ] − ∞; a[, sont
également des ouverts. Par contre, l’intervalle semi-ouvert ]a; b] n’est pas un ouvert : il y a un problème en
b. En effet, pour tout r > 0, la boule B(b, r) =]b − r; b + r[ déborde de l’ensemble initial ]a; b].
Un singleton {x} d’un evn n’est pas un ouvert non plus.
1−x>0

−1 0 x 1

F IGURE 2.2 – Constatons que l’intervalle ]−1; 1[ est un ouvert de (R, |·|). Soit x ∈]−1; 1[. C’est lorsque x
est très proche de l’une des bornes de l’intervalle (par exemple x = 0.999) qu’il devient délicat de trouver
un rayon r > 0 satisfaisant B(x, r) ⊂] − 1; 1[. Pourtant, aussi proche de 1 soit x, la différence 1 − x reste
positive. Le rayon r = (1 − x)/2 convient alors parfaitement.

21
Proposition 2.3.2
(1) ∅ et E sont des ouverts de E.
(2) Une union quelconque d’ouverts est un ouvert de E.
(3) Une intersection finie d’ouverts est un ouvert de E.

Démonstration Le (1) est évident. Passons au (2) : soit (Oi )i∈I une famille quelconque d’ouverts de E.
Soit x ∈ ∪i∈I Oi . Il existe un indice i0 ∈ I tel que x ∈ Oi0 . Comme Oi0 est un ouvert, il existe un réel
r > 0 tel que : [
B(x, r) ⊂ Oi0 ⊂ Oi .
i∈I
L’union ∪i∈I Oi est donc un ouvert de E. La preuve du (3) est similaire. Soient O1 , . . . , On des ouverts
de E et x ∈ ∩1≤i≤n Oi . Pour tout indice i, x appartient à l’ouvert Oi . Donc il existe ri > 0 tel que
B(x, ri ) ⊂ Oi . Posons
r = min ri .
1≤i≤n
C’est ici qu’intervient de manière cruciale le fait que la famille soit finie : le minimum d’un nombre fini de
réels strictement positifs est strictement positif, i. e. r > 0. La boule B(x, r) est incluse dans chacune des
boules B(x, ri ), donc dans chacun des Oi , donc dans l’intersection ∩1≤i≤n Oi . 

Attention, l’intersection d’une famille infinie d’ouverts peut ne pas être un ouvert. Par exemple, dans R,
l’intervalle ] − n1 ; n1 [, pour n ≥ 1, est un ouvert alors que l’intersection
\  1 1
− ;

n n
n∈N

qui est réduite au singleton {0} n’est pas un ouvert de R.


Soit A une partie de E. Le complémentaire de A dans E, noté Ac , est l’ensemble des éléments de E
n’appartenant pas à A.
Ac = {x ∈ E, x ∈/ A} .

Définition 2.3.3 Une partie F de E est dite fermée (dans E) si son complémentaire F c est une partie
ouverte de E. On dit aussi que F est un fermé de E.

Puisque (Ac )c = A, le complémentaire d’un ouvert est un fermé. Autrement dit, par passage au complé-
mentaire, on passe des ouverts aux fermés et vice-versa.
L’intervalle [−1; 1] est un fermé de (R, | · |) puisque son complémentaire ] − ∞; −1[∪]1; +∞[ est ouvert
en tant qu’union de deux intervalles ouverts. Plus généralement, toute boule fermée est un fermé de E.

Proposition 2.3.4
(1) ∅ et E sont des fermés de E.
(2) Une intersection quelconque de fermés est un fermé de E.
(3) Une union finie de fermés est un fermé de E.

Les assertions (2) et (3) de la Proposition 2.3.4 s’obtiennent par passage au complémentaire dans les
assertions (2) et (3) de la Proposition 2.3.2 :
!c n
!c n
\ [ [ \
c
Fi = Fi et Fi = Fic .
i∈I i∈I i=1 i=1

22
En général, la réunion d’une famille infinie de fermés de E n’est pas un fermé de E. Par exemple, dans
(R, | · |), le singleton {x} est un fermé alors que l’union
[  1

0; 1−

n
n∈N

qui est l’intervalle [0, 1[ n’est pas un fermé de (R, | · |).


Une partie de E peut être a la fois ouverte et fermée, par exemple ∅ ou E lui-même. A l’inverse, une partie
de E peut être ni fermée, ni ouverte. Par exemple, l’intervalle ]0, 1] dans (R, | · |).

E XEMPLES :
• Toute sphère est fermée puisque :

S(a, r) = B̄(a, r) ∩ B(a, r)c .

• Toute singleton est fermé puisque :


\
{x} = B̄(x, r) .
r>0

• Toute partie finie est fermée car union d’un nombre fini de singletons.

Attention, les notions d’ouverts et fermés dépendent de la distance (et donc de la norme) que l’on a choisie.
Ainsi, un ensemble ouvert pour une certaine norme ne l’est pas forcément pour une autre !
Terminons cette section par la notion d’adhérence.

Définition 2.3.5 Soit A une partie de E. On appelle adhérence de A, et on note A, l’intersection des
parties fermées de E contenant A : \
A= F.
F fermé de E
F ⊃A

Les éléments de A sont appelés les points adhérents à A.

En tant qu’intersection de fermés, l’ensemble A est un fermé de E, qui contient A. On a même un peu
mieux : A est le plus petit fermé de E (au sens de l’inclusion) contenant A.

∀F fermé de (E, k · k), A ⊂ F ⇒ A ⊂ F .

Autrement dit, prendre l’adhérence d’un ensemble revient à faire de cet ensemble un fermé en y ajoutant
le moins d’éléments possible.
Par exemple, déterminons l’adhérence de l’intervalle ouvert ]0; 1[. Puisque l’intervalle [0; 1] est un fermé
contenant ]0; 1[, on a nécessairement ]0; 1[⊂ ]0; 1[ ⊂ [0; 1]. Les possibilités pour ]0; 1[ sont limitées : ]0; 1[,
[0; 1[, ]0; 1] ou [0; 1]. Parmi ces intervalles, seul le dernier est fermé d’où

]0; 1[ = [0; 1] .

Notons au passage que les adhérences des intervalles [0; 1[, ]0; 1] et [0; 1] sont toutes égales à [0; 1].

Proposition 2.3.6 Soit A une partie de E. Alors, A est fermé si et seulement si A = A.

23
On en déduit alors que A = A. De plus, le passage à l’adhérence se comporte bien vis à vis de l’union :

A∪B =A∪B .

Mais ce n’est pas le cas vis à vis de l’intersection où seule l’inclusion A ∩ B ⊂ A ∩ B est vraie. Enfin, si
A ⊂ B alors il en est de même pour leur adhérence ; A ⊂ B.
La caractérisation suivante de l’adhérence est très utile : aussi près que l’on veut de tout point de A, on
peut trouver des points de A.

Proposition 2.3.7 Soient A une partie de E et x un élément de E. Alors :

x ∈ A ⇐⇒ ∀ε > 0, B(x, ε) ∩ A 6= ∅ .

⋆ Faire l’Exercice 9.
Il découle de la Proposition 2.3.7 que l’adhérence d’une boule ouverte est la boule fermée correspondante,
i.e.
B(a, r) = B̄(a, r) .
Prouvons cette égalité. Puisque B̄(a, r) est un fermé contenant la boule ouverte B(a, r), il vient

B(a, r) ⊂ B̄(a, r) .

Montrons l’inclusion inverse. Soit x ∈ B̄(a, r). D’après la Proposition 2.3.7, il suffit de montrer que, pour
tout ε > 0, l’intersection B(x, ε) ∩ B(a, r) est non vide. Si x appartient à la boule ouverte B(a, r), c’est
immédiat. Supposons donc que kx − ak = r. Etant donné ε > 0, posons
 
r − ε/2
yε = a + (x − a) .
r

D’une part, yε appartient à B(a, r) :


 
r − ε/2
kyε − ak = a + (x − a) − a
r
 
r − ε/2
= (x − a)
r
r − ε/2
= kx − ak
r
= r − ε/2 < r .

En effet, quitte à diminuer ε, on peut supposer sans perte de généralités que r − ε/2 > 0.
D’autre part, l’élément yε appartient également à B(x, ε) :
 
r − ε/2
kyε − xk = a + (x − a) − x
r
r − ε/2
= − 1 kx − ak
r
ε
= <ε.
2

24
2.4 Suites dans un evn
Soit (E, k · k) un evn et d la distance associée.
Une suite de E est une application de N dans E, notée (un )n≥0 ou encore (un )n∈N au lieu de u : N →
E, n 7→ un . Le terme un est appelé terme général de la suite. La première information qu’on désire
obtenir d’une suite donnée concerne sa nature, i.e. son comportement lorsque n tend vers l’infini ; est-elle
convergente ou divergente ?

Définition 2.4.1 Soit (un )n∈N une suite de E. On dit que la suite (un )n∈N converge vers un élément l de
E si :
∀ε > 0, ∃N ∈ N, ∀n ≥ N, kun − lk < ε . (2.1)
On dit alors que l est la limite de la suite (un )n∈N , et que cette dernière est convergente. La convergence
de la suite (un )n∈N vers l sera noté :
k·k
un −−−→ l ou un −−−→ l ou lim un = l
n→∞ n→∞ n→∞

ou simplement un → l.
Dans le cas contraire, on dit que la suite (un )n∈N diverge (ou est divergente) :

∀l ∈ E, ∃ε > 0, ∀N ∈ N, ∃n ≥ N, kun − lk ≥ ε .

La condition (2.1) s’interprète de la manière suivante. Quelque soit le réel positif ε (aussi petit soit-il), il
existe un entier N = N (ε) (sans doute très grand) tel que tous les éléments de la suite (un )n∈N d’indice
supérieur à N (ε) appartiennent à la boule B(l, ε). Quant aux autres, i.e. u1 , u2 , . . . , uN (ε)−1 , ils peuvent
être n’importe où, dans la boule B(l, ε) ou non. Par ailleurs, l’entier N (ε) à partir duquel les un sont dans
la boule B(l, ε) est d’autant plus grand que ε est petit.
La Définition 2.4.1 affirme que la convergence de la suite (un )n∈N vers l équivaut à la convergence de la
suite de réels (kun − lk)n∈N vers 0 :
kun − lk −−−→ 0 .
n→∞
Se ramener à une suite numérique sera très utile en pratique. Par exemple, la suite de terme général un =
(1/n, 1/n), pour n ≥ 1, converge vers (0, 0) dans (R2 , k · k2 ) car
s   2 √
1 2 1 2
kun − (0, 0)k2 = kun k2 = + =
n n n
tend vers 0 quand n tend vers l’infini. Faisons l’effort de l’écrire avec les quantificateurs. Posons ε > 0 et
choisissons un entier N tel que √
2
N> .
ε
Alors pour tout n ≥ N , √ √
2 2
kun − (0, 0)k2 = ≤ ≤ε.
n N
Il est clair sur cet exemple que l’entier N = N (ε) est d’autant plus grand que ε est petit.
Il est important de souligner que la nature d’une suite ne dépend pas de ses premiers termes. Par exemple,
si on remplace chacun des 1000 premiers termes d’une suite (un )n∈N de réels, qui converge vers 0, par la
même valeur exp(1000), alors la suite obtenue convergera toujours vers 0.
Lorsqu’elle existe, la limite d’une suite est unique.

25
Proposition 2.4.2 (Unicité de la limite) Soit (un )n∈N une suite de E qui converge vers l1 et vers l2 . Alors
l1 = l2 .

Proposition 2.4.3 Une suite convergente est bornée.

Ainsi, toute suite non bornée est divergente (par exemple, un = n ou un = n(ln n)−1 ). Il existe néanmoins
des suites bornées divergentes : dans (R, | · |), la suite ((−1)n )n∈N alterne consécutivement entre 1 et −1 .

Proposition 2.4.4 (Propriétés algébriques des suites convergentes) Soient (un )n∈N et (vn )n∈N deux sui-
tes de E, l et l′ des éléments de E, (λn )n∈N une suite dans K et λ un élément de K.
(1) Si un → l alors kun k → klk.
(2) Si un → l et vn → l′ alors un + vn → l + l′ .
(3) Si (un )n∈N est bornée et λn → 0 alors λn un → 0. Même chose si un → 0 et (λn )n∈N est bornée.
(4) Si un → l et λn → λ alors λn un → λl.

Considérons la suite (un )n∈N définie par


 nπ 
un = cos .
10
Cette suite est périodique de période 20, i.e. qu’elle ne prend que 20 valeurs différentes comprises entre
−1 et 1 qu’elle parcourt en boucle. Cette suite est divergente. Elle est également bornée. Par conséquent,
d’après le (3) de la Proposition 2.4.4, la suite de terme général
1  nπ 
un = cos
n3/2 10
converge vers 0. Idem pour la suite de terme général (1+ (−1)n )/n, dont tous les termes impairs sont nuls.
L’utilisation des suites fournit une caractérisation de l’adhérence d’une partie. On en déduit une condition
nécessaire et suffisante pour qu’une partie soit fermée.

Proposition 2.4.5 Soient A une partie de E et x ∈ E. L’élément x appartient à A si et seulement si il


existe une suite d’éléments de A convergeant vers x.

Corollaire 2.4.6 Une partie A de E est fermée si et seulement si toute suite d’éléments de A convergeant
dans E admet sa limite dans A, i.e. toute suite (xn )n∈N d’éléments de A convergeant dans E vers une
limite x ∈ E vérifie x ∈ A.

Ce dernier résultat peut se comprendre de la manière suivante : “la limite d’une suite convergente d’éléments
d’un fermé ne peut s’échapper de ce fermé”.
À titre d’exemple, l’intervalle ]0, 1] n’est pas un fermé de (R, | · |) puisque la suite ( n1 )n≥1 d’éléments de
]0, 1] converge vers 0. On retrouve d’ailleurs :

]0; 1] = [0; 1] .

Un moyen efficace de prouver qu’une suite ne converge pas réside dans l’étude de ses valeurs d’adhérence.

Définition 2.4.7 Etant donnée une suite (un )n∈N de E, on appelle suite extraite (ou sous-suite) de
(un )n∈N toute suite (uσ(n) )n∈N où σ : N → N est une application strictement croissante.

26
Par exemple, (u2n )n∈N = (u0 , u2 , u4 , u6 . . .) et (un2 )n∈N = (u0 , u1 , u4 , u9 . . .) sont des suites extraites
de (un )n∈N (avec respectivement σ(n) = 2n et σ(n) = n2 ).
Une suite extraite d’une suite extraite de (un )n∈N est elle-même une suite extraite de (un )n∈N .

Définition 2.4.8 Soient (un )n∈N une suite de E et a ∈ E. On dit que a est une valeur d’adhérence de la
suite (un )n∈N si il existe une suite extraite (uσ(n) )n∈N de (un )n∈N qui converge vers a.

Pour une suite donnée (un )n∈N , admettre une valeur d’adhérence a signifie que pour certains indices σ(n)
(pas pour tous mais quand même pour une infinité d’entre eux), le terme uσ(n) est très proche de a.
Dans (R, | · |), la suite ((−1)n )n∈N admet deux valeurs d’adhérence ; −1 et 1.

Proposition 2.4.9 Si une suite (un )n∈N de E converge vers une limite l ∈ E alors toute suite extraite de
(un )n∈N converge vers l.

En particulier, une suite convergente admet une unique valeur d’adhérence (sa limite). La contraposée de
la Proposition 2.4.9 est un critère utile pour montrer qu’une suite diverge : toute suite admettant au moins
deux valeurs d’adhérence distinctes ne peut converger. On retrouve ainsi le fait que la suite ((−1)n )n∈N
diverge.

E XEMPLES :
• La suite de terme général un = cos(nπ/10) admet plusieurs valeurs d’adhérence. Par exemple, la
suite extraite (u20n )n∈N est constante égale à 1. La suite extraite (u20n+10 )n∈N est elle aussi constante,
cette fois égale à −1. La suite (un )n∈N ne peut donc pas converger.
• Considérons la suite (un )n∈N définie par :

1 si n = 2k

un = .
0 sinon

Cette suite est qualifiée de lacunaire car la plupart de ses éléments sont nuls. D’ailleurs, 0 est une va-
leur d’adhérence de cette suite. Malgré tout, cette suite n’est pas convergente car 1 est une autre valeur
d’adhérence. Considérons désormais la suite (vn )n∈N définie par :

1/n si n = 2k

vn = .
0 sinon

Pour cette nouvelle suite, 0 est toujours valeur d’adhérence. Mais cette fois, la suite (vn )n∈N converge vers
0.

27
2.5 Exercices
Exercice 1
Pour i = 1, 2, ∞, notons Bi (0, 1) la boule unité ouverte relative à la norme usuelle k · ki sur R2 :
Bi (0, 1) = (x, y) ∈ R2 , k(x, y)ki < 1 .


Établir que pour tout (x, y) ∈ R2 , on a k(x, y)k∞ ≤ k(x, y)k2 ≤ k(x, y)k1 . En déduire les inclusions
B1 (0, 1) ⊂ B2 (0, 1) ⊂ B∞ (0, 1) et faire un dessin.

Exercice 2
Montrer que l’application N : R2 → R+ définie par
N (x, y) = sup |x + ty|
t∈[0,1]

est une norme sur R2 . Représenter graphiquement la boule unité fermée.

Exercice 3
Soit X un ensemble non vide. Notons B(X, K) le K−ev des applications bornées de X dans K. Posons,
pour tout f ∈ B(X, K),
kf k∞ = sup |f (x)| .
x∈X

1. Montrer que l’application k · k∞ est une norme sur B(X, K).


2. Parmi les applications bornées ci-dessous lesquelles sont dans la boule unité ouverte ?
1
f1 (x) = cos(x), f2 (x) = cos(x), f3 (x) = e−x et f4 (x) = arctan(x)
2
(toutes définies sur X = R).

Exercice 4
Notons ℓ1 (R) le R−ev des suites réelles dont la série est absolument convergente. Montrer que l’applica-
tion N1 : ℓ1 (R) → R+ , définie par
+∞
X
N1 ((un )n∈N ) = |un | ,
n=0

est une norme sur ℓ1 (R).

Exercice 5
Soient n ∈ N∗ et p ∈ [1, +∞[. Pour x = (x1 , . . . , xn ) ∈ Kn , notons :
n
!1/p
X
kxkp = |xk |p et kxk∞ = max |xk | .
1≤k≤n
k=1

Montrer que, pour tout x ∈ Kn , kxkp → kxk∞ lorsque p → +∞.


Indication : établir que kxk∞ ≤ kxkp ≤ n1/p kxk∞ , pour tout x ∈ Kn .

Exercice 6 - Corrigé (Partiel 2007-2008)


Soient E un R-ev et N1 , N2 deux normes sur E. Pour i = 1, 2, on note B i (a, r) la boule fermée de centre
a et de rayon r relative à la norme Ni :
B i (a, r) = {x ∈ E, Ni (x − a) ≤ r} .

28
On suppose qu’il existe un élément a ∈ E et un réel r > 0 tels que B 1 (a, r) = B 2 (a, r). L’objectif de
l’exercice est de montrer qu’alors N1 = N2 .
1. Soit x ∈ E \ {a}. Vérifier que
r
a+ (x − a) ∈ B 1 (a, r) ,
N1 (x − a)

puis que N2 (x − a) ≤ N1 (x − a).


2. En déduire que N2 (y) ≤ N1 (y), pour tout y ∈ E. Conclure.

Exercice 7
Représenter graphiquement les parties suivantes de R2 (muni de sa norme euclidienne) et dire pour chacune
d’elle, si c’est un ouvert, un fermé ou ni l’un ni l’autre. Déterminer leur adhérence.
1. {(x, y) ∈ R2 , 0 < x ≤ 1}.
2. {(x, y) ∈ R2 , 0 < |x − 1| < 1}.
3. {(x, y) ∈ R2 , |x| < 1 et |y| ≤ 1}.
4. {(x, y) ∈ R2 , x2 + y 2 < 4}.
5. {(x, y) ∈ R2 , |x| =
6 1 et |y| =
6 1}.
6. {1/n, n ∈ N∗ } × [0, 1].
Conseil : traiter en détails le premier ensemble et ne fournir que les principales idées pour les autres.

Exercice 8 (Partiel 2009-2010)


Montrer que l’ensemble A = {(x, sin(1/x)) ∈ R2 , x > 0} n’est ni un ouvert, ni un fermé de R2 .

Exercice 9
Soit (E, k · k) un K−evn et d la distance associée. Considérons une partie A non vide de E et un élément
x de E. On appelle distance de x à A, et on note d(x, A), le réel défini par

d(x, A) = inf d(x, a) .


a∈A

Montrer que d(x, A) = 0 ⇔ x ∈ A.

Exercice 10
Soit (E, k · k) un K−evn et d la distance associée. Considérons une suite (un )n∈N d’éléments de E et
l ∈ E. Montrer que la suite (un )n∈N converge vers l si et seulement si les suites extraites (u2n )n∈N et
(u2n+1 )n∈N convergent toutes les deux vers l.

Exercice 11 ⋆
Considérons la droite réelle munie de la valeur absolue. Une partie A de R est dite dense dans R (pour la
valeur absolue | · |) si pour tous réels x, y tels que x < y, l’intersection A∩]x; y[ est non vide. Montrer que
l’ensemble D des nombres dyadiques est dense dans R :
na o
D= , a ∈ Z, k ∈ N .
2k

Exercice 12 (Partiel 2007-2008)


Soient (un )n∈N et (vn )n∈N deux suites de réels et l ∈ R. Les affirmations ci-dessous sont-elles vraies (dans
ce cas, donner une démonstration) ou fausses (dans ce cas, donner un contre-exemple) ?

29
1. Si (|un |)n∈N converge vers 0 alors (un )n∈N converge vers 0.
2. Si (|un |)n∈N converge vers |l| alors (un )n∈N converge vers l ou −l.
3. Si (un )n∈N converge vers l alors (|un |)n∈N converge vers |l|.
4. Si (un )n∈N converge vers l et si un > 0, pour tout n, alors l > 0.
5. Si (un )n∈N converge vers 0 alors (un vn )n∈N converge vers 0.

Correction de l’Exercice 5
1. Soit x ∈ E \ {a}. La quantité N1 (x − a) est non nulle. Les égalités
 
r r
N1 a + (x − a) − a = N1 (x − a) = r
N1 (x − a) N1 (x − a)

impliquent
r
a+ (x − a) ∈ B 1 (a, r) .
N1 (x − a)
Puisque B 1 (a, r) = B 2 (a, r), la distance en norme N2 entre le vecteur
r
a+ (x − a)
N1 (x − a)

et a est plus petite que r. De cette inégalité on tire N2 (x − a) ≤ N1 (x − a).


2. Soit y ∈ E. Si y = 0, N2 (y) = N1 (y) = 0. Sinon, y + a ∈ E \ {a} et on peut utiliser le résultat
de la question précédente ; N2 (y) = N2 (y + a − a) ≤ N1 (y + a − a) = N1 (y).
L’inégalité inverse s’obtient par symétrie entre les deux normes. D’où l’égalité N1 = N2 .

30
Chapitre 3

Limites et continuité

3.1 Limites
Soient (E, k · kE ) et (F, k · kF ) deux K−evn et dE et dF les distances associées respectives. Notons BE et
BF les boules correspondantes ; par exemple BE (a, r) = {x ∈ E, kx − akE < r}.
Pour obtenir une limite pour une application f en un point a, il s’agit d’approcher le point a par des points
en lesquels f est définie. Cette stratégie autorise le point a à ne pas appartenir à l’ensemble de définition
X de f , mais seulement à son adhérence X.

Définition 3.1.1 Soient X une partie de E, a ∈ X, l ∈ F et f : X → F une application. On dit que f


admet l pour limite en a si :
∀ε > 0, ∃η > 0, ∀x ∈ X, kx − akE < η =⇒ kf (x) − lkF < ε .

Autrement dit, on peut choisir un rayon η > 0 suffisamment petit pour que tous les éléments x de la boule
BE (a, η) aient leur image par l’application f aussi proche de l que l’on veut :
f (BE (a, η) ∩ X) ⊂ BF (l, ε) ,
pour tout ε > 0. Évidemment, le réel η dépend de ε.

BF (l, ε)

BE (a, η)
(E, k · kE ) (F, k · kF )

F IGURE 3.1 – À gauche, le point noir désigne l’élément a ∈ X et la partie hachurée l’ensemble BE (a, η)∩
X. À droite, le point noir désigne la limite l.

La Définition 3.1.1 se généralise au cas de l’infini. Pour f : E → F , on dit que f admet l pour limite
quand kxkE tend vers +∞ si :
∀ε > 0, ∃A > 0, ∀x ∈ E, kxkE > A =⇒ kf (x) − lkF < ε .

31
Et si a ∈ X et f : X → R, on dit que f admet +∞ pour limite en a si :

∀A > 0, ∃η > 0, ∀x ∈ X, kx − akE < η =⇒ f (x) > A .

Définition analogue pour −∞.


⋆ Faire l’Exercice 1.

Proposition 3.1.2 (Unicité de la limite) Si f admet l et l′ pour limites en a alors l = l′ .

On peut donc parler de la limite de f en a.


Le fait que f admette l pour limite en a sera noté :

f (x) −−−→ l ou lim f (x) = l .


x→a x→a

Même si cela n’apparaı̂t pas dans les notations ci-dessus, la notion de limite dépend essentiellement des
normes utilisées sur l’espace de départ E (dans lequel kx − akE → 0) et sur l’espace d’arrivée F (dans
lequel kf (x) − lkF → 0).

Proposition 3.1.3 Soit X une partie de E. Si f : X → F admet une limite finie en a ∈ X alors f est
bornée au voisinage de a :

∃r > 0, ∃M > 0, ∀x ∈ X ∩ BE (a, r), kf (x)kF ≤ M .

Démonstration Choisissons ε = 1. Puisque f admet une limite finie, disons l, en a, il existe r > 0 tel que,
pour tout x appartenant à X ∩ BE (a, r), on ait :

kf (x) − lkF < 1 .

L’inégalité triangulaire inverse donne kf (x) − lkF ≥ kf (x)kF − klkF , d’où pour tout x ∈ X ∩ BE (a, r),

kf (x)kF ≤ 1 + klkF .

Le réel M = 1 + klkF convient. 

L’utilisation des suites fournit une nouvelle caractérisation de la limite d’une application :

Proposition 3.1.4 Soit X une partie de E. L’application f : X → F admet l pour limite en a ∈ X si et


seulement si, pour toute suite (un )n∈N de X telle que un → a, on a f (un ) → l.

Par contraposée, si on exhibe deux suites (un )n∈N et (vn )n∈N convergeant toutes deux vers a et telles que
f (un ) → l et f (vn ) → l′ avec l 6= l′ alors l’application f n’admet pas de limite en a.
À titre d’exemple, l’application f (x) = cos(1/x) définie sur X =]0, +∞[ n’admet pas de limite en 0 ∈ X.
En effet, posons pour tout n ≥ 1,
1 1
un = et vn = .
2πn (2n + 1)π

Les suites (un )n∈N et (vn )n∈N convergent toutes les deux vers 0 alors que f (un ) → 1 et f (vn ) → −1.
Nous terminons cette section par quelques résultats classiques sur les limites.

32
+1

0
x

−1

F IGURE 3.2 – Allure de l’application x 7→ cos(1/x), pour x > 0.

Proposition 3.1.5 (Théorème d’encadrement) Soit X une partie de E. Soient f, g, h : X → R des


applications, a ∈ X et l ∈ R. Si f et h admettent l pour limite en a et si

∃r > 0, ∀x ∈ X ∩ BE (a, r), f (x) ≤ g(x) ≤ h(x)

alors g admet l pour limite en a.

Proposition 3.1.6 (Composition des limites) Soient E, F, G trois evn, X ⊂ E, Y ⊂ F et a ∈ X, b ∈ Y .


Soient f : X → F , g : Y → G telles que f (X) ⊂ Y et l ∈ G. Si f admet b pour limite en a et si g admet
l pour limite en b alors g ◦ f admet l pour limite en a.

Proposition 3.1.7 (Propriétés algébriques des limites d’applications) Soient X une partie de E, a ∈
X, f, g : X → F et λ : X → K des applications, l, l′ ∈ F et α ∈ K.
(1) Si f (x) −−−→ l alors kf (x)kF −−−→ klkF .
x→a x→a
(2) Si f (x) −−−→ l et g(x) −−−→ l′ alors f (x) + g(x) −−−→ l + l′ .
x→a x→a x→a
(3) Si λ(x) −−−→ 0 et f est bornée au voisinage de a alors λ(x)f (x) −−−→ 0. Même chose si λ est
x→a x→a
bornée au voisinage de a et f (x) −−−→ 0.
x→a
(4) Si λ(x) −−−→ α et f (x) −−−→ l alors λ(x)f (x) −−−→ αl.
x→a x→a x→a

3.2 Continuité
Soient (E, k · kE ) et (F, k · kF ) deux K−evn et dE et dF les distances associées respectives. Notons BE et
BF les boules correspondantes.
La première étape consiste à définir la continuité en un point d’une application. Par rapport à la section
précédente, l’élément a est cette fois dans l’ensemble X : f est donc bien définie en a.

Définition 3.2.1 Soient X une partie de E, a ∈ X et f : X → F On dit que f est continue en a si :

∀ε > 0, ∃η > 0, ∀x ∈ X, kx − akE < η =⇒ kf (x) − f (a)kF < ε .

Dans le cas contraire, on dit que f est discontinue en a.

33
En d’autres termes, l’application f est continue en a si et seulement si elle admet f (a) pour limite en a
(comparer avec la Définition 3.1.1). Le fait que f soit continue en a permet d’échanger les symboles f et
lim :  
f (a) = f lim x = lim f (x) .
x→a x→a
Par ailleurs, on déduit de la Proposition 3.1.3 que si f est continue en a alors f est bornée au voisinage de
a.
L’utilisation des suites fournit une nouvelle traduction de la continuité en un point.

Proposition 3.2.2 Soient X une partie de E, a ∈ X et f : X → F . L’application f est continue en a si et


seulement si, pour toute suite (un )n∈N de X telle que un → a, on a f (un ) → f (a).

E XEMPLES :
• L’application f : (R, | · |) → (R, | · |) valant 1 à gauche de 0 (0 compris) et −1 à droite n’est pas
continue en 0. Faire un dessin.
• Considérons l’application f : (R2 , k · k2 ) → (R, | · |) définie par
xy
f (x, y) = lorsque (x, y) 6= (0, 0)
x2 + y2
et f (0, 0) = 0. Sur l’axe des ordonnées (comme sur celui des abscisses) f est nulle : f (0, y) = 0, pour tout
y 6= 0. Donc, f admet bien une limite nulle (i.e. f (0, 0)) lorsque (x, y) tend vers (0, 0) suivant la direction
x = 0. Mais ce n’est pas toujours le cas : sur l’axe x = y, f vaut 1/2. Cette remarque nous permet
d’exhiber une suite tendant vers (0, 0) suivant la direction x = y sans que f ne tende vers f (0, 0) = 0. La
suite (1/n, 1/n) convient car elle tend vers (0, 0) en norme k · k2 :
s   2 √
1 2
 
1 1 1 2
, = + = → 0.
n n 2 n n n

En conclusion, f n’est pas continue en (0, 0).


• Considérons maintenant l’application g : (R2 , k · k2 ) → (R, | · |) définie par
xy
g(x, y) = p lorsque (x, y) 6= (0, 0)
x2 + y 2
et g(0, 0) = 0. Montrons que g est continue en (0, 0) ; il s’agit de prouver que pour n’importe quelle suite
k·k2
(xn , yn ) −−→ (0, 0) la quantité |g(xn , yn )| tend vers 0. Une façon de procéder consiste à majorer |g(x, y)|
par une application de k(x, y)k2 qui tend vers 0 lorsque k(x, y)k2 tend vers (0, 0). L’inégalité
1 2
x + y2

|xy| ≤
2
tombe à pic ! Elle implique |g(x, y)| ≤ (1/2)k(x, y)k2 ce qui signifie que g admet bien g(0, 0) pour limite
en (0, 0).
Remarquons qu’en passant de f à g, nous avons augmenté la puissance du numérateur par rapport à celle
du dénominateur. L’effet a été de rendre l’application continue.
On peut désormais définir la continuité d’une application sur tout un ensemble.

Définition 3.2.3 Soient X une partie de E et f : X → F . On dit que f est continue sur X si et seulement
si f est continue en tout point de X.
On note C(X, F ) l’ensemble des applications continues de X dans F .

34
Il est clair que si f : X → F est continue alors, pour toute partie A de X, la restriction de f à A, notée
f|A , est encore continue.

Proposition 3.2.4 Soient X une partie de E et f : X → F . Les propriétés suivantes sont équivalentes.
(1) f est continue.
(2) L’image réciproque par f de tout ouvert de F est un ouvert de X.
(3) L’image réciproque par f de tout fermé de F est un fermé de X.

Démonstration Prouvons que (1) ⇒ (2). Supposons donc que f est continue et soit O un ouvert de F . Il
s’agit de montrer que
f −1 (O) = {x ∈ X, f (x) ∈ O}
est un ouvert de X. Soit x ∈ f −1 (O). L’image f (x) appartient à l’ouvert O. Il existe donc ε > 0 tel
que BF (f (x), ε) ⊂ O. Puisque f est continue, il existe η > 0 tel que, pour tout y ∈ X, d(y, x) < η
implique d(f (y), f (x)) < ε. Autrement dit, tout y ∈ BE (x, η) satisfait f (y) ∈ BF (f (x), ε) ⊂ O, ou
encore y ∈ f −1 (O). Donc BE (x, η) ⊂ f −1 (O) ce qui signifie que f −1 (O) est un ouvert de X.
L’implication inverse (2) ⇒ (1) se traite de la même manière tandis que l’équivalence (2) ⇔ (3) s’obtient
aisément par passage au complémentaire en utilisant l’égalité
c
f −1 (Ac ) = f −1 (A) ,

valable pour toute partie A de E. 

Une façon de prouver qu’une partie est ouverte (resp. fermée) consiste à l’écrire comme l’image réciproque
d’une partie ouverte (resp. fermée) par une certaine application continue. Par exemple, l’ensemble

(x, y) ∈ R2 , xy > 1


est un ouvert de (R2 , k · k2 ) car c’est l’image réciproque de l’ouvert ]1, +∞[ de (R, | · |) par l’application
f (x, y) = xy qui est continue de (R2 , k · k2 ) dans (R, | · |) (à vérifier). Notez bien qu’il est essentiel que
la norme que l’on met sur R2 rendant l’application f continue doit être celle pour laquelle on veut que
l’ensemble {(x, y) ∈ R2 , xy > 1} soit ouvert.
⋆ Faire l’Exercice 5.
Cette section se termine par quelques propriétés classiques des applications continues qui se déduisent
directement des Propositions 3.1.6 et 3.1.7.

Proposition 3.2.5
(1) La composition, la somme et le produit d’applications continues sont continues.
1
(2) Si f : X → K est continue et si, pour tout x ∈ X, f (x) 6= 0 alors l’application inverse f est
continue.

3.3 Applications linéaires continues


Soiten (E, k · kE ) et (F, k · kF ) deux K−evn et dE et dF les distances associées respectives.
Rappelons qu’une application f : E → F est linéaire si :
(i) ∀λ ∈ K, ∀x ∈ E, f (λx) = λf (x)
(ii) ∀(x, y) ∈ E 2 , f (x + y) = f (x) + f (y).

35
On note L(E, F ) l’ensemble des applications linéaires de E dans F et L(E) := L(E, E) l’ensemble des
endomorphismes de E.
Les conditions (i) et (ii) se synthétisent en f (λx + y) = λf (x) + f (y), pour tous x, y ∈ E, λ ∈ K.
La linéarité d’une application ramène l’étude de sa continuité sur l’ev tout entier à l’étude de sa continuité
en un point quelconque de l’ev, en particulier en 0.

Proposition 3.3.1 Soit f ∈ L(E, F ). Les propriétés suivantes sont équivalentes :


(1) f est continue sur E.
(2) f est continue en 0.
(3) ∃M ≥ 0, ∀x ∈ E, kf (x)kF ≤ M kxkE .
(4) f est bornée sur la boule unité fermée B̄E (0, 1) :

∃M ≥ 0, ∀x ∈ E, kxkE ≤ 1 =⇒ kf (x)kF ≤ M .

Démonstration Nous détaillons uniquement l’implication (2) ⇒ (1), qui est d’ailleurs le principal
résultat de la Proposition 3.3.1. Soit un vecteur x de E ; montrons que f est continue en x. Pour ce faire,
considérons une suite (xn )n∈N de vecteurs de E telle que xn → x. Puisque xn − x → 0 et f est continue
en 0, il vient :
f (xn ) − f (x) = f (xn − x) → f (0) = 0 ,
d’où la convergence de la suite (f (xn ))n∈N vers f (x). Notez le rôle fondamental que joue la linéarité de
l’application f . 

36
Chapitre 4

Espaces vectoriels normés en dimension


finie

Soient (E, k · k) un K−evn de dimension finie et d la distance associée.

4.1 Équivalence des normes en dimension finie


Définition 4.1.1 Soient N et N ′ deux normes sur E. On dit que N est équivalente à N ′ et on note N ∼ N ′
si :
∃α > 0, ∃β > 0, ∀x ∈ E, αN (x) ≤ N ′ (x) ≤ βN (x) . (4.1)

Les inégalités (4.1) impliquent les inclusions suivantes :

BN (0, r/β) ⊂ BN ′ (0, r) ⊂ BN (0, r/α) ,

où r > 0. Autrement dit, lorsque N est équivalente à N ′ , toute boule pour la norme N ′ contient et est
contenue dans des boules pour la norme N .
Supposons que N soit équivalente à N ′ . Alors des inégalités (4.1) découle
1 ′ 1
N (x) ≤ N (x) ≤ N ′ (x) ,
β α

i.e. N ′ est équivalente à N . On dit alors que la relation ∼ est symétrique. Elle est également réflexive
(N ∼ N ) et transitive (N ∼ N ′ et N ′ ∼ N ′′ impliquent N ∼ N ′′ ) ; la relation ∼ est une relation
d’équivalence sur l’ensemble des normes sur E.

E XEMPLES :
Les trois normes usuelles sur Kn (cf. Section 2.1) sont équivalentes. En effet, pour tout x = (x1 , . . . , xn )
de Kn , on a :
X n
max |xk | ≤ |xk | ≤ n max |xk | ,
1≤k≤n 1≤k≤n
k=1

ce qui prouve que k · k1 et k · k∞ sont équivalentes, et

n
!1/2
X √
max |xk | ≤ |xk |2 ≤ n max |xk | ,
1≤k≤n 1≤k≤n
k=1

37
ce qui prouve que k · k2 et k · k∞ sont équivalentes. Par transitivité de la relation ∼, les normes k · k1 et
k · k2 sont elles aussi équivalentes.
L’intérêt de comparer des normes réside dans le résultat suivant.

Proposition 4.1.2 Soient N et N ′ deux normes sur E. Considérons les deux propriétés suivantes :
(1) ∃β > 0, ∀x ∈ E, N ′ (x) ≤ βN (x).
(2) Toute suite (un )n∈N convergeant vers une limite l ∈ E dans (E, N ) converge aussi vers l dans
(E, N ′ ).
Alors (1) implique (2).

Démonstration Soit (un )n∈N une suite de E qui converge vers l pour la norme N : N (un − l) → 0 quand
n tend vers l’infini. Par (1),
N ′ (un − l) ≤ βN (un − l) ,
donc la quantité N ′ (un − l) tend elle aussi vers 0 quand n tend vers l’infini, i.e. (un )n∈N converge vers l
pour la norme N ′ . 

C ONS ÉQUENCE IMPORTANTE : Deux normes équivalentes définissent les mêmes suites convergentes. On
en déduit que deux normes équivalentes ont les mêmes ensembles fermés, les mêmes ensembles ouverts.
Mais aussi les mêmes limites et les mêmes applications continues. Par exemple, dans Kn , si une suite est
convergente pour l’une des trois normes usuelles k · k1 , k · k2 et k · k∞ , elle l’est automatiquement pour les
deux autres. Si un ensemble O ⊂ Kn est ouvert pour k · k1 , il l’est également pour k · k2 et k · k∞ . Si une
application f : (Kn , k · k∞ ) → (K, | · |) est continue, elle l’est également lorsqu’on munit Kn de la norme
k · k1 ou de la norme k · k2 .
Les définitions et remarques précédentes sont tout aussi vraies dans un ev de dimension infinie. Néanmoins,
le cas de la dimension finie apporte la bonne nouvelle suivante :

Théorème 4.1.3 En dimension finie, toutes les normes sont équivalentes.

Autrement dit, dans un ev de dimension finie, lorsqu’une suite est convergente pour une norme donnée, elle
l’est automatiquement pour toutes les autres. Il n’est donc plus nécessaire de préciser pour quelle norme
une suite converge (ni pour quelle norme un ensemble est ouvert, ni pour quelle norme une application est
continue). En pratique, il peut être judicieux de choisir une norme adéquate à l’expression de la suite dont
on veut prouver la convergence.
Le Théorème 4.1.3 est faux en dimension infinie.
Le Théorème 4.1.3 admet de nombreux corollaires. En voici un : la convergence d’une suite de vecteurs
équivaut à la convergence de chacune de ses coordonnées.

Proposition 4.1.4 Supposons que E soit de dimension m. Soient (xn )n∈N une suite d’éléments de E,
l ∈ E et B une base de E. Notons

xn = (x1n , . . . , xm 1 m
n ) et l = (l , . . . , l )

les coordonnées dans la base B des éléments xn et l. Alors :


k·k |·|
xn −−−→ l ⇐⇒ ∀i = 1, . . . , m, xin −−−→ li .
n→∞ n→∞

38
E XEMPLES :
• La Proposition 4.1.4 permet de retrouver immédiatement la convergence de la suite de terme général
1 1
( n , n ) vers (0, 0) (on l’avait vérifié pour la norme k · k2 dans le Chapitre 1) puisque chacune de ses
coordonnées tend vers 0.
• De même, la continuité de l’application f : (x, y) ∈ R2 → xy ∈ R (rencontrée précédemment)
est désormais un jeu d’enfants. Considérons un point (x, y) de R2 et une suite convergente ((xn , yn ))n∈N
d’éléments de R2 ayant pour limite (x, y). D’après la Proposition 4.1.4, les suites de réels (xn )n∈N et
(yn )n∈N convergent vers x et y. Par conséquent,

f (xn , yn ) = xn yn → xy = f (x, y) ,

lorsque n → +∞. L’application f est donc continue en tout point (x, y) de R2 .


• Le corps des complexe C peut être vu comme un R−ev de dimension 2 ; les coordonnées de chaque
complexe z dans la base {1, i} sont sa partie réelle Re(z) et sa partie imaginaire Im(z). Ainsi, la conver-
gence d’une suite de complexes (zn )n∈N vers sa limite z équivaut à la convergence, dans (R, | · |), des
suites (Re(zn ))n∈N et (Im(zn ))n∈N vers Re(z) et Im(z).

4.2 Théorème du point fixe


Définition 4.2.1 Une suite (un )n∈N de E est dite de Cauchy si :

∀ε > 0, ∃N ∈ N, ∀p, q ≥ N, kup − uq k < ε .

Une suite de Cauchy doit être, à partir d’un certain rang, aussi “regroupée” que l’on veut. Cependant, dans
la définition ci-dessus, il n’est nulle part question de limite (ni de convergence).

Proposition 4.2.2 Toute suite de Cauchy de E est bornée.

Démonstration Soit (un )n∈N une suite de Cauchy de E. Par définition, il existe un entier N tel que pour
tous p, q ≥ N , kup − uq k < 1. En particulier, tous les éléments de la suite d’indice n ≥ N appartiennent
à la boule B(uN , 1). Posons alors

R = max {ku0 k, ku1 k, . . . , kuN −1 k, kuN k + 1} .

Il suffit alors de vérifier que tous les éléments de la suite sont dans la grande boule B(0, R). 

Proposition 4.2.3 Toute suite convergente dans E est de Cauchy.

Démonstration Soit (un )n∈N une suite de E convergeant vers l. Soit ε > 0. Il existe un entier N tel que,
pour tout n ≥ N , on ait kun − lk < ε/2. Alors, pour tout p, q ≥ N ,

kup − uq k ≤ kup − lk + kl − uq k < ε .

La suite (un )n∈N est donc de Cauchy. 

En dimension infinie, la proposition précédente est encore vraie. Mais la réciproque est fausse : il existe
des suites de Cauchy qui ne convergent pas. Ce n’est pas le cas en dimension finie.

39
Théorème 4.2.4 En dimension finie, toute suite de Cauchy est convergente.

Terminons cette section par le Théorème du point fixe. Soient X une partie de E et f : X → X une
application. Un élément l ∈ X est un point fixe de f si f (l) = l. Les points fixes d’une application
(définie sur un sous-ensemble de R et à valeurs réelles) correspondent aux abscisses des intersections entre
le graphe de l’application et la droite d’équation y = x ; voir la Figure 4.1. Par ailleurs, l’application f est
dite contractante s’il existe k ∈]0, 1[ tel que :

∀x, y ∈ X, kf (x) − f (y)k ≤ kkx − yk .

Une telle application est continue. En effet, soient x ∈ X et (xn )n∈N une suite de X convergeant vers x.
Alors,
kf (x) − f (xn )k ≤ kkx − xn k → 0
lorsque n tend vers l’infini. Autrement dit, f (xn ) → f (x) ce qui signifie que f est continue en x.

Théorème 4.2.5 (du point fixe) Supposons que X est un fermé de l’evn de dimension finie E et que
l’application f : X → X est contractante. Alors f admet un unique point fixe. De plus, pour tout a ∈ X,
la suite (un )n∈N définie par
u0 = a et ∀n ∈ N, un+1 = f (un )
converge vers le point fixe de f .

y y=x

l = f (l)
u2 = f (u1 )

u1 = f (u0 )

(0, 0)
u0 = a u1 u2 l x

F IGURE 4.1 – Est représentée en gras le graphe d’une application f définie sur X = [0; +∞[ et à valeur
dans X, admettant un unique point fixe l. Les premiers termes de la suite (un )n∈N définie par u0 = a et
un+1 = f (un ) sont également tracés.

Démonstration Soit a ∈ X et considérons la suite (un )n∈N définie par u0 = a et un+1 = f (un ).
Commençons par prouver la convergence de cette suite. L’application f est contractante :

d(u2 , u1 ) = d(f (u1 ), f (u0 )) ≤ kd(u1 , u0 ) .

De même,
d(u3 , u2 ) = d(f (u2 ), f (u1 )) ≤ kd(u2 , u1 ) ≤ k2 d(u1 , u0 ) .

40
On imagine alors la formule d(un+1 , un ) ≤ kn d(u1 , u0 ) valide pour tout n ≥ 1. Un rapide raisonnement
par récurrence le confirme. Fixons des entiers q > p. Calculons :

d(uq , up ) ≤ d(uq , uq−1 ) + d(uq−1 , uq−2 ) + . . . + d(up+1 , up )


≤ kq−1 + kq−2 + . . . + kp d(u1 , u0 )

q−p
 
p 1−k
≤ k d(u1 , u0 )
1−k
kp
≤ d(u1 , u0 ) . (4.2)
1−k
Ce dernier majorant tend vers 0 quand p → +∞ (car k ∈]0, 1[). La suite (un )n∈N est donc de Cauchy. Elle
est même convergente car l’evn E est de dimension finie : notons l sa limite. Puisque chaque terme de la
suite (un )n∈N appartient au fermé X, il en va de même pour sa limite l. En utilisant la continuité de f en
l ∈ X (car f est contractante), on prouve que l est un point fixe de f :
 
f (l) = f lim un = lim f (un ) = lim un+1 = l .
n→+∞ n→+∞ n→+∞

Il ne reste plus qu’à démontrer l’unicité de ce point fixe. Soient l et l′ deux éléments de X satisfaisant
f (l) = l et f (l′ ) = l′ . Par conséquent, d(l, l′ ) = d(f (l), f (l′ )) ≤ kd(l, l′ ). Comme k < 1, cette dernière
inégalité force d(l, l′ ) = 0 et donc l = l′ . 

Le Théorème du point fixe trouve des applications dans de nombreux domaines comme la résolution
d’équations différentielles ou l’analyse numérique. En particulier, l’inégalité (4.2) établie durant sa dé-
monstration est très précieuse. En effet, elle renseigne sur la vitesse de convergence de la suite (un )n∈N
vers sa limite l ; ici, elle est exponentielle (car k < 1).

4.3 Compacité
Rappelons que (E, k · k) désigne un evn de dimension finie.

Définition 4.3.1 Une partie X de (E, k · k) est dite compacte si elle est fermée et bornée.

L’ensemble vide ∅ est compact. Toute partie finie de E est compacte. Toute boule fermée B̄(a, r) est
compacte, il en va de même pour la sphère S(a, r). En particulier, dans (R, | · |), tout intervalle fermé [a; b]
est compact.
Le principal résultat de cette section stipule que l’image d’un compact par une application continue est
encore un compact.

Proposition 4.3.2 Soient X une partie compacte de E, (F, k · kF ) un second K−evn et f : X → F une
application continue. Alors f (X) est un compact de F .

La Proposition 4.3.2 admet un corollaire souvent utilisé dans la pratique.

Corollaire 4.3.3 Soient X une partie compacte non vide de E et f : X → R une application continue.
Alors f est bornée et atteint ses bornes.

41
Le fait que l’application f atteigne ses bornes sur X signifie que son “sup” et son “inf” sont réalisés en des
points de X : ils deviennent alors un “max” et un “min”.
∃x ∈ X, sup f (x) = max f (x) = f (x) .
x∈X x∈X

Idem pour l’“inf”.

max
1

y −π/2

a x x′ b
π/2 +∞

min

F IGURE 4.2 – Les allures de trois applications continues sont tracées. À gauche, l’application est définie
sur le compact [a; b], elle y atteint ses bornes : son maximum en x et en x′ , son infimum en y. Dans les deux
autres cas, l’ensemble de définition n’est plus compact. Au centre, il s’agit de l’application tan définie
sur l’intervalle ouvert ] − π/2; π/2[ ; elle n’est pas bornée. Enfin, à droite, est représentée l’application
x 7→ 1 − e−x ; elle est majorée par 1 et tend vers 1 en +∞ sans jamais l’atteindre.

⋆ Faire l’Exercice 9.

4.4 Continuité des applications linéaires


Encore une bonne nouvelle due à l’équivalence des normes en dimension finie : une application linéaire
dont l’ev de départ est de dimension finie est automatiquement continue.

Théorème 4.4.1 Soient (E, k · kE ) et (F, k · kF ) des K−evn dont le premier seulement est supposé de
dimension finie. Alors toute application linéaire f : E → F est continue.

Démonstration D’après la Proposition 3.3.1, il suffit de prouver l’existence d’une constante M > 0 telle
que, pour tout x ∈ E, on ait
kf (x)kF ≤ M kxkE .
Soient n la dimension de l’ev
P E et (e1 , . . . , en ) une base de E. Notons N∞ l’application définie par
N∞ (x) = maxi |xi |, où x = i xi ei . Il est clair que N∞ est une norme sur E. De plus ;
n
!
X
kf (x)kF = f xi ei
i=1 F
n
X
≤ |xi |kf (ei )kF
i=1
n
!
X
≤ kf (ei )kF N∞ (x) .
i=1

42
P
Ainsi, en posant M0 = i kf (ei )kF , on a montré que, pour tout x, kf (x)kF ≤ M0 N∞ (x). Autrement
dit, l’application
f : (E, N∞ ) → (F, k · kF )
est continue. Mais ce n’est pas notre objectif. . . L’équivalence des normes nous permet de conclure : il
existe une constante β > 0 satisfaisant, pour tout x ∈ E, N∞ (x) ≤ βkxkE . Dès lors ;
n
!
X
kf (x)kF ≤ kf (ei )kF N∞ (x)
i=1
n
!
X
≤ kf (ei )kF βkxkE .
i=1
P
La constante M = β i kf (ei )kF convient. L’application f : (E, k · kE ) → (F, k · kF ) est continue. 

Un résultat similaire stipule qu’en dimension finie, toute application multilinéaire est continue. En consé-
quence de quoi, l’application déterminant

det : Mn (K) → K, A 7→ det(A)

est continue, où Mn (K) est l’ensemble des matrices carrées d’ordre n ∈ N∗ à coefficients dans K. Dès
lors, en écrivant l’ensemble des matrices inversibles comme det−1 (K∗ ), il apparait comme un ouvert de
Mn (K).

43
4.5 Exercices
Exercice 1
Soit f : R → R une application admettant une limite l en +∞. Montrer que si l > 0 alors f est strictement
positive à partir d’un certain rang.

Exercice 2
Considérons l’application f : (R2 \ {(0, 0)}, k · k2 ) → (R, | · |) définie par

xy 2
f (x, y) = .
x2 + y 4

1. Montrer que f est continue sur tout R2 \ {(0, 0)}.


On concentre désormais notre attention sur le comportement de f autour de (0, 0). Le reste de l’exercice a
pour objectif de répondre à la question : l’application f peut-elle être prolongée par continuité en (0, 0) ?
2. Montrer que la restriction de f à toute droite passant par l’origine admet une limite lorsque (x, y)
tend vers (0, 0).
3. Calculer f (y 2 , y) pour y 6= 0. Conclure.

Exercice 3 (Partiel 2009-2010)


Soit f : R2 \ {(0, 0)} 7→ R l’application définie par

(x + y)2
f (x, y) = .
x2 + y 2

1. Montrer que f est continue sur R2 \ {(0, 0)}.


2. L’application f est-elle prolongeable par continuité en (0, 0) ?

Exercice 4
Considérons une application f : [a; b] → R continue et de signe constant sur tout l’intervalle [a; b].
Montrons que :
Z b
f (t) dt = 0 ⇒ ∀t ∈ [a; b], f (t) = 0 .
a
En déduire que sur le R−ev C([a; b], R) des applications continues de [a; b] dans R, l’application k · k :
C([a; b], R) → R+ , définie par
Z b
kf k = |f (t)|dt
a
est une norme.

Exercice 5
Représenter graphiquement les parties suivantes de R2 et dire pour chacune d’elle, si c’est un ouvert, un
fermé ou ni l’un ni l’autre.
1. {(x, y) ∈ R2 , xy = 1}.
2. {(x, y) ∈ R2 , |y| > x2 et x > 0}.

Exercice 6 ⋆
Soit f : R → R une application vérifiant, pour tout x, y ∈ R,

f (x + y) = f (x) + f (y) .

44
1.(a). Montrer que f (0) = 0 et f (−x) = −f (x).
(b). Montrer que, pour tout n ∈ N et pour tout x ∈ R, f (nx) = nf (x).
(c). Montrer que, pour tout α ∈ Q et pour tout x ∈ R, f (αx) = αf (x).
2. On suppose désormais que f est bornée sur un intervalle ouvert contenant 0.
(a). Montrer que f est continue en 0.
(b). Montrer que f est continue sur R tout entier.
(c). Montrer que, pour tout x ∈ R, f (x) = xf (1).

Exercice 7
Le Théorème des Valeurs Intermédiaires (TVI) stipule qu’une application f : [a, b] → R continue sa-
tisfaisant f (a)f (b) < 0 s’annule (au moins une fois) en un point de l’intervalle ouvert ]a, b[. Voici deux
applications de ce résultat.
1. Soit f : [0, 1] → [0, 1] continue. Montrer que f admet au moins un point fixe dans [0, 1].
2. Considérons un marcheur couvrant une distance de 5 kilomètres en 1 heure. Montrer qu’il existe un
intervalle de temps de 30 minutes durant lequel il effectue exactement 2, 5 kilomètres. Attention, sa vitesse
n’est pas forcément constante. . .

Exercice 8
Soit (E, k · k) un evn de dimension finie et A une partie bornée de E. Montrer que A est un compact.

Exercice 9
Soit f : R → R une application continue admettant des limites finies en −∞ et +∞. Montrer que f est
bornée sur R.

Exercice 10
Soient f et g deux applications continues sur [0, 1], à valeurs réelles et vérifiant f (x) > g(x) pour tout
x ∈ [0, 1]. Montrer qu’il existe λ > 0 tel que, ∀x ∈ [0, 1], f (x) ≥ λ + g(x). Est-ce encore vrai lorsqu’on
remplace l’intervalle [0, 1] par [0, +∞[ ?

Exercice 11
Posons, pour tout n ≥ 1, un = 1/n et notons Sn = u1 + . . . + un . Montrer que pour tout n,
1
un+1 + . . . + u2n ≥ .
2
En déduire que la suite des sommes partielles (Sn )n≥1 n’est pas de Cauchy. Conclure.

Exercice 12 (Partiel 2008-2009)


Considérons l’application f définie sur R+ par
4x + 5
f (x) = .
x+3
1. Montrer que, pour tout x, y ≥ 0, |f (x) − f (y)| ≤ 79 |x − y|.
2. Démontrer que la suite (un )n∈N définie par u0 = 1 et, pour tout n ∈ N, un+1 = f (un ), est
convergente. Déterminer sa limite.

Exercice 13 - Corrigé (Partiel 2009-2010)


Dans tout cet exercice, f désigne une application continue, définie sur R+ et à valeurs réelles. Notons
Gf = {(x, y) ∈ R+ × R, y = f (x)} et D = {(x, y) ∈ R+ × R, y = x}.

45
1. Montrer que Gf ∩ D est un fermé de R+ × R.
2. Donner deux exemples de telles applications f vérifiant que Gf ∩ D est vide pour l’une et infini
pour l’autre.
3. Uniquement dans cette question, supposons f (x) = g(x) + x2 , pour tout x ≥ 0, où g est une
application continue satisfaisant
g(x)
lim =0.
x→∞ x2

Montrer que dans ce cas Gf ∩ D est compact.


4. Supposons f à valeurs positives et contractante. Montrer que Gf ∩ D est un singleton.

Correction de l’Exercice 13
1. Par continuité de f , l’application

h : (x, y) ∈ R+ × R 7→ y − f (x)

est continue sur l’ensemble R+ ×R tout entier. Dès lors, l’ensemble Gf apparait comme l’image réciproque
par l’application continue h du fermé {0} (c’est un singleton). Donc Gf est un fermé de R+ ×R. On procède
de la même manière pour prouver que l’ensemble D est fermé via l’application

(x, y) ∈ R+ × R 7→ y − x .

On conclut en utilisant le fait que l’intersection de deux fermés est encore un fermé.
2. L’application f (x) = x + 1 est continue sur R+ et l’équation f (x) = x n’admet pas de solution :
Gf ∩ D est vide.
L’application f (x) = x est continue sur R+ et vérifie Gf = D. Dans ce cas, l’ensemble Gf ∩ D est infini.
3. D’après la première question, il suffit de montrer que Gf ∩ D est borné. L’hypothèse g(x)/x2 → 0
implique qu’il existe M > 0 telle que pour x > M , on ait

g(x) 1
2
≥− .
x 2
Par ailleurs, l’inégalité x2 > 2x est vraie dès que x > 2. Donc, pour x > max{M, 2},
1
f (x) = g(x) + x2 ≥ x2 > x .
2
Par conséquent, les seuls points fixes de f sont inférieurs à max{M, 2} et Gf ∩D est inclus dans l’ensemble
{(x, x), 0 ≤ x ≤ max{M, 2}}. Il est borné.
4. L’application contractante f est définie de R+ dans R+ (qui est un fermé du sev de dimension finie
R). Le Théorème du point fixe s’applique ; f admet un unique point fixe. L’ensemble Gf ∩ D est donc un
singleton.

46
Chapitre 5

Espaces préhilbertiens réels

Dans toute cette section, E désigne un R−ev.

5.1 Produit scalaire


Définition 5.1.1 On appelle produit scalaire sur E toute application ϕ : E 2 → R telle que :
(i) ϕ est symétrique : ∀x, y ∈ E, ϕ(x, y) = ϕ(y, x)
(ii) ϕ est linéaire par rapport à la deuxième coordonnée :
∀λ ∈ R, ∀x, y, y ′ ∈ E, ϕ(x, λy + y ′ ) = λϕ(x, y) + ϕ(x, y ′ )
(iii) ∀x ∈ E, ϕ(x, x) ≥ 0
(iv) ∀x ∈ E, (ϕ(x, x) = 0 ⇐⇒ x = 0).

Les conditions (i) et (ii) impliquent que le produit scalaire ϕ est aussi linéaire par rapport à la première
coordonnée. Pour exprimer cette double linéarité, on dit que ϕ est bilinéaire.
Dans la littérature mathématique, le produit scalaire ϕ(x, y) est parfois noté (x|y) ou < x, y >.

Définition 5.1.2 Soient E un R−ev et ϕ un produit scalaire sur E. Le couple (E, ϕ) est appelé un espace
préhilbertien (réel). Si, de plus, E est de dimension finie alors le couple (E, ϕ) est appelé un espace
euclidien.

E XEMPLES :
• Soit n ∈ N∗ . L’application ϕ : (Rn )2 → R définie par
n
X
ϕ ((x1 , . . . , xn ), (y1 , . . . , yn )) = xi y i (5.1)
i=1

est un produit scalaire sur Rn , appelé produit scalaire usuel sur Rn . Les conditions (i) et (ii) sont
immédiates. Pour tout x = (x1 , . . . , xn ) ∈ Rn ,
n
X
ϕ(x, x) = x2i ≥ 0 ,
i=1

d’où le (iii). On en déduit également le (iv) puisque ϕ(x, x) = 0 ⇔ ∀i, xi = 0 ⇔ x = 0. L’ev Rn muni
du produit scalaire ϕ défini par (5.1) est un espace euclidien.

47
• Soient a, b des réels tels que a < b et C([a, b], R) le R−ev des applications continues de [a, b] dans
R. Considérons l’application ϕ : C([a, b], R)2 → R définie par
Z b
∀f, g ∈ C([a, b], R), ϕ(f, g) = f (t)g(t) dt . (5.2)
a

On vérifie que ϕ est un produit scalaire sur C([a, b], R). Pour toutes applications f, g, h ∈ C([a, b], R) et
pour tout réel λ :
Z b Z b
ϕ(f, g) = f (t)g(t) dt = g(t)f (t) dt = ϕ(g, f ) ,
a a

Z b
ϕ(f, λg + h) = f (t)(λg(t) + h(t)) dt
a
Z b Z b
= λ f (t)g(t) dt + f (t)h(t) dt
a a
= λϕ(f, g) + ϕ(f, h) ,
Z b
ϕ(f, f ) = f (t)2 dt ≥ 0
a
et Z b
ϕ(f, f ) = 0 ⇐⇒ f (t)2 dt = 0 ⇐⇒ f = 0 .
a
Dans cette dernière équivalence, la continuité de f joue un rôle essentiel. L’ev C([a, b], R) muni du produit
scalaire ϕ défini par (5.2) est un espace préhilbertien.
• Notons Mn,p (R) le R−ev des matrices à n lignes et p colonnes et à coefficients réels. La trans-
posée de la matrice A ∈ Mn,p (R) est notée t A ; c’est une matrice à p lignes et n colonnes. Ainsi, pour
A, B ∈ Mn,p (R), le produit matriciel t AB est bien défini (c’est une matrice carrée). Rappelons enfin que
la trace d’une matrice carrée est égale à la somme de ses coefficients diagonaux. Dès lors, l’application
ϕ : Mn,p (R)2 → R définie par

∀A, B ∈ Mn,p (R), ϕ(A, B) = tr t AB



(5.3)

est un produit scalaire sur Mn,p (R), appelé produit scalaire usuel sur Mn,p (R). L’ev Mn,p (R) muni du
produit scalaire ϕ défini par (5.3) est donc un espace euclidien.
Nous vérifions seulement la propriété de symétrie, les vérifications des points (ii), (iii) et (iv) étant plus
délicates ;

ϕ(A, B) = tr t AB = tr t t AB
 

= tr t B t t A


= tr t BA = ϕ(B, A) .


Définition 5.1.3 Soit ϕ un produit scalaire sur le R−ev E. L’application ψ : E → R, x 7→ ϕ(x, x) est
appelée la forme quadratique associée à ϕ.

La condition (iii) de la Définition 5.1.1 se réécrit : ∀x, ψ(x) ≥ 0. On dit alors que la forme quadratique
ψ est positive. La condition (iv) devient : ∀x, (ψ(x) = 0 ⇔ x = 0). On dit alors que ψ est définie.
Autrement dit, pour tout x 6= 0, ψ(x) > 0. Signalons au passage que le terme quadratique vient du fait que

ψ(λx) = ϕ(λx, λx) = λ2 ψ(x) .

48
Terminons cette section par quelques relations classiques reliant le produit scalaire ϕ à sa forme quadra-
tique associée ψ.
La bilinéarité du produit scalaire ϕ donne :

ψ(λx + µy) = ϕ(λx + µy, λx + µy)


= λ2 ϕ(x, x) + 2λµϕ(x, y) + µ2 ϕ(y, y)
= λ2 ψ(x) + 2λµϕ(x, y) + µ2 ψ(y) ,

où x, y sont des vecteurs de E et λ, µ ∈ R des scalaires. Soulignons au passage que la forme quadratique
ψ n’est pas linéaire puisque ψ(λx) = λ2 ψ(x). En particularisant les scalaires λ et µ, il vient :

ψ(x + y) = ψ(x) + 2ϕ(x, y) + ψ(y) (5.4)

et
ψ(x − y) = ψ(x) − 2ϕ(x, y) + ψ(y) . (5.5)
En sommant les identités (5.4) et (5.5), il vient :

ψ(x + y) + ψ(x − y) = 2 (ψ(x) + ψ(y)) .

Enfin, il résulte de l’égalité (5.4) :


1
ϕ(x, y) = (ψ(x + y) − ψ(x) − ψ(y)) ,
2
prouvant que la forme quadratique ψ détermine entièrement le produit scalaire ϕ : ϕ est appelée la forme
polaire de ψ.

5.2 Inégalités et normes euclidiennes


Dans cette section (E, ϕ) désigne un espace préhilbertien réel et ψ la forme quadratique associée à ϕ.

Théorème 5.2.1 (Inégalité de Cauchy-Schwarz) Tous vecteurs x, y de E vérifient l’inégalité

ϕ(x, y)2 ≤ ϕ(x, x)ϕ(y, y) . (5.6)


Par la croissance de l’application x 7→ x, découle une deuxième version de l’inégalité de Cauchy-
Schwarz, tout aussi utile que la première :
p p
|ϕ(x, y)| ≤ ψ(x) ψ(y) .

Démonstration Soient x, y ∈ E. Si y = 0 alors ϕ(y, y) = ϕ(x, y) = 0 et l’inégalité (5.6) est évidente.


Supposons désormais que y 6= 0. Pour tout λ ∈ R, la positivité de la forme quadratique ψ implique :

ψ(x + λy) = ψ(y)λ2 + 2ϕ(x, y)λ + ψ(x) ≥ 0 .

Puisque ψ(y) 6= 0, λ 7→ ψ(y)λ2 + 2ϕ(x, y)λ + ψ(x) est un polynôme du second degré, positif sur R tout
entier. Son discriminant est donc négatif ou nul :

(2ϕ(x, y))2 − 4ψ(y)ψ(x) ≤ 0 .

49
L’inégalité (5.6) en découle immédiatement. 

⋆ Faire l’Exercice 2.
Étudions le cas d’égalité : soient x, y ∈ E tels que ϕ(x, y)2 = ψ(x)ψ(y). Supposons tout d’abord que
ψ(y) 6= 0, i.e. y 6= 0. Le discriminant du polynôme du second degré λ 7→ ψ(y)λ2 + 2ϕ(x, y)λ + ψ(x) est
nul. Ce polynôme admet donc une racine double, disons λ0 , en laquelle il s’annulle :

ψ(x + λ0 y) = ψ(y)λ20 + 2ϕ(x, y)λ0 + ψ(x) = 0 .

Ces égalités forcent x + λ0 y = 0. La famille (x, y) est donc liée. C’est aussi le cas lorsque y = 0. La
réciproque s’obtient aisément. En résumé ;
ϕ(x, y)2 = ψ(x)ψ(y) si et seulement si la famille (x, y) est liée .

De l’inégalité de Cauchy-Schwarz découle une autre inégalité bien connue :

Théorème 5.2.2 (Inégalité de Minkowski) Tous vecteurs x, y de E vérifient l’inégalité


p p p
ψ(x + y) ≤ ψ(x) + ψ(y) . (5.7)

Démonstration La bilinéarité du produit scalaire nous permet d’écrire :

ψ(x + y) = ϕ(x, x) + ϕ(y, y) + 2ϕ(x, y) .

Puis, l’inégalité de Cauchy-Schwarz fournit :


p
ϕ(x, y) ≤ |ϕ(x, y)| ≤ ϕ(x, x)ϕ(y, y) .

Il vient alors :
p
ψ(x + y) ≤ ϕ(x, x) + ϕ(y, y) + 2 ϕ(x, x)ϕ(y, y)
p p 2
≤ ϕ(x, x) + ϕ(y, y) .

En passant à la racine dans l’inégalité ci-dessus, nous obtenons l’inégalité de Minkowski. 

On peut montrer que l’inégalité de Minkowski est une égalité si et seulement si x = 0 ou si il existe un
scalaire λ > 0 tel que y = λx.
n , ϕ(x, y) =
P
Lorsque ϕ désigne le produit p scalaire usuel sur R i xi yi où x = (x1 , . . . , xn ) et y =
(y1 , . . . , yn ), la quantité ψ(x) est égale à la norme euclidienne du vecteur x :

n
!1/2
X
ψ(x) = ϕ(x, x)1/2 = x2i
p
= kxk2 .
i=1

Ainsi, l’inégalité de Minkowski n’est autre que l’inégalité triangulaire pour la norme euclidienne k · k2 sur
Rn (que nous n’avions pas démontrée) ;

kx + yk2 ≤ kxk2 + kyk2 .

Généralisons cette dénomination :

50
p
Proposition 5.2.3 L’application k · k : E → R, x 7→ ψ(x) est une norme sur E, appelée norme
euclidienne associée à ϕ. En particulier, si E = Rn et si ϕ désigne le produit scalaire usuel sur Rn alors
la norme euclidienne associée n’est autre que la norme k · k2 .

Démonstration Les conditions kλxk = |λ|kxk et (kxk = 0 ⇔ x = 0) se déduisent immédiatement des


propriétés (iii) et (iv) du produit scalaire ϕ et l’inégalité triangulaire est une conséquence de l’inégalité
de Minkowski. 

Ainsi, un espace préhilbertien réel E muni de la norme euclidienne associée à son produit scalaire ϕ est
un R−evn.

5.3 Orthogonalité

p section (E, ϕ) désigne un espace préhilbertien réel, ψ la forme quadratique associée à ϕ et


Dans cette
k · k = ψ(·) la norme euclidienne associée à ϕ.

Définition 5.3.1 Soient x, y des vecteurs de E, (xi )i∈I une famille d’éléments de E et A, B des parties de
E.
(1) On dit que x est orthogonal à y, et on note x ⊥ y, si ϕ(x, y) = 0.
(2) On dit que x est orthogonal à A s’il est orthogonal à tout élément de A : ∀a ∈ A, ϕ(x, a) = 0.
(3) On dit que A et B sont orthogonales si tout élément de A est orthogonal à B.
(4) L’orthogonal de A, noté A⊥ , est défini par :
A⊥ = {x ∈ E, ∀a ∈ A, ϕ(x, a) = 0}.
(5) On dit que la famille (xi )i∈I est orthogonale si :
∀i, j ∈ I, (i 6= j =⇒ ϕ(xi , xj ) = 0).
(6) On dit que la famille (xi )i∈I est orthonormale si elle est orthogonale et si pour tout indice i ∈ I,
kxi k = 1.

E XEMPLE : Dans R3 muni du produit scalaire usuel ϕ, considérons les vecteurs

v1 = (0, 1, 1) et v2 = (1, 0, 0) .

Le produit scalaire de v1 et v2 est nul : ces deux vecteurs sont orthogonaux. Déterminons maintenant
l’orthogonal de {v1 , v2 } :

{v1 , v2 }⊥ = {(x, y, z) ∈ R3 , ϕ((x, y, z), v1 ) = 0 et ϕ((x, y, z), v2 ) = 0}


= {(x, y, z) ∈ R3 , y + z = 0 et x = 0}
= {(0, y, −y), y ∈ R}
= V ect{(0, 1, −1)} .

ψ(v1 ) = (1 + 1)1/2 et de poser


p
Pour normaliser le vecteur v1 , il suffit de calculer sa norme kv1 k =
v1 v1
w1 = =√ .
kv1 k 2
Le vecteur w1 est colinéaire à v1 et de norme 1.

Proposition 5.3.2 Soient A et B deux parties de E.

51
(1) A⊥ est un sev de E.
(2) A ⊂ B =⇒ A⊥ ⊃ B ⊥ .
(3) A⊥ = (V ect(A))⊥ .
(4) A ⊂ A⊥⊥ .
(5) On a E ⊥ = {0} et {0}⊥ = E.
(6) A ∩ A⊥ ⊂ {0} (avec égalité si A est un sev de E).
(7) Pour tous sev F et G de E, (F + G)⊥ = F ⊥ ∩ G⊥ .

Démonstration Seules les propriétés (1), (2) et (3) seront démontrées. La propriété (7) fait l’objet de
l’Exercice 4.
Démontrons tout d’abord que A⊥ est un sev de E. Par linéarité du produit scalaire, ϕ(0, a) est nul quel que
soit l’élément a ∈ A. Donc 0 ∈ A⊥ . Considérons deux vecteurs x et y de A⊥ ; ils satisfont ϕ(x, a) = 0 et
ϕ(y, a) = 0 pour tout a ∈ A. Par linéarité, il vient ϕ(x + y, a) = 0, pour tout a ∈ A, i.e. x + y ∈ A⊥ .
L’ensemble A⊥ est donc stable par addition. Il est aussi stable par multiplication par un scalaire.
Passons à la propriété (2). Soient x appartenant à B ⊥ et a un élément quelconque de A. Par hypothèse
(A ⊂ B), a est aussi un élément de B donc ϕ(x, a) = 0. Ainsi, x appartient à A⊥ et l’inclusion A⊥ ⊃ B ⊥
est démontrée.
Une partie étant toujours incluse dans l’espace vectoriel qu’elle engendre, la propriété (2) implique l’in-
clusion (V ect(A))⊥ ⊂ A⊥ . Il ne reste plus qu’à démontrer l’inclusion inverse pour obtenir la propriété
(3). Soient x ∈ A⊥ et y ∈ V ect(A). Le vecteur y s’écrit comme combinaison linéaire d’éléments de A :
n
X
y= λk y k ,
k=1

où λ1 , . . . , λn sont des scalaires et y1 , . . . , yn des vecteurs de A. Il vient alors :


n
X
ϕ(x, y) = λk ϕ(x, yk ) = 0
k=1

car x ∈ A⊥ et pour tout k, yk ∈ A. En conclusion, x ∈ V ect(A)⊥ . 

Proposition 5.3.3 Soit (xi )i∈I une famille d’éléments de E. Si la famille (xi )i∈I est orthogonale et si les
xi sont non nuls alors la famille (xi )i∈I est libre.

La démonstration du résultat précédent est laissée aux bons soins de l’étudiant consciencieux. Celle du
résultat suivant fait l’objet de l’Exercice 5 :

Proposition 5.3.4 Pour toute partie A de E, A⊥ est un sev fermé de E (relativement à la norme euclidienne
sur E).

L’égalité
kx + yk2 = kxk2 + kyk2 + 2ϕ(x, y)
suffit à démontrer le théorème de Pythagore.

Proposition 5.3.5 (Théorème de Pythagore) Soit x, y des vecteurs de E. On a :

x ⊥ y ⇐⇒ kx + yk2 = kxk2 + kyk2 .

52
Le théorème de Pythagore se généralise dans le sens où si (xi )i∈I est une famille orthogonale finie
d’éléments de E alors :
2 !
X X X
xi = ϕ xi , xi
i∈I i∈I i∈I
XX
= ϕ(xi , xj ) par bilinéarité,
i∈I j∈I
X
= ϕ(xi , xi ) car ϕ(xi , xj ) est nul dès que i 6= j ,
i∈I

kxi k2 .
X
=
i∈I

5.4 Procédé d’orthogonalisation de Schmidt


Dans cette section (E, ϕ) désigne un espace préhilbertien réel et k · k la norme euclidienne associée à ϕ.
Le procédé d’orthogonalisation de Schmidt est une méthode explicite permettant de construire, à partir
d’une famille libre de vecteurs de E, une famille orthogonale engendrant les mêmes sev. Plus précisément :

Théorème 5.4.1 (Orthogonalisation de Schmidt) Soit (ei )i∈I une famille libre d’éléments de E. Soit I
est fini et dans ce cas I = {0, 1, . . . , N }, soit I est infini et dans ce cas I = N.
Il existe une famille (Vi )i∈I d’éléments de E telle que :
• (Vi )i∈I est orthogonale,
• ∀i ∈ I, Vi 6= 0,
• ∀i ∈ I, V ect(V0 , . . . , Vi ) = V ect(e0 , . . . , ei ).

Voici les premières étapes du procédé. Posons V0 = e0 6= 0. On cherche le vecteur V1 sous la forme
V1 = e1 + λ1,0 V0 , où le scalaire λ1,0 doit être ajusté de telle sorte que V1 soit orthogonal à V0 ;
V1 ⊥ V0 ⇐⇒ ϕ(e1 + λ1,0 V0 , V0 ) = 0
⇐⇒ ϕ(e1 , V0 ) + λ1,0 kV0 k2 = 0
ϕ(e1 , V0 )
⇐⇒ λ1,0 = − .
kV0 k2
Le vecteur V1 est non nul, sinon la famille (e1 , V0 ), et donc aussi (e1 , e0 ), seraient liées. De plus, les vec-
teurs V1 et V0 forment une famille libre (car orthogonale) et sont combinaison linéaire de e1 et e0 , d’où
V ect(V0 , V1 ) = V ect(e0 , e1 ).

{e1 + λe0 , λ ∈ R}
e1
V1

V0 = e0
0

De même, on cherche V2 sous la forme V2 = e2 + λ2,1 V1 + λ2,0 V0 où les scalaires λ2,1 et λ2,0 sont
déterminés par les équations ϕ(V2 , V1 ) = 0 et ϕ(V2 , V0 ) = 0. Il ne reste plus qu’à vérifier que le vecteur

53
V2 ainsi obtenu est non nul et que l’ev engendré par V2 , V1 et V0 est égal à celui engendré par e2 , e1 et e0 .
Pour la démonstration du Théorème 5.4.1, un raisonnement par récurrence s’impose.
En renormalisant les vecteurs précédemment construits, on obtient une famille (Vi )i∈I orthonormale.
⋆ Faire l’Exercice 6.

5.5 Projection orthogonale sur un sev de dimension finie


Dans cette section (E, ϕ) désigne un espace préhilbertien réel, k · k la norme euclidienne associée à ϕ et
F un sev de E de dimension finie.

Théorème 5.5.1 Soit x ∈ E. Il existe un unique élément de F , noté pF (x) et appelé projection orthogo-
nale de x sur F , tel que x − pF (x) ⊥ F . Il s’écrit
n
X
pF (x) = ϕ(x, fk )fk ,
i=1

où (f1 , . . . , fn ) est n’importe quelle base orthonormale de F . Il vérifie de plus :


kx − pF (x)k = inf kx − zk .
z∈F

x − pF (x)

0
pF (x)
F

F IGURE 5.1 – Le vecteur x est projeté sur le sev de dimension finie F en pF (x). Le vecteur x − pF (x) est
orthogonal à F .

Démonstration Soit x ∈ E. On souhaite identifier un vecteur y ∈ F tel que x − y soit orthogonal au


sev F . D’après le procédé d’orthogonalisation de Schmidt, à partir d’une base de F , on construit une base
orthonormale, disons (f1 , . . . , fn ) (où n est la dimension de F ). Le vecteur y se décompose sur cette base
en
Xn
y= yk fk .
i=1
Ce sont désormais les coordonnées y1 , . . . , yk qui sont à identifier. La base (f1 , . . . , fn ) étant orthonormale,
il vient :
x−y ⊥F ⇐⇒ ∀k, ϕ(x − y, fk ) = 0
n
!
X
⇐⇒ ∀k, ϕ yi fi , fk = ϕ(x, fk )
i=1
⇐⇒ ∀k, yk = ϕ(x, fk ) .

54
Ainsi, les coordonnées y1 , . . . , yk sont déterminées de manière unique. Il existe donc un unique y ∈ F tel
que x − y soit orthogonal au sev F dont l’expression est
n
X
ϕ(x, fk )fk .
i=1

C’est la projection orthogonale pF (x). Par ailleurs, pour tout vecteur z de F ,

kx − zk2 = kx − pF (x) + (pF (x) − z)k2


= kx − pF (x)k2 + kpF (x) − zk2

d’après le théorème de Pythagore car les vecteurs x − pF (x) et pF (x) − z ∈ F sont orthogonaux. On en
déduit que kx − zk ≥ kx − pF (x)k, pour tout vecteur z de F . Autrement dit,

kx − pF (x)k ≤ inf kx − zk .
z∈F

Enfin, comme pF (x) appartient au sev F , l’inégalité précédente est en fait une égalité. 

La linéarité du produit scalaire ϕ fait de la projection orthogonale pF : E → F une application linéaire.


Rappelons que deux sev F et G de E sont supplémentaires, et on note F ⊕ G = E, si F ∩ G = {0} et
F + G = E.

Corollaire 5.5.2 Pour tout sev F de dimension finie, on a F ⊕ F ⊥ = E.

F⊥
G

0
F

F IGURE 5.2 – Parmi tous les supplémentaires G du sev F dans l’ev E, il y en a un bien particulier : c’est
F ⊥.

Démonstration Le théorème de projection orthogonale permet d’écrire tout vecteur x de E comme la


somme d’un vecteur de F et de F ⊥ : x = (x − pF (x)) + pF (x). La somme F + F ⊥ remplit donc l’ev E
tout entier. Enfin, l’égalité F ∩ F ⊥ = {0} est déjà connue. 

55
5.6 Exercices
Exercice 1
Soit (E, ϕ) un espace préhilbertien réel. Montrer que la norme k · k associée au produit scalaire ϕ vérifie
l’identité du parallélogramme, à savoir

∀x, y ∈ E, kx + yk2 + kx − yk2 = 2 kxk2 + kyk2 .




Pourquoi appelle-t’on ainsi cette égalité ?

Exercice 2
Notons E le R−ev C([0, 1], R) des fonctions continues de [0, 1] dans R. Montrer que, pour tous éléments
f, g ∈ E,
Z 1 2 Z 1 Z 1
2
f (t)g(t)dt ≤ f (t) dt g(t)2 dt .
0 0 0
En déduire que, pour tout f ∈ E,
Z 1 2 Z 1
f (t)dt ≤ f (t)2 dt .
0 0

Exercice 3 ⋆⋆
Résoudre dans R3 l’équation suivante :
1
(1 − x)2 + (x − y)2 + (y − z)2 + z 2 = .
4

Exercice 4
Soient (E, ϕ) un espace préhilbertien réel. Démontrer que, pour tous sev F et G de E,

(F + G)⊥ = F ⊥ ∩ G⊥ .

Exercice 5 (Examen 2007-2008)


Soit (E, ϕ) un espace préhilbertien réel et k · k la norme euclidienne associée à ϕ.
1. Soit x ∈ E. Démontrer l’inégalité

∀y, y ′ ∈ E, |ϕ(x, y) − ϕ(x, y ′ )| ≤ kxkky − y ′ k .

2. En déduire que l’application ϕ(x, ·) : (E, k · k) → (R, | · |), y 7→ ϕ(x, y) est continue.
3. Soit A une partie de E. Montrer que A⊥ est un fermé de (E, k · k).

Exercice 6
Considérons l’ev R2 [X] des polynômes de degré inférieur ou égal à 2 et à coefficients réels. Munissons le
du produit scalaire ϕ défini par :
Z 1
∀P, Q ∈ R2 [X], ϕ(P, Q) = P (x)Q(x) dx .
0

Construire une base orthonormale de R2 [X].

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Exercice 7
Considérons le sev F = {(x, y, z) ∈ R3 , 3x + 2y − z = 0} de l’espace euclidien R3 .
1. Déterminer F ⊥ .
2. Déterminer la matrice dans la base canonique de R3 de la projection orthogonale pF sur F .
3. Montrer que dans une base bien choisie la matrice de pF s’écrit
 
1 0 0
 0 1 0  .
0 0 0
En déduire l’expression des sev KerpF et ImpF .

Exercice 8 - Corrigé (Examen 2009-2010)


Considérons le sev F = {(x, y, z) ∈ R3 , x + y + z = 0} de R3 , muni de son produit scalaire usuel ;
ϕ((x, y, z), (x′ , y ′ , z ′ )) = xx′ + yy ′ + zz ′ .
1. Déterminer une base de F . Notons-la BF .
2. Par le procédé de Schmidt, déterminer une base orthonormale de F .
3. Déterminer F ⊥ .
4. Soit BF ⊥ une base de F ⊥ . Montrer que l’union des familles BF et BF ⊥ forme une base de R3 .
Notons-la B.
5. Soit X = (1, 2, 3). Décomposer le vecteur X dans la base B.
6. En déduire la projection orthogonale de X sur le sev F .
7. Soit k · k la norme euclidienne sur R3 (i.e. associée à ϕ). Calculer
d(X, F ) = inf kX − U k .
U ∈F

Exercice 9
En quoi le théorème de la projection orthogonale permet-il d’affirmer que l’“inf” ci-dessous sera atteint ?
Z 1
2
inf x2 − ax − b dx .
a,b∈R 0

Correction de l’Exercice 8
1. En écrivant F = {(x, y, z) ∈ R3 , z = −x − y} = {x(1, 0, −1) + y(0, 1, −1), x, y ∈ R}, on conclut
que F est engendré par les vecteurs u = (1, 0, −1) et v = (0, 1, −1) (qui sont libres). C’est un plan.
Notons BF = {u, v}.
2. À partir de BF , déterminons d’abord une base orthogonale de F par le procédé de Schmidt. Posons
u′ = u et cherchons v ′ = v + λu avec le parmètre λ satisfaisant
0 = ϕ(u′ , v ′ ) = ϕ(u, v + λu) = 1 + 2λ .
Il vient v ′ = (1, −2, 1). Par Schmidt, nous savons que la famille formée
√ des vecteurs
′ ′
√u et v est encore
′ ′
une base de F . Normalisons ces deux vecteurs. Le calcul donne ku k = 2 et kv k = 6. Finalement,
 
1 1
√ (1, 0, −1), √ (1, −2, 1)
2 6

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est une base orthonormale de F .
3. Les sev F et F ⊥ sont en somme directe dans R3 (F est de dimension finie). Ainsi, dim F ⊥ = 3 − 2 =
1 ; F ⊥ est une droite vectorielle. Donc n’importe quel vecteur non nul de F ⊥ en fournira une base. On en
a un sous les yeux ! En effet, tout élément (x, y, z) de F vérifie

0 = x + y + z = ϕ((x, y, z), (1, 1, 1)) .

Donc w = (1, 1, 1) appartient à F ⊥ et BF ⊥ = {w}.


4. Puisque F et F ⊥ sont en somme directe dans R3 , les vecteurs de BF et BF ⊥ forment une famille libre
et engendrent tout R3 . C’est une base de R3 : elle est notée B = {u, v, w}.
5. Comme B est une base, il existe un unique triplet (λ, µ, ν) tel que X = λu + µv + νw. Un système
linéaire résolu plus loin, il vient X = −u + 2w.
6. La projection orthogonale étant une application linéaire, on a

pF (X) = −pF (u) + 2pF (w) = −u

car u ∈ F et w ∈ F ⊥ impliquent pF (u) = u et pF (w) = (0, 0, 0).


7. Le Théorème de la projection orthogonale affirme que

d(X, F ) = inf kX − U k = kX − pF (X)k = kX + uk = k(2, 2, 2)k = 2 3 .
U ∈F

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