Vous êtes sur la page 1sur 30

Retrouver ce titre sur Numilog.

com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

ZODIAQUE
Retrouver ce titre sur Numilog.com

DU MEME AUTEUR

ROMANS ET NOUVELLES

Lettre de Bavière, Gallimard, 1947.


La Troisième Personne, Gallimard, 1948.
La Jeune Fille et la Mort, Gallimard, 1950.
La Lumière et le Fouet, Gallimard, 1951.
Les Adieux, Gallimard, Prix Fémina 1956.
Flora d'Amsterdam, Seuil, 1957.
La Vie rêvée, Seuil, 1962.

THÉATRE

La Forêt noire, théâtre, suivi du Troisième Concerto,


télévision (à paraître)

ESSAIS

Saint-Simon par lui-même,


Seuil, Grand Prix de la Critique 1953.
Suède, Seuil, Collection « Petite Planète ».

OUVRAGE POUR ENFANTS

Joachim Quelque Chose


illustrations de Monica, Hatier, 1958.

ÉDITIONS

Papiers en marge des Mémoires de Saint-Simon,


Club Français du Livre, 1954.
Mademoiselle Irnois, suivi d'Adélaïde, de Gobineau,
en collaboration avec A. B. Duff, Gallimard, 1961.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

FRANÇOIS-REGIS BASTIDE

ZODIAQUE
SECRETS
ET
SORTILEGES

LIBRAIRIE ACADÉMIQUE PERRIN


PARIS
Retrouver ce titre sur Numilog.com

IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET


OUVRAGE 5 0 E X E M P L A I R E S
DE LUXE N U M É R O T É S DE
1 A 50, CONSTITUANT
— L'ÉDITION ORIGINALE —

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation


réservés pour tous pays, y compris l'U R. S. S.
t6) 1964, by LIBRAIRIE ACADÉMIQUE PERRIN
Retrouver ce titre sur Numilog.com

« L'heure de notre naissance,


le point de la terre où nous pa-
raissons, le premier geste, le
nom, la chambre, et toutes ces
consécrations, et tous ces rites
qu'on nous impose, tout cela éta-
blit une série heureuse ou fatale
d'où l'avenir dépend tout en-
tier. »
GÉRARD DE NERVAL (Aurélia)
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

PRÉFACE

T J E hais l'astrologie et les as-


trologues, les savants épris d'astrologie, les marchands
d'horoscopes, les poètes qui taquinent les planètes, les
journalistes qui tournent autour du Zodiaque, les bonnes
femmes qui écrivent aux journaux pour leur demander
des pierres de lune, les obsédés sexuels qui enjôlent les
mêmes bonnes femmes, dans les dîners parisiens, en
leur m u r m u r a n t : « Je sens que mon Vénus est à moins
de quatre degrés de votre Vénus... », les philosophes chré-
tiens qui prennent un air navré pour déclarer qu'il y a
certainement « quelque chose de vrai là-dedans », les
mathématiciens marxistes qui soudain, après avoir bien
combattu contre les étoiles, décident d'y croire, les lec-
teurs de la revue « Planète », qui aiment voir les grands
problèmes caressés obscurément, je hais tous ceux qui
ont fait le mal en se servant des astres, je plains leurs
victimes définitivement démolies, j'adjure leurs futures
victimes, tous ceux et toutes celles qui sont disposés à
tout croire pour sauver n'importe quoi — un amour, un
cancer du pylore, une prochaine session du baccalauréat,
un mari infidèle — je les adjure de réfléchir avant de
se lancer dans cette folie : je hais, oui, l'astrologie. C'est
Retrouver ce titre sur Numilog.com

u n e vieille fée, u s é e de t o u t e s p a r t s , q u e l'on fait s e r v i r


à tout, à q u i o n ne laisse p l u s p l a c e r u n mot, et q u i se
venge, c o m m e u n e p r o s t i t u é e m a l a d e , e n r i c a n a n t . C'est
cette a s t r o l o g i e q u e je hais. Celle q u e n o u s c o n n a i s s o n s
un peu trop.
E t q u e j ' a i fait c o n n a î t r e u n peu, c ' e s t vrai. Il f a u t
bien m'en expliquer.
Q u a n d j ' a v a i s d i x - s e p t ans, je voyais s o u v e n t à Biar-
ritz, à Bayonne, a u x h e u r e s où le lycée n o u s l a i s s a i t
libres, u n e j e u n e fille d é l i c i e u s e avec q u i je f a i s a i s u n
p e u de t h é â t r e . N o u s n o u s d i s p o s i o n s à j o u e r R e n a u d et
A r m i d e , de J e a n Cocteau. Il est c e r t a i n q u ' a u c u n e idée,
m ê m e vague, de l ' a m o u r ne n o u s o c c u p a i t . Mais e n f i n ,
elle était m o n A r m i d e , u n rêve f a m i l i e r , u n e voix t o u -
j o u r s p r ê t e a u f o u rire, u n e f a ç o n à elle de j e t e r ses
c h e v e u x b l o n d s en a r r i è r e e n r e g a r d a n t le soleil. A u p r i n -
t e m p s 1944, des a v i a t e u r s se t r o m p è r e n t d ' o b j e c t i f et
v i n r e n t a r r o s e r les p l a g e s de Biarritz. A r m i d e , son m a -
n u e l de p h i l o s o p h i e à la m a i n , f u t tuée. J e a n C o c t e a u
m ' e n v o y a u n t é l é g r a m m e digne de son O r p h é e : « L a
m o r t t ' a f a i t signe. R e m e r c i e - l a . » C ' é t a i t b e a u c o u p de-
m a n d e r à u n a d o l e s c e n t q u i ne s a v a i t r i e n de la m o r t
j u s q u ' à ce j o u r . J e m e d e m a n d a i s c o m m e n t diable r e m e r -
cier cette d a m e d o n t les b o m b e s é t a i e n t a u s s i i m p r é c i s e s
et a u s s i a b s u r d e s . O n m ' a v a i t a p p r i s à r e m e r c i e r Dieu.
Cela, je savais ; m a i s ce n ' é t a i t g u è r e facile, c a r je p o u -
vais L ' a c c u s e r , L u i s u r t o u t , de c e t t e i m p r é c i s i o n de Ses
b o m b a r d i e r s . J e n'osais, certes. L'Eglise, n é a n m o i n s ,
m'attirait moins.
J ' e n t r a i d a n s u n e m a i s o n q u e je savais être, d e p u i s
q u e l q u e t e m p s , celle de la D a m e A s t r o l o g u e . O n e n p a r -
lait à m o t s c o u v e r t s , à Biarritz, c o m m e o n p a r l a i t d ' u n e
c e r t a i n e « Villa M a n o n », villa de p l a i s i r s q u e j ' i g n o r a i s .
J e ne dis p a s m o n n o m à cette d a m e , d o n t j ' a i oublié le
visage. J e m e s o u v i e n s s e u l e m e n t de l i e r r e p r e s q u e n o i r
s u r les m u r s de sa m a i s o n . J e lui d o n n a i m o n j o u r , m o n
h e u r e , m o n lieu de n a i s s a n c e . Elle fit ses c a l c u l s et
c o m m e n ç a . Elle m e d i t p r o b a b l e m e n t d e s c h o s e s a g r é a -
bles à e n t e n d r e , et p e u c o m p r o m e t t a n t e s , s u r m e s g o û t s
p o u r la m u s i q u e , la poésie... Q u e p e u t - o n d i r e à u n en-
f a n t ? P u i s , elle p r i t u n e m i n e s o m b r e et m e p a r l a d ' A r -
m i d e c o m m e si elle l ' a v a i t c o n n u e , c o m m e si elle a v a i t en-
t e n d u ce q u e n o u s n o u s d i s i o n s la s e m a i n e p r é c é d e n t e . J e
d u s pâlir. Elle s a v a i t q u ' e l l e é t a i t m o r t e ; v i o l e m m e n t .
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Elle ne savait pas comment. Je la vis chercher, hésiter.


Je lui dis : « Le bombardement... ». Elle vit mieux. Elle
cherchait du côté de la mer. Elle la voyait morte tout au
bord de la mer. En effet. A quelques pas. Je payai et
m'enfuis. Personne au monde, hormis deux ou trois
amis, ne savait ce qu'était Armide pour moi. Et qu'avait-
elle été, au fond ? Mais je venais de l'apprendre en voyant
mon thème astral dressé sur cette table, avec beaucoup de
ce noir lierre autour.
Quelques années plus tard, j'étais fiancé, tout à fait,
avec une jeune fille qu'heureusement je n'épousai pas.
Nous sommes restés bons amis. Une de mes tantes me
donna l'adresse de son astrologue, qui habitait Passy. J ' y
allai, ayant complètement oublié la dame de Biarritz.
Celle-ci avait un peu le même air, qu'elles ont toutes,
un peu chaisière, un peu entremetteuse, un peu respec-
table, un peu institutrice retirée, un peu comptable frot-
tée de littérature à deux sous. Elle fit ses calculs et me
chatouilla encore le nombril, ce qui me parut tout aussi
agréable. La musique, la poésie, etc. Elle m'annonça un
avenir heureux, naturellement, et me proposa ses hono-
raires. « Et mon mariage ? », demandai-je comme s'il
s'était agi de mes vrais gages. Pour un petit supplément
de calculs, elle consentit à me dire que cet événement im-
portant se situerait vers ma vingt-cinquième année. Je me
cabrai : « Je ne vais pas attendre trois ans ! Je suis
fiancé ! » Pour un ultime supplément d'information, j'at-
tendis encore, mon dernier billet à la main, et donnai
les coordonnées astrales de ma future. Ce ne fut pas long.
La dame voyait très bien l'objet de ma flamme, mais alors
tout à fait bien : « Cette petite est charmante. Vous ne
l'épousez pas. Charmante. Elle a perdu son père en telle
année. Sa mère en telle année. » Or c'était exact. J'aurais
payé beaucoup plus cher pour être débarrassé à tout
jamais de l'astrologie.

De telles histoires sont banales. Vous en connaissez.


J en connais bien davantage. Elles sont la base de ce gi-
gantesque édifice qu'est la croyance à l'astrologie. Si tous
les malades qui ont été soignés, depuis le début des
Retrouver ce titre sur Numilog.com

temps, par des médecins, étaient morts, il n'y aurait plus


de médecins. Mais des malades guérissent, et des consul-
tants d'astrologues apprennent sur eux-mêmes des véri-
tés cachées. Voilà ce qui fait que l'on consulte, depuis
le fils du roi Shuma-Usur, né le 29 avril 410 avant notre
ère. C'est le premier thème connu. Le second est celui
d'Alexandre le Grand, né à Pella (Macédoine) le 22 juil-
let 356 avant Jésus-Christ, sous le signe du Lion, bien
sûr. On consulte et on consultera. En France, actuel-
lement, deux très hautes personnalités politiques s'age-
nouillent chaque mois devant le petit dessin compliqué
que deux astrologues différents (heureusement !) inter-
prètent pour eux. Il ne semble pas que le général de
Gaulle le sache. L'apprendrait-il qu'il aurait un beau
haussement d'épaules. Il doit savoir que son propre
thème est un tel enchevêtrement de complexités que les
astrologues s'y cassent les dents.
Si on consulte, ce n'est déjà pas mal ; le problème ne
serait pas trop grave ; on pourrait parler à peu près clai-
rement à des gens qui sauraient ce qu'on leur dit. Mais
il existe dans le monde un nombre beaucoup plus res-
treint qu'on ne l'imagine d'astrologues sérieux, capables
de dresser un thème et surtout de l'interpréter convena-
blement. La deuxième dame dont j'ai parlé plus haut, par
exemple, celle de Passy, j'ai su plus tard, de façon cer-
taine, qu'elle était une très mauvaise astrologue, et
qu'elle était même assez dangereuse. Dans le cas de ma
fiancée, il est douteux qu'elle eût pu lire aussi précisé-
ment dans un thème les dates de mort de mes deux pro-
visoires beaux-parents supposés. Il est probable, et je ne
crois pas tomber dans une psychanalyse de bazar, que je
ne souhaitais pas épouser cette enfant, ou que je ne le
pouvais pas, et que ma pensée transmettait à cette dame
péremptoire toutes les armes qui pouvaient arrêter mon
projet. Je le répète : il y a beaucoup de très mauvais as-
trologues, et il y a beaucoup de médiums ignorants de
leurs dons parmi les consultants. Pour ma part, je sais
que mes pensées les plus secrètes se transmettent le plus
involontairement, parfois, et sont reçues par une certaine
catégorie d'êtres, et ne le sont pas par d'autres catégories.
Il vaut mieux admettre ce genre de choses, sans qu'il soit
nécessaire pour autant de les claironner. Le langage cou-
rant est plus humble que nous et détient la vérité quand
Retrouver ce titre sur Numilog.com

il nous fait dire : « Avec Untel, nous nous comprenons


à demi-mot... »
Mais on consulte finalement assez peu. On se borne à
« zodiaquiser ». Parce qu'on est Gémeaux, ou parce qu'on
croit l'être, on lit ce que l'on croit être un horoscope dans
un quotidien ou dans un magazine. Et on y croit aveu-
glément. Ou bien on y croit « un peu, tout de même ».
Or il faut bien dire ici, aussi nettement que possible,
l'imbécillité effrayante de ces prédictions pour les douze
signes du Zodiaque. Imbécillité absolue, car impossibilité
absolue de dire que tous les Béliers de la terre, aujour-
d'hui, vont être heureux en affaires, rencontrer une
femme blonde née sous le signe du Sagittaire, et devoir
se méfier d'un grand méchant Lion. Il existe des astrolo-
gues sérieux qui prêtent leur plume à ce genre de prédic-
tions, parce qu'il faut bien vivre et que tout le monde n'a
pas un ancien président du Conseil dans sa clientèle. Dans
ce cas, ils essaient de limiter les dégâts. Le plus souvent,
c'est à la mise en pages du journal qu'on s'amuse le plus :
en intervertissant les « prédictions » faites à tel et à tel
signes. Sachez-le. Dites-le autour de vous. Si cela vous
amuse, continuez. Pour tout vous dire : il m'arrive, à moi
aussi, de lire ce que l'on annonce aux millions de natifs
du Cancer, et de sourire, de me croire, un moment, bercé
par cette femme blonde du Capricorne, ou enfin pré-
senté à l'homme puissant qui va me « faire entrer dans
son affaire ».
Nous sommes donc tous des imbéciles. Nous, hommes
blancs de civilisations évoluées. Nous taquinons l'horos-
cope avec le secret espoir de forcer la chance, de trouver
un truc, au besoin de tricher avec notre vie pour décou-
vrir la formule du « tiercé dans l'ordre » qui nous ôtera
notre angoisse, notre peur de mourir, ou de mal aimer,
ou d'être pauvre. Notre secret espoir est un geste d'or-
gueil. Nous ne pensons pas : « C'est à des millions d'imbé-
ciles qu'on est en train d'annoncer ceci, c'est à moi seul. »
Nous prétendons parler d'égal à égal avec le Cosmos, avec
le Destin, avec Dieu, par l'intermédiaire de trois lignes
imprimées sur un journal, mais destinées à un seul
homme blanc : nous-même. L'homme moins évolué,
l'homme des civilisations dites primitives, a une grande
supériorité sur nous. Quand il consulte l'initié, le prêtre
de sa religion, il essaie de savoir s'il a offensé l'Invisible
ou si, au contraire, il est protégé par Lui. Il ne se pose
Retrouver ce titre sur Numilog.com

jamais la question qui nous hante : « Que va-t-il m'ar-


river ? » mais : « Qu'ai-je mérité de connaître ? » et il
se soumet aveuglément à tout un système de lois mora-
les, métaphysiques, physiques, à des épreuves, à des
ordalies, qui le conduiront à sa place dans l'Univers. Je
dis que cet homme moins évolué est dans la vérité, et
que nous sommes dans la nuit.
Mais cette nuit, comme vous l'aimez ! Comme vous êtes
heureux de pouvoir répéter que les médecins sont com-
plètement perdus de science, qu'ils errent et que ne sa-
chant plus quoi faire ils ont inventé d'administrer des
placébos, c'est-à-dire de l'eau distillée ! Comme cela vous
réjouit, de pouvoir narguer la Science, puisqu'elle a été
capable de vous désintégrer un jour possible, mais non
de vous rendre heureux sur la terre ! Comme vous êtes
heureux de pouvoir ironiser sur les prédictions de la Mé-
téorologie, qui est une science exacte, de plus en plus dif-
ficile à pratiquer, c'est vrai ! Et de même que vous dites
qu'il fera beau parce que la Météo annonce pluie, de
même affirmez-vous que vous serez heureux avec une
dame brune du Bélier, puisque vous êtes Gémeaux. Et
vous êtes content !

Le deuxième degré de l'expérience astrologique est


moins dangereux et plus utile. C'est celui de la typologie
zodiacale. On le trouvera dans ce livre.
Il n'est pas question, naturellement, de prédire quoi
que ce soit à des natifs de tel ou tel signe, mais de les
ranger dans une des douze grandes familles et de leur
montrer leurs caractéristiques communes. Ici, le seul
chiffre douze rassure. Parce qu'il y a douze mois dans
l'année, ou parce que les œufs se vendent à la douzaine,
on ne sait mais on est rassuré : on veut bien admettre
qu'il y ait douze types humains, comme il y avait douze
dieux dans l'Olympe, douze Grands Dieux de Gabies,
douze prêtres autour du dieu Mars Gravidus... Chaque
fois que nous voyons un Christ roman entouré de ses
douze disciples surmontés des douze signes du Zodiaque,
nous nous demandons si notre année n'aurait pas été dé-
coupée par le Zodiaque. Et si nous étudions des traités
d'astrologie ancienne, si nous regardons du côté des
Chaldéens, des Babyloniens, des Grecs, des Hittites, des
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Aztèques, des Egyptiens, des Hindous, des Malgaches (à


l'exception des astrologues Anakara, juifs islamisés émi-
grés jadis à Madagascar), nous retrouvons toujours, par-
tout, sous toutes les latitudes, la même division et géné-
ralement les mêmes valeurs de psychologie symbolique
attachées aux douze signes. Ce qui change, suivant les ci-
vilisations, c'est le sens du symbole, son usage pour ainsi
dire pratique. Ce qui est établi, dans la civilisation occi-
dentale, définitivement codifié par de subtils et lents em-
prunts à diverses traditions, c'est la valeur psychologique
des douze signes. A vrai dire, et on se demande comment,
cette valeur est très sensiblement la même dans les douze
signes reconnus au Laos depuis beaucoup plus longtemps
que nous.
Mais comment y croire ? Les douze signes du Zodiaque
ont été nommés d'après douze Constellations du ciel. Il
y a vraiment dans le ciel une constellation d'étoiles qui
forment une sorte de cheval, de centaure tirant à l'arc,
nommée le Sagittaire. De sorte que les hommes nés tan-
dis que le Soleil occupe cette constellation, c'est-à-dire
nés sous le signe du Sagittaire, seront des hommes forts,
épris de violence physique, attirés par le lointain (la flè-
che) et donc, par analogie, voués à l'aviation, au xxe siè-
cle, aux voyages intersidéraux du xxi" siècle, etc. Et
voilà pourquoi votre fille est muette. Mais il faut bien
reconnaître que si l'on observe les thèmes des cinquante
aviateurs les plus célèbres, de Lindbergh à Mermoz tous
ceux auxquels vous pensez, on trouve un impressionnant
coefficient-Sagittaire chez eux.
Dès lors, on est un peu ébranlé. Les adversaires de l'as-
trologie sourient. Ils savent qu'il y a un infime change-
ment chaque année dans l'axe de la terre, et que la pré-
cession des équinoxes risque fort de ridiculiser la théorie
basée sur la position réelle des étoiles dans chaque cons-
tellation. Les astrologues, avec une mauvaise foi générale-
ment égale à celle de leurs adversaires, ont une réponse
compliquée. Je ne vous l'inflige pas. En astrologie, toute
explication rationnelle est beaucoup moins convaincante
que les coïncidences pour le moins étranges sur lesquel-
les on bute à chaque pas. De plus, il est vrai que tout le
monde, dans cette querelle, est de mauvaise foi. J'ai
choisi la foi parce que je ne pouvais faire autrement.
C'est ma petite expérience du Zodiaque qui me dicte
cette foi, souvent rageuse, mêlée de rancunes, d'exaspéra-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

tions. Mais quoi ! Voici, devant moi, une représentation


de l'Homme-Zodiaque. Les douze signes affectent douze
parties du corps, le premier, celui du Bélier, posé sur la
tête, et le dernier, celui des Poissons, affectant les pieds.
Ainsi donc sommes-nous tous, sur cette terre, marqués
Dieu sait comment, et j'espère qu'il le sait, en un point
de notre corps ? Et c'est cela qu'il faut croire, entre au-
tres balivernes ? Eh bien oui. Il ne faut pas. Il ne faut
rien. Mais tandis que j'écris, je n'ai qu'à me souvenir. Il
est vrai que j'ai une bonne mémoire. Mettons que mon
signe, celui du Cancer, soit le signe du Passé, et il l'est,
mais je me souviens de tant de Béliers qui tombent sur
la tête, et de tant de Lions cardiaques, et de tant de Pois-
sons qui ne marchent pas mais glissent, pour ne pas par-
ler de Gémeaux qui ont les bronches fragiles, pour ne
pas parler de ce dont on ne parle pas... Qu'y puis-je ?
La zodiacomanie, on ne sait pas d'où c'est venu mais c'est
comme l' « Adagio » d'Albinoni : cela vous prend là et
ne vous lâche plus. C'est vrai que cela a toutes les appa-
rences de l'absurde, cette division de nos amis et de nos
moins amis en douze espèces. C'est vrai qu'on peste sou-
vent, qu'on a envie de dire, avec Jérôme Peignot : « Tu
as le Soleil dans les Gémeaux et ma main sur la figure ! »
C'est vrai qu'on a envie d'inventer un treizième signe, le
Caméléon, par exemple, et un quatorzième qui serait l'Hy-
dre à quinze têtes, et un seizième : le Serpent à
dix-sept pattes. Mais qu'y puis-je ? Parfois, je fais le
mort, je me désintéresse, je ne demande rien, j'écoute
parler un bonhomme sans savoir son « machin », je me
dis que je me trompe, que ce n'est pas possible, qu'on
est bien libre de naître quand on veut sans embêter le
monde, et puis voilà : en une heure, il s'est montré minu-
tieux, fidèle, tatillon, soucieux d'argent, pratique, brico-
leur, même, intelligent, sec, couche-tôt et naturiste... Bref,
chez cet humble aux regards fiers j'ai senti l'homme
Vierge. Et c'était bien cela. Comme il a un terrible sens
critique, je n'ai plus qu'à me bien tenir.
Ces douze types humains, ce que nous en savons, ce
que nous en disons, ou dessinons sur des foulards, des
pull-overs, des briquets, que sais-je, il est donc vrai que
c'est une sale histoire, inexplicablement sérieuse. Je dis
« sale » parce que nous en faisons cet usage, ce courrier
du cœur narquois, cette rengaine usée pour égayer nos
soirées.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Il est vrai aussi que vous pouvez être né sous le signe,


comme vous dites, du Bélier, et n'être pas Bélier. Il suf-
fit que votre Ascendant (non, ce n'est pas votre père mais
le point de l'Espace où l'horizon coupe à l'est l'Eclipt!-
que) soit en Taureau, et votre Lune et votre Mercure
en Taureau par exemple, pour que le Bélier soit, si j'ose
dire, éclipsé par le Taureau. Pourtant, il y aura toujours'
du Bélier en vous, très fort, et les valeurs-Taureau se-
ront moins parlantes que chez un Soleil-Taureau. D'une
façon générale, plus un signe-Soleil est fort plus on sent
sa disparition, ou son absence, dans un thème où il est
absent. Ainsi, il existe des Soleil-Lions (signe fort) qui
ont l'air faible, et très peu Lion, quand ils sont en réalité
Cancer ou Gémeaux (signes faibles). Mais un Cancer ou
Gémeaux, qui serait en réalité un Lion ou un Sagittaire
(signe forts) apparaîtrait beaucoup plus Cancer ou Gé-
meaux que Lion ou Sagittaire.
Cela vous ennuie ? J'entre trop dans les détails ? Vous
pensiez que c'était plus simple ? Vous m'en voulez de
vous contraindre à prendre au sérieux quelque chose que
j'ai piétiné, en commençant. Il fallait bien. Il fallait être
un peu honnête avec vous comme avec moi. Les détails
ont, en astrologie, une importance capitale. Même si on se
limite à l'examen des signes du Zodiaque. Douze façons
d'être, de vivre, c'est sommaire. Et prenez-y garde : si
vous vous limitez au Zodiaque, vous deviendrez pares-
seux. Vous croirez connaître quelqu'un parce que vous
l'aurez réduit à un seul signe. Vous direz qu'il est fier
puisqu'il est Lion, travailleur puisqu'il est Taureau,
nuancé puisqu'il est Balance. Bref, vous ne l'aurez pas
plutôt dévisagé que vous ne verrez pas son visage.

En astrologie, le Zodiaque ne suffit donc pas ? Il faut


donc en venir à ce fameux petit dessin compliqué ? Il
faut que chacun de nous, né à telle heure de tel jour, en
tel lieu, se réduise, se divise et s'augmente de tant de cal-
culs ?
Eh bien oui. Les calculs, du reste, ne sont pas si diffi-
ciles. Je connais un bon nombre de dames du monde,
ou à peu près, à peine bachelières et fort peu matheuses,
qui vous dressent un thème en huit à dix minutes, mu-
nies des « tables », annuaires indispensables (générale-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

ment édités en Allemagne ou en Angleterre). Il n'est pas


question d'expliquer ici, même sommairement, comment
cela se passe. Mais prenons une comparaison. L'étude
du corps humain est faite d'anatomie, de physiologie et
de pathologie. L'anatomie, en astrologie, ce serait la fa-
çon d'observer les signes, la position des planètes dans
les signes, celle des planètes dans les maisons, ou sec-
teurs. On saurait ainsi comment est fabriqué l'individu
que l'on examine. Puis, viendrait la physiologie : on sait
comment fonctionne cet individu quand on a étudié les
aspects (trigone, sextile, conjonction, opposition, carré),
qui expriment l'interaction des tendances animatrices,
qui montrent les planètes associées, ou rivales, ou diamé-
tralement opposées dans ce champ de bataille qu'est un
thème astral. Enfin, ce qui se nomme, en médecine, patho-
logie, ressemble à l'opération tentée par l'astrologue
quand il interprète les données du thème.
C'est ici, à cette interprétation, que commence le drame
possible. Tant qu'un astrologue, devant une situation
donnée, se contente de réciter l'enseignement tradition-
nel, il ne peut faire de trop graves dégâts. S'il aperçoit
un Soleil en Scorpion au carré de Neptune, il dira sans
doute que l'angoisse, chez le sujet, est une habitude fami-
lière, trop familière, non apprivoisée. Le sujet répondra
oui ou non. Oui, s'il est sincère. Non, s'il veut se montrer
plus fort que son carré de Neptune. Mais si l'astrologue
annonce au sujet qu'il va connaître, à partir de février,
un terrible transit de Saturne, que son Pluton va l'affec-
ter de douloureuse façon, si le même astrologue ne voit
pas qu'en même temps, l'effet bénéfique d'un transit de
Jupiter annule l'effet maléfique de Saturne... Bref, je
simplifie, je grossis, mais c'est pour montrer le danger
que le grand romancier Henry Miller a défini d'excel-
lente façon : « Les données, c'est quelque chose de méca-
nique : on sait toujours quand un homme est né. On con-
naît alors la position des planètes et les angles sous les-
quels elles brillent dans les différentes maisons. C'est une
simple formule mathématique. Mais il y a une grande
différence entre l'interprétation d'un astrologue ordinaire
et celle d'un poète. Cela relève de la critique, de l'inter-
prétation en musique. C'est toute la différence entre un
violoneux et un virtuose jouant le même morceau. Nous
lisons tous les mêmes journaux et nous en tirons tous
des conclusions différentes. Quelques-uns se tirent une
Retrouver ce titre sur Numilog.com

balle dans la tête après avoir lu certaines choses et les


autres restent intacts, ou pensent que ça passera, ou que
ce sera peut-être une bonne chose. Ce n'est pas le monde
qui change, ce sont les mots (1). »
Henry Miller ne pouvait mieux choisir sa comparaison.
Un thème astrologique à interpréter est comparable à un
très simple morceau de musique, disons une « Valse »
de Chopin, qui peut être fort correctement jouée, avec
toutes ses notes, dans un bon tempo, avec un sentiment
juste, par un bon élève, et ne ressembler à rien : c'est le
travail d'un honnête astrologue, qui ne dit rien. La même
« Valse », avec les mêmes notes, dans un tempo aussi cor-
rect, peut être détournée de son sens, en trois ou quatre
détails, et resembler soudain à du Ravel ou du Proko-
fiev : c'est le travail d'un astrologue coupable, ou qui
s'est amusé, ou qui se veut diabolique. La même
« Valse », », la même, peut être transfigurée, c'est-à-dire
rendue à son propre visage, celui de Chopin, par un Ru-
binstein : c'est ce que fait le bon astrologue, l'astrologue-
poète, quand il parle du thème qu'il a étudié.
Mais qui sera cet astrologue, à la fois précis, honnête,
pur, ouvert, libre et poète ? A quels signes le reconnaît-
on ? Je crois qu'il parle un peu moins qu'il n'écoute.
Quand on le quitte, on se sent éclairé mais on a l'impres-
sion d'avoir fourni tout le travail, d'avoir répondu à des
questions, d'être peut-être tombé dans des pièges. Bref, le
bon astrologue est celui dont on pense, après l'avoir con-
sulté, qu'il est un « fumiste » puisqu'il ne vous a récité
que ce que vous lui disiez de vous. Le dialogue est en
effet aussi nécessaire en astrologie qu'en psychanalyse.
Le sujet qui se bloque, qui attend, pour voir, qui pince
les lèvres, qui attend son astrologue au tournant, ne
saura rien. Car à chaque instant, l'astrologue se trouve
confronté à plusieurs carrefours. Seul, il peut se trom-
per. Aidé par le sujet, il peut aller plus loin et découvrir
a la fois le chemin suivi, les raisons de ce chemin, le
nouveau chemin qu'il faudra prendre, et celui qu'il fau-
dra absolument éviter. Devant un sujet silencieux, il n'y
a aucun chemin possible. Pour ne rien dire des sujets de
mauvaise foi. Je me souviens de l'un d'eux. Je lui lisais
son thème établi par un astrologue à qui je n'avais donné
(1) Extrait d'une interview d'Henry Miller par Lionel Olay.
LUI, Paris, avril 1964.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

que la date, l'heure et le lieu de naissance de mon ami


sans autre indication. Or ce thème, très riche, parlait
tout seul, comme on dit de certains Stradivarius qu'ils
jouent au moindre coup d'archet. A un moment donné,
je lus : « L'année 1942 semble avoir marqué une épreuve
pénible. Sentiment de limitation, de frustration, atteinte
à la liberté, angoisse... » Je m'arrêtai. Mon ami ne disait
rien. Je me souvins qu'il avait passé quelque temps, en
1942, à Miranda, en Espagne, dans un camp où les évadés
de France qui tentaient de rejoindre de Gaulle étaient
internés. Je lui rappelai ce souvenir. Il me dit textuelle-
ment : « Eh bien, oui, c'est vrai. Mais je ne me suis ja-
mais senti aussi libre qu'en prison !... Ton astrologue n'a
rien compris ! »

Faut-il donc s'abandonner, être pareils à des enfants


dans la main des étoiles ? Oui, si l'on veut bien admettre
qu'un véritable astrologue ne dit jamais : « Vous êtes
ainsi. Il vous est arrivé ceci. Il vous arrivera cela, mais
plutôt : « Vous ressemblez à ceci. Il vous est arrivé
quelque chose qui ressemblerait à ceci, et il pourrait vous
arriver, vers telle époque, quelque chose dont le symbole
serait cela. » L'homme, en ce cas, n'est jamais abaissé,
mais pris comme microcosme de l'univers cosmique, et il
y a une relation de type symbolique, non physique (et par
conséquent non mesurable scientifiquement), entre lui
et les astres. C'est de cette façon que C. G. Jung, dévelop-
pant la pensée célèbre de Gœthe, expliquait sa propre
croyance à l'astrologie, donnant le nom de « synchroni-
cité », et de « relation a-causale » aux modes d'explica-
tion des astrologues modernes. Autrement dit, nous som-
mes invités à croire que nous dépendons des astres, de-
puis la minute où nous avons poussé notre premier cri,
mais que cette dépendance n'est qu'une simple relation
inexplicable, imprévisible, imaginaire. Moyennant quoi,
notre astrologue nous dira que de ce premier cri, il déduit
que nous avons souhaité la mort de notre père vers notre
quatorzième année, et que notre travail nous vaudra des
gains importants dans six mois.
Ici, commence le gouffre. Suis-je né en tel lieu à telle
heure, et, plus précisément : l'accoucheur s'est-il occupé
Retrouver ce titre sur Numilog.com

de ma mère à ce moment précis, parce que les astres oc-


cupaient, eux, telle position dans le ciel ? Ou bien suis-je
né quand on y a pensé, par pur hasard, et la position
des astres résulte-t-elle de mes tendances héréditaires, de
la biographie de mes parents, etc. ? Les astres m'ont-ils
commandé ? Ai-je obéi ?... Ou bien les astres m'ont-ils
obéi, venant se placer à l'endroit où ils devaient être pour
que je ressemble à ce que je devais être ?
Je n'ai pas la tête bien métaphysique pour répondre, ou
même pour oser regarder de telles questions. J'aime bien
que la tête me tourne, mais pour le temps d'une valse.
Pourtant, soyez moins paresseux. C'est ici, en définitive,
la seule grande question de l'astrologie, qui peut n'être
qu'une caractérologie parmi d'autres, une façon poétique
de faire de la psychologie, une manière de subir les indis-
crétions de la psychanalyse en appelant Vénus notre vie
sexuelle et Scorpion notre stade anal. Ce ne serait pas
grave, enfin : pas trop grave. Ce qui est grave, c'est l'aveu
d'Henry Miller, auquel je souscris : « La seule raison
pour laquelle je suis si intéressé par l'astrologie, c'est
qu'elle me fournit une explication que rien d'autre ne
m'apporte. »
En effet, rien d'autre au monde. Quand je téléphone à
un bon astrologue pour lui dire : « Dites-moi, regardez un
peu le thème d'une personne née tel jour, à telle heure,
en tel lieu », sans même lui dire un nom, une profession,
un état civil, et que je reçois quelques jours après une
description exacte du caractère, de la vie passée, de la
vie présente, et un portrait de son avenir, en effet, rien
d'autre, personne, aucune science, aucune machine élec-
tronique, pas même moi, qui croyais connaître bien cette
personne, ne pourrait donner cette description.
Ainsi, après tant de milliers d'années, suis-je compara-
ble à je ne sais quel Hittite devant un chapeau pointu
constellé qui scrute ma vie en regardant par terre l'om-
bre d'un bâton. Ainsi, c'est le vol des oiseaux, les entrail-
les du poulet, le parfum de la foudre ? Ainsi l'astrologie
de Ptolémée a pu avancer et j'ai pu reculer jusqu'au
point de nous rejoindre ? Ainsi suis-je aussi fou que le
grand Gérard de Nerval qui, après s'être inventé une gé-
néalogie impériale, avait construit ses « Chimères » sur
Retrouver ce titre sur Numilog.com

les d o n n é e s de son t h è m e a s t r a l (1) ? Suis-je f o u a u


p o i n t de d é s o b é i r a u x a s t r e s , p u i s q u ' i l s m e p a r l e n t ?
Un h o m m e au moins, au monde, a voulu répondre à
n o t r e place à t o u s . C'est u n a d v e r s a i r e de l'astrologie, u n
h o m m e de science et de b o n n e v o l o n t é : Michel G a u q u e -
lin. Agacé p a r t o u t ce q u ' i l v o y a i t d ' a r b i t r a i r e d a n s ce
langage, il a r é p o n d u p a r des c h i f f r e s et des s t a t i s t i q u e s .
P r e n a n t les t h è m e s d ' u n t r è s g r a n d n o m b r e d ' h o m m e s
p o l i t i q u e s , de s p o r t i f s , d'officiers, d ' a c t e u r s , de m u s i c i e n s ,
de p e i n t r e s , de c h e f s d ' e n t r e p r i s e , il a v o u l u voir si les
p l a n è t e s c o r r e s p o n d a n t a u x d e s t i n s de ces h o m m e s occu-
p a i e n t v é r i t a b l e m e n t d a n s l e u r s t h è m e s les p l a c e s p r é p o n -
d é r a n t e s q u ' e l l e s devaient, selon les a s t r o l o g u e s , o c c u p e r .
S u r des m i l l i e r s de t h è m e s d'officiers, M a r s d e v a i t c u l m i -
ner, et J u p i t e r c u l m i n e r s u r des m i l l i e r s de t h è m e s de
c h e f s d ' e n t r e p r i s e . O r il a d v i n t q u e les r é s u l t a t s , d û m e n t
examinés p a r des statisticiens, a p p a r u r e n t h a u t e m e n t
p r o b a n t s . Les a s t r o l o g u e s n ' e n d e m a n d a i e n t p a s t a n t .
L e s a d v e r s a i r e s de l'astrologie d é c l a r è r e n t , ce q u i est ri-
dicule, q u e les d o n n é e s n ' é t a i e n t p a s assez n o m b r e u s e s ,
o u bien q u e les p a y s c h o i s i s ( F r a n c e , A l l e m a g n e , Italie,
H o l l a n d e , Belgique) é t a i e n t m o i n s r e p r é s e n t a t i f s q u e les
U.S.A. o u l'U.R.S.S. Q u a n t à l ' a u t e u r de ce g i g a n t e s q u e
travail, il c o n t i n u e à ne p a s c r o i r e à ce q u ' i l voit, il con-
t i n u e ses s t a t i s t i q u e s , s a n s a u c u n e aide officielle, s a n s q u e
ses t r a v a u x a i e n t e u l'écho q u ' i l s m é r i t e n t (2).
P o u r t a n t , là e s t la v é r i t a b l e voie. C'est ce q u ' a t r è s b i e n
v u J e a n Servier, p r o f e s s e u r d ' e t h n o l o g i e et de sociologie
à la F a c u l t é des l e t t r e s et des sciences h u m a i n e s de
Montpellier, q u a n d il a é c r i t : « Il est possible d ' é v a l u e r
le b i e n - f o n d é de l ' a s t r o l o g i e e n c o n f i a n t à des m a c h i n e s
é l e c t r o n i q u e s c e n t mille h o r o s c o p e s , p a r e x e m p l e , et a u -
t a n t de b i o g r a p h i e s m i s e s e n fiches p e r f o r é e s . Il n ' y au-
r a i t là, p o u r u n g r o u p e de c h e r c h e u r s , q u e q u e l q u e s
a n n é e s de travail, a p r è s q u o i n o u s s a u r i o n s , c h i f f r e s e n
m a i n , s'il f a u t a d m e t t r e o u i n t e r d i r e ; si l'astrologie d o i t
ê t r e e n s e i g n é e d a n s les facultés, c o m m e la psychologie,

(1) Cf. l'admirable livre de Jean Richer : «Nerval, expérience


et création" (Hachette, 1963), et notamment l'explication astro-
logique du sonnet « El Desdichado ».
(2) « Les hommes et les astres », par Michel Gauquelin —
Denoël, i960
Retrouver ce titre sur Numilog.com

par exemple, ou démasquée comme une escroquerie (1). »


En effet, si elle est fondée : que cette discipline soit
reconnue et pratiquée, qu'on veuille bien la mettre sur le
même pied que les psycho-tests ou la graphologie ou la
physiognomonie, qui ont droit de cité, et que les entre-
prises les plus officielles utilisent pour engager leur per-
sonnel. Et si elle n'est pas fondée : qu'elle soit interdite,
car un thème analysé peut causer beaucoup plus de ra-
vages qu'une tache d'encre interprétée. Mais qui voudra
examiner ? Quels professeurs d'universités voudront don-
ner ce labeur à leurs étudiants ? Quels journaux voudront
faire travailler ensemble leurs publics et les astrologues,
comme je n'ai cessé de le proposer ? Quand la Radiodif-
fusion-Télévision française, passant outre certains inter-
dits tout à fait occultes, mais dont nous savons l'origine,
voudra-t-elle organiser, sous la forme, au besoin, d'un
« jeu », dont je connais les règles, à la fois divertissantes
et utiles, la mise en question de l'astrologie ?
La vérité, c'est que vous voulez à la fois craindre les
résultats, railler les charlatans, croire que tout cela
« n'est pas faux », et brandir l'étendard de la Raison. Le
dernier astrologue officiel français s'appelle Morin de
Villefranche. Il travailla pour Richelieu et pour Mazarin.
Il dressa le thème formidable de Louis XIV. En 1666,
Colbert interdit aux membres de l'Académie des Sciences
de s'occuper d'astrologie. Depuis Colbert, les « sphères
officielles » ont la même peur des astres cachés. Les mê-
mes sphères n'ont peur que dans leurs discours des bom-
bes que nous ne réclamions pas. Faire exploser la Terre,
ce n'est pas dangereux : c'est de la stratégie politique.
Voir si Jupiter réchauffe, magnifie les hommes, c'est dan-
gereux. Laisser les hommes mourir de faim, ce n'est pas
dangereux : c'est un malaise économique. Voir si Vénus
ou Mercure éclairent les hommes, les exalte, c'est dange-
reux.
J'ai reçu à Marie-Claire, pendant quatre ans, pour y
avoir donné de bien innocents articles sur la psychologie
des signes du Zodiaque, des lettres qui étaient bien sou-
vent, bien trop souvent, des confidences ; mais plus sou-
vent encore des lettres d'angoisse. J'imagine que les cha-
peaux pointus constellés de l'An Mil devaient être déposi-
(i) «L'homme et l'invisible,., par Jean Servier — Robert
Laffont, 1964.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

taires des mêmes angoisses et recevoir les mêmes suppli-


cations : « Conduisez ma vie ! » L'homme d'aujourd'hui
n'est jamais plus grand que l'homme d'hier. Au moins
avons-nous sous la main, aujourd'hui, des hommes, du pa-
pier, des machines, une technique qui nous permettrait
de savoir de quoi nous sommes malades quand nous par-
lons aux étoiles, ou comment nous pourrions leur parler
si ce n'est pas une maladie.
Voilà pourquoi je hais l'astrologie : parce qu'elle n'a
pas su se faire aimer, ni détester, ni comprendre, ni
même apercevoir. Et qu'il y a là une faiblesse trop mys-
térieuse. A moins que Dieu ne l'ait voulue ainsi ?
Voilà pourquoi, aussi, je m'y suis habitué, comme on
s'habitue à sa taille, ou à un léger asthme. Jusqu'au jour
de ma mort, tantôt souriant, tantôt ricanant, je l'interro-
gerai. Il est probable qu'au médecin qui viendra m'assis-
ter je demanderai sa date de naissance. Il sourira. Moi
aussi, j'espère. Nous n'en saurons pas davantage.
François-Regis BASTIDE
Pentecôte 1964
Retrouver ce titre sur Numilog.com

N'OUBLIEZ JAMAIS...
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

* que l'Astrologie n'est pas une science exacte mais un en-


semble de traditions interprétées. Plus exactement : une façon
cohérente d'animer les symboles. Dites, si vous voulez, que
l'Astrologie est une symbolique exacte ;
* qu'il n'y a pas de « décans », en Astrologie. Cela n'existe
pas. Cela ne sert à rien. C'est un procédé journalistique pour
vendre des « horoscopes » ;
* qu'on ne peut rien dire de sérieux sur un individu tant
qu'on n'a pas dressé son thème complet, en maniant le Zo-
diaque, les planètes, les maisons, l'ascendant, et surtout les
aspects. Il faut dix à vingt minutes pour dresser un thème. Il
faut parfois plus de quatre heures p o u r l'interpréter ;
* qu'il existe une race d'astrologues minutieux, légèrement
paranoïaques et soucieux de leurs comptes en banque, qui ont
la manie des prédictions précises. Je connais quelqu'un à
qui on a interdit de p r e n d r e ses vacances « à l'Ouest», cette
année. C'est du délire. Si vous rencontrez un astrologue de
cet acabit, enfermez-le et prévenez-moi ;
* qu'il existe finalement assez peu d'individus complètement
« signés » p a r un signe du Zodiaque. Ce sont généralement
des gens de génie ou des fous, parfois les deux. Hitler était
très Bélier, Napoléon était très Lion. Ce sont de beaux thèmes
a analyser. Mais on préfère fréquenter des gens comme vous
Retrouver ce titre sur Numilog.com

et moi qui ont le Soleil dans tel signe, l'Ascendant ailleurs,


Mercure et Vénus ailleurs encore et un lot tout à fait décent
d'aspects favorables ou défavorables. Si vous rencontrez un
monsieur qui vous dit de façon péremptoire qu'il a cinq pla-
nètes et l'Ascendant en Scorpion, p a r exemple, s'il vous paraît
tout content de cet état, fuyez. Fuyez tout de suite. Si c'est un
génie, vous le saurez un jour. S'il est fou, vous n'êtes pas alié-
niste ;
* que dire : « entre tel et tel signe, il y a accord ou désac-
cord », est une approximation souvent vraie, parfois amu-
sante, parfois dangereuse. Vraie le plus souvent. On n'y peut
rien. Si vous êtes Cancer, p a r exemple, vous savez que vous
ne connaissez pas beaucoup de gens nés sous le signe de la
Balance. C'est ainsi. Et vous hantez les Béliers. Mais bornez-
vous à constater. De même, si je vous dis que Taureau et Scor-
pion s'entendent bien, qu'ils sont un des axes du Zodiaque,
que vous êtes Scorpionne et que votre époux est Taureau, vous
serez enchantée. Vous direz : « Comme c'est vrai, tout de
même, l'Astrologie ! » Mais en réfléchissant un peu, vous de-
vriez constater du même coup que tous les Hommes Tau-
reaux du monde sont vos compléments directs. Ce qui pour-
rait rendre votre époux diablement inquiet, car il y a
probablement un douzième d'hommes, sur la terre, qui sont
Taureaux. C'est beaucoup, non ? ;
* que les gens esclaves de l'Astrologie sont des faibles, des
abouliques, des malades probables.
* qu'il n'y a pas de bons ou de mauvais signes. Il n'y a pas
de bons ou de mauvais départements français, ou Etats amé-
ricains. Un Corse et un Picard, un Louisianais et un Texan
sont différents, c'est tout ;
* que l'Astrologie, enfin, même ici, dans ce livre qui ne
traite que du Zodiaque, est une excellente école. Elle
vous force à penser à vous-même. Non pas à votre nom-
bril, que vous connaissez, mais aux visages de vous-
même que vous ignoriez. Elle vous dévisage. Elle vous
envisage. Elle vous projette ailleurs, demain. C'est une
gymnastique du caractère et de l'imagination. Chaque
fois que vous pourrez vous dire : « Je ne suis pas tout à
fait ainsi, mais je pourrais l ' ê t r e » , vous changerez votre vie.
Vous ne vous ferez plus du cinéma. Vous vous ferez autre.
Du même coup, vous verrez mieux les autres, vous les com-
prendrez. Ainsi, vous connaissant tel que vous êtes et pouvant
aimer les autres tels qu'ils sont, vous aurez uni les deux pré-
ceptes de Socrate et du Christ. Ce qui n'est pas si mal.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

...PETIT ZODIAQUE ILLUSTRÉ


Retrouver ce titre sur Numilog.com
VOS POINTS FAIBLES

Vous aimerez peut-être aussi