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Figures du maître. De l'autorité à l'autonomie. Rennes, Presses universitaires, 2013, Coordination éditoriale
de Cristina Noacco, Corinne Bonnet, Patrick Marot, Charalampos Orfanos
9.111. Dieu a acheté aux croyants leurs personnes et leurs biens parce que le
Paradis leur est réservé. Ils combattent dans le chemin de Dieu : ils tuent et ils
sont tués. C'est une promesse qu'Il a souscrite en vérité dans la Tora, l'Evangile
et le Coran. Qui donc tient son engagement mieux que Dieu ? Réjouissez-vous
donc du pacte que vous avez conclu. C'est cela le bonheur suprême.
Le croyant qui tue est le Sheikh et celui qui se fait tuer est le disciple, cet
engagement est en vérité effectué avec Allah ; le maitre voit le disciple comme
un dépôt de Dieu et le disciple voit le Sheikh comme une porte d’accès, ils sont
donc liés et c’est Allah lui-même qui scelle ce pacte initiatique. Dieu nous dit
pour terminer ce verset que c’est cela le bonheur suprême !
Qu’est-ce qui nous empêche de comprendre ce qu’Allah attend de nous et qui
nous est enseigné dans le livre en nous-même et par le monde ?
On parle beaucoup de l’ego, ou de l’âme instigatrice du mal, mais avons-nous
conscience qu’elle est ce que nous croyons être, comment pourrions-nous nous
en affranchir ? Beaucoup pense que cela n’est pas si difficile, qu’ils y
parviendront avec un peu de bonne volonté et d’une rationalité bien aiguisée,
ou à l’aide d’un peu de jus de goyave après un bon « yoga », pourtant peu
d’entre-nous sommes capables de nous soumettre à une instance extérieure à
nous-mêmes. Or cela doit nécessairement signifier faire ce que a priori nous ne
voulons pas.2 Si Noblesse oblige alors nous pourrions dire que lâcheté autorise.
Qui est capable de réellement, sincèrement s’opposer à son âme ? De s’obliger
à une véritable maïeutique.
Nous le faisons parfois pour notre corps lorsqu’on se subordonne à un patron ou
à des représentants politiques et profanes mais nous sommes comme repousser
par l’idée de le faire sans aucune contrepartie matérielle ou psychique.
C’est que nous ne croyons simplement pas que le jeu en vaille la chandelle. C’est
la vie spirituelle qui nous est donnée en échange, « la vraie vie » c’est cela le
bonheur suprême nous dit Allah dans le Coran comme nous l’avons vu dans le
verset 9.111.
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Quand tu te tiens à l’écart de la pensée et de la volonté personnelle. Jacob Boehme, De la vie supersensuelle.
Pourtant on se soumet, souvent lâchement et à mauvais escient pour tout un tas
de raisons profanes, la femme, les enfants, le travail, les loisirs… sans que nous
consentions à concevoir une quelconque soumission à une autorité spirituelle !
Que le musulman y pense bien lorsque face au cheikh il se sent révolté à l’idée
d’oser abandonner sa souveraineté individuelle alors que, toute chose égale par
ailleurs, le capitalisme implique le même type de subordination entre un patron
et son salarié. Qu’a-t-on à perdre ? qu’a-t-on à gagner ?
3
La négation de soi de Ananda Coomaraswamy in Essais métaphysiques.
qui va du disciple au Sheikh puis l’effet qui en résulte, tout cela les soufis
l’appellent l’Amour, c’est toujours l’unique et même cause, l’unique et même
effet, l’unique cause de sobriété, l’unique cause d’ivresse. L’Amour est au début
et l’Amour est à la fin, mais il faut se garder d’imaginer le « cœur » comme le
siège symbolique des émotions, il ne s’agit pas d’une vague sentimentalité, ni
même de techniques de management tels que peut l’imaginer le neuro-
marketing, le maitre nettoie in concreto le cœur du murîd, pour pouvoir y
déposer une partie de son propre secret, cet Amour n’a donc pas de limite et il
demeure en lui-même indéfinissable.
Ce travail du maître est très développé dans la lignée Naqshbandiyya, à tel point
que le Mujaddid al-alf al-thânî Ahmad Sirhindî, un maitre éminent de cette voie,
en parlant d'un maqâm qu'il a atteint, déclare y être parvenu '' par l'effet du seul
tawajjuh '' de son maître4.
Si l’on comprend ce que nous disions sur la « négation de soi », élément
indispensable à la voie initiatique d’une part et la pratique de la rabita et de
l’action correspondante du maitre à l’égard du disciple d’autre part, on doit
forcément percevoir ici l’épistémè traditionnelle dans toute la force de sa
logique qui comme nous le disions, s’oppose à la révolte individualiste, révolte
qui pousse la plupart d’entre nous à rejeter l’idée d’un maitre spirituel, alors que
la transmission et l’éducation qui va avec est au cœur de l’Islam comme de
toutes traditions.
La confiance vis-à-vis du maitre, dans ce cadre est quasiment indispensable pour
pouvoir se défaire de soi-même, se défaire de soi-même est le seul moyen de
gouter à la « lumière muhammadienne » (Nûr Muhammad, nûr muhammadî).
Quiconque s’oppose publiquement à la transmission de ce flambeau et aux
modalités traditionnelles de cette transmission ainsi qu’aux moyens d’éducation
afférents, lorsqu’ils sont clairement disponibles, doit rapidement revenir sur ses
pas.
Melki al Mahi
4
Maktubât-i Imâm rabbânî, Lucknow, 1889; autres éditions Delhi cité par Michel Chodkevicz
Le compagnonnage dans la quête du bonheur.
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