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Qu’est-ce
que l’Église ?
Questions cruciales

Qu’est-ce
que l’Église ?

R. C. S P R O U L
Édition originale en anglais sous le titre :
What Is the Church?
© 2013 par R. C. Sproul
Publié par Reformation Trust Publishing, une division de Ligonier Ministries
421 Ligonier Court, Sanford, FL 32771, U.S.A.
Ligonier.org ReformationTrust.com
Tous droits réservés. Traduit et publié avec permission.

Pour l’édition française :


Qu’est-ce que l’Église ?
© 2021 Publications Chrétiennes, Inc.
Publié par Éditions La Rochelle
230, rue Lupien, Trois-Rivières (Québec)
G8T 6W4 – Canada
Site Web : www.editionslarochelle.org
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Publications Chrétiennes exprime toute sa gratitude à Ligonier Ministries


Canada (www.ligonier.ca) qui, par son soutien, a rendu possible la publication
de ce livre en français.

Traduction : Myriam Graffe


Adaptation de couverture et mise en page : Rachel Major

ISBN (broché) : 978-2-924895-30-6


ISBN (eBook) : 978-2-924895-31-3

Dépôt légal – 3e trimestre 2021


Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada

« Éditions La Rochelle » est une marque déposée de


Publications Chrétiennes, Inc.

À moins d’indications contraires, les citations bibliques sont tirées de la


Nouvelle Édition de Genève (Segond 1979) de la Société Biblique de Genève.
Avec permission.
Table des matières

1 L’Église est une . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2 L’Église est unie dans la vérité . . . . . . . . . . . . 11

3 La doc trine divise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

4 Visible et invisible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

5 L’Église est sainte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

6 L’Église est universelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

7 L’Église est fondée sur les apôtres . . . . . . . . . 47

8 Des ser viteurs du Seigneur . . . . . . . . . . . . . . . 53

9 Les carac téristiques d’une véritable Église . . . 57

5
Chapitre 1

L’Église est une

A u chapitre 17 de l’Évangile selon Jean, Jésus nous offre


la prière la plus complète qui nous soit rapportée dans le
Nouveau Testament. Il s’agit d’une prière d’intercession, dans
laquelle il prie pour ses disciples et pour tous ceux qui croiront
grâce au témoignage de ces derniers. Cette prière est connue
sous le nom de « prière sacerdotale ». Jésus y demande à son Père
que son peuple ne forme qu’un, et c’est l’un des thèmes centraux
de cette prière. Nous voyons dans sa requête qu’il souhaite
l’unité des chrétiens. Pourtant, nous sommes aujourd’hui au
XXIe siècle, et l’Église n’a probablement jamais été aussi frag-
mentée. Cette situation critique est née de la question suivante :
« Qu’est-ce que l’Église après tout ? »
Historiquement, dans le symbole de Nicée-Constantinople,
l’Église a été définie par quatre mots-clés. Elle est : 1) une,

7
Qu’est-ce que l’Église ?

2) sainte, 3) catholique et 4) apostolique. Dans notre étude


de la nature de l’Église, j’aimerais examiner avec vous ces
quatre caractéristiques.
Tout d’abord, l’Église est une. Vraiment ? Si nous examinons
le paysage de la chrétienté moderne, le dernier mot que nous
pourrions utiliser pour la décrire serait une ou unifiée.
Comment devons-nous comprendre et réagir à la prière
de Jésus pour l’unité de l’Église et à la déclaration historique
de l’Église selon laquelle elle est une ? Différentes réponses
ont été adoptées au cours de l’histoire. Au XX e  siècle a eu
lieu ce que l’on a appelé « le mouvement œcuménique ». Il
s’agissait d’une tentative, du Conseil œcuménique des Églises
et autres organismes, de former ou de réformer des groupes
confessionnels dissidents en un seul organisme ecclésiastique
centralisé. L’objectif global du mouvement œcuménique était
de restaurer l’unité de l’Église visible. L’une des conséquences
de ce mouvement en faveur de l’unité a été l’augmentation du
nombre de fusions entre des dominations qui étaient aupa-
ravant divisées. Malheureusement, lorsque deux Églises ou
dénominations fusionnent, il arrive souvent que certaines
personnes ne soient pas d’accord avec la fusion et quittent la
nouvelle organisation pour en créer une nouvelle, correspon-
dant davantage à leurs valeurs. Dans leur effort d’unification
pour diminuer le nombre d’Églises, ces mouvements en ont
simplement créé davantage.
En outre, un autre problème est apparu : celui du pluralisme.
Le pluralisme est une philosophie qui prône la coexistence d’une

8
L’Église est une

grande diversité de points de vue et de doctrines au sein d’un


même organisme. Lorsque de nombreux conflits doctrinaux ont
émergé de certaines Églises, celles-ci ont essayé de préserver la
paix et l’unité tout en tenant compte des opinions divergentes
en leur sein, dans une tentative de faire coexister des points de
vue conflictuels.
Plus l’Église devient pluraliste, plus le nombre de points de
vue contradictoires tolérés augmente. En conséquence, l’unité
organisationnelle et structurelle devient la préoccupation cen-
trale. On s’efforce alors de maintenir à tout prix l’unité dans
l’Église. Malheureusement, il y a toujours un prix à payer pour
cela, et l’histoire a montré que ce prix a été la pureté confes-
sionnelle des Églises.
Avec l’apparition du mouvement protestant, aux XVIe et
XVIIe siècles, des dénominations ont été créées. Il s’agissait
plus précisément de déclarations de credo qui énonçaient les
doctrines adoptées et confessées par ces Églises. Pour la plupart,
ces documents confessionnels résumaient les principes fonda-
mentaux de ce que signifie « être chrétien » ; des concepts tels
que la croyance en la Trinité ainsi qu’en la double nature qui
réside dans la personne de Christ, et la résurrection corporelle.
Pendant des siècles, le protestantisme a été défini par le corps de
doctrines confessées par chaque organisation, mais de nos jours
le mouvement œcuménique se résume en partie à la relativisa-
tion de ces anciennes confessions. Par ailleurs, certaines Églises
ont tenté d’élargir leur base confessionnelle pour s’aligner sur
le pluralisme afin de rétablir l’unité de l’Église visible.

9
Qu’est-ce que l’Église ?

Pourquoi faire partie d’une Église ? J’ai remarqué depuis


quelque temps que certains ont pris l’habitude de passer d’une
dénomination à l’autre. Ils ont tendance à aller là où ils aiment le
pasteur, la prédication, la musique ou un programme particulier.
Les gens n’ont souvent aucun scrupule à passer d’une dénomina-
tion à une autre ou d’une Église à une autre. Malheureusement,
il est rare que ces personnes se soucient du credo de l’Église.
Nous devons toutefois nous rappeler que, lorsque l’Église a
été appelée à l’unité dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul
parlait d’unité en ces termes : un seul Seigneur, une seule foi et
un seul baptême. Il n’est pas simplement question d’une unité
superficielle où l’organisation et la méthodologie seraient uni-
fiées, mais d’abord et avant tout d’une confession de foi unifiée
en la personne et l’œuvre de Christ. De plus, le contenu de cette
confession doit faire l’objet d’un accord. Malheureusement,
on observe une rupture de l’Église sur le point même où il ne
devrait y avoir qu’unité, à savoir dans l’Évangile apostolique.

10
Chapitre 2

L’Église est unie dans


la vérité

N ous avons appris jusqu’ici qu’il existe quatre carac-


téristiques principales de l’Église de Christ : elle est
une, sainte, catholique et apostolique. Nous avons examiné
l’unicité ou l’unité de l’Église en nous penchant sur cer-
tains des problèmes historiques qui sont apparus lors de
l’émergence du mouvement œcuménique. Cet œcuménisme
cherche à apporter à l’Église autant d’unité visible, organisa-
tionnelle et institutionnelle que possible. Dans le sillage de
ce mouvement, les Églises ont jugé nécessaire d’élargir leurs
fondements théologiques et confessionnels afin d’accueillir
les théologies divergentes au sein de l’institution. C’est ce
qu’on appelle le pluralisme.

11
Qu’est-ce que l’Église ?

Il y a toujours eu un certain degré de pluralisme au sein


du christianisme historique. J’ai suivi un cours à l’université
appelé « L’histoire de l’hérésie ». En tant qu’étudiants, nous
avons dû examiner certaines des controverses théologiques les
plus volatiles de l’histoire de l’Église. Nous avons examiné
l’hérésie ébionite, l’hérésie docétique et l’hérésie gnostique.
Nous avons également étudié les célèbres conciles ecclésias-
tiques comme ceux de Nicée et de Chalcédoine. Lors de ces
conciles, différentes variétés d’hérésies relatives à la christo-
logie ont été abordées. L’Église a toujours été confrontée à
certaines formes d’hérésie, et elle a toujours fait la distinction
entre l’hérésie et l’erreur. Il ne s’agit pas d’une distinction de
nature, mais de degré. L’Église est toujours en proie à des
erreurs, ou du moins aux pensées ou croyances erronées de
certains membres. Mais lorsqu’une erreur devient si grave
qu’elle menace la vie même de l’Église et affecte les éléments
essentiels de la foi chrétienne, alors l’Église doit prendre posi-
tion et dire : « Ce n’est pas ce que nous croyons. Cette fausse
croyance est une hérésie et ne peut être tolérée au sein de
l’Église visible. » Historiquement, c’est ce qui s’est passé lors
des conflits théologiques.
Il est important de comprendre qu’il existe des erreurs dites
« non essentielles », c’est-à-dire des erreurs dans lesquelles le salut
n’est pas en jeu. Depuis de nombreuses années, les chrétiens
débattent du mode de baptême approprié. Est-ce l’immersion,
l’aspersion ou l’effusion ? Cependant, peu de personnes dans
l’histoire du christianisme ont soutenu qu’un certain type de

12
L’Église est unie dans la vérité

baptême était essentiel à la chrétienté et au salut. D’un autre


côté, la plupart des chrétiens admettront que toute vérité est
importante et que l’obéissance totale dans la vie chrétienne
l’est aussi. Bien que nous ne soyons pas d’accord sur certains
points, nous reconnaissons que nous essayons tous de plaire à
Dieu et d’obéir aux Écritures. Malgré cela, il arrive que nous
ne soyons tout simplement pas d’accord.
En ce qui concerne le péché en général, la Bible parle d’un
amour qui couvre une multitude de péchés. Il existe toutefois
des péchés spécifiques qui sont si détestables qu’ils exigent une
certaine discipline dans la vie de l’Église. Dans de nombreux
cas, il existe des procès formels qui peuvent conduire à la radia-
tion d’une personne de l’Église.
Dans le Nouveau Testament, l’excommunication n’est pas
prescrite pour chaque péché qu’une personne commet. Au
contraire, l’amour, la patience, la tolérance et la longanimité
doivent caractériser les chrétiens. Nous devons supporter les
faiblesses des uns et des autres avec patience et amour. Nous
ne devons pas essayer de faire de chaque divergence d’opinions
un cas disciplinaire.
Par le passé, l’Église a reconnu qu’il existe des différences
d’opinions non essentielles au salut. Elles n’affectent pas l’esse
(terme latin signifiant « essence », « être » ou « substance »)
de l’Église. Certaines questions, à l’inverse, affectent l’essence
même du christianisme. Ce sont ces questions qui ont été débat-
tues dans les controverses doctrinales les plus troublantes de
l’histoire de l’Église.

13
Qu’est-ce que l’Église ?

Toutefois, il existe encore un autre degré. Il y a en effet des


erreurs qui ne sont pas nécessairement des inexactitudes par
rapport à l’essence du christianisme, mais qui renvoient à ce que
nous appelons le bene esse. Le mot latin bene veut simplement
dire « bien ». Nous faisons donc une distinction entre les erreurs
qui affectent l’être de l’Église (hérésie majeure) et celles (hérésies
de moindre importance) qui affectent le bien-être de l’Église.
L’Église a toujours eu du mal à préserver à la fois l’unité et
la pureté. Ma grande crainte est qu’une sorte de mouvement
œcuménique cherchant à neutraliser et relativiser la doctrine
s’installe dans la nouvelle génération. Ce mouvement aurait
tendance à remettre en question des vérités fondamentales
telle que la divinité du Christ ou son expiation – au nom de
l’unité visible.
La crise à laquelle l’Église est confrontée aujourd’hui est en
grande partie le résultat de l’impact des Lumières sur l’Église au
XVIIIe siècle, et de l’avènement de ce qu’on a appelé le libéra-
lisme du XIXe siècle. Autrefois, être libéral signifiait simplement
être libre et ouvert. En soi, le terme libéral décrit une vertu,
mais lorsqu’il se termine par le suffixe -isme, il fait référence à
un courant théologique particulier qui a énormément influencé
l’Église visible au-delà des frontières confessionnelles. Ce cou-
rant est né dans la pensée de théologiens allemands qui ont
attaqué les dimensions surnaturelles du christianisme historique
et nié la validité des miracles bibliques. Ils ont essayé de réduire
la foi chrétienne à un code moral ou à un système de valeurs.
Il aurait été préférable qu’ils quittent les Églises orthodoxes et

14
L’Église est unie dans la vérité

cherchent à établir une religion complètement nouvelle, car en


réalité, c’est ce qu’ils étaient en train de faire.
Mais ce n’est pas ce que la grande majorité des libéraux ont
fait. Au lieu de cela, ils ont cherché à maintenir leur position
dans l’Église visible en s’emparant des séminaires, des univer-
sités, des conseils et des organismes des principales dénomina-
tions. C’est pourquoi une lutte catastrophique a eu lieu au début
du XXe siècle en Amérique, connue sous le nom de « controverse
fondamentaliste-moderniste ».
Les Églises ont commencé à se diviser entre libéraux et
conservateurs, et entre évangéliques et modernistes. Dans de
nombreux cas, libéraux et conservateurs ont continué à coexister
au sein de grandes dénominations, mais pas du tout de manière
pacifique. Depuis lors, de nombreuses dénominations se sont
divisées, à tel point que les Églises traditionnelles ne sont désor-
mais plus réellement des Églises traditionnelles, du moins en
matière de taille et d’influence. Les Églises évangéliques n’ont
cessé de croître, tandis que les Églises traditionnelles qui ont
été conquises par le libéralisme ont connu un certain déclin.
Une dénomination en particulier a perdu plus d’un million de
membres en seulement deux ou trois décennies.
Je suis étonné de constater que tant de personnes semblent
ignorer la théologie distinctive du libéralisme du XIXe siècle.
Il semble que les pasteurs qui ne croient pas à la divinité de
Christ, à son expiation ou à sa naissance virginale bénéficient
encore d’une confiance publique. Beaucoup de gens sont cho-
qués d’entendre que, dans certaines dénominations, près de

15
Qu’est-ce que l’Église ?

quatre-vingts pourcents des pasteurs nient tout bonnement


ces vérités. Les gens se demandent : « Pour quelle raison un
pasteur ne croirait-il pas en ces choses ? » Et je réponds qu’il n’y
a là rien de nouveau. Ce problème ne date vraiment pas d’hier.

16
Chapitre 3

La doctrine divise

L orsque j’étais encore un jeune garçon, j’ai appris ce dicton,


qui m’a souvent servi : « Les spécimens ornithologiques
au plumage identique ou similaire ont tendance à se rassembler
dans la plus grande proximité possible. » Ou pour faire court :
« Les oiseaux au même plumage s’assemblent. » Nous avons
tendance à vouloir nous rassembler avec des personnes dont
nous partageons les valeurs et les points de vue. En réalité, l’un
des scandales du protestantisme est que, bien souvent, l’appar-
tenance à une Église n’est pas définie par une confession de foi
commune, mais plutôt par des similitudes socio-économiques.
Autrefois, l’une des choses que je respectais le plus au sujet de
l’Église catholique romaine était qu’elle soit établie selon un sys-
tème de paroisses. Nous ne voyons pas une, deux, trois, quatre
voire cinq églises catholiques romaines dans le même quartier

17
Qu’est-ce que l’Église ?

comme il arrive de voir parfois plusieurs églises baptistes ou


presbytériennes à proximité les unes des autres.
L’unité du Nouveau Testament désigne une unité de foi.
L’Église catholique romaine a décidé d’avoir des personnes issues
du patronat, du monde ouvrier et de diverses origines ethniques
dans la même congrégation. C’est une pratique merveilleuse, car
une Église ne doit pas être destinée à un groupe démographique
particulier. L’ensemble de la société est appelé à former le corps
de Christ. Dans la communauté du Nouveau Testament, il n’y
avait pas d’Église baptiste à Éphèse, pas plus qu’il ne s’y trouvait
d’Église presbytérienne ou luthérienne. Il y avait tout simplement
l’Église d’Éphèse. Certes, de nos jours, on trouve encore parfois
une seule église dans les petits villages et les petites villes, mais
la plupart du temps, un large panel d’églises nous est proposé.
Cependant, il convient de préciser encore une fois que l’unité
dont parle le Nouveau Testament est une unité de foi, instaurée
en raison d’un engagement commun envers la vérité et l’Évan-
gile. De nos jours, nous assistons à des tentatives d’atteindre
l’unité grâce à des structures organisationnelles visibles. Une
autre façon d’essayer de définir l’unité est de concentrer nos
efforts sur ce que l’on peut appeler « l’unité spirituelle ».
Je me souviens que, dans les années 1970, lorsque j’étais
en Pennsylvanie au Ligonier Valley Study Center, nous avons
accueilli un groupe de chrétiens venus de France pour nous
rendre visite. Il s’agissait d’un groupe de chrétiens charisma-
tiques. Ils partageaient leur expérience charismatique mais
provenaient de différents milieux religieux. Certains étaient

18
La doc trine divise

luthériens, d’autres catholiques, pentecôtistes ou presbyté-


riens. Ils parlaient avec beaucoup de joie et d’enthousiasme de
l’unité qu’ils expérimentaient parce qu’ils ne faisaient qu’un
dans l’Esprit.
Étonné par leur sens évident de l’unité, je leur ai demandé :
« Comment avez-vous réussi à surmonter vos importantes
différences historiques ? » Ils m’ont répondu : « Lesquelles,
par exemple ? » Alors j’en ai mentionné quelques-unes. Ce
n’était pas une bonne idée de ma part, car en moins de cinq
minutes, ils étaient à couteaux tirés sur ces sujets. En d’autres
termes, ils étaient capables d’être unis seulement tant qu’ils
mettaient de côté leurs différences doctrinales. Discernez-
vous la tension dans tout cela ? D’un côté, la fraternité et
l’unité spirituelle, qui sont réelles, sont très positives, mais
d’un autre côté, il est très dangereux de fermer les yeux sur
les différences doctrinales.
Cela semble être la dérive courante de notre culture actuelle.
L’axiome de notre époque est l’affirmation selon laquelle « la
doctrine divise », ce qui est vrai historiquement ; la doctrine a
tendance à diviser les gens. Vous êtes-vous déjà demandé pour-
quoi elle divise ? Les institutions libérales semblent atteindre un
haut niveau de tolérance à l’égard des points de vue différents
des leurs. Par opposition, les conservateurs semblent se battre
sur de nombreux sujets.
Cependant, les libéraux ne sont peut-être pas aussi tolérants
qu’on pourrait le croire. Ils ont tendance à être laxistes sur la
doctrine jusqu’à ce que la doctrine conservatrice soit abordée.

19
Qu’est-ce que l’Église ?

Ils deviennent alors véhéments à son encontre. Ceux qui se


targuent d’être ouverts d’esprit deviennent rapidement fermés
d’esprit. Je crois que la raison fondamentale pour laquelle les
Églises libérales sont capables de tolérer une si grande variété
de doctrines est que la doctrine n’a pas d’importance pour elles.
Elles ne sont pas passionnées par le contenu essentiel de la foi
chrétienne, tandis que dans le milieu conservateur, les gens
sont prêts à donner leur vie pour la vérité des Écritures, parce
qu’ils considèrent qu’elle a une portée éternelle.
Pour les personnes de convictions libérales, le nombre de
déclarations de credo au sein même du christianisme n’a pas
d’importance. En revanche, les credo sont importants pour
les croyants, car ces derniers se soucient du contenu de leur
foi. Les croyants qui s’efforcent d’être fidèles aux Écritures
savent que pratiquement chaque page des épîtres du Nouveau
Testament comporte une exhortation à garder la vérité de la
foi révélée. Paul était très soucieux lorsqu’il a prodigué des
conseils à Timothée, Tite et d’autres, pour mettre en garde
l’Église contre ceux qui chercheraient à ébranler la vérité de la
foi apostolique par le biais de fausses doctrines.
L’acte d’accusation le plus fort contre le libéralisme du
XIXe siècle a été celui du théologien suisse Emil Brunner dans
son ouvrage classique Das Midler (Le médiateur). Dans cet
écrit, il parle de la christologie développée dans la théologie du
XIXe siècle, qui a abouti à la négation de la divinité de Christ et
de son expiation par substitution. Brunner disait qu’il pouvait
définir l’essence du libéralisme du XIXe siècle en un seul mot,

20
La doc trine divise

à savoir unglaube (« incrédulité »). Il a qualifié le libéralisme du


XIXe siècle de monument à l’incrédulité.
La controverse la plus éclatante de l’histoire de la théologie
a été la réforme protestante du XVIe siècle. Cette controverse
s’est articulée autour de deux questions principales : Qu’est-ce
que l’Évangile ? Que dois-je faire pour être sauvé ? Martin Luther
a enduré de grandes épreuves et l’hostilité de multitudes de
personnes alors que la fureur de la controverse faisait rage. Vers
la fin de sa vie, Luther a constaté que la lumière de l’Évangile
avait percé son époque et éclairé les ténèbres. Rappelez-vous
la devise de la Réforme : Post tenebras lux (c.-à-d. « après les
ténèbres, la lumière »). Selon Luther, il était inévitable que la
vérité de l’Évangile soit à nouveau cachée dans l’obscurité un
jour ou l’autre. Il expliquait cela par le fait que, là où l’Évangile
est prêché, la division et la controverse s’ensuivent. Les gens
ne veulent pas de controverse permanente ; ils veulent la paix.
Le message des faux prophètes d’Israël était un message de
paix. Pourtant, celle-ci était une illusion. Ils prêchaient la paix
alors qu’il n’y en avait aucune, ou seulement celle que Luther
appelait « une paix charnelle ». Luther a déclaré que, lorsque
l’Évangile est prêché avec passion et précision, il n’apporte pas
la paix. D’ailleurs, notre Seigneur lui-même a dit : « Ne croyez
pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis
pas venu apporter la paix, mais l’épée » (Mt 10.34). Cela ne
signifie pas que nous sommes appelés à prendre les armes et à
mener des batailles militaires pour étendre le royaume de Dieu.
Nous devons être des artisans de paix, des personnes tolérantes,

21
Qu’est-ce que l’Église ?

aimables et patientes, mais si vous jetez un œil dans l’Histoire,


vous constaterez que les vrais prophètes d’Israël ont défendu la
vérité, et que cela a chaque fois donné lieu à une controverse.
Il est probable qu’aucun être humain n’ait été le sujet d’au-
tant de controverses que Jésus-Christ. Les gens étaient galvani-
sés : soit pour, soit contre lui. L’histoire de l’Église apostolique
relatée dans le livre des Actes est le récit d’une controverse
permanente et incessante. La controverse était focalisée sur
la prédication de l’Évangile. Celle-ci était si controversée que
les autorités religieuses de la communauté juive ont interdit
aux apôtres de prêcher l’Évangile, décrétant qu’il était sujet à
polémique et divisait la communauté.
Notre génération a été conditionnée à croire que la plus
grande vertu est la paix. Nous avons vécu à l’époque de la
bombe atomique et nous avons été témoins de deux guerres
mondiales. Nous sommes fatigués des disputes, des gens qui
se battent et s’entretuent. C’est par la grâce de Dieu que les
Églises ne brûlent pas les gens sur le bûcher ou ne les mettent
pas sur des chevalets de torture comme elles avaient coutume
de le faire dans les siècles passés. Nous avons appris à coexis-
ter avec des personnes qui ont des perspectives différentes
des nôtres et nous apprécions cette paix. Toutefois, ce que
je crains, c’est que nous l’appréciions au point d’être prêts à
occulter l’Évangile lui-même. Nous devons faire attention à
ne pas parler d’unité lorsqu’elle n’est pas vraiment présente.
Par moments, je pense que nous avons en réalité moins d’unité
que nous croyons en avoir.

22
La doc trine divise

Historiquement, à l’époque de la Réforme, les protestants


n’étaient pas seulement appelés « protestants » mais aussi
« évangéliques ». Ils portaient cette appellation parce qu’ils
acceptaient l’Évangile. Par le passé, bien que les évangéliques
du XVIe siècle aient fondé différentes dénominations, il y avait
toujours des principes fondamentaux d’unité qui les liaient.
Les deux principaux points d’unité de l’évangélisme histo-
rique et classique étaient deux solas clés de la Réforme : sola
Scriptura et sola fide. Ce que reflète le sola Scriptura, c’est l’idée
selon laquelle les différents organes protestants croyaient que
la Bible était l’autorité finale en matière de foi et de pratique.
Ils croyaient tous à l’inspiration et à l’infaillibilité de la Bible.
Deuxièmement, ils étaient d’accord sur la question cardinale
du XVIe siècle, à savoir la doctrine de la justification par la foi
seule, c’est-à-dire le sola fide. Si leurs opinions divergeaient sur
tout le reste (comme la question des sacrements et d’autres
doctrines), il y avait au moins le ciment de leurs credo com-
muns pour lier les protestants entre eux. Cette unité a perduré
pendant des siècles.
Ce n’est qu’à notre époque que nous avons vu ce groupe de
personnes, qui se disent évangéliques, se diviser sur ces deux
doctrines. Jusqu’à la fin du XXe siècle, on pouvait presque garan-
tir qu’une personne se présentant comme évangélique croyait
que la Bible était la Parole de Dieu ; qu’elle était infaillible,
inspirée et inhérente. Aujourd’hui, vous ne pouvez plus faire
cette affirmation. L’unité que l’on retrouvait à cette époque chez
les évangéliques a été démantelée.

23
Qu’est-ce que l’Église ?

Un certain historien a d’ailleurs affirmé que le terme


« évangélique » a presque entièrement été vidé de son sens.
Historiquement, être évangélique avait une signification.
Autrement dit, ce mot définissait une confession particulière.
De nos jours, il a tendance à définir une méthodologie plu-
tôt qu’une certaine théologie, et le pluralisme endémique du
libéralisme historique existe toujours dans certains cercles dits
« évangéliques ».
Il est tout sauf aisé de vivre en tant que chrétiens et autant
que possible « en paix avec tous les hommes » (voir Ro 12.18).
Nous devons vraiment redoubler d’efforts pour préserver la
paix, sans oublier que nous sommes appelés à être fidèles à la
vérité de l’Évangile et à la pureté de l’Église.

24
Chapitre 4

Visible et invisible

A vez-vous déjà entendu les termes Église invisible ? Le


concept d’Église invisible a été développé pour la pre-
mière fois en profondeur par Augustin d’Hippone. Il a fait
la distinction entre l’Église invisible et l’Église visible. Cette
distinction d’Augustin a souvent été mal interprétée. Par l’ex-
pression « Église visible », il voulait désigner l’Église en tant
qu’institution, celle que nous voyons de manière visible dans
le monde et dont les membres sont répertoriés et identifiables.
Avant de nous intéresser à l’Église invisible, posons-nous
la question suivante : Devons-nous aller à l’église pour être
chrétiens ? Est-ce que le fait de fréquenter une Église, si nous
en sommes physiquement capables, est obligatoire pour accéder
au ciel ? Techniquement, la réponse est non. Cependant, nous
devons garder certaines choses à l’esprit. Christ a ordonné

25
Qu’est-ce que l’Église ?

à son peuple de ne pas abandonner l’assemblée (Hé 10.25).


Quand Dieu a constitué le peuple d’Israël, il l’a organisé en une
nation visible et lui a imposé l’obligation solennelle et sacrée
de l’adorer collectivement. Si une personne est en Christ, elle
est appelée à participer à la koinonia – la communion avec
d’autres chrétiens et l’adoration de Dieu selon les préceptes de
Christ. Si une personne a connaissance de ces prescriptions et
qu’elle refuse obstinément et délibérément de s’y associer, cela
ne soulève-t-il pas de sérieuses questions sur la véracité de la
conversion de cette personne ? Une personne nouvellement
chrétienne pourrait éventuellement adopter cette position,
mais je dirais que c’est peu probable.
Certains peuvent se tromper eux-mêmes en ce qui concerne
leur propre conversion. Nous pouvons prétendre être chrétiens,
mais si nous aimons Christ, comment alors pouvons-nous
mépriser son épouse ? Comment pouvons-nous rejeter de façon
régulière et persistante ce qu’il nous a appelés à rejoindre – son
Église visible ? Je voudrais mettre en garde ceux qui agissent
ainsi. Vous pourriez, en effet, vous faire des illusions quant à
l’état de votre âme.
L’Église invisible est parfois considérée à tort comme anti-
thétique à l’Église visible, quelque chose qui serait en dehors
ou indépendant d’elle. Augustin d’Hippone n’était pas de cet
avis. Il disait que l’Église invisible se trouve intrinsèquement
dans l’Église visible. Imaginez deux cercles : le premier porte
l’inscription « Église visible ». Celui-ci correspond à l’Église
extérieure, humainement perceptible et institutionnelle telle

26
Visible et invisible

que nous la connaissons. L’Église invisible, dans l’autre cercle,


existe intrinsèquement à l’intérieur du cercle de l’Église visible.
Dans l’Église invisible, il est possible de trouver quelques
personnes non-membres de l’Église visible, mais elles sont
peu nombreuses.
Pourquoi Augustin d’Hippone parlait-il d’une Église invi-
sible ? Il y faisait allusion en accord avec l’enseignement de
Jésus dans le Nouveau Testament. Augustin enseignait que
l’Église est un corpus permixtum. Qu’est-ce que cela signifie ?
Nous savons ce qu’est un corpus ; c’est un corps. Que signifie
corpus Christi ? « Le corps de Christ ». Une corporation est une
organisation de personnes. Lorsque l’on dit que l’Église est un
corpus permixtum, cela signifie qu’elle est un corps mixte.
Dans les limites physiques de l’Église visible et institu-
tionnelle, certaines personnes sont réellement croyantes, mais
d’autres ne le sont pas. Elles sont dans l’Église, mais ne sont
pas en Christ parce qu’elles ont fait une fausse profession de foi.
Jésus a dit de certains de ses contemporains : « Ce peuple m’ho-
nore des lèvres, mais son cœur est éloigné de moi » (Mt 15.8).
Il savait qu’il y avait des gens en Israël qui n’étaient pas de vrais
croyants. Paul a signalé quelque chose de similaire : « Tous ceux
qui descendent d’Israël ne sont pas Israël » (Ro 9.6). Ces Juifs
se soumettaient aux rituels et faisaient partie de la communauté
visible. Ils participaient à toutes les activités mais demeuraient
étrangers aux choses de Dieu.
Dans le Nouveau Testament, la métaphore que Jésus uti-
lise à ce sujet est la métaphore de l’ivraie et du blé. L’ivraie

27
Qu’est-ce que l’Église ?

est une mauvaise herbe. La métaphore est simple à com-


prendre dans l’environnement agricole. Dans un champ, afin
d’obtenir une productivité maximale, il faut réduire le plus
possible la quantité d’ivraie, car elle pousse plus facilement
que le blé semé.
Jésus utilise cette métaphore pour avertir l’Église qu’elle
doit, dans un premier temps, exercer la discipline, afin que les
mauvaises herbes qui menacent de détruire la pureté de l’Église
soient éliminées. Il nous indique également de faire très atten-
tion dans l’exercice de la discipline de l’Église, de peur que,
dans notre zèle pour purifier l’Église, nous n’arrachions le blé
en même temps que l’ivraie.
Dieu regarde le cœur, tandis que nos yeux humains ne
peuvent sonder l’âme d’une autre personne. Je peux écouter
votre confession de foi, observer votre vie, mais j’ignore ce
qui se trouve au tréfonds de votre cœur. Je ne peux pas sonder
votre âme. Je ne peux pas lire dans votre esprit. Dieu peut le
faire, lui, et il connaît exactement l’état de votre âme, à chaque
instant. Ce qui est invisible pour moi est visible pour Dieu ;
cette distinction est due à notre perception limitée.
Qui fait partie de l’Église invisible ? D’après Augustin
d’Hippone, tous ceux qui sont de vrais croyants. Il faisait bien
sûr référence aux élus ; ceux qui, selon lui, parviennent à la vraie
foi. Tous ceux qui parviennent à la vraie foi sont comptés parmi
les élus. Ainsi, lorsqu’il parlait de l’Église invisible, il parlait des
élus, de ceux qui sont vraiment en Christ et qui sont de vrais
enfants de Dieu.

28
Visible et invisible

Jean Calvin a dit que nous ne devrions pas penser à l’Église


invisible comme à quelque chose d’imaginaire ou de lointain
et flou. Suivant la réflexion d’Augustin d’Hippone, Calvin a
insisté sur le fait que l’Église invisible existe intrinsèquement
au sein de l’Église visible. Il disait que la tâche principale de
l’Église invisible consiste à se rendre visible.
Qu’entendait-il par-là ? Calvin faisait référence à l’ascen-
sion de Jésus et à la dernière question que les disciples lui ont
posée avant qu’il ne quitte ce monde : « Seigneur, est-ce en
ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël ? » (Ac 1.6.) Ce
à quoi Jésus a répondu : « Ce n’est pas à vous de connaître
les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre
autorité. Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit
survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem,
dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités
de la terre » (v. 7,8).
Cette déclaration de Jésus est souvent mal comprise à cause
de notre jargon chrétien. Lorsqu’on demande à un chrétien
« Que signifie être un témoin ? », la réponse donnée est généra-
lement « Parler de Christ à quelqu’un ». Ce n’est pas entièrement
faux. L’évangélisation est en un sens une forme de témoignage,
mais ce n’est pas la seule qui existe. Le but du témoignage est de
rendre manifeste quelque chose qui est caché. Calvin disait que
la tâche de l’Église consiste à rendre visible le royaume invisible.
Nous le faisons tout d’abord par la proclamation de l’Évangile
(l’évangélisation), mais aussi en reflétant le royaume de Dieu,
en faisant preuve de justice et de miséricorde et en montrant

29
Qu’est-ce que l’Église ?

au monde à quoi le royaume de Dieu est censé ressembler. Cela


signifie que l’Église doit incarner la vie de l’Esprit de Dieu dans
tout ce qu’elle fait, de sorte que ses bonnes œuvres ne soient pas
cachées sous un boisseau mais pleinement visibles. Nous devons
être des témoins de la présence de Christ et de son royaume
dans le monde.
Il peut être dangereux d’utiliser les termes visible et invisible.
Certaines personnes pensent que, si elles font partie de l’Église
invisible, cela signifie qu’elles peuvent en quelque sorte être des
« chrétiens dans l’ombre », mais nous savons que, selon le man-
dat du Nouveau Testament, nous devons être des témoins de
Christ, refléter la lumière de l’Évangile et rendre son royaume
visible. C’est la mission même de l’Église.
Quels que soient l’environnement, le lieu et la génération,
l’Église est toujours plus ou moins visible et authentique, mais
même les Églises peuvent perdre leurs chandeliers (voir Ap 2.5)
et cesser d’être des Églises. Elles peuvent devenir apostates. Des
communautés entières peuvent quitter l’Église invisible et ne
plus former de véritables Églises.
Êtes-vous un membre de l’Église invisible ? L’Église invisible
est une Église qui jouit d’une unité perpétuelle parce que ses
membres ne font véritablement qu’un avec Christ. Le point
d’unification de l’Église invisible, ce qui l’unifie et transcende
ses frontières ainsi que les lignes confessionnelles, c’est notre
incorporation au Christ. Tous ceux qui sont en Christ et tous
ceux en qui Christ est sont membres de son Église invisible.
Cette unité est déjà instaurée, et rien ne peut la détruire. Cela

30
Visible et invisible

ne signifie pas que nous pouvons nous arrêter et nous reposer


sur cet acquis. Cela ne veut pas dire non plus que nous pouvons
simplement nous satisfaire de l’unité de l’Église invisible. Au
contraire, nous devons continuer à œuvrer autant que possible
pour une véritable unité de l’Église visible.

31
Chapitre 5

L’Église est sainte

L e symbole de Nicée-Constantinople déclare : « Je crois


en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. » Nous
allons maintenant nous pencher sur l’attribut de la sainteté de
l’Église. Il a souvent été avancé que l’Église est l’institution la
plus corrompue au monde. Cela peut sembler exagéré et excessif,
ou vrai selon la façon dont on évalue la corruption. Dans un
premier temps, si nous considérons simplement le mal à l’état
pur, alors il est évident que des maux comme le crime organisé
ou les néo-nazis peuvent être considérés comme bien plus cor-
rompus que l’Église. En revanche, si nous considérons le bien et
le mal sur l’échelle de la responsabilité morale, alors oui, l’Église
est l’institution la plus corrompue. Jésus a dit : « On deman-
dera beaucoup à qui l’on a beaucoup donné […] » (Lu 12.48b).
Si nous appliquions cette norme à l’Église, alors nous dirions

33
Qu’est-ce que l’Église ?

que, de toutes les institutions, elle est celle qui a reçu le plus de
bienfaits de la part de Dieu. À la lumière des nombreux dons
de la grâce que nous avons reçus en tant qu’Église et du haut
niveau de responsabilité qui s’y rattache, nous pourrions dire,
comparativement, que l’Église est corrompue dans la mesure
où nous ne parvenons pas à être à la hauteur de la responsabilité
qui nous incombe.
Pour certains, il semble presque ironique que, dans le
Nouveau Testament, Paul s’adresse fréquemment aux croyants
en les qualifiant de « saints ». Par exemple, il adresse ses épîtres
aux saints qui sont à Corinthe ou à Éphèse. Le mot qui est
traduit par « saints » est hagioi, qui signifie « ceux qui sont
saints ». C’est ce même terme grec qui est utilisé pour parler
du Saint-Esprit.
Dans quel sens les membres du corps de Christ sont appe-
lés « saints », ou ceux qui sont saints (les hagioi) ? Nous devons
examiner les significations du terme « saint » qui peut être
attribué à certaines personnes. Pour commencer, il est néces-
saire de comprendre la vocation de l’Église. Une « vocation »
est bien entendu un appel. Ce mot a presque disparu de notre
vocabulaire courant. Aujourd’hui, les gens parlent de travail et
de carrière, mais autrefois nous avions tous conscience d’avoir
une vocation individuelle. La vocation signifiait que Dieu avait
appelé chacun à une tâche bien particulière. Pour certains, la
vocation était de devenir chirurgien, agriculteur ou femme au
foyer, en accord avec la responsabilité confiée selon les dons
attribués par Dieu.

34
L’Église est sainte

Le mot biblique utilisé pour parler de l’Église renvoie direc-


tement au concept de vocation. Dans le Nouveau Testament,
le mot grec traduit par « église » est ekklesia, d’où provient le
mot « ecclésiastique ». Si nous observons ce mot et que nous le
décomposons, nous voyons que ekklesia est composé d’un pré-
fixe et d’un radical ; il n’est pas nécessaire d’étudier le grec pour
être capable de comprendre cela. Ce terme est tout simplement
composé du préfixe ek-, qui vient de ex (« de » ou « hors de »), et
de la racine primaire qui découle du grec kaleō (« appeler »). Si
nous examinons la racine du terme ekklesia dans les Écritures,
nous voyons qu’étymologiquement, il signifie « quelque chose
qui est appelé à sortir de quelque chose d’autre ».
L’Église est appelée ekklesia, car elle est tout simplement le
lieu de rassemblement de personnes qui ont été appelées par
Dieu hors du monde. Après la naissance de Jésus, Hérode a
tenté de tuer les nourrissons et de détruire le roi qui venait de
naître. L’ange du Seigneur a alors exhorté Joseph en rêve à fuir
le pays, puis Marie, Jésus et lui sont descendus en Égypte. Après
la mort d’Hérode, Joseph a reçu la révélation selon laquelle il
pouvait retourner en Palestine en toute sécurité. C’est ainsi
que s’est accompli le verset suivant : « J’ai appelé mon fils hors
d’Égypte » (Mt 2.15b), qui fait référence à l’accomplissement
ultime de Dieu lors de l’Exode. Il a appelé la nation Israël à
sortir de la servitude en Égypte et l’a adoptée comme son enfant.
Dans un sens, la vocation de l’Église est née de cet appel de
Dieu qui a racheté une nation de l’esclavage en Égypte. Mais
cela va plus loin encore. Le chrétien et l’Église, Israël dans

35
Qu’est-ce que l’Église ?

l’Ancien Testament et l’Église dans le Nouveau Testament, ont


été appelés par Dieu, non seulement hors d’Égypte, mais aussi
hors du monde. Cela ne signifie pas qu’ils devaient quitter la
planète, mais qu’ils ont été appelés à la sainteté. Rappelons-nous
que, lorsque Dieu a formé Israël, il leur a dit : « Car je suis l’Éter-
nel, votre Dieu ; vous vous sanctifierez, et vous serez saints, car
je suis saint […] » (Lé 11.44a.) Bien avant que Paul n’écrive des
épîtres aux saints d’Éphèse, de Corinthe ou de Thessalonique,
l’idée selon laquelle l’Église était un peuple appelé à la sainteté
par Dieu était déjà profondément et fermement enracinée dans
l’Ancien Testament.
Le mot saint signifie « être différent » (ou mis à part).
Lorsqu’une personne est mise à part, elle est mise à l’écart de
ce qui est ordinaire ou commun et elle est orientée vers quelque
chose d’extraordinaire, d’inhabituel. Bien entendu, en termes
bibliques, cela voulait dire que le peuple d’Israël, qui était appelé
à la sainteté, était appelé à vivre selon un modèle, une norme
ou manière de vivre différents de ce qui était courant dans le
monde. En d’autres termes, il s’agissait d’un appel à la piété, à
vivre différemment.
La première chose que nous devons comprendre quand
nous examinons l’affirmation selon laquelle l’Église est sainte
est qu’elle a une vocation sainte, un appel saint. L’Église a été
mise à part de toute autre institution et le peuple de Dieu a
été mis à part du monde pour une mission spécifique. Ils sont
le miroir et le reflet du caractère de Dieu. Cela signifie que, si
nous faisons partie de l’Église invisible, nous sommes appelés

36
L’Église est sainte

à être un peuple de pèlerins. C’est pour cela que la Bible insiste


sur le fait que nous sommes des voyageurs, des pèlerins et des
étrangers dans ce monde.
En outre, l’Église est appelée sainte dans un autre sens
encore : parce que ses membres sont des personnes à l’intérieur
desquelles Dieu est venu habiter par l’intermédiaire du Saint-
Esprit. Tout personne habitée par le Saint-Esprit est considérée
comme sainte ou mise à part aux yeux de Dieu. L’Église est
l’institution que Dieu a créée de manière visible et dans laquelle
il lui a plu de faire habiter son Esprit. N’oubliez pas que le
Saint-Esprit n’est pas le seul esprit que nous trouvons au sein
de l’Église visible. Nous pouvons aussi trouver des esprits mau-
vais ; c’est pourquoi nous devons tester les esprits. Cependant,
l’Église est sainte dans la mesure où le Saint-Esprit est présent
et œuvre dans la vie des personnes qui s’y trouvent. C’est pour
cette raison que Paul pouvait regarder les pécheurs et s’adresser
à eux comme à des saints. Ils étaient en soi toujours pécheurs,
mais régénérés par le Saint-Esprit, nés de celui-ci et habités par
lui ; ils étaient devenus des hagioni (« saints »), des personnes
sur le chemin de la sanctification.
En réponse à cela, nous entendons parfois des gens dire que
l’Église n’est pas sainte mais plutôt remplie d’hypocrites. La
réaction adéquate face à ces paroles devrait être : « Il reste encore
de la place pour un hypocrite de plus. » Aucun d’entre nous
dans l’Église ne sera jamais en mesure de vivre parfaitement les
principes mêmes auxquels nous disons croire. Les croyants qui
sont appelés saints sont une communauté de pécheurs en voie de

37
Qu’est-ce que l’Église ?

sanctification. Nous sommes l’œuvre de Christ. Il nous façonne


et forme son Église, qu’il façonne en vue de la sainteté. De
même qu’aucun individu ne sera jamais parfaitement sanctifié
avant d’être arrivé au ciel, l’Église ne sera jamais parfaitement
sanctifiée tant qu’elle n’aura pas été glorifiée.
Nous avons vu que la Bible fait référence à l’Église comme
à « l’épouse de Christ ». Un jour, nous verrons cette épouse
dans sa robe de mariée immaculée et magnifique, mais pour
l’instant cette parure est abîmée ; elle est remplie de taches,
d’impuretés et de plis. Cependant, Christ a promis à son épouse
d’enlever de sa robe chaque tache, chaque impureté et chaque
pli, afin qu’au dernier jour, il la présente à son Père dans toute
la splendeur de sa parfaite sainteté.
Pour le moment, nous sommes une mariée dont la robe est
froissée et tachée. Imaginez une mariée se présentant le jour de
la cérémonie dans une telle robe… Vous ne manqueriez pas de
penser : Mince alors, elle avait sûrement jeté sa robe dans un coin
de sa chambre, où elle a dû traîner des mois, pour qu’elle soit à ce
point fripée. Aucune mariée ne se présenterait ainsi le jour de ses
noces. Lorsque nous regardons l’état dans lequel nous sommes
aujourd’hui, nous constatons que nous n’avons rien dont nous
puissions nous vanter. Notre sainteté est un processus en cours,
et elle est déjà certaine et acquise pour l’Église. Toutefois, cela
ne signifie pas que les Églises, en tant qu’institutions visibles,
ne périront pas, ou qu’elles ne pourront pas devenir apostates.
Ce n’est pas impossible, mais en l’occurrence nous parlons de
l’Église invisible, celle qui est composée de vrais croyants. Un

38
L’Église est sainte

jour, l’Église manifestera la plénitude de sa sainteté et sera fidèle


à sa vocation, car elle est constamment habilitée et purifiée par le
Saint-Esprit qui l’habite. C’est l’une des raisons pour lesquelles
l’Église est soumise à de grandes persécutions et vit des temps
de grandes souffrances. Toutefois, de cette souffrance découle la
purification du creuset. C’est l’un des moyens que Dieu utilise
pour réaliser la sanctification et la pureté de l’Église. De temps
en temps, Dieu choisit de réveiller son peuple, et il semble que
nous ayons régulièrement besoin d’être secoués pour retrouver
notre vocation et notre appel en tant que peuple de Dieu, afin
que nous devenions saints comme il est saint.
Posez-vous la question suivante : « Mon Église est-elle un
lieu saint ? » Vous rirez peut-être en lisant ma question, car
vous pointerez probablement du doigt tous les défauts, péchés
et erreurs qui envahissent l’Église, mais rappelez-vous que, si
l’Église est toujours entachée, elle est aussi l’épouse de Christ.
La sainteté ne désigne pas tant ce que l’Église est à un moment
donné de son histoire, mais plutôt ce qu’elle sera à l’avenir.
Notre but, pour le moment, est d’être des saints en voie de
sanctification. Nous devons compter sur les dons et les grâces
du Saint-Esprit pour être fidèles à la vocation que Dieu a don-
née à l’Église.

39
Chapitre 6

L’Église est universelle

M aintenant que nous avons examiné l’unicité et la sain-


teté de l’Église, nous pouvons passer à la troisième
caractéristique de l’Église que l’on trouve dans le symbole de
Nicée-Constantinople : l’Église est catholique. Il est important
de se rappeler que le mot catholique ne fait pas référence ici à
l’Église catholique romaine. Il signifie plutôt « universelle » ou
« pour tous les temps et en tous lieux ». L’idée est que l’Église
de Jésus-Christ n’est pas un corps paroissial que l’on trouve
seulement dans une ville spécifique ou seulement parmi un
peuple unique rassemblé dans un lieu géographique précis. Il
ne s’agit pas non plus d’un organisme qui serait délimité par
des frontières nationales. Au contraire, l’Église de Christ se
trouve dans le monde entier ; elle est composée de personnes
de toutes langues et de toutes nations.

41
Qu’est-ce que l’Église ?

Il n’y a pas si longtemps, j’ai pris la parole dans une petite


église de Floride. Il y avait environ cent cinquante personnes
dans l’assemblée ce matin-là. Avant d’intervenir, j’ai déclaré
que j’espérais qu’ils excuseraient ma nervosité à l’idée de parler
devant eux et que j’étais toujours nerveux de prêcher devant des
millions de personnes. Ils ont ri et regardé autour d’eux si une
équipe de radio ou de télévision était présente pour rediffuser
ma prédication au-delà des limites de cette petite église. Je leur
ai assuré que j’étais sérieux et j’ai attiré leur attention sur un
passage de l’épître aux Hébreux, dans lequel il est écrit :

Vous ne vous êtes pas approchés d’une montagne qu’on


pouvait toucher et qui était embrasée par le feu, ni de la
nuée, ni des ténèbres, ni de la tempête, ni du retentis-
sement de la trompette, ni du bruit des paroles, tel que
ceux qui l’entendirent demandèrent qu’il ne leur en soit
pas adressé une de plus ; car ils ne supportaient pas cette
déclaration : même si une bête touche la montagne, elle
sera lapidée. Et ce spectacle était si terrible que Moïse
dit : Je suis épouvanté et tout tremblant ! Mais vous vous
êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu
vivant, la Jérusalem céleste, des myriades qui forment le
chœur des anges, de l’assemblée des premiers-nés inscrits
dans les cieux, du juge qui est le Dieu de tous, des esprits
des justes parvenus à la perfection, de Jésus qui est le
médiateur de la nouvelle alliance, et du sang de l’asper-
sion qui parle mieux que celui d’Abel (Hé 12.18‑24).

42
L’Église est universelle

L’auteur de l’épître aux Hébreux parle ici de l’Église et de


l’expérience de l’Église universelle. Il nous rappelle la situa-
tion nouvelle qui s’est instaurée avec le triomphe de Christ et
combien les choses ont changé depuis l’époque de l’Ancien
Testament. Il rappelle également que nous ne nous sommes pas
approchés d’une montagne couverte de ténèbres, de tonnerre et
d’éclairs : un lieu de terreur abjecte (ce passage parle de la fois
où Dieu est descendu du ciel sur le mont Sinaï et a donné les
tables de pierre, les tables de la loi, à Moïse). L’auteur dit que ce
n’est pas de cela qu’il s’agit lorsque nous allons à l’église. Lorsque
nous nous y rendons, c’est comme si nous entrions dans le ciel
même, là où Christ est allé lors de son ascension. En tant que
souverain sacrificateur, il est entré dans le sanctuaire céleste une
fois pour toutes et a déchiré le voile de séparation qui interdisait
l’accès à la présence immédiate de Dieu. D’après ce texte, nous
avons désormais accès au ciel lui-même.
Dieu est partout, pas seulement entre les murs d’une église.
Nous savons que nous ne pouvons restreindre sa présence, mais
la porte d’une église a une portée symbolique. Lorsque nous
entrons dans ce bâtiment, spirituellement parlant, nous arrivons
au lieu où le peuple de Dieu est rassemblé pour l’adorer et lui
offrir un sacrifice de louanges. L’église est une terre sainte. C’est
l’endroit où le peuple de Dieu est rassemblé pour la tâche sacrée
que représente le culte.
Le Nouveau Testament enseigne que, lorsque nous entrons
ensemble dans l’adoration, nous n’adorons pas seulement avec
notre assemblée de cent cinquante personnes ; notre adoration

43
Qu’est-ce que l’Église ?

emplit aussi le ciel. Paul nous met en garde quant à notre com-
portement dans l’assemblée, car les anges regardent et parti-
cipent. Enfin, l’auteur de l’épître aux Hébreux nous dit que
nous sommes entourés d’une nuée de témoins – les saints qui
nous ont précédés.
Alors, qui se trouve également dans notre assemblée le
dimanche matin ? Dimanche dernier, j’étais à l’église, et devi-
nez qui était là… Abel, Noé, Abraham et Isaac sont venus,
mais aussi David et Débora ainsi que Josué, Ésaïe, Jérémie,
Esther, Amos, Léa, Osée, Joël, Ézéchiel, Anne et Daniel. Paul
et Pierre s’y trouvaient aussi, ainsi qu’Étienne, Marie, Barnabas
et Luc, le grand médecin. Timothée vient également dans
notre église, de même que Tite et Jacques. J’ai jeté un coup
d’œil autour de moi, et devinez qui j’ai vu d’autre encore…
Je n’arrivais pas à y croire ! Athanase, Augustin d’Hippone,
Martin et Catherine Luther, Jean et Idelette Calvin, Jonathan
et Sarah Edwards, ainsi que B. B. Warfield. Tous les saints qui
sont entrés dans leur repos font partie de l’assemblée céleste.
Lorsque l’Église se rassemble, aussi petite et isolée soit-elle, il
s’agit de l’Église catholique.
De plus, en nous réunissant à l’église, nous profitons de ce
que le symbole des Apôtres appelle la communio sanctorum (« la
communion des saints »). Il ne s’agit pas seulement des saints
qui nous ont précédés au ciel – l’Église triomphante – mais
aussi de ceux qui sont encore ici, dans l’Église militante : les
saints de la République tchèque, de Hongrie, de Roumanie, de
Chine, du Brésil, du Kenya, d’Angleterre et de partout dans le

44
L’Église est universelle

monde. Nous sommes réunis dans la communion de l’Église


catholique. Comment cela est-il possible ? C’est très simple ;
c’est l’union mystique de Christ et de son épouse. Tous ceux
qui font partie de son épouse sont en Jésus. L’Église de Christ
se trouve partout où il se trouve.
Reprenons encore une fois l’épître aux Hébreux :

Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion,


de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des
myriades qui forment le chœur des anges, de l’assem-
blée des premiers-nés inscrits dans les cieux, du juge qui
est le Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la
perfection, de Jésus qui est le médiateur de la nouvelle
alliance, et du sang de l’aspersion qui parle mieux que
celui d’Abel (Hé 12.22‑24).

Ce qu’il y a de plus notable au sujet de l’Église en adoration,


c’est qu’elle se trouve en présence de Christ. Il vient vers son
épouse, et chaque fois que celle-ci se rassemble, l’époux est là.
C’est pour cela que nous ne devons jamais renoncer à l’assemblée
des saints. Si je publiais un bulletin d’informations annonçant :
« Devinez qui sera à l’église dimanche prochain… Jésus lui-
même ! », quel rendez-vous ne voudriez-vous pas annuler pour
y être présent aussi ?

45
Chapitre 7

L’Église est fondée sur


les apôtres

Q uel est le fondement de l’Église ? Vous avez peut-être déjà


entendu les paroles suivantes dans un cantique : « Le seul
fondement de l’Église est Jésus-Christ notre Seigneur ». Il arrive
parfois que nos cantiques soient des vecteurs de désinformation.
Jésus fait certes partie du fondement, mais la métaphore de la
construction peut être plus précise encore. Il n’est pas seule-
ment le fondement ; il est appelé la pierre angulaire de l’Église.
Toutes les fondations sont bâties sur lui, qui est la « pierre […]
principale de l’angle » (Ac 4.11).
Mais quelles sont ces fondations ? D’après le Nouveau
Testament, il s’agit des apôtres et des prophètes. Rappelez-vous,
à Césarée de Philippe, cet échange entre Pierre et Jésus :

47
Qu’est-ce que l’Église ?

Et vous, leur dit-il, qui dites-vous que je suis ? Simon


Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.
Jésus, reprenant la parole, lui dit : Tu es heureux, Simon,
fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui
t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les
cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur ce
roc, je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des
morts ne prévaudront point contre elle (Mt 16.15‑18).

L’Église que Christ a établie n’est pas bâtie sur du sable.


Ses fondations sont ancrées dans le roc, et ce roc sur lequel
l’Église est bâtie, selon l’imagerie du Nouveau Testament, est
le rocher de la parole prophétique et apostolique, c’est-à-dire
dire les écrits bibliques.
Prenons le livre de l’Apocalypse. Au chapitre 21, nous y lisons
la vision de la nouvelle Jérusalem, la ville céleste qui descend
d’en haut. Nous voyons qu’elle est décrite en de magnifiques
termes. Dans Apocalypse 21.14, nous lisons ceci : « La muraille
de la ville avait douze fondements, et sur eux les douze noms
des douze apôtres de l’Agneau. » Même la nouvelle Jérusalem
est basée sur les fondations des apôtres.
Quelle est la signification de tout ceci ? Je pense que l’attri-
but de l’Église qui est le plus sérieusement attaqué de nos jours
est son apostolicité, parce qu’il y a eu un rejet massif, au sein de
l’Église, de l’autorité des saintes Écritures. C’est une rébellion
contre le fondement même de l’Église. Vous pouvez rejeter
l’enseignement de Paul, ne pas être d’accord avec l’enseignement

48
L’Église est fondée sur les apôtres

de Jean et ne pas croire en l’intégrité des Écritures, mais si tel


est le cas, je vous prie de ne pas essayer de déraciner l’Église
de Christ pour la construire sur d’autres fondations. Pourquoi
ne pas avoir l’intégrité de dire : « Je rejette le christianisme »,
au lieu d’essayer d’en construire une nouvelle version modifiée
sur d’autres fondations ?
Que signifie « être apostolique » ? Pour répondre à cette
question, nous devons d’abord nous demander : Qu’est-ce
qu’un apôtre ? Le terme « apôtre » vient du mot grec apos-
tolos qui signifie « celui qui est envoyé ». Par définition, un
apôtre est envoyé par quelqu’un, quelque part. Dans la culture
grecque, un apostolos était un messager, un ambassadeur ou
un émissaire. Il était autorisé par le roi à le représenter en
son absence.
Puisqu’un apôtre est une personne envoyée par quelqu’un
qui lui a délégué son autorité, l’apôtre suprême du Nouveau
Testament est Jésus lui-même. Il a été envoyé par le Père dans
le monde, et a déclaré : « Car je n’ai point parlé de moi-même ;
mais le Père, qui m’a envoyé, m’a prescrit lui-même ce que je
dois dire et annoncer » (Jn 12.49). Il a également dit : « Tout
pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre » (Mt 28.18b).
Dans ce sens, le deuxième apôtre du Nouveau Testament
n’est pas l’un des disciples (bien que certains d’entre eux aient
également été des apôtres), mais plutôt le Saint-Esprit. Jésus a
annoncé : « Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre
consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous. L’Esprit
de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit

49
Qu’est-ce que l’Église ?

point et ne le connaît point : mais vous, vous le connaissez, car


il demeure avec vous, et il sera en vous » (Jn 14.16,17).
Dans les premiers siècles de son expansion, la plus grande
menace pour le christianisme provenait d’une hérésie appelée
le gnosticisme. Les gnostiques (du grec gnōsis) étaient des per-
sonnes qui prétendaient être les gnōstikoi (« ceux qui savent »)
s’efforçaient de supplanter l’autorité des apôtres bibliques. Ils
affirmaient que leur connaissance était supérieure à celle procla-
mée par les apôtres de Jésus. Ils ont d’ailleurs écrit une grande
quantité de textes pour faire valoir leur prétendue supériorité.
L’un des héros de la foi chrétienne à cette époque était un
théologien nommé Irénée de Lyon. C’était un apologiste du
christianisme. L’une de ses œuvres les plus importantes est inti-
tulée Contre les hérésies. L’hérésie principale contre laquelle il
luttait était le gnosticisme. Dans sa réfutation des gnostiques,
Irénée a développé un raisonnement non sans importance pour
nous aujourd’hui. Ce raisonnement s’appuyait sur la significa-
tion fondamentale du terme « apôtre ». Souvenons-nous que
le mot apostolos signifie littéralement « celui qui est envoyé »
ou « celui qui reçoit l’autorité dûment établie pour représenter
celui qui l’envoie ». Irénée disait que les gnostiques rejetaient,
non seulement l’autorité des apôtres, mais que, par une logique
incontestable, ils rejetaient également celle de Christ et de Dieu.
Comment en était-il arrivé à cette conclusion ? À la suite
du raisonnement suivant : en rejetant les apôtres, envoyés par
Christ et mandatés par son autorité, les gnostiques rejetaient
aussi l’autorité de celui qui avait mandaté les apôtres. Et s’ils

50
L’Église est fondée sur les apôtres

rejetaient celui qui avait envoyé les apôtres bibliques, à savoir


Christ lui-même, alors ils rejetaient également l’autorité de celui
qui avait chargé Christ de venir dans le monde, à savoir Dieu
le Père. Enfin, Irénée a affirmé que les gnostiques étaient des
impies et que leur attaque contre les apôtres revenait à attaquer
Dieu lui-même, car il existe une chaîne de commandement qui
va du Père au Fils et qui s’étend aux apôtres.
Le concept de tradition apostolique est d’une importance
capitale dans la Bible. Cette tradition n’est pas un contenu oral
non écrit, comme l’affirment les traditions chrétiennes non pro-
testantes, mais plutôt le Nouveau Testament lui-même. C’est la
tradition apostolique, que l’Église n’a pas inventée mais reçue.
Elle l’a reçue des apôtres, qui eux-mêmes l’ont reçue de Christ et
de son Saint-Esprit, lesquels l’ont reçue de Dieu. C’est pourquoi
le rejet de l’enseignement des apôtres revient tout simplement
à rejeter l’autorité de Dieu lui-même.

51
Chapitre 8

Des serviteurs du
Seigneur

L e mot grec kurios  est important dans le Nouveau


Testament. Il signifie « Seigneur » et fait référence au nom
d’alliance de Dieu dans l’Ancien Testament – Yahweh – et au
titre hébreu adonaï. Lorsque le psalmiste dit : « Éternel, notre
Seigneur ! Que ton nom est magnifique sur toute la terre ! »
(Ps 8.2), il veut dire : « Ô Yahweh, notre Adonaï ! Que ton
nom est excellent sur toute la terre ! » Lors de la traduction en
grecque de l’Ancien Testament, le terme adonaï, qui signifie
« le Souverain », a été traduit par kurios.
Kurios est utilisé de trois manières différentes dans le
Nouveau Testament. Dans sa forme simple, kurios est la for-
mule de politesse qui correspond un peu à notre « Monsieur »,

53
Qu’est-ce que l’Église ?

mais l’usage le plus élevé et le plus exalté du terme kurios est


ce que nous appelons l’usage impérial, c’est-à-dire le titre qui
attribue une souveraineté absolue à celui qui est kurios. Paul
utilise cette formule dans Philippiens 2.10,11 lorsqu’il écrit
« [que] tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la
terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est [kurios] »
(c.-à-d. « Seigneur »).
Aussi important que soit ce titre pour désigner Christ dans
le Nouveau Testament, j’aimerais que l’on examine en quoi il
est lié à notre compréhension de l’Église. Une autre signification
du mot kurios fait référence aux hommes qui, dans la culture
grecque antique, étaient suffisamment riches pour avoir leurs
propres esclaves. Le propriétaire d’esclaves était appelé un kurios
et les esclaves d’un kurios étaient achetés par ce dernier.
Dans le Nouveau Testament, cette illustration est fréquem-
ment utilisée pour désigner la relation entre les croyants –
individuellement et collectivement – et Christ. Paul, par
exemple, se qualifie lui-même « d’esclave » (doulos). Il utilise
cette métaphore car elle se rattache au concept d’achat. Il
l’applique, non seulement à lui-même, mais aussi à tout le
peuple de Dieu lorsqu’il dit : « [Vous] ne vous appartenez
point à vous-mêmes […] Glorifiez donc Dieu dans votre corps
[…] » (1 Co 6.19b,20a.) Nous sommes la propriété de Dieu
parce qu’il nous a rachetés.
Le Nouveau Testament évoque fréquemment les chrétiens
comme étant des personnes qui sont en Jésus-Christ. À travers
l’évangélisation, les personnes ne sont pas simplement appelées

54
Des ser viteurs du Seigneur

à croire Jésus, mais à croire en lui. Le terme grec employé ici


est eis, qui signifie « dans ». Eis et sa signification peuvent être
illustrés ainsi : si je me trouve en dehors d’une ville, je dois
d’abord y entrer en passant par ses portes avant de pouvoir
être à l’intérieur de celle-ci. C’est l’idée que nous retrouvons
dans le Nouveau Testament lorsque nous sommes appelés à
croire en Christ. Et lorsque nous avons une foi authentique,
nous sommes en Jésus-Christ, et il est en nous. C’est l’union
mystique du croyant et de Christ.
Or, si je suis en union mystique avec Christ et que vous
êtes également en union mystique avec Christ, cela signifie que
nous avons une communion particulière, une « co-union » en
Christ. Et cela entraîne toutes sortes de ramifications dans le
Nouveau Testament. Par exemple, Paul nous dit que l’esprit
par lequel nous sommes liés les uns aux autres dans l’Église
est l’esprit de charité qui couvre une multitude de péchés. En
outre, nous sommes appelés à respecter la liberté chrétienne des
uns et des autres dans le Seigneur. Nous devons nous abstenir
de juger notre prochain. Nous devons toujours nous rappeler
que nous sommes en relation avec des personnes qui ont été
rachetées par Christ.
Si nous voulons adopter ce genre d’attitude envers le peuple
de Dieu et envers l’Église en tant qu’institution, nous devons
porter notre regard au-delà des individus qui nous tourmen-
tent et qui sont des épines dans notre pied et nous focaliser sur
celui à qui l’Église appartient. Si je suis membre d’un groupe
de serviteurs et que j’ai un conflit avec eux, ce conflit ne doit

55
Qu’est-ce que l’Église ?

jamais m’amener à critiquer le propriétaire des serviteurs. Nous


sommes tous des serviteurs d’un seul et même Seigneur.
Le commandement le plus dur et le plus radical de Jésus est
celui d’aimer nos ennemis. Je n’arrive pas à imaginer quelque
chose qui soit davantage contre nature. Si une personne est
votre ennemi, la dernière chose que vous souhaiterez pour cette
personne, c’est favoriser son bien-être et lui faire du bien. Et
pourtant, notre Seigneur a déclaré que c’était notre devoir.
Nous devons faire du bien à ceux qui nous maltraitent et qui
nous persécutent. Nous avons besoin d’entendre cela encore
et encore, car prier pour le bien-être de ceux qui ressentent de
l’animosité à notre égard est contraire à notre nature humaine.
Pourtant, nous avons l’exemple suprême de Jésus, qui a donné
sa vie pour ceux-là mêmes qui l’ont méprisé jusqu’à la mort.
Je ne pense pas que nous puissions naturellement aimer nos
ennemis. C’est seulement par grâce que nous pouvons espérer
y arriver, en portant notre regard au-delà de notre ennemi, et
en nous focalisant sur Christ. Nous devons aimer nos ennemis
pour l’amour de Christ.
Bien que les autres chrétiens ne puissent pas être fondamen-
talement nos ennemis, nous pouvons tout de même appliquer
l’enseignement de Jésus à la vie de l’Église. Si nous devons aimer
nos ennemis, à combien plus forte raison devons-nous aimer
tous les membres du corps de Christ ?

56
Chapitre 9

Les caractéristiques
d’une véritable Église

Q uand peut-on dire qu’une Église n’en est pas une ? Je reçois
fréquemment des lettres de personnes qui s’épanchent
et me disent : « Je suis très malheureux dans l’Église que je
fréquente. Je ne suis pas satisfait de ce qui est prêché ou des
activités qui sont organisées au sein de l’église. » C’est un sujet
très sérieux. Il s’agissait d’une question majeure au XVIe siècle,
à l’époque de la Réforme, lorsque la plus grande fragmentation
jamais vécue au sein de l’Église visible a eu lieu. Après la sépa-
ration des réformateurs protestants d’avec Rome, toutes sortes
de groupes divergents sont apparus. Ils avaient différents credo,
différentes confessions, différentes formes de gouvernement et
différentes liturgies. Tous ces groupes prétendaient être des

57
Qu’est-ce que l’Église ?

Églises chrétiennes, et beaucoup d’entre eux se targuaient d’être


la seule véritable, à tel point que les gens de cette époque se
disaient : « Comment pouvons-nous savoir ? Quelles sont les
caractéristiques d’une Église authentique ? »
Les réformateurs ont lutté avec cette question, car Rome
ne reconnaissait pas les Églises protestantes comme des Églises
authentiques. À cette époque, Rome affirmait que l’Église se
définissait de la manière suivante : l’Église se trouve là où il
y a un évêque, car sans autorisation de la part d’un évêque
romain, nulle communauté créée n’est une Église valide. Les
réformateurs protestants ont adopté une vision différente de
la question. Ils ont cherché à déterminer et à répertorier les
signes d’une véritable Église, et ce faisant, ils ont retenu trois
caractéristiques distinctives. Premièrement, une véritable Église
prêche fidèlement l’Évangile. Deuxièmement, une véritable
Église administre les sacrements correctement. Troisièmement,
une véritable Église pratique une discipline authentique de ses
membres. Le gouvernement ecclésiastique est alors un corollaire
du troisième point, qui existe pour l’éducation et la discipline
du peuple. De tous les éléments qui composent une Église, ce
sont les trois éléments non négociables que les réformateurs ont
identifiés comme étant les caractéristiques essentielles d’une
véritable Église. Examinons ces caractéristiques plus en détail :
1) Un endroit où l’Évangile est proclamé fidèlement. Les réfor-
mateurs n’entendaient pas par-là la simple annonce de la bonne
nouvelle de la mort et de l’expiation de Jésus, mais plutôt la
proclamation fidèle des vérités essentielles du christianisme.

58
Les carac téristiques d’une véritable Église

Si une Église niait un aspect essentiel de la foi chrétienne,


cette institution n’était plus considérée comme une Église. Le
protestantisme historique n’aurait par exemple pas reconnu les
mormons comme une Église chrétienne authentique, car ces
derniers nient la déité éternelle de Christ.
2) Un endroit où les sacrements sont administrés. Selon les
réformateurs, s’il n’y a pas de sacrements – la sainte cène et
le baptême –, il ne s’agit pas d’une Église. Cela prend toute
son importance aujourd’hui, car nous avons des groupes
para-ecclésiastiques qui sont engagés quotidiennement dans
divers champs d’action et ministères chrétiens. Leur vocation est
de travailler aux côtés des Églises. Le ministère que j’ai fondé,
le ministère Ligonier, peut également être qualifié de ministère
para-ecclésiastique. Il s’agit d’une institution éducative, et non
d’une Église. Le ministère Ligonier n’administre pas les sacre-
ments. Il n’y a pas non plus de système d’appartenance comme
dans une Église, qui soumettrait les membres du ministère
Ligonier à une certaine discipline. Ce n’est pas sa fonction.
Certes, l’organisme est appelé à aider l’Église sur le plan de
l’éducation, mais son champ d’action dans ce domaine est très
restreint et nous ne prétendons pas être une Église. En ce sens,
le ministère Ligonier n’est constitué d’aucun membre. Nous ne
baptisons personne et nous n’avons pas de système d’adhésion à
l’Église de Ligonier, car nous n’en sommes pas une. Le service
des sacrements est une tâche qui incombe à l’Église.
3) Un endroit où la discipline d’Église est appliquée. Nous
avons vu, tout au long de l’histoire de l’Église, que la discipline

59
Qu’est-ce que l’Église ?

a connu quelques variations. Dans le passé, la discipline d’Église


a parfois été exercée de manière sévère. Au XVIe siècle, ont eu
lieu de violentes persécutions, non seulement de l’Église catho-
lique romaine envers les protestants, mais aussi des protestants
envers les catholiques. Nous savons que certains ont été soumis
à la torture et à toutes sortes de punitions comme moyen de
discipline d’Église. À notre époque, au XXIe siècle, cela nous
paraît cruel, inhabituel et barbare. C’est le cas, mais je voudrais
tout de même éclaircir un point : les responsables de l’Église du
XVIe siècle croyaient vraiment à l’enfer. Ils croyaient qu’il n’y
avait pas de pire sort pour un être humain que d’être jeté en
enfer. L’Église croyait sincèrement qu’il était justifié d’utiliser
presque tous les moyens nécessaires pour réprimander et dis-
cipliner ses membres afin de les préserver de l’enfer. S’il fallait
une salle de torture, un chevalet, voire la menace d’être brûlé
sur le bûcher pour sauver une personne des mâchoires de l’en-
fer, la torture était considérée comme légitime. Je ne défends
pas ces pratiques, mais j’essaie simplement de mettre en relief
l’état d’esprit des gens du XVIe siècle, qui prenaient l’enfer très
au sérieux. Aujourd’hui, notre attitude semble indiquer que
nous n’avons pas du tout besoin de discipliner les gens parce
que cela n’a pas d’importance. Cela s’explique peut-être par le
fait que beaucoup de personnes ne croient pas en la menace
du jugement divin.
Dans l’histoire de l’Église, le pendule a toujours eu ten-
dance à se balancer d’un extrême à l’autre lorsqu’il était ques-
tion de discipline. Par moments, l’Église exerce des formes de

60
Les carac téristiques d’une véritable Église

discipline dures et sévères ; à d’autres moments, elle est marquée


par une extraordinaire forme de latitudinarisme. Dans de tels
cas, aucune discipline n’est imposée au peuple. Il y a quelques
années, l’une des principales dénominations américaines a pro-
voqué une controverse au sein de l’Église lorsqu’un groupe de
pasteurs et d’universitaires a rédigé un document dans lequel
ils redéfinissaient complètement l’éthique sexuelle chrétienne
d’un homme et d’une femme pour la vie conjugale. Ce rapport
a été présenté comme une législation pour l’Église, entraînant
un grand désaccord avec ceux qui étaient plus orthodoxes.
Une épreuve de force a eu lieu lors de la réunion annuelle de
cette dénomination, et au moment du vote, la proposition a
été rejetée.
Mais ce qui s’est passé ensuite est peut-être encore plus
étrange. Bien que l’Église n’ait pas adopté cette position par-
ticulière concernant le comportement sexuel, elle n’a pas pour
autant censuré ou discipliné ceux qui défendaient cette posi-
tion. L’Église a en quelque sorte répondu : « Ce n’est pas notre
position officielle, mais si vous voulez être pasteur au sein de
notre dénomination et soutenir ou enseigner ces choses, nous ne
nous y opposerons pas. » Il y a clairement eu un échec au niveau
de la discipline sur ce sujet-là, ce qui se produit régulièrement
dans l’Église moderne.
Cela soulève également une question. Si une Église échoue
de manière significative dans la discipline de ses membres
concernant les péchés graves, abjects et flagrants, cette insti-
tution est-elle toujours une Église ? À partir de quel moment

61
Qu’est-ce que l’Église ?

peut-on affirmer que l’Église est devenue apostate ? La réponse à


cette question n’est pas évidente, car dans l’histoire de l’Église,
il était très rare qu’une institution admette ne pas croire à l’ex-
piation, à la divinité de Christ, ou à d’autres vérités essentielles.
Les choses ne sont pas toujours claires. L’Église manie souvent
à la légère les vérités essentielles de la foi chrétienne.
Nous faisons une distinction entre l’apostasie de facto et
l’apostasie de jure, entre l’apostasie matérielle et l’apostasie for-
melle. On parle d’apostasie formelle (de jure) lorsque l’Église
nie clairement et sans équivoque une vérité essentielle de la
foi chrétienne. L’apostasie de facto est l’apostasie à un niveau
matériel ou pratique, lorsque les credo restent intacts mais que
l’Église ne croit plus en ceux-ci. Elle sape les croyances même
auxquelles elle affirme croire.
Cela nous amène à une application pratique. Quand doit-on
quitter une Église et en fréquenter une autre ? Tout d’abord, je
dirais que ce n’est pas une décision que l’on doit prendre à la
légère ; c’est une question très sérieuse. Pour devenir membre
d’une Église, il est très fréquent de devoir prononcer un vœu
solennel devant Dieu. Se retirer d’un groupe devant lequel un
vœu sacré a été prononcé nécessite de sérieux arguments et doit
être justifié par des raisons valables.
Aujourd’hui, les gens passent d’une Église à une autre sans
vraiment se poser de question. Lorsque nous quittons une Église
pour des raisons absurdes, comme la couleur de la peinture ou
une remarque offensante, cela prouve que nous ne voyons pas
la nature sacrée de l’Église elle-même.

62
Les carac téristiques d’une véritable Église

Nous ne devons pas quitter une assemblée sans raison


valable. Nous devons honorer notre engagement envers notre
Église, au mieux de nos capacités, aussi longtemps que possible,
à moins que celle-ci ne soit plus en mesure de nous nourrir dans
notre foi chrétienne. Lorsque l’Église est apostate, le chrétien
doit la quitter. Vous aurez peut-être le sentiment de devoir
rester dans l’Église pour essayer de travailler à son changement
et à son rétablissement, mais si l’Église est apostate, vous ne
devez pas y rester. Souvenez-vous de l’épreuve de force qui a
eu lieu entre les prophètes de Baal et Élie sur le mont Carmel.
Après que Dieu a montré son pouvoir sur Baal, peut-on encore
imaginer quelqu’un dire : « Eh bien, je comprends maintenant
que Yahweh est Dieu, mais je vais rester ici dans la maison de
Baal en tant que sel et lumière et essayer de la réformer » ?
Nous ne sommes pas autorisés à faire cela. Si l’institution
dans laquelle nous sommes commet l’apostasie, il est de notre
devoir de la quitter.
Quoi qu’il en soit, nous devons toujours examiner attenti-
vement les caractéristiques de l’Église. L’Évangile est-il prêché ?
Les sacrements sont-ils dûment administrés ? Existe-t-il un
système biblique de direction d’Église et de discipline ? Si ces
trois éléments sont présents, vous ne devez pas partir. Vous
devez vous efforcer d’être un membre édifiant de cette section
du corps de Christ.
Dans ces quelques chapitres, nous avons entrevu la nature
et la dimension de l’épouse de Dieu, l’Église de Jésus-Christ.
Ce n’est que lorsque nous comprendrons notre véritable but

63
Qu’est-ce que l’Église ?

que l’Église brillera dans toute sa beauté. Unis dans la vérité et


fidèles à la foi apostolique, nous déclarerons et démontrerons à
un monde qui nous regarde que notre Dieu trinitaire est digne
d’être adoré et servi. En tant que personnes appelées par le Père,
c’est notre plus grande joie. C’est cela l’Église : un peuple qui
appartient à Dieu et qui vit en communauté pour le glorifier.

64
À propos de l’auteur

R. C. Sproul fut le fondateur du ministère Ligonier, le pasteur


fondateur de la Saint Andrew’s Chapel à Sanford, en Floride,
le premier président du Reformation Bible College, et le rédac-
teur en chef du magazine Tabletalk. Son émission de radio,
Renewing Your Mind, est toujours diffusée quotidiennement
sur des centaines de radios à travers le monde et peut également
être écoutée en ligne. Il fut l’auteur de plus d’une centaine
de livres, dont La sainteté de Dieu et Choisis par Dieu. Il est
reconnu dans le monde entier pour avoir brillamment défendu
l’inerrance des Écritures et la nécessité pour les croyants de
s’attacher fermement à la Parole de Dieu.

65
Ligonier Ministries est une organisation internationale de
formation de disciples chrétiens fondée par le Dr R. C. Sproul
en 1971. Sa mission est de proclamer, d’enseigner et de
défendre la sainteté de Dieu dans toute sa plénitude auprès
du plus grand nombre de personnes possible. L’emblème de
la Bibliothèque Ligonier est devenu une marque de confiance
dans le monde entier et dans de nombreuses langues.

Motivé par le Grand Mandat, le ministère Ligonier partage


des ressources pour contribuer à la formation de disciples
dans le monde entier, que ce soit en format imprimé ou numé-
rique. Des livres, des articles et des séries d’enseignements
vidéo dignes de confiance sont traduits ou doublés dans
plus de quarante langues. Nous désirons soutenir l’Église de
Jésus-Christ en aidant les chrétiens à connaître davantage
leur foi, à mieux la comprendre, la vivre et la communiquer.

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Éditions La Rochelle est une maison d’édition qui vise la
conversion des non-croyants, tout en cherchant à équiper
les saints pour servir le Christ et son Église. Elle traduit et
édite des ouvrages qui sont en accord avec les Écritures et les
confessions réformées historiques, notamment la Confession
de La Rochelle. À l’image des pionniers qui traversèrent
l’océan pour apporter les vérités de la réforme protestante
en Nouvelle-France, les Éditions La Rochelle veulent, à leur
tour, contribuer à faire rayonner ces vérités dans toute la
francophonie par la publication d’excellents ouvrages.

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publie et diffuse des livres pour aider l’Église dans sa mission parmi
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